PANORAMA DE PRESSE - Syndicat National CGT Finances … · 2018-01-22 · CGT Panorama réalisé...
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PANORAMA DE PRESSE
18/01/2018 08h20
CGT
Panorama réalisé avec Pressedd
SOMMAIRE
SYNDICALISME(1 article)
jeudi 18 au mercredi 24janvier 2018
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ACTUALITE SOCIALE(8 articles)
jeudi 18 au mercredi 24janvier 2018
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jeudi 18 au mercredi 24janvier 2018
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La chasse aux militants continue Les affaires de militantssyndicaux poursuivis par la justice s'accumulent. (270 mots)
La chasse aux militants continue Les affaires de militants syndicaux poursuiv…
L'opération déminage a tourné court. La direction de Carrefourcomptait annoncer (1498 mots)
L'opération déminage a tourné court. La direction de Carrefour comptaitannoncer à ses salariés un plan de restructuration …
PSA est en passe d'être le premier groupe à réaliser unerupture conventionnelle (739 mots)
PSA est en passe d'être le premier groupe à réaliser une rupture conventionnellecollective (RCC), dispositif instauré par …
Il y a les 120 repris par le groupe GMD dans une usinerebaptisée LSI (La Souterraine Industrie), (365 mots)
Il y a les 120 repris par le groupe GMD dans une usine rebaptisée LSI (LaSouterraine Industrie), qui quatre mois après tou…
(1) Pour la France métropolitaine. Chômage. L'art de compter,ou de ne pas compter... (872 mots)
(1) Pour la France métropolitaine. Chômage. L'art de compter, ou de ne pas co…
(*) économiste et syndicaliste. La chronique de Jean-Christophe Le Duigou (*) En finir avec (615 mots)
(*) économiste et syndicaliste. La chronique de Jean-Christophe Le Duigou (*)…
jeudi 18 au mercredi 24janvier 2018
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jeudi 18 janvier 2018Page 17
jeudi 18 janvier 2018Page 20
RÉFORME DU CODE DU TRAVAIL(1 article)
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PROTECTION SOCIALE(1 article)
jeudi 18 janvier 2018
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MOUVEMENTS SOCIAUX(1 article)
jeudi 18 au mercredi 24janvier 2018
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Pour des informations pratiques : service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15504 Compte pénibilité (822 mots)
Pour des informations pratiques : service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15504…
Cogestion : les socialistes veulent ouvrir les boîtes aux salariés(1489 mots)
«Chiche !» C’est en substance le défi lancé aux députés socialistes à leurscollègues de la majorité, ce jeudi, en défendan…
Unédic : une négociation minée par les doutes (1163 mots)
Ce sont des estimations, à manier avec prudence, mais elles ne peuvent queconforter les réticences des partenaires sociaux…
Casse sur ordonnances dans le commerce (814 mots)
Depuis l'entrée en vigueur des ordonnances Macron, le patronat dispose de toutun arsenal pour supprimer postes et acquis s…
Souffrance psychique au travail, un mal masqué (427 mots)
«Surcharge de travail, injonctions paradoxales, horaires décalés, réductions depersonnel…» liste Marine Jeantet, directric…
McDo, Holiday Inn, Areva, hôpitaux bravo aux marathoniensde la grève « Il y a eu moins (376 mots)
McDo, Holiday Inn, Areva, hôpitaux bravo aux marathoniens de la grève « Il y …
EUROPE ET INTERNATIONAL(3 articles)
jeudi 18 janvier 2018 Page 30
jeudi 18 au mercredi 24janvier 2018
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jeudi 18 janvier 2018 Page 33
Au pied des montagnes de Tataouine, la quête d'une autre vie(1392 mots)
La blancheur immaculée du minaret incliné de la mosquée des Sept-Dormantsdomine la montagne de Chenini. Sur ces hauteurs a…
HD. La Tunisie a connu plusieurs nuits consécutivesd'affrontements entre manifestants et forces (779 mots)
HD. La Tunisie a connu plusieurs nuits consécutives d'affrontements entremanifestants et forces de l'ordre à la suite d'un…
Fronde sociale pour la défense du droit de grève (614 mots)
La « gouvernance de rupture » dont le président, Patrice Talon, veut faire samarque de fabrique depuis son investiture, le…
SYNDICALISME
5
La chasse aux militants continue Les affaires de militants syndicaux poursuivispar la justice s'accumulent.
jeudi 18 au mercredi 24 janvier 2018Page 18
270 mots
ECO-SOCIAL
L a chasse aux militants continue
Les affaires de militants syndicaux
poursuivis par la justice s'accu-
mulent. A chaque fois, les faits re-
prochés prêteraient presque à sourire
si l'enjeu n'était pas aussi grave. Phi-
lippe Poutou et deux syndicalistes
CGT de l'usine Ford de Blanquefort
ont contesté en appel avoir commis
des dégradations sur le stand de la
marque lors d'un salon de l'auto en
2012. Leur « crime » : avoir lancé des
confettis, posé des autocollants et
être montés sur le capot d'une voi-
ture. Les amendes requises en pre-
mière instance ne sont pas très éle-
vées, mais elles signifieraient une
inscription dans le casier judiciaire.
Autre dossier, le jugement en appel
de Philippe Christmann, cadre de la
CGT construction, poursuivi pour
avoir projeté de la peinture sur le
siège de la Fédération du bâtiment.
Le militant a été notamment soute-
nu, lors de l'audience, par Philippe
Martinez (CGT), Gérard Filoche et
éric Coquerel (FI). Enfin, Loïc Cani-
trot, militant syndical et membre de
la compagnie Jolie Môme, est accusé
d'avoir « agressé » l'un des respon-
sables sécurité du Medef, lors de l'oc-
cupation du siège du patronat en juin
2016. Une journée de mobilisation
est prévue devant le palais de justice
de Paris, le 25 janvier, dont les mots
d'ordre sont : « Pour la relaxe de Loïc
», « Contre les répressions politiques
» et « Pour la séparation du Medef et
de l'état ». ■
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
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Parution : Hebdomadaire
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ACTUALITE SOCIALE
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L'opération déminage a tourné court. La direction de Carrefour comptaitannoncer
jeudi 18 au mercredi 24 janvier 2018Page 14
1498 mots
ECO-SOCIAL
L 'opération déminage a tourné
court. La direction de Carrefour
comptait annoncer à ses salariés un
plan de restructuration en décembre,
mais elle a préféré différer ses an-
nonces à fin janvier. De peur de
plomber l'image du groupe à la veille
de Noël ? Ou de gâcher les fêtes de
ses salariés ? Dans les deux cas, l'ob-
jectif est raté. La presse économique
bruisse de rumeurs au sujet d'une
purge éventuelle et se perd en spécu-
lations sur le nombre de postes sup-
primés. Quant aux salariés, ils ont eu
du mal à digérer leur dinde aux mar-
rons, malgré le report de l'annonce. «
La direction nous a pourri les va-
cances, peste Saliha, caissière à la
station-service du Carrefour de
Thiers (Puy-de-Dôme) depuis dix-
sept ans. Nos dirigeants jouent avec
nos nerfs, en distillant les informa-
tions au compte-gouttes. Les comités
d'entreprise ont informé les gens dès
novembre du projet d'automatiser
toutes les stations-service du groupe,
mais sans donner plus de détails. En
gros, on sait qu'on va perdre notre
poste, mais on ne sait pas quand, ni
ce qu'on va devenir. »
« vraiment omnicanal »
Alexandre Bompard, fringant
énarque au carnet d'adresses épais
comme le Bottin mondain, est arrivé
aux commandes du groupe en juillet,
avec une mission simple : faire grim-
per d'urgence le cours de Bourse. Il
doit donc annoncer un plan de trans-
formation radicale dans les semaines
à venir. En attendant le grand jour, il
se cantonne à des généralités, formu-
lées dans la novlangue managériale
de rigueur. Carrefour doit donc de-
venir « vraiment omnicanal » (c'est-
à-dire se développer sur Internet), «
réformer et adapter » ses hypermar-
chés, sans oublier de « simplifier son
organisation pour gagner en agilité ».
Amateurs de clarté, passez votre che-
min
Dans les couloirs, les rumeurs les
plus folles circulent. « Il y a une sorte
de psychose qui s'installe, s'alarme
Sylvain Macé, représentant CFDT.
Les gens sont extrêmement tendus.
On s'attend à des suppressions de
postes, sans avoir les moyens de les
évaluer. La direction ne joue pas la
transparence. »
A partir des maigres éléments fournis
par la direction et d'informations gla-
nées en interne, la CGT a tenté d'es-
timer la casse sociale à venir. 5
000 postes pourraient partir en fu-
mée, par différents biais : passage en
location-gérance de magasins jugés
insuffisamment rentables ; automa-
tisation des stations essence ; réduc-
tions d'effectifs dans les services ad-
ministratifs ; ou encore abandon de
certains rayons considérés comme
non prioritaires. Interrogée par l'«
HD », la direction n'a pas voulu com-
menter les chiffres avancés par la
CGT. Les autres syndicats du groupe
craignent aussi une réduction de la
voilure, mais se refusent à la chiffrer.
En attendant, 100 000 salariés se de-
mandent à quelle sauce ils vont être
mangés. Plusieurs mesures sont dans
les tuyaux, comme l'automatisation
des quelque 180 stations-service des
hypermarchés. La pilule risque d'être
d'autant plus amère que cette popu-
lation est fragilisée : en général, ce
sont des salariés esquintés par le tra-
vail, qui bossaient auparavant dans
les rayons avant d'être recasés là à la
suite d'une maladie professionnelle.
