Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes...

78
Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux Cahier 1 Les aides locales facultatives et l’accès au crédit Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison, Jean-Noël Baillon, Fatima Bellaredj, Olivier Douard, Marie Mazalto (Amedis) Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers ? Georges Gloukoviezoff (université Lyon 2) Les Travaux de l’Observatoire 433 2007-2008

Transcript of Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes...

Page 1: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Troisième partieAides locales facultatives et trajectoires

des allocataires des minima sociaux

Cahier 1Les aides locales facultatives et l’accès au crédit

Pour une meilleure connaissance des aides locales : leslogiques de déclinaison, Jean-Noël Baillon, FatimaBellaredj, Olivier Douard, Marie Mazalto (Amedis)

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?Georges Gloukoviezoff (université Lyon 2)

Les Travaux de l’Observatoire4332007-2008

Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433

Page 2: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:
Page 3: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Pour une meilleure connaissance des aideslocales : les logiques de déclinaison

Jean-Noël Baillon, Fatima Bellaredj, Olivier Douard, Marie Mazalto (Amedis)

L’Onpes a confié à Amedis une étude afin de mieux appréhender la réalitédes aides locales facultatives et ou extralégales en direction des per-

sonnes et familles en difficulté émanant des collectivités (communes etconseils généraux) ainsi que des organismes sociaux (caisses d’allocationsfamiliales, caisses primaires d’assurance maladie). Ce champ a été élargiaux aides financières attribuées dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance(ASE), même si cette compétence relève d’une obligation de la part desconseils généraux. L’utilisation des aides en tant que fonds de solidarité,leur caractère discrétionnaire, la typologie des aides (aide à la subsistance,au loyer, à l’énergie, etc.) ainsi que la latitude propre à chaque départementpour en déterminer les montants, ont constitué autant de déterminants pourleur prise en compte dans l’échantillon des aides étudiées.

L’étude s’est intéressée principalement aux aides et non à l’ensemble del’action sociale menée par chacun. Ainsi elle s’est centrée sur la caractéri-sation des dispositifs locaux, en dégageant, d’une part, les principes qui lesfondent (prestations universelles, prestations catégorielles, critèresd’accès, degré de générosité…) et, d’autre part, les modalités qu’elles revê-tent (secours, prêts, périodicité…).

Les Travaux de l’Observatoire4352007-2008

Page 4: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Il n’existe pas à proprement parler d’organisation globale de l’aide sociale auniveau local. Chaque institution, qu’elle soit une collectivité, un organisme social ouune association, va donc, en fonction de ses prérogatives, décliner son actionsociale. Les aides qui en résultent correspondent, pour l’essentiel d’entre elles, à lamême finalité : une intervention incontournable pour éviter d’aggraver une situationdéjà difficile.

La disposition des fonds de chacun s’inscrit dans une dynamique d’équité, voirede justice sociale qui peut se décliner en termes de publics : ainsi, la priorité peutêtre d’aider les familles monoparentales, ceux qui ont perdu leur emploi, les per-sonnes isolées démunies ou bien les retraités, etc.

Champ de l’enquête : les communes étudiées

Les dix villes choisies dans cette étude comptent entre 50000 et 100000 habi-tants, à l’exception des villes B2 et A2 qui n’ont respectivement que 42000 et 44256 habitants. Deux communes par département ont été retenues pourrepérer des éventuelles disparités dans un même département (tableau 1).

Tableau 1

(1) Sources : recensement de la population 2004, Insee, sauf *données 1999, 2004 non disponibles.(2) Données Drass/Drees, Statiss 2004.(3) Données au troisième trimestre 2005, La France en faits et chiffres, 2005, Insee.

La sélection de communes s’est faite selon les critères socio-économiques etgéographiques suivants :

– Le choix d’une catégorie «villes moyennes» car un seuil minimal d’habitantsest un élément déterminant dans l’existence d’actions de la part des communesen direction des publics en difficulté, comme ont pu le souligner les précédentstravaux de la Drees sur ce sujet. De même, pour éviter d’entrer dans une tropgrande complexité, les communes de taille plus importante ont été écartées.– Le taux de précarité des communes et des départements : les données dispo-nibles sur les minima sociaux portant sur le département (RMI, taux de chô-

Villes retenues Département Nombre d’habitants (1)

% allocataires RMIpar département (2)

% demandeursd’emploi (3)

Direction politique actuelle

A1 A 53 100 4,99 12,9 PCF

A2 A 44 256 4,99 12,9 PCF

B1 B 72 400 5,75 14,3 UMP

B2 B 43 200 5,75 14,3 UMP

C2 C 62 300 4,41 13,4 PS

C1 C 91 800 4,41 13,4 PS

D1 D 64 500 5,18 13,3 UMP

D2 D 90 674* 5,18 13,3 Ex-PCF

E2 E 56 900 2,94 9,3 PCF

E1 E 51 264 2,94 9,3 PCF

Les Travaux de l’Observatoire4362007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 5: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

mage), le choix s’est d’abord porté sur les départements puis sur les communesrévélant des contextes socio-économiques difficiles, à partir de la connaissanceempirique que nous avions de ces communes. La prise en compte de la doubledimension départementale et communale de la précarité augmente la probabi-lité d’une présence importante des aides locales dans les communes ciblées.Certaines communes sont naturellement plus directement placées dans deszones de précarité dites «sinistrées». En revanche, d’autres sont plus prochesdes moyennes nationales (tableau 2).

Tableau 2Aide sociale : les comptes des départements, 2003

Sources : ministère des Finances.

– Le fait de pouvoir prendre appui sur les communes ayant préalablement faitl’objet des monographies réalisées sur l’action sociale facultative des communespour le compte de la Drees (A1 et B1) : la bonne connaissance de ces sites etdes actions menées nous a permis d’y tester les grilles préétablies et notreapproche méthodologique, avant de l’étendre auprès des autres territoires.– Assurer une bonne représentativité de la diversité du territoire national : quatrecommunes sont situées en Région parisienne et les six autres dans des dépar-tements du Nord et du Sud.

Encadré 1Méthodologie

À partir d’un recensement le plus exhaustif possible, les règles, barèmes et modalités d’attributiondes aides locales – quand ils existaient – ont été collectés puis analysés.

Ce recueil d’information a été complété par des entretiens auprès des différents acteurs, par laparticipation à certaines commissions d’attribution pour mieux comprendre, d’une part, lesmodalités et pratiques d’attribution et, d’autre part, les aides et leur articulation avec d’autresdispositifs existants.

Enfin, une analyse a été faite à partir d’un échantillon de dossiers de demandes d’aides déposésauprès des communes et des conseils généraux. L’objectif était de mieux appréhender les pratiquesd’attribution des secours, notamment quand les règlements ou barèmes sont inexistants.

Département Dépense nette d’aide sociale en euros par habitant

A 237

B 219

C 273

D 248

E 170

Les Travaux de l’Observatoire4372007-2008

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

Page 6: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

La nécessité d’élargir le cadre au-delà des aides facultativespour appréhender la question des aides locales

Le champ d’observation de cette étude portait explicitement sur les aides localesextralégales ou facultatives attribuées aux familles ou personnes en difficulté éma-nant des collectivités territoriales (communes et conseils généraux) et des orga-nismes sociaux. La première étape, qui consistait à faire un recensement le plusexhaustif possible des aides existantes à l’échelle locale, a très rapidement soulevéle problème de la définition même du caractère facultatif et extralégal des aides àétudier. Autant la notion d’«aides facultatives ou extralégales» en direction desfamilles ou personnes en difficulté correspond bien à des aides clairement identi-fiées au sein des communes et des organismes sociaux1, autant elle demande à êtreprécisée au niveau des conseils généraux.

Nous avons déjà eu l’occasion, dans notre précédente étude sur l’action socialenon obligatoire des départements2, de commenter la question des frontières d’uneétude de cette nature. Si l’aide sociale générale ou les critères d’attribution du RMIsont définis et délimités clairement par la loi et des règlements nationaux, d’autresformes de l’aide sociale légale le sont de manière beaucoup moins précise.

Ainsi, lorsque l’on s’interroge sur l’action et l’aide sociale extralégale, la délimi-tation du champ d’investigation doit être discutée et tranchée.

L’appel à contribution indiquait que « le panorama des aides locales facultativesdevrait intégrer les aides allouées par les organismes de sécurité sociale ainsi queles aides facultatives du conseil général ». Cette précision induisait, en toute logique,de ne pas prendre en considération les aides financières attribuées au titre de l’aidesociale à l’enfance (ASE), qui est au cœur des obligations que la décentralisation aimposées aux conseils généraux. Mais, en réalité, nous avons pu observer en denombreuses occasions de telles différences de pratiques, de modalités et de cri-tères dans la mise en œuvre de cette obligation qu’il ne paraît guère possible de dis-tinguer la part légale et extralégale de l’ASE en général et des aides financières attri-buées à ce titre en particulier. Dans de nombreux départements, ces aidesfinancières jouent en réalité un rôle de fonds de solidarité envers les personnesdémunies, rejoignant d’autres formes de « fonds précarité» imputées au dispositifRMI, à d’autres dispositifs légaux (FSL, FAJ, par exemple), ou abondées par d’au-tres lignes budgétaires (services jeunesse, collèges, ou autres…).

Si certains de nos interlocuteurs excluaient ces aides du champ étudié, en réfé-rence à leur caractère obligatoire, ils ont été plus nombreux à considérer qu’ellesentraient dans le champ de l’étude en raison de leur caractère discrétionnaire et des

Les Travaux de l’Observatoire4382007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

1. Soit les aides facultatives des CCAS, les aides dans le cadre de l’action sociale extralégale des CAF, et les aidesdans le cadre sanitaire et sociale des CPAM.2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire :l’Aude et le Vaucluse, rapport pour la Drees, juillet 2005. Dans les départements, la notion de facultatif est très peuprésente, on parlera plus facilement d’aide non obligatoire ou d’aide extralégale. Dans l’étude, nous avons utilisé lesdeux notions (facultatif et extralégale), en référence aux notions retenues par chaque institution étudiée.

Page 7: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

publics auxquels elles sont destinées, d’une part, et, d’autre part, en raison de la lati-tude dont peut disposer leur institution pour en déterminer les montants, les critères,et pour en faire éventuellement une priorité.

Même si une partie des aides financières de l’ASE reste dédiée à l’accompagne-ment socio-éducatif des familles, elles jouent bien le rôle de fonds de solidarité. Ainsi,leur nature, leur caractère non systématique, les montants octroyés, les barèmesretenus, etc., les rendent pour partie identiques aux aides facultatives octroyées parles CCAS et aux aides «exceptionnelles» des organismes sociaux étudiés. Lesnatures des aides sont tout aussi analogues: les aides financières de l’ASE sontmobilisées pour le loyer, l’énergie, l’aide alimentaire ou les vacances.

Les aides financières ASE peuvent se répartir en plusieurs sous-enveloppes pré-déterminées par les conseils généraux. La dénomination même peut renvoyer aurôle de fonds de solidarité ; une enveloppe peut ainsi être affectée à la subsistance.Dans le département C, les aides financières se répartissent en trois enveloppesbien définies, l’une liée aux besoins d’accompagnement socio-éducatif des familles,une autre liée à la prévention afin de permettre le maintien de l’enfant à domicile,enfin une troisième enveloppe venant répondre aux besoins de subsistance(tableau 3). Cette dernière enveloppe est, de loin, la plus conséquente pour la col-lectivité, en représentant près de 70% des aides attribuées. Les modalités mêmesde cette enveloppe dans le règlement départemental précisent bien le rôle de fondsde solidarité qui lui est attribué. Ainsi, l’attribution de l’aide financière répond à desdemandes s’inscrivant dans un contexte de rupture de ressources peu prévisiblesou de faibles ressources devenant rapidement insuffisantes en cas de dépensessupplémentaires. L’attribution n’est pas nécessairement conditionnée à des «diffi-cultés parentales contextuelles notamment éducatives, mais une aide financièrepermet d’éviter l’aggravation d’une situation déjà précaire. Il s’agit d’aides ponc-tuelles permettant de résoudre une difficulté financière précise ou de régler des pro-blèmes économiques de courte durée. Les demandes doivent être accompagnéesd’une note sociale permettant de situer le contexte familial3 ».

Tableau 3Répartition des trois sous-enveloppes financières ASE sur le département C en 2005

Sources : conseil général C, traitement Amedis.

Motifs % d’aides attribuées % des montants attribuésCatégorie subsistance : alimentaire, attente droits (RMI, CAF,Assedic), situations irrégulières, difficultés budgétaires et surendettement

66,1 69,6

Catégorie prévention et éducation : maintien des liens, centresde loisirs, activités enfants, jeunes majeurs, cantine,santé/mutuelle, EDF/eau/énergie, vacances familiales

30,1 26,7

Catégorie prévention du placement 3,6 3,7

Total 33571 aides 5523017 euros

Les Travaux de l’Observatoire4392007-2008

3. Extrait de la délibération sur les aides financières par la commission permanente du conseil général dudépartement.

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

Page 8: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Dans le département E, les aides financières ASE du conseil général se répar-tissent pour leur part en deux enveloppes : l’une consacrée aux allocations men-suelles, l’autre aux secours d’urgence. Cette dernière représente en nombre, àl’échelle départementale, un peu plus de la moitié (51,3% des aides accordées),avec quelques variantes sur les sites étudiés : 62% pour E1 et 54% pour E2.

Dans le département B, il n’existe pas de règlement départemental : ce sont lesunités territoriales qui ont leur propre document explicitant le fonctionnement de lacommission d’attribution des aides financières (CAFI) et les critères pour l’octroi desaides. Si, pour l’institution, l’aide financière ne peut être octroyée que dans un cadrede prévention et par un accompagnement social, dans la réalité nombre d’aides sontaccordées sans l’obligation d’un accompagnement social à des familles ayant desdifficultés pour se nourrir, payer le loyer et les charges liées au logement, et à faireface à leurs dettes sans toutefois les conditionner à un accompagnement social. Cesaides, à elles seules, représentent sur chacun des sites étudiés 71% des montantsoctroyés pour B1 et 52% pour B2. En cas d’urgence, les travailleurs sociaux dispo-sent de chèques pour l’achat de produits de consommation courante et d’hygiène,d’un montant de 7,50 euros et de 15 euros. Ces secours d’urgence représentent enmoyenne 5% dans l’enveloppe globale octroyée pour chacune des unités territo-riales (25,31 euros sur les deux unités de B1 et 16,38 euros pour B24).

L’utilisation de l’aide financière comme fonds de solidarité par les servicessociaux de ces trois conseils généraux montre bien la nécessité d’en tenir comptedans le champ de l’étude. Au-delà de leur poids, c’est bien leur articulation auxautres fonds, en particulier celui des communes, qui permet de mieux appréhenderles logiques de déclinaison des aides au niveau local. L’étude par site conduit irré-médiablement à opter pour une approche systémique pour avoir une meilleureconnaissance des aides locales, notamment au regard des aides légales.

Les autres dispositifs des départements en direction des personnes en difficultépourraient soulever cette même question sur la couverture du champ, notammentles aides dans le cadre du Fonds de solidarité logement (FSL), du Fonds d’aide auxjeunes (FAJ) et des fonds d’insertion dans le cadre du RMI, à l’exception près queces aides sont mobilisables uniquement dans un cadre bien précis (le FAJ en direc-tion des jeunes, les fonds d’insertion en direction des bénéficiaires du RMI dans unedémarche volontaire d’insertion professionnelle et le FSL pour l’accès et le maintiendes personnes au logement). Les aides financières de ces fonds jouent le mêmerôle de fonds de solidarité auprès des personnes les plus en difficulté. Il n’était pour-tant pas possible, dans le cadre de cette étude, d’élargir le champ à l’ensemble deces aides pour des raisons de dimension.

De plus, le constat que nous avons fait de l’importance (en nombre et en volume)des aides financières ASE sur le territoire des communes observées nous a amenés àleur donner toute leur place dans le panorama des aides locales que nous dressions.

Les Travaux de l’Observatoire4402007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

4. Les territoires d’intervention des unités territoriales couvrent d’autres communes que les villes étudiées (moins de10 %).

Page 9: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les aides financières ASE, tout comme d’autres aides, interrogent également lesdisparités d’un département à un autre. L’enveloppe totale consacrée par les conseilsgénéraux dans le cadre de cette compétence peut varier de manière plus ou moinsimportante d’un département à un autre. Même si l’indicateur «dépense moyenne desallocations totales ASE par habitant» est grossier, car l’aide est interdépendante desautres aides disponibles, de la «richesse» du département et elle varie en fonction dela précarité de la population, il permet d’avoir un ordre d’idée (tableau 4).

Tableau 4Montant des aides financières ASE en 2004 et dépense moyenne par habitant par département

Sources : Insee, Drees.

La décentralisation, notamment au travers des dispositifs FAJ et FSL, amène lesmêmes interrogations, comme ont pu le souligner certains de nos interlocuteurs. Lalourdeur budgétaire de ces dispositifs pour les départements, pas entièrement com-pensés de leur point de vue par le transfert des charges, conduit les intéressés à s’in-terroger sur les aides financières accordées dans le cadre de ces dispositifs. Là aussi,les disparités d’un département à l’autre, déjà d’actualité lors de leur cogestion avecl’État, risque de perdurer. Une des réponses des départements pour maîtriser lesdépenses se traduit par l’intégration d’aides facultatives existantes dans les aideslégales et ainsi voit disparaître quelques initiatives extralégales, comme c’est le cas parexemple dans le département C, où le contrat d’accès à l’autonomie (79 jeunes ont bénéficié d’une allocation financière pendant trois mois en moyenne d’unmontant moyen de 870 euros sur la période) devrait être intégré dans le cadre du FAJ.

La nature des aides

Les aides proposées sont de trois ordres : monétaires, tarifaires et en nature.

Les aides monétairesChacune des institutions étudiées dispose de fonds monétaires pour répondre

Estimation population 2004

Rappel taux RMI fin 2004

Montant allocationstotales ASE 20045

Dépense moyenne par habitant

Département A 1 892 732 4,99 % 7 069 006 3,73 euros

Département B 971 433 5,75 % 4 895 184 5,04 euros

Département C 2 577 492 4,41 % 10 278 336 3,98 euros

Département D 1 416 598 5,18 % 14 490 848 3,17 euros

Département E 1 892 575 2,94 % 8 556 5936 4,52 euros

Les Travaux de l’Observatoire4412007-2008

5. Dépenses brutes d’aide sociale relevant de la compétence du département au 31 décembre 2004 – source Drees.6. Les budgets des aides financières fournis par les conseils généraux sont parfois sensiblement différents desdonnées statistiques de la Drees. Ainsi, pour le département E, le budget 2005 (identique à 2004) s’élevait à13 000 075 euros, celui de C à 7 550 000 euros, alors même que la Drees traite les données en fonction des élémentsfournis pas les collectivités.

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

Page 10: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

aux situations des personnes les plus en difficulté. Ce sont celles pour lesquelles ily a le plus à dire, les règles et modalités d’octroi n’étant pas toujours écrites. Ellessont pour l’essentiel des aides discrétionnaires.

La typologie des aides varie d’une institution à l’autre en fonction des probléma-tiques sociales de chaque territoire, des priorités de chacun, de l’histoire de l’actionsociale locale, etc. Néanmoins, on pourra retenir que les grandes familles d’aidesles plus courantes renvoient aux motifs suivants (la typologie ci-dessous n’étant pascelle qui serait employée de manière standard par les institutions) :

– les aides à la survie et à l’hébergement d’urgence (aide alimentaire, aidehygiène et soins, nuitées d’hôtel) ;– les aides «classiques» de confort élémentaire (aide à l’énergie, eau, télé-phone) ;– les aides liées au logement et à l’hébergement (aide au loyer, taxe d’habitation,assurance habitation, aide à l’installation, aide au déménagement, à l’ameuble-ment, à l’équipement, à la résorption de l’insalubrité, à un hébergement tempo-raire…) ;– les aides liées aux soins (frais médicaux, mutuelle, aides liées aux handicapset inadaptations) ;– les aides liées à la famille et à la scolarité (cantine, rentrée scolaire, accompa-gnement scolaire, fêtes de fin d’année) ;– les aides aux loisirs et aux vacances (centres de loisirs sans hébergement, cen-tres de vacances, vacances familiales, sport, culture…) ;– les aides à l’insertion (formation, transport, gardes d’enfants, restauration…);– les aides diverses complémentaires peu courantes mais également trèscoûteuses pour les personnes concernées : aide à la vie autonome (pour les per-sonnes handicapées), aux frais d’obsèques, etc.

Cette typologie peut s’affiner au regard de chaque institution, les priorités n’étantpas les mêmes pour chacune. Ainsi, très schématiquement, les organismes sociaux,tant les CAF que les CPAM, interviennent peu sur des situations d’urgence, consi-dérant que cette priorité doit être celle des collectivités territoriales. Ainsi, ils dispo-sent très rarement d’aides liées à la survie et à l’hébergement. De même, ils inter-viennent peu en termes d’aides à l’insertion.

Plus généralement, les aides monétaires, toujours à la demande expresse despotentiels bénéficiaires, peuvent être de deux ordres.

– Les premières, les plus nombreuses, vont répondre à des situations difficiles,voire d’urgence; c’est bien le caractère exceptionnel de la situation qui permetl’accès à l’aide. On y trouvera essentiellement les aides à la survie et à l’héber-gement d’urgence, les aides «classiques» de confort élémentaire et les aidesliées au logement. L’aide à la cantine par les collectivités (en dehors d’une poli-tique tarifaire propre à la commune) et l’aide aux frais d’obsèques entrent égale-ment dans ce cadre.

Les Travaux de l’Observatoire4422007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 11: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

– Les secondes vont répondre à des situations de précarité sans toutefois quel’aide soit liée au caractère exceptionnel de la situation7. On y trouvera principa-lement des aides à la famille et à la scolarité, les aides aux loisirs et aux vacanceset les aides à l’insertion. Ces dernières sont très liées aux priorités établies parchacun: par exemple, le fait d’aider les personnes pour les fêtes de fin d’année,ou les familles à la rentrée scolaire. C’est aussi l’exemple du département E quidélivre des chèques cadeaux (d’une moyenne de 35 euros avec un maximum de60 euros) pour les foyers non imposables lors de la «Rencontre des droitssociaux et de la solidarité8 ». Le public visé étant large, cette aide facultativereprésente un coût de 2,5 millions d’euros (en 2005).

Des aides monétaires non systématiques dans une enveloppe quasi fermée

Toutes les aides monétaires étudiées font évidemment l’objet d’une prévision bud-gétaire. Sur l’ensemble des aides étudiées pour lesquelles nous avons pu avoir les élé-ments d’information nécessaires9, les budgets prévisionnels sont rarement dépassés.

Le suivi de l’enveloppe financière provisionnée en début d’exercice constitue enlui-même un facteur d’ajustement permanent. Cela fonctionne par l’autorégulationdes aides octroyées par l’ensemble des professionnels, soit de manière formelle autravers des règles (écrites ou non), soit de manière beaucoup plus informelle (enrespectant des règles implicites que chacun a intégrées). Le suivi de l’enveloppeamène également à s’interroger sur les besoins des publics et à faire émerger desréflexions internes aux institutions pour comprendre le recours ou le non-recoursaux aides par les personnes en difficulté.

Deux stratégies sont mises en œuvre pour ne pas dépasser l’enveloppe:– l’établissement de critères plus ou moins restrictifs afin d’éviter d’être débordépar les demandes : par exemple, être résident de la commune depuis unminimum de mois (trois à six mois pour A1, C2), ou bien être en situation régu-lière sur le territoire (C2 et D1 réorientent les situations vers les structures asso-ciatives ou le conseil général s’il s’agit de familles). À l’inverse, les institutionspeuvent également réviser leurs critères dont le caractère restrictif ne permetjamais d’épuiser l’enveloppe, comme C2 qui a revu son règlement intérieur ;– la quasi-inexistence de «publicité» autour des aides existantes : les seulespublicités repérées au travers de journaux (municipaux, des conseils générauxou des CAF), de plaquettes présentant l’action des CCAS, sur un site Internetpour les collectivités consistent à informer de l’existence des aides (sans plus deprécisions) et de proposer de se rapprocher des services concernés. La com-munication, au mieux, repose essentiellement sur une information auprès desintervenant sociaux partenaires.

Les Travaux de l’Observatoire4432007-2008

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

7. Ces aides font alors référence à un cadre précis de quotient familial ou de barème établi.8. Journée organisée chaque année par le département E.9. Cette nuance est apportée car nous ne pouvons pas nous prononcer pour les institutions ne nous ayant pas remisles éléments budgétaires nécessaires ; c’est le cas pour les conseils généraux ne nous remettant pas les informationspar sites (3 sur les 10 étudiés). On peut considérer que les éléments sur le plan budgétaire (que ce soit au niveaulocal ou départemental) ont été réunis dans 90 % des cas.

Page 12: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

La majorité des collectivités, tant au niveau communal que départemental,sont vigilantes face à la publicité faite autour des aides. Si on tient à ce que lacommunication s’organise autour des travailleurs sociaux principalement, et nonau-delà, c’est pour éviter que ces aides discrétionnaires ne soient considéréescomme un droit à part entière. Ainsi, le CCAS C2 avait mis en place un règlementdes aides (aujourd’hui revu car trop restrictif) afin de casser la logique du « j’aidroit à… ».

Les aides monétaires peuvent être ponctuelles, limitées en nombre ou en mon-tant, ou, plus marginalement, prendre la forme d’allocations, toujours limitées dansle temps. Par exemple, la plupart des aides du CCAS de C1 sont versées en plu-sieurs fois (un versement hebdomadaire pendant deux à quatre semaines). Lesaides peuvent être versées directement aux bénéficiaires en espèces, en chèquesservices (principalement pour motif de subsistance), ou à un tiers débiteur pourrégler directement des factures.

Le traitement des demandes est assez variable. Tous ont la possibilité dedépanner en débloquant très rapidement des secours d’urgence (soit par deschèques services, un versement en espèce ou une aide alimentaire en nature) dansla journée même ou dans les quarante-huit heures. Mais pour les demandes «moinsurgentes» en termes de survie, ces délais sont en moyenne de cinq à quinze jours.Les CCAS, à l’inverse de nombre de leurs partenaires, disposent en général d’unevéritable souplesse dans le versement des aides, pouvant régler l’aide dans certainscas dans les vingt-quatre heures et dans un délai d’une semaine pour la plupart.Cela en fait l’un des partenaires les plus à même de répondre aux situations d’ur-gence. Cet atout a par ailleurs été bien repéré par les conseils généraux qui, pourles situations d’urgence, ont des partenariats plus ou moins formalisés avec lesCCAS pour répondre à la fonction de régie. Ce type de relations a lieu quand lesrégies des conseils généraux n’existent pas dans les villes de taille assez impor-tante ; c’est le cas pour les sites A1 et A2.

Un règlement des aides pas toujours explicite

Le principe qui s’est vérifié auprès de nombreuses institutions étudiées est queles aides à caractère exceptionnel ne sont pas cadrées par un règlement explicitemais sont traitées par une commission qui statue «au cas par cas». Des règles aminima s’appliquent, notamment en référence à des conditions de résidence, deressources, à une moyenne économique, mais les situations les plus difficiles doi-vent pouvoir trouver une réponse si elles entrent dans les prérogatives que s’estfixées l’institution.

De même, malgré l’existence d’un règlement de leur action sociale déclinant lesconditions d’accès et les règles d’octroi de la plupart de leurs aides, la plupart desorganismes sociaux, autant les CAF que les CPAM, disposent d’aides monétaires«exceptionnelles» dont les modalités ne sont pas précisées et le montant n’est pastoujours calibré par des règles strictes. Pour cette raison et suite au constat dedisparités sur des territoires limitrophes, les CPAM du département C ont réussi àadopter un règlement commun à quatre caisses, ce qui constitue une performance.

Les Travaux de l’Observatoire4442007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 13: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Pour leur part, les conseils généraux, s’ils disposent tous d’un règlement dépar-temental de l’action sociale, n’ont pas toujours de règlement propre aux aides extra-légales et aux aides financières dans le cadre de l’ASE. Par exemple, les conseilsgénéraux A et B n’ont pas d’aides financières ASE. Néanmoins, pour le cas de B,chaque unité territoriale a établi son propre règlement. La régulation, qui fait que lescritères retenus ou les montants moyens sont partout les mêmes, repose sur la ren-contre des directeurs d’unités territoriales sur la base des bilans annuels; des notesspécifiques peuvent également préciser les conduites à tenir face à certaines situa-tions. Ainsi, toujours dans ce département, les demandes croissantes émanant desfamilles sans papiers ont conduit les services centraux à préciser dans une note lescritères à retenir pour y répondre de manière équitable sur l’ensemble du départe-ment. Le conseil général C a, pour sa part, rédigé un règlement applicable en 2006face à la montée des contentieux suite à des rejets; le constat conduisant à cetteréflexion portait également sur les différences de traitement inhérentes à l’absence decritères clairs.

