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1Impacts économiques et environnementaux de la généralisation d’un retrait prématuré des pneus tourisme dans l’Union européenne

Pas de fatalité à l’obsolescence programméeImpacts économiques et environnementaux de la généralisation d’un retrait prématuré des pneus tourisme dans l’Union européenne

Mai 2017

2 Pas de fatalité à l’obsolescence programmée - Mai 2017

Sommaire

Avant-propos p. 3

Résumé p. 4

La profondeur de sculpture des pneus fait l’objet d’une p. 6 réglementation homogène dans le monde depuis longtemps

En pratique, les automobilistes européens p. 7 sont encouragés par des acteurs de la profession à retirer leurs pneus avant le seuil légal

Les études sur l’accidentologie ne sont pas concluantes p. 8 pour soutenir un changement de réglementation de 1,6 à 3 mm

Les impacts de la généralisation d’un retrait des pneus p. 9 tourisme avant le seuil légal dans l’Union européenne seraient considérables d’un point de vue environnemental

Le surcoût global s’élèverait à 636 M € par an p. 10

La facture augmenterait de 6,9 Mds € pour les automobilistes p. 11

Lutter contre l’obsolescence programmée des pneus p. 12 s’inscrit dans la transition en cours du secteur de la mobilité vers une économie circulaire et axée sur la fonctionnalité

Pour y parvenir, ces recommandations opérationnelles p. 13 pourraient être suivies

Note méthodologique p. 15

3Impacts économiques et environnementaux de la généralisation d’un retrait prématuré des pneus tourisme dans l’Union européenne

Avant-proposL’économie mondiale se transforme à une vitesse importante, accompagnée de nouveaux modes d’usage qui doivent être renforcés par des réglementations soutenant l’innovation et la durabilité.

Les entreprises ont besoin d’un cadre règlementaire adapté à ces nouveaux impératifs du développement : durabilité et soutien à l’innovation. L’Union européenne est un acteur de premier plan lorsqu’il s’agit de mettre en place les réglementations de demain.

Nous espérons, avec cette nouvelle étude, contribuer à l’accompagnement des modes de production et de consommation durables, par une économie toujours plus circulaire. À partir de calculs d’impacts, nous démontrons la nécessité de maintenir la réglementation existante tout en proposant un soutien plus complet à la performance dans la durée.

Cette réflexion est importante, car elle dessine ce que pourrait être la mondialisation vertueuse de demain, à la recherche d’innovations pour l’environnement et améliorant la performance d’usage au service de l’utilisateur.

Éric MugnierAssocié EY

Sustainable Performance & Transformation

L’heure n’est plus aux compromis : les acteurs de la mobilité doivent impérativement conjuguer sécurité, efficacité économique et préservation de l’environnement.

Le pneumatique est un exemple peu connu mais pourtant clef en termes de mobilité : seul contact entre le véhicule et la route, il assure la sécurité et joue un rôle important dans la réduction des émissions de CO2. Aujourd’hui, les technologies permettant aux manufacturiers de proposer des produits sûrs et efficaces tout au long de leur vie existent.

Combattre l’obsolescence programmée et proposer des produits aux performances durables, c’est une économie de matières premières et d’argent pour les consommateurs, mais aussi un engagement pour une mobilité plus durable en toute sécurité. Ce rapport met en évidence le coût de l’inaction face à ce défi : militer pour des produits plus durables, dans une logique d’économie circulaire, est indispensable pour assurer l’avenir de l’automobile.

