PARAPLÉGIE ET TÉTRAPLÉGIE D’ORIGINE TRAUMATIQUE

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455 Neurologies - Décembre 2002 - Vol. 5 Dossier coordonné par Laurence Mailhan (Paris) Maintenir l’autonomie sur le long terme p. 456 Laurence Mailhan Le suivi ambulatoire des blessés médullaires Dhiba Marigot-Outtandy, Isabelle Laffont (Garches) p. 457 Aides techniques et conduite automobile chez le blessé médullaire Charles Fattal, Lionel Gania, Guy Israël (Cerbère) p. 462 1 re partie parue dans Neurologies numéro 45 : 1- Evaluation des déficiences et incapacités : clinique, neurologique et orthopédique 2- Les troubles vésico-sphinctériens dans les lésions médullaires: physiopathologie, exploration, prise en charge thérapeutique 3- Chirurgie du membre supérieur chez le tétraplégique DOSSIER 455 PARAPLÉGIE ET TÉTRAPLÉGIE D’ORIGINE TRAUMATIQUE 2 e partie

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455 Neurologies - Décembre 2002 - Vol. 5

Dossier coordonné par Laurence Mailhan (Paris)

Maintenir l’autonomie sur le long terme p. 456Laurence Mailhan

❹ Le suivi ambulatoire des blessés médullairesDhiba Marigot-Outtandy, Isabelle Laffont (Garches) p. 457

❺ Aides techniques et conduite automobile chez le blessé médullaireCharles Fattal, Lionel Gania, Guy Israël (Cerbère) p. 462

1re partie parue dans Neurologies numéro 45 :

1- Evaluation des déficiences et incapacités : clinique, neurologique et orthopédique

2- Les troubles vésico-sphinctériens dans les lésions médullaires : physiopathologie, exploration, prise en charge thérapeutique

3- Chirurgie du membre supérieur chez le tétraplégique

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PARAPLÉGIE ET TÉTRAPLÉGIED’ORIGINE TRAUMATIQUE

2e partie

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DOSSIERDOSSIER

La prise en charge médicale des bles-sés médullaires se fait initialement enservice de Médecine Physique et deRéadaptation (MPR). La durée de cette

prise en charge a augmenté chez les per-sonnes tétraplégiques avec le développe-ment des techniques de chirurgie de réani-mation des membres supérieurs.

A la sortie des services deMPR, les blessés médul-laires rentrent au domicile(c’est le cas de presque tousles blessés paraplégiquesmoyens ou bas, sauf excep-tion, et des personnes tétra-plégiques bénéficiant d’aideshumaines et financières suf-fisantes pour assurer dessoins multiquotidiens audomicile) ou sont orientésdans des structures type maison d’accueilspécialisée (MAS), foyer ou long séjour médi-calisé.

Après réautonomisation maximale en viequotidienne (vésico-sphinctérienne, toilette,habillage, déplacements) par optimisationdes capacités restantes, plus ou moins aidéedes techniques chirurgicales actuelles (voirpremière partie dans Neurologies n° 45), il s’agitde prendre en charge sur le long terme despatients atteints de lésions stabilisées. Sepose alors la question du maintien de l’auto-

nomie acquise, et celle du développementd’une réadaptation sociale.

Ainsi, les déplacements autonomes au-dehorsde chez soi dans des périmètres non limitéset, souvent, la reprise d’une activité profes-sionnelle, sont conditionnés par les possibi-lités d’apprentissage ou de reprise de la

conduite automobile. La conduitese fait sur véhicule adapté. Quelstypes d’adaptation proposer, quelcoût ? voilà les questions aux-quelles l’un des articles de cedossier va tenter de répondre.

Le maintien de l’autonomie passeaussi par un suivi médical et socialrégulier, le plus souvent ambu-latoire, même s’il est complété pardes bilans hospitaliers dans lesservices de MPR de référence, et

basé sur la connaissance des spécificitésliées à cette pathologie. Le dépistage systé-matique de complications neurologiques,respiratoires, cutanées, urologiques, ortho-pédiques ou générales permet ainsi un trai-tement précoce, adapté, et une qualité de vieaccrue de cette population.

Laurence MailhanService de Médecine Physique

et de Réadaptation, Hôpital la Pitié-Salpêtrière, Paris

Maintenir l’autonomie sur le long terme

Après optimisation des

capacités restantes, se

pose la question du

maintien de l’autonomie

acquise, et celle du

développement d’une

réadaptation sociale.

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❚ Le bilan paracliniqueIl comprend:• un ECBU avec antibiogramme, non sys-tématique (2), uniquement si suspicion d’in-fection urinaire (fièvre, fuites urinaires);• des créatininémie et urémie annuelles(au mieux, clairance de la créatinine) ;• une échographie réno-vésicale : reten-tissement sur le haut, aspect de vessiede lutte, existence d’un résidu post-mic-tionnel (pathologique si supérieur à100 ml) ; elle est à faire tous les ans ;• un bilan urodynamique (BUD) quidéterminera le type de vessie, rechercheune dyssynergie vésico-sphinctérienne,détermine le régime de pressions intra-vésicales et le risque pour le haut appa-reil ; il est à faire tous les 2 ans ;• éventuellement une uréthrocystogra-phie rétrograde, en cas de recherche dereflux vésico-rénal (Fig. 1).

L’espérance de vie des personnesparaplégiques est actuelle-ment identique à celle de la

population générale.Compte tenu de la conjoncture économiqueactuelle, cette évolution implique unemeilleure gestion des risques encouruspar ces personnes en ambulatoire (hôpi-tal ou cabinet de ville). En effet, la connais-sance des complications spécifiques à cegroupe de patients améliore leur qualitéde vie tout en évitant les hospitalisationsexcessives, sources de morbidité.Afin d’être optimale, cette prise en chargedoit être pluridisciplinaire (médicale,chirurgicale, kinésithérapique, ortho-phonique). C’est le rôle du médecin(rééducateur, neurologue ou généralisteaverti) que de coordonner cette prise encharge globale. Pour cela, en l’absence derecommandations actuelles, ce chapitrea pour but d’orienter spécifiquementl’examen clinique à la recherche de com-plication(s) liée(s) au terrain, et si elle(s)existe(nt), de proposer une conduiteadaptée prenant en compte l’incidencesur le degré d’autonomie de la personne.

