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Journée d’étude « Sur le divan des guérisseurs… » – Résumés des communications 1 Résumés des communications Sur le divan des guérisseurs Quelle place pour les dispositifs alternatifs en santé mentale ? Vendredi 14 octobre 2016 Session 1 : Les soins de l’âme aujourd’hui 9h10-9h40 Avocat du diable et nouveau thérapeute. Ou comment le prêtre- exorciste élabore sa légitimité par Laurent Amiotte-Suchet (Université de Lausanne) A la fin des années 90, la présence de prêtres-exorcistes officiels dans les diocèses catholiques avait pour l’observateur quelque chose d’anachronique. De plus en plus encadrée par les évêques, la pratique de l’exorcisme s’est même vue progressivement délaissée dans la seconde moitié du XX e siècle par une institution soucieuse de sa réputation, et souhaitant rompre avec l’image traditionnelle et les stéréotypes cinématographiques associés à ce ministère « sensible ». Si des rituels d’exorcisme continuaient d’être pratiqués par divers « thérapeutes » plus ou moins recommandables dans la nébuleuse des spiritualités émergentes et/ou néo- traditionnelles, on pouvait néanmoins s’attendre à ce que l’Eglise catholique continue de prendre ses distances. Pourtant, les prêtres-exorcistes furent maintenus (voir même réintroduits) dans tous les diocèses français. Néanmoins, depuis le Concile Vatican II, le ministère d’exorcisme a connu des évolutions importantes. Il est passé d’une tendance dite « diabolisante » à une tendance dite « psychologisante ». Aujourd’hui, le prêtre-exorciste cherche surtout à aider les personnes venues le trouver à ne pas voir le diable partout. Mais entre les directives de l’institution et les attentes des personnes venues le consulter, le prêtre- exorciste doit chaque jour élaborer des solutions personnalisées. Il est donc tout autant prêtre, psychothérapeute et chasseur de démon. Car aujourd’hui, c’est en devenant passeur de frontières qu’il établit et renforce la légitimité de son ministère. Cette communication prendra appui sur plusieurs années d’enquête auprès d’un prêtre-exorciste d’un diocèse français qui rend compte des tensions propres à son ministère et nous montre comment, à travers une pratique bricolée et hybride, il élabore son propre système thérapeutique ; quitte à transgresser quelque peu les consignes de l’institution en matière de rituel et la déontologie médicale en matière de thérapie. Laurent Amiotte-Suchet est responsable de recherche en sociologie des religions à l’Institut de sciences sociales des religions contemporaines, Université de Lausanne.

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Journée d’étude « Sur le divan des guérisseurs… » – Résumés des communications 1

Résumés des communications

Sur le divan des guérisseurs Quelle place pour les dispositifs alternatifs en santé mentale ?

Vendredi 14 octobre 2016

Session 1 : Les soins de l’âme aujourd’hui

9h10-9h40

Avocat du diable et nouveau thérapeute. Ou comment le prêtre-exorciste élabore sa légitimité

par Laurent Amiotte-Suchet (Université de Lausanne) A la fin des années 90, la présence de prêtres-exorcistes officiels dans les diocèses catholiques avait pour l’observateur quelque chose d’anachronique. De plus en plus encadrée par les évêques, la pratique de l’exorcisme s’est même vue progressivement délaissée dans la seconde moitié du XXe siècle par une institution soucieuse de sa réputation, et souhaitant rompre avec l’image traditionnelle et les stéréotypes cinématographiques associés à ce ministère « sensible ». Si des rituels d’exorcisme continuaient d’être pratiqués par divers « thérapeutes » plus ou moins recommandables dans la nébuleuse des spiritualités émergentes et/ou néo-traditionnelles, on pouvait néanmoins s’attendre à ce que l’Eglise catholique continue de prendre ses distances. Pourtant, les prêtres-exorcistes furent maintenus (voir même réintroduits) dans tous les diocèses français. Néanmoins, depuis le Concile Vatican II, le ministère d’exorcisme a connu des évolutions importantes. Il est passé d’une tendance dite « diabolisante » à une tendance dite « psychologisante ». Aujourd’hui, le prêtre-exorciste cherche surtout à aider les personnes venues le trouver à ne pas voir le diable partout. Mais entre les directives de l’institution et les attentes des personnes venues le consulter, le prêtre-exorciste doit chaque jour élaborer des solutions personnalisées. Il est donc tout autant prêtre, psychothérapeute et chasseur de démon. Car aujourd’hui, c’est en devenant passeur de frontières qu’il établit et renforce la légitimité de son ministère. Cette communication prendra appui sur plusieurs années d’enquête auprès d’un prêtre-exorciste d’un diocèse français qui rend compte des tensions propres à son ministère et nous montre comment, à travers une pratique bricolée et hybride, il élabore son propre système thérapeutique ; quitte à transgresser quelque peu les consignes de l’institution en matière de rituel et la déontologie médicale en matière de thérapie. Laurent Amiotte-Suchet est responsable de recherche en sociologie des religions à l’Institut de sciences sociales des religions contemporaines, Université de Lausanne.

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Amiotte-Suchet, L. (2016) Un ministère de dédiabolisation et de bricolage rituel. Le cas d’un exorciste diocésain. Ethnologie française, 46(1), 115-126.

Champion, F. (2007). Figures du glissement du psy au spirituel. In : F. Champion et al. (dir.), Le sacré hors religion. Paris : L’Harmattan.

