Paraplégie Dossier 2013 - Voir de ses propres yeux - et comprendre

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14 | Paraplégie, août 2013 REPORTAGE

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Revue de l’Association des bienfaiteurs de la Fondation suisse pour paraplégiques

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quentent des congrès de formation perma-nente, des intéressés sont sensibilisés au contact avec des personnes en fauteuil. Et les visites guidées accordent aux amateurs comme aux professionnels un coup d’œil dans les coulisses d’une entreprise qui occupe plus de 1400 salariés de 50 nationalités, dans 80 métiers différents, pour le bien-être

des para- et tétraplégiques. Qu’est-ce qui attire tous ces visiteurs à Nottwil ? Et quelles impressions emportent-ils ?

Transmettre le savoir

Le Prof. Hans Myburgh et le Dr Erich Mennen sont im-pressionnés. Les médecins sud-africains suivent pour quelques jours le spécialiste de la main tétraplégique Jan Fridén au sein du Centre suisse des paraplégiques (CSP). « Nous voulons ce

qu’il y a de mieux pour nos patients. C’est pourquoi nous venons à Nottwil, apprendre des meilleurs », explique le Prof. Myburgh, lui-même en fauteuil roulant depuis un acci-dent de moto. Les deux médecins travaillent à Pretoria, dans une clinique avec une division pour lésions dorsales et céphaliques. Au CSP, ils ont beaucoup appris sur les techniques opératoires et la rééducation consécutive. « Ils mobilisent ici les patients beaucoup plus tôt après l’intervention que nous », constate le Dr Mennen. Il importe au Prof. Jan Fridén de transmettre son expérience. Seuls 80 mé-decins travaillent dans le monde entier dans la chirurgie de la main tétraplégique. « Nous opérons dans une zone délicate où aucune erreur n’est permise. » Il considère donc comme son devoir d’échanger de nouvelles méthodes et découvertes.Nouvelles expériences aussi pour Amrit Pau-del, à Nottwil : le Népalais de 26 ans étudie la médecine et s’intéresse au travail avec les paralysés médullaires. Pendant un mois, il a appris l’organisation du traitement et de la rééducation à Nottwil. « Mon pays ne connaît pas d’assurance-maladie, les patients doivent tout payer de leur poche. » C’est pourquoi beaucoup sont en mauvais état physique. Il manque des fauteuils roulants et des médica-ments. « Il est fascinant pour moi de voir l’auto-nomie et la mobilité des paralysés en Suisse. » Amrit voudrait maintenant essayer d’amélio-rer la situation des para- et tétraplégiques au Népal. Mais il reste un problème : « Il nous manque une fondation qui interviendrait en cas de difficultés financières. »En urologie, le Dr Rosiana Pradanasari Wi-rawan est à l’œuvre. Dans sa clinique de Ja-karta, la doctoresse indonésienne a reçu un nouvel appareil pour examiner les troubles vésicaux. « J’approfondis ici mes connais-sances pour effectuer correctement ces exa-mens et interpréter les résultats. » Elle dit

année après année, 11 000 personnes au moins visitent les institutions du

Groupe Suisse Paraplégiques. Ce sont des mé-decins, soignants et thérapeutes, désireux d’approfondir des spécialités. Des apprenants de différentes branches viennent voir le centre pour consolider leur savoir sur la para-lysie médullaire. Des spécialistes de la santé publique y fré-

Texte : Christine Zwygart | Photos : Walter Eggenberger, Beatrice Felder et Astrid Zimmermann-Boog

