PERSPECTIVES internationales · de sécurité s’est dit « conscient que le lien entre...

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Qu’il s’agisse de la défense des droits humains ou du travail, de la réduction de la pauvreté ou du développement économique, de la gouvernance publique ou d’entreprise, ou encore de la sécurité internationale, le temps est venu de passer à l’action et de repenser les cadres de la coopération internationale. Les défis sont énormes et la volonté politique de changer les choses est loin d’être toujours au rendez-vous. Les retards pris dans la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement ou les blocages évidents des négociations commerciales multilatérales, en principe orientées vers le développement, montrent à quel point l’écart entre le discours et l’action concrète est grand. Il ne s’agit pas, bien entendu, de baisser les bras, mais au contraire de continuer à travailler pour faire bouger la diplomatie internationale et nos gouvernements, sans oublier les entreprises dont la responsabilité doit aussi être questionnée lorsqu’il est question de droits aussi fondamentaux que les droits humains, sociaux, des femmes ou de l’environ- nement. De plus en plus de voix se font entendre pour en appeler à un changement radi- cal d’approche en matière de gouvernance, sans pour autant mésestimer les nom- breuses initiatives prises pour replacer la promotion et la défense de ces droits au pre- mier rang des priorités. C’est à ce niveau que nous voulons placer notre action et orienter nos recherches. Au CEIM, nous avons fait du thème « mondialisation, équité et sécurité » notre thème prin- cipal de recherche pour les deux prochaines années. De manière plus générale, notre ambition est de contribuer au grand débat sur la gouvernance internationale et d’apporter un éclairage original, que ce soit par nos activités scientifiques ou par notre implication citoyenne dans la sphère publique sur les problèmes que soulèvent à l’heure actuelle tant la mondialisation que les nouvelles menaces à la sécurité collective. Les deux colloques que le CEIM parraine ce printemps participent de cette ambition. Le premier, organisé par le Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique (GRAMA), a pour thème « Gouvernance et secteur minier : le défi congolais ». Comme le rappellent Myriam Laforce, Patrick Martineau et Suzie Bélanger, et Arnaud Meffre dans leurs textes respectifs, la gouvernance des activités minières (le constat pourrait s’appliquer à la gouvernance d’entreprise en général) doit être une responsabilité partagée et les voix du peuple congolais doivent enfin pouvoir se faire entendre. Le deuxième colloque, organisé par le Centre d’études sur le droit international et la mondialisation (CEDIM) porte sur le rôle de l’enseignement clinique dans la défense des droits humains. Ce projet dont l’objectif est ambitieux, comme le rappelle Kahina Ouerdane, est né d’un rêve : celui d’aider, de former et d’épauler ceux qui doivent lutter, le plus souvent au péril de leur vie, pour la justice et la défense des droits fonda- mentaux. Ce sujet est également au coeur de la présentation de Bernard Duhaime, l’un des grands artisans, avec Carol Hilling, de ce projet on ne peut plus prometteur. Permettez-moi également de souligner le travail remarquable accompli depuis de nombreuses années dans les domaines du développement international et de la gouvernance d’entreprise par notre collègue Bonnie Campbell, directrice du GRAMA. Ce travail s’est vu fort justement récompensé par l’octroi de la chaire C.-A.-Poissant de recherche sur la gouvernance et l’aide au développe ment. Toutes nos félicitations à notre collègue Christian Deblock, directeur PERSPECTIVES internationales CENTRE ÉTUDES INTERNATIONALES ET MONDIALISATION La gouvernance internationale : une responsabilité partagée INSTITUT D’ETUDES INTERNATIONALES DE MONTREAL Dans ce numéro 3 Défendre les droits de la personne à l’université/ 5 La gouvernance des activités minières en Afrique : une responsabilité partagé 8 RDC, transition politique et justice à la croisée des chemins 12 La clinique internationale de défense des droits humains de l’UQAM 1 La gouvernance internationale : une responsabilité partagée 2 Gouvernance et secteur minier

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  • Qu’il s’agisse de la défense des droits humains ou du travail, de la réduction de la pauvretéou du développement économique, de la gouvernance publique ou d’entreprise, ou encorede la sécurité internationale, le temps est venu de passer à l’action et de repenser lescadres de la coopération internationale. Les défis sont énormes et la volonté politique dechanger les choses est loin d’être toujours au rendez-vous. Les retards pris dans laréalisation des Objectifs du millénaire pour le développement ou les blocages évidents desnégociations commerciales multilatérales, en principe orientées vers le développement,montrent à quel point l’écart entre le discours et l’action concrète est grand. Il ne s’agit pas,bien entendu, de baisser les bras, mais au contraire de continuer à travaillerpour faire bouger la diplomatie internationale et nos gouvernements, sans oublier lesentreprises dont la responsabilité doit aussi être questionnée lorsqu’il est question dedroits aussi fondamentaux que les droits humains, sociaux, des femmes ou de l’environ-nement. De plus en plus de voix se font entendre pour en appeler à un changement radi-cal d’approche en matière de gouvernance, sans pour autant mésestimer les nom-breuses initiatives prises pour replacer la promotion et la défense de ces droits au pre-mier rang des priorités. C’est à ce niveau que nous voulons placer notre action et orienternos recherches.

    Au CEIM, nous avons fait du thème « mondialisation, équité et sécurité »notre thème prin-cipal de recherche pour les deux prochaines années. De manière plus générale, notre ambition est de contribuer au grand débat sur lagouvernance internationale et d’apporter un éclairage original, que ce soit par nos activités scientifiques ou par notre implicationcitoyenne dans la sphère publique sur les problèmes que soulèvent à l’heure actuelle tant la mondialisation que les nouvelles menacesà la sécurité collective. Les deux colloques que le CEIM parraine ce printemps participent de cette ambition. Le premier, organisé par leGroupe de recherche sur les activités minières en Afrique (GRAMA), a pour thème « Gouvernance et secteur minier : ledéfi congolais ». Comme le rappellent Myriam Laforce, Patrick Martineau et Suzie Bélanger, et Arnaud Meffre dans leurstextes respectifs, la gouvernance des activités minières (le constat pourrait s’appliquer à la gouvernance d’entreprise en général) doitêtre une responsabilité partagée et les voix du peuple congolais doivent enfin pouvoir se faire entendre. Le deuxième colloque, organisépar le Centre d’études sur le droit international et la mondialisation (CEDIM) porte sur le rôle de l’enseignement clinique dans la défensedes droits humains. Ce projet dont l’objectif est ambitieux, comme le rappelle Kahina Ouerdane, est né d’un rêve : celuid’aider, de former et d’épauler ceux qui doivent lutter, le plus souvent au péril de leur vie, pour la justice et la défense des droits fonda-mentaux. Ce sujet est également au cœur de la présentation de Bernard Duhaime, l’un des grands artisans, avec Carol Hilling, de ceprojet on ne peut plus prometteur.

    Permettez-moi également de souligner le travail remarquable accompli depuis de nombreuses années dans les domaines dudéveloppement international et de la gouvernance d’entreprise par notre collègue Bonnie Campbell, directrice du GRAMA. Ce travails’est vu fort justement récompensé par l’octroi de la chaire C.-A.-Poissant de recherche sur la gouvernance et l’aide au développement. Toutes nos félicitations à notre collègue

    Christian Deblock, directeur

    PERSPECTIVESinternationalesCENTRE ÉTUDES INTERNATIONALES ET MONDIALISATION

    La gouvernance internationale : une responsabilité partagée

    INSTITUT D’ETUDES INTERNATIONALES DE MONTREAL

    Dans ce numéro 3 Défendre les droits de la personne à l’université/5 La gouvernance des activités minières en Afrique :

    une responsabilité partagé

    8 RDC, transition politique et justice à la croisée des chemins

    12 La clinique internationale de défense des droits humains de l’UQAM

    1 La gouvernance internationale :une responsabilité partagée

    2 Gouvernance et secteur minier

  • Il est reconnu que la République démocra-tique du Congo (RDC) constitue une terreminière exceptionnelle, convoitée depuisdes décennies par des entreprises, desÉtats et de nombreux réseaux d’intérêts.Cette situation lui a d’ailleurs valu, dans lesdiscours populaires, le surnom de «scan-dale géologique». En outre, cet immensepays de plus de 60 millions d’habitantss’est, rappelons-le, révélé être le théâtred’un des plus importants conflits contem-porains. Selon une étude publiée en janvier2006 dans la célèbre revue médicale bri-tannique The Lancet, le nombre de mortsreliés aux conflits ou à leurs conséquen-ces, entre 1998 et 2004, est estimé à qua-tre millions d’individus, essentiellementdes civils, soit l’équivalent de 1200 person-nes chaque jour. Plus de 3,4 millions depersonnes ont été déplacées, dont 411000dans les pays voisins, et 17 millions d’indi-vidus souffrent de carences alimentaires. Àcela il faut ajouter les pandémies, les actesde violences physiques et psychologiques,les viols, les exécutions sommaires, etc. Ilest donc peu surprenant de constater quel’organisation des élections du 18 juin pro-chain, en RDC, a pour effet de mettre lemonde politique congolais et les différentsagents internationaux qui se sont impli-qués dans ce processus, sous les feux dela rampe. Cependant, le défi est colossal,et «l’enjeu minier» constitue à n’en pointdouter un élément déterminant pour cepays.

