Paul Allibert Entreprises: Salaires, temps de travail, … 1512053716.pdfTemps de travail : 60 % de...

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30 novembre 2017 l’Opinion 3 Inégalités Documents annexés au projet de loi de fi- nances, études de l’Insee, de la DREES, de la DARES, de la direction générale de l’adminis- tration et de la fonction publique, rapport de la Cour des comptes… Le magistrat finan- cier François Ecalle est allé puiser dans une documentation fournie toute une série de données publiques dans une note précieuse, publiée vendredi sur son site Fipeco.fr, et que l’Opinion dévoile en exclu- sivité. Une photographie éclairante des écarts entre salariés du public et du privé. Raphaël Legendre C’est un document inédit que dévoile l’Opi- nion. Un comparatif exclusif des salaires, du- rées de travail, niveaux de pensions et temps passés à la retraite entre les salariés du privé et de la fonction publique. Une analyse réa- lisée par le magistrat de la Cour des comptes en disponibilité, François Ecalle, fondateur du site spécialisé dans les finances publiques Fipeco.fr, qui pour la première fois a compilé des données disponibles sur chacun de ces sujets, mais qui n’ont jamais été mis en regard les uns des autres. Au final, François Ecalle constate que les fonctionnaires, à l’exception des cadres, sont dans l’ensemble aussi bien, voire mieux payés que les salariés du privé ; que le temps de travail dans la fonction pu- blique est environ 10 % inférieur à celui du privé, que les fonctionnaires liquident leur retraite en moyenne un peu plus d’un an avant les salariés du privé, qu’ils passent donc plus de temps à la retraite, avec pour beaucoup un niveau de pension supérieur. Le tout, avec la garantie de l’emploi. Une inégalité de traite- ment qui soulève de nombreuses questions et bouscule quelques idées établies. Salaires, temps de travail, retraites : les fonctionnaires grands gagnants En plus de la sécurité de l’emploi, les fonctionnaires bénéficient d’avantages salariaux, de congés supplémentaires et de pensions plus élevées à la retraite que leurs homologues du privé La durée du travail en 2016 SOURCE : INSEE, FIPECO Secteur privé 1 727 1 575 1 559 1 350 1 740 1 574 1 614 Secteur public Etat Enseignants Etat hors enseignants Collectivités locales Hôpitaux Secteur privé Secteur public Etat Enseignants Etat hors enseignants Collectivités locales Hôpitaux Heures annuelles Jours de congés et RTT 27 43 51 70 39 37 33 Les pensions mensuelles moyennes (en euros) SOURCE : FIPECO Public Privé Cat. A Cat. A Cat.B Cat.C Cat.B Cat.C 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 3 096 2 786 Cadres Non-cadres 2 677 2 150 1 969 1 509 1 490 1 944 1 167 1 485 Ensemble Etat (civils) Collectivités locales Hôpitaux publics Secteur privé Cadres (dont hors enseignants) Professions intermédiaires Ouvriers et employés Les salaires nets mensuels moyens en 2015 (en euros) 2 495 1 891 2 239 2 249 2 272 2 232 2 284 2 270 2 002 1 672 1 718 1 677 3 056 (3 617 en 2014) 3 277 4 775 4 142 SOURCE : FIPECO 0 5 10 15 20 25 30 35 Employés Public Privé Professions intermédiaires Cadres et professions intellectuelles La durée passée à la retraite (en années) SOURCE : FIPECO 23,1 29,1 22,5 30,5 22,9 22,2 30,2 27,5 21,2 26,9 25,8 19,3 Economics Paul Allibert Entreprises: 50 ans et des projets plein la tête Blablacar, Criteo, Vente-privée… Notre œil est attiré dans la lecture de l’actualité économique par ces beaux exemples de réussite qu’incarnent nos dernières licornes nationales. Pourtant, 2017 a été aussi une année anniversaire particulière pour plusieurs fleurons de l’économie française. Certains de nos plus grands groupes ont fêté leurs cinquante ans, preuve de la solidité de notre tissu économique. AccorHotels, Capgemini sont de ceux- là. En cinquante ans, ils ont connu la gloire et les tempêtes. AccorHotels s’est érigé comme une référence du marché de l’hôtellerie en même temps que le tourisme se développait à grande échelle. C’est au- jourd’hui le premier opérateur hôtelier en France et le sixième au niveau mon- dial. Le groupe français est présent dans 95 pays, compte plus de 4 100 hôtels et 240 000 collaborateurs sous enseignes répartis sur les cinq continents. Capgemini était