Pardonne-moi si tu peux (SIDH PR.ROMANOS) (French...

54

Transcript of Pardonne-moi si tu peux (SIDH PR.ROMANOS) (French...

PARDONNE-MOISITUPEUX…MARILYNEWEISS

©MarilyneWeiss©LeilaBouslama-ChezCLM,2016,pourlacouverture

Correction:PatriciaNivoixCeci estuneœuvrede fiction.Lespersonnages, lieuxet évènementsdécritsdans ce récitproviennentde l’imaginationde l’auteurou sontutilisés fictivement.Toute

ressemblanceavecdespersonnes,deslieuxoudesévènementsexistantsouayantexistéestentièrementfortuite.Lesauteursreconnaissentquelesmarquesdéposéesmentionnéesdanslaprésenteœuvredefictionappartiennentàleurspropriétairesrespectifs.Tousdroitsréservés.Cetteœuvrenepeutêtrereproduite,dequelquemanièrequecesoit, partiellementoudanssatotalité,sansl’accordécritdelamaisond’édition,à

l’exceptiond’extraitsetcitationsdanslecadred’articlesdecritique.Avertissementsurlecontenu:Cetteœuvredépeintdesscènesd’intimitéentredeuxhommesetunlangageadulte.Ellevisedoncunpublicavertietneconvientpasaux

mineurs.Lamaisond’éditiondéclinetouteresponsabilitépourlecasoùvosfichiersseraientlusparunpublictropjeune.ISBN:9782373870817

Dépôtlégal:Octobre2016www.sidhpress.com59RuedeParis60000Beauvais

Lundi22OctobreMercredi24OctobreSamedi21FévrierDimanche22FévrierLundi23FévrierMardi24FévrierMercredi25FévrierJeudi26FévrierSamedi28FévrierTroismoisplustard...

Lundi22Octobre

LORENDerrièresonbureauenboismassif,leDocteurEfferlm’évalualonguementavantdereprendrela

parole.—Vousavezfaitd’incroyablesprogrès,mademoiselleClarke.Votreoptimismeetvotresensdela

ténacitéontsansaucundouteparticipéàvotrerétablissement.Néanmoins,lescauchemarsrécurrentsquiperturbentvotresommeilnepeuventêtrequelefruitd’untroubleémotionnelpersistant.Sansblague!J’avaiscompristouteseulequelefaitd’êtreclouéeàunmurpendantqu’unbourreauprenaitson

piedàmecriblerdeballesn’étaitpaslerêveleplussaindumonde.Pourtant,cecherpsychiatreavaitraison,ilyavaiteudenettesaméliorationscesderniersmois.Je

pouvaismaintenantsortirdechezmoisanstremblercommeunefeuille,etjenetombaisplusdanslespommes aumoindre bruit. Sauf bien sûr s’il s’agissait de coups de klaxon ou d’éternuements, lessonslesplusimprévisiblesquisoient.Ilréajustaseslunettesetcontinua.—Poursereconstruirepsychologiquementaprèsuneagression,ilestimportantdedépasserles

troisphasesdethérapie,commevousl’avezfaitavecbrio.Cependant,ilvousresteencoreuneétapeàfranchir, et qui n’est pas desmoindres : pardonner à son agresseur. Il ne s’agit pas forcément del’exprimer avecdesmots,mais de le penser réellement, de le ressentir.Cen’est que lorsquevousvoussentirezprêtepourcelaquevousretrouvereztoutevotrepaixintérieure.

Pardonneràmonagresseur...Écarquillantlesyeux,j’ouvrislaboucheetlarefermaiplusieursfoisavantdemesouvenirquele

mode«poissonrouge»nem’avantageaitpas.Hélas, une agression à l’arme à feu laissait inévitablement des séquelles. Les policiers avaient

employé le terme «miraculé».Un cambriolage dans une petitemaison de banlieue qui avaitmaltournéalorsque je longeaisunerue latérale.L’hommecagouléquiavaitsautéd’unefenêtres’étaitretrouvé face à moi, brandissant son pistolet et me réduisant au statut de proie, piégée. La scènen’avaitduréqu’unefractiondeseconde,maislessensationsétaientencorepalpables.L’angoisse,lavague de détresse qui m’avait submergée, et la terreur lorsqu’il avait pressé la détente dans uneeffroyabledétonationquirésonnaitencoreàmesoreilles.Àprésent,jenecessaisdemerépéterquej’étaisenvieetquetoutcelaappartenaitaupassé.Maisla

douleurcauséeparlaballequiavaittraversémonépauleétaitbeaucoupmoinsrationnellequemoi.Etmême si la blessure avait cicatrisé durant ces derniersmois, cette agression avait bouleversémonquotidien.Durant de longues semaines, j’étais restée confinée dansmon appartement, usant simultanément

moncanapéetma télécommande, avant d’oser remettre le nez dehors.Millie,mameilleure amie,avait faitpreuved’unepatience sans limitesenm’encourageantàposerunorteil sur lepaillasson,puis un second, et enfin le pied tout entier, jusqu’à ce que j’accepte de replacer le paillasson àl’extérieur de l’appartement pour recommencer la manœuvre. Mais rien à faire, je me sentaiscontinuellementendanger.J’avais été àpeine soulagée à l’annoncedes trois ansdeprisondont avait écopé lemalfaiteur .

Quantaufaitdesavoirqu’iln’enferaitprobablementquelamoitié,unrapidecalculm’avaitappris

qu’ilseraitlibred’icitreizemois.Est-cequej’étaisprêteàluipardonner ?C’étaitunequestionquej’allaisétudier.Peut-être.Unjour.

Sijen’avaisriendemieuxàfaire...—Hum...oui,jevais...yréfléchir.— Très bien. En attendant, je vous conseille de continuer les sorties, étape par étape en

augmentantprogressivementladurée.Avez-vousprévuquelquechoseprochainement?—Oui,jesorsceweek-endavecMillie,auCloverPub.J’essaieraid’yresterdeuxheuresentières.Ilapprouvaavectoutl’intérêtd’unmédecinsatisfaitdesonpatient.—C’est excellent,mademoiselleClarke.Aussi, je vous propose d’espacer les séances, disons,

touslesquinzejours,sicelavousconvient.Waouh!Celanefaisaitplusquedeuxséancesparmois,j’étaisaussifièrequesij’avaisdécroché

undiplôme.Pourtant, je ressortaisducabinet l’esprit confus.Tous leseffortsque j’avaisaccomplis jusqu’à

présent me paraissaient insignifiants face à la nouvelle requête du Docteur Efferl. Cependant, cepsychiatreavaitdéjàprouvésescompétences,etsesconseilsm’avaientsortiedel’impasseplusvitequejenel’auraispensé.Alorspeut-êtredevais-jeluiaccordermaconfianceunedernièrefois.

**MATHIAS

Derrière ses lunettes rectangulaires, ce type a l’air encore plus d’un escroc quemoi. Ses yeuxévaluent toutes les stratégiespossibles.Cela faitplusd’unquartd’heurequ’il épluche ledossieretétudiemasituation.Jenevoispascequ’ilpeutyapporter,c’estjusteunesituationmerdique.

Maismonfrèrelepayetrèscherpourqu’ilmefassesortird’iciauplusvite,alorsilsedonnedelapeine,etrelitpourlacentièmefoislesdocumentsempiléssurlatable.

Tout à coup, il lève la tête etm’adresse un rictus rusé, à croire qu’il vient de deviner le codebancairedeBillGates.Ilvaencorem’ennuyer,avecsonjargonetsesphrasesquin’enfinissentpas,maisjem’efforcedel’écouter.Cinqminutesdeplusavecluiserontcinqminutesdemoinsdansmacelluleet,sicetavocatvéreuxauneidéepourm’ensortir,autantsemontrerattentif.

—Comptetenudevotredossieretdelaconduiteirréprochabledontvousfaitespreuve,jedevraisvousobteniruneréductiondepeineettrouverunoudeuxvicesdeformesanstropdedifficultés,cequivousferaitquittercetétablissementd’iciunan.Néanmoins,jevoisunesolutionquipermettraitd’écourterencorevotrecondamnation.

Jelefixeimpatiemmentenattendantlasuite.Cetenfoirésaitqu’ilestmonseulespoir,alorsilenprofitepourfairedurerlesuspense.Ilesquissemêmeunpetitsouriresatisfaitavantdereprendresonsérieux.

—Soyonsclair,monsieurStevenson.Mêmesilesfaitssontsurvenusdansunmomentdepanique,vousaveztirésurunefemme.Votreconduite,aussiirréprochablesoit-elle,nesuffirapasàaccomplirdesmiraclescommevotre frère ledemande.Enrevanche,envued’obtenirune réductiondepeinesupplémentaire,vouspourriezélargirvotreperspective,etopterpourlerepentir.Ilmesemblequedesexcusesenversvotrevictimeseraientunexcellentatoutdansvotredossier.

Jeclignedesyeuxcommes’ilvenaitdemegifler.Mavictime…Bordel !Cen’estpasmavictime!Jenesaismêmepasàquoielle ressemble.Lecielétaitnoir,

cettenuit-là.Touts’estpassétropvite.—MonsieurStevenson?—Ouais...je...Ils’inclinedequelquescentimètresau-dessusdelatableetplisselespaupièrespourcaptertoute

monattentionavecsonairdetruand.—Jemedoutequecelanevousplaîtguère,maisréfléchissez-y.Lejugeprendrasadécisionenfin

desemaine.Sid’icilà,nousparvenonsàfairevenircettefemmejusqu’iciafinquevousluiprésentiezdésespérémentvosexcuses,toutpeutallertrèsvite,etvousneseriezpeut-êtrepasobligédemoisirencoreunandanscetrou,dit-ilenjetantautourdeluiunregarddedédain.

Unetableplusloin,undétenus’entretientluiaussiavecsonavocat.Etsurcelled’àcôté,cesontdeuxgossesquiviennentrendrevisiteàleurpère.Danslegenreglauque…Maisc’estlafenêtreaufonddelapiècequiaraisondemoi.Elleabeauêtreopaqueetquadrillée

parunedizainedebarreauxenacierlourd,lalumièrequiyfiltrenecessedemerappelerquejeneme trouve pas du bon côté dumur. Je ne supporte plus les dixmètrescarrés dema cellule. Je nesupporte plus de faire profil bas lorsqu’onm’insulte et, par-dessus tout, je ne supporte plus cetteodeur.

C’est l’odeurde lapeur,duméprisetde lasolitude.Alorsc’estdécidé.Jeferain’importequoipoursortird’ici.

—C’estd’accord.Demandez-luidevenir.**

LOREN—Loren?Quesepasse-t-il?Aprèsdeuxlonguesminutesdansunedimensionlointaine,letéléphoneglissademamainmoite

etpercutalecarrelagedemonsalon.—Loren!Quiétait-ce?JemeforçaiàassimilerlaquestiondeMillie,puisbaissailesyeuxpourlirelenomquejevenais

degriffonnersurlecalepintéléphonique.—Maître...Faliyot.C’étaitMaîtreFaliyot.—Quic’est,celui-là?— L’avocat du type... qui m’a tiré dessus. Il veut me rencontrer pour... s’excuser, si j’ai bien

compris.—Tuneluiaspasrépondud’allersefairevoir ?—Jen’allaistoutdemêmepasinsultersonavocat,iln’yestpourrien.C’estétrange,cematin,

monpsym’ajustementexpliquéqu’ilmeseraitbénéfiquedepardonneràmonagresseur.Cegenredecoïncidencemedonnaitl’impressionqueleKarmaavaituneidéederrièrelatête.Milliem’observa,incrédulesousseslongscheveuxblonds.—LorenEstelleClarke,dis-moiquetunevaspasaccepterdeterendrelà-bas,seule,pourfaire

faceàcetype.—Biensûrquenon!Jen’iraipasseule.Peux-tum’accompagner ?—Jetrouvequec’estunetrèsmauvaiseidée,objecta-t-elleensecouantlatête.Jenepensepasque

tu sois prête à endurer un face à face avec un homme qui hante encore tes cauchemars. Tu feraismieuxderefuser.Sivraimenttuveuxluipardonner,passe-luiuncoupdefil.

—Etpourquoinepaslerencontrer,toutsimplement?C’estl’occasiondevoiràquoiressemblecetaréetdesavoirsijepourraisunjourluipardonner.Je ramassai lecombinédu téléphoneenm’assurantqu’il fonctionneencoreet le replaçai sur sa

baseenprenantbiensoind’éviterleregardaccusateurdeMillie.

Mercredi24Octobre

LOREN—Votrecarted’identité,s’ilvousplaît.Je fouillai dans mon sac à main pour en retirer mes papiers. La secrétaire me jaugea

scrupuleusement, ses yeux faisant plusieurs allers-retours entremonvisage etmaphotod’identité,sansgrandeconviction.Pasétonnant.Cesnouvellesphotosdonnaienttoujoursl’impressiond’avoirprisvingtkilos.

—Trèsbien,dit-ellefinalement,vouspouvezpassersousleportique.Elle me désigna un portique de détection semblable à celui des aéroports, du genre que l’on

redoutedefranchir,mêmeensachantpertinemmentquel’onn’arienàsereprocher.Ceportiqueconstituaitlavéritableporteducentrepénitentiaire,lalimitequiséparaitréellement

l’intérieurdel’extérieur.Mesépaulesseraidirentetmesjambessemirentàflageoler.Jeregrettaissoudaind’avoirconvaincuMilliedem’attendredanslavoiture.Lasecrétaireparutremarquermontrouble,etm’adressaunregardbienveillant.

—Ilmesemblequecettevisiten’estpasobligatoire,mademoiselleClarke,vousêteslibredelarefuser,ouderevenirplustardsivouslesouhaitez.

Pasfaux.Maisjenem’étaispastapéuneheureetdemiederouteetunequinzained’exercicesderespirationpourrepartirmaintenant.

—Merci,maisilfautquejelevoie,affirmai-jeenm’engageantsousleportique.—Parfait.Danscecas,monsieurStevensonvousattenddanslasallecommune,suivez-moi.—La salle commune... vous voulez dire qu’il n’est pas derrière une vitre de trente centimètres

d’épaisseur,menottéetentouréd’hommesprêtsàledescendreaumoindregestesuspect?Ellemesouritpatiemment.—Monsieur Stevenson ne fait pas partie des détenus qui doivent s’en tenir au parloir.Mais si

vousenfaiteslademande,jepeuxfaireensortequevotreentrevuesedérouledanscecadre.CourageLoren,tuentreslà-dedans,etsisatêteneterevientpas,turessors.Pasd’obligation.Ce

salaudestenprison,pastoi.—Hum...non.Toutvabien,jevoussuis.Au fondd’un longcouloir délabré, elle entrebâilla l’une des portes,me laissant jeter un rapide

coupd’œildanslapièce.Legardienquise tenaità l’entréeavait l’airdes’ennuyerferme.Lasalleétait propre, peinte dans des tons pastel, et éclairée par de grands néons. L’ameublement et ladécoration étaient rudimentaires : quelques tables rondes entourées de chaises, et sur le côté, unebanquetteoù traînaient des livres et des jouets d’enfants.Plusieursdes tables étaient déjà occupées.Assiseà l’uned’elles, une femmeagrippait lesmainsde sonconjoint comme si elle craignait quecelles-ci disparaissent. La suivante était occupée par deux hommes et un adolescent dont laconversationn’étaitvisiblementpasdesplusjoyeuses,etunetroisièmeparunhommeseul,dedos,quisemblaitfixerl’uniquefenêtredelapièce.Mince,est-cequec’était lui?Vud’ici, ilparaissaitbienplusjeunequejenel’avaisimaginé.La

secrétairemefitsigned’entrer.—Êtes-vousprête?Non.—Oui.

Ellemeprécédaetjeluiemboitailepascommeuneenfantscotchéeauxjupesdesamère.Ilmesemblait tout à coupqu’ellemarchait beaucoup trop vite. Pas la peine de courir unmarathon, ellepouvait prendre tout son temps, je n’étais absolument pas pressée. Ma gorge était sèche et monestomacpartaitenvrilleàmesurequej’avançais.Lesderniersmètresquimeséparaientdeluifurentlesplusdifficilesàfranchir.

—MonsieurStevenson,mademoiselleClarkeestarrivée.Àcesparoles,ilprituneprofondeinspirationetseretournapourmefaireface.Merde!Jenem’étaispasattendueàça.Dansmescauchemars,monBourreauavaitlaquarantaine

bienpasséeetunairsadique,ilétaitpoiluetpuaitlatranspiration.Le typequi se trouvaitdevantmoi avait sensiblementmonâge, etne ressemblait en rienàmon

tortionnaire.Chosequi,enfindecompte,m’agaçaauplushautpoint.Sacarrureathlétiquen’étaitpasleproblème,ni sonvisage aux traits parfaits nimême sesyeuxd’unbleu électriquequ’il plongeadanslesmiens,reflétantunesortedeconfusionsemblableàlamienne.

—Jevous laissevousasseoir,medit la secrétaire,prévenez legardiensivousavezbesoindequelquechose.J’acquiesçai d’un signe de tête et pris place à l’opposé de la table, le plus loin possible de cet

individu.Ilmedétaillaquelquesinstantsavantd’ouvrirlabouche.—Euh...Bonjour.Sesparolessonnaientpresquecommeunequestion,àlaquellejerépondisfroidement.—Bonjour.Ildéglutitdifficilementettoussota.—Je...m’appelleMathiasStevenson,jevousremercieinfinimentd’avoirfaitledéplacementpour

venir...m’écouter.Ilyacinqmois,j’aicommisunacteirréparable,etjetiensà...à...m’excuser,pourlestortsquejevousaicausés,sachezquejeregrette...Bonsang!Sondiscourspuaitlaleçonappriseparcœur,j’étaispourtantconvaincuequemêmeun

beaugosseégocentriquetelqueluipouvaitfairemieuxqueça.Cetypepossédaittoutl’attirailduBadboyprétentieux.Lecoiffédécoifféultrastylé, lesoreillespercées, probablementpardespiercingsdont il avait dû se séparer le temps de sa peine, et une posture naturellement rebelle et séductrice.J’auraispariéquedestatouagestribauxsecachaientquelquepartsoussablouse.Jelelaissaifinirsondiscourspathétiquepourneretenirqu’uneseuleetuniquephrase.

—Lestortsquevousm’avezcausés?Vousvoulezparlerduboulotquej’aiperduoudurencartauqueljen’aijamaispumerendre?Oh,oupeut-êtredufaitquej’aidûcondamnertouslesplacardsmurauxdemacuisineparceque jen’arrive toujourspasà lever lebras suffisammenthautpouryattraperquelquechose.Fronçantlessourcils,ilm’observaétrangementavantdeposerseslargesmainssurlereborddela

table,penchantlégèrementlebusteenavant.Jemesurprisàcontemplerbéatementsesmainsetseslongsdoigtsauxphalangesparfaites.—Vous...vousavezperduvotreboulot...àcausedemoi?—Cen’étaitpasgrand-chose,soupirai-je,justeunemploideserveuseenattendantd’exposermes

peintures,maisj’aimaisvraimentlerestaurantoùjetravaillais.Sonregardpassademonvisageàmonépaule,etses irisbleussefirentsoudainplussombres,

presque tristes. Soit il jouaitmerveilleusement bien la comédie soit je lui faisais réellement pitié.Danslesdeuxcas,ilpouvaitallersefairevoir.

—Est-cequevousallez...retrouverentièrementl’usagedevotrebras?—Qu’estcequecelapeutvousfaire?demandai-jesuruntonquej’auraisespéréplusglacial.

Ilfermalespaupièresquelquesinstantscommesimaréponseluiétaitdouloureuse,puisilpassaplusieursfoissamaindanssescheveux.— Je... je ne devais pas faire partie du casse, ce soir-là, mais j’ai fini par accepter.Mes deux

complicesm’avaientfourniunearme,justeaucasoù.Lorsqu’onaentendulavoituredepolice,j’aipaniquéetjemesuisenfuiparlafenêtre.Enapercevantvotresilhouettedanslaruelle,j’aicruqu’ils’agissaitd’unpoliciersurlepointdem’arrêter,etj’aipointémonarmepourl’endissuader.Jenesaispascommentlecoupestparti.Je...jesuis...tellementdésolé,pourtoutlemalquejevousaifait,etlasouffrance.Jesaisbienqueçanechangerarien,maisj’aimeraistantrevenirenarrière.Lesyeuxrivéssurmonépaule,ceflotdemotsétaitsortisansqu’ilpuisselesretenir,commes’il

lui était vital de les prononcer. Il n’avait soudain plus rien de l’hommeprétentieux que son allurelaissaittransparaître.Jedevaismerendreàl’évidence.Iln’étaitniunserialkillerniundégénéréquivivaitdansleseul

butdem’exterminer.Ilétaitparfaitementcoupable,maisjecommençaisàcomprendrequetoutcelan’avaitriendepersonnel.C’était le moment. Je pouvais le dire parce que je le pensais vraiment, et surtout parce que je

voulaisallerdel’avant.J’inspirailentementetmeforçaiàleregarderdanslesyeux.—Jevouspardonne.Il eut un léger mouvement de recul et me scruta comme si j’étais devenue cinglée. Puis son

expressionsemodifiaencore,laissantémanerunsentimentderemords,etautrechosequejenesusdéfinir.Peuimporte.J’étaisparvenueàluipardonneravecsincérité.Jemelevaietreplaçaimachaisetandisqu’ilmefixaittoujours.—Bon,etbien,jevaisrentrerchezmoimaintenant,déclarai-jesimplement.Essayezdepratiquer

desactivitéspluscalmesàl’avenir.Genre,letricot,oulamarcheàpied.Jemedirigeaiverslaporte,laissantdanscettetristesallelepoidsénormequejetrimballaisen

entrant.Biensûr,toutn’allaitpasredevenircommeavantsimplementparcequeMichaelMyersétaitenréalitéunbeaugossedésolé.Maisc’étaitunpasdeplusverslaguérisonetl’autonomie.JepouvaisenfindireadieuauBourreauettournerlapageàtoutjamais.—Attendez!Jemeretournai.—Jeneconnaispasvotreprénom.Etalors?—Loren,luirépondis-jepourtantavantdepasserleseuildelasallecommune.