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Karl Emmenegger a longtemps dirigé l’orientation pro-fessionnelle au CSP et continue à faire des « visites guidées collant à la réalité ». Depuis un acci-dent de voiture, il y a 34 ans, il est lui-même paralysé médullaire et illustre par ses explica-tions ce que cela signifie : « Pour pouvoir vivre en fauteuil roulant, il faut d’abord reprendre confiance en soi. » Et c’est précisément à quoi sert le CSP. Karl Emmenegger impressionne les visiteurs en racontant qu’il mesure 1,98 m et ajoute en souriant : « En réalité, je vous regarde tous de haut. » L’accompagnent au-jourd’hui des membres de la Fenaco – une co-opérative d’agriculteurs. De son fauteuil roulant, il bavarde, montre, explique. Et ses paroles portent. « Il nous a impressionnés en nous exposant ce que signifie ne plus pouvoir marcher », commente Pia Gerber, directrice du secrétariat régional de la Fenaco Suisse centrale. Ses histoires ont suscité la compré-hension et la sensibilisation. Malgré la gravité du sujet, de nombreux visiteurs remarquent l’atmosphère calme, joyeuse qui règne au CSP et qu’ils n’y auraient pas attendue. Ainsi Tony Maeder, président du Lions Club Luzern Reuss, déclare après la visite : « Nous nous sommes émerveillés de voir les gens frappés de graves coups du sort dégager une énorme joie de vivre et une volonté inébranlable d’au-tonomie. »D’autres hôtes sont proches du CSP profes-sionnellement, comme Georg Reschke qui fait un stage de secourisme. Il veut savoir « ce que deviennent les patients que j’ai amenés avec une suspicion de paralysie médullaire ». Il est abasourdi par les possibilités de thérapie et de traitement : « Les patients sont énormé-ment aiguillonnés et encouragés, reconvertis

« Mon équipe doit reconnaître que la vie en fauteuil roulant comprend bien plus que ‹seulement› ne plus pouvoir marcher. »Cornelia Allenbach, cheffe de l’opération « Tournesol », protection civile du Valais

« La formation continue au CSP est importante pour mon développe-ment personnel. Elle m’offre entre autres des contacts précieux avec des collègues de travail. »Cornelia Müller, infirmière au service de soins à domicile de Stein AR

avoir reçu de Jürgen Pannek, médecin en chef de la neuro-urologie, de nombreux conseils qu’elle appliquera chez elle et transmettra à ses confrères.

Recruter des membres

À tous les niveaux hiérarchiques, 160 collabo-rateurs de tous les secteurs montrent aux inté-ressés le fonctionnement de Nottwil. Ils y mettent leur point de vue tout personnel, parlent de leur pratique et de leurs expé-riences. « Chaque visite est donc unique », décrit Elvira Brändli, responsable des visites de l’entreprise. Une moitié environ des visi-teurs consiste en membres d’associations, d’administrations et de sociétés, un quart se compose de jeunes et un dernier quart vient d’écoles de soins infirmiers.

« Si je devais être un jour dans une situation de détresse, je suis heu- reux de savoir que les spécialistes du CSP feraient tout pour m’aider. »Georg Reschke, moniteur / direc- teur technique de l’Association des samaritains de Kaisten AG

Coup d’œil dans les coulisses

Le Centre suisse des paraplégiques (CSP) et l’Institut Guido A. Zäch (GZI) de Nottwil sont des lieux de rencontre ap-préciés. Les personnes désireuses de jeter un coup d’œil dans les coulisses de la fameuse clinique spécialisée pour les paralysés médullaires et d’autres secteurs peuvent, entre autres, partici-per à des visites guidées organisées trois fois par semaine – les mercredis, jeudis et vendredis après-midi. Dans la mesure du possible, le programme est conçu pour répondre aux vœux de groupes professionnels, d’étudiants, d’enseignants, etc. L’âge minimum est de 14 ans et les inscriptions doivent se prendre deux mois à l’avance au moins.Inscription : www.paraplegie.ch/rubrique visites guidées

Les participants comme les organisa-teurs de manifestations disposent aussi à Nottwil de nombreuses prestations et installations : chambres d’hôtel, stu-dios, restaurants, salles de congrès et de séminaire, installations de sport de plein air les plus modernes, halle de sport, piscine, Swiss Olympic Medical Center. En outre, à 20 minutes de Lu-cerne seulement, Nottwil est facile et rapide à atteindre par les transports privés ou publics.Informations : www.paraplegie.ch/fr/pub/gzi/seminare_und_kongresse

