Pars vite et reviens tard

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Psychiatrie Neurologie Gériatrie 46 Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie / Année 7 / Juin 2007. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Conseils de lecture Nous allons aborder cette fois-ci le thème de « la peste » à travers deux ouvrages. Le premier est un roman policier de Fred Vargas qui vient d’être porté à l’écran et dont l’intrigue tourne autour de cette maladie. Le deuxième est le très célèbre roman d’Albert Camus que beaucoup ont étudié sur les bancs du lycée. Actuellement, ce sujet de la peste revient à la mode car il est très symbolique des grandes pandémies mondiales et des craintes récentes vis-à-vis de la grippe aviaire. Il faut aussi savoir que près de 40 000 cas humains de peste ont été déclarés à l’OMS par 24 pays au cours des quinze dernières années. C. Trivalle Pars vite et reviens tard Fred Vargas Jean-Baptiste Adamsberg… Il suffit de pronon- cer ce nom pour savoir si vous avez affaire à un adepte de la secte Vargassienne. En général, après avoir lu un seul roman policier de Fred Vargas (de son vrai nom Frédérique Audouin- Rouzeau), on devient membre de cette secte car, une fois entré dans son univers fait de per- sonnages atypiques et tous plus étranges les uns que les autres, on ne peut plus s’arrêter de dévorer ses livres. Un certain Joss Le Guern, ex-marin breton, échoue à Paris après avoir fait de la prison pour avoir rossé un armateur responsable de la mort de deux marins. Après une période de chômage, il devient « crieur » place Edgar- Quinet, c’est-à-dire qu’il crie trois fois par jour les messages que les gens lui envoient : petites annonces, déclarations d’amour, de haine… Et voilà qu’arrivent des messages très étranges, qui parlent de vermine, de fléau, de mort. Inquiet, Hervé Decambrais, vieil homme éru- dit qui héberge Joss dans sa petite pension de famille, commence ses recherches pour révé- ler le sens caché de ces messages. Il découvre que ces textes mystérieux sont tirés du canon de la médecine d’Avicenne et du journal de Samuel Pepys. D’un autre côté, il y a le commissaire Jean- Baptiste Adamsberg, qui vient d’être affecté à la brigade criminelle. Il reçoit la visite d’une jeune femme très angoissée dont les portes de son immeuble sont victimes de « graffitis » alarmants : des sortes de « 4 » à l’envers, accompagnés des lettres CLT. Il apprendra qu’aux temps des épidémies de la peste, des chiffres quatre inversés, peints sur les portes, servaient de talisman pour se protéger de la maladie. Le commissaire finit par prendre l’affaire au sérieux quand d’autres immeubles sont touchés et quand Decambrais et Joss Le Guern se décident à venir lui parler des mes- sages « spéciaux ». Les deux affaires vont rapi- dement se recouper, et bientôt les cadavres se suivent, portant tous les symptômes de la peste… La rumeur d’une épidémie de peste noire se répand alors. Fred Vargas nous donne dans son récit de nombreuses informations sur la peste, ainsi que sur les grandes épidémies du passé. Nous apprenons ainsi que l’ultime épidémie de peste à Paris date de 1920 (quatre-vingt-seize cas dont trente-quatre mortels) et que dans la fer- ronnerie du balcon du tribunal de commerce de Nancy se trouve un double quatre inversé. Puis, glissant de l’histoire de la peste à une réelle panique engendrée par des rumeurs, elle souligne les pires instincts de la bêtise humaine. Tout en maintenant le suspens jusqu’à la dernière page sur une enquête plus que délicate, elle nous décrit un univers tou- jours à la lisière du vraisemblable. Ce roman a reçu le 48 e  Prix des libraires. Dans le domaine des épidémies, Fred Vargas a une nouvelle lubie, qui a pris pour royaume la pandémie aviaire. Elle a cherché un système simple, pas cher et réutilisable, afin que les