Saliha peut en témoigner. Avant d'at-
terrir à la station-service de Thiers,
elle travaillait dans un rayon créme-
rie du groupe. Son dos n'a pas résisté
: « Je faisais lumbago sur lumbago,
à force de porter des caisses de fro-
mage et de tirer des palettes de mar-
chandise, le tout dans le froid et à
des cadences intenables. Mon méde-
cin m'a prévenue : Changez de poste,
ou vous finissez avec une hernie dis-
cale. Ça n'a pas loupé, malgré le
changement de poste. J'ai été arrêtée
huit mois, j'ai souffert le martyre. Et
on a fini par m'envoyer dans une sta-
tion-service du groupe. Ça m'allait
bien Jusqu'à aujourd'hui. »
Saliha se demande ce que la direction
va lui proposer si son poste saute : «
Dans les stations, vous ne trouverez
pratiquement que des gens avec des
restrictions médicales, qui ne
peuvent pas soulever de charges trop
lourdes, ou rester debout longtemps
Où est-ce qu'on va les envoyer ? »
Les inquiétudes sont les mêmes d'un
bout à l'autre de l'Hexagone, quel que
soit le type de magasin. Caissière en
hyper dans la banlieue de Mulhouse,
Valérie prend l'air avec ses collègues,
avant de retourner travailler. « On
flippe, résume-t-elle simplement. On
flippe pour nos places. Retrouver du
travail dans le contexte actuel, c'est
coton. J'ai un bac professionnel se-
↑ 8
crétariat, mais je n'ai jamais pu trou-
ver un poste dans ma branche. » Va-
lérie redoute d'être obligée de chan-
ger de service en cas de restructu-
ration : « J'adore le contact avec les
clients, c'est pour ça que je veux res-
ter à la caisse. Aller travailler dans
les rayons, cela signifie se lever à 4
heures du matin et parler à trois per-
sonnes dans toute la journée. Ce
n'est pas mon truc »
60 % prêts à débrayer
Parmi les réjouissances à venir, la di-
rection a déjà annoncé en CCE (comi-
té central d'entreprise) son intention
de passer au moins cinq hypermar-
chés en location-gérance. Dans ce
type d'opération, la gestion du ma-
gasin est confiée à un repreneur, le
locataire-gérant, qui exploite le ma-
gasin contre le paiement d'une rede-
vance. Pour le groupe, c'est tout bé-
nef, puisqu'il externalise les pertes
éventuelles tout en préservant son
volume de ventes (et donc ses capa-
cités de négociation avec les fournis-
seurs). Pour les salariés, en revanche,
c'est la purge : les repreneurs ne sont
pas tenus d'appliquer les accords col-
lectifs de Carrefour, mais seulement
les minima de branches du secteur,
bien moins avantageux.
Dans un document interne, la direc-
tion a chiffré elle-même la baisse de
rémunération moyenne pour un sala-
rié. Dans sa simulation, de nombreux
avantages passent à la trappe inté-
ressement, Tickets-Restaurant, etc.
A l'arrivée, le manque à gagner re-
présente 1 900 euros par an, soit plus
d'un mois de salaire ! Parmi les ma-
gasins dans le collimateur du groupe,
celui de Montluçon (Allier) se trouve
aux premières loges. Aussitôt connue
la décision du groupe, les salariés du
site ont débrayé, à la veille de Noël.
« Carrefour a déjà prospecté les can-
didats à la reprise, explique Didier
Blondet, délégué CGT du magasin. Ce
n'est pas l'exemple des Carrefour
Market franchisés qui va nous rassu-
rer ! Là-bas, ils perdent tous leurs
avantages : primes vacances, jours de
repos supplémentaires » Il n'est pas
évident que le basculement en loca-
tion-gérance passe comme une lettre
à la poste. « Les salariés sont très en
colère, reprend Didier. En décembre,
nous avons fait un sondage parmi les
équipes : 60 % voulaient débrayer. »
du côté des cadres
Colère pour les uns, fatalisme pour
les autres. Les cadres du groupe aussi
sont concernés par le plan de restruc-
turation à venir. Certains anticipent
déjà le plan de départs volontaires
qui pourra leur permettre de quitter
l'entreprise dans de bonnes condi-
tions : « Dans l'encadrement, il y a
toujours des candidats au départ, ré-
sume ce cadre du groupe. Ce n'est pas
le travail qui manque chez les
concurrents Et puis avec Carrefour
sur votre CV, ce n'est pas trop dif-
ficile pour un cadre de retrouver du
boulot ailleurs. »
Thierry Troin, cadre et représentant
CFDT, ne partage pas tout à fait la
même analyse. Chez lui, c'est davan-
tage l'amertume de l'« ancien » qui
domine : « Je suis entré à Carrefour
en 1989 comme employé, à l'époque
où le groupe n'avait que 60 magasins
en France et 20 en Espagne. Il y avait
une vraie politique de redistribution
des bénéfices. Depuis, Carrefour est
devenu une multinationale focalisée
sur sa logique financière, qui pense
moins à innover qu'à donner de l'ar-
gent à ses actionnaires. » Alexandre
Bompard, tout nouveau PDG, n'a pas
été nommé à la tête du groupe pour
faire autre chose
Chez Carrefour, rencontre avec des
salariés « au bord
de la psychose »
La direction du groupe Carrefour,
premier employeur privé de France,
doit annoncer un vaste plan de re-
structuration le 23 janvier. Alexandre
Bompard a été propulsé à la tête de
l'enseigne l'été dernier, avec pour
principal objectif de faire remonter le
cours de Bourse. En attendant, des
informations parcellaires sont distil-
lées en interne, mettant les 100
000 salariés sur les dents. La CGT es-
time que 5 000 postes pourraient être
supprimés ■
par Cyprien Boganda
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
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Parution : Hebdomadaire
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PSA est en passe d'être le premier groupe à réaliser une rupture conventionnelle
jeudi 18 au mercredi 24 janvier 2018Page 17
739 mots
ECO-SOCIAL
P SA est en passe d'être le premier
groupe à réaliser une rupture
conventionnelle collective (RCC),
dispositif instauré par les ordon-
nances Macron, qui permet de se sé-
parer de salariés sans justifier de dif-
ficultés économiques et, sous couvert
de départs « volontaires », de ne pas
procéder à un plan de sauvegarde de
l'emploi (PSE). Contrairement à la di-
rection de Pimkie qui a dû renoncer à
une RCC de 207 salariés, faute d'ac-
cord avec les organisations syndi-
cales, celle du constructeur automo-
bile est parvenue sans difficulté à
faire avaliser son plan de 1 300 dé-
parts par la CFDT, FO, la CFTC et la
CFE-CGC.
Seule la CGT a refusé de l'approuver.
« PSA vide les usines », accuse son
délégué syndical central, Jean-Pierre
Mercier, qui rappelle que, en cinq ans
« 25 000 CDI ont été détruits ». Dans
le même temps, la production de vé-
hicules n'a pourtant pas cessé d'aug-
menter, passant de 860 000 à plus
d'un million par an. Pour 2018, la di-
rection mise même sur 1,1 million de
véhicules. Un objectif inatteignable
sans un recours massif au travail pré-
caire. Aux 30 000 salariés en CDI qui
travaillent en production, s'ajoutent
8 000 intérimaires, pointe la CGT, qui
revendiqueleur embauche. « Peugeot
en a les moyens », insiste Jean-Pierre
Mercier. En 2017, PSA a réalisé 2,159
milliards d'euros de bénéfices. Les
actionnaires se sont partagé 431 mil-
lions d'euros de dividendes (0,48 euro
par action). En septembre 2017, le
groupe a aussi lancé un programme
de rachat de 6 millions de ses propres
actions. D'un montant total qui pour-
rait atteindre 180 millions d'euros,
cette opération a pour but soit de re-
distribuer les titres rachetés à des
cadres dirigeants, soit de les détruire
pour augmenter le dividende par titre
ou pour influencer à la hausse leur
cours en Bourse.
2 x 8 et 3 x 8 insupportables
De leur côté, les syndicats signataires
relativisent le recours à la RCC. «
Face à la concurrence, l'entreprise est
bien obligée de se restructurer en
fonction de ses besoins », plaide la
déléguée syndicale centrale CFDT,
Christine Virassamy. « La RCC ne fait
qu'offrir un cadre juridique sécurisé
aux plans de départs volontaires aux-
quels PSA a régulièrement recours »,
minimise-t-elle. CFDT et FO in-
sistent aussi sur le caractère « volon-
taire » des départs, même si elles re-
connaissent que la dureté des condi-
tions de travail peut susciter des can-
didatures. « Il est clair qu'on risque
de retrouver ceux qui ne supportent
plus de travailler en 2 x 8 ou en 3 x
8 », explique ainsi le délégué syndi-
cal central FO, Christian Lafaye. Pour
justifier leur signature, les deux syn-
dicats mettent en avant l'objectif af-
fiché par PSA de recruter, parallèle-
ment à la RCC, 1 300 CDI, même si,
concède le responsable FO, « ça reste
faible par rapport aux 8 000 à 10 000
intérimaires ». Surtout que, comme
le regrette son homologue CFDT, «
l'objectif de recrutement en produc-
tion n'est que de 400 personnes ».
Les syndicats signataires, qui avaient
jusqu'au 17 janvier pour apposer leur
paraphe à la RCC, l'ont fait sans sour-
ciller, bien qu'ils n'aient pas eu
connaissance de son contenu dé-
taillé, qui doit être communiqué
seulement le 19 janvier au comité
central d'entreprise. Pire encore,
l'instance n'aura sans doute pas
connaissance de la répartition éta-
blissement par établissement et mé-
tier par métier des postes supprimés.
Par le biais de son service de commu-
nication, PSA dit être « incapable de
la fournir tant que les volontaires ne
se seront pas manifestés » et assure
même ne pas s'être fixé d'objectifs.
Le doublement de l'indemnité com-
plémentaire incitative (huit mois de
salaire) pour les salariés d'Île-de-
France (sites de Poissy, Saint-Ouen
et La Garenne-Colombes) laisse pen-
ser le contraire !
En 2017, le constructeur a réalisé
2,159 milliards d'euros de bénéfices.
Mais il inaugure la rupture conven-
tionnelle collective, concoctée par
les ordonnances Macron, pour pous-
ser 1 300 personnes vers la porte en
2018. Seule la CGT s'y oppose.
PSA. Comment le lion dévore l'em-
ploi■
par Pierre-Henri Lab
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
4A98D3D38E605D0E05011F10B702B14B19D9106B046E0715D271094
Parution : Hebdomadaire
↑ 10
Il y a les 120 repris par le groupe GMD dans une usine rebaptisée LSI (LaSouterraine Industrie),
jeudi 18 au mercredi 24 janvier 2018Page 18
365 mots
ECO-SOCIAL
I l y a les 120 repris par le groupe
GMD dans une usine rebaptisée
LSI (La Souterraine Industrie), qui
quatre mois après tourne à 30 % de
ses capacités. Et il y a les 156 licen-
ciés, avec des indemnités indignes.
