Pensés - Cicéron.pdf

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  • PENSESCICERON,

    TRADUITESPour fervir Tducation de la Jeunefie;

    Par M. tAhbc d'Olivet, de.L^Acadmie Franoife.

    Quatrime ditioic^Uf ^12

    m. p^.^ M

    A PARIS,Chez Davidts , fur le Quai desAuguftlns

    , l'Image S. Jacques.

    M. DCC. LV,

  • F 'I ^ ^> *> ^ ^''' ^^ ^' '^''' ^> ^'' i',ir-iTTfv

    SERENISSIMO

    DELPHIN OJ O s. O LIV ET U s.

    >;-^^jpjUOD te latine alloquor, Se*

    Q^-RNissiME Delphine,facio primm , tibi ut obfequar 5

    qui nrim,

    te Latina quantopere dlec-

    tent : deinde ut hoc ipfum , Latinis deleari

    te, nrint ex me qum plurimi. Quippeta exiftimo

    ,maximum Gallis omnibus fore

    ftfdiorum incitamentum,

    fi cognofcant fib

    adolefcere Principem,alteram fpem fuam

    ,

    cui Mufamm contubernium quamdiu ^ta^ndulfit , in deliciis fure fcriptores Romani quos inter eminet omnium

    ,quibus mens lae-

    va non eft , confenfione princeps M. T. CiWcero , dignus plan quem novus tibi ornatus

    commendaret. Hanc nuper provinciam au-

    dacis fufcepi,qum confideratis : neque

    enim ita ignoro ipfe memet,

    ut nefciam

    gu^tyiu id^

    qugd fci,

    diftet perfe^Oij

  • Quartquam laborls mel fruftum te habuop^

    tatiffimum. Per affiduam M. Tul ( jdionemid evnit

    ,quod futurum profpexeram : afFe-

    cre fmgulafi quadam dulcedine anmum veriac refti amantem loci praefertlm illi , qui ex-

    prefla continent praecepta fapientise : ade ,'

    exerente natur vim fuam , cum Tulianis tui

    fenfus mirific congruebant. Hos igitur lo-

    cos,

    quibus afFeftum te potiffimiim idoneis

    teftibus intellexi ,hc, SerenissimeDelphine , recognofces in Gallicumconverfos , ut iis confuitum fit , quos minus

    latlnitate paratos , ad utendum fruendumque

    alliciet tui Nominis infcriptio. Ego vero in

    hac ipfaconficienda explicatione verfatus fum

    eblibentis,qubd me cogitabamnon magis

    interpretem effe Ciceronis,qum tuum. Ve-

    lit, faxit ille omnis fapienti auor, Deusimmortalis , ut hi Tatus efflorefcant in dies

    uberis,

    ac generofam indolem iftam ufque

    xornent iis fruftibus virtutum,quibus feli'^

    citas publica continetur. Vale.

    Parifiis , Kal. Jan. M. DCC. LI\%

  • '^^'i^^^^i^k

    PRFACE.'JE me fuis toujours fouvenude ce qui m'arriva dans unepartie de promenade quatre oucinq lieues de Londres. Un ora-ge m'ayant fait entrer dans lapremire maifon qui fe prefen-toit moi

    ,

    je fus agrablementfurpris de la trouver habite parun Franois

    ^que j'avois connu

    dans ma jeuneie,&qui , aprs

    diverfes avantures,

    s'toit m-nag cette retraite , o il mon-troit notre langue des enfans

    ,

    dont les penfions le faifoientfubfifter. J'eus la curioiit de fa-voir quelle mthode on fuivoitdans ces fortes d'coles

    ^

    qui fontalTez communes en Angleterre*

  • 6 PRFACE.J'appris qu'on y lifoit le Qunte-Curce de Vaugelas , & qu' l'ai-de du Latin

    ,dont ces enfans

    doivent favoir dj les principes,on tchoit de leur faire enten-dre le Franois : ce qui fervoit les exercer tout la fois dansles deux langues. Pendant notreentretien

    ^le pre d'un de ces

    penfionnaires nous joignit. Quel-ques paroles qu'il m'adreffa , medonnrent lieu de lui dire quej'entendrois volontiers fon filsexpliquer une page ou deux, l'ouverture du livre. Juilementle volume s'ouvrit la batailled'Arbeles. Mais l'explicationn'alla pas loin

    ,fans que mon

    Anglois l'interrompit par des r-flexions

    ,

    qui ont fait natre cepetit Recueil. Qu'ai-je befoin

    ,

    difoit-il,que mon fils ait la tte

    remplie de toutes ces guerres ?Je n'en veux pas faire un Gnral

  • PRFACE. 7d'arme. Quand mme il pour-roit le devenir , eft-ce dans leslivres qu'il apprendra fon mtier?Pourquoi n'avoir pas quelque au-tre Traduftion

    ,

    qui contiennedes maximes utiles , & des prin-cipes capables de formerun nom-me d'honneur ?

    Rien de plus fenf que ce dif^cours. J'eus ds-lors la penfede mettre la main l'uvre , &:je ne fai comment j'ai fi long-temps diffr l'excution d'undeffein

    ,qui devoir me flater par

    plus d'un endroit. Premire-ment

    ,il ne doit pas tre indiff-

    rent un Acadmicien, de con-tribuer rpandre notre languechez l'tranger. Un autre motifencore plus lgitime , c'eft qu'unpareil Ouvrage

    ,

    pour peu qu'ilft bon en fon genre

    ,devien-

    droit la plus importante lefturedes jeunets gens , la plus propre

  • s PRFACE. leur infpirer le got des vertus >^fans quoi l'on ne fauroit tre

    ,ni

    ^ heureux foi-mme,

    ni utile lafocit.

    Pour arriver en mme tempsau double but que je me propo-fois

    ^il falloit nceflairement

    une traduction,& je n'avois

    pas balancer fur le choix del'original. O aurois-je trouv

    ,

    & la belle Latinit , & l'excel-lente Morale , mieux runies quedans Ciceron ? Mais

    ,comme la

    plupart de fes Ouvrages renfer-ment diverfes chofes

    ,ou qui

    paffent l'intelligence des enfans you qui ne font pas toutes de lamme utilit , il m'a paru que jedevois faire un choix

    ,& me

    borner prefque des penfes d-taches. Auffi-bien les enfans nefont-ils gure capables de pren-dre la fuite d'un long difcours.Je ne crois pas non plus

    ^

    que

  • PRFACE.^

    des fentences nonces laconi-quement

    ^

    puifTent leur conve-

    nir. Une penfe,

    moins qued'tre dveloppe

    ,& mife dans

    un certain jour , eft obfcure poureux : ou

    ,

    quand mme la clartferoit jointe la brivet , il yauroit encore craindre que cequ'on appelle fentence , ne \mt pafler trop vite pour fixer leurimagination volage. Par cetteraifon fut-elle la leule

    ,j'aurois

    prfr Ciceron Seneque. Maisd'ailleurs

    ^j'avois une bien plus

    ample moiffon faire dans l'un

    ,

    que dans l'autre : car , commel'a trs-bien dit le Cardinal duPerron 5 ily aplus en deuxpagesde Ciceron

    ^qui penfe beaucoup

    ^

    & dont l'efprit marche toujours',quen dix pages de Seneque y quitourne fans cefTe autour de la m-me penfe , & revient toujoursAir fes pas.

  • 10 PRFACE.On me dira que Ciceron perd

    infiniment tre ainii dcoulli.Car la fuperiorit de fon mrite

    ,

    & ce qui le met au-defliis^peut-

    tre,de tous ceux qui crivi-

    rent jamais , ce n eft pas feule-ment une continuit de penfesvraies

    ,folides

    ^lumineules : ce

    n'eft point le fecret de s'non-cer avec des grces

    ^

    qui n'ap-partiennent qu' lui : c'ell prin-cipalement l'art d'arranger &de lier fes penfes , ou pluttde les enchaner. Mais celaje rpons

    ,

    qu'il eft queflion icide tourner Qceron notre pro-fit

    ,fans nous mettre en peine de

    fa gloire,

    qui peut aifment fe.pafler de nous.

    J'y nuirois dans Tefprit deceux qui ne le connoilTent pointd'ailleurs

    ^fi je manquois d'aver-

    tir que ce Volume , loin de ren-fermer tout ce qu'il a dit de bon

    ,

  • PRFACE. ln'en contient qu'une fort petitepartie. J'ai d me proportionneraux befoins des enfans. Quinti-lien compare leur efprit desvafes 5 o la liqueur n'entreraqu'tant verfe goutte goutte*Il faut donc peu de lefture cetge-l

    ,mais une leure bien

    cnoiie,& qui foit frquemment

    rpte.Je n'ai prefque rien pris des

    Offices^parce qu'ils doivent tre

    lus & mdits d'un bout l'au-tre. On feroit inexcufable de lesdonner par lambeaux : tout yeft d'une gale nceffit

    ,d'une

    gale beaut. Tout s'y tient : unprincipe amen l'autre

    ,& fou-

    vent a befoin de l'autre,pour

    faire fentir que la Morale ne faittoute entire qu'un feul corps

    ,

    dont les parties font tellementlies

    ,tellement infparables

    ,

    qu' bien examinr la nature de

  • Il PRFACE.nos devoirs , & celle du curhumain

    ^ii Ton n'eft pas honnte

    homme en tout , il s'enfuit de-lqu'on ne Teft en rien.

    Vritablement^la Morale de

    Ciceron,

    quoiqu'on la puiiTe re-garder comme l'extrait de toutce que les Payens ont penf deplus judicieux

    ,& de plus foli-

    de 5 doit cependant tre , tanttpure

    ^ tantt appuye,

    parcelle de l'Evangile. O la Rai-fon humaine parotroit nous laii^fer dans une forte d'incertitude

    ,

    la Rvlation divine vient no-tre fecours. Voil ce qu'un habilematre fera fentir des enfans.Quand

    ,

    par exemple,

    Cice-ron parle des Dieux

    ,un petit

    mot leur fera comprendre que cepluriel bleife , non feulement laRehgion

    ,mais le fens commun*

    Quand ils verront ce que desPayens ont jug des plaiiirs y des

  • PRFACE. 13pafions 5 des richefles , des vraisbiens , & des vrais maux : cesbelles maximes , on joindra lesgrands motifs

    ,que le Chrtien

    le met devant les yeux. Quandon leur fera lire le Songe de Sci-pion , nefera-ce pas une occafontoute naturelle de leur expliquerce que la Foi nous enfeigne del'autre vie ?

    Pour fermer donc le Chrtien,il faut ajouter fouvent &^au-coup la Morale de Ciceron,Mais aufi en formant l'hommed'honneur , elle difpofe un en-fant recevoir & conferverdans fon cur les prceptes delaRelig;ion. Vous ne fauriez troplui repeter

    ,

    qu il a une ame , uneconfcience

    ^une loi naturelle

    ,

    d'o rfultent de vrais devoirs :& qu'indpendamment de touteReligion crite

    ,s'il manque

    de probit , il devient aux yux

  • 14 PRFACE,de quiconque fait ufage de faraifort

    ,un objet de mpris &

    d'horreur. Afurment les ver-tus de Socrate ne peuvent nousfuffire : mais commenons parles avoir. Tout difice qu'on b-tiroit fans ce fondement , ne fe-ra pas de longue dure : au lieuque dans l'homme fincerementvertueux , il eft rare que la Reli-gion perde fes droits ; & plus ra-re encore

    ,

    qu'aprs les avoir per-dus , elle ne vienne pas tt ouard les recouvrer.

    Quoique mon delTein , encoreune fois , ait t de rendre ferviceaux trangers

    ,qui

    , l'aide

    du Latin , tudient le Franois jil me femble que mon travailpourroit auffi tre de quelqueutilit dans nos coles

    ,oii

    l'aide du Franois , on tudie leLatin. Je ne parle point des Col-lges : ils font gouverns par des

  • PRFACE. tiiommes prudens

    ,

    qui faventmieux que moi quelle route eftla meilleure. Je parle de ces pe-tites coles

    ,

    qui tous les joursfe multiplient aux environs deParis , & dans les Provinces :Au lieu d'y faire voir des Traitsentiers

    ,qui demandent qu'on

    foit verf dans les di{putes duPortique & du Lyce , aujour-d'hui peu connues : il ne feroitpas moins avantageux pour ledifciple

    ,

    que commode pour lematre , de s'attacher des pafla-

    tes inftruftifs , & mis la portee toute forte d'efprits , ou par

    la traduftion mme , ou par decourtes remarques. On enfeigne^roit des chofes , en mme tempsque des mots : on cultiveroit laraifon

    ,en mme temps que

    la mmoire. A l'utilit , on join-droit la facilit. Car les grandsprincipes de la Morale ont cela

  • ^6 PRFACE.de particulier

    ,que la nature les

    ayant gravs^

    ou du moinscrayonns dans Tame de tous leshommes ; lorfqu'on les montre un enfant

    ^il croit ne voir que

    ce qu'il favoit dj ; & lui-m-me il eu Ton principal interprte

    ,

    parce qu il trouve un excellentcommentaire dans fon proprecoeur.