**MATHIAS

Loren.Legardienvientmechercherpourmeraccompagnerdansmacellule.Celuiquiestsympa,pas

l’espèced’abruti.—Alors,j’aientenduquetonavocatsedémenaitpourtefairesortirplustôt?Tuasdelachance,

tesdeuxcollèguessontencorecoincésicipourunmoment.—Cesontlescollèguesdemonfrère,paslesmiens.Jezieuteletéléphoneportablequidépassedesapoche.—Est-cequejepeuxvousl’emprunteruneminutes’ilvousplaît?Legardienhésite,puismetendsontéléphone.Untoutnouveaumodèlequejeneconnaispas.Je

bidouille les touches tactiles et m’emmêle les pinceaux jusqu’à tomber dans une configurationaberrante.

—Quecherches-tuexactement?—Rien,justeuneadresse.—Donne-le-moi,jevaist’aider.C’estàquelnom?Jeluijetteuncoupd’œilréticentavantderépondre.—LorenClarke.—Héhé,c’estuneputequetuvoisenprison?—Iln’yapasdeputesenprison.—Biensûrquesi.Ilfautseulementavoirlebudget.Etlamotivation.Quelques secondesplus tard, ilme tend son téléphone affichant l’adressedeLoren.Ellehabite

danslecentredeNice.Àquelquescentainesdemètresdechezmoi.Jen’aijamaiseuautantenviedesortird’iciquemaintenant.

Samedi21Février

LOREN—Tuescertainequ’iln’yapasdeplaceplusprès?—Jesuisdésolée,Loren,onadéjàfaittroisfoisletour.Situpréfères,jepeuxtedéposerdevant

lepubetteretrouveràl’intérieur.—Non,pasdeproblème.Çameferadubiendemarcherdehorsdanslanuitencroisantpleinde

typeslouches.Est-cequecemecestvraimentdéguiséenconcombre?—Cedoitêtreunenterrementdeviedegarçon,détends-toi.C’estcenséêtreunesoiréetranquille,

un petit concert auClover Pub. Je suis là, et Clément nous attend devant l’entrée, il ne peut rient’arriver.Clément,letoutnouveausexfrienddeMillie,étaittrèssympathique,maiscen’étaitcertainement

pas lui qui allait nous défendre si besoin était. Je réussis néanmoins à sortir de la voiture, puis àfranchirlescinquantemètresquinousséparaientduPub.À l’intérieur, la salle était bondée. Avant l’agression, c’était un endroit agréable que nous

fréquentions régulièrement, et qui me permettait de décompresser et de m’amuser. Aujourd’hui,c’étaitdevenuuntestévaluantmacapacitéàmesociabiliseretàsupporterlebruit.Etilsemblaitquejenem’ensortaispastropmaljusqu’àprésent.MillieenvoyaClémentcherchernosboissonsetnousdénichaune tablenon loinde lascène,où

plusieursgroupessesuccédaientdansdesstylesvariés.J’essayaidemedétendremalgrélafouleetmeconcentraisurlesanecdotessulfureusesdelanouvellerelationdeMillie.—Alors,commentréagirais-tuàmaplace?CommejenesavaispassisaquestionconcernaitlesfantasmesbizarroïdesdeClément,oulefait

que son « engin » ressemble à s’y méprendre à celui de son ex-petit ami, je me contentai d’uneréponsevague.—Tusais,celafaitplusdehuitmoisquejen’aipaseuderelations, jenesuissansdoutepasla

mieuxplacéepourterépondre.—Oh,Loren,excuse-moidet’ennuyeravectoutça.Onvaplutôts’occuperdetoncasettetrouver

quelqu’undebien.Cepubregorgedetypescélibataires,tun’asquel’embarrasduchoix.Millieavaitraison,ilétaittempsquejereprennemavieamoureuseenmain.Àvingt-cinqans,je

n’avaiseuquedeuxrelationsdurables.Sil’onconsidèrebiensûrqu’unepériodedequatremoispeutêtrequalifiéededurable.

Clémentrevintavecnosconsommationsets’assitsiprèsdeMilliequ’ilsemblaitdéjàprévoirdeluigrimperdessusavantlafindelasoirée.Unquartd’heureplustard,jedécidaideleurlaisserunpeud’intimitéetmedirigeaiverslecomptoirpourcommanderunedeuxièmetournée.Cesoir, l’éclairageavaitétémodifiéetamélioréenfaveurde lascène.Denombreuses lumières

coloréesdansaientetclignotaientdanslasalle,perturbantmessensetmesrepères.Àchacundemespas, la foulese fitplusoppressanteet lebruitassourdissant. Jeprissoind’inspirercalmement,mecréantunesortedebulledeprotectionquimepermitdemefaufilerentrelescorpsdéchaînésjusqu’àatteindrelebar.—Lamêmechose,demandai-jeaubarmanendéposantlesverresvidessurlecomptoir.Ilacquiesçadumentonetterminadeservirlegarsassissurunhauttabouretàmadroite.Celui-ci

tournalatêtepourmereluquerouvertementetm’adressaunsourirecharmeur.

—Bonsoirpoupée,tuesvenueseule?Oui,grosmalin,etjeboistroisverresàlafois.—Jesuisavecuneamieetsoncopain.Maréponsesemblaluiplaire.D’unmouvementfluide,ilabandonnasontabouretpours’approcher

tropprèsdemoi,m’infligeantunesensationd’étouffement,tandisquejem’évertuaiàrationaliserlesévénements : un type quelconque essayait de me draguer. Rien de plus. Une situation des plusclassiqueslorsqu’onmettaitlespiedsdanscetyped’établissement.Respireetsouris,Loren!—Jesupposequetunevienspassouvent ici,suggéra-t-il,sinonje t’auraisremarquéavant,une

filleaussijoliequetoinepassepasinaperçue.OK.C’étaitpartipourunforfait«dragueàdeuxballes».Jem’ordonnaimentalementde tenir le

coupaumoinscinqminutes.Bienquetroisfussentdéjàunexploit.—Ilestvraique...jenesorsplusbeaucoupcesdernierstemps.—Sais-tu à quel point tu esmagnifique? demanda-t-il en avançant ses doigts versma bouche.

J’aimeraisbeaucoupmerapprocherdeceslèvres.Je reculaiprécipitammentafinqu’il laissemes lèvres tranquillesetme tournaivers lecomptoir

pourvoirsimesboissonsétaientprêtes.Lebarmanlesposadevantmoiaumomentoùletypesortitunbilletdesapochepourlesrégler.—Non!m’exclamai-jeenledevançantpourpayermoi-mêmeleserveur.Je n’étais pas le style de fille à laisser un hommequi neme plaisait pasm’offrir un verre. Je

voulaissimplementrejoindremesamisetm’éloignerd’icipourquecepiètredragueurmefichelapaix.

Sanscomprendrelemessage,celui-cirevintàlachargeavecunclind’œilsignificatifalorsquejetentaisdemedégager. J’attrapai les troisverres entremesmains enpriantpourn’en faire tomberaucunetm’écartaiducomptoiràreculons,jusqu’àcequemondosheurtequelquechosededur.

Jefisvolte-face...et lâchai l’undesverres,quelerocdevantmoirattrapad’unemainsûresansfairetomberuneseulegouttedeliquide.Alorsquejefaisaistousleseffortsdumondepourmesouvenircommentrespirer,moncœurse

mitàtambourinerviolemmentdansmapoitrine.Àmoinsquecetindividuaitunfrèrejumeau,l’hommequimefaisaitfaceétaitmonBourreau.Et

visiblement,j’avaislargementsous-estimésamusculature,dontlesabdominauxsaillaientsoussont-shirtmoulant,nettementplusvalorisantquelablousequ’ilportaitaucentrepénitentiaire.Uneséried’anneauxenorstriaitsonoreilledroiteetunlargebraceletdecuirnoirluirecouvraitl’ensembledupoignet.

Leregardbleusombrequ’ilarboraitétaitparfaitementterrifiant.Sesiris,devenuspresquenoirs,foudroyaientsaproiesansaucunepitié,nedemandantqu’àlaréduireenmiettes.Saufqu’ilnes’agissaitpasdemoi,maisdupiètredragueurquienvoulaitàmes lèvres l’instant

d’avant. Jetantuncoupd’œilpar-dessusmonépaule, jevis celui-ci détalervers le fondde la sallesansdemandersonreste.Etundemoins!Restaitleplusimposant.Jedéglutisdifficilementavantdeprononcerlesmotsquim’étouffaient.—Que...qu’est-ceque...tufaislà?LeBourreaubaissaenfinsonregardsurmoietsestraitsseradoucirent.—Onsetutoie,maintenant?—Tum’asfaitun troudans l’épaule.Nemedemandepaspourquoi,mais j’ai laconvictionque

celamedonneledroitdetetutoyersiçamechante.Etilmesembleaussiavoirdroitàuneréponse.

Quefais-tuici,tunedevraispast’ennuyeràmourirderrièredesbarreauxencemomentmême?—J’aiobtenuuneréductiondepeinesupplémentairepourbonneconduite...entreautres.Jesuis

désolé,jecomprendsquecelapuissetecontrarier.Direquecettenouvelleétait«contrariante»étaitundouxeuphémisme,eneffet,maisnepouvant

riencontreunedécisionjudiciaire, lemieuxpourmoiàprésentétaitdemeteniréloignéede toutecettehistoire.Etdecetype!—Nesoispasdésolé,dis-jesuruntonquej’espéraisdétaché,jet’aipardonné.Tantmieuxpour

toisituasétélibéréplustôtqueprévu.Etquefais-tuici,danscepub?—Riendespécial.Unesimplesoirée...entreamis.Son timbre de voix était doux et grave. Je n’avais pas besoin de tendre l’oreille par-dessus la

musiquepourl’entendre.—Oh,jevois,tun’avaispasdecambriolageprévucesoir?Ilrivasurmoisonregardmagnétiqueetréponditavecsérieux.—Non.J’aid’autresprojetsdésormais.—Super...OK...super...Ilétaittempspourmoiderécupérermonverrequ’iltenaitencoreentresesmainsetderejoindre

ma tableoùMilliedevaits’impatienter. Il semblacomprendremes intentionset fitunpasversmoipourglisserleverreentremesdoigtslibres.

—Bonnesoirée,Loren,dit-ildoucementavantdes’enaller.Je le regardais’éloigneravecunesensationétrange,puis regagnai la tableoùMillie etClément

avaientnettementprogressésij’encroyaislacuissequ’elleavaitpasséepar-dessussonentrejambe.—Ilestici,lâchai-jeenm’affalantlourdementsurmachaise.Millies’arrachadelabouchedeClémentcommeonenlèveunsparadrap.—Qui?—Mathias Stevenson, alias leBourreau.Le prisonnier qui n’est plus en prison. Ils l’ont laissé

sortirpourbonneconduite.—C’estrévoltant!s’exclamaClément.—Peut-être,maisçanem’empêcheraplusdevivre.Lapageesttournée,nevousfaitesaucunsouci

pourmoi.Deuxheuresplustard,j’étaisépuiséeetj’avaisunefoisdeplusremplimoncontrat.Deuxheuresetdemie dans un pub bruyant et grouillant de monde. J’avais hâte de raconter ce nouvel exploit auDocteurEfferl.—Ilesttempspourmoiderentrer,dis-jeàMillie.—Biensûr,onteraccompagnejusqu’àlavoiture.Nousavionspourhabitudedeneprendrequ’unevoiturecarMillietrouvaittoujoursuntypeàson

goûtpourfinirsasoiréeetsanuit.—Nevousdérangezpas,elleestgaréeàcinquantemètres, et toute la rueest éclairée, jevaisy

arriver.—Tuessûre?demandaMillieavecinquiétude.—Oui,pasdeproblème.Jetetéléphonedèsjesuischezmoi.Ellem’adressaun sourire encourageant, et j’entrepris de zigzaguerunenouvelle fois entre les

danseursabsorbésparlerythmeeffrénédelamusiquepoprock.Comme dans une boîte de nuit, le volume avait augmenté progressivement sans que personne

d’autrequemois’enrendevraimentcompte.Toutenlongeantl’avantdelascène,jeremarquaiquelesinstrumentsgrésillaientétrangement.Puissansprévenir,lesonsecoupaunedemi-secondepour

hurlerdenouveaul’instantd’après.J’essayaidenepasentenircompteetcontinuaimaprogression.Lorsquejedépassaienfinl’extrémitédelascène,toutbascula.

Lalumièreéblouissantedesampoulessemitd’abordàvaciller,puisl’ensembledel’installationélectrique disjoncta et je me retrouvai plongée dans le noir. L’angoisse terrassa chacun de mesmembrestandisquejeluttaispourfaireentrerl’airdansmespoumons.Lesondesinstrumentslaissaplaceàdesvaguesdecrisetderiresquimefrôlèrent,mepercutèrent,tournoyantjusqu’às’infiltrerauplusprofonddemonêtre.Ilfallaitquejesorted’icicoûtequecoûte.Jerassemblailepeudecouragequimerestaitetfisun

pasenavant,puisunsecond,essayanttantbienquemaldemefrayeruncheminentrelescorpsquimebousculaient.Aumilieudecettecohue, la terreur imposaàmonespritunnouvelenvironnement.Celuique je

redoutaisplusque tout.Lescrisse transformèrentprogressivementendétonations,et lepubbondédevintuneruellesombre,parseméed’ombresarméesetcagouléesattendantpatiemmentmonderniersouffle.Lorsqu’unedouleurlancinantefoudroyamonépaule,jeperdislittéralementpiedetchutaiàgenouxsurlesolcarrelé,m’efforçantd’aspirerunedernièregouléed’air.

C’estalorsquedesbrasencerclèrentmescôtesetmerelevèrentcommesijenepesaisrien.Mondostrouvaappuicontreuneparoisolidequejenepusdéfinir.

—Jevaistesortirdelà,assuraunevoixgraveàmonoreille.L’homme qui me tenait contre lui m’entoura fermement la taille de son bras, créant ainsi un

rempart,etdégageadesamainlibretoutcequigênaitnotrepassage.Sibienqu’enquelquessecondesàpeine,jemeretrouvaidehors,sousl’enseigneduCloverPub.

Inspirant l’air frais de la rue à pleins poumons, je baissai les yeux sur les larges mains quienserraientma taille,et les reconnus immédiatement. Jevoulusmeretourner,maisn’yparvinspastant les tremblementsm’agitaient.LeBourreaudesserra légèrementsaprisesurmoi,suffisammentpourmemontrerquej’étaisincapabledetenirdeboutseule.

Manquant de trébucher, jeme raccrochai à son bras comme à une bouée de sauvetage pendantqu’ilm’aidaitàprogressersurletrottoir.

—Laisse-moi,jep...peuxmarchertouteseule,bafouillai-jesuruntonquimanquaitcruellementdeconviction.—Veux-tuquej’aillecherchertesamispendantquetuattendsici?—Non!Nemelaissepas!—Alorsjeteraccompagnejusqu’àtavoiture.

**MATHIAS

Sesdoigtsvontfinirparcreuserdestranchéesdansmapeauàforcedebroyermesavant-bras.Jemesurprendsàespérerquesesonglesylaissentdestraces.Sesjambestremblenttantqu’ilseraitplussimpledelaporter,maisellen’apprécieraitpasetmedétesteraitpour ça.Etjen’aipasenviequ’ellemedéteste.

Plusjamais.Pourconserverunedistanceentresoncorpsetlemien,elletenteplusieursfoisdedécollersondos

demontorse,avantderetombermollementcontremoi.Sonvisageabeaus’efforcerdes’éloigner,sescheveuxflottentsousmonmenton,condamnantmespoumonsàemmagasinersonodeur àchaqueinspiration.J’avaispourtantcruqueseulsonregardpouvaitmefaireperdremesmoyens.AuCloverPub,j’aivusonvisagesepétrifierquandelleacomprisquelesplombsallaientsauter.

Sonsourires’esteffacéetalaisséplaceàunefrayeurindomptabledontjesuislacause.Àprésent,elleestsidéboussoléequ’elleneremarquepasquejefiledroitverssavoiture,alorsquej’aioubliédeluidemanderoùellesetrouvait.Progressivement,sestremblementss’apaisent.Ellelâchemonbras,sortuneclédesapocheetdéverrouillelaportière.Elles’empressedegagner

lesiègeconducteuretclaque laportièrederrièreelle, laissantmesbrasdouloureusementvides.Leplafonniers’allumeetjelaregarde,immobile,medemandantpourquoijesuisincapabledelalaissertranquille.Ellesemblesereprendreetmaîtriserdenouveausarespiration,sesjouesretrouventleurscouleurs.

Depuis qu’elle est entrée dans la salle commune, son visagem’apparaît sans cesse. Jeme sensprobablement redevable envers elle. Une fois que tout ira mieux dans sa vie, je pourrai m’endétourneretreprendrelamienne.

Rapidement, elle tourne la tête et m’adresse un regard exaspéré, levant ses jolis yeux au ciel.Émeraude.Jecroisquec’estlacouleurquilesdéfinitlemieux.Lavitredescend.—Qu’est-cequetufichesencoreici?demande-t-elle.—J’attendsquetudémarres.—Turisquesd’attendreunmoment,jenesuispastoutàfaitenétatdeconduire,là,toutdesuite.—J’ai toutmon temps, dis-je en lui tournant le dospourm’adosser nonchalamment contre sa

portière.Cen’estpastoutàfaitvrai.J’aipromisàmonfrèredeluitéléphonerdèsquejesortaisdecePub.

Ilattendprobablementdéjàmoncoupdefil.Jetrouveétrangequ’elleneremontepassavitremalgrél’hiverglacial.N’yrésistantpas,jeme

retourneverselle,conservantunminimumdedistancepouréviterqu’ellesesenteoppressée.—Veux-tuquejeteramènecheztoi?Commejem’yattendais,ellemefusilleduregard.—Lederniertrucdontj’aibesoin,c’estqu’unBadBoyarrogantmeraccompagnechezmoi!—Tumetrouvesarrogant?—Oui.—Pourquoi?—Parceque...parceque...ehbien,regarde-toidansunmiroir!Tuesleclichéduparfaitfrimeur

quin’ariendanslatête.J’encaisselecoup,forcéd’avouerqu’ellen’apascomplètementtort.Celanem’empêchepasde

m’accouder tranquillement à sa fenêtre, laissant paraître une assurance sans faille, bien loin d’êtreréelle.

—Loren,jesuissansdouteunsaletypesansmatièregrise,maisnoussavonstouslesdeuxquetuneconduiraspascesoir,alorsdemande-moid’allercherchertesamis,oulaisse-moitereconduirecheztoi.

Ellemefixeavecaplombavantd’adopteruneexpressionindéchiffrable.Jenesaispassiellevam’insulter ou me gifler. Dans le doute, je me prépare aux deux. Quelques secondes plus tard, jel’entendsmarmonner.—Ilsdoiventdéjàs’envoyerenl’air,detoutefaçon.Ellesedécalesur lesiègepassageretbouclesaceinture,puisserenfrogneenscrutant lepare-

brisesansunmot.—Est-cequecelaveutdirequetum’autorisesàmonterdanscettevoiturepourteraccompagner ?—Tuneveuxpasunedemandeparlettrerecommandée,toutdemême?J’avouequejeneseraispascontre.D’ailleurs,jeseraisprêtàétudiern’importequelledemande

desapart.Jem’assiedsderrièrelevolantetreculelargementlesiège.Cettefois,j’éviteleserreursquipourraientmetrahir.—Oùest-cequetuhabites?—51,ruedesaulnes.Etneteréjouispastropvite,c’estunvieilappartementdanslequeliln’ya

rienàvoler.Je fais abstraction de ce sarcasme qui me blesse plus qu’il ne le devrait, et enfonce la clé de

contact. Jem’engage lentement sur l’avenue. Très lentement. J’aimerais que ce trajet dure toute lanuit,maisilafalluqu’ellechoisisseunpubàdixminutesdechezelle.—Tusais,ilyaunetroisième,etmêmeunequatrième,surmaboîtedevitesse.Elleaprononcécettedernièrepiqueaussifaiblementqu’unmurmure.Satêteestinclinéecontrela

vitre,jecroisquesespaupièressontcloses.Ellesembleépuisée.Pourladeuxièmefoisdelajournée,j’arriveaubasdesonimmeuble,saufquejen’aiplusbesoin

dedissimulermavoiturepourlafilerdiscrètement.Jefaisletourduvéhiculejusqu’àsaportièrequej’ouvresansbruit.Blottiedanslecreuxdusiège,elles’estendormie.Jesuistentéderesterlàtoutelanuitpourlaregarder,maismonfrèrevas’impatienter.

