PANORAMA DE PRESSE - CGT FINANCES PUBLIQUES · «Des mesures d’accom-pagnement», telles que...

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PANORAMA DE PRESSE 22/12/2017 08h13 CGT Panorama réalisé avec Pressedd

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PANORAMA DE PRESSE

22/12/2017 08h13

CGT

Panorama réalisé avec Pressedd

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SOMMAIRE

ACTUALITE SOCIALE(7 articles)

vendredi 22 décembre2017

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Comment l’exécutif a fracturé les HLM (1582 mots)

Cadeau de 3 à 4 milliards d’euros aux contribuables soumis à l’ISF qui devient unimpôt limité à la seule fortune immobiliè…

Licenciement abusif : quelles indemnités ? (541 mots)

La " barémisation " des indemnités en cas de licenciement sans cause réelle etsérieuse introduite par les " ordonnances Ma…

Apprentissage : les régions se retirent de la concertation(500 mots)

Déjà passablement compliquée à cause des questions de budget, la relation desrégions avec le gouvernement a viré à l'orage. Mettan…

Loi Le Maire : le relèvement des seuils sociaux à nouveau endébat (500 mots)

« Tous les sujets sont sur la table et certaines idées…

Salaire minimum et inclusion sociale (749 mots)

Le récent rapport du groupe d'experts sur le SMIC invite à une réflexion sur laprocédure légale de revalorisation automatique util…

Les conditions de travail des salariés ne se dégradent plus(406 mots)

C'est un soulagement inattendu. Selon une étude du ministère du Travail réaliséeauprès de 27.000 Français l'an dernier, les condit…

Cadre, un statut menacé (1084 mots)

Un mur va tomber. Le 1er janvier 2019, les cadres n'auront plus de régime deretraite complémentaire spécifique. Ils cotiseront, comme tous …

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MOUVEMENTS SOCIAUX(1 article)

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EUROPE ET INTERNATIONAL(7 articles)

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Négociations, grève, blocages du site, élaboration d'un projetalternatif : les salariés (1218 mots)

Négociations, grève, blocages du site, élaboration d'un projet alternatif : lessalariés de General Electric (GE) Hydro à G…

Inauguré en 2011, le site de Castel San Giovanni, à proximitéde Piacenza, est l'un (1807 mots)

Inauguré en 2011, le site de Castel San Giovanni, à proximité de Piacenza, est l'undes 47 entrepôts européens d'Amazon et …

Loin de l'indifférence, si ce n'est de la complaisance de Paris etdes autres capitales (649 mots)

Loin de l'indifférence, si ce n'est de la complaisance de Paris et des autrescapitales européennes, les démocrates autrich…

Dans le Kentucky, les retraités-campeurs d’Amazon (1648 mots)

On était parti pour décrire l’univers de Charles Dickens adapté au XXIe siècle.L’exploitation de retraités américains, n’ayant pou…

Et la parole des femmes se libéra (4126 mots)

On ne se souviendra ni de l’heure ni de la date exacte, mais on gardera le souvenirdiffus de cet automne où il s’est passé quelque…

Uber perd une bataille juridique à Bruxelles (985 mots)

Vivement que l'année se termine ! La plate-forme américaine de transport privéde personnes (VTC) a connu revers sur revers…

L'affaire Uber aide la justice à définir l'économie collaborative(535 mots)

Bruxelles De notre correspondante Son arrêt était attendu depuis des mois. LaCour de justice de l'Union européenne (CJUE) a fini par tr…

Ryanair devra affronter une grève des pilotes en Allemagne(754 mots)

TRANSPORT La partition de harpe celtique - l'emblème de Ryanair - jouée parMichael O'Leary, le PDG de la compagnie …

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ACTUALITE SOCIALE

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RÉCIT

Comment l’exécutif a fracturé les HLM

La loi de finances prévoyant une baisse des APL a été adoptée jeudi à l’Assemblée. Avecl’appui du groupe Action logement, qui contrôle de nombreux bailleurs sociaux, legouvernement a forcé les organismes à accepter une diminution de leurs loyers.

N° 11377vendredi 22 décembre 2017

Édition(s) : PrincipalePages 16-171582 mots

FRANCE

C adeau de 3 à 4 milliards d’euros

aux contribuables soumis à

l’ISF qui devient un impôt limité à la

seule fortune immobilière (IFI) ; sup-

pression par étapes de la taxe d’habi-

tation pour 80 % des ménages ; ou

encore mesure d’économie drastique

d’un montant de 1,5 milliard d’euros

sur les aides personnalisées au loge-

ment (APL) des locataires du parc so-

cial. Dénoncé comme un budget«pour

les riches» par La France insoumise

comme par les socialistes ou les com-

munistes, le projet de loi de fi-

nances 2018 a été adopté en dernière

lecture à l’Assemblée nationale jeudi

par la majorité LREM-Modem.

La baisse des allocations logement

qui va toucher 2,5 millions de mé-

nages aux revenus très modestes et

souvent inférieurs au seuil de pau-

vreté, est ressentie comme «une

claque» par une grande partie du

monde HLM, les élus locaux et le Sé-

nat. Pour que cette baisse des APL

soit indolore pour les locataires

concernés, les bailleurs sociaux sont

tenus de diminuer d’autant leurs

loyers. Pour atteindre 1,5 milliard, ils

vont devoir appliquer une «réduction

de loyers de solidarité» (RLS)

de 800 millions d’euros en 2018

et 2019 et subir une hausse de la TVA

(de 5,5 % à 10 %) sur leurs travaux

d’entretien et de construction qui

rapportera 700 millions d’euros à

l’Etat. En 2020, la diminution des

loyers devra obligatoirement at-

teindre 1,5 milliard, les économies

sur les APL devant servir au gouver-

nement à afficher politiquement une

baisse de la dépense publique. Au-

cune mesure du même type n’est pré-

vue pour le parc locatif privé, qui a

pourtant avalé 8,5 milliards d’alloca-

tions logement en 2016. «Un deux

poids deux mesures» consistant à

«faire payer le secteur public pour lais-

ser le champ libre au privé», com-

mente dans un communiqué Paul

Cuturello, conseiller municipal (PS)

de Nice et ancien directeur de cam-

pagne de Benoît Hamon dans les

Alpes-Maritimes. «Il ne faut pas se

méprendre. Nous avons affaire à une

réforme des aides sociales qui ne dit

pas son nom, pointe Muriel Boulmier,

directrice générale d’une société de

HLM à Agen. Le gouvernement a fait le

choix politique de diminuer de 1,5 mil-

liard d’euros ses aides versées sous

forme d’allocations logement aux fa-

milles modestes vivant en HLM. Mais il

ne l’assume pas politiquement et il fait

régler la note aux bailleurs sociaux.»

«Zéro euro pour investir»

De nombreux organismes estiment

que cette baisse des loyers, qui aura

un effet immédiat sur leurs recettes,

met en péril leur équilibre écono-

mique. Selon diverses projections

faites par l’USH (Union sociale pour

l’habitat qui fédère tous les orga-

nismes de HLM), jusqu’à 200 orga-

nismes sur les 517 concernés par la

mesure pourraient basculer dans le

rouge dès 2018. Parmi les plus mena-

cés, figurent les bailleurs sociaux de

petite taille, implantés dans des bas-

sins d’habitat où ils peinent à trou-

ver des locataires, et qui logent une

forte proportion de familles touchant

l’APL. Certains organismes comptent

jusqu’à 70 % d’allocataires. Et c’est

autant de loyers qu’il faudra baisser.

Tandis que d’autres n’en ont que 30

%. Contacté par Libération, le secré-

taire d’Etat à la Cohésion des terri-

toires, Julien Denormandie, souligne

qu’un «mécanisme de péréquation fi-

nancière est prévu» entre les orga-

nismes : ceux qui ont peu de loca-

taires aux APL vont aider ceux qui en

ont beaucoup. «Des mesures d’accom-

pagnement», telles que «l’étalement

du remboursement de la dette des or-

ganismes», ou «des prêts bonifiés de

la Caisse des dépôts à taux très bas,

voire à taux zéro», visent aussi à sou-

tenir les bailleurs sociaux, affirme le

secrétaire d’Etat. Mais, sur le terrain,

beaucoup d’organismes ont déjà fait

leurs comptes. «La baisse des APL et

des loyers qu’on nous impose va bouf-

fer tout notre autofinancement. Il nous

restera zéro euro pour investir», pointe

le responsable d’un organisme de

HLM en Rhône-Alpes.

En première lecture, le Sénat avait

adopté à la quasi-unanimité un

amendement de la sénatrice (LR) Do-

minique Estrosi-Sassone, visant à

remplacer la baisse des loyers - qui

a un effet immédiat sur les recettes

des bailleurs sociaux - par une série

de mesures moins pénalisantes. Re-

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fus du gouvernement. Et mardi, il n’y

a pas eu d’avancées puisque le Sénat

a rejeté en bloc la loi organique

considérant que les modifications

qu’il apporterait ne seraient en tout

état de cause pas retenues puisque

l’Assemblée nationale a le dernier

mot en cas de désaccord sur un texte

entre députés et sénateurs. «L’As-

semblée nationale va passer en force

sur l’article 52 [de la loi de finances]

concernant les APL», pronostiquait

déjà lundi André Laignel, édile (PS)

d’Issoudun (Indre) et vice-président

de l’Association des maires de

France. Pour lui, les élus locaux, qui

ont cru «que l’affaire des APL allait se

régler dans le cadre d’une conférence

de consensus», annoncée le 23 no-

vembre par Emmanuel Macron de-

vant le congrès de l’AMF Porte de

Versailles à Paris, ont été «dupés». De

fait le projet de loi de finances 2018

a été voté définitivement bien avant

que ne débutent réellement les tra-

vaux de cette conférence.

Sur le terrain, les maires qui ont be-

soin des HLM pour mener leurs poli-

tiques de l’habitat, sont dépités. «Le

gouvernement joue sur les divisions,

négocie avec les uns contre les autres,

et au final fait ce qu’il veut», déplore

Jean-Louis Costes, maire (LR) de Fu-

mel, une commune du Lot-et-Ga-

ronne, où les bailleurs sociaux ont ré-

cupéré et réhabilité des cités ou-

vrières abandonnées à leur vétusté

avec leurs locataires, après la ferme-

ture des usines de métallurgie. Un

travail de terrain que ne reconnaît

pas le gouvernement, estiment des

élus et des dirigeants d’organismes

de HLM. Ils considèrent même que

le ministre de la Cohésion des terri-

toires Jacques Mézard, et son secré-

taire d’Etat, Julien Denormandie,

nourrissent un climat «hostile» aux

HLM. «Je n’ai jamais vu des gens aussi

déterminés à ringardiser et à discrédi-

ter les bailleurs sociaux qui apportent

un service de première nécessité aux ci-

toyens et qui logent près de 11 millions

de personnes, dit un ancien parle-

mentaire socialiste toujours impliqué

dans le logement social. Je ne sais pas

s’il leur arrive de mettre en parallèle les

revenus des gens et les prix des loyers

du privé et d’en déduire que, sans les

HLM, des millions de familles n’au-

raient pas les moyens de se loger dans

les grandes agglomérations.» Il ajoute

: «Même sous Nicolas Sarkozy, lui et

ses proches reconnaissaient la contri-

bution du monde des HLM à la cohé-

sion sociale.» Une considération qui,

selon cet ancien élu, passe par-des-

sus la tête de Julien Denormandie. «Il

est imperméable aux arguments

d’ordre social. Ce qui l’intéresse, c’est

la valorisation du parc, les ventes

de HLM, l’orthodoxie financière. Le

nouveau monde qu’il prétend incarner

ignore tout des réalités du vrai monde.»

Réponse de Julien Denormandie : «Je

suis sur le terrain. J’effectue de nom-

breuses visites. Je connais les réalités

des bailleurs sociaux. Vous ne trouve-

rez jamais dans ma bouche des propos

hostiles à leur encontre. J’ai la convic-

tion, même, qu’il nous faut 1,5 million

de logements HLM en plus» pour ré-

pondre aux besoins du pays.

La famille HLM divisée

Julien Denormandie dément vouloir

«ringardiser», «discréditer» ou «divi-

ser» le monde des bailleurs sociaux.

Pourtant, le gouvernement auquel il

appartient a - et c’est une première

- clairement divisé la famille HLM

pour lui arracher un accord sur la di-

minution des APL. Pour y arriver, «il

a joué la carte du Medef», éructe Alain

Cacheux, président des Offices pu-

blics de l’habitat (OPH) qui fédère

les 267 offices liés aux collectivités

territoriales et qui possède 2,4 mil-

lions de logements. Contre les OPH,

le gouvernement a privilégié ces der-

nières semaines une négociation

avec les Entreprises sociales pour

l’habitat (ESH) qui regroupent

250 organismes de HLM liés au

monde de l’entreprise et

gèrent 2,1 millions de logements.

Dans cet univers des ESH, il y a un ac-

teur clé : le groupe Action logement

(AL), chargé notamment de la col-

lecte du «1 % logement» (ces cotisa-

tions versées par les entreprises de

plus de 20 personnes pour aider les

salariés à se loger). Action logement

contrôle pas moins de 72 sociétés de

HLM, qui détiennent au total près

d’un million de logements, dont 918

000 sociaux. Autant dire que rien

dans le monde des ESH ne se fait sans

l’aval d’Action logement. En théorie,

AL est une entité paritaire patronat-

syndicats. «En réalité, elle est totale-

ment contrôlée par le Medef», indique

un connaisseur du secteur. Tout ce

qui compte au sein d’Action loge-

ment (le groupe, les sociétés de

HLM…) est présidé par des représen-

tants du Medef, ceux des syndicats

occupant des postes de «vice-pré-

sident» aux compétences floues et

dénués de réels pouvoirs.

Bras de fer

Ainsi, le groupe Action logement est

présidé par Jacques Chanut, égale-

ment président de la Fédération fran-

çaise du bâtiment (FFB), un poids

lourd du Medef. Dans cette baisse des

APL, la fédération des ESH dominée

par Action logement est ainsi allée

négocier seule, le 24 novembre à Ma-

tignon, alors que celle des OPH vou-

lait poursuivre une stratégie du bras

de fer. Au nom de tout le mouvement

HLM, les ESH et le gouvernement ont

fini par parapher, le 13 décembre, un

protocole d’accord pour une baisse

des APL compensée par une diminu-

tion des loyers de 1,5 milliard

pour 2020 (après deux ans de transi-

tion), en laissant de côté les OPH, qui

détiennent plus de la moitié du parc

HLM (2,4 millions de logements

sur 4,5 millions).