Mais les ex-GM & S restent pourtant
bien déterminés à continuer le com-
bat. Première victoire : le tribunal
administratif de Limoges a annulé, le
15 janvier, l'homologation du PSE
par les services du ministère du Tra-
vail, estimant insuffisante la motiva-
tion de leur décision. Il a condamné
la Direccte à verser au total 1 200 eu-
ros à la CGT et au CE. Certes le répit
est provisoire l'administration a
quinze jours pour revoir sa copie. Et
le tribunal est resté sur la forme, se
gardant de remettre en cause le bien-
fondé même du PSE, comme le de-
mandait l'avocat des salariés,
Me Jean-Louis Borie. Mais c'est déjà
ça ! Quant à l'avenir de LSI, les repré-
sentants des syndicats ont l'intention
de se faire entendre lors de la réunion
de suivi prévue le 23 janvier au mi-
nistère de l'économie, avec le repre-
neur, Alain Martineau, des représen-
tants de l'état, de la région, et de PSA
et Renault patrons de fait, puisqu'ils
sont les clients quasi exclusifs de
l'usine. A ce propos, la CGT et FO de
GM & S et LSI sollicitent une au-
dience auprès de Nicole Notat (ex-
dirigeante de la CFDT) et Jean-Do-
minique Sénard (patron de Michelin),
chargés par le gouvernement de
plancher sur le thème « entreprise et
intérêt général » avant la nouvelle loi
pacte censée revoir les règles en ma-
tière de responsabilité sociale des en-
treprises. Et si on en finissait avec
l'irresponsabilité des donneurs
d'ordres ?
Ex-GM & S, nouveaux LSI... toujours
unis et debout
Les métallos de La Souterraine
(Creuse), repris ou licenciés, conti-
nuent le combat et dénoncent les
responsabilités de PSA et Renault. ■
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
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Parution : Hebdomadaire
↑ 11
(1) Pour la France métropolitaine. Chômage. L'art de compter, ou de ne pascompter...
jeudi 18 au mercredi 24 janvier 2018Page 40
872 mots
ECO-SOCIAL
(1) Pour la France métropolitaine.
Chômage. L'art de compter, ou de ne
pas compter...
L'équipe Macron a abattu ses cartes
: contrôle renforcé des chômeurs et
publication des chiffres tous les tri-
mestres seulement. Depuis vingt ans,
face à un chômage de masse, dont
en fait ils s'accommodent, les divers
gouvernements sont passés maîtres
dans l'art de l'illusion statistique.
C'en est bientôt fini des fameux «
chiffres du chômage ». Soit le nombre
de demandeurs d'emploi inscrits à
Pôle emploi n'ayant pas travaillé du
tout au cours du mois concerné (ca-
tégorie A), scruté de près et abon-
damment commenté. Dernière livrai-
son le 24 janvier, pour les chiffres de
décembre. Pôle emploi et le minis-
tère du Travail ne publieront ensuite
que des données trimestrielles, «
sous un format rénové », annonce le
ministère sans plus de détails. Ainsi
en a décidé Muriel Pénicaud, au pré-
texte que les données mensuelles se-
raient trop volatiles, ce qui brouille-
rait la vue sur les tendances de fond.
Se focaliser sur les seules variations
mensuelles de la catégorie A n'a
certes pas beaucoup de sens. En
2008, le Conseil national de la statis-
tique avait d'ailleurs recommandé de
mieux prendre en compte l'ensemble
des inscrits tenus de rechercher du
travail : ceux qui n'ont pas travaillé
du tout (catégorie A), ceux qui ont eu
une activité réduite courte (catégo-
rie B, moins de 78 heures dans le
mois), et ceux qui ont exercé une ac-
tivité réduite plus longue (catégo-
rie C). Ce dont gouvernants et médias
n'ont pas vraiment tenu compte.
focale sur la catégorie a
Et pour cause. Un retour sur les don-
nées harmonisées des vingt dernières
années montre comment le chômage
a enflé (voir graphique). Le nombre
des inscrits à l'ANPE puis à Pôle em-
ploi tenus de faire des recherches
d'emploi (catégories A, B et C) est
passé de 3,743 millions en janvier
1996 à 5,611 millions en novembre
2017 (1). Les seules petites embellies
sont liées à la mise en place des 35
heures (autour de 2000-2002), et aux
pics de départs en retraite autour de
2006-2008 (génération des baby-
boomeurs), puis entre 2012 et 2017
(assouplissement des conditions de
départ en retraite anticipée pour les
carrières longues), conjugués en
2015-2016 à une légère baisse du
nombre de jeunes arrivant sur le
marché du travail. Si l'on ne retient
que les demandeurs de catégorie A,
les statistiques ont pu faire croire au
miracle : de 3,1 millions en 1996, les
chiffres sont tombés à 2,4 millions en
2002, et même 2 millions en 2008,
avant de remonter, mais presque
avec mesure (3,557 millions en jan-
vier 2016 ; 3,454 millions en no-
vembre 2017).
Les résultats des politiques de « flexi-
bilité » vendues sur le thème : licen-
cier plus facilement pour embaucher
plus se lisent en revanche dans l'ex-
plosion du nombre de précaires, al-
ternant chômage et petits boulots.
Soit les demandeurs de catégories B
et C, le plus souvent laissés dans
l'ombre. Ils étaient 620 900 en janvier
1996, soit 16,5 % du total des inscrits
tenus à des recherches d'emploi (ca-
tégories A, B et C). Ils sont au-
jourd'hui 2,157 millions, soit 3,5 fois
plus, et représentent 38 % du total.
Au sein de ces précaires, le nombre
de ceux ayant travaillé moins de 20
heures dans le mois précédent est
passé de 50 000 à 172 300 en vingt
ans, et celui de ceux ayant travaillé
moins de 40 heures de 121 200 à 378
900.
ficelles et radiations
Pour contenir « le » chiffre officiel,
les gouvernements successifs ont
aussi largement utilisé contrats ai-
dés, grands plans de formation et
autres ficelles. Une fois orientés dans
ces dispositifs, pas toujours très ef-
ficaces, ces chômeurs, dispensés de
recherche d'emploi, sont comptabi-
lisés en catégorie D (ceux en forma-
tion, en contrat de sécurisation pro-
fessionnelle après un licenciement
économique, de quoi lisser les effets
des plans sociaux, mais aussi les ma-
lades) et en catégorie E (en contrats
aidés, en création d'entreprise). Il y a
vingt ans, ces catégories comptaient
respectivement un peu plus de 150
000 et de 200 000 inscrits. En janvier
2017, plus de deux fois plus chacune
(335 000 et 424 400) reflet des ten-
tatives du gouvernement Hollande
pour inverser la courbe avant les
élections (plan 500 000 formations,
320 000 emplois aidés financés en
2017). Ajoutez un peu de zèle sur les
radiations (7 300 en avril 1996, 46
900 en novembre 2017) et les « cessa-
↑ 12
tions d'inscription pour défaut d'ac-
tualisation » doublées sur la même
période (de 104 600 à 224 500) et voi-
là des statistiques bien propres. Nul
doute qu'elles le seront tout autant
en devenant trimestrielles.
par Dominique Sicot
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
4095A3F78030D301E5DF1FD0580E514710E9C46154F20C2F7FCD897
Parution : Hebdomadaire
↑ 13
(*) économiste et syndicaliste. La chronique de Jean-Christophe Le Duigou (*)En finir avec
jeudi 18 au mercredi 24 janvier 2018Page 11
615 mots
ECO-SOCIAL
(*) économiste et syndicaliste.
La chronique de Jean-Christophe Le
Duigou (*)
En finir avec l'exigence de rentabilité
La loi pour la transformation des en-
treprises, dite loi Pacte, devrait être
présentée au Parlement ce prin-
temps. Elle abordera plusieurs ques-
tions importantes. La principale est
de savoir si elle marquera un pas de
plus dans la financiarisation ou non.
Pour l'instant, le débat se concentre
sur la question de la définition de
l'entreprise. En l'occurrence, les ar-
ticles 1832 et 1833 du Code civil qui
définissent la notion de « société ».
La forme « entreprise » est profondé-
ment déstabilisée. Les technologies
de l'informatique et des télécommu-
nications ont changé la donne. Sous
la pression de la rentabilité finan-
cière, le recours à la sous-traitance,
l'externalisation à outrance, la préca-
risation ont fini par faire éclater la
collectivité de travail.
Face à cette crise, le discours sur la
responsabilité sociale et environne-
mentale des entreprises trouve un
écho certain. D'aucuns considèrent
qu'il faut élargir la référence aux fi-
nalités de l'entreprise de manière à
y intégrer les préoccupations sociales
et environnementales. Mais, la pro-
position de modification des articles
1832 et 1833 qui préciserait que la
gestion de l'entreprise doit « tenir
compte de ses conséquences sociales
et environnementales », sans même
envisager des formes de réappropria-
tion publique, est loin de représenter
un remède à la hauteur de l'ébranle-
ment social engendré par la globali-
sation.
D'autres estiment qu'il faut prioritai-
rement établir une distinction juri-
dique entre l'entreprise en tant que
telle, regroupant l'ensemble des par-
ties prenantes, les actionnaires, les
gestionnaires et les salariés, et la «
société de capitaux », constituée de
ses seuls actionnaires. La proposition
vise à cantonner le rôle de la finance
et à permettre aux acteurs engagés
dans l'entreprise de trouver, au sein
du conseil d'administration, un com-
promis stable pour aller vers une «
codétermination » dans la gestion.
Ce modèle est loin de répondre aux
problèmes posés par le poids de la fi-
nance. Il convient d'abord de souli-
gner l'importance de deux autres par-
ties prenantes oubliées : les sous-
traitants et la collectivité dans la-
quelle est insérée l'entreprise (com-
mune, bassin d'emploi, etc.). Mais, la
limite principale de la proposition est
que la relation entre les actionnaires
et les gestionnaires ne rompt pas
vraiment avec la conception domi-
nante de la firme consacrée par la
théorie anglo-saxonne de la « gou-
vernance de l'entreprise ». En réalité,
et de plus en plus sous la pression des
marchés financiers, nous assistons à
la mise en place d'une communau-
té d'intérêts entre les actionnaires et
les directions. La rémunération des
cadres dirigeants, de plus en plus im-
portante, dépend désormais de la
rentabilité des capitaux engagés. Dès
lors, les choix stratégiques de l'entre-
prise ne sont pas fondés sur les ob-
jectifs de long terme la formation des
salariés, l'investissement productif,
la recherche et l'innovation , mais
prioritairement sur la rentabilité im-
médiate des capitaux. La distinction
juridique entre la « société de capi-
taux » et « l'entreprise » ne remet pas
directement en cause l'exigence de
rentabilité. D'une certaine manière,
elle la déplace sur le plan juridique et
institutionnel sans s'attaquer au fond
de la contradiction. La priorité pour
rouvrir un espace de développement
pour l'entreprise est bien de casser
cette logique de connivence entre les
actionnaires et les cadres diri-
geants. ■
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
0E9D83938B40E50DE55416206003E10319299A6D146E0168C68A5BE
Parution : Hebdomadaire
↑ 14
Pour des informations pratiques : service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15504 Compte pénibilité
jeudi 18 au mercredi 24 janvier 2018Page 42
822 mots
EMPLOI
P our des informations pratiques :
service-public.fr/particuliers/
vosdroits/F15504
Compte pénibilité Le risque chi-
mique exfiltré !