Les CCAS n’appliquent pas tous systématiquement un règlement : celui-ci peutne pas exister (comme à B1, B2 et D1), exister sans toutefois être appliqué (commeà C1 et D2) et, dernier cas de figure, être existant et être appliqué, comme c’est lecas pour A1, A2 ou C2. Quel que soit le cas de figure, presque tous s’interrogent surla pertinence d’un règlement :

– quand le règlement existe avec des critères strictement appliqués, les interro-gations portent sur les situations écartées alors même qu’une démarche a étéfaite ;– quand il n’existe pas, l’objectif étant celui de pouvoir prendre en compte toutesles situations, c’est la diversité dans le traitement des demandes induit par l’ab-sence de règles qui suscite les interrogations.

Ainsi, à B1, un jugement va porter sur les « largesses» d’un professionnel appor-tant toujours un avis favorable dans l’octroi des aides. Quand le règlement n’est pasou peu appliqué, les interrogations portent sur la conduite à tenir : retravailler lerèglement pour l’ajuster à la réalité pratiquée, ou poursuivre avec ce règlement enconservant un traitement particulier pour les situations «dérogatoires»?

Plusieurs CCAS mènent actuellement une réflexion sur les règles à tenir enmatière d’aides facultatives: à E2, le CCAS a entrepris un travail de commission surles critères. Alors que l’anonymat était la règle dans les commissions d’attribution,celles-ci, dans l’attente du nouveau règlement, ont abandonné ce principe pourtraiter les situations. Le CCAS de C1, qui est dans cette même démarche de refontedu règlement, souhaite pour sa part poser des règles n’entraînant plus autant desituations dérogatoires. À E1 et E2, c’est l’ensemble du système de calcul du quo-tient familial et son application aux barèmes qui est à l’étude. À D1, un travail est éga-lement en cours pour rédiger un règlement d’action sociale et les modalités afin d’in-tervenir dans «une logique d’aide au citoyen en difficulté et non dans une logique deprotection d’une personne fragile», pour reprendre les termes de la direction duCCAS. Enfin, le CCAS de C2 vient de modifier son règlement en constatant que l’en-

Les Travaux de l’Observatoire4452007-2008

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

Page 14: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

veloppe allouée n’était jamais totalement épuisée. Le règlement, qui, jusqu’à mainte-nant, était conditionné au montant total des ressources, a introduit la règle de lamoyenne économique pour répondre aux situations jugées difficiles, lorsque les res-sources de l’éventuel bénéficiaire sont au-dessus du barème réglementaire.

Une condition préalable à l’octroi des aides : la mobilisation des dispositifs de droit commun

Le principe de base, quelle que soit l’institution, est d’intervenir après avoir vérifié lamobilisation des dispositifs de droit commun. Cela n’empêche pas que des aides facul-tatives puissent être aussi mobilisées dans l’attente de la mise en œuvre de ce droit.Malheureusement, il nous a été difficile d’obtenir pour chacune des institutions étu-diées la part de leur budget consacré aux situations en attente du droit commun, cartoutes ne retiennent pas précisément ce motif. Les entretiens menés renvoient claire-ment à la place importante des CCAS dans ce type d’intervention: cela peut repré-senter jusqu’à la moitié du budget des aides facultatives, comme pour le CCAS de C1.Les situations les plus courantes sont des attentes de droits au niveau des prestationsCAF, de l’Assedic, du RMI, de droits liés à un titre de séjour. Les plus «longues» à semettre en place sont celles qui sont liées à des changements de situation (perte d’unemploi, accès à un nouvel emploi, changement de la situation familiale, etc.).

Ces changements génèrent parfois des trop-perçus donnant lieu à une obligationde remboursement (CAF, Assedic, RMI) entraînant les difficultés qu’on peut imaginer.

L’évaluation sociale : procédure de mise en œuvre des aides non systématiques

Plus globalement, que le règlement existe ou non, l’évaluation sociale est biencentrale dans le processus d’octroi de l’aide. C’est dans ce cadre qu’un profes-sionnel va apprécier la situation des demandeurs et indiquer en quoi elle peut justi-fier une aide. Cette évaluation sociale (appelée parfois «note sociale» en faisantréférence à la note d’information qui en résulte) est pour ainsi dire la modalitéretenue par tous pour l’attribution des aides financières «exceptionnelles». Elle apour objet de repérer ce qui fait que la situation devient exceptionnelle et sort d’uncadre préétabli où le traitement des dossiers pourrait uniquement reposer sur l’ap-plication du quotient familial. Cette évaluation sociale constitue un acte profes-sionnel classique pour les travailleurs sociaux.

Le profil du professionnel est un des éléments qui renvoient à la logique d’aidedans laquelle s’inscrit la commune. Pour la majorité des CCAS, ce sont des tra-vailleurs sociaux, principalement des assistants de service social, qui réalisent cesévaluations sociales. Dans certaines des institutions étudiées, ce ne sont pas destravailleurs sociaux qui instruisent les dossiers, mais des « techniciens sociaux10 » qui

Les Travaux de l’Observatoire4462007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

10. Cette dénomination donnée par les acteurs rencontrés renvoie plus précisément, dans le cas de la CAF de B1, àdes professionnels ayant eu une formation d’un an dans un IRTS sur les bases nécessaires à l’accueil et au traitementdes situations difficiles. La CAF n’a plus souhaité disposer d’un service composé d’assistants sociaux, ne le jugeantplus nécessaire. Dans le cas du CCAS de D1, les techniciens sociaux sont des agents municipaux ayant reçu uneformation à l’accueil. Dans ce cas, le CCAS juge simplement inutile d’aller au-delà pour répondre aux situations.

Page 15: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

réalisent une «note sociale» sur la situation (comme à la CAF de B1) ou des agentsmunicipaux (comme au CCAS de D1).

Cette alternative au travail social, souvent préférée pour «gagner du temps»,n’est pas sans poser question quant à la manière d’apprécier toute la complexitédes trajectoires sociales des potentiels «bénéficiaires» de l’aide et, conséquem-ment, de la capacité de l’institution à proposer une réponse pertinente en termesd’accompagnement social.

Quand cet accompagnement est proposé, il est une réponse construite dans ladurée à la suite de l’évaluation sociale et vise à dépasser l’intervention dans l’ur-gence. Cette pratique tente de s’imposer comme une des conditions posées pourl’octroi des aides auprès des institutions, notamment par les conseils généraux quiinscrivent clairement leur intervention dans le champ et les modalités historiques dutravail social. Autant cet accompagnement s’impose quand les aides sont mobili-sées auprès de familles ayant des difficultés éducatives, autant cet accompagne-ment peut être difficile à mettre en œuvre (parce que vécu comme secondaire)quand les aides répondent d’abord à des difficultés de subsistance ayant, sinon uncaractère d’urgence, du moins un caractère impératif et dans le très court terme.

Les seuils de référence: « reste-à-vivre» ou moyenne économique

Des règles a minima s’appliquent même si elles ne sont pas toujours écrites. Ellessont variables selon les sites. Il peut y avoir un seuil de revenu retenu, comme desressources «autour des minima sociaux» pour reprendre l’expression du CCAS deB2, ou des règles de calcul de ressources (souvent empruntées aux partenaires)comme le « reste-à-vivre» ou la moyenne économique, notion équivalente qui reposesur le calcul de ce qui reste pour vivre par jour et par personne après déduction descharges. Le quotient familial est rarement utilisé pour l’attribution des aides directes,alors qu’il est le critère le plus généralement retenu dans les aides tarifaires.

Certains publics peuvent être prioritaires, comme les sans-papiers ou les mèresseules avec enfant(s) à charge. Certaines règles peuvent s’ajouter, par exemple les pre-mières demandes d’aides, etc. D’autres sont établies par exclusion de certains types dedemandes, par exemple les situations, pourtant classiques, d’endettement chronique.

Des aides d’un montant moyen plutôt faible de la part des communes et très variable de la part des conseils généraux

Les montants attribués dans les communes peuvent parfois être très faibles, etinterrogent sur les moyens humains mobilisés pour traiter les demandes. Ainsi, nousavons pu le voir, les aides monétaires font systématiquement l’objet d’une instruc-tion en amont, en général par les travailleurs sociaux, et d’un examen en commis-sion dans un second temps: à A1 et B2, la simple «consolidation du coût salarial »des personnes composant la commission d’attribution se réunissant chaquesemaine dépasse le budget des aides attribuées. Au-delà de la consolidation descoûts salariaux, car nombre de commissions dans les CCAS sont constituées demembres du conseil d’administration (et donc des participants à titre bénévole),c’est l’énergie mobilisée à la constitution et à l’examen des dossiers par des pro-

Les Travaux de l’Observatoire4472007-2008

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

Page 16: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

fessionnels qui interroge face aux montants moyens octroyés. Seule une communesur les dix étudiées octroie un montant moyen supérieur à 100 euros.

Les tableaux suivants présentent successivement les aides financières allouéespar les CCAS, d’une part, et par les départements dans le cadre de l’ASE à l’échellede la commune, d’autre part. Ces montants ne se cumulent pas forcément ; lespublics aidés ne sont pas forcément les mêmes, les priorités non plus. On se repor-tera à la partie «Des aides locales complémentaires et très peu cumulatives».

Tableau 5Les aides financières directement allouées par les CCAS

NC : non communiqué. Sources : CCAS, services sociaux municipaux, traitement Amedis.

Tableau 6Les aides financières dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance

NC : non communiqué.Sources : conseils généraux, traitement Amedis.

Le montant moyen des aides financières dans le cadre de l’aide sociale à l’en-fance est très homogène à l’intérieur d’un même département, mais très variabled’un département à un autre, allant de 142 personnes dans le département C à

SiteNombre

d’habitantsMontant des aides directes

en 2005, en eurosNombre d’aides

allouéesMontant moyen attribuépar demande, en euros

Budget estimé parhabitant, en euros

A1 50 513 NC NC NC

A2 44 256 NC NC NC

B1 72 400 405 206 1 626 249 5,60

B2 43 200 307 289 1 351 227 7,11

C1 91 800 277 324 1 631 170 3,02

C2 62 300 99 907 705 142 1,60

E1 51 264 302 509 458 660 5,90

E2 56 900 931 826 1 731 538 16,38

D1 64 500 NC NC NC

D2 90 674 NC NC NC

SiteNombre

d’habitantsMontant des aides directes

en 2005, en eurosNombre

d’aides allouéesMontant moyen attribuépar demande, en euros

Budget estimé parhabitant, en euros

A1 50 513 42 911 780 (hors cantine) 55 0,85

A2 44 256 NC NC Plafonné à 91,47 -

B1 72 400 185 665 1 382 134 2,56

B2 43 200 65 959 1 187 55 1,53

C1 91 800 234 481 2 973 77 2,55

C2 62 300 217 821 2 200 100 3,50

D1 64 500 49 782 1 412 35 0,77

D2 90 674 152 277 1 700 90 1,68

E1 51 264 193 242 2 658 72 3,77

E2 56 900 58 247 738 79 1,02

Les Travaux de l’Observatoire4482007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 17: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

660 euros dans le département E. Les aides s’adressent à des familles, et donc aumoins à deux personnes; il a été impossible d’aller plus loin sur le nombre moyen depersonnes concernées par l’aide octroyée. En revanche, les demandes multiples aucours d’une même année par une même famille sont identifiées par certains des sitesétudiés et se traduisent par une augmentation sensible de l’aide accordée annuelle-ment auprès d’un même foyer : ainsi, le montant moyen annuel est de 345 eurosdans département B (au lieu de 239 euros en moyenne pour une aide) et de329,50 euros pour la moyenne départementale de C (au lieu de 164,50 euros enmoyenne pour une aide).

Au niveau des communes, il a été quasiment impossible d’établir si plusieurs aidesont été accordées à une même personne (ou plus largement au même foyer). Cette infor-mation figurant sur les dossiers dans la majorité des sites n’est pas toujours renseignée(à l’écrit), et peu exploitée. Plus précisément, alors même que nos interlocuteurs disentconnaître les demandeurs, voire renseignent effectivement dans les dossiers l’historiquedes demandes, très peu d’analyses portent sur les demandes multiples.

L’analyse faite à partir de l’échantillon des 153 dossiers (auprès des communeset des conseils généraux) montrait que moins d’un tiers des demandes avaient étéprécédées d’au moins une autre demande dans la même année auprès des mêmesservices. Cependant ces demandes renouvelées (50 au total) n’ont pas toutesabouti : 6 ont fait l’objet d’un rejet et 11 constituaient un renouvellement d’aide ali-mentaire (aide en nature auprès de l’épicerie sociale).

Cette imprécision constitue une limite. Néanmoins les montants moyens annuelsrestent faibles au regard des montants moyens accordés par aide, y compris pourdes demandes renouvelées.

Les aides tarifairesCes aides émanent essentiellement des communes qui ont une politique tari-

faire. Elles font l’objet chaque année de délibérations au sein des conseils munici-paux, et les tarifs sont mis en œuvre essentiellement par les services communaux,parfois par le CCAS quand il gère directement les services concernés. Cette poli-tique permet donc à l’ensemble de la population d’avoir des tarifs dégressifs pouraccéder aux services. Les principaux domaines sont la garde de la petite enfance,la restauration scolaire, les centres de loisirs et de vacances, les activités de loisirséducatifs, les activités culturelles, sportives, etc.

La politique tarifaire fait partie intégrante de la politique d’action sociale des com-munes, dont elle constitue la part indirecte.

Une logique d’attribution plus systématique

La politique tarifaire des communes s’adresse à tous les administrés utilisateursdes services concernés. L’accès aux services est essentiellement conditionné auxressources par l’application d’un quotient familial. Il existe en général autant debarèmes que de domaines, et une très grande diversité d’une commune à une autre.

À l’inverse des aides monétaires, les aides tarifaires sont accordées systémati-quement aux demandeurs. Si le montant à payer des services est conditionné aux

Les Travaux de l’Observatoire4492007-2008

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

Page 18: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

ressources, les barèmes incluent dans la plupart des cas une tranche haute quibénéficie également d’une participation de la commune, ce qui fait que personne nepaye le coût réel de la prestation.

La tranche basse peut ou non équivaloir à la gratuité, mais cela concerne peu deservices dans la réalité (si ce n’est l’accès à certaines activités de loisirs durant unepériode limitée, comme c’est le cas à B1 durant l’été). La plupart des municipalitésse sont prononcées clairement contre ce principe et demandent systématiquementune contribution, «même symbolique». Pour A1, la non-gratuité est posée commeun principe auquel il ne faut absolument pas déroger ; il faut au contraire adapter lestarifs aux possibilités des familles en leur demandant systématiquement une contri-bution minimale afin de «considérer et respecter les personnes».

Une imprécision du coût réel des services

Peu de communes ont pu nous donner une estimation du coût réel du servicepour chacun des domaines couverts par leur politique tarifaire. Une partie des coûtsindirects sont induits, notamment par la mise à disposition de personnel (restaura-tion scolaire, centres de loisirs…) et ne sont que difficilement valorisés dans lebudget des services. C’est le cas, par exemple, de la commune B1, qui met en placeune comptabilité analytique dans le domaine des loisirs, mais il est aujourd’huiimpossible de connaître le prix de revient activité par activité.

Cette imprécision budgétaire, qui tend à se résorber du fait de la pression desinstitutions qui participent au financement contractualisé de certaines actions (parti-culièrement la CAF), est liée à l’éparpillement des coûts sur des lignes budgétairesdu fonctionnement général de la commune, mais aussi à un effet de sédimentationde politiques municipales successives.

Les barèmes sont en effet bien souvent construits sur des décisions procédantd’une démarche générale que l’on pourrait qualifiée de «tâtonnement expérimental» etdont les logiques sont illisibles, y compris par les responsables actuels qui, bien sou-vent, n’ont plus la mémoire des débats ayant construit l’histoire de l’action sociale com-munale. Cette réalité peut amener des communes (comme à A2) à s’interroger sur lapertinence de l’ensemble quand, par exemple, la quasi-totalité des bénéficiaires relè-vent de la tranche la plus basse, et à modifier alors de manière radicale leurs barèmes.

Les exemples de tarification appliquée pour la restauration scolaire et les modesde garde dans la commune de A1 sont très illustratifs de la complexité des cons-tructions tarifaires. Les tarifs pour la cantine prennent les familles en compte à deuxniveaux. Alors que le barème s’applique selon un quotient familial (avec un prixmaximum pour les familles de 2,57 euros par repas), le calcul du prix final prend ànouveau en compte la configuration familiale, permettant un abattement dès ledeuxième enfant. En définitive, les seules familles payant le prix maximal sont cellesavec un seul enfant. Ce prix peut être temporairement revu considérablement à labaisse pour les situations en attente ou en rupture de revenus (tarif exceptionnellimité à trois mois de 0,15 euros après instruction d’une demande auprès du CCAS).Concernant les modes de garde, après calcul du taux horaire d’application en réfé-rence aux directives de la Cnaf, la commune tient compte aussi de ses propres

Les Travaux de l’Observatoire4502007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 19: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

règles : une famille avec deux enfants bénéficiera du tarif famille (applicable à partirde trois enfants) dès lors que la famille a la charge d’un enfant handicapé, ettrois heures d’adaptation sont prises en charge pour tous les nouveaux entrants.

Une commune (C2) a tout de même mis en place une comptabilité analytique luipermettant une lisibilité du prix de revient de l’ensemble des services proposés à lapopulation. Elle s’appuie ainsi sur cet avantage pour rendre visible son actionauprès de la population.

Des tranches tarifaires variables d’un domaine à l’autre

La politique sociale de la commune en matière tarifaire peut être très variabledans le degré de prise en charge du coût du service. La restauration scolaire est ànouveau un bon exemple pour illustrer ces disparités d’une commune à une autre.Par exemple, la commune E2 demande une participation minimale de 0,38 eurospour un repas, quand celle de C1 est de 1,43 euros; la participation maximale s’élève à 2,57 euros à A1, quand celle de C1 est de 4,65 euros. Ces tarifs n’intèg-rent pas l’existence éventuelle de tarifs hors barème pour les habitants résidant horsde la commune; ces derniers se voient proposer dans presque toutes les com-munes un tarif supérieur au tarif maximum proposé aux habitants de la commune.Le tarif le plus élevé est à C2, avec un repas à 4,79 euros.

Le niveau de prise en charge peut être également très variable d’un domaine àl’autre, comme l’éventail des domaines couverts peut être plus ou moins large.Enfin, il est très difficile de mesurer dans les comptes de la commune l’impact finan-cier réel des politiques tarifaires.

Plus globalement, si les aides monétaires sont clairement «maîtrisées» par lesuivi de gestion des enveloppes budgétées, les aides tarifaires le sont peu; les com-munes sont pour l’essentiel dans une logique d’égalité d’accès aux services, sansréférence à un coût de revient et sans maîtrise de l’effort financier réalisé.

Les aides en natureElles sont les moins nombreuses et peu mentionnées quand elles existent. C’est

essentiellement la grille d’entretien qui les fait ressortir. Ces aides ne sont pas tou-jours évoquées dans les bilans d’activité des CCAS, si on prend cet exemple.

Des aides limitées de la part des institutions

Parmi les institutions étudiées, les seules proposant des aides en nature sont lescollectivités territoriales : départements et communes. Elles sont essentiellement dedeux ordres : les colis et l’aide alimentaire au travers d’une épicerie sociale directe-ment gérée par les communes.

Les colis sont le plus souvent de nature alimentaire, mais peuvent concerneraussi l’hygiène et les soins. Ils peuvent également prendre la forme de cadeaux,notamment pour les enfants ou les anciens pour la période de Noël. Les colis ontune dénomination renvoyant à une célébration festive : les colis de Noël, du14 juillet… Dans le même ordre d’idées, certaines communes ou CCAS organisentdes repas festifs pour ces occasions.

Les Travaux de l’Observatoire4512007-2008

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

Page 20: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les aides associatives

Elles ont une place privilégiée dans les aides en nature attribuées aux personnesen difficulté. Citées quasi systématiquement par les CCAS et les services sociaux dudépartement comme des partenaires sollicités pour l’orientation des publics les plusen difficulté, elles font clairement office de variables d’ajustement dans l’aide socialelocale.

Les associations caritatives et de solidarité proposent très peu d’aides finan-cières directes ; leurs aides sont essentiellement de trois ordres : l’aide alimentaire,à la vêture et à l’ameublement. Certaines d’entre elles sont conventionnées avec lesCCAS ou les villes (en dehors de subventions «classiques» de fonctionnement oude mises à disposition de locaux) pour des actions spécifiques, comme pour la ges-tion d’une épicerie solidaire à C1.

La relation de complémentarité entre CCAS et associations caritatives est trèsnette pour l’aide alimentaire : les associations organisent leurs aides respectivesentres elles et en fonction des aides proposées par le CCAS. À B2, les associations11

s’organisent de la manière suivante : les Restos du cœur assurent la période hiver-nale de manière classique, le CCAS, qui garde son épicerie sociale ouverte toutel’année, ajuste sa moyenne économique en fonction de l’ouverture des Restos (lamoyenne est revue à la baisse hors période hivernale et remonte pendant l’ouver-ture des Restos pour ne pas «être débordé» par la demande). Le Secours populaire,quant à lui, dispose ici de sa propre banque alimentaire et accueille toutes les per-sonnes non éligibles aux paniers des Restos durant l’hiver, complétant ainsi lachaîne des solidarités locales.

Des traits communs à chaque institution

Quelques caractéristiques communes des aides locales étudiées en fonction dechaque type d’institution se dégagent.

Un cadre et des publics prédéfinis dans les organismes sociauxLes aides émanant des organismes sociaux au titre de leur action sociale sont

attribuées dans un cadre préétabli. Le public potentiellement bénéficiaire est égale-ment limité par des critères définis a minima.

Ainsi, dans les CAF, les règles, modalités et conditions d’octroi des prestationsextralégales sont décrites dans les règlements intérieurs d’action sociale. Deuxgrands volets positionnent l’action sociale des caisses: les aides collectives et lesaides individuelles. La part des aides individuelles dans les caisses étudiées est trèsminime par rapport à celle des aides collectives: elle est de l’ordre de 10 à 20% pourles CAF dont nous avons les éléments. Ces aides individuelles peuvent être de diffé-rentes natures (aides à la famille, aux vacances, aux loisirs, prêts à l’équipementmobilier, etc.). Elles diffèrent d’une caisse à une autre, les caisses ayant toute latitude

Les Travaux de l’Observatoire4522007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

11. Ce sont les mêmes qui sont présentes sur presque tous les sites : Restos du cœur, Secours populaire, Secourscatholique, Saint Vincent de Paul, Emmaüs… ; à B2, il y a également l’Entraide protestante.

Page 21: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

pour fixer le plafond des aides. Le calcul des ressources repose essentiellement surle calcul du quotient familial.

Les caisses proposent également des aides ciblées pour des personnes en dif-ficulté ; elles sont de deux ordres : les secours et les prêts d’honneur. Les critèresd’attribution de ces aides varient également d’une caisse à l’autre, en particulierpour les publics prioritaires, les barèmes retenus (calcul du « reste-à-vivre»), et lesmontants octroyés.

Le public potentiellement bénéficiaire est un public restreint : il doit être alloca-taire de la caisse, c’est-à-dire une famille (ou une femme seule) avec enfant à chargeou à naître et percevant une prestation légale ; les personnes isolées sans enfantn’entrent donc pas dans les critères d’éligibilité. Enfin, l’une des particularités desaides individuelles des caisses, à l’inverse des autres aides locales, est qu’ellesprennent la forme de prêts qui seront remboursés sur la base des prestations fami-liales. Parmi les aides en direction des personnes en difficulté, seuls les secourssont des dons.

Chaque caisse est autonome et a logiquement ses propres orientations enmatière d’action sociale, choisies et votées par son conseil d’administration. Despriorités peuvent être fixées en termes de publics (mères isolées, mères mineures,familles menacées d’expulsion, etc.) ou en termes « thématiques», comme celui dulogement, assez prégnant. La plupart des caisses ne sont pas dans une logique deréponse à l’urgence, qui n’est pas considérée de leur ressort selon les interlocuteursrencontrés, à l’exception de la caisse de B1 qui délivre des chèques alimentaires.

Les autres aides en direction des personnes en difficulté peuvent donc varier d’unecaisse à une autre, mais font l’objet d’un passage en commission après instructiondes demandes. Là aussi, la procédure peut varier : ce peut être une évaluation sociale,réalisée par des travailleurs sociaux (CAF de B2, A1 et A2), une «note sociale» par desintervenants sociaux (CAF de B2), un recueil d’indicateurs (charges, ressources) surun formulaire (CAF de C1 et C2). Selon les caisses rencontrées, certaines demandespeuvent faire l’objet d’une délégation administrative (un plafond limite cette déléga-tion) afin d’éviter de passer toutes les demandes en commission. Enfin, les caissestendent de plus en plus à inscrire l’octroi des aides dans une logique d’accompagne-ment social, comme c’est le cas dans les départements A et B.

De manière analogue aux CAF, les caisses primaires d’assurance maladie(CPAM), au niveau départemental, exercent une action sanitaire et sociale en faveurde leurs ressortissants et ayants droit dans le cadre de programmes définis par l’Étatqui leur laissent une certaine initiative. L’action sanitaire et sociale met en place desprestations supplémentaires au-delà des prestations légales, ainsi que des aidesfinancières exceptionnelles ou secours. Si la Caisse nationale d’assurance maladiepose les grandes orientations12 auxquelles ne peuvent déroger les CPAM, ces der-nières ont toute latitude pour retenir parmi ces orientations les prestations supplé-mentaires qu’elles souhaitent proposer au niveau local. Quelles que soient les aidesmises en œuvre (prestations supplémentaires ou aides exceptionnelles), leur octroi

Les Travaux de l’Observatoire4532007-2008

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

12. La Cnam propose une liste de treize prestations possibles dans le cadre de l’action sanitaire et sociale.

Page 22: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

est en principe lié à des dépenses causées par la maladie, la maternité, l’accidentdu travail et à leurs conséquences directes dans le foyer, ou plus largement à desdépenses liées à la santé (optique, orthodontie, etc.). Les bénéficiaires potentielssont des assurés sociaux qui doivent entrer dans ce cadre bien précis, ce qui enlimite le nombre.

Les caisses sont tenues d’avoir un règlement intérieur en matière d’action sani-taire et sociale. Parmi les caisses rencontrées, le principe d’une commission d’attri-bution est la règle. Le traitement des dossiers est plus technique, avec souvent desfiches pratiques renseignant sur quelques indicateurs. Cependant, des évaluationssociales peuvent être sollicitées, essentiellement auprès d’un partenaire privilégié, leservice social de la CRAM, mais également auprès d’autres partenaires, comme lesservices sociaux des hôpitaux, les services sociaux départementaux, les CCASquand une articulation est mise en place. Le principe de la délégation administrativeexiste à l’image de ce qui se fait dans les CAF.

Un processus d’octroi de l’aide assez identique dans les diversescollectivités…Comparativement aux organismes sociaux, les aides des collectivités (com-

munes et départements) peuvent toucher un public plus large, mais les procéduresmises en place permettent le cas échéant d’en limiter le nombre.

L’intervention des communes en direction des publics se distingue nettement enfonction des catégories de publics à toucher. La politique tarifaire mise en œuvreessentiellement par les services communaux est destinée à l’ensemble des adminis-trés, avec des tarifs différenciés pour accéder aux services, et les aides facultatives sontciblées en direction des personnes en difficulté, sous forme de dons ou de subven-tions, de prêts, voire sont renforcées par un accompagnement social. Ce sont essen-tiellement les CCAS, et plus précisément leur service social, qui gèrent ces aides, àdeux exceptions près où les services sociaux sont municipaux (à A2 et à E2), et oùseules les demandes d’aides «lourdes» sont traitées par la commission du CCAS.