Jean TodtPrésident de la Fédération

Internationale de l’automobile

4 Pas de fatalité à l’obsolescence programmée - Mai 2017

SCÉNARIO 2

RÉSUMÉ

La route serait plus sûre si on testait les pneus au niveau légal d’usure…

SCÉNARIO 1 « BUSINESS AS USUAL »Poursuite de l’encouragement d’un retrait prématuré des pneus avant la limite réglementaire• Surcoût global considérable pour la société

• Impact sur le pouvoir d’achat de l’automobiliste

• Dommage environnemental important

• Source d’obsolescence programmée

5Impacts économiques et environnementaux de la généralisation d’un retrait prématuré des pneus tourisme dans l’Union européenne

SCÉNARIO 2SCÉNARIO 2 « PERFORMANCE DANS LA DURÉE »Test des pneus en fin de vie pour garantir la performance jusqu’au seuil réglementaire (1,6 mm) et rassurer les automobilistes• Réduction de la distance de freinage

moyenne du parc automobile

• Gain économique pour la société

• Hausse du pouvoir d’achat de l’automobiliste

• Gain environnemental

• Soutien à l’innovation en matière de performance dans la durée en phase avec une transition vers une économie circulaire

6 Pas de fatalité à l’obsolescence programmée - Mai 2017

Cette réglementation est homogène dans le monde

à 1,6 mm ou moins depuis des décennies

Une directive de 1989 impose que

les États membres s’assurent que les véhicules présentent des sculptures d’au moins 1,6 mm de profondeur1.

42 États ont adopté une réglementation

à 1,6 mm. Deux autres ont une réglementation plus souple,

les six autres n’en ayant aucune.

Le Japon, le Canada, la Chine, l’Inde, l’Indonésie, la Thaïlande et le Brésil

ont eux aussi adopté une réglementation à 1,6 mm.

UNE RÉGLEMENTATION BIEN ÉTABLIE

La profondeur de sculpture des pneus fait l’objet d’une réglementation homogène dans le monde depuis longtemps

Les sculptures de pneus, éléments essentiels de l’adhérence Le premier pneu automobile a vu le jour en 1895 et il s’en vend aujourd’hui plus d’un milliard d’unités par an. Acteur essentiel de la mobilité, à l’interface route-véhicule, il est le seul garant de l’adhérence quelles que soient les conditions rencontrées (état de la route, vitesse, conduite sur sol mouillé, etc.).

La conduite sur sol mouillé présente en particulier un risque de perte d’adhérence et donc de contrôle du véhicule selon la vitesse et les caractéristiques des pneus.

L’architecture, les matériaux et les sculptures de ces derniers sont donc optimisés afin d’assurer qu’ils restent bien en contact avec le sol en évacuant l’eau et en maintenant une adhérence maximale.

Les sculptures ont besoin d’une profondeur minimale pour jouer correctement ce rôle de « drainage ». C’est pourquoi plusieurs États ont adopté des réglementations contraignantes obligeant les véhicules en circulation à être équipés de pneus dont la profondeur de sculpture est d’au moins 1,6 mm.

La profondeur de sculpture minimale des pneus est donc réglementée.

7Impacts économiques et environnementaux de la généralisation d’un retrait prématuré des pneus tourisme dans l’Union européenne

MAIS UN RETRAIT PRÉMATURÉ ENCOURAGÉ

En pratique, les automobilistes européens sont encouragés par des acteurs de la profession à retirer leurs pneus avant le seuil légal

Les automobilistes ne disposent pas de toutes les informations nécessairesFaute de garantie sur les performances des pneumatiques tout au long de leur durée de vie, les automobilistes sont confrontés à deux choix non satisfaisants : attendre que la profondeur de sculpture de leurs pneumatiques atteigne 1,6 mm au risque que leurs performances ne soient pas satisfaisantes ou les remplacer préventivement avant 1,6 mm au risque de dépenser plus et engendrer des impacts environnementaux considérables.

Ce qui permet à certains acteurs du marché du pneumatique d’encourager un remplacement anticipéEn effet, certains acteurs de la profession (distributeurs, manufacturiers et associations professionnelles) encouragent les automobilistes à remplacer leurs pneus dès 3 mm, soit bien avant la limite légale.

Au sein de l’Union européenne, la moitié des pneus est désormais retirée à 3 mm Une étude publiée en 2014 dans la revue scientifique à comité de lecture Tire Science and Technology révèle ainsi que les profondeurs d’usure moyenne et médiane des pneus présents dans les décharges européennes sont de 3,1 et 3 mm respectivement2..