LE SUIVI PULMONAIREChez le patient tétraplégique, les com-plications respiratoires (pneumopathies,insuffisance respiratoire restrictive) repré-sentent la première cause de décès. L’in-terrogatoire et l’examen clinique recher-chent un encombrement bronchique, un

foyer pulmonaire, l’état d’une éventuelle tra-chéotomie. Une radiographie standard duthorax de face et de profil, des explorationsfonctionnelles respiratoires avec gazomé-trie sanguine doivent être réalisées de façonsystématique tous les deux ans chez lespatients tétraplégiques. Il est également recom-mandé la vaccination anti-grippale et anti-pneumococcique, le contrôle ORL régulierde la trachéotomie. En cas de pneumopa-thie, le traitement associe une antibiothé-rapie de large spectre de type amoxycilline-acide clavulanique (Augmentin®), de lakinésithérapie respiratoire pour drainagebronchique efficace, une optimisation dela respiration par les postures (1).

LA SURVEILLANCE VÉSICO-SPHINCTÉRIENNELe but principal de cette surveillance estd’éviter l’atteinte rénale, première causede mortalité chez les paraplégiques.

❚ L’interrogatoireIl doit rechercher les caractéristiques dela miction (sensation de besoin, mode devidange vésicale), la présence de fuitesurinaires ou de dysurie ; le retentisse-ment des troubles vésico-sphinctériens(antécédent de complications infectieuses,nombre annuel d’infections urinaires),le traitement médicamenteux actuel,l’existence d’une aggravation récente detroubles urinaires (épine irritative). L’exa-men clinique recherche la présence d’unefièvre, des signes d’hyperéfléxie auto-nome, et est complété par la palpation abdo-minale et des fosses lombaires, et l’exa-men des organes génitaux externes.

* Service de Maladies Infectieuses et Tropicales,Garches ** Unité de Médecine Physique et de RéadaptationHôpital Raymond Poincaré, Garches

➍ LE SUIVI AMBULATOIREdes blessés médullaires

Quelle est la conduite à tenir devant les multiples complications qui peuvent survenir chez le blessémédullaire (pulmonaires, vésico-sphictériennes, génito-sexuelles, intestinales et anorectales, cutanées,neuro-orthopédiques et neurologiques, douloureuses...). Dhiba Marigot-Outtandy*, Isabelle Laffont**

Figure 1- Uréthrocystographierétrograde. Reflux vésico-rénal droit(stade 2).

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❚ La conduite à tenirLa conduite à tenir conseillée est la sui-vante :11-- Proscrire la sonde urinaire à demeure(réservée aux personnes maintenues àdomicile avec impossibilité d’hétéro-son-dages urinaires multiples quotidiens). Enrègle générale : sondages intermittents.22-- Eduquer le patient: apports hydriques,2 litres par jour, 6 à 7 sondages par jour,vérifier la bonne réalisation de l’auto ouhétéro-sondage (3). Devant des douleursinhabituelles, des signes d’hyperréfléxieautonome, une modification de la miction,il doit consulter son médecin.33--Traiter l’infection urinaire: traitementen urgence si pyélonéphrite, prostatite aiguëou orchi-épidydimite ; dans tous les cas :traitement symptomatique (augmenta-tion des apports hydriques et de la fré-quence des sondages urinaires) ; anti-biothérapie si signes cliniques et aprèsECBU (la durée dépend du type d’infec-tion).

LA SURVEILLANCE INTESTINALEET ANO-RECTALELes patients ayant une atteinte médullaireinvalidant totalement la marche pré-sentent une atteinte digestive par intri-cation de deux causes principales :• une atteinte neurovégétative de lamotricité intestinale (parésie) et du sphinc-ter anal (hypertonie),• une diminution ou une disparition de

la participation des muscles abdomino-pelviens à la motilité intestinale.Cette atteinte se manifeste par une consti-pation, pouvant se compliquer de féca-lome, hémorroïdes internes et externes,fissure anale.

❚ L’interrogatoireL’interrogatoire recherche la fréquencedes selles (avant et après l’atteinte médul-laire, habituelle ou non), leur consis-tance, le type d’exonération fécale (spon-tanée, manuelle), les rectorragies ; lerégime alimentaire et hydrique; la prisede médicaments, leur fréquence; l’as-sociation à des troubles urinaires (habi-tuels ou aggravés).

❚ L’examen cliniqueIl est complété par un examen cliniquesimple: palpation des anses abdominales(matières, souffrance intestinale) avecauscultation, examen du périnée avecévaluation du tonus anal (avec ampoulerectale vide), du toucher rectal (fécalomebas), examen des orifices herniaires. Aubesoin, un ASP face et décubitus latéralgauche sera demandé (stase stercorale,fécalome haut, niveaux hydro-aériques).

❚ La conduite à tenirElle doit être préventive.L’éducation du patient est essentielle :règles hygiéno-diététiques (apportshydriques, 2 litres par jour, régime

alimentaire riche en fibres), tenue d’uncatalogue d’état du transit (le nombrede selles par semaine est variable selonchaque patient), la conduite à tenir en casde transit altéré (régime alimentaire,laxatifs, évacuation manuelle) (4), lessignes de pré-alarme (signes de syn-drome sub-occlusif, signes de dysré-flexie). Il ne faut pas hésiter à s’aider detraitement médicamenteux (laxatifs) ettraiter énergiquement le fécalome (plu-tôt traitements locaux: lavements, éva-cuations manuelles avec vaseline).Bien que l’examen clinique suffise au dia-gnostic d’hémorroïdes externes, larecherche d’hémorroïdes internes et lesfissures anales nécessitent un examenproctologique avec anuscopie tous lesdeux ans. Leur prévention passe par cellede la constipation et par la réalisation d’exo-nérations manuelles atraumatiques (uti-lisation de vaseline).

