Parasitologie

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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUILLET-AOÛT 2013 - N°454 // 75 Fiche à conserver F F i h à ih à QUIZZ CAS CLINIQUE Sorya Belaz a,b, * Solène Patrat-Delon b,c Marie Grabas d Claude Guiguen a,b Jean-Pierre Gangneux a,b © 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. a Laboratoire de parasitologie et mycologie médicale Centre hospitalier universitaire Pontchaillou Rue Henri-Le Guilloux 35033 Rennes cedex b Service de parasitologie et zoologie appliquée Faculté de médecine – Université Rennes 1 c Service de maladies infectieuses Centre hospitalier universitaire Pontchaillou Rue Henri-Le Guilloux 35033 Rennes cedex d Service de dermatologie Centre hospitalier universitaire Pontchaillou Rue Henri-Le Guilloux 35033 Rennes cedex * Correspondance [email protected] PARASITOLOGIE RÉPONSES AU VERSO QUESTIONS 1. Quelles sont vos hypothèses diagnostiques lors de la première consultation de la patiente ? 2. Une semaine plus tard, la patiente revient en consultation car son mari a vu un mouvement dans l’une des lésions. Quel est alors votre diagnostic (cf. figure 2 au verso)? 3. Quel est le cycle de ce parasite ? 4. Quel traitement et quelle prophylaxie proposez-vous ? Madame J. Jannick, 60 ans vivant en Bretagne à Taden, consulte le 9 avril 2013, le service de maladies infectieuses au retour d’un voyage en Guyane. Elle a rendu visite à son fils du 8 au 22 mars 2013, il vit dans une villa en bord de mer à Remire-Montjoly (banlieue de Cayenne). Lors de son séjour, elle s’est fait poser des tresses au Surinam le 20 mars. On note à l’interrogatoire qu’elle a porté une casquette lors de balades en forêt. Elle a consulté son médecin traitant début avril suite à l’ap- parition de 2 nodules du cuir chevelu associés à des adéno- pathies cervicales. Le médecin traitant a mis en route une antibiothérapie par pristinamycine (classe : synergistine) et cloxacilline (classe : penicilline M) et l’adresse en consul- tation spécialisée en raison d’une absence d’évolution après une semaine d’antibiothérapie. Le 9 avril, en maladies infectieuses, l’examen retrouve 2 lésions pustulo-croûteuses de moins de 1 cm du cuir chevelu associées à 2 adénopathies cervicales supra- centimétriques rétroauriculaire et latérocervicale gauches. L’exérèse des croûtes laisse apparaître un petit ulcère (figure 1). La patiente signale des démangeaisons in- tenses ainsi qu’une discrète douleur. Elle est apyrétique. Un grattage des lésions est réalisé, sur lequel est de- mandé un examen bactériologique standard ainsi qu’une recherche de parasitoses et de mycoses exotiques. Un traitement local par shampoing à la Bétadine ® scrub et application de Biseptine ® sur les lésions est décidé dans l’attente des résultats. Figure 1 – Lésion ulcéro croûteuse du cuir chevelu. Photo personnelle, CHU Rennes.

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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUILLET-AOÛT 2013 - N°454 // 75

BIOLOGIE HÉPATIQUE I TECHNIQUE ET BIOLOGIE I CAS CLINIQUE I FICHE TECHNIQUE I BIO-QUIZZ I

Fiche à conserver

FFi h ài h à

QUIZZ

CAS CLINIQUE

Sorya Belaza,b,*Solène Patrat-Delonb,c

Marie Grabasd

Claude Guiguena,b

Jean-Pierre Gangneuxa,b

© 2013 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

a Laboratoire de parasitologie et mycologie médicaleCentre hospitalier universitaire PontchaillouRue Henri-Le Guilloux35033 Rennes cedex b Service de parasitologie et zoologie appliquéeFaculté de médecine – Université Rennes 1 c Service de maladies infectieusesCentre hospitalier universitaire PontchaillouRue Henri-Le Guilloux35033 Rennes cedex d Service de dermatologieCentre hospitalier universitaire PontchaillouRue Henri-Le Guilloux35033 Rennes cedex

* [email protected]

PARASITOLOGIE

RÉPONSES AU VERSO

QUESTIONS

1. Quelles sont vos hypothèses diagnostiques lors de la première consultation de la patiente ?

2. Une semaine plus tard, la patiente revient en consultation car son mari a vu un mouvement dans l’une des lésions. Quel est alors votre diagnostic (cf. figure 2 au verso)?