En extrapolant les résultats de cette étude à l’ensemble des décharges européennes, cela signifie qu’

un pneu retiré sur deux

dans l’Union européenne a une profondeur de sculpture

supérieure à 3 mm

« For your safety, XXXX recommends you replace any tire having a tread depth of 3mm or less. »

« La limite d’usure légale est à rehausser d’urgence. Changer les quatre pneus dès qu’il ne reste que 3 mm de gomme ou si elle a plus de 4 ans, voilà qui ne va pas plaire à notre portefeuille. Mais le verdict est sans appel. Quand la largeur dépasse 205 mm, c’est une question de sécurité sur route mouillée. Et l’ESP [système de freinage], qui ne peut être efficace que si les pneus le sont, ne vous sauvera pas. »

« XXXX recommends a minimum tyre tread depth of 3 mm. Not sure about your tread depths? We can check them for FREE! »VU DANS LA PRESSE

8 Pas de fatalité à l’obsolescence programmée - Mai 2017

« Les données utilisées sur les accidents ne montrent aucun avantage à augmenter la profondeur minimale de la bande de roulement pour réduire le nombre d’accidents. […] Les résultats de l’étude suggèrent que le seuil de 1,6 mm peut être le niveau approprié pour baser les législations nationales des États membres. »

Rapport TNO pour la Commission Européenne, Study on Some Safety-Related Aspects of Tyre Use, 2014

« En cas d’augmentation de la profondeur minimale de la bande de roulement, les pneus devront être changés plus souvent. Les coûts croissants en résultant peuvent amener les détenteurs de véhicules à ne pas investir dans des pneus de bonne qualité pour des raisons budgétaires. Si les pneus avec une performance inférieure sont préférés en raison de considération de coûts, cela aura un impact négatif sur la conduite et la sécurité routière. »

Extrait de citation de Prof. Dr. Lars Hannawald, VUFO, newsletter du 16 février 2017, traduit de l’allemand. Le VUFO est un Institut de Recherche sur les Accidents de la circulation, spécialisé sur les accidents de la route depuis plus de 13 ans.

SANS BASE CONCLUANTE POUR RÉDUIRE L’ACCIDENTOLOGIE

Les études sur l’accidentologie ne sont pas concluantes pour soutenir un changement de réglementation de 1,6 à 3 mm

Cette pratique pourrait même s’avérer contre-productive sur le plan de l’accidentologie La perspective d’un renouvellement plus fréquent des pneus incitera probablement les automobilistes ayant jusqu’à présent opté pour des pneus de qualité - performants dans la durée - à choisir des pneus à bas prix de moins bonne qualité et dont la performance se dégrade plus rapidement.

Or, des pneus de moins bonne qualité à 3 mm peuvent avoir une distance de freinage plus longue que des pneus de qualité à 1,6 mm.

La distance de freinage moyenne du parc automobile se détériorerait alors.

Les résultats sur l’accidentologie n’ont jusqu’à présent pas isolé l’effet d’une augmentation de profondeur de la bande de roulement avec une évolution de l’accidentologie2. En outre, les analyses qui se sont en particulier basées sur des corrélations statistiques entre changement de profondeur de sculpture et accidentologie ont abouti à ne pas recommander un changement de réglementation de 1,6 à 3 mm au motif que les avantages hypothétiques d’une telle mesure seraient plus que contrebalancés par leurs coûts.

Les analyses coûts / bénéfices privilégient plutôt le déploiement de campagnes de sensibilisation sur la réglementation existanteibid.