Le 1er janvier, est entré en vigueur
le compte professionnel de préven-
tion, qui remplace le compte péni-
bilité. Au-delà d'un changement de
nom, c'est la disparition de quatre
facteurs de risques professionnels !
Et pas des moindres...
Le compte pénibilité est mort, vive le
compte professionnel de prévention
(C2P) ! Pendant la campagne prési-
dentielle, le candidat Macron, invité
à s'exprimer par le Medef, s'était in-
surgé contre la dénomination du «
compte pénibilité », n'hésitant pas à
déclarer : « Je n'aime pas le terme
(de pénibilité), donc je le supprime-
rai. Car il induit que le travail est une
douleur. » C'est maintenant chose
faite.
Depuis le 1er janvier, l'ordonnance
du 22 septembre 2017 relative à « la
prévention et à la prise en compte
des effets de l'exposition à certains
facteurs de risques professionnels et
au compte professionnel de préven-
tion » est entrée en application. Les
premiers décrets d'application sont
sortis le 27 décembre ! A la première
lecture attentive, guère de surprise
pour Jérôme Vivenza, membre de la
direction de la CGT en charge des
questions de santé au travail, mais
une certaine ironie sur le change-
ment de dénomination : « C'était
censé supprimer la pénibilité pour
parler de prévention. En fait, dans les
textes, il n'est plus question de pré-
vention ! » La pénibilité a, elle, été
remplacée par « l'exposition à cer-
tains facteurs de risques profession-
nels ».
out les charges lourdes !
Si les dix critères qui figuraient dans
feu le compte pénibilité sont tou-
jours dans les décrets, quatre d'entre
eux n'ouvrent plus droit à compensa-
tion au-delà d'un certain seuil d'ex-
position. Seuls sont pris en compte,
pour le calcul des points comptabili-
sés par le C2P, l'activité exercée en
milieu hyperbare, à des températures
extrêmes en dessous de 5 °C ou au-
dessus de 30 °C, au bruit ; le travail
de nuit, en équipes successives alter-
nantes, et le travail répétitif. En fin
d'année, l'employeur doit remplir
une déclaration auprès de l'orga-
nisme de Sécurité sociale dont il dé-
pend. Le C2P d'un salarié exposé à
un de ces facteurs de risque profes-
sionnel au cours de l'année écoulée
sera crédité de quatre points ; huit
pour deux facteurs. Ces points per-
mettront d'avoir accès à des forma-
tions ou de bénéficier d'un temps
partiel (avec sa rémunération com-
plétée) ou d'un départ anticipé à la
retraite. Le nombre de points est pla-
fonné à 100 sur l'ensemble de la car-
rière professionnelle. Le C2P fait par-
tie du compte d'activité et, à tout mo-
ment, il est possible de consulter son
nombre de points en se connectant à
ce dernier.
La manutention de charges lourdes,
les postures pénibles, les vibrations
mécaniques et surtout l'exposition
au risque chimique ont, eux, disparu.
Ces quatre critères donnent, en effet,
seulement lieu à une réparation des
lésions occasionnées. « Pour pouvoir
demander à partir en retraite plus
tôt, il faut justifier d'un taux d'invali-
dité de 10 %. être déjà malade, donc
! » s'insurge le syndicaliste. Cette in-
capacité permanente doit, bien sûr,
être reconnue d'origine profession-
nelle. La suppression d'un des cri-
tères fait particulièrement bondir le
syndicaliste, celui de l'exposition aux
« agents chimiques dangereux ( ), y
compris les poussières et fumées ».
Cette exposition a des effets qui sont
retardés parfois de dizaines d'années
et peut provoquer des pathologies
très graves, voire mortelles. « Le pa-
tronat ne veut plus être considéré
comme responsable des maladies
qu'il provoque. Il ne veut plus payer !
»
une liste déjà restrictive
La liste des facteurs de risques pro-
fessionnels puisqu'il ne faut plus par-
ler de pénibilité était déjà pourtant
fort restrictive. « Des formes de péni-
bilité qui sont pourtant importantes
et en développement ne font pas suf-
fisamment l'objet de dispositifs de
prévention : le manque d'autonomie
dans le travail, la pression tempo-
relle, les difficultés liées à la relation
au public », regrette Marion Gilles,
chargée de mission à l'Agence natio-
nale pour l'amélioration des condi-
tions de travail (Anact). « Si ces
formes de pénibilité concernent les
deux sexes, on les retrouve particu-
lièrement dans les métiers occupés
↑ 15
très majoritairement par les femmes
(ceux du soin, notamment). Pour le
moment, même si elles ont un impact
sur la santé, elles sont très peu co-
difiées, elles restent considérées
comme des risques du métier . » La
reconnaissance de ces « facteurs de
risques professionnels » ne semble
pas dans l'air du temps ! ■
par Mélanie Mermoz
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
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Parution : Hebdomadaire
↑ 16
Cogestion : les socialistes veulent ouvrir les boîtes aux salariés
La proposition de loi du groupe «Nouvelle Gauche» pour étendre les pouvoirs de décisiondes salariés au sein des sociétés a peu de chances d’aboutir. Mais elle met la pressionsur l’exécutif, au moment où il prépare un texte «sur la croissance et la transformation desentreprises».
N° 11398jeudi 18 janvier 2018Édition(s) : Principale
Pages 12-131489 mots
FRANCE
«Chiche !» C’est en substance le défi
lancé aux députés socialistes à leurs
collègues de la majorité, ce jeudi, en
défendant, dans l’hémicycle de l’As-
semblée nationale, leur vision d’une
«codétermination à la française» : da-
vantage de salariés dans les conseils
d’administration et plus de partici-
pation dans les petites entreprises.
«Nos collègues d’En marche nous ont
répété qu’ils étaient prêts à reprendre
les bonnes idées dans chaque camp.
Voilà un sujet qui devrait les intéresser
!» fait valoir Dominique Potier
(Meurthe-et-Moselle), l’un des deux
initiateurs avec Boris Vallaud
(Landes) de cette proposition de loi
baptisée «entreprise nouvelle et nou-
velles gouvernances».
Sur demande de la majorité, ce texte
sera très probablement renvoyé en
commission. «Ce ne serait pas illo-
gique puisque c’est un sujet que nous
allons traiter et sur lequel nous serons
offensifs», fait valoir le député La Ré-
publique en marche (LREM) Stanislas
Guerini. L’élu de Paris rappelle ainsi
que ces questions figureront dans le
projet de loi «plan d’action pour la
croissance et la transformation des
entreprises» (Pacte) en cours de ré-
daction à Bercy et que le ministre de
l’Economie et des Finances, Bruno
Le Maire, doit présenter en avril au
Conseil des ministres. «C’est toujours
comme ça avec ce gouvernement. On
aimerait avoir un minimum de consi-
dération», se plaint Vallaud, pas mé-
content cependant d’être, avec ses
camarades du groupe Nouvelle
Gauche, dans les premiers à ouvrir ce
chantier attendu par les syndicats.
Que proposent les socialistes ?
De revoir fondamentalement le par-
tage du pouvoir dans les entreprises.
Après avoir fait adopter, sous le pré-
cédent quinquennat, une loi sur
l’économie sociale et solidaire, intro-
duit des administrateurs salariés
dans les grandes entreprises privées
et «généralisé» les droits de vote
double dans les sociétés du CAC 40
(pour les actionnaires en poste de-
puis au moins deux ans) pour favo-
riser les investissements de long
terme, les socialistes proposent ici
une «codétermination à la française».
Partant du principe que «les action-
naires ne sont pas propriétaires d’une
entreprise mais titulaires de droits et
ne sont pas les seuls exposés aux
risques», justifie Vallaud, les salariés
doivent pouvoir participer à l’organe
de décision de leur boîte. «Tout en
instituant une clause de revoyure»,
écrivent-ils dans l’exposé des motifs
de leur texte. Les députés du groupe
Nouvelle Gauche avancent l’idée de
deux administrateurs salariés dans
les entreprises de plus de 500 per-
sonnes, un tiers dans les structures
de plus de 1 000 personnes, et une
moitié au-dessus de 5 000. Depuis
le 1er janvier, avec la loi «relative au
dialogue social et à l’emploi» adoptée
en août 2015, seules les sociétés de
plus de 1 000 personnes en France
(ou celles en employant 5 000 dans
l’Hexagone et à l’étranger) ont obli-
gation d’ouvrir leur conseil d’admi-
nistration à un ou deux représentants
des salariés. «La loi commence à peine
à s’appliquer», souligne le député
La République en marche Stanislas
Guerini, auteur de plusieurs propo-
sitions destinées à nourrir le projet
de loi Pacte. L’élu de Paris préfère,
lui, renforcer l’actionnariat salarial,
«autre manière d’envoyer des salariés
au conseil d’administration».
Par ailleurs, les socialistes n’en dé-
mordent pas : ils veulent aussi, dans
cette proposition de loi, «tripler» les
droits de vote pour les actionnaires
«détenant leurs actions depuis au
moins cinq ans»,«étendre le bénéfice de
la participation financière» aux petites
entreprises (de 20 à 50 salariés), obli-
ger les directions à un «reporting fis-
cal» auprès des instances représenta-
tives du personnel… Mais encore de-
mander au gouvernement un rapport
d’information «sur le principe d’un
écart maximal décent de rémunéra-
tion», et modifier le code civil pour
y inscrire une nouvelle définition des
sociétés afin qu’elles tiennent
«compte des conséquences écono-
miques, sociales et environnementales
de [leur] activité».«C’est une logique
maximaliste, critique Guerini. C’est
difficile et créateur de conten-
tieux.»«L’Allemagne va bien au-delà de
ce qu’on propose ! revendique Val-
laud. Le "modèle" allemand nous est
présenté quand il s’agit de faire des ré-
↑ 17
formes libérales, mais jamais lorsqu’il
s’agit de donner plus de droits aux sa-
lariés.»
Que projette le gouvernenent ?
Pour l’instant, quelques pistes. Dans
les 31 propositions soumises à
consultation publique depuis lundi
pour le Pacte, Le Maire a beaucoup
insisté lundi, dans ses vœux, sur un
objectif : «Que 100 % des salariés
[soient] couverts par un accord d’inté-
ressement et de participation.» Le gou-
vernement réfléchit donc à baisser,
voire à supprimer, le forfait social
payé par les employeurs afin que ces
derniers redéploient cet argent sur
des mesures d’intéressement.