    - Mais ne nous bornons pas auX'tudes

    ,

    qui fe font dans les co-les publiques. Pendant les vacan-ces

    ,ordinairement les enfans

    iiiivent leurs parens la campa-gne ; & c'eft l qu un Ouvragedans le got de celui-ci

    ,

    pour-roit tre d^un plus grand fecours*Quel devoir plus facr pour unpre

    ,

    quelle obligation plus in^difpenfable

    ,

    que d'inftruire lui-mme fon fils ? Ajoutons : quelledouceur plus fenfible

    ,

    plus vive,

    plus attrayante^quand les en^

    traiU$9

  • PRFACE, 17trailles paternelles font ce qu'il

    eft prlumer qu'elles font tou-jours ? J'aime me reprfenterun homme livr au Public dansle cours de l'anne , mais rendu lui-mme pendant l'automne

    ,

    loin du bruit , loin des impor-tuns j j'aime me le reprfenterdans le fein de fa famille

    ,un

    Ciceron la main , lifant avecfon fils quelque beau trait del'Antiquit

    ,& fe plaifant rai-

    fonner l-deffus,moins , en ap-

    parence,

    par forme d'avis,

    quepar hafard. Ainfi pntre dansune ame encore tendre , le pr-cieux germe , d'o clorra l'hon-nte homme , le grand homme

    ,

    le bon magiftrat ,1e bon citoyen.Toutes les leons du prcepteurle plus favant & le plus appli-qu

    ,ne valent pas ce qu'un pre

    dit propos : parce qu'un enfantiait., & ne s'y mprend point

    y,

  • i8 PRFACE,que Tunique but de fon pre eflde travailler le rendre heureux

    ,

    & digne de l'tre.Je finis par un paffage

    ,qui

    s'eft prfent fouvent mon ef^prit , mais que je ne traduiraipoint, de crainte d'offenfer notreiecle. On fait ce que les moeurstoient devenues Rome , dansle temps o Ciceron crivoit.On fait ce qu'avoient produit

    alors une opulence mal diftri*bue , un luxe outr

    ,une impu-

    nit trop gnrale,mais fur-tout

    le mj^ris des bienfances,qui

    ne vient qu'aprs un long oubli

  • PRFACE.^

    19zle prmatur. Quoi quil enfoit

    ,voici la citation Latine

    ,

    dont je voulois parler.

    Quod munus reipublicce afferremajiis y meliufvepojpxmus y quantJidocemus atque erudimusjuven^iutem ? his prfenim moribus yatque temporibus y quibus ita pro-iapfa ejl y ut omnium opibus refre^nanda y ac corcendajit^ Cic. deDivin. II. 2.

    Bij

    i\

  • M. TULUICICERONIS

    ECLOGM,55

    L

    f^^^ UID [ / ] poud efctant

    '^V\%%.^P^^^^^^ , tamqiic perfpU XL X^ cuiim^ cum clum fufpcxi^

    ^^^^^=^ ./;2//5 ^ cUjnaquc conumplatifumus ^ qnm ejfe aliquo numen prce^(antijjimce mentis ^ quo hac regantur ?

    Quoi qui duhiut , haiid fane inteUligo ^ air non idem ^ fol (it ^ an nullus

    fit y dubitare pofft. Qiiid enim ejl hocillo evdentiiis } Quod nifi cognitumcomprchcnfumqiic animis habercmus ^non tam Jlabilis opinio permaneret ^ nec

    confirmarctur diuturnitatc tcmporis ^

    (i) DeNat, Deor. lib. II. cap. z.

  • PENSESCICERON.

    Sur la Religion.EUT-ON regarder le Ciel& contempler tout ce qis'y pafle

    ,fans voir avec

    toute l'vidence poflble,

    qu'il efl gouvern par uneTuptme 3.par riediviii Intelligence? \

    Quiconque auroit quelque doutel-deffus, je crois qu'il pourroitauffi-tt douter s'il y a un Soleil. L'un eit-il plus viible que l'autre ? Cette per-fuafipn 5 fans l'vidence qui l'accom-pagne

    ^n^auroit pas t fi ferme & {%

    durable ; elle n'auroit pas acquis denouvelles forces en vieilUffant 3 eiie^

  • %t Pensees^nec un cum fecidis tatibiifque homl^num inveurare potuijfct. Eunim vide-^mus ^ cteras opiniones ficias atqm va^nas diuturntau extabidjfc. Quis eninihippocentauriim fuijfc ^ aut chimramputat } Quce-ve anus tam excors inveniripotejl

    ^quce lla

    ^que quondam crede^

    bantur apud inferos portenta ^ cxtimef"cat } Opnonum. mim commenta deletdies : naturce judicia confirmt. Itaquc in nojlro populo ^ & in'^rtteris ^ deo-^rum cultus religionumque fanciitatescxijuritin dUs majores ^ atquemeliores.

    \. Prceclare [ i ] Arijoteles ^ Si Q&nt,

    \x\ Hippocentaure ^ animal fabuleux ,imoti hi^ime^ moiti cheval. On prtendque ce font les Theffaiiehs, qui trouvrentl'art de dompter les chevaux. Ls premiershommes qu'on vit cheval

    ,parurent ne

    faire qu'un corps avec le cheval mme, &donnrent lieu la fable de l'Hippocentaure,.

    J^j] La Chimre flon les Potes, ctotiin monftre' qui avoit la t.te d'un lion V ^^corps d'une chvre , & la^ queue d'un dra-gon. Bellerophon, mont futPegafe, dft1^ himqre, On peut voir, dans les Ar-.

  • bE CiCERON. i^n'aiirot pu rfifter au torrent desannes

    ,&c paffer de fiecle en fiecle

    jufqu' nous. Tout ce qui n'toit quefiftion 5 que fauffet , nous voyonsque cela s'eft dilp la longue.Perfonne croit-il encore aujourd'hui

    ,

    qu'il y eut jamais (2] un Hippocen-taure 5 une [ 3 ] Chimre ? Les monf-tres [4] horribles qu'on fe fguroitanciennement dans les enfers , font*ils encore peur la vieille la plusinibecille du monde ? Avec le tempsles opinions des hommes s'vanouif-fent , mais les jugemens de la Naturefe fortifient. De-l il arrive parminous & parmi les autres fceuples

    ^

    que le cuite divin & les prwi^ues deReligion s'augmentent , c s'purentde jour en joiu:.

    ^

    Ariftote dit trs-bien : Suppfonsdes hommes qui eujfcnt toujours habit

    turs qui traitent de l'origine des Fabien.^

    les divers fens qy'ils donnent celle-ci.[4] Cerbre , les Parques , les Eum*

    fides , ou les Furies, &c.'

    [ 5 ] i?^ NqLDcor. II. 37-^ 38.

  • 14 Pensesinquit

    ,qui fub terra femper habita-

    viffent^bonis & illiiftribus domici-

    liis5

    qiias effent ornata fignis atqiie

    piduris 5 inftruaque rbus iis om-nibus

    5quibus abundant ii qui beati

    putantur^nec tamen exiffent unquam

    ilipra terram : accepiffent autem fa-ni & auditione effe quoddani nu-men , & vim deoruni : deinde aliquotempore

    ^patefais terrae faucibus

    ,

    ex illis abditis fedibus evadere inhaec loca quae nos incolimus

    ,atque

    exire potuiffent : ciim repente ter-ram

    ,&: maria ^ clumque vidiffent :

    nubium magnitudinem , ventorum-que vim cognoviffent , afpexiffent-que folem

    ^ejufque tum magnitudi-

    iiem5pulchritudinemque

    ,tum etiam

    efficientiam cognoviffent,

    quod isdiem efficeret , toto clo luce diffu-sa : ciim autem terras nox opacaflet,tum clum totum cernrent aftrisdiftindum & ornatum ^ lunaeque lu-minum varietatem tum crefcentis

    ,

    tum fenefcehtis 5 eorumque omniumprtus & dccafus

    ,atque - in omn

    seternitate ratos immutabilefque cur-fus ; h^cciim vidrent; profefto &

    fous

  • D E C I C ERO N. 2^fous terre dans de belles & grandes mai-fons ^ ornes de Jlatues & de tableaux yfournies de tout ce qui abonde che:^ ceuxque Von croit heureux. Suppofons y que

    fans tre jamais fortis de-l y ils eufjentpourtant entendu parler des Dieux ; &que tout d'un coup la terre venant s'ouvrir y ils quittaffent leur fjour tne-^breux pour venir demeurer avec nous.Que penferoient-ils ^ en dcouvrant laterre ^ les mers ^ le ciel ? en confderantretendue des nues y la violence desvents? enjetant lesyeux fur le Soleil ?en obfervant fa grandeur^ fa beaut ,reffufion deja lumire qui claire tout ?Et quand la nuit auroit obfcurci la terre yque diroient-ils ^ en contemplant le cieltout parjhn d'aflrcs diffrens } en re-marqiiant les varits furprenantes de laLune y fon croijfant ^ fon dcours } enobfervant enfin le lever & le coucher detous ces ajres ^ & la rgularit inviola--ble de leurs mouvemens } PourroientMsdouter quil ny et en effet des Dieux ^& que ce ne fut l leur ouvrage }

    Ainfi parle Arillote. Figurons-nous pareillement d'paifes tn-j;>rcs

    ^fniblables celles dont le

    C

  • i6 Penseseffe deos , & haec tanta opra cled4mm effe arbitrarentiir.

    ^tquc h(zc quidcm lh. Nos autemtcmbras cogitcrnus tantas

    ,qiiantiZ quon^

    dam cruptionc j^tKzorum ignium fijiUtimas rgiones obfcurayi[fe dcuntur

    ^

    ut per biduiim nemo hominem homo,agnofceret : cum autem tertio die fol il^luxijfet ^ tiim ut revixijfejihividerentiir^Qiiodfi hoc idem ex ceternis tenebriicontingeret ^ ut fubitb lucem afpicere^mus : qunam fpecies cli videretur ?Sed a.Jjiduitate quotidian ^ & confue-^tudiie oculorum ^ ajfuefcunt animi :iieque admirantur y ntque requiriint ra-^tiones earum rerum

    ^quas femper vi-

    dent : proinde quaji novitas nos magis ^quam magnitudo rerum^debeat ad ex^quirendas caufas excitare.

    Quis enim hune hominem dixerit,

    qui cm tam certos cli motus , tamratos ajrorum ordines ^ tamque omniainterfe connexa & apta viderit y negetin his ullam inejje rationem y eaqu^cafu fieri dicat y quce quanto conciliogerantur y nullo concilio aifcqui pojfu-*mus ? An cum machinatione quadammoveri aliquid vidcmus y ut fphc^ram

    ^

  • DE XIC ERO N. 27mont Etna

    ,

    par l'irruption de (es fi-mes 5 couvrit tellement fes environs

    ,

    que Ton fiit deux jours ^ dit-on , fanspouvoir fe connotre ; & que le troi-fieme jour

    ,le Soleil ayant reparu

    ,

    on fe croyoit refTufcit. Figurons-nous^ dis-je

    ,qu'au fortir d'une ter-

    nelle nuit, il nous arrive de voir lalumire pour la premire fois : quelleimpreiion feroit fur nous la vue duciel ? Mais parce que nous le voyonsjournellement, nos efprits n'en fontplus frapps

    ,& ne s'embarraffent

    point de rechercher les principes dece que nous avons toujours devantles yeux, comme fi c'toit la nou-veaut

    ,

    plutt que la grandeur m-me des chofes

    ,

    qui dt exciter notrecuriofit.

    Efi-ce donc tre homme,que d'at-

    tribuer,non une caufe intelligente^

    mais au hafard , les mouvemens duciel fi certains

    ,le cours des afi:res fi

    rgulier , toutes chofes fi bien lies^nfemble, fibien proportionnes, &c-conduites avec tant de raifon

    ,

    queTiotre raifon s'y perd elle-mme ?Quand nous voyons des machines

    Cij

  • ra8 Penseslit horas ^ ut alla pcrmulta : non dtchUtamus quin illa opra Jint ratlonis :cui autem impctum cli admirabltcuni celcritac movcri vcrtiqiic videa^mus 5 conjantiffime conficicntem vicif-Jitudines annvcrfaras ^ aim furnmafaluu & confirvatiGnc rcrum omnium :dubtamus

    ^quin ca nonfolm ratiom

    fiant y fed etiam excelUnti quodam di^vindque ratiom ? Lict cnim jam ^ rc-mot fubtilitatc difputandi ^ oculis que*da7nmodo contcmplari pulchritudimmrcrum earum

    ^quas divind providcntid

    dicimus conjlitutas.

    Cum [6"] videmus fpeciem primutncandoremquc cli ; deinde converjonisccUritatci taritam

    ^quantam cogitar^

    non poffumus ; tum vicijfftudines die-*mm atque noBium ^ commutationefquztcmporum quadripartitas y ad maturi^tatemfrugum & ad temperationem cor^

    . (6) Tufcul. II. a8 & %2.