Jem’accroupisetnepeuxm’empêcherderepousserenarrièrelamèchequiluibarrelefront.Sapeauestmerveilleusementdouce.J’aimeraisl’effleurerencore.

—Loren,noussommesarrivés.Elleremuedoucementpuism’observe,ensommeilléeetdésorientée.—Jen’arrivepasàcroirequejet’aifaitvenirjusquechezmoi,bougonne-t-elleenresserrantses

brasautourd’ellepourconserverlachaleurdel’habitacle.Ellesemblefaireuneffortsurhumainpourseredresser.Cettefois,jeneluidemandepassonavis

etlaprendsdansmesbraspourlaporterjusqu’auperron.Jesuissurprisqu’ellemelaissefaire,etplussurprisencorelorsqu’elleenroulesesbrasautourdemoncouenposantsajouesurmonépaule.—Tuhabitesquelétage?—Second.Repose-moi,jevaismarcher.—Çava,jetetiens.Onyva.Surlepalierdesonappartement,elles’extraitdemesbraspourouvrir laporteets’engouffreà

l’intérieur.—Jesupposequejesuiscenséeteremercier ?dit-elleenseretournant.—Non,tun’aspasàlefaire,jenet’aipastoutdit.J’aiétélibérépourbonneconduite,maisaussi

à une condition. Le juge m’a demandé de t’apporter mon aide durant les trois prochains mois,uniquement si tu le voulais, et selonmes capacités, afin de compenser les torts quemes actes ontcausés.Alorsjevaistelaissermonnuméro,luidis-jeensortantunpapierdemapoche.—Commentvas-turentrercheztoi?demande-t-elleenacceptantlepapier.—Monfrèrepasselasoiréeàquelquesruesd’ici,ilmeramènera.Elleacquiescedumentonetmegratified’unsourire,unvrai.Moncœurs’emballe.Encore.Jerêve

de voir l’intérieur de son appartement, je rêve qu’elle m’invite un jour à y entrer, et je rêve del’embrasserdepuislasecondeoùjel’aiaperçue.

—N’hésitepasàmetéléphoner,Loren.Pourquoiquecesoit.Avantqu’ellefermelaporte, jefaisunpasenavantetdéposeunbaisersursajoue.Ellerecule

vivementetfaitmined’êtrechoquéeparmonattitude.— Je ne sais pas si l’on se reverra un jour, rétorque-t-elle, mais sache que je n’ai aucune

confianceentoi.Jemeconcentrepouradoptermontonleplusarrogantpossible.

— J’en suis parfaitement conscient, ma belle. Et de ton côté, sache que le jour où tu aurasconfianceenmoi,cen’estpassurlajouequejet’embrasserai.Jetournelestalonsetredescendsl’escalier.Lasonneriedemontéléphoneretentitdèsquej’arrive

aubasdesmarches.Monfrère.—Ouais?—Ramène-toi,ilfautqu’ondiscute.J’aiunnouveauboulotpourtoi.Unebaraqueencentre-ville.

Dimanche22Février

LORENLeBourreaufrappadescoupssourdsàmaporte.Jemerecroquevillaidansmonlit,frémissantdepeursousmacouetteépaisse,lorsqu’unénorme

fracasemplit lehalld’entrée.Rapidement, levacarmelaissaplaceàunbattementdepaslourdsquifoulèrentlecouloirjusqu’àmachambre.Enunéclair,macouettevolatandisquedelargesmainsm’arrachaientàmonmatelas.LeBourreau

cagoulésaisitmagorge,puismetraînajusqu’àmapenderiepourm’yficeleravecladextéritéd’untortionnaireprofessionnel.Sousmesyeuxhorrifiés, ilouvritunemalletteenacierdans laquelle ilchoisitunearmeàgroscalibre.Puisvintsonmomentpréféré:celuioùiltournaitautourdemoitelunrapace,prenantletempsdedéterminerquellepartiedemonanatomieilcommenceraitàperforer.Esquissant un sourire des plus sadiques, il tira dans la chair de mon bras. Sous la douleur, jem’éveillaienhurlant,àboutdesouffleetsecouéedespasmes.C’estalorsqu’onfrappadescoupssourdsàmaporte.J’étaistentéed’agrippermacouettepourm’ydissimulerunenouvellefois,maisleDocteurEfferl

m’avaitapprisànepaslaissermescauchemarsempiétersurlaréalité.Jemetraînaisdoncjusqu’aumiroir de la salle de bain afin d’évaluer les dégâts.Mes yeux étaient rouges et gonflés. Je passairapidement mes doigts dans ma tignasse brune pour replacer quelques mèches lorsque les coupsredoublèrent.Merde!C’étaitcertainementMillie.J’avaiscomplètementoubliédeluitéléphonerhiersoir.Aussitôt, certains événements pour lemoins troublantsme revinrent enmémoire.Lesmains du

Bourreau enveloppantma taille, et ses bras fermes et puissantsmeguidant à l’extérieur duCloverPub. Dansma voiture, à ses côtés, jem’étais sentie sereine, plus en sécurité que je ne l’avais étédepuislongtemps,sibienquejem’étaisendormieaussiprofondémentqu’unbébé.J’inversailesdeuxtoursdecléetouvrislaporteàlavolée.Milliedéboulacommeunefuriedans

mon salon et se dirigea droit vers ma table basse pour saisir mon téléphone dont elle m’écrasal’écransurlenez.—Sais-tucequec’est,ça?—Untéléphone?demandai-jeengrimaçant.—Ça,déclara-t-elleenpointantdudoigtlapetiteenveloppesurmonécran,c’estunsymboleavec

le chiffre six, qui indique que je t’ai envoyé pasmoins de six SMS hier soir et, si tu regardes lenombredetesappelsmanqués,tuendécouvrirassansdouteletriple!—Jesuisdésolée,Millie,j’étaissiépuiséehiersoirquej’aicomplètementoubliédetetéléphoner.—Jemesuis inquiétéequand lesplombsdupubontsauté!Jenesavaispassi tuétaisencoreà

l’intérieurousituavaispusortiràtemps.—Enfait,jen’étaispastoutàfaitsortie,mais...leBourreaum’aaidée.—Letypedetescauchemars?—Non,levrai.Etensuite...ilm’aramenéeici.LorsqueMilliefrôlaitlastupéfaction,sescordesvocalescessaienttoutsimplementdefonctionner

etsonvisagesepétrifiaitcommeceluid’unestatue.Uncomportementquej’avaisapprisàutiliseràmonavantage.—Ne t’inquiète pas, repris-je sans lui laisser le temps de se ressaisir, cela fait partie de sa

conditiondesortie.Lejugel’aobligéàmevenirenaidesijelevoulais,pendantunepériodedetroismois.Etpuis,cen’estpascommes’ilétaitentréchezmoi,ilasimplementgarémavoitureenbasetm’aaidéeàmonterlesmarches.Millie?Peux-turéactivertessignauxvitaux?Tumefaispeur,là.—Commentça,t’aider ?finit-ellepardemander.—Jenesaispas,ilm’alaissésonnuméroencasdebesoin.Jesupposequejepeuxluitéléphoner

s’ilmefautunchauffeur,parexemple.—Jecroyaisquetuvoulaistournerlapageetquetuenavaisterminéavectoutça.—Biensûr.Maissionréfléchit,jepourraistrèsbienprofiterdelasituationpourmevengerun

tout petit peu. Jepourrais l’obliger à fairemes courses, leménage, et faire en sortequ’il enbavependantlestroisprochainsmois.

Milliene semblaitpas totalementconvaincueparmesarguments.Sansdouteparcequ’elleétaitsaine d’esprit, alors quemoi, je ne cessais d’imaginerMathias en train d’époussetermesmeublesavecunplumeauàlamain.

—Oui,serésigna-t-elle,pourquoipasfinalement.Tupourraisluifairechangertesessuie-glacesetpermutertespneus,etluidemanderdet’apporterdescroissants.Pendantqu’elledressaitl’emploidutempsduparfaitesclave,jetrifouillaismapochecontenantle

numérodeMathias.Endessousdeschiffres,lacourtephrase«Téléphone-moi»sonnaitcommeunordre.

J’allais revoir mon Bourreau. Et j’étais forcée d’admettre qu’une partie de moi en mouraitd’envie.LorsqueMillies’enallaretrouverClémentpourcequ’elleappelaitlatroisièmemanche,jesaisisle

combinédutéléphoneetcomposailenuméro.—Ouais?—Euh...salut,c’estLoren.—Loren?Jolievoix.JevoisqueMathiasprenddéjàdubontemps.C’estavectoiqu’ilapasséla

soiréehier?J’espèreaumoinsquetuesunboncouppourqu’ilpréfèretacompagnieplutôtquelanôtre.Étrangement, cette voixmasculineme procura un profondmalaise, une angoisse indescriptible.

Contrairement à celle deMathias, elle n’avait rien de rassurant. J’étais sur le point de raccrocherlorsquejeperçusl’intonationdemonBourreau.—Passe-moiça!Loren?Loren,toutvabien?—Oui.Çava,répondis-jeendécelantdespasàl’autreboutdufil,m’indiquantqu’ils’isolaitdans

uneautrepièce.—Jesuisdésolé,c’estmonfrèrequiadécroché.Est-cequetuasbesoindemoi?—Enfait,oui.Étantdonnéquejen’appréciepasd’êtrerecouvertedecambouis,jeveuxbienque

tuviennespermuterlespneusdemavoiture,situasletemps.Etpeut-êtreaussiquelquestravauxdepeinture.

—Biensûr,pasdeproblème.Jepourraispasserdemainenfind’après-midi,sicelateconvient?J’étais surprisequ’il accepteaussi facilementdevenir faire laboniche,mais jene laissais rien

paraître.—Parfait,tuconnaisl’adresse.—Etjenecomptepasl’oublier.Àdemain,Loren.

Lundi23Février

LORENJe passai la majeure partie du lundi à tourner en rond dans mon appartement, déplaçant

continuellementlesmêmesobjetsafindeleurtrouverlameilleureplace,jusqu’àm’apercevoirquemon comportement relevait quasiment du trouble obsessionnel compulsif. Je posai alors la petitebougieenformedecônequej’avaisdanslamainetdécidaideneplusytouchertantqu’elleneseraitpas recouverted’uneépaissecouchedepoussière.Horsdequestiondedévelopperencored’autrestroublesbizarroïdes.L’agoraphobieetlaphonophobiemesuffisaientamplement.Ilétaitdix-huitheurestrentelorsquelasonnerieretentit.Jemeprécipitaiàl’interphone.—Oui?—C’estmoi.— Il va falloir être plus précis, tu es loin de faire partie des personnes dont je suis censée

reconnaitrelavoix.Etpourtant,lesondestroismotsprononcésmeprocuraimmédiatementuneboufféederéconfort.—C’estMathias.Tupeuxm’ouvrir?—Tun’aspasbesoindemonterpourchangermespneus,mavoitureesttoujoursgaréedevant

l’immeuble,etlecoffreestouvert.Jeterejoinsenbas.—C’estdéjà fait.Et si tuas toujoursdesmursàpeindre, je tesuggèredeme laissermonter, je

seraicertainementplusefficacecheztoiqu’enbasdetonimmeuble.Ditcommeça...Jepressaileboutond’ouvertureetl’entendisgravirlesmarchesquatreàquatre.J’ouvrislaporte,

laissant apparaître la silhouette duBourreau sur le seuil demon appartement. Son regard cherchaimmédiatementmesyeuxetsaboucheesquissaunlargesourire.

—J’aiquelquechosepourtoi,dit-ilenfouillantdanslepanintérieurdesaveste.—Cen’estpasunrencard.Etjen’aimepaslesfleurs.—Cenesontpasdesfleurs.—Jen’aimepasnonplusleschocolats.—Cenesontpasnonplusdeschocolats,m’assura-t-ilenmetendantunecartedevisite.Jesaisis lepetit rectanglecartonnéety lusunnomcomposéquim’évoquavaguementquelque

chose.— C’est un collectionneur d’art, expliqua-t-il. Il organise régulièrement des expositions de

peinturesetoffreleurchanceàdejeunestalents.J’aipenséquetupourraisluiproposertesœuvres.Quandavais-jeévoquémespeintures?Probablement lorsdenotrepremière rencontre,dans la

salle commune. Il s’en était souvenu, son geste était très attentionné, mais je ne me laissais pasamadouerpourautant.—Çam’étonnebeaucoupque tuconnaissesuncollectionneurd’art,marmonnai-jeenplaçant la

carteenévidenceau-dessusdemoncalepintéléphonique.—J’aibraquésonentrepôt ilyasixans. Ilm’aprissur le faitetm’apromisdenepasporter

plainte si je travaillais pour lui gratuitement pendant unmois. Ce que j’ai fait. Finalement, ilm’arémunérégracieusement,etnoussommesrestésencontact.Depuis, je lui rendsservicede tempsàautre,etvice-versa.

Sontonétaitposé,respectueux.Letimbrechaleureuxdesavoixsupprimalesdernièrestensions

quicontractaientmesmuscles.Prèsdelui,j’avaisl’impressionqueriennepouvaitm’atteindre.—Jevois.Est-cequeturestesencontactavectoutestesvictimes?—Non,répondit-il,simplement.Jefisunpassurlecôtépourlelaisserentrer.

**MATHIAS

Commedansunrêve,elles’écartelégèrementetm’inviteàfranchirleseuil.Lesalonestvasteetépuré, lemobilierancien,parfois repeintetagrémentéavecgoût.Un largecanapéd’angle inviteàs’asseoiretmedonneimmédiatementdesidéesquej’essaiederefouler.

Lorenm’observependantquejejetteunœilautourdemoi.Elleapeut-êtrepeurquejedérobeunquelconqueobjet.Maisriennem’intéresseici,miseàpartelle.Elleporteunpantalonslimquigalbeses longues jambes à la perfection, et un chemisier blanc. Ses cheveux bruns tombent en cascadesautourdesesépaules.J’aiuneirrépressibleenvied’ypassermesdoigts.Sonvisageressembleàceluid’unepoupée,fragileetfortàlafois.J’évitedetropm’attardersursabouche,jen’aipasenviedefaireunesyncope.Mesyeuxcontinuentleurascensionetplongentdanslessiens...quimeramènentillicoàlaréalité.Ellealevéunsourcilsarcastiqueetm’examine,sedemandantsijesuisledernierdesabrutisouseulementlepremierdespervers.

Merde ! Je crois que cela fait plusieurs minutes que je la reluque sans dire un mot. Je doisabsolumenttrouverquelquechoseàdire,n’importequoi.—Jepeuxmelaverlesmains?Ellebaisselesyeuxsurmesmainstachéesdecambouis.—Euh...biensûr.Suis-moi.Oùtuveux.Ellemeprécèdedansuncouloirquidessertquatreportes.—Lasalledebainestici,dit-elleenm’indiquantlapremièrepièce.Alorsquejemelavelesmainsdansunlavaboincrustédepetitespierres,j’aperçoisdanslemiroir

unevastebaignoire,dontjeparieraisqu’elleestcapabled’accueillirdeuxpersonnessansdifficulté.Lorsquejeressorsdelapièce,Lorenm’attendprèsd’uneautreporte.

—C’estlà,déclare-t-elleendésignantunpandemur.Autourdemoi,lapiècecroulesouslestableaux.Certainsauxmurs,d’autressurdeschevalets,et

encored’autres,empiléssurdesmeublesdontonnedistinguepluslaformenilafonctionpremière.Unvéritableatelierd’artiste.Jem’efforcede reportermonattentionsur lasurfaceàpeindre.Ellecomprendunedouzainede

mètrescarrés,àpeineplusgrandequemacellule.Mêmeenprenanttoutmontemps,j’auraiterminédansmoinsd’uneheure.Les autresmurs ont été peints très récemment, à en juger par l’odeur de peinturemurale et le

matérielqui trempedansunpetit seaudewhitespirit.Celasignifiequequelqu’un l’aaidé,oubienqu’elleapulefaireelle-même.Jemelaisseàimaginerqu’ellenem’apasfaitveniriciparnécessité,mais par plaisir. Je retire ma veste et la jette sur le dossier d’une chaise qui n’est pas encoreencombrée,puismemetsautravail.Lorenrestelà,derrièremoi.Ellenecessed’observerlemurpourvérifierquejem’applique.Elle

nesaitpasàquelpointellemetrouble.Ellenesaitpasquejemeconcentredemonmieuxpourpaslâchercefouturouleauetvenirl’embrasserjusqu’àluifaireperdrelatête.Auboutd’unevingtainedeminutes,jerisqueuncoupd’œil.Ce n’est pas le mur qu’elle observe, c’est moi. Son regard est si brûlant que je pourrais me

méprendresursesintentions,àcroirequ’elleéprouvepourmoiautrechosequedumépris.Maiselledétournerapidementsonjoliminoisettoussote.—Hum...tu...tedébrouillesbien.C’estbien.Continue.Jeluirépondsd’unsourireponctuéd’unclind’œil.Trenteminutes plus tard, je suis de nouveau dans son salon,maveste à lamain.Le travail est

terminé.Ellem’aremerciéetm’aoffertàboire.Jen’aiplusrienàfaireicietjeréalisequ’ilvamefalloiruncouragemonstrepourpasserlaporteetm’enaller.Jecherchedésespérémentunprétextepourresterencoreunesecondeoudeux.—Est-cequetuaimeslespizzas?—Euh...oui.—J’aimeraist’inviterdansunepetitepizzeriaitalienneducentre-ville.L’ambianceesttrèssympa

etonymangevraimentbien.—Navrée,maisjesuisdéjàsortieavant-hier,etjenepensepasêtrecapablederemettreçadèsce

soir.Jeremarqueavecsatisfactionqu’ellearefuséparcequ’ellenepouvaitpas,etnonparcequ’ellene

veut pas passer la soirée en ma compagnie, ce que je considère comme un réel progrès. Jem’immisceimmédiatementdanslabrèche.—Ilslivrentaussiàdomicile.Ellesemblehésiter,commesisesdésirsmenaientune lutteacharnéecontresesprincipes.C’est

finalementungargouillementd’estomacquiobtientlederniermot.—D’accord,accepte-t-elle.Maisjusteletempsdemanger,aprèsturentrescheztoi.—Biensûr.

**LOREN

Jefisdescendrelacinquièmepartdepizzaà l’aidedequelquesgorgéesderosé.Cesmerveillesitaliennesétaientsucculentes.Mathiasmeregardaitlesengloutiravecunsourireamusé.—Heureuxdevoirqueçateplaît.—C’esttellementdélicieuxquejen’aimêmepashontedepasserpourunemorfale!Je m’adossai contre les coussins de mon canapé avec une agréable sensation de satiété. Le

Bourreaufitdemême, inclinantsondos toutenmusclepours’enfonceràson tourdans ledossiermoelleux,dansuneposturedivinementséduisantedontseulslesbeauxgossesparaissaientdétenirlesecret.Jetournailatêtepourl’observer,grimaçantsousunelégèretensionducouquimerappelaquejenecessaisdeleboufferdesyeuxdepuisqu’ilétaitentrédansmonappartement.

Etalors!J’avaistoujoursappréciélesbelleschoses.Iln’yavaitriendemalàadmirerquelqu’un,d’autantque l’intérêtque je luiportais était uniquement artistique.D’ailleurs, je constataisqu’ainsiaffalédansmoncanapé,ils’accordaitdivinementavecmadécorationintérieure.J’avaisbeaudivaguer,j’enoubliaispasmonbutpremier:luifaireaccomplirdestâchespénibles

pourlepunir,façonLoren.Cequijusqu’àprésents’avéraitêtreunefrancheréussite.Jeluienavaisfaitbeaucoupbavé,jecrois.Lespizzasn’étaientqu’unesimpledistraction,pourl’aideràseremettreaprèstantd’efforts.Oui.Parcequejen’étaistoutdemêmepasunmonstre.

—J’aimequandtumeregardes,murmura-t-il.Oups.—Jeneteregardaispas!affirmai-je.Oui,bon…mesyeuxtevoyaient,maismoi, jepensaisà

touteautrechose.—Etàquoipensais-tu?