à l’origine une start- up fondée en 1967 dans un deux-pièces cuisine de Grenoble, dans le contexte de la révolution anticipée de l’informa- tique (dissociation de la machine et du logiciel). Capgemini est aujourd’hui une valeur sûre du CAC40, avec une capitali- sation boursière de 17 milliards d’euros, un chiffre d’affaires de 12,5 milliards et près de 200 000 employés. Pourtant, à l’heure de la digitalisa- tion et de l’uberisation de l’économie, des médias relaient la prophétie de la fin de la « vieille économie ». Les nou- veaux entrants déploient de nouveaux modèles économiques et de nouvelles organisations : Airbnb ne possède au- cune chambre et les services de Cloud comme ceux d’Amazon ou de Google apportent une réponse aux enjeux de fluidité. La mort serait-elle donc vrai- ment annoncée pour notre économie pré Silicon Valley ? Mais alors, comment nos fleurons cinquantenaires ont-ils survécu et prospéré jusque-là ? N’ont-ils réellement jamais connu dans leur histoire de pareille disruption ? La véritable qualité d’une entreprise – quel que soit son âge – est sa capacité à évoluer, à s’adapter et surtout à anticiper. Service à la communauté. Ainsi, AccorHotels a annoncé l’année de ses cinquante ans, outre la cession de l’essentiel de son pôle immobilier HotelInvest, une nouvelle stratégie articulée autour de trois « verticales » comme les appelle Sébastien Bazin : les services liés à l’hôtellerie, le voyage (place de marché et hébergements complémentaires de l’hôtellerie) et les services à la communauté. Un exemple concret de service à la communauté : l’application AccorLocal qui permet aux habitants d’un quartier de béné- ficier des services de commerçants locaux (fleuristes, pressing, etc.) en dehors de leurs horaires d’ouverture grâce aux hôtels du groupe qui sont eux ouverts 24h/24 et 7j/7. Expérience digitale, cloud, objets connectés… Capgemini n’est pas en reste. Propulsé par son « envie de futur », son PDG Paul Hermelin a cité, à l’occasion du 50e anniversaire du groupe, le fondateur Serge Kampf : « Non décidément, l’histoire n’est pas terminée. En réalité, je crois bien qu’elle recommence. » Le concept darwinien « survival of the fittest » ne bénéficiera pas forcé- ment qu’aux licornes qui bousculent les secteurs économiques aujourd’hui. La capacité à s’adapter est la clé de la réussite et de la pérennité économique. Grâce à elle, nos groupes français cin- quantenaires pourront, en 2067, fêter leur centenaire. Paul Allibert est directeur général de l’Institut de l’entreprise. Salaires : des écarts plus resserrés dans le public que dans le privé Côté salaire, après six années de gel du point d’indice des fonctionnaires (2010-2016), on aurait pu penser que les salariés du privé se- raient sensiblement avantagés. Il n’en est rien. « Si les cadres de la fonction publique de l’Etat et des collectivités locales sont moins bien rémunérés que ceux du secteur privé, contrai- rement à ceux des hôpitaux (qui comprennent les médecins) ; à l’inverse, les ouvriers et employés de l’Etat sont mieux rémunérés que ceux du secteur privé », remarque Fran- çois Ecalle. Des écarts parfois importants : +20 % pour les ouvriers/employés de la fonc- tion publique d’Etat par rapport à la même catégorie socioprofessionnelle dans le privé (respectivement 2 002 euros et 1 677 euros de revenus nets mensuels en moyenne en 2015). Inversement, un cadre du privé touchait en moyenne 4 142 euros nets par mois en 2015, contre 3 617 euros pour un cadre du public (chiffres 2014), soit un écart de 15 %. « La dis- persion des salaires à l’intérieur du secteur public est plus faible que dans le privé, au détriment des cadres et à l’avantage des ou- vriers et employés de la fonction publique », résume François Ecalle. Les syndicats de la fonction publique dénoncent le retour du gel du point d’indice l’année prochaine. Après les 2,5 milliards d'euros d'augmentation accordés par François Hollande entre 2016 et 2017, ces données nuancent encore un peu plus leurs arguments. Temps de travail : 60 % de congés en plus dans la fonction publique Si le sparadrap des 35 heures colle toujours à l’image de la France à l’internationale, dix-sept ans après leur instauration, ni les salariés du public, ni ceux du privé, ne