Scénario possible

Remplacement plus fréquent des pneus

La proportion de pneus de moins bonne qualité augmente aux dépens de celle

des pneus premium

Les pneus achetés sont moins performants dans la durée

La distance de freinage moyenne du parc automobile se détériore

Retrait généralisé à 3 mm

9Impacts économiques et environnementaux de la généralisation d’un retrait prématuré des pneus tourisme dans l’Union européenne

DES DÉGÂTS ENVIRONNEMENTAUX CONSIDÉRABLES

Les impacts de la généralisation d’un retrait des pneus tourisme avant le seuil légal dans l’Union européenne seraient considérables d’un point de vue environnemental

Retirer ses pneus à 3 mm plutôt qu’à 1,6 aurait un impact environnemental considérable allant à contre-courant de la prise de conscience collective visant à répondre à l’urgence de la situation climatique mondiale d’une part et à l’épuisement des ressources non renouvelables d’autre part. Les impacts environnementaux associés seraient de deux ordres :

• Impacts directs (liés à la production de pneus) : épuisement de ressources non renouvelables, exploitation de ressources renouvelables, production de déchets et émissions de gaz à effet de serre

• Impacts indirects (liés à la consommation de carburant du véhicule) : émissions de gaz à effet de serre

+35% de déchets générés et de matières premières consommées

Le passage à un retrait généralisé à 3 mm impliquerait un renouvellement plus fréquent des pneus qui se traduirait par une augmentation de 35% de la consommation de matières premières et de la production de déchets associés à la fabrication des pneus en

Europe sur une année.Cela équivaut à une surconsommation annuelle de matières premières de l’ordre de 1 million de tonnes et à une surproduction de déchets d’autant, soit l’équivalent de 100 tours Eiffel.

- 5 700 hectaresL’impact sur la déforestation se traduirait par la destruction de 5 700 hectares de forêt

primaire par an, une surface équivalente à plus de 7 800 stades de football.

+ 32 800 GWhLa quantité d’énergie primaire consommée lors de la surproduction de pneus pour l’ensemble du parc automobile européen équivaudrait à la production annuelle de plus de 2 réacteurs nucléaires de 3e génération (EPR).

Les résultats suivants reposent sur la comparaison entre un retrait généralisé à 1,6 mm et un retrait généralisé à 3 mm sur l’ensemble du parc automobile européen sur une année

+ 6 600 000 tCO2 eqCe qui est équivalent aux émissions d’un pays européen comme la Lettonie.Ces émissions de gaz à effet de serre proviennent d’une part des émissions générées par l’extraction des matières premières et par la fabrication des pneus et d’autre part des émissions générées par la surconsommation de carburant des véhicules.

En effet, le travail du pneu au contact de la route entraîne une dissipation d’énergie et nécessite ainsi une consommation de carburant du véhicule accrue pour la compenser. Or, cette résistance au roulement du pneu diminue à mesure de son usure ce qui réduit donc la consommation de carburant associée.

10 Pas de fatalité à l’obsolescence programmée - Mai 2017

UN SURCOÛT POUR LA SOCIÉTÉ CONSIDÉRABLE

Le surcoût global s’élèverait à 636 M € par an

La monétisation permet - par le biais de techniques issues des sciences économiques - d’établir le coût de certaines externalités négatives occasionnées tout au long du cycle de vie du pneu.

La monétisation des impacts environnementaux directs et indirects précédents fait ainsi apparaître un surcoût global pour la société de 636 M € chaque année.

Ce surcoût global équivaut à plus du double du budget annuel du programme européen pour l’environnement et le climat (le programme LIFE+ est doté de 300 M € par an). Ce budget représente l’un des outils principaux de l’action politique européenne d’amélioration de la gestion de l’environnement et en faveur de la protection et de la restauration de la biodiversité. Grâce à ce budget annuel de 300 M €, le programme LIFE+ soutient par exemple un ensemble d’actions en faveur d’une meilleure information des citoyens européens pour soutenir le développement durable.

Les administrations des États membres, les autorités locales, les universités, les organisations non gouvernementales, les associations et les organisations internationales travaillent en étroite coordination au sein de ce programme.

Il est important de noter que ces calculs sont conservateurs dans la mesure où seule une partie des externalités négatives a été considérée.