Les aides des conseils généraux étudiées dans le cadre de l’aide sociale à l’en-fance sont essentiellement gérées par les unités territoriales. Elles sont instruitesuniquement par des travailleurs sociaux, qui procèdent à une évaluation socialeavant un passage en commission. Seul le département C n’opère pas selon cemode: les directeurs des unités territoriales assurent la validation ou non de l’aideaprès évaluation sociale sans passage en commission. Le département a changé defonctionnement pour tenter d’unifier les pratiques et ainsi éviter les disparités d’unterritoire à un autre. Cette volonté s’est d’autant plus affirmée que la collectivité setrouvait confrontée à une augmentation des contentieux suite à des demandesd’aides rejetées.

… et pourtant une grande diversité dans les pratiques socialesLe cadre réglementaire de l’action sociale permet à l’ensemble des protago-

nistes étudiés d’avoir une politique d’action sociale facultative qui, nous avons pu levoir, s’organise au niveau local. Les configurations peuvent être tout à fait différentes

Les Travaux de l’Observatoire4542007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 23: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

d’un site à l’autre, alors même que les protagonistes restent les mêmes: les CCAS(ou les services sociaux municipaux), les services sociaux des conseils généraux,les services d’action sociale des CAF et les services d’action sanitaire et sociale desCPAM. Si on a pu voir préalablement que les processus d’octroi des aides étaientassez similaires pour les collectivités, que les aides étaient conditionnées à desschémas prédéfinis en termes de publics pour les organismes sociaux, ce qu’il estintéressant ce sont les spécificités qui se dégagent dès lors qu’on s’intéresse auxinteractions présentes sur chaque site.

Ainsi, l’étude des sites permet de mettre en exergue des pratiques sociales d’uneassez grande hétérogénéité de deux points de vue :

– la présence plus ou moins forte des acteurs sociaux qui conditionne l’action dechacun;– les priorités de chacun en termes de publics.

Une présence plus ou moins forte des acteurs sociaux qui conditionne l’actionde chacun

Lors de la phase exploratoire de l’étude, nous avions posé l’hypothèse que lesaides locales étaient attribuées par différentes institutions entretenant de multiplesinterrelations. Ces institutions semblaient effectivement bien connaître l’étendue deleurs champs d’interventions réciproques et les modalités de celles-ci, arguant sou-vent explicitement de leur complémentarité.

Il est très vite apparu que cette hypothèse d’un fonctionnement des institutions «ensystème» correspondait bien à une réalité sur l’ensemble des sites étudiés. Les prin-cipaux intervenants en matière d’aide sociale ont d’abord de multiples relations à tra-vers la mise en œuvre de l’aide légale, et plus particulièrement dans l’accueil dupublic, son information et l’instruction éventuelle des dossiers d’aide. Au-delà, cetterelation partenariale perdure, dans des configurations particulières à chaque territoire,pour ce qui est de la mise en œuvre de l’aide sociale facultative. L’intervention desinstitutions se fait en connaissance des prérogatives des uns et des autres et dans unearticulation plus ou moins organisée et régulée (nous y revenons plus précisémentdans la partie «Des aides locales complémentaires et très peu cumulatives»).

Des priorités variables en termes de public

Les publics peuvent en partie être prédéfinis clairement, comme nous avons pu levoir précédemment; c’est le cas des organismes sociaux (les familles ou femmesenceintes pour les CAF, les assurés sociaux pour les CPAM), c’est également le caspour les aides financières dans le cadre de l’ASE qui concernent les familles. Au-delàde ces premiers critères clairement établis, peuvent s’ajouter d’autres critères de choixdes potentiels bénéficiaires des aides. Ainsi, beaucoup de CAF ont inscrit leur prioritéen faveur des familles monoparentales (CAF A et les deux CAF de B). Les collectivités,notamment les communes, peuvent également se donner des priorités. Ainsi, sur lesite de B1, le CCAS en accord avec les services sociaux du conseil général n’attribueses aides qu’auprès de personnes seules et de couples sans enfant (à l’image de larépartition informelle pouvant exister entre CCAS et conseil général sur l’instruction du

Les Travaux de l’Observatoire4552007-2008

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

Page 24: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

RMI). Au-delà de ce premier critère de sélection des publics, même si aucun règle-ment ne le spécifie, la priorité lors de la commission va aux femmes seules travaillantà temps partiel, et plus largement aux travailleurs pauvres. Sur le site de D2, alors quele CCCAS n’a pas restreint son public au départ, toute personne peut s’adresser auservice social ; la priorité va aux familles, en particulier si elles ont été déboutées deleur demande auprès des services sociaux du conseil général.

La question du choix des priorités se pose d’autant plus quand il y a absence derèglement ou la possibilité d’un seuil de tolérance quand s’applique une moyenneéconomique. Ainsi, l’absence de priorités claires pose la question de la légitimitédes situations à prendre en compte. Pour être plus précis, l’étude des dossiers etnotre participation dans les commissions nous interrogent sur la place que peutprendre la légitimité de la demande. Par exemple, certaines demandes ont parfoisété clairement écartées lorsque les situations faisaient état de comportements «peurecommandables», comme l’exemple d’une famille «à revenus et à situationségales» dont le père des enfants est en prison. Cette question est délicate car,autant des priorités claires permettent aux professionnels de prendre position,autant le flou laisse la place à des critères propres à chacun.

Tableau 7Aides extralégales des départements en direction des personnes seules

NC : non communiqué.Sources : Insee, Drees, conseils généraux.

Plus globalement, un type de public particulier reste très largement présentcomme prioritaire au regard de la plupart des institutions étudiées : les mères seulesavec enfant(s). À l’inverse, le type de public le moins prioritaire est la personneisolée ou le couple sans enfant. C’est d’autant plus prégnant que les communes (àl’image de la répartition informelle des publics RMI entres elles et les départements)n’en ont pas fait une priorité. Pour rappel, seule la commune B1 a fait le choixinformel avec les unités territoriales couvrant son territoire de se centrer uniquementsur ce type de public, les autres pouvant trouver des réponses par ailleurs. Lesunités territoriales, au travers des aides ASE, et les CAF n’étant pas compétentes enla matière, les aides à leur encontre sont de fait plus limitées.

Sur cet exemple des personnes seules, les conseils généraux n’ont pas compé-tence ; leur seule possibilité réside dans l’existence d’une aide facultative. Si chaque

Estimation population 2004

Rappel taux RMI fin 2004

Montant total 2005Montant maximal

attribué (ou moyenne)

Conseil général A 1 892 732 4,99 NC Max. : 305 /an

Conseil général B 971 433 5,75 429 631 Moy. : 156

Conseil général C 2 577 492 4,41 130 000 Max. : 120

Conseil général D 1 416 598 5,18 474 170 Max. : 230 /an

Conseil général E 1 892 575 2,94 1 253 021Max. : 153 /an porté

à 304 si RMI

Les Travaux de l’Observatoire4562007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 25: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

département étudié a mis en place une aide pour ce public, elle concerne principa-lement les personnes démunies de ressources et peut être très limitée, comme c’estle cas dans le département C (et dans la réalité touche peu de personnes). Ledépartement E, beaucoup moins touché par le nombre de bénéficiaires du RMI, apour sa part une enveloppe autrement plus imposante.

Un système d’organisation des aides locales assez similaire d’un site à un autreLe système d’organisation lié à la participation de chacune des institutions dans

les aides octroyées aux personnes en difficulté est sensiblement identique d’un siteà un autre (schéma 1) ; la seule variabilité possible repose sur la plus ou moins forteimplication de chacune des institutions (on pourra se référer aux schémas 2 et 3 dessites B1 et B2).

Schéma 1Système d’organisation des aides locales en direction des personnes et familles en difficulté

Le premier cercle d’intervention auprès des personnes et familles les plus en dif-ficulté concerne les aides les plus directement liées aux personnes n’entrant pasdans un cadre spécifique d’aide (selon leur âge, leur projet professionnel, etc.) ; lesecond cercle concerne des aides qui peuvent être tout aussi importantes maisoctroyées dans un cadre plus restrictif. Les aides des CAF appartiennent en quelquesorte à ces deux cercles, dans la mesure où les options prises peuvent être trèsvariables (traiter prioritairement les familles monoparentales ou ailleurs toutes lessituations d’urgence).

Aides à l'insertion dans le cadre du RMI

Aides facultatives du CCAS

Aides extralégalesCAF (prêts et secours)

Aides financières ASE et aides extralégales des conseils généraux

Aides financières dans le cadre du FAJ ou du FSL

Aides en nature des associations caritatives

Aides CPAM exceptionnelles

Les Travaux de l’Observatoire4572007-2008

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

Page 26: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Des aides locales complémentaires et très peu cumulatives

La volonté politique d’impulser une coordination des dispositifs afin d’assurer unaccès plus aisé aux aides s’était traduite dans le cadre de la loi de lutte contre lesexclusions de 1998 par la création des commissions d’action sociale d’urgence(Casu)13. Celles-ci ont finalement disparu au regard des difficultés de leur mise enœuvre. Cependant, sur certains territoires, elles ont perduré de manière informelleet dans des configurations plus ou moins élargies. Les configurations les plus cou-rantes sont celles d’une articulation des aides entre CCAS et unités territoriales dudépartement et, plus rarement, d’une articulation entre unités territoriales et CAF.

La description des dix sites en seconde partie montre que l’articulation entreinstitutions concernant les aides facultatives présente des cas de figure propres àchaque site, à l’image des exemples cités ci-dessous. Ainsi, elle peut être quasiinexistante ou au contraire s’inscrire dans une coopération soutenue. Les parte-naires privilégiés des communes et CCAS, quand il y a articulation, sont les servicessociaux du département ; les autres institutions (CAF, CPAM) sont peu mobiliséessur le plan des aides facultatives, à quelques exceptions près. Les associations cari-tatives ont une place particulière dans l’articulation : les CCAS peuvent avoir desconventions de partenariat sur des actions spécifiques (épicerie sociale, colis ali-mentaire) ou leur orienter des personnes pour une aide qui pourra éventuellementêtre prise en charge par le CCAS (équipements ménagers, ameublement).

Nous prendrons plusieurs exemples pour comprendre la réalité de ces articulations.– Sur le site de B1: c’est le seul site étudié qui présente une configuration decoordination aussi élargie et formalisée avec une articulation des aides finan-cières débouchant sur des évaluations sociales partagées entre département,CAF, CPAM et CCAS. Ce résultat vient de la poursuite du travail de la commis-sion locale d’urgence, qui a débouché sur la mise en place d’un formulaireunique permettant aux travailleurs sociaux de partager leur évaluation si besoin :ainsi, une personne reçue au CCAS peut y déposer une demande d’aide mêmesi l’aide relève de la CPAM ou du conseil général.– Sur le site de C1: la coopération des services sociaux du département et duCCAS se traduit par une connaissance partagée des aides financières et par uneévaluation partagée. Des familles reçues par un travailleur social dans le cadredes aides ASE, mais ne pouvant y prétendre, peuvent ainsi voir leur demandeaccompagnée de l’évaluation sociale être adressée au CCAS. Les demandessont alors revues par les travailleurs sociaux du CCAS à partir de l’évaluation,sans que les personnes aient besoin de se déplacer de nouveau. Cette articula-tion est possible grâce à des formations communes régulières aux travailleurs

Les Travaux de l’Observatoire4582007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

13. L’idée de ces Casu était « d’assurer la coordination des dispositifs susceptibles d’allouer des aides, notammentfinancières, aux personnes et aux familles en difficulté » dans le cadre de la loi d’orientation relative à la lutte contreles exclusions du 29 juillet 1998. Des outils ont pu se mettre en place, notamment le recensement des aidesfinancières des acteurs institutionnels (État, CCAS, conseil général, CAF, CPAM).

Page 27: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

sociaux du CCAS et du département, à l’initiative de ce dernier. C’est le partena-riat local en particulier qui permet ces formations communes: cette initiative nese vérifie pas pour le site C2 du même département.

Ces deux exemples montrent que le système d’interactions institutionnelles aune incidence majeure sur l’attribution des aides : il y a très peu de «doublons» oude cumuls inconsidérés d’aides financières.

Ces configurations partenariales ne sont pas systématiques au niveau des aides,loin s’en faut, car sur le plan des aides facultatives l’articulation nécessite uneconnaissance des aides et des procédures des autres partenaires comme nousvenons de le voir (formulaire commun, formation commune, circuit de l’informationformalisé…). Néanmoins, que cette articulation partenariale existe formellement ounon, il y a une véritable interdépendance entre les aides facultatives du CCAS etcelles du département.

– Sur le site de D1, il existe peu de pontage entre CCAS et services sociaux dudépartement. La critique ouverte par la ville de l’action sociale du départementet de sa logique du travail social a une incidence directe sur le traitement desdemandes d’aide présentées au CCAS après refus par les services du départe-ment : elles sont très souvent, par principe, accordées par le CCAS.– Sur le site A1, le durcissement de la politique du département à l’égard desbénéficiaires du RMI et l’évolution de sa référence à la mission d’aide sociale àl’enfance (le manque de moyens financiers de la famille n’est plus un critère demise en danger de l’enfant justifiant systématiquement la mobilisation de l’aidesociale à l’enfance) a exclu nombre de demandes. Celles-ci aboutissent auCCAS ou auprès des associations caritatives, qui se déclarent débordées par lessollicitations des travailleurs sociaux du département depuis ce durcissement.– Sur le site de A2, mêmes causes, mêmes effets : la ville a vu le nombre dedemandes orientées par les services sociaux du département passer de 258 en2003 à 423 en 2004.

Les exemples de B1 et B2 illustrent cette hypothèse de complémentarité bien plusque de redondance. Les sites de B1 et B2 dans le département B sont également trèsintéressants du point de vue de leur configuration. Autant, sur le site de B1, la confi-guration est celle d’une articulation des dispositifs à l’image de la Casu qui fonc-tionne grâce à l’action volontariste de chaque institution d’articuler leurs dispositifs(formulaire unique, évaluation unique…), autant, sur le site de B2, aucun partenariatn’existe entre commune et unité territoriale du conseil général. La première configu-ration amène les partenaires à faire le point sur les aides disponibles, les montantsmoyens accordés qui se traduisent en une «sorte d’équité» dans les réponsesapportées: les montants moyens attribués en termes de secours sont à peu prèshomogènes, avec une moyenne de 134 euros par le CCAS pour une personne seuleou un couple sans enfant, une moyenne de 249 euros par les services sociaux duconseil général pour une famille, et enfin une moyenne de 219 euros pour les famillespar la CAF.

Les Travaux de l’Observatoire4592007-2008

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

Page 28: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Schéma 2Configuration des aides locales du site B1

* Territoire couvert bassin d’emploi au-delà de B1.Sources : conseil général B, CCAS B1, CAF et CPAM couvrant B1.

Tableau 8Nombre de décisions et montant des aides financières ASE pour B1 et B2 en 2005

Sources : traitement conseil général B (à l’échelle de chaque commune).

La seconde configuration (site B2), où aucune concertation n’est à l’œuvre entreCCAS et services sociaux du département, entraîne dans la réalité peu ou pas decumuls des aides. En effet, le CCAS offre peu d’aides financières directes, sonaction portant essentiellement sur son épicerie sociale, les services sociaux répon-dent à l’essentiel des demandes. Ainsi, à même niveau de précarité (la part des allo-cataires de minima sociaux sur la population totale est, pour B1, de 11,6% et, pourB2, de 11%), l’enveloppe financière ASE de B2 est bien plus importante propor-tionnellement au nombre d’habitants.

De cette configuration où un des acteurs est d’autant plus sollicité que l’actiond’un autre est limitée, la déclinaison de l’aide facultative du conseil général en direc-

B1 B2

72400 habitants 43200 habitants

Nb de décisions Montant Nb de décisions Montant

Total 1 626 405 206 euros 1 351 307 289 euros

Montant moyen attribué 249,20 euros 227,45 euros

Nombre de familles concernées 1 172 890

CAFSecours : 161 831 €(montant moyen : 220 €)Prêts : 24 424 €(montant moyen : 740 €)Public : 769 personnes avec enfants

CPAM*Aides financières : 303 572 €(montant moyen : 425 €)dont insuffisances ressources : 115 088 €Public : 713 assurés sociaux en maladie,maternité, accident du travail

AEPIDR - Montant : 14 934 €Montant moyen : 155 €Nombre de bénéficiaires : 96Public : personnes isolées sans enfantdémunies de ressources

ASE - Montant : 405 206 €Montant moyen : 249 €Nombre de bénéficiaires : 1 172Public : familles avec enfants

Aides des agences départementales

CCAS de B1Aides fac. - Montant : 185 665 €Montant moyen : 134 €Nombre de bénéficiaires : 1382Public : personnes seules et couples sans enfant

Les Travaux de l’Observatoire4602007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 29: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

tion des personnes isolées fournit une excellente illustration. Le CCAS n’ayant pasdonné la priorité à l’accueil des personnes seules (ou couples sans enfant) dansl’octroi des aides, déjà très limitées, cette catégorie de publics ne peut trouver deréponse qu’auprès des services sociaux des conseils généraux (ce public ne cor-respondant pas aux critères CAF).

Tableau 9Nombre de décisions et montant d’AEPIDR14 à B1 et B2 en 2005

Sources : traitement conseil général B (à l’échelle de chaque commune).

Schéma 3Configuration des aides locales du site B2

Sources : conseil général B, CCAS B2, CAF et CPAM couvrant B2.

La déclinaison des aides sur B2 est illustrée par le schéma 3. Enfin, nous conclu-rons avec l’exemple de C2 qui peut faire l’exception à cette hypothèse du cumul, oùCCAS et services du département sont très peu en relation directe. La volonté clai-rement affichée du CCAS est bien de s’inscrire dans une logique de cumul desaides : «si les personnes ont la capacité à solliciter différents organismes, tant

CCAS de B2Aides fac. - Montant : 65 959 €

Montant moyen : 55 €Nombre de bénéficiaires : 1187

Public : familles,personnes seules

avec enfants, personnes isolées

CPAMAides financières : 41 370 €

(montant moyen : 409 €)dont insuffisances ressources : ?Nombre de bénéficiaires : 1187

Public : 101 assurés sociaux en maladiematernité, accident du travail

CAFSecours : 22 068 €

(montant moyen : 596 €)Prêts : 16 759 €

(montant moyen : 621 €)Public : 64 personnes

avec enfants, (surtout API)

AEPIDR - Montant : 22 576 €Montant moyen : 156 €Nombre de bénéficiaires : 144Public : personnes isolées sans enfantdémunies de ressources

AFASE - Montant : 307 289 €Montant moyen : 237 €Nombre de bénéficiaires : 1 651Public : familles avec enfants

Aides des agences départementales

B1 B2

72400 habitants 43200 habitants

Nb de décisions Montant Nb de décisions MontantMontant moyen attribué 155,56 euros 156,78 euros

Nombre de personnes concernées 96 133

Les Travaux de l’Observatoire4612007-2008

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

14. Pour rappel, les AEPIDR sont les aides exceptionnelles aux personnes isolées démunies de ressources.

Page 30: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

mieux». Cependant, sur ce site étudié, cinq prêts ont été accordés par la CAF, dixaides «précarité-mutualisation» par la CPAM; les cumuls possibles concernentessentiellement les aides du CCAS et de l’unité territoriale. Les priorités ne sont pasles mêmes: pour le CCAS, les priorités vont au logement et à l’insertion profession-nelle ; pour l’unité territoriale, l’aide à la subsistance et le loisirs des familles. Au-delàde ces priorités, les personnes en situation irrégulière ne sont pas prises en comptepar le CCAS, alors qu’elles le sont par l’unité territoriale.

Ces exemples peuvent vraisemblablement générer des cumuls mais ils restent àla marge.

Enfin, toujours concernant l’articulation la plus courante (CCAS/département),l’entrée par les publics est assez révélatrice des logiques en œuvre. Dans la réalité,les CCAS reçoivent souvent plus de personnes isolées que de familles sur les aidesfacultatives. Même s’il existe une répartition informelle des publics induite par leRMI, elle ne se vérifie pas pour les aides facultatives. Les CCAS, à l’exception deB1, accueillent tous les publics, et leurs aides peuvent être mobilisées pour lesfamilles. Néanmoins, l’action sociale des départements au travers des aidessociales dans le cadre de l’ASE pèse indéniablement sur celle des CCAS, ces der-niers étant interpellés pour répondre aux carences et limites des autres dispositifsd’aide sociale.

Conclusion

Il est difficile de porter une appréciation générale sur les logiques à l’œuvre tantelles sont propres à chaque site. L’analyse des modes d’organisation et deslogiques de partenariats de l’action sociale facultative des communes dans le cadrede l’étude commandée par la Drees avait permis de souligner le poids déterminantdu paysage institutionnel15, même si d’autres facteurs tels que le poids de l’histoire,les projets politiques entrent en compte dans la structuration de l’action socialefacultative des communes. Le poids du paysage institutionnel est également déter-minant dans la déclinaison des aides locales tant elles sont interdépendantes, quecette interdépendance se mette en place dans un cadre concerté, de manière infor-melle ou dans un rapport de forces. Les aides mises en œuvre par les uns pèsentsur les orientations des autres. Dans les faits, les CCAS, qui sont les institutions lesmoins soumises à un cadre légal contraignant, sont les instances dont les interven-tions se définissent le plus en fonction de leur environnement, et les logiques àl’œuvre sont bien propres à chaque site, en fonction de l’intervention des parte-naires. Ainsi, les CCAS sont dans une posture particulière dans le sens où ils sont àla fois interdépendants des autres institutions et garants d’une régulation socialeminimale : ils peuvent difficilement ne pas intervenir auprès d’administrés en grandedifficulté venant les solliciter.

Les Travaux de l’Observatoire4622007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

15. Dans cette précédente étude, le paysage institutionnel comprenait les collectivités territoriales (commune,département, intercommunalité), les organismes sociaux et les services déconcentrés de l’État pouvant avoircompétence en matière d’action sociale (DDASS, Drass).

Page 31: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les aides, de manière plus générale, jouent un rôle prépondérant en termes d’ajustement, en réponse aux carences du droit commun. Elles ont l’avantage des’adapter à l’évolution constante des problèmes sociaux, avec plus ou moins deheurts ; cette adaptation est plus souvent «anticipatrice» que « réparatrice». C’est larécurrence des situations qui conduit à réfléchir à de nouveaux modes opératoires.

Derrière l’articulation des institutions, c’est bien la question de l’éventuelle com-plémentarité des aides ou bien celle du cumul des aides (et donc des doublons) quenous souhaitions poser. La rencontre des acteurs sur chacun des sites étudiéspermet de penser que les personnes en difficulté s’adressant aux institutions trouvent toujours une réponse au niveau local. Cette réponse est, dans les princi-paux cas de figure, limitée, nous l’avons vu au niveau des montants moyens attri-bués ; et surtout, cette réponse s’inscrit, quelle que soit sa déclinaison, dans unelogique de régulation sociale : il n’est pas possible pour les acteurs de ne pasrépondre, même avec des moyens dérisoires, aux situations.

Finalement, il n’est pas possible d’appréhender les aides facultatives des com-munes sans les remettre dans leur contexte local, tant en termes d’action sociale dela commune que dans l’action sociale des autres institutions. Les communes (via leurCCAS pour la plupart) sont dans une posture particulière car leur niveau de proximitéfait d’elles l’interlocuteur privilégié des publics en difficulté, ne serait-ce que par leursprérogatives en matière d’action sociale (instruction des demandes RMI).

À ce stade de l’investigation, il serait nécessaire d’aller plus loin pour vérifier leshypothèses que nous posons sur la complémentarité des aides locales bien plusque leur cumul. Il serait nécessaire d’avoir une approche qualitative des personnesbénéficiaires des aides pour mieux appréhender leurs trajectoires et les logiquesdans lesquelles elles s’inscrivent. Cette approche permettrait de repérer les démarches éventuellement renouvelées auprès d’une même institution et celles quipourraient être faites en parallèle.

Enfin, pour aller plus loin, il s’agira aussi de revenir sur une des questions dudépart concernant le champ des aides car, nous l’aurons constaté, l’attention de l’étude aura surtout porté sur leur caractère discrétionnaire, ce qui nous parait cen-tral dans la connaissance des aides. En d’autres termes, autant les règles en vigueurpour des aides tarifaires facilitent leur appréhension, autant l’octroi des aides dis-crétionnaires est complexe.

Ces aides discrétionnaires sont en quelque sorte la résultante d’une évolution dusystème d’aide impliquant d’être dans la sélectivité et qui, du fait de leur plus oumoins grande ampleur, ne peut échapper aux interrogations concernant les moda-lités d’attribution, ne serait-ce que par la multiplicité des modalités mises en œuvreet des priorités de chacun.

C’est sûrement en partie pour cette raison que tant de professionnels, afin de seprémunir de tout soupçon d’arbitraire ou de favoritisme, s’interrogent sur les règles àsuivre dans l’octroi de ces aides. Les aides discrétionnaires gardent le principal, voirenécessaire, avantage de pouvoir répondre à l’inévitable complexité des cas indivi-duels ne trouvant pas de réponse dans un cadre légal.

Les Travaux de l’Observatoire4632007-2008

Pour une meilleure connaissance des aides locales : les logiques de déclinaison

Page 32: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Mais, en parallèle, ce caractère discrétionnaire pose question sur l’équité dansl’octroi des aides et, au-delà, interroge sur le système des minima sociaux.L’existence même des différents fonds de solidarité (ou faisant fonction de fonds desolidarité) de part et d’autres sur le système actuel des minima sociaux ne pouvanttoujours garantir aux personnes en difficulté les conditions minimales d’existence.

Bibliographie

Dictionnaire permanent de l’action sociale, Éditions législatives.« Comment les CCAS analysent les besoins sociaux ? », 2002, La Gazette des communes,

n° 1658, 2 septembre.« L’outil approprié d’aide sociale en milieu rural », 2003, La Gazette des communes, n° 1709,

22 septembre.« La loi exclusion et ses décrets : guide pratique simplifié. Mise à jour février 2000 », 2000, Les

Cahiers de l’Uniopss, n° 11, 36 p.« Les centres communaux d’action sociale aujourd’hui », 2005, Lien social, n° 755, juin.AUBREE L., BARRY H. (CRESGE), BAILLON J.-N. (AMEDIS), MAUGUIN J. (Drees), 2006, « L’action sociale

extralégale et facultative des départements », Études et Résultats, Drees, n° 537, novembre.AUTES M., 2004, Les Paradoxes du travail social, Dunod (2e édition).BAUDIER-LORIN C., 2004, « L’aide sociale extralégale ou facultative des départements », Études et

Résultats, Drees, n° 317, juin.BELLAREDJ F., DOUARD O. (AMEDIS), POUCHADON M.-L., VÉRÉTOUT A., ZAFFRAN J. (IRTS/LAPSAC UNIVERSITÉ DE

BORDEAUX), 2006, «L’action sociale des communes de taille moyenne: une analyse monographiquede quatre communes de taille moyenne», Études et Résultats, Drees, n° 530, octobre.

BOURGEOIS L., 1902, L’Idée de solidarité et ses conséquences sociales, Alcan.BOURGEOIS L., 1914, La Politique de la prévoyance sociale, Fasquelle (2 tomes).CASTEL R., 1995, Les Métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat, Gallimard.CHAUVIÈRE M., 2004, Le Travail social dans l’action publique : sociologie d’une qualification

controversée, Dunod.CHOPART J.-N. (dir.), 2000, Les Mutations du travail social : dynamique d’un champ professionnel,

Dunod.DUTHEIL N., 2002, « L’action sociale des communes : premiers résultats », Études et Résultats,

Drees, n° 195, octobre.

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 33: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Georges Gloukoviezoff (université Lyon 2)1

OBJET de nombreuses polémiques, le crédit à la consommation ou de tré-sorerie fait partie du quotidien d’une majorité de Français. L’impossibilité

d’y accéder peut même être considérée comme un problème. Ce «droit aucrédit» permettrait aux personnes qui en ont besoin d’obtenir des liquiditéspour financer les besoins qu’elles ne parviennent pas à satisfaire autrement.Cette question d’un «droit au crédit» se heurte à l’autre grande question enmatière de crédit : le risque de surendettement. En effet, comment s’assurerque l’application de ce «droit» ne se traduit pas par un développement desdifficultés de remboursement et des situations de surendettement? Ce sontces différents enjeux qu’il importe de considérer simultanément pour menerà bien une réflexion sur la possibilité d’un «droit au crédit».

Cet article se propose d’abord de montrer en quoi la financiarisation de lasociété a donné un rôle social essentiel au crédit, avant de se pencher surla réalité des difficultés d’accès, puis d’usage. Cette analyse permet decomprendre quelles sont les contraintes des personnes, ainsi que lesbesoins auxquels ce «droit au crédit » répondrait. Puis ce sont aux causesde ces difficultés qu’il faut s’intéresser, avant d’analyser les caractéristiquesde la relation de crédit. Il sera alors possible d’identifier les éléments clefspermettant d’éviter ces difficultés, et ainsi d’esquisser les contours d’un«droit au crédit approprié» et d’en préciser les limites.