—C’est…personnel,merenfrognai-je.Iln’insistapas.Jem’efforçaidedétournerlatêteetmonregardcroisalatablebassesurlaquelle

trônaient lesrestesdenotredînerainsiquedeuxverresàpiedremplisd’unvindélicat.Unesoiréecomme je les aimais : excellente nourriture et, je devais l’avouer, agréable compagnie. Mathiaspossédaitunphysiquederêve,ilétaithabiledesesmains,etcontrairementàcequej’espérais,ilétaitloind’êtreidiot.Jecomprenaismalcommentilavaitpudéraperaupointdeseretrouverenprison.

—Commentenes-tuvenuàteperfectionnerdanslecambriolage?—C’est…personnel.—D’accord,bienrétorqué.Unpointpourtoi.Bon…ilsefaittard,peut-êtrequetudevraisrentrer,

jesupposequetuasmieuxàfairequedetraînerici.D’ailleurs,pourquoin’es-tupasencemomentmêmeàunvrairencard,deceuxoùpersonneneteposeraitdequestionsauxquellestun’aspasenviederépondre,etoùtupourraisemballerlafilleàcoupsûr ?Çadoitbientedémangerunpeuaprèshuitmoisd’abstinence,non?Jepensaisquelestypescommetoichangeaientdecopinedeuxfoisparjour?

Sesyeuxplongèrentdanslesmiensetsonsourires’étirafaiblement.—Jelepensaisaussi,Loren.Etjeveuxbienrépondreàtesquestions,sic’estimportantpourtoi.

Écoute,jeteproposeunesortedejeu.Unequestionchacun,àlaquellel’autreestobligéderépondreavantdeposeràsontoursaquestion.Etpourquoipas«actionetvérité»oulejeudelabouteille,tantquetuyes!—Trèsbien,çameva.Tucommences.J’enlevaimesbottinesetm’assisentailleurfaceàlui,attendantsapremièrequestion.—As-tutoujoursvécuseuledanscetappartement?Curieusequestionàlaquellejerépondissansmal.—Non.Ilappartenaitàmesparents.Ilyacinqans,ilsontdécidédetoutplaquerpourpartirvivre

enÉquateur.Ilsm’ontléguél’appartementcommes’ils’agissaitd’uncadeaud’adieu.Depuis,ilsnerentrentenFrancequ’unefoisparan,toutauplus.—Est-cequ’ilstemanquent?—Ilmesemblequec’estàmontourdeposerunequestion.Pourquoirisques-tutalibertépour

desdélitsalorsquetuaslargementlescapacitésdefaireautrechosedetavie?Ilarquaunsourcil,visiblementsurprisquej’accordeunquelconquecréditàsescapacitésautres

que celles d’égaler Aladin, le prince des voleurs. Puis il se résigna à me fournir quelquesexplications.— Mon frère et moi avons grandi dans des familles d’accueil, pas très accueillantes pour la

plupart.Lorsqu’ilaeudix-huitans,j’enavaisquinze.Ils’estdémenédesonmieuxpourdevenirmontuteur légal, afin qu’onpuisse enfin vivre en paix.Pour prouver qu’il avait lesmoyensd’assumercettefonction, ila fallu trouverunegrossesommed’argent rapidement.Aprèsdeux ticketsde lotoperdants, le cambriolage s’est avéré être la solution adéquate. Il ne pouvait pas le faire lui-même,parcequ’ilétaitmajeuretqu’ilserait incarcérési lapolice l’arrêtait.Et jenevoulaispasqu’ilsoitcondamné,jenevoulaispasmeretrouverseul,alorsjem’ensuischargé.Apparemment, l’explication s’arrêtait là. J’allais devoir attendre patiemment mon tour pour

obtenirdesdétails.S’installantplusà sonaise,Mathiaspassa tranquillementunbraspar-dessus lescoussins.Cependant,l’infimetensionquicrispaitsamâchoirenem’échappapas.—C’estàmoi,continua-t-il.Danslasallecommune,tum’asditque,parmafaute,tuavaisloupé

unrencart.Quiétaitl’heureuxélu?— Il s’appelait Franck. Il était barman dans le restaurant où je travaillais. De toute façon, ça

n’aurait sans doute pas collé, lui et moi. Àmon tour.Maintenant que tu es adulte et indépendant,pourquoicontinuerlescambriolages?

Ilsoupiraetréponditplussèchement,cettefois-ci.—Monfrères’estbattupourmoi,jeluidoisbeaucoup.S’ilmeledemande,jeluirendsservice.

C’estcommeça.Sonfrèreétaitdoncl’instigateurdetoutcemerdier.Mathiasdevaitgrandementteniràluipourlui

rendrecegenrede«service».— Excuse-moi, s’empressa-t-il de dire, je ne voulais pas paraître désagréable, c’est un sujet

délicat.Ettoi,as-tudesfrèresetsœurs?—C’esttaprochainequestion?—Oui.— Non. Lorsque je suis venue au monde, mes parents ont décidé que les enfants n’étaient

finalementpasleurtruc.Enrevanche,j’aidesamisformidables.Tum’asditquedésormaistuavaisd’autresprojets,quelssont-ils?—C’estvrai.Aucentrepénitentiaire,j’aientreprisuneformationd’ébéniste.Ilmeresteàeffectuer

troismoisdestageavantdevalidermondiplôme.J’aicommencéaujourd’hui.Çameplaît.Quelleesttasaisonpréférée?—L’automne.C’estlaseuleépoquedel’annéeoùl’onpeutretrouvertouteslescouleursdumonde

dans lanature. Jepréfère les couleursqui existentdéjàplutôtquecellesqu’on fabrique.Elles sontsouventplusapaisantes,plusagréablesàl’œil.

Mathias écoutait chacune de mes paroles avec un réel intérêt. Le bleu métallique de ses irissemblaits’éclairciroufoncerselonmesréponses.Laprochainequestionm’appartenait,etjevoulaisl’utiliserpourm’assurerqu’ilrentredéfinitivementdansledroitchemin.—Maintenantquetuasretrouvétaliberté,quelleestlachosequetusouhaiteraisleplusaumonde

?Saréponsefusa.—T’entendreprononcermonprénom, tune l’aspasencore fait.Là, toutde suite,c’estceque

j’aimeraisleplusaumonde.Jebalayailesentimentdejoiequim’envahitetmesouvinsquecethommeétaitleBourreau,avec

unBmajuscule,etquejen’étaisenriendisposéeà luifaireceplaisir.Commejen’ajoutaisrien, ilobservalesrestesdenourritureetusadesaquestionpourchangerdesujet.—Commentunefillesigourmandepeutnepasaimerlechocolat?—J’aimenti.J’adorelechocolat.—Moiaussi,j’aimenti.Jet’enaiapporté,déclara-t-ilenattrapantsavestepourensortiruneboîte

dechezJacketBell, lesmeilleurs chocolatiersdeNice. Je saisis laboîte tout en legratifiant d’undemi-sourireréticent.—Jecroyaisquecen’étaitpasunrencard?Ils’approchasiprèsdemoiquej’eneuslesoufflecoupé.—Tuaspeurqueçaendevienneun?—Cen’estpasune réponse.Et…oui. Jenepeuxpas être avec toi, affirmai-je avecdifficultés

tandisqu’ilapprochaitsamaindemescheveuxpourenroulerunemècheautourdesonindex.—Enes-tucertaine?Peut-êtrequ’aufonddetoi,tulevoudrais?Il avait soufflé ces questions à quelques centimètres seulement demon visage. Le sien était un

modèledeperfection,dontleregardélectriquesoutenaitlemien,mesuppliantdecéder àmesdésirsetnonàmescraintes.Moncœurs’accéléracontremongré.

—Je…jecroisquetuasdépassét…tonquotadequestions,parvins-jeàarticuler.Malgrémeseffortspour réagir,moncorps fut incapablede reculer.Fichueshormonesquime

trahissaient!Jeparvinstoutjusteànepasmejetersurluietmecontentaideresterstatique.Sansplusattendre,ilfranchitlesdernierscentimètresquinousséparaientetposadélicatementses

lèvressurlesmiennes.Ils’immobilisauninstant,melaissantlechoixdemedétournerdeluisijelevoulais.Au lieu deça, je fermai les yeux pour savourer son contact. Sa langue vint caressermeslèvres,d’abordtendrement,puisenléchalangoureusementlescontoursafindes’yinsinuer.Lamainqu’il fit courir le longdemescôtespuis à labasedemoncou finitdem’enflammer, et jenepusm’empêcherdehaletersouscebaiserchargédepromesses.J’yrépondisardemment,laissantdecôtémesappréhensions,etm’abandonnantcontrecettebouchequisemblaitmedésirerplusquetout.

Lorsqu’il s’écarta pour me laisser reprendre mon souffle, je pris soin de me composer uneexpressionoffusquée.

—Hé!Tuauraispumedemanderlapermissionavantdem’embrasser!—Tunesemblaispastrouvercelasipénible,lança-t-ilavecunsourireironique.Effectivement. J’avaismal cachémon jeu sur ce coup-là. Ilme dévisagea intensément, puisme

décochaunsourireradieux.— Très bien, ma belle, dorénavant je te demanderai ta permission avant de t’embrasser. En

revanche,lorsquejeteferail’amour,c’estparcequetumel’aurastoi-mêmedemandé.—Çanerisquepasd’arriver !—Jesuisnavré,moncœur,maisjecomptebienfairetoutmonpossiblepourqueçaarrive.Àcesmots,monbas-ventresecontractaférocement.Feindrel’indifférenceétaitdevenuàcestade

unvéritablecalvaire.—Ahoui?m’enquis-je.Etadmettonsqueçaarrive,cequiesttotalementimprobable,queferas-tu

ensuite,unefoisquej’auraiprononcétonprénomcommetulesouhaitesetquetuauraseucequetuvoulais?

—Quandtum’auraslaissétefairetoutcequej’aientête,jerecommenceraiencoreetencore,etjecomptebiendéployertousmestalentsetmonimaginationpourtecombleretfaireensortequetumedésiresautantquejetedésire.

Mamâchoire traînantpresquesurmonplancher, je laremontaipéniblementpourneprononcerqu’unmot.—Pourquoi?—Parceque tuhantes continuellementmespenséesdepuisque j’ai vu tonvisageet entendu ta

voix,etquejen’arriveplusàmepasserdetoi.Maisjetel’aidéjàdit,mabelle,j’aitoutmontemps.Ilsedécalalégèrement,attrapauncoussin,ettenditunbrasm’invitantàmeblottirsagementcontre

lui.—M’accordes-tuencorecinqpetitesminutesprèsdetoiavantdem’enaller ?demanda-t-il.Sivraimentt’insistes…Jemelovaicontreluitandisqu’ilenroulaitsonbrasautourdemonépaule.Pourladeuxièmefois

en quarante-huit heures, je constatais que sa présence agissait sur moi comme une caresserégénérante.Ladoucechaleurquienvahissaitmesentraillessefaisaitunmalinplaisirdepiétinerlesinterdits imposésparmonesprit rationnel.Desonpouce, il effleura longuementma joue,puis sesdoigtsvinrentseperdredansmescheveux.

**MATHIAS

JeremerciementalementLorend’avoiragrémentésoncanapédetantdecoussins.Lepetit rouge

enformedelosanges’estviteavéréinutilepourrecouvrirlatotalitédemonérection,maisceluidontletourestbordédedentelleestparvenuàmasquer àpeuprèslabossequidéformemonjeanavantqu’ellenelaremarque.Tout est la faute de cette boîte de chocolat et de la langue qu’elle a passée sur ses lèvres en la

découvrant.Avantd’apercevoircette langue, jemecontrôlaisparfaitement.Mêmesi,soyonsclairs,c’estunetorturededemeurerprèsd’ellesanspouvoirlatoucher.Cela fait dix minutes que je caresse ses cheveux, et elle ne semble toujours pas décidée à me

demander de partir. Sa tête repose surmon épaule, elle a passé un bras autour dema taille, et ungenoupar-dessus le coussin à dentelle, sur lequel il appuie innocemment. Son souffle effleuremapeau,engendrantune fouledepicotementsqui se répandent le longdemonépiderme jusqu’àmonentrejambe.Maisjen’yprêtepasattention.Jemeconcentreuniquementsursesmèchesbrunesetsouples,dans

lesquellesj’enroulemesdoigts.Jefermelesyeuxpourapprécierlespointsdecontactoùsachaleurtraversemesvêtementsetinondemapeau.Elleestsiparfaite,sidouce.Maintenant,sarespirationsefaitpluslente,soncorpspluslourd.Ellevientdes’endormir.Dansmesbras.Dansunsoupir,satêteglissejusqu’àmontorseoùelletrouvenaturellementsaplace.Savoirsijedoislaporterjusquedanssonlitouneplusbougerpourlalaisserdormiricidevient

soudainleplusgrosdilemmedemonexistence.Aprèsunetrentainedeminutesàpeserlepouretlecontre, jedécidede laporter jusqu’àsachambre.Laraisonvalableestquemonportable,dansmapochearrière,risquedesonneretpourraitlaréveillerensursaut.Ellen’aimepaslesbruitsimprévus.Maislavéritableraison,aussiégoïstesoit-elle,estquejemeursd’enviedevoiràquoiressemblesachambre.

Lentement,jepasseunemainderrièresesgenoux.Jem’inclineenavanttoutenmaintenantsatêtecontremoipournepasqu’ellebasculeetmefige.Bordel!Jenesaismêmeplusdequelcôtésetrouvesablessureàl’épaule.Avecplusdedouceurque jen’en ai jamais fait preuve, jeme redresse, la tenant dansmesbras

commesielleétaitencristal.Puisjelaporteàtraverslesalonetrejoinslecouloir.Laportedufondest entrouverte. Je la pousse du pied et fais quelques pas à l’intérieur, attendant que mes yeuxs’habituentàlapénombre.

Aprèsquelquessecondes,jedistingueenfinlelit,massifaumilieudelagrandepièce.L’ambiancede sa chambre est résolument cosy.Deux immenses tapis à poils, trois poufs à l’air extrêmementmoelleux, et de multiples coussins. Lemobilier ne comprend qu’une petite commode et un largefauteuilprèsdulit.Jeladéposeentrelesdraps,oùelleprendappuisurlecôtégauche.C’estdoncl’épauledroitequia

ététouchée,quej’aitouchée.Laculpabilitéquimesubmergem’empêchesoudainementderespirer.Comment ai-je pu la faire souffrir et lui fairepeur à cepoint ? Jedonnerais n’importequoi pourqu’ellen’aitpaseuàvivreça.

Maisinutiledetrompermaconscience,cen’estpasparculpabilitéquejerestelààlacontemplercommeunidiot.Jeneconnaisrienauxsentiments,maislasensationquim’envahitquandjesuisprèsd’elleestdifférentedetoutcequej’aiconnuauparavant.

Ledeuxièmedilemmedemavienelerestepaslongtemps.Biensûrquenon,jenepeuxpasm’allongeravecelledanscelit.Tandisquej’enclenchelemode

silencieuxdemontéléphone,jem’installedanslefauteuil.Aupieddeson lit s’étendunemultitudedefeuillesendésordre, jemepenchepourenramasser

une.C’estuneesquissequ’elleadûtraceraveclecrayonàpapierquisetrouvesursatabledenuit.Le

portrait est celui d’un homme dont les traits expriment une fureur quasiment animale. Il n’est passeulementeffrayant,maispossèdeaussiceregardsadiquequirappelleàsaproiequesonheureestvenueetqu’ellen’apasd’autreschoixquedemourir.Lesyeuxsontd’unbleuétrange,envoutant.Ilsemblequ’ellelesaitajoutésultérieurement.Jerécupèreunesecondefeuille:mêmehomme,mêmeexpressionsauvage.Surleparquet,touteslesfeuillesreprésententlemêmepersonnagedontlesyeuxrenforcentoucontrastentavecsonexpressionredoutable.

LeBourreau.C’estletitrequ’elleadonnéàchaqueesquisse.SoudainLorens’agitedanssonsommeil,satêtebalancefaiblementdedroiteàgauche,ellegémit

douloureusement.Un légervoilede sueur a recouvert son front et sa respirationdevient saccadée.Probablementunmauvaisrêve.Trèsmauvaissij’encroislatensionquicontractesespaupières.

Jemeprécipitesurlelit.— Loren, ce n’est qu’un cauchemar, réveille-toi, ma belle, dis-je en caressant ses joues pour

l’aideràémergerdoucement.C’est alors que ses gestes se font plus violents, elle se débat ardemment avant de pousser un

hurlementquimedéchirelapoitrine.Lesyeuxécarquillés,elleestmaintenantréveillée,tremblanteetàboutdesouffle.Sansréfléchir,jel’enlacefermementdansmesbras,etpasseunemainàl’arrièredesatêtepourl’enfouirdansmoncouoùelles’effondreenlarmes.—Chut,c’estfini,cen’estrien.Dequoias-turêvé?—DuBourreau,prononce-t-elledansunsanglot.Ilneluifautquequelquessecondespourreveniràlaréalité.—Quefais-tuencorechezmoi?—Tu...tut’esendormiesurlecanapé,jet’aiportéesurtonlit,et...jemesuisassisunmomentsur

lefauteuil.Soncauchemarest arrivé siviteque jeviens tout justedemettre enévidence l’identitédu type

malsainauxyeuxbleus.—LeBourreau...,c’estmoi?Elleredresselatêteetmedévisaged’unairaccusateur.—Biensûrquec’esttoi.Sesmotsmetranspercentlecœurcommeunelame.—Loren...je...—Jevaismechanger,m’interrompt-elleenouvrantuntiroirdesacommode.C’estlesignalpourmefairedéguerpir.Pourmerappelerquej’aibousillésavieilyahuitmois,et

l’ai réduite à faire des cauchemars si perturbants qu’ils feraient flipper un tueur en série. Je suistoujoursdécidéàm’imposerdanssavie,maispeut-êtrea-t-elleeusadosepouraujourd’hui.Jesorsdesachambreetlongelecouloiroùunelumièrefiltresouslaportedelasalledebain.Aprèsavoirrécupérémavestedanslesalon,jeposemamainsurlapoignée,jemedécideenfinàl’actionner.—Eh,leBourreau,faitunevoixderrièremoi.Tupeuxresterdormiravecmoi?Justedormir ?Je lâche cette fichue poignée qui me brûle les doigts et fais volte-face. Malgré le manque de

lumière,moncœurrateunbattement.Lorenestdanslesalon,vêtued’uneadorablenuisettenoirequicachesuffisammentdepeaupourfairebouillonnermacuriosité.Jecroisqu’elleveutmamort.

—Oui,bienentendu.—Jet’aisortiquelquesaffairesdanslasalledebain,dit-elleenregagnantsachambre.Jeretiremavesteetfiledanslasalledebain.Jepasseungantdetoiletteglacésurmonvisageen

espérantmerafraîchirlesidées,puisutiliselabrosseàdentsneuvequ’elleasortie.Danssachambre,Lorens’estrecouchéesouslacouette,sur lecôtégauche.Jeretiremonjeanetmont-shirtetviens

m’étendrederrièreelle,prenantsoindelaisserunemargeimportanteentremonbassinetlesien.Ellejetteunœilderrièresonépauleetjel’entendsinspirerbruyamment.—Net’inquiètepas,luidis-je,tupeuxterendormirtranquillement,jenetetoucheraipas.Jecroisl’entendremurmurer.—C’estbiencequim’inquiète.Maisjedoissûrementprendremesrêvespourdesréalités.

Mardi24Février

LORENSimondosn’avaitpasencoreétébrûlant,j’auraispucroirequ’ils’agissaitd’unrêve.Maisnon.

J’avaisbiendemandéauBourreaudeseglissersouslacouetteavecmoi,etcomptetenudelachaleurquiimprégnaitlesdraps,ildevaitencores’ytrouverilyapeudetemps.

DèslorsqueMathiass’étaitallongéauprèsdemoi,lebourreaudemescauchemarsm’avaitfichulapaix,etj’avaisdormid’unetraite.