Le Maire souhaite permettre aux pe-
tites entreprises (de 11 à 49 salariés)
de mettre en place un «dispositif de
partage de la valeur» et d’«encourager
l’élaboration» d’accords tout prêts au
niveau des branches. «La loi Le Maire
sera extrêmement prudente et modé-
rée», parie Potier. Le ministre de
l’Economie semble plus intéressé à
développer les «outils financiers»
pour les salariés (intéressement,
épargne, actionnariat…) plutôt que
d’ouvrir davantage les organes de dé-
cision aux syndicats. «Notre position
n’est pas arrêtée, précise-t-on chez
Le Maire. Faut-il baisser le seuil [de
participation des salariés aux conseils
d’administration] ? Nous sommes ré-
servés. Faut-il que le champ d’applica-
tion soit plus vaste [pas exemple au
secteur mutualiste] ? Probablement
que oui. Cela fera partie des discus-
sions.» Au ministère du Travail, on
se montre aussi prudent. «Le retour
sur investissement des actionnaires est
indispensable, mais il n’épuise pas la
responsabilité de l’entreprise. C’est un
enjeu de très long terme mais fonda-
mental», a déclaré Pénicaud, lundi,
lors de ses vœux. Rue de Grenelle,
comme à Bercy, on attend mars et
les conclusions de la mission «entre-
prises et intérêt général» confiée dé-
but janvier à l’ex-patronne de la
CFDT, Nicole Notat, et au président
de Michelin, Jean-Dominique Se-
nard. «Ils iront moins loin que nous sur
ces sujets», pronostique Vallaud.
D’autant que Bercy freine sur une
modification du code civil pour ajou-
ter la responsabilité sociale et envi-
ronnementale dans l’objet des socié-
tés, pour privilégier la création de
«statut d’entreprise à mission». Soit,
précise Bercy, des sociétés dans les-
quelles «des associés stipulent, dans
leur contrat de société, une mission so-
ciale, scientifique ou environnemen-
tale».
Que demandent les syndicats ?
Alors que les autres réformes sociales
du gouvernement - assurance chô-
mage et formation notamment -
avancent au ralenti, la CFDT pousse
sur ce sujet. Pour la centrale de Bel-
leville, le projet de loi Pacte, en pré-
paration à Bercy, doit permettre de
repenser la gouvernance de l’entre-
prise pour mettre en place, comme
le veulent les socialistes à l’Assem-
blée, une «codétermination à la fran-
çaise» revendiquée depuis longtemps
par le syndicat. «L’intérêt de l’entre-
prise se confond trop souvent avec celui
de ses financeurs, qui seuls sauraient
ce qui est bon pour elle. Il est temps
de rééquilibrer les pouvoirs en les par-
tageant», expliquait, le 19 décembre,
Laurent Berger, le secrétaire général
de la CFDT. Ce «meilleur partage»
passerait par un abaissement du seuil
à 500 personnes pour la mise en
place des administrateurs salariés.
Mais aussi par une augmentation de
leur nombre qui coïncide avec les
propositions des députés socialistes
: au moins deux administrateurs sa-
lariés dans les entreprises comptant
entre 500 et 1 000 personnes, un tiers
jusqu’à 5 000, et la moitié au-delà.
Mais la mesure, décriée par le patro-
nat, n’est pas encensée par tous les
syndicats. Interrogé par Libération, le
secrétaire général de Force ouvrière,
Jean-Claude Mailly, considère que
davantage de salariés dans les
conseils d’administration «n’est pas
une revendication prioritaire, car cela
ne changera pas la nature des choses».
D’autant que «l’expérience montre
qu’il y a une tendance à vouloir intégrer
ces salariés et à en faire des adminis-
trateurs comme les autres». Avec le
risque, poursuit-il, qu’ils finissent
«déconnectés du terrain». Loin d’un
modèle de cogestion à l’allemande,
FO préfère «des discussions accrues
sur les grandes orientations et la stra-
tégie de l’entreprise avec les instances
représentatives du personnel et les syn-
dicats». Soit un modèle où chacun
resterait à sa place. A la CGT, on re-
garde certes d’un bon œil l’arrivée de
nouveaux administrateurs salariés,
«à condition qu’ils soient élus et qu’ils
n’aient pas une épée de Damoclès sur
la tête à cause des règles de confiden-
tialité», précise le secrétaire confédé-
ral Fabrice Angéi. Mais on refuse
l’idée d’un «modèle de codirection».
Pour le responsable cégétiste, le
«renforcement du pouvoir d’interven-
tion des salariés» doit d’abord se faire
au Conseil social et écono-
mique (CSE), la nouvelle structure
fusionnant les actuelles instances de
représentation. La CGT revendique
un droit de veto des représentants du
personnel sur les plans de licencie-
ments, ou encore de regard sur la
gestion des aides publiques perçues
par les entreprises.
Quant à la modification de l’objet so-
cial de l’entreprise, les syndicats sont
pour. «Une réécriture des articles
concernés du code civil devrait prendre
en compte l’impact économique mais
aussi social et environnemental», note
la CFDT. «C’est utile, plaide aussi
Mailly. Il y a dix ans, la responsabilité
sociale de l’entreprise, c’était un pro-
duit marketing. Aujourd’hui, ce n’est
pas de la philanthropie, cela devient
une nécessité pour les entreprises.»
Mais «s’il n’y a pas de droits nouveaux,
cela ne suffira pas de changer l’objet
↑ 18
social pour rééquilibrer les pouvoirs»,
prévient Angéi. «Tout va dépendre de
l’étendue du projet de loi de Le Maire,
pointe Mailly. Car si l’histoire du smic
semble remisée, il y a toujours une in-
quiétude sur les seuils sociaux» auquel
le ministre veut toucher. Ce qui agace
aussi la CGT : «On voulait parler tra-
vail mais, sous couvert de social et de
rééquilibrage, on continue de parler
emploi et fiscalité.» ■
par Lilian Alemagna et Aman-
dine Cailhol
Tous droits réservés Libération 2018
939573ff8cd0b80d358f13a0430481c41e89c66654b4079382397e6
Parution : Quotidienne
Diffusion : 75 824 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 961 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 19
Unédic : une négociation minée par les doutes
Plusieurs responsables syndicaux et patronaux sont pessimistes sur leur capacité àparvenir à un accord
jeudi 18 janvier 2018Page 10
1163 mots
FRANCE
Ce sont des estimations, à manier
avec prudence, mais elles ne peuvent
que conforter les réticences des par-
tenaires sociaux face au projet du
gouvernement de transformer en
profondeur l'assurance-chômage.
Alors qu'elles tiennent, jeudi 18 jan-
vier, une seconde réunion consacrée
à ce chantier, les organisations syn-
dicales et patronales disposent de
statistiques vertigineuses sur l'im-
pact de certaines des mesures envisa-
gées.
Mentionnées dans un document de
l'Unédic, l'organisme -paritaire qui
gère le système d'indemnisation des
demandeurs d'emploi, ces données
portent sur les " effets possibles " in-
duits par l'extension de l'allocation à
de nouveaux cas de salariés -démis-
sionnaires. Si l'on s'intéresse à ceux "
déjà inscrits à Pôle emploi qui devien-
draient indemnisables " grâce à la ré-
forme, la " population potentiellement
concernée " est évaluée à " environ 140
000 personnes ".
" Degré de confiance moyen "
Précision importante : il ne faut pas
en déduire qu'une couverture devra
désormais être accordée à tous ces
chômeurs, puisqu'il n'est question
que d'un public potentiel, dont le vo-
lume " dépend fortement des condi-
tions d'éligibilité - au nouveau droit
- et des paramètres d'indemnisation ",
souligne l'Unédic. Mais le chiffrage
donne un aperçu de l'effort supplé-
mentaire susceptible d'être demandé
à l'assurance-chômage alors que sa
dette a atteint 33 milliards d'euros,
fin septembre 2017.
Quant aux démissionnaires qui ne fi-
gurent pas, à l'heure actuelle, dans
les fichiers de Pôle emploi mais qui "
s'inscriraient " en cas de mise en ap-
plication du projet -gouvernemental,
leur nombre -potentiel est estimé à "
environ 800 000 ". L'Unédic prend soin
d'indiquer que le " degré de confiance "
dans ce calcul est " moyen ". Mais il y
a de quoi s'interroger sur une réforme
qui -pourrait avoir comme consé-
quence, à court terme, d'accroître les
effectifs de demandeurs d'emploi. Le
gouvernement en a, bien sûr,
conscience. Il a, du reste, balisé stric-
tement le dispositif : " Un nouveau
droit à l'assurance-chômage (…) sera
ouvert, sous certaines conditions, à
toutes les personnes qui démissionnent
de leur entreprise en vue d'une évolu-
tion professionnelle ", écrit-il dans son
" programme de travail " remis, à la
mi-décembre 2017, aux organisa-
tions patronales et syndicales pour
cadrer la négociation en cours. Au-
trement dit, seules pourront en béné-
ficier les personnes qui ont un " pro-
jet " – à raison d'une fois par période
de cinq ans. L'allocation sera versée
moins longtemps que celle octroyée
aux demandeurs d'emploi " clas-
siques ".
Or, un tel schéma ne convainc pas
tout le monde. " Nous ne voulons pas
d'un petit machin pour les démission-
naires ", avait prévenu Véronique
Descacq, la numéro deux de la CFDT,
peu avant l'ouverture des discussions
entre partenaires sociaux, le 11 jan-
vier. " Il y a un front commun des syn-
dicats pour dire qu'il ne faut pas ins-
taurer des droits dégradés ", confie
Denis Gravouil (CGT). Au Medef, on
insiste sur la nécessité d'une " régula-
tion ", tout en exprimant une volonté
commune avec les organisations de
salariés : " Nous sommes prêts à re-
garder un système qui ne soit pas des
droits réduits. " Dans ce contexte, "
on devrait naturellement déboucher sur
un accord, s'agissant des démission-
naires ", pronostique Jean-François
Foucard (CFE-CGC). Mais la solution
trouvée a de fortes chances de se li-
miter à la mise en place d'un cas sup-
plémentaire de " démission légitime ",
qui s'ajouterait à ceux déjà pris en
charge par l'assurance-chômage, ob-
serve un responsable syndical. " Or,
poursuit-il, ce n'est pas ce que veut le
gouvernement. "
Sur la lutte contre le " travail précaire
" – un autre point-clé de la réforme
–, les discussions vont, semble-t-il,
tourner autour d'une proposition du
Medef, qui a identifié plusieurs sec-
teurs d'activité très touchés par le re-
cours aux CDD et par la " permittence
" – pratique consistant, pour une
même entreprise, à employer un in-
termittent du spectacle de façon per-
manente ou quasi permanente (par
extension, le terme peut aussi dési-
gner les personnes qui alternent des
contrats courts dans une même so-
ciété et des périodes d'inactivité du-
rant lesquelles elles touchent l'assu-
rance-chômage). Ces secteurs sont
l'hôtellerie-restauration, le monde
du médico-social et l'intérim, énu-
mère M. Gravouil. L'idée du patronat
↑ 20
consisterait à placer ces branches
professionnelles face à leurs respon-
sabilités, afin qu'elles négocient des
mesures propres à résorber le préca-
riat. Soit un schéma comparable à ce-
lui de l'accord Unédic de mars 2017,
mais avec des dispositions qui se-
raient plus contraignantes.