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personnes à mobilité réduite au niveau du travail, y compris un entraînement au fauteuil roulant. « Le parcours comprenant des trottoirs, marches et terrains en pente nous a fait res-sentir physiquement les soucis quotidiens des personnes en fauteuil. Une expérience précieuse, favorisant la compréhension », conclut le directeur Peter Fry. Dans son tra-vail, il veut désormais veiller systématique-ment à la prévention des accidents et convaincre les professionnels de prendre les mesures de protection. « Si nous pouvons ainsi éviter un seul accident impliquant le dos, la journée n’aura pas été perdue. »

« J’ai reçu de nombreux conseils et trucs pour examiner correctement la vessie d’un paralysé. »Dr Rosiana Pradanasari Wirawan, doctoresse indoné-sienne

« La visite de la clinique m’a fait une telle impression que je vais devenir bienfaiteur de la Fon da - tion suisse pour paraplégiques. »Tony Maeder, président du Lions Club Luzern Reuss

« Après la visite du CSP, j’ai vraiment pris conscience de ce que signifie la maîtrise du quotidien en fauteuil roulant. »Susanne Widmer, assistante en marketing de Rivella SA

professionnellement – et leur logement est même transformé pour l’usage du fauteuil roulant. » Georg Reschke est venu à Nottwil avec des camarades samaritains de Kaisten AG. En tant que moniteur, il veut désormais mieux faire attention à la manière dont les premiers arrivés abordent les patients lors du sauvetage, pour éviter d’autres lésions médul-laires. Les visiteurs de la protection civile valaisanne ont déjà beaucoup d’expérience des personnes en fauteuil roulant. Chaque été, ils mènent une opération « Tournesol », un

camp pour des personnes han-dicapées, soignées à domicile tout au long de l’année. Au CSP, ils veulent approfondir leurs connaissances. La cheffe Cor-nelia Allenbach admire le principe intégral qui règne à la clinique : « Il ne s’agit pas seulement de méde-cine, mais aussi de besoins pratiques, quo-tidiens et moraux des patients. »Parfois, une visite au CSP est le premier prix d’un concours. C’est ainsi que Rivella SA a tiré au sort une journée-découverte avec la spor-tive en fauteuil roulant Edith Wolf-Hunkeler. Susanna Widmer, collaboratrice au marke-ting de la société, a accompagné les gagnants du concours : « Les piétons ne se rendent sou-vent pas compte de la signification du plus petit obstacle pour une personne en fauteuil. Les visiteurs peuvent en faire l’essai dans la halle de sport. Sensibiliser les gens

Qui veut en savoir plus long sur la vie en fau-teuil roulant peut suivre le cours de sensibili-sation de l’Association suisse des paraplé-giques, qui permet, entre autres, de discuter avec des patients. Le tétraplégique Beat Bösch est l’un des enseignants : « Les participants sont géné-ralement étonnés de voir la complexité de ce handicap qui consiste à bien plus que ‹seule-ment› se déplacer en fauteuil roulant. » Il lui importe que les gens abolissent leurs blocages et diminuent leur crainte face aux paralysés médullaires. L’équipe du bureau de placement « Best Jobs Baggenstos », Lucerne, passe un après-midi à Nottwil pour se faire une idée de la situation des

« Pas de désespoir, le CSP dégage de l’assurance, de la confiance en soi et même de la joie de vivre. »Peter Fry, directeur de Best Jobs Baggenstos AG, Lucerne

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Pour de plus amples informations : www.paraplegie.ch

Des milliers de personnes viennent chaque année à Nottwil voir

le fonctionnement du groupe. Dans quelle mesure la Fondation

en profite-t-elle ?