Favret-Saada, J. (1981). Désorceler. Paris : Gallimard. Guillemain, H. (2001). Déments ou démons ? L'exorcisme face aux sciences psychiques. 19-20ème

siècles. Revue d'histoire de l'Eglise de France, 87-219 ; 439-471. Muchembled, R. (2000). Une histoire du diable : XIIe-XXe siècle. Paris : Seuil. Rossi, I. (2007). Quête de spiritualité et pluralisme médical : reconfigurations contemporaines. In : N.

Durisch-Gauthier, I. Rossi, J. Stolz (dir.), Quêtes de santé : entre soins médicaux et guérisons spirituelles. Genève : Labor et Fides.

Talamonti, A. (2008). Exorciser le Diable (Rome, années 1990). Terrain, 50, 62-81. Wilkinson, T. (2007). Les exorcistes du Vatican : chasseurs de diable au 21e siècle. Paris : ViaMedias.

9h40-10h10

Franchir le seuil de la lumière pour guérir. Passeurs d’âmes en France par Alfonsina Bellio ( IEA de Nantes)

Dans l’ample panorama des professionnels de soins alternatifs en France, les « passeurs d’âmes » représentent un groupe nombreux et en expansion. Choisis par des guides spirituels pour aider les âmes des défunts qui ne parviennent pas à franchir le seuil de l’au-delà, à quitter ce monde pour poursuivre leur voyage, ils exercent dans plusieurs villes et villages. D’âges variés et provenant de milieux différents, ils se définissent aussi comme « travailleurs de lumière et personnes en voie d'éveil » et appellent « soins spirituels » leur action d’aide aux gens dont la vie serait difficile à cause de l’âme d’un défunt qui ne peut ou ne veut pas quitter les lieux de son parcours terrestre. Par le biais d’une enquête ethnographique qui a débuté en 2013, cette communication abordera l’aspect thérapeutique des pratiques de « passages d’âmes ». Alternative aux services de soin officiels, leur action intervient dans des formes de malaise qui peuvent s’inscrire dans le domaine du pathologique et du psychopathologique. Les histoires de vies dans le périmètre de crédibilité qui concerne ce phénomène, démontrent déjà que l’efficacité thérapeutique de ce type de dispositif se réalise sur deux, voire trois, plans complémentaires. Les résultats concernent la guérison de la personne qui s’adresse à un passeur suite à des problèmes intervenus dans sa propre vie, le processus de guérison de celles et ceux qui acceptent de devenir passeurs suite à une sollicitation provenant du monde du non visible, mais aussi la guérison des âmes des défunts en souffrance. Alfonsina Bellio, anthropologue, est membre de l’Institut d’études avancées à Nantes, chargée d’enseignement en Anthropologie de l’Europe à l’Université de Bordeaux et de Sociologie des religions à l’UCO d’Angers. Elle a soutenu sa thèse de Doctorat en Anthropologie et Littérature à l’Université de Calabre, après un DEA en Anthropologie sociale et historique de l’Europe, à l’EHESS de Paris, sous la direction de Daniel Fabre.

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10h10-10h40

Le voyage chamanique en tant que outil thérapeutique dans les pratiques néo-chamaniques en France

par Denise Lombardi (EPHE et Università Milano Bicocca) L’analyse proposée vise à donner une interprétation anthropologique du fonctionnement du voyage chamanique en tant qu’outil thérapeutique de soins collectifs dans des contextes non conventionnels. Mes hypothèses sont issues de recherches conduites en France au sein de collectifs qui se réunissent pour pratiquer avec des néo-chamans français. Les participants aux séances de chamanisme, le plus souvent accoutumés à ce type de pratiques, recherchent au sein de ces nouveaux systèmes de sens des parcours individuels qui permettent un cheminement visant à retrouver un bien-être psychique et physique personnel. Les stages néo-chamaniques sont fréquentés par des groupes à configuration éphémère. Ils incluent des personnes ayant des vécus différents, qui se racontent pendant les séances grâce à de brèves métaphores autobiographiques mutuellement partagées. Le partage se fait par le biais de l’utilisation d’éléments fantastiques appartenant à un imaginaire construit au cours de la rencontre. Le néo-chaman/thérapeute fournit des indications faciles, répétitives et ambiguës, en reformulant à plusieurs reprises le même discours qui se réfère toujours au « ressenti » de chacun et au rapport avec une entité personnelle appelée animal-guide ou animal-totem. A travers l’exploration et l’incorporation de l’animal-guide, le participant est censé faire l’expérience de la présence d’un être non humain, une entité, qui s’installe dans sa vie, et plus précisément encore dans son corps. Le corps est le premier lieu d’expérience de l’individu et en même temps que du collectif, constituant ainsi l’objet et l’outil de toute action rituelle. Le voyage chamanique fonctionne comme un dispositif qui semble à la fois répondre aux dynamiques de l’analyse sur divan préconisées par Sigmund Freud, avec la possibilité de faire émerger chez l’individu certains contenus refoulés, et aux conditions formulées pour la Thérapie de Groupe par René Kaës et Wilfred Bion sur l’importance de la mise en commun et de l’abandon de la dimension singulière du rapport thérapeutique, en introduisant le monde extérieur avec ses relations à l’intérieur de la thérapie. Une observation plus attentive des différents passages du voyage chamanique nous permet de noter qu’il existe certaines analogies avec la technique du « Rêve-Eveillé Dirigé en Psychothérapie », élaborée par Robert Desoille : le contexte, la prise en main par le chaman-thérapeute qui guide le groupe et la restitution collective à la fin de chaque voyage. Il est également possible de considérer les éléments qui s’en écartent : la situation de groupe, la sporadicité et la mise en commun avec le groupe. Dans le néo-chamanisme, nous observons qu’il n’existe pas d’engagement requis par un parcours thérapeutique canonique prévoyant l’instauration, des mois ou des années durant, de rencontres régulières et structurées. Le voyage chamanique analysé dans le contexte français permet de mettre en exergue la dimension relationnelle qui s’instaure dans le triangle composé de la