Peu optimistes
Pas sûr que cette option convienne
à l'exécutif : si elle est jugée insuf-
fisante, " on a quelque chose qui est
tout prêt à être transcrit dans la loi ",
a mis en garde l'entourage de la mi-
nistre du travail, -Muriel Pénicaud,
à la mi-décembre 2017. Autrement
dit, le gouvernement dégainerait son
projet de bonus-malus, imposant des
-contributions financières plus éle-
vées aux entreprises qui licencient ou
" consomment " beaucoup de CDD.
Scénario qui effraie les organisations
d'employeurs.
Enfin, s'agissant de l'élargissement
de l'assurance-chômage aux indé-
pendants, plusieurs responsables
syndicaux et patronaux ne sont guère
optimistes sur leur capacité de par-
venir à un " deal ". " Hors de portée
", lâche M. Foucard. Ce sera difficile,
renchérit-on au Medef : " Ce n'est pas
un sujet qui relève du paritarisme
puisque les indépendants ne cotisent
pas. Il appartient à ceux qui les repré-
sentent et au gouvernement d'en discu-
ter. Ce n'est pas à l'assurance-chômage
de financer une prestation de solidari-
té. " Président de l'Union des entre-
prises de proximité (artisanat, com-
merce, professions libérales), Alain
Griset croit, au contraire, qu'un ac-
cord est envisageable : " Nous n'étions
pas demandeurs de ce projet, mais
nous avons fait des propositions. Il faut
poser des critères limitatifs, les indé-
pendants ne doivent pas être considé-
rés comme des profiteurs. "
Si les partenaires sociaux par-
viennent à un compromis, l'exécutif
risque fort de le juger très éloigné de
ses ambitions initiales. Et d'avoir en-
vie, du même coup, de reprendre les
commandes tout seul sur l'élabora-
tion de la réforme. De toute façon,
" les négociateurs n'ont aucune impor-
tance ", estime Jean-Claude Volot
(Medef) : " Tout est déjà décidé. Regar-
dez comment ça s'est passé sur les or-
donnances. S'il y a des modifications,
ce sera à la marge. C'est le politique qui
a la main, pas les partenaires sociaux.
"
Sarah Belouezzane, Raphaëlle
Besse Desmoulières, et Bertrand
Bissuel■
par Sarah Belouezzane, Ra-
phaëlle Besse Desmoulières, Et Ber-
trand Bissuel
Tous droits réservés Le Monde 2018
AB9673D58200800EE5621950690961E512E9556454A20DD7CFA30F6
Parution : Quotidienne
Diffusion : 278 790 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 2 416 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 21
RÉFORME DU CODE DUTRAVAIL
↑ 22
CODE DU TRAVAIL
Casse sur ordonnances dans le commercePimkie, Carrefour, KFC De nombreuses sociétés exploitent les opportunités offertes par la loi tra-vail, applicable depuis ce début d'année, pour licencier sans raison économique réelle.
jeudi 18 janvier 2018Page 8
814 mots
D epuis l'entrée en vigueur des
ordonnances Macron, le patro-
nat dispose de tout un arsenal pour
supprimer postes et acquis sociaux et
pour maximiser ses profits. Le sec-
teur du commerce est particulière-
ment touché : Pimkie, Vivarte, Carre-
four, Castorama, Monoprix, Cora,
KFC Les exemples se multiplient. Et
nombre de salariés de ces enseignes
étaient réunis hier à la CGT, à l'invi-
tation de la fédération commerce et
services, pour dresser un tableau des
méthodes employées. A Pimkie,
l'honneur d'ouvrir le bal. L'enseigne a
subi de plein fouet la dernière inno-
vation en matière de suppressions de
postes : la rupture conventionnelle
collective, que la direction a voulu
initier avant même la parution du dé-
cret, et qui a été rejetée par les syndi-
cats la semaine dernière. « La procé-
dure est rapide, à bas coût, la direc-
tion n'a pas besoin de l'approbation
du comité d'entreprise, et comme
tout peut se négocier en moins de
trois mois, c'est très dur d'informer
les salariés pour peser dans le rapport
de forces, mais on l'a fait quand
même », raconte Valérie Pringuez,
déléguée syndicale centrale (DSC)
CGT. Pimkie va devoir se contenter
d'un plan de départs volontaires,
mais les salariés subissent une pres-
sion redoublée. « Il faut lancer une
initiative sur les risques psychoso-
ciaux, plusieurs travailleurs sont me-
nacés de se faire licencier pour inap-
titude s'ils n'acceptent pas le plan de
départs volontaires. D'autres sont
pointés du doigt en public et on leur
dit : c'est toi qui feras partie du plan
de départs car on veut garder tes col-
lègues », explique Valérie Pringuez.
Chez Carrefour, on ne sait pas encore
à quelle sauce les salariés seront
mangés. Rupture conventionnelle
collective ? Plan de départs volon-
taires en plus du passage de nom-
breux magasins en location-gérance
? L'enseigne étudie les solutions les
plus favorables offertes par les or-
donnances, et les représentants du
personnel n'apprendront que le 23
janvier, en même temps que le pu-
blic, la stratégie choisie par la direc-
tion. « Avec la location-gérance, Car-
refour souhaite se désengager tota-
lement au niveau social tout en gar-
dant la main sur les magasins et
continuer à engranger les bénéfices
», explique Philippe Allard, DSC CGT
chez Carrefour. Selon lui, 11 000 sa-
lariés vont sortir du giron du groupe,
donc renoncer à leurs acquis et à leur
ancienneté, et 3 500 d'entre eux per-
dront leur emploi. « Je rappelle que
Carrefour bénéficie chaque année de
plus de 400 millions d'euros d'aide de
l'état », poursuit le syndicaliste. De
son côté, KFC a choisi la mise en
franchise, stratégie également facili-
tée par les ordonnances. Cela permet
à chaque restaurant de rester sous le
seuil des 50 salariés, et à l'enseigne
d'organiser son déficit en transférant
une part importante de son chiffre
d'affaires dans les paradis fiscaux. Et
de ne payer ni impôt sur les sociétés
ni participation. « KFC vient encore
de vendre à perte 42 restaurants et
n'a plus en propre que 15 enseignes
sur les plus de 200 ouvertes en France
», explique Marc Mukuta, respon-
sable CGT chez KFC. Outre la faci-
litation de la mise en franchise, le
groupe a profité des ordonnances
Macron en lançant un PSE pendant
la vente d'une partie de ses restau-
rants, ce qui était complètement illé-
gal auparavant, et dont le motif éco-
nomique est contesté par le cabinet
d'experts mandaté par les élus du
personnel. « Malgré cela, KFC a tou-
ché 6 millions d'euros de Cice ces
dernières années, mais l'argent
semble toujours bloqué au niveau de
la holding KFC France, qui n'a qu'un
seul salarié : le directeur général »,
sourit amèrement Marc Mukuta.
Les ordonnances ont donné aux
groupes toujours plus de moyens de
licencier en contournant les motifs
économiques. Et rendu les recours,
comme l'expertise économique, tou-
jours plus complexes. « Un autre
mauvais coup permis par les ordon-
nances va arriver dans le secteur avec
les contrats de chantier et cela s'an-
nonce très dangereux », s'inquiète
Amel Ketfi, secrétaire fédérale de la
CGT commerce et services. Le syn-
dicat craint qu'avec les fusions des
conventions collectives en cours, les
sociétés de sous-traitance et de mise
à disposition du personnel dans des
secteurs tels que la prévention et la
sécurité des grands magasins, le net-
toyage dans les enseignes, la restau-
ration collective y recourent massi-
vement. « La fin d'un contrat sera
aussi la fin pour les salariés, qui se-
ront plus précaires que jamais, c'est
ça encore les ordonnances », conclut
Amel Ketfi. ■
par Pierric Marissal
↑ 23
Tous droits réservés L'Humanité 2018
6E9B33988830A70EC5011E60CA00E1451149AF6B54EF0C07FF5AD27
Parution : Quotidienne
Diffusion : 34 877 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 24
PROTECTION SOCIALE
↑ 25
AU RAPPORT
Souffrance psychique au travail, un mal masqué
N° 11398jeudi 18 janvier 2018Édition(s) : Principale
Page 19427 mots
EXPRESSO
«Surcharge de travail, injonctions
paradoxales, horaires décalés, réduc-
tions de personnel…» liste Marine
Jeantet, directrice des risques profes-
sionnels à la Caisse nationale d’as-
surance maladie des travailleurs sa-
lariés (CNAMTS) : les causes de la
souffrance psychique au travail sont
multiples. Et l’ampleur du phéno-
mène a encore augmenté en 2016,
comme le montre le rapport de l’as-
surance maladie publié mardi, «même
si c’est moins exponentiel», précise
Marine Jeantet : «On était à 10 %
d’augmentation de 2011 à 2014, 5 %
en 2015, 1 % en 2016.»
Des travailleurs en souffrance psy-
chique, le Dr Pierre Bréchet, généra-
liste à Saint-Pierre-du-Mont
(Landes), dit en recevoir «souvent»
dans son cabinet : «Soit les patients
arrivent en décrivant leurs problèmes
franchement, soit ça prend le masque
de plaintes plus générales : manque de
tonus, fatigue… C’est notre travail de
creuser, mais la parole se libère.» Diffi-
cile de dégager des constantes socio-
logiques. Des profils divers défilent :
«Je reçois des jeunes qui débutent, des
gens en fin de carrière, en CDD, en
CDI… Le dernier patient que j’ai eu
avait 60 ans, et disposait d’un haut
poste à l’hôpital.» L’étude de la
CNAMTS, elle, évalue l’âge moyen
des personnes souffrant d’affections
psychiques liées au travail à 40 ans.
Médico-social, transports, commerce
de détail, sont les secteurs les plus
touchés. Et les femmes représentent
60 % des personnes concernées.
«Cela va du simple surmenage, pour le-
quel un arrêt d’une ou deux semaines
suffit, à des patients authentiquement
déprimés, pour lesquels plusieurs mois
d’arrêt, un traitement médical et un
suivi de spécialiste sont nécessaires»,
décrit le Dr Bréchet. Qui rappelle que
«les maux physiques sont souvent liés
aux maux psychiques. Les gens à qui
on demande d’en faire toujours plus, ils
n’en peuvent plus physiquement, alors
ils craquent psychologiquement».