L’avant-veille de la signature du pro-

tocole, Jacques Chanut et Bruno Ar-

bouet, directeur général d’Action lo-

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gement, avaient dîné en grande

pompe à l’hôtel de Castries, qui

abrite le ministère de la Cohésion des

territoires, à l’invitation de Jacques

Mézard. Contacté par Libération, sur

son rôle joué en coulisse pour la si-

gnature de cet accord par les ESH,

Action logement a refusé de ré-

pondre. Les bailleurs sociaux les plus

fragiles se sentent très menacés à

court ou moyen terme par la baisse

des loyers qui va mettre à mal leur

modèle économique. Certains sus-

pectent AL, financièrement très so-

lide, et d’autres grosses structures

comme la SNI (groupe de la Caisse

des dépôts) d’être à l’affût pour ra-

cheter le patrimoine des organismes

qui finiront par baisser le rideau. ■

par Tonino Serafini

Tous droits réservés Libération 2017

929b53f08890ef01a59b1f804207318c98a1d768f28051f242de3a3

Parution : Quotidienne

Diffusion : 75 824 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017

Audience : 961 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 8

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Licenciement abusif : quelles indemnités ?

vendredi 22 décembre 2017Page 29

541 mots

LE MONDE ECO ET ENTREPRISE

La " barémisation " des indemnités en

cas de licenciement sans cause réelle

et sérieuse introduite par les " ordon-

nances Macron " pour réformer le

droit du travail heurterait-elle la

Charte sociale européenne, qui

énonce des droits sociaux fondamen-

taux ? Cet instrument international,

élaboré par le Conseil de l'Europe et

ratifié par la France, affirme " le droit

des travailleurs licenciés sans motif va-

lable à une -indemnité adéquate ou à

une autre réparation appropriée ". Le

Comité européen des droits sociaux

(CEDS) déterminera ce qu'est une "

réparation appropriée ".

C'est aussi cet organe d'experts indé-

pendants qui examinera des plaintes

collectives formulées par les syndi-

cats ou dans le cadre du contrôle ré-

gulier de -conformité à la Charte des

règles nationales. Le CEDS a ainsi

rappelé la Finlande à l'ordre, consi-

dérant, dans une décision publiée le

31 janvier, que " dans certains cas de

licenciement abusif, l'octroi d'indemni-

sation à hauteur de vingt-quatre mois

prévue par la loi relative au -contrat de

travail peut ne pas suffire pour com-

penser les pertes et le préjudice subis ".

Ordonnances Macron

En 2012, le droit slovène avait été

tancé : " Un plafonnement, même va-

lable, des indemnités obtenues au titre

du préjudice matériel ne doit pas em-

pêcher la victime de pouvoir demander

réparation pour le préjudice moral subi

par d'autres voies de droit. " Cette ab-

sence " de recours autre " est égale-

ment critiquée dans la décision de

2017.

Le " plafonnement " français se dis-

tingue toutefois légèrement des si-

tuations précédentes. Les ordon-

nances Macron redonnent pouvoir au

juge de s'abstraire des plafonds d'in-

demnisation dans plusieurs cas :

lorsque la nullité du licenciement est

le fait d'une violation d'une liberté

fondamentale ou de harcèlement

moral ou sexuel ; lorsqu'il est discri-

minatoire ou consécutif à une action

en justice pour non-respect de l'éga-

lité professionnelle entre hommes et

femmes ; en cas de dénonciation de

crimes et délits ; s'il est en lien avec

l'exercice d'un mandat par un salarié

protégé au titre de l'exercice d'un

mandat dans ou hors de l'entreprise.

Il existe ainsi " des moyens de droit

autres que l'indemnisation plafonnée ".

De plus et surtout, le Comité euro-

péen des droits sociaux est la pre-

mière étape d'un processus qui peut

conduire à une sanction politique,

exprimée par le Comité des ministres

ou l'Assemblée parlementaire des

Etats du Conseil de l'Europe, sous la

forme d'une résolution puis éven-

tuellement d'une condamnation et

d'un appel à une modification de la

législation. Un juge français ne sau-

rait dès lors invoquer seul et directe-

ment l'article 24 de la Charte sociale

européenne tel qu'interprété par le

CEDS pour écarter l'application d'un

plafond maximum d'indemnisation.

Le CEDS n'étant pas une juridictions-

tricto sensu, dont les décisions s'im-

poseraient à un Etat. Il n'empêche,

le soupçon de non-conformité aux

droits sociaux fondamentaux, euro-

péens de surcroît, existe bel et bien.■

Tous droits réservés Le Monde 2017

DA9673B481500E07B5291010FB07B1159951B46CC24550FFBA8D6C7

Parution : Quotidienne

Diffusion : 278 790 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017

Audience : 2 416 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 9

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Apprentissage : les régions se retirent de la concertationLes régions « sursoient » à leurs investissements dans les centres de formation d'apprentis.Ellesdemandent à être reçues en urgence par Edouard Philippe.

N° 22599vendredi 22 décembre 2017

Page 5500 mots

FRANCE—COLLECTIVITÉS LOCALES

D éjà passablement compliquée à

cause des questions de budget,

la relation des régions avec le gou-

vernement a viré à l'orage. Mettant

leur menace à exécution, celles-ci

ont annoncé, jeudi matin, qu'elles se

retiraient de la concertation sur la ré-

forme de l'apprentissage, dénonçant

un exercice « totalement factice et

qui confine désormais à la mascarade

». « Nous avons mis un terme […] à

notre participation à la pseudo-

concertation organisée par le gouver-

nement dans le cadre de la réforme

de l'apprentissage », a déclaré David

Margueritte, le président de la com-

mission emploi-formation-appren-

tissage de l'association Régions de

France.

Investissements gelés

Signe que le ton est monté : la veille,

dans un courrier à Edouard Philippe

auquel les régions demandaient un

rendez-vous urgent, la menace ne

portait que sur une « suspension ».

Menace assortie d'une décision de «

surseoir à tous les projets d'investis-

sement » dans les centres de forma-

tion d'apprentis (CFA).

A l'origine de ce coup de sang, il y a,

dénoncent les régions, la volonté du

gouvernement de leur retirer le pi-

lotage de l'apprentissage pour le

confier aux branches profession-

nelles. C'est bien ce qui se dessine,

l'exécutif considérant que l'appren-

tissage ne se développera pas tant

qu'il restera sous la coupe d'un sys-

tème administratif, quel que soit son

échelon. Le procès en inefficacité se

nourrit des milliers de places en CFA

vides. Ou encore des coûts des for-

mations, qui varieraient de 1 à 7 se-

lon les régions pour un même di-

plôme. Mais aussi des pertes en ligne

de taxe d'apprentissage, deux régions

étant particulièrement soupçonnées.

Le gouvernement veut que les CFA

ne touchent de l'argent que pour

chaque contrat signé par un jeune,

sur la base d'un coût par formation

arrêté par les branches profession-

nelles. A charge pour chaque CFA, en

bonne intelligence avec les milieux

professionnels locaux, de tout faire

pour attirer jeunes et employeurs

vers des formations gagnantes.

Le tout serait servi par une taxe d'al-

ternance unique, regroupant la taxe

d'apprentissage actuelle et celle des

contrats de professionnalisation,

dont le taux est à l'étude (entre 0,8

et 0,95 %). Restera le plus dur : redo-

rer l'image de l'apprentissage auprès

des jeunes, des parents mais aussi de

l'Education nationale.

Tout cela, les régions le savent de-

puis longtemps déjà. « Le gouverne-

ment a arrêté sa ligne depuis le début

du processus : la privatisation pure

et simple de l'apprentissage par son

transfert aux branches profession-

nelles », déplore David Margueritte.

Ce qui amène certains à se demander

ce qui motive réellement leur sou-

daine décision de se retirer du jeu.

Démarrée il y a un peu plus d'un

mois,la concertation doit donner lieu

à un premier bilan ce vendredi. ■

par Alain Ruello

Tous droits réservés Les Echos 2017

6E90D3D68CE01C0415B311604C05A1B29171F266C25451FFAF29F50

Parution : Quotidienne

Diffusion : 128 215 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017

Audience : 633 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 10

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Loi Le Maire : le relèvement des seuils sociaux à nouveau en débatUn des groupes de travail sur le futur projet de loi entreprise propose de lisser dans le temps lesobligations fiscales et sociales liées au franchissement de seuils pour les entreprises.

N° 22599vendredi 22 décembre 2017

Page 4500 mots

FRANCE—SOCIAL

« Tous les sujets sont sur la table et

certaines idées sont décoiffantes », a

affirmé jeudi le ministre de l'Econo-

mie, Bruno Le Maire, lors de la pré-

sentation à Bercy des travaux menés

par les binômes parlementaire-chef

d'entreprise en vue de l'élaboration

du plan d'action pour la croissance

et la transformation des entreprises

(Pacte). Difficile d'en juger cepen-

dant puisque le gouvernement n'a

pas souhaité communiquer le détail

des propositions en question. L'une

d'elles, même si elle n'est pas très do-

cumentée à ce stade, a toutefois re-

donné espoir aux chefs d'entreprise

présents : la réforme des seuils so-

ciaux. Les entreprises qui fran-

chissent les seuils de 10, 20 ou 50 sa-

lariés sont actuellement soumises à

toute une série de cotisations. L'une

des plus importantes est le verse-

ment transport, au-delà de 10 sala-

riés. Mais passé ce seuil, l'entreprise

doit aussi payer un taux de cotisation

plus élevé pour financer la formation

professionnelle et l'apprentissage.

Au-delà de 20 salariés, ce sont les co-

tisations pour l'aide au logement qui

viennent se rajouter. La précédente

majorité, sous l'impulsion de Thierry

Mandon, alors secrétaire d'Etat à la

Simplification, avait adopté via la loi

Rebsamen un gel de trois ans

(2015-2018) sur ces prélèvements so-

ciaux et fiscaux pour toutes les entre-

prises qui franchissaient ces seuils.

Fusion des IRP

Que faire de plus ? Relever les seuils

en les doublant par exemple est une

demande récurrente d'une grande

partie des organisations patronales.

L'argument principal est la libéralisa-

tion de l'emploi qui pourrait en dé-

couler. En réalité, les effets sur l'em-

ploi seraient très limités, selon les

évaluations de l'Insee. En revanche,

le coût budgétaire n'est pas négli-

geable, et c'est notamment la raison

qui avait poussé le précédent exécutif

à être très prudent en la matière.

Pour les dirigeants d'entreprise, c'est

le passage à 50 salariés qui est sou-

vent le plus redouté. Pas tellement

pour des obligations fiscales, elles

sont quasi inexistantes à ce stade,

mais surtout pour des raisons admi-

nistratives (déclaration des mouve-

ments de main-d'oeuvre) ou liées à

la représentation des salariés. La mi-

nistre du Travail, Muriel Pénicaud,

qui était présente jeudi à Bercy, a es-

timé que le sujet était réglé par les

ordonnances travail qui ont permisla

fusion des instances représentatives

du personnel au-delà de 50 salariés et

ont donné la possibilité de négocier

directement avec ses salariés en des-

sous de 20 salariés. Mais, pour beau-

coup de patrons de PME, la fusion

n'est pas une simplification suffi-

sante. Et dans les entreprises de plus

de 11 salariés, l'obligation d'organi-

ser des élections professionnelles est

toujours d'actualité. ■

par Marie Bellan

Tous droits réservés Les Echos 2017

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DE FRANÇOIS BOURGUIGNON

Salaire minimum et inclusion sociale

N° 22598jeudi 21 décembre 2017

Page 10749 mots

IDÉES & DÉBATS—LE COMMENTAIRE

L e récent rapport du groupe

d'experts sur le SMIC invite à

une réflexion sur la procédure légale

de revalorisation automatique utili-

sée en France pour ce minimum sala-

rial. Celle-ci consiste à en augmenter

annuellement le niveau à concur-

rence de l'inflation constatée l'année

précédente et de la moitié de la

hausse observée du pouvoir d'achat

d'un salaire de référence. Au vu du

rapport du groupe d'experts et après

concertation avec les partenaires so-

ciaux, le gouvernement peut en outre

ajouter discrétionnairement un «

coup de pouce » selon l'état de l'éco-

nomie, du marché du travail ou

d'autres considérations. Les auteurs

du rapport proposent d'abandonner

cette automaticité et, à l'exemple de

ce qui se pratique dans la majorité

des pays disposant d'un salaire mini-

mum, de se reposer sur une simple

procédure de négociation sans a

priori.

Une telle réforme peut n'avoir qu'un

impact marginal sur la fixation du

SMIC, dans la mesure où la double

indexation actuelle sera, d'une façon

ou d'une autre, présente à l'esprit des

négociateurs. Pour le groupe d'ex-

perts, elle devrait cependant per-

mettre, le cas échéant, de ralentir

l'évolution du SMIC, par exemple en

cas de perte de compétitivité de

l'économie ou d'un taux excessif de

chômage, sans pour autant affecter

la pauvreté grâce aux filets de sécu-

rité qui amortissent les effets d'une

modification salariale sur les niveaux

de vie des ménages. Elle éliminerait

aussi l'effet multiplicateur sur les

prix et les salaires de l'indexation

partielle du SMIC sur le salaire

moyen, effet dû lui-même à la trans-

mission inévitable d'une hausse du

SMIC à un large éventail des salaires.

Finalement, une revalorisation non

automatique du SMIC pourrait dans

certains cas permettre d'économiser

sur la dépense publique destinée à

diminuer son impact sur le coût du

travail et l'emploi par le biais des mé-

canismes de baisse de charges sala-

riales payées par les employeurs.

Les auteurs du rapport ont raison de

souligner l'influence du SMIC sur

l'emploi et les finances publiques, et

aussi son très faible impact sur la

pauvreté, en présence des méca-

nismes de protection des niveaux de

vie familiaux disponibles en France.

Ces deux propriétés du salaire mini-

mum sont bien connues et ont fait

l'objet de nombreuses études et de

rapports antérieurs. Le nouveau rap-

port semble pourtant négliger un

point important dans son argumen-

tation : la fonction d'inclusion so-

ciale du salaire minimum.

Une société inclusive demande que

chacun se sente valorisé et impor-

tant, ce qui exige en particulier que

certains droits individuels en matière

d'emploi et de niveau de vie soient

satisfaits. S'agissant de l'emploi, ce-

pendant, il ne peut pas s'agir d'un

emploi à n'importe quel salaire.

Quelqu'un qui occuperait un emploi

sous-payé en comparaison de la ma-

jorité des salariés se sentirait déva-

lorisé et victime d'exclusion sociale -

et serait regardé comme tel - même

si son niveau de vie lui permettait

d'échapper à la pauvreté. Le salaire

minimum, associé aux mécanismes

de garantie d'un niveau de vie fami-

lial minimum, protège contre une

telle exclusion, si tant est, bien sûr,

que son niveau ne soit pas fixé trop

bas par rapport au salaire moyen ou

médian.