Les Travaux de l’Observatoire4652007-2008

1. L’auteur tient à remercier Michel Legros pour sa relecture attentive et ses commentaires. Il reste cependantseul responsable des idées développées dans cet article.

Page 34: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Le crédit à la consommation2 ou de trésorerie est l’objet de nombreuses repré-sentations divergentes. Tandis qu’il suscite des controverses passionnées, il est éga-lement devenu un moyen incontournable de financer de nombreux achats d’équipe-ment. Depuis les Trente Glorieuses, il s’est si largement diffusé que la grande majoritédes Français y ont recours à un moment ou un autre de leur vie.

Le crédit à la consommation est à ce point entré dans notre quotidien que l’im-possibilité d’y accéder pour une partie de la population est considérée comme unproblème. Plusieurs rapports ont ainsi insisté récemment sur les moyens d’enaccroître la disponibilité (Babeau, 2006 ; Bourdin, 2006 ; Pastré, 2006). Sans aucundoute, cet intérêt est à relier à d’autres enjeux plus larges comme la faiblesse dupouvoir d’achat ou le rôle que le crédit joue dans le soutien de la croissanceéconomique.

Mais à côté de la réponse artificielle que le crédit à la consommation pourraitapporter à ces problématiques politiques et macroéconomiques, se trouve leconstat que ce produit est progressivement devenu un outil incontournable pourabsorber les effets d’une discontinuité dans les revenus ou pour financer un besoinimprévu. À la suite du coup de projecteur porté sur le microcrédit lors de l’attribu-tion du prix Nobel de la paix à Muhammad Yunus en 2006, le crédit a été paré devertus nouvelles comme moyen de lutter contre la pauvreté.

Sous l’effet conjugué de ces différentes évolutions du rôle du crédit et du constatqu’une partie de la population ne parvient pas à y accéder, la question d’un «droitau crédit » se pose de manière récurrente. Ce «droit3 » permettrait aux personnes quien ont besoin d’accéder à des liquidités pour financer les besoins qu’elles ne par-viennent pas à satisfaire autrement. En assimilant explicitement – à la suite deDiesch (2000) – accès au crédit et accès à la liquidité, nous lions la réflexion sur lapertinence d’un «droit au crédit » et celle, plus large, sur la lutte contre la pauvreté,l’absence d’accès à la liquidité en étant en effet constitutive. Toutefois, d’une partces deux questions ne se confondent pas, d’autre part la réponse apportée par lecrédit au manque structurel ou conjoncturel de ressources, en permettant d’étalerdans le temps une dépense immédiate, pose de nombreuses questions en raisondes caractéristiques particulières de ce produit. Ainsi, à peine la question d’un «droitau crédit » est-elle énoncée qu’elle se heurte à l’autre grande question en matière decrédit : le risque de surendettement. En effet, comment s’assurer que l’applicationde ce «droit » ne se traduit pas par un développement des difficultés de rembour-

Les Travaux de l’Observatoire4662007-2008

2. Les appellations « crédit à la consommation » et « crédit de trésorerie » peuvent être employées comme dessynonymes. Elles désignent toutes les formes de crédit (prêt personnel, crédit revolving, découvert, etc.) accordé parun établissement de crédit pour le financement de biens mobiliers ou de services à usage non professionnel.3. Les contours de ce que recouvre le terme « droit » sont extrêmement flous en matière de crédit, expliquant d’ailleursl’utilisation de guillemets. Au sein de cet article, nous discutons la question d’un « droit au crédit » entendu commela définition de modalités d’octroi qui assureraient un accès minimal au crédit pour tous. Nous discutons donc moinsde la dimension juridique de ce « droit » et de son statut au regard d’autres droits reconnus comme celui à la santéou au logement dont le Rapport 2007-2008 de l’Onpes traite largement, que de la question de la pertinence et desmodalités d’élargissement de l’accès au crédit de ceux qui en sont aujourd’hui exclus.

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 35: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

sement et des situations de surendettement? Ce sont ces différents enjeux qu’ilimporte de considérer simultanément pour mener à bien une réflexion sur la possi-bilité d’un «droit au crédit ».

Quatre ans après avoir proposé une analyse de l’exclusion bancaire des parti-culiers4, l’Onpes offre ici la possibilité d’une réflexion centrée sur l’une de ces dimen-sions, celle concernant le crédit.

S’il est important de rappeler ces travaux sur l’exclusion bancaire comprisecomme le processus par lequel une personne rencontre de telles difficultés ban-caires d’accès ou d’usage qu’elle ne peut plus mener une vie sociale normale, c’esten raison de leur complémentarité avec la réflexion qui suit.

Adoptant cette définition, cet article se propose d’abord de montrer en quoi lafinanciarisation de la société a donné un rôle social essentiel au crédit, avant de sepencher sur la réalité des difficultés d’accès, puis d’usage. Cette analyse permet decomprendre quelles sont les contraintes des personnes ainsi que les besoins aux-quels ce «droit au crédit » répondrait. Puis ce sont aux causes de ces difficultés qu’ilfaut s’intéresser, avant d’analyser les caractéristiques de la relation de crédit. Il seraalors possible d’identifier les éléments clefs permettant d’éviter ces difficultés et ainsid’esquisser les contours d’un «droit au crédit approprié» et d’en préciser les limites.

La place du crédit au sein des sociétés hautementfinanciarisées

Comprendre pourquoi il est légitime de s’interroger aujourd’hui sur la possibilitéd’un «droit au crédit » suppose de revenir sur l’évolution du rôle joué par les produitsfinanciers dans le fonctionnement de la société.

Le processus d’intensification de la financiarisationCette évolution correspond à une intensification de la financiarisation5 des rap-

ports sociaux (Servet, 2004, 2006 ; Gloukoviezoff, 2004, 2006). Elle signifie que pourprendre part à la société, pour y affirmer son appartenance, le recours aux produitsfinanciers est de plus en plus incontournable. Cette intensification de la financiari-sation s’exprime à la fois par le recours à la monnaie pour satisfaire un nombrecroissant de besoins et par la circulation massive de flux monétaires par l’intermé-diaire des produits distribués par les établissements financiers. Ainsi, de nos jours,

Les Travaux de l’Observatoire4672007-2008

4. En 2003 et 2004, l’Onpes, en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations, a financé les travaux de deuxéquipes (FORS-Recherche sociale et économie et humanisme) pour comprendre ce qu’était ce phénomène, sesmécanismes et ses conséquences. La synthèse de ces travaux à été publiée dans les Travaux 2003-2004 de l’Onpes(Gloukoviezoff, 2004).5. Nous n’utilisons pas le terme « financiarisation » dans le sens étroit de « financiarisation des économies » quicorrespond à leur financement par l’intermédiaire des marchés financiers. Restreindre l’utilisation du terme« financiarisation » aux marchés financiers revient à méconnaître ou à nier la diversité du fait financier. Les pratiquesde tontine d’un groupe de quelques femmes au Sénégal et l’activité des traders à Wall Street sont deux manifestationsde la financiarisation des rapports sociaux ; seul le degré diffère.

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 36: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

environ 98% des ménages ont accès à un compte de dépôt. Ce compte est devenuindispensable pour percevoir des ressources, qu’il s’agit de salaires (depuis la findes années 1960) ou de prestations sociales (depuis 1978), ainsi que pour effectuerde nombreuses dépenses.

La financiarisation touche à des degrés divers les différents types de besoins,depuis ceux de base, comme se loger ou s’alimenter, jusqu’aux besoins plus com-plexes, comme entretenir un réseau de sociabilité. Trois exemples peuvent illustrercela. Aujourd’hui, se nourrir ne dépend quasiment plus de l’entretien d’un potagerou de l’élevage de quelques animaux de ferme. Ce besoin est satisfait par desachats auprès de commerçants et réalisé par un paiement mettant en œuvre soitdirectement un produit bancaire (chèque ou carte de paiement) soit de la monnaieprovenant d’un compte bancaire. De la même manière, communiquer suppose sou-vent de recourir à un téléphone portable ou à Internet. Ces services, proposés sousforme d’abonnements, sont payés le plus souvent par l’intermédiaire de prélève-ments bancaires. Enfin, la solidarité intergénérationnelle ne repose plus principale-ment sur l’accueil chez soi de ses parents lorsqu’ils ne peuvent plus subvenir à leursbesoins par eux-mêmes. C’est le versement de pensions de retraite (un flux moné-taire) sur le compte bancaire qui exprime en partie cette forme de solidarité6. Les dif-férentes facettes de la vie sociale de chacun transitent par des produits bancaires,au moins pour ce qui est de leur expression monétaire.

Ce qui importe, c’est de comprendre que ces produits se trouvent au carrefourdes différentes sphères de la vie sociale. Dès lors, les évolutions connues au seinde n’importe laquelle de ces sphères auront des répercussions bancaires. Suite à lanaissance d’un enfant par exemple, le surplus de dépenses induites pourra creuserle découvert. À l’inverse, le départ d’un enfant du domicile pourra dégager un mon-tant de ressources investi dans un produit d’épargne. Les fluctuations du niveau desressources ou des dépenses suite à une perte d’emploi ou à un divorce auront éga-lement des conséquences sur le fonctionnement des produits financiers.

Tous ces évènements affectent le recours aux différents produits accessiblesainsi que leur fonctionnement. À l’inverse, rencontrer des difficultés dans l’accès oul’usage de ces produits pourra également avoir des conséquences dans les diffé-rentes sphères de la vie sociale. Le rôle social de ces produits explique l’importanced’un phénomène comme l’exclusion bancaire. Comme les Travaux 2003-2004 del’Onpes l’ont démontré, avoir accès de manière adéquate aux produits bancaires estdevenu une nécessité sociale (Gloukoviezoff, 2004). Cela est aisément compréhen-sible en matière de compte bancaire ou de moyens scripturaux de paiement mais,l’est-ce autant en matière de crédit?

Les Travaux de l’Observatoire4682007-2008

6. Aujourd’hui, cette forme de solidarité intergénérationnelle est progressivement remise en cause au profit destratégies individuelles qui reposent sur la constitution d’une épargne retraite personnelle. La protection concernantla retraite reste donc financiarisée, mais la logique qui l’anime se modifie.

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 37: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire4692007-2008

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Les crédits de trésorerie : une nécessité sociale?Pour répondre à cette question, il convient au préalable de préciser quels sont les

besoins pouvant être satisfaits par le recours au crédit. Deux catégories principales peu-vent être distinguées. La première est celle des besoins de promotion et correspond aufinancement des besoins qui permettent d’améliorer la situation des personnes. Il peuts’agir du financement de l’équipement du ménage (électroménager, automobile, etc.)ou bien de formations ou d’études supérieures. Si cette description correspond bien aubesoin de promotion de la majorité de la population, il faut souligner que, pour les per-sonnes en situation de pauvreté, la satisfaction de ce besoin correspond à la tentatived’atteindre un niveau de standard de vie minimal. La seconde catégorie est celle desbesoins de protection et correspond au financement de besoins imprévus comme desdépenses de santé, les réparations de la voiture tombée en panne ou bien la nécessitéd’amortir les fluctuations de ressources liées à une activité de travail précaire. La satis-faction de ces besoins évite que la situation se dégrade ou qu’elle se dégrade davan-tage pour les personnes en situation de pauvreté.

Ces deux groupes de besoins peuvent être financés ou satisfaits par d’autresmoyens que le crédit. Les revenus du travail, l’épargne, les solidarités de proximité(familiales ou amicales) et les dispositifs mis en œuvre par l’État-providence sontautant de moyens disponibles. Toutefois, les transformations connues par la sociétéfrançaise accroissent l’ampleur de ces besoins tout en en perturbant profondémentles modalités de satisfaction.

Ces transformations correspondent aux évolutions économiques marquées prin-cipalement par une croissance économique limitée et par la précarisation dessalaires et leur faiblesse liée aux politiques de modération salariale qui prévalentdepuis plus de deux décennies. Elles tiennent également au développement du tra-vail féminin, à la diminution de la taille des ménages marquée notamment par uneaugmentation du nombre de familles monoparentales, à l’urbanisation et à l’ac-croissement de la mobilité géographique (Cerc, 2006).

Ces différentes évolutions ont eu pour effet d’accroître l’éventail des besoins nepouvant plus être satisfaits au sein du ménage ou par le recours aux solidarités deproximité. Ainsi, comment assurer la garde des enfants lorsque les deux parents tra-vaillent et qu’ils ont dû emménager loin de leurs propres parents pour trouver unemploi? De même, les ruptures familiales et le développement de la monoparenta-lité rendent la vie quotidienne plus coûteuse, dans la mesure où un temps dispo-nible plus réduit suppose de recourir à des palliatifs marchands (plats préparésplutôt que cuisinés soi-même, par exemple).

Pour partie, l’État prend en compte ces évolutions, que ce soit au travers des poli-tiques redistributives ou par des investissements structurels comme peuvent l’être lesdiverses structures de garde des enfants en bas âge. Néanmoins, le rôle protecteurde l’État et plus largement celui de la solidarité nationale sont profondément remis encause sous l’effet conjugué de la montée des besoins sociaux (persistance d’un chô-mage massif, développement des situations de précarité professionnelle et familiale,apparition de la pauvreté laborieuse, etc.) et le développement des contraintes bud-

Page 38: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire4702007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

gétaires principalement liées à l’obligation de maîtrise des déficits publics. Il enrésulte par exemple que « les assurances sociales sont peu à peu en train de céderla place à des assurances plus individualisées, où les assurés sont appelés à payerdirectement et individuellement pour leur protection sociale. Outre le fait que lesassurances sociales obligatoires de base sont devenues moins collectives et redis-tributives, elles sont aussi moins généreuses» (Palier, 2007, p. 867). Allant dans lemême sens, Crosemarie (2007) rapporte les constats convergents des associationsde consommateurs et du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie selon les-quels les « restes à charge» pour les assurés sociaux sont de plus en plus élevés, ycompris pour ceux disposant d’une assurance complémentaire.

Ainsi, non seulement les solidarités de proximité sont moins aisément mobilisables,mais la protection sociale est également moins efficace. Face à ces retraits, la contraintefinancière qui pèse sur les ménages pour satisfaire leurs besoins semble au contraires’accroître, que ce soit en raison de leur financiarisation ou de la précarisation et de la fai-blesse des revenus du travail. Si cet aspect fait écho aux préoccupations actuelles autourde la question du pouvoir d’achat, c’est vers la structuration du budget des ménages quenous préférons nous tourner pour illustrer la réalité de cette contrainte.

Pour cela, nous nous appuyons sur la notion de «dépenses préengagées» éla-borée par l’Insee (Accardo et al., 2007). Il s’agit des dépenses qui donnent lieu à uncontrat difficilement renégociable, au moins à court terme. Elles incluent notammentles dépenses courantes de logement (loyer, chauffage, charges, etc.), les primes d’as-surance à caractère obligatoire, les impôts et les remboursements de crédits (immo-bilier et consommation). Il ressort de ces analyses que le poids de ces dépenses «pré-engagées» dans le revenu courant des ménages et leur évolution se caractérisent parune forte disparité selon le niveau de revenu courant des ménages (graphique 1).

Graphique 1Évolution du poids des dépenses «préengagées» dans le revenu courant des ménages entre 2001 et 2006, en%

Lecture : Pour les 20 % des ménages les plus modestes, le poids des dépenses courantes de logement dans leur revenucourant est passé de 31 % en 2001 à 44 % en 2006.Sources : Accardo et al., 2007, p. 85.

Q1-2001 Q1-2006 Q2-2001 Q2-2006 Q3-2001 Q3-2006 Q4-2001 Q4-2006 Q5-2001 Q5-2006

80

70

60

50

40

30

20

10

0

Remboursements d'empruntsImpôtsDépenses d'assurancesDépenses courantes liées au logement

Page 39: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Alors que les dépenses «préengagées» des ménages appartenant aux quintiles2, 3, 4 et 5 représentent entre 30% et un peu plus de 40% de leurs dépenses cou-rantes et connaissent pour les trois derniers quintiles une baisse entre 2001 et 2006,elles passent d’un peu plus de la moitié aux trois quarts pour les ménages apparte-nant au premier quintile. Ainsi, alors que 80% des ménages peuvent exercer leurlibre arbitre sur 60% à près de 70% de leur revenu courant, les 20% de ménagesayant le revenu courant le plus faible ne peuvent le faire que sur 25% de leursrevenus en 2006. Face à une dépense imprévue, ces ménages n’ont donc que trèspeu de marge de manœuvre, d’autant que ces 25% restants doivent également cou-vrir les dépenses quotidiennes.

Alors que les besoins financiarisés de promotion et de protection sont en crois-sance constante en raison de l’évolution des modes de vie, leur satisfaction est deplus en plus délicate en raison de l’évolution des conditions de rémunération et del’affaiblissement des solidarités de proximité et étatiques au sens large. Face à ceschangements, le crédit apparaît comme un recours possible. C’est ce que constatel’Observatoire de l’endettement des ménages, qui indique que près de 30% desménages, a priori plus exposés aux difficultés, font principalement appel aux créditsde trésorerie car ils constituent «pour eux un essai de mobilisation générale de toutesles ressources possibles pour desserrer une contrainte budgétaire» (Mouillart, 2007,p. 29). Complétant ce constat par celui du médiateur de la République et celui del’Association des juges d’instance, Crosemarie (2007) explique que « le recours aucrédit se substitue donc parfois à la diminution ou à la suppression de prestationsversées par des mutuelles ou des complémentaires retraites que des personnes endifficultés financières auront été contraintes d’abandonner» (p. II-40).

Ce changement de nature du crédit, qui passe d’un mode de financement del’équipement du ménage tel qu’il l’était au cours des Trente Glorieuses à un moyen degestion de la contrainte budgétaire, est bien compris par les établissement de crédit,notamment spécialisés7, eux-mêmes. Ainsi, au mois de juin 2007, la société Swiss Lifea annoncé le lancement, en partenariat avec Sofinco, d’un crédit revolving destiné aufinancement des dépenses de santé ayant trait aux soins dentaires, à l’optique ou auxprothèses auditives. Si cette prise en compte commerciale du rôle social du créditinterroge en priorité la défaillance du système de protection sociale et l’accès au droità la santé pourtant inscrit dans la Constitution, elle ne rend que plus évidente la néces-sité de se pencher sur le sort de ceux dont les situations ne permettent pas de jouerle jeu marchand et, partant, sur les contours d’un «droit au crédit».

Les Travaux de l’Observatoire4712007-2008

7. L’appellation « établissement de crédit » regroupe l’ensemble des établissements agréés par le Comité desétablissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI) et habilités à exercer certaines activitésbancaires et financières. On distingue deux types d’établissements de crédit. Certains bénéficient d’un agrément deplein exercice : les banques de détail. D’autres disposent d’un agrément restreint, qui ne les autorise à effectuer quecertaines activités : les établissements de crédit spécialisés (par exemple, en matière de crédit : Cetelem, Cofinoga,Sofinco).

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 40: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Réalité des difficultés d’accès

S’interroger sur un «droit au crédit » laisse entendre qu’il existe des difficultésd’accès qui justifieraient sa mise en œuvre. Début 2004, 27,7% des ménages étaientendettés à la consommation, dont environ un tiers cumulaient cet endettement avecun endettement immobilier (Houdré, 2007). Toutefois, cela ne revient pas à dire que72,3% des ménages étaient exclus du crédit à la consommation. D’une part, il fau-drait ôter les 20% de ménages endettés uniquement au titre de l’immobilier et,d’autre part, décompter tous ceux qui auraient pu avoir accès au crédit à la consom-mation mais n’en avaient tout simplement pas besoin au moment de l’enquête.

Combien d’exclus du crédit de trésorerie?Il n’existe pas à ce jour d’étude qui ait tenté de quantifier cette population. Les

seules données disponibles sont celles issues d’une comparaison internationalemenée pour le ministère du Commerce et de l’Industrie britannique (Department ofTrade and Industry) au sujet des effets du taux de l’usure sur les difficultés d’accès aucrédit (Policis, 2004). Bien que ne portant que sur le premier quintile de la distributiondes revenus, cette étude indique pour la France que 57% de ces ménages estimentqu’il leur est impossible ou difficile d’obtenir un crédit de 750 euros et que, parmi eux,42% subissent des conséquences négatives au travers de l’impossibilité de réalisercertains achats alors qu’ils s’estiment en mesure de rembourser le crédit nécessaire.Selon cette étude, il y aurait donc 2850000 ménages (11,4% de l’ensemble desménages) faisant face à des difficultés d’accès et 1197000 (4,8% de l’ensemble desménages) qui subissent des privations dues à ces difficultés d’accès. Ne portant quesur les 5 millions de ménages aux revenus les plus faibles, il convient de considérerces chiffres avec prudence8: des ménages n’appartenant pas au premier quintile peu-vent également ne pas avoir accès au crédit alors qu’ils en ont besoin.

On pense notamment aux personnes inscrites au fichier des incidents de rem-boursement des crédits aux particuliers (FICP), inscription faisant suite à un incidentcaractérisé9 ou au dépôt d’un dossier de surendettement. Fin 2006, plus de2,3 millions de personnes étaient fichées au FICP, dont une partie dans le cadre demesures relatives au traitement du surendettement. Ces personnes se verront refuserl’accès au crédit par les prêteurs bien que, légalement, rien ne s’oppose à ce qu’ilsacceptent leur demande10. S’ils la refusent, c’est que le droit prévoit qu’ils ne pourront

Les Travaux de l’Observatoire4722007-2008

8. Babeau (2006) indique également qu’il convient d’interpréter ces chiffres avec prudence en raison de l’échantillonde personnes interrogées, qui n’est « que » de 900 personnes. Considérant les ménages qui subissent des privationsdues à ces difficultés d’accès, il décide par mesure de prudence de diviser ce chiffre par deux. Il y aurait donc selonlui 600 000 personnes véritablement exclues du crédit à la consommation.9. La définition d’un incident caractérisé diffère selon les types de prêts. Il s’agit, par exemple pour un créditremboursable mensuellement, du défaut de remboursement d’une somme atteignant au moins le double de ladernière échéance due. Dès qu’un incident caractérisé est constaté, l’établissement de crédit informe le débiteur qu’ildispose d’un délai d’un mois pour régler l’incident à compter de la date d’envoi de l’information. À défaut, il ledéclarera à la Banque de France pour inscription au FICP.10. Pour les personnes ayant un plan de surendettement en cours, la souscription d’un nouveau crédit sans l’accordpréalable de la commission de surendettement rend le plan caduc.

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 41: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

se retourner contre l’emprunteur en cas d’impayés. En revanche, du point de vue despersonnes inscrites, on peut s’interroger sur la pertinence de cette impossibilité derecourir au crédit. Les raisons de leurs impayés, l’ancienneté de leur inscription et leursituation actuelle devraient être prises en compte dans la réponse apportée.

L’existence des difficultés d’accès… ciblées?Si la quantification précise du nombre de ménages ou personnes exclus du

crédit reste un objet de débat, démontrer que ces difficultés existent est en revanchebeaucoup plus aisé. Babeau (2006) en donne une illustration en s’intéressant à larépartition des nouveaux crédits octroyés en 2000 par décile de revenu. Bien qu’an-ciennes, ces données montrent la corrélation étroite entre ces deux variables, aumoins jusqu’au neuvième décile. Pour le dixième, Babeau indique que le montantdu revenu annuel par tête est de plus de 25000 euros contre 16000 pour le neu-vième, expliquant que ces ménages puissent «dans de nombreux cas s’en passer»(Babeau, 2006, p. 19). Le tableau 1 ci-après présente ces résultats.

Tableau 1La répartition des nouveaux crédits à la consommation selon le décile de revenu des ménages en 2000, en%

Sources : Babeau, 2006.

Si l’on admet, à la suite des travaux de l’Onpes (Gloukoviezoff, 2004) et de Policis(2004), l’existence de besoins insatisfaits en matière de crédit, les difficultés d’accèsapparaissent de manière flagrante : 50% des ménages aux revenus les plus faiblesont accès à 25% des crédits accordés sur une année, alors que les 50% avec lesrevenus les plus élevés en représentent 75%. Le ratio part des crédits obtenus/partqu’occupe le décile dans la distribution des revenus en donne une vision encoreplus précise : se situant entre 107% et 125% pour les ménages des quatrième auneuvième déciles, il chute à un peu plus de 70%, puis 66% et enfin 46% à mesureque l’on se rapproche du premier décile. Babeau (2006) note ainsi que leur part

Décile (du plusmodeste au plus aisé)

Poids dans la population

des individus

Part du revenudisponible

Part dans la production

de nouveaux crédits

Ratio part du revenusur part dans lesnouveaux crédits

1 5,1 2,8 1,3 46,4

2 5,6 4,5 3,0 66,7

3 6,8 5,6 4,0 71,4

4 7,8 6,8 7,8 114,7

5 9,4 8,1 9,3 114,8

6 10,5 9,5 11,2 117,9

7 12,1 11,0 12,0 109,1

8 13,7 12,8 13,7 107,7

9 14,5 15,3 19,2 125,5

10 14,5 23,7 18,6 78,5

Total 100,0 100,0 100,0 100,0

Les Travaux de l’Observatoire4732007-2008

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 42: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire4742007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

dans la production nouvelle de crédit (8,3%) est bien inférieure à leur part dans lerevenu disponible (près de 13%). «Symétriquement, les six déciles intermédiaires(numérotés de 4 à 9 dans le tableau) rassemblent 63,5% du revenu disponible desménages mais 73,2% des nouveaux crédits» (Babeau, 2006, p. 19).

En l’absence d’une étude explicitement dédiée à la mesure et à l’identificationdes personnes ou ménages n’ayant pas accès au crédit à la consommation, il esttéméraire d’en proposer un profil socioéconomique. On peut cependant supposerque la faiblesse ou l’irrégularité des revenus, ainsi que l’instabilité professionnelleou familiale, sont des éléments clefs. D’ailleurs, les enseignements issus des tra-vaux menés sur cette question dans les pays voisins étayent cette hypothèse.Majoritairement, ce sont les travaux anglo-saxons qui apportent un éclairagedocumenté. Il apparaît que les caractéristiques des personnes n’ayant pas accèsaux différents types de produits bancaires sont marquées par une forte régularité.Ces difficultés d’accès concernent ainsi davantage les chômeurs de longue durée,les retraités, ceux dans l’incapacité de travailler pour des raisons de santé, les per-sonnes à la tête d’une famille monoparentale, certaines minorités ethniques, et lesallocataires de minima sociaux (Kempson, Whyley, 1999 ; Kempson et al., 2000 ;Sinclair, 2001 ; Carbo et al., 2005 ; Corr, 2006). Sans prétendre dériver directementde ces observations un constat pour la situation française, il est intéressant deconstater que ceux ayant la probabilité la plus grande de faire face aux difficultésd’accès sont ceux dont le rapport à l’emploi ou la situation familiale sont les plusdélicats. Ce sont d’ailleurs ces deux éléments qui paraissent avoir le pouvoir expli-catif le plus fort (Kempson, Whyley, 1999). Pour la situation française, il apparaîtque la majorité des profils mentionnés précédemment sont également ceux quifont face aux difficultés les plus importantes dans leur relation à l’emploi (Cerc,2006).

Les causes des difficultés accès: entre sélection et auto-exclusionSi quantifier les personnes n’ayant pas accès au crédit et préciser leur profil est

utile dans le cadre de la définition d’un «droit au crédit », il est surtout essentiel decomprendre pourquoi ces difficultés d’accès existent. Les raisons sont à rechercherdans deux directions : du côté de l’offre et du côté de la demande. Du côté de l’offre,il s’agit des pratiques de sélection directe (refus d’une demande de crédit) ou indi-recte (ne pas faire de publicité en direction de certains publics, rendre ses offresaccessibles uniquement par l’intermédiaire de certains magasins). Elles permettentaux établissements de crédit spécialisés ou non d’éviter certains profils d’emprun-teurs qu’ils ne désirent pas avoir dans leur clientèle. Du côté de la demande decrédit, les difficultés d’accès peuvent s’expliquer par des pratiques d’auto-exclusion.Il s’agit de personnes qui, parce qu’elles anticipent une réponse négative ou parcequ’elles ont peur de souscrire à un crédit, préféreront y renoncer (Gloukoviezoff,200411).

11. On peut rapprocher ces pratiques d’auto-exclusion de celles de non-recours (non take up) aux services deprestations sociales (Hamel, 2006).

