9 782894 356357

ISBN 978-2-89435-635-7

Cette année, à la rentrée scolaire, personne

ne va traiter Lau de minus mouillé parce que

son parapluie s’est retourné. Personne ne va

rire de lui parce qu’il a gardé ses lunettes de

plongée trop longtemps et qu’il a maintenant

l’air d’un raton laveur. Personne ne lui fera

remarquer qu’il porte toujours son bas de

pyjama.

Non, même Jean-Sébastien St-Pierre-St-

Jacques ne pourra se moquer de Lau. Parce

que le garçon a un nouveau porte-bonheur

et que, depuis qu’il en a hérité, il ne lui arrive

que de belles choses...

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives CanadaDeMuy, Yvan Les soucis d’un Sansoucy Sommaire: 1. Honte. Pour les jeunes de 10 ans et plus. ISBN 978-2-89435-635-7 (v.1) I. Morin, Jean. II. Titre. III. Titre: Honte.

PS8557.E482S68 2013 jC843’.6 C2013-940255-1PS9557.E482S68 2013

Éditrice : Colette DufresneInfographie : Marie-Ève Boisvert, Éditions Michel Quintin

La publication de cet ouvrage a été réalisée grâce au soutien financier du Conseil des Arts du Canada et de la SODEC. De plus, les Éditions Michel Quintin reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour leurs activités d’édition. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC

Tous droits de traduction et d’adaptation réservés pour tous les pays. Toute reproduction d’un extrait quelconque de ce livre, par procédé mécanique ou électronique, y compris la microreproduction, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.ISBN 978-2-89435-635-7Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013Dépôt légal – Bibliothèque et Archives Canada, 2013© Copyright 2013Éditions Michel QuintinMontréal (Québec) Canadaeditionsmichelquintin.cainfo@editionsmichelquintin.ca17 - L E O - 6 Imprimé en Chine

À Laurent, ma plus grande fierté

Quarante-trois bateaux, bateaux. Quarante-quatre bateaux, bateaux. Quarante-cinq bateaux, bat...Oh non, mosus ! C’est pas vrai ! Je suis rendu à

quarante-cinq bateaux et c’est là que je me rappelle que ce n’est pas des bateaux qu’il faut compter pour s’endormir, mais des MOUTONS !

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Bravo Laurent Sansoucy, tu gagnes le prix du mouton le plus bêêêêête ! Les bateaux, c’est quand on joue au touch-football, pas quand on cherche le sommeil. Je devrais le savoir, je joue souvent au touch-football à l’école.

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Je ne suis vraiment pas fier de moi. Pas surprenant que ça ne marche pas, mon affaire ! Je suis aussi éveillé qu’en plein milieu de l’après-midi. Je me disais qu’il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond. Je n’ai même pas eu un seul petit bâillement depuis que j’ai commencé à compter. Pourtant, j’en ai vu des bateaux : des petits, des gros, des paquebots, des chaloupes, des bateaux à voiles, à moteur, des bateaux multicolores, des rouges, des bleus, des bateaux et encore des bateaux ! J’ai même vu passer un sous-marin ! Quarante-quatre différents. C’est du bateau ! Et je ne dors toujours pas...

Je sais maintenant pourquoi on doit imaginer des moutons et pas des bateaux. Parce qu’un mouton, ça ressemble étrangement à un autre mouton, alors qu’un bateau, eh bien, il y en a beaucoup

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de modèles ! Le principe est tout simple, c’est à force de voir la même image dans sa tête qu’on s’endort. Quelle découverte ! Je suis plus intelligent que tantôt. Je vais en glisser un mot à papa. Il doit être au courant de cette savante théorie sur le mouton.Mon père, c’est un vétérinaire. Et il est tellement

bon vétérinaire, mon papa, qu’il connaît tout sur les moutons.

Bon, je recommence : un mouton, mouton, deux...Autre erreur ! On ne dit pas « mouton, mouton », on

dit juste « mouton ». Au touch-football, on dit deux fois le mot « bateau », mais pour trouver le sommeil, c’est « mouton » une fois. Ne me demandez pas pourquoi, c’est comme ça, c’est tout. On repart.Un mouton, deux moutons, trois...

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Et pour encore plus d’efficacité, il est recommandé d’imaginer chaque mouton arborant un dossard avec

Vous comprenez ? Je conviens que c’est bizarre un mouton avec un dossard, mais la plupart du temps, c’est efficace. Bon, j’étais rendu à combien ?

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Oh puis, je vais faire autre chose. C’est long et ennuyant de compter. Qu’est-ce qui pourrait bien m’aider à m’endormir ?— Non Torpille ! Pas question de jouer à la balle avec

toi.

Torpille

, c’est u

n de mes c

hiens. E

lle est t

oujours

prête

à jouer

à la b

alle, même e

n pleine

nuit.

C’est un

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ractive

! Pire q

ue moi !