Prendre cet aspect du salaire mini-

mum en compte requiert donc qu'il

soit fixé de façon à limiter les écarts

salariaux sous peine de créer un sen-

timent d'exclusion chez ceux qui y

sont soumis et d'aviver les tensions

sociales. Un salaire minimum faible

peut certes être favorable à l'emploi

par rapport à un salaire minimum

élevé, créateur de chômage. Mais s'il

est trop faible, il ne corrigera que très

partiellement le sentiment d'exclu-

sion sociale issu d'un chômage exces-

sif.

L'indexation sur le salaire moyen

dans la formule actuelle de revalo-

risation du SMIC est une garantie

contre le risque d'un creusement ra-

pide des inégalités salariales. Il n'est

pas acquis que cet objectif d'inclu-

sion sociale pèse toujours le même

poids dans un mode discrétionnaire

de revalorisation. ■

par François Bourguignon

François Bourguignon est profes-

seur à Paris School of Economics.

Tous droits réservés Les Echos 2017

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Les conditions de travail des salariés ne se dégradent plusSelon une étude, les contraintes liées au rythme de travail se sont stabilisées depuis 2013.

N° 22598jeudi 21 décembre 2017

Page 4406 mots

FRANCE—SOCIAL

C 'est un soulagement inattendu.

Selon une étude du ministère

du Travail réalisée auprès de 27.000

Français l'an dernier, les conditions

de travail des salariés, telles que ces

derniers les ressentent, ont arrêté de

se dégrader. Les contraintes liées au

rythme de travail se sont stabilisées

depuisla dernière enquête réalisée en

2013.

La pression temporelle ressentie s'est

tassée légèrement : 45 % des salariés

disent devoir se dépêcher « toujours

ou souvent », soit 1 point de moins

que lors de l'étude de 2013. Et le ni-

veau de pression au travail chute : «

31 % des salariés déclarent travailler

sous pression, alors qu'ils étaient 36

% en 2013. Cette baisse est particu-

lièrement importante chez les cadres

», note la Dares, la direction du mi-

nistère du Travail qui a effectué l'en-

quête. « La mobilisation des parte-

naires sociaux sur la question des

risques psychosociaux a permis d'in-

verser la tendance », explique Tho-

mas Coutrot, chef du département

santé au travail de la Dares.

Un travail plus morcelé

et plus exigeant

Les comportements hostiles sont

aussi en baisse, sauf pour les salariés

les plus précaires. Quant aux expo-

sitions aux risques physiques, elles

sont globalement inchangées mais

restent à un niveau « élevé ». Tout

n'est pas rose pour autant. « Le tra-

vail devient plus exigeant, il de-

mande plus de vigilance et est plus

morcelé », indique Maryline Becque,

coauteure de l'étude. Surtout, les sa-

lariés français se sentent de moins en

moins autonomes. « L'autonomie et

les marges de manoeuvre des salariés

poursuivent le déclin entamé depuis

1998, et ceci pour toutes les catégo-

ries socioprofessionnelles », selon

l'étude.

Les salariés sont ainsi moins nom-

breux à « choisir eux-mêmes la façon

d'atteindre les objectifs fixés », même

les cadres. « La tendance lourde est à

la standardisation des tâches, y com-

pris celles des cadres », confirme

Thomas Coutrot. Enfin, dernier point

inquiétant à l'heure où l'on craint que

la robotisation ne détruise des em-

plois, « le travail tend à devenir plus

répétitif », selon la Dares. Ainsi, 43 %

des salariés déclarent « répéter conti-

nuellement une même série de gestes

ou d'opérations » contre 41 % en

2013 et 27 % en 2005. ■

par Guillaume De Calignon

Tous droits réservés Les Echos 2017

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LES PARTENAIRES SOCIAUX SE RETROUVENT AUJOURD'HUI AU SIÈGE DU MEDEF POUR ENTAMER UNE NÉGOCIATION SURLE STATUT DES CADRES. CETTE NÉGOCIATION INTERVIENT DANS LE CONTEXTE DE LA FUSION DES RÉGIMES DE RETRAITECOMPLÉMENTAIRE AGIRC ET ARRCO AU 1ER JANVIER 2019. SPÉCIFIQUE À LA FRANCE, LA FIGURE DU « CADRE » EST FRAGI-LISÉE PAR LES ÉVOLUTIONS DU MONDE DU TRAVAIL.

Cadre, un statut menacé

Les cadres sont passés de 5 % à 15 % de la population active en quelquesdécennies. De quoi banaliser une fonction qui n'a plus le même prestigequ'autrefois.

jeudi 21 décembre 2017Pages 2-31084 mots

EVÉNEMENT

U n mur va tomber. Le 1er janvier

2019, les cadres n'auront plus

de régime de retraite complémen-

taire spécifique. Ils cotiseront,

comme tous les autres salariés du

secteur privé, à un régime unifié

Agirc-Arrco. Un véritable séisme, si

l'on se réfère à l'histoire de cette ca-

tégorie si spécifiquement française.

« Après la Seconde Guerre mondiale,

les cadres refusaient catégoriquement

d'être associés aux ouvriers dans le ré-

gime général de sécurité sociale en

création, raconte le sociologue

Charles Gadéa, enseignant-cher-

cheur à l'université Paris-Nanterre.

Ils vivaient comme une déchéance

d'être mis dans le même panier. Leur

assentiment n'a été obtenu que grâce à

la création d'une caisse de retraite spé-

cifique, l'Agirc, en 1947. » Les textes

fondateurs de l'organisation officia-

lisent d'ailleurs pour la première fois

le terme de « cadre », qui n'existe pas

encore dans le code du travail.

C'est dire que la dissolution pro-

grammée de l'Agirc a provoqué une

forme de crise d'angoisse existen-

tielle au syndicat des cadres CFE-

CGC… En échange de la fusion, déci-

dée en 2015 pour raisons financières,

le syndicat catégoriel a obtenu l'ou-

verture d'une négociation interpro-

fessionnelle, qui débute demain.

Son objet? Graver dans le marbre

d'un accord interprofessionnel – et

pas seulement dans les conventions

collectives de branche – les critères

de la fonction « cadre » et, in fine, re-

donner corps à une catégorie qui a

perdu beaucoup de ses attributs. Car

les cadres ne sont plus ce qu'ils

étaient…

La tertiarisation de l'économie, l'aug-

mentation continue du nombre de

diplômés du supérieur, la montée en

gamme des emplois… Ces évolutions

ont entraîné une explosion de leur

nombre, au risque de la banalisation.

Secteurs privé et public confondus,

ils représentent aujourd'hui 15 % de

la population active, contre 5 % dans

les années 1970. Si l'on s'en tient au

secteur privé, les cotisants à l'Agirc

sont aujourd'hui un peu plus de

4 millions, soit deux fois plus que

dans les années 1980.

À ces tendances de fond se sont ajou-

tées des motivations plus circonstan-

cielles. « Pendant les années de crise,

les employeurs ont eu tendance à ac-

corder ce statut plus facilement qu'au-

paravant, reconnaît Jean-Pierre Basi-

lien, expert des relations sociales

pour le groupe de réflexion Entre-

prise & personnel, qui fédère les

grands groupes français. Ça fait plai-

sir et ne coûte pas forcément cher. »

De même, « la loi sur les 35 heures a

vu des catégories entières basculer du

côté cadres, notamment dans la

banque, ajoute Charles Gadéa. Ça évi-

tait aux employeurs d'avoir à payer ces

salariés en heures supplémentaires. »

Les repères se brouillent. Avec la

montée en puissance des cadres « ex-

perts » – informaticiens, spécialistes

des achats, communicants – on peut

être cadre… sans encadrer. Selon les

chiffres du ministère du travail, 43 %

des cadres n'ont pas de responsabili-

té hiérarchique, une proportion qui a

progressé de 15 % depuis les années

1990.

Pire, « si l'on prend en compte les

contremaîtres, les techniciens, les chefs

d'équipe dans le bâtiment, les ouvriers

qui chapeautent un apprenti, les non-

cadres sont désormais plus nombreux

à encadrer que les cadres », relève

Charles Gadéa. De quoi y perdre son

latin. D'ailleurs, les cadres interrogés

en 2015 par TNS Sofres pour la CFDT

sont 53 % à considérer que le statut

« ne veut plus dire grand-chose au-

jourd'hui ».

Un sentiment renforcé par les chan-

gements d'organisation au sein

même des entreprises. « Manage-

ment de projet », « structures matri-

cielles »: « On travaille de plus en plus

avec des gens avec lesquels il n'existe

↑ 14

Page 15: PANORAMA DE PRESSE - CGT FINANCES PUBLIQUES · «Des mesures d’accom-pagnement», telles que «l’étalement du remboursement de la dette des or-ganismes», ou «des prêts bonifiés

pas de lien hiérarchique, explique

Jean-Paul Charlez, président de l'As-

sociation nationale des directeurs

des ressources humaines (ANDRH).

Dans ce contexte, c'est votre valeur

ajoutée qui compte, pas votre statut. »

On a beau être cadre sur le papier, le

sentiment de peser sur la stratégie de

l'entreprise, d'avoir de vraies marges

de manœuvre n'est plus forcément

au rendez-vous. « Les organisations

réduisent l'incertitude au maximum,

explique Jean-Pierre Basilien. Les

processus sont de plus en plus standar-

disés, impératifs. Même à un certain

niveau, l'autonomie des cadres est plus

limitée que par le passé. »

Dans un ouvrage qui vient de pa-

raître, Le Management désincarné, la

sociologue Marie-Anne Dujarier

identifie une nouvelle catégorie de

cadres – les « planneurs » – dont la

tâche est d'améliorer la performance

de l'entreprise dans tous les do-

maines, que ce soit la production, les

ressources humaines ou la gestion.

Les cadres opérationnels n'appré-

cient pas toujours leurs prescriptions

venues « d'en haut », qui

contraignent leur travail par des

« protocoles » et autres procédures.

Des voix s'élèvent pour en finir avec

cette distinction entre cadre et non-

cadre – qui fleure bon les Trente Glo-

rieuses mais qui serait désormais dé-

passée. « La distinction entre manager

et non-manager me paraîtrait plus

pertinente, plaide ainsi le consultant

en ressources humaines Denis Mon-

neuse. Ce qui permettrait de mieux va-

loriser cette fonction. »

Signe des temps: la frontière

cadres–non-cadres a failli disparaître

de la nouvelle grille de classification

de la branche métallurgie, qui couvre

pas moins de 40 000 entreprises et

1,3 million de salariés. Tout juste fi-

nalisée, après un an d'un travail ti-

tanesque, elle a remis à plat tous les

emplois du secteur, hiérarchisés dé-

sormais en fonction de six critères

rénovés.

La « complexité » de l'activité a fait

son apparition; les « connaissances »

– qui résument la formation et les ac-

quis de l'expérience – ont remplacé

la référence aux seuls diplômes.

Chaque emploi s'inscrit dorénavant

dans un continuum, avec des coeffi-

cients s'échelonnant de 1 à 10.

« Une fois ce travail fait, nous avons

quand même remis une frontière entre

cadres et non-cadres », explique Hu-

bert Mongon, le délégué général de

l'UIMM, l'organisation patronale du

secteur. Une obligation, tant que la

fusion de l'Agirc-Arrco n'est pas ef-

fective. Et une façon aussi de ne pas

brusquer les esprits. « Les gens restent

malgré tout attachés à ce statut », as-

sure Hubert Mongon.

« Même si ”passer cadre” n'a plus la

même force symbolique qu'auparavant,

cela reste un enjeu de reconnaissance

important pour les salariés, rappelle

Jean-Paul Charlez (ANDRH). Ce

concept garde beaucoup de force en

France. »

L'histoire sociologique des cadres est

d'ailleurs remplie de prédictions an-

nonçant leur fin prochaine. « À la fin

des années 1970 déjà, un groupe de

jeunes patrons dénonçait dans une pu-

blication une frontière dépassée », re-

late Charles Gadéa. Mais quarante

ans plus tard, le cadre à la française

– qui n'a aucun équivalent ailleurs –

est toujours là. ■

par Reju Emmanuelle

Tous droits réservés La Croix 2017

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Parution : Quotidienne

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MOUVEMENTS SOCIAUX

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Négociations, grève, blocages du site, élaboration d'un projet alternatif : lessalariés

vendredi 22 décembre 2017Page 8

1218 mots

SOCIAL-ECO

N égociations, grève, blocages du

site, élaboration d'un projet al-

ternatif : les salariés de General Elec-

tric (GE) Hydro à Grenoble (Isère) au-

ront tout essayé pour tenter de faire

échec au plan de restructuration de

leur activité. Mais la direction du fa-

bricant de turbines hydroélectriques

sera restée inflexible de bout en bout,

depuis l'annonce, au mois de juin, de

1 100 suppressions d'emplois dont

345 sur son site isérois. « La direction

nous a expliqué que, soit on signait

un plan avec 16 suppressions de

postes en moins, soit ils faisaient ho-

mologuer par la Direccte la version

avec 345 suppressions de postes »,

dénonce Nadine Boux, déléguée CFE-

CGC sur le site. « Depuis le mois de

juillet, on fait du surplace : ce n'est

pas un dialogue, on nous regarde de

haut », regrette-t-elle. Si la négocia-

tion s'est achevée ce mardi, la propo-

sition de plan social de GE Hydro de

la direction sera soumise le 26 dé-

cembre à la direction régionale des

entreprises, de la concurrence, de la

consommation, du travail et de l'em-

ploi (Direccte, ex-direction du tra-

vail).

Or, sur ce dossier pourtant straté-

gique, l'état a brillé par son silence,

fait remarquer la syndicaliste. Pré-

sentée comme l'une des priorités de

l'actuel gouvernement comme du

précédent, la transition énergétique

semble impensable sans un soutien

à la filière hydraulique, première

source d'énergie renouvelable en

France. « Il n'est pas question de lais-

ser tomber General Electric Gre-

noble. Au contraire, nous aiderons,

nous soutiendrons, nous trouverons

des solutions », avait d'ailleurs clai-

ronné sur France Info le ministre de

l'économie, Bruno Le Maire, mi-oc-

tobre.

Vers la délocalisation d'une partie de

la conception et de la production

« Pourtant, GE est prêt à mettre en

péril cet objectif de transition écolo-

gique pour faire plaisir à ses action-

naires », regrette Nadine Boux, qui

estime que, derrière ce plan de re-

structuration mondial, se cache une

entreprise de « sabotage » de la filière

hydraulique. L'un des objectifs du

plan stratégique initié par la direc-

tion de GE Hydro consiste à déloca-

liser une partie de la conception et

de la production des turbines, par

exemple en créant des « hubs » au

Kenya ou en Turquie pour se rappro-

cher de ces marchés, ou en confiant

la fabrication des pièces réalisées

jusqu'ici à Grenoble à des usines en

Chine, en Inde et au Brésil. « Mais la

production d'une turbine, en termes

de technologie, c'est équivalent à la

fabrication d'une fusée. On est dans

un domaine high-tech très pointu, le

transfert de compétences ne se fait

pas comme ça ! » souligne Nadine

Boux, qui précise que le fait de ne

plus produire ces turbines en France

pourrait poser des problèmes d'indé-

pendance énergétique dans un pays

où les installations sont vieillis-

santes.