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présence du chaman-thérapeute (et tout l’appareil sonore, visuel et sensoriel qui va avec), de l’imaginaire de celui qui consulte et de la dimension groupale qui aboutissent au partage collectif des différents vécus des participants. Denise Lombardi est doctorante en anthropologie religieuse à l’École Pratique des Hautes Études en co-tutelle avec Università Milano Bicocca. Ses recherches portent sur les nouvelles pratiques rituelles et thérapeutiques dans les sociétés contemporaines. Sa thèse intitulée « Parcours et pratiques dans le néo-chamanisme en France et en Italie » sera soutenue en novembre 2016 à l’EPHE sous la direction de Monsieur Michael Houseman. Bion, R.W. (1965). Recherches sur les petits groupes. Paris : PUF. Desoille, R. (2000). Le rêve éveillé dirigé en psychothérapie : ces étranges chemins de l’imaginaire (textes

réunis par Nicole Fabre). Ramonville-Saint-Agne : Érès. Francofort, H-P., & Hamayon, R. (2001). The concept of shamanism: uses and abuses. Budapest:

Akadémiai Kiadó. Handelman, D., & Lindquist, G. (2005). Ritual in its own right. New York : Bergan Books. Kaës, R. (2010). L’appareil psychique groupale. Paris : Dunod.

Session 2 : L’entraide en tant qu’alternative thérapeutique ?

10h50–11h20

Le CCOMS: dispositifs et recherche en santé publique pour la santé mentale

par Pauline Guézennec et Anne Vandeborre (CCOMS) Le Centre Collaborateur de l’OMS (CCOMS) est une organisation fonctionnelle rassemblant un réseau d’actions, de compétences, de programmes, en lien avec la politique de santé mentale de l'OMS. Le CCOMS défend plusieurs valeurs: l’amélioration de la prise en charge et les droits des usagers et des aidants. Cela passe par la pleine participation des citoyens, usagers ou non de la psychiatrie, au développement de la qualité des services de santé mentale; par la promotion de services de psychiatrie intégrés dans la cité; par la lutte contre la stigmatisation des personnes ayant des troubles psychiques et la promotion de la santé mentale; par le développement de réseaux de recherche, de formation, d’information en santé mentale; la valorisation, le partage et la diffusion des expériences innovantes en santé mentale. Le CCOMS en France a pris résolument la direction d'un centre en santé mentale orienté vers la santé publique, l'innovation et l'évaluation des dispositifs et des politiques. Il se base sur une expérimentation pratique de la santé mentale

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communautaire, services de psychiatrie intégré dans la cité, et sur un réseau de partenaires dans le champ de la démocratie sanitaire Les programmes innovants suivants seront présentés : le programme d’appui au développement et au renforcement des Conseils locaux de santé mentale (CLSM) développé depuis 2008, l’enquête Santé mentale en population générale , le programme des Médiateurs de Santé/ Pair lancé en 2012 dans trois régions ainsi que la révision de la classification des troubles mentaux et du comportement (CIM-10), dans les pays francophones. Pauline Guézennec est chargée de mission du programme CLSM – Centre

collaborateur OMS pour la recherche et la formation en santé mentale. Anne Vandeborre est directrice adjointe du Centre collaborateur OMS pour la

recherche et la formation en santé mentale. Roelandt, J.-L., Staedel, B. (2016). L'expérimentation des médiateurs de santé-pairs / une révolution intranquille. Montrouge : Doin. Déchamp Leroux, C., Rafael, F. (2015). Santé mentale : guérison et rétablissement. Regards croisés. Paris : John Libbey Eurotext, L’Offre de soins en psychiatrie. Le Cardinal, P., Roelandt, J.-L., Rafael, F., Vasseur-Bacle, S., François, G., Marsili, M (2013). Pratiques orientées vers le rétablissement et pair-aidance : historique, études et perspectives. L’Information psychiatrique, 89(3), 365-370. Reed, G., Daumerie, N., Marsili, M., Desmons, P., Lovell, A., Garcin, V., & Roelandt, J.-L. (2013). Développement de la CIM-11 de l’OMS dans les pays francophones. L’Information Psychiatrique, 89(3), 303-309. Roelandt, J.-L., Guézennec, P. (2015). Les conseils locaux de santé mentale en France : état des lieux en 2015. L’Information Psychiatrique, 91(7), 549-556. Roelandt, J.-L., Guézennec, P. (2015). Les conseils locaux de santé mentale : « Décloisonner, verbe actif ». In : C. Hazif-Thomas & C. Hanon (dir.), Profanes, soignants et santé mentale : quelle ingérence ? Montrouge : Doin. Revue L’Encéphale (2010). Numéro thématique Santé Mentale en Population générale, 36(3, supp. 1), 1-64. Askevis-Leherpeux, F., Crétin, A., Genin, M., Schiaratura, L.T., Hofer, B. (2015). Lay theories on the role of biomedicalization in the exclusion of depressed people. Journal of Social and Clinical Psychology, 34(4), 290-303. Sider, C., Kacha, F., Benradia, I., Roelandt, J.-L., Mouchenik, M. (2015). De la stigmatisation à l’exclusion de la personne désignée comme malade mentale en Algérie. Perspectives Psy, 54(2), 142-147.