Enfin, un effet collatéral d’une généralisation d’un retrait à 3 mm serait de favoriser des pneus moins chers et moins performants le plus souvent produits à l’extérieur de l’Union européenne, dégradant ainsi :

• la balance commerciale de l’Union européenne

• la compétitivité de l’industrie européenne du pneu qui repose en grande partie sur la vente de pneus performants sur la durée

Par ailleurs, cela engendrerait une augmentation de la dépendance de l’Union européenne aux importations de produits finis.

164 M €en raison d’une production accrue de déchets

4 M €en raison de la surconsommation d’énergie

289 M € en raison de la surconsommation de matières premières

178 M € en raison du surplus d’émissions de gaz à effet de serre

Pour la société

11Impacts économiques et environnementaux de la généralisation d’un retrait prématuré des pneus tourisme dans l’Union européenne

UN POUVOIR D’ACHAT DES AUTOMOBILISTES COMPRIMÉ

La facture augmenterait de 6,9 Mds € pour les automobilistes

Au-delà de l’impact économique pour l’Union européenne au sens large, retirer ses pneus à 3 mm se traduirait également par une hausse de la part des dépenses contraintes dans le budget des ménages.

Cela équivaudrait à acheter deux pneus neufs supplémentaires par véhicule tous les cinq ans.

Dit autrement, cela reviendrait à un budget pneu en hausse de 40% pour une même distance parcourue et une même gamme de pneumatique.

En effet un retrait anticipé engendre un achat plus fréquent à usage égal.

Tous les ans, la facture s’élèverait ainsi pour les automobilistes de l’Union européenne à 800 M € en raison de la surconsommation de carburant (elle-même liée à une moindre usure des pneus et donc à une plus forte résistance au roulement) et à 6,1 Mds € pour le surcoût lié à l’achat plus fréquent de pneus, soit l’équivalent du coût de construction de 100 km d’autoroute avec échangeurs et ponts.

Augmentation de la consommation de carburant

Augmentation de la consommation de pneus

Pour les consommateurs

12 Pas de fatalité à l’obsolescence programmée - Mai 2017

LUTTER CONTRE L’OBSOLESCENCE, AGIR POUR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Lutter contre l’obsolescence programmée des pneus s’inscrit dans la transition en cours du secteur de la mobilité vers une économie circulaire et axée sur la fonctionnalité

L’obsolescence programmée est un élément clé de la culture du jetable qui pousse les consommateurs à remplacer leurs produits par de nouveaux alors que ceux-ci sont toujours fonctionnels.

À l’opposé de ce modèle, l’économie circulaire postule « l’allongement de la durée du cycle de vie des produits » (ce qui est même inscrit dans le Code de l’environnement en France) et intègre le principe selon lequel « les produits et les matières conservent leur valeur le plus longtemps possible ».

En décembre 2015, la Commission européenne a ainsi adopté le paquet Économie Circulaire dont l’objectif est de faire de l’économie européenne une économie sobre en ressources. Appliqué aux pneumatiques, ce concept se traduit notamment par l’utilisation, dans la phase de conception, de technologies permettant un haut niveau de performances tout au long de la durée de vie du pneu, jusqu’au seuil légal d’usure.

Grâce au développement de la R&D dans le domaine des pneumatiques, plusieurs technologies sont aujourd’hui disponibles ; de nombreux exemples de pneus sur le marché le prouvent. C’est pourquoi, alors que les technologies n’ont jamais été aussi avancées qu’aujourd’hui, recommander un retrait prématuré du pneu, alors qu’il n’a pas atteint la limite d’usure définie par la réglementation et qu’il peut toujours être performant, peut s’apparenter à une forme d’obsolescence programmée.

Cette pratique est en outre à l’opposé des tendances actuelles visant à soutenir la transition vers une économie circulaire axée sur la fonctionnalitéLes nouvelles technologies actuellement en cours de développement et de déploiement couplées à l’évolution des modèles d’affaires axés sur la consommation d’un usage plutôt que d’un produit soutiennent une mutation profonde du secteur de la mobilité : conduite autonome, mobilité partagée, objets connectés, etc.