3. Quel est le cycle de ce parasite ?

4. Quel traitement et quelle prophylaxie proposez-vous ?

Madame J. Jannick, 60 ans vivant en Bretagne à Taden, consulte le 9 avril 2013, le service de maladies infectieuses au retour d’un voyage en Guyane.Elle a rendu visite à son fils du 8 au 22 mars 2013, il vit dans une villa en bord de mer à Remire-Montjoly (banlieue de Cayenne). Lors de son séjour, elle s’est fait poser des tresses au Surinam le 20 mars. On note à l’interrogatoire qu’elle a porté une casquette lors de balades en forêt.Elle a consulté son médecin traitant début avril suite à l’ap-parition de 2 nodules du cuir chevelu associés à des adéno-pathies cervicales. Le médecin traitant a mis en route une antibiothérapie par pristinamycine (classe : synergistine) et cloxacilline (classe : penicilline M) et l’adresse en consul-tation spécialisée en raison d’une absence d’évolution après une semaine d’antibiothérapie.Le 9 avril, en maladies infectieuses, l’examen retrouve 2 lésions pustulo-croûteuses de moins de 1 cm du cuir chevelu associées à 2 adénopathies cervicales supra-centimétriques rétroauriculaire et latérocervicale gauches. L’exérèse des croûtes laisse apparaître un petit ulcère (figure 1). La patiente signale des démangeaisons in-tenses ainsi qu’une discrète douleur. Elle est apyrétique.Un grattage des lésions est réalisé, sur lequel est de-mandé un examen bactériologique standard ainsi qu’une recherche de parasitoses et de mycoses exotiques. Un traitement local par shampoing à la Bétadine® scrub et application de Biseptine® sur les lésions est décidé dans l’attente des résultats.

Figure 1 – Lésion ulcéro croûteuse du cuir chevelu. Photo personnelle, CHU Rennes.

Devant ce tableau de papules du cuir chevelu non fébriles associées à 2 adénopathies satellites, au retour d’un voyage en Guyane :Leishmaniose cutanée : cette pathologie résulte de la transmission par un vecteur diptère, un phlébotome, de leishmanies qui vont classiquement provoquer une ulcération cutanée à bords suré-levés. En Guyane, les espèces principalement rencontrées sont Leishmania guyanensis (autour de 90 %) et L. brasiliensis (5 %). L’association ulcération/adénopathie satellite est classique dans les atteintes à Leishmania guyanensis. La durée d’incubation de la leishmaniose cutanée est de 1 à 3 mois.Sporotrichose : le champignon dimorphique, Sporotrix schenkii peut être responsable de lésions cutanées. L’inoculation se fait par blessure par des végétaux, après une incubation de 1 à 3 semaines, des lésions primaires apparaissent au point d’inoculation. Ce sont des nodules durs indolores qui se situent principalement en zones découvertes. Une lymphangite accompagne ces nodules avec des lésions secondaires sur le trajet lymphatique. L’examen direct met parfois en évidence la forme levure en « corps en cigare ». La culture sur milieu Sabouraud incubé à 27 °C montre après 4 à 7 jours des colonies filamenteuses, blanches à brunes au recto, présentant un revers beige à jaune (parfois noir). L’aspect microscopique des colonies filamenteuses montre de fins filaments portant de petites conidies claires puis plus tardivement des macroconidies