Monpsys’étaitlargementgouré.Pardonneràmonagresseurétaitcomplètementinutile.Cequ’ilfallait,c’étaitsimplementqueje

dormeaveclui.Quantàl’ironiedelasituation,ellenem’avaitpaséchappé:laseulepersonnecapabled’apaiser

mesangoissesétaitcelle-làmêmequiavaitdéclenchécesétatsd’extrêmeanxiété.Jemerendisdanslasalledebainetenfilaiunpeignoir,louchantspontanémentsurlegobeletqui

contenaitdésormaisdeuxbrosses àdents.Mais comment avais-jepu luidemanderdedormir ici ?Danslesalon,lesrestesdurepasdelaveilleavaientétésoigneusementreplacésaufrigo,aumilieuduquelétaitépingléunpost-it.Àcesoir.Jetefaisconfiancepourmetrouverd’autrestravauxherculéens.PS : J’aipasséunemerveilleuse soiréeetuneexcellentenuit, et suis toujoursdécidéà te faire

prononcermonprénom,entreautres.Le sourire qui étira mes lèvres m’agaça considérablement. Quel sale type prétentieux et

provocateur!Maispourquiseprenait-il?Trentesecondesplustard,Millieentradansmonappartement,sautillantsurplace,unsourireniais

jusqu’auxoreilles.—Loren!Jeviensdecroiseruntypetrooooopcanonquisortaitdetonimmeuble!—Ah.Grand,baraqué,despiercingsàl’oreilleetdesyeuxbleusàsedamner?—Oui!C’estça!Jenesaispasd’oùsortcemec,maisc’estunvéritable...—C’estMathias.Ilsortd’ici.LecerveaudeMilliesemblasemettreenveilleletempsd’assimilerl’information.—Ça,s’exclama-t-elleenpointantlaported’entréedesonindex,c’estMathiasleBourreau?Dis-

moiquecetypeaunfrère.—Ilaunfrère.C’estunsalecon.—Merde.Raconte.Après avoir rempli deux tasses de café, je lui racontais tout. Le mur de mon atelier peint en

seulementtrenteminutes,lesbrasmusclésdeMathias,lespizzas,letorsedeMathias,lesquestions-réponses,labouchedeMathias.Sansoublierlanuisettedanslaquellejem’étaisglisséeenbalançantmonensembleshortyetdébardeurBettyBoopsouslelit.—Oh,mondieu,déplorai-je,jesuistotalementfolleàlier !—Mais non,me rassuraMillie enme tapotant l’avant- bras, tu n’es pas folle. Seulement très

atteinte.Elleeutsoudaincommeundéclic.—Jesais!C’estStockholm,énonça-t-elle,fièrement.—Lesyndrome?

—Bien sûr ! Tu as développé une telle empathie pour ton agresseur, au point de te sentir ensécurité avec lui et de lui demander de dormir avec toi. C’est la seule possibilité, sinon commentexpliques-tucesoudainattachementpourcetypesi...si...—Effrayantdebeauté?—Ça,jetel’accorde.Maissionyréfléchitbien,çan’ajamaisététonstyle,lesbeauxgosses,c’est

bien lapreuveque toncomportementnepeuts’expliquerqueparunphénomènepsychologique telquelesyndromedeStockholm.—Alors...jenesuispascomplètementtordue?—Biensûrquetuestordue!Commentas-tupupasserlanuitaveccettearmoireàglacesansen

profiter?—Millie,tunem’aidespas,là.—Excuse-moi.Écoute, ilyadeforteschancespourquetu luiplaisesvraiment,après tout tues

unefilleformidable,etunevraiebombe.MaisilsepeutaussiqueMathiasleBourreausoitunréeltimbréquisouhaitecoucheravecsavictimepourimposerjusqu’auboutsadominanceetsonpouvoirdeséduction,etjeneveuxpasteretrouverdanslemêmeétatcatatoniquequ’ilyahuitmois.

Deux tasses de café plus tard,Millie partit travailler. Je composai le numérodu collectionneurd’art.Unhommed’uncertainâgerépondit.—Allo?—Bonjourmonsieur, jem’appelleLorenClarke,et... j’aicrucomprendrequevousorganisiez

régulièrementdesexpositions.J’aimeraisbeaucoupvousrencontrerafindevousprésenterquelques-unesdemesœuvres...sicelavousintéresse.—LorenClarke...,vousêteslapetiteamiedeMathias?Petiteamie?QuelenfoirédeBourreau!Ilm’avaitembrasséqu’uneseulefoissansmedemander

monavis,etnouspartagionsungobeletàbrossesàdentsdepuisenvirondouzeheures.Cependant,l’hommeavaitmentionnéMathiasavecrespect,etj’avaislesentimentqu’ilseraitàmonavantagedenepascontrarierlesdiresduBourreau.

—Oui,c’estbienmoi.— Alors je serais ravi de vous rencontrer. Amenez-moi vos œuvres et nous en choisirons huit,

ensemble.Laprochaineexpositionalieucesamedi.Enraccrochantlecombiné,jemesentispousserdesailes.L’hommem’avaitdonnérendez-vousen

débutd’après-midi.Ilétaittrèssympathique,etavaithâtederencontrerlapetiteamiedeMathias.J’ouvrislaporteducapharnaümquimeservaitd’atelieretentreprisdemettredel’ordredansles

esquisses,lestoilesetlematérielquijonchaientlapiècedepuisdesmois.Enfin, j’installai une toile neuve sur le chevalet, et saisis un pinceau dans ma main droite. En

relâchant légèrement la pression entre le pouce et l’index, je parvins à le maintenir sans le fairetomber.Jepoussaiensuitemonbrasvers la toile toutendécontractantmonépaulecommelorsdesséances de rééducation. Puis vint le moment fatidique où la douleur m’élança. Comme l’avaitsouligné leDocteurEfferl, le problèmen’était pas tant la douleur en elle-mêmeque les souvenirsqu’ellereprésentait.Orjenevoulaisplusm’encombrerdessouvenirsdecetteatrocesoirée.Lorsquejelaremplaçai

mentalement par celle d’hier,mon bras gravit encore quelques centimètres. J’étais encore loin dem’inscrireàunconcoursdetractions,maisc’étaitsuffisantpourreprendrelapeinture.Envahied’uneinspirationnouvelle,jememisautravail.

**MATHIAS

Troisfois,bordel!Çaauraitlargementsuffientempsnormal.Alorspourquoimaqueuesedresseencore,aussiraidequ’unebattedebaseball?

Alorsquej’envisagesérieusementderetournersousladouchepourlaquatrièmefois,monfrèrefranchitleseuildel’appartement.

—Hé,frangin!Jenet’aipasvudelajournée.—Jet’aiditquejebossaislajournée.Enfin...c’estunstagepourlemoment.—Ouais,OK.Onseréunitdemainàdix-neufheurespourmettreaupointlecasse.J’aitrouvédeux

autresmecs,çadevraitrouler.C’estunsuperplan.—Jenesaispas,Yann,j’aipresqueuntravailmaintenant,sijemefaisencorearrêter...—Tuneteferaspasarrêter.Etsic’estlecas,jetesortiraidelà.Tumefaisconfiance?—Ouais.Biensûr.Yannscrutelesacquejetiensàlamain.—Oùvas-tuencore?Retrouvertapoule?Loren,cellequiaunevoixd’hôtessedel’air?Jeserais

curieuxdevoiràquoielleressemble.C’estqui,cettefille?—C’est...Jem’interromps.LefaitqueYannparled’ellememetmalàl’aise,etjen’aiaucuneenviequ’illa

rencontre.—C’estjusteunefille.—OK.Jecomprendsque tuaiesdesbesoins,mais ilvafalloirqu’onparledechosessérieuses.

Alorsjet’attendsicidemainsoir,dix-neufheures.Turentrescesoir ?J’espèrequenon.—Peut-être,jenesaispasencore.Àplus.—Àplus,frangin.

**LOREN

Même le son dema sonnette transparaissait l’arrogance lorsqueMathias en pressait le bouton.Plusquestiondelaisserunquelconquesyndromedominermespulsionset,jecomptaisbienclarifiercepointavecluiauplustôt.

Jelefisentrersansluiadresserlemoindreregardetrefermaibruyammentlaporte.Lorsquejerelevai la tête, toutes les cellules de mon être se mirent à trépigner d’impatience, m’incitantjoyeusementàmejetersurluicommeunevulgaireblondeécervelée.Jen’étaispourtantpascegenredefillesàselaisserbernerparunphysique,aussiavantageuxsoit-il.

LeBourreauportaitcesoirunjeanetunechemiseàmancheslonguesquimettaitenvaleurtoutesonintensitémasculine.Àsonoreille,lesanneauxqu’ilarboraitrenvoyaientunpetitrefletinsolantquivenaittaquinermonchampdevision.Ilmedécochal’undesessouriresencoinquiobligeaitchaquefoismoncerveauàseréinitialiser.—Bonsoir,Loren.—Salut, leBourreau.Je te ferais remarquerque jene t’aipas invitécesoir.Tu t’esconvié tout

seul,etquiplusest,parl’intermédiaired’unpost-it.Sijenetefichepasdehorssur-le-champ,c’estuniquementparcequej’aidelamaçonnerieàtefairefaire.Je luidésignais lemilieudusalon,oùunmarteauavaitmalencontreusementcogné surunburin

pourvenirfracasserunmorceaudecarrelage.Ilfitquelquespaspourexaminerlelieududrame.—Tuviensdebriser çaàl’instant?Etqu’est-cequecelapouvaitbienluifaire?!Ilétaiticipourm’apportersonaide,commel’avait

ordonnélejuge.Iln’avaitjamaisétéconvenuqu’ilposedesquestions!

Sans me laisser le temps de cracher mon venin, il vint passer un bras autour de ma taille etm’attiraàlui,inspirantprofondémentau-dessusdemescheveux.Puisilmesourit.

—Tusais,moncœur,tun’aspasbesoindedétruiretonappartementpourjustifiermaprésenceici.—Mais...Je...—Chut,murmura-t-ilenposantunindexcontremeslèvres,j’aieuenviedet’embrassertoutela

journée.Est-cequetum’yautorises,Loren?—Ne...Tu...tu...tuasplutôtintérêt,soufflai-je.Sa bouche attrapa la mienne et s’y immisça, explorant chaque recoin avec une exigence

réconfortante.Enrevanche,sesmainssecantonnèrentàmanuqueetrefusèrentdes’endéloger.Jemesurprisàgémirdefrustrationlorsqu’ilmitfinànotrebaiser.Ilramenasesmainscontreluil’uneaprèsl’autredansuneparfaitemaîtrisedesesgestes,puisil

allaramasserlesacdesportaveclequelilétaitentré.Plongeantlamainàl’intérieur,ilenressortitunsachetopaque.—Tiens,ouvreça,dit-il.—Attention,lessurdosesdechocolatpeuventengendrerdesérieuxproblèmesdepostérieurchez

lesaddictscommemoi.—Jeteprometsqueçan’arienàvoir,m’assura-t-il,ettun’aspasàt’enfairepourtonpostérieur,

ilestabsolumentsublime,mêmesijenesuispascontredevérifiercettethèsedeplusprès.Je lui jetai un semblant de regard furieux et ouvris le sachet. Il contenait cinq petites fusées de

couleurs différentes, plantées sur des bâtonnets dont l’extrémité se terminait par une cordelettetressée.Dequoilancerunminifeud’artifice.

—Jesuisdésolée,luidis-je,maiscettefois-ci,tuesàcôtédelaplaque.— Non, je ne crois pas. J’aimerais essayer quelque chose si tu me le permets. Est-ce que tu

m’accompagneraisendehorsdelaville,dansleshauteurs?Cen’estqu’àdixminutes.—Écoute,jenesaispassi jepeuxsortiravecuneautrepersonnequeMillieparcequ’elleestla

seuleàcomprendreréellementmesphobies,et...cestrucssontcertainementsympasàregarder,pleindecouleursettout,maislesbruitsmefichentlatrouille,commetoutcequisetrouveàl’extérieurdecetappartementd’ailleurset...

LeBourreauentouramonvisagedesesdeuxpaumes.Jem’autorisaiàfermerlesyeuxquelquessecondesaucontactdesesmainschaudesetdouces.—Loren.Tuvassansdoute trouvercela trèsdéplacédemapart,maissacheque jene laisserai

jamais rien t’arriver, déclara-t-il en détachant les dernières syllabes avec une sincérité palpable.Jamais!S’ilteplaît,mabelle,jesaisquelaconfiancesemérite,maisjetedemandeuneavancepourcesoir.Etsiàn’importequelmomenttunevaspasbien,jeteramèneimmédiatementcheztoi.

Évidemment,ilauraitétépluslogique,plussageetplusintelligentderefuser.Malgrétout,j’avaisterriblement envie de sortir de cette prison dorée qu’était devenumon appartement. Jeme sentaisprêteàdépassermeslimites,etsurtoutàprofiterdumomentqueMathiasm’offrait.

—D’accord,acceptai-jeenenfilantmonmanteau.Dehors, il faisait un froid de canard. Jem’engouffrai dans sa voiture tandis qu’il augmentait le

chauffage,etjetaiuncoupd’œilrapideàl’habitacle.C’étaituneberlineaussimodestequepratique,quimerappelaagréablementmonhumblepetitecitadine.

—Tuauraispuvolerquelquechosedeplussportif.—Jenevolepaslesvoitures.Etjen’aijamaisconsidérélaconduitecommeunsport.Ilyabien

d’autresmanièresdefairedel’exercice,m’assura-t-ilavecunclind’œil.

Toutàcoup,uneimagedeMathias,lecorpshumideettenduparl’effort,vintsegrefferenpleinmilieudemoncortexvisuel.Jedéglutisavecpeine.

LeBourreausepositionnaderrièremoi,contremondos,etenroulaunbrasautourdemataille.—Est-cequel’endroitteplaît?Lepanoramaétaitfabuleuxets’étendaitdetouscôtés.Mathiasavaitgarésavoituresurlechemin

menantausommetde lacolline,et jenecessaisd’admirer les lumièresde lavillequi scintillaientdanslanuitnoire.Jehochailatêteenguisederéponse.Ilpritdélicatementmamaindroiteetyplaçal’unedesfusées,puisildéposaunbriquetdansma

maingauche.—Iltesuffitdeplanterlatigedanslaterreetd’allumerlamècheavantdet’éloignerdequelques

mètres.C’esttoiquidécidesdel’instantoùlebruitretentira,etc’esttoiquidécidessituveuxounonqu’ilretentisse.Ainsi,tugardeslecontrôleàtoutmoment,Loren.Lasituationnepeutpast’échapper.Tueslaseulearbitre.Ilvenaitde toucherunpoint intéressant.Depuishuitmois, je concevais le bruit que commeune

agressionquis’imposaitàmoisansquejepuisseinterférer.Cesoir,ilm’offraitleloisirdetenirlesrênesdemaphobieetm’accordaitlapossibilitédelacontrôler.Déposant un baiser sur mes cheveux, il s’éloigna de quelques pas pour me laisser prendre la

décision qui m’appartenait. Je baissai les yeux sur la fusée. Comment un petit truc aussi ridiculepouvait-ilmeficherlesjetonsàcepoint?C’étaitabsurde!Jemarchaiunpeuplusavantdans le terrain, et enfonçai la tigebien à la verticaledans la terre

fraîche.Puisjemeretournai,cherchantleregarddeMathiaspourm’yaccrocher,m’ysceller.Lanuitm’empêchaitdedistinguerlebleudesesyeux,maissonexpressionm’étaitentièrementdestinée,ettotalementdévouée.Ilm’incitaitàdépassermescraintes,toutenlesrespectant.—Net’éloignepas,d’accord?demandai-je,d’unevoixtremblante.—Jamais,moncœur.Lecœurbattant,j’approchailebriquetdelamèche.Madécisionétaitprise.J’allaisdéclencherune

détonationdemonpleingré,etjedécidaidelefaire...maintenant!Lacordelettes’enflammaetjemeretournaid’unbond,courantmejeterdanslesbrasdeMathias

quim’attendaient,grandsouverts.IlsserefermèrentsurmoietleBourreauutilisal’ensembledesoncorps pour me constituer une cage protectrice, dans laquelle je me blottis à l’approche du bruitimminent.Unepluiedebaiserss’abattitdansmoncou,surmonfrontetmescheveux.Ladéflagrationretentitsoudainau-dessusdenous,illuminantlecielnoirdepetitesétoilesvertes

quidisparurentpresqueimmédiatement.Mathiassoulevadudoigtmonmenton,visiblementinquiet.—Commenttesens-tu,moncœur ?Difficile de répondre. J’étais soulagée que ce soit terminé, et fière d’avoir affronté ma peur.

Évidemment, le bruit avait attisé mon anxiété, mais il avait aussi déclenché l’excitation magiqueprovoquéeparl’adrénaline.FaisantfaceauvisagesoucieuxdeMathias,jemehissaisurlapointedespiedspourembrasserseslèvres,récoltantunemineabasourdie,suivied’unsourireradieux.

—Jeveuxrecommencer,affirmai-je.Lorsdudeuxièmeessai, jepivotai immédiatementaprèsm’être réfugiéecontreMathiaspourne

perdre aucune miette du spectacle. Au troisième, l’anxiété m’avait désertée, remplacée par unsentimentd’impatienceet,auquatrième,jesouristoutdulong,appréciantlepaneldecouleurautantquelesbaisersdeMathias.—Iln’enresteplusqu’une,mabelle.Est-cequetumelaisseraisl’allumerpourtoi?—Je...jenesaispas...

Ilmefitpivoter,dosà la fusée,ets’approchademonoreille,mecaressantdesavoixgraveetrassurante.

—Cette fois-ci, c’estmoiquidécideraidedéclencher ladétonation, etqui te rejoindrai.Tunepourraspascontrôler l’instant,mais tusaisau fondde toique tune risques rien.Tupeux le faire,Loren,j’ensuisconvaincu.Il s’éloigna presque aussitôt. Je tentai de garder mon calme en conservant une inspiration

régulière.Bientôt,jeperçuslebruitdesespasderrièremoi,heureusequ’iln’aitpasdécidédefairedurerlesuspense.

—Maintenant,retourne-toietregarde,chuchota-t-ilàmonoreille.Les étoiles rouges semblèrent grimper bien plus haut dans le ciel que les précédentes. Mon

sourires’étiradenouveauetnemequittapasduranttoutletrajetduretour.**

MATHIASLesouriredeLorenestplusgrisantqu’unkilodecocaïne.Ilbalaiemessoucisetrendmavieplus

gaiequ’ellenel’ajamaisété.Ellevientdeterminersondessert,maisreprendencoreunebouchéedupouletquej’aicuisiné,laissantéchapperungémissementsatisfait.J’aimeêtreceluiquilasatisfait,etj’aimeraislefairedetouteslesmanièrespossibles.—Alors,demande-t-elleenselevantpourdébarrasser,commeça,jesuistapetiteamie?Jecomprendsqu’elleatéléphonéàRoger.Jelarejoinstranquillementdanslacuisine.—Oui,jemesuisditquetuleprendraismalsijet’annonçaiscommemafemme.Ellemanquedes’étrangler,puissemetàpoufferderireensupposantquejeplaisante.—Jemesuisrendueàsonateliercetaprès-midi,explique-t-elle,nousavonsconvenudeprésenter

huit demes toiles et ilm’a aidée à fixer les prix. J’étais très intimidée,mais il a été adorable. Ilsemblebeaucoupt’apprécier.L’expositionalieusamediàdix-neufheuresetMillie travaille tardcesoir-là,serais-tud’accordpourm’accompagner ?

Pour la première fois, j’ai l’impression d’être utile et de compter pour quelqu’un. C’est unsentimentnouveauquimevaloriseetmedonneconfianceenmoi.

—Avecplaisir.Jesuisraviquetumeledemandes.Ellemegratified’unsourireéblouissant,puiselleserenddanslasalledebain.J’attendsqu’elle

ensortepourmebrosserlesdentsàmontour,surprisquelefaitd’utilisersasalledebainmesembleaussinaturel.

Ensortant,jelatrouvedanslecouloir,ellem’attend.Jecaresseseslèvresdupouce.—Puis-jet’embrasser,Loren?—D’accord,dèsquetum’aurasditcequecontienttonsac,là-bas,dit-elleenpointantdudoigtle

salon.Jejouelafranchise.—Unetenuederechangeaucasoùtumedemanderaisdepasserlanuitici,commehier.—Commehier,celaveutdire,sans...metoucher.—Tusaisquejenetetoucheraipastantquetunemel’auraspasdemandé.—Tum’asaussiaffirméquetuferaistoutpourquejet’endemandeplus.—Crois-moi,j’ytravaille.Je l’attire contremoi et l’embrasse avidement, désireux de lui faire ressentir la même ardeur

qu’elleproduitsurmoi.Elleenrouleunbrasautourdemoncou,etfaitcourirl’autresurmonventre,griffantlégèrementletissudemont-shirt.

Bordel ! Je pense qu’elle a décidé de me rendre dingue. Tout en jouant avec sa langue, je la

repoussecontrelemurducouloir.Plaquéainsicontreelle,j’aiunmalfouànepastenircomptedelapressiondesesseinscontremontorse.

Lemilieuducouloirsesitueàégaledistanceentresonlitetlecanapédusalon.Pendantuninstant,j’envisagedelaportersurl’unoul’autrepourladéshabiller.Puisjemesouviensàtempsqu’iln’estpas question de déraper.Tout en l’embrassant, je ramènemécaniquementmesmains sur sa nuque.Ainsi,mesdoigts sontoccupésà joueravecsescheveux,etne risquentpasdesebaladerdansdesendroitsinconvenants.Lorenpousseunsoupiragacécontremaboucheetenserremonpoignetpourledélogerdesanuque.C’estsanscomptersurmadéterminationànepaslaissermesmainscaressertoutsoncorps.Haletante,elleabandonnemeslèvresetmedévisage,confuse.