    D’abord, entre octobre 2000 et octobre2003, les différents rapports du Grouped’experts sur l’exploitation illégale des res-sources naturelles et autres richesses enRDC, mandaté par le Conseil de sécurité,ont révélé que la gouvernance des res-sources minières congolaises, c’est-à-direl’ensemble des mécanismes de gestion etde régulation qui caractérisent son écono-mie et son système politique, était un élé-ment crucial pour la sécurité, la prospéritéet le développement de cette régiond’Afrique. Ensuite, le 29 juillet 2005, par larésolution 1616, le Conseil de sécurité

    rétablissait le Groupe d’experts sur laRDC, mais cette fois pour qu’il procède àune investigation quant aux violations del’embargo sur les armes à destination de laRDC, en lui spécifiant d’enquêter «sur lessources de financement du commerce illi-cite des armes, comme celles qui provien-nent des ressources naturelles». En jan-vier dernier, le Groupe d’experts remettaitson rapport et notait que «dans la nouvellephase de la course aux richesses du pays,on est passé de la stratégie de la violenceà celle de la stratégie de la clandestinité.Les potentats locaux, les chefs de guerre,les milices et les groupes criminels s’em-parent de l’ossature économique du paysen se substituant aux structures classiquesdu gouvernement […] Tant que l’on neréussira pas à garantir la sécurité desminéraux précieux de la République démo-cratique du Congo, ils alimenteront la vio-lence de toute sorte de groupes armés, dechefs de guerre et d’organisations crimi-nelles ». Parallèlement, dans sa résolution1649 du 21 décembre dernier, le Conseilde sécurité s’est dit « conscient que le lienentre l’exploitation illégale des ressourcesnaturelles, le commerce illicite de ces res-sources et la prolifération et les trafics d’ar-mes est l’un des facteurs qui alimentent etexacerbent les conflits dans la région del’Afrique des Grands Lacs, et en particulieren République démocratique du Congo».Ainsi, les observations récentes confirmentque les activités minières sont toujoursreliées aux enjeux humanitaires et desécurité, et que la population congolaiseprofite très peu de ces ressources alorsque celles-ci se frayent un chemin fortaisément dans les circuits économiquesmondiaux. À la veille des premières élec-tions démocratiques qui doivent avoir lieuen RDC, l’heure est aux propositions.Toutefois, la situation humanitaire et sécu-ritaire n’est pas la même dans tout le pays,de même que les défis posés par la gou-vernance du secteur minier.

    D’abord, dans la partie orientale du pays,la situation humanitaire et la sécurité res-

    tent fragiles, et plusieurs communautéssouffrent, encore aujourd’hui, en raisondes batailles politiques et économiquesque se livrent de nombreux réseaux de larégion. Certains d’entre eux commettentdes crimes importants, en violation directedes droits de la personne, et n’hésitent pasà intimider, voire massacrer certains villa-geois, pour mettre la main sur les rentesminières. Le récent rapport du Grouped’experts sur la RDC notait qu’il resteencore de nombreuses zones d’insécuritédans le district de l’Ituri (province orientale)et dans les provinces du Sud et du Nord-Kivu «où la lutte pour le contrôle des res-sources naturelles continue d’alimenter lesactions violentes de belligérants qui exploi-tent illégalement les richesses du pays».Certains de ces réseaux seraient associésà d’importantes personnalités politiques etmilitaires congolaises, rwandaises etougandaises. Dans ce climat d’insécuritésévissent également des groupes incontrô-lés, comme ces Rastas du Sud-Kivu, quise comportent comme des bandits degrand chemin et pratiquent le «kidnappingcontre rançon». Il faut aussi noter que lesfrontières entre les Kivus et le Rwandad’une part, et celles entre le district del’Ituri et l’Ouganda d’autre part, restentporeuses et s’avèrent l’une des clefs ducommerce frauduleux. Les différentsGroupes d’experts des Nations unies ontsouligné régulièrement la faiblesse descontrôles exercés aux frontières. Cettesituation facilite la formation d’allianceslucratives entre les chefs de certains grou-pes armés et des hommes d’affaires peuscrupuleux de part et d’autre de la fron-tière, ainsi que la captation des ressourcesqui permettent aux premiers de financerleur achat d’armes et leur entreprise dedéstabilisation de l’Est de la RDC. Malgréde modestes moyens et un contexte diffi-cile, la société civile de la partie orientaleest reconnue pour son dynamisme et sonimplication politique. Pour les élections,une chaude lutte politique entre le PPRD etle RCD est à prévoir dans les provinces duSud-Kivu, du Nord-Kivu, ainsi qu’au

    Gouvernance et secteur minier : le défi congolaisPar Patrick Martineau et Suzie BoulangerChercheurs au Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique

    Les 30 et 31 mars prochains aura lieu à l’UQAM une conférence internationale sur l’exploitation des ressources minièresde la République démocratique du Congo (RDC), quelques mois seulement avant les premières élections démocratiquesorganisées dans ce pays depuis plus de 40 ans. Le programme est ambitieux, et des invités congolais et internationauxseront présents à Montréal pour discuter des défis que pose la gouvernance et le secteur minier congolais dans lecontexte politique actuel.

    PERSPECTIVES INTERNATIONALES.2 suite en p.4

  • La mondialisation a non seulement provo-qué l’apparition de nouveaux enjeux et denouvelles problématiques, mais égalementcelle de nouvelles normes et de nouveauxacteurs. Dans ce contexte, les organisa-tions non gouvernementales (ONGs) et lasociété civile en général ont été amenéesà occuper une place sans cesses grandis-sante sur la scène internationale, entreautres dans le cadre du développement decertaines normes et du fonctionnement dediverses institutions qui assurent le respectcelles-ci, en particulier dans le domainedes droits humains. C’est dans ce contexteque les cliniques de droit international desdroits de la personne sont apparues ausein des universités, principalement danscertaines facultés de droit américaines etdepuis un peu partout en en Europe, enAmérique latine, en Afrique et en Asie, etmême ici au Québec.

    La nature, la forme et le mandat de ces cli-niques sont multiples et varient d’une uni-versité à l’autre. Il est donc difficile de four-nir une définition exhaustive de ces entitéshybrides. Pourtant elles ont toutes certainstraits communs : ce sont des activités denature académiques qui initient les étu-diants à la pratique de la défense desdroits de la personne. La plupart de ces cli-niques offrent une formation à la fois théo-rique et pratique, axée tant sur les enjeuxet les problématiques fondamentales de ladéfense des droits humains, que sur lestechniques et les habiletés requises par cetype de travail engagé. Certaines dispen-sent cet enseignement lors de séminairesde discussions, d’autres offrent une forma-tion plus pratique par l’entremise d’ateliersou de simulations et mises en situation. Deplus, la majorité des cliniques de droitinternational des droits de la personne for-

    ment leurs étudiants en les faisant contri-buer directement à l’instruction de vérita-bles dossiers, dans le cadre desquelsceux-là sont appelés à mettre de l’avanttoutes sortes d’interventions visant ladéfense de victimes de violations diverses.Ces actions varient, allant de campagnesde sensibilisation du public, au lobby desautorités ou même à l’initiation de procédu-res contentieuses devant des instancesjudiciaires ou quasi-judiciaires nationalesou internationales2.

    Cette approche se veut particulièrementadaptée aux besoins d’une nouvelle réalitéinternationale mondialisée. En effet, celle-ci exige que le juriste, le militant, l’intellec-tuel, développe désormais de nouvellesstratégies et fasse appel à diverses métho-des -certaines juridiques, d’autres non-pour atteindre ses objectifs. Les cliniquesont donc su former une nouvelle généra-tion de juristes adaptés aux enjeux de lamondialisation, aux moyens requis pour yopérer et aux responsabilités qui en résul-tent3.

    Dans le cadre de leurs activités diversi-fiées, ces cliniques ont permis aux étu-diants de se confronter à certains aspectsparticuliers au droit international mondia-lisé. Par exemple des cliniques ont dûaborder des questions liées à l’apparitionsde nouveaux acteurs du droit international,telles que les entreprises transnationales;certaines activités cliniques ont aussiamené les étudiants à se pencher sur l’ap-plicabilité de certaines normes de droitinternational dans les zones grise de cedroit, dans le cadre de conflits armés noninternationaux ou de troubles internes parexemples; finalement elles ont poussé lesétudiants à résoudre des problèmes juridi-ques dans des contextes nouveaux (en cequi a trait à la liberté d’expression dans lecontexte de la révolution des technologiesde l’information par exemple, ou enmatière de respect des droits fondamen-taux dans le cadre de la lutte contre le ter-rorisme international).

    Par ailleurs, ces cliniques ont été appeléesà interagir avec divers partenaires – ONGsinternationales, régionales ou locales- nonseulement dans le cadre de l’obtentiond’information, mais surtout dans le cadrede leurs activités courantes. Ces cliniques

    ont ainsi pris part à des initiatives globali-sées de toutes sortes, qu’il s’agisse decampagnes internationales de sensibilisa-tion du public, d’activités de lobby exercéesà l’égard d’instances politiques nationales,régionales ou internationales, ou mêmedans le cadre d’affaires contentieusesinternationales ou transnationales, des for-mes de recours collectifs internationauximpliquant une foule de clients, de parte-naires, d’adversaires et d’intervenants auxintérêts divers. Le travail de ces cliniquesfait donc appel à une forme de travail coo-pératif souvent appelé à dépasser les fron-tières et les réalités immédiates.

    De plus, il est proposé que l’enseignementclinique constitue, en soi, un véhicule privi-légié pour l’enseignement du droit interna-tional public et plus particulièrement dudroit international des droits de la per-sonne, et ce, pour plusieurs raisons.

    Dans un premier temps, ces cliniques per-mettent de démystifier et rendre cesdomaines du droit plus réels et accessibles

    aux étudiantsv. En effet le droit internatio-nal fut pendant longtemps une affaireexclusive d’États, de gouvernements et dediplomates. Alors que ces normes étaienttraditionnellement crées par les États etpour ceux-ci, et ce dans des contextes iso-lés ou fermés (par ex. lors de conférencesinternationales ou au sein d’organisationsinternationales peu accessibles aux étu-diants), les espaces de création de ce droitse sont peu à peu « démocratisés» cesdernières années, permettant à la sociétécivile, aux ONGs et aux cliniques d’accé-der notamment aux processus d’élabora-tion de standards liés aux domaines desdroits humains, du développement, de ladémocratie, etc. Dans ce contexte, les cli-niques ont, en l’occurrence, permis à desétudiants de préparer des positions institu-tionnelles pour des ONGs ou d’autres par-tenaires et parfois même de présenter cel-les-là dans le cadre des négociations oude discussions des normes projetées.