brunes en forme de gouttes disposées en manchon autour des filaments. Une culture en parallèle sur gélose au sang à 37 °C permet d’obtenir la forme levure.Myiases furonculoïdes : ce sont des nodules cutanés dus au développement sous la peau d’une larve de mouche. En Guyane, il s’agit du ver macaque, asticot de Dermatobia hominis. Il n’y a qu’une larve par lésion, les lésions peuvent être multiples et s’accompagner d’une adénopathie satellite. Cliniquement, les patients décrivent une douleur lancinante surtout lorsqu’il s’agit d’une larve de stade 3. Le diagnostic se fait devant un nodule centré sur un petit orifice dans lequel on voit l’extrémité postérieur de la larve. La durée du développement complet de la larve peut aller jusqu’à plusieurs mois.Dans le cas présent : classiquement le cuir chevelu n’est pas un site de leishmaniose cutanée mais ici le tissage des cheveux laisse apparaître de nombreuses raies de peau, ce qui peut permettre au phlébotome de se poser sur le cuir chevelu, cependant si la contamination a eu lieu après le tissage, l’apparition des lésions est trop précoce. En revanche, le délai d’apparition et le tableau clinique sont compatibles avec une sporotrichose hormis le fait que la patiente ne signale pas de blessure au cuir chevelu lors de son séjour. De la même façon, le délai et le tableau sont compa-tibles avec une myiase.

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RÉPONSES

Le traitement peut être l’extraction ou l’asphyxie de la larve [2].En raison de la forme et des crochets de la larve, l’extraction nécessite une « épisiotomie », sous anes-thésie locale, 1 à 4 incisions de quelques mm sont pratiquées pour élargir l’orifice. Puis la larve doit être poussée dehors en pressant à 4 mains les berges de l’orifice.L’asphyxie se fait par pansements occlusifs à la vaseline, en effet la larve va sortir elle-même pour respirer. Ici la situation de la lésion ne permettait pas de choisir cette option. En cas d’asphyxie, une couverture antibiotique est recommandée dans l’attente de l’expulsion de la larve qui doit être contrôlée.La prophylaxie vise à éviter le contact avec les mouches et moustiques (vêtements amples et couvrants, répulsifs à base de DEET à 50 %, moustiquaire). La forme africaine de ce type de myiase furonculoïde est due à Cordylobia anthropophaga). Elle est secondaire au contact du linge qui a séché dehors et sur lequel la femelle est venue pondre, attirée par l’odeur des phéromones, la prophylaxie est donc ici de repasser le linge lorsqu’il a séché à l’extérieur.

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Dermatobia hominis vit en lisière de forêt [1]. La femelle pond ses œufs sur l’ab-domen d’autres diptères, voire d’autres arthropodes hématophages (moustiques ou mouches) (figure 3). Les larves se déve-loppent dans les œufs pendant 5 à 6 jours et peuvent attendre jusqu’à 20 jours pour rencontrer un hôte favorable (chien ou bœuf préférentiellement mais aussi de nombreux autres hôtes dont l’homme). Sur la peau de l’hôte, la larve blanche s’enfonce dans la peau à proximité de

l’endroit où elle a été déposée. Puis elle évolue en passant au total par 3 stades. La larve présente une extrémité céphalique renflée, parsemée de couronnes de crochets noirs courbés vers l’arrière qui enchâssent la larve dans le derme. L’extrémité postérieure porte les spiracles respiratoires noirs parfois visibles, cette extrémité affleure à la peau au niveau de l’orifice d’entrée de la larve et permet la respiration de celle-ci. L’évolution sans traitement se fait vers l’expulsion d’une larve de stade 3 après plusieurs mois (rarement observé chez l’homme puisque la douleur s’accroît avec l’évolution de la larve). Les complications à type de surinfections sont fréquentes car les lésions sont souvent manipulées et grattées.

Figure 3 – Mouche portant des œufs de Dermatobia hominis.D’après Lane RP, Crosskey RW, Editors. Medical insects and arachnids. 1st ed. London;New York:Chapman & Hall;1993.

Références[1] Traité d’entomologie médi-cale et vétérinaire. M. Neveu-Lemoine, 1939, Ed. Vigot.

[2] Guiguen C, Gangneux JP, Beaucournu JC. Myiases humaines. In : Parasitoses et mycoses courantes de la peau et des phanères. Coordon. D. Chabasse, E. Caumes. Guide Médi Bio, Elsevier, Paris, 2003:33-54.

Il s’agit d’une myiase furonculoïde à Dermatobia hominis. Ici l’application de corps gras contraint la larve à sortir de la peau pour respirer, ce qui permet de la voir clairement sur la figure 2.

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Figure 2 – Lésion nodulaire du cuir chevelu enduite de vase-line, laissant apparaître une larve de Dermatobia hominis (dans l’encadré, larve de Dermatobia hominis extraite de la lésion). Photo personnelle, CHU Rennes.

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