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Psychiatrie

Neurologie

Gériatrie

46

Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie

/ Année 7 / Juin 2007. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Conseils de lecture

Nous allons aborder cette fois-ci le thème de « la peste » à travers deux ouvrages. Lepremier est un roman policier de Fred Vargas qui vient d’être porté à l’écran et dontl’intrigue tourne autour de cette maladie. Le deuxième est le très célèbre romand’Albert Camus que beaucoup ont étudié sur les bancs du lycée. Actuellement, ce sujetde la peste revient à la mode car il est très symbolique des grandes pandémies mondialeset des craintes récentes vis-à-vis de la grippe aviaire. Il faut aussi savoir que près de40 000 cas humains de peste ont été déclarés à l’OMS par 24 pays au cours des quinzedernières années.

C. Trivalle

Pars vite et reviens tard

Fred Vargas

Jean-Baptiste Adamsberg… Il suffit de pronon-cer ce nom pour savoir si vous avez affaire à unadepte de la secte Vargassienne. En général,après avoir lu un seul roman policier de FredVargas (de son vrai nom Frédérique Audouin-Rouzeau), on devient membre de cette sectecar, une fois entré dans son univers fait de per-sonnages atypiques et tous plus étranges lesuns que les autres, on ne peut plus s’arrêter dedévorer ses livres.Un certain Joss Le Guern, ex-marin breton,échoue à Paris après avoir fait de la prisonpour avoir rossé un armateur responsable dela mort de deux marins. Après une période dechômage, il devient « crieur » place Edgar-Quinet, c’est-à-dire qu’il crie trois fois par jourles messages que les gens lui envoient : petitesannonces, déclarations d’amour, de haine… Etvoilà qu’arrivent des messages très étranges,qui parlent de vermine, de fléau, de mort.Inquiet, Hervé Decambrais, vieil homme éru-dit qui héberge Joss dans sa petite pension defamille, commence ses recherches pour révé-ler le sens caché de ces messages. Il découvreque ces textes mystérieux sont tirés du canonde la médecine d’Avicenne et du journal deSamuel Pepys.D’un autre côté, il y a le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg, qui vient d’être affecté àla brigade criminelle. Il reçoit la visite d’unejeune femme très angoissée dont les portes de

son immeuble sont victimes de « graffitis »alarmants : des sortes de « 4 » à l’envers,accompagnés des lettres CLT. Il apprendraqu’aux temps des épidémies de la peste, deschiffres quatre inversés, peints sur les portes,servaient de talisman pour se protéger de lamaladie. Le commissaire finit par prendrel’affaire au sérieux quand d’autres immeublessont touchés et quand Decambrais et Joss LeGuern se décident à venir lui parler des mes-sages « spéciaux ». Les deux affaires vont rapi-dement se recouper, et bientôt les cadavres sesuivent, portant tous les symptômes de lapeste… La rumeur d’une épidémie de pestenoire se répand alors.Fred Vargas nous donne dans son récit denombreuses informations sur la peste, ainsique sur les grandes épidémies du passé. Nousapprenons ainsi que l’ultime épidémie de pesteà Paris date de 1920 (quatre-vingt-seize casdont trente-quatre mortels) et que dans la fer-ronnerie du balcon du tribunal de commercede Nancy se trouve un double quatre inversé.Puis, glissant de l’histoire de la peste à uneréelle panique engendrée par des rumeurs,elle souligne les pires instincts de la bêtisehumaine. Tout en maintenant le suspensjusqu’à la dernière page sur une enquête plusque délicate, elle nous décrit un univers tou-jours à la lisière du vraisemblable. Ce roman areçu le 48

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 Prix des libraires.Dans le domaine des épidémies, Fred Vargas aune nouvelle lubie, qui a pris pour royaume lapandémie aviaire. Elle a cherché un systèmesimple, pas cher et réutilisable, afin que les