    Notons par ailleurs que le droit internatio-nal public constitue un régime normatifdont l’applicabilité et le respect peuventsembler inaccessibles, diffus, abstraits etparfois impossibles pour de jeunes juristes.

    DÉFENDRE LES DROITS DE LA PERSONNE À L’UNIVERSITÉ ?Par Bernard Duhaime, Professeur au département de sciences juridiques et directeur de la Clinique internationale de défence des droits humain de l’UQAM

    Les 29, 30 et 31 mars prochains, auralieu à l’UQAM un colloque internatio-nal intitulé « l’Enseignement cliniquepour consolider la protection des droitsde la personne », un événement orga-nisé par le Centre d’études sur le droitinternational et la mondialisation(CEDIM) en collaboration avec laClinique international de défense desdroits humains de l’UQAM (CIDDHU)1.Que sont ces cliniques et quelle estleur pertinence?

    PERSPECTIVES INTERNATIONALES.3

    Un véhicule privilégié pour l’enseignement du droit international

    suite en p.11

  • Maniema, alors que dans la provinceorientale le MLC et ses réseaux d’«anciensmobutistes» continuent d’exercer une forteinfluence. Dans cette région, ce sont sur-tout les filières cassitérite, or, colombo-tan-talite (coltan) et diamant qui sont l’objet detoutes les convoitises.

    Au cœur du pays, ce sont les diamants duKasaï oriental qui guident l’économie de larégion. La situation sécuritaire et humani-taire s’est «relativement stabilisée» maiss’avère néanmoins préoccupante.LaMIBA, la plus grande société parapubliquede diamants, est quasiment en faillite, etles résultats d’une évaluation indépen-dante, commandée en février 2006, don-neront un aperçu de son avenir. Les pro-ducteurs artisans, dont le nombre attein-drait les 800 000 dans la région, travaillentdans des conditions extrêmement périlleu-ses, et leur environnement constitue biensouvent un danger pour la santé, la sécu-rité et l’intégrité physique des travailleurs.De plus, l’essentiel des rentes de la filièrediamant leur échappe et profite surtout àune série d’intermédiaires, souvent pro-ches des réseaux politiques et militaires dela région. Par ailleurs, la commercialisationfrauduleuse de diamants laisse la portegrande ouverte au blanchiment d’argent etau crime organisé. Le PPRD et l’UDPSsont les partis politiques les plus suscepti-bles de ravir la faveur populaire de larégion aux prochaines élections.

    Au Katanga, dans le sud du pays, ce sontsurtout les filières cuivre et cobalt qui atti-rent l’attention. À l’heure actuelle, de vas-tes projets de privatisation les concernantsuscitent de vives inquiétudes, et l’appelaux investissements étrangers depuis

    1997 pose des défis nouveaux, notammenten matière de droits de la personne et destravailleurs. À ce propos, notons que leGRAMA s’est récemment associé à l’orga-nisation Droit et Démocratie et à une coali-tion congolaise dans le cadre d’une étudede l’impact des investissements minierssur les droits humains. Les résultats decette étude seront connus en septembreprochain. Ainsi, la réorganisation de la «Généraldes carrières et des mines» (GECAMINES),fleuron public de l’économie du Katangajusqu’en 1992, s’avère l’un des plus impor-tants tests de la qualité de la gouvernancedu secteur minier et, par ricochet, de celledu gouvernement de transition, ainsi quede la crédibilité des institutions financièresinternationales qui se sont investies dansce processus. Un nouveau code minier aété adopté en 2002, mais, pour l’heure, lesuccès de sa mise en application demeurelimité. Plusieurs observateurs se montrentsceptiques face aux mécanismes d’appelsd’offres et d’attributions des contrats etconcessions, ainsi que sur la capacitéactuelle des institutions publiques de fairebénéficier tout le pays de la mise en valeurde ses richesses minières. Ces filièresconstituent l’un des enjeux économiqueset politiques les plus importants de la RDC.Dans cette région, le parti politique de l’ac-tuel président Joseph Kabila, le PPRD,demeure la formation la plus populaire.

    Enfin, soulignons que, loin des principauxpôles miniers, la partie occidentale du paysfait pression sur la capitale politique,Kinshasa, pour rapatrier et redistribuer lesrentes fiscales des activités minières.Cependant, située à l’extrême ouest, lacapitale ne maîtrise pas la totalité du terri-toire congolais et des institutions publi-

    ques. Conséquemment,une large part des rentesminières lui échappe. Aucentre des discussionspolitiques dans la capitale,il est souvent question dela «Commission spécialechargée de l’examen de lavalidité des conventions àcaractère économique etfinancier conclues pendantles guerres de 1996-1997et de 1998», mieux connuesous le nom deCommission Lutundula,d’après le nom de son pré-sident.Cette commissionspéciale de l’Assembléenationale a remis, en juin2005, son rapport aubureau du parlement, quine l’a rendu public qu’enfévrier 2006. Ce rapport a

    révélé que des douzaines de contrats sontsoit illégaux, soit d’une valeur limitée pourle pays. Le rapport recommande leur abro-gation ou leur renégociation. Il recom-mande également une action judiciairecontre un certain nombre d’acteurs politi-ques et commerciaux, dont certainsseraient associés de très près aux réseauxpolitiques qui briguent la présidence.Kinshasa est une zone cosmopolite trèsimportante, et cela se traduit évidemmentpar un espace politique hétérogène. Ainsi,aucun parti politique ne peut considérer lacapitale comme une chasse gardée. Ondoit cependant noter l’arrivée en scène del’Alliance pour le renouveau du Congo(ARC), un parti politique hétéroclite quiregroupe des réseaux dominés par despersonnalités des provinces de Bandunduet du Bas-Congo, et qui saura faire desadeptes dans l’Ouest du pays.

    En somme, le rôle stratégique qu’occupele secteur minier en RDC, et ses liens avecles marchés mondiaux dans lesquels lepays s’insère, posent des défis nouveauxnon seulement en RDC et dans la région,mais aussi pour la communauté des États,les entreprises et les institutions internatio-nales. Dans ce contexte, il est d’autant plusimportant que les voix de la populationcongolaise participent au processus deréflexion plus large concernant la gouver-nance des ressources minières de sonpays. En réunissant autour d’une même tri-bune des représentants d’organisationsinternationales, de gouvernements, dumilieu des affaires, de la recherche et de lasociété civile congolaise, le colloque inter-national «Gouvernance et secteur minier :le défi congolais» permettra de jeter unnouvel éclairage sur ces enjeux cruciauxpour le pays et toute la région. Il offrira éga-lement une occasion intéressante d’ouvrirdes espaces de discussion sur les modesde gouvernance qui ont été introduits oumodifiés en RDC depuis le déclenchementdes hostilités, et sur les initiatives visant àproposer des politiques et des actions àmener pour renforcer les aspects positifset amoindrir les contraintes. Enfin, le collo-que permettra d’explorer diverses proposi-tions qui pourraient être développées,autant en RDC que dans la région, sur unplan multilatéral, à l’occasion de la «Conférence internationale sur la région desGrands Lacs» prévue pour septembre pro-chain, afin de favoriser un arrimageconstructif des activités minières aux stra-tégies de développement, dans le respectdes droits.

    PERSPECTIVES INTERNATIONALES.4

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  • La gouvernance des activités minières en Afrique :une responsabilité partagéePar Myriam Laforce, Chercheure au Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique (GRAMA)

    La responsabilité sociale des investisseursà l’étranger relève-t-elle uniquement desentreprises impliquées? Ouvrant la porte àun débat sur cet enjeu fondamental, leComité permanent des affaires étrangèreset du commerce international du Sénatcanadien publiait, en juin 2005, un rapportaux recommandations audacieuses por-tant sur la responsabilité sociale et envi-ronnementale des entreprises minièrescanadiennes à l’étranger et sur le rôle dugouvernement canadien en la matière.Quelques mois plus tard, le gouvernementoffrait une réponse plutôt tiède aux dixrecommandations formulées par leComité, minimisant son propre engage-ment et mettant l’accent sur les mécanis-mes volontaires de régulation des entrepri-ses minières actives dans les pays endéveloppement, et notamment en zone deconflit. Il s’engageait toutefois à organiserune série de cinq tables rondes à travers lepays pour examiner les problèmes soule-vés dans le rapport, tables rondes supervi-sées par un comité consultatif formé dereprésentants de l’industrie, du domainede la recherche et d’organisations de lasociété civile.

    S’intéressant depuis plus de huit ans à lacontribution des industries extractives audéveloppement des pays d’Afrique richesen ressources minières, le GRAMA a étédirectement interpellé par la publication deces deux documents. D’abord, BonnieCampbell, directrice du groupe de recher-che, a été invitée à siéger à titre d’expertsur le comité consultatif qui suivra lestables rondes régionales au cours desmois qui viennent. Par ailleurs, le groupe aégalement profité des dernières consulta-tions tenues par le Comité permanent desaffaires étrangères pour rappeler l’impor-tance du rôle que le gouvernement cana-dien peut et doit assumer en vue de maxi-miser les retombées positives et d’atténuerles impacts négatifs des activités de sesentreprises minières à l’étranger. Nousprésentons ici un condensé des principa-les réflexions et recommandations dépo-sées par le GRAMA au gouvernementcanadien à cette occasion1.