— Pourquoi est-ce que tes mains semblent s’agrafer sur ma nuque chaque fois que tum’embrasses?— Parce que j’ai tellement envie de toi que je pourrais perdre le contrôle si je les laissais te

parcourir comme bon leur semble. Or, je ne veux pas trahir ta confiance, je sais que tu te sens...coupabled’appréciermaprésence.Ellearqueunsourciletmesourit,heureusequej’aiecomprisseul,cequ’ellen’osaitmedire.Puis

le rouge luimonte aux joues et lui donne cette expression adorable quime rend plus léger qu’unballonàl’hélium.— Si ça peut te rassurer, marmonne-t-elle en détournant le regard, je commence à avoir de

sérieusesdifficultésàluttercontremoi-même.—C’est pour cette raison que je tiens à te laisser le contrôle,mon cœur.Comme pour le feu

d’artifice,c’esttoiquichoisirass’ildoitavoirlieu,etquand.Elleécarteunemèchedeseslongscheveuxbruns,dévoilantuneexpressionplusmalicieuseque

jenel’auraiscru.—C’estunedécision...trèsdifficile,dit-ellesuruntonfaussementsérieux,étantdonnéquejene

sais pas à quoim’attendre.Si je veux être tout à fait certainedemon choix, peut-être que j’auraisbesoin...

Jenecessedeparcourirsonvisageduboutdesdoigts.—Dequoias-tubesoin,moncœur ?—Jecroisquejevoudrais...—Dis-moi...—Jeveux...unavant-goût.—Un...unavant-goût?—Oui,ils’agiraitd’unaperçude...—Jesaiscequ’estunavant-goût,moncœur,jevoulaisjustem’assurerquej’avaisbienentendu.Lorenveutunavant-goût.EtjedétestecontrarierLoren.

**LOREN

Unavant-goût?Non,paslapeinedebalayerdesyeuxmonappartementàlarecherched’uneautrefille,c’étaitbien

moiquiavaisprononcécesmots.Sansplusattendre,Mathiasplongeapourgoûtermes lèvres.Sesmainssedécrochèrent enfin de

manuque,etcontournèrentmesomoplatespourrejoindrelecontourexternedemesseins.Chacundesespouceseneffleuralerenflementjusqu’àcequemapoitrinesetendepourenréclamerdavantage.

Ignoranttotalementmarequête,ilsaisitmeshanchespourmesouleveravecuneextrêmelenteur,mepressantcontreluicentimètreparcentimètre,m’obligeantainsiàressentirchaqueparcelledeson

désir.Lorsquemes traîtresses de jambes s’enroulèrent autour de sa taille, il agrippa fermementmes

fessespourmemaintenircontreluietapposamondosaumur.Seslèvress’attardèrentsurmoncouetydéposèrentunechaînedebaisersjusqu’àmonoreille.

—Dismonnom,Loren.—Non,soufflai-jeenenserrantplusfortementsataille.Ilmordillalelobedemonoreille,lelécha,puissouffladessus,provoquantunesuitedefrissons

quimefirenttressaillir.—Dismonnom.Mathias,Mathias,Mathias...—LeBourreau,répondis-je,néanmoins.Je savais que ce surnom cruel lui déplaisait et qu’il ne leméritait pas. Il grogna doucement et

resserrasaprisesurmesfessespournousfairepivoter,biendécidéàbanniràtoutjamaiscemotdemonvocabulaire.

Légèrementinquiète,jeregardaidéfilerlemurducouloiravantdeconsulterMathiasduregard.—Oùest-cequetum’emmènes?m’enquis-jealorsque ladirectionnesupposaitqu’uneseuleet

uniquepossibilité.—Surtonlit,répondit-il,imperturbable.Tun’aspasprécisédelieupourcetavant-goût.Ilmedéposa sur le dos et allumama lampe de chevet. Celle-ci diffusait un éclairage tamisé, à

peinepluslumineuxqu’unebougie.—Parfait,déclara-t-il.J’aibesoindevoirtonvisage.C’estpourtantversmonventrequ’il sedirigea. Il lemordillaà traversmon t-shirt,m’arrachant

quelques soupirs impatients,puis il remontaversmonplexuset termina sonascension lorsque seslèvresatteignirentl’undemesseins.Prenantunegrandeinspiration,ilinsuffladelachaleuràtraversle tissu touten jouantavecsa languesur les fines fibresdecoton.Alorsque je l’encourageaid’ungémissement,ilredressalatête.—Crois-tuqu’unbourreaut’imposeraitcetypedechâtiment?Il ne me laissa pas le temps de répondre et infligea le même traitement à mon second sein,

envoyant une décharge de plaisir directement entre mes jambes. Je me cambrai sous son corpsimposant.—Etmaintenant,Loren?grogna-t-il.Crois-tuqu’unbourreautetortureraitdecettemanière?Dis

monnom...Il avait murmuré ces derniers mots comme une supplique et non un ordre. Haletante, je me

redressai pour faire face à cet hommequimeprodiguait tant deplaisir alors que j’étaiscensée ledétester.—Stockholm,prononçai-je.—Lesyndrome?J’acquiesçaitimidement,appréhendantsaréaction.Une ombre de tristesse survola brièvement son regard bleu sombre, si bien que je regrettai

immédiatementmesparoles.Ilseressaisitaussitôtetadoptaunvisagedéterminé.—Oh,non,mabelle,jenesuispastonsyndrome,etjenesuispasnonpluslebourreaucruelque

tudessineslanuit.Regarde-moi,Loren.Leregarder?Jenefaisaisqueça.Mesyeuxsouffraientmêmed’unedéfaillanceàpercevoirautre

chose,cesdernierstemps.Ilsaisitmonmentonetmeregardadroitdanslesyeux.—Moi,jesuisceluiquis’évertuerachaquejouràteprocurerplusdeplaisirquelaveille.Situ

melaissesfaire,mabelle,jetedonneraidesorgasmesàn’enplusfinirjusqu’àcequenitoinimoinepuissionsplusbouger.Jevaist’expliquercommentjeferai.

Ilmedonnad’abordunbaiservorace,profond,puiscaressalepantalonquicouvraitmesjambes.D’abordau-dessusdesgenoux,puis en remontantvers l’intérieur, le longdemescuisses jusqu’ausommet,sansjamaisfranchirlaligneinterdite,cellequin’appartenaitplusàl’avant-goût.—Pour commencer, je te caresserai de cettemanière,mais sur ta peaunue, puis je poseraima

bouchesurtescuisses,etellesuivralemêmecheminquemamain.Saufqu’ellenes’arrêterapaslà.Jetegoûteraisansrépitetteconsumeraidemalanguejusqu’àcequetutremblesdedésir.Pourtouteréponse,jeledévisageai,interdite,dissimulantdemonmieuxlestremblementsdedésir

quin’avaientpasattendusalangue.Ilrevintàlachargeetpositionnasalargecarrureau-dessusdemoi,plaçantsesbraspuissantsdechaquecôtédemataille.Ilsouleval’ourletdemont-shirtaveclesdentset léchamonventre,exerçantd’aborddepetitscercles,puisde longschemins sinueux tandisquejeglissaismamaindanssescheveuxpourm’yagripper,encourageantsubtilementsesassauts.Oupas si subtilement queça si j’en croyais le sourire qu’il afficha contrema peau.Bientôt, sa

boucherencontral’extrémitédemonsoutien-gorge,etsonregardmagnétiquevintcapturerlemien.—Jedégraferaicefichusoutien-gorgeetembrasseraitesseinscommeilsleméritent,jesucerai

testétons,puisjetepossèderaidurantdesheures,lentementetprofondément.Ettuaimerasça,Loren.Jeteferaicrierdeplaisiretjemedélecteraidetesgémissements.

Comme pour affirmer ses propos, il frotta doucement son érection contremon entrejambe. Ildéposaensuiteundernierbaisersurmeslèvres,puiss’allongeaàmescôtésetsetourna.

Puisplusrien.Ilm’avait laisséepantelante, leventreencorebrûlantdesescaresses,et l’espritchaufféàblanc

parsespromesses.—Euh...leBourreau?Tuas...terminé,là?—Oui,moncœur,dit-il,d’unevoixdouce.D’oùleterme«avant-goût».—Oh.Oui,jevois.C’est...intéressant.Ainsijesaisàquoim’attendre,alors...merci.Jecrois.Depuis que j’avais rencontréMathias, jem’efforçais d’adopter un comportement raisonnable et

cohérent.Saufquecelui-cis’étaitprisunesacréeracléeparmafibreémotionnelle.Jenem’étaispassentieaussiépanouiedepuisdesmois.Enréalité,jenem’étaisjamaissentieaussiépanouiedetoutemavie.

Je fussoudainhappéepar lachaleurdeMathiasquime tournait ledos,couchénonchalammentsurlecôté.Prèsdelui,monanxiétédisparaissait,tousmessenss’éveillaient.J’approchaimeslèvresdesonoreille.

—Mathias...fais-moil’amour.Je me demandai si l’apnée se pratiquait aussi en dehors des milieux marins. L’immobilité de

Mathiasétaitspectaculaire.Lorsqu’ilseretournaenfinpourmefaireface,jesoutinssonregardimpassible.Puisilmedonna

unbaiserpassionnéquienflammamessens.Jesoulevaisont-shirtpourl’endébarrasser.Pendantqu’ils’agenouillaitpourm’aiderdansmatâche,j’entraienmodeblonde:sourireniaiset

yeux ronds. Le torse de Mathias était un sanctuaire de virilité, chaque muscle était modelé à laperfection,révélantunepuissancesansfailles.Unlargetatouageconstituédelignesentremêléesluirecouvrait lamoitié du bras et se terminait sur le pectoral. Je levai lamain pour toucher sa peau,caressantsesabdominaux,jusqu’àlabasedespectoraux.

Il saisit à son tour l’ourlet demon t-shirt pourme dévêtir. Tout enm’embrassant, il dégagead’abordmesbras,puiss’écartapourlepasserpar-dessusmatête...etsefigea.

Sonvisagevira aublanc casséet il sepétrifia, fixant des yeuxmon épaulemeurtrie.Sabouches’ouvritsansqu’aucunsonensorteréellement.

Alorsquesesyeuxbleusdevenussombresexprimaientuneconsternationsanslimites,ilrecula,éloignantsesmainsdemoncorpscommesiellespouvaientmeblesserd’unsimplecontact.Jen’étaispasdutoutd’accordavecça!Cen’étaitpascequiétaitprévu.J’avaispourtantprononcé

lesmotsmagiques!—M...mondieu,moncœur,situsavaiscommejesuisdésolé,balbutia-t-ilens’éloignantencore

detrentebonscentimètres.—Oh,non,nonetnon!m’exclamai-jeenm’asseyant.Tun’aspasledroitdetedéfilerainsi.Où

sontpasséstesprojetsconcernantunrecordd’orgasmesettoutunpaneldegémissements?Mathiasmedévisagea,interloqué.—Tuveuxvraimentquejeposemesmainssurtoiaprèscequejet’aifait?—Tunevaspasm’obligeràtesupplier,toutdemême?—N...non,moncœur.Jamais.Sansgrandeconviction, ilpassaundoigtsur lacourbedemonmenton.Puisses irisprirentune

teintemarineetilenfouitsatêtedansmoncouavantquejeperçoivelabruinedesesremords.Seslèvressuivirentlalignedemaclaviculeetsedirigèrentobstinémentverslepuitsdemessouffrances.Avecuneextrêmeprécaution, ilembrassa lepointdouloureux,melaissantfrémirsous l’assautdessensationscontradictoiresquim’envahissaientpeuàpeu.

Desesbaisers,ilabsorbalatristesse,lapeuretlacolère.Seullesentimentderéconfortsubsista.—Pardon,Loren,souffla-t-ilcontremablessure,pardon,pardon...—Jet’aidéjàpardonné,j’étaissincère.— Je sais. Mais moi, je ne me pardonnerai jamais, affirma-t-il en embrassant dans mon dos

l’impactparlequelétaitressortielaballe.D’uneprofondeinspiration,ilserésignaàreprendresaprogression.Ils’agenouilladerrièremoi

etsescaressessefirentplussensuelles,plusprovocatrices.C’étaitexactementcequejedésirais.J’enavaisbesoin.Sontorsebrûlantrecouvritmondos,ses

mains frôlèrentmonventrepuisse refermèrentsurmesseins, lesmalaxantdoucement.D’ungestesûr, il dégrafamon soutien-gorge puis écarta son pouce de sonmajeur pour satisfairemes tétonsd’une seulemain. J’inclinai légèrement le buste en arrière,m’abandonnant contre lui, laissant sesmainsexpertesm’explorercommeelleslesouhaitaient.

Tandisqu’ildécrivaitdescerclesdeplusenplusétroitsautourdemespointesdevenuesrigides,sonautremainsefaufilaversleboutondemonpantalon.Jemetortillaipourfaciliterlepassageduvêtementtoutenjetantuncoupd’œilinquietàlaculottequejeportais.Ouf.Lycraetdentellenoire.

Visiblement, le spectacle plut également àMathias, qui siffla entre ses dents, repoussant contremes reins son érection croissante. Sans prévenir, il glissa ses doigts sous le tissu noir, laissantéchapperungrognementsatisfait.—Tuesdéjàmouillée,moncœur.C’estbien,jeveuxquetumouillespourmoi.Il fit glisser son index contrema fente, jusqu’àmonentréeoù il appuya imperceptiblement son

doigt.Jemecambrai,gémissantdefrustration,monbassincherchantdésespérémentàapprofondirlecontact.

Aulieud’apaisermestourments,leBourreauabandonnasatâcheetmecontournafurtivement,àl’instard’unfélinencerclantsaproie.Unefoisdevantmoi,sonregardenglobal’ensembledemoncorps.—Oh,moncœur,tuessublime.

Automatiquement, je refermai les jambesetmerecroquevillaisurmoi-même,gênéed’êtreainsiexposéeàsonregardardent.—Non,mabelle,écartetesjambes,laisse-moiteregarder.Jedéglutiset luiobéis timidement. Jamaisunhommenem’avait renduesiavidededésiretde

sensations.Toutencaressant l’intérieurdemescuissesnues, ilpritun tétonentreses lèvres,qu’ilmordilla

tendrement.Ladentelledemaculotteglissalelongdemesjambes.Sansdélogersabouche,ilsoutintmon dos d’unemain tandis que l’autre prit possession demon intimité, y insérant un doigt qu’ilremuaencréantunesortededélicieuxva-et-vient.Sansplusaucunegêne,meshanchesbougèrentensuivantlerythmelentqu’ilm’imposait.—Jeveuxtedéshabiller,haletai-jeendéboutonnantsonjean.Ilsecrispa légèrement lorsque je tirai sur l’élastiquede sonboxer afinde libérer sonmembre.

Quandcelui-cisedressadevantmoi,lourdetfier,jeprissoindedésactiverlemodeblondepournepas baver devant cet engin en parfaite proportion avec l’envergure deMathias. Je le pris dansmamainsansparvenirà l’encercler totalement,etentreprisdecaresser ledômelisseavecmonpouce.Fasciné,ilmeregardafairequelquesinstantsavantderepoussergentimentmamain.

—Doucement,mabelle,tun’imaginespasl’effetquetuproduissurmoi.Ilattrapasonjeanetfouilladanslapochearrièrepourrécupérerunpetitemballagerectangulaire.

Ouf!J’avaisbiendespréservatifsdansmasalledebain,mais j’étaisàpeuprèscertainedenepasposséderlesmodèles«tailleHulk».

Je frémis d’impatience lorsqu’il souleva mes cuisses pour se placer entre mes jambes. Sonmembre glissa plusieurs fois contrema fente avant de s’enfoncer doucement enmoi. Au fur et àmesure de sa progression, ma chair se referma autour de lui, l’emprisonnant fiévreusement. Lasensationdeplénitudeenvahitmoncorpsetinhibamespensées,jusqu’àcequ’ilsoitentièrementenmoi.

Lesoufflecourt,Mathiass’immobilisaetcherchamonregard.—Est-cequeçava,mabelle?Àtonavis,Hulk?Çaallaitmêmemieuxqueça.Maiscommejesemblaisavoirmomentanémentperdul’usagedela

parole, je pus que soulever ma tête à la recherche de ses lèvres. Le Bourreau m’embrassalangoureusementetsemitàalleretvenirenmoi.Lanotiondutempsm’échappacomplètementtandisquejem’abandonnaisouscecorpsdivinementpuissant,lelaissantmedonnerplusdeplaisirquej’enavaisjamaisgoûté.

**MATHIAS

Bordel!Jenesavaispasquelesexepouvaitêtreaussiintense.LecorpsdeLorenestlachoselaplussensationnelleaumonde.Toutenmeperdantenelle,jecaptureundesesseinsdansmabouche.Justepourl’entendregémir.C’estdevenumonsonpréféré.

Ellemedévisageàtraverssespaupièresmi-closes,ondulantdeplaisirsousmabouche.Je glissemesmains derrière son dos pour la redresser, et la ramène contremoi tandis que je

m’assiedssurmestalons.—Passetesbrasautourdemoncou,luidis-je.Elle s’exécute et s’accroche à ma nuque. Je préfère la laisser aux commandes afin qu’elle

choisisseelle-mêmesonrythme.Parcequ’elleenabesoinpourmefaireconfiance.Etparcequelaregardermechevaucherestunspectaclequimefaitbandercommejamais.

J’avanceunemainentresescuisses, jouantavecsonboutonsensiblechaquefoisqu’elleramèneseshanchescontremoi.Lesélansdesonbassinsefontplusrapides,sesgeignementspluspressants.Alors qu’elle est au bord du gouffre, j’accompagne ses mouvements avec davantage de vigueur.Soudain,satêtebasculeenarrière,étouffantsescris.Il nem’en faut pas plus pour exploser àmon tour.Maîtrisant tant bien quemal le cyclone qui

m’emporte,jeretrouvemesesprits,justeàtempspoursoutenirLorenquis’écroulecontremoi.Jel’allongesurledosetécartequelquesmèchesdesonfront.J’aibesoindevoirsesyeux,maisils

sontfermés.Jesuismortdetrouilleàl’idéequ’elleregrettedéjàcequ’ilvientdesepasser.—Moncœur ?Est-cequetuvasbien?Elle ouvre ses paupières et m’observe minutieusement. Jamais je ne me suis senti aussi à nu.

Exposé.Seslèvress’étirentenunmerveilleuxsourirequimerendfortetfaibleàlafois.Et merde ! Je ne peux plus me leurrer, soit cette fille est une drogue détonante, soit je suis

désespérémentamoureuxd’elle.—Disonsquepourunbeaugosse, tune t’espas tropmaldébrouillé, ironise-t-elle,d’unevoix

rauque.Danslelitimmense,ellevientseblottirdansmesbras.—Dors,moncœur,luidis-jeenembrassantsonfront.J’essaieraidenepasteréveillerdemain

matin.—Pasde risques, jeme lèveauxaurores lemercredi. J’ai rendez-vouschez lekinésithérapeute

pourlarééducation.—Jeveuxt’accompagner.Ellefroncelessourcils.—Pourquoi?Parcequejeveuxêtrelàquandcemecposerasesmainssurtoi.Parcequejeveuxsavoircequ’il

enestetdequellemanièrejepeuxt’aider.Etparcequesijepeuxpasseruneheuredeplusavectoidemain,ceserauneheuredemoinsàmerendremaladeenmedemandantsituvasbien.

—Je...s’ilteplaît,laisse-moiveniravectoi.—Trèsbien,accepte-t-elle.—Merci.Àproposdedemain,j’ai...quelquechoseàfaireavecmonfrère,enfindejournée.Je

dîneraiprobablementaveclui.J’aimeraisterejoindreicijusteaprès,situesd’accord.Je remarque pour la deuxième fois que son cœur s’accélère quand je mentionne mon frère.

Bizarrement,jecroisqueçamefaitlemêmeeffet,saufquej’ysuishabitué.Commeun lâche, je fuis son regard.Loren est intelligente, elle sait quedésormais je veuxme

tenirloindeladélinquance,maisqu’ilmeseraitdifficilederefuserquoiquecesoitàmonfrère.Jetentedelarassurer.—Net’inquiètepas...cen’estriend’important.Jeseraiiciversvingtetuneheuresauplustard.Quelquesminutesplustard,elles’endort.

Mercredi25Février

MATHIASJe me demande toujours oùmon frère déniche tous ces tarés. Le débile numéro un doit être

sacrément en manque pour tressauter comme un marteau-piqueur. Et le débile numéro deux faitrépéteràYanntouteslesindicationspourlatroisièmefois.Bordel!Est-cequ’onnepourraitpasaccélérerunpeu?Çafaitdéjàuneheure.Monfrère,lui,s’en

fiche,ilestd’unepatienced’angelorsqu’ils’agitdelapréparationd’unplan.Ilmorddanssonburgeretreprendtranquillementsesexplicationspendantquej’envoieunmessageàLoren.—Labâtissecomportedeuxétages.Monfrèreetmoimonteronspendantquevousvousoccuperez

du rez-de-chaussée. On sait de source sûre qu’il y a près de vingt mille euros de bijoux dans labaraque.SanscompterquelquestableauxetunecollectiondevasesDaum.