Pour la CGT, ce plan de restructu-

ration est révélateur de l'échec des

politiques de « joint-ventures » pro-

mues par le gouvernement entre Al-

stom et General Electric. « Le gouver-

nement a prétendu, à travers les co-

entreprises (Hydro, Grid, Nucléaire),

garantir la pérennité de la filière in-

dustrielle énergétique. Son accepta-

tion des plans sociaux à répétition

initiés par GE, comme l'acceptation

de la dissolution programmée des-

dites coentreprises sont autant de

trahisons de l'intérêt collectif. Le

scandale d'état continue ! » s'est in-

dignée la fédération des travailleurs

de la métallurgie (FTM) CGT dans un

communiqué. D'autant que, dans le

cadre de ces coentreprises, General

Electric s'était engagé en 2014 à créer

1 000 emplois d'ici au 31 dé-

cembre 2018. Or, d'après Bercy, GE

aurait certes embauché 2 500 salariés

en France, mais pour une création

nette de seulement 358 emplois. «

Avec les 345 suppressions d'emplois

à Grenoble, cela mettra quasiment

les compteurs à zéro », remarque Na-

dine Boux. Ce qui n'empêche pas le

ministère de l'économie de juger que,

« à date, GE est en ligne avec les en-

gagements pris en 2014 et que GE

mettra tout en œuvre afin d'être en

mesure de les tenir, à leur échéance

prévue fin 2018 ».

« Que vaut la parole de l'état dans de

telles conditions ? » s'interroge, dans

un communiqué, le député commu-

niste Fabien Roussel, qui rappelle en

outre que, « à chaque fois que la

France vend ses bijoux de famille,

c'est l'emploi qui perd des plumes. En

vingt-cinq ans, notre industrie natio-

nale a perdu 1,5 million d'emplois. Et

ce sont les élus locaux qui payent la

facture » !

« Les alternatives à la fermeture du

↑ 17

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site de Grenoble ne manquent pour-

tant pas », comme l'ont souligné les

experts du CCE et de l'IRS (comité

européen). Les élus syndicaux ont

proposé, par exemple, le rachat d'une

des trois coentreprises (celle sur le

renouvelable) par Alstom avec le rat-

tachement de la partie éolienne (ter-

restre et maritime) à EDF énergies

nouvelles et celui de la partie hy-

draulique à Naval Group ex-DCNS

qui développe des hydroliennes »

rappelait la fédération générale des

mines et de la métallurgie (FGMM)

CFDT dans un communiqué mi-oc-

tobre.

L'intersyndicale appelle le gouverne-

ment à agir

Ce plan alternatif, élaboré par l'inter-

syndicale CFDT-CFE-CGC-CGT, vise

à conserver 650 à 700 des 800 postes

que compte le site de Grenoble en

opposant à la notion de « hub » celle

d'un renforcement des équipes pro-

jets fonctionnant sur la base d'une «

synergie entre les études d'ingénierie

et la chaîne de fabrication/achat »,

mais aussi sur un investissement

conséquent pour la formation des

techniciens des bureaux d'étude, un

renforcement de l'activité « fabrica-

tion en urgence », un développement

de la validation des procédés, la fa-

brication de prototypes, l'extension

de la polyvalence dans les services et

une simplification des procédures

d'achat.

« On a présenté toutes ces proposi-

tions à la direction, mais ils restent

sur leurs positions », déplore Nadine

Boux, qui appelle le gouvernement à

agir. « Aujourd'hui, l'état peut encore

faire quelque chose dans le cadre des

accords sur l'emploi que GE a signés.

Normalement, l'état devait mettre

une pénalité de 50 000 euros par em-

ploi non créé à GE », rappelle la syn-

dicaliste.

Au-delà de ce plan B, la CGT de la

métallurgie met en avant d'autres re-

vendications. « L'état doit reprendre

la main. Il a avalisé la création des

coentreprises et il doit maintenant

racheter les parts détenues par Al-

stom. Cette prise de contrôle par-

tielle doit s'accompagner d'une réelle

exigence industrielle. C'est seule-

ment à ce prix que sera assurée la

mise en œuvre des engagements pris

lors de la COP21. »

Alors que les négociations sur le plan

de restructuration de la branche hy-

draulique du groupe se sont ache-

vées, les syndicats dénoncent au-de-

là des 345 suppressions d'emplois

prévues sur le site de Grenoble le sa-

botage d'une filière.

Le plan social de General Electric, un

coût humain et industriel

énergie ■

par Loan Nguyen

Tous droits réservés L'Humanité 2017

2B9A434E8020DA0B35D310E0150E416B93713A69D2335AA15E92596

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EUROPE ET INTERNATIONAL

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Inauguré en 2011, le site de Castel San Giovanni, à proximité de Piacenza, estl'un

vendredi 22 décembre 2017Page 4

1807 mots

I nauguré en 2011, le site de Castel

San Giovanni, à proximité de Pia-

cenza, est l'un des 47 entrepôts euro-

péens d'Amazon et représente un in-

vestissement de 80 millions d'euros.

1 600 salariés y travaillent en «

contrat indéterminé », et 2 000 y ont

été recrutés en intérim pour affronter

le pic de fin d'année. A la différence

de l'Allemagne ou de la France que la

multinationale considère comme des

« marchés matures » parce que les

achats en ligne y concernent plus de

15 % de la population, l'Italie, avec

ses 9 % de pénétration, est classée

par Amazon comme « marché

émergent ». Pour la seule journée du

« vendredi noir » (le « black friday »,

en anglais), les achats sur amazon.it

sont passés de 600 000 en 2015 à 2,2

millions en 2017. Du fait de son rang

de numéro un mondial de la vente en

ligne, de la croissance permanente de

son chiffre d'affaires 136 milliards en

2016 et de l'extravagance de son pa-

tron milliardaire, Jeff Bezos, dont la

fortune personnelle finance un pro-

gramme spatial privé, Amazon ins-

pire aux libéraux du monde entier

des portraits élogieux. Barack Obama

aux états-Unis, Emmanuel Macron

en France ou Justin Trudeau au Cana-

da ont tous visité des entrepôts Ama-

zon pour en louer le modèle. En Ita-

lie, Jeff Bezos a été qualifié cette se-

maine par l'ancien président du

Conseil Matteo Renzi de « génie ».

Un « génie » qu'Ilaria Schiavoni a

pour dirigeant depuis plus de cinq

ans. Après vingt-deux mois à suer

sang et eau comme intérimaire dans

l'usine à colis de Castel San Giovanni,

cette ouvrière est parvenue à décro-

cher un badge bleu celui des «

contrats indéterminés ». « Pendant

deux ans, j'ai exclusivement travaillé

au packing », raconte-t-elle. Il s'agit

d'un poste statique où la tâche répé-

titive consiste à emballer les articles

dans des cartons. « Ce travail m'a dé-

truit le haut du corps. J'ai deux her-

nies cervicales et de graves pro-

blèmes articulaires. Les douleurs ne

me quittent plus. Comme je ne pou-

vais plus travailler à ce poste, les ma-

nageurs m'ont déplacé au picking, où

je suis resté deux ans. » La tâche

consiste à parcourir plus de 20 kilo-

mètres par jour pour prélever les ar-

ticles dans les rayonnages. « Le pi-

cking, la répétition des mêmes

gestes, a détruit l'autre moitié infé-

rieure de mon corps, surtout au ni-

veau des pieds, où j'ai régulièrement

des inflammations qui m'empêchent

de dormir. »

300 grévistes à l'appel d'une inter-

syndicale

Toute la journée de mercredi, jusque

tard dans la nuit, les débrayages se

sont multipliés à Castel San Giovan-

ni, en rassemblant au total plus de

300 grévistes à l'appel d'une inter-

syndicale (CISL, Cgil, UGL et UIL). La

matinée, à l'invitation du préfet, l'en-

semble des délégués syndicaux se

sont rendus à la préfecture de Pia-

cenza afin d'y rencontrer la direction

d'Amazon. En arrivant, les syndica-

listes ont eu la surprise d'apprendre

que les fauteuils d'Amazon reste-

raient vides. « Dans mon pays, quand

un chef de tribu convoque deux

hommes qui se disputent, c'est tou-

jours celui qui ne vient pas qui est

responsable de la situation », a lancé

durant la rencontre, sur le ton de la

plaisanterie, l'Ivoirien Franck Couas-

si, délégué syndical de la CISL. «

Amazon nous a dit que la pression

était trop forte », a répondu le préfet,

Maurizio Falco. Représentant de

l'état italien, il a accepté qu'Amazon

lui impose un agenda, en tolérant de

recevoir la direction de l'entreprise

après la venue des syndicalistes, plus

tard dans l'après-midi. « Nous

sommes ouverts au dialogue et nous

n'avons rien à nous reprocher », a af-

firmé Salvatore Iorio, responsable

des ressources humaines d'Amazon

Italie, afin de justifier sa stratégie de

la chaise vide.

« N'oubliez pas qu'Amazon crée des

emplois et qu'ils pourraient bien dé-

localiser si vous en demandez trop »,

a osé dire à l'adresse des syndica-

listes, durant la rencontre officielle,

Salvatore Arena, le questeur de la

province de Piacenza. Responsable

de « l'ordre et de la sécurité publique

», ce dernier s'est livré à l'habituel

exercice de génuflexion des institu-

tions publiques européennes en fa-

veur de la multinationale de Seattle.

« Nous, nous respectons la loi et fai-

sons notre travail, lui ont répliqué en

cœur les délégués syndicaux, très ir-

rités par la formule. Alors vous, faites

le vôtre, et occupez-vous des illégali-

tés commises par Amazon. »

Sur le piquet de grève, tandis que

flottent les drapeaux verts de la CISL,

rouges de la Cgil, et que les tra-

vailleurs se réchauffent en buvant du

thé chaud ou en accueillant par des

applaudissements les nouveaux gré-

vistes, l'ultime affront d'Amazon

était sur toutes les lèvres. Toute la

journée de mercredi se sont succédé

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dans l'entrepôt les assemblées syndi-

cales. L'origine principale de la colère

était cependant les cadences érein-

tantes, et leurs conséquences sur la

santé.

Ne pas déclarer un accident si l'on

veut être renouvelé

« Je tiens une permanence syndicale

et je vois quotidiennement des

femmes et des hommes qui souffrent

de scolioses, de hernies, ou qui se

font opérer du canal carpien, té-

moigne Gianpaolo Meloni, délégué

syndical de la CISL. A quoi s'ajoutent

les évanouissements, les vomisse-

ments ou les crises d'angoisse dans

l'entrepôt, engendrés par la folle in-

tensité du travail. La consommation

d'antidépresseurs est très élevée par-

mi les salariés. Les dépressions et les

syndromes d'épuisement en ont

poussé beaucoup à la démission. »

Quand l'accident du travail survient,

pour fausser les statistiques offi-

cielles qu'Amazon refuse de commu-

niquer aux syndicats, les manageurs

italiens proposent parfois aux sala-

riés à « durée indéterminée » qui se

blessent de leur offrir des jours de

congés extraordinaires, voire, pour

certains d'entre eux, une liseuse

Amazon Kindle. En échange de quoi,

ils doivent accepter de ne pas décla-

rer l'accident. Les intérimaires bles-

sés, eux, n'ont pas de choix à faire :

ils sont remerciés. « J'ai subi un ac-

cident du travail chez Amazon et me

suis fait très mal au dos », raconte Fa-

brizio, ex-intérimaire venu avec son

automobile sur le parking de l'entre-

pôt chercher sa petite amie, qu'il a

rencontrée lors de sa mission. « Au-

jourd'hui, je n'y travaille plus. Tout le

monde m'avait dit de ne pas déclarer

l'accident si je voulais être renouvelé.

Ils avaient raison. »

Quotidiennement, trois fois par jour

lors des rotations, des autocars ap-

portent de la main-d'œuvre intéri-

maire à l'entrée de l'entrepôt de 100

000 m2. La plupart viennent de la

Lombardie voisine et des environs de

Milan, à 60 kilomètres de l'entrepôt.

Un autre véhicule assure la liaison

avec Alessandria, dans le Piémont, à

80 kilomètres. Nous nous infiltrons

dans ce véhicule affrété par l'entre-

prise Manpower, où plusieurs tra-

vailleurs nous accueillent d'un sou-

rire afin de nous souhaiter la bienve-

nue « dans la prison Amazon ». Qu'ils

soient italiens, immigrants des Ca-

raïbes (Antigua-et-Barbuda), d'Amé-

rique du Sud (équateur) ou d'Afrique

(Sénégal, Mali, Nigeria), les tra-

vailleurs pauvres sont de toutes les

nationalités.

Durant le voyage, tandis que beau-

coup dorment, des plaisanteries

fusent à l'encontre de ceux, considé-

rés comme des lèche-bottes, qui at-

teignent les objectifs de productivité

fixés par les manageurs. Ceux-là es-

pèrent obtenir un badge bleu, un «

contrat indéterminé », et sont mo-

qués par les plus lucides. Parmi les

badges verts des intérimaires, la plu-

part se perçoivent comme une classe

à part entière. Certains ont des mots

très durs à l'encontre des badges

bleus, qu'ils voient comme des privi-

légiés. « C'est nous qui faisons tout le

travail, nos productivités sont beau-

coup plus hautes, on passe notre

temps à courir partout, et les badges

bleus n'en font pas autant que nous.

A la fin, ce sont eux qui font grève,

et eux qui nous laissent tout le travail

», lâche un Sénégalais. « Ne te fatigue

pas à répéter le baratin des mana-

geurs, l'arrête un quinquagénaire ita-

lien, car ce n'est pas aussi facile que

tu le crois de faire grève. »

Le thème éculé de la division des tra-

vailleurs, opposant le paresseux au

courageux, ou le gréviste « privilégié

» pouvant lutter face au damné

contraint de devoir impérativement

travailler, a parfois été une source

d'inspiration pour plusieurs médias

durant le conflit social, à l'image de

la Repubblica qui a titré un reportage

: « La grève qui divise les travailleurs

» (24 novembre). C'était un jour à

peine avant que le même journal ne

publie, avec la Stampa et le Corriere

della Sera, de pleines pages de publi-

cité achetées par Amazon.