Ces évolutions profondes encouragent les entreprises à basculer sur des modèles d’affaires qui leur permettent de rester propriétaires du bien, n’en cédant que l’usage, et ayant, dès lors, intérêt à en augmenter la performance plutôt que la fréquence de renouvellement.

Demande de pneus performants ayant une plus longue durée de vie

Nombre de kilomètres moyen d’une voiture sur un an

« PRODUCT AS A SERVICE »

Nombre de voitures et donc de pneus en circulation

Concentration capitalistique

L’obsolescence programmée est reconnue comme un délit en France

« I- L’obsolescence programmée se définit par l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement. II- L’obsolescence programmée est punie d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende. » Extrait de l’article L.213-4-1 du Code de la consommation en France

13Impacts économiques et environnementaux de la généralisation d’un retrait prématuré des pneus tourisme dans l’Union européenne

DES MOYENS EXISTENT

Pour y parvenir, ces recommandations opérationnelles pourraient être suivies

Si retirer prématurément ses pneus à 3 mm est favorable aux acteurs de l’économie linéaire, fondée sur la culture du jetable, cela l’est moins aux manufacturiers investissant dans la recherche et l’innovation. Ceux-ci développent des offres de services inscrivant la performance dans la durée comme finalité, en lien avec les enjeux de notre époque. Les mesures suivantes permettraient d’encourager ces manufacturiers.

1. Tester l’adhérence sur sol mouillé non plus à l’état neuf, comme c’est le cas aujourd’hui, mais au niveau minimum de profondeur de sculpture réglementaire : 1,6 mmCertains pneus deviennent rapidement moins performants alors que d’autres maintiennent une performance à travers leurs différents stades d’usure de sorte qu’un pneu à 1,6 mm peut tout à fait mieux freiner qu’un pneu à 3 mm.

Mesurer l’adhérence sur sol mouillé des pneus à l’état neuf ne garantit donc en rien une performance sur la durée. Le faire en fin de vie permettrait en revanche de garantir une performance sur la durée.

2. Mise en place de l’éco-modulation via les filières de Responsabilité Élargie du Producteur (REP)Dans le cadre de réglementations nationales, certaines filières sont soumises à l’obligation de mettre en place un barème d’éco-modulation. Par exemple, une partie de la taxe payée en France sur les DEEE (Déchets d‘Équipements Électriques et Électroniques) est modulée en fonction des caractéristiques de ces produits. Cette incitation n’est pas mise en place aujourd’hui pour les pneus. Elle inciterait pourtant les manufacturiers à innover au service de la durabilité et attirerait l’attention des consommateurs sur les enjeux de la gestion des ressources.

14 Pas de fatalité à l’obsolescence programmée - Mai 2017

15Impacts économiques et environnementaux de la généralisation d’un retrait prématuré des pneus tourisme dans l’Union européenne

NOTE MÉTHODOLOGIQUE

Principales hypothèses considérées pour le calcul des impacts environnementaux et économiques

Périmètre de l’étudeLe périmètre « Europe » couvre l’Union européenne à 28 États Membres pour les véhicules utilitaires et les véhicules utilitaires légers. Les calculs sont réalisés à partir de données collectées pour l’année 2015 sauf exceptions.

Modélisation des impacts environnementauxLa quantification des différents impacts environnementaux présentés dans ce rapport (contribution au changement climatique, consommation de ressources et d’énergie) a été réalisée à partir de calculs d’ACV (« Analyse de Cycle de Vie ») réalisés par Michelin en 2015.

Les caractéristiques du pneu standard considéré dans l’étude sont basées sur différentes sources reconnues au niveau européen et mondial, parmi lesquelles le Mobility Model de l’AIE (MoMo) pour la résistance au roulement du pneu ou les rapports de l’ETRMA pour la durée de vie du pneu.