Vingtmilleeuros.SiYannannonceceprix-là,c’estqu’ilyaaumoinsledouble,voir le triple.Montéléphonevibre,c’estunSMSdeLoren.«Prendstontemps,leBourreau,jemefaiscoulerunbain.»Jeserrelesdentsfaceàl’imagedeLorenplongéedanssonbain.Jedoisabsolumentlarejoindre

avantquel’eaunerefroidisse.Monfrèrereprend.—Lamaison ne possède aucun systèmed’alarme, et les voisins sont en vacances pour quinze

jours.—Tuessûrquelecouplelogeseuldanscettegrandemaison?demandedébilenumérodeux.—Absolument.Etlacerisesurlegâteau:ilspartentceweek-end.Ilsserontabsentssamedisoir.

Onpassedoncàl’actiondanstroisjours.Samedi soir... l’exposition de Loren. Merde ! Pendant que les deux abrutis acquiescent

frénétiquementdumenton,jedésapprouve.—Euh...Yann?Passamedisoir,jenesuispasdispo.Yannmefixeavecceregardimpassible,celuiquin’annoncejamaisriendebon.—Pardon?demande-t-ilcommes’ilavaitsimplementmalentendu.—J’aiprévuquelquechosecesamediet...Avantquejefinissemaphrase,ilsetourneverslesdeuxautres.—OK, tout est au point pour nous. On se rejoint tous ici, samedi à dix-neuf heures. Si vous

voulezbienmelaisserseulavecmonfrèremaintenant.Lesdeuxdébilescomprennentlemessageets’exécutentenemportantunedesportionsdefrites

quitraînentsurlatable.Yannsecarredanssonsiègeetsecomposeuneexpressionquipourraitfrôlerl’empathiesijene

leconnaissaispasmieux.— Hé, frangin, dit-il, d’une voix faussement sereine, que se passe-t-il en ce moment ? Tu te

comportesbizarrement,etonnesevoitpresqueplus.Tuasvraimentrencontréunefille,c’estça?LesmèchesbrunesdeLorenm’apparaissent immédiatement,et lesouvenirdesapeaudouceet

chaudemedonnelaforcedepoursuivrecetteconversation.—Oui,jevoisquelqu’un.—Tuessortideprison,ilyatoutjusteunesemaine.Turencontresunefille,etsoudainellepasse

avantnous,avantlafamille?Yannsaittoujoursoùtaperpourfairemal.Auproprecommeaufiguré.

—Biensûrquenon,ellenepassepasavant,c’est simplementque j’avaisprévuquelquechosepoursamedisoir.Quelquechosed’important.—Plusimportantquedesefairequatre-vingtmilleeurosenuneheureetd’aidertonfrère?C’est

cequetuesentraindemedire?Visiblement, j’ai sous-estimé le pactole. Pourtant, aucun chiffre ne pourrait me faire manquer

l’expositiondeLoren.Jedoissortirdecetappartementquim’étouffeetlarejoindre,c’esttoutcequicompteàprésent.

—Toutcequejedis,c’estquejenepourraipasvenircesamedi,jesuisdésolé.Yanneststupéfait.C’estlapremièrefoisquejem’opposeàlui.Ilmeregarderassemblerquelques

affaires,puis,curieusement,ilsembleseradoucir.—D’accord,jecomprends,acquiesce-t-ilenmedonnantunebrèveaccolade.Tusaisquejen’ai

jamaisvouluquetonbonheur.Cesmarquesd’affectionsontrareschezlui,voireinexistantes.Maisjeviensdepasserhuitmoisen

taule,alorspeut-êtrequeçachangeladonne.—Jesais,Yann.Merci.Jesuisheureuxetsoulagéqu’ilrespectemonchoix.Aprèstout,ilestmonfrère,maseulefamille

etjesaisquejepeuxluifaireconfiance.Jedévale lesescaliersetsautedansmavoiture.Cinqminutesplus tard,Lorenm’ouvre laporte,

vêtued’unpeignoirépongequinedemandequ’àêtreenlevé.—Bonsoir,mabelle,dis-jeenl’embrassant.Est-cequej’arrivetroptardpouravoirleplaisirde

tecontemplerdanstonbain?—Oui,lesdoigtsfripés,cen’estpasmontruc.Ladéceptiondoitselireaisémentsurmonvisage.CeluideLorensefendd’unsourireespiègle.—Jeplaisante,jet’attendais.Désape-toi,leBourreau,l’eauestchaude.Ellesedirigeverslasalledebainalorsquelasonneriedemontéléphoneretentit.C’estYann.—Oui?—Tuasoubliétesclésàl’appartement.Tupeuxpasserleschercherdemainsoiravantd’allerchez

tacopine,situveux.Jet’attendrai.—OK.Merci,Yann.Àdemain.—Àdemain,frangin.Lorsquejepousselaportedelasalledebain,jesuisvictimed’unchocvisuel.Lorensedélassedanslabaignoireinondéedemousse,immergéejusqu’àlalignemédianedeses

seins.Jeluiadresseunclind’œilaguicheur,deceuxqu’ellejugearrogants,etentamedemedéshabiller

sensuellementsanslaquitterdesyeux.Commeunmecsûrdelui,quiadécidéquesaplastiqueétaitcapablederemplacerintégralementlespréliminaires.Ellelèvelesyeuxauciel,maisconservesonsourire.J’aimesafaçondes’exaspérerlorsquejejouelacartedubeaugosse.

L’instantd’après,jem’agenouilledansl’eauetprendsletempsd’embrasserminutieusementsonépauledroiteavantdedescendresursesseins.

**LOREN

Mathiasseséchaénergiquementetmeprésentamonpeignoirouvert.—Enfilevitecepeignoir,quejepuisseenfintel’enlever.Jen’euspasletempsdenouerlaceinturequ’ilm’emportadansmachambre,melaissantparaître

toute légère entre ses brasmusclés. Ilm’étendit sur le lit et défit les pans du peignoir l’un après

l’autre,arborantleregardémerveilléd’unenfantquidéballesoncadeaudeNoël.Puisilrécupéralaceintureencotonetlanouaautourdemonpoignetdroit.

—Euh...leBourreau?Cen’estpastropmontruc,leBDSM.Surtoutledeuxièmesoir.Ilsepenchaetm’embrassatendrement.—J’aibienécoutécequ’aditlekinésithérapeute,cematin.Mêmes’ilnefaitaucundoutequeta

souffranceestbienréelle,ellesedéclencheprincipalementparunautomatismepsychologique.Lesexercicesqu’il t’imposesontdestinésà teprouverque tuescapablede lever lebras.Seule lapeurt’enempêcheencréantunesensationdedouleur.—D’accord.Tuasétéattentifetstudieuxdurantunedemi-heure.Bravo.Maintenant,est-cequ’on

pourrait oublier ces histoires de ceinture et de nœuds, et continuer tranquillement ce qu’on acommencédans lebain ?Ces trucs commencent légèrement àme faire flipper, dis-je en indiquantmonpoignet.—Tusaisquejeneteferaijamaisdemal.N’est-cepas?Oui.Jenesavaispascommentjelesavais,maisjelesavais,toutsimplement.J’acquiesçai.Avec précaution, il fit fléchirmon bras dans l’axe du coude, et attacha l’autre extrémité de la

ceintureàmatêtedelit.—Toutvabien,moncœur,merassura-t-ilenmevoyant frémir.Jene t’attachequecettemain.

Regardetonpoignet,etjetteunœilàlatêtedelit.Cesontdesnœudsdelacetsquetupeuxdéfaireàtoutmomentavectamainlibre.

En effet, en pliant ainsimon coude,mon poignet se trouvait près dema joue,maismon brassuivaitpratiquementl’axedemoncorps,sibienquejeneressentaisaucunedouleur.EtMathiasavaitprissoindelaisserunebonnelongueurdecordepourquejenemesenteaucunemententravée.Jenevoyaispasbienl’intérêtdelamanœuvre,maislaréponsenem’intéressaplusdutoutlorsque

leBourreauvint souffler sur lapointedemes seins avantd’enprendreundans sabouche, faisantrenaîtreundélicieuxfrissondansmonbas-ventre.Salanguefitensuiteletourdemonnombril,puissuivitrésolumentlaligneverticaleendirectionduSud.—Mathias?fis-jed’unevoixanxieuseenleretenantparlescheveuxdemamainlibre.—Chut,souffla-t-ilenreposantmapaumeàplatsurlesdraps,détends-toi,moncœur.Il passa sesmains sousmes cuisses pour les écarter légèrement et sa bouche s’empara demon

intimitéavantquejenepuisseprotester.Unbrefcrid’extasesortitdemagorge,entraînantmatêtequiretombalourdementsurl’oreiller,déclarantforfait.Mathiasexerçad’abordunaller-retourlelongdemafente,puisils’insinuaentrelesreplisdechairqu’illécha,mordilla,happa,semblantvouloirs’enapproprierchaqueparcelle.L’ensembledemesfonctionscérébralesdisjonctaetmoncorpsnedevintplusqu’uneenveloppedechairassoifféedesensations.Àtraversmespaupièresmi-closes,jelevisredresserlatêteetesquisserunsourirecharmeurtout

en passant généreusement sa langue sur ses lèvres, affolant au passage mes hormones déjàsurexcitées.Saletédebeaugosseprétentieux!Ilreplongeaensuiteetattrapalepointculminantentreseslèvres.Jeravalaiunhoquetdestupeuren

froissant lesdrapsdemamainvalide,évacuantainsiune infimedéchargede tension.LeBourreaulibéra mon point sensible un instant pour le couvrir de caresses humides qui me rapprochèrentdangereusement du gouffre. Puis il les espaça progressivement jusqu’à m’administrer plus quequelquestimidesà-coups,avantdes’arrêtercomplètement.Jegémisdefrustrationetmeshanchesglissèrentinstinctivementverslebasàlarecherchedeses

caressesexquises.Laceinturedecotonretintmonpoignet,etmonbrassedéplialégèrement.

Aussitôt, Mathias réitéra ses assauts, mêlant tour à tour caresses aguicheuses et sensationsvertigineusesenunrythmecroissant.Deuxcentsbilletsquecemecappartenaitàunenouvelleespèceconçuedansl’uniquebutd’utiliser

salangue!Jememisàondulerfrénétiquementsoussabouche.Bientôt,ilinséraundoigtenmoiqu’ilremua

en quelques mouvements circulaires divins, puis le retira presque aussitôt, se reculant etm’abandonnantunenouvellefois.

—S’ilteplaît...gémis-jeenfranchissantquelquescentimètresdeplus.Monliensetendit,accentuantlapositionverticaledemonbrassansquejen’yaccordelamoindre

attention.Mathias me récompensa immédiatement, apaisant ma chair fiévreuse d’un revers de langue.

Lorsquejesentisqu’ilmedélaissaitunenouvellefois,meshanchesdescendirentencore,encouragéespar les baisers qu’il déposait à l’intérieur demes cuisses, jusqu’à ce que j’atteigne l’extrémité dumatelas.C’estalorsqueleBourreauglissasurleparquetdemachambreets’agenouilladevantmoi.Deses

largesmains,ilbloquamonbassinetrevintàlacharge,leregardacéréetlamâchoiredéterminée.Ilplaçamescuissessursesépaulesetundeuxièmedoigtrejointlepremier,allantets’agitantenmoi.Puis il plaqua sabouche surmonboutonde chair, qu’il suça et aspira tandis que jeme tordais deplaisir entre les draps. Chaque fibre de mon corps se mit à tressaillir, formant de multiplesconnexionsquiexplosèrentenunbrasierd’extase.Ilnemelibérapaspourautant,accompagnantmonorgasmejusqu’àcequej’enperdetotalementlesouffle.Dans lesbrumesdudélice, jeperçus sa silhouette au-dessusdemoi, sesdoigtsdénouèrentmon

lien.Seslèvress’abattirentsurmonépaule.—Est-cequetuasmal?Mon bras s’était redressé à la verticale, je devais forcément souffrir. Pourtant, je ne ressentais

qu’unlégerétirementdansl’articulation,bafouéparunplaisirintense.— Non, je n’ai ressenti aucune douleur !m’exclamai-je sans pouvoir contenir la joie qui me

submergeait.Mathiasm’adressaunsourireéblouissant.Monbonheursemblaitréellementluiteniràcœur,etil

meleprouvaitsanscesse.Comment ne pas tomber sous son charme ? Du reste, il était maintenant bien trop tard pour

ignorerquemessentimentspourluis’amplifiaientd’heureenheure.

Jeudi26Février

MATHIASJesonneunetroisièmefois.Pasderéponse.Sansdoutea-t-ileuunempêchement.Étrangequ’ilne

m’aitpasprévenu.Étrangeaussiquej’aieoubliémesclés,ellesontdûglisserdemapoche.Jem’assiedssurlepalier,ledoscontrelaporteenespérantqu’ilsepointesanstarder.J’aihâte

d’annonceràLorenquemonpatronchercheunemployéetqu’ilmegarderasi jecontinueà fairepreuvedemotivation.J’aimeraisqu’ellesoitfièredemoi.Dix-huitheurestrente.Jenetiensplus.JetéléphoneàYann.Ildécrocheàlaquatrièmesonnerie.—Ouais.Excuse-moi,j’aieuuncontretemps.J’entendscommeunerespirationhachéeàl’autreboutdufil.—Toutvabien,Yann?—Pasdeproblème.Jesuislàdansmoinsdecinqminutes.—OK.Àtoutdesuite.Jepatienteenespérantqu’ilnesesoitpasencorefourrédansunmerdierquelconque.

**LOREN

DepuisqueMathiasm’avaitsubtilementincitéàleverlebrashiersoir,j’avaispassélajournéeàvérifierque j’enétaisencorecapable.J’enavaisprofitépourréaménagermesplacardset terminerunetoile.Unénièmecoupd’œilàlapendulem’appritqu’ilétaitdix-huitheuresvingt.QuandleBourreaufrappaàmaporte,jesursautai.Quelqu’unl’avaitprobablementlaisséentrer

aubasdel’immeuble,carseuleMilliepossédaitlesclésdel’entréeprincipale.—J’arrive!Jedéverrouillailaporteetabaissailapoignée.Elles’ouvritsiviolemmentquejebondisenarrière

pouréviterdelaprendreenpleinefigure.Untypes’introduisitdansmonappartementenlarefermantderrière lui. Il ne me fallut qu’une seconde pour comprendre qu’il ne s’agissait pas de Mathias.J’ouvrislabouchepourhurler,maisl’hommeagitaunobjetdanssamain.Unflingue.D’unregard,ilm’intimadelafermer.J’obéis.—Salutmajolie.Décidément,jemedemandeoùmonfrèredégotetoutescesfillescanon,déclara-

t-ilenmereluquantdehautenbas.Sonfrère...cettevoixquimeglaçait.J’avaisdevantmoilefrèreaînédeMathias,celuidontl’esprit

étaitdépourvudetoutscrupule.—Peux-tucesserdetremblercommeunefeuille,chérie?C’esttrèsdésagréable.Assieds-toi!Mon salon commença à tourner autour de moi, mais je me ressaisis et gagnai la chaise qu’il

m’indiquaitenm’ycramponnant.—Depuiscombiendetempsconnais-tuMathias?demanda-t-ilavecuncalmeapparent.J’ouvrismachinalementlaboucheetfussurprisederéussiràparler.—Depuis...une...unesemaine,bredouillai-je.—Unesemaine,répéta-t-il.Vois-tu,moi,jeleconnaisdepuisvingt-septans.J’aivécuaveclui,et

jeconnaislamoindredesesaspirations.Etcrois-moi,tun’enfaispaspartie.Tuesplutôtbiengaulée,jetel’accorde.Sansdoutelaraisonpourlaquelleilnet’apasencorejetée.D’ailleursàcepropos,jenesaispascequetuavaisprévusamedisoir,maisilestdéjàengagéailleurs.

Malgrélaterreurquimetordaitleventre,j’enregistraisétonnammentbiencequ’ilmeracontait.L’adrénalinemepermitderépondreunesecondefois.

—N...non.Ilm’aditqu’ilm’accompagneraitpour...L’hommesemitàricaneretmeconsidéraavecpitié.— J’ai besoin de lui pour un travail ce samedi. Sérieusement, tu as vraiment cru qu’il allait

t’accorderlapriorité,etabandonnersonfrère?—Untravail?demandai-je,d’untonplusassuré.Sivousvoulezparlerdecambriolage,jenecrois

pasquecelaintéresseMathias.—Ahoui?Ilm’apourtantaidéàtoutmettreaupointhiersoiravantdeterejoindreici.Moncœurrataunbattement.LathéorieduBadBoysensibleetattentionnéquiremettaitenquestion

seserreurspasséess’amenuisapeuàpeu.—Jesuisdésolémajolie,maisMathiasn’estpasunmecpourtoi.Unevierangéene l’intéresse

pas.Il fut interrompupar la sonneriede son téléphone.Pouréviterque jenem’enfuiependantqu’il

décroche,ilmesaisitl’épaulepourmecloueràlachaise.Jehurlaidedouleursifortqu’ilfitunlégerbondenarrière.Puisilmedétailladuregard,etunelueurdecompréhensionéclairaprogressivementsestraits.Ilmebâillonnalabouchedesonavant-braspourm’empêcherdeparleretdécrocha.

—Ouais.Excuse-moi,j’aieuuncontretemps.J’essayaidenepasm’évanouiretrespiraidemonmieuxparlenez.—Pasdeproblème.Jesuislàdansmoinsdecinqminutes.Moinsdecinqminutes.Courage,Loren,c’estbientôtfini.Ilraccrochaetretiralentementsonbras,puiss’approchasiprèsquejesentissonhaleine.—Veux-tuque je tediseunsecret,ma jolie?Dans lecasseoù lapoliceaarrêtémon frère, ils

n’étaientpastrois,maisquatre.J’étaislàaussi.Tuvois,luietmoi,onsecouvremutuellement,onseprotège.Ettoi,tuesrienqu’undivertissementdequelquesjoursaumieux.

Ilsedirigeatranquillementverslaporteavantdeseretourner.—Oh,j’oubliais.SituparlesàMathiasdemavisiteici,jet’étrangle.Ilsortitetclaqualaporte.Jem’écroulaisurlesolsanspouvoircontenirmeslarmes.Bientôt,lapeursedissipapourlaisserplaceàlacolère.Commentavais-jepuêtreaussistupide?

Mathiasm’avait lui-mêmeexpliquéle lienétroitqui l’unissaitàsonfrère,et j’avaissoigneusementmiscetteinformationdecôté.Pasétonnantqu’ilaitétéjusqu’àlecouvrirdanscetteaffaire.Commentavais-jepupenserunesecondequemonBourreaupouvaitchangeretm’accorderunréelintérêt?

Oui,ilavaitétégentilavecmoi.Serviable,parcequ’ilyavaitétéobligé.C’étaitledealpourqu’ilsorte,etill’avaithonoré.Lemieuxquejepouvaisespérerétaitqu’ilaitagiparculpabilité.Milliem’avaitmiseengarde.Le syndromedeStockholm.Tout simplement. J’auraisdû rester à

l’écartdecesalebeaugossearrogant.Cettefois-ci,j’avaiseumadose.J’attrapaimontéléphoneetcomposaisonnuméro.Ilréponditimmédiatement.—Oui,moncœur?—Jeneveuxplustevoir,Mathias.—Qu...quoi!Attends,jeparsdechezmoi,j’arrivedanscinqminutes,tuvasm’expliquerceque...—Non,tunevienspas.Jet’aifaitentrerdansmavieparcequej’étaisfragile...etidiote.Maistu

saisaussibienquemoiquenousn’avonsrienàfaireensemble.Ettusaisquoi?Tum’asfaitchangerd’avis en ce qui concerne les Bad Boys prétentieux. Vous êtes encore plus minables que ce quej’imaginais.J’espèrequetuvascontinuer àvoler,leBourreau,parcequetun’esbonqu’àça.—Lo...Loren,jenecomprendspas...pourquoitu...