    Dans le contexte de prix favorables sur lesmarchés internationaux et compte tenu dela richesse exceptionnelle du sous-sol ducontinent africain, les entreprises cana-diennes ont répondu de manière enthou-siaste depuis une dizaine d’années à l’ou-verture des économies d’Afrique à l’inves-tissement étranger dans le secteur. Lesinvestissements miniers canadiens enAfrique prévus pour les cinq prochainesannées pourraient d’ailleurs plus que dou-bler selon Ressources naturelles Canada,passant de près de 6 milliards de dollarspour la période 2000-2005 à plus de 13 milliards.Une implication d’une telle ampleur, jume-lée au leadership largement reconnu duCanada dans l’industrie minière mondiale,et aux engagements souscrits par notregouvernement en matière de participationau développement durable et à la réduc-tion de la pauvreté en Afrique (notammentà travers le Nouveau partenariat pour ledéveloppement de l’Afrique (NEPAD) et laCommission pour l’Afrique), représententautant de facteurs qui confirment la res-ponsabilité unique qui incombe au Canadade participer de manière active à la gou-vernance globale de l’exploitation des res-sources minières en Afrique.

    C’est là du moins la conclusion que l’onpeut tirer du Quatorzième rapport duComité permanent des affaires étrangèreset du commerce international intituléL’exploitation minière dans les pays endéveloppement et la responsabilité socialedes entreprises, soumis au gouvernementdu Canada en juin 2005. Les dix recom-mandations énoncées dans ce rapportinvitaient en effet ce dernier à adopter unlot de mesures bien précises visant à «[…]veiller à ce que les entreprises canadiennesaient les connaissances, le soutien et lesincitatifs voulus pour mener leurs activitésd’une manière responsable sur le plansocial et environnemental et en conformitéavec les normes internationales sur lesdroits de la personne»2. Alors que le pre-mier ministre de l’époque, Paul Martin, pro-clamait la volonté du Canada de « […]faire réentendre notre voix sur la scèneinternationale et de prendre fermementposition en faveur de l’égalité, des droits de

    la personne, et d’une mondialisation justepour tous les habitants de la planète »3, laréponse officielle offerte quelques moisplus tard par le gouvernement aux recom-mandations du Comité témoigne d’unengagement fort limité envers ces princi-pes4. Cette réponse pousse à s’interrogersur le type de cohérence qui peut actuelle-ment, et qui sera à l’avenir mis de l’avantentre, d’un côté, les interventions d’aideinternationale du Canada et, de l’autre, cel-les qui concernent d’autres domaines de lapolitique étrangère ayant une incidence surles pays africains.

    En bref, le Comité proposait des objectifsconcrets relativement à la responsabilitédu gouvernement canadien à l’égard d’unsuivi et d’un contrôle plus efficaces desopérations des entreprises minières àl’étranger. Il faisait notamment référence àla nécessité d’établir des normes juridi-ques claires de reddition de compte et dedévelopper des mécanismes fonctionnelsvisant la surveillance des activités de cesentreprises dans les pays en développe-ment, de même qu’à l’intérêt pour leCanada d’établir une collaboration étroiteet effective avec d’autres pays aux vuessimilaires, dans l’objectif d’assurer le ren-forcement de tels mécanismes.

    Le gouvernement canadien, qui associe lapromotion des investissements miniers àune opportunité unique d’assurer la crois-sance et de participer aux efforts de lutte àla pauvreté en Afrique, renvoie essentielle-ment, dans sa réponse officielle, à la clari-fication et au renforcement des normes surla responsabilité sociale des entreprises(RSE). Il répond donc aux recommanda-tions sollicitant un engagement plus subs-tantiel de sa part en proposant d’adopterdes mesures de nature non contraignante,basées sur des principes de régulationavant tout volontaires. Alors que l’Énoncéde politique internationale du Canada iden-tifie la responsabilité, avec la prospérité etla sécurité, comme l’une de ses trois prio-rités, la réponse offerte aux recommanda-tions du Comité permanent témoigned’une certaine abdication de la part du

    PERSPECTIVES INTERNATIONALES.5

  • gouvernement de ses responsabilités en lamatière, responsabilités qui se doiventd’être assumées si l’on souhaite garantir lacohérence des interventions et des posi-tions prises par le Canada sur la scèneinternationale. Deux enjeux clés méritent àcet effet d’être soulevés.

    La responsabilité dans le respect deslois nationales du pays hôteD’abord, la position mise de l’avant par legouvernement canadien tend essentielle-ment à remettre, d’une part, entre lesmains des entreprises multinationales, laresponsabilité de respecter les lois et lespolitiques en vigueur dans les pays oùelles sont présentes et, d’autre part, entrecelles des gouvernements hôtes, la res-ponsabilité première de veiller à ce que lesentreprises respectent les lois nationales.

    Ce type de position paraît nettement insuf-fisant à la lumière des résultats des derniè-res études du GRAMA5. Le groupe a eneffet pu identifier certaines tendancescontribuant, dans plusieurs pays africainsriches en ressources minières, à un pro-cessus de redéfinition du rôle de l’États’opérant bien souvent aux dépens de lacapacité de ce dernier à relever les défisque pose actuellement le développement.Ces recherches ont révélé que la manièredont les réformes économiques et institu-tionnelles extrêmement standardisées ontété mises en place depuis la périoded’ajustement structurel, à l’initiative desinstitutions financières multilatérales, a eutendance à réduire la capacité des Étatslocaux à surveiller le respect de leurs loiset règlements dans des domaines qui sontessentiels au développement et à la pro-tection de l’environnement. La Banquemondiale reconnaît d’ailleurs à ce sujetque, de façon générale, et tel qu’illustrédans une étude portant sur Madagascar,«[a]près plusieurs années de réductionsbudgétaires, les institutions gouvernemen-tales ne disposent pas des ressourceshumaines et financières nécessaires àl’application de la loi, en particulier dans uncontexte de décentralisation»6. Une tellesituation a entre autres pour conséquencede confier une grande part de la responsa-bilité de la surveillance de la conformitéaux normes et de leur application auxexploitants privés et, compte tenu de l’héri-tage reconnu ci-haut, il y a de bonnes rai-sons d’avoir des réserves à l’égard de lacapacité des États locaux à remettre enquestion les pratiques qui en résultent ou ày remédier.

    À long terme, la responsabilité à l’égard dela définition des normes, de la surveillancede leur respect et de leur application doit

    effectivement être assumée par les gou-vernements locaux et les collectivitésconcernées. En ce sens, il apparaît impé-ratif que le Canada reconnaisse les avan-tages associés au renforcement de la légi-timité et de la capacité des gouvernementsafricains à appliquer la réglementationexistante et à en surveiller le respect. Àcette fin, le Canada doit se montrer déter-miné à collaborer avec les gouvernementslocaux et autres acteurs concernés (institu-tions multilatérales, entreprises privées,ONG, etc.) pour mobiliser les ressourcesfinancières et techniques nécessaires afinque les États puissent assurer la sécuritéet le développement de leur pays.

    La responsabilité sociale des entrepri-ses et les Principes directeurs del’OCDENous attirons dans un deuxième tempsl’attention sur les Principes directeurs del’OCDE à l’intention des entreprises multi-nationales, qui représentent l’un des raresmécanismes internationaux permettantd’assurer un certain contrôle du comporte-ment des sociétés multinationales àl’étranger. Afin d’expliciter son engagementenvers une telle forme de supervision, legouvernement canadien renvoie, naturelle-ment, à l’existence de ces principes. Or, enmettant l’accent sur leur caractère volon-taire et non contraignant, le gouvernementsemble encourager le maintien du statuquo qui nuit actuellement au renforcementet à l’opérationnalisation de ces principes àl’échelle internationale. Sa position concer-nant leur suivi, via le Point de contactnational (PCN), laisse également perplexe.D’autres pays occidentaux ayant une pré-sence infiniment moins importante que leCanada dans l’industrie minière mondiale(Belgique, Royaume-Uni, Norvège, Suède,Finlande etc.) ont démontré une capacitéplus grande d’assumer leurs responsabili-tés dans le domaine, notamment endemandant l’ouverture d’enquêtes suite àla réception de plaintes liées au non res-pect des Principes directeurs.

    La promotion de ces principes, dont l’appli-cation demeure volontaire, n’est manifeste-ment pas suffisante. Quelle valeur accor-der à un mécanisme de «dialogue positif etconstructif entre les entreprises multinatio-nales et les personnes touchées par leursactivités », lorsque le mécanisme deréponse aux plaintes ne peut permettreune enquête indépendante ou favoriser unexamen approfondi de celles-ci ? À ce jour,aucune plainte déposée auprès du PCNcanadien n’a fait l’objet d’une enquête.Comment peut-on être convaincu que cetexercice puisse être fait à l’avenir dans l’in-térêt des populations touchées et dans l’in-

    térêt de la réputation des entreprises, les-quelles ne pourraient que bénéficier d’uneplus grande transparence dans les proces-sus, advenant qu’elles soient pointées dudoigt ?Considérant l’implication toujours plusgrande du gouvernement dans la promo-tion des investissements dans le secteurminier, les travaux du GRAMA permettentde conclure qu’il est primordial de mettreen place les mécanismes favorisant l’inser-tion des principes et des pratiques de RSEdans un processus actif et novateur, pourassurer la cohérence même de la politiqueinternationale du Canada. L’enjeu crucialde l’intervention en zone de conflit com-mande également l’élaboration et la miseen œuvre de directives claires et complè-tes, pour fins d’intégration aux Principesdirecteurs de l’OCDE, ainsi que la créationd’un mécanisme permettant de surveiller lecomportement des entreprises canadien-nes en activité dans de telles zones. Enfin,par souci d’un partage des responsabilitésà l’égard du comportement des entreprisescanadiennes à l’étranger et dans le but decontribuer au développement durable et àla réduction de la pauvreté, le Canadaaurait avantage à ne pas simplement fairela promotion des Principes directeurs surune base volontaire, mais plutôt à s’enga-ger à clarifier, formaliser et renforcer le rôleet le mandat du PCN canadien, et à s’en-gager également dans le développementde mesures de surveillance effectives,capables d’être contraignantes en cas deconduite irresponsable sur les plans socialet environnemental ou de violations desdroits de la personne.