11h20–11h50

Entendeurs de voix : retour d’expérience par Damien Quenson (Centre Médico-Psychologique de Lunéville)

En mars 2012, un groupe « d’entendeurs de voix » a vu le jour à l’Unité de Psychologie Médicale de Lunéville, un service d’hospitalisation pour adultes rattaché au Centre Psychothérapique de Nancy situé à Laxou (54). Mais en quoi consistent ces groupes? En quoi peuvent-ils nous intéresser, professionnels du soin ou non ? Nous échangeons autour de l’entente de voix une fois par semaine, durant deux heures. Notre rôle de soignant se limite à l’heure actuelle à organiser ces temps de rencontre et favoriser une atmosphère de sécurité et de confiance. Les entendeurs de voix font le reste et détiennent le premier rôle. Ils échangent, se soutiennent et s’encouragent…

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Le groupe est libre de participation. Il est un dispositif transitoire dans la vie de la personne. Les sujets sont variés mais reviennent souvent les sentiments de culpabilité et de mauvaise estime de soi, la honte, le sentiment d’impuissance, le vécu familial, la solitude… Quatre ans après la mise en place de notre groupe, les bénéfices rencontrés sont flagrants. Pour la majorité, les voix sont encore présentes mais plus canalisables. Pour d’autres, les voix sont atténuées ou ont disparues. Les entendeurs reprennent leur vie en main et comprennent que les voix ne décident pas. La perception de leur propre situation et de leur vécu se trouve modifiés et c’est bien-là le résultat attendu de ces groupes. Vivre avec ses voix n’est pas forcément source de mal-être. Damien Quenson est infirmier au Centre Médico Psychologique de Lunéville,

membre du groupe d’entendeur de voix de Lunéville depuis mars 2012. Baker, P. (2011). La voix intérieure. Guide pratique à l’usage (et au sujet) des personnes qui entendent des voix.

Port of Ness : P & P Press.

Session 3 : Des maux en quête de remèdes

13h40-14h10

Les expériences exceptionnelles, au cœur de la clinique ou à ses marges ?

par Renaud Evrard (Université de Lorraine) Il est connu depuis longtemps que des personnes font des expériences qu’elles interprètent de façon paranormale : sortie du corps, expérience de mort imminente, transmission de pensées, observation de fantômes ou d’ovni, etc. On sait également, depuis la fin du XIXe siècle, qu’un nombre important d’individus issus de la population générale font l’une de ces expériences au moins une fois au cours de leur vie (Evrard, 2014). Or, même si ce n’est pas systématique, ces vécus hors normes peuvent mettre en difficulté ou s’associer à des problématiques psychopathologiques. Vers qui se tourner lorsqu’on a besoin d’aide pour une telle expérience ? L’adhésion à des systèmes de croyance paranormale pousse souvent à aller voir du côté des dispositifs alternatifs : voyants, médiums, groupes spirituels, etc., qui renforcent ces interprétations et peuvent même engendrer des formes d’addictions (Grall-Bronnec et al., 2015). Mais, depuis quelques temps, une offre spécialisée a été développée au niveau international : la clinique des « expériences exceptionnelles » (Kramer, Bauer, & Hövelmann, 2012). Celle-ci propose une « thérapie normale » (associée aux divers courants psychothérapeutiques) à des désordres perçus comme « paranormaux ». Elle s’appuie sur une connaissance des travaux dans le champ de

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la parapsychologie et de la psychologie anomalistique, tout en s’en dégageant par une visée clinique centrée sur le point de vue subjectif du patient. Une telle offre a-t-elle sa place aux marges de la clinique ? Des chercheurs explorent désormais la place des expériences exceptionnelles au sein même des dispositifs cliniques conventionnels (Roxburgh & Evenden, 2016a, 2016b). Il en ressort un paradoxe : pour accueillir ce matériel clinique si particulier, il ne serait nul besoin d’une pratique spécifique. Tout clinicien serait susceptible d’en croiser, mais rares sont ceux qui fondent leur prise en charge sur une approche éclairée scientifiquement. Or, en s’appuyant sur les discussions sur la place des hallucinations et des délires dans les classifications des maladies mentales, on peut convoquer des alternatives au diagnostic de « schizophrénie » et à ses avatars (Evrard, 2014). Si bien que la clinique des expériences exceptionnelles semble conduire, au prix d’une analyse différentielle ne confondant pas expériences du déréel et psychose, à repenser la clinique conventionnelle. Renaud Evrard est maître de conférences en psychologie à l’Université de Lorraine, co-fondateur du Centre d’Information, de Recherche et de Consultation sur les Expériences Exceptionnelles. Evrard, R. (2014). Folie et Paranormal. Vers une clinique des expériences exceptionnelles. Rennes : Presses

Universitaires de Rennes. Grall-Bronnec, M., Bulteau, S., Victorri Vigneau, C., Bouju, G., & Sauvaget, A. (2015). Fortune telling

addiction: Unfortunately a serious topic. About a case report. Journal of Behavioral Addictions, 4(1), 27-31.