A cause d'une porte de l'autocar

Manpower défectueuse ce jour-là, le

véhicule, parti de l'entrepôt Amazon

à 14 h 15, n'empruntera pas l'auto-

route. Les intérimaires, levés pour la

plupart à 3 heures du matin, arrive-

ront à Alexandrie à 16 heures. Ceux-

là dormiront avec un toit sur la tête,

ce qui n'est pas le privilège de tous

les travailleurs d'Amazon. Début dé-

cembre, un intérimaire sans domicile

fixe, un Africain disposant de papiers

en règle, s'est caché dans des coins

dérobés de l'entrepôt pour pouvoir y

dormir. « Il dormait dans un placard

de service attenant à des WC, affirme

le délégué syndical Gianpaolo Melo-

ni. Des manageurs lui ont demandé

de ne plus le faire, et n'ayant nulle

part où se rendre, il est probablement

allé dormir dans la rue. Nous n'avons

malheureusement plus de nouvelles

de lui pour pouvoir l'aider : son

contrat de travail n'a pas été renou-

velé. »

A l'approche de Noël, des débrayages

s'organisent contre les conditions de

travail imposées par la multinatio-

nale dans son entrepôt du sud-est de

Milan. Face aux accidents qui se mul-

tiplient, l'entreprise use de son pou-

voir pour tenter de réduire les sala-

riés au silence.

La révolte des forçats d'Amazon

contre les cadences éreintantes

italie ■

par Jean-Baptiste Malet

Tous droits réservés L'Humanité 2017

DD9133E88AE0890E95A11D20160F71E899C1066A720154FB47E7704

Parution : Quotidienne

Diffusion : 34 877 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017

Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 21

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Loin de l'indifférence, si ce n'est de la complaisance de Paris et des autrescapitales

vendredi 22 décembre 2017Page 21

649 mots

MONDE

L oin de l'indifférence, si ce n'est

de la complaisance de Paris et

des autres capitales européennes, les

démocrates autrichiens ne veulent

pas se résoudre à l'entrée en force de

l'extrême droite dans le gouverne-

ment de leur pays. Une grande mani-

festation nationale est prévue ce sa-

medi 23 décembre à Vienne. Le rejet

de la xénophobie comme du pro-

gramme libéral autoritaire du nou-

veau gouvernement sera au cœur de

cette mobilisation.

De nombreux syndicalistes seront

dans le cortège. « Le principal sujet

d'inquiétude, relève René Schindler,

secrétaire fédéral du Syndicat de la

production (ProGE), contacté par

l'Humanité, tient naturellement à

l'influence des Bur-schenschaften

(ces corporations qui cultivent ou-

vertement un nationalisme grand-al-

lemand) au sein du nouveau pouvoir.

» Mais cette menace « brune » ne se

distingue pas de celle que fait surgir

une ligne libérale dure. Le pro-

gramme de la nouvelle coalition

entre conservateurs (ÖVP) et ex-

trême droite (FPÖ) est marqué par

une offensive antisociale. Certains

des acquis du Code du travail autri-

chien sont dans le collimateur. Les «

Arbeiterkammer » (chambre des tra-

vailleurs), acquis social du lendemain

de la guerre qui joue encore au-

jourd'hui un rôle essentiel dans la re-

présentation et la protection des sa-

lariés, sont dans le collimateur. « Ils

veulent leur couper les vivres », sou-

ligne René Schindler en pointant une

mesure du programme du pouvoir

qui réduirait de 20 % à 40 % la cotisa-

tion garantissant leur financement.

La volonté d'instaurer une sorte de

réforme Hartz à l'autrichienne est

également à l'ordre du jour. La dispo-

sition instaurée en Allemagne durant

l'ère du chancelier Gerhard Schrder

vise à « flexibiliser » au maximum le

marché du travail. Selon un mimé-

tisme presque parfait, le gouverne-

ment de Sebastian Kurz prévoit une

réduction brutale des indemnités jus-

qu'à rendre les chômeurs de longue

durée exclusivement tributaires de

l'aide sociale. « Cette offensive de

grande ampleur contre le monde du

travail est totalement en phase avec

les surenchères populistes du nou-

veau pouvoir, » analyse René Schind-

ler, qui ajoute : « Le racisme anti-mi-

grants ne fournit pas seulement le

moyen de détourner l'attention mais

aussi de dévoyer la colère popu-

laire. »

Un ancien ministre d'extrême droite

poursuivi

Ironie du calendrier local ? L'actuali-

té judiciaire autrichienne permet de

mesurer le degré d'imprégnation du

FPÖ par les dogmes du monétarisme

et du libéralisme avec le retentissant

procès de Karl-Heinz Grasser. L'ex-

dirigeant du FPÖ, ex-ministre des Fi-

nances du gouvernement du chance-

lier Schüssel, au début des an-

nées 2000, durant une période où

l'extrême droite avait déjà participé

aux affaires, est au centre de ce qui

est présenté par la presse autri-

chienne comme le plus grand scan-

dale de l'histoire contemporaine du

pays. Grasser est accusé de corrup-

tion et d'avoir détourné, en 2004, à

son profit, des millions d'euros lors

de la privatisation de la société fé-

dérale de logements publics (Buwog),

soit quelque 60 000 logements pu-

blics. Les premiers témoignages sont

accablants. Sur les ventes, l'ex-

condisciple de Jrg Haider aurait tou-

ché à chaque fois de confortables

commissions. Et pourtant, en son

temps, cette privatisation fut plutôt

considérée d'un bon œil par

Bruxelles, Paris ou Berlin. Comme le

sont aujourd'hui les « aménage-

ments » du Code du travail, estam-

pillés comme autant de « réformes de

structure indispensables ». De quoi

provoquer le silence de l'Europe or-

do-libérale ?

Des milliers de démocrates veulent

envahir les rues de la capitale, same-

di, pour dénoncer la double dimen-

sion ultra, xénophobe et libérale, du

cabinet Kurz.

Manif à Vienne contre le pouvoir

bleu-brun

Autriche ■

par Bruno Odent

Tous droits réservés L'Humanité 2017

5794432A81700208A5E417B00809C1829501446872C35A878753F36

Parution : Quotidienne

Diffusion : 34 877 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017

Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 22

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Dans le Kentucky, les retraités-campeurs d’Amazon

vendredi 22 décembre 20171648 mots

ÉCONOMIE

On était parti pour décrire l’univers de Charles Dickens adapté au XXIe siècle.

L’exploitation de retraités américains, n’ayant pour maison que leur caravane,

par le géant du commerce en ligne Amazon. On a surtout découvert des cam-

peurs vagabonds, dignes des road-movies américains, rappelant l’errance en

Alaska du héros de Into the Wild (2007) ou la cavale tragique de Thelma et

Louise (1991).

Pourtant, tout était réuni pour pleurer misère, en cette terre perdue du Kentu-

cky, le pays de la prairie bleue et du whisky bourbon, où des retraités passent

l’automne en mobil-home et travaillent pendant dix heures comme ma-

nœuvres pour Amazon. Leur mission, sélectionner, empaqueter, expédier les

colis de Noël qui sont ensuite distribués aux ménages américains. Pour 11 dol-

lars de l’heure environ (soit 9,25 euros), le salaire minimal étant de 7,25, avec

un dollar de bonus pour ceux qui restent jusqu’au bout : le 23 décembre.

Les campeurs affluent, au début de l’automne, avec leur maison sur roues –

aux Etats-Unis on parle de véhicule récréationnel (RV) – et s’installent sur l’un

des campings sélectionnés par Amazon. Ils sont des milliers, dans une tren-

taine d’Etats (le groupe augmente ses effectifs totaux de plus de 100 000 en fin

d’année).

Ainsi, au Green River Resort de Campbellsville, à quelques centaines de mètres

d’un lac de barrage et à quelques kilomètres d’un site d’Amazon, on croise Ed

Janssen, grand sourire barbu et casquette vissée sur son crâne chauve. Quel

âge avez-vous ? « 80 ans. » Pourquoi travailler chez Amazon ? « Je suis en bonne

santé, je me maintiens en forme. Je n’en ai pas besoin, mais c’est sympa de gagner

de l’argent en plus. »

La route, motivation première

C’est la sixième année que ce Néerlandais émigré il y a un demi-siècle en Amé-

rique rejoint Amazon pour la saison de Noël. Avant le Kentucky, il a travaillé

pour le géant du commerce en ligne dans le Nevada, le Kansas et le Texas. Il y

a douze ans, quelques années après son divorce, il a tout lâché et pris la route.

« Je déteste vivre entre quatre murs. »

La route, c’est la motivation première des retraités salariés d’Amazon. Derrière

sa machine à coudre, Nikki Bitten, 57 ans, et sa sœur Julie Criddle, 60 ans, in-

vitent à partager le café. Toutes deux divorcées, elles avaient envie d’aventure

depuis longtemps. « Nous sommes des romanichelles irlandaises », plaisantent

ces natives de l’Illinois. Julie a été marquée par la mort de leur mère, cet hiver,

à 83 ans qui lui a dit avant de mourir : « Que personne ne t’empêche de vivre ton

rêve. »

Aussi, lorsque son employeur, une maison d’assurances, lui a proposé un petit

package pour quitter l’entreprise en début d’année et prendre sa retraite, Julie

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n’a pas hésité. Elle a vendu la maison qu’elle avait achetée douze ans plus tôt

et soldé son emprunt, et acheté un mobil-home d’occasion et un truck pour

50 000 dollars. L’aventure a commencé par un voyage chez ses enfants, puis

l’exploration de l’Ouest américain, avec les parcs nationaux de Yosemite (Ca-

lifornie), de Yellowstone (Wyoming) et de Glacier (Montana), où sa sœur l’a

rejointe.

Et puis, il a bien fallu gagner de l’argent. Sa sœur Nikki en a besoin, elle qui n’a

pas voulu vendre sa maison : « J’ai encore 900 dollars à rembourser par mois. »

Les deux sœurs ont donc postulé chez Amazon dans le Kentucky. Des rotations

de dix heures, cinq jours par semaine. Epuisantes. « On ne le savait pas. Huit

heures, ce serait OK », soupirent-elles.

Heureusement, elles sont arrivées tôt en septembre, avant les fêtes de fin d’an-

née. Elles ont pu pratiquer « l’endurcissement au travail », pour reprendre la

terminologie d’Amazon. « En visitant les parcs nationaux, je faisais 10 000 pas

par jour. Mais chez Amazon, c’est 26 000 ! », s’exclame Julie Criddle. Sa sœur

Nikki renchérit : « Il n’y a pas moyen de se préparer. Ce qui nous a sauvées, c’est

la piscine du camping qui était encore ouverte. » Comme un « bain glacé » pour

les muscles endoloris.

« Le foyer, c’est là où vous vous garez »

Les deux sœurs ont choisi de travailler la nuit. Comme cela, elles se lèvent à

dix heures le matin et peuvent profiter du soleil. Sans doute ne retourneront-

elles pas chez Amazon l’an prochain :« Des amis ont fait une deuxième saison :

ils nous ont dit que six mois chez Amazon, c’était trop », estime Nikki Bitten.

Le mobil-home est un capharnaüm, où l’on prépare les cadeaux de Noël, af-

fiche les photos des enfants et les Etats traversés. Julie y dort, mais pas Nikki,

qui s’est réfugiée sous une tente. Avec son petit chauffage électrique, elle as-

sure ne pas avoir froid. Elle est seule dans ce cas et la direction du camping

n’est visiblement pas au courant qu’une de ses clientes dort sous la tente.

Chez les « campeurs », comme ils se baptisent eux-mêmes, il y a les modestes

et les plus prospères. Bill et Kelly Murray font partie du second groupe. Jeunes

quinquagénaires, ils ont pris la route en 2013. Bill, qui dirigeait une équipe

de 150 personnes dans une société d’embouteillage, trouvait son travail trop

stressant. Il a fait ses calculs : en vendant tout, il pouvait avoir un petit pactole

de quelques centaines de milliers de dollars et se permettre une semi-retraite.

Il a postulé à l’Obamacare pour avoir une couverture santé à prix raisonnable.

Avec sa femme, ils ont acheté un truck pour 35 000 dollars et surtout un somp-

tueux RV pour 80 000 dollars. « La plupart des gens font cela par choix. On ne le

fait pas parce qu’on est déclassés », se défend Kelly Murray, qui ne voulait plus

entretenir une maison trop grande après le départ de ses enfants, tondre la pe-

louse, payer les impôts locaux.

La maîtresse de maison fait fièrement visiter les lieux : deux canapés, une pe-

tite table à manger, un grand écran, une salle de douche, un lit « queen size »,

un réfrigérateur américain, une fausse cheminée, il y a tout dans cet espace

de 32 mètres carrés, ou presque. « C’est vrai, je ne peux pas cuire une dinde de

8 kg ! » C’est leur univers, eux qui n’ont même pas cherché un peu de verdure

et se sont garés sur le camping, pile en face d’Amazon. En réalité, un simple

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parking. « Le foyer, c’est là où vous vous garez », proclame le panneau avec une

photo de leur véhicule

Un bon moyen de se faire de l’argent

Les Murray ont commencé leur nouvelle vie en rejoignant une réunion de cam-

peurs, dans le Tennessee, pour un partage d’expériences. Puis ils sont partis.

En 2016, après un hiver passé en Floride, ils ont mis cap au nord, vers l’Alaska.

Cinq mois pour rejoindre l’Etat arctique, grand comme trois fois la France.« Les

Etats-Unis sont si vastes que deux, trois semaines de vacances par an, cela ne suffit

pas », confie Kelly Murray.Arrivés dans un parc national au sud d’Anchorage,

ils ont travaillé – et visité – tout l’été…

Cet automne, ils ont rejoint Amazon, comme ils l’avaient fait en 2015 – un bon

moyen de se faire de l’argent, explique Bill, d’autant que le camping ne coûte

rien : l’eau, l’électricité et le terrain sont pris en charge par la société. « C’est

très bon pour se remettre en forme : je marche 10 miles par jour et, lorsque j’ai fini,

j’ai perdu 7 kg et je m’en porte mieux », affirme-t-il.

Alors bien sûr, c’est ennuyeux et répétitif, mais Amazon prévient en amont.

Les « Campeurs » sont appréciés dans l’entreprise. « Les “Amazoniens” nous

aiment parce que leurs bonus sont augmentés à la saison de pointe et que notre

travail augmente leur chance de les obtenir », assure Kelly Murray, qui emballe

les colis et glisse : « C’est fou le nombre de sextoys que les gens achètent. » Son

mari poursuit : « Nous sommes très bien accueillis car nous apportons de l’éner-

gie, de l’enthousiasme. Les Campeurs sont une force de travail très fiable : nous

sommes là chaque matin, nous sommes productifs, il n’y a pas de turnover. »

D’autant plus fiables que leur mission est limitée, et qu’ils sont libres à chaque

instant de reprendre la route.

Amazon les bichonne. Les salariés s’extasient de ce que l’après-midi de

Thanksgiving a été libéré – on a fait des heures supplémentaires le lendemain.

Au camping de Green River, faute de famille, les Campeurs ont organisé une

fête tous ensemble, au milieu des vieux juke-box.