  • DE CiCERON. i^qui fe meuvent artificiellement ^ une.fphre

    ,une horloge

    ,& autres fem-

    blables ; nous ne doutons pas queTefprit n'ait eu part ce travail. Dou-terons-nous que le monde foit dirig

    ,

    je ne dis pas fimplement par une In-telligence 5 mais par une excellente ,par une divine Intelligence

    ,

    quandnous voyons le Ciel fe mouvoir avecune prodigieufe vtefle

    ,& faire fuc-

    cder annuellement Tune l'autre lesdiverfes faifons

    ,

    qui vivifient,qui

    confervent tout ? Car enfin , il n'eilplus befoin ici de preuves recher-ches : il n'y a qu' examiner des yeux

    ,

    la beaut des chofcs dont nous rap-portons rtabliffement une Provi-dence divine.

    ' Quand nous regardons la beaut &&la fplendeur du Ciel ; la clrit deion roulement

    ,

    qui eft fi grande qu'onne fauroit la concevoir ; la vicifiitudedes jours & des nuits ; le changementdes quatre faifons, qui fervent meu-rir les fruits

    ,& rendre les corps

    plus fains^ le Soleil,

    qui ell le rao*C iij

  • 30 Pensesporum aptas ; corumquc omnium modc^ratorcm & ducem folem ; lunamqucaccrctionc & dimnutionc luminis

    ^quaji

    fajlomm notanum & Jignificanumdics ; tum in codem orbe ^ in XIIpar-tes dijiributo y quinqiu Jldlas fcrri ^ cof-dem curfus conflantijime fendantes

    ,

    difparibis inicr fe motibus ; noclurnam^que cli formarn undique jidtribus or-natam ; tum globum terrez eminenteme mari

    ^jixum in medio mund univcrji

    loco ^ duabus oris dijiantibus habitahi-km & cultum : quarum altra y quninos incoUmus

    , fub axe pojita adfiellasfeptem ^ unde

    HorriferAqinlonis ftridor gelidas molitur

    nives :altra Aujiralis y ignota nobis ^ quamvocant Grceci a'ntichtna ; ceteraspartesincultas y quod aut frigore rigeant ^ auturan^tur calore : hc autem ^ ubi habita'-

    mus y non intermittit fuo temporeCliim nkefcere

    ,arbores fron-

    defcere^

    Vtes laetifics pampinis piibefcere,Rami baccarum ubertate inair^

    vefcere^

  • DE CiCERON. 31frateiir & le chef de tous les mou-vemens cleftes ; la Lune , dont lecroiffant & le dcours femblent faitspour nous marquer [7] les Faites ;les Plantes

    ,

    qui , avec des mouve-mens ingaux , fourniffent galementa mme carrire

    ,fur un mme cer-

    cle divif en douze parties ; cetteprodigieufe quantit d'toiles

    ,qui

    durant la nuit dcorent le Ciel detoutes parts.

    Quand nous jettons enfuite lesyeux fur le globe de la Terre , levau deffus de la Mer

    ,

    plac dans lecentre du Monde , & divif en qua-tre parties , deux defquelles font cul-tives 5 la Septentrionale que noushabitons

    ,TAuftrale qui nous eft in-

    connue,& le refte inculte

    ,parce

    que le froid ou le chaud y domineavec excs.Quand nous obfervons que dans

    la partie o nous fommes,on voit

    toujours au tems marqu,

    (7) Par les Fajles , il faut entendre ici engnral , les jours du mois : car les joursouvriers s'appelloient chez les Romains

    ,

    Faf dies, & les jours de Fte , nefafiu

    C iv

  • I i PensesSegetes largiri fruges ^ floi'ere

    omnia,

    Fontes fcatere,herbis prata con-

    veftlrier :Cim midtitudincm pecudum

    ^partim

    ad vefccndum y partim ad cultus agro-rum

    ^partim ad vitndiim

    ^partim ad

    corpora vcjiienda ; hominemquc ipfum ,quaji contemplatorem cli ^ ac deo-rum 5 ipjbrumque cultorcm ; atqiie ho-minis utilitati agros omncs & mariaparentia.

    HcEc igitur & alia innumerabiliacm cernimus

    ^ pojjumifm dubitarc ,quin /lis prczfit aliquis vcl effccior ^ fikc nata funt ^ ut Platoni videtur :vel y fi femper fuerint ^ ut Arifiotdiplacct y modcrator tanti opcris & mu^ncris ?

    (8) Cette figure , des fontaines qui bon"dljjent y paroitra trop hardie. Mais ces verstant du clbre Roujjeau

    ,il ne me conve-

    noit pas d'y toucher.

  • D E C I C ERO N, 35Une clart plus pureEmbellir la nature ;Les arbres reverdir

    ,

    Les fontaines (8) bondir ^Vherbe tendre renatre

    ^

    Lepampre reparotre^

    Lesprfens de Cres emplir no ma^gafins ,Et les tributs de Flore enrichir nosjardins :

    Quand nous voyons que la terrecil peuple d'animaux

    ,les uns pour

    nous nourrir , les autres pour nousvtir ; ceux-ci pour traner nos far-deaux 5 ceux-l pour labourer noschamps : que Thomme y eft commepour contempler le Ciel, & pourhonorer les Dieux : que toutes lescampagnes

    ,toutes les mers obiffent

    fes beloins.Pouvons-nous la vue de ce fpec-

    tacle 5 douter qu'il y ait un tre , ouqui ait form le monde

    ,fuppof

    que , fuivant l'opinion de Platon , ilait t form ; ou qui le conduife &le gouverne

    ,fuppof que , fuivant

    le fentiment d'Ariftote , il foit detoute ternit ?

  • ff4 Penses

    ffic [^] ego non mirer cjjl quem-'quam

    ^qui Jibi pcrfuadcat , corpora

    qiKzdam folda atqiu individiia vi &gravitateferri ^ mundumque cffic orna-*tijjimum y & pulchcrrimum ex corumcorporum concurjione fortuitd ? Hoc-qui exiflimatjieri potuijfc ^ non intclli^go ^ cur non idemputet ^ ji innumera-iles unius & viginti formez literarumvcl aurecz ^ vel quaks lbet ^ aiiquoconjicantur

    ^ pofj^ ex his in terramcxcufjs annales Ennii ^ ut dcinceps legipofjnt , ejfici : quod nefcio an ne in unoquideni verfu pofjlt tanum valere for-tuna, IJi autera quemadmodum affeve-rant ^ ex corpufciilis non colore ^ non

    qiuilitate aliqu^quam poiotyta Grceci

    vocant 5 non fenfu prczditis ^ fed con-.currentibus temerl atque cafu y mun-

    (^) De Nat. Deor, IL 37.(i) Epicure

    ,chef d'une fefte de Philo-

    fophes affez connue.

    (2) On veut que , ce pafTage de Ciceronait fervi faire inventer l'art de Tlmpri-merie.,

    (3) La couleur 5 la chaleur, & autresqualits fenibUbles 5 ne conviennent ^ fclon

  • D E C I C E R O N. 35r

    Ici ne dos-je pas m'tonner qu'ity ait (i) un homme qui fe perfuade ,que de certains corps folides & indi-vifibles fe meuvent d'eux-mmes parleur poids naturel ; & que , de leurconcours fortuit, s'eil fait un monded'une grande beaut ? Quiconquecroit cela pofibe

    ,

    pourquoi ne croi-roit-il pas que l'on jetoit terre-quantit de caracleres d'or, ou dequelque matire que ce fat

    ,

    qui re-

    f)rfentaffent ( i ) les vingt & uneettres , ils pourroient tomber arran-gs dans un tel ordre

    ,

    qu'ils fonne-roient lifiblement les Annales d'En-nius ? Je doute fi le hafard rencon-treroit affez jufte pour en faire unfeul vers. Mais ces gens-l, com-ment afllirent-ils que des corpufcu-les qui n'ont point de couleur, point

    [ 3 ] de qualit , point de fentiment.,

    Epicure 5 qu' des compofs. Les atomesn'ont de proprits naturelles

    ,que la gran-

    deur,la pefanteur

    ,& ce qui rlulte effen-

    tiellement de la figure , comme d'tre rudeeu poU.

  • 36 Pensesdum ejfe perficium ? vel inmimcrahihspotits in omni puncto temporis aliosnafci ^ alios interire ? Qubd J munun\cfficere poteji concurfus atomorum ^ airporticum

    , cur tcmplum ^ cur domum ^cur urbern non potcjl

    ^qu funt minus

    operofa y & multb quidcm faciliora ?

    FirmiJJmum (4 ) hoc afferri videtur^cur dcQS ejfc credamus ^ qubd nulla genstarnfera ^ ncmo omnium tamjt imma-nis y cujus mentem non imbuerit deo-rum opinio. Multi de dits prava fin--iunt : id enim vitiofo more efcifolet ;omnes tamen eJfe vim & nuturam divi--nam arbitrantur. Nec verb id collocu-^iio homnum ^ aut confenfus efficit :non injitutis opinio ej confirmata

    ^

    non legibus. Omni autcm in re confen-fio om.nium gentium y lex naturapit^tanda eji.

    (4) Tufcul, L 13,

  • D E C I C E R O N. f^qui ne font que voltiger au gr duhafard

    ,ont fait ce monde-ci : ou

    plutt , en font tout moment d'in-nombrables 9 qui en remplacent d'au-tres ? Quoi 5 fi le concours des ato-mes peut faire un monde ^ ne pour-roit-il pas faire des chofes bien plusaifes

    ,un portique , un temple ^ une

    maifon^une ville ?

    Une trs-forte preuve de Texiiten-ce des Dieux , c'eft qu'il n'y a pointde peuple affez barbare, point d'hom-pie affez farouche

    ,

    pour n'avoir pasl'efprit imbu de cette opinion. Plu-fieurs peuples

    , la vrit , n'ont pas

    une ide juile des Dieux : ils fe laif-fent tromper des coutumes erro-nes : mais enfin ils s'entendent tous croire ime puiffance divine

    ^un

    tre fuprme. Et ce n'eff point unefcroyance qui ait t concerte ; leshommes ne fe font point donn lemot pour l'tablir

    ,leurs loix n'y ont

    point de part. Or, dans quelque ma-tire, que ce foit , le confentement detoutes les nations doit fe prendra,pour loi de la Natuye.

  • ^S Penses

    Roges [J] me^

    qiiid atit qiiah Jit

    Deiis ? Auciorc utar Smoindc : de quo

    cum quctjLviffct hoc idem tyrannus Hie*

    ro y dellberand causa Jib iinum deui

    pojulavit. Cum Idem ex eo pojlridicqiKZreret ^ hidiiiuii pctivit. Cum fplusduplicaret numerum derum ^ admranf-

    que HUro requirent ^ ciir ita faceret :

    Quod quanto , inquit y diiitis conii-dero^tanto mihi res videtiir obfciirior.

    Sed Simonidem arbitrer y [ non enim

    Po'ta folum fuavis y verim etiam c(Z^

    uroqi docius yfapienfque traditur ] quia

    multa venirent in mentem acuta atqu^

    fubtilia y dubitantem y quid eorum ejfe

    vcriffimum y dcfperajje omnem veritatem%.

    ( 5 ) Z)^ Nat, Deor, L 12.'

    "

    6) Il n'^ft donn qu'aii Juif& au Chr-^tkn

    , d'avoir une parfaite ide de Teffencediyine. Car les anciens Philofophes n ayanf

  • D E G I C E R O NJ 50

    ^ Vous me demanderez ce que c'eflque Dieu ? Je ferai avec vous , com-me Simonide avec le tyran Hiron ^qui lui propofoit la mme queftion,D'adord ildemianda un jour pour ypenfer : le lendemain , deux autresjours : & comme chaque fois il dou*bloit le nombre des jours qu'il de-mandoit , Hiron voulut en lavoir lacaufe. Parce qw^ dit-il

    ^

    plus j'y faisrflexion

    _,

    plus la chofe me parot obj^cure. Ce qui me fait juger que Simo-nide

    ,

    qui n'tot pas feulement unPote dlicat , mais qui d'ailleurs nemanquoit ni d'rudition

    ,ni de bon

    fens 5 perdit la fin toute efprancede trouver [6] la vrit ; aprs quefon efprit fe fut promen d'opinionsen opinions

    ,les wn^s plus iubtiles

    que les autres,fans pouvoir trouver

    la vritable.

    pas connu la cration proprement dite , &;ayant cru l'ternit de la matire , ils npouvoient tirer de ce faux principe

    ,

    que defgufles conf(j[ueuceSo

  • 4a Penses

    Nccvero (7) Dciis pfe ^ qui inuUligltur nobs ^ alio modo inteUigi po-ujl y n'ij mens foluta qiicedam & Ubc^ta ^fegregata ah omn congrgations mor^tali y omniafentiens & moyens y ipfa'^que pra^dita motu fempiterno.