Page 43: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Sans s’intéresser dès à présent au bien-fondé de ces pratiques de sélection oud’auto-exclusion, ce que nous voulons souligner ici c’est que dans les deux cas cequi les légitime tient au risque que des difficultés surviennent une fois le créditaccordé. En effet, si les prêteurs refusent certains clients, c’est parce qu’ils estimentque la probabilité pour que ces derniers rencontrent des difficultés de rembourse-ment est telle qu’ils ne pourront pas rembourser leur crédit de manière rentable12. Ilspréfèrent donc éviter de tels clients. À l’inverse, si des clients qui ont besoin d’unfinancement renoncent d’eux-mêmes au crédit, c’est parce qu’ils craignent que lerecours à ce produit se traduit par des difficultés plus grandes encore. Ces difficultéstiennent non seulement au fait de parvenir à rembourser chaque mensualité, maiségalement de parvenir à supporter les frais associés à l’éventuel manquement àl’une d’entre elles. Savoir si ces craintes sont surestimées par les offreurs ou lesdemandeurs sera abordé plus tard, ce qui importe ici est de souligner que les diffi-cultés d’accès ne peuvent être comprises en dehors de la prise en compte del’éventualité de difficultés survenant une fois le crédit accordé. Dès lors, définir un«droit au crédit » qui permette de lutter efficacement contre les difficultés d’accèssuppose inévitablement de s’intéresser aux difficultés d’usage.

Difficultés d’usage: malendettement et surendettement

Le crédit à la consommation étant un produit risqué tant pour l’emprunteur quepour le prêteur, il n’est pas possible de définir un «droit au crédit » qui consisteraiten un accès universel et inconditionnel13. Pour borner ce «droit au crédit », pour luidonner du sens, il importe donc de comprendre quelles sont les difficultés d’usagequi peuvent survenir.

Le surendettementS’il n’est pas simple de quantifier la population concernée par les difficultés

d’accès au crédit, le faire pour celle concernée par les difficultés d’usage ne serévèle pas beaucoup plus facile. Là encore, le principal problème tient à la définitiondes situations caractérisées par des difficultés d’usage. Il est en effet nécessaire dedistinguer différents degrés de difficultés. Il est raisonnable de considérer qu’il existeun continuum de situations marquées par des problèmes d’endettement dontl’aboutissement est le surendettement. En France, une situation de surendettement

Les Travaux de l’Observatoire4752007-2008

12. C’est bien la rentabilité globale de l’opération qui importe. Le fait qu’un client rencontre des difficultés pourrembourser un crédit n’est pas un problème. Ce peut même être une occasion d’augmenter la rentabilité del’opération pour l’établissement financier. Cependant, cela n’est vrai qu’à condition que ce client soit suffisammentsolvable pour assumer le surcoût lié à ses difficultés et qu’il parvienne finalement à rembourser le crédit.13. Les avances sur prestations consenties par les caisses de protection sociale, ou dans d’autres cas par les centrescommunaux d’action sociale (CCAS), constituent, dans le cadre d’une législation d’aide sociale, une forme d’accès à uncrédit social en apparence exonéré des risques marchands. Cependant, si le prélèvement des remboursements à lasource permet d’assurer le créancier d’être remboursé, les risques pour l’«emprunteur» ne sont pas supprimés : l’avancepermet de faire face à la dépense imprévue, toutefois la diminution des prestations entraînée par les remboursementspeut affecter durablement et lourdement la réalisation des dépenses quotidiennes au cours des mois qui suivront.

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 44: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire4762007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

se définit par le dépôt d’un dossier auprès d’une commission départementale desurendettement. Il s’agit donc d’une définition administrative du phénomène. Onconsidère qu’aujourd’hui environ 750000 ménages sont en situation de surendette-ment au sens où ils ont un dossier en cours, soit 2,8% de l’ensemble des ménages.

Une première critique adressée à cette manière de mesurer le surendettement estqu’elle laisse de côté ceux qui seraient objectivement éligibles aux solutions propo-sées par les commissions de surendettement mais qui, soit n’en ont pas connais-sance, soit décident de ne pas y recourir. Pour pallier cette carence, l’Observatoire del’endettement des ménages propose de considérer une population qu’il nomme«ménages fragiles» (Mouillart, 2007). Ces ménages sont définis par le croisement detrois critères: avoir déposé un dossier de surendettement, être dans une situation telleque les dettes sont inévitables, ou faire face à des charges trop élevées par rapportaux ressources. Environ 4,1% des ménages français appartiendraient à la classe desménages fragiles, soit près d’un million. L’évolution apportée par l’Observatoire del’endettement des ménages permet de résoudre la faiblesse de la définition précé-dente; cependant elle se heurte encore à une autre limite liée à son objet : en se foca-lisant sur les situations pouvant être apparentées à du surendettement, ou au moinsà des situations à risque de surendettement, elle laisse de côté les situations mar-quées par la présence de difficultés d’usage mais dont la gravité n’est pas similaire ausurendettement. Il convient d’élargir la focale pour saisir également cette réalité.

Le malendettementLe surendettement constitue une forme extrême des difficultés d’usage; et il

existe un ensemble de situations où les personnes rencontrent des difficultés finan-cières et des problèmes pour rembourser leur crédit, sans pour autant ne plus par-venir à y faire face. Ce type de situations précède chronologiquement le surendet-tement, mais n’y conduit pas systématiquement. Elles n’en constituent pas moinsune véritable épreuve pour les ménages qui y sont confrontés, notamment en raisondu coût lié aux frais qui accompagnent ces difficultés. En dépit de leur hétérogé-néité, ces situations peuvent selon nous être regroupées comme s’apparentant àdes situations de «malendettement», terme popularisé par le médiateur de laRépublique (2007). Ces situations ont en commun d’être marquées par l’existenced’un endettement dont les caractéristiques se révèlent inappropriées au regard dela situation actuelle du ménage. En dehors des raisons de cette inadéquation, quenous considérerons ultérieurement, la question qui se pose est celle de la mesurede ces situations et donc des indicateurs qui permettent de les identifier. Différentespossibilités sont offertes : considérer le taux d’effort en est une (encadré 1), s’inté-resser à l’existence de difficultés de remboursement en est une autre.

En matière de difficultés de remboursement, il semble que deux voies puissentêtre suivies : l’une, objective, se base sur le FICP, la seconde, subjective, repose surl’appréciation que portent les personnes sur leur situation financière. Aucune desdeux n’est totalement satisfaisante.

Page 45: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire4772007-2008

14. Proposition de loi n° 1071 du 24 septembre 2003 présentée par Jacques Masdeu-Arus.

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Encadré 1Taux d’effort et difficultés d’usage

L’Insee indique que l’endettement des ménages se caractérisait en 2004 par une dette moyenne de40000 euros par ménage (crédits de trésorerie et immobiliers confondus) avec un taux d’effort moyen,c’est-à-dire la part des charges de remboursement des crédits dans le revenu disponible, avoisinant 21%(Houdré, 2007). Il est également noté que «ces charges dépassent 40% des revenus disponibles pourprès de 3% des ménages et 30% des revenus disponibles pour près de 7% des ménages. Début 2004,1,8 million de ménages étaient donc en situation de risque de surendettement» (Houdré, 2007, p. 1).

Cette approche, qui assimile taux d’effort supérieur à 30% et risque de surendettement, reprend l’idéelargement répandue selon laquelle il serait trop risqué d’aller au-delà d’un endettement représentant untiers des revenus. Souvent utilisée par les banquiers pour justifier le refus d’une demande de crédit,cette norme sans fondement scientifique ou légal est pourtant reprise dans une proposition de loi de2003 portant sur la création d’un fichier recensant l’endettement des crédits des particuliers14. Cetteloi souhaitait rendre obligatoire la consultation de ce fichier par le prêteur, « lequel doit s’assurer quel’endettement total du débiteur ne dépasse pas un tiers de ses ressources disponibles» (cité parCrosemarie, 2007). Mais est-ce un indicateur pertinent de difficultés d’usage et de surendettement?

Pour répondre positivement à cette question, il faudrait que le lien de causalité établi entre le risque dedifficultés mesuré par cet indicateur et la réalisation de ces risques soit vérifié. Il semble que ce ne soitpas le cas. Une étude de la société Sovac sur 50000 dossiers de prêts accordés montre que le tauxd’impayé le plus élevé concerne les emprunteurs ayant un taux d’effort compris entre 20 et 30%, alorsque le taux d’impayé le plus faible est le fait de ceux endettés à plus de 50% (Rebière, 2006). Lafaiblesse de ce lien est d’ailleurs confirmée par les emprunteurs eux-mêmes, dans la mesure où plusde la moitié des ménages ayant un taux d’effort supérieur à 30% déclarent s’en sortir (Crosemarie,2007).

Les carences de cet indicateur s’expliquent principalement par l’imparfaite prise en compte de lacontrainte budgétaire réelle qui pèse sur les ménages. D’une part, un même taux d’effort pourramasquer des conséquences très différentes selon le niveau de revenus des personnes. Il est en effetbeaucoup plus facile de supporter un taux d’endettement de plus de 40 % lorsque les revenusannuels disponibles s’élèvent à plus de 50 000 euros (8,6 % de la population en 2003) que lorsqu’ilssont inférieurs à 10 000 euros (9,9 %). Les travaux d’Accardo et al. (2007) précédemment cités sontà ce titre particulièrement éclairants sur la marge de manœuvre budgétaire dont disposent lesménages selon leur niveau de revenus. D’autre part, à niveau de revenus égal, la composition dubudget peut varier significativement en raison d’autres éléments que les seuls crédits. Ainsi,l’intégration du loyer dans le taux d’effort moyen des ménages endettés uniquement au titre desbesoins de trésorerie le fait passer de 12 % à 34 % (Monrose, 2003).

Mesurer le surendettement ou les difficultés d’usage par le recours à l’indicateur qu’est le tauxd’effort des ménages a le mérite de la simplicité. Il nous semble cependant qu’il ne peut être retenucomme un indicateur pertinent.

Page 46: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire4782007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Fin 2006, un peu plus de 2,3 millions de personnes étaient recensées au sein duFICP. Il convient néanmoins de considérer ce chiffre avec prudence pour évaluer lapopulation concernée par les difficultés de remboursement. La première raison estliée aux conditions qui président à l’inscription au sein de ce fichier : elle fait suite àla survenue d’un incident caractérisé. Les ménages ou les personnes qui multiplientles mensualités impayées mais parviennent néanmoins à éviter le fichage ne sontainsi pas prises en compte. La seconde est que les personnes recensées dans cefichier le sont à différents titres, et tous ne peuvent être apparentés à des difficultésd’usage. Il faudrait ainsi soustraire les auteurs d’escroqueries qui ne sont pasconcernés par des difficultés d’usage. Il est également nécessaire de garder en têtequ’une partie des personnes fichées au sein du FICP le sont au titre du surendette-ment. Plus de 767000 mesures prises dans le cadre d’un dossier de surendettementétaient ainsi référencées fin 2006, nombre auquel il faut ajouter les 151000 dossiersen cours d’instruction. La difficulté statistique est que ces mesures et dossiersconcernent des ménages. Il faudrait donc déduire des 2,3 millions de personnesfichées celles concernées par ces mesures et dossiers en cours. Enfin, pourconnaître le nombre de personnes pour lesquelles l’inscription implique des diffi-cultés avec les crédits de trésorerie, il faudrait affiner le dénombrement. On sait quepour les près de 3 millions d’incidents enregistrés au FICP, seuls 3,6% concernentdes prêts immobiliers alors que 13% concernent des achats à tempérament, 18,2%des découverts, et 62,4% des prêts personnels ou des crédits revolving. Ce sontainsi 93,6% des incidents qui impliquent des crédits de trésorerie. La question quise pose est de faire le lien entre nombre d’incidents et nombre de personnes.

Au côté de cette mesure objective des difficultés de remboursement des créditsde trésorerie, se trouve celle subjective de l’évaluation que les personnes portentsur leur propre situation financière. Crosemarie (2007) indique ainsi que 15% desménages français déclarent éprouver des difficultés à rembourser leurs dettes, cequi correspond à plus de 3600000 ménages, soit 7,5 millions de personnes.Rebière (2006) propose de compléter cette prise en compte statique par une priseen compte dynamique. À partir de données allant de 1994 à 2002, il montre que«28% des individus de plus de 18 ans présents à toutes les vagues ont vécu dansun ménage ayant connu des problèmes de remboursement durant au moins uneannée» (p. 116). De plus, indique-t-il, 11% des individus ont connu au moins troisannées d’impayés et 5% au moins cinq années sur les huit prises en compte parl’enquête. Il souligne ainsi que «5% de la population française a connu plus d’an-nées comportant des impayés que d’années sans difficultés financières, c’est-à-direplus de deux millions d’individus» (p. 116).

Ces données subjectives présentent l’inconvénient apparent de mêler difficultésfinancières liées aux crédits et celles liées aux autres charges qui pèsent sur lesménages. Pour éviter ce problème, il est possible de s’intéresser uniquement auxménages endettés au titre du crédit, 50,9% des ménages selon l’Observatoire del’endettement des ménages (Mouillart, 2007). Il apparaît alors que 13,8% d’entreeux trouvent leurs charges de remboursement trop élevées ou beaucoup trop éle-vées (soit 7% de l’ensemble des ménages). Cette appréciation varie significative-

Page 47: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

ment si l’on considère la nature de l’endettement : seuls 7,6% des emprunteurs autitre de l’immobilier uniquement portent un tel jugement sur leur situation, alors qu’ilssont 15,5% lorsque leur endettement est mixte et 18,2% lorsqu’il est composé uni-quement de crédit de trésorerie.

Complexité des pratiquesMais est-il pertinent de se limiter à la prise en compte des difficultés (ou du juge-

ment négatif) portant directement sur les remboursements des crédits? Ce seraitnégliger l’existence de «stratégies» budgétaires de la part des ménages, qui peuvent«préférer» être en situation d’impayé à l’égard de certains créanciers plutôt que d’au-tres. Ainsi, certains ménages à faibles revenus expliquent que lorsqu’ils n’ont pas lesmoyens de faire face à l’ensemble de leurs charges, ils payent en priorité celles pourlesquelles la situation d’impayé est la plus coûteuse ou la plus problématique. Lesdettes bancaires font partie de ce groupe prioritaire (Gloukoviezoff, Lazarus, 2007). Ceséléments qualitatifs sont validés quantitativement par les travaux de Rebière (2006), quimettent en lumière l’existence d’une hiérarchie des priorités en matière de paiement.«Ce sont les crédits immobiliers qui connaissent le moins d’incidents (moins de 1%des ménages, sauf en 1994), puis les crédits à la consommation (entre 2 et 2,5% desménages). Viennent ensuite les loyers et versement d’impôts» (Rebière, 2006, p. 110).Cette hiérarchisation, qui consiste à ne pas honorer en priorité les factures d’électricité,de gaz et d’eau, se vérifie quelle que soit la nature de l’endettement. En 2001, pour lesemprunteurs au titre du crédit à la consommation uniquement, les charges courantesd’énergie sont les moins payées (15,9% de ces ménages), puis viennent les rembour-sements de crédit (6,6%), le loyer (6%) et les impôts (4,1%) [Rebière, 200615].

Le fait que les mensualités des crédits sont honorées ne signifie donc pas quel’accès au crédit du ménage est approprié. Les difficultés liées à l’inadéquation entreles ressources et les caractéristiques des charges d’endettement peuvent ne s’ex-primer que sur des aspects précis de ces charges, à savoir les charges courantes. Unménage peut ainsi se trouver en situation de «malendettement», puis de surendette-ment alors même qu’il ne connaît aucun impayé de crédit. À ce titre, il est particuliè-rement intéressant de remarquer qu’en Belgique, parmi les 30% de ménages ayantun dossier de surendettement en cours sans avoir eu de crédits défaillants, un tiersd’entre eux (soit 9% des ménages surendettés) détiennent pourtant au moins uncrédit. Ainsi, 9% des surendettés belges sont en situation de surendettement parcequ’ils ne peuvent plus faire face à leurs charges courantes ou leurs impôts, alors qu’ilscontinuent à honorer régulièrement leurs crédits16. Comprendre les difficultés d’usagequi portent sur le crédit suppose donc de considérer la situation financière globale duménage. Le nombre de ménages concernés par ces difficultés s’étend ainsi de750000 ménages ayant un dossier de surendettement en cours aux 3,6 millions deménages déclarant rencontrer des difficultés pour rembourser leurs dettes.

Les Travaux de l’Observatoire4792007-2008

15. Cette hiérarchie peut être modifiée pour les locataires au sein de logements sociaux, qui peuvent préférer honorerleurs charges courantes à leur loyer en cas d’insuffisance de ressources.16. Exploitation personnelle des données de la Centrale positive belge (BNB, 2007).

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 48: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire4802007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Les caractéristiques des personnes et ménages concernésDu surendettement au malendettement, en passant par les ménages fragiles,

quantifier le nombre de ménages ou de personnes concernés par ces situationsn’est pas chose aisée. Définir leur profil l’est encore moins en l’absence d’une basede données homogène pour l’ensemble de ces populations. En revanche, enmatière de surendettement, un certain nombre d’éléments sont d’ores et déjà dispo-nibles, notamment grâce aux travaux de la Banque de France (2005).

Si l’on s’intéresse aux caractéristiques professionnelles des surendettés, il appa-raît que les employés et ouvriers représentent 55% de cette population et les chô-meurs et inactifs 34%. Ces deux catégories composent donc à elles seules 89% dessurendettés. Quant aux ressources, 30% des surendettés disposent de plus de1500 euros par mois, 25% ont entre 1500 euros et le Smic17, 40% se situent entre leSmic et le RMI18, et 5% ont un niveau de ressources inférieur au RMI. Si l’on s’inté-resse à présent aux caractéristiques familiales, les surendettés sont une majorité àêtre célibataires, divorcés ou veufs (64%), ou à avoir au moins une personne àcharge (53%). La probabilité d’être surendetté augmente d’ailleurs avec la présenced’enfants. Cela peut sans doute s’expliquer par le fait que les ménages ayant desenfants ont une proportion particulièrement élevée de dépenses qui ne peuvent êtreréduites (Rebière, 2006) et qu’une naissance est souvent accompagnée par la réduc-tion du temps de travail de l’un des parents, voire son arrêt complet (Berthoud,Kempson, 1992). Au niveau européen, on note également que les ménages de moinsde 30 ans ont une probabilité plus forte d’être surendettés et ce principalement auregard du crédit à la consommation (Kempson et al., 200419). Ce n’est dès lors pasune surprise de constater au niveau français (Rebière, 2006) ou européen (Kempsonet al., 2004) que les familles monoparentales sont plus exposées au risque de sur-endettement dans la mesure où, à côté des problèmes spécifiques à ce type deménage, ils cumulent souvent les difficultés : ils sont jeunes, ont des enfants et ontsouvent connu une chute des ressources à la suite d’une rupture relationnelle.

Comparée à la population qui n’a pas accès au crédit, celle qui rencontre des dif-ficultés d’usage semble donc se différencier légèrement par un niveau de res-sources moyen plus élevé, ou au moins couvrant un spectre plus large. Cette diffé-rence s’explique sans doute par le fait que, pour rencontrer des difficultés d’usage,il faut au préalable avoir eu accès au crédit. Néanmoins, les recoupements entre cesdeux populations interrogent la rationalité des modalités d’octroi et de suivi misesen œuvre par les établissements financiers. D’ailleurs, la population confrontée au

17. Au 1er juillet 2007, le montant mensuel du Smic à temps complet (151,67 heures) est de 1 280,07 euros brut etde 1 005,27 euros net.18. Au 1er janvier 2007, le montant du RMI pour une personne seule sans enfants était de 440,86 euros, de661,29 euros pour un couple ou une personne seule avec un enfant, de 793,55 euros pour un couple avec un enfantou une personnes seule avec deux enfants, et de 925,81 euros pour un couple avec deux enfants (il faut ensuiteajouter 176,34 euros par enfant supplémentaire).19. Il est à noter qu’un phénomène nouveau émerge : le surendettement de ménages plus âgés, qui souscrivent descrédits pour aider leurs enfants à s’installer.

Page 49: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

malendettement et au surendettement reste marquée par la précarité et les ruptures.En témoigne le fait que 73% des dossiers de surendettement déposés font suite àun licenciement, une séparation ou un problème de santé (Banque de France,2005). Ces ruptures, souvent qualifiées d’«accidents de la vie», mettent à mal lesrelations financières établies et se révèlent un facteur essentiel dans le développe-ment du surendettement. Ce n’est cependant pas le seul.

Caractéristiques et limites de la relation de crédit

L’identification des causes des difficultés d’usage est un enjeu central en vu dedéfinir un «droit au crédit ». La proportion élevée de ruptures précédant le dépôtd’un dossier de surendettement conduit la Banque de France à distinguer entre«surendettement passif », pour lequel elles interviennent, et «surendettement actif »,dont elles sont absentes. Cette distinction a le mérite principal d’avoir permis dedépasser les lectures simplistes qui faisaient du surendettement le simple résultatd’une accumulation excessive de crédits par des consommateurs irresponsables.

Toutefois, en dépit de cet apport, cette distinction peut également se révéler unhandicap si elle est considérée de manière un peu trop mécanique. Tout d’abord, lerecours à l’expression «accident de la vie20 » donne à penser que les difficultés ren-contrées sont le fruit du hasard ou du destin. Elles sont pourtant le résultat autantdes caractéristiques individuelles que de l’organisation du marché du travail, de laprotection sociale et de l’évolution des modes de vie, et ne peuvent donc pas êtredésocialisées. Ensuite, après un divorce par exemple, une personne pourra conti-nuer à souscrire à d’autres crédits pour faire face à ses nouveaux besoins, et ainsiaggraver son endettement qui deviendra rapidement surendettement21. La causeprincipale est bien alors le divorce et ses conséquences économiques, mais lessouscriptions supplémentaires de crédit ne doivent pas être ignorées. Enfin, pour lesurendettement actif cette fois, ce n’est pas parce qu’aucun évènement n’est iden-tifié comme déséquilibrant brutalement le budget que la situation initiale était finan-cièrement supportable. La faiblesse des ressources au regard des besoins peut àelle seule expliquer le développement du surendettement. Les causes exactes d’unesituation de surendettement sont ainsi à rechercher aussi bien du côté de l’em-prunteur que du ou des prêteurs lorsque l’on considère le cas particulier, mais ellessont également à envisager comme le résultat d’un phénomène social. La notiond’«accident de la vie» et la distinction actif/passif ne sont donc que des élémentsd’une grille de lecture qu’il faut se garder de naturaliser.

Les Travaux de l’Observatoire4812007-2008

20. Expression qui fait son apparition à la fin des années 1980 au moment des débats sur la loi Neiertz instituant laprocédure de surendettement.21. Nous pourrions également prendre l’exemple d’un durcissement des conditions d’accès et d’usage fixées par lesbanques suite à cette rupture, qui participe à l’aggravation de la situation.

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 50: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire4822007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Le surendettement, et avec lui l’ensemble des manifestations des difficultésd’usage, résulte de l’articulation de trois principaux éléments socialisés : la situationde l’emprunteur, ses compétences financières et les caractéristiques de l’offre decrédit.

Compétences budgétaires et financièresSouvent, c’est le manque de compétences des personnes qui attire l’attention.

En effet, comment expliquer autrement l’empilement fréquent des différents créditsqui composent la dette des personnes surendettées? C’est notamment le cas descrédits revolving, qui sont en moyenne de six par dossier. L’hypothèse sous-jacenteest que, si les consommateurs étaient plus compétents en matière budgétaire etfinancière, ils ne solliciteraient pas autant de crédits et éviteraient autant que pos-sible le surendettement. Bien que de bon sens, cette lecture simplifie à l’extrême lesmécanismes à l’œuvre.

Tout d’abord, il n’est pas inutile de préciser que les personnes appartenant à desménages à faibles ressources n’ont pas un niveau de compétences budgétairesplus faible que l’ensemble de la population. Ces personnes sont tout aussi efficacespour « joindre les deux bouts», comme le montre une étude menée auprès de lapopulation britannique (Atkinson et al., 2006) dont les conclusions peuvent raison-nablement être appliquées à la situation française. En revanche, là où des carencessont observées, c’est effectivement en matière de connaissances financières. Elless’expliquent par une moindre utilisation de ces produits : les personnes au niveau deressources élevé mais ayant peu recours à ces services connaissent ainsi, ellesaussi, ce type de carences. Étant moins à l’aise avec les caractéristiques des pro-duits financiers, ces personnes peuvent faire des choix susceptibles de leur nuire.Ainsi, ce jeune couple a recouru, il y a dix ans de cela, à un crédit revolving pourfinancer l’achat d’un véhicule d’occasion de 1500 euros. Ayant des revenus limités,ils avaient pour habitude de retirer la part de capital des mensualités qu’ils versaient.Depuis dix ans, leur ligne de crédit est donc à zéro, dans la mesure où ils ne rem-boursent chaque mois que les intérêts. Leur montant cumulé dépasse aujourd’huile prix de la voiture, qui ne fonctionne plus. C’est à l’occasion de la souscription d’unmicrocrédit social dans le but de remplacer leur véhicule que le banquier qui étudiaitleur dossier leur fait prendre conscience du coût de leur utilisation inappropriée dece type de crédit (Gloukoviezoff, Lazarus, 2007). Bien qu’ils n’aient pas connu d’im-payés, la charge du remboursement et la permanence de leur dette sont des consé-quences des difficultés d’usage qu’ils connaissent.

Cet exemple souligne que le manque de compétences financières ne s’appa-rente pas à un simple manque de savoirs bancaires de base, comme ce qu’est uncrédit revolving ou les bases de son fonctionnement. Bien sûr, calculer son coût réelreste quelque chose de délicat, mais ce qui pose véritablement problème c’est deparvenir à faire le lien entre un besoin à financer, la situation actuelle et future pro-bable des personnes, et les caractéristiques des différents produits accessibles.Plus la situation d’une personne est marquée par la précarité, plus la recherched’une réponse adéquate à son besoin s’avère délicate.

Page 51: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Des situations complexes aux effets multiplesLes situations au sein desquelles évoluent les emprunteurs exercent une

influence sur leur prise de décision d’au moins deux manières.La première réside dans la complexité des différents types de crédits et de leur

intégration à la gestion budgétaire future des personnes. La souscription à de telsproduits suppose la capacité de se projeter dans l’avenir et de réaliser des simula-tions budgétaires qui intègrent les différentes possibilités et mettent en lumière lescoûts et avantages de tel ou tel crédit. Aujourd’hui, la complexité des choix à fairen’est pas reconnue à sa juste mesure. Sans doute parce que les crédits de trésoreriedepuis le découvert jusqu’au crédit revolving sont d’usage courant, ils apparaissentcomme des produits relativement simples en dépit des risques liés à un accès inap-proprié. C’est sans doute pour cela qu’il n’existe pas d’obligation légale de conseilen matière de crédit à la consommation, mais simplement d’information22.

Il est à ce titre intéressant de noter que les risques similaires attachés au recoursinadapté aux produits d’investissement font l’objet d’un traitement différencié. Pources produits, la nécessité voire l’obligation de conseil est prise en compte demanière beaucoup plus ferme par le cadre légal. Alors que le rapport Delmas-Marsalet (2005) soulignait la nécessité pour le prestataire de s’assurer des connais-sances de son client, de sa situation et du caractère approprié du produit d’inves-tissement (assurance-vie, OPCVM, etc.) auquel il pourrait souscrire, la directiveeuropéenne concernant les marchés d’instrument financier (MIF23) a inscrit ces prin-cipes dans la loi. Si les ménages aux ressources et à l’expérience suffisantes pourinvestir dans de tels produits demandent à être conseillés et donc protégés, pour-quoi ceux confrontés à des situations complexes et pensant pouvoir trouver unesolution par le recours au crédit ne le seraient-ils pas tout autant?

Parallèlement à la complexité des produits eux-mêmes, la situation des per-sonnes exerce également une influence sur leur prise de décision d’une secondemanière. Confrontées à des situations d’urgence dues à la faiblesse structurelle desressources ou à leur discontinuité et à l’obligation de trouver une solution à leursbesoins financiers (parfois pour satisfaire des besoins aussi élémentaires que s’ali-menter), ou bien ébranlées personnellement par un évènement comme un licencie-ment, un divorce, le décès d’un conjoint ou un problème de santé, ces personnesvoient la mise en œuvre de leurs compétences souvent, et parfois gravement,affectée. Dans ces cas-là, les conseils d’un tiers compétent et en qui ces personnesont confiance sont un facteur essentiel pour permettre la prise de décision la plusappropriée possible.