Les road-movies ne finissent pas toujours bien

Chacun a apporté de quoi faire la fête et, glisse Joe Zihlman, ancien shérif ad-

joint de la banlieue de Dallas, et « Amazon a fourni la dinde et le lard ». Après

trente-six ans de loyaux services, cet ancien policier texan a pris sa retraite

et la route et ne dit que du bien du groupe américain. « Amazon traite mieux

ses employés que beaucoup ne l’imaginent. » Les petits gestes maintiennent la

bonne ambiance : cette semaine, il y a une télé grand écran à gagner par jour

pour les employés.

Le 23 décembre, le camping de Green River fermera ses portes pour l’hiver, et

les Campeurs s’égailleront. Pour fêter Noël en famille, puis hiverner dans le

Sud. En Floride ou à Quartzsite, en plein désert d’Arizona, où ils sont des di-

zaines milliers à converger fin janvier.

Les road-movies ne finissent pas toujours bien. Sur le camping de Green River,

on rencontre Maddy Yates. Elle ne travaille pas pour Amazon. A 48 ans, in-

valide depuis sept ans, elle souffre d’une maladie proche de la sclérose en

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Kelly Murray et son mari Bill Murray devant leur mobil-home, à Campbellsville (Ken-tucky), le 19 décembre.

plaques, doit subir des perfusions deux fois par jour. Devant sa caravane mi-

sérable, elle promène un chien, en attendant le retour de son ami qui, lui, tra-

vaille pour Amazon. La solitude ? « J’ai été une mère seule pendant dix-neuf ans.

J’ai l’habitude d’être seule. »

Au printemps, cette ancienne travailleuse sociale a tout vendu, quitté l’India-

na et pris la route 66. Direction la Californie du Sud. Le tour a commencé par

la récolte des betteraves dans le Minnesota, une visite chez le médecin dans

l’Indiana, avant d’atterrir chez Amazon. « Comme j’ai peu de temps à vivre, je

veux être libre et voyager à travers le pays. C’est beau. » Amazon est sans doute

étranger à son destin.

Kelly Murray et son mari Bill Murray devant leur mobil-home, à Campbellsville

(Kentucky), le 19 décembre.

NATHAN MORGAN / MVI MMS POUR LE MONDE

Par Arnaud Leparmentier Campbellsville (Kentucky), envoyé spécial

Tous droits réservés http://www.lemonde.fr 2017

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Parution : Quotidienne

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Et la parole des femmes se libéra

vendredi 22 décembre 20174126 mots

ACTU—M LE MAG

On ne se souviendra ni de l’heure ni de la date exacte, mais on gardera le sou-

venir diffus de cet automne où il s’est passé quelque chose, de ces semaines

étourdissantes, quand l’on ne parlait que de « ça ». Sur les réseaux sociaux. A

la radio, à la télévision, dans les journaux. Dans les cafés. Pendant les repas de

famille. Partout. Des centaines de milliers de femmes ont dit « moi aussi ».

La main posée sur la cuisse ou sur les épaules. Moi aussi. Le frottement dans

le métro. Moi aussi. Les baisers de force dans un couloir. Moi aussi. Les SMS

égrillards. Moi aussi. Les « si tu montes dans ma voiture, j’aurai envie de te vio-

ler » murmurés avec désinvolture. Moi aussi. Les « putes », les « salopes », les

sifflets et la peur de marcher seule dans la rue. Moi aussi. Les tentatives de

viol. Les viols. Moi aussi. Moi aussi. Moi aussi. A l’infini.

Des milliers de témoignages

Il y a pourtant bien une date. Le 5 octobre 2017. Dans le New York Times,Har-

vey Weinstein est accusé par plusieurs femmes de harcèlement sexuel. Le

lendemain, il présente ses excuses et, le 8 octobre, il est démis de ses fonc-

tions. Aux Etats-Unis, l’affaire fait immédiatement scandale : Weinstein est

l’un des producteurs les plus influents du pays et ses victimes sont des actrices

connues. En France, l’affaire n’est mentionnée que brièvement – on peine en-

core à prononcer correctement le nom du producteur.

C’est cinq jours plus tard, quand, dans le New Yorker, cinq femmes accusent

cette fois Harvey Weinstein de viols et d’agressions sexuelles, qu’il se passe

quelque chose. En quelques heures, de nombreuses actrices prennent la parole

à leur tour, spontanément, pour dénoncer le producteur. Parmi elles, les Fran-

çaises Léa Seydoux, Emma de Caunes, Florence Darel… Jour après jour, la

liste des victimes ne cesse de s’allonger pour finalement compter plus de 90

femmes – quatorze d’entre elles l’accusent de viol.

Le 13 octobre, Sandra Muller, une journaliste française installée à New York,

tape sur Twitter :

#balancetonporc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails un harcèle-

ment sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends

Elle donne le nom du sien. Des milliers de témoignages jaillissent. L’actrice

Alyssa Milano incite elle aussi les femmes à s’exprimer en utilisant le hashtag

#metoo. Là encore, c’est le vertige.

Une déferlante brouillonne et spontanée qui balance tout. Les remarques

sexistes, les insultes et les attouchements. Les viols et les agressions. La

drague pénible. Les blagues graveleuses. Ce trop-plein n’épargne aucun mi-

lieu, transcende les différences sociales et religieuses. Le porc est universel.

En France, les noms du prêcheur musulman Tariq Ramadan, de Thierry Mar-

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chal-Beck, ex-président du Mouvement des jeunes socialistes français, du pro-

ducteur québécois Gilbert Rozon et du journaliste Frédéric Haziza sont les pre-

miers à émerger. On parle du harcèlement sexuel à l’université, à l’hôpital,

à l’usine, à la télé… Des choses tolérées il y a quelques semaines encore de-

viennent subitement intolérables.

Un avant et un après-Weinstein

Dans ce contexte, Emmanuel Macron consacre l’égalité entre les femmes et

les hommes « grande cause nationale » et annonce vouloir renforcer l’arsenal

répressif contre les violences sexuelles et sexistes. L’humoriste Tex est viré à

la mi-décembre par France Télévisions pour avoir raconté cette blague : « Les

gars, vous savez ce qu’on dit à une femme qui a déjà les deux yeux au beurre noir ?

On ne lui dit plus rien, on vient déjà de lui expliquer deux fois ! » Patrice Ber-

tin, voix historique de France Inter, prend brutalement sa retraite à la fin du

mois de novembre : il était soupçonné depuis trois décennies de harcèlement

sexuel.

Des manifestations sont organisées dans les grandes villes. On y défile sous

des pancartes #metoo et #balancetonporc. Des cortèges qui rappellent la Wo-

men’s March du 21 janvier 2017, quand une marée rose avait envahi la capitale

américaine au lendemain de l’investiture de Donald Trump : chacune avait en-

filé son « Pussy Hat », ce bonnet devenu l’emblème de la lutte féministe an-

ti-Trump, en référence à son « Grab them by the pussy » (« Attrape-les par la

chatte »).

Il y a un avant- et un après-Weinstein. En octobre, la gendarmerie nationale

a enregistré une hausse de 30 % des plaintes pour violences sexuelles par rap-

port à l’année dernière. Les associations relèvent également une augmenta-

tion importante des appels reçus. « De manière spectaculaire », note l’AVFT

(Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail),

qui s’est battue dès les années 1980 pour obtenir une loi sur le harcèlement

sexuel en France.

Lassée d’entendre les mêmes questions des journalistes qui ne cessent de la

solliciter, Marilyn Baldeck, la déléguée générale de l’association, a rédigé une

réponse toute faite. A « Cela veut donc quand même dire que la parole des femmes

s’est libérée ? » et sa variante « Vous devez êtes satisfaite de la libération de la

parole des femmes ? », elle répond : « Il n’est en effet pas exclu que quelques

femmes victimes de violences sexuelles au travail, qui n’avaient rien osé dire, rien

osé entreprendre jusqu’à présent, se sentent portées par un mouvement collectif et

prennent exemple sur des modèles médiatiques, pour parler, et agir. »

« Pendant l’affaire DSK, on a plus ou moins résumé ça à un troussage de do-

mestique… Aujourd’hui, personne n’a osé ça : la honte est du côté des agres-

seurs » Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol

Emmanuelle Piet, elle, n’en finit plus de sourire. « Quelque chose d’extraordi-

naire s’est produit, c’est un grand moment », s’enthousiasme la gynécologue et

présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV). Tout juste sortie d’une

conférence sur les violences sexuelles donnée devant une centaine de per-

sonnes à l’hôtel de ville de Pantin et emmitouflée dans un grand manteau vio-

let, elle répète :

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« C’est extraordinaire. Bon, on a le nez dans le guidon avec tout ça, mais c’est ex-

traordinaire ! »

Depuis la mi-octobre, comme cela avait été le cas après les affaires DSK et De-

nis Baupin, les lignes du CFCV saturent. Ces scandales, c’est leur grande vertu,

provoquent peu ou prou les mêmes effets qu’une grande campagne de sensibi-

lisation : « A chaque affaire, le seuil de tolérance de la société diminue. » Et cette

fois-ci, plus encore. « Pendant l’affaire DSK, on a plus ou moins résumé ça à un

troussage de domestique… Aujourd’hui, personne n’a osé ça : la honte est du côté

des agresseurs. »

Le courage des victimes reconnu

La figure même de la victime a changé. Elle n’est plus « fragile » – l’adjectif le

plus utilisé pour décrire l’écrivaine Tristane Banon à l’époque où elle portait

plainte pour tentative de viol contre DSK – mais « forte » et « courageuse ». On

ne les appelle d’ailleurs plus seulement des « victimes » mais des « briseuses de

silence ». Célèbres ou anonymes, elles ont été consacrées personnalités de l’an-

née par Time Magazine.

La bascule s’est faite progressivement. En France, ces dernières années, les té-

moignages à visage découvert se sont peu à peu substitués à ceux longtemps

anonymes des victimes de crimes sexuels. Il y a eu la littérature. Christine

Angot. Virginie Despentes. En 2016, c’est Annie Ernaux qui raconte le viol

dont elle fut victime adolescente dans Mémoire de fille. Pour dire la difficulté

d’écrire ce livre, elle confie : « C’est un livre que je me suis arraché. »

Et il y a ce qui relevait du fait divers et qui est devenu fait de société. En 2011,

la députée Clémentine Autain, qui a elle-même été violée, publie un livre col-

lectif de témoignages sur le viol et un « Manifeste des 313 ».Elle explique qu’à

l’époque, « sortir de l’anonymat, c’est nouveau et subversif parce que ça remet en

cause le silence dans lequel est enfermée la parole de ces femmes. Maintenant, les

victimes ont un visage et une voix ».

En 2015, quarante journalistes signent « Bas les pattes », une tribune qui dé-

nonce le sexisme et les comportements déplacés des hommes politiques. Et si

l’affaire Baupin, révélée en 2016, est dévastatrice pour le député d’Europe éco-

logie-Les Verts (EELV), c’est parce que les femmes qui en parlent sont nom-

breuses et témoignent en leur nom.

« C’est un mouvement de réappropriation de soi et de son corps. Un mouve-

ment irréversible » Michèle Riot-Sarcey, historienne

En octobre 2016, quand Flavie Flament prend la parole à son tour pour dénon-

cer le photographe David Hamilton, d’autres victimes se manifestent. Un ef-

fet mécanique qu’on observe à chaque fois que, selon l’expression consacrée,

« la parole s’est libérée ». Une expression vivement rejetée par Christine Angot

dans l’émission « On n’est pas couché » face à l’ancienne porte-parole d’EELV

Sandrine Rousseau, l’une des victimes présumées de Denis Baupin. C’était

quelques jours avant le déclenchement de l’affaire Weinstein. La séquence ré-

volte les téléspectateurs, lesquels prennent massivement le parti de Sandrine

Rousseau : celui de la parole.

Avec #balancetonporc, il n’est plus question de dénoncer les seuls crimes

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sexuels, mais tout le reste, tout ce qui ne comptait pas, les gestes et phrases

anodins qui constituent ce qu’on appelle la culture du viol ou la culture ma-

chiste. « Les femmes qui parlent n’interviennent pas en tant que victimes, juge

l’historienne Michèle Riot-Sarcey. Ce sont les femmes qui existent et s’expriment

en tant que personnes pleinement conscientes de lutter contre la domination dont

elles sont l’objet. Des femmes qui redressent la tête. C’est complètement différent.

C’est un mouvement de réappropriation de soi et de son corps. Un mouvement ir-

réversible. »

La colère s’exprime partout dans le monde

Elle observe que la colère des femmes à l’égard des comportements machistes

grandit depuis quelques années partout dans le monde. « La question a été po-

sée en 2012 en Inde. Les Indiennes ont dénoncé les viols et les attouchements dont

elles étaient victimes. Les Pussy Riot en Russie et les Femen en Ukraine ont sus-

cité l’incompréhension à l’encontre de celles qui osaient mettre en cause la reli-

gion d’Etat. Les Femen s’expriment seins nus en énonçant un discours politique.

La haine qu’elles engendrent dit qu’il n’y a pas de place pour les femmes dans l’es-

pace public. C’est une métaphore, bien sûr. »

En France, comme aux Etats-Unis, on assiste depuis plusieurs années à une

nouvelle vague qui a transformé le féminisme en un mouvement de masse :

en 2017, « féminisme » a été l’un des mots les plus recherchés sur Internet.

Des artistes grand public – Beyoncé en tête – s’en revendiquent. Des séries

télé (Orange is the New Black, Transparent, Girls, The Handmaid’s Tale…) bous-

culent les stéréotypes sur les femmes, leur sexualité et leurs aspirations et pro-

duisent de nouvelles héroïnes auxquelles s’identifier. La figure de la badass

– une femme forte, courageuse et libre – est popularisée dans les nouveaux

médias féministes qui ont pour seuls mots d’ordre : l’émancipation et l’empo-

werment, la prise de pouvoir.

Des sujets considérés comme mineurs deviennent des questions politiques.

Ces seuls derniers mois, on aura autant parlé des règles que des délais de pres-

cription pour les crimes sexuels, de la charge mentale que des violences gy-

nécologiques, de l’écriture inclusive que du cyber-harcèlement sexiste, de la

grossophobie que du consentement affirmatif, du harcèlement de rue que du

manspreading, cette propension de certains hommes à écarter les cuisses dans

les transports en commun. Mais, cette année, ces débats ont largement débor-

dé les sphères militantes.

Des initiatives qui dépassent la sphère militante

Ainsi, la pétition réclamant « la destitution de Roman Polanski comme pré-

sident des Césars » en janvier 2017 a été lancée par une parfaite inconnue,

Clémentine Vagne, qui se définit comme simple « citoyenne féministe ». Face

au succès de cette initiative individuelle – plus de 60 000 personnes signent

le texte –, le cinéaste, condamné aux Etats-Unis pour avoir eu des relations

sexuelles non consenties avec une mineure, doit renoncer à présider la céré-

monie.