Mais ces atteintes psychiques sont
rarement reconnues comme des ma-
ladies professionnelles. «Dans la
grande majorité des cas, les gens sont
en arrêt maladie et ça ne va pas plus
loin», assure le médecin. Idem pour
les faire reconnaître au titre d’acci-
dents du travail : «Quand une per-
sonne s’est blessée, l’employeur signe
et c’est réglé. Mais quand elle souffre
d’un conflit avec son supérieur, ça de-
vient complexe…»
C’est là que se joue le travail de suivi,
que souhaite améliorer Marine Jean-
tet : «On veut mieux accompagner les
victimes à faire reconnaître leurs
droits, et à reprendre le travail. Etre
en arrêt des mois et des mois, ce n’est
pas un projet de vie. Mais soit on les
aide à se reconvertir, soit ils sont sur
un secteur à risques, et il faut alors une
mobilisation locale sur leur lieu de tra-
vail…»
A lire en intégralité sur Libé.fr ■
par Maïa Courtois
Tous droits réservés Libération 2018
8d9e438285205700f50e1bb0260621491ca9fc64c4a60ac897454fb
Parution : Quotidienne
Diffusion : 75 824 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017
Audience : 961 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 26
MOUVEMENTS SOCIAUX
↑ 27
McDo, Holiday Inn, Areva, hôpitaux bravo aux marathoniens de la grève « Il y aeu moins
jeudi 18 au mercredi 24 janvier 2018Page 8
376 mots
ECO-SOCIAL
M cDo, Holiday Inn, Areva,
hôpitaux bravo aux maratho-
niens de la grève
« Il y a eu moins de grèves en France
en 2017 », se réjouissait « le Figaro »
du 4 janvier. A voir ! Le quotidien de
droite s'appuie sur le recensement du
site privé cestlagreve.fr. Le respon-
sable de « Luttes invisibles », obser-
vatoire d'Infocom CGT, le conteste
(blog de Jean-Marc B. sur Mediapart),
en en comptant cinq fois plus dans
la presse régionale. Ce qui est sûr,
c'est que, si la plupart sont locales, le
goût de la lutte est toujours là. Des
salariés s'engagent dans de véritables
grèves marathons. A Villefranche-
de-Rouergue (Aveyron), 5 employés
du McDonald's sont en grève depuis
le 23 août, avec la CGT, pour de
meilleurs salaires et conditions de
travail et le respect du droit syndical.
La direction du magasin renvoie à
celle de la chaîne qui soutient que
l'accord qui sortirait des négociations
annuelles obligatoires réglera tout !
Les femmes de chambre, gouver-
nantes et équipiers de l'Holiday Inn,
porte de Clichy, à Paris salariés du
sous-traitant Hemera , sont en grève
depuis le 19 octobre 2017, pour être
respectés et embauchés par l'hôtel,
déclarés et payés pour toutes leurs
heures. Ils font le tour d'Europe pour
porter leurs revendications. Après
Barcelone, Londres, Bruxelles, ce se-
ra Genève, le 20 janvier. A Areva de
La Hague, depuis le 3 décembre 2017,
les ouvriers postés en 5x8 tiennent
bon afin d'obtenir une compensation
pour les jours fériés travaillés : ils
veulent les récupérer, quand on veut
leur imposer une prime. Dans les hô-
pitaux, grèves et débrayages foi-
sonnent. Record sans doute pour les
personnels des urgences du CHU de
Clermont-Ferrand, soutenus par la
CGT, FO et SUD : près de 15 mois de
grève pour obtenir les moyens d'ac-
cueillir dignement les patients. En
grève, mais assignés à leur poste, ils
font leur travail tout en maintenant
l'alerte. ■
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
D190F32D89A0B10BF5BA1EB0CB0C61FF16C9406334190A33FDEBF9C
Parution : Hebdomadaire
↑ 28
EUROPE ET INTERNATIONAL
↑ 29
TUNISIE
Au pied des montagnes de Tataouine, la quête d'une autre vieAu sud de la Tunisie, le sentiment de vivre dans un monde marginalisé domine la jeune généra-tion privée d'emploi qui rêve de travail et de développement. De quoi nourrir d'explosives frus-trations.
jeudi 18 janvier 2018Page 15
1392 mots
MONDE
L a blancheur immaculée du
minaret incliné de la mosquée
des Sept-Dormants domine la mon-
tagne de Chenini. Sur ces hauteurs
aux portes du désert reposeraient des
géants de 4 mètres, raconte la lé-
gende qui fait l'objet d'une sourate.
Ces chrétiens berbères auraient trou-
vé refuge en ces lieux, à quelques en-
cablures de Tataouine, à l'extrême
sud de la Tunisie, où ils se seraient
endormis trois siècles. A leur réveil,
en allant en ville, ils se rendirent
compte que leur argent n'avait plus
cours et décidèrent de regagner leurs
tombeaux. Voilà trente ans qu'Ibra-
him Chaïte transmet ce mythe mi-
chrétien mi-musulman. Cet ancien
berger est devenu au fil du temps le
« gardien du temple », mais il survit,
comme la plupart de ses concitoyens
confinés dans la grandeur de ces
lieux hostiles, mais regorgeant de ri-
chesses « Je garde cette montagne,
mais je n'ai pas de salaire et aucune
protection sociale », confie-t-il. Il est
toujours resté aux avant-postes, au
gré des tumultes de l'histoire récente
du pays, et de ces réveils émancipa-
teurs, jusqu'en 2011, lorsqu'un soulè-
vement social et populaire a chassé
du pouvoir le dictateur Zine El Abi-
dine Ben Ali. Il vit de la générosité
des gens du village troglodyte et des
trop rares touristes pour qui la région
se borne aux stations balnéaires de
Djerba la Douce.
Walid et Anis partagent avec Ibrahim
le thé parfumé au thym sauvage. Les
deux jeunes gens coiffés de leur
chèche et vêtus de l'habit tradition-
nel sont eux aussi en souffrance.
« Cela fait cinq ans que je travaille
gratuitement. Je le fais parce qu'il
faut préserver ces lieux, mais je vou-
drais avoir un emploi », confie Anis,
titulaire d'une licence en droit fiscal.
La révolte de 2010 née dans les gou-
vernorats de Sidi Bouzid et de Kas-
serine ont eu raison du satrape. En
janvier 2016, ces régions se sont de
nouveau soulevées contre la misère.
Au Sud, comme à Tataouine, le mal-
être des jeunes reste criant. Leur ave-
nir est plus qu'incertain en raison de
leurs conditions de vie précaires et
du manque d'emploi. Leur taux de
chômage, le plus élevé du pays, y
avoisine les 58 %. Le sentiment d'être
marginalisés, exclus du développe-
ment du reste de la Tunisie, est large-
ment partagé. L'an dernier, au prin-
temps, dans cette ville frontalière de
la Libye qui a subi les répliques de la
guerre et les assauts des djihadistes,
les jeunes diplômés ont pris la tête
d'un mouvement de protestation, en
dressant des barrages afin de bloquer
l'activité du site pétrolier d'El Ka-
mour, situé plus au sud de la cité. « Le
chômage et l'isolement de la région
nourrissent les frustrations. Nous
sommes entrés en conflit direct avec
les sociétés pétrolières qui ne res-
pectent pas les règlements de res-
ponsabilité sociale d'insertion des
chômeurs dans leur personnel. Nous
n'obtenons pas de réponse et il y a un
manque de transparence dans le re-
crutement », résume Zied Meguelbi,
président de l'Association régionale
des diplômés chômeurs. Comme tant
d'autres, il a achevé son cursus uni-
versitaire en littérature anglaise en
2009 et, depuis, il cumule des em-
plois sans lendemain. Son organisa-
tion a vu le jour après la révolution
de 2011 ; elle compte aujourd'hui 4
700 adhérents dont 70 % sont des
femmes, les plus diplômées et pre-
mières victimes du chômage.
Dans leur local situé dans le centre-
ville de Tataouine, les murs sentent
encore la peinture. Le siège sert « de
centre de formation et d'aide dans les
démarches des chômeurs ». Il pallie
« l'absence de l'état, ses lacunes »,
précise Zied. Il y a un an donc, les
jeunes de Tataouine sont montés en
première ligne. En réponse aux sit-in
organisés par les collectifs citoyens,
le président tunisien, Béji Caïd Es-
sebsi, s'était dit prêt à recourir à l'ar-
mée.
« La jeunesse a perdu confiance en la
classe politique, elle la juge peu cré-
dible. Nous avons le sentiment que,
depuis la révolution, les gouverne-
ments n'ont pas tenu leurs pro-
messes, que la réalité n'a pas chan-
gé », soutient Salim Bounhas, secré-
taire adjoint de l'union régionale tu-
nisienne du travail. La centrale syn-
dicale a joué un rôle de médiateur
lors du conflit qui a abouti, après des
négociations serrées, à la convention
↑ 30
dite d'El Kamour avec, à la clé, la
création de 1 500 emplois dont 300
pour des diplômés. Mille autres em-
plois sont en cours de déblocage ainsi
que la mise en place de prêts bonifiés
pour des jeunes porteurs de projets
économiques. « La société du Gaz du
Sud a créé de nouveaux services.
Nous avons imposé que 80 jeunes
soient embauchés selon le principe
que les emplois créé-s dans la région
doivent en priorité être donnés aux
jeunes de la région », poursuit le syn-
dicaliste alors que de futures usines
de ciment et de gypse doivent sortir
de terre prochainement. Un Institut
des études supérieures spécialisé
dans les ressources énergétiques un
projet pilote en Afrique est égale-
ment en projet. Suite aux mobilisa-
tions, enfin, un fonds de 80 millions
de dinars (environ 27 millions d'eu-
ros) a été débloqué pour la création
d'emplois, notamment au sein de la
Société de l'environnement et de jar-
dinage de Tataouine. « Ces emplois
dans l'environnement et le jardinage
sont scandaleux, juge Zied Meguelbi.
L'état n'a pas de stratégie claire.
Après la révolution, nous avons
connu des conflits politiques qui ont
ralenti le développement du pays.
Mais sept ans de transition politique,
c'est très long », juge-t-il. « Nos ré-
gions manquent d'infrastructures et
d'un véritable tissu économique. Les
réponses de l'état décidées dans l'ur-
gence ne sont pas durables. Il faut
procéder à une expertise pour miser
sur un développement durable qui ne
menace pas nos ressources natu-
relles », insiste-il.