les pratiquent vrai- ment. Selon les données tirées du rapport 2017 de l’état de la fonction publique annexé au projet de loi de finances, le temps de travail hebdomadaire dans le secteur public évolue entre 38,2 heures pour les fonctionnaires territoriaux et 39,6 heures pour les fonction- naires d’Etat (37,7 heures pour les enseignants, 41,2 heures hors enseignants). En moyenne, un fonctionnaire travaille donc 38,9 heures par semaine, contre 39,3 heures pour un salarié du privé. Des durées assez proches et pourtant, les fonctionnaires travaillent chaque année 10 % de moins que les salariés du privé (res- pectivement 1 575 heures et 1 727 heures). Par quel mystère ? « L’écart […] résulte pour beau- coup des jours de congé et de RTT (jours de congé compensant une durée hebdomadaire supérieure à 35 heures) », explique François Ecalle. Hors enseignants, les agents de la fonction publique d’Etat ont bénéficié de 39 jours de congé-RTT en 2016. Comme les enseignants disposent de 70 jours par an, la moyenne pour la fonction publique d’Etat grimpe à 51 jours. Dans les col- lectivités locales, on tombe à 37 jours, et dans la fonction publique hospitalière à 33 jours. En moyenne, la fonction publique béné- ficie donc de 43 jours de congé annuels (hors ab- sentéisme), soit 60 % de plus que les 27 jours ac- cordés en moyenne dans le privé. « Les jours de congés et de RTT sont nette- ment plus nombreux dans les fonctions publiques, notam- ment celles d’Etat et ter- ritoriale, que dans le secteur privé, souligne François Ecalle. On peut toutefois noter qu’il existe une grande disparité entre les entreprises privées, le nombre de jours de congés étant de 24 dans celles de 1 à 9 salariés et de 32 dans celles de 500 salariés et plus ». @LEGENRA t Retraite : plus de temps et plus d’argent pour les fonctionnaires Dans ce domaine, les fonctionnaires bénéfi- cient de trois avantages. Premier avantage : les fonctionnaires partent en moyenne un an et trois mois plus tôt à la retraite que les actifs du secteur privé (61,2 ans en moyenne en 2016 pour les premiers ; 62,5 ans pour les seconds). Certains, dans les catégories dites « actives » (policiers, gardiens de prison…), partent même en moyenne à 58 ans 10 mois. Deuxième avan- tage : les fonctionnaires ayant une espérance de vie supérieure à celle des autres actifs, ils passent davantage de temps à la retraite que les salariés du privé, quelle que soit leur classe sociopro- fessionnelle et quel que soit leur sexe. L’écart le plus important touche les employés homme, les fonctionnaires bénéficiant de 3,3 années de plus en moyenne que leur homologues du privé. Troisième et dernière inégalité : les pensions. « A la fois les cadres et les non-cadres ont une pension plus élevée dans la fonction publique d’Etat que dans le secteur privé après une carrière complète dans le même régime », relève François Ecalle, qui base son analyse sur les données du Conseil d’orientation des retraites (COR). Pas étonnant quand on sait que les retraites des fonctionnaires sont calculées sur leurs six meilleurs mois de salaires, quand celles du privé le sont sur les vingt-cinq meil- leures années. Résultat : un écart de 25 % entre un fonctionnaire de catégorie B (non-cadre) et un salarié à poste équivalent dans le privé. Le premier touche environ 2 000 euros à la retraite, le second 1 500 euros. Un écart encore plus im- portant chez les femmes, où la retraite moyenne atteint 1 944 euros pour une fonctionnaire de catégorie B, et 1 167 euros pour une salariée du privé à poste équivalent. Une inégalité impor- tante entre public et privé qui, sous l’effet de la baisse du taux de remplacement, est appelée à se creuser, estime François Ecalle. Un argument important qui plaide en faveur de la fusion des régimes de retraites, comme le propose par Emmanuel Macron. Autant d’écarts qu’il fau- dra bien garder en tête, au moment où le Haut- commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, débute ses consultations avec les partenaires sociaux ; pendant qu’à Bercy, les discussions sur le pouvoir d’achat continuent avec les syndicats de la fonction publique. François Ecalle. SIPA PRESS Olivier Dussopt, le nouveau secrétaire d’Etat chargé de la Fonction publique. SIPA PRESS