Les Travaux de l’Observatoire4832007-2008

22. Les prestataires doivent remettre les documents contractuels à leurs clients, lesquels documents doiventcomporter un certain nombre d’éléments légalement définis. Tout au plus, selon les articles 1135 et 1147 du Codecivil, le défaut de conseil peut-il être en partie pris en compte à l’encontre des prêteurs, mais sans pouvoir êtreapparenté à une véritable obligation de conseil. Au niveau européen, la directive crédit récemment adoptéecomprenait dans sa version initiale du 11 septembre 2002 une prise en compte substantielle de cette obligation quin’apparaissait absolument plus dans la version finale (directive du Parlement européen et du Conseil relative auxcontrats de crédit aux consommateurs modifiant la directive 93/13/CE du Conseil, du 7 octobre 2005).23. 2004/39/CE.

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 52: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Il est dès lors délicat de considérer isolément les compétences financières despersonnes et la situation dans laquelle elles doivent les exercer pour prendre desdécisions. En témoigne le fait que les banquiers, c’est-à-dire des professionnels desproduits de crédit, sont également concernés par le surendettement ou d’autres dif-ficultés d’usage. Les décisions prises en matière de crédit sont donc le fruit de cesdeux éléments. Cette analyse souligne que l’intervention d’un tiers disposant d’unminimum d’expertise24 afin d’apporter des conseils personnalisés est indispen-sable25. Bien sûr, l’efficacité d’un tel conseil est alors dépendante de la participationdes personnes elles-mêmes, mais cette limite n’en annule pas pour autant la néces-sité. Implicitement, l’identification de cette carence en termes d’expertise extérieureinvite à considérer, aux côtés des deux éléments précédents, un troisième: les pos-sibilités offertes à ces personnes par les prestataires.

Les caractéristiques de l’offreLes caractéristiques de l’offre jouent en effet un rôle déterminant dans le carac-

tère plus ou moins approprié de la réponse apportée à un besoin de financement.Se pose alors la question de l’adéquation initiale entre les besoins de ces personneset les produits accessibles, puis celle de l’adaptation de ces produits aux éven-tuelles ruptures. Parmi les éléments qui s’avèrent être particulièrement influents surl’adéquation du crédit à la situation des personnes, se trouve l’adéquation entre lemontant du crédit accordé et celui du besoin à financer. La possibilité d’emprunterde petits montants est particulièrement importante pour les ménages aux faibles res-sources (Collard, Kempson, 2005). Aujourd’hui, il est pourtant quasiment impossibled’obtenir un prêt personnel de 500 euros. En deçà de 1500 euros, seuls les décou-verts bancaires et les crédits revolving sont accessibles.

En matière de découvert bancaire, si l’on considère la population des alloca-taires de minima sociaux pour lesquels des données sont disponibles, il apparaîtque ceux disposant d’un compte de dépôt (92% d’entre eux) y ont moins souventaccès que le reste de la population (43% contre 65%) et, lorsqu’ils y ont accès, c’estgénéralement pour un montant plus faible (57% ont un montant maximal autoriséinférieur à 300 euros contre 40% de l’ensemble de la population). Ils l’utilisent enrevanche plus que le reste de la population puisqu’ils sont 33% à déclarer y recourirsouvent contre 17% pour l’ensemble de la population. Cette utilisation plus fré-quente ne se fait cependant pas au-delà des limites autorisées puisque, à l’instar dureste de la population, ils sont 67% à rester dans ce cadre (Daniel, Simon, 2001).

En matière de crédit revolving, la principale difficulté tient au fait qu’une fois lebesoin initial financé, il reste de l’argent disponible. En effet, si le besoin à financeret donc la somme effectivement empruntée sont bien de 500 euros, le montant total

Les Travaux de l’Observatoire4842007-2008

24. À moins que nous en précisions le statut, nous entendons par là toute personne disposant de l’expertisetechnique, des compétences relationnelles et des conditions de travail lui permettant de fournir ces conseils. Il s’agiten quelque sorte d’une figure idéale.25. La relation qui s’établit à l’occasion d’un crédit peut ainsi être considérée comme une relation de service. Pourune application plus détaillée de ce concept à la relation bancaire, voir notamment Gloukoviezoff (2005).

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 53: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

disponible sera, lui, de 1000 et plus probablement de 1500 euros. Compte tenu descontraintes budgétaires auxquels font face ces personnes, il est particulièrement dif-ficile, même en ayant conscience des risques pris, de ne pas y recourir en cas detensions accrues, comme l’ont montré l’exemple de l’achat de véhicule précédent etl’étude de l’Onpes sur l’exclusion bancaire (Gloukoviezoff, 2004).

Outre le problème lié au montant prêté qui concerne plus spécifiquement lecrédit revolving, ces deux types de crédits se révèlent également beaucoup pluscoûteux que d’autres, comme le prêt personnel notamment. Ainsi fin 2003, pour unmontant inférieur ou égal à 1524 euros, leur taux effectif global moyen était de16,11% et de 12,39% pour un montant supérieur, alors qu’il était respectivement de11,43% et de 7,20% pour un prêt personnel (Babeau, 2006). L’offre disponible pourfinancer des besoins de petits montants, caractéristiques des ménages aux faiblesressources, se révèle donc plus coûteuse et aux caractéristiques moins appro-priées. Mais ces limites se manifestent également lorsque des ruptures surviennent.

Là encore, il faut pointer les risques liés aux crédits revolving associés aux cartesprivatives. Nombre de personnes disposent de plusieurs de ces crédits sans yrecourir. Toutefois, suite à une perte d’emploi par exemple, alors que de nouveauxprêts se révéleront inaccessibles, il sera toujours possible de puiser dans les diffé-rentes lignes de crédit précédemment accordées et ainsi accroître le risque de sur-endettement. Si la responsabilité de l’emprunteur est une réalité, elle ne peut êtredéconnectée du contexte dans lequel il évolue, de l’absence réelle ou supposée deréponses adaptées, et surtout de la responsabilité du prêteur qui lui a accordé cesproduits aux caractéristiques spécifiques26.

De même, la responsabilité dans l’aggravation d’une situation est à partagerentre emprunteur et prêteur. Si le premier prend des décisions inappropriées, ellesdécoulent pour partie de celles des prêteurs en cas d’incident de remboursement.En effet, alors que face à un changement de situation ou à une discontinuité des res-sources il serait nécessaire de rechercher une solution négociée et personnalisée,ce sont davantage les procédures automatisées de traitement des incidents quis’appliquent, entraînant fréquemment l’accumulation des frais bancaires. Ce corsettechnique ne favorise pas le dialogue. Il limite les possibilités d’action du salarié del’établissement financier lorsque celui-ci en a, et il incite le client à trouver des solu-tions de court terme pour éviter ces frais comme ne pas payer ses factures d’eau oud’électricité pour honorer ses mensualités de crédit.

Dès lors, si l’on essaye de résumer les causes des difficultés d’usage qui condui-sent au malendettement ou au surendettement, on trouve que le cœur du problèmese situe dans la possibilité d’accéder à un produit qui corresponde aux besoins spé-cifiques des personnes ayant de faibles ressources et qui peut s’adapter – et nondégrader la situation – en cas de ruptures. Le défi est alors double, puisqu’ilconvient d’agir sur les caractéristiques du crédit lui-même (son montant global, celui

Les Travaux de l’Observatoire4852007-2008

26. Un premier pas prudent à été fait dans cette direction par la loi Chatel du 28 janvier 2005, qui indique que lareconduction d’un crédit revolving devra être confirmée par l’emprunteur si la réserve et les moyens de paiementassortis ne sont pas utilisés durant trois ans consécutifs.

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 54: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

de ses mensualités, son coût, etc.), mais également sur l’évaluation du risque audébut de la relation et sur les modalités de suivi au cours du remboursement. Laquestion d’un «droit au crédit » ne peut donc être posée de manière pertinente sansêtre reformulée : c’est celle d’un «droit au crédit approprié» dont il s’agit. Cette refor-mulation a pour but de souligner que le produit «crédit » ne peut être déconnectédes caractéristiques de la prestation dans son ensemble. Un «droit au crédit » n’au-rait de sens que dans la mesure où il permettrait un accès aussi large que possible,tout en limitant dans le même temps les difficultés d’usage et leurs conséquences.Pour cela, il importe de parvenir à prendre en compte les différentes contraintes quipèsent sur les emprunteurs. Toutefois, dans la mesure où il s’agit d’une relationentre emprunteur et prêteur, il est également indispensable de considérer cellesrelatives aux prêteurs pour pouvoir penser un «droit » qui soit effectif.

Contraintes des établissements de crédit

Les principaux fournisseurs de crédits de trésorerie en France sont les banques dedétail27 et les établissements de crédit spécialisés. Un élément qu’il n’est pas inutile derappeler est qu’aucun d’entre eux n’est un service public ou n’assure de mission deservice public en matière de crédit. Tous, sans exception, ont pour finalité de réaliserdes profits. L’importance qui lui est donnée peut varier, cependant tous classent cettefinalité comme première dans la hiérarchie de leurs objectifs. Ce sont les stratégiespour les atteindre qui peuvent différer significativement. Si nous insistons autant sur laplace de la rentabilité, c’est que pour une partie de la population la banque n’estperçue comme un commerce que de manière très diffuse. Il y a des raisons légitimesà cela, comme les modalités qui ont conduit à la bancarisation des Français (quasi-gratuité des produits, forte implication de l’État, etc.) ou le caractère socialementincontournable de ces services lié à la financiarisation; toutefois, il est indispensabled’avoir en tête cette finalité pour comprendre leurs pratiques (Gloukoviezoff, 2005).

Aux côtés de la recherche de la rentabilité qui est la première contrainte com-mune aux établissements de crédit, une seconde tient aux modalités de régulationexistantes en matière de crédit de trésorerie. Ce droit du crédit encadre leurs pra-tiques, en leur imposant un certain nombre de règles qui ont pour but autant la pro-tection du consommateur que celle du secteur bancaire dans son ensemble28. Dèslors, les pratiques de ces établissements ne peuvent être comprises que dans lecadre de la problématique suivante : comment distribuer des crédits de la manièrela plus rentable possible en tenant compte du cadre réglementaire? Le défi est alors

Les Travaux de l’Observatoire4862007-2008

27. La Banque postale a récemment reçu le « feu vert » de Bercy pour distribuer des crédits à la consommation à partirde 2009.28. Les éléments de régulation de l’activité de crédit sont particulièrement nombreux. Il peut s’agir aussi bien del’obligation de fonds propres pour prévenir le risque systémique que des règles issues de la loi Scrivener de 1978(notamment délai d’acceptation de l’offre de crédit, puis de rétractation), les obligations de fichage en casd’incidents, la fixation d’un taux de l’usure, etc. Cet ensemble forme le cadre réglementaire destiné notamment àprotéger le consommateur.

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 55: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

de parvenir à évaluer les risques pris aussi précisément que possible et ce àmoindre coût. Autrement dit, la réduction du risque qui est au cœur de l’activité decrédit se fait sous la double contrainte de la rentabilité et du respect de la régle-mentation.

Comment répondre à la contrainte de rentabilité?La réponse apportée par les établissements financiers a été l’automatisation et

la standardisation des méthodes d’octroi et de suivi des prêts, et plus généralementde l’ensemble des produits bancaires. À partir du milieu des années 1980, les outilsque sont les grilles de scoring et de gestion de la relation client se sont progressi-vement intégrés dans leurs manières de faire grâce aux progrès de l’informatique.Ils ont rendu possibles la constitution et l’exploitation des bases de données dontdisposent les établissements (historiques des différents prêts, de leur probabilité dedéfaut, caractéristiques des clients, de leurs habitudes de consommation, etc.).Alors que, jusqu’au milieu des années 1980, c’est principalement la connaissancesubjective, l’expertise du banquier en contact direct avec la clientèle qui prévalaientdans la prise de décision d’accorder ou non un prêt, c’est à présent l’évaluationréalisée par ces outils d’analyse qui s’impose (Grafmeyer, 1992 ; Courpasson, 1995 ;Cusin, 2005 ; Gloukoviezoff, 2005).

L’automatisation de la relation de crédit est généralement jugée comme particu-lièrement efficace (Pastré, 2006) puisqu’elle permet de réduire le coût d’octroi d’unprêt (encadré 2) et d’améliorer la fiabilité statistique de l’évaluation. Sur l’ensembledes prêts accordés, les établissements peuvent prévoir avec précision le taux dedéfaut qu’ils connaîtront à terme. Il apparaît ainsi que 90% des prêts à la consom-mation sont remboursés sans difficultés, 8% rencontrent au moins un incident maistrouvent une solution en moins de 60 jours, et seuls 2% posent vraiment problème(Crosemarie, 2007). Ce dernier pourcentage est une moyenne, il peut aller jusqu’à3,5% pour les établissements ayant une politique de prêt plus risquée.

Les Travaux de l’Observatoire4872007-2008

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 56: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire4882007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Toutefois, bien que le système français soit présenté un des plus efficaces aumonde (Bourdin, 2006 ; Pastré, 2006), les modalités d’octroi des crédits de tréso-rerie présentent une double limite : l’existence d’un niveau d’accès particulièrementfaible comparé aux autres pays européens s’expliquant en partie par la sélectionpratiquée par les établissements (Babeau, 2006 ; Bourdin, 2006) et, dans le mêmetemps, un niveau de surendettement élevé, y compris en comparaison de ce qu’ilest au sein des autres pays européens (Rebière, 2006).

Face à ce constat, les voies de réponse esquissées ciblent généralement laseconde contrainte qui pèse sur l’activité des établissements : celle de nature régle-mentaire (Babeau, 2006 ; Bourdin, 2006 ; Pastré, 2006). C’est ainsi l’absence defichier positif ou l’existence d’un taux de l’usure jugé inadapté qui sont le plus sou-vent mis en avant (encadré 3).

Quels sont les effets d’un fichier positif?Aujourd’hui, il n’existe pas de fichier positif en France, mais seulement des

fichiers négatifs, qui recensent les incidents relatifs aux moyens de paiement scrip-turaux comme le fichier central des chèques (FCC) et le FICP. L’intérêt supposé del’introduction d’un fichier positif est que les prêteurs auraient accès à une informa-tion plus complète et de meilleure qualité que celle uniquement déclarative quant àla situation réelle d’endettement de leurs clients potentiels. Autrement dit, en

Encadré 2

Coût d’un prêt et effets de l’automatisation

Le coût d’un prêt, c’est-à-dire le taux d’intérêt facturé, s’explique par :

– Le coût d’acquisition d’un nouveau client ;– Le coût de la ressource pour le prêteur (l’argent qui est prêté). Ce coût est plus élevé pour lesétablissements de crédit spécialisés, qui ne disposent pas des ressources des déposantscontrairement aux banques de détail ;– Le coût de gestion du prêt. Ce coût ne varie quasiment pas selon le montant du prêt ;– Le coût des impayés, c’est-à-dire le coût lié aux risques ;– L’objectif de rentabilité de l’établissement.

L’introduction des systèmes automatisés permet de réduire directement le coût de gestion du prêtet le coût des impayés en supposant moins de main-d’œuvre pour réaliser les différentesopérations. Cofinoga estime le montant moyen des coûts de gestion à 80 euros par prêt (Bourdin,2006).

Ils réduisent également indirectement le coût de la ressource car grâce au contrôle précis du niveaude risque pris par l’établissement, ils permettent d’acheter la ressource (l’argent) à un prix moinsélevé. En effet, à l’instar des emprunteurs, lorsqu’un prêteur veut acheter de l’argent pour le prêter,son niveau de risque, c’est-à-dire le risque moyen des prêts qu’il octroie, est pris en compte parles vendeurs : plus l’établissement à une politique de prêt risquée, plus il paiera cher l’argent qu’ilachète.

Page 57: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

augmentant la quantité et, en théorie, la qualité de l’information disponible29, cefichier permettrait d’améliorer l’efficacité des grilles de scoring. Ce fichier serait doncd’autant plus utile que le prêteur méconnaît l’emprunteur potentiel et que celui-ci estsupposé pouvoir lui cacher des informations. Les banques de détail ayant la gestiondu compte de leur client, elles ont moins besoin de ce type d’outils que les établis-sements de crédit spécialisés ou les nouveaux entrants sur le marché du crédit.

Encadré 3

Diversité des fichiers positifs

Des réalités très variées sont désignées par le terme « fichier positif ». À la suite de la typologie de laCnil, trois catégories de fichiers positifs peuvent être identifiées30.

La première correspond aux credit bureaus anglo-saxons. Il s’agit d’entreprises qui collectent desinformations sur l’endettement des personnes, leurs difficultés de remboursement de crédit et decharges courantes, ainsi que sur leur situation personnelle et professionnelle. À partir de ceséléments, elles établissent une note correspondant à une estimation du niveau de risque d’unepersonne : son score de risque. Cette note est achetée par les établissements financiers ou tout autreprofessionnel qui est reconnu comme ayant légitimement le droit d’accéder à ces informations(opérateur de téléphonie mobile, gestionnaire de logements, etc.).

La deuxième catégorie correspond aux centrales de risque comme la Schufa en Allemagne. Leuractivité est relativement proche de celle des credit bureaus, si ce n’est leur caractère plus centraliséet l’étendue légèrement plus faible des informations prises en compte. En effet, seuls sont considérésles éléments relatifs à l’endettement et aux défauts de paiement de toute nature et non ceux relatifsaux revenus ou à la situation professionnelle ou personnelle. Ces centrales de risquecommercialisent également des scores de risque, qu’elles calculent à partir de leurs bases dedonnées.

Enfin, la troisième catégorie est celle correspondant à la centrale des crédits belge. Il s’agit d’unfichier géré publiquement, qui recense l’intégralité des encours de crédit détenus par les emprunteursainsi que les incidents de paiement qui y sont relatifs. Ce fichier doit être consulté obligatoirementpar tout prêteur avant l’octroi d’un crédit, mais l’information n’est disponible qu’à un niveau individuelet aucun score de risque n’est commercialisé. En principe, cette base de données n’est donc pasexploitée comme le sont les précédentes. Seuls les établissements financiers ont la possibilité deconsulter la centrale des crédits.

En France, le débat porte principalement sur l’introduction d’un fichier positif correspondant à latroisième catégorie. La Cnil a déjà refusé à plusieurs reprises d’accorder son autorisation àl’instauration de fichiers correspondant à la première ou à la deuxième catégorie.

Les Travaux de l’Observatoire4892007-2008

29. La qualité des informations prises en compte et la pertinence des résultats obtenus est un débat essentiel qui estencore insuffisamment mené à cause de la technicité et l’opacité de ces pratiques.30. Pour une présentation plus détaillée, voir Cnil (2005) ou Crosemarie (2007).

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 58: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Si on laisse de côté les enjeux concurrentiels liés à l’introduction d’un tel fichier31

pour se concentrer sur ses effets en termes d’accès au crédit et de lutte contre lesurendettement, les résultats de l’expérience belge demandent à être considérésavec prudence.

Tout d’abord, l’introduction d’un tel fichier en 2003 s’est effectivement traduitepar une diminution du nombre de personnes ayant au moins un crédit défaillant :-1,09 % en 2004, -1,90% en 2005 et -1,53% en 2006, alors que ce taux était enhausse de 1,19% en 2002. Concernant le montant moyen des arriérés de créditsnon recouvrés, alors qu’il augmentait de 22% en 2002, il est stabilisé en 2004, enaugmentation de 0,64% en 2005 et en baisse de 0,37% en 2006 (BNB, 2007).

Toutefois, outre leur ampleur limitée, ces résultats positifs doivent être pondéréspour deux raisons. La première est que ce sont les résultats obtenus en matière deprêts personnels qui expliquent 87,3% des diminutions constatées. Les défaillancesde crédits revolving ont continué de croître sur cette période. De même, les effets enmatière de surendettement s’avèrent limités. Le nombre de personnes surendettéesa ainsi augmenté chaque année: de 9878 dossiers en cours en 2000 à 57328 en2006. Néanmoins, «comme ce fut le cas en 2005, on note en 2006 un ralentissementde la hausse nette32 du nombre de règlements par rapport à celles constatées aucours des années antérieures» (BNB, 2007, p. 11). L’introduction d’un fichier positifproduit donc bien des effets positifs, cependant leur ampleur est limitée et ciblée.Cela s’explique sans doute en partie par la nature des difficultés bancaires. Il s’agitmoins d’une accumulation irresponsable de crédits de la part des emprunteurs quedes effets conjugués de ruptures professionnelles et familiales, de discontinuité desrevenus et d’inadéquation entre les besoins des personnes et les produits financiersaccessibles.

La seconde raison qui incite à la prudence porte sur l’interprétation de ces résul-tats. La centrale des crédits n’est en effet qu’un élément d’un ensemble réglemen-taire destiné à lutter contre l’exclusion bancaire et qui voit notamment les établisse-ments financiers supporter le coût du traitement du surendettement, les débiteursen difficulté avoir la possibilité de recourir aux conseils de médiateurs de dettes, etc.Il est dès lors difficile d’attribuer à un de ces éléments, indépendamment des autres,les effets observés.

Aux côtés de ces limites techniques actuelles que les résultats futurs obtenus parla centrale belge des crédits ou toute autre expérience pourront potentiellement per-mettre de dépasser, ce qui conduit à être sceptique quant à l’introduction d’un tel

Les Travaux de l’Observatoire4902007-2008

31. La question de l’introduction d’un fichier positif se structure principalement autour d’un inégal accès àl’information entre les différents acteurs financiers et aux avantages concurrentiels qui en découlent au détrimentnotamment des nouveaux entrants. Ces éléments expliquent en grande partie les positions favorables ou défavorablesà son introduction prises par les uns et les autres, bien plus que les effets potentiels en matière d’accès au crédit oude lutte contre le surendettement.32. La hausse nette est la différence entre le volume de nouveaux avis d’admissibilité enregistrés au cours de l’annéeet le volume d’avis supprimés du fichier au cours de la même année. Ces suppressions résultent de l’échéance desdélais réglementaires de conservation des données.

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 59: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

fichier tient aux effets induits par l’utilisation d’une telle base de données au seind’une société financiarisée. Cette critique rejoint et prolonge celle de la Cnil, qui yvoit le risque d’une «suspicion institutionnalisée de la bonne foi du consommateuret de son sens de la responsabilité» (Cnil, 2005, p. 16). Outre la mise en cause dela bonne foi du consommateur, l’existence d’un fichier positif se traduit potentielle-ment par une dépendance accrue à la qualité des informations qui y sont contenuespour pouvoir établir nombre de relations impliquant un risque de paiement.

Si l’on s’intéresse aux effets indirects des credit bureaus aux États-Unis ou de laSchufa en Allemagne, on s’aperçoit que les personnes qui ont connu des difficultésde remboursement d’un crédit ou un impayé de charges courantes voient leur scorede risque se dégrader. Ces difficultés ne peuvent être imputées simplement à l’em-prunteur. Sont également en cause les évolutions imprévues de sa situation, la fai-blesse de ses ressources, la difficulté à évaluer les implications de tel ou tel produit,les caractéristiques inappropriées d’un crédit, le manque de conseil, etc. Alors quele processus qui mène à ces difficultés implique des causalités multiples, ces per-sonnes ne seront plus en mesure d’établir certaines relations comme s’abonner àun opérateur de téléphonie mobile, louer un logement, voire inscrire leurs enfants àl’université33. En effet, toutes ces relations présentent un risque d’impayé que lesprestataires tentent d’éviter en intégrant à leur prise de décision la notation quidécoule du fichier positif.

À côté de la suspicion, ce qui risque d’être institutionnalisé par l’introduction d’unfichier positif qui ne serait pas extrêmement encadré ce sont donc les situationsd’exclusion. En effet, une personne ayant connu des difficultés financières suite à unaccident de la vie se verrait pénalisée de manière cumulative dans de nombreuxautres domaines, favorisant l’apparition d’un cercle vicieux. Ces effets soulignent lanécessité de prendre en compte que les produits financiers sont une nécessitésociale dans une société financiarisée. L’évaluation des réponses pouvant êtreapportées aux difficultés d’accès ou d’usage ne peut être réalisée uniquement d’unpoint de vue technique. Il est indispensable d’intégrer les coûts et avantagessociaux de telle ou telle réponse.

Faire évoluer le taux de l’usureLa même problématique se présente lorsqu’on se penche sur la seconde

réponse potentielle aux difficultés d’accès au crédit : la modification du taux del’usure. Aujourd’hui, le taux effectif global ne peut excéder d’un tiers le taux moyenpratiqué pour les crédits d’une même catégorie. Cette limite est pointée du doigt(Babeau, 2006 ; Bourdin, 2006 ; Pastré, 2006), car elle s’avère pénalisante pour lespetits crédits dont les coûts fixes représentent une part importante du prix et pourles crédits s’adressant à des clients dont le niveau de risque estimé ne peut être

Les Travaux de l’Observatoire4912007-2008

33. Le coût des études supérieures aux États-Unis est tel que les universités consultent le score de risque des parentsavant d’accepter leur enfant. Ce coût suppose d’ailleurs fréquemment un endettement étudiant élevé, qui constitueun problème social dans la mesure où ces étudiants commencent leur vie active avec une dette telle que la moindrediscontinuité dans leur parcours professionnel post-études peut les faire basculer dans le surendettement.

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 60: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire4922007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

couvert dans les limites fixées par ce taux. La question qui se pose alors est celledes coûts et avantages de la suppression ou d’une modification du mode de calculconduisant à une élévation du taux de l’usure au regard de ceux causés par sonniveau actuel.

Les données manquent pour évaluer précisément les conséquences positives etnégatives liées à l’augmentation du coût du crédit pour les ménages jugés à risque.Toutefois, quelques études (notamment Byrne et al., 2005 ; Howell, 2005) montrentque, dans les pays sans taux de l’usure, le coût particulièrement élevé de ces cré-dits rend leur usage improductif : au mieux, ils ne permettent pas aux personnesd’améliorer leur situation ; au pis, ils participent à sa dégradation. Ces résultats sontcohérents avec les travaux de Ellis (1998), qui démontrent statistiquement la corré-lation étroite entre la suppression de fait du taux de l’usure aux États-Unis en 1978et le développement du surendettement, résultats confirmés par l’analyse de lasituation canadienne. Cette corrélation entre niveau du taux d’intérêt et taux de sur-endettement n’est pas surprenante. Comme nous l’avons expliqué, une partie dutaux d’intérêt est destinée à couvrir le coût du risque pris par l’établissement sur l’en-semble des prêts qu’il accorde. La hausse permise par une suppression ou unemodification du taux de l’usure autorise les prêteurs à prendre davantage de risquessans remettre en cause la rentabilité de leur activité voire en l’accroissant. Dès lors,cette hausse se traduit mécaniquement par un accès plus large au crédit, dans lamesure où des emprunteurs au niveau de risque plus élevé peuvent être servis,mais également par un niveau de surendettement plus élevé. En apparence, lestermes du débat sont les suivants : dans quel cas le rapport coûts/avantages éco-nomiques et sociaux est-il le plus favorable?

Toutefois, là encore, certains éléments incitent à la prudence. D’une part, est-ceque cette hausse du prix ne pourrait pas accompagner une amélioration des carac-téristiques de la prestation de manière à réduire la probabilité de défaillance duclient? D’autre part, il n’est pas certain que l’augmentation du coût des créditsoctroyés à ces clients jugés à risque sera proportionnelle à ce niveau de risque.Toujours aux États-Unis, il apparaît que, en matière de crédits, les ménages auxrevenus les plus faibles dégagent une rentabilité supérieure à celle des ménages lesplus riches, au point de subventionner les conditions tarifaires proposées à ces der-niers (Ramsay, 2003). Indirectement, on observe un mécanisme proche en Franceentre le crédit immobilier intrinsèquement très peu rentable pour les établissementsprêteurs et accessible principalement à une clientèle aisée, et le crédit à la consom-mation plus largement diffusé et dégageant des marges significatives. Ainsi, «sur lecrédit à la consommation, les retours sur fonds propres atteignent des niveaux quivarient selon que les établissements disposent ou non de dépôts mais qui […] s’é-tagent entre 18 et 40% selon les établissements. Ces marges élevées conduisent àpratiquer des taux qui peuvent avoir pour effet de limiter le développement du crédità la consommation. Par ailleurs, elles peuvent exclure une partie importante de lapopulation» (Bourdin, 2006, p. 93). Plus que le coût du risque, ce qui pose problèmeselon Bourdin tient donc davantage au niveau de rentabilité attendu. De plus, enraison de ces politiques tarifaires différenciées, il ajoute à propos de l’argument

Page 61: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire4932007-2008

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

faisant d’une évolution du taux de l’usure la réponse aux difficultés d’accès que«sans être dénué de toute justification, il semble ne pas pouvoir s’appliquer sansnuances. Surtout, il s’inscrit dans le contexte d’un fonctionnement du crédit carac-térisé par une série de subventions croisées, qui en réduit l’efficacité» (Bourdin,2006, p. 143), subventions croisées allant dans le cas précis des moins aisés versceux qui le sont davantage.