LA SURVEILLANCE CUTANÉELa principale complication est l’escarrecutanée, secondaire à l’atteinte neuro-végétative et sensitive. Les principaux fac-teurs de risque sont les troubles de la micro-circulation d’origine neurovégétative,les points de pressions continus, la pertede la mobilité, la perte de la sensibilité.D’autres facteurs aggravants sont notables:dénutrition, incontinence sphinctérienne,port d’un corset, syndrome dépressif.L’immobilisation et la dénutrition sont desfacteurs prédictifs de la survenue d’es-carres (5).

❚ L’interrogatoireIl doit rechercher les antécédents d’es-carres (fréquence, localisation), éva-luer les facteurs de risque autres quel’immobilisation, s’assurer de la bonneéducation du patient et de son entou-rage : auto-surveillance des points d’ap-pui, éviter les appuis prolongés (chan-gement de position des membresimmobilisés toutes les 3 heures envi-ron, mise en décharge des ischions parsoulèvement de 10 secondes toutes les30 minutes par exemple), respect d’unebonne hygiène corporelle.

Figure 2- Escarre sacrée stade 3. Figure 3- Escarre malléolaire externestade 2/3.

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spasticité. Le traitement de la spasticité peutêtre général (spasticité diffuse) ou local.• Les traitements oraux : le baclofène (Lioresal®) et le dantrolène (Dantrium®),les benzodiazépines (diazépam, Valium® ;tétrazépam, Myolastan® ; Prazépam,Lysanxia®) sont réservés à la spasticitégénéralisée. Leurs effets secondaires(somnolence principalement) peuventcependant conduire à proposer un trai-tement par injection intrathécale debaclofène (6, 7). Cette technique sembledonner de bons résultats chez le patientparaplégique, en administration conti-nue ou en bolus au travers d’un cathé-ter relié à une pompe posée en sous-cuta-née (Fig.4). La tolérance est généralementbonne, hormis les incidents (la rupturedu cathéter étant le plus fréquent). Lasurveillance est simple par la lecture dela pompe et la tenue d’un carnet par lepatient. Le remplissage doit être faitdans un centre hospitalier.• En cas de spasticité plus localisée, onpeut proposer des traitements locaux :alcoolisation des troncs nerveux, injec-tion intramusculaire de toxine botu-lique, neurotomie sélective chirurgicale.• Enfin, une bonne prise en chargekinésithérapique est indispensable :postures, étirements musculaires, mobi-lisations douces de toutes les articula-tions dans les amplitudes maximales,verticalisation.

LA SURVEILLANCENEURO-ORTHOPÉDIQUELa diminution partielle ou totale de la com-mande motrice, ainsi que l’existenced’une spasticité sont à l’origine de com-plications neuro-orthopédiques desmembres paralysés. Elles peuvent êtreà l’origine d’attitudes vicieuses et engen-drer d’autres complications (escarres…).Parmi les complications neuro-orthopé-diques, on distingue:• les rétractions musculo-tendineuses etles raideurs articulaires, concernant prin-cipalement, aux membres inférieurs, lesfléchisseurs de hanche, les adducteurs,les ischio-jambiers, le triceps, aux membressupérieurs, les adducteurs de l’épaule (grandpectoral, grand dorsal), l’articulationgléno-humérale (capsulite) ;• les ostéomes (para-ostéo-arthropa-thies), qui représentent des ossificationsjuxta-articulaires (para-articulaires, para-épiphysaires, para-diaphysaires), et res-pectent l’intégralité du squelette ; ellespeuvent être uniques ou multiples.

❚ L’interrogatoireIl évalue le retentissement fonctionnel deces complications orthopédiques.

❚ Les examens cliniques et paracliniquesLes examens cliniques et paracliniquesobjectivent l’intensité de la spasticité,l’existence de complications orthopé-diques: rétractions musculo-tendineuseset limitations articulaires, ostéomes(Fig.5). La seule urgence dans ce derniercas est la compression vasculaire ou ner-veuse, nécessitant un traitement chi-rurgical urgent. Les ostéomes sont détec-tés par des radiographies standard,l’échographie (plus précoce).

❚ La prévention des complicationsLa prévention des complications ortho-pédiques passe par le traitement de la spas-ticité (sous réserve de l’absence d’épinesirritatives), les postures adaptées desmembres paralysés. En prévention desostéomes, une étude rapporte l’efficacité

❚ L’examen cliniqueOn doit inspecter les différents points depression (ischiatique, sacré, malléolaire,talonnier ; plus pour le tétraplégique :occiput, sous le corset, les coudes), véri-fier l’hygiène corporelle, évaluer l’état nutri-tionnel (atrophie cutanée, fonte muscu-laire, syndrome anémique, pli cutanétricipital, indice de masse corporelle),s’assurer d’un matériel et support adaptéaux besoins du patient (coussins, fauteuil,appuie-tête), rechercher les complica-tions infectieuses : arthrite septique,ostéite, cellulite, bursite.

❚ Les examens paracliniquesAu besoin, des examens paracliniques com-plèteront cette surveillance: dosage del’albuminémie.

❚ En cas d’escarre (Fig. 2, 3)• Mise en décharge de cette région +++,• traitement antalgique si sensibilitéconservée,• traitement volontiers chirurgical (lam-beau musculo-cutané) à partir du stade2/3, surtout en cas de localisation ischia-tique,• correction des facteurs de risque,• rééducation du patient et de l’entou-rage,• mise en place à domicile des struc-tures adaptées (infirmière, kinésithéra-peute…), voire hospitalisation,• interdire les massages et friction sur les zones à risque et les débuts d’es-carres +++ (5).

LA SURVEILLANCE DESTROUBLES DU TONUSCette surveillance a deux buts: prévenir lescomplications, améliorer la qualité de vie.