    Au terme de ces constatations, et contrai-rement à ce qui est suggéré dans laréponse officielle du gouvernement à l’effetque «d’autres progrès sont nécessaires»dans le domaine de la définition des nor-mes de RSE avant que le gouvernementne puisse s’engager à donner suite auxrecommandations, il apparaît clair que leCanada, en tant que membre actif de lacommunauté internationale et acteurimportant au sein d’organisations tellesque l’OCDE, la Banque mondiale et leFonds monétaire international, se doit dejouer un rôle de leader et d’assumer lesresponsabilités que ce rôle lui impose.Considérant l’importance des intérêts enjeu, il ne s’agit plus seulement, contraire-ment à ce qui est suggéré, de favoriser laresponsabilité sociale des entreprises opé-rant à l’étranger. La réputation internatio-nale du Canada dépend aujourd’hui de lacapacité et de la volonté manifestée parson gouvernement d’assurer un suivi desinvestissements qu’il appuie et encourage.À cette fin, le mémoire déposé par le

    PERSPECTIVES INTERNATIONALES.6

  • GRAMA demande que les recommanda-tions mûries et nuancées du rapport duComité permanent des affaires étrangèressoient acceptées dans les plus brefsdélais. La responsabilité des entreprises, siimportante qu’elle soit, ne devra pas mas-quer la responsabilité de notre gouverne-ment.

    PERSPECTIVES INTERNATIONALES.7

    1 Le mémoire détaillé intituléLa gouvernance des activitésminières en Afrique : une res-ponsabilité partagée – Examende l’Énoncé de politique inter-nationale du Canada « Fiertéet influence : notre rôle dans lemonde », présenté le 4 novem-bre 2005 au Sénat canadienpar Bonnie Campbell, en colla-boration avec Suzie Boulangeret Myriam Laforce, est disponi-ble sur le site web du GRAMA :http://www.unites.uqam.ca/grama/

    2 Comité permanent des affai-res étrangères et du commerceinternational (FAAE),Quatorzième rapport :L’exploitation minière dans lespays en développement et laresponsabilité sociale desentreprises, Ottawa, Chambre

    des communes, 38e législature

    1re session, juin 2005, p.2, [Enligne], http://www.parl.gc.ca/

    3 Gouvernement du Canada,Énoncé de politique internatio-nale du Canada – Fierté etinfluence : notre rôle dans lemonde, Développement,Gatineau, Agence canadiennede développement internatio-nal, 2005, p.37, [PDF],http://www.acdi-cida.gc.ca/

    4 Ministère des Affaires étran-gères et du Commerce interna-tional, Gouvernement duCanada, L’exploitation minièredans les pays en développe-ment et la responsabilitésociale des entreprises –Réponse du gouvernement auQuatorzième rapport du Comitépermanent des affaires étran-gères et du commerce interna-tional, Ottawa, Gouvernementdu Canada, octobre 2005, [Enligne], http://www.parl.gc.ca/

    Voir Groupe de recherche surles activités minières enAfrique (GRAMA), Enjeux desnouvelles réglementationsminières en Afrique, sous ladirection de Bonnie Campbell,Document de recherche 3,Uppsala (Suède), Nordic AfricaInstitute (NAI), 2004. Documentégalement disponible en ver-sion électronique, ainsi qu’enversion anglaise, sur le siteweb du GRAMA.

    5 Notre traduction. World Bank,Project Appraisal Document fora Mining Sector ReformProject, Report No 17788-MAG,Washington D.C., 2 juin 1998, p.6.

    Pour plus d’information à propos deces enjeux, voir notamment les sour-ces suivantes :

    United Nations Conference on Tradeand Development (UNCTAD),Economic Development in Africa:Rethinking the Role of Foreign DirectInvestment, New York et Genève,UNCTAD,2005:http://www.unctad.org/en/docs/gdsafrica20051_en.pdf

    Ressources naturelles Canada,Secteur des minéraux et métaux:http://www.nrcan.gc.ca/mms/hm_f.htm

    Commission for Africa, Our CommonInterest, Report of the Commission forAfrica, U.K., mars 2005:http://www.commissionforafrica.org/french/report/thereport/english/11-03-05_cr_report.pdf

    Extractive Industries Review, Groupede la Banque mondiale:http://www.eireview.org/

    Mining Watch Canada, RegulatingCanadian Mining CompaniesOperating Internationally: backgrounddocuments :http://www.miningwatch.ca/index.php?/aur/ugly_cdn_docs

  • En 2005, 1000 hommes, femmes etenfants mouraient chaque jour de maladie,de faim ou des conséquences directes dela violence dans l’Est de la RDC.1 Rienn’indique que la situation ait changé en cedébut de 2006. De la chute du MaréchalMobutu Sese Seko (1996-1997) à l’avène-ment de Joseph Kabila en 2001, la RDC aaccouché d’une transition politique dans ladouleur. Deux conflits internes internatio-nalisés (combinaison sanglante de rébel-lions locales ou étrangères et d’interven-tions militaires directes ou indirectes duRwanda, de l’Ouganda, du Burundi, etc.),des millions de morts et de blessés, le pil-lage2 des ressources naturelles de la RDCet l’assassinat du dirigeant de l’Alliancedes Forces Démocratiques du Congo(AFDL) et nouveau président du pays,Laurent-Désiré Kabila, laissent exsangueune nation déjà épuisée par trente-cinqannées de dictature mobutiste. D’aucunsqualifient ces cinq années de « premièreguerre mondiale d’Afrique ».3 Entrée dansune transition politique depuis 2003, laRDC compose maintenant avec uncontexte régional et national de violationsmassives et quotidiennes des droitshumains où les entraves à la reconstruc-tion politique et à la justice transitionnellesont légions, contribuant ainsi à la lon-gueur du processus et à la complexité dela situation congolaise.

    Transition politique sous perfusionDès janvier 2001, Joseph Kabila se poserésolument en (p)artisan de la paix, inviteles principaux belligérants congolais à latable des négociations et réclame le départdes troupes étrangères encore présentesen RDC (surtout ougandaises et rwandai-ses). Le Dialogue inter congolais, menésous l’égide de l’Afrique du Sud, rassem-

    ble le gouvernement, l’opposition politiquenon armée, et les deux principaux mouve-ments rebelles : le Rassemblementcongolais pour la Démocratie (RCD) et leMouvement de libération du Congo (MLC).L’Accord global et inclusif sur la transitionen RDC d’avril 2003 ouvre la transitionpolitique. La Constitution de transition rati-fiée trois mois plus tard établit, pour deuxans, un système présidentiel qui répartitarithmétiquement le pouvoir entre factionspolitiques. Le président Kabila exerce lerôle de chef de l’État. Quatre vice-prési-dents sont nommés : deux issus desrébellions, un de l’opposition et un du gou-vernement officiel. Chaque camp politiquenomme ses parlementaires. Ce systèmepolitisé à l’extrême a pour mandat demener à terme la transition politique, derédiger une nouvelle Constitution démo-cratique et de préparer les premières élec-tions libres depuis l’indépendance.L’échéance initiale était prévue pour le 30juin 2005, avec possibilité de prolonger surdeux périodes de six mois maximum.

    En mai 2005, un projet de constitution estadopté par l’Assemblée nationale, pré-voyant une démocratie semi-présidentielle.Le président sera élu au suffrage universeldirect, le Parlement aussi, et une forme dedémocratie décentralisée sera instauréedans les vingt-cinq provinces (au lieu dedix aujourd’hui) que comptera la RDC. Lesdroits civils, politiques, économiques,sociaux et culturels seront reconnus et pro-tégés. Approuvée à près de 84 % par réfé-rendum en décembre dernier, son entréeen vigueur reste conditionnée par la réus-site des prochaines échéances électoraleslégislatives et présidentielles. Or, la transi-tion a déjà été prolongée pour un premiersix mois, officiellement parce que le pays

    n’était pas prêt à organiser ces élections :la Commission électorale indépendante,en charge de recenser les électeurs, n’adébuté sa tâche qu’en juin 2005. Compterla population congolaise n’est pas simple :aucun recensement n’a été effectué depuis1984, des problèmes subsistent quant àl’attribution de la nationalité congolaise etles estimations varient entre 54 et 60 mil-lions d’individus. Certaines estimations ontannoncé que plus de trois millions deCongolais n’ont pas pu voter au référen-dum. Dans ces conditions, le rôle de lacommission est crucial, mais l’insécuritéretarde considérablement son travail.Ensuite, les parties au pouvoir ne souhai-tent pas sincèrement confier leur sort auverdict des urnes. Enfin, la relative stabilitépolitique apportée par les compromis de latransition est constamment au bord de larupture.