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30 novembre 2017 l’Opinion 3

InégalitésDocuments annexés au projet de loi de fi-nances, études de l’Insee, de la DREES, de la DARES, de la direction générale de l’adminis-tration et de la fonction publique, rapport de la Cour des comptes… Le magistrat finan-cier François Ecalle est allé puiser dans une documentation fournie toute une série de données publiques dans une note précieuse, publiée vendredi sur son site Fipeco.fr, et que l’Opinion dévoile en exclu-sivité. Une photographie éclairante des écarts entre salariés du public et du privé.

Raphaël Legendre

C’est un document inédit que dévoile l’Opi-nion. Un comparatif exclusif des salaires, du-rées de travail, niveaux de pensions et temps passés à la retraite entre les salariés du privé et de la fonction publique. Une analyse réa-lisée par le magistrat de la Cour des comptes en disponibilité, François Ecalle, fondateur du site spécialisé dans les finances publiques Fipeco.fr, qui pour la première fois a compilé des données disponibles sur chacun de ces sujets, mais qui n’ont jamais été mis en regard les uns des autres. Au final, François Ecalle constate que les fonctionnaires, à l’exception des cadres, sont dans l’ensemble aussi bien, voire mieux payés que les salariés du privé ; que le temps de travail dans la fonction pu-blique est environ 10 % inférieur à celui du privé, que les fonctionnaires liquident leur retraite en moyenne un peu plus d’un an avant les salariés du privé, qu’ils passent donc plus de temps à la retraite, avec pour beaucoup un niveau de pension supérieur. Le tout, avec la garantie de l’emploi. Une inégalité de traite-ment qui soulève de nombreuses questions et bouscule quelques idées établies.

Salaires, temps de travail, retraites : les fonctionnaires grands gagnants

En plus de la sécurité de l’emploi, les fonctionnaires bénéficient d’avantages salariaux, de congés supplémentaires et de pensions plus élevées à la retraite que leurs homologues du privé

La durée du travail en 2016

SOURCE: INSEE, FIPECO

Secteur privé 1 727

1 575

1 559

1 350

1 740

1 574

1 614

Secteur public

Etat

Enseignants

Etat hors enseignants

Collectivités locales

Hôpitaux

Secteur privé

Secteur public

Etat

Enseignants

Etat hors enseignants

Collectivités locales

Hôpitaux

Heures annuelles

Jours de congés et RTT

27

43

51

70

39

37

33

Les pensions mensuelles moyennes (en euros)

SOURCE: FIPECO

Public Privé

Cat. A Cat. A Cat.B Cat.C Cat.B Cat.C0

500

1 000

1 500

2 000

2 500

3 000

3 5003 096

2 786

Cadres Non-cadres

2 677

2 1501 969

1 509 1 490

1 944

1 1671 485

Ensemble

Etat(civils)

Collectivitéslocales

Hôpitauxpublics

Secteurprivé

Cadres(dont horsenseignants)

Professionsintermédiaires

Ouvrierset employés

Les salaires nets mensuels moyens en 2015(en euros)

2 495 1 891 2 239 2 249

2 272 2 232 2 284 2 270

2 002 1 672 1 718 1 677

3 056(3 617

en 2014)3 277 4 775 4 142

SOURCE: FIPECO

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Employés

Public Privé

Professionsintermédiaires

Cadres et professionsintellectuelles

La durée passée à la retraite(en années)

SOURCE: FIPECO

23,1

29,1

22,5

30,5

22,9 22,2

30,227,5

21,2

26,925,8

19,3

EconomicsPaul Allibert

Entreprises: 50 ans et des projets plein la tête

Blablacar, Criteo, Vente-privée… Notre œil est attiré dans la lecture de l’actualité économique par ces beaux exemples de réussite qu’incarnent nos dernières licornes nationales. Pourtant, 2017 a été aussi une année anniversaire particulière pour plusieurs fleurons de l’économie française.

Certains de nos plus grands groupes ont fêté leurs cinquante ans, preuve de la solidité de notre tissu économique. AccorHotels, Capgemini sont de ceux-là. En cinquante ans, ils ont connu la gloire et les tempêtes.

AccorHotels s’est érigé comme une référence du marché de l’hôtellerie en même temps que le tourisme se développait à grande échelle. C’est au-jourd’hui le premier opérateur hôtelier en France et le sixième au niveau mon-dial. Le groupe français est présent dans 95 pays, compte plus de 4 100 hôtels et 240 000 collaborateurs sous enseignes répartis sur les cinq continents.