    -^^^

    Ex ipfa (^ci^ hominurn folertia ejfealiquam mentent ^ & eam quidem acrio-rem & divinam , exijiimare dehemus.Unde enim hanc liomo arrlput? utait apud Xenophontcm Socrates. Q^uin& humorem ^ & calorem ^ qui ejlfufusin corpore , & terrcnam ipfam vifcerunifoliditatem ^ animum deniquc illumfpi^rahilem ji quis qurat unde habemus

    ,

    apparet : quod aliud a terra fumpjmus ^aliud ab humorc ^ aliud ab ign ^ aliudab are eo

    ^quem fpiritu ducimus. Illud

    autem^quod vincit hc omnia , ratio--

    nem dico y & y ji placet ^ plurihus ver-*

    (7) TufculA. 27.(8) Plufieurs Modernes ont fcutenu, que

    la notion de pur efprit ne fe trouvoit pasdans les Anciens. Je leur dmanderois vc-

    On

  • DE CCERON. 41;

    On ne peut concevoir Dieu,que

    fous ride (8^ d'un efprit pur ^ fansmlange

    ^dgag de toute matire

    corruptible ; qui connot tout , quimeut tout 5 & qui a de lui-mme unmouvement ternel.

    Par Tefprit humain,

    tel qu'il eft^

    nous devons juger qu'il y a quelqueautre Intelligence luprieure &c divi-ne. Car 5 d'o viendrait Vhomme ydit Socrate dans Xnophon , Vententdment dont^ il e(l dou } On voit quec'eft un peu de terre

    ^d'eau

    ,de

    feu & d'air^

    que nous devons lesparties folides de notre corps ^ lachaleur & l'humidit qui y font r-pandues 5 le foufle mme qui nousanime. Mais ce qui eft bien au-def-fus de tout cela, j'entens la raifon

    ,

    & pour le dire en plufieurs termes^

    lontiers,

    s'ils ont,

    pour exprimer cette no-tion

    ,des termes moins quivoques &. plus

    dcififs 5 que ceux qu'ils lifent ici ?

    (9) DcNat.Deor.il. 6.7.D

  • 42. Penses :bis y mentcm^ confilium ^ cogitationem ^prudentiam

    ^ ubi inymimiis ? iindc fu-- ,Jiulimus ?

    -^/^Ej[e [/] pmfiantem alquam ^ ter-^

    namqiu naturam , & cam fujpicun"dam ^ admrandamquc hominum gcneri ,.pulchritudo mundi ^ ordoque rcrumclcjiium coglt confiteri. Quarnobnin

    ,

    lit religio propagaiida ctam efl y quczejljun'a ciun cognitione [ 2 ] naturce ^Jc fupcrjlitionisJlirpes omnes ejiciend.Injlat enim & urget ^ & ^ qub te cunqmyerteris

    ^perfcquitur ; Jive tu vatem ^

    jive tu omcn audurs ;Jivc immoldris ^Jive avcm afpexeris ; Ji Chaldczum y Jiharufpicem videris ; ji fulfcrit y Ji to-^nuerit

    ^ Ji tacium aliquid crit de clo ^Ji ojtenti fimile natum ^ faclumvc quip^piam ; quorum necejfe eji plerumque ali^

    (1) De Divmat..72.(2) Il y a dans le Texte , mot mot ^

    une Religion^

    qui s'allie avec la connoiffanced^ lu Nature ; & voil en effet julqii'o leslumires d'un Paen pouvoient aller.

    ( 3 ) Pour les Romains , un Chaldeatoit autrefois ce qu eil aujourd'hui pour

  • DE C I C ER O N. 43fefprit , le jugement , la penfe , laprudence , o Tavons-nous pris ?

    Qu'il y ait un tre fuperieur , quifubiirtera toujours

    ^& qui mrite le

    reipeft & Tadmiration des hommes,

    c'ell de quoi la beaut de l'univers &la rgularit des altres nous force deconvenir : on doit par confquentnourrir & rpandre une Religionclaire

    ,mais en mme tems ex-

    tirper la fuperilition. Vous ne fau-tiez faire un pas

    ,que celle-ci ne

    vous pourfuive,&c ne fe prfente

    vous. Un devin , un prfage , unfacrifce , le vol de chaque oifeau

    ^la

    rencontre [3] d'un Chalden , oud'un Harufpice

    ,un clair

    ^le bruit

    du tonnerre,

    la foudre tombe duciel 5 quelque production de la terre

    ,

    ou quelque vnement,

    qui parottenir du prodige

    ^tout faffit au fu-

    perftitieux pour s'alarmer ; & ncef-fairement il en trouvera des occa-

    nous un Bohmien , c'eft--dire , un difeurQ bonne aventure.

  • 44 Pensesqu'id eveniat ^ ut nunquam liccat quhtumente conjijhre.

    Deos [4] & venerari & colre de^hemus. Cultiis aiitem deorum ejl opti^mus y idemque cafllffimus atque fan-*clijjiius

    ^plenifjmufqiie pictatis ^ ut

    eos femper pur , intgra , incorniptd& mente ^ & voce veneremur. Non enirnphilofophi folum y verm etiam majoresnoflri fuperJlLtionem religione fepara^yerunt.

    Sit igitur (3) jam hoc prlncipioperfuafum civibus ^ dominos ejfe om-nium rerum ^ ac moderatores deos :taque

    ^

    quce gerantiir ^ eorum geri dl-

    tlone 5 ac numine ^ eofdemque optimide gnre hom'vium mereri : & 9 qualisquifquejit

    ^qud agat

    ^quid infe ad-

    mittat^

    qu mente^

    qu pietate colatrellgiones ^ intueri ; piorumque & im-^piorum habere rationem^

    (4) De Nat. Deor, IL 28.{')) De Legibus ^ II. 7

  • DE Ciceron; 4ons fi frquentes

    ,que fon efprlt ne

    fera jamais tranquille.

    On doit aux Dieux un culte pleinde refpect. Culte trs -bon

    ^trs-

    faint,

    qui exige beaucoup d'innocen-ce & de pit , une inviolable puretde cur & de bouche ; mais qui n'arien de commun avec la fuperftition

    ,

    dont nos pres,

    auffi-bien que lesPhilofophes , ont entirement fparla Religion,

    Que des hommes qui vivent enfocit , commencent donc par croirefermement qu'il y a des Dieux ma-tres de tout 5 & qui gouvernenttout

    ; qui difpofent de tous les v-nemens ; qui ne ceffent de faire dubien au genre humain ; dont les re-gards dmlent ce que chacun eft , ceque chacun fait

    ^tout ce qu'on fe per-

    met foi-mme^dans quel efprit y

    avec quels fentimens on profeffe laReligion ; & qui mettent de la diif*rence entre l'homme pieux &c rimpie

  • 4^ PensesUtiles ejfe auum opiniones lias ^ quis

    ncget y cm intcllignt y qiim imdtafiruuntur jurcjurando ; quantcz falu^lis Jint fderiim religiones ; qumiultos dvini fuplicii nutus fcelercuvocart ; quamquc fancia jit focletascivum inur ipfos ^ dus mmortallbusinurpojitis tumjiidicibus ^ tum tefilbus ?

    Irz fpecie [ 7 ] fici:z (imtdationis ,Jicut reliquce viniius y ta paas inejfcnon poufi : curn qua jimiil & fanciita--um y & rclgionem toUi neccjfc cji :qubus fublatis pcrturbatio vit

  • DE C I C E R O N; 47tv Peut-on nier que ces fentmens-Ine (oient d'une grande utilit , lorf-qu'on voit dans combien d'occafionsle ferment eft le fceau de nos paro-les ; pour combien la Religion entredans la foi de nos alliances ; com-bien de crimes la crainte d'une puni-tion divine a prvenus ; & com-bien eft [6] fainte une focit d'hom-mes perfuads qu'ils ont au milieud'eux 5 & pour juges& pour tmoins^les Dieux immortels ?

    Il en efl: de la pit comme detoutes les autres vertus ; elle neconfifte pas en de vains dehors. Sanselle il n'y aura ni faintet

    ^ni reli-

    gion : & ds-lors quel drangement yquel trouble parmi nous ? Je doute

    ^

    Il d'teindre la pit envers lesDieux 5 ce ne feroit pas anantir labonne foi

    ,la focit civile

    ^& la

    quelle manire un Payen nous expofe ledogme important de la prfence d'un Dieu

    ^

    fcrutateur des curs.

    (7) De Nat. Deor, ! Zp

  • '4^ Pensesneris , & una excdUntiJJma virtus gjiijiuia, tollamr.

    Mala (8) & impa confuetudo ejicontra dcos difputandi

    , Jive ex animoidfit , Jive Jitnulate.

    (8) De Nat. Deor. II. Sj.

    K ..sic T ..sfe.. ^^^^

    '>%fi

    principale

  • DE C I C E R N." 49principale des vertus

    ,qui ell la

    juftice.

    Parler contre les Dieux, foit qu'onle fafle ferieufement , ou non

    , celacft pernicieux & impie.

    \ ^ i

    E

  • 50 Penses

    IL

    NIMAL [5)] hoc providum

    ^

    uJL y^g'^-^ y multiplex y acutum y mc^mor y plnum rationis & conjili y queni^yocamiis HoMlNEM y prclar qud*dam CGJiditione generatum efl fummoDeo. Solum ej enim ex tt anman^thim genenbus atqiie naturis

    ,

    particepsrationis & cogitationis ^ cum cc^teraJnt omnia expertes.

    EJI [ / ] illud qiiidem maximum yanimo ipfo animiim videre : & niminimhanc habet vim prceceptwn ApoUinis ^qiio monet y ut fe qidfque nofcat. Nonenim credo y id prcecipit y ut membra

    (^) De Legib. I, 7.( I ) Tufcul. L 22._2) Pline 5 llv. VIL chap. 32, nous

    apprend que dans le Temple de Delphes onlibit trois Sentences de Chilon , l'un de$fept Sages ; dont la premire toit celle-ci. La fconde

    ,

    Qu'Une faut rien dejirer tropvivement. La troifieme

    ,Que c'ejl une mi*'

    [re d'ayoir dettes ou procs.

    #

  • BE ClCERON? '^i

    Sur l'Homm.

    UN animal 5 dans lequel font pr-voyance 5 fagacite , talens di-

    vers 5 pntration , mmoire , raifon-nement

    ,

    jugement ; cet animal quenous appelions Homme, a t fin-gulierement favorif par le Dieu fu-prme qui Ta mis au monde. Car,de tous les animaux , dont il y a tantd'efpces diffrentes

    ,celui-l eft le

    feul qui ait reu en partage la raifoii& la penfe : tous les autres en fontdpourvus.

    Rien n'ell fi grand,que de voir

    avec les yeux de fam, Tame elle-mme. Auii eft-ce l le fens de TO-racle

    ,qui veut que chacun fe con-

    noiife. Sans doute qu'Apollon [2}n'a point prtendu par-l nous direde connotre notre corps

    ,notre

    taille 5 notre figure. Car qui ditnous y ne dit pas notre corps ; &:quand je parle vous

    ,ce n'efl: pas

    votre corps que je parle. QuandEij

  • i Pensesnojra ^ aiit jlatitram ^ figuramve noj'^camus : neqiie nos corpora fumiis ; nc^que ego tib hce dcens y corpor tuo

    dico. Cum ig'uur , Nofce te , dicit ,koc dicit y Nofce animum tuum. Narncorpus quidcm quaj vas eji ^ aut aliquodanimi reccptaculum. Ab animo tuo quid-quid agitur ^ id agitur te. Hune igiturnojfe ^ niji divinum ejfet , non ejfet hocacrioris cujufdam animi prccceptum y JiUt trihutum Deo Jt.

    Illudy Gnthi feanton , noli [3] ///-tare ad arrogantiam minuendam folimejfe di'um ^ verum etiam ut bona nojranorimus.

    Qd [^4'] fi ipfi norit ^ primiim ali^quidfentiet fe habere divinum _, inge^niumque in fe fuum ^ fcut fmulacrumaliquod ^ dedicatum putabit ; tantoquemunere deorum femper digniim aliquid& faciet y & fentiet : & ^ cum fe ipfc

    (3) AdQ. Fratrem, III, 6.(4) De Legibus , I. 22,

  • DE Ci c eron; 55donc rOracle nous dit , Connos-toi

    y

    il entend , Connois ton ame. Votrecorps n'eft

    ^pour ainfi dire

    ,que le

    vaifleau,

    que le domicile de votreame. Tout ce que vous faites , c'eftvotre ame qui le fait. Admirable pr-cepte

    ^que celui de connotrc fon

    ame I On a bien jug qu'il n'y avoitqu'un homme d'im efprit fuprieur

    ,

    qui pt en avoir conu l'ide,& c'eftce qui fait qu'on Ta attribu unDieu.

    Quand on dit l'homme, Connois-toi y ce n'eft pas feulement pour ra-baifler fon orgueil , c'eft auffi pourlui faire fentir ce qu'il vaut.