    La transition est menacée dans l’Est dupays : selon une étude de Médecins sansfrontières en Ituri : « […] entre mars etavril 2005, plus d’un tiers des 795 famillesinterviewées a déclaré avoir subi au moinsun événement violent entre le 18 décem-bre 2004 et le 27 mars 2005. Parmi elles,65% évoquaient l’attaque de leur village, lafuite en brousse ou le pillage et la destruc-tion de leurs biens alors que 35% ont subides violences physiques directes : mutila-tions, blessures par balles, viols, torture,enlèvements et détentions arbitraires.Cette violence ressort de manièreconstante […] »4 en Ituri, dans les KivusNord et Sud et au Katanga. Les victimessont presque toujours les populations civi-les, en particulier les femmes, et les res-ponsables des atrocités appartiennent sys-tématiquement à des groupes armés, quece soit les Forces armées congolaises, les

    PERSPECTIVES INTERNATIONALES.8

    La justice transitionnelle :«Lors d’une période de transition politique après une période de violence ou de répression, une soc!été est souvent confrontée au difficile héritagedes abus aux droits de l’homme. Afin de promouvoir la justice, la paix et la réconciliation, il faut considérer des réponses à la fois juridictionnelles etnon juridictionnelles. Celles-ci peuvent inclure :- juger individuellement les responsables;- accorder des réparations aux victimes de la violence éthatique;- établir des initiatives de recherche de la vérité sur les abus du passé;- réformer des institutions telles que la police et la justice;- retirer les responsables de violations des droits de l’homme des postes du pouvoir.

    De plus en plus frequemment, ces approches sont employées de manière conjointe afin de donner un sens plus complet et de plus grande enver-gure à la justice ».

    République démocratique du Congo (RDC),Transition politique et justice à la croisée des cheminsPar Arnaud Meffre, Étudiant à la maîtrise en droit international, UQAM et assistant de recherche pour le Centre d’étudessur le droit international et la mondialisation (CEDIM-CEIM).

  • mouvements rebelles ou des milices triba-les qui contrôlent par la terreur les zonesqu’elles exploitent. En dépit de la présencede la mission de maintien de la paix onu-sienne (MONUC),5 le cas de l’Ituri et desKivus est alarmant. Jusqu’en 2002-2003,une partie des Kivus était occupée par l’ar-mée rwandaise et l’Ituri par les troupesougandaises. Malgré le pillage économi-que de ces régions, les armées occupan-tes assuraient une certaine sécurité à lapopulation. Lorsque Joseph Kabila obtientleur retrait, la vacance du pouvoir laisse laplace aux affrontements ethniques entreLendu et Hema en Ituri, et aux Forcesdémocratiques de libération du Rwanda,en révolte contre Kigali, aux Kivus. Depuis2003 et après la mort de plus de 60 000personnes, Bunia, en Ituri, est sécuriséepar la MONUC, mais les campagnes del’Ituri et des Kivus restent soumises aujoug de la brutalité. Les organisations nongouvernementales (ONG) soulèvent aussile problème actuel du Katanga.

    Le règne de l’impunitéLe système judiciaire congolais est déli-quescent, inadapté, sous-équipé, cor-rompu et n’a aucune indépendance àl’égard du pouvoir politique. Ce n’est pastant la faute des magistrats, qui cherchentcomme les autres à survivre, que l’ab-sence de l’État et son incapacité à engagerdes réformes d’envergure qui sont à l’ori-gine de cette défaillance. En attendant, desinstitutions de substitution rendent une jus-tice inéquitable et partiale. Depuis 1997,des procès pour violations des droitshumains et des lois de la guerre se sonttenus, mais jamais de manière satisfai-sante selon les ONG présentes sur le ter-rain. De 1997 à 2003, la seule cour de jus-tice qui opérait véritablement était la Courd’Ordre Militaire (COM), née dans lesrangs de l’AFDL. Jusqu’en 2001, elle nerendait ses jugements qu’avec la bénédic-tion de Laurent-Désiré Kabila. Cette COMa condamné à mort plus de 200 person-nes, militaires ou civils, sans jamais remplirles critères de base d’une justice équitable.Elle était selon les mots d’un activiste, lemoyen de répression officiel du nouveaurégime. Joseph Kabila met fin à ses activi-tés en avril 2003, plusieurs mois après quel’Assemblée nationale l’ait abrogée juridi-quement. En 2004, un seul procès militaireofficiel pour le meurtre d’une cinquantainede civils dans la ville d’Ankoro (Katanga) aeu lieu. Les militaires impliqués sont sortislibres du tribunal, malgré des preuvesaccablantes. Les mouvements rebelles ontaussi rendu justice dans leurs rangs : en2003, le MLC a condamné 27 de ses com-battants pour violations des droitshumains. Une fois encore les ONG dénon-

    cent une procédure inique. Actuellement,deux instructions sont en cours, mais l’im-punité prévaut en RDC. Human RightsWatch dénonce la nomination de présu-més criminels de guerre à des grades d’of-ficier supérieur de la nouvelle arméecongolaise.6 L’absence d’enquête officiellesur leurs actions pendant le conflit soulignele manque de volonté politique. JosephKabila agit ainsi afin de ne pas fragiliserson pouvoir. La présence au sommet del’État des chefs des groupes armés qui ontcausé la mort de trois à quatre millions depersonnes depuis 1996 est un autre signemalheureux de cette impunité.

    Un peu d’espoir quand même à Bunia, oùle tribunal de grande instance, financé parl’Union européenne, fonctionne de façonconvenable. La solution? Une augmenta-tion du salaire des magistrats (dix fois celuid’un juge en RDC), approvisionnement endocumentation juridique, réparation desbâtiments et sécurité assurée par laMONUC. Les ONG espèrent que cetteexpérience sera étendue à d’autres villes,puis dans les campagnes, aujourd’huidépourvues de tribunaux.

    Malgré les reproches de la communautéinternationale et des ONG, l’impunité setraduit par l’incurie presque délibérée desautorités nationales et locales à assurer lasécurité des personnes et des bienscomme à poursuivre les présumés crimi-nels de guerre. Dans l’Est du Congo, c’estsouvent la MONUC qui assure ces mis-sions régaliennes : d’une part elle offrerégulièrement, dans ses bases militaires,un havre sécuritaire aux civils, dont lesdéfenseurs des droits humains, menacésdans leur intégrité physique. D’autre part,elle joue un rôle de maintien de l’ordrepublic : l’exemple de l’arrestation par laMONUC de Thomas Lubanga, chef del’Union des patriotes congolais, groupearmé de l’ethnie hema, dissident du MLCet soupçonné du massacre de plus de 800personnes en Ituri, pèse en faveur de lalutte contre l’impunité. Il est aujourd’huiinculpé, en attente d’un procès, pour mas-sacre, pillage et enrôlement forcé d’enfantssoldats.

    La Cour pénale internationale enRépublique démocratique du CongoLes questions d’administration de la justiceet de la lutte contre l’impunité sont donctrès sensibles en RDC. On ne sait pasencore si les criminels de guerre présumésvont être jugés par des tribunaux congo-lais, un tribunal international ad hoc, crééspécialement pour la RDC ou par la Courpénale internationale (CPI). Le rôle de laCPI en RDC est aussi un enjeu essentiel

    de la transition politique, au-delà de lapoursuite des présumés criminels ayantcommis des crimes contre l’humanité, degénocide et de guerre. La Républiquedémocratique du Congo est signataire duTraité de Rome, instituant la CPI, depuis le8 septembre 2000. Elle en a ratifié les sta-tuts le 11 avril 2002. Dans le cadre juridi-que congolais, les autorités nationales doi-vent faire voter et appliquer deux lois pourque les crimes prévus dans les statutssoient pleinement intégrés dans le droitnational. À l’heure actuelle, la loi de miseen œuvre du statut de Rome est dansl’anti-chambre du Parlement, et le projet deloi de coopération entre la RDC et la CPIpour la répression des crimes les plus gra-ves n’est encore qu’un projet proposé etdéfendu par les ONG locales. Ce faisant, laCour est l’instrument de la justice interna-tionale lorsque les États ne veulent pas oune peuvent pas poursuivre les responsa-bles des crimes les plus graves. Dans lecas de la RDC, la CPI a été appelée àjouer un rôle dans la transition post-conflic-tuelle lorsque Joseph Kabila a déféré lasituation de son pays au bureau du procu-reur de la Cour, Luis Moreno Ocampo, le19 avril 2004. Lorsque le procureur aannoncé que les éléments nécessaires àl’ouverture d’une enquête (23 mai 2004)étaient réunis, il a indiqué que sa prioritéserait l’Ituri tout en soulignant que la com-pétence de la Cour s’étendait in jure à toutle territoire de la République démocratiquedu Congo. Seulement, la CPI a compé-tence pour juger des crimes internationauxcommis depuis l’entrée en vigueur du sta-tut de Rome, le 1er juillet 2002. Ce quipousse les ONG et les victimes des crimescommis auparavant à réclamer la mise enplace d’un tribunal international ad hoc.D’autant plus que la CPI, au maximum deses capacités et dans le cadre d’une coo-pération « idéale », ne pourrait poursuivreplus d’une quinzaine de personnes par an.Le renforcement des capacités du systèmejudiciaire national et le rôle des ONG, envenant en appui à la CPI auprès des victi-mes, sont donc essentiels.