La contribution au changement climatique a été modélisée en utilisant les facteurs d’émission des bases Ecoinvent pour les étapes d’extraction des matières premières et de fabrication du pneumatique et CONCAWE (Commission européenne) pour la consommation de carburant.

Les impacts sur la déforestation ont été estimés à partir de l’industrie du caoutchouc en Thaïlande, principal pays producteur de caoutchouc naturel, avec 37 % de la production mondiale en 2015. Il est estimé que 12 % du caoutchouc naturel produit en Thaïlande est cultivé en zone déboisée. La déforestation relative à l’utilisation de pneus a donc été calculée en appliquant ce ratio de 12 % au déficit carbone par hectare lié à la production d’un pneu.

La production de poussières liée à l’usure des pneus pendant le roulage n’a pas été considérée dans ce calcul, étant donné que le remplacement d’un pneu usé par un pneu neuf n’a pas d’impact sur la quantité de poussières émises.

Modélisation des impacts économiquesLe surcoût occasionné pour l’automobiliste a été calculé sur la base d’un prix moyen calculé à partir des données de vente 2015 de Michelin en Europe et à partir d’un prix du carburant moyen issu des données de l’Agence Européenne de l’Énergie.

Le surcoût engendré pour la société a été obtenu par la monétisation des impacts environnementaux.

L’impact économique lié à la surconsommation de ressources (y compris l’énergie) et aux externalités négatives générées par une production accrue de déchets a été calculé à l’aide de la méthodologie Ecocosts 3,4,5, développée par l’université de technologie de Delft.

Dans le cas précis de la surconsommation d’énergie, l’Ecocosts du charbon a été considéré pour l’ensemble de la consommation d’énergie fossile, ce qui place l’étude dans une approche conservatrice, le coût du charbon étant inférieur à celui des autres énergies fossiles.

L’impact économique lié au changement climatique a été calculé à partir d’un prix de la tonne de CO2 fixé à 27 €, en cohérence avec le modèle de coût social du carbone défini par l’Agence de Protection de l’Environnement américaine (EPA) qui traduit les dommages occasionnés dans le futur par l’émission d’une tonne de CO2 aujourd’hui.

LimitesLes émissions des polluants atmosphériques autres que les gaz à effet de serre – oxydes d’azote et de soufre, poussières générées par l’abrasion des pneus lors de l’usage, etc. – n’ont pas été évaluées et donc monétisées. Les recettes fiscales provenant d’une augmentation des ventes de pneus n’ont pas non plus été considérées.

Principales ressources bibliographiques mobilisées

[1] Council of the European Union. Council Directive 89/459/EEC of 18 July 1989 on the approximation of the laws of the Member States relating to the tread depth of tyres of certain categories of motor vehicles and their trailers

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[3] Vogtlander JG, Bijma A “The virtual pollution costs 99, a single LCA-based indicator for emissions”, 2000. Int. J. LCA, 5 (2):113 –124

[4] Vogtlander JG, Brezet HC, Hendriks CF “A single LCA-based indicator for sustainability and the eco-costs-value ratio (EVR) model for economic allocation“, 2001. Int J LCA 6(3):157-166

[5] Vogtlander JG, Beatens B, Bijma A. Brantjes E, Lindeijer E, Segers M, Witte F, Brezet JC, Hendriks ChF “LCA-based assessment of sustainability: The Eco-costs/Value Ratio (EVR)“, 2010. Delft Academic Press, DAP (VSSD)

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Kamel, N., and T. Gartshore. “Ontario’s Wet Pavement Accident Reduction Program”, January 1982. doi:10.1520/STP28465S.

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Greenhouse gas emissions from rubber industry in Thailand, Journal of Cleaner Production 18,403-411

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Étude réalisée par : Olivier Baboulet, Vincent Aurez, Paul Angulo et Eric Mugnier.

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Olivier BabouletManager, Expert en mesure d’impacts socio-économique et environnemental [email protected] 78 84 28 65

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