❚ L’interrogatoire et l’examencliniqueIls recherchent l’existence de complica-tions neuro-orthopédiques, cutanées(escarres ), douloureuses (spasmes).

❚ La conduite à tenirIl faut éliminer les épines irritatives (cf hyperréflexie autonome), traiter la

Figure 4- Pompe à baclofène chez un patient paraplégique porteur par ailleurs d’un filtre cave.

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des anti-inflammatoires non stéroïdiensà la phase initiale des lésions médul-laires (8). La kinésithérapie est recom-mandée (postures alternées). En cas derétractions tendineuses et/ou d’ostéomesconstitués, la solution est chirurgicale(désinsertions musculaires, ténotomie d’al-longement en Z, transferts musculaires,exérèse de l’ostéome…).

LA SURVEILLANCENEUROLOGIQUEToute aggravation neurologique doit fairesuspecter une syringomyélie+++. Cette complication survient générale-ment entre 2 et 36 mois suivant l’acci-dent paralytique. Elle peut aggraver unsyndrome lésionnel (suspendu) et atteindreles territoires sus et sous-lésionnels.

❚ L’interrogatoire et l’examencliniqueIls retrouvent deux signes très évoca-teurs : le mode de révélation (paresthé-sies ou douleurs dans le territoire lésion-nel, majoration de la spasticité), desmodifications neurologiques (atteintede la sensibilité thermo-algique, parésiedébutante des territoires sains et/ouamyotrophie, abolition des réflexes ostéo-tendineux ; dans les cas évolués, uneatteinte des paires crâniennes est possible(syringobulbie).

❚ Les examens paracliniquesDes examens paracliniques s’imposent:l’IRM médullaire (Fig.6, 7), faite en urgenceen cas de suspicion clinique, révèle l’exis-tence d’une cavité intra-médullaire ainsi

que son étendue et son caractère soustension.

❚ Le traitementIl varie selon la gravité (abstention etsurveillance, éventuelle dérivation). Ilest indiscutable en cas de déficit moteur,et constitue une urgence thérapeutique.

LA DOULEURLes douleurs lésionnelles et sous-lésion-nelles des blessés médullaires sontapparentées aux douleurs de déaffé-rentation. Elles intéressent 33 à 90% despatients (9) Ces douleurs neurogènes sontà type de décharge électrique, étau,broiement ou brûlure. L’interrogatoireet l’examen clinique recherchent: les carac-téristiques de la douleur (aiguë ou chro-nique, l’intensité et le type), le terri-toire intéressé (lésionnel, sous ousus-lésionnel), les signes, les traite-ments déjà entrepris et en cours. Les résul-tats de cet examen orientent le bilanétiologique (Fig. 8).

LA SURVEILLANCEGÉNITO-SEXUELLESujet encore tabou aujourd’hui, cet aspectimportant de la vie du patient blessémédullaire est généralement abordé pro-gressivement dès la phase initiale de lalésion médullaire, puis à chaque visitemédicale du suivi. Néanmoins, l’orien-tation vers des spécialistes de ce domainereste de mise.

❚ L’interrogatoire et l’examencliniqueL’interrogatoire et l’examen clinique cher-chent des obstacles à l’activité sexuelle(incontinence urinaire, limitation desamplitudes articulaires et spasticité,perte partielle ou totale de la sensibilitéde la sphère génito-sexuelle), l’existenced’une épine irritative susceptible demodifier la réflectivité périnéale (ongleincarné, fissure anale, hémorroïdes,escarre, infection urinaire).

❚ L’information du (ou de la)patient(e)Elle est essentielle. Il convient de l’aver-tir du changement définitif de la sexua-lité antérieure avec nécessité d’une nou-velle approche (recherche de nouvelleszones érogènes…):• chez l’homme, de la moins bonne qua-lité ou de l’absence d’érection, d’éjacu-lation ou de l’orgasme selon le siège dela lésion, du pouvoir fécondant moindre(85% des patients paraplégiques peuventavoir des érections; malgré cela, beaucoupont des problèmes d’hypofertilité) ;• chez la femme, de l’absence d’hypo-fertilité, de déroulement normal de lagrossesse, de la possibilité d’accouche-ment par voie basse.Enfin, il faut l’avertir de la possibilitéd’améliorer la fonction et le plaisir sexuelspar des accessoires mécaniques (vibro-masseur féminin et masculin, étui pénien),médicamenteux (sildénafil, Viagra®) (10).

Figure 5- Ostéome de la cuisse droite.

Figure 6- IRM médullaire. Coupesagittale mettant en évidence la cavité syringomyélique remontant en C5 chez un patient paraplégique D4.

Figure 7- IRM médullaire. Coupehorizontale C5 chez le même patient.

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1.Ali J, Qi W. Pulmonary function and posture in traumatic quadraplegia. J Trauma1995 ; 39 : 334-37.2. Bakke A, Digranes A, Hoisaeter PA. Physical predictor of infection in patientstreated with clean intermittent catheterization : a prospective 7-years study. BrJ Urol 1997 ; 79 : 85-90.3. Galloway A. Prevention of UTI in patients with SCI - A microbiological review.Spinal Cord 1997 ; 35 : 198-204.4. Yim SY, Yoon SH, Lee IY et al. A comparison of bowel care patterns in patientswith spinal cord injury: upper motor neuron bowel vs lower motor neuron bowel.Spinal Cord 2001 ; 39 : 204-7.5. ANAES. Conférence de consensus. Prévention et traitement des escarres del’adulte et du sujet âgé. Novembre 2001.

6. Becker WJ, Harris CJ, Long ML et al. Long term intratechal baclofen therapyin patient with intractable spasticity. Can J Neurol Sci 1995 ; 22 : 208-17.

7. Burns AS, Meythaler JM. Intratechal baclofen in tetraplegia of spinal origin :efficacy for upper extremity hypertonia. Spinal Cord 2001 ; 39 : 413-19.