    Tout homm.e qui rentrera en luwmme

    , y dcouvrira des traces de ladivinit : & fe regardant comme untemple o les Dieux ont plac foname pvour tre leur image

    ,il ne fe

    permettra que ^s fentimens,que

    des actions, qui rpondent la dignitEii)

  • 54 Pensespcrfpcxcrit y totumquc tentant^ intclU"

    gct^qucmadmodum natura fuborna*

    tus in vitam venerit y qiiantaque injlru-mcnta habeat ad obtinendam adipifccn-damqucfapuntam : quoniam principiorcrurn omnium quaji adumbratas in--teUigentias animo ac menu concepcrit :quibus illuflratus ^ fupicntid duce y bo-num virum

    ,& ob cam ipfam caufam

    cernt fi bcatum fore.Nam cum animus y cognitis percep^

    tlfque virtutibiis y corporis obfiquio in--duLgentiaque difiejjerit y yoluptatemque yficut labem aliquam decoris y opprejfe-rit y omnzmque mortis dolorifque tiniG-rem effugerit y focietatemque caritatis

    oierit cum fuis y omnefque natur con-juncios y fuos duxerit y cultumque deo^rum y ^ puram religionem fufceperit y(^ exacuerit illam y ut oculorum y Jicingenii aciem y aci bona diligenda y &rejicienda contraria : quid co dici y autexcogitari poterit beatius ?

    (5) Du vrai & du faux, du bien & dumal. Ici & par-tout ailleurs , Ciceron tientpour certain que les ides qui ont rapport la loi naturelle, font innes, c'eft--dire

    ^

    ces dans nous & avec nous

  • DE Ci C ERON. 55de leur prfent. Un frieux exa-men de ce qu'il eft , & de ce qu'ilpeut , lui fait comprendre de quelsavantages la Nature Ta pourvu , &combien de fecours lui facilitentTacquifition de la fagefle. Venu aumonde avec des notions [ 5 ] gnra-les 5 qui d'abord ne font que commebauches

    ,il voit qu'en fuivant cet-

    te lumire,

    guid par la fagefle,

    il

    fera homme de bien , & par confe-

  • ^[6 PensesIdemque cum clum^ terras ^ maria ^

    rcrumquc omnium naturam per/pcxc"rit ^ caque iinde generata ^ qub rcurarant

    ^quando

    ^quo modo obtura

    ^quid

    in ils mortale & caducum,quid divi^

    num ceternumque Jit ^ viderit ^ ipfum-que ea moderantem & regentem penprehcnderit

    ^ fefcque non unis circum--datum mnibus

    ^ popularem alicujusdefiniti loci

    ^ fed civem totius miindi ,quaji unius urbis y agnoverit : in hacilU magnificentia renim , atque in hocconfpeciu & cognitione naturce , diiimmortaies ! qum ipfefe nofcet : quodApollo prcecipit Pythius ? Qum con-*tannet y qum dejpiciet ^ qum pro ni--hilo putabit ea

    ^qu yidgh ducuntur

    ampiijjhna }

    Atque hc omnia^ quaJi fepimejito

    aliquo y vallabit differendi ratione y verl

    (6) Racan dit d*un Hros , qui eft auCiel :

    // voit comme fourmis marcher nos /

  • DE CiCERON. 57Quand fcs regards auront embrafle

    le ciel 5 la terre , les mers , tout ce

    qui exifte : quand il aura comprisde quoi les chofes font formes

    ,ce

    qu'elles doivent redevenir^dans quel

    tems & de quelle manire elles uni-ront 5 ce qu'elles ont de periffable ^& ce qu'elles ont d'ternel : quand ilaura prefque touch au doigt & Fil 5 fi j'ofe ainii dire , Ttre qui r-gie & gouverne TUnivers : quand ilverra

    ^que lui perfonnellement il

    n'eft point reflerr dans un petit coinde la terre , mais que le monde en-tier ne fait que comme une feuleville 5 dont il eil citoyen : ! qu'unfi magnifique fpeftacle

    ^oii la Nature

    fe montre dcouvert , mettra bienl'homme porte de fe connotre lu-ume

    ,conformment au prcepte

    d'Apollon ! O ! que tous ces objets^

    dont l'ambition vulgaire fe fait [6]une fi grande ide , feront peu capa-bles de l'blouir ! . Qu'ils lui paro-tront vils

    ^ & dignes du derniermpris !

    Pour faire la folidit & la furetde fes connoifl^^ces, il les entourera

  • 58 Penses& falji jidcandifcund ^ & aru qud-dam intclligendi

    ^quid quamquc rem

    fcquatur y & quidfit ciiique contrarium^Cumqiiefc ad civilcm focutaum natumfcnfirit y non folm illa fubtil difpU"tatonc fiki iiundum putaht ^ fcd etiamfiifa latiis perptua orationc y qua re-pit populos y qua flabiliat leges ^ quacafligct mprobos

    ,qua tueatur bonos

    ^

    qua laudet claros viros,qua prcepta

    faluts & laudes apte ad perfuadendumadat fuis civibus ^ qua hortari ad de-eus y revocare fiagitio y confolaripolfit affclos ; faciaque & confultafortium & fapientum y cum improbo^fum ignominia y fempiternis monumenttis prodere.

    Quce cum tt res tantque fint y quctvieQe in homine perfpiciantur ab iis 5quife ipfi velint nofie y earumparens efi ^educatrixque fapientia.

    Anlmorum [7] nulla in terris orlgoinveniri potefi. Nihil enim efi in animismixtum atque concretum y aut quod exterra natum atque ficlum efie vldeatur :- (7) Fragm, de Confol

  • DE Ci C ER ON. 59tomme d'une haie , en leur affbciantla Logique

    ,

    qui enfeigne dmlerle vrai d'avec le faux , tirer d'un-principe une confquence juile , voir comment une propofition d-truit l'autre. Et comprenant qu'il eftn pour la focit civile , il ne s'^cntiendra pas cette prcifion des Lo-giciens ; mais il fera ufage de l'lo-quence

    ^pour gouverner les peu-

    ples, pour affermir les loix,

    pourchtier les mchans

    ,

    pour dfendreles bons

    ,pour clbrer le mrite -^

    poiu- inilruire^pour animer

    ,

    pourexhorter au bien

    ,dtourner du mal

    ,

    confoler les affligs,6c immortalifer

    le vice & la vertu.Qui voudra fe connotre

    ,verra

    que l'homme nat avec de fi heureu-fes difpofitions. Mais il faut que lafageffe les cultive

    ,& les mette en

    ceuvre.

    On ne peut abfolument trouverfur la terre

    ,l'origine des mes. Car

    il n'y a rien dans les mes,

    qui foifmixte & compof ; rien qui paroiffevenir de la terre , de Teau , de Tair ,

  • 6o PensesFiihil ne ma humidiim quidem ^ aiit jla^bile y aut igneum. His enim in naturisnihil inejl

    ^quod vim mcmorice ^ mcn^

    lis 5 cogitationis habcat ; quod & prce^nrita teneat y & futura providcat ^ &compUcii poffit pmfcntia : qu fola di-vina funt. Ncc invcnietur iinquam ,undt ad homincm ve/iire pojfint ^ niji Dca. Singidaris cjl igitur qucedamnatura atqiu vis animi

    ^fcjuncla ab his

    iijtatis notifquc naturis. Ita quidquidcjl illud j quod faitit , quod fcipit >quod vult y quod viget ^ clefl^ & divi^num ejl : ob camquc rem (Ztcrnurn JtTuujfc efi.

    SanguincTiy hilcmy pituitam ^ ojfa ^ncrvos , venus ^ omncm [ 8 ] dcniquemembrorum & totius corporis figuramyideor pojfh dicere y unde concreta &quomodo facta jint. Per animum ip-Jum y J nihil ej/et in eo y nji id y utper eum vivercfniis y tam natura puta-ran hominis vitam fufientari y qurnvitis y qum arboris : hcec enim etidmdicimus vivere. Item J nihil haberet

    (8) TufciU, I, 24. & 25,

  • D E CiCERON. 6lbu du feu. Tous ces lmens n'ontrien qui faffe 1^ mmoire , l'intelli-gence 5 la rflexion ; qui puife rap-peller le pafle

    ,

    prvoir l'avenir^em-

    braier le prfent. Jamais oii ne trou-vera d'o l'homme reoit ces divinesqualits

    , moins que de remonter

    im Dieu. Et par confquent l'ame elld'une nature iingulire

    ,

    qui n'a riende commun avec les lmens quenous connoiffons. Quelle que foitdonc la nature d'un tre

    ,

    qui a fenti-ment , intelligence

    ,volont

    ,prin-

    cipe de vie : cet tre-l eft clefte^ijell divin 5 &: ds-l immortel,

    -^/^Je comprens bien ^ ce me femble ^

    de quoi & comment ont t produitsle fang , la bile

    ,la pituite , les os

    ,

    les nerfs ^ les veines , & gnralementtout notre corps , tel qu'il eft. L'ameelle-mme

    ^li ce n'toit autre chofe

    dans nous que le principe de la vie

    ,

    me parotroit un effet purement na-turel 5 comme ce qui fait vivre leurmanire la yigne & l'arbre. Et fi Ta-pie humaine n'ayoit en partage qu^'

  • 6i Pensesanimus hominis ^ niji ut appeteret mitrefiigeret ^ id quoqiu cjfct ci communecum bejiiis.

    Habet prlmcm memoriam ^ & eaminfintam , nrum inmimzrabilium.Quam quidcm Plato recordationem ejjcvult Juperioris vitce. Nam in illo libro yqui infcribitur Menon

    ^pujonem qum-

    dam Socraus interrogat qudam geo-metrica de dimenjione quadrati. Ad caJic ilU refpondct y ut puer : & tamen itafaciles interrogationesfunt y ut grada-tim refpondens eodem pervtniat

    ^qubji

    geometrica didicijffet. Ex quo efici vultSocrtes y ut difcere nihil aliudfit y nifirecordari^ Quem locum multb etiamaccuratis explicat in eofermone y quemhabuit eo ipfo die y quo excejjit e vita :docet enim y quemvis ^ qui omnium re-^rum rudis efie videatur y benc interro^

    (9) Platon a intitul Mnon , un de feJ'Dialogues,

    () Dans le Phdcn , autre Dialogue d^Platon,

  • DE C I C E R O N, 6^Vmin: de fe porter ce qui luiconvient , & de fuir ce qui ne luiconvient pas

    ,elle n'auroit rien de

    plus que les btes.Mais {es proprits font

    ,

    premi-rement

    ^une mmoire capable de ren*

    fermer en elle-mme une infinit dechofes. Et cette mmoire , Platonveutque ce foit la rminifcence de cequ'on a feu dans une autre vie. Il faitparler dans le [9] Mnon un jeuneenfant, que Socrate interroge fur lesdimenfions du quarr : l'enfant r-pond comme fon ge le permet : &cles queftions tant toujours fa por-te , il va de rponfe en rponfe lavant

    ,

    qu'enfin il femble avoir tu-di la Gomtrie. De-l Socrate con-clut

    ,

    qu'apprendre , c'ell feulementfe refTouvenir. Il s'en explique enco-re plus expreffment [i] dans le dif-cours qu'il fit le jour mme de famort. Un homme, dit-il, qui parotne rien favoir

    ,& qui cependant r-

    pond Julie une queftion , fait bienvoir que la matire fur laquelle onl'interroge , ne lui eft pas nouvelle ;i que y dans le moment qu'il rpond^

  • 64 Pensesganti rcfpondentcm y declarare , fe notitum illa difccrc y fcd rcminlfcendo rc^cognofure ; ncc vcrb ficri iillo modopojjc ^ Ht CL piieris tt rcrum atquc tanta,^rum njtas & qtiaj conjzgnatas in ani--mis notiomSj qnasr):c\.ors vocant ^ ha^hcrcmus ^ niji anmus ^ antcquam incorpus imravijjet ^ in rcrum cogni-^lione viguijfet. Cumque nihil cjfet ^ utomnibus locis Platonc dijjlritur

    ^ [ ni^

    hit cnim illc putat ejfc , quod oriatur &intereat ; idqucfolum ejfe ^ quodfempertalc Jit y quakm ideam appdlat ilU ,nos fpeciem ] non potuit animus hcecin corpore inclufus agnofcere

    _,cognita

    ^

    attu/it. Ex quo tam multarum rcrumcognitionis admiratio tollitur. Ncqucea plane vidct animus ^ dim repente intant infolitum tamquc pcrturbatum do^micilium immigravit ; fed cum je col--legit atque rccrcavit , tum agnofcit illc^reminifceiido. Ita nihil aliud cji difccrc

    ^

    nij rccordar'h

    Qujit illa vis y & undc ^ intelll^il

  • DE CicerOn. 6 ne fait que repaffer fur ce qui toitdj dans ion efprit. Il ne feroit efFecrtivement pas poffible

    ,ajoute So-

    crate,

    que ds notre enfance nousenflions tant de notions fi tendues

    ,

    & qui font comme imprimes erinous-mmes 5 fi nos mes navoientpas des connoifances univerfelles

    ,

    avant que d'entrer dans nos corps^D'ailleurs 5 flon ladorine confiantede Platon

    ,il n'y a de rel que ce

    qui efl immuable,comme le font les

    ides. Rien de ce qui efl produit , &cprifTable , n'exifle rellement. L'a-me 5 enferme dans le corps ^ n'adonc pu fe former ces ides : elle lesapporte avec elle en venant au mon-de. Ds-l ne foyons plus furpris

    ^

    que tant de chofes lui foient con-nues. Il efl vrai que tout en arrivantdans une demeure fi fombre &c fitrange pour elle

    ,d'abord elle ne

    dmle pas bien les objets ; maisjquand elle s'efl recueillie , & qu'elleie reconnot ^ elle fait l'applicatioide fes ides. Apprendre n'efl donCautre chofe que fe reflbuvenir.