Le père fondateur Dr. méd. Guido A. Zäch a toujours eu le désir de réunir à Nottwil les piétons et les personnes en fauteuil roulant. Cette possibi-lité existe depuis l’ouverture de la clinique spécialisée, en 1990. Tout le monde peut venir y voir de ses propres yeux ce que nous faisons pour les paralysés médullaires. Le contact direct est un avantage énorme. Et plus il y a de visiteurs, mieux se fait connaître l’institution d’utilité publique.

Comment voulez-vous vous adresser davantage aux familles et

aux jeunes gens – c’est-à-dire recruter de nouveaux bienfaiteurs ?

Ces prochaines années, d’importants renouvellements et agrandisse-ments des bâtiments seront nécessaires. Dans ce cadre, il est entre autres prévu d’ériger un pavillon des visiteurs. Pour le jeune public, il pourrait s’y intégrer une sorte d’exposition multimédia. Les idées ne manquent pas. Le soir et le week-end, quand les salles de thérapie sont vides, nous aurions ainsi une autre attraction pour les visiteurs.

Les spécialistes viennent à Nottwil pour en apprendre davantage

sur la paraplégie. Quelle est l’importance de ces échanges ?

Le but de la Fondation suisse pour paraplégiques est d’apporter les meil-leurs soins aux paralysés médullaires, tant ici, pendant la rééducation, que plus tard, chez eux. Naturellement, nous ne pouvons pas faire ce tra-vail seuls. C’est pourquoi le transfert de connaissances est essentiel. Car en discutant avec des spécialistes extérieurs, nous apprenons chaque fois où il faut encore agir.

Les participants à une visite de Nottwil se montrent généralement

emballés. Cela donne-t-il lieu à une propagande de bouche à oreille ?

Oh oui. Et c’est la meilleure publicité parce que la plus durable. Qui est persuadé de ce qu’il voit et entend, le recommande à d’autres.

Y a-t-il des plans de développement de l’offre aux visiteurs ?

Nous aimerions pousser l’idée d’un lieu de rencontre ouvert en perma-nence entre les piétons et les personnes en fauteuil. Entre-temps, le Seminarhotel Sempachersee fait partie du GSP. Nous disposons, grâce à lui, de capacités supplémentaires pour des séminaires et congrès et de nouvelles chances de gagner des intéressés à notre cause.

«Montrer ce que nous faisons »

Joseph Hofstetter, dr iur., est, depuis le 1er août 2012, directeur de la Fondation suisse pour paraplégiques (FSP). Auparavant, le natif d’Entlebuch a assumé pendant douze ans d’autres fonctions pour le groupe.

« La visite m’a appris à voir d’abord l’être humain – et non le fauteuil roulant ou le handicap. »Pia Gerber, directrice du secrétariat régional de la fenaco Suisse centrale

« Je suis fasciné par l’indépendance dans laquelle les paralysés médullaires vivent en Suisse. »Amrit Paudel, étudiant en médecine népalais

Créer un attachement

Les grands groupes sont aussi les bienvenus à Nottwil. C’est ainsi qu’il s’y tient nombre de congrès et séminaires, entre autres, le Symposium des soins annuel. Ce congrès donne à des représentants de la santé et du domaine social la possibi-lité d’approfondir et de discuter un thème ensemble. Depuis plus de 20 ans, Cornelia Müller, infirmière au service de soins à domicile de Stein AR, fréquente cette manifestation avec enthousiasme : « J’emporte d’ici un nombre énorme d’impul-sions. » Elle veut échanger avec des collègues pour apprendre comment d’autres services de soins à domicile s’organisent.Quelques heures, quelques jours ou même quelques se-maines – peu importe combien de temps ils passent à Nottwil, les hôtes emportent tous des découvertes inoubliables. Joyeuses et profondes, émouvantes et bouleversantes. Et parfois, ils reviennent. Par un attachement né tout natu-rellement.

« La visite au CSP m’aide à abolir les blocages face aux personnes en fauteuil roulant. »Larissa Kaufmann, étudiante TRM HES