En octobre, c’est le visage de Bertrand Cantat en couverture des Inrocks qui

bouleverse l’opinion : face à l’unanimité de la condamnation, l’hebdomadaire

a du mal à justifier son choix et présente ses « sincères regrets ». Il y a encore

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trois ans, l’ancien chanteur de Noir Désir, condamné pour le meurtre de l’ac-

trice Marie Trintignant, faisait la « une » du magazine sans que cela émeuve

grand monde. « Ces jeunes femmes ne laissent plus rien passer, s’enthousiasme

Emmanuelle Piet. Elles, elles savent faire sur les réseaux sociaux. Elles se re-

trouvent, elles sont plusieurs, elles se soutiennent. »

C’est cette force qui donne du poids à leur parole. Même si certaines voix se

sont élevées contre les risques de délation, les femmes qui dénoncent sont

crues. Leurs témoignages, loin d’être remis en cause, sont encouragés, relayés

et défendus. « C’est pour ça que les femmes parlent, poursuit la gynécologue.

Quand on est toute seule, c’est épouvantable de parler, mais quand on est cin-

quante… »

Elle se souvient que cette tentative de faire émerger une parole collective n’est

pas nouvelle. Elle-même a participé à des groupes de paroles dans les années

1970. Elle en anime depuis la fin des années 1980. L’objectif est toujours le

même : faire prendre conscience aux femmes qu’elles subissent la « domina-

tion masculine », qu’elles sont toutes concernées.

« Je constate qu’à tout âge, et même quand on est féministe, on peut réaliser

que l’on a enfoui en soi des violences que l’on a préféré oublier » Christine

Bard, historienne

« Ce qui me frappe, c’est que, depuis le début de ce mouvement, la plupart des

femmes relisent leur vie », remarque Christine Bard, historienne et « féministe

depuis trente ans ». Elle a beaucoup étudié, décrit, enseigné les violences faites

aux femmes. Elle ne découvre donc pas l’ampleur du sujet. Et pourtant, elle

aussi se dit « ébranlée » par ces dernières semaines.

« Avant, j’abordais ces violences dans mes cours et mes publications comme

quelque chose d’extérieur. Je prends conscience d’avoir délibérément oublié ou mi-

nimisé certains événements de ma vie parce que je ne voulais pas être une “vic-

time”. Je constate qu’à tout âge, et même quand on est féministe, on peut réaliser

que l’on a enfoui en soi des violences que l’on a préféré oublier. »

Une longue tradition de silence

Car l’histoire de la libération de la parole des femmes est d’abord celle d’une

longue tradition de silence. « Je parlerai aussi en tant que femme en déclarant ici

publiquement que, comme toutes les femmes, j’ai été moi aussi victime, à de mul-

tiples reprises, d’agressions sexuelles, allant des gestes déplacés à la tentative de

viol. » La femme qui s’exprime est sénatrice. Elle a 66 ans. Elle s’appelle Cécile

Goldet.

« Lorsque, matin et soir, travailleurs, étudiants, lycéens, hommes et femmes, par-

tout en France, s’entassent dans les moyens de transports en commun, selon une

densité prévue de six au mètre carré, corps serrés les uns contre les autres, dans

l’impossibilité de bouger, matin et soir, des douzaines et sans doute des centaines

de femmes, de jeunes subissent ces outrages. » Elle ajoute : « Ce qui est étrange,

d’ailleurs, c’est que l’homme qui prend plaisir à mouler sa main sur l’arrondi d’une

fesse croit souvent rendre ainsi hommage à cette forme agréable, pendant que sa

victime, apeurée et honteuse, tente en vain de lui échapper. »

Cette déclaration follement actuelle, un #metoo avant l’heure, a 37 ans. Elle

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date du 22 mai 1980 et a été prononcée dans un Hémicycle empli d’hommes

venus débattre de la criminalisation du viol. Seules sept femmes, dont Cécile

Goldet, siègent alors au Sénat. C’est à eux que la gynécologue de formation,

cofondatrice du Planning familial, explique pendant de longues minutes la dif-

ficulté d’être une femme dans une société « où les histoires de viols, vraies ou

fausses d’ailleurs, sont des histoires, drôles, paillardes, sur lesquelles on renché-

rit ».

La sénatrice raconte aussi qu’un peu plus tôt dans l’année, elle a participé à

une émission télévisée sur le viol. Depuis, dit-elle, ses patientes s’ouvrent à

elles, lui parlent de secrets cachés ou presque oubliés. De leur solitude et du

bien fou qu’elles éprouvent à ne plus taire, même pour quelques minutes, les

incestes et les agressions anciennes, les maris abusifs, la lassitude d’être sans

cesse entreprises, au travail ou dans le métro.

Cette petite déferlante fait percevoir à Cécile Goldet l’urgence qu’il y a à parler

publiquement du viol – elle n’est alors pas favorable à l’alourdissement des

peines. « Il faut le sanctionner, oui, mais aussi et surtout le dénoncer, en parler,

le dédramatiser pour les femmes, rendre les hommes conscients de leur acte, car le

plus souvent ils ne le sont même pas. »

Une « mode » venue des Etats-Unis

Dès le milieu des années 1980, on dénonce le droit de cuissage et les patrons

dégoûtants. On tente de mesurer le phénomène, des sondages sont effectués,

des travaux d’études engagés mais, lors d’un débat sur le harcèlement sexuel

à l’Assemblée nationale le 21 juin 1991, Jacques Toubon évoque un amen-

dement « à la mode ». Et il soutient que « le législateur ne doit pas céder à la

mode ».

La mode, c’est là-bas, de l’autre côté de l’Atlantique, les Etats-Unis, où, cette

même année, une affaire de harcèlement sexuel oppose le juge Clarence Tho-

mas, candidat à la Cour suprême, à une professeure de droit, Anita Hill. La

jeune femme l’accuse de faits survenus dix ans plus tôt. Le sociologue Eric Fas-

sin, qui vivait aux Etats-Unis au début des années 1990, s’en souvient comme

d’un événement majeur. Si, à l’époque, l’opinion n’accorde aucun crédit à l’ac-

cusatrice – le juge sera confirmé à la Cour suprême –, il relève qu’un an plus

tard, l’opinion se retourne.

« En réalité, c’est l’affaire qui avait éduqué le pays sur les rapports de pouvoir, tant

sexuels que raciaux, explique Eric Fassin. Les critères de la crédibilité, et de la

plausibilité, en sortaient durablement modifiés. Anita Hill apparaît non plus per-

dante, mais gagnante : grâce à elle, on comprend mieux aujourd’hui ce qu’est le

harcèlement sexuel. Et c’est elle qu’on nomme à la tête d’une commission contre le

harcèlement sexuel à Hollywood. »

« Mais le harcèlement, ce n’est pas la séduction, ni en France ni aux Etats-

Unis. Une femme harcelée ne se dit pas : “Cet homme m’a désirée”, mais “Il

m’a donné la chair de poule” » Eric Fassin, sociologue

Mais la France continuera longtemps d’opposer au puritanisme américain sa

supposée tradition latine de séduction et de badinage. Dans Le Nouvel Observa-

teur du 18 septembre 1997, Françoise Giroud s’interroge sur ce délire qui sai-

sit l’Amérique : « Dans un collège de Boston, relève du harcèlement sexuel l’usage

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des mots “grognasse”, “salope”, “putain”. Cinq lycéennes ont attaqué les cou-

pables (…). Le harcèlement sexuel commence quand un homme touche le bras

d’une femme. C’est la règle de base, on ne doit pas toucher. Devenir intouchables,

est-ce donc l’idéal des Américaines ? Le pire est qu’elles sont en train d’y arriver. »

Si on a pu entendre ce genre de propos après l’affaire DSK, on a peu eu

recours à l’épouvantail de l’américanisation des mœurs après l’affaire Wein-

stein. « Parler de politiquement correct et de puritanisme américain d’un côté et

de séduction à la française de l’autre, ça voudrait dire qu’il y a deux mondes : le

monde américain et le monde français, analyse Eric Fassin. Mais le harcèlement,

ce n’est pas la séduction, ni en France ni aux Etats-Unis. Si on reste dans l’illusion

que c’est une question de séduction, on ne comprend pas du tout les réactions. Une

femme harcelée ne se dit pas : “Cet homme m’a désirée”, mais “Il m’a donné la

chair de poule”. »

De fortes résistances des masculinistes et de

certains idéologues

Le discours sur le puritanisme importé des Etats-Unis a largement contribué

à empêcher des années durant de prendre au sérieux la question du harcèle-

ment sexuel. Christine Bard, qui a consacré un ouvrage à l’histoire de l’an-

tiféminisme en France, explique qu’aujourd’hui encore les résistances sont

fortes : « La recomposition de la domination masculine se fait toujours très rapi-

dement. Ces contre-mouvements ont des militants (les masculinistes) et des idéo-

logues dont il ne faut pas sous-estimer l’audience (Zemmour, Soral…). Ceux qui

s’effarouchent du politiquement correct répliquent déjà. Ils tentent de délégitimer

le féminisme, et comme toujours de le tourner en ridicule. »

Maryse Jaspard n’a pas oublié les attaques dont elle a fait l’objet lorsqu’elle a

coordonné la première enquête nationale sur les violences envers les femmes

en France (Enveff) auprès d’un échantillon de 7 000 femmes âgées de 20 à 59

ans. C’était en l’an 2000, c’était il y a un siècle. « Ce qu’on a l’air de découvrir

aujourd’hui existe depuis toujours », explique la sociodémographe.

« Ce qui est un peu déstabilisant, c’est qu’on se dit “Mince, l’enquête Enveff,

ça fait vingt ans et c’est seulement maintenant que la parole se libère”.

Comme ça, d’un coup. » Maryse Jaspard, sociodémographe

Elle se souvient qu’à l’époque, les membres de l’équipe de recherche sont bou-

leversés par leur travail. « On s’est mis à se questionner sur nos vies de couple,

maris. »

L’impact de l’étude est important. Emmanuelle Piet le dit à sa façon : « Le

grand changement, c’est l’enquête Enveff. Là, les gens se sont dit : “Ah ! mais c’est

vrai ce qu’elles racontent ces cochonnes.” » La publication des premiers résultats

entraîne une grande campagne nationale contre les violences conjugales. Et

un slogan : « Briser le silence ». « Ce qui est un peu déstabilisant, c’est qu’on se

dit “Mince, ça fait vingt ans et c’est seulement maintenant que la parole se libère”.

Comme ça, d’un coup », poursuit Maryse Jaspard.

Une « posture victimaire » ?

Le premier coup est venu d’un confrère de l’INED, Hervé Le Bras. Avec la ju-

riste Marcela Iacub, ils publient un long texte intitulé ironiquement Homo mu-

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lieri lupus ? (« l’homme, un loup pour la femme ? ») pour dénoncer une enquête

qui considère « a priori toute violence ressentie par une femme comme une vio-

lence qui lui est adressée en tant que femme ». Ils ne reprochent pas à l’Enveff

de mettre en lumière les violences faites aux femmes mais de les victimiser en

mettant tout sur le même plan : violences verbales, psychologiques, physiques

et sexuelles.

« Comme les autres enquêtes menées à l’étranger, l’Enveff montrait que les

violences envers les femmes n’étaient pas le fait d’une classe plutôt que d’une

autre » Maryse Jaspard

Publié dans Les Temps modernes, ce texte bénéficie d’une large médiatisation

car au même moment est publié Fausse route, d’Elisabeth Badinter. Dans cet

ouvrage, l’essayiste dénonce elle aussi la « posture victimaire » des féministes

françaises contemporaines et le monde binaire qu’elles décrivent : d’un côté,

les femmes victimes, de l’autre, les hommes bourreaux. Pour Maryse Jaspard,

cette « cabale contre l’Enveff » prouve son importance :

« Sans enjeux fondamentaux, ses résultats auraient été poliment commentés pen-

dant un jour, une semaine, le temps que se froisse l’actualité. »

Eric Fassin relève un second point pour expliquer les passions soulevées par

l’Enveff en 2000. Un point qui ne paraît toujours pas résolu aujourd’hui :

« Comme les autres enquêtes menées à l’étranger, l’Enveff montrait que les vio-

lences envers les femmes n’étaient pas le fait d’une classe plutôt que d’une autre. »

Or, Elisabeth Badinter contestait cette conclusion tout au long de Fausse route

et affirmait trouver « indécent de faire l’amalgame entre la condition des femmes

dans les banlieues les plus défavorisées et celle des classes moyennes ou supé-

rieures ».

Quinze ans plus tard, l’épicentre de l’affaire Weinstein se situe à Hollywood

et ses répliques ont d’abord été ressenties dans des milieux de pouvoir : mé-

dias, cinéma, politique. Qu’en pense Elisabeth Badinter ? Elle n’a pas souhaité

nous répondre. Elle préfère « attendre que le tohu-bohu cesse pour être plus au-

dible ». Mais elle nous fait préciser un point : sa ligne n’a pas bougé depuis

Fausse route, dans lequel elle écrit qu’on a eu tort de mettre dans le même sac

« la bourgeoise du 8e arrondissement et la jeune beurette des banlieues ».

Lire aussi : Elisabeth Badinter fait fausse route

Un phénomène qui touche tous les milieux

Alain Finkielkraut, qui s’embarrasse rarement de politiquement correct, l’ex-

prime plus frontalement. Pour lui, l’un des objectifs de la campagne #balance-

tonporc est de « noyer le poisson de l’islam », de faire oublier « la Chapelle-Pa-

jol », du nom d’un quartier parisien et d’une controverse aussi mémorable que

vaine. Au printemps, une pétition de femmes résidant dans ce quartier dénon-

çait un harcèlement de rue insupportable.

Il n’a pas fallu une heure pour que le débat s’enflamme. Pour les uns, cela ve-

nait prouver les dangers de l’islam en France. Pour les autres, parler de har-

cèlement à la Chapelle revenait à stigmatiser la population immigrée, impor-

tante dans ce quartier. Deux camps à jamais irréconciliables s’opposent : d’un

côté, les « islamo-gauchistes » et de l’autre, les « islamophobes ». Des excès

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qui rendent illusoire toute tentative de réflexion sur le sujet.

Jusqu’au sommet de l’Etat, puisqu’Emmanuel Macron a déclaré que si le har-

cèlement de rue était peu dénoncé, c’est parce que, « lorsqu’on porte plainte, ça

prend des mois et des mois et c’est souvent classé sans suite parce que c’est dans

les quartiers les plus difficiles, où nos magistrats ont déjà énormément à faire ». En

oubliant l’une des leçons majeures de #balancetonporc : le phénomène touche

tous les milieux.