    Voyons ce qui fait la mmoire ; S^F

  • 66 Penses^cndum puto. Non ej ccrtc ncc cordis inec fanguinis ^ ncc cerebri ^ ncc atomo^rum. Anima Jit animus ^ ignifve y nef--cio : ncc me pudct y ut ijros ^ fatcri nef-cire quod nefciam. Illudji iilla alla derc obfcura affirmarc pojfcm ^ Jivc ani^ma y jivc Ignis jt anumis ^ cum jura-^rem cjfc divinum. Quid enim ^ obfecrate y terr-nc tibi y aut hoc nebidofo 6

    callginofo clo ^ aut fata aut concretyidctur tanta vis memorice ? Si

    ^quid

    jt hoc y non vides : at y qualejit y vi-*des. Si ne id quidem : aty quantumJt

    ,

    profecib vides. Quid igitur ? iitrim ca^pacitatcm aliquam in animo putamusejfe y qub tanquam in aliquod vas ea ^quce memnimus y infundantur ? Ab-^furdum id quidem : qui enim fundus ,iiut qucs, talis animi figura intelligi po*tejz 3 aut quce tanta omninh capacitas ?An im^primi quafi ceram animum puta-^mus y & memoriam ejfc fignatarumrtrum in mente vejligia ? Quce pofifunt^/erborum y quce rerum ipfarum efi[e rr*

    fiigia ? Quce porr tam immenfa met*

  • b Ci c eron; 67S'o elle procde. Ce n'eft certaine-ment ni du cur, ni du cerveau, nidu fang 5 ni des atonies. Je ne fais finotre ame eft de feu ou d'air ; & jene rougis point , comme d'autres

    ,

    d'avouer que j'ignore ce qu'en effetj'ignore. Mais qu'elle foit divine

    ,

    j'en jurerois,

    fi , dans une matireobfcure

    ,

    jepouvois parler affirmati-vement. Car enfin

    ,

    je vous le de-mande 5 la mmoire vous parot-ellqn'tre qu'un affemblage de partiesterreflres

    ,

    qu'un amas d'air grofer& nbuleux ? Si vous ne favez cequ'elle efl , du moins vous voyez dequoi elle efl capable. H bien ? di-jons-nous qu'il y a dans notre ameune efpce de refervoir

    ,o les cho-

    ies que nous confions notre m-moire fe verfent comme dans unvafe ? Propofition abfurde : car peut-on fe figurer que l'ame foit d'une for-me loger un refervoir fi profond ?Dirons-nous que l'on grave dans l'a-me comme fur la cire , & qu'ainfi lefouvenir efl l'empreinte

    ,la trace de

    ce qui a t grav dans 'ame ? Maisides paroles & des ides peuvent-

    Fij

  • 6S Pensesgnltido

    _,qucc illa am rnulta pojfit

    effingerc ?

    Quid illa vis^qiuz tandem ejl

    ^qu(Z

    nvcjligat occulta^

    qiicz inventio atquctxcogitatio dicitiir ? Ex Iicnetibitcr^rend mortaliquc natur & caducd con^creta ea vidctur ? aut qui primus

    ^quod

    fumm fapienti Pitliagorce vifum ejl yomnibus rbus [impofuit nomina ? autqui dijjipatos hojnines congregavit y &adfocictatcm vit convocavit ? aut quifonos vocis ^ qui infiniti videbantur ypaucis Utcrarum notis terminavit ? autqui crrntium Jlellarum curfus

    ^pro-^

    greffoncs ^ injiitutiones notavit ? Om^ns magni : etiam fuperiores y qui fru^ges y qui vejiitum y qui tecia ^ qui cul^

    (2) L'art d'crire fut invent en Phni-lie 5 flon Lucain IIL 220. traduit , o^plutt imit ainfi :

    Cejl de-l que nous vint cet art inge^^nieuxDe peindre la parole , & de parler auxyeux ;Qui y par des traits divers de figures,traces

    ^

    Donne de la couleur 6* du corps auxpenfes*

  • DE CiCERON' ^feles lalffer des traces ? & quel efpacene faudroit-il pas d'ailleurs

    ^pour

    tant de traces diffrentes ?Qu'eft-ce que cette autre facult

    ,

    qui s'tudie dcouvrir ce qu'il y ade cach

    , &c qui fe nomme intelli-'gence

    ,gnie ? Jugez-vous qu'il ne

    ft entr que du terreftre & du cor-ruptible dans la compofition de cethomme

    ,

    qui le premier impofa unnom chaque chofe ? Pythagoretrouvoit cela une fageffe infinie.Regardez-vous comme ptri de li-mon 5 ou celui qui a raifembl leshommes

    ,& leur a infpir de vivre

    tn fociet ? Ou celui qui dans unpetit nombre de [i] caradres , a ren*ferm tous les fons que la voix for-me 5 & dont la diverfit paroiflbtinpuifable ? Ou celui qui a obfervcomment fe meuvent les plantes ;& qu'elles font tantt rtrogrades

    ,

    tantt ftationnaires ? Tous toientde grands hommes : ainfi que d'au-tres encore plus anciens

    ,

    qui enfei-gnerent fe nourrir de bled , fevtir 5 fe faire des habitations , feprocurer les befoins de la vie

    ;, fa

  • 70 Pensestiini vitcz

    ^qui pmjidia contra feras n^

    vcnerunt : qiiibus manjucfact & ex^culti ^ neccjfariis artlficils ad degan^tora defliiximus. Nam & auribus ohU-clatio magnapana cji ; inventa & tem-^perat varietate & natur fonorum : &aflra fufpeximus ^ tiun ea ^ qufuninfixa certis locis , tum illa non re

    _,

    fed vocahulo errantia. Quorum conver^Jones j omnefque motus ^ qui animavidit y is docuitfimilem animum fuumtjus ejfc y qui ea fabricatus ejf'et incxlo.

    Senfus (3) autem y interprztes aanuntii rerum , in capitc ^ tanquam inarec y mirifice ad ufus nccejfarios

  • DE G I c E R

    o

    n; 7rprcaiitionner contre les btes fro-.ces. C'eil par eux que nous fiimesappriyoifs , & civilifs. Des arts n^cefTaires

    ^on pafla enfuite aux beaux

    arts. On trouva,

    pour charmer l'o-reille

    ,les rgles de rharmonie. On

    tudia les toiles^

    tant celles quifont fixes

    ^que celles qu'on appelle

    errantes,quoiqu'elles ne le foient

    pas. Quiconque dcouvrit les diver-fes rvolutions des aftres , il ft voirpar-l

    yque fon efprit tenoit de celui

    qui les a forms dans le Ciel.

    A l'gard des fens^par qui les ob-

    jets extrieurs viennent la connoiiifance de l'ame , leur ilrudure rpondmerveilleufement leur deilination

    ,

    & ils ont leur fige dans la tte,com-

    me dans un lieu fortifi. Les yeux^

    ainfi que des fentinelles , occupent la|)lace la plus leve

    ,d'oii ils peu-

    vent en dcouvrant les objets , faireleur charge. Un lieu minent conve-noit aux oreilles

    ,parce qu'elles font

    deflines recevoir le fon,

    qui montenaturellement. Les narines dvoient

  • ^i Pensescorporum partibiis collocam fiint. Item^qtu narcs ^ e qubd omnis odor ad fu--pcrafcrtur^ recle furfiim funt : & quodcibi & potionis judicium magnum ea-*rui ejt

    _,nonjm caiifa vcnitaum oris

    fcctitce fiint. Jm gufiatus ^ qui fendrecorum y quibus vefcuntur ^ gemra dcbc-^rct ^ habitat in ea parte oris ^ qua efcu^lentis & potulentis iter natura patefc^cit. Tacius autem toto corpore cequabili^terfufus e(l , ut omnes iclus _, omnefqueniniios & frigoris & caloris appulfusfentire pojjimus. Atque ^ ut in dificiisarchitecii avertunt ab oculis & naribusdominorum ea

    ^quce projluentia necef-

    farib tetri ejfent aliquid habitura : fienatura res Jimiles procul amandavit fcnjbus.

    f^uis verb opifcx^prter naturam

    ^

    qu nihil potejl ejje callidius ^ tantarnfolertiam perfcqui potuijjet in fenjibus ?Qice primant oculos membranis tenuiffimis veflivit & fepjit : quas primumperlucidas fecit y ut per eas cemi pof

    tre

  • DE CiCERON. 73ftre dans la mme fituation

    ,parce

    que l'odeur monte aui : & il lesfal-loit prs de la bouche

    ,

    parce qu'el-les nous aident beaucoup juger duboire & du manger. Le got

    ,qui doit

    nous faire fentir la qualit de ce quejious prenons ^ rfide dans cette par-tie de la bouche

    ,

    par o la Naturedonne paflage au folide & au liquide.Pour le tad

    ,il eu gnralement

    rpandu dans tout le corps , afin quenous ne puiiions recevoir aucune im.-preffion^ ni tre attaqus du froidou du chaud , fans le fentir. Etcomme un Architecte ne mettra pointfous les yeux

    ,ni fous le nez du

    matre^

    les gouts d'une maifon zde mm^e la Nature a loign de nosfens ce qu'il y a de femblable celadans le corps humain.

    Mais quel autre ouvrier que la Na-ture y dont l'adreiTe eft incompara-ble

    ,pourroit avoir fi artiftement for-

    m nos fens ? Elle a entour les yeux:de tuniques fort minces : tranfparen-tes au devant

    ,afin que l'on puiiTe

    voir travers : fermes dans leur tif-fiire j afin de tenir les yeux en tat;

    G

  • 74 Pensesfet ; firmas auum _, ut contimnnmKSzd lubricos oculos fecit & mobiles

    ,

    ut & dcclinarcnt^ Ji quid noccrct ; &

    afpeciiim^qub vclUnt

    ^facile conver^

    terent. Aciefque ipfa ^ qu ccrnimus ^qiice picpida vocatiir ^ ita parva ejl ^ uC

    ta qiice nocere pojjent^

    facile vitct.

    Palpebrque^qu funt tegmenta ocu^

    lorum j, molliffim^ taciii y ne Uzderent

    acicm aptijjme facice & ad clauden^das piipulas ^ ne quid incideret ^ & adaperiendas : idque providit y ut identi^

    dem fieri poffet cum maxima celeritate.Munitque funtpalpebm tanquamvallo

    pilorurn : quibus ^ & apertis oculis yJi quid incideret y repelleretur ; & fom-^no conniventibus ^ cum oculis ad cer*nendum non egeremus y ut qui y tan-^quam involuti y quiefcercnt. LatenB

    prceterea utiliter y & excelfs undiqucpartibus fepiuntur. Primm enim fupe^liora y fuperciliis obducta ^ fudorcm

  • d"e Cxe eron. 75Elle les a faits glifans & mobiles

    ,

    pour leur donner le moyen d'viterce qui pourroit les oifenfer , & deporter aifment leurs regards o ilsveulent, La prunelle , o fe runitce qui fait la force de la vifion, eft .petite, qu'elle fe drobe fans peinea ce qui feroit capable de lui fairemal. Les paupires qui font les cou-'vertures des yeux

    ,ont une furface

    polie & douce pour ne point les blef-^fer. Soit que la peur de quelque ac-cident oblige les fermer ^ foit qu'onveuille les ouvrir , les paupires fontfaites pour s'y prter , & l'un ou l'au-tre de ces mouvemens ne leur cotequ'un inftant ; elles font

    ,

    pour ainldire

    ,fortifies d'une paliffade de

    poils,qui leur fert repouffer ce qui

    viendroit attaquer les yeux,

    quandils font ouverts ; & les envelop-per y afin qu'ils repofent paifible-ment

    ,quand le fommeil les ferme

    ,

    & nous les rend inutiles. Nos yeuxont 5 de plus , l'avantage d'tre ca-chs & dfendus par des minences*Car d'un ct, pour arrter la fueurqui coule de la tte .& du front , ils

    Gii

  • 76 Pensescapitc & frontc defluentcm repellunt^Gence dcindc ab infcriorc paru tiitantur

    fubjccice y Icviterqu emincraes. Nafusita locatiis ejl ^ ut quaji murus oculisinurjcciis ejjc vidcatur.