8. Banovac K, Williams JM, Patrick LD et al. Prevention of heterotopic ossificationafter spinal cord injury with indomethacin. Spinal Cord 2001 ; 39 : 370-74.

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10. Biering-Sorenson F, Sonksen J. Sexual function in spinal cord lesionnel men.Spinal Cord 2001 ; 39 : 455-70.

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BIBLIOGRAPHIE

❚ La prise en chargeElle se fera au mieux par un psychothé-rapeute spécialisé en sexologie.

LES AUTRES SURVEILLANCES

❚ L’ostéoporoseUne perte importante de la minéralisa-tion osseuse des membres paralysés desblessés médullaires a été observée aucours de la première année (11). Chez 15 à30% des blessés médullaires, on retrouvedes fractures sous-lésionelles. L’indica-tion d’un traitement préventif de l’os-téoporose chez ces patients se pose actuel-lement (biphosphonates, vitaminothérapie,calcium…).

❚ Les complicationsthrombo-emboliquesLes complications thrombo-emboliques(phlébite et embolie pulmonaire) sontexceptionnelles à distance de l’accidentinitial (au-delà de 6 mois). Tout accidentthrombo-embolique survenant en-dehorsd’une période d’alitement prolongé doitfaire réaliser un bilan complet (recherchede déficit en Protéine C, S ou Anti-thrombine III).

❚ Les complications cardiovasculairesCes personnes présentent plus de facteursde risque métaboliques que la populationgénérale : surcharge pondérale, dimi-nution de l’activité physique. La symp-tomatologie coronarienne peut être trom-peuse chez le sujet tétraplégique.

❚ Le suivi psychologique

❚ La prise en charge socialeExonération du ticket modérateur, Allo-cation adulte handicapée (après 65 ans:APA ou Allocation Personnalisée d’Au-tonomie), selon ressources financières,Allocation Tierce Personne Compensa-trice (selon ressources financières).

❚ Les complications mortellesUn suivi régulier adapté de ces sujets para-plégiques et tétraplégiques est indis-pensable pour la prévention des com-plications qui peuvent être mortelles.Les deux complications majeures à redou-ter sont les complications vésico-sphinc-

Figure 8- Bilan étiologique devant une douleur chez un blessé médullaire.

tériennes et pulmonaires. Dans certainscas, l’orientation vers des services spé-cialisés peut s’avérer nécessaire.Grâce à l’amélioration de la prise en chargede ces personnes, leur espérance de vies’est considérablement améliorée. Cepen-dant, même si celle des sujets paraplégiquesse superpose à celle de la population géné-rale, l’espérance de vie des sujets tétra-plégiques reste encore significativementinférieure à cette dernière. ■

La douleur est–elle d’apparition ou d’aggravation récente ?

OUI± signes dysréflexiques

NON

• Neurologique- Syringomyélie tardive

• Extra-neurologique- Pyélonéphrite - Cholécystite- Infarctus du myocarde- Ulcère digestif- Colique hépatique - Causes fréquentes

de dysréflexie (QS)

• Territoire lésionnel- Rachidienne (ostéosynthèse) :

antalgiques usuels ± ablation du matériel- Neurogène :

antiépileptiques (carbamazépine,Tegretol®; clonazépam, Rivrotril®)

• Territoire sous-lésionnel- Neurogène (décharge électrique, étau,

broiement ou brûlure) résistantes auxantalgiques périphériques : antiépileptiques± antidépresseurs (clomipramine,Anafranil® ; amitriptyline, Laroxyl®)

- Spasticité :traitement antispastique

• Territoire sus-lésionnel- Tendinopathie de la coiffe des rotateurs

secondaire à l’hypersollicitation desmembres supérieurs : à traiter en urgence car perte d’autonomie.

Rechercher une pathologieintercurrente

MOTS-CLÉSPARAPLÉGIE, TÉTRAPLÉGIE,

COMPLICATIONS,

SUIVI AMBULATOIRE

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L’obtention du permis deconduire est le “premiermaillon de l’insertion sociale

et professionnelle” (1), mais c’est aussila clé d’une liberté de déplacement etd’accès aux loisirs et aux rencontres.La reprise de la conduite automobile parle blessé médullaire est conditionnéepar l’aménagement du véhicule et l’adap-tation d’aides tech-niques nécessaires aucontrôle du véhicule.Chez le paraplégique,ces adaptations sontcodifiées et standar-disées et ne posent, engénéral, aucun pro-blème particulier. Chezle tétraplégique, ladiversité des profilscliniques et fonction-nels impose de consi-dérer toutes les facettes du maniementdes commandes et de l’accès au véhi-cule.

AIDES TECHNIQUESET LÉGISLATIONLes arrêtés du 04 octobre 1988 et du 7 mai 1997 ont fixé la liste des incapa-cités physiques incompatibles avec l’ob-tention ou le maintien du permis deconduire. La paraplégie et la tétraplégiey sont implicitement incluses dans larubrique “Troubles neurologiques” de

la classe 4, pour lesquels il est préciséque la reprise de la conduite dépenddes “possibilités fonctionnelles”. Autre-ment dit, en dehors de toute autre contre-indication médicale, la reprise de laconduite repose entièrement sur la com-pensation des incapacités fonctionnellespar les aides techniques. Lors de la visitemédicale obligatoire, le choix de ces

aides est en théorielaissé à l’appréciationdes médecins de lacommission médicalepréfectorale, en colla-boration avec l’experttechnique.

❚ Pour leparaplégiqueLe schéma d’aména-gement est globale-ment standardisé. Il

est décidé lors de la consultation d’ap-titude. Il revient ensuite au patient laresponsabilité de s’entraîner au sein d’uneauto-école pour assurer la maîtrise tech-nique du véhicule aidé de ces disposi-tifs. C’est sur cette maîtrise qu’il serajugé par l’inspecteur du permis deconduire.