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— Demand

e à Po

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lle s’il v

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toi. On

ne sait

jamais !

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jamais !

J’ai trouvé ! Depuis le temps que maman veut que je fasse le ménage de ma garde-robe, voilà le bon moment. C’est tellement ennuyant de faire du ménage que je vais m’endormir en un rien de temps. Je dois cependant éviter de faire le plus petit bruit. Et pas question d’allumer la lumière sur ma petite table, je pourrais réveiller mes parents ou, pire encore, ma demi-sœur Charlotte. Il me faut ma lampe de poche.

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Euh, si je me rappelle bien, elle devrait se trouver... quelque part... sous mon lit. Oui, sous mon lit ! C’est à cet endroit que je l’ai vue la dernière fois. C’est un vrai coffre au trésor, là-dessous. Voyons ce qui s’y trouve… un bas, mon panda en peluche, un livre sur les dinosaures, Un sac de bonbons... vide, zut ! Une paire de bobettes, de la poussière, une raquette de ping-pong, plein d’autres trucs plus ou moins utiles et, comme prévu, ma lampe de poche. Ce qui prouve, hors de tout doute, que mon désordre est en ordre !

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La lampe de poche à la main, je suis maintenant prêt pour l’aventure. Je sors du lit, déterminé à affronter les plus terribles dangers qui se terrent aux quatre coins de ma chambre. Sur la pointe des pieds, j’enjambe un gros obstacle qui traîne par terre...

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... et continue mon expédition jusqu’à la porte secrète. Bon d’accord, j’en mets un peu, car ce n’est rien de plus que la porte de ma garde-robe qui, je dois l’avouer, est loin d’être secrète. Sauf que j’ai un peu peur de l’ouvrir. Qui sait ? C’est peut-être vrai, ce que dit mon meilleur ami, Charles-Lee. La nuit, les garde-robes seraient le refuge de monstres terrifiants et sanguinaires. Charles-Lee est très intelligent. Il passe

son temps à regarder ou à lire des documentaires. À l’école, c’est lui

qui a toujours les meilleures notes. Alors, s’il dit que les monstres de la nuit se cachent dans les garde-robes, ça doit être vrai !Après un petit moment

de doute et de réflexion, je prends mon courage

dans une main et la poignée de la porte dans l’autre...Tout à coup, je l’entends. Charles-Lee avait raison, il

y a un monstre dans ma garde-robe ! Je sue, je pue

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et j’entends... mes dents qui claquent ! Incontrôlables, ces dents !C’est clair qu’il y a un danger derrière la porte, car

Pot de colle ne grogne pas. Eh oui, quand il y a du danger, mon gros chien fait le mort. Il devient aussi muet qu’une... euh... qu’est-ce qui est muet, déjà ? Je ne sais pas trop, mais je sais que Pot de colle est très, très muet dans ces cas-là !

Pas de doute, un monstre vert et poilu ou un squelette armé d’une hache ou pire encore, un animal terrifiant, se cache derrière la porte dont je tiens courageusement la poignée. Torpille est morte de trouille. Elle a délaissé sa balle et court se cacher sous mes couvertures.

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Je cherche un objet pour me défendre. Pas de marteau ni de scie en vue. Dommage, ça m’aurait aidé à faire face à ce qui se cache derrière cette porte. Je dépose ma lampe de poche par terre et saisis un tue-mouche. Le monstre n’a qu’à bien se tenir ! Je suis maintenant prêt à affronter cette étrange créature qui tente de sortir de la garde-robe. Une main toujours sur la poignée, le tue-mouche dans l’autre, des gouttes de sueur sur le front, je prends une grande respiration et... j’ouvre !

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Jasmine ! Mosus de mosus ! C’était seulement Jasmine, ma chatte. Y a pas de quoi fouetter un chat, comme dirait papa.Je reprends mon souffle et mes esprits. J’aurais dû y

penser, c’est sa cachette préférée.

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Mon ménage, maintenant. Ouf ! Toute une aventure qui s’annonce ! Je commence par quoi ? Par où ? De haut en bas ? De bas en haut ? De gauche à droite ?De l’ouest à l’est ? Du nord au sud ?

J’ai une meilleure idée. Oh oui ! Une super de meilleure idée ! Je referme la porte et je fais semblant de n’avoir rien vu. Ça marche à tout coup. C’est grand-papa Mario qui m’a montré ce truc quand il vivait encore. Il avait plus d’un tour dans son sac, mon grand-papa !