    Justice et transition politique enRépublique démocratique du Congo :l’heure de vérité?Nous l’avons vu au cours de ce survol del’actualité congolaise, le pays est arrivé àla croisée des chemins : les élections enRDC peuvent faire évoluer de façon consi-dérablement positive la cause de la luttecontre l’impunité. En effet, on remarqueque l’impunité est érigée aujourd’hui enpanacée, sauf pour ceux qui ne se sontpas ralliés au système issu de la transitionpolitique. La Fédération internationale desdroits de l’Homme estimait en juin 2004

    PERSPECTIVES INTERNATIONALES.9

  • que la « justice [était] sacrifiée sur l’autelde la transition ».7 Un an et demi plus tard,il n’est pas contradic-toire de penser quecette analyse est tou-jours d’actualité. Au-delà même de la jus-tice, la transition politi-que vise à la recons-truction d’un État et àla réappropriation parcelui-ci de ses pou-voirs régaliens. Deuxscenarii s’offrent à l’heure où nous écri-vons ces lignes. Le premier est que la tran-sition réussit cet hiver. Un pouvoir démo-cratique est élu malgré la menace de l’in-sécurité, mais cette fin « heureuse » esttrès incertaine dans l’immédiat selon lamajorité des analyses : chaque groupearmé a son candidat pour la course prési-dentielle, rendant incertaine la périodepost-électorale. Le second scénario, plusréaliste, prévoit que le Parlement prolongeencore la transition et que le règne de l’im-punité gagne un sursis, émaillé par la mul-tiplication des initiatives qui visent à y met-tre fin. L’inaction des autorités en matièrede poursuite des présumés criminels deguerre est contrebalancée par la saisinedu bureau du procureur de la Cour pénaleinternationale. Sa présence sur le terrain,combinée aux retombées des activités desONG favorisent la diffusion auprès despopulations des connaissances de basespour les victimes, et même pour les présu-més criminels. Du désarmement des belli-gérants au financement des élections, laCommunauté internationale joue un rôleessentiel, quoique insuffisant. Seulement,les coûts de telles opérations (plus de 400millions de dollars pour la période de juilletà octobre 2005, une cinquantaine de mortspour la MONUC) ont déjà dissuadé cer-tains États concernés d’aller de l’avant.Pour la République démocratique du

    Congo, la transition politique est constam-ment mise en danger par les tensions

    internes comme parles menaces extérieu-res. Condition sinequa none de laréforme et de l’appli-cation de la justice, laréussite de la transi-tion politique est arri-vée cette année à sonheure de vérité.

    1 International Crisis Group, « Conflict in theCongo », en ligne:http://www.crisisgroup.org/home/index.cfm?id=2829&l=2.2 Sur les nuances du terme pillage, voir lesrapports du Groupe d’experts sur l’exploitationillégale des ressources naturelles et autresrichesses de la RDC : S/2003/1027 ;S/2002/1146; S/2001/357.3 Borello, Federico, Les premiers pas. La lon-gue route vers une paix juste en Républiquedémocratique du Congo, Centre internationalpour la justice transitionnelle, Octobre 2004,p.iii, en ligne :http://www.ictj.org/downloads/ICTJ.DRC.Fre.pdf4 MSF, « RDC. Ituri, la violence continue », 5août 2005, en ligne à :http://www.msf.fr/site/actu.nsf/actus/rdc050805ituri.5 En ligne :http://monuc.org/Home.aspx?lang=fr.6 Human Rights Watch, « L’armée ne doit pasnommer des criminels de guerre »,Communiqué de presse, 14 janvier 2005, enligne :http://hrw.org/french/docs/2005/01/14/congo10015.htm.7 FIDH, « République démocratique duCongo : la justice sacrifiée sur l’autel de latransition », n. 387, Juin 2004, en ligne :http://www.fidh.org/IMG/pdf/rdc387f.pdf.

    PERSPECTIVES INTERNATIONALES.10

    Activités du CEIM

    2 et 3 avril 2006, de 12 h 30 à 14h, D-R200, UQAM. Le multilatéralismeen crise. David Malone Sous-ministre adjoint, Affaires étran-gères Canada, Enjeux mondiaux.[CEPES]

    7 avril 2006, de 9 h 30 à 12 h.Titre à confirmer. Christian Deblock,directeur, Centre Études internatio-nales et Mondialisation. [GRIC]

    8 avril 2006, de 9 h 30 à 16 h 30.A-2885, UQAM. Le Sommet desAmériques cinq ans plus tard : bilanet perspectives : «Retour sur lesmobilisations contre le IIIè Sommetdes Amériques », Dorval Brunelle,Anna Kruzynski, Rachel Sarrazin etPierre-Yves Serinet ; «Les suitesdu sommet : alliances, réussites etéchecs », Pierre Beaudet, DianeLamoureux, Jean-Marc Piotte etGhislaine Raymond ; «Actions etperspectives », Francis Dupuis-Déri,Gabrielle Gérin, Benoît Lacoursièreet Diane Matte. [ODA]

    19 avril 2006, de 12 h 30 à 14 h.A-1715, UQAM. Les modèles d’in-vestissement canadien et japonais :convergences et divergences.Mathieu Arès, chercheur au Groupede recherche sur l’intégration conti-nentale ; Éric Boulanger, chargé decours au département de sciencepolitique de l’UQAM. [GRIC]

    21 avril 2006, de 12 h 30 à 14 h.A-1715, UQAM. Le Pérou deFujimori : Politique commerciale etpolitique minière dans les années1990. Jean-Paul Calero, candidat àla maîtrise, Faculté de science poli-tique et de droit, UQAM ; MyriamLaforce, chercheure, Groupe derecherche sur les activités minièresen Afrique. [GRIC]

    28 avril 2006, de 12 h 30 à 14 h.A-1715, UQAM. Gouvernance glo-bale de la société de l’information.Michèle Rioux, directrice de recher-che, Centre études internationaleset Mondialisation. [GRIC]

    Le pays est arrivé à lacroisée des chemins : lesélections en RDC peu-vent faire évoluer defaçon positive la luttecontre l’impunité.

    Chercheurs

    Yves Bélanger, Stéphanie Bernstein, Thierry Bourgoignie,

    Bruce Broomhall, Dorval Brunelle, Bonnie Campbell, Claude-

    Yves Charron, René Côté, François Crépeau, Hugo Cyr,

    Christian Deblock, Olivier Delas, Bernard L. Duhaime, Philippe

    Fortin, Gilbert Gagné, Daniel Holly, Axel Hüelsemeyer, Martine

    Lachance, André Laliberté, Lucie Lamarche, Georges A. Lebel,

    Albert Legault, Lucie Lemonde, Philippe Le Prestre, Peter

    Leuprecht, Jacques Lévesque, Michael Lipson, Alejandro Lorité

    Escorihela, Alex Macleod, Daniel Mockle, Dan O’Meara, Pierre

    Ostiguy, Hélène Piquet, Michèle Rioux, Norrin M. Ripsman,

    Stéphane Roussel, Marco Sassòli, William A. Schabas, Julian

    Schofield, Peter J. Stoett

    Chercheurs associés

    Rémi Bachand, Louise Beaudoin, ÉricBoulanger, Charles-

    Philippe David, Pierre Jolicoeur, Pierre-Paul Proulx, Michel

    Roche

    Coordonnées CEIM Faculté de science politique et de droit Université du Québecà Montréal Case Postale 8888, Succ. Centre-villeMontréal (Québec), H3C 3P8 Tel. : (514) 987-3000, ext. 3910 http://www.ceim.uqam.ca

    Directeur du CEIM Christian Deblock

    Directrice de recherche Michèle Rioux

    Coordonnateurs des unités du CEIM • Gabriel Goyette - GRIC, [email protected]• Aurélie Arnaud - CEDIM, [email protected]• Mélanie Pouliot - CEPES, [email protected]• Suzie Boulanger - GRAMA, [email protected]• Aude-Emmanuelle Fleurant - GRIMS, [email protected]• Alexandra Ricard-Guay - ODA, [email protected]

    Coordonnateur du CEIM Éric Jasmin

    Chargée de projet Danielle Lavoie

    Responsables de ce numéro Suzie Boulanger et AurélieArnaud

    Infographie Marguerite Tripet

  • Toutefois, le domaine spécifique du droitinternational des droits de la personne faitde plus en plus appel à des institutions etdes mécanismes de mise en œuvre et decontrôle auxquels les personnes physi-ques et leurs représentants peuvent avoiraccès pour revendiquer des droits, seplaindre de violations et pour contraindreles États à respecter les garanties viséesou du moins à fournir certaines explica-tions. Dans ce contexte, les cliniques vontpouvoir représenter des personnes ou desgroupes devant ces instances, ce qui per-met aux étu-diants d’avoir àmonter unestratégie delitige, préparerdes argumentset souvent lesprésenter dansun cadre concret. Ce type d’application oud’utilisation des normes internationales etde procédures, mécanismes et institutionsde contrôle serait autrement difficilementaccessible pour de jeunes juristes qui étu-dient ou qui ne s’impliquent pas dans desONGs oeuvrant dans ce domaine.

    Encore une fois, l’utilisation de ces normesdans ce contexte oblige le jeune juriste àavoir recours à diverses habiletés et à fairepreuve de créativité et d’originalité. Danscertains cas, il sera nécessaire d’accomplirune recherche juridique poussée, d’établirles faits à partir d’informations publiques,de témoignages ou en effectuant une visitein loco, pour enfin présenter un rapport àune organisation internationale, plaiderune affaire individuelle dans le cadre d’uneprocédure contentieuse, résoudre le pro-blème via des modes alternatifs de résolu-tions de conflits, exercer des pressionsauprès des autorités ou faire appel à lasympathie du grand public en mettant enœuvre des initiatives de sensibilisation.Les cliniques permettent donc aux étu-diants de se familiariser avec ces autresfaçons de faire respecter le droit. De plus,les cliniques permettent de préparer lejuriste aux autres tâches qu’il pourrait avoirà accomplir en tant que conseiller juridiqueou militant d’une ONG ou d’une organisa-tion internationale : des actions telles quefournir des avis ou des conseils relative-ment à des développements législatifs(legislative advocacy), prendre part à desactivités de vulgarisation et d’organisationcommunautaire, ou même établir des stra-tégies de développement institutionnel.

