Paroles d’insoumises Dossier - indigene-editions.fr · les femmes à travers le monde se battent...

5
Dossier Paroles d’insoumises Qu’elles soient françaises, aborigènes, inuits, roms, algériennes ou tunisiennes, les femmes à travers le monde se battent pour leurs droits, défient les normes et affrontent les traditions afin d’atteindre la liberté. Si on connaît assez bien les luttes des féministes occidentales, il est plus rare d’entendre l’expérience de femmes issues d’autres cultures… Désireuse de mettre en valeur les savoirs des sociétés oubliées et méprisées, la maison d’édition Indigène donne la parole à ces insoumises dans un passionnant coffret de trois ouvrages. La collection “Femmes, où en êtes-vous ?” ouvre ainsi un dialogue entre des femmes enga- gées, un dialogue porteur d’espoir ! Manon Legrand © EPA/Photo Mohammed Messara Des femmes savourent une journée ensoleillée sur la plage, à Alger. 23

Transcript of Paroles d’insoumises Dossier - indigene-editions.fr · les femmes à travers le monde se battent...

Doss

ier Paroles d’insoumises

Qu’elles soient françaises, aborigènes, inuits, roms, algériennes ou tunisiennes, les femmes à travers le monde se battent pour leurs droits, défient les normes et affrontent les traditions afin d’atteindre la liberté. Si on connaît assez bien les luttes des féministes occidentales, il est plus rare d’entendre l’expérience de femmes issues d’autres cultures… Désireuse de mettre en valeur les savoirs des sociétés oubliées et méprisées, la maison d’édition Indigène donne la parole à ces insoumises dans un passionnant coffret de trois ouvrages. La collection “Femmes, où en êtes-vous ?” ouvre ainsi un dialogue entre des femmes enga-gées, un dialogue porteur d’espoir ! Manon Legrand

© E

PA/P

hoto

Moh

amm

ed M

essa

ra

Des femmes savourent une journée ensoleillée sur la plage, à Alger.

23

Sylvie Crossman“Faire dialoguer les pensées féministes”Avec trois ouvrages signés par des intellectuelles engagées, le coffret “Femmes, où en êtes-vous ?” relate les chemins de libé-ration empruntés par les femmes françaises, mais aussi inuits, aborigènes, roms, algériennes et tunisiennes. Rencontre avec Sylvie Crossman, cofondatrice de la maison d’édition Indigène.

Comment est née l’idée de ce coffret ?“Nous sommes partis du constat que, de tout temps et dans toutes les contrées, les femmes sont aux avant-postes de la résis-tance et constituent une minorité forte et agissante. Elles sont animées d’un désir de modernité, d’un sursaut de conscience. On a un jour découvert un texte de Fran-çoise Picq, historienne du MLF1 et mili-tante au sein du mouvement, dans lequel elle engage une réflexion sur le féminisme actuel et alerte la jeune génération sur les menaces qui le guettent. Le féminisme aurait-il cessé d’être un mouvement au profit d’un groupe d’intérêt ? N’est-il pas en train de se fracturer ou de se soumettre au néolibéralisme ? Ces questions nous ont interpellés. Enfin, il y a une autre motivation plus concrète. L’affaire DSK a montré que

En quelques motsl La maison d’édition Indigène est née

en 1996 à Montpellier sous l’impulsion de Sylvie Crossman et Jean-Pierre Barou, désireux de transmettre les arts et les pratiques des sociétés non industrielles (Aborigènes, Inuits, Indiens Navajo, Tibétains…).

l Aujourd’hui, son catalogue comprend plus de 80 ouvrages de résistant-e-s à l’oppression des consciences et à l’uniformisation des cultures. Parmi eux, le coffret “Femmes, où en êtes-vous ?” qui propose un dialogue d’in-tellectuelles engagées faisant “l’état du féminin” ici et ailleurs.

le machisme n’avait pas du tout disparu, de même que la lutte de Christine Boutin (prési-dente du parti chrétien-démocrate français, NDLR) contre l’enseignement du genre dans les écoles françaises. On s’est donc lancé le défi de faire dialoguer les pensées féministes contemporaines.”