    Aiiditus autem fcmper patct : cjus

    enim finfii etiam dormicntes egemus , quo ciim fonus eJl acceptus ^ etiam c

    fomno cxcitarmir. FUxiiofum itcr ha-^bct ^ ne qud ntrare poffit ; Ji Jmpkx& dlrcBum patent. Provifiim etiam

    ^

    ut y ji qua minima bejiola conarcturirrumpere ^ in fordibus auriuni ^ tan-^

    quam in vifco ^ inhrcfceret. Extra aii*

    tem eminent ^ qu appellantur aurcs ^ tegendi causa faclcz y tutandique fen^sus ; & ne adjec voces laberenturatqite errarent ^ priufqum fenfus ab

    his pulfus ejjct. Sed duros & quaji cor--neolcos habent introitus ^ multifque cum

    jlexibus j qiibd his naturis relatus anL--

    plificatur fonus. Qjwcirca & infidihm

  • DE CiCERON. 77ont le haut des fourcils : & de Tau-tre y pour fe garantir par le bas , ilsont les joues 5 qui avancent un peu.Le nez eft plac entre les deux

    ,

    comme un mur de fparation.Quant Toue , elle demeure tou-

    jours ouverte,

    parce que nous enavons toujours befoin, mme en dor-mant. Si quelque fon la frappe alors,nous en fommes reveills. Elle a desconduits tortueux , de peur que s'ilstoient droits & unis

    ,

    quelque chofene s'y glifft. La nature a eu mme laprcaution d'y former une humeurvifqueufe , afin quefi de petites btestchoient de fi jetter ^ elles y fuffentprifes comme de la glu. Les oreilles(par ce mot on entend la partie quidborde ) ont t faites pour mettreToue couvert

    ^ & pour empcherque lesfons ne fe diifipent , & ne feperdent

    ,avant que de la frapper.

    Elles ont l'entre dure comme de lacorne, & font d'une figure finueufe,parce que des corps de cette forterenvoient le fon , &: le rendent plusfort. Auii voyons-nous que ce quilit raifoiner les lyres, eft d'caill^

    G iij

  • 7 Pensestefudlne refonatur ^ aut cornu : & extortuojs locis & incliifis refcruntur am^pliores.

    Simillt&r nares^qu fempcr propter

    mcejfarias iitiltaus paunt_,

    contra^

    BioHS habent introitus y ne quid in cas yqiiod noceat

    ,pojjit pcrvaderc : humo--

    remquc fempcr habent ad pulvcrem ymultaque alla dcpcllcnda non inudlem^Giifiatis prclare fcptus cft : on cninicontncmr y & ad iifum apte ^ & adin^^columitatis ctijlodiam.

    Omnfqucfenfus hortnmim multo an^uccllitfcnjibus bcjiiarum. Prmiimcnimculi in ils artbiis ; quariimjudiciumefl oculorum^ inplciis ^ ficiis , ccclatf-que formis y in corporum etiam motio-*ne y atquc gcjlu multa ccrnuntfubtilius^Colorum cdam y & figurarum vcmijla*tcm y atquc ordincm ^ & ^ ut ita dicam ,deccntiam ocuUjudicant : atquc ctiamalla majora. Nam & virtutcs ^ & vitiacognofcunt ; iratum ^ propitium ; l(Z^

    tantcm ^ doUntcniy fortcm y ignavum^

  • D E C I C E R O N; 79OU de corne ; & que la voix retentitmieux dans les endroits renferms

    ^

    o il y a plufieurs dtours.Les narines , caufe dubefoin con-

    tinuel que nous en avons,ne font

    jamais bouches. Elles ont l'entreplus troite , de peur qu'il ne s'y gliffequelque chofe de nuifible : & il y atoujom"S une humidit

    ^qui fert em-

    pcher qu'il n'y fjourne de la pouf-iere

    ^ou d'autres corps trangers. Le

    got ayant la bouche pour clture

    ,

    c'eil prcifment ce qu'il lui falloit

    ,

    & par rapport l'ufage que nous enfaifons, & par rapport fa propreconfervation.

    Tous nos fens, au refte , font bienplus exquis que ceux de la bete.Car nos yeux dcouvrent ce qui luichappe dans les arts dont ils fontles juges

    ^dans la peinture , dans la

    fculpture 5 dans le geile mme ^ danstous les mouvemens du corps. IlsConnoiiTent la beaut

    ,la juftefle , les

    proportions des couleurs & des figu-^res. Que dis-je ? Ils dmlent mmeles vices & les vertus ; fi l'on eilirrit , ou fftYorablement difpof i

    G iv

  • So Pensesaudaccm tmidumqiie cognofcunt. Au-*rium item eji admrahk quoddam^ ar-tificiofumquc Judicium

    ,

    quo jidcatur& in vocis y & in tihiarum ^ mno^rumque cantihus variaas fonorum ^ in^trvalla ^ dijincio y & vocis gnerapermulta : cancnim

    ^ fufcum : lve ,^fperum : grave ^ acutum : fiexibilc ,durum : quce hominum folum auribusjudicantur. Nariumqiie item ^ & guj^tandi pariter & tangendi magna judi-^ciafunt. Ad quos fenfus capiendos &perjruendos plures etiam

    ,quam vet^

    km y artes repertce funt. Perjpicuum ejienim

    ^qu compojitiones unguentorum

    ,

    quh ciborum conditiones y qub corporumknocinia procefferint.

    Qum [4] vero aptas y quamqmniultarum artium minijiras manus jia-titra homini ddit ! Digitorum enimcontraciio facilis y facilifque porreciio ,propter molks commijfuras y & artusnullo in motu laborat. Itaque ad pin-'gendum y ad fingendum y ad fcalpen^dum y ad nervorum cliciendos fonos a

    (4) De Nat. Deor. II. 6o,

  • deCiceron. 8ijoyeux 5 ou trifte ; brave , ou lche ;hardi , ou timide. Le jugement deToreille n'eft pas moins admirable,pour ce qui regarde le chant& les in-ftrumens. Elle diftingue les tons , lesmefures

    ,les paufes , les diverfes for-

    tes de voix ^ les claires , les fourdes

    ,

    les douces,les aigres

    ,les baffes

    ^les

    hautes^les flexibles

    ,les rudes ; & il

    n'y a que Toreille de l'homme,.quien juge. L'odorat , le got & le tou-cher ont aui leur manire de juger.On amme invent plus d'arts que jene voudrois

    ,pour joir de ces (ens^

    & pour les flater. Car vous favez quel excs on a port la compofitiondes parfums , Taffaifonnement desviandes

    ^toutes les dlicateffes du

    corps.

    Mais nos mains de quelle com-modit ne font-elles pas , & de quelleutilit dans les arts ? Les doigts s'al-longent , ou fe plient fans la moin-dre difficult 5 tant leurs jointuresfont flexibles. Avec leur fecours

    ,

    les mains ufent du pinceau , & ducifeau ; elles jouent de la lyre ^ dela flte : voil pour l'agrable. Pour

  • S. Pensestihanim

    ^apta tnanus ej , admotlonc

    digitorum. Atquc hc ohUciations^

    illa necejftatis ; cultus dico agronim ^extniciionefqic uclorum ^ tegumentacorporum y vcL texta ^ vcl futa y om-ncmquc fabrcam ceris y & fcrri. Exquo intdlgtiir y ad inventa anima

    ,

    percepta fcnjibus y adhibctis opificummanibiis omnia nos confcciuos y utucliyut veflitiy itfalvi ejfe poffmus ; urbes ymuros y domicilia y dduhra habcrcmus.Jam vero operibus homimim y id cjl

    manibiis y cibi etiam varietas i/ivenitur y& copia. Nam & agri milita fcruntmanu qucejita y qu vcl (atim confu-mantur y vcl mandcntur conditia vctit-^jlati. Et prcctcrca vcfcimur bcjiiis &tcrrcnis y & aquatilibus y & volatili-bus y partim capiendo y partim alcndo.Efficimus ctiam domitu nojlro quadru^pcdum vcclioncs : quorum cclcritas at^que vis nobis ipjis afflrt vim & ccleri--latem. Abs onera quibufdam bejtiis ynos jiga imponimus : nos elcpkanto-'riim acutijjimis fenjibus , nosfagacitatscanum ad utilitatcm nojirum abutimur :

  • DE CiCERON, 3le nceffaire , elles cultivent leschamps , btiflent des maifons , fontdes toffes ^ des habits ; travaillenten cuivre , en fer. L'efprit invente

    ,

    les fens examinent,

    la main ex-cute. Tellement que fi nous fommeslogs 5 nous fommes vtus, & couvert

    , nous avons des villes

    ,

    des murs,des habitations

    ,des tem-

    ples,

    c'eft aux mains que nous ledevons.

    Par notre travail , c'eft--dire,par

    nos mains,nous favons multiplier

    & varier nos alimens. Car beaucoupde fruits

    ,ou qui fe confomment

    d'abord ^ ou qui doivent fe garder ,ne viendroient point fans culture^D'ailleurs

    ,

    pour manger des ani-maux terreftres

    ,des aquatiques ^ &C

    des volatiles 5 nous en avons partie prendre

    ,partie nourrir. Pour nos

    voitures,nous domtons des qua-

    drupdes 5 dont la force & la vteflefupplent notre foiblefle & notrelenteur. Nous faifons porter des char-ges aux uns

    ,le joug d'autres. Nous

    faifons fervir nos ufages la fagacitde l'lphant

    ^ & l'odorat du chien*

  • 4 Pensesnos e tcrm cavcrnis ferrum elchnus l

    rem ad coUndos agros neccjfariam : nos

    (Bris y argenti , auri venus ^ penitus

    abditas invenimus & ad iifum aptas ^& ad ornatiim dcoras : arborum aiitemconfeciione ^ omnique materi ^ & cul-^ta y & Jilvejlri ^ partim ad calefaden--dum corpus ^ igni adhibito ^ & admitigandum cihum luirmir ; partim ad

    czdificandum ^ ut teciis fepti frigora cas-

    torefque pelLamus. Magnos vcro ufus

    affert ad navigia facienda ^ quorum

    curjbus fuppeditantur omnes undiquc

    ad vitam copies : qiiafque res violentif-Jimas natura genuit y earum modra-^

    tionem nos foli habemus ^ maris atque

    yentorum y propter nauticarum rerum

    fcientiam : plurimifque maritimis rbus

    fruimur y atque utimur, Terrenorum

    item commodorum omnis ejl in hominedominatus. Nos campis y nos montibus

    fruimur : nojlri funt amnes y nojri

    iaciis : nos fruges fcrimus ^ nos ar-^

  • deCiceron. 85Le fer , fans quoi Ton ne peut culti-ver les champs , nous allons le pren-dre dans les entrailles de la terre.Les veines de cuivre , d'argent , &cd'or y quoique trs -caches , nousles trouvons , & nous les employons nos befoins ^ ou des ornemens.Nous avons des arbres

    ,ou qui ont

    t plants deifein,

    ou qui fontvenus d'eux-mmes

    ,& nous les

    coupons ; tant pour faire du feu^

    nous chauffer , & cuire nos viandes,

    que pour btir^ &c nous mettre

    l'abri du chaud & du froid. C'eftaufl de quoi conilruiris des vaif-feaux 5 qui de toutes parts nous ap-portent toutes les commodits dela vie. Nous fommes les feuls ani-maux, qui entendons la navigation,& qui par-l nous foumettons ce quela Nature a fait de plus violent , lamer & les vents. Ainfi nous tirons dela mer une infinit de chofes utiles.Pour celles que la terre produit , nousen fommes abfolument les matres.Nous jouiTons des plaines

    ,des mon-

    tagnes : les rivires,

    les lacs font

    nous : 'eft novis qui femons les

  • 86 Pensesbores : nos aquarum inductionlbus terrisfciindtaum damus : nosjlumina arce^mus , dirigimiis y avertimus : noflrsdeniquc manbiis in rcriim nattira q^iajialuram naturam efRccrc conamur^

    %-i^'^rj^^'^0^'%

  • P E C I C E R O N. S7bleds 5 qui plantons les arbres : nousfertllifons les terres en les arrofantpar des canaux .: nous arrtons lesfleuves

    ,nous les redreflbns , nous les

    dtournons : en un mot , nos mainstchent de faire dans la Nature

    ,pouf

    ainfi dire y une autre Nature.

  • 88 Penses

    MI I L

    ^ [/] mihl confclentla plurlsejl y qiim omnium fcrmo.

    Mihl [:z] quidcm laiidabiliora vidcn^tur omnia y qiicc Jnc venditatiGne &Jim populo tefic fiunt : non quofiigicn--dus jit y ( omnia enim benefacia in luccJe collocari volunt ) fed tamcn nullumthcatruni virtuti confcicntid majus cfi

    Fis [3 ] ad reci facta vocandi ^ &a peccatis avocandi non modo fcniorej

    ^qum cttas populonim & civitatum^

    jld aqualis illius ^ clum atqu terrastucntis & regcntis dci. Ncque enim ejfkmens divinajinc rationc potejl ^ nec ra--fio divina non hanc vim in reciis pra-*vifque fanciendis habere : nec ^ quia

    (i) AdAttic. XIL 28.(2) TufcuL IL 26.(3) De Legibus, IL 4,

    Sur'

  • DE Ciceron; Sy

    Sur la Conscience.