Sans hypothéquer totalement ces réponses, il apparaît que ni le fichier positif niles évolutions à apporter au taux de l’usure ne permettent, sous leur forme actuelle,de dépasser simultanément les difficultés d’accès et d’usage existant en matière decrédit de trésorerie, élément indispensable au développement d’un «droit au créditapproprié». Si elles n’y parviennent ni l’une ni l’autre, c’est parce qu’elles ont encommun de ne pas remettre en question le cœur même de la relation de crédit : lesmodalités d’évaluation du risque et de suivi de la relation.

Quels seraient les éléments clefs d’un «droit au créditapproprié»?

Si les pratiques des prêteurs, bien qu’imparfaites, semblent relativement perfor-mantes lorsque les emprunteurs ont des situations stables et disposent de ressourcessuffisamment élevées, elles peinent à satisfaire les besoins de ceux connaissant desruptures de parcours ou un niveau de ressources durablement faible. C’est que lerecours croissant aux outils informatisés dans le cadre de la relation de crédit pour satis-faire la contrainte de rentabilité en a modifié plusieurs aspects de manière pénalisante.

Les lacunes des outils informatisés d’aide à la décisionEn donnant une importance croissante dans la prise de décision à l’analyse des

bases de données, le rôle de l’expertise du salarié en contact avec la clientèle s’esttrouvé réduit. Il est même inexistant ou presque pour les établissements de crédit spé-cialisés. L’absence de cette expertise du professionnel pose problème, notammentcar les bases de données ne sont utiles que lorsque l’emprunteur potentiel cor-respond à un profil connu. Autrement dit, les emprunteurs aux profils atypiques nepeuvent obtenir de prêts pour la seule raison que l’analyse de la base de données nepermet pas de déterminer leur niveau de risque. Les évolutions de la société sont éga-lement difficilement prises en compte. Ainsi, le fait que ces grilles d’analyse donnentun poids prépondérant à la stabilité, qu’elle soit personnelle ou professionnelle,conduit à interdire durablement l’accès au crédit à une population qui en représentepourtant une proportion croissante: celle confrontée à la précarité et aux ruptures(Dufoix, 2007).

C’est également la nature de la relation d’expertise subsistant à côté de l’analyseinformatisée, qui a été modifiée. L’influence de la pression commerciale qui pèse surles salariés34, associée à leur dépendance croissante à ces outils, rend plus délicat

34. Leur évaluation, leur rémunération et leur évolution professionnelle dépendent de leur capacité à atteindre lesobjectifs de vente qui leur sont fixés.

Page 62: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

l’établissement d’une relation personnalisée. Absentes des établissements de créditspécialisés, les relations interpersonnelles subsistent encore au sein des banquesde détail, cependant elles se développent principalement en direction de la clientèlejugée à potentiel commercial. Dès lors, les clients ayant de faibles ressources etceux confrontés à une rupture sont souvent sans connaissance particulière de leurconseiller et inversement35. En l’absence de relation de confiance, l’indispensablecollaboration permettant de trouver une réponse à leurs besoins spécifiques n’auraque rarement l’occasion de se développer. Le plus fréquent est que les systèmesautomatisés de facturation en cas d’incident s’enclenchent, entraînant un alourdis-sement de la dette du client et rendant plus hypothétique encore l’instauration d’undialogue.

De part et d’autre, les comportements adoptés se révèlent souvent inappropriésmais ils s’expliquent en grande partie par la structuration de la relation de crédit éta-blie. Il en résulte que moins une relation personnalisée a pu se développer, moins unbesoin apparemment risqué (besoin de liquidité d’une personne à faibles ressourcesou suite à un accident de la vie) sera satisfait de manière adéquate (renégociationd’un crédit en cours, octroi d’un nouveau prêt, etc.). C’est donc ce défaut de per-sonnalisation qui demande à être pris en compte afin de proposer un accès appro-prié au crédit pour les personnes aux profils jugés risqués par les outils de scoring.

Des expérimentations aux caractéristiques prochesLes carences de la relation de crédit, et plus largement de la relation bancaire,

pour répondre aux besoins financiers de clients jugés insuffisamment intéressantscommercialement ou trop risqués ont été prises en compte par différentes expéri-mentations proposant des microcrédits à des particuliers36.

La plus ancienne d’entre elles date de 1998 et a été à l’initiative de la Caisserégionale Nord-Est du Crédit agricole : les Points passerelle. Il s’agit de structuresréunissant deux professionnels bancaires accueillant gratuitement les personnesconfrontées à des difficultés bancaires pour faire le bilan de leur situation et recher-cher avec elles une réponse à leurs problèmes. En complément, il est possible defaire intervenir un médiateur pour qu’il négocie avec les différents créanciers éven-tuellement parties prenantes. L’intérêt d’une telle démarche est de prendre encompte la globalité de la situation et de ne pas se substituer à la personne dans larecherche de solutions.

Après dix ans d’expérience, les Points passerelle sont en cours de généralisationau sein du réseau du Crédit agricole. Il apparaît en effet que cette approche per-sonnalisée obtient des résultats particulièrement intéressants en accueillant un peuplus de 1500 personnes par an. Parmi elles, 51% ont retrouvé une situation norma-

Les Travaux de l’Observatoire4942007-2008

35. Des exceptions existent et les relations établies diffèrent selon les réseaux bancaires. Pour plus de détail, voirGloukoviezoff (2004).36. Ces expérimentations de microcrédits se différencient de celles, comme l’Adie, qui proposent des microcréditsà des fins productives, c’est-à-dire qui financent la création de micro-entreprises. Dans ce second cas, elless’adressent non à des particuliers mais à des entrepreneurs. En dépit de leur pertinence, nous ne traitons pas danscet article de ces expérimentations.

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 63: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

lisée, 14% ont connu une réussite partielle, alors que seules 2% sont en situationd’échec et que 33% n’ont pas donné suite. Ces chiffres permettent de souligner cer-tains enseignements essentiels d’une telle démarche. Le premier est qu’il n’est paspossible d’aider les personnes malgré elles. De la même manière que l’emprunteurne peut pas être tenu pour seul responsable de ses difficultés de remboursement,un dispositif de conseil ne suffit pas à lui seul à trouver des solutions. Dans lamesure où il s’agit d’une relation, il est indispensable que les différentes parties s’im-pliquent. Le fait qu’un tiers des personnes ne donnent pas suite illustre en partie quecela ne va pas toujours de soi.

Un autre enseignement important est que, parmi les personnes suivies par lesPoints passerelle, 16% seulement recourent à un crédit, que ce soit pour financer unbesoin urgent (crédit de dépannage) ou pour restructurer l’ensemble de la dette. Lediagnostic personnalisé et la renégociation des caractéristiques de l’endettement per-mettent d’assainir la situation dans la grande majorité des cas, le crédit n’intervenantque de manière marginale. En ce sens, les Points passerelle permettent de luttercontre le malendettement et de prévenir le surendettement en offrant, a posteriori, unaccès approprié au crédit à ces personnes. C’est une démarche relativement prochequi a été adoptée plus récemment par le réseau des Caisses d’épargne, qui ont misen place des structures externes de ce type appelées Parcours confiance, ou Créasol.

Si les structures précédentes interviennent principalement pour répondre aux dif-ficultés d’usage qui découlent d’un accès au crédit inapproprié, les expérimenta-tions des microcrédits sociaux développées dans le cadre du Fonds de cohésionsociale (FCS37) tentent, elles, de cibler les difficultés d’accès. Il s’agit de petits prêtsgarantis à 50% par le FCS, d’un montant allant généralement de 300 à 3000 euros,avec un taux d’intérêt proche des taux du marché et n’excédant pas, autant quepossible, 8%. Ces microcrédits sont distribués dans le cadre d’un partenariat entreétablissements de crédit, spécialisés ou non, et acteurs sociaux publics ou privés,notamment associatifs. Ces derniers réalisent l’évaluation de la situation et l’accom-pagnement une fois le prêt octroyé.

L’objectif de cette démarche partenariale est de permettre la mise en œuvred’une relation personnalisée avant et après l’octroi du prêt, de manière à éviter lesécueils liés aux outils d’analyse informatisés. Inspirés notamment par le partenariatinitial entre le Crédit mutuel Midi-Atlantique et le Secours catholique suite à la cata-strophe d’AZF38, ces microcrédits permettent de financer des besoins liés à la mobi-

Les Travaux de l’Observatoire4952007-2008

37. Le Fonds de cohésion sociale est un fonds de garantie destiné aux microcrédits sociaux et professionnels. Il a étémis en place le 18 janvier 2005 par la loi n° 2005-32 de programmation pour la cohésion sociale. Géré par la Caissedes dépôts et consignations, il est doté de 73 millions d’euros sur cinq ans.38. Le Crédit mutuel Midi-Atlantique et le Secours catholique ont établi des partenariats suite à la catastrophe d’AZFen 2001 pour venir en aide aux sinistrés qui devaient attendre longtemps pour être indemnisés. Dans un premiertemps, il s’est agi de prêts destinés aux artisans pour permettre le redémarrage d’une activité professionnelle, puiscette activité s’est étendue au financement de besoins personnels avec la signature d’une convention enoctobre 2004. Dans le cadre de ce partenariat, les personnes obtiennent un prêt de la part du Crédit mutuel et ont lapossibilité d’ouvrir un compte au sein d’une de ses agences. L’évaluation et le suivi sont réalisés par le bénévole del’association en collaboration avec le banquier en agence.

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 64: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire4962007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

lité (achat ou réparation de véhicule), la formation, le logement, la cohésion fami-liale, etc. Bien que le nombre de prêts augmente lentement (moins de 2000 prêtsréalisés depuis 2005), leur impact est d’ores et déjà une réalité. S’ils permettent par-fois une amélioration profonde de la situation en favorisant le retour à l’emploi et unemeilleure bancarisation de la personne, ils produisent le plus souvent des effetsmoins visibles mais tout aussi essentiels, comme l’amélioration de la cohésion fami-liale, des conditions de vie ou encore de l’estime de soi, préalable indispensable audéveloppement de tout projet viable (Gloukoviezoff, Lazarus, 2007). L’obtention deces résultats est permise par la collaboration entre les banques coopératives, cré-dits municipaux ou certains établissements de crédit spécialisés et les acteurssociaux : elle desserre la contrainte de rentabilité pesant sur les premiers en faisantsupporter aux seconds le coût de l’accompagnement personnalisé.

Un bref tour d’horizon européen permet de se rendre compte que cette configu-ration partenariale semble s’imposer fréquemment lorsqu’il est question d’accèsapproprié au crédit pour les particuliers. Deux exemples principaux peuvent êtreretenus. Le premier est donné par l’association Credal en Belgique. Soutenue par larégion wallonne, et ayant établi un partenariat avec la banque de la Poste, cetteassociation propose un crédit social accompagné dont les caractéristiques sont trèsproches du microcrédit social français. Toutefois, la mission première de cette asso-ciation est avant tout de trouver une solution aux difficultés financières des per-sonnes qui s’adressent à elle. À l’instar des Points passerelle, le microcrédit ne vientque dans un second temps, si aucune autre solution n’a pu être trouvée. Le secondexemple est irlandais et correspond au Money Advice and Budgeting Service(MABS). Il s’agit de structures locales et autonomes, mais fédérées au niveaunational, dont le but est de conseiller les personnes en difficultés financières. Làencore, le principe premier est d’apporter une réponse qui permette d’assainir lasituation, le crédit n’intervenant que dans un second temps. Néanmoins, quand ilapparaît comme une réponse adéquate, c’est en partenariat avec des Credit Unionsque ces crédits sont octroyés. Il s’agit d’institutions financières coopératives implan-tées localement et extrêmement populaires en Irlande. Ce partenariat permet l’accèsà un crédit d’un montant adapté et à un coût abordable, ainsi qu’à un accompa-gnement assuré par le personnel de MABS.

La personnalisation comme base d’un «droit au crédit approprié»Qu’elles aient pour finalité première de lutter contre les difficultés d’accès ou les

difficultés d’usage, ces différentes réponses ont en commun de proposer des cré-dits d’un montant adapté au besoin à financer, à un taux d’intérêt raisonnable et sur-tout octroyés dans le cadre d’une évaluation et d’un suivi personnalisés. Cela meten lumière deux enseignements essentiels. Le premier est que difficultés d’accès etd’usage sont intrinsèquement liées. Le second est que la personnalisation de la rela-tion de crédit, depuis les caractéristiques du crédit jusqu’à celles de l’expertise quil’accompagne, est un facteur clef de réussite. En effet, s’il est difficile d’avancer deschiffres relatifs au niveau d’impayé des microcrédits sociaux car le recul est encoreinsuffisant en la matière, il apparaît que les prêts solidaires des Points passerelle,

Page 65: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

dont l’ancienneté est plus grande, ont un taux de créances douteuses et litigieuseslégèrement supérieur à 3%, ce qui est inférieur au taux de certains établissementsde crédit spécialisés. Autrement dit, en s’adressant pourtant à des clients jugés troprisqués par les établissements de crédit, il est possible d’atteindre un niveau dedéfaillance dans la norme grâce à l’accompagnement et à la prise en compte glo-bale de la situation, des difficultés et des besoins39.

Cela souligne que l’accompagnement, lorsqu’il est de qualité, permet de réduirela probabilité de défaillance de ces emprunteurs là où les outils informatisés per-mettent seulement de la mesurer : si ces personnes avaient eu recours à un créditrevolving aux conditions normales, il est probable qu’elles auraient connu un tauxde défaillance supérieur. Le niveau de risque d’un emprunteur potentiel est doncrelatif aux caractéristiques de la prestation proposée par le prêteur (Gloukoviezoff,2006). En dépit de ces résultats, il ne s’agit pas de faire de l’accompagnement unesolution miracle. C’est également une méthode faillible dans la mesure où ellerepose sur la compétence de l’expert, la participation du client et l’établissementd’une relation de confiance. Il ne s’agit pas non plus de prôner l’abandon des outilsinformatisés d’analyse. Ces outils et l’expertise sont à articuler, selon des dosagesvariant en fonction des profils et des besoins des clients.

Toutefois, ces précisions faites, un constat s’impose: si la majorité de la popula-tion peut aujourd’hui avoir accès au crédit de manière adéquate via les prestationslargement automatisées, ce n’est pas le cas de ceux ayant un profil atypique, de fai-bles ressources ou étant confrontés à des ruptures. Il apparaît alors que la difficultémajeure pour développer un accès approprié au crédit est liée à la contrainte de ren-tabilité dont découle cette automatisation. En effet, si l’accompagnement permetd’obtenir de meilleurs résultats avec ces catégories d’emprunteurs, il est égalementbeaucoup plus coûteux que les méthodes automatisées. Bien que Crosemarie(2007, p. II-67) souligne que, en dépit de son absence de rentabilité immédiate, l’ac-tion des Points passerelles permet de dégager des formes de rentabilité indirecte,elles ne semblent pas suffisantes pour faire de ces pratiques la norme. Dès lors, sil’on base la mise en œuvre d’un «droit au crédit approprié» sur celle de ces prin-cipes de personnalisation, il est indispensable de répondre à deux questions pourque ce «droit » soit véritablement effectif.

Dans un secteur concurrentiel comme le secteur bancaire, comment permettrele développement de ces pratiques appropriées sans que cela pénalise au moins àcourt terme ceux qui en sont à l’origine? Comment faire pour que ces pratiquesd’exception, au sens où elles dérogent à la norme, soient aussi aisément accessi-bles que celles moins appropriées dont la principale qualité est précisément lagrande accessibilité (publicités nombreuses, démarches simples, relatif anonymat,réponse rapide, etc.)?

Les Travaux de l’Observatoire4972007-2008

39. Il faut toutefois souligner que le niveau du taux d’impayé est insuffisant à lui seul pour évaluer la pertinence dela démarche d’évaluation et d’accompagnement. Contrairement à l’activité principale de l’établissement financier, undispositif expérimental peut constater un taux de défaillance élevé qui n’invalide pas sa méthode. Ce taux peutsimplement être le reflet d’une tentative de s’adresser à un public toujours plus risqué pour identifier les limites del’efficacité du crédit comme réponse à ses besoins.

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 66: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Ces deux questions, qui semblent ne porter que sur la contrainte de rentabilité,supposent pourtant de réinterroger la manière dont cette contrainte et celle quidécoule de la régulation sont articulées.

Du «droit au crédit approprié» aux modalités d’un systèmefinancier plus inclusif

D’un point de vue technique, développer un accès au crédit approprié passe parl’articulation des outils d’analyse informatisés et de l’expertise au moment de l’octroiainsi que tout au long de la relation de crédit, le dosage entre l’un et l’autre dépen-dant idéalement des besoins spécifiques des clients. Mais l’élément clef qui condi-tionne les caractéristiques de la relation tient à la contrainte de rentabilité. Il n’est dèslors pas surprenant de constater que la clientèle disposant d’un patrimoine impor-tant a accès plus facilement aux services d’un expert qu’une personne allocataire deminima sociaux. Il semble pourtant qu’il existe des moyens d’action et des raisonslégitimes pour parvenir à desserrer la contrainte de rentabilité.

Préserver des mécanismes de péréquationL’étude des difficultés d’accès et d’usage en matière de crédit montre qu’elles se

développent à la fois en direction de personnes tenues en marge du système bancaireen raison de leur statut jugé commercialement inintéressant et des personnes ayantaccès aux services bancaires, mais confrontées à une ou plusieurs ruptures. Pour leurdonner accès ou éviter que ne se développent des situations de malendettement oude surendettement, ces personnes ont besoin d’une expertise personnalisée précisé-ment au moment où leur situation financière ne leur permet pas d’en supporter le coût.

Pour permettre que la charge financière d’une telle prestation ne soit pas un obs-tacle à sa mise en œuvre, il peut être fait appel pour partie à la péréquation :

– péréquation intertemporelle pour un même client : il coûte de l’argent à labanque à l’instant t, mais le remboursera par sa solvabilité future ;– péréquation entre clients : les conditions pratiquées pour les clients les moinsrisqués sont un peu moins favorables qu’elles pourraient l’être, permettant enretour de pratiquer des conditions un peu plus favorables pour les clients ren-contrant des difficultés.Aujourd’hui, les mécanismes de péréquation sont au cœur du système ban-

caire40 français, même s’ils se révèlent parfois aller à l’encontre de l’inclusion ban-caire41. Ils devraient pourtant être progressivement remis en cause suite à l’entrée

Les Travaux de l’Observatoire4982007-2008

40. C’est notamment le cas avec le livret A, dont ceux financièrement les mieux dotés sont sources de rentabilité(directe et indirecte), et permettent de financer ceux qui le sont beaucoup moins. Ces derniers assurent un accèsminimal à la banque pour 400 000 personnes environ. Cet accès ne peut toutefois pas être considéré commesatisfaisant dans la mesure où il est d’une quantité bien inférieure à ce que prévoit la loi dans le cadre du droit aucompte auquel ces personnes pourraient prétendre.41. C’est ce que nous avons indiqué précédemment à propos des relations entre taux pratiqués pour le créditimmobilier et pour les crédits à la consommation (Bourdin, 2006).

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 67: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

en vigueur, depuis le 1er janvier 2008, du nouveau cadre réglementaire inspiré desaccords de Bâle II. Destinées à assurer la stabilité du système financier42, les évolu-tions apportées ont notamment pour effet l’individualisation de l’évaluation du risquepour chaque client et pour chaque type de produits. Elles devraient donc conduireà une plus forte différenciation des taux d’intérêt pratiqués sur le crédit à la consom-mation entre clients jugés à risque faible et ceux jugés à risque élevé. Chacunpayant pour son niveau de risque évalué par les outils de scoring, il est probablequ’une partie des personnes qui bénéficient aujourd’hui encore du mécanisme depéréquation pour accéder au crédit à la consommation s’en voie prochainementexclue.

La tentation de la «banque des pauvres»Face à cette évolution, une réponse paraît très séduisante : mettre en place une

structure qui accueille et bancarise ces personnes, c’est-à-dire une «banque despauvres». Si cette réponse a le mérite de la simplicité, elle se heurte à plusieursdifficultés.

Tout d’abord, on voit mal comment un établissement dédié pourrait à lui seulsupporter le coût financier d’une relation bancaire personnalisée s’il n’a dans saclientèle que des personnes n’ayant pas la solvabilité suffisante pour en payer le prixà court terme et qui quitteraient cet établissement une fois redevenues solvables.

Ensuite, son action ne pourrait qu’être curative en cas de ruptures profession-nelles ou familiales car, lors de leur survenue, les personnes concernées seraientclientes des établissements «standard». Elles ne deviendraient clientes de cet éta-blissement dédié qu’une fois leur situation passablement dégradée et donc d’autantplus délicate à rétablir.

Enfin, le caractère stigmatisant de cet établissement laisse sceptique quant àl’implication réelle des personnes dans la relation bancaire à établir. C’est pourtantl’élément essentiel de son efficacité. De plus, à l’instar de ce qui se passe pour lespersonnes ayant un mauvais score de crédit au sein des pays anglo-saxons, onpeut s’interroger sur les conséquences en matière de relations marchandes pour lesclients de cet établissement. Il est peu probable que cela soit un indicateur favori-sant la confiance. À ces limites, il est possible d’en ajouter d’autres (comme la ques-tion de l’accessibilité géographique) qui tiennent à la faisabilité économique d’un telétablissement sans supposer un financement public démesuré.

Contrainte réglementaire pour desserrer la contrainte de rentabilité?Il apparaît donc que la question d’un «droit au crédit approprié» ne peut être

limitée à un dispositif spécifique et déconnecté du reste de l’activité bancaire comme

Les Travaux de l’Observatoire4992007-2008

42. Les accords de Bâle II sont destinés à prévenir le risque bancaire systémique (faillite en chaîne desétablissements financiers) grâce au ratio de fonds propres obligatoires. Ces fonds propres, dont le montant estproportionnel au niveau des risques pris par les établissements financiers, doivent permettre d’éviter qu’ils seretrouvent en situation d’insolvabilité. Bâle II introduit une nouvelle méthode de calcul (ratio Mac Donough), jugéeplus performante que celle ayant cours précédemment (ratio Cooke).

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 68: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

peut l’être le droit au compte43. Il est essentiel de penser l’articulation cohérente del’ensemble des éléments de régulation qui permettent l’effectivité de cet accès appro-prié. Dans la mesure où cet article se donne pour objectif de réfléchir à la possibilitéd’un «droit au crédit» après avoir évalué l’existant, il importe d’esquisser quels pour-raient en être les contours. Trois principaux niveaux d’action retiennent l’attention.

Améliorer la réglementation existante

Le premier niveau porte sur l’identification des limites des mesures réglemen-taires existantes. Plus précisément, deux aspects semblent devoir être évalués enpriorité : la pertinence des modalités de fichage en cas d’incident bancaire et decelles de traitement du surendettement.

Le fichage au FCC suite à des incidents liés à l’utilisation inappropriée de moyens depaiement scripturaux (interdiction bancaire) et celui au FICP n’interdisent ni l’un ni l’autred’accéder au crédit. Pour différentes raisons, c’est cependant leur conséquence. Si cesfichages ont un intérêt évident pour attirer l’attention des prêteurs éventuels sur lesdemandes de crédit des personnes concernées, leur durée et la possibilité pour le prê-teur de passer outre grâce à une évaluation personnalisée devraient être interrogées.Cette exclusion «administrative» pénalise des personnes en dépit des probables évolu-tions connues par leur situation, en les figeant au moment de leurs difficultés passées.

En matière de traitement du surendettement, la France a mis en œuvre un dispo-sitif paraissant pertinent44. Il articule en effet la possibilité d’un plan conventionnel deremboursement45, d’un moratoire46, ou d’une procédure de rétablissement per-sonnel47. Si ces différents outils permettent en théorie de répondre à la diversité dessituations, ils souffrent du manque de définition de l’accompagnement social prévupar la loi et du manque de moyens qui y sont alloués. Parallèlement à cela, la pro-cédure de rétablissement personnel qui intervient dans le cadre de situations irré-médiablement compromises n’est utilisée que de manière confidentielle. La défini-tion du caractère irrémédiablement compromis d’une situation est particulièrementrestrictive, excluant notamment les ménages jeunes (Crosemarie, 200748). Une

Les Travaux de l’Observatoire5002007-2008

43. Cette spécificité et cette déconnexion expliquent, selon nous, en grande partie son inefficacité.44. Les études qualitatives sur les résultats obtenus par les commissions de surendettement sont inexistantes. Il estdonc délicat de se prononcer sur le devenir des personnes qui recourent aux commissions de surendettement, si cen’est qu’un tiers des dépôts de dossier en 2004 étaient des re-dépôts. L’association Crésus, qui accompagne despersonnes en surendettement, estime que les résultats obtenus sont loin d’être satisfaisants (« La lutte contre lesurendettement reste inefficace », Le Monde, supplément Argent, dimanche 9 – lundi 10 décembre 2007, n° 19557,p. 3).45. Il comprend des mesures de report ou de rééchelonnement de paiement des dettes, de réduction ou desuppression du taux d’intérêt, et de consolidation.46. Il intervient dans le cadre de recommandations contrôlées par le juge de l’exécution.47. Loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.48. « Sont de fait orientés en PRP les personnes âgées de plus de 50 ans, les personnes présentant un handicap ouétant en congé de longue maladie sans capacité de remboursement, les personnes ayant déjà bénéficié demoratoires, dont la situation n’a pas évolué favorablement et les re-dépôts de dossiers à capacité de remboursementnégative. Cette pratique conduit à refuser le plus souvent le bénéfice de la procédure aux personnes jeunes avec ousans qualification, quelle que soit leur situation familiale » (Crosemarie, 2007, p. I-31).

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 69: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire5012007-2008

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

société qui place le crédit en son cœur devrait pourtant être conséquente et s’as-surer que ses membres surendettées ne voient pas leur situation compromise parl’impossibilité d’accéder à l’effacement de dettes prévu par la loi.

Développer les partenariats locaux et expérimentaux

Le deuxième niveau correspond à l’instauration de partenariats locaux et expéri-mentaux destinés à pallier les carences du système bancaire par la mise en œuvrede réponses personnalisées et tenant compte des spécificités locales. Il s’agit doncde favoriser le développement des structures présentées précédemment que sontles Points passerelle, Parcours confiance ou autres partenariats développés dans lecadre des microcrédits sociaux. Cependant, à l’inverse d’une structure dédiée detype «banque des pauvres», la régulation de leur activité devrait être attentive à cequ’elles puissent exercer leur effet inclusif de deux manières.

La première est d’apporter une réponse immédiate à un besoin de financementou à une situation de difficulté financière qui ne trouve pas de solution au sein dusystème bancaire traditionnel. La dynamique d’inclusion tient à la réponse apportée,qui permet soit d’éviter des difficultés plus grandes aux personnes concernées(besoin de protection) soit de franchir une étape dans leur parcours (besoin de pro-motion). De plus, par la relation personnalisée mise en œuvre, une pédagogie ban-caire peut se développer améliorant les compétences bancaires des personnesaccueillies. Ce sont donc les effets produits sur la situation des personnes et sur lespersonnes elles-mêmes qui se révèlent incluants.

La seconde manière de favoriser l’inclusion financière pour ces dispositifs est depermettre la modification des pratiques des partenaires. À l’inverse d’une «banquedes pauvres», ils pourraient potentiellement jouer le rôle de laboratoire de rechercheet développement, tant pour les établissements financiers que pour les acteurssociaux publics ou privés partenaires. Ils pourraient ainsi permettre une forme d’ap-prentissage des parties prenantes en fonction de leurs finalités et objectifs respec-tifs. D’une part, les établissements financiers pourraient développer des produits etdes manières de faire plus adaptés à des publics qu’ils ignorent aujourd’hui et quiseraient susceptibles de se révéler rentables, pour une partie au moins. D’autre part,les acteurs sociaux publics ou privés seraient plus à même de repenser leurs moda-lités d’action en intégrant la dimension financiarisée de la pauvreté et des processusd’exclusion sociale. Ces apprentissages réciproques et permanents sont d’autantplus utiles que les formes de précarité évoluent rapidement et supposent une remiseen cause et une adaptation fréquente des manières de faire.