Avec le livre “Féminismes, ailleurs”, vous avez aussi voulu donner la parole à des féminismes moins connus…“Notre maison d’édition œuvre, depuis sa création, à la transmission des savoirs de sociétés oubliées et méprisées, des sociétés qui n’ont pas suivi le chemin de la moder-nité telle que définie ici. Avec “Féminisme, ailleurs”, il ne s’agit pas de dire comment les femmes roms, inuits, aborigènes ou tuni-siennes se situent par rapport au féminisme “occidental”, mais plutôt de témoigner de leurs propres combats, des stratégies qu’elles mettent en place pour se défaire de l’oppression au sein de leur propre culture et de la domination masculine en général. Toutes ces femmes, issues de pays coloni-sés dans le passé, revendiquent avant tout d’être souveraines sur leur destin et sur l’évolution de leur condition, sans injonc-tion de l’extérieur. Ces femmes sont enga-gées dans une double action difficile : elles doivent se dresser contre les violences des hommes de leur entourage tout en affir-mant leur identité culturelle, elle-même op-primée. Nous avons observé que les femmes sont parfois plus souples que les hommes à l’égard des traditions… Une chose est sûre, elles ne baissent pas les bras.”

Manifestation rom, le 1er décembre 2007 à Paris.

CC

BY

Phi

lippe

Ler

oyer

 : w

ww

.flic

kr.c

om/p

hoto

s/ph

ilipp

eler

oyer

/20

7917

1028

htt

p://

crea

tive

com

mon

s.or

g/lic

ense

s/by

/2.0

/

Phot

o D

.R.

axelle 159 • mai 201324

Les Inuits, vers un troisième sexe social ?“Il est néfaste d’être purement un homme ou une femme ; il faut être femme-masculine ou homme-féminin”, écrivait Virginia Woolf dans Une chambre à soi (1929). Cette phrase a été choi-sie pour inaugurer la collection “Femmes, où en êtes-vous ?” Et ce n’est pas un hasard… La société inuit, analysée dans l’un des textes de Féminismes, ailleurs, vient parfaitement illustrer cette réflexion. Ce peuple du Grand Nord pratique ce qu’on appelle la “fluidité des genres”, un concept complètement étranger aux sociétés occidentales adeptes du système binaire masculin-féminin. Les Inuits, comme l’explique l’ethnolinguiste Michèle Therrien, partent du principe qu’une personne “est un être dynamique préparé par l’éducation reçue à s’adapter à l’inattendu”. À sa naissance, un enfant inuit reçoit les noms de plusieurs ancêtres, hommes et femmes confondus. L’enfant hérite alors “non seulement des qualités du défunt ou de la défunte, mais du statut social de son éponyme sans distinction de genre”. Ainsi, une petite fille recevant le nom de son grand-père maternel sera initiée à la chasse et éduquée comme un garçon jusqu’à la puberté. Elle sera considérée comme le père de sa mère et le grand-père de ses frères et sœurs…De cette conception de l’identité “en mouvement” découle une société où l’individualisme a peu de place. Hommes et femmes se répartissent les tâches non pas selon le sexe, mais selon le prin-cipe de “ce qui est socialement considéré comme désirable, donc réalisable” pour la vie communautaire. Aujourd’hui toutefois, l’influence de la culture occidentale (importation du modèle de famille nucléaire, technologisation des savoirs traditionnels, etc.) a quelque peu altéré ce système. Si les femmes trouvent leur voie, les hommes souffrent d’un important “vide identitaire”… La société inuit a en tout cas le mérite d’ouvrir des perspectives originales et novatrices dans le chemin vers l’égalité.

Comment avez-vous choisi les auteures de ces textes ?“Nous recherchions des auteures qui conjuguent démarche intellectuelle et action sur le terrain. Claire Auzias est his-torienne des Roms et de l’anarchisme ; elle a écrit un texte d’une grande ouverture sur les femmes roms, expliquant clairement la double discrimination dont elles sont victimes et la manière dont elles gèrent leur émancipation. Marcia Langton, la “Si-mone de Beauvoir” aborigène, est actrice, anthropologue et très engagée auprès de la communauté indigène en Australie. Mi-chèle Therrien, ethnolinguiste, lève le voile sur les femmes inuits qu’elle connaît très bien. Pour éclairer le combat des femmes algériennes, nous avons choisi Malika Mo-keddem, romancière et médecin qui pose un regard sans concession sur la tradition et l’intégrisme. Nous avons aussi donné la parole à la cyberdissidente Lina Ben Mhenni, qui a fait partie de celles et ceux qui ont déclenché la révolution tunisienne. L’ensemble de ces textes montre que les destins de ces femmes, loin d’être figés, sont en pleine ouverture.”

Y a-t-il une place pour les “féminismes d’ailleurs” dans une lutte comme celle des Femen ?“Je pense qu’il ne faut pas opposer les dif-férents mouvements. Ce qui nous intéresse, c’est la pensée en mouvement et en acte. Les Femen en font partie. Elles se servent de leur corps et de leurs seins pour dénoncer l’oppression patriarcale. D’autres femmes

“Dans toutes les contrées, les femmes sont aux avant-postes de la résistance et constituent une minorité forte et agissante.”

© A

gefo

tost

ock/

Phot

o Ér

ic B

acce

ga

Ces femmes chantent des morceaux inuits, dans le village de Pond Inlet, au Canada.

axelle 159 • mai 2013 25

usent de moyens différents. Je voulais par exemple faire appel au texte d’une Saoudienne qui se bat pour que les femmes prennent le volant, une revendication qui peut paraître étrange aux yeux des féministes de nos pays… Les Inuits ont aussi une conception radicalement différente de la nôtre : ils pratiquent la fluidité des genres (voir enca-dré). Les Inuits fonctionnent selon la complémentarité, les Algériennes prônent la mixité, ce qui pourrait faire hurler Françoise Picq et d’autres féministes occidentales !”

Vous choisissez donc de faire dialoguer les fémi-nismes…“Tous les textes de ce coffret entrent en résonance les uns avec les autres. On a essayé de combiner les revendi-cations politiques et sociales prônées depuis les années 70 dans nos sociétés à un féminisme culturel, avec la vo-lonté de lancer un troisième acte du féminisme. L’objectif de notre collection est de montrer que les femmes for-ment une communauté de conscience, une communauté d’insoumises. Même si leurs combats sont différents, ils doivent être confrontés et peuvent s’intégrer à une lutte commune. Nancy Fraser représente bien cette pensée.2”

Ce sont uniquement des femmes qui écrivent sur des femmes… Est-ce voulu ?“On a beaucoup apprécié les textes de ces auteures qui ont un lien très fort avec les femmes dont elles parlent, à travers leurs recherches et leurs engagements. Mais cela n’empêche pas qu’on puisse éditer un bouquin écrit par un homme. Nous pensons d’ailleurs publier un jour le texte d’un gynécologue qui reconstruit les organes génitaux après des viols. Son expérience participe aussi pleinement à l’évolution de la condition des femmes.”

“Femmes, où en êtes-vous ?” en trois citations

“Ringard, le fémi-nisme ? Plus que jamais un enjeu politique et géopolitique.” Françoise Picq, Fémi-niste, encore et tou-jours.

“Il est temps d’écou ter la femme noire dans sa robe ordinaire, d’écou-ter ceux de ses sœurs et ses frères qui parlent et agissent sans haus-ser le ton.” Marcia Langton, Fémi-nismes, ailleurs.

“Le féminin est d’abord un entraînement radi-cal à la liberté.” Isabelle Sorente, État sauvage.

“Femmes, où en êtes-vous ?”, Indigène édi-tions 2012. Les trois titres sont vendus en coffret (9,30 eur.) ou séparément (3,10 eur.).

état sauvageI s a b e l l e S o r e n t e

Femmes, où en êtes-vous ?état sauvageI s a b e l l e S o r e n t e

« Le féminin est un entraînement radical à la liberté. » Dans cet essai subversif écrit d’une plume joyeuse, fiévreuse, Isabelle Sorente prend le contrepied de l’axiome qui fait de la femme le « sexe faible », pour révéler la puissance acquise au fil des siècles et au cœur des contraintes : le conditionnement du féminin se renverse pour devenir une force, un exercice spirituel d’un genre nouveau qui ouvre sur des perspectives d’action inédites.

Isabelle Sorente a publié des romans et des essais remarqués comme L (J’ai Lu, 2002), Panique (Grasset, 2005) ou Addiction générale (Lattès, 2011). Elle a cofondé la revue Ravages.

ISBN : 979-10-90354-34-0

www.indigene-editions.fr 3,10

D.R.

« Il est néfaste d’être purement un homme ou une femme ; il faut être femme-masculine ou homme-féminin. »

Virginia Woolf ( Une chambre à soi )

Couv.-EtatSauvage.indd 1 02/10/12 11:57

féminismes, ailleursC l a i r e A u z i a s , L i n a B e n M h e n n i , M a r c i a L a n g t o n , M a l i k a M o k e d d e m , M i c h è l e T h e r r i e n

Femmes, où en êtes-vous ?Féminismes, ailleurs

C l a i r e A u z i a s , L i n a B e n M h e n n i , M a r c i a L a n g t o n , M a l i k a M o k e d d e m , M i c h è l e T h e r r i e n

Ailleurs, ailleurs..., dans le désert de l’Australie aborigène, dans le Grand Nord inuit, juste de l’autre côté de nos rives, en Algérie, Tunisie et chez les Roms aussi, l’heure est à une terrible realpolitik qui contraint les femmes à se dresser contre les violences que retournent contre elles leurs propres hommes, englués dans une haine post-coloniale. Occupées à « réparer » la colère masculine, elles n’en rêvent pas moins d’actualiser leurs « politiques rituelles du genre ». Placées « en délit de corps », condamnées à l’éternel féminin par les oppresseurs d’hier comme d’aujourd’hui, du dehors comme du dedans, toutes jurent, doublement, de ne jamais s’agenouiller.

Claire Auzias est docteure en histoire, spécialiste des Roms et de l’anarchisme ; Malika Mokeddem, médecin néphrologue, est écrivaine ; Lina Ben Mhenni, professeure d’anglais à l’université de Tunis, est blogueuse et cyberdissidente ; Marcia Langton, actrice, anthropologue, dirige le Département d’études indigènes à l’université de Melbourne ; Michèle Therrien, professeure des universités à l’Institut national des langues et civilisations orientales à Paris, est spécialiste de la langue et de la culture inuit.

ISBN : 979-10-90354-10-4

www.indigene-editions.fr 3,10

« Il est néfaste d’être purement un homme ou une femme ; il faut être femme-masculine ou homme-féminin. »

Virginia Woolf ( Une chambre à soi )

Fra n ç o i s e P i c q

féministe, encore et toujours

Femmes, où en êtes-vous ?Féministe, encore et toujours

Fra n ç o i s e P i c q

Non, le féminisme n’est pas ringard, rien n’est acquis malgré les conquêtes de la parité. Si la complexité des enjeux d’un monde globalisé peut brouiller les cartes, l’exigence de justice et de liberté n’admet aucune démission. « Il n’y a pas de liberté vraie, là où une situation d’inégalité ou de dépendance ne donne d’autre

alternative que de se soumettre », écrit Françoise Picq. Elle rappelle, aux femmes d’aujourd’hui, les grands débats d’hier, et les alerte, avec bienveillance mais sans concession, sur les écueils qui guettent le renouveau féministe.

Françoise Picq est docteure d’État en Science politique, chercheuse à l’Institut de recherche interdisciplinaire en Sciences sociales (IRISSO) de l’Université Paris-Dauphine. Elle a participé dès ses débuts au Mouvement de libération des femmes. Elle est l’auteure notamment de Libération des femmes, quarante ans de mouvement (Seuil, 1993 ; éditions Dialogues, 2011), devenu l’ouvrage de référence sur le féminisme des années 1970.

ISBN : 979-10-90354-09-8www.indigene-editions.fr 3,10

« Il est néfaste d’être purement un homme ou une femme ; il faut être femme-masculine ou homme-femme. »

Virginia Woolf ( Une chambre à soi )

Femmes, où en êtes-vous ? éditions Indigène

Où enêtes-vous ?

Femmes, où en êtes-vous ?

Qu’elles soient françaises, algériennes, tunisiennes, roms, aborigènes, inuits..., les femmes aujourd’hui sont aux avant-postes de la résistance contre les situations d’inégalité, de dépendance et de soumission. C’est pour mieux faire entendre leurs voix qu’Indigène lance, avec trois premiers titres signés par des intellectuelles engagées, cette nouvelle collection : Femmes, où en êtes-vous ?

Féministe, encore et toujoursFrançoise Picq

« Ringard, le féminisme ? Plus que jamais un enjeu politique et géopolitique. »

Féminismes, ailleursClaire Auzias, Lina Ben Mhenni, Marcia Langton, Malika Mokeddem, Michèle Therrien

« Il est temps d’écouter la femme noire dans sa robe ordinaire, d’écouter ceux de ses sœurs et ses frères qui parlent et agissent sans hausser le ton. »

État sauvageIsabelle Sorente

« Le féminin est d’abord un entraînement radical à la liberté. »

www.indigene-editions.fr

ISBN

: 97

9-10

-903

54-3

5-7

979

1090

3543

57

9,30

JaquetteFemmes.indd 1 02/10/12 12:10

À Pulkalki, dans le désert australien, en terre abori-gène.

© A

gefo

tost

ock/

Phot

o Pa

blo

Cor

ral V

ega

axelle 159 • mai 201326

Quel est selon vous le grand défi du féminisme au-jourd’hui ?“Le féminisme doit retrouver une dimension critique dans son exigence de liberté. Je pense par exemple à la parité : c’est une bonne chose de la revendiquer, mais il ne faut pas s’en satisfaire. Il est nécessaire d’aller plus loin dans la conquête des droits… Autre exemple : l’accès des femmes aux postes de pouvoir. Cela n’est pas en soi une victoire pour le féminisme, car certaines femmes peuvent alors entrer dans une posture de pouvoir et être avalées par le système dominant. Or, l’expérience historique des femmes illustre qu’elles ne sont pas dans une position dominante. La philosophe Isabelle Sorente développe cette idée dans l’ouvrage État sauvage pré-sent dans le coffret. Il faut toujours réfléchir à articuler l’autonomie du sujet avec des formes collectives qui ne l’oppressent pas.” n

1 Le Mouvement de Libération des Femmes est né en France dans le sillage de Mai 68. Non mixte, il défend les droits civiques, sociaux et sexuels des femmes. En 1970, les militantes du MLF déposent au pied de l’Arc de triomphe de Paris une gerbe au slogan devenu célèbre : “Il y a plus inconnu que le soldat inconnu, sa femme”.

2 Voir axelle n° 157.

Indigène, la maison d’édition indignéeLa maison d’édition Indigène naît en 1996 à Montpellier. Ses fondateurs, Sylvie Crossman et Jean-Pierre Barou, partagent l’envie de “faire dialoguer les arts et les savoirs des sociétés dites premières, c’est-à-dire des sociétés qui ne sont pas passées par l’industrialisation, et les nôtres”. À travers plusieurs ouvrages, ils relaient les expériences de ces sociétés méconnues et méprisées dans lesquelles le mot “modernité” ne se mesure pas aux nouvelles tech-nologies mais à l’éveil de l’imaginaire et à la construction des consciences. Ce qu’illustre, par exemple, l’ouvrage de Lori Arviso Alvord, Le Scalpel et l’Ours d’argent. La lecture de ce livre signé par la première chirurgienne du monde navajo, pionnière dans sa façon d’allier la chirurgie et la médecine traditionnelle de ses aïeux, est désormais obli-gatoire dans deux facultés de médecine de Lyon !En 2002, les éditions Indigène lancent la collection “Ceux qui marchent contre le vent” qui rassemble les textes de résistant-e-s issu-e-s cette fois de nos sociétés. Durant une dizaine d’années, Indigène distille ces textes comme autant d’armes non-violentes destinées à construire les consciences et à changer la société. Un beau projet qui reste assez confidentiel jusqu’à la publication du célèbre petit manifeste d’un grand homme : Indignez-vous ! de Stéphane Hessel. Vendu à plus de deux millions d’exem-plaires en France, édité dans 22 pays, ce texte est devenu une référence pour une jeunesse en mal de liberté et de droits. Mais ce succès n’est pas monté à la tête des édi-teurs ! Il leur a donné encore plus de vigueur et a surtout prouvé que la mission d’Indigène n’était pas vaine…

“Ces femmes doivent se dresser contre les violences des hommes de leur entourage tout en affirmant leur identité culturelle, elle-même opprimée.”

CC B

Y N

asse

r Nou

ri : w

ww

.flic

kr.c

om/p

hoto

s/na

sser

nour

i/53

7045

7794

htt

p://

crea

tivec

omm

ons.o

rg/l

icen

ses/

by/2

.0/ Le 19 janvier 2011, à Tunis,

une manifestation appelle le RCD à se retirer du gouver-nement de transition.

axelle 159 • mai 2013 27