❚ Pour le tétraplégiqueL’approche est différente. Il est sou-vent intéressant d’avoir fait, au préa-lable, la preuve de l’adéquation desaides techniques au statut fonctionnel

du sujet et de ses capacités de maî-trise du véhicule. Cette expertise est sou-vent réalisée au sein de certains éta-blissements de rééducation fonctionnelle(Cerbère, Coubert, Kerpape, etc.) quidisposent d’une équipe multidiscipli-naire (médecin, ergothérapeute, ortho-prothésiste, moniteur auto-école) etqui réalisent sur place toutes les aidesrequises en lien avec les équipemen-tiers (établissements Kempf, Legrand,Okey, etc.), ainsi que l’évaluation ensituation réelle.

AIDES TECHNIQUES ETTRANSFERT DU PATIENTL’accès du sujet à son véhicule reposesur 2 aspects :

❚ Les capacités fonctionnellesdu sujetMême le sujet paraplégique peut seretrouver confronté à des difficultés

➎ AIDES TECHNIQUES ETCONDUITE AUTOMOBILE

chez le blessé médullaire

La conduite automobile est-elle à la portée de tout blessé médullaire ? Quelles sont les contrainteslégales, techniques et financières liées aux aides techniques nécessaires à la reprise de la conduitechez le blessé médullaire ? Charles Fattal, Lionel Gania, Guy Israël*

* Centre Bouffard-Vercelli, Cerbère Figure 1- Planche de transfert.

La législation

précise

que la reprise de la

conduite dépend des

“possibilités

fonctionnelles”.

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DOSSIER

de transferts qui lui imposeront, aumême titre que pour le tétraplégique,l’utilisation d’aides aux transferts :planche (Fig. 1), coussin ou plateautournant. Le transfert fauteuil-autoétant une des grandes causes de sur-venue ou d’aggravation d’escarres lorsde transferts, il importe qu’il soit au maxi-mum sécurisé par la multiplicationd’aides techniques, telles que dessangles suspendues pour s’agripperou des crochets de stabilisation du fau-teuil. L’utilisation d’un siège pivotantou sortant n’épargne pas le patient dutransfert, mais extériorise l’assise duposte de pilotage et facilite ce transfert(Fig. 2).

❚ La facilitation de l’accèsL’ouverture centralisée des portes etl’augmentation de l’angle d’ouverturede la portière jusqu’à 90° (Fig. 3) s’im-posent dans la configuration de base.L’adaptation des poignées de porte estincontournable pour le tétraplégique etsur les véhicules plus anciens dont lespoignées sont moins faciles à manœu-vrer.

AIDES TECHNIQUESET TRANSFERT DUFAUTEUIL ROULANTL’embarquement du fauteuil roulantest facilité par l’utilisation de fau-teuils à cadre pliant qui, dans le cadred’un véhicule 2 portes, est embarquéde l’avant vers l’arrière, une fois plié,en le passant derrière le siège duconducteur. Cette action suppose un importanteffort des membres supérieurs qu’ilest difficile de suppléer par des aidestechniques et qui ne peut être assuméque par les paraplégiques et les tétra-plégiques bas. Lorsqu’il s’agit d’un véhicule 4 portes,le fauteuil est directement embarquépar l’arrière, via une porte arrière cou-lissante (Fig. 4) et, dans le meilleur descas, un bras manipulateur (Fig. 5). L’utilisation d’aides sophistiquées,type monte-fauteuil sur le toit ou brasmanipulateur pour rangement dansle coffre, est aussi d’un grand secoursmais alourdit la charge financière del’équipement.Lorsqu’il s’agit de fauteuils monobloc

à cadre fixe, il importe que les roues soientdémontables à l’aide d’un systèmesimple.

AIDES TECHNIQUES ETSTABILITÉ DU TRONCL’installation du blessé médullaire auvolant est une étape importante tanten termes d’assise que de stabilité dutronc.

Quel que soit le niveau lésionnel, lecoussin anti-escarres est indispensable,compte tenu des forces de cisaillementimportantes qui peuvent se produire lorsdu trajet et surtout lors des virages (2).Il importe, pour limiter au maximum cerisque pathogène, que toutes les mani-pulations soient au maximum facili-tées, tant pour la manipulation du siège-conducteur que pour le réglage desrétroviseurs, électriques de préférence(Fig. 6) ou même la fermeture de la por-tière par utilisation d’une sangle (Fig.7).Si la commande est mécanique, il fautque les adaptations (ergots, molette,etc.) en facilitent la manipulation.La stabilité du tronc sera améliorée par

Figure 3- Ouverture de la portière à aumoins 80°.

Figure 4- Porte arrière coulissante.Figure 2- Siège pivotant.

Figure 5- Bras manipulateurd’embarquement.

Figure 6- Commande électrique du siège conducteur.

Figure 7- Sangle de rappel de laportière avant côté conducteur.

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LLeess ccoommmmaannddeess ddee ddiirreeccttiioonnLe contrôle doit être constant et fiable.Il suppose que le volant de mobilitésoit très large et que la préhension soitfiabilisée par l’adaptation d’une fourchele plus souvent (Fig. 11), sinon d’unpommeau, d’une poignée moulée sur lamain du sujet ou d’une boule, à condi-tion bien sûr qu’il existe une prise suf-fisante pour l’attraper. Ces adaptationssont placées en position “4 heures”pour la main droite et “8 heures” pourla main gauche. La direction du volantest systématiquement assistée, doséeen fonction de la force musculaire desmembres supérieurs. L’effort peut êtreréduit jusqu’à 300 grammes (sachantqu’une direction classique est de 2,5kg).

LLeess ccoommmmaannddeess ddee vviitteesssseeDans la plupart des cas, la boîte devitesse automatique est préconisée pourlimiter les sollicitations du membresupérieur. Cependant, qu’il s’agissed’un embrayage automatique ou qu’il s’agisse d’une boîte de vitesse auto-matique, l’adaptation du manche n’estpas indispensable car la résistance à lapoussée ou à la traction est très faible.