    JE prfre le tmoignage de maconfcience

    ^ tous les difcours

    qu'on peut tenir de moi.

    Rien ne me parot fi louable quece qui fefait fans oftentation

    ,& fans

    tmoins : non que les yeux du Publicfoient viter

    ,car les belles aftions

    demandent tre connues : mais en-fin 5 le plus grand thtre qu'il y aitpour la vertu

    ^c'eft la confcience.

    Il y a daiis Thomme une pufTance yqui porte au bien

    ^& dtourne du

    mal, non feulement antrieure lanaiffance des peuples & des villes

    ,

    mais auffi ancienne que ce Dieu,

    parqui le ciel & la terre fubfiftent , &font gouverns. Car la raifon eft unattribut eflentiel de Tlntelligence di-vine ; & cette raifon

    ,qui eft en

    Dieu, dtermine nceffairement cequi ell vice ou vertu, Ainfi

    ,

    quoi-H

  • a Pense snufquam erat fcrpmm ^ lit contra- om-^ns hojihim pias in ponte iimts affijlc^ret j tergoque pontem interfcndi jii^bret , idcrco minus Coditem illum remg^jjijf^ tantam ^ fortitudinis Icge atqucimperio putabimits : nec

    ^ Ji rgnanteTarquinio nulla erat Romcc fcripta lexde flupris ^ idcirco non contra illam le*gemfempiternam Sext. Tarquinius vintLicretice^ Tricipitini filix ^ attidit. Eratcnim ratio profecia rerum natura ^ &ad reci faciendum impellens ^ & a deliciaavocans : quce non tiirn denique incipitlex ejfe ^ cni fcripta eji ^ fed tiun ^ ciiniorta ejl ;ortaautemJirmd ejl cum mentitdiyina.

    Ejl quidem [i] vera lex ^ reca ra^tio ^ naturce congruens ^ diffiifa in om--

    ns ^ conflans ^ fempiterna : qiice vocetad officium jubendo y vetando frauderdeterreat : quce tamen neque probos fru-

    (4) On peut voir le dtail de cette aftioafi clbre . dans Tite-Live , liv. IL chap.10. Celui des Horaces dont il s'agit ici, euce fameux Cods ^ ainfi nomm

    ,

    parce qu'il

    Ti'avoit qu'un il , ayant perdu l'autre dailsle combat.

    (/) Fra^m, lib, UL de Rep.

  • DE CiCERON. 91qu^il ne fut crit nulle part

    ^qu'il fal-

    loit feul contre toute une arme,

    dfendre la tte d'un pont,pendant

    qu'on le feroit rompre par derrire,

    il n'Qn [ 4 ] efl: pas moins vrai qu'Ho-race 5 en faifant une fi belle aion

    ,

    obiffoit la loi, qui nous oblige d'trecourageux. Ainfi, quoique du tempsde Tarquin

    ^la loi contre l'adidtre

    ne fit pas encore crite , il ne s'enfuitpas que le fils de ce Roi

    ^en violant

    Lucrce^

    n'ait pch contre la loi

    ,

    qui eil de toute ternit. Car l'hommeavoit ds-lors une raifon

    ,qui natu-

    rellement le portoit au bien , & le d-tournoit du mal. Raifon qui a forcede loi , non du jour qu'elle eft crite

    ,

    mais du moment qu'elle a commenc.Or elle a commenc au mme inftantque rintellig;ence divine^

    Quelle eft la vritable loi ? C'eft adroite Raifon , invariable , ternelle

    ,

    conforme la Nature , & rpanduedans tous les hommes. Elle leurcommande le bien

    ,elle leur d-

    fend le mal : mais de manire queHij

  • ^91 Pensesfir jubct aiit vctat ^ ncc improhos ///^bendo aut vetando movct. Hiiic legi nccobrogari [ 6 ] fus cfl ^ nequc derogari ^at-kac alquid licet ^ nequc tota abrogaripGtcJl. Ncc vcrb aut pcr fcnatum ^ autpcr populum folvi hac Icgc pojjiimus.Nequc efl qurendus explanator ^ autintcrpres ejus alus. Ncc erit alla UxRornce y alla Athenis ; alia nunc ^ allapojlkac ; fcd & omnes gentcs , & omnitcmporc una Icx ^ & fcmpiterna y &immortdlis continehit ; unufque eritcommuais quaji magifler y & imperatoromnium D^eus. Ille legis hu/us invcn^tor y difceptator y lator : oui qui nonparebit y ipfc fc fugiet y ac naturam ho*mins afpernabitur : atquc hoc ipfo luetmaximas pnas y ctiamfi ccetera fup-^.plicia y quputantur y effugerit.

    (6) Obrogare ^ faire une nouvelle loi ^directement contraire quelque autre djreue. Drogcre , n'avoir point d'gard une loi dans quelqu'un de fes chefs ; en abo-lir une partie. Ahrogare , cafler , aiinuUirune loi dans tous fes chefs

  • DE Ctceron; 9|fes commandemens & fes dfenfes yqui ne s'adreffent pas en vain d'hon-ntes-gens

    ,ne font nulle imprefon

    fur les mchans. On ne peut , ni l'a-bolir

    ,ni en retrancher , ni faire des

    loix contraires celle-l. Perfonnen'en peut tre difpenf

    ,ni par le

    Snat , ni par le Peuple. Elle n'a be-foin que d'elle-mme pour fe rendreclaire & intelligible. Elle n'efl: pointautre Rome

    ^autre Athnes ; au-

    tre aujourd'hui , &: autre demain,Univerfelle^ immuable

    ,elle oblige-

    ra toutes les nations,& dans tous

    les temps. C'eft ainli que Dieu feraternellement lui feul , & Tinitruc-teur 5 & le fouverain de tous leshommes. Il a conu le plan de cetteloi , & c'eft lui qu'appartenoit ledroit de l'examiner

    ,& de la pu-

    blier. Quiconque ne s'y foumettrapoint , ennemi de fes propres int-rts

    ,oubliant ce que fa condition

    d'homme lui prefcrit ,^ il trouveraen cela mme la plus afFreufe pu-nition, quand il viteroit d'ailleurstout ce qui eft regard comme fiip-plice.

  • 54 Penses

    Itaque [ 7 ] pnas luunt y non tamJudiciis y [ quce quondam mifquam iibifunt y tarnen perfpc falfa fiint ] quamconfcunt ; ut eos agitent infecicnturqtuFieriez > 7wn ardentibus tdis ^ jciu infabidis y fed angorc confcicnticz ^ frau-*difqiic cruciatu.

    Nolitc [ ^ ] enlm putarc ^ qiumai*modum in fabidis fpcnumero vidais

    ^

    coSy qui aliquid impie ^ fcderatequc coin^mifcrint ^ agitari ^ & penerreri Furianimtczdis ardentibus :fua quemquefraus y &finis terror maxime vext ; fuiim quem-que fcelus agitt ^ amentidque efcit ,fuce mal cogitationes confcientiaqueM.nimi terrent. Hcefunt impiis affiduce y'domeflicque Furi.

    (7) De Legibus , I. X4.(8) Pro S, Rofcio Am. cap. 24*

  • DE CiC ERON; );

    Auffi les peines ordonnes par laJuftice

    ,ne font-elles pas ce qu'un

    fclrat doit le plus redouter. Autre-fois la Juftice n'toit ro;le nullepart : elle ne Teft pas mme aujour-d'hui en tous lieux ; &c dans les lieuxo elle Teft , on la trompe fouvent.Mais la vraie punition d'un fclrat

    ,

    c'eil fa confcience. Il efl agit^

    il eil

    pourfuivi^non par des Fiu-ies avec

    des torches ardentes , comme dansles Tragdies ; mais par le remords

    ^

    qui eil l'eiFet du crime.Car ne croyez pas que les flam-

    beaux allums de ces Furies , dont leThtre offre fouvent l'image vosyeux, faflent le tourment & l'effroid'un fclrat. Quiconque a t inju-fie

    9porte en lui-mme la principale

    caufe de fa frayeur. Il ne lui faut quefon crim.e pour le tourmenter

    ,

    pourlui troubler l'efprit. Au fond de faconfcience il fait avoir fait mal , &voil ce qui l'pouvante. Voil lesFuries

    ,qui s'emparent d'un coupa-

    ble,

    6c raccompagnent nuit & jour^

  • p5 Penses

    Qubd Jl [^ ] homincs ah injuria ^pna ^ non natura arcen dchcret ^ quce-nam foUicitudo vexarct impios ^ fubla-to fiippliciorum metii ? quorum tamcnnemo tam audax unquam fuit ^ quinaut abnucret fc commijfum ejfe /ad-mis ^ aut jujli fui doloris caufam ali-quam fingerct ^ defenfonemquc facino-ris natur jure aliquo qucererct. Qii(Z

    J appdlarc audcnt impii ^ quo tandemjludio coUntur bonis ?

    Quod J pna ^ fi mctus fuplidi ^non ipfa turpitudo ^ dterra ab injuriofifacinorofaque vita : nemo ejl injufus

    ;

    at incaiiti potiics habendifunt y improFu

    Tum autem qui non ipfo honefo mo-*^emur^ ut boni virijimus

    ^ fed utilitatcaliqua atquefrucu ^ callidifumus y nonboni. Nam quid faciet is homo in tene^bris y qui nihil timet nij tefiem & judi-*cem ? quid in deferto loco nacius y qucm,multo auro fpoliare pojfit y imbedillum

    (9) De LegibuS;>I. 14.Rien

  • Ren troiibleroit - il un fclrat^

    qui eft fur de rimpunit,

    s'il toitvrai que Ton dt s'abftenir du crime

    ,

    non parce que la Nature le dfend,

    ;mais parce qu'il eft puni ? Jamaisfclrat

    ^cependant , ne fut fi effront^

    qu'il ne prt le parti^ou de nier , ou

    de pallier fon crime,en cherchant

    fe couvrir du droit naturel. Or,fi les

    impies ofent reclamer cette loi facre^jufqu'o n'ira donc pas pour elle l'at-tachement & le refpe des honntes-gens ?Que ce qui nous doit loigner du

    crime^ce foit la crainte du fupplice

    ^& non la turpitude attache ncef-fairement au crime mme

    ^il n'y aura

    donc point de fclerats , il n'y aur^que des mal-adroits.

    Que d'un autre ct nous faffionsle bien , non pour le bien

    ^mais parce

    qu'il en revient du profit , ce n'eilplus l ce qui s'appelle probit , c'eflihduftrie. Car celui qui ne craintqu'un tmoin & un juge

    ,que fera-

    t-il dans les tnbres ; dans un lieupcart^ o il rencontrera un paiTant^

    I

  • 9^ Pens esatqiiefolum ? Nojier quidan hic nattirjuflus vr ac bonus ^ etiam colloquctur ^juvabit y in viam deducet : is vcr ^ quinihil aluriLS causa facit ^ & mctiturfuis commodls onuiia ^ vidctis ^ credo ,quidjt aciurus. Qubd ji negabit fc illiyitam erepturum y & aurum ablatu-rum y nunquam ob eam caufam nega-*bit y qubd id naturd turpc judicct ;fcdqubd nutuat

    _,ne, emanet , id eji y ne

    malum habeat. O rem dignam y in quanon modo doci ^ veriim etiam agrejles^rubefcant !

    Satls [ / ] enim nobis \^Ji modo litphilofophia aliquid profecimus ] perfua^fum ejje dbet ^ Ji omnes deos hominej^que ceiare pojjimus y nihil tamen avare ^nihil injufle y nihil Ubidinose ^ nihilincontinenter ejfe faciendum. Hinc illoGyges inducitur a Platone : qui ^ cmterra difcejfijfet magnis quibiifdam im^bribus y in illum hiatum defcendit ^^neumque equum [ ut ferunt fabulce \

    (i)Offic, m. g.

  • DE C I C E R O N; ^^9ieul & fans dfenfe , charg d'or >L'homme qui fe conduit par des prin-cipes d'honneur , abordera ce paf-fant , l'aidera ^ le remettra en ionchemin : mais celui qui ne conntque ion intrt propre , vous voyez,je crois ^ ce qu'il fera. Quand il mevoudroit dire qu'il ne hii teroit, nifon or j ni la vie ; au m.oins ne dira-t-il pas que ce qui l'arrte ^ ce foit lanoirceur de l'aclion : c^c: la peurqu'elle n'clate

    ,& qu'il ne la paye

    O ! fentiment qui feroit rougir^ne

    difons pas des perfonnes claires,

    mais les gens mme les plus groiiers 1

    Pour nous,

    fi nous avons un peude Philofophie , nous fommes biensrs que le fecret

    ^

    quand nous l'au-.rions

    ,de nous cacher aux Dieux dc

    aux hommes,ne peut autorifer , ni

    avarice^ni injuilice

    ^ni , en un mot

    ,

    quelque paiion qu