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Je ramasse ma lampe de poche, une BD et je grimpe là où je suis certain d’avoir la paix : dans mon hamac. Pas un animal, pas un humain n’est capable ou n’a le courage de venir me rejoindre là-haut. En plus, c’est un endroit où il n’y a jamais de ménage à faire. Je sais, c’est un peu bizarre d’avoir un hamac suspendu dans sa chambre, mais c’est ce que j’ai demandé comme récompense quand j’ai finalement réussi ma deuxième

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année. J’avais fait preuve de beaucoup de persévérance, je méritais bien un petit quelque chose.En passant, c’est voulu que le mot « persévérance »

soit écrit si petit. On me l’a répété tellement souvent pendant ma deuxième année, que je ne suis plus capable de l’entendre ni de le lire. Il me donne carrément la nausée. Par chance, écrit de cette façon, ce n’est pas si mal.

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Donc, j’ai eu mon hamac. J’avais demandé un cheval ou un mouton, et j’ai reçu un non catégorique. C’est là que m’est venue l’idée du hamac. Maman était contre, papa était pour. Puisque c’était un contre un, j’ai tranché en faveur du « pour » !

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Je fais des tas de jaloux avec mon hamac. Marie-Pier la première. Marie-Pier, c’est ma deuxième meilleure amie. Elle aussi aimerait avoir un lieu où on a l’impression de voler entre ciel et terre. Dans un hamac, on a ce sentiment de légèreté et de liberté. Si haut dans les airs, je me sens comme un oiseau, je me relaxe et me balance dans le vide. Je me relaxe tellement que... je me mets à bâiller. Ce n’est qu’une question de temps avant que mes yeux se ferment et que...

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... je tombe à la renverse ! Ahhhhhhh... je me dirige, vous vous en doutez bien, ahhhhhhh... directement vers le plancher ! Ahhhhhhh... Avec un peu de chance, je tomberai sur quelque chose de moelleux, ahhhhhhh... comme mon lit ou, encore mieux, ahhhhhhh... Pot de colle. Mais non,

c’est le plancher qui m’attend, ahhhhhhh... et je sens que mon nez va s’aplatir dans un quart de seconde ou, au max, dans une seconde

complète, sur le plancher !

Ahhhhhhh... Et je sens aussi que je vais

avoir mal ! Ahhhhhhh...

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C’est ce que je disais. Ouch ! Ouille ! Ayoye ! Mosus que ça fait mal...C’est le problème avec les hamacs, c’est instable.Selon mon expérience, les problèmes devraient

arriver dans une fraction de seconde. La porte s’ouvre et la lumière du plafond s’allume.— C’est quoi, ton problème ?!C’est ce que je disais, ma demi-sœur Charlotte arrive.

Je fais le mort, croyant à tort qu’elle va tout éteindre, qu’elle va s’excuser d’être entrée dans ma chambre sans frapper, puis refermer la porte, car je vous jure que si j’étais entré dans SA chambre SANS frapper, je serais probablement encore plus mort que je le suis maintenant. Mais non, elle est insistante, ma moitié de sœur Charlotte.

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— Il est presque minuit, Lau Sansoucy ! Tu pourrais pas dormir comme tout le monde et arrêter de faire du bruit ?Je fais toujours le mort, mais j’entrouvre tout de

même un œil. Je l’aperçois. Elle attend sans doute une réponse à sa question. Les bras croisés, elle tempête et tape du pied. Elle ne croit pas une seconde que je sois réellement mort. Elle pourrait à tout le moins s’approcher pour voir si je respire ou non, ou encore pour prendre mon pouls. Dans un geste de grande bonté, elle pourrait appeler au secours.

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« Venez, venez ! Mon petit demi-frère adoré est blessé, peut-être mort. Venez vous en occuper. Moi, je ne suis qu’une adolescente et je dois retourner me coucher. Je me lève très tôt demain, car c’est très, très, très long de m’arranger les cheveux le matin, question d’être présentable. »

ne rêvez pas en couleurs, ni en noir et blanc, elle réagit comme d’habitude :

en adolescente insignifiante et gâtée, qui ne se soucie aucunement de mes problèmes !

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Comme il fallait s’y attendre, la situation se complique encore. Papa se pointe dans le cadre de la porte. Il tente de mettre ses lunettes sur le bout de son nez et du bon côté. Puis, il me regarde longuement.— Qu’est-ce qu’il fait là ?« J’imite un mort ! », que j’ai envie de lui dire.

Mais je ne peux pas. Premièrement, ce n’est pas à moi qu’il pose la question et, deuxièmement,

je suis censé être mort. Charlotte-les-culottes intervient aussi gentiment qu’elle en est capable :— Tu vois bien ! Il fait le con, comme d’habitude.Je vous le jure, c’est le plus gentille qu’elle peut être.

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Tout ce temps-là, je gis par terre, tombé tout droit du ciel – bon d’accord, de mon hamac. Ils sont là tous les deux, dans le cadre de la porte, à se questionner sur ce que je fais. De vrais sans-cœur ! Maman se pointe à son tour. Caporale-maman, devrais-je dire !

Ça, c’est la phrase préférée de maman. Une phrase-choc qui a un effet instantané sur tout le monde, car chacun s’en retourne tout de suite dans son lit.

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