Kramer, W.H, Bauer, E., Hövelmann, G.H. (2012, dir.). Perspectives of clinical parapsychology. An Introductional Reader. Utrecht : HGBF.

Roxburgh, E.C., Evenden, R.E. (2016a). ‘They daren’t tell people’ : therapists’ experiences of working with clients who report anomalous experiences. European Journal of Psychotherapy and Counseling. DOI: 10.1080/13642537.2016.1170059

Roxburgh, E.C., Evenden, R.E. (2016b). ‘Most people think you’re a fruit loop’: Clients’ experiences of seeking support for anomalous experiences. Counseling & Psychotherapy Research. DOI: 10.1002/capr.12077

14h10-14h40

Les recours aux soins non conventionnels pour les « maux de femmes » : quête de sens et redéfinition des identités de genre

par Clara Lemonnier (Université de Bordeaux) Entre anthropologie de la maladie, de la santé et du genre, ma thèse (soutenue en juin 2016) porte sur les caractéristiques et les dynamiques du pluralisme thérapeutique dans le domaine des maux de femmes, catégorie opératoire regroupant les troubles perçus comme féminins par les soignants ou par les femmes, dans une région rurale française. Les maux liés à l’anatomie féminine mais aussi la dépression, la mélancolie ou la déprime ont été régulièrement cités comme tels lors des entretiens. La thèse analyse la pluralité de l’offre locale de soins –biomédicaux, non conventionnels (Cohen, Rossi, 2011), domestiques (Saillant, 1999) – ainsi que les logiques de recours développées par les femmes au cours de leurs itinéraires

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thérapeutiques. Cette communication éclaire, parmi les logiques de recours aux soins non conventionnels, celles qui répondent à une demande d’écoute, de soutien psychologique et à une quête de sens face à la maladie ou au mal-être. De nombreux thérapeutes produisent des interprétations étiologiques permettant d’intégrer les maux dans les trajectoires biographiques des patientes, en proposant de comprendre « le message porté par la maladie ». Les procédés thérapeutiques engagent souvent une quête de soi, perçue comme le moyen de se prémunir des déséquilibres émotionnels à l’origine des problèmes de santé (Ghasarian, 2006 ; Raineau, 2011). Dans le cadre des soins aux « maux de femmes », l’ethnographie relève des interprétations qui, par la réification ou par la réinvention des normes de genre (Froidevaux-Mettérie, 2015), viennent questionner leurs « identités en tant que femmes » et participent à une redéfinition de soi et de la capacité d’agir (agency). Clara Lemonnier est docteur en anthropologie à l’Université de Bordeaux. Cohen, P., & Rossi, I. (2011). Anthropologie des soins non-conventionnels du cancer. Introduction du

numéro thématique. In : P. Cohen, I. Rossi (dir.), Le pluralisme thérapeutique en mouvement, Anthropologie & Santé, no 2.

Froideveaux-Metterie, C. (2015). La révolution du féminin. Paris : Gallimard. Ghasarian, C. (2006). Réflexions sur les rapports entre le corps, la conscience et l’esprit dans les

représentations et pratiques néo-chamaniques. In : O. Schmitz (dir.), Les médecines en parallèle. Multiplicité des recours au soin en Occident (pp. 139-171). Paris : Karthala.

Raineau, C. (2011). La pratique de l’hypnose, de la visualisation ou de l’autohypnose par des personnes atteintes d'un cancer : une transformation de soi ? Anthropologie & Santé, Revue internationale francophone d'anthropologie de la santé, n° 2, URL : https://anthropologiesante.revues.org/666 (consulté le 25/10/2015).

Saillant, F. (1999). Femmes, soins domestiques et espace thérapeutique. Anthropologie et sociétés, 23(2), 15-39.

14h40-15h10

La prise en charge des troubles psychiques par l’alimentation. Quelle place pour le psychologue ?

par Mélanie Laurent (Université de Lorraine) Malgré les méthodes et les techniques qui n’ont de cesse d’évoluer en matière de soins, nous observons actuellement un fossé qui se creuse entre le patient et son praticien, avec une tendance croissante des individus à se diriger vers l’alimentation, en complément ou en remplacement des prises en charges médicales, psychiatriques ou psychologiques conventionnelles. L’adage du médecin-chirurgien Hippocrate « Que ta nourriture soit ton médicament » (Ve siècle avant notre ère) nous surprend par sa modernité. En matière de culture alimentaire, nous sommes soumis de nos jours à un regain d’idéologies concurrentes et parfois contradictoires sur la santé, en témoignent les nombreuses références actuellement disponibles sur la façon de consommer notre alimentation : régime Dukan, méthode Seignalet, méthode Kousmine, régime Paléo, micronutrition, chrononutrition, intérêt des oméga 3, risques associés au gluten et aux laitages. Il est difficile de savoir si nous accordons une importance disproportionnée à l’alimentation par rapport à son importance