LLeess ccoommmmaannddeess dd’’aaccccéélléérraattiioonn eett ddeeffrreeiinnaaggeeIl a été proposé de tenir compte despossibilités motrices résiduelles auniveau des mains et des poignets pourle contrôle du levier combiné frein/accé-lérateur (Fig. 11).Dans un cas de figure classique asso-

le croisement des jambes et l’adaptationd’un harnais 4 points ou d’une ceintureclassique (suivant le niveau lésionnelet l’absence d’abdominaux). La vigi-lance s’impose chez le sujet présen-tant des contractures des membresinférieurs à diffusion abdominale.

AIDES TECHNIQUESET COMMANDES

❚ Chez le paraplégiqueL’embrayage est automatisé, les com-mandes au pied sont toutes reportéesau niveau des mains –cercle accélé-rateur au volant et levier automa-tisé de frein principal (Fig. 8). Ladirection assistée qui est actuellementgénéralisée à tous les véhicules neufs,doit être recommandée à tous lessujets afin de répondre au souci deprotéger au maximum les épaulesdu sujet d’un effort trop important doncd’une complication orthopédique.

❚ Chez le tétraplégiqueToutes les commandes sont suscep-tibles, en fonction du statut fonctionnel(hauteur du niveau lésionnel, chirurgiefonctionnelle aux membres supérieurs)de bénéficier d’adaptations techniques:

LLeess ccoommmmaannddeess ddee ddéémmaarrrraaggeeLa clé de démarrage peut bénéficierd’une adaptation, anneau ou crochet(Fig. 9), si besoin, ou est remplacée parun bouton poussoir pour le contacteuret un autre pour le démarreur (Fig. 10).

ciant une flexion dorsale active des2 poignets et une absence de prisedigito-palmaire (grasp) ou de prisepouce-index termino-latérale active(key-grip), le levier combiné frein/accé-lérateur est placé du côté le plus fort etla main opposée est réservée au volant.Le freinage et l’accélération sont alorsdéclenchés en poussant le levier res-pectivement vers l’avant et vers l’ar-rière.En cas de flexion dorsale active d’un seulpoignet, le levier combiné frein/accé-lérateur est obligatoirement placé de cecôté. Une fourche métallique capiton-née est adaptée à l’extrémité du leviercombiné frein/accélérateur. La face dor-sale de la main calée dans la fourche per-met de ramener le levier vers le sujetet d’accélérer (2).Par contre, l’absence de flexion dor-sale du poignet est difficilement com-pensée car il faudrait alors bloquer lamain dans la fourche, ce qui n’apparaîtpas souhaitable même si, en pratique,c’est souvent réalisé.Au travers d’une étude rétrospective,Gania et coll. (2) ont situé le seuil lésion-nel à partir duquel la conduite “classique”est envisageable au niveau C7 complet.

LLeess ccoommmmaannddeess ddee ssiiggnnaalleemmeenntt oouuuuttiilliittaaiirreess oobblliiggaattooiirreessCes commandes (clignotant, feux, aver-tisseur sonore, essuie-glace, lave-glace, freinde parking) sont classiquement placéesdu côté du levier combiné pour éviter desolliciter la main controlatérale réservée

Figure 8- Cercle accélérateur au volantet levier de frein (paraplégique).

Figure 9- Crochet pour la clé dedémarrage.

Figure 10- Bouton poussoir pour lecontacteur ou le démarreur.

Page 11: PARAPLÉGIE ET TÉTRAPLÉGIE D’ORIGINE TRAUMATIQUE

465 Neurologies - Décembre 2002 - Vol. 5

DOSSIER

au contrôle de la direction du véhicule.Elles peuvent aussi bénéficier d’adap-tations plus sophistiquées, tels que descommandes occipitales, des interfacesvocales (système Katalavox®) ou mêmele déclenchement des phares par uncapteur de lumière située à l’intérieurdu véhicule qui mesure l’intensité lumi-neuse ambiante ou les détecteurs de pluiepour déclencher automatiquement lesessuie-glaces. Il n’existe pas de règle enla matière. La localisation et les moda-lités de commandes s’adaptent au caspar cas (3).Les essais en centre spécialisé dansdes véhicules modulables sont vive-ment recommandés. Par contre, la cli-matisation apparaît incontournablenon seulement en terme de confortmais aussi de régulateur de la tempé-rature corporelle pour le tétraplégiqueconfronté à une dysrégulation ther-mique.

LLeess ssyyssttèèmmeess ddee ccoommmmuunniiccaattiioonnIls permettent au conducteur de récla-mer une aide et sont d’autant plusappréciés qu’ils sont dotés d’un dispo-sitif “mains libres”.

LLaa ccoonndduuiittee eenn ffaauutteeuuiill rroouullaannttDans le cas où le contrôle d’un poste depilotage est acquis alors que le sujet nepeut pratiquer aucun transfert, laconduite à bord d’un fauteuil roulant estpossible depuis 1987. Elle suppose quel’accès au poste de conduite s’effectuesoit par l’arrière, soit au mieux par les

portes latérales coulissantes pour per-mettre un accès côté trottoir (Fig. 12).L’accessibilité est rendue possible grâceà des rampes ou des hayons élévateurs(4). D’autres équipementiers propo-sent des systèmes d’embarquement dufauteuil roulant par la porte avant, direc-tement vers le poste de pilotage où lefauteuil bénéficie d’un ancrage auto-matique. L’inconvénient est qu’un seulmodèle de voiture est à ce jour homo-logué pour ce type d’application.Dans le cas où aucune adaptation etaucun transfert même aidé ne sontpossibles (tétraplégique d’un niveauégal ou supérieur à C6), la conduiteembarquée devient la seule solutionenvisageable. Elle repose sur le prin-cipe de la “conduite mini-manche” (5).Le sujet embarque directement en fau-teuil roulant électrique et rejoint seulle poste de pilotage auquel le fauteuilest ancré. Le joystick de contrôle du fau-teuil laisse la place au joystick decontrôle de l’accélération, du freinageet de la direction du véhicule (Fig. 13).La main est calée dans une fourche ouune gouttière ergonomique portée enavant pour accélérer et en arrière pourfreiner. Tout un dispositif de renvoi etde commandes hydrauliques reportel’action sur les pédales et la direction.Les commandes de signalement sontassurées par une interface vocale typeKatalavox®. La seule condition requisepour ce type de conduite est celle d’unemanipulation d’un joystick par unedes deux mains. L’apprentissage se

fait en centre spécialisé (Kerpape, Cer-bère) en relation avec le seul équipe-mentier agréé, à ce jour, par le Minis-tère des Transports, à savoir lesétablissements Kempf.