Ces dimensions expérimentales et locales sont ainsi des éléments clefs car ellespermettent en théorie la mise en œuvre de réponses adaptées aux différentscontextes et leur remise en cause au fur et à mesure de l’évolution des besoins.Toutefois, pour que ces structures et partenariats se révèlent véritablement inclusifs,tant du point de vue des réponses immédiates que des apprentissages provoqués,il est indispensable que les professionnels soient incités à s’impliquer et à en tirerparti dans leurs pratiques générales.

Page 70: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire5022007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Mettre en œuvre une régulation incitative basée sur l’évaluation

Pour que les dispositifs précédents atteignent les personnes pour qui ils sontprévus et qu’ils produisent leurs effets d’apprentissage, il est indispensable que lesétablissements financiers s’impliquent en les intégrant dans leur stratégie globale.Pour cela, il faut parvenir à dépasser leurs réticences éventuelles, mais égalementveiller à ce que ceux qui auraient la volonté de s’investir ne pâtissent pas d’un éven-tuel désavantage concurrentiel même s’il n’est que temporaire. La voie par laquellela régulation peut se révéler efficace est celle qui lie évaluation fine des pratiquesdes acteurs et incitations financières. Deux exemples étrangers permettent d’éclairerces mécanismes.

Le premier est celui donné aux États-Unis par le Community Reinvestment Act(CRA). Datant de 1977 et fréquemment modifié depuis, il incite les établissementsfinanciers à satisfaire les besoins des différentes communautés présentes sur leur ter-rain d’intervention. Cet effet incitatif est obtenu par l’évaluation des pratiques des éta-blissements et, en cas d’infraction, par l’obligation qui leur est faite d’apporter la preuvedu bien-fondé de leur politique commerciale. D’une part, ils subissent le coût d’unetelle démonstration, mais également le risque de sanctions s’ils n’y parviennent pas(refus de l’autorisation d’ouverture de nouvelles agences, de fusion, ou perte de l’accèsau refinancement à court terme auprès de la Banque fédérale américaine). Bien qu’im-parfaite (encadré 4), cette loi a obligé ces établissements à trouver les moyens deprêter de manière rentable à des communautés qu’ils estimaient non solvables ou troprisquées afin d’éviter ces coûts et sanctions. Ils se sont donc appuyés sur les banqueslocales ayant une meilleure connaissance des clients potentiels. Grâce à ces partena-riats qui font écho à ceux mis en place dans le cadre des microcrédits sociaux, ces éta-blissements sont parvenus à mieux connaître cette clientèle et les moyens adaptés dela servir, au point qu’une partie d’entre elle est devenue une clientèle normale.Le second est issu de la réglementation belge et porte sur les modalités de finance-ment des dispositifs de traitement du surendettement. Les procédures de règlementcollectif de dettes, qui sont l’équivalent de la procédure de surendettement française,sont financées par les établissements financiers au prorata du nombre de dossiers quiles concernent. Ce mécanisme permet une forme d’internalisation des externalités

Encadré 4

Crise des subprimes et accès au crédit des ménages aux ressourcesmodestes

La crise des subprimes qui se développe actuellement aux États-Unis peut conduire à un certainscepticisme quant à la pertinence d’un exemple de régulation du crédit provenant de ce pays. Eneffet, cette crise n’est-elle pas liée au développement de l’accès au crédit immobilier de ménages auxrevenus faibles ou modérés ? Si c’est effectivement le développement de cet accès qui est en cause,il n’invalide pas pour autant l’intérêt du CRA.

Page 71: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire5032007-2008

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Tout d’abord, il convient de savoir de quoi l’on parle. Résumée de manière simple, la crise des créditssubprimes touche des crédits immobiliers accordés à des ménages aux revenus faibles ou modéréssupposés plus risqués que la normale, et donc devant supporter une surprime (d’où leur nom). Ce sont descrédits hypothécaires dont le développement s’explique principalement par leur rentabilité. D’une part, ilssont vendus avec des frais et un taux d’intérêt variable élevés (la surprime). D’autre part, ils ne présententpas le désavantage d’obliger le prêteur à mettre des fonds propres de côté pour provisionner le risque, carces prêts sont titrisés (ce qui explique la contagion de la crise vers les marchés financiers).

La titrisation correspond à la transformation de ces prêts par des agences gouvernementales enobligations qui sont revendues sur les marchés financiers. Autrement dit, les établissements financiersprêteurs ne conservent pas ces crédits dans leur bilan, mais les revendent sur ces marchés.

Outre la standardisation des méthodes d’évaluation du risque et le recours quasi exclusif aux outilsde scoring au détriment d’autres méthodes, la titrisation a eu pour conséquence majeure unedéresponsabilisation généralisée. En effet, en transférant ces crédits sur les marchés financiers, cene sont plus les prêteurs qui assument les conséquences d’un éventuel impayé mais lesinvestisseurs sur ces marchés. Les conséquences de ce changement de rapport au risque sontcependant restées pendant longtemps très limitées, en raison de la croissance constante du marchéde l’immobilier qui permettait aux emprunteurs de rembourser leur crédit par la revente de leur bienquand ils ne pouvaient plus faire face aux mensualités.

La combinaison de ces deux éléments a favorisé les excès (recours massif à des courtiers pourvendre ces crédits, laxisme des établissements financiers et des agences de notation, etc.) que leretournement du marché immobilier et la hausse des taux d’intérêt n’ont fait que révéler.

La base de la crise des subprimes est donc à rechercher dans la déresponsabilisation des prêteurset les modalités techniques d’évaluation et de gestion du risque, et non dans le fait même de prêterà ces ménages. Ces modalités techniques ne sont en rien le résultat du CRA, bien au contraire. Toutd’abord, il faut souligner que plus de 77 % des crédits immobiliers ne sont pas octroyés dans le cadredu CRA. De plus, ce chiffre passe à plus de 90 % lorsque l’on se concentre sur les crédits subprimes.Enfin, si l’on s’intéresse aux prêts subprimes en défaut de paiement, il apparaît que cette probabilitéest bien moindre lorsque les prêts sont accordés dans le cadre des obligations imposés par le CRAque lorsqu’ils ne le sont pas (Traiger & Hinckley LLP, 2008).

Le CRA, en dépit de ses lacunes (la qualité de l’évaluation des établissements et l’efficacité desincitations pourraient être renforcées), semble donc jouer un rôle positif en limitant les prises derisque de la part des prêteurs et en améliorant la qualité des prêts proposés. Cela tient, d’une part,à un mode d’évaluation plus personnalisé permis par la proximité et une approche partenariale avecdes banques locales, et, d’autre part, aux caractéristiques des prêts dont le niveau des frais et destaux pratiqués est bien moindre que ceux des prêts non-CRA. La qualité de ces prêts se traduitd’ailleurs par le fait qu’ils avaient deux fois plus de chances que les autres prêts d’être conservés parle prêteur dans son portefeuille, c’est-à-dire qu’il en assume les conséquences. Finalement, ce quel’on peut reprocher au CRA, c’est sans doute son caractère insuffisamment étendu et contraignantpour limiter les dérives observées.

Page 72: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

négatives provoquées par le développement d’une société de crédit alors que, dansle cas français, c’est la collectivité qui supporte le coût de ces dispositifs. Pour réduirece coût, les professionnels intervenant sur le marché belge du crédit sont donc incitésà développer des pratiques de prêt engendrant moins de surendettement.

Que ce soit dans le cas des États-Unis ou de la Belgique, la base de la régula-tion mise en œuvre repose sur le lien établi entre évaluation et incitation/sanction.Cette démarche pourrait sans doute être développée en France en faisant porterl’évaluation à la fois sur la question de l’accès aux produits financiers (à l’instar duCRA) et sur celle des difficultés d’usage (à l’instar de l’exemple belge). Leur prise encompte simultanée est indispensable pour éviter que la focalisation sur l’une sefasse au détriment de l’autre.

Indirectement, le cadre de régulation que nous esquissons fait écho à la proposi-tion de Larcher (1999) d’instaurer un principe de «pay or play» au sein du secteur ban-caire. Il s’agit, pour les établissements évalués négativement, d’abonder un fonds per-mettant de prendre en charge les surcoûts supportés par ceux adoptant des pratiquesdites plus «responsables». L’avantage d’un tel dispositif est de permettre de concilierliberté commerciale des établissements, prise en compte de leurs atouts respectifs, etsatisfaction d’une nécessité sociale au travers de la limitation des difficultés d’accès etd’usage. Plus récemment, à l’occasion de la probable banalisation de la distributiondu Livret A, Camdessus (2007) propose que les pouvoirs publics imposent aux éta-blissements financiers «une mission d’accessibilité bancaire et financière effective etrenforcée au service de l’ensemble de la population» (p. 47). Cette proposition reposeprincipalement sur l’évaluation des pratiques des établissements tant au regard del’accès aux produits bancaires et financiers que de la qualité de cet accès49, mais resterelativement imprécise au regard des mécanismes d’incitation/sanction. Ces deuxapproches ont le mérite de poser les bases d’une intégration au sein de la régulationdu secteur bancaire d’une composante sociale dans l’évaluation de la performancedes établissements financiers. Toutefois, elles ignorent selon nous les bénéfices queretireront les établissements financiers de leur implication.

Les établissements ont un intérêt à s’impliquer tant au travers des réponses immé-diates apportées aux besoins d’accès au crédit qu’aux difficultés liées au malendette-ment, et aux effets d’apprentissage produits par ces dispositifs expérimentaux.L’exemple américain le montre au travers de la découverte d’une clientèle rentablejusque-là ignorée. Les différences réglementaires avec les États-Unis incitent à restermesuré quant à l’ampleur des foyers de rentabilité ignorés en France, néanmoins,l’exemple des Points passerelle prouve qu’une manière de faire différente peut êtrerentable et de qualité avec des clients pourtant considérés comme plus coûteux etplus risqués. De plus, dans la mesure où une amélioration du fonctionnement globaldu marché du crédit produirait des effets positifs au-delà de ces seules limites, la miseen œuvre d’une participation publique ne doit pas être exclue sous une forme ou uneautre (subvention des associations partenaires, fonds de garantie, etc.).

Les Travaux de l’Observatoire5042007-2008

49. Camdessus (2007) ébauche dans son annexe 10 un cahier des charges concret permettant cette évaluation.

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 73: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Les Travaux de l’Observatoire5052007-2008

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Un «droit au crédit approprié» ne semble pouvoir être un produit aux caractéris-tiques et aux critères d’accès administrativement définis. Pour que ce «droit » soiteffectif, il faut agir sur les pratiques sources de difficultés d’accès et d’usage. Enraison du caractère risqué du crédit tant pour l’emprunteur que pour le prêteur, maiségalement de son caractère socialement incontournable, agir sur l’ensemble desacteurs du secteur financier par le biais de la régulation apparaît comme la réponsela plus pertinente pour développer un système inclusif.

Telles que définies, les bases d’un tel «droit » reposent tout d’abord sur desdispositifs expérimentaux et locaux permettant d’apporter une réponse concrète etrapide aux personnes confrontées à des difficultés d’accès ou d’usage, mais égale-ment favorisant l’apprentissage des établissements financiers comme de leurs par-tenaires. Ensuite, elles induisent la mise en œuvre simultanée d’une évaluation finedes pratiques des établissements assortie de mécanismes incitatifs positifs (préser-vation des mécanismes de péréquation, subvention, fonds de garantie, etc.) etnégatifs (sanctions financières et autres). Enfin, les politiques de prévention et detraitement des difficultés d’usage doivent être mises en cohérence avec la placedonnée au crédit au sein des sociétés financiarisées.

Cependant, quand bien même une telle évolution serait effective, il faut se garderde croire que tout le monde et tous les types de besoins peuvent être satisfaits parl’accès au crédit. C’est sans doute là un des dangers majeurs de la mise en œuvred’un «droit au crédit ».

Lutte contre l’exclusion sociale et limites d’un «droit au crédit approprié»

En raison de la place qu’occupe le crédit dans le fonctionnement des sociétésfinanciarisées, il est indispensable de garantir un accès de qualité aussi large quepossible. Toutefois, il ne faut pas en surestimer les qualités. S’il peut être un outil deprévention voire de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le crédit suppose,pour être totalement approprié, de ne pas se substituer à d’autres moyens d’actionplus efficaces.

L’analyse de l’expérimentation des Crédits projet personnel mise en œuvre parle Secours catholique et ses partenaires financiers montre que les microcréditssociaux s’avèrent être des outils utiles pour la lutte contre l’exclusion sociale(Gloukoviezoff, Lazarus, 2007). L’effet le plus évident est qu’ils permettent definancer un besoin qui ne l’était pas jusqu’à présent. Ce qu’il faut souligner, c’est lechangement de regard sur les personnes faisant face à des difficultés et le change-ment de pratiques que le recours au crédit induit. Étant par nature risqué, l’octroi demicrocrédits suppose une évaluation plus approfondie de la situation de l’emprun-teur potentiel que ne l’implique bien souvent un don. Il permet donc de prendre encompte plus finement la variété des difficultés et besoins des personnes, et ainsid’éviter autant que possible de proposer une réponse qui se révélerait inefficacefaute de compréhension de ces réalités. Cela permet notamment de s’assurer queles différents droits sociaux existants ont bel et bien été sollicités. Néanmoins, cette

Page 74: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

évaluation est délicate car elle peut induire un rapport paternaliste et l’expression dejugements moraux et de préjugés. En dépit de ce danger, elle est essentielle pourla réussite de la démarche. Sa qualité dépend largement du regard que se portentmutuellement accompagnateur et emprunteur. C’est le deuxième effet indirect deces microcrédits : permettre un rapport moins déséquilibré entre eux et donner toutesa place à l’emprunteur, qui n’est plus seulement une somme de difficultés mais unacteur dans l’évaluation de ses besoins, des réponses à apporter et dans leur miseen œuvre.

Par la phase de diagnostic qu’il induit, le crédit peut être une porte d’entrée inté-ressante, même s’il ne peut être mis en œuvre. Parfois, il est nécessaire de le cou-pler avec un don permettant de conserver les effets positifs du crédit et d’alléger lacharge du remboursement. Dans d’autres cas, aucune forme de remboursement nepourra être envisagée. Cependant, même lorsque le prêt est accordé, l’évaluationde son caractère approprié au regard de la lutte contre la pauvreté et l’exclusionsociale ne peut être identifiée à son remboursement.

Un crédit non remboursé, mais dont les conséquences négatives des impayésont pu être circonscrites, et qui a permis de satisfaire un véritable besoin et de pro-duire des impacts positifs (confiance en soi, démarrage d’une dynamique, etc.), nepeut être considéré comme un échec. À l’inverse, un microcrédit remboursé au prixde privations telles qu’elles nuisent à la santé physique ou mentale de l’emprunteurne peut être considéré comme une réussite. D’une part, s’il est considéré commeoutil de lutte contre l’exclusion sociale, son caractère approprié doit être évalué demanière large. D’autre part, le crédit et le microcrédit ne peuvent apporter deréponses à toutes les situations. Notamment, il y a un risque important de voir cetype d’outils se substituer à certaines prestations sociales et autres droits sociaux aunom d’un réalisme économique et gestionnaire des dépenses publiques.

La campagne médiatique développée dans la foulée du prix Nobel de la paixremis en 2006 à Muhammad Yunus pour le développement du microcrédit auBangladesh laisse penser qu’il s’agit d’un moyen presque sans défaut pour luttercontre la pauvreté. Cette croyance mérite d’être largement relativisée50. Le micro-crédit dans les pays du Sud permet de véritables succès, toutefois ils sont loin d’êtresystématiques. Certains dispositifs s’avèrent même particulièrement néfastes(Servet, 2006). De plus, il ne faut pas perdre de vue que le microcrédit, dans cespays, se développe dans un contexte où le secteur financier est confidentiel et oùles systèmes de protection sociale sont inexistants. Ce n’est pas le cas en France.Baser la lutte contre l’exclusion sociale sur le microcrédit serait alors une régressionprofonde. C’est notamment le cas au Royaume-Uni, où le Social Fund octroie desprêts aux allocataires de prestations sociales dont les remboursements sont pré-levés à la source. Ces faibles prestations sont ainsi amputées du montant du rem-boursement, alors même que leur niveau correspond déjà à un minimum.

Les Travaux de l’Observatoire5062007-2008

50. Sur les bases et incohérences de cette croyance au niveau des politiques de développement prônées par lesinstitutions internationales – notamment basées sur le microcrédit –, voir notamment Palier et Prévost (2007).

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 75: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Il est difficilement concevable que ceux confrontés aux discontinuités les plus fré-quentes et aux obstacles les plus nombreux puissent espérer satisfaire le finance-ment de besoins essentiels grâce à leurs seules capacités contributives. Malgré sesqualités, le crédit reste un outil basé sur une logique individuelle. La remise en causedes solidarités au fondement de la cohésion sociale51 en raison de la séductionexercée par un tel outil peut se révéler extrêmement néfaste en accroissant encoreles effets des inégalités existantes. Une réponse individuelle ne peut venir à bout deproblèmes dont les causes sont en grande partie structurelles. Tout au plus peut-elleapporter une réponse immédiate, mais en aucun cas pérenne. Un «droit au créditapproprié» ne peut donc être réalisé en l’absence d’une articulation avec un sys-tème de protection sociale performant et des investissements structurels permettantde satisfaire aussi bien les besoins de protection que de promotion (accès aux soinsde santé, à l’éducation, etc.).

Il est légitime aujourd’hui de s’interroger sur la possibilité d’un «droit au créditapproprié» en raison de l’utilité sociale de ce produit dans les sociétés financiari-sées. Il est de manière croissante la seule réponse possible pour satisfaire desbesoins de promotion ou de protection qui étaient jusqu’alors satisfaits par des soli-darités (familiales, publiques, etc.) aujourd’hui affaiblies.

Développer un «droit au crédit approprié» permet donc à la fois de lutter contrel’exclusion bancaire et contre l’exclusion sociale. Bien qu’entretenant des liensétroits, ces deux objectifs ne sont pas totalement similaires et ne doivent pas êtreconfondus. Dans le premier cas, permettre l’accès au crédit sans difficultés d’usageest une finalité, dans le second ce n’est qu’un outil. Pour être efficace, ce «droit » nepeut éviter de tenir compte simultanément de ces deux problématiques.

Basée sur les constats présentés au début de cet article quant aux profils des popu-lations concernées par les difficultés d’accès puis d’usage, ainsi qu’aux causes de cesdifficultés, la mise en œuvre d’un «droit au crédit approprié» effectif suppose de déve-lopper des dispositifs expérimentaux et locaux permettant d’apporter des réponses d’ur-gence aux besoins de financement et de favoriser les apprentissages des partenaires.

L’efficacité de telles structures dépend de l’existence d’un cadre réglementaireadapté. Celui-ci doit permettre au crédit, et plus encore au microcrédit social, derépondre à l’urgence des situations en palliant les carences respectives du systèmebancaire et du système de protection sociale, sans pour autant s’y substituer etdevenir pérenne. Il doit servir de système d’alerte et de remise en question perma-nente pour améliorer les pratiques des uns et des autres. C’est seulement à cesconditions qu’il sera possible de véritablement accroître l’accès au crédit tout enprévenant davantage le malendettement et le surendettement. Atteindre ces multi-ples objectifs passe donc par l’évaluation et l’incitation d’une part, et par des dispo-sitions publiques de traitement des difficultés d’usage inévitables (traitement du sur-endettement notamment) d’autre part.

Les Travaux de l’Observatoire5072007-2008

51. Sur ce point, voir les différentes contributions de l’ouvrage dirigé par Paugam (2007).

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 76: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

Finalement, la réponse à la possibilité d’un «droit au crédit » correspond davan-tage à la mise en œuvre d’un droit du crédit permettant un accès approprié et ayantpour finalité de favoriser la cohésion sociale, dont le crédit est un élément à l’im-portance croissante au sein des sociétés financiarisées.

Bibliographie

ACCARDO J., CHEVALIER P., FORGEOT G., FRIEZ A., GUÉDÈS D., LENGLART F., PASSERON V., 2007, « La mesuredu pouvoir d’achat et sa perception par les ménages », in Insee, L’Économie française.Comptes et dossiers 2007, p. 59-88.

ATKINSON A., MCKAY S., KEMPSON E., COLLARD S., 2006, « Capability in the UK. Results of a baselinesurvey », Consumer Research, n° 47, Financial Services Authority.

BABEAU A., 2006, La Demande des ménages en matière de crédit à la consommation et lesajustements nécessaires pour y répondre, Rapport du Bipe.

BANQUE DE FRANCE, 2005, Enquête typologique 2004 sur le surendettement, Banque de France.BANQUE NATIONALE DE BELGIQUE (BNB), 2007, Statistiques. Centrale des crédits aux particuliers 2007.BERTHOUD R., KEMPSON E., 1992, Credit and Debt : The PSI Report, Policy Studies Institute.BOURDIN J., 2006, L’Accès des ménages au crédit en France, Rapport d’information fait au nom de

la délégation du Sénat pour la planification, n° 261.BYRNE N., MCCARTHY O., WARD M., 2005, Meeting the Credit Needs of Low-Income Groups : Credit

Unions-vs-Money Lenders, Working Paper 05/05, Combat Poverty Agency.CAMDESSUS M., 2007, Rapport de la mission sur la modernisation de la distribution du livret A et

des circuits de financement du logement social, La Documentation française.CARBO S., GARDENER E., MOLYNEUX P., 2005, Financial Exclusion, Palgrave MacMillan.COLLARD S., KEMPSON E., 2005, Affordable Credit. The Way Forward, Joseph Rowntree Foundation –

The Policy Press.COMMISSION NATIONALE INFORMATIQUE ET LIBERTÉ (CNIL), 2005, Les Problèmes posés par les fichiers

regroupant des informations sur la situation financière des individus au regard de la loi du6 janvier 1978, Rapport de synthèse du 18 janvier 2005.

CONSEIL EMPLOI REVENUS COHÉSION SOCIALE (CERC), 2006, La France en transition 1993-2005, LaDocumentation française.

CORR C., 2006, Financial Exclusion in Ireland : an Exploratory Study and Policy Review, CombatPoverty Agency.

COURPASSON D., 1995, La Modernisation bancaire. Sociologie des rapports professions-marchés,L’Harmattan.

CROSEMARIE P., 2007, Le Surendettement des particuliers, Avis et rapport du Conseil économique etsocial, n° 2007-21, Conseil économique et social.

CUSIN F., 2005, « La relation bancaire en question », in Gloukoviezoff G. (éd.), 2005, Exclusion etliens financiers. Rapport du centre Walras 2004, Economica, p. 249-262.

DANIEL A., SIMON M.-O., 2001, L’Utilisation des moyens de paiement et l’accès au crédit des

Les Travaux de l’Observatoire5082007-2008

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux

Page 77: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

bénéficiaires de minima sociaux, rapport d’enquête réalisé par le Crédoc pour le Conseilnational du crédit et du titre, CNCT.

DELMAS-MARSALET J., 2005, Rapport relatif à la commercialisation des produits financiers, ministèrede l’économie des finances et de l’industrie.

DIESCH M., 2000, « Peut-il exister un droit au crédit ? », Revue d’économie financière, n° 58, p. 135-150.

DUFOIX J.-P., 2007, « Le “crédit scoring” confronté aux évolutions de la société », L’Observateur del’immobilier, n° 70, p. 12-18.

ELLIS D., 1998, « The effect of consumer interest rate deregulation on credit card volume, charge-offs, and the personal bankruptcy rate », Banks Trends, n° 98-05, Federal Deposit InsuranceCorporation.

GLOUKOVIEZOFF G., 2006, « From financial exclusion to overindebtedness : the paradox of difficultiesfor people on low income ? », in Anderloni L., Braga M.D., Carluccio E. (eds), New Frontiers inBanking Services. Emerging Needs and Tailored Products for Untapped Markets, SpringerVerlag, p. 213-245.

GLOUKOVIEZOFF G., 2005, « L’exclusion bancaire en France », in Gloukoviezoff G. (éd.), Exclusion etliens financiers. Rapport du centre Walras 2004, Economica, p. 187-226.

GLOUKOVIEZOFF G., 2004, « L’exclusion bancaire et financière des particuliers », in Les Travaux del’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, La Documentation française,p. 167-205.

GLOUKOVIEZOFF G., LAZARUS J., 2007, Évaluation d’impacts des Crédits projet personnel du Secourscatholique, Rapport Intermédiaire, LEFI.

GRAFMEYER Y., 1992, Les gens de la banque, Presses universitaires de France.HAMEL M.-P., 2006 (dir. Muller P.), « Le non-recours aux prestations sociales chez les populations

vivant en situation de précarité et d’exclusion », Rapport pour la DGAS.HOUDRÉ C., 2007, « L’endettement des ménages début 2004 », Insee Première, Insee, n° 1131, avril.HOWELL N., 2005, High Cost Loans : a Case for Setting Maximum Rates ?, Centre for credit and

consumer law background paper, Griffith Law School.KEMPSON E., ATKINSON A., PILLEY O., 2004, Policy Level Response to Financial Exclusion in Developed

Economies : Lessons for Developing Countries, rapport pour le Financial Sector Team, PolicyDivision, Department for International Development, Personal Finance Research Center.

KEMSPON E., WHYLEY C., 1999, Kept out or Opted out ? Understanding and Combating FinancialExclusion, Joseph Rowntree Foundation, Policy Press.

KEMPSON E., WHYLEY C., CASKEY J., COLLARD S., 2000, In or out ? Financial Exclusion : a Literature andResearch Review, Financial Services Authority.

LARCHER G., 1999, « Sauver LP, est-il encore temps pour décider ? », Les Rapports du Sénat, n° 463.MÉDIATEUR DE LA RÉPUBLIQUE, 2007, Rapport annuel 2006, La Documentation française.MONROSE M., 2003, « Endettement et surendettement : des ménages aux caractéristiques

différentes », Études et Résultats, Drees, n° 251.MOUILLART M., 2007, 19e Rapport annuel. Première partie : la typologie des ménages endettés en

novembre 2006, Observatoire de l’endettement des ménages – Fédération bancaire française.PALIER B., 2007, « Des assurances de moins en moins sociales », in PAUGAM S. (dir.), 2007,

Repenser la solidarité. L’apport des sciences sociales, Presses universitaires de France,p. 855-871.

Les Travaux de l’Observatoire2007-2008Les Travaux de l’Observatoire5092007-2008

Peut-il exister un droit au crédit pour les particuliers?

Page 78: Partie3Cahier1 21/03/08 14:05 Page 433 Troisième partie ... · 2. Étude sur les modes d’organisation de deux départements en matière de politique d’action sociale non obligatoire:

PALIER J., PRÉVOST B., 2007, « Le développement social : nouveau discours et idéologie de la Banquemondiale », in Économie appliquée, tome LX, n° 4, p. 27-50.

PASTRÉ O., 2006, Les Enjeux économiques et sociaux de l’industrie bancaire, rapport pour le Comitéconsultatif du secteur financier (CCSF).

PAUGAM S. (dir.), 2007, Repenser la solidarité. L’apport des sciences sociales, Pressesuniversitaires de France.

POLICIS, 2004, The Effect of Interest Rate Control on Other Countries, Department of Trade andIndustry.

RAMSAY I., 2003, « Consumer credit society and consumer bankruptcy : Reflections on credit cardsand bankruptcy in the informational economy », in Niemi-Kiesiläinen J., Ramsay I., Whitford W.,Consumer Bankruptcy in Global Perspective, Hart Publishing, p. 17-39.

REBIÈRE N., 2006, Les Surendettés. Définition, dénombrement, caractéristiques et dynamique de lasous-population : application au cas français, Thèse de doctorat en démographie, universitéMontesquieu – Bordeaux IV.

SERVET J.-M., 2004, « Introduction générale » in Guérin I., Servet J.-M. (éds.), Exclusion et liensfinanciers. Rapport du centre Walras 2004, Economica, p. 4-20.

SERVET J.-M., 2006, Banquiers aux pieds nus, Odile Jacob.SINCLAIR S., 2001, Financial Exclusion : An Introductory Survey, Centre for Research into Socially

Inclusive Services (CRSIS), Edinburgh College of Art/Heriot Watt University.TRAIGER & HINCKLEY LLP, 2008, The Community Reinvestment Act : A Welcome Anomaly in the

Foreclosure Crisis, www.traigerlaw.com

Troisième partie Aides locales facultatives et trajectoires des allocataires des minima sociaux