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réelle sur la santé, mais nous constatons que nos patients y sont sensibles, certains même semblent y puiser bon nombre de bénéfices. Aussi, nous avons passé la plupart des méthodes susmentionnées en revue, en nous intéressant aux résultats obtenus dans le champ de la santé mentale et avons constaté un nombre grandissant de publications scientifiques qui opèrent des corrélations positives entre l’intestin et son rôle dans l’apparition de pathologies psychiques, suggérant par la même que l’alimentation est peut-être un élément clef à prendre en considération dans nos prises en charges psychologiques, et non à exclure systématiquement. Nous savons désormais que le microbiote intestinal est en mesure d’être endommagé par de nombreux facteurs, tels que l'utilisation d'antibiotiques, le stress, le vieillissement, les mauvaises habitudes alimentaires et le mode de vie (Gerristen et al., 2011 ; Woodmansey, 2007). Ces facteurs sont ciblés comme désorganisateurs du microbiote et sont dorénavant largement suspectés dans la pathogenèse de l’autisme, de la schizophrénie ainsi que de la dépression (Zhang et al., 2015 ; Parracho et al., 2005). Les recherches sur la fermentation intestinale nous permettent de faire des liens considérables entre les infections du tube digestif et ces pathologies, et nous exhortent à questionner la place du psychologue à la lumière de ces nouvelles découvertes. Comment le psychologue clinicien – déjà habitué à la question du corps et de l’aliment à travers par exemple la prise en charge des troubles du comportement alimentaire – peut-il se positionner sur ces questions ? Peut-il avoir une mission de conseil, d’orientation, d’écoute ou encore de mesure de ces phénomènes ? D’une façon plus générale, le travail du psychologue peut-il s’élargir au secteur de l’alicamentation qui semble tant profiter au patient ? Mélanie Laurent est psychologue clinicienne, docteure en psychologie et ATER à l’Université de Lorraine, au sein du Laboratoire Interpsy. Gerritsen, J., Smidt, H., Rijkers, G. T., & de Vos, W. M. (2011). Intestinal microbiota in human health

and disease: the impact of probiotics. Genes & nutrition, 6(3), 209-240. Parracho, H. M., Bingham, M. O., Gibson, G. R., & McCartney, A. L. (2005). Differences between the

gut microflora of children with autistic spectrum disorders and that of healthy children. Journal of medical microbiology, 54(10), 987-991

Woodmansey, E. J. (2007). Intestinal bacteria and ageing. Journal of applied microbiology, 102(5), 1178-1186.

Zhang, Y. J., Li, S., Gan, R. Y., Zhou, T., Xu, D. P., & Li, H. B. (2015). Impacts of gut bacteria on human health and diseases. International journal of molecular sciences, 16(4), 7493-7519.

Session 4 : Guérisseurs et voyants : de nouveaux psys ?

15h40-16h10

La santé mentale des victimes de sorcellerie dans la Lorraine du XXIe siècle

par Déborah Kessler-Bilthauer (Université de Lorraine)

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Cette communication se propose de traiter des conceptions de la santé mentale et de ses affections à travers le prisme de la sorcellerie en Lorraine contemporaine. Une riche enquête ethnographique faite d’une cinquantaine d’entretiens et de plusieurs dizaines d’observations a été menée dans la région pour saisir les idées relatives au monde des guérisseurs-désenvoûteurs. Ces thérapeutes non conventionnels détiennent et défendent des compétences sur le corps, le mal-être, la maladie et le malheur, et les appliquent régulièrement dans des rituels magico-thérapeutiques, notamment de désenvoûtement. Plus accessibles du point de vue des informateurs que les psychologues et les psychiatres, ils sont parfois les spécialistes du traitement des symptômes psychiques nés dans un contexte de sorcellerie. Les désenvoûteurs et leur clientèle s’accordent à penser que l’ « esprit », le psychique, comporte une dimension énergétique qui anime les corps du dedans et qu’à ce titre, il peut être manipulé, fragilisé ou même subtilisé par les voie de la sorcellerie. La santé mentale est dans ce contexte un objet de vulnérabilité dans le sens où le sorcier la prendra pour cible dans ses attaques. Touché par ces assauts maléfiques, la « victime » peut déclarer par exemple, des épisodes dépressifs, des insomnies persistantes, des sensations « inexpliquées » de profonde tristesse, une irritabilité intense, etc. Les caractères dits mystérieux de ces symptômes du point de vue des individus qui se refusent à consulter un psy peuvent être interprétés comme la conséquence d’un acte maléfique perpétré par un sorcier ou une sorcière capable de méfaits grâce au pouvoir de son regard, de sa pensée, de sa parole et de ses livres noirs. Les composantes de la prise en charge de ces troubles qui affectent la santé mentale par les guérisseurs-désenvoûteurs seront détaillées pour envisager les manières dont la psyché est pensée, vécue et ressentie dans sa vulnérabilité. En proposant une interprétation inédite et originale du mal qui envahit son client, le guérisseur-désenvoûteur devient le seul expert capable de le soulager et le libérer de cette situation qu’il vit négativement. Déborah Kessler-Bilthauer est docteur en ethnologie, membre du Laboratoire Lorrain de Sciences Sociales (2L2S) à l’Université de Lorraine. Favret-Saada, J. (1977). Les mots, la mort, les sorts. Paris : Gallimard. Kessler-Bilthauer, D. (2013) Guérisseurs contre sorciers dans la Lorraine du XXIe siècle. Metz : Éditions

Serpenoise. Kessler-Bilthauer, D. (2016). L’infertilité dans le contexte de sorcellerie : représentations et prises en

charge rituelles dans la Lorraine du XXIe siècle. In : S. Gottot, M. Teixeira (dir.), Regards croisés sur la santé et la maladie. Recherches anthropologiques, recherches cliniques (pp. 231-247). Paris : Editions des Archives contemporaines.