LES MODALITÉSDE FINANCEMENTLe financement du véhicule et des adap-tations constitue en fin de compte le dos-sier le plus délicat. Les aménagementscoûtent cher.En dehors d’une participation person-nelle incontournable, il fait le plus sou-vent appel à l’indemnisation dégagéepar les assurances adverses lorsqu’untiers responsable a été mis en cause oupar les caisses d’assurance maladie s’ils’agit d’un accident de travail.Dans le cadre d’une reprise d’activitéprofessionnelle, d’autres contributionsfinancières sont possibles : l’allocationcompensatrice pour frais profession-nels supplémentaires délivrée par laCOTOREP et soumise à un plafond deressources et/ou une subvention accor-dée par l’AGEFIPH (Association natio-nale de gestion du fonds pour l’inser-tion professionnelle des handicapés).Au titre des frais professionnels réels,les frais d’aménagements sont natu-rellement déductibles de l’impôt sur lerevenu.

Figure 12- Rampe d’accès au poste deconduite par les portes latérales.

Figure 13- Conduite mini-manche.

Figure 11- Commandes de direction et combiné frein/accélérateur pour tétraplégique.

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MOTS-CLÉSBLESSÉ MÉDULLAIRE,

PARAPLÉGIQUE, TÉTRAPLÉGIQUE,

HANDICAP, AIDES TECHNIQUES,

CONDUITE AUTOMOBILE,

AUTO-ÉCOLE, ERGOTHÉRAPIE

1. Busnel M. Intérêt d’un service auto-école intégré dans une structure demédecine physique et de réadaptation.In : Enjalbert M, Fattal C, Thévenon A.Conduite automobile et Handicap(Rencontres en rééducation). Paris :Masson, 2000 : 47-50.2. Gania L, Fattal C, Israël G et al. Accèsdu tétraplégique à la conduite automobile.Ann Réadapt Méd Physique 1999 ; 42 : 19-28.3. Israël G, Bouffard-Vercelli M. Conduiteautomobile et handicap. In : Expériencesen ergothérapie, 4e série. Paris : Masson,1991 : 36-43.4. Delattre S, Rombaut S, Thevenon A.Conduite automobile à bord d’un fauteuilroulant. In : Pélissier J, Jacquot JM etBernard PL. Le fauteuil roulant (problèmesen médecine de rééducation). Paris :Masson, 1997 : 184-87.5.Busnel M. Conduite automobile au mini-manche. A propos de 30 tétraplégiques.In : Enjalbert M, Fattal C, Thévenon A.Conduite automobile et Handicap(Rencontres en rééducation). Paris: Masson,2000 : 64-65.

BIBLIOGRAPHIE

En dehors de toute activité profession-nelle, il faut compter avec la possible obten-tion :• d’une prestation extra-légale accor-dée par les caisses primaires d’assurancemaladie,• d’une aide fournie par un bureaud’aide sociale, le conseil général, unemutuelle, un comité d’entreprise, unecaisse de retraite complémentaire ou uneassociation pour handicapés. Il ne s’agitalors que de compléments financiers.

En fin de course, il reste la possibilitéd’un recours à des fonds privés, caritatifs.

EN CONCLUSIONLa problématique de la reprise de laconduite automobile par le blessé médul-laire est en fin de compte celle du finan-cement et non de l’adaptation de l’équi-pement. Les centres de rééducationdotés d’une auto-école disposent d’uneintervention multidisciplinaire indis-pensable pour adapter au cas par cas

les aides techniques nécessaires à uneconduite sûre. Les aides techniques nedoivent pas seulement être adaptées pourpermettre l’usage d’une commandemais aussi pour faciliter cet usage et épar-gner au patient une trop grande fatigue.La chirurgie fonctionnelle des membressupérieurs peut participer à alléger ouéconomiser un certain nombre d’aidestechniques (2). ■

Remerciements à Mr Sébastien Coronado pour sa précieuse collaboration dans la réalisation de photographies.

Conduite paraplégique• Véhicule de base avec direction assistée..........................................15000 e

• Adaptation du poste de conduite

- Embrayage automatique..................................................................2300 e

- Cercle d’accélération au volant ......................................................3800 e- Levier frein

• Adaptation de l’ouverture de la portière arrière ................................2300 e

• Adaptation du dispositif d’embarquement.........................................3000 e

• Coût total.......................................................................................26400e

Conduite mini-manche• Monospace........................................................................................33500 e

• Fauteuil roulant électrique multipositionnel ...................................23000 e

• Adaptation du poste de conduite.......................................................46000 e

• Accessibilité par rampes au véhicule ...............................................10500 e

• Coût total approximatif................................................................113000e

Conduite tétraplégique(transferts FR-auto possibles)

• Véhicule de base...............................................................................15 000 e

• Adaptation du poste de conduite

- Harnais de sécurité 4 points................................................................150 e

- Boîte de vitesse automatique ...........................................................3000 e

- Levier-frein combiné + fourche (freinage assisté) ...........................3800 e

- Direction sur-assistée......................................................................1500 e

- Fourche ou autre adaptation au volant................................................150 e

- Commandes de signalement modifiées ou Katalavox® .................10500 e

• Adaptation de l’ouverture de la portière arrière ................................2300 e

• Adaptation du dispositif d’embarquement.........................................3000 e

• Coût total.......................................................................................39500e

TABLEAU 1 - LES COÛTS DES AIDES TECHNIQUES (ORDRES DE GRANDEUR).

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