Mais sans marge de manœuvre bud-
gétaire et pris dans l'étau du FMI, le
premier ministre, Youssef Chahed,
avance des réponses au goût amer.
« L'économie est exsangue. Les Tuni-
siens n'en peuvent plus des petits sa-
laires alors que le coût de la vie est
exorbitant. L'inflation était déjà de
6,4 % en décembre. Le dinar est dé-
valué. La tension est à son comble. Le
gouvernement d'union nationale ne
répond pas aux attentes par incom-
pétence mais en raison d'un consen-
sus mou et d'intérêts divergents
entre la gauche et les islamistes d'En-
nahdha. Nous vivons une situation
de déliquescence », s'alarme Samy
Chapoutot, membre du secrétariat
d'Al-Massar (gauche). La semaine
dernière, des rassemblements ont eu
lieu dans les principales villes de Tu-
nisie contre la cherté de la vie et la loi
de finances 2018 qui prévoit, entre
autres, une augmentation de 1 % de
la TVA l'impôt le plus injuste et des
hausses des prix des carburants, de
l'électricité ou encore de la télépho-
nie
« Les gens sont déçus et les islamistes
essaient de tirer profit de l'instabilité
politique. Il y a une urgence mal ap-
préhendée : la déconnexion entre les
responsables politiques et la popula-
tion, surtout les jeunes. C'est pour-
quoi les élections municipales de mai
vont être marquées par un taux
d'abstention affolant », prédit le res-
ponsable politique. Sur les hauteurs
de Chenini, balayées par les vents qui
soufflent sur l'immensité de sublimes
paysages lunaires à couper le souffle,
Walid, lui, n'attend qu'une chose : du
travail. A l'image de la jeune généra-
tion qui, depuis la révolte de 2011, ne
s'est plus endormie. ■
par Cathy Dos Santos
Tous droits réservés L'Humanité 2018
1595C37D8F401A0B158612906D0601031FE97064841603433B2EA60
Parution : Quotidienne
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HD. La Tunisie a connu plusieurs nuits consécutives d'affrontements entremanifestants et forces
jeudi 18 au mercredi 24 janvier 2018Page 31
779 mots
MONDE
H D. La Tunisie a connu plusieurs
nuits consécutives d'affronte-
ments entre manifestants et forces
de l'ordre à la suite d'une contesta-
tion sociale Y a-t-il un risque d'em-
brasement de la rue ?
Samir Taieb. La question se pose,
dans tous les cas, de savoir qui a in-
térêt à se livrer à des actes de casse
et de pillage durant la nuit. Les ma-
nifestations doivent avoir lieu dans
la journée, dans le calme et la séré-
nité. Les forces de l'ordre ont pour
mission de les encadrer et de faire en
sorte que tout se passe bien. Nous vi-
vons en pays de liberté, sous la pro-
tection de la Constitution. Les choses
sont assez difficiles comme ça, il ne
faut pas en rajouter. Ce sentiment est
partagé par la grande majorité de la
population.
HD. Reste que les raisons de la
contestation sont, elles, bien réelles
: un chômage à plus de 15 %, dont
une majorité d'universitaires ; l'infla-
tion à plus de 6 % en 2017 La réaction
n'était-elle pas prévisible ?
S. T. Une chose est sûre, les mesures
prises dans le cadre de la loi de fi-
nances méritent d'être mieux expli-
quées. Celles-ci sont certes doulou-
reuses, mais les sacrifices sont par-
tagés par toutes les catégories de la
population, à commencer par les plus
favorisées. Parmi les contestataires
de cette loi, il y a d'ailleurs des chefs
d'entreprise, des personnalités du
monde des affaires. Certaines
hausses vont effectivement toucher
les plus vulnérables. Reste qu'une
lecture sereine de cette loi de fi-
nances révèle que les mesures d'ac-
compagnement et les transferts so-
ciaux existent bel et bien, et n'ont
jamais été aussi élevés. Cela étant,
les difficultés économiques du pays
constituent une réalité incontour-
nable. Le gouvernement a choisi la
voie la plus difficile. On aurait pu,
comme l'ont fait nos prédécesseurs,
continuer à ne rien changer, ritua-
liser les mécanismes antérieurs de
peur des réactions dans la rue. Nous
avons fait le choix de la franchise et
de la clarté.
J'ajoute qu'il y aura, dans les jours à
venir, des points presse de respon-
sables de la sécurité, de la défense
ou de la justice. Car, les faits sont
là : oui, de l'argent frais a largement
circulé parmi les manifestants ; oui,
on a arrêté à des « distributeurs de
billets » des jeunes qui se livraient à
des actes de casse et de pillage durant
la nuit Oui, on a vu des proches de
ceux qui sont actuellement en prison
à la suite de la campagne anticorrup-
tion fomenter des troubles, encoura-
ger à la destruction de biens L'appel-
lation cercles ou réseaux mafieux est
appropriée. En réalité, ce n'est pas la
loi de finances, votée de façon démo-
cratique, qui est en cause, mais bel et
bien les résultats de la campagne an-
ticorruption.
HD. On parle également de retour en
force des milieux d'affaires liés au ré-
gime du président déchu Ben Ali, de
la restauration de son système
S. T. Je suis ministre de ce gouverne-
ment et vous savez très bien que je
n'appartiens pas à ce milieu. Je tiens
à dire que les choses sont un peu exa-
gérées. Je n'ai pas vu ces gens-là rô-
der autour des institutions de l'état et
je n'adhère pas à cette thèse de la res-
tauration du système dont vous par-
lez. Aujourd'hui, en Tunisie, notre
volonté est d'imposer, par-dessus
tout, l'autorité de la loi. Toute per-
sonne impliquée de près ou de loin
dans une forme quelconque de cor-
ruption doit être poursuivie.
Hommes d'affaires, anciens ou nou-
veaux, ceux qui ne violent pas la loi
n'ont rien à craindre. Dans le gou-
vernement auquel j'appartiens, nous
sommes convaincus que la phase de
transition démocratique est en voie
d'achèvement et qu'il faut normaliser
toutes les situations. Nous aspirons à
être définitivement un état de droit,
avec des obligations et des responsa-
bilités.
« Les difficultés économiques consti-
tuent une réalité incontournable »
Ministre de l'Agriculture et de l'Eau,
Samir Taïeb, secrétaire général du
parti Al Massar (gauche, commu-
niste), continue de justifier la poli-
tique du gouvernement et estime que
des réseaux mafieux opposés à la
campagne anticorruption mani-
pulent la détresse des jeunes. Il re-
connaît cependant que la contesta-
tion des mesures de la loi de finances
est légitime. ■
Entretien réalisé par N. T.
Tous droits réservés L'Humanité Dimanche 2018
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Parution : Hebdomadaire
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BÉNIN
Fronde sociale pour la défense du droit de grèveDepuis mardi, le Bénin est paralysé par une grève de soixante-douze heures reconductible dansla fonction publique, à l'appel des sept centrales syndicales.
jeudi 18 janvier 2018Page 16
614 mots
MONDE
L a « gouvernance de rupture »
dont le président, Patrice Talon,
veut faire sa marque de fabrique de-
puis son investiture, le 6 avril 2016,
sème déjà la discorde sur le terrain
social. Depuis mardi, le Bénin est pa-
ralysé par une grève de soixante-
douze heures reconductible dans la
fonction publique, à l'appel des sept
centrales syndicales du pays. Premier
motif de contestation, la loi votée le
28 décembre dernier, qui abolit le
droit de grève pour les personnels de
la santé, de la justice, de l'adminis-
tration pénitentiaire et des forces de
sécurité, gendarmes, douaniers et
policiers. Des « secteurs sensibles »,
avait alors justifié la majorité, tou-
chés, en 2017, par de longs mouve-
ments sociaux.
Patrice Talon assume sans ciller cette
restriction inédite d'une liberté syn-
dicale pourtant inscrite dans la
Constitution béninoise. « Une partie
de notre élite intellectuelle, syndi-
cale et politique s'interroge encore,
et de manière vive, sur la pertinence
de nos choix qui, quoique difficiles,
sont nécessaires au redressement de
notre pays, a-t-il expliqué lors de ses
vœux aux institutions et aux corps
diplomatiques. Il faut encore que
l'état, dans son organisation, dans sa
gestion, dans son administration et
dans le comportement de ses agents,
rende attrayant et compétitif notre
environnement économique et so-
cial. C'est le sens des réformes struc-
turelles initiées et adoptées tout ré-
cemment par notre Assemblée natio-
nale. »
Cette attaque contre les droits des
salariés de la fonction publique n'est
pas sans lien avec les exigences des
bailleurs internationaux. Au prin-
temps dernier, le Fonds monétaire
international (FMI) concluait avec le
Bénin un accord triennal au titre de
la facilité élargie de crédit (FEC) pour
un montant de 123,6 millions d'eu-
ros, en contrepartie d'un « pro-
gramme de réformes économiques et
financières ». Objectifs : « moderni-
ser les administrations », « éliminer
les obstacles au développement du
secteur privé » et « améliorer le cli-
mat des affaires », pour reprendre la
novlangue du Fonds.
Mais le droit de grève n'est pas la
seule pomme de discorde. Les cen-
trales syndicales à l'origine de ce
mouvement de protestation dé-
plorent aussi l'absence de dialogue
social, « la violation des libertés indi-
viduelles et collectives se traduisant
par la mise aux arrêts de policiers et
de forestiers », la nouvelle loi sur
l'embauche qui restreint les possibi-
lités d'accès à un contrat à durée in-
déterminée, le non-paiement des
primes de rentrée à tous les ensei-
gnants, la hausse des frais d'inscrip-
tion à l'université, les privatisations
dans les secteurs de l'eau, de l'électri-
cité, des télécommunications, ou en-
core le budget 2018, qui consacre une
pression fiscale accrue sur les sala-
riés.
Affairiste ayant fait fortune dans le
sillage de la libéralisation de la filière
coton, Patrice Talon n'a jamais fait
mystère de ses intentions ultralibé-
rales. « Il a choisi l'option du tout-
privé et de l'état minimum », tranche
le syndicaliste Paul Essè Iko, proche
du Parti communiste béninois. « Pour
Patrice Talon, réformer veut dire pri-
vatiser, analyse aussi Noël Chadaré,
secrétaire général de la Confédéra-
tion des organisations syndicales in-
dépendantes du Bénin (réformiste).
La société béninoise n'est pas prête
pour l'ultralibéralisme, on n'a aucun
filet social, c'est trop brutal. » Au Bé-
nin, le taux de pauvreté atteint 40,1
% en dépit d'une croissance écono-
mique dépassant les 5 % ces der-
nières années. ■
par Rosa Moussaoui
Tous droits réservés L'Humanité 2018
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