Raineau, C. (2013). Au pays des guérisseurs : malades, médecins et guérisseurs en Auvergne aujourd’hui. Clermont-Ferrand : Editions des Monts d’Auvergne.

Schmitz, O. (2006). Soigner par l’invisible. Enquête sur les guérisseurs aujourd’hui. Paris : Imago.

16h10-16h40

Transfert de pensée, intersubjectivité et symbolisation : de la consultation de voyance à la consultation psy

par Thomas Rabeyron (Université de Nantes)

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Journée d’étude « Sur le divan des guérisseurs… » – Résumés des communications 11

La voyance est un phénomène social particulièrement répandu, ce qui interroge les raisons pour lesquelles une part importante de la population choisit ainsi régulièrement de se rendre au sein de ce type de « dispositif » (Laplantine et Rabeyron, 1987). Il existe pourtant, paradoxalement, relativement peu de travaux visant à étudier le contenu des consultations de voyance. Nous proposerons lors de cette communication les résultats d’une étude lors de laquelle nous avons pu travailler avec un voyant de manière à obtenir des enregistrements de séances avec l’accord de certains de ses consultants. Il nous a ainsi été ainsi possible d’étudier les raisons pour lesquelles les consultants se rendaient chez le voyant, la thématique de leurs interventions, leurs interactions avec le voyant, les interventions de ce dernier et de manière plus globale le déroulé de la consultation de voyance. Certains entretiens ont également pu être menés dans l’après-coup auprès de certains des consultants de manière à recueillir leur vécu. Le même travail a été effectué auprès du voyant ce qui a permis de mieux saisir sa conception de son exercice. Il semble ainsi, au-delà des pratiques de la voyance qui se résument au charlatanisme et à l’escroquerie, que la voyance opère comme un dispositif anthropologique spécifique dans la culture occidentale qui mérite l’attention des cliniciens de sa part sa prégnance et son originalité dans le champ social. Ce dispositif de recherche a été utilisé de manière plus globale pour interroger les différences entre le « transfert de pensée » et les « pensées de transfert » telles qu’elles sont habituellement utilisées et analysées par les cliniciens d’orientation psychanalytique. Plus largement, cette réflexion nous a conduits à une étude différentielle et comparée entre le dispositif du voyant et celui du clinicien. Quelles sont leurs différences ? Quels sont leurs points communs ? Ces réflexions ont notamment pour origine les premiers textes rédigés sur le transfert de pensée de Freud et Ferenczi (Evrard et Rabeyron, 2012 ; Rabeyron et Evrard, 2012), qui avaient également travaillé avec plusieurs voyants. Il semble ainsi exister au cœur même du positionnement clinique d’orientation psychanalytique des « restes » de ces premières observations. Il s’agit donc d’obtenir, par un effet de contraste, les particularités du dispositif clinique en le comparant à d’autres dispositifs de « soin psychique ». Nous avons en particulier étudié ces questions du point de vue des logiques de l’associativité et de la symbolisation, dans la continuité d’un certain nombre d’hypothèses issues du champ de la clinique des expériences exceptionnelles (Evrard, 2014 ; Rabeyron, Chouvier & Le Maléfan, 2010). Plus précisément, dans quelle mesure la consultation de voyance obéit-elle à une forme d’associativité particulière en rapport de la consultation psy ? Est-elle par exemple plus « condensée » dans le temps étant donné qu’elle ne se produit habituellement que de manière plus anecdotique ? Autre questionnement qui sera abordé lors de cette communication : la consultation de voyance peut-elle produire du changement et relancer les processus de symbolisation ? Si tel est cas, quelles en sont les spécificités ? Thomas Rabeyron est psychologue clinicien et Maître de conférences en psychologie clinique à l’université de Nantes, membre du laboratoire de psychologie des pays de la Loire (LPPL) et membre honoraire de recherche à l’université d’Edimbourg. Ses

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Journée d’étude « Sur le divan des guérisseurs… » – Résumés des communications 12

recherches portent notamment sur la clinique des expériences exceptionnelles et plus largement sur les processus de symbolisation et leur modélisation par le biais des neurosciences cognitive et de la métapsychologie psychanalytique. Evrard, R. (2014). Folie et paranormal : vers une clinique des expériences exceptionnelles. Rennes : Presses

Universitaires de Rennes. Evrard, R., Rabeyron, T. (2012). Les psychanalystes et le transfert de pensées. L’Evolution Psychiatrique,

77(4), 589-598. Laplantine, F., & Rabeyron, P.-L. (1987). Les médecines parallèles. Paris : PUF, coll. « Que sais-je ? ». Rabeyron, T., Chouvier B., Le Maléfan P. (2010), Clinique des expériences exceptionnelles : du trauma

à la solution paranormale. L’Evolution Psychiatrique, 75(4), 633-653. Rabeyron, T. (2015). Associativité, symbolisation et entropie : propositions théoriques et cliniques.