Capgemini était à l’origine une start-up fondée en 1967 dans un deux-pièces cuisine de Grenoble, dans le contexte de la révolution anticipée de l’informa-tique (dissociation de la machine et du logiciel). Capgemini est aujourd’hui une valeur sûre du CAC40, avec une capitali-sation boursière de 17 milliards d’euros, un chiffre d’affaires de 12,5 milliards et près de 200 000 employés.

Pourtant, à l’heure de la digitalisa-tion et de l’uberisation de l’économie, des médias relaient la prophétie de la fin de la « vieille économie ». Les nou-veaux entrants déploient de nouveaux modèles économiques et de nouvelles organisations : Airbnb ne possède au-cune chambre et les services de Cloud comme ceux d’Amazon ou de Google apportent une réponse aux enjeux de fluidité. La mort serait-elle donc vrai-ment annoncée pour notre économie pré Silicon Valley ? Mais alors, comment nos fleurons cinquantenaires ont-ils survécu et prospéré jusque-là ? N’ont-ils réellement jamais connu dans leur histoire de pareille disruption ?

La véritable qualité d’une entreprise – quel que soit son âge – est sa capacité à évoluer, à s’adapter et surtout à anticiper.

Service à la communauté. Ainsi, AccorHotels a annoncé l’année de ses cinquante ans, outre la cession de l’essentiel de son pôle immobilier HotelInvest, une nouvelle stratégie articulée autour de trois « verticales » comme les appelle Sébastien Bazin : les services liés à l’hôtellerie, le voyage (place de marché et hébergements complémentaires de l’hôtellerie) et les services à la communauté. Un exemple concret de service à la communauté : l’application AccorLocal qui permet aux habitants d’un quartier de béné-ficier des services de commerçants locaux (fleuristes, pressing, etc.) en dehors de leurs horaires d’ouverture grâce aux hôtels du groupe qui sont eux ouverts 24h/24 et 7j/7.

Expérience digitale, cloud, objets connectés… Capgemini n’est pas en reste. Propulsé par son « envie de futur », son PDG Paul Hermelin a cité, à l’occasion du 50e anniversaire du groupe, le fondateur Serge Kampf : « Non décidément, l’histoire n’est pas terminée. En réalité, je crois bien qu’elle recommence. »

Le concept darwinien « survival of the fittest » ne bénéficiera pas forcé-ment qu’aux licornes qui bousculent les secteurs économiques aujourd’hui. La capacité à s’adapter est la clé de la réussite et de la pérennité économique. Grâce à elle, nos groupes français cin-quantenaires pourront, en 2067, fêter leur centenaire.

Paul Allibert est directeur général de l’Institut de l’entreprise.

Salaires : des écarts plus resserrés dans le public que dans le privé

Côté salaire, après six années de gel du point d’indice des fonctionnaires (2010-2016), on aurait pu penser que les salariés du privé se-raient sensiblement avantagés. Il n’en est rien. « Si les cadres de la fonction publique de l’Etat et des collectivités locales sont moins bien rémunérés que ceux du secteur privé, contrai-rement à ceux des hôpitaux (qui comprennent les médecins) ; à l’inverse, les ouvriers et employés de l’Etat sont mieux rémunérés que ceux du secteur privé », remarque Fran-çois Ecalle. Des écarts parfois importants : +20 % pour les ouvriers/employés de la fonc-tion publique d’Etat par rapport à la même catégorie socioprofessionnelle dans le privé (respectivement 2 002 euros et 1 677 euros de revenus nets mensuels en moyenne en 2015). Inversement, un cadre du privé touchait en moyenne 4 142 euros nets par mois en 2015, contre 3 617 euros pour un cadre du public (chiffres 2014), soit un écart de 15 %. « La dis-persion des salaires à l’intérieur du secteur public est plus faible que dans le privé, au

détriment des cadres et à l’avantage des ou-vriers et employés de la fonction publique », résume François Ecalle. Les syndicats de la fonction publique dénoncent le retour du gel du point d’indice l’année prochaine. Après les 2,5 milliards d'euros d'augmentation accordés par François Hollande entre 2016 et 2017, ces données nuancent encore un peu plus leurs arguments.