Cécile Goldet ne disait pas autre chose en mai 1980 devant le Sénat. Au-

jourd’hui, l’ancienne parlementaire a 103 ans, elle vit toujours à Paris, dans

son appartement du 19e arrondissement. Elle est abonnée au Monde et dit le

lire tous les jours. Peut-être en plongeant dans les articles sur Weinstein a-t-

elle songé, comme elle le clamait il y a trente-sept ans devant les sénateurs,

que « les femmes sont victimes d’actes inqualifiables, [que] le fait nouveau n’est

pas qu’elles le soient davantage, plus souvent » ; [que] le fait nouveau est qu’elles

ne l’acceptent plus ». Exactement ce que clament aujourd’hui toutes celles qui

écrivent #metoo.

BRODERIES HANNAH HILL POUR M LE MAGAZINE DU MONDE

Par Zineb Dryef

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Parution : Quotidienne

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Uber perd une bataille juridique à Bruxelles

Cette décision constitue un revers de plus pour le groupe américain, qui a accumulé lesdéboires cette année

vendredi 22 décembre 2017Page 27

985 mots

LE MONDE ECO ET ENTREPRISE

Vivement que l'année se termine ! La

plate-forme américaine de transport

privé de personnes (VTC) a connu re-

vers sur revers en 2017. Après les af-

faires de harcèlement, de vol de tech-

nologies à Google ou de perte de don-

nées de ses clients et utilisateurs.

Après l'installation de logiciels pour

tromper les autorités publiques aux

Etats-Unis ou les sautes d'humeur de

son PDG fondateur, Travis Kalanick,

poussé à la démission. Après le re-

trait de sa licence à Londres, l'un des

premiers marchés VTC de la planète,

ou la requalification de ses chauf-

feurs en salariés, l'entreprise améri-

caine a perdu, mercredi 20 dé-

cembre, une longue bataille juridique

devant la justice européenne.

Réunie en grande chambre, ce qui

marque l'importance de son juge-

ment, la Cour de justice de l'Union

européenne (CJUE), installée à

Luxembourg, a jugé que la société

américaine de réservation de voitures

avec chauffeur n'est pas une simple

entreprise technologique, mais

qu'elle relève bien du " domaine des

transports ". Uber, tout comme l'en-

semble des plates-formes VTC

concurrentes, doit donc se soumettre

aux mêmes règles que leurs concur-

rents, les taxis.

" Cette décision va permettre aux Etats

d'encadrer les pratiques d'Uber, jugent

les eurodéputés -socialistes dans un

communiqué. Le temps du laisser-

faire est terminé : Uber ne pourra plus

essayer de passer par le droit européen,

en se faisant passer pour une entre-

prise “de service de la société de l'infor-

mation”, pour contourner des obliga-

tions imposées par des Etats et/ou des

villes visant à mieux réglementer l'acti-

vité des chauffeurs VTC. "

Salué en Espagne

" C'est une décision qui fera date et qui

va simplifier la vie des Etats, qui pour-

ront plus aisément légiférer dans ce do-

maine, confirme l'avocat spécialisé

sur le secteur du transport Richard

Milchior. C'est surtout un caillou dans

la chaussure d'Uber pour opérer en Eu-

rope. " Un caillou de plus. Désormais,

les Etats pourront renforcer leur ré-

glementation, même si de nombreux

pays, comme l'Allemagne, la Bel-

gique, le Royaume-Uni ou la France,

n'ont pas attendu la décision euro-

péenne.

Dans l'immédiat, cet arrêt a été salué

en Espagne. En effet, ce jugement

tranche un litige entre Elite Taxi, une

association de chauffeurs de taxi de

Barcelone, et la -société américaine

au sujet du service UberPop, qui per-

mettait à des particuliers d'offrir des

prestations de transport. Banni en

France depuis 2015, le service était

encore opérationnel en Espagne. Sur

ce cas précis, Uber estimait n'être

qu'" un service d'intermédiation " du

domaine de l'Internet et non un ser-

vice de transport en soi. Il ne devait

donc pas se soumettre à la régle-

mentation suivie par les chauffeurs

de taxi, et notamment à l'obligation

d'obtenir une licence et des agré-

ments de l'agglomération catalane.

La Cour européenne n'a pas retenu

cette interprétation juridique. Pour

elle, " un tel service doit être exclu du

champ d'application de la libre presta-

tion des services en général ainsi que de

la directive relative aux services dans

le marché intérieur et de la directive

sur le commerce électronique ", assure

la CJUE. Cet arrêt " représentera vrai-

ment une victoire sociale, c'est la socié-

té qui va en profiter ", estime le porte-

parole d'Elite Taxi, Ivan Sesma. Ce-

pendant, " le chemin sera long pour

que ces entreprises opèrent comme

l'ordonne la loi ", a-t-il poursuivi.

Un groupe de travail

Si la société américaine peut faire ap-

pel, elle est, semble-t-il, déjà passée

à autre chose. En Espagne, elle offre

désormais des services de VTC clas-

siques, les mêmes qu'en France. "

Cette décision aura peu d'impact dans

la plupart des pays de l'Union euro-

péenne où nous opérons déjà dans le

respect du droit des transports ", ex-

plique un porte-parole de -l'entre-

prise.

Selon la firme, qui est toujours valo-

risée plus de 42 milliards d'euros, "

des millions d'Européens sont toujours

privés d'accès à des applications telles

que la -nôtre. Comme notre nouveau

président directeur général - Dara

Khosrowshahi - l'a dit, il est légitime

de réguler des services comme Uber et

nous allons continuer à dialoguer avec

les villes européennes. C'est l'approche

que nous choisissons pour permettre à

chacun de pouvoir bénéficier d'un

moyen de transport fiable en quelques

clics ".

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En France, les chauffeurs VTC -es-

pèrent que cet arrêt aura des consé-

quences, notamment en renforçant

la réglementation du secteur. Le gou-

vernement réfléchit déjà à mieux en-

cadrer la durée de travail et à instau-

rer un tarif minimum. Depuis cette

semaine, un groupe de travail au mi-

nistère des transports étudie ce scé-

nario. L'exécutif envisage aussi à la

création d'un agrément que les

plates-formes de VTC devront obte-

nir pour officier.

Cette décision de la CJUE pourrait

aussi aider les tribunaux à -requali-

fier les chauffeurs indépendants des

plates-formes VTC en véritables sa-

lariés, veulent croire les syndicats.

Pour l'instant, seule une poignée de

chauffeurs français, travaillant tous

pour la société LeCab, ont réussi à

obtenir cette reconnaissance. Quant

à Uber, l'Urssafcherche depuis plu-

sieurs années à prouver que les

chauffeurs réputés indépendants

sont en fait des salariés déguisés.

Pour l'instant, sans succès.

Philippe Jacqué■

par Philippe Jacqué

Tous droits réservés Le Monde 2017

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Parution : Quotidienne

Diffusion : 278 790 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017

Audience : 2 416 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 37

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L'affaire Uber aide la justice à définir l'économie collaborative

Selon la Cour de justice de l'Union européenne, les services de la plateforme Uber relèventdu « domaine des transports » . Impossible donc pour ses chauffeurs d'opérer sans licenceet autres agréments requis par les droits nationaux. Plus que se prononcer sur le litige quioppose Uber aux chauffeurs de taxi, la CJUE donne surtout sa vision de ce qu'estl'économie collaborative.

jeudi 21 décembre 2017Page 17

535 mots

ECONOMIE

B ruxelles

De notre correspondante

Son arrêt était attendu depuis des

mois. La Cour de justice de l'Union

européenne (CJUE) a fini par tran-

cher, hier: la mise en relation de

clients avec des chauffeurs non pro-

fessionnels fournie par UberPop (une

branche d'Uber qui fait travailler des

chauffeurs sans qualification) relève

du domaine des transports.

La plateforme arguait qu'elle était

avant tout un service numérique

jouant le rôle d'intermédiaire entre

particuliers et chauffeurs. « Le service

fourni par Uber ne se résume pas à un

service d'intermédiation », a martelé la

Cour, estimant que le service numé-

rique proposé par l'entreprise améri-

caine fait « partie intégrante d'un ser-

vice global dont l'élément principal est

un service de transport ».

Cette clarification est une victoire

pour les chauffeurs de taxi qui, par-

tout en Europe, se disent victimes de

la concurrence de la plateforme. C'est

d'ailleurs certains d'entre eux qui, à

Barcelone dès 2014, avaient porté

l'épineux dossier devant la justice,

jugeant les activités d'UberPop (déjà

interdites dans plusieurs pays – dont

la France) trompeuses et déloyales au

motif que ses chauffeurs n'avaient

pas besoin de licence ou d'agréments.

Le tribunal de commerce saisi en Es-

pagne avait donc demandé à la CJUE

de déterminer la nature des services

fournis par Uber: service numérique

d'intermédiation ou transport.

Si le premier cas avait été retenu,

Uber aurait relevé de la directive re-

lative aux services dans le marché in-

térieur ou de la directive dite « e-

commerce ». « Dépendre de ces textes-

là aurait pu jouer en faveur d'Uber, qui

aurait pu expliquer que la nécessité de

détenir une licence au préalable est un

obstacle à la libre prestation des ser-

vices », éclaircit une source euro-

péenne.

En qualifiant Uber de transporteur,

les juges luxembourgeois s'engagent

dans la voie inverse et lui coupent

les ailes: selon eux, le service propo-

sé par l'entreprise californienne doit

bel et bien être soumis à des règles

nationales ou locales plus strictes.

L'arrêt n'empêchera toutefois pas

UberX d'opérer: cette branche-là

fonctionne avec des chauffeurs de

VTC (voitures de transport avec

chauffeur) professionnels, qui ont

suivi une formation et ont payé pour

être inscrits dans le registre national

des professionnels de VTC, confor-

mément à la loi Grandguillaume de

2016.

La CJUE souligne que l'application

fournie par Uber est « indispensable »

tant pour les chauffeurs que pour les

personnes désirant se déplacer et

qu'Uber exerce une « influence déci-

sive sur les conditions de la prestation

des chauffeurs ». Ce qui est contradic-

toire avec les valeurs de l'« économie

du partage » ou « collaborative »

qu'affirme vouloir défendre Uber.

« Cet arrêt est surtout précieux car les

critères de définition qu'il contient

pourront s'appliquer à d'autres plate-

formes qui se revendiquent de ce type

d'économie », expose Georgios Petro-

poulos, chercheur au sein du labora-

toire d'idées Bruegel. Certains envi-

sagent ainsi que la très controversée

plateforme Airbnb, qui se développe

à une vitesse exponentielle, puisse

être la prochaine sur la liste de la

CJUE.■

par Schoen Céline

Tous droits réservés La Croix 2017

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Parution : Quotidienne

Diffusion : 91 095 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD PV 2016/2017↑ 38

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Ryanair devra affronter une grève des pilotes en Allemagne

La compagnie à bas coûts a convaincu les Irlandais de lever leur préavis mais pas leurshomologues allemands.

N° 22820vendredi 22 décembre 2017

Page 25754 mots

ENTREPRISES

TRANSPORT La partition de harpe

celtique - l'emblème de Ryanair -

jouée par Michael O'Leary, le PDG de

la compagnie aérienne, n'a pas en-

chanté tous les syndicats de pilotes.

Le dirigeant, sous la menace d'une

grève de pilotes dans plusieurs pays,

a été contraint il y a une semaine de

renoncer à l'interdiction des syndi-

cats au sein de l'entreprise. Une

volte-face spectaculaire. Mais jeudi,

les premières réunions destinées à

formaliser la représentation syndi-

cale n'ont pas produit les mêmes ef-

fets.

À Dublin, la direction de Ryanair a

visiblement su trouver les mots pour

convaincre Impact, le principal syn-

dicat de pilotes en Irlande. Il a quali-

fié la réunion d'« historique » et levé

du même coup sa menace. En re-

vanche, à Francfort, le syndicat alle-

mand de pilotes Vereini-gung Cock-

pit a appelé à une grève éclair ce ven-

dredi de 5 heures à 9 heures dans

tous les aéroports allemands desser-

vis par Ryanair.

Sur la mauvaise pente

Michael O'Leary avait expliqué mardi

à Reuters les raisons de son virage à

180 degrés. Ce n'est pas le résultat

d'une « faiblesse de management » ou

de la « force syndicale » mais le fait

qu'une grève aurait « obligé la compa-

gnie à dédommager 150 000 passagers

pendant Noël et peut-être même après

Noël». «La reconnaissance des syndi-

cats allait de toute façon arriver en

France. Nous avons simplement devan-

cé cette échéance », a-t-il ajouté.

Le dirigeant a affirmé que les diffé-

rentes mesures sociales qui succéde-

raient aux négociations syndi-cales

n'auraient pas d'incidences sur les ré-

sultats financiers de la compagnie,

soit 1,4 milliard d'euros de bénéfice

pour l'exercice 2017-2018 qui sera

clos fin mars. Pas question non plus

d'alourdir les coûts - évalués à 100

millions d'euros - induits par l'annu-

lation de 20 000 vols d'ici à mars. «

Nous aurons toujours des coûts beau-

coup plus bas avec les avions, les

charges financières, les contrats avec

les aéroports. Cela ne changera pas »,

a-t-il affirmé.

Des avions de Ryanair à l'aé-roport de Dublin. Photo : PAUL

FAITH/AFP

Mieux, le patron de Ryanair estime

que son changement de cap ouvrira à

sa compagnie les portes de pays for-

tement syndiqués comme la France,

où il pourrait baser à l'avenir une cin-

quantaine d'appareils ! Mis en exa-

men en 2010 et en 2017 pour travail

dissimulé à Marseille, Ryanair avait

supprimé sa base sur cet aéroport

tout en lui conservant une activité

saisonnière.

Michael O'Leary cherche aussi à ras-

surer la Bourse. Pour les investis-

seurs comme pour les analystes, Rya-

nair est sur la mauvaise pente. Ouvrir

la porte à la création de syndicats de

pilotes et étendre cet-te option aux

personnels de cabine risque de dé-

boucher sur une hausse des coûts,

donc sur une baisse de sa rentabilité.

L'action Ryanair, après avoir atteint

un plus haut historique à 19,30 euros

en août, est retombée progressive-

ment à 15,10 euros, soit un niveau

proche de son cours de début d'an-

née. Credit Suisse a dégradé Ryanair

de « surperformant » à « stable ». Cer-

tains analystes envisagent même sé-

rieusement le départ de Michael

O'Leary à moyen terme. Ce que l'in-

téressé dément catégoriquement. Les

pilotes disséminés dans 86 « conseils

de représentants », des instances so-

ciales locales, ont lancé une fronde

depuis plusieurs mois. Ils réclament

notamment des contrats de travail

conformes à la législation des pays

où ils sont basés. ■

par Valérie Collet £@V_Collet

Tous droits réservés 2017 Le Figaro

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