Annales Médico-Psychologiques, 173(8), 649-658. Rabeyron, T., Evrard R. (2012). Perspectives historiques et contemporaines sur l’occulte dans la

correspondance Freud-Ferenczi. Recherches en Psychanalyse, n°13, 97-111.

16h40-17h10

Les signadori et leurs patients : le « don de guérison » entre modernité et tradition

par Eve-Emmanuelle Schmitt (Université de Strasbourg) En Corse, les signadori perpétuent des gestes et prières de guérison. Ils combattent le Mauvais OEil, ce désir d’un autre qui assujetti le sujet, nécessitant l’intervention d’un tiers pour réinstaurer l’ordre. Cette recherche clinique propose un abord ethnopsychanalytique du « don de guérison », avec une approche qualitative et une démarche idiographique. Des témoignages de guérisseurs et de leurs patients ont été recueillis sur le terrain puis traités à l’aide d’une Analyse Interprétative Phénoménologique (IPA). Elle vise à comprendre le sens du symptôme et sa charge affective, sa place dans l’histoire du sujet en fonction du contexte social, tout en considérant la recherche elle-même comme un processus dynamique. Des interprétations métapsychologiques seront proposées sur le « don », à la fois signifiant de pouvoir et système d’appréhension de l’altérité. Il aurait aussi une fonction sinthomale, « suturant » la structure là où le sujet aurait vécu une expérience traumatique précoce. Le guérisseur occupe une « niche culturelle » qui lui permettrait d’être réinséré dans le « monde des vivants », au prix d’une dette le vouant à aider les autres en retour. Face au pouvoir biomédical, ces praticiens oeuvrent aujourd’hui dans l’ombre, ne revendiquant que très peu de « savoir positif ». De leur côté, les patients n’adhèrent souvent que partiellement aux discours et aux croyances des guérisseurs. Ils vivent des situations complexes, partagés entre rationalisme, désir de croire, besoin d’identification, effets de discours contradictoires, etc. Ève-Emmanuelle Schmitt est doctorante en psychologie à l’Université de Strasbourg, avec une thèse sur les guérisseurs traditionnels corps sous la direction de Hossaìn Bendahman. Arènes, J. (2010). La création de rites de subjectivation à l’adolescence. Adolescence, n°73, 581-596.

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Journée d’étude « Sur le divan des guérisseurs… » – Résumés des communications 13

Bertrand Rousseau, P. (1978). Ile de Corse et magie blanche : étude des comportements magico-thérapeutiques. Paris : Publications de la Sorbonne.

Pietri, J., Angelini, J.-V. (1994). Le Chamanisme en Corse ou la Religion du Néolithique. Paris : L’Originel. Róheim, G. (1967). Psychanalyse et anthropologie. Paris : Gallimard. Róheim, G. (1972). Origine et fonction de la culture. Paris : Gallimard. Smith, J.A., Eatough, V. (2006). Interpretative phenomenological analysis. In : G. Breakwell, C. Fife-

Schaw, S. Hammond, & J.A. Smith (dir.), Research Methods in Psychology, 3rd Edition (pp. 232-253). London : Sage.

Smith, J.A., Osborn, M. (2003). Interpretative phenomenological analysis. In : J.A. Smith (dir.), Qualitative Psychology: A practical guide to research methods (pp. 51-80). London : Sage.

17h10-17h30

Essai de synthèse de la journée par Paul-Louis Rabeyron (Université Catholique de Lyon)

Il va s’agir, dans cette intervention, de dire quelques mots à partir d’une expérience et d’une recherche personnelle qui recoupe à plusieurs titres les thèmes abordés tout au long de cette journée, des médecines dites parallèles à la voyance, en passant par l’exorcisme et les expériences exceptionnelles. Ceci ne nous conduira pas à une synthèse impossible, mais consistera plutôt, en réaction aux différents exposés, à en dégager quelques questions essentielles. Celles-ci s’organiseront principalement autour de trois axes : historique - quelles nouveautés dans la recherche autour des soins alternatifs ? -, épistémologique - quelle rationalité pour les aborder au mieux ? - et anthropologique, au sens le plus large du terme - qu’apprenons-nous sur l’homme en s’approchant des théories et pratiques non conventionnelles ? Paul-Louis Rabeyron est médecin, pédopsychiatre des hôpitaux et directeur médical d’un CMPP sur Lyon. Il est également responsable d’enseignement à l’Université Catholique de Lyon et membre du Comité directeur de l’IMI (Institut Métapsychique International). Il s’intéresse depuis plus de trente ans aux questions abordées dans ce colloque. Laplantine, F. (1985, dir.). Un voyant dans la ville. Paris : Payot. Laplantine, F., & Rabeyron, P.-L. (1987). Les médecines parallèles. Paris : PUF, coll. « Que sais-je ? ». Rabeyron, P.-L. (1993). Les médecines dites parallèles, entre sciences et traditions. In : Collectif, La

pensée scientifique et les parasciences (pp. 89-102). Paris : Albin Michel. Rabeyron, P.-L. (2004). Croire ou ne pas croire en la voyance : enjeux de savoirs, enjeux de pouvoirs.

In : B. Méheust, P.-L. Rabeyron, M. Zafiropoulos (dir.), Le mythe : pratiques, récits, théories, vol. 3 : voyance et divination. Paris : Economica.

Wallon, P., Mesmin, C., Rabeyron, P.-L. (2000, dir.). Guérir l’âme et le corps. Paris : Albin Michel.