Temps de travail : 60 % de congés en plus dans la fonction publique

Si le sparadrap des 35 heures colle toujours à l’image de la France à l’internationale, dix-sept ans après leur instauration, ni les salariés du public, ni ceux du privé, ne les pratiquent vrai-ment. Selon les données tirées du rapport 2017 de l’état de la fonction publique annexé au projet de loi de finances, le temps de travail hebdomadaire dans le secteur public évolue entre 38,2 heures pour les fonctionnaires territoriaux et 39,6 heures pour les fonction-naires d’Etat (37,7 heures pour les enseignants, 41,2 heures hors enseignants). En moyenne, un fonctionnaire travaille donc 3 8 ,9 h e u re s p a r s e m a i n e , contre 39,3 heures pour un salarié du privé. Des durées assez proches et pourtant, les fonctionnaires travaillent chaque année 10 % de moins que les salariés du privé (res-pectivement 1 575 heures et 1  727 heures). Par quel mystère ? « L’écart […] résulte pour beau-coup des jours de congé et de RTT ( jours de

congé compensant une durée hebdomadaire supérieure à 35 heures) », explique François Ecalle.

Ho r s e n s e i g n a n t s , l e s agents de la fonction publique d’Etat ont bénéficié de 39 jours de congé-RTT en 2016. Comme les enseignants disposent de 70 jours par an, la moyenne pour la fonction publique d’Etat grimpe à 51 jours. Dans les col-lectivités locales, on tombe à 37 jours, et dans la fonction

publique hospitalière à 33 jours. En moyenne, la fonction publique béné-ficie donc de 43 jours de congé annuels (hors ab-sentéisme), soit 60 % de

plus que les 27 jours ac-cordés en moyenne dans

le privé. « Les jours de congés et de RTT sont nette-

ment plus nombreux dans les fonctions publiques, notam-

ment celles d’Etat et ter-ritoriale, que dans le secteur privé, souligne François Ecalle. On peut toutefois noter qu’il existe une grande disparité entre les entreprises privées, le nombre de jours de congés étant de 24 dans celles de 1 à 9 salariés et de 32 dans celles de 500 salariés et plus ».

@LEGENRA t

Retraite : plus de temps et plus d’argent pour les fonctionnaires

Dans ce domaine, les fonctionnaires bénéfi-cient de trois avantages. Premier avantage : les fonctionnaires partent en moyenne un an et trois mois plus tôt à la retraite que les actifs du secteur privé (61,2 ans en moyenne en 2016 pour les premiers ; 62,5 ans pour les seconds). Certains, dans les catégories dites « actives » (policiers, gardiens de prison…), partent même en moyenne à 58 ans 10 mois. Deuxième avan-tage : les fonctionnaires ayant une espérance de vie supérieure à celle des autres actifs, ils passent davantage de temps à la retraite que les salariés du privé, quelle que soit leur classe sociopro-fessionnelle et quel que soit leur sexe. L’écart le plus important touche les employés homme, les fonctionnaires bénéficiant de 3,3 années de plus en moyenne que leur homologues du privé. Troisième et dernière inégalité : les pensions. « A la fois les cadres et les non-cadres ont une pension plus élevée dans la fonction publique d’Etat que dans le secteur privé après une carrière complète dans le même régime », relève François Ecalle, qui base son analyse sur les données du Conseil d’orientation des retraites (COR). Pas étonnant quand on sait que les retraites des fonctionnaires sont calculées sur leurs six meilleurs mois de salaires, quand celles du privé le sont sur les vingt-cinq meil-leures années. Résultat : un écart de 25 % entre un fonctionnaire de catégorie B (non-cadre) et un salarié à poste équivalent dans le privé. Le premier touche environ 2 000 euros à la retraite, le second 1 500 euros. Un écart encore plus im-portant chez les femmes, où la retraite moyenne atteint 1 944 euros pour une fonctionnaire de catégorie B, et 1 167 euros pour une salariée du privé à poste équivalent. Une inégalité impor-tante entre public et privé qui, sous l’effet de la baisse du taux de remplacement, est appelée à se creuser, estime François Ecalle. Un argument important qui plaide en faveur de la fusion des régimes de retraites, comme le propose par Emmanuel Macron. Autant d’écarts qu’il fau-dra bien garder en tête, au moment où le Haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye, débute ses consultations avec les partenaires sociaux ; pendant qu’à Bercy, les discussions sur le pouvoir d’achat continuent avec les syndicats de la fonction publique.

François Ecalle.SIPA PRESS

Olivier Dussopt, le nouveau secrétaire d’Etat

chargé de la Fonction publique.

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