    Mais à notre avis l’enseignement cliniquefait encore plus pour l’apprentissage dudroit international des droits de la per-sonne. En effet, l’efficacité de ce secteur

    spécifique du droit international public esttoute relative puisqu’il arrive souvent queles garanties que ses normes procurent oualors les décisions des instances decontrôle de ces normes ne soient pas res-pectées par les États visés. Certains étu-diants resteront donc sceptiques quant àl’applicabilité réelle de ce régime normatif,truffé -en apparences- de déclarations deprincipes et d’obligations plus morales quejuridiques. Dans ce contexte, les cliniquesobligent non seulement les étudiants à uti-liser de façon créative les normes de droit

    internat io-nal desdroits de lapersonne,mais les for-cent égale-ment à avoirrecours à

    des méthodes distinctes de celles apprisestraditionnellement en classe, à aller au-delà du litige et de jongler avec une réalitéplus politisée et plus médiatisée, en adop-tant des moyens mieux adaptées aux réa-lités spécifiques rencontrées. Mais les clini-ques font plus : elles amènent les étu-diants à critiquer et questionner constam-ment le système international de protectiondes droits humains et d’évaluer commentcontribuer à son amélioration4.

    Finalement, l’une des contributions lesplus significatives de ces cliniques à la for-mation des étudiants et futurs juristes est,pour plusieurs, qu’elles leur inculquentl’importance voire la nécessité de servir etde contribuer à la justice sociale. Dans unpremier temps le droit international desdroits de la personne se base en partie surun système de principes et valeurs quivisent à améliorer le sort des personnes etgroupes vulnérables. Les cliniques offrentdonc un cadre privilégié pour que les étu-diants de se servent de ces normes etcherchent à en maximiser le respect. Enpermettant aux étudiants de se confronterà la réalité et aux difficultés des autres (parun contact avec les victimes et les ONGpartenaires) et en les responsabilisant, lescliniques les obligent à saisir la réalité desviolations des droits humains, l’importanced’y remédier et la responsabilité qu’ont lesjuristes à cet effet. Il s’agit-là de l’une descontributions importantes de l’enseigne-ment clinique en général : il donne l’occa-sion aux étudiants de tirer satisfaction d’untravail bien fait destiné aux personnesdans le besoin5.

    Plusieurs de ces considérations ont amenéle Département de sciences juridiques del’UQAM à créer, à l’automne 2004, laClinique internationale de défense des

    droits humains (CIDDHU), une premièredu genre au Québec. Cette activité acadé-mique, offerte au sein du cursus de laFaculté de Science politique et de droit,s’inscrit parfaitement dans la tradition et lavocation sociale de l’Université et saitrépondre aux besoins grandissants issusdu récent virage international de l’institu-tion. Elle permet à une vingtaine d’étu-diants de divers programmes d’apprendreet de contribuer à la promotion et la protec-tion des droits humains, d’une façonsérieuse, concrète et engagée.

    Le colloque international « l’Enseignementclinique pour consolider la protection desdroits de la personne », organisé par leCEDIM sera l’occasion de mieux compren-dre ce phénomène fascinant, d’en appré-cier les défis et de construire à même desexpériences partagées issues d’Europe,d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie.

    PERSPECTIVES INTERNATIONALES.11

    1Voirhttp://www.cedim.uqam.ca/accueil/accueil-clin-ique.htmPour une discussion du phénomène des clini-ques de droit international des droits de la per-sonne voir généralement Deena Hurwitz,“Lawyering for Justice and the Inevitability ofInternational Human Rights Clinics”, (2003) 28Yale J. Int’L. 505; Voir aussi Arturo Carrillo,“Bringing International Law Home: theInnovative Rôle of Human Rights Lcinics in theTransnational Legal Process”, 35 Col. HumanRights L. Rev.527; Richard J. Wilson, “UsingInternational Human Rights Law andMachinery in Defending Borderless CrimeCases”, 20 Fordham Int’l L.J. 1606.2 Hurwitz, supra note 3, aux pp. 507, 514 etseq.. Voir aussi Carrillo, supra note 3, à la p.528 et seq.3 Hurwitz, supra note 3, à la p. 528.4Voir généralement Hurwitz, supra note 3, auxpp. 522-539. Voir aussi Henry J. Steiner, TheUniversity’s Critical Role in the Human RightsMovement, 15 Harv. Hum. Rts. J. 317.5 Voir entres autres Public Interest LawInitiative, Pursuing the Public Interest, AHandbook for Legal Professionals, ColumbiaUniversity Law School, New York, 2001, auxpp. 267 et seq. Voir aussi Hurwitz, supra note3, à la p. 522.

    suite de la p.3

    Les cliniques amènent les étudiants àcritiquer et questionner constammentle système international de protectiondes droit humains

  • La clinique internationale de défense des droits humains de l’UQÀMpar Kahina Ouerdane, Étudiante à la maîtrise en droit international et membre de la CIDDHU

    PERSPECTIVES INTERNATIONALES.12

    Mise en marche à l’automne 2005, laClinique internationale de défense desdroits humains de l’UQÀM (la CIDDHU)célèbre aujourd’hui son lancement officiel.Née du rêve et du dur labeur de deuxdéfenseurs du droit international de la per-sonne, Me Carol Hilling et Me BernardDuhaime, enseignants au département desciences juridiques de l’UQÀM, la cliniquevise principalement à permettre aux étu-diants la mise en pratique de leurs connais-sances théoriques via la défense et la pro-motion des droits humains au niveau inter-national et ce, par le biais de cas réels.

    En effet,première clinique de droitinternational des droits de lapersonne du genre auQuébec, cette activité per-met aux étudiant(e)s des’impliquer directement dansle traitement de dossiers,d’acquérir une expériencepratique de la défense desdroits humains et de se fami-liariser avec les défis métho-dologique et éthiques que cetravail engagé implique.Cette approche innovatrice,alliant la réalité à la théorie,offre une perspective nou-velle et nécessaire à la com-préhension des enjeux liés àla protection de droits despersonnes, groupes et peu-ples dans un contexte demondialisation1.

    Si le droit comme objet d’étude revêt, ensoi, un caractère abstrait dont la mise enapplication aidera éventuellement à endéfinir les contours, les droits de la per-sonne au niveau international sont, quantà eux, doublement intangibles, générale-ment targués d’un caractère non-contrai-gnant qui, selon plusieurs, en limitent l’effi-cacité. L’idée, antinomique aux dires de cer-tains, de mettre en application un tel idéalattire néanmoins nombre d’étudiants cher-chant à vérifier par eux-mêmes la véritableefficacité de ce système normatif, maisavant tout moral. C’est un peu dans cesens que s’inscrit l’expérience, unique etdes plus enrichissantes, de la CIDDHU, etles prises de conscience sont nombreuses.

    Appelés à travailler sur des dossiers réelsaux côtés de partenaires se trouvant dansdes conditions parfois précaires, les réac-tions de chacun face aux différents aléassont multiples. La CIDDHU nous enseigneeffectivement que la patience constitueune vertu indispensable pour quiconquetravaillant dans le domaine des droits de lapersonne. Nombreux ont été les proces-sus engagés qui n’aboutiront pas de sitôt,voire même jamais et ce, malgré, lesinnombrables heures de travail mises enavant. Cela entraîne certes des frustra-tions chez des étudiants passionnés dontl’impatience n’a d’égale que la fougue,mais a toutefois le grand avantage de nousconfronter rapidement aux difficultés dumétier.

    En effet, la lenteur de certaines procédu-res devant des instances régionales ouinternationales, l’ambigüité du mandatdonné par le partenaire, la compréhensioninterculturelle sont autant de donnéespouvant d’abord nous faire rager puis,éventuellement, nous obliger à réaliserque l’utilité de ce droit ne réside pas là oùl’on croit. Dans ce sens, l’expérienceconcrète qu’offre la CIDDHU nous ensei-gne que ce type de droit dépasse large-ment les confins juridico-juridiques et que,pour le faire respecter, il ne faut ignorersous aucun prétexte l’apport considérabled’acteurs plus « politiques ». Qu’ils’agisse de Rapporteurs spéciaux desNations Unies, de l’attention des média, oud’autres facteurs, le respect des droits dela personne implique différentes sphèresdont seule la mise en pratique peut nousillustrer l’ampleur et la pertinence.

    Il s’agit ainsi de décloisonner les discipli-nes entre elles, de mêler le droit à lascience politique, aux communications, àl’éducation même - le travail de vulgarisa-teur chez un défenseur des droits de lapersonne étant primordial - et d’en com-prendre les rouages.

    C’est un peu dans ce sens que le travaildes étudiants dans les dossiers dits institu-tionnels s’est inscrit, ceux-ci ayant réelle-ment contribué, dès l’automne 2005, à lamise sur pied de la clinique. Du choix dunom de la clinique à l’organisation logisti-que interne, en passant par la créationd’un site web et la recherche de ressour-

    ces humaines diverses, nous avons eu lachance de contribuer, à travers les incon-tournables obstacles et complexités querecèlent un tel exercice, à la création d’unenouvelle organisation.

    Au-delà de l’expérience éminemment prati-que recherchée par tout étudiant désirantélargir son champ d’action et de compré-hension face aux enjeux internationauxreliés aux droits de la personne, la créationde liens solides avec des partenaires descinq continents constitue également uneouverture intéressante pour nombre d’entrenous. Parce que le travail des étudiants enest un de partenariat avec des ONGs loca-les et internationales, il ouvre nécessaire-ment des portes à des stages sur le terrainaux côtés d’organisations partenaires.

    Qu’on se le tienne pour dit, au-delà desembûches, des prises de conscience etdes ouvertures professionnelles, une parti-cipation à la CIDDHU est d’abord et avanttout gratifiante. La seule présence d’uninterlocuteur nous rappelle effectivementcombien notre travail est pertinent et com-bien notre support, si dérisoire peut-il noussembler par moment, lui est cher. Parceque rien n’est plus encourageant, depuisPort-au-Prince ou Bogotá que de se savoirépaulé dans sa lutte. Mais plus encore, rienn’est plus inspirant, depuis Montréal, quede voir des gens lutter, au péril de leur vie,au nom de la justice et des droits fonda-mentaux.

    1 Manuel du cours clinique en droit international desdroits de la personne, Hiver 2006, à la p. 5.