—Etsitumetsunpiedchezmoi,j’appellelapoliceetporteplaintepourharcèlement.Jeraccrochaiavantd’éclaterensanglots.Jen’yétaispasalléedemainmorte,et lesentimentde

trahisonavaitexacerbémespropos.Jen’avaisplusqu’uncoupdefilàpasserpourbouclerdéfinitivementcettehistoire.—Allo?—Bonsoir,serait-ilpossibledeparleràMaîtreFaliyot?—C’estmoi-même.—Bonsoir,mademoiselleClarkeàl’appareil,lavictimedevotreclient,monsieurStevenson.—Oh,jevois.Quepuis-jepourvous?—Jeneveuxplusdel’aidedemonsieurStevenson.J’aimeraisquevousvousassuriezqu’ilen

tientcompte.—De...Jenecomprendspasbien,mademoiselleClarke.—LejugealibérémonsieurStevensonàconditionqu’ilm’apportesonaide.Désormais,jen’enai

plusbesoinetsouhaitequ’ilresteloindemoi,voilàtout.Auboutdufil,j’entendisunpetitricanementquimecontraria.—Hum...iln’ajamaisétéquestiond’unetellecondition,mademoiselleClarke.Le dernier morceau du puzzle vint s’ajouter lamentablement au reste. Pour une raison encore

obscure,Mathiasm’avaitmenti.Jeraccrochai.**

MATHIASJe n’ai jamais eu autant de mal à respirer. Une douleur lancinante se propage dans ma cage

thoracique.J’entendsdespasderrièremoi.Yann.—Hé,désolépourleretard,dit-il.Yannouvrelaporteetj’entrecommeunputaindezombie.Ilmelancemontrousseaudeclés.—Ellesétaientsurlecanapé.Tuasdûlesfairetomberent’asseyanthier.Tuvascheztacopine?Loren.—Euh...non.Pascesoir.Jeregardedans levide,abasourdi.L’incompréhensionet laragem’envahissent.Jesaisquej’ai

faitdeschosesminables.Maisprèsd’elle, j’avais l’impressiond’êtrequelqu’unde fréquentable,etmêmed’avoirunavenir,unvrai.

—Au fait, ditYann enme tendant unebière, si jamais tu changesd’avis pour samedi, tu peuxtoujourstejoindreànous.«J’espèrequetuvascontinueràvoler,leBourreau,parcequetun’esbonqu’àça.»Jenesuispeut-êtrebonqu’àça,maisjen’enaiplusenvie.—Jenesaispas,onverra.

Samedi28Février

LOREN—Jepassetevoircesoirdèsquejequitteletravail.Tienslecoup,ettéléphone-moisiçaneva

pas.—C’estpromis,Millie.Jeraccrochailetéléphoneetmeforçaiàprendreunedoucheetmangerunmorceau.Cesdernières

quarante-huitheuresavaientétéuncauchemar.Ausenspropre.Jem’étaisréveilléeenlarmeschaqueheurede lanuit, cherchantdésespérément lesbrasdeMathias, avantdeme remémorer les raisonspour lesquelles je ne voulais plus de lui : frère malsain, dévouement total pour celui-ci, et viemouvementéedanslaquelleiln’yavaitpasdeplacepourunerelationsérieuse.

Cependant, une part de moi refusait de croire que ses gentilles attentions étaient purementcalculées.Etsurtout,ilmemanquaitcruellement.Sonprénoms’affichaune foisdeplussur l’écrandemon téléphone. Jecroisaimesdoigtsdans

mondospourm’empêcherderépondre.Quelquessecondesplustard,unecourtesonneriem’indiquaqu’il avait laissé un message sur mon répondeur. Je l’écoutai aussitôt, laissant son timbre graveapaisermestensions.—Jesaisquetuneveuxpasdemoi,Loren,maisjeseraicheztoidansquelquesminutes.Jeveux

seulementm’assurerquetuterendsàl’exposition.Bonsang!Pourquoin’allait-ilpasdirectementàsapetitesoiréecleptomane?Horsdequestion

quelegrandfrèremetombeencoresurledos.JerassemblaimoncourageetrappelaiMathias.—Oui,mabelle?—Jeneveuxpasquetuviennes.Etcessedemetéléphoneroubien,j’appellelapolice.—Jesais,moncœur,dit-ildesavoixchaleureuse.Et jesuismêmeprêtà lesappelermoi-même,

dèsquejet’auraiaccompagnéàcetteexposition.—Jenetelaisseraipasentrer!—Mon cœur, tu nem’écoutes pas. Que tume laisses entrer ou non, je serai chez toi dans une

minute.Figure-toiquelesentréespareffractionfontpartie intégranteducambriolage,etcommetul’asdittoi-même:jenesuisbonqu’àça.Maintenant,écoute-moibien.D’iciquelquesminutes,tuvasentendredubruitdanstonappartement.Jeneveuxpasquetut’affoles,mabelle.Ceseraseulementmoi.Àtoutdesuite.Merde!Ilétaitprêtàprendredegrosrisquessimplementpourquej’exposemespeintures.Je vérifiaima porte d’entrée lorsqu’un coup sourd résonna en direction du couloir. Bon sang,

commentfaisait-ilça?J’entendiscommeletintementd’unverrequisebrise,etMathiasapparutdanslesalon.Moncœursemitàbattrelachamadeetjereculai.—Tu...tunepeuxpasresterlà.— Calme-toi, ma belle, dit-il en levant les mains. Je suis simplement venu te proposer de

t’emmeneràl’exposition.—Non,jenepourraipasyaller.Etdetoutefaçon,tuasdéjàdesprojetspourcesoir.Ilfronçalessourcils.—D’oùtiens-tucetteinformation?Jescellaimeslèvrespourneplusdireunmot.

—Loren,parle-moi.Est-cequemonfrèreestentréencontactavectoi?Ilt’atéléphoné?Àlamentiondesonfrère,jenepusempêchermesmembresdetrembler.Mathiassecrispaetun

airduremplitsestraits.—Réponds-moi,ordonna-t-il.—Jenepeuxpas,murmurai-jeenravalantmeslarmes.Sonvisagesetransformaenmasquedecolère.—Est-cequ’ilt’amenacé?gronda-t-il.Loren,dis-moiqu’iln’estpasvenuici!Jedétournailatête.Sansprévenir,leBourreauseruasurmoietmesoulevadanssesbraspourme

serrercontrelui.J’enroulailesmiensautourdesoncouetinspiraisonodeurmasculinequim’avaittantmanqué.Tandisqu’ilmeportait jusqu’aucanapé, ilemmêlasesdoigtsdanslesmèchesdemescheveux.Celasemblaitlecalmer.Ils’assitetm’installasursesgenoux,faceàlui.

—Jeveuxquetumedisesexactementcequis’estpassé,déclara-t-ilgentimentenrepoussantmesmèchesenarrière.J’inspiraiàfondetmeforçaiàparler.Saproximitém’inspiraitsérénitéetconfiance.Quandj’eus

terminémonrécit,ilmedemanda:—Pourquoin’as-tupasessayédefuiroudecrier ?—Parcequ’ilavaitunflingue.Uneombrederagepassadanssonregard.Aussitôt, ilrepritunemècheentresesdoigts.Puisil

meregardadroitdanslesyeux.—Jeveuxquetusachesquejen’aijamaiseul’intentiondeparticiperaucassedecesoir,même

lorsquetum’asditquejen’étaisbonqu’àça.Unevaguederemordsmetraversa.—Jenelepensaispas,jevoulaisseulementt’éloignerdemoi.—Jesais.Maiscommentas-tupucroirelesparolesdemonfrèreplutôtquelesmiennes?Jehaussailesépaules.—Vousavezvécudeschosesdifficiles,vousêtes liés, c’est évidentqu’il te connaîtmieuxque

personne.—Ilneconnaîtdemoiquelapartiequil’intéresse.Etjenesuispasmonfrère.Jesaisàquelpoint,

ilpeutêtremanipulateuretégoïste.C’estd’ailleurssansdouteluiquiadérobémesclés,commeiladûmesuivrepoursavoiroùtuhabitais.Ladifférenceentreluietmoi,c’estquejen’ai jamaisprisplaisiràcommettrecesdélits.Tuasétéledéclic,Loren.Maismêmesans teconnaître, j’aurais finipararrêtercesconneries.

Mathiasfixamaboucheetcaressameslèvresduboutdesdoigts.—Cela fait une semaine que tu passes avantmon frère, et tu n’as aucun souci à te faire, cela

continueraainsi.—Commentpuis-jeenêtresûre?—Parcequetuesdevenuemapriorité,Loren.Etpersonnenechangeraça,pasmêmetoi.Àcesmots,jemedétendis.Ilcontinua.— Jeudi soir, je voulais t’annoncer quemon patron est content demoi, et il se pourrait qu’il

m’embauchedéfinitivementàlafindemonstage.Jeluisouris,j’étaisheureusepourlui,etfièrequ’ilsedonnelesmoyensderéussir.Pourtant,un

dernierpointrestaitsansréponse.—J’aitéléphonéàtonavocat.Ilm’aditqu’iln’avaitjamaisétéquestiond’unequelconqueaidede

tapartmeconcernant.Pourquoias-tuinventéça?Mathiasfermalesyeuxetaccusalecoup.Puisillesouvritetaffrontamonregardsuspicieux.

—Jesuisvraimentdésolé.C’estleseulmoyenquej’aitrouvépourresterencontactavectoi.—Tuasmisaupointcestratagèmepourmevenirenaideettedéculpabiliser?—C’estcequej’aivoulucroireaudébut.Maisj’aivitecomprisquej’étaiséperdumentamoureux

detoi,moncœur.Etilétaitinenvisageablepourmoideneplusterevoir.Mathiaslevasonindexetfermamamâchoireinférieured’unepetitepoussée.—Tun’espasobligéederépondrequoiquecesoit,dit-ilensouriant.J’aimeraisjustesavoirsitu

comptesm’offrirunesecondechance.—Biensûr,maistonfrère...— On s’occupera de ça quand le moment sera venu. Pour l’instant, j’aimerais accompagner

mademoiselleClarkeàsapremièreexposition.J’avaisdevantmoiunhommeattentionné,intelligent,etvisiblementamoureux.Bon,ilétaitbeau

gosse,maiscen’étaitpasdesafaute,aprèstout.Unedemi-heureplustard,jeréapparusdanslesalon,vêtued’unerobedesoiréenoiredécolletée

dansledosetd’escarpinsàtalonshauts.Mathiasclignadesyeuxetinspiradifficilement.—Dis-moiqu’onaencoreunedemi-heuredevantnous,supplia-t-il.—J’aimerais,maiscen’estpaslecas.—Enroute,grogna-t-ilenmetendantmonmanteau.Durantletrajet,ilnecessadeglissersamainsousmarobepourvérifierquemesbasétaientbien

enplace.Mestableauxcouvraienttoutunpandelagalerie.Leshuit toilesétaientbienlà,maisleprixde

deuxd’entreellesavaitétérecouvertd’unpapierargenté.—Avant que je saute de joie comme une hystérique, dis-moi ce que signifie ce petit coupon

argenté,demandai-jeàMathias.—Deuxdetestoilessontdéjàvendues.Etiln’estquevingtheurestrente.Félicitations,mabelle,

déclara-t-ilenmetendantunecoupedeVeuveClicquot.Rogernousaccueillitchaleureusement.—Vousêtesabsolumentsplendide,Loren,déclara-t-ilenmeserrantpolimentlamain.Puis il se tournaversMathias et lui donnaune forte accolade,m’évoquant brièvement l’image

d’unpèreserrantsonfilsdanssesbras.**

MATHIASLorenmepresselamain.— Il faut vraiment que j’aille aux toilettes pour évacuer les deux verres de ce fabuleux truc à

bulles.Elleestresplendissante.Jelaregardes’éloignertandisqu’ellemefaitdond’unpetitdéhanchéqui

affolemespulsions.J’aiune irrésistibleenviede lasuivre,mais jem’efforcede lui laisserunpeud’espace.

— Je suis heureux de te savoir en si bonne compagnie, déclare Roger que je n’avais pas vuarriver.Vousformezuntrèsbeaucouple.

—Merci.—Qu’est-cequitetracasse,Mathias?Paslapeinedenier,Rogerlitenmoicommedansunlivreouvert.—Desproblèmesavecmonfrère.Ilestallétroploincettefois-ci.—Lesennuisqueturencontresavectonfrèrenedatentpasd’hier.Ilseraittempsquetuymettes

un terme une fois pour toutes. Tu es quelqu’un de bien, Mathias, tu mérites de t’en sortir.Malheureusement,cen’estpaslecasdetoutlemonde,ettun’ychangerasrien.—Oui.J’aicomprisçarécemment.—Trèsbien.Etnelaissepascettejeunefillet’échapper.—Jen’enaipasl’intention.Justement,celafaitbiencinqminutesqu’elleestauxtoilettesmaintenant,etjouerlemecdétaché

n’estfinalementpaspourmoi.Jetraverselasalleetmeretrouvedevantlaportebattantequidesserreleslavabosettoilettespourdame.

Unevoixd’hommemeparvient,quej’identifieaussitôt.Jepousselebattant,essayantdecontenirlafureurquim’emporte.Lorenestaufonddelapièce,tremblanteetapeurée,maisellevabien.Yannseretourne,levisagesaisiparlacolère.—Commentpeux-tumelaissertomber,moiquit’aitoujoursprotégé?JetendsunbrasversLoren.—Viensici,moncœur.Toutdesuite.ElleseplaquecontremoietjemetourneversYannpourluirépondre.—Tunem’asjamaisprotégé.Tum’astoujoursenvoyéfairetonsaleboulotsanstesoucierdes

conséquences.C’estmoiquit’aitoujourscouvert.Etjeneleferaiplus.—Tunedispasçasérieusement.Jeteconnais,Mathias…—Non,c’estfaux!Tun’asjamaisapprisàmeconnaîtreniàsavoircequejevoulaisvraiment.Et

tuasmenacémapetiteamie.Nemedemandeplusriendésormaisparcequelaréponseseranon.LamâchoiredeYannestprisedespasmes.Ilavance,mefusillantduregard,etdésigneLorendu

doigt.—J’auraismieuxfaitdenepasloupercettepute,ilyahuitmois!Le coup est parti… sans que je comprenne comment. C’est ce que j’ai constamment répété aux

policiersdurantl’interrogatoire.Un animal sauvage vient de prendre possession demon corps et se jette surmon frère. Yann

croulesouslescoups,impuissant,alorsqu’unhurlementmereconnecteàlaréalité.C’est Loren qui me supplie d’arrêter. Je stoppe mes gestes et plonge dans ses yeux. Sa seule

présencemerappellequecetenfoirén’envautpaslapeine.Yanneststupéfait.Ilréalisequ’ilestloindefairelepoidscontremoi.Levantlesbras,ilcapitule.—Maintenant,relève-toi,luidis-je.Ilseredresse.—Jeneveuxplusjamaisquetut’approchesd’elle.Etjeneveuxplusêtreaucourantdetesplans.

Disquetuascompris.—Oui.J…j’aicompris,dit-ilenhochantlatêteavantdes’enfuirparlaportebattante.Je reporte toute mon attention sur Loren, dont le visage est empli d’inquiétude. Elle pose ses

mainsfraîchessurmonvisage.—Mathias¿Est-cequetuvasbien?Mieuxquebien.Unsourireétiremeslèvresetjemurmure,croyantàpeineàmespropresmots.—Cen’étaitpasmoi.Celaveutdireque jene t’ai jamaisfaitsouffrir.Celaveutdireque j’ai le

droitdet’aimer.Bordel!Situsavaiscommejet’aime!Ellevadirequelquechose,maisjel’enempêcheenmejetantsurseslèvres.De retour dans la salle, je ne la lâche plus d’une semelle. Une fille blonde qui ressemble à un

ressortsurpattessejettesurelleenl’enlaçant.—Loren!Félicitations!

Lorsqu’ellem’aperçoit,elles’immobilise.—Millie,fermelabouche,tuvasbaver,ditLoren.JeteprésenteMathias.Millieplisselespaupières.—Oui,biensûr,leBourreau.Salut,répond-elle,froidement.—Non,répondLoren,iln’estpasleBourreaufinalement,justeMathias.Jet’expliquerai.Mathias,

jeteprésenteMillie,mameilleureamie.Et…Alex,c’estça?Le jeune homme qui accompagne Millie acquiesce du menton et me serre la main. Loren se

pencheàmonoreille.— Tu n’as pas besoin de retenir son prénom. Les petits copains de Millie ont une date de

péremptionrelativementcourte.**

LOREN—Félicitations,Loren.Dansmacuisine,Mathiasfittintermonverrecontrelesienetmesoulevapourmedéposersurle

plandetravail.—Est-cequetuasl’intentiondemerendreivre?demandai-jeenprenantunegorgée.—J’avouequeçanemedéplairaitpas.Maispourcesoir, jepréfèreque tu restesconscientede

toutcequejevaistefaire.—Est-cequetuvasenfinmeretirercesbasquetunecessesdetripoter?—Oh,non,moncœur,tun’yespasdutout.C’estmêmelaseulechosequejevaistelaisser.Il posa son verre et entreprit de retirer mes escarpins, puis ma robe. Mes sous-vêtements ne

tardèrentpasàrejoindreletasd’habitsquis’accumulaitausol.Mathiasembrassa toutmoncorps, sans s’attarderdavantagesurmonépaule,contrairementaux

autresfois.Laculpabilitél’avaitdéserté,etlessoinsqu’ilmeprodiguan’enfurentquemeilleurs.Avec une habileté hors pair, il s’appropria chaque centimètre carré de mon corps, mêlant une

dextéritésanségal,uneboucheintrusive,etcequej’identifiaicommeétantledosd’unepetitecuiller.Deuxorgasmesplustard,ilm’aidaàdescendreduplandetravailetmefitpivoter.Desescaressesaudacieuses,ilsubjuguamapeau,puiss’enfonçarésolumentenmoietmeposséda

avecpassion,jusqu’àcequenoscorpsdéferlentenundélicieuxtorrentdevolupté.Je le laissai enfin m’emporter sous la couette, satisfaite et épuisée. Lorsqu’il se pencha pour

m’embrasser,jel’arrêtaid’undoigtsurseslèvres.Lesentimentquim’habitaitétaitbienplusdifficileàexprimerque lepardon,mais la sensation

n’étaitquedouceureteuphorie.—Jet’aimeMathias,murmurai-je.Touteassurancel’abandonnaetilmedévisageauninstant,cherchantàcanaliserleflotd’émotions

quilepercutait.Ilfinitparmedécocherunsourireéblouissantavantdes’emparerdenouveaudemeslèvres.

Troismoisplustard...

LOREN—Vospapiersd’identité,s’ilvousplaît.J’ouvrismonsacàmainettendismacarted’identitéàlasecrétaire.Mathiasfitdemême.—Bien.Vouspouvezpassersousleportiquede...—Çava,onconnaît.Dans la salle commune, Yann nous attendait à la table du fond. Il m’adressa un signe de tête

courtoisetdétournarapidementlesyeux,craignantlesreprésaillesdeMathias.Suiteàuncasse,lapolicel’avaitincarcéré,puisavaitretrouvéchezluidesobjetsdéclarésvolés

depuisplusieursmois,cequiavaitconsidérablementalourdisapeine.Mathias,quiavaitemménagéchezmoiplusdedeuxmoisauparavant,n’avaitpasétéinculpédanscetteaffaire.

—Commentvas-tu?s’enquitMathias.—Pasterrible.Cetabrutidegardienenaaprèsmoi.—Adresse-toiplutôtaubrunmoustachu,ilestsympa.Yannregardasonfrèreetinspiraprofondément.—Jevoulaisteféliciterpourtoncontratd’embauche.Jeregrettedenepasavoirréellementétélà

pourtoilorsqu’illefallait.J’espèreseulementquetuesheureux.Mathiasm’enserralataillepourm’attirerencoreplusprèsdelui.—Jelesuis.Maistusaisqu’ilmefaudradutempspourtepardonnerettefaireconfiance.Yannacquiesçahumblementetsetournaversmoi.—Etjevoulaism’excuserauprèsdetoi,Loren,pour...—Laissetomber,lecleptomane,lecoupdesexcuses,jeconnais.Toutcequejesouhaite,c’estque

tun’impliquesplusMathiasdanstesactivitésdouteuses.Lereste,jeneveuxplusenentendreparler.Bon, c’est sûr, j’aurais préféré avoir un beau-frère chocolatier, ou même confiseur, mais on nechoisitpassafamille.

Ilm’adressaunsouriretimide.Legardienl’appela.ChaquefoisquenousrendionsvisiteàYann,jemefaisaisdusoucipourMathias.Biensûr,Yann

méritaitamplementdemoisiricideuxoutroissiècles,maisilétaitsonfrère,saseulefamille,etcelaétaitcertainementpéniblepourluidelevoirdansdetellesconditions.

Danslavoiture,jeposaimatêtecontresonépaule.—Commentvas-tu?luidemandai-je.—Cessedet’inquiéter,jevaisbien.Jesuislàoùjedoisêtre,etmonfrèreestlàoùildoitêtre.Et

MillienousattendauCloverPub,avec...euh...bref,ellenousattend.Ildémarraetposasamainsurmongenou.—J’aiquelquechosepourtoi,dit-ilensouriantmystérieusement,maisilfaudraquetupatientes

jusqu’àcesoir.Je fis semblant de n’avoir pas remarqué l’écrin à bijoux dans sa poche et me contentai de lui

rendresonsourire.Toutenotreactualitéentempsréel:

annoncesexclusives,salons,dédicaces,bonsplans…facebook.com/editionssidhpress

twitter.com/sidhpresswww.sidhpress.com

ImpriméparLightningSource

1avenueGutenberg78316MaurepasCedex

1. Lundi22Octobre2. Mercredi24Octobre3. Samedi21Février4. Dimanche22Février5. Lundi23Février6. Mardi24Février7. Mercredi25Février8. Jeudi26Février9. Samedi28Février10. Troismoisplustard...