Palmier a Huile en Afrique

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Le palmier huile en Afrique : le pass, le prsent et le futurRicardo Carrre

Mouvement Mondial pour les Forts Tropicales Dcembre 2010

Le palmier huile en Afrique : le pass, le prsent et le futur

Index Introduction Brve histoire du palmier huile en Afrique Encadr 1 : Entreprises concernes par la production de combustible partir du palmier huile dans les pays africains Mthodes de production de lhuile de palme La superficie des palmeraies dans les pays producteurs dhuile de palme Le travail et lemploi dans la production de palmiers huile Encadr 2 : Un cas de plein emploi en Guine, d la production traditionnelle dhuile de palme Effets ngatifs sur la socit et lenvironnement Encadr 3 : Limpact des plantations de palmier huile en Ouganda Lhuile de palme : laffaire des femmes Encadr 4 : La participation des femmes la production traditionnelle dhuile de palme Le rle des gouvernements trangers et des agences internationales Encadr 5 : Institutions nationales et internationales impliques dans la promotion de la production industrielle dhuile de palme Le rle des gouvernements africains Encadr 6 : Projets dinvestissement dans le palmier huile Le besoin dimpliquer le secteur traditionnel dans les nouvelles politiques Encadr 7 : La plantation de palmiers huile slectionns au Benin De lchelon local lchelon mondial... et retour Vingt-trois pays dAfrique o crot le palmier huileAngola Bnin Burundi Cameroun Cte dIvoire Gabon Gambie Ghana Guine Guine-Bissau Guine quatoriale Liberia Madagascar Nigeria Ouganda Rpublique Centrafricaine Rpublique dmocratique du Congo Rpublique du Congo So Tom e Prncipe Sngal Sierra Leone Tanzanie Togo

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Le palmier huile en Afrique : le pass, le prsent et le futurIntroductionLes plans dexpansion des plantations industrielles de palmier huile en Afrique et leurs effets ngatifs sur la socit et lenvironnement ont conduit le WRM runir des informations sur vingt-trois pays de ce continent qui participent la production dhuile de palme.1 Du fait de la difficult obtenir des informations ce sujet au niveau continental et mme national, lobjectif de ce travail est de donner aux personnes et aux organisations concernes les renseignements ncessaires pour soccuper de cette question si importante. Ces informations ont t dabord publies sous forme de brouillon dans un blog, dans les langues officielles des pays concerns (12 en franais, 7 en anglais, 3 en portugais et 1 en espagnol) et nous avons reu de nombreux commentaires et rponses positives.2 La prsente publication commence par rsumer grands traits ce que nous estimons tre les principales conclusions des tudes par pays, afin de prsenter un panorama gnral du problme.3 Viennent ensuite les versions finales des informations recueillies dans les 23 pays tudis. La grande varit de situations qui dcoule de la riche diversit africaine nous pousse recommander vivement la lecture de tous les cas. Nous esprons que ce travail permettra daider les populations dj touches par les plantations de palmier huile, et celles des rgions cibles pour en faire de nouvelles, dfendre leurs territoires et leurs moyens dexistence que les grandes entreprises mettent en danger avec lappui des gouvernements.

Brve histoire du palmier huile en AfriqueL o il crot naturellement, le palmier huile apporte depuis des sicles aux populations locales de nombreux avantages : de lhuile de palme, des sauces, du savon, du vin, des engrais (cendres), des toitures (feuilles), des matriaux de construction (troncs), des mdicaments (racines). Aujourdhui encore, tous ces usages traditionnels du palmier huile reprsentent une partie importante de la culture africaine dans les pays o crot le palmier. Quand les puissances europennes envahirent le continent, elles comprirent tout de suite quelles pouvaient tirer profit du commerce de noyaux et dhuile de palme, obtenus dabord dans les palmeraies naturelles, puis dans de grandes plantations, grce au travail forc ou en situation desclavage et lappropriation des terres des communauts. Le systme des plantations dans les terres communales fut renforc aprs lindpendance ; il sagissait maintenant dentreprises tatiques accompagnes de grandes usines de traitement industriel. Les politiques dajustement structurel imposes aux gouvernements africains par la Banque mondiale et la SFI dans les annes 90 aboutirent la privatisation de la plupart de ces complexes industriels et la reprise du contrle de la production dhuile de palme par des socits trangres.

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Angola, Benin, Burundi, Cameroun, Rpublique centrafricaine, R.D. du Congo, R. du Congo, Cte dIvoire, Guine quatoriale, Gambie, Ghana, Guine, Guine-Bissau, Liberia, Madagascar, Nigeria, So Tom e Prncipe, Sngal, Sierra Leone, Tanzanie, Togo et Ouganda. 2 http://oilpalminafrica.wordpress.com/. 3 Les rfrences de toutes les citations et informations figurent dans les tudes par pays.

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Tout au long du processus que nous venons de rsumer, le systme traditionnel, qui consiste rcolter les fruits dans les palmeraies naturelles ou semi-naturelles et les transformer en huile de palme par des procds manuels, russit coexister avec les diffrents systmes centraliss mis en place par les gouvernements et les entreprises. Depuis quelques annes, lexpansion des plantations industrielles a un autre objectif que la production dhuile comestible : celui de produire des agrocombustibles, sous la direction dun grand nombre de transnationales qui souhaitent investir dans la rgion, comme le montre lencadr 1. Encadr 1 : Entreprises concernes par la production de combustible partir du palmier huile dans les pays africainsAngola : Benin : Cameroun : Cte dIvoire : Congo, R. : Congo, R. D. : Gabon : Gambie : Ghana : Liberia : Madagascar : Nigeria : So Tom e Prncipe : Sierra Leone : Tanzanie : Grupo Atlntica (Portugal), ENI (Italie) et Petrobras (Brsil) des groupes non spcifis de la Malaisie et de lAfrique du Sud le groupe franais Bollor SIFCA (France), Wilmar International et Olam International (Singapour), SIPEF (Belgique) Aurantia (Espagne), ENI (Italie), Fri-El Green (Italie) TriNorth Capital (Canada), ZTE Agribusiness Company (Chine), Blattner Group (Belgique / USA) SITA (Belgique), Olam International (Singapour) Mercatalonia (Espagne) SITA (Belgique), Unilever (Royaume-Uni / Pays-Bas), Wilmar International (Singapour), NORPALM (Norvge) Sime Darby (Malaisie), Equatorial Palm Oil Company (Royaume-Uni), Golden Agri-Veroleum (Indonsie) Sithe Global (USA), Cultures du Cap Est (Inde) SIAT (Belgique), Fri-El Green Power (Italie) Socfinco (du groupe franais Bollor) Sierra Leone Agriculture (Royaume-Uni), groupe Quifel (Portugal), Gold Tree (Royaume-Uni) TM Plantations Ltd (Malaisie), Sithe Global Power (USA), InfEnergy (RoyaumeUni), un groupe non identifi (Malaisie), African Green Oil Limited, Tanzania Biodiesel Plant Ltd, InfEnergy Co. Oil Palm Uganda Limited (qui appartient la socit Wilmar de Singapour, en association avec BIDCO)

Ouganda :

Mthodes de production de lhuile de palmeBien quon puisse trouver beaucoup de diffrences dans les mthodes de production de lhuile de palme, dun pays lautre mais aussi dans chaque pays, il est possible de les regrouper en deux catgories gnrales : la production traditionnelle et la production industrielle. Le systme traditionnel Dans le systme traditionnel, les palmiers font partie du paysage productif. Dans bien des cas, les palmeraies naturelles sont le rsultat dun amnagement de longue date, o des zones boises ont t dfriches pour lagriculture mais en prservant de nombreux palmiers bien espacs entre eux, de manire maintenir les deux types de production. Dans dautres cas, on a plant des palmeraies communales ou familiales dans le cadre de systmes agroforestiers. Les fruits du palmier sont cueillis, puis transforms localement en huile de palme rouge. Dans certains cas, le processus est entirement manuel ; dans dautres, on utilise des appareils de pressage mcanique que lon fait fonctionner la main. Les noyaux sont transforms en savon ou en dautres produits, tandis que la sve est extraite (aussi bien des palmiers en pied que des palmiers abattus) pour la production de vin de palme. 4

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Le systme industriel Le systme industriel est bas sur des plantations en rgime de monoculture, o la terre ne produit que des fruits de palmier pour lindustrie. Bien quil y ait quelques diffrences entre les systmes colonial et postcolonial, les procds sont essentiellement les mmes. Dans la plupart des cas, on prend les terres des communauts locales avec peu ou pas de compensation ; des cosystmes riches en diversit biologique (surtout des forts) sont dtruits et remplacs par de grandes plantations de palmiers ; le travail qui, lpoque coloniale, tait forc ou en rgime desclavage, est sous-pay ou proche de lesclavage dans le systme moderne. Ce dernier est encore pire que lancien en ce quil comporte lasschement de grandes tendues et lemploi gnralis de produits agrochimiques, deux choses qui portent atteinte aux rserves deau locales. Dans beaucoup de cas, les plantations tatiques ou prives sont compltes par de petites plantations associes, le plus souvent en application dun systme contractuel par lequel les petits propritaires conviennent de vendre leur production lusine de traitement de lentreprise. La transformation des fruits en huile de palme et autres produits secondaires se centralise dans de grandes usines industrielles mcanises. La population locale estime en gnral que lhuile ainsi produite est de moindre qualit que celle quon obtient manuellement de la manire traditionnelle.

La superficie des palmeraies dans les pays producteurs dhuile de palmeIl est trs difficile de trouver des renseignements fiables sur la superficie que couvrent les palmiers huile en Afrique, et ce pour de nombreuses raisons : 1) Il est difficile de distinguer les zones boises qui comptent des palmiers huile parmi dautres espces, des palmeraies naturelles o les palmiers sont la seule ou la principale espce. 2) Il est difficile de distinguer les palmeraies sauvages de celles, naturelles ou plantes, qui font partie des pratiques agricoles des communauts locales depuis des sicles. 3) Il est difficile de classer les palmeraies parmi les plantations familiales, dont les fruits sont vendus ou non une usine de traitement, ou parmi les plantations en sous-traitance lies par contrat une plantation industrielle. 4) Il existe des plantations industrielles abandonnes qui sont utilises par les communauts locales comme sil sagissait de palmeraies naturelles. 5) Il nexiste pas dinventaires actualiss des palmeraies naturelles, des plantations artisanales et des plantations industrielles. Par consquent, le tableau suivant ne donne quune ide trs gnrale de la surface que couvrent les palmiers huile dans les vingt-trois pays choisis par le WRM en tant que producteurs africains dhuile de palme.

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PAYS

Angola Benin Burundi Cameroun Congo, R. Congo, R. D. Cte dIvoire Gabon Gambie Ghana Guine Guine quatoriale Guine-Bissau Liberia Madagascar Ouganda Rpublique centrafricaine So Tom e Prncipe Sngal Sierra Leone Tanzanie Togo

Palmeraies naturelles / plantations traditionnelles (en hectares) --300 000 --25 000 --1 000 0004 140 000 ------2 000 000 ----------18 000 --50 000 32 000 --600 000

Plantations industrielles (en hectares) --20 000 10 000 76 500 10 000 147 0005 88 000 10 000 --300 000 9 000 7 000 --70 000 --10 000 1 000 ----18 000 --2 000

Le travail et lemploi dans la production de palmiers huileTandis que le systme industriel emploie relativement peu de travailleurs de lordre de milliers dans les plantations et les usines de traitement, le systme traditionnel fournit des produits et des revenus des millions de personnes (de femmes en particulier) qui participent la rcolte, au traitement et la commercialisation de lhuile, des noyaux et du vin de palme. En ce qui concerne les conditions de travail, le cas de la principale plantation industrielle du Cameroun est illustratif : La SOCAPALM fait venir ses ouvriers dautres rgions du Cameroun et les loge dans des campements situs dans la plantation. Les conditions de vie et de travail y sont excrables : baraquements et latrines collectives insalubres, manque daccs rgulier leau et llectricit, travaux pour la plupart temporaires et des salaires extrmement bas, etc. Des centaines douvriers sous-traits travaillent six jours par semaine et parfois de 6 18h, sans couverture sociale et sans protection adquate, pour environ 1,6 euro par jour et ce, seulement quand les sous-traitants noublient pas de les payer. Face cela, grves et protestations se sont multiplies. Quant au systme traditionnel, le cas du Liberia montre que la moiti de lhuile est produite par 220 000 femmes et hommes dans de petites fermes, partir des fruits cueillis dans les forts o le palmier crot en abondance, et que ce sont surtout les femmes qui se chargent de transformer ces fruits en huile de palme rouge par des mthodes traditionnelles. Au Nigeria, 80 % de la production sont le fait de petits propritaires pars qui rcoltent les fruits de plantes semi-sauvages et emploient des techniques de transformation manuelles. Plusieurs millions de petits propritaires se rpartissent sur une superficie estime, qui serait de 1,65 million dhectares 3 millions dhectares maximum.

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Les estimations vont de 1,65 millions dhectares 2,4 millions dhectares et jusqu un maximum de 3 millions dhectares. Les estimations vont de 169 000 hectares (72 000 ha de plantations tatiques et 97 000 ha de petites proprits) 360 000 hectares de plantations.

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Encadr 2 : Un cas de plein emploi en Guine, d la production traditionnelle dhuile de palme Les textes cits ci-dessous devraient donner rflchir aux institutions qui fournissent des fonds et des conseils techniques aux pays africains dans le but de rduire la pauvret . Elles y trouveraient des ides sur ce quil faut et sur ce quil ne faut pas soutenir dans le secteur du palmier huile, si vraiment elles souhaitent attnuer la pauvret et non laccrotre. Sur une production de rgimes de prs de 45 000 t par an, lhuilerie de Dick ne parvient traiter que 15 700 t. Pour le reste, la Soguipah [Socit guinenne du palmier huile] a t oblige de recourir la filire de transformation artisanale. Pour absorber les rcoltes des plantations familiales, il a fallu crer huit centres de pressage employant au total 1392 personnes. Trois autres centres employant 2000 personnes traitent lexcdent de production des plantations industrielles que lusine ne peut absorber. Sans jeu de mot, on peut dire que ces centres artisanaux tournent plein rgime . Situs au bord de cours deau, ils reoivent des tonnes de noix de palme dverses par les camions de la Soguipah. Les villageois commencent par grapper les rgimes, avant de faire bouillir les noix. Celles-ci sont ensuite verses dans des fosses tapisses de pierres et de bois. Cest l quon les crase coups de pilons. La pulpe obtenue est lave, puis presse la main. Viennent ensuite les oprations de cuisson, de dcantation et de filtrage. Il faut trois cinq jours pour obtenir lhuile rouge partir des noix de palme. "Officiellement, indique un cadre de la Soguipah, nous employons 1500 salaris agricoles (pour les plantations et lusine), mais avec lextraction artisanale de lhuile, personne ne peut dterminer aujourdhui avec prcision le nombre de gens dont la vie est lie notre socit." Aujourdhui, cette activit est si attrayante que certaines femmes ont quitt des rgions situes des centaines de kilomtres pour venir extraire lhuile. "Actuellement, avoue une extractrice, je gagne plus que mon mari. Je souhaite que cela dure pour que nous puissions enfin avoir un toit nous." Lextraction artisanale de lhuile de palme mobilise tous les bras valides de la rgion forestire. A tel point que, selon un agent de la Soguipah, "il ny a plus personne pour soccuper des enfants : tout le monde est obnubil par les profits de lextraction". La transformation artisanale a cr une situation de plein-emploi tout fait indite dans cette rgion. Mais pour les responsables de lhuilerie, la solution artisanale nest quun pis-aller. La solution a dj t trouve, avec la construction dune nouvelle huilerie dune capacit de 10 t/heure (quatre fois plus que linstallation actuelle). Cette unit, dont le montage a dbut le 20 fvrier dernier, est finance par la Banque europenne dinvestissement. Elle pourra traiter environ 55 000 t/an. Sa mise en service permettra donc immdiatement de transformer la totalit de la production de la Soguipah et des plantations familiales. Ce qui se traduira par un arrt brutal de lextraction artisanale. Du coup, les intrts de milliers de personnes seront compromis. Les femmes habitues manipuler des millions devront dsormais se tourner vers dautres activits, certainement moins rmunratrices.

Effets ngatifs sur la socit et lenvironnementLa production traditionnelle dhuile de palme se fait tantt partir de palmeraies naturelles, tantt partir de palmiers prservs ou plants parmi dautres cultures dans des parcelles familiales de subsistance ou de rapport. Le cas de la Cte dIvoire en est un exemple : Les exploitations familiales qui produisent des fruits de palmier huile ont presque toutes des cultures et des activits diversifies et sont adaptes la double logique de scurisation et de stabilisation du revenu, notamment en diversifiant les possibilits de commerce. Les enqutes en Cte dIvoire ont rvl des systmes agricoles diversifis qui comprennent palmier huile et/ou hva, caf et cacao, ainsi que des cultures alimentaires, y compris les cultures de rente, le tout sur la mme ferme. Les agriculteurs familiaux qui cultivent le palmier huile ne sont donc (presque) jamais les producteurs dune culture unique . 7

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Quant la production industrielle dhuile de palme, le cas des plantations de lle de Buggala en Ouganda montre quelles ont eu de nombreux effets ngatifs sur la socit et lenvironnement, comme on a pu le constater dans une tude commande par le Forum dONG du district de Kalangala, que lon peut rsumer comme suit : Encadr 3 : Limpact des plantations de palmier huile en Ouganda Effets socio-conomiques - Violation des droits territoriaux des peuples autochtones et des communauts locales - Perte du filet de sauvetage que reprsente la terre - Violations des droits de lhomme - Impossibilit daccs aux ressources et conflits qui en rsultent - Augmentation soudaine du prix de la terre - Destruction de lconomie villageoise - Exposition des risques pour la sant - Inscurit alimentaire - Perte du patrimoine culturel et de ses valeurs - Inscurit Effets sur lenvironnement - Impact sur la diversit biologique - Pressions accrues sur les Rserves de la fort centrale - Diminution des produits forestiers - Dboisement - rosion du sol - Asschement des zones humides - Perturbation du microclimat - Emploi de produits chimiques pour lagriculture - Diminution des brise-vent

Lhuile de palme : laffaire des femmesLhuile de palme est trs importante en tant que source de revenus pour les femmes. Malgr quelques exceptions (comme, par exemple, la Rpublique dmocratique du Congo), dans la plupart des cas ce sont les femmes qui se chargent de transformer les fruits du palmier huile en huile de palme et de vendre ce produit dans les marchs locaux et mme nationaux. Les citations suivantes illustrent cette situation dans plusieurs pays.

Encadr 4 : La participation des femmes la production traditionnelle dhuile de palme Benin : Jusqu aujourdhui, la production artisanale dhuile de palme est largement assure par des femmes, individuellement ou ventuellement aides par une main-duvre familiale. Ces artisanes emploient des techniques entirement manuelles. Aucun processus de concentration trs marqu na eu lieu dans le secteur, qui est rest trs dispers au sein de la population . Cte dIvoire : Lhuile de palme rouge prsente aussi lintrt dtre une source demploi pour des milliers de femmes en milieu rural, car ce sont elles qui produisent manuellement lhuile de palme artisanale .

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Congo, R. : Les femmes jouent un rle important, tant en termes de production comme de vente de lhuile de palme. Une paysanne qui produit traditionnellement lhuile de palme dit que Etoumbi nous avons toujours extrait de lhuile de palme. Avec la vente de notre huile nous achetons des mdicaments et des caleons pour nos enfants . Les femmes ont aussi lhabitude dutiliser la noix de palme pour prparer la mouamb, une sauce issue de lextraction traditionnelle des noix . Congo, R.D. : Contrairement ce qui se passe dans dautres pays de la rgion, ici ce sont les hommes qui produisent lhuile de palme. Mais le commerce au dtail est essentiellement contrl par les femmes, dont certaines ont dvelopp des capacits importantes dachat. La commercialisation de lhuile de palme dorigine artisanale est quasi entirement aux mains du circuit informel dans lequel les femmes tiennent un rle dominant . Gambie : La plupart des activits de transformation du palmier huile sont faites dans les zones rurales par les femmes ; elles emploient des mthodes traditionnelles [...]. Ghana : lextrieur des plantations industrielles, le traitement du fruit du palmier est fait manuellement par les femmes des villages . Guine : Lextraction artisanale dhuile est devenue une activit trs rmunratrice pour une grande partie des familles de la Guine forestire et de la Guine maritime, surtout pour les femmes. Guine-Bissau : La rcolte des fruits est une activit masculine, mais le reste du traitement (trituration, criblage et raffinage des noix palmistes) est men bien par les femmes, qui ont aussi la responsabilit de ngocier la vente de lhuile. Liberia : Pourtant, ce sont surtout les femmes qui se chargent de transformer les fruits en huile de palme rouge par des mthodes traditionnelles. Nigeria : [...] ce sont presque toujours les femmes qui se chargent de la transformation des fruits en huile vgtale. Sngal : les femmes prparent lhuile et le vin de palme. Tanzanie : Au niveau local, les femmes se chargent de la fabrication de lhuile de palme et de la vente des produits drivs (huile, savon). Togo : Dans plusieurs zones de palmeraies, ce sont des groupes de femmes qui font lextraction artisanale dhuile de palme au niveau du village.

Le rle des gouvernements trangers et des agences internationalesPlusieurs institutions nationales, rgionales et multilatrales ont jou un rle crucial dans la promotion des investissements passs et prsents dans le palmier huile en Afrique. Il faut souligner que ce soutien a ignor toutes les preuves accumules des effets ngatifs que les plantations industrielles ont eus sur la socit et lenvironnement, ainsi que les avantages sociaux des mthodes durables traditionnelles de production dhuile de palme. De ce fait, cest le modle industriel qui a reu la plupart du soutien, tandis que le systme traditionnel nen recevait pratiquement aucun. Sans tre complte, la liste suivante donne au moins un aperu des institutions qui ont particip lencouragement de la production du palmier huile dans plusieurs pays.

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Encadr 5 : Institutions nationales et internationales impliques dans la promotion de la production industrielle dhuile de palmeBanque mondiale : Banque africaine de dveloppement: Banque africaine dinvestissement: Communaut europenne : Cameroun, Congo R., Cte dIvoire, Ghana, Liberia, Nigeria, Ouganda, Sierra Leone Gabon Congo, R. Burundi, Congo R., Cte dIvoire (Fonds europen de dveloppement), Ghana (EuropeAid), Guine (Banque europenne dinvestissement), Nigeria, So Tom e Prncipe (Banque europenne dinvestissement), Tanzanie (Partnership Dialogue Facility de lUE), Togo Congo, R. (FAO, Fonds international de dveloppement agricole, FIDA), Nigeria (ONUDI), Ouganda (FIDA), Tanzanie (Programme international de bionergie de la FAO). Liberia (USAID, USDA, Mercy Corps) Sierra Leone (Dpartement du dveloppement international, DFID) Sierra Leone (FinnFund) Tanzanie (SIDA) Tanzanie (GTZ) Sngal (Coopration autrichienne) So Tom e Prncipe (gouvernement de Taiwan)

Organes de lONU :

tats-Unis dAmrique : Royaume-Uni : Finlande : Sude : Allemagne : Autriche : Taiwan :

Le rle des gouvernements africainsDe faon gnrale, la plupart des gouvernements africains sont en train de crer un climat favorable aux investissements des grandes entreprises dans la production industrielle dhuile de palme, souvent dans le cadre de la production dagrocombustibles et de produits agricoles axe sur lexportation. Dans le contexte africain, ce que les entreprises attendent des gouvernements est du soutien politique pour leurs investissements et laccs lgal la terre dans des conditions favorables. Cela implique que de grandes tendues de terre seront prises aux populations locales, avec peu ou pas de compensation, et cdes aux entreprises de plantation. Quant la rsistance ventuelle des communauts affectes, le gouvernement devra sen charger par des moyens politiques, juridiques ou rpressifs. Ce qui prcde devrait sonner lalerte dans beaucoup de pays, puisque lexpansion du palmier huile pourrait aboutir un processus dappropriation de terres de fortes proportions, comme il arrive dans les zones concernes par les projets dinvestissement rsums dans lencadr 6. Encadr 6 : Projets dinvestissement dans le palmier huile Angola Le Groupe Atlntica (Portugal), par lintermdiaire de sa filiale AfriAgro, a obtenu 5 000 hectares (avec la possibilit datteindre un total de 20 000 ha) pour la production de biodiesel. Lentreprise italienne ENI (en association avec la Petrobras du Brsil) a pass un accord avec le gouvernement, suivant lequel ce dernier favorisera la plantation de palmiers huile pour approvisionner lENI en matire premire pour la production de biodiesel. Cameroun Le groupe franais Bollor est le principal acteur dans le secteur du palmier huile du pays. Il produit 80 % de lhuile de palme et possde prs de 40 000 hectares de plantations par lintermdiaire de ses entreprises SOCAPALM, SAFACAM et Ferme Suisse. La socit a aussi des usines et elle sest rcemment dclare intresse produire du biodiesel. 10

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Congo, R. La compagnie espagnole Aurantia a annonc son intention dinvestir dans des plantations de palmier huile pour fabriquer du biodiesel. La compagnie nergtique italienne ENI a obtenu 70 000 hectares pour planter des palmiers huile. La compagnie nergtique italienne Fri-El Green a sign un contrat pour la plantation de palmiers huile sur 40 000 hectares. Congo, R. D. GAP (Groupe agro-pastoral), une entreprise qui appartient au Groupe Blattner (Belgique / USA), a 10 000 hectares de plantations. La compagnie canadienne TriNorth Capital a annonc que sa filiale Feronia avait achet Unilever lentreprise Plantations et Huileries du Congo. Dans sa proprit de 100 000 hectares elle prvoit de planter de palmier huile prs de 70 000 ha. ZTE Agribusiness Company Ltd, une socit chinoise, a annonc son intention de faire des plantations de palmiers huile sur un million dhectares. Cte dIvoire PALMCI, une compagnie qui appartient au groupe franais SIFCA et aux entreprises de Singapour Wilmar International et Olam International, a 35 000 hectares de plantations industrielles. La compagnie belge SIPEF-CI a achet 12 700 hectares de plantations industrielles. PALMAFRIQUE, proprit du holding financier Groupe LAiglon, a 7 500 hectares de plantations. Gabon Lancienne entreprise tatique Agrogabon a t privatise et elle est dirige aujourdhui par la compagnie belge SIAT. Elle a 6 500 hectares de plantations. Olam International (Singapour) entend planter prs de 140 000 hectares de palmiers huile. Le projet comporte aussi la plantation de 60 000 hectares additionnels par 3 000 entrepreneurs locaux. Gambie Pour le moment, seule Mercatalonia, une entreprise espagnole, a prsent au gouvernement un projet de plantation de palmiers huile, et on ne sait pas encore sil sera mis en uvre. Ghana La socit belge SIAT est prsent le principal actionnaire de la Ghana Oil Palm Development Co., privatise en 1995. Unilever est le principal actionnaire dOil Palm Plantation Limited, un des principaux producteurs dhuile de palme du pays. Wilmar International (Singapour) est devenue rcemment propritaire de la Benso Oil Palm Plantation Limited. La socit norvgienne Palm Ghana Limited (NORPALM) a achet en 2000 les plantations de la National Oil Palm Limited. Liberia En 2009, la socit malaise Sime Darby a sign un contrat pour la concession de 220 000 hectares pendant 63 ans. Environ 180 000 hectares seront plants de palmiers huile. La compagnie britannique Equatorial Palm Oil a 169 000 hectares, dont prs de 10 000 ont dj t plants de palmiers huile. 11

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La compagnie indonsienne Golden Agri-Veroleum est en train de complter les ngociations avec le gouvernement pour tablir 240 000 hectares de plantations de palmiers. Madagascar Suite un scandale concernant un projet qui aurait comport la concession de plus dun million dhectares (dont 300 000 auraient t affects la plantation de palmiers huile) la compagnie sudcorenne Daewoo, le projet semble avoir t abandonn. Cependant, deux autres projets sont prvus : Lentreprise nergtique des USA Sithe Global obtiendrait 60 000 hectares pour la production de biodiesel partir du palmier huile. Cultures du Cap Est, une socit finance par un groupe indien, obtiendrait 9 100 hectares pour la plantation de palmiers huile. Nigeria La socit belge SIAT, par le biais de sa filiale Presco, a prs de 10 000 hectares de plantations, et son objectif est dapprovisionner le march intrieur de lhuile de palme. La compagnie italienne Fri-El Green Power a une concession de 11 300 hectares, et loption de llargir jusqu 100 000 hectares. Ouganda Oil Palm Uganda Limited, qui appartient la compagnie singapourienne Wilmar en socit avec BIDCO, a une concession de 10 000 hectares, mais le gouvernement est convenu de lui fournir 30 000 hectares supplmentaires sur le continent, dont 20 000 hectares pour la plantation-mre et 10 000 hectares pour des petits agriculteurs et des sous-traitants. So Tom e Prncipe Par lintermdiaire de sa filiale Agripalma, la compagnie Socfinco (Belgique/France), qui fait partie du groupe franais Bollor, a une concession de 5 000 hectares pour planter des palmiers huile. Son objectif est de produire de lhuile de palme pour la transformer ensuite en biodiesel en Belgique. Sierra Leone La socit britannique Sierra Leone Agriculture a une concession de 41 000 hectares, dont 30 000 seraient plants de palmiers huile. Le groupe portugais Quifel a pass des accords avec les communauts locales pour planter des palmiers huile, de la canne sucre et du riz. Au total, 40 000 hectares seraient affects la production dagrocombustibles pour lexportation. La compagnie britannique Gold Tree prvoit de traiter les fruits des palmiers huile de ses propres plantations et de celles des communauts locales pour fabriquer du biodiesel. Le projet concernerait quelque 40 000 hectares. Tanzanie La compagnie belge FELISA a un projet qui concerne 10 000 hectares de plantations, dont la moiti lui appartiennent et dont le reste serait exploit par les petits agriculteurs locaux. African Green Oil Limited a le projet de planter 20 000 hectares pour produire de lhuile de palme. Tanzania Biodiesel Plant Ltd possde 16 000 hectares quelle plantera de palmiers huile. La socit malaise TM Plantations Ltd prvoit de faire des plantations Kigoma. Sithe Global Power (USA) prvoit de faire des plantations sur 50 000 hectares et de produire de lhuile dans le pays. InfEnergy (Royaume-Uni) a 10 000 hectares pour planter des palmiers huile. Un groupe malais non identifi prvoit de faire une plantation de palmiers huile de 40 000 hectares. 12

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Le besoin dimpliquer le secteur traditionnel dans les nouvelles politiquesBien que le changement soit propre la nature humaine, il est important de souligner que, dans le secteur de lhuile de palme, certains changements qui semblent mineurs et positifs peuvent, la longue, avoir un fort impact sur le systme traditionnel et, en particulier, sur les femmes qui en dpendent. Il est donc crucial de faire participer les producteurs traditionnels dhuile de palme si lon veut que les modifications amliorent leur niveau de vie. Lexemple du Benin montre les consquences que peut avoir un changement technique apparemment minime. Encadr 7 : La plantation de palmiers huile slectionns au Benin A partir du dbut des annes 1990, lEtat bninois et les bailleurs de fonds ont dcid de changer dapproche : la gestion publique de grosses units de transformation industrielles a montr ses limites. Celles-ci sont privatises au cours de la dcennie 1990, et on appuie lmergence de petites exploitations prives. Cet appui repose sur la diffusion de plants de palmiers slectionns, et sur la conception et la promotion de petit matriel de transformation. Un programme de diffusion de plants de palmiers slectionns est mis en place partir de 1993. Des ppiniristes privs, agrs et subventionns par ltat, vendent au public prix contrl des plants de palmiers slectionns. Une nouvelle catgorie dacteurs apparat dans la filire : les planteurs de palmiers slectionns. Ils adoptent une stratgie tout fait diffrente de celle des planteurs de palmiers naturels. Ces derniers pratiquent systmatiquement cette culture en association avec des cultures vivrires, tandis que les premiers ont tendance se spcialiser dans le palmier, et deviennent "planteurs" avant dtre "cultivateurs". Dans le contexte actuel du Sud-Bnin, o lachat de terres est devenu possible, ils acquirent des parcelles quils consacrent cette culture. Ces nouveaux planteurs sont en quasi-totalit des hommes. Les artisanes ne parviennent que trs rarement possder leur propre palmeraie. Le caractre de culture de rente du palmier, renforc par un aspect symbolique ("symbole de richesse") a suscit un mouvement daccaparement par les hommes. Les planteurs sont en effet tout fait conscients des profits que lon peut faire grce la transformation, surtout si lon a la capacit de stocker. Actuellement, environ un planteur sur deux garde au moins une partie de sa production et embauche des artisanes pour la transformer. Depuis une dizaine dannes, les organismes de dveloppement appuient la diffusion du matriel de transformation (presses et malaxeurs), en insistant sur laccroissement des performances techniques. Au bnfice conomique sajoute un autre, social. Le propritaire dun atelier quip bnficie dune valorisation sociale que na pas le planteur qui embauche des femmes pour transformer sa production. Linvestissement des planteurs vers laval de la filire va donc probablement samplifier. Or, la transformation de leur production par les planteurs eux-mmes a une consquence directe pour les artisanes : les quantits de matire premire offertes par ces dernires vont diminuer. Le statut des artisanes leur interdisant bien souvent davoir leurs propres palmeraies, une partie dentre elles pourraient se retrouver exclues de la filire. Celle-ci fournissant actuellement une part de leurs revenus bon nombre de femmes rurales du Sud du Benin, le dveloppement de la mcanisation peut savrer problmatique. la diffrence du secteur industriel qui a ses propres rseaux dapprovisionnement et de commercialisation, les petits ateliers semi-mcaniss se posent en concurrents directs des artisanes. En conclusion de cette analyse de la situation, le programme actuel de dveloppement de la filire, qui repose sur la diffusion de plants de palmiers slectionns et du petit matriel, ne bnficie qu une seule catgorie dacteurs, quil a fait merger : les "nouveaux" planteurs privs. Ceux-ci vont tre en mesure de concurrencer les artisanes plusieurs niveaux car ils bnficient dun accs privilgi la matire 13

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premire ; leurs techniques de transformation leur permettent des prix de revient infrieurs ; leurs plus grosses productions permettent des ventes en gros qui attirent les commerants. Lvolution prvisible du secteur ne sannonce donc gure favorable aux artisanes, et des programmes dappui devraient tre envisags.

De lchelon local lchelon mondial... et retourLes informations recueillies sur la question du palmier huile dans les vingt-trois pays tudis nous ont permis de dresser un tableau global concernant le continent. Ce tableau montre, entre autres choses, lnorme importance du rle que joue le palmier huile dans les activits sociales, conomiques et culturelles des peuples africains. Il montre aussi que, si le palmier huile est bnfique quand il fait partie dun systme diversifi, dcentralis et centr sur la population, il devient nuisible quand on le cultive en rgime de monoculture en application du systme industriel centralis que pratiquent les grandes entreprises. Les pays africains o crot le palmier huile se voient maintenant achemins par la plupart de leurs gouvernements et par des institutions financires trangres vers un modle qui peut devenir une maldiction pour les populations locales. Des millions dhectares ont dj t rservs la production dagrocombustibles base dhuile de palme. De ce fait, des communauts entires seront dplaces de leurs terres, elles perdront leurs moyens de subsistance, leurs cosystmes seront remplacs par des plantations de palmiers huile en rgime de monoculture, et leurs membres les femmes en particulier perdront la source de revenus que reprsente lhuile de palme. Nous esprons que ce tableau global si sombre encouragera les habitants des pays concerns essayer dviter la propagation du systme industriel et renforcer les systmes traditionnels qui se sont avrs bnfiques pour la socit et respectueux de lenvironnement. Les informations qui suivent peuvent tre le point de dpart du ncessaire dbat participatif sur lavenir de la production dhuile de palme dans ces pays.

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Vingt-trois pays dAfrique o crot le palmier huileLe palmier huile en Angola En Angola, les palmiers sont une vgtation caractristique du nord et des plaines de Benguela6. LAngola est le pays le plus mridional dAfrique o pousse naturellement le palmier huile (que lon appelle l-bas palmeira dendm). Cest la raison qui explique quen mai 2010, lIndonsie et la Malaisie ont sign un accord pour exploiter en Angola les graines de palmier huile, la recherche dun nouveau germoplasma pour leurs programmes damlioration de semences. Les dcouvertes de cette exploitation seront semes dans un centre de semences Sijunjung, Sumatra occidental. Lexploitation est finance par le Centre de Recherche sur le Palmier Huile (Center of Oil Palm Research) et par les entreprises Sucofindo, London Sumatera, Bina Sawit makmur, Tunggal Yunus Estate, Dami Mas Sejahtera, Tania Selatan, et Bakti Tani Nusantara7 . Aussi bien lhuile que le vin de palme font partie de la culture des peuples qui habitent le territoire angolais. On sait, par exemple, que lorsque les Portugais arrivrent dans la rgion, les peuples guerriers nomades Jagas extrayaient dj du vin des palmiers8. En Angola, le vin de palme est connu comme marufo9. Dans bien des cas, il est difficile de dterminer actuellement si les palmeraies existantes dans beaucoup de zones du pays sont dorigine spontane ou sont le rsultat de plantations installes dans des fermes de lpoque coloniale, ou tablies par les paysans locaux. En Angola, la majeure partie des fabricants produisent encore lhuile de palme lancienne. Il existe maintenant des fabriques dans beaucoup de fermes, mais lhuile la plus recherche par la population est celle qui est fabrique la main. Dans la ferme Tumba Grande, dans la localit de Lussusso (Kwaza sud), le grant explique comment est produite cette huile lancienne. Ici, la ferme, nous avons une quipe qui rcolte le fruit des palmiers, et que nous appelons les tripeiros. Ils sparent les fruits des rgimes, les lavent et les mettent bouillir dans un bidon de 100 litres, qui est entirement perfor pour que scoule toute la graisse en mme temps que les tripeiros foulent le fruit avec des pilons de bois. Aprs ce broyage, la graisse extraite est recueillie dans un autre tambour avec de leau bouillante, pour permettre de la raffiner. Aprs quelle est bien raffine, on la recueille avec une jarre et on la met en bouteilles dun litre pour sa conservation 10. Le grant affirme que lhuile de palme de Tumba Grande est lune des meilleures de la zone sud, et lune des plus recherches. On lutilise pour laborer les plats typiques de la rgion dont elle constitue la base, comme le calulu (ragot), le silure fum et le mufete (poisson grill) avec des haricots lhuile de palme11. Le gouvernement actuel a une politique de promotion des agrocombustibles, parmi lesquels se trouve lhuile de palme. En mars 2010, le Parlement dAngola a vot une loi destine appuyer la production de biocombustibles. Elle tablit des normes pour produire des biocombustibles et rgule la fonction des trangers dans cette industrie. En accord avec le ministre de lAgriculture, Afonso Pedro Kanga, la production des biocombustibles se fera sur les terres marginales , alors que les terres les plus fertiles seront rserves la production daliments. Avec la nouvelle loi, les entreprises trangres qui investiront dans les biocombustibles devront garantir que les populations locales aient accs leau, aux services de6 7

http://tiny.cc/l00b1. http://tiny.cc/ewij9. 8 http://www.otal.com/commodities/fruits.htm. 9 http://tiny.cc/l00b1. 10 http://pt.wikipedia.org/wiki/Palmeira. 11 http://noticias.sapo.ao/info/artigo/1058839.html.

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base et aux soins mdicaux, en mme temps quon exigera delles quelles vendent une partie de leur production lentreprise ptrolire de ltat, Sonangol, pour alimenter le march local12. Cependant, ce qui prcde semble contredire ce qua exprim dans une entrevue le directeur national de lAgriculture, de llevage et de la Pche du ministre de lAgriculture, Domingos Nazar da Cruz Veloso qui, en avril 2010, a expliqu : Dans notre pays, les zones o peuvent tre implants les champs de palmiers sont dj dfinies. Depuis lpoque coloniale, notre pays a toujours produit de lhuile de palme. Nous savons quelles sont les zones propices la plantation de palmiers . Ces provinces sont celles du littoral : Kwanza sud, Benguela, Cabinda et Zare, par exemple, et aussi certaines provinces de lintrieur, comme Uge. Avant, les palmiers constituaient une activit complmentaire de la culture du caf ; o il y avait une ferme productrice de caf, on trouvait toujours des palmiers huile. Les projets qui existent dans le secteur du caf visent rcuprer ces exploitations, y compris les palmeraies quelles contenaient 13. Cest--dire quil ne sagit pas de terres marginales , mais bien de bons sols agricoles. Le premier projet dinvestissement pour produire du biodiesel de palme en Angola a t prsent en 2007 par le groupe Atlntica (Portugal), propritaire de lentreprise AfriAgro. Le projet sera mis en uvre prs de la ville dAmbriz, sur la cte atlantique de la province de Bengo14. Le gouvernement dAngola a accord une concession de 5 000 hectares AfriAgro, pour 50 ans, dans la rgion dAmbriz, surface que lentreprise prtend transformer en une plantation de palmiers destine produire de lhuile de palme pour biodiesel. Selon Lus Farinha dos Santos, prsident du groupe Atlntica, lide est dtendre la surface de plantation jusqu 20 000 hectares et dintgrer dans laffaire les paysans de la rgion15. Il convient de signaler que, selon un article de presse, linvestissement est de 30 35 millions deuros, grce auxquels on prtend modifier une rgion o il ny a pratiquement rien, si ce nest lagriculture de subsistance 16. Cest--dire quil sagit dune rgion habite par des paysans qui dpendent de lagriculture de subsistance (ce qui ne veut pas dire quil ny a rien ), et quil ne sagit pas de terres marginales , mais bien de sols agricoles. Le Groupe Atlntica prsentera le projet en avril dans lUnion europenne pour parvenir capter lappui que les 27 destinent linvestissement en nergies alternatives17. La Socit nationale de combustibles dAngola (Sonangol) sera le destinataire de la production de biodiesel dAfriAgro. Le biodiesel sera tout pour la consommation interne, pour tre mlang lhuile diesel de Sonangol, ce qui permettra den exporter davantage , a expliqu Farinha dos Santos18. En septembre 2009 fut publie la nouvelle selon laquelle Sonangol et le consortium italien ENI avaient ralis un inventaire des plantations de palmiers dans la province de Kwanza Nord, avec lobjectif de produire de lhuile de palme pour la transformer en biocombustible. Selon lagence de presse angolaise Angop, Tavares Hombo Geremias, responsable provincial de lINCA (Institut national du caf dAngola) a dit que les activits des deux entreprises visaient recueillir des informations sur les zones de plantations de palmiers, afin daugmenter la production dhuile pour alimenter des projets dans le secteur des biocombustibles19. Daprs les dclarations du directeur national de lAgriculture, de llevage et de la Pche du ministre de lAgriculture, Domingos Nazar da Cruz Veloso, Sonangol veut sassocier ENI pour produire des12 13

http://bio-fuel-watch.blogspot.com/2010/03/angola-approves-biofuel-law.html. http://www.tvzimbo.co.ao/pt/opais/?det=11713&id=1647&mid. 14 http://news.mongabay.com/bioenergy/2007_03_17_archive.html. 15 http://www.agroportal.pt/x/agronoticias/2007/03/19e.htm. 16 http://www.agroportal.pt/x/agronoticias/2007/03/19e.htm. 17 http://www.agroportal.pt/x/agronoticias/2007/03/19e.htm. 18 http://www.agroportal.pt/x/agronoticias/2007/03/19e.htm. 19 http://www.ipim.gov.mo/group_detail.php?tid=12976&type_id=20.

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biocombustibles base de biodiesel, en utilisant le palmier huile. Mais, dans ce cas-l, ce ne serait pas lentreprise qui produirait la matire premire. On prtend encourager quiconque se consacre cette activit, en laissant lentreprise le soin dacheter le produit final et de le transformer. Une raffinerie sera installe pour travailler la production achete aux particuliers, et on a dj effectu, afin dvaluer le volume de loffre, un relvement des plantations existantes dans les provinces de Kwanza Sud et de Benguela, et mme dans la province de Zare 20. Dans ce contexte, le gouvernement est en train de mobiliser activement le secteur du palmier pour garantir lapprovisionnement en matire premire. Cest ainsi quen septembre 2009 lINCA a annonc le projet datteindre, dans un dlai de cinq ans, des niveaux satisfaisants de production dhuile de palme, afin que dimportateur du produit, le pays en devienne exportateur. Le directeur gnral de lINCA, Joo Ferreira da Costa, a annonc que linstitution allait prendre des mesures pour rcuprer et augmenter la production dhuile de palme, remettre des outils de travail aux entreprises agricoles familiales, mettre la disposition des entrepreneurs de vastes surfaces de terre (soulign par nous) et crer des industries de taille moyenne pour le traitement du palmier huile. Selon le mme dirigeant, cinq mille hectares seront attribus en concession des producteurs de la province de Bengo, quatre mille aux agriculteurs de Cabinda et trois mille aux autres agents agricoles des autres provinces du pays, pour la culture du palmier huile21 . Cabilda est un cas diffrent, o en novembre 2009 on annonait que une usine pour la production dhuile de palme serait construite dans la localit de Buco-Zau, prs de 120 kilomtres au nord de la ville de Cabinda, dans un projet du gouvernement provincial qui vise exploiter les palmeraies de la rgion . Larticle ajoutait : on espre que limplantation dune unit de fabrication encouragera les propritaires de palmeraies de la rgion augmenter la production et la productivit du palmier huile pour sa transformation en huile22. Plus rcemment, en juillet 2010, on annonait que Ndalatando ont te cres neuf coopratives dextraction dhuile de palme pendant le premier semestre de lanne, dans la commune de Massangano, localit de Cambambe . Le projet, appuy par le gouvernement provincial de Kwanza Nord, a concern 102 producteurs des localits de Kixingango, Cassequel, Cambondo et Ngola Kiluanje23. Ce qui prcde dmontre que le gouvernement applique une stratgie de forte croissance du secteur. Mme si une partie de lhuile produite doit aller au march interne de lhuile comestible, la majeure partie de la production sera oriente vers la fabrication de biocombustibles. Dans ce sens, il convient de remarquer le rle que joue lentreprise brsilienne Petrobras, engage avec la firme italienne ENI dans le dveloppement des agrocombustibles en Afrique. Selon des informations de presse de 2007, des reprsentants de Petrobras et des fonctionnaires du gouvernement du Brsil avaient annonc que lentreprise dtat Petrobras et la socit italienne ENI cherchaient dvelopper ensemble des projets de biocombustibles en Afrique pour approvisionner le march europen. Nous voulons promouvoir des projets trilatraux qui fassent participer les pays les plus pauvres la rvolution de lthanol et du biodiesel , a soulign le prsident du Brsil, Luis Incio Lula da Silva. Les deux pays ont sign un protocole daccord ce sujet24. LEurope, qui est trs intresse par le dveloppement des combustibles renouvelables comme source dnergie, ne possde pas des terres agricoles suffisantes pour produire des quantits importantes de matire premire pour lobtention de biodiesel ou dthanol. En dveloppant la culture de la canne

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http://www.tvzimbo.co.ao/pt/opais/?det=11713&id=1647&mid. http://www.rna.ao/canalA/noticias.cgi?ID=28914. 22 http://tiny.cc/h742j. 23 http://jornaldeangola.sapo.ao/15/0/oleo_de_palma_produzido_em_cooperativas. 24 http://tiny.cc/n56a2.

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sucre et autres biomasses tropicales dans ces pays, le Brsil et lItalie contribueraient la lutte contre la faim et la pauvret , a expliqu Lula. Daprs le directeur de lapprovisionnement de Petrobras, Paulo Roberto Costa, les deux pays recherchent des projets potentiels pour ltablissement de plantations et de raffineries en Angola et au Mozambique. Il a ajout que laccord avec lENI se centrerait probablement sur le biodiesel25.

Le palmier huile en Bnin Le palmier huile occupait au Bnin une place importante historiquement. Il a fait lobjet dun dveloppement plus volontariste partir du rgne du roi Ghzo, que lon situe entre 1818 et 1858. Les pays occidentaux devenaient en effet de plus en plus demandeurs dhuile de palme, principalement pour alimenter leurs savonneries, et les deux principaux royaumes que comprenait le Bnin lpoque (Abomey et Porto-Novo) dvelopprent leur offre pour rpondre cette demande.26 De vritables palmeraies, volontairement plantes, sorganisrent. Par la suite, le commerce des produits du palmier a pris un essor considrable durant la seconde moiti du XIXe sicle et a connu un vritable ge dor dans les annes 20 30. La palmeraie bninoise de lpoque est estime 500 000 ha. Les produits de cette palmeraie naturelle tait intgralement transforms par des artisanes.27 (2) Le premier programme dindustrialisation est lanc dans les annes 1950. LEtat colonial mise sur des units industrielles de transformation de grande taille, publiques. Aprs lIndpendance (1960), lEtat bninois installe dautres units, de plus forte capacit, et plante environ 30 000 ha de palmiers slectionns entre 1960 et 1974.28 Mais des difficults apparaissent rapidement : internes (baisse de la pluviomtrie et donc du rendement des palmiers, mauvaise gestion) et externes (concurrence des pays asiatiques). Elles rduisent la rentabilit de ces grands complexes, et nincitent pas lEtat poursuivre le dveloppement du secteur industriel. Ces difficults touchent galement les palmeraies naturelles, dont la superficie, qui tait estime 500 000 ha dans les annes 1930, est passe 300 000 ha la fin du sicle.29 La constitution des blocs de plantation entre 1960 et 1974 avait entran lexpropriation de 17 000 paysans. Dclars membres des coopratives, ils devaient percevoir un loyer annuel en compensation, mais ils lestiment trop faible, et se plaignent dincessants retards dans le paiement. La contestation, qui avait dbut ds les premires expropriations, tait reste timide durant la priode autoritaire du rgime politique bninois (de 1972 1990). Elle a pris de limportance depuis le retour la dmocratie. En 1993, suite la destruction par ces anciens propritaires de 2 000 ha de palmeraies, le gouvernement a dcid de tripler le loyer annuel quil leur paye.30 La production industrielle reprsente environ 20 % du secteur, mais la majeure partie est exporte. En lan 2000, le march local de lhuile de palme au Bnin est couvert 83 % par la production de milliers de productrices artisanales (les industries en assurent 7 %; les 10 % restant sont des importations). Lartisanat sest impos comme moyen de production prdominant tout au long du sicle. Il a russi

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http://tiny.cc/n56a2. http://www.hubrural.org/pdf/projet_alisa_benin_nigeria_huile_palme.pdf 27 http://www.hubrural.org/pdf/projet_alisa_benin_nigeria_huile_palme.pdf 28 http://com.revues.org/index978.html 29 http://com.revues.org/index978.html 30 http://www.hubrural.org/pdf/projet_alisa_benin_nigeria_huile_palme.pdf

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sadapter un contexte en constante volution, du ct de loffre (augmentation de la quantit de matire premire), comme du ct de la demande (diversification des dbouchs).31 Jusqu aujourdhui, la production artisanale dhuile de palme est largement assure par des femmes, individuellement ou ventuellement aides par une main-duvre familiale. Ces artisanes emploient des techniques entirement manuelles. Aucun processus de concentration trs marqu na eu lieu dans le secteur, qui est rest trs dispers au sein de la population.32 A partir du dbut des annes 1990, lEtat bninois et les bailleurs de fonds ont dcid de changer dapproche : la gestion publique de grosses units de transformation industrielles a montr ses limites. Celles-ci sont privatises au cours de la dcennie 1990, et on appuie lmergence de petites exploitations prives. Cet appui repose sur la diffusion de plants de palmiers slectionns, et sur la conception et la promotion de petit matriel de transformation. Un programme de diffusion de plants de palmiers slectionns est mis en place partir de 1993. Des ppiniristes privs, agrs et subventionns par lEtat, vendent au public prix contrl des plants de palmiers slectionns.33 Une nouvelle catgorie dacteurs apparat dans la filire : les planteurs de palmiers slectionns. Ils adoptent une stratgie tout fait diffrente des planteurs de palmiers naturels. Ces derniers pratiquent systmatiquement cette culture en association avec des cultures vivrires, tandis que les premiers ont tendance se spcialiser dans le palmier, et deviennent planteurs avant dtre cultivateurs . Dans le contexte actuel du Sud-Bnin, o lachat de terres est devenu possible, ils acquirent des parcelles quils consacrent cette culture. Ces nouveaux planteurs sont en quasi-totalit des hommes. Les artisanes ne parviennent que trs rarement possder leur propre palmeraie. Le caractre de culture de rente du palmier, renforc par un aspect symbolique ( symbole de richesse ) a suscit un mouvement daccaparement par les hommes.34 Les planteurs sont en effet tout fait conscients des profits que lon peut faire grce la transformation, surtout si lon a la capacit de stocker. Actuellement, environ un planteur sur deux garde au moins une partie de sa production et embauche des artisanes pour la transformer. Depuis une dizaine dannes, les organismes de dveloppement appuient la diffusion du matriel de transformation (presses et malaxeurs), en insistant sur laccroissement des performances techniques.35 Au bnfice conomique sen ajoute un autre, social. Le propritaire dun atelier quip bnficie dune valorisation sociale que na pas le planteur qui embauche des femmes pour transformer sa production. Linvestissement des planteurs vers laval de la filire va donc probablement samplifier.36 Or, la transformation de leur production par les planteurs eux-mmes a une consquence directe pour les artisanes : les quantits de matire premire offertes par ces dernires vont diminuer. Le statut des artisanes leur interdisant bien souvent davoir leur propres palmeraies, une partie dentre elles pourrait se retrouver exclue de la filire. Celle-ci fournissant actuellement une part de leurs revenus bon nombre de femmes rurales du Sud Bnin, le dveloppement de la mcanisation peut savrer problmatique. A la diffrence du secteur industriel qui a ses propres rseaux dapprovisionnement et de commercialisation, les petits ateliers semi-mcaniss se posent en concurrents directs des artisanes.37 En conclusion de cette analyse de la situation, le programme actuel de dveloppement de la filire, qui repose sur la diffusion de plants de palmiers slectionns et du petit matriel, ne bnficie qu une seule31 32

http://com.revues.org/index978.html http://com.revues.org/index978.html 33 http://com.revues.org/index978.html 34 http://com.revues.org/index978.html 35 http://com.revues.org/index978.html 36 http://com.revues.org/index978.html 37 http://com.revues.org/index978.html

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catgorie dacteurs, quil a fait merger : les nouveaux planteurs privs. Ceux-ci vont tre en mesure de concurrencer les artisanes plusieurs niveaux car ils bnficient dun accs privilgi la matire premire ; leurs techniques de transformation leur permettent des prix de revient infrieurs ; leurs plus grosses productions permettent des ventes en gros qui attirent les commerants.38 Lvolution prvisible du secteur ne sannonce donc gure favorable aux artisanes, et des programmes dappui devraient tre envisags.39 Le maintien dun secteur artisanal de production dhuile de palme, menac par le dveloppement des ateliers semi-mcaniss, est souhaitable dans le sens o de fortes proportions de femmes rurales tirent une partie de leurs revenus de cette activit. Il est galement possible, vu la bonne image dont bnficie lhuile artisanale auprs des consommateurs (juge meilleure que celle produite avec des machines par une majorit dentre eux). Certains consommateurs (36 %) se disent mme prts payer plus cher pour avoir de lhuile produite artisanalement.40 Le bilan pour lanne 2000 de la production bninoise dhuile est le suivant41 : un secteur artisanal qui tire 36 000 t dhuile rouge de lexploitation de 300 000 ha de palmiers naturels une production industrielle de 10 000 t environ, grce lexploitation de 20 000 ha de palmeraies dtenues par des coopratives pour lanne 2000, on peut estimer la production des palmeraies slectionnes prives 300 t. Cette production devrait srieusement augmenter dans les prochaines annes ; pour 2005, on peut prvoir une production de 9 600 t dhuile de palme sur 7 500 ha. On estime que la part de la palmeraie slectionne prive dans la production nationale, qui tait de 3 % en 1995, est passe prs de 20 % en 2005, galant ainsi la palmeraie industrielle. Cette situation pourrait encore changer avec lventuelle cration de plantations grande chelle. Selon une tude publie en 2007, Les plans pour le dveloppement dune industrie dagro-carburants au Bnin ont fort soutien du gouvernement et constituent un lment cl du programme du gouvernement de dynamisation agricole pour le dveloppement conomique. 42 En ligne avec ces plans, Divers groupes industriels de la Malaisie et lAfrique du Sud sont dj arrivs au Bnin pour valuer les possibilits de production des biocarburants. Ils ont propos la conversion de 300 000-400 000 hectares dans les zones humides du sud ( Oum, Plateau, Atlantique, Mono, Couffo et Zou) pour des plantations de palmier huile.43 Comme lindique ltude cite Il y a dj un certain nombre de monocultures de palmier huile dans le Sud du Bnin qui doit servir davertissement contre les volutions futures, en raison des complications et des difficults rencontres par les communauts qui tentent de vendre leurs produits du palmier.44

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http://com.revues.org/index978.html http://com.revues.org/index978.html 40 http://com.revues.org/index978.html 41 http://www.hubrural.org/pdf/projet_alisa_benin_nigeria_huile_palme.pdf 42 http://www.africanbiodiversity.org/media/1210585739.pdf 43 http://www.africanbiodiversity.org/media/1210585739.pdf 44 http://www.africanbiodiversity.org/media/1210585739.pdf

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Le palmier huile en Afrique : le pass, le prsent et le futur

Le palmier huile en Burundi La culture du palmier huile est principalement pratique dans la partie sud de la plaine de lImbo, en particulier dans les communes de Rumonge et Nyanza-Lac, ou il y a actuellement 9.700 hectares de palmeraie slectionne (varit Tenera ) auxquels viennent sajouter environ 3.000 hectares de palmeraie naturelle de varit Dura .45 Au niveau de lextraction de lhuile, on distingue trois catgories de dispositifs : 1) les units artisanales (UATH) au nombre de 900 environ et qui traitent plus de 85% des rgimes produits au Burundi ; 2) les units de type semi-industriel de RUPO (Rural Palm Oil) Rumonge et COGEMIMI (Compagnie de Grance de la Mini-huilerie de Minago) Minago qui traitent moins de 5% de la production de rgimes ; 3) lhuilerie industrielle Huilerie de Palme du Burundi dont une partie de sa production est consomme en ltat par la population et partie raffine pour tre commercialise dans les centres urbains.46 Le Burundi, qui importe aujourdhui de lhuile de palme dAsie du Sud-Est, est en train dimplmenter une stratgie pour devenir totalement indpendant de lextrieur pour lapprovisionnement de son march intrieur en huile vgtale et peut-tre terme pour la fourniture de biocarburant .47 En ce sens, la Stratgie Agricole Nationale 2008-2015 a pour but atteindre lautosuffisance en huiles vgtales lhorizon 2015 travers la relance de la Filire Palmier huile . Cette relance implique le rajeunissement de 3.500 ha et lextension des plantations sur 4.000 ha en 5ans.48 Il est important de noter que les grandes plantations industrielles de palmier situes Rumonge ont conduit de graves conflits entre les propritaires passs et prsents de la terre o ils ont t plantes. Les diffrentes guerres civiles qui ont jalonn lhistoire du Burundi depuis lindpendance de ce pays ont gnr de nombreux conflits de proprits foncires. Des terres appartenant des rfugis ont en effet t distribues des personnes qui sont restes au Burundi, pour la plupart des proches du pouvoir et qui se sont appropris de nombreux hectares de terres avec la bndiction de lEtat. Quand les rfugis rentrent au pays, ils trouvent leurs biens spolis.49 Le problme des terres est encore plus proccupant dans presque toutes les provinces burundaises frontalires avec la Tanzanie : Makamba, Rutana, Ruyigi, Cankuzo. Toutefois, cest Rumonge, une localit extrmement fertile pour la culture de palmiers huile, dans la province de Bururi, quil est senti avec le plus dacuit. Selon les informations recueillies sur place, aprs le dpart en exil dune partie des habitants locaux, nombre de leurs biens ont chang de propritaires. Cette redistribution des terres a t effectue par lEtat qui parfois distribuait aux nouveaux acqureurs des titres de proprit . Ceci sest fait sur la base de lois que certains ont contestes et qualifies dinjustes parce que violant les droits fondamentaux.50

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http://www.minagri.bi/IMG/doc/Strategie_Agricole_Nationale_2008-2015.doc http://www.minagri.bi/IMG/doc/Strategie_Agricole_Nationale_2008-2015.doc 47 http://www.minagri.bi/IMG/doc/Strategie_Agricole_Nationale_2008-2015.doc 48 http://www.minagri.bi/IMG/doc/Strategie_Agricole_Nationale_2008-2015.doc 49 http://www.ldgl.org/spip.php?article1557 50 http://www.ldgl.org/spip.php?article1557

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Cest en fait la Socit Rgionale de Dveloppement (SRD) de Rumonge qui, au nom de lEtat, a pris les proprits de particuliers et les a amnages pour planter une nouvelle varit de palmiers. Au cours de cette opration, la Socit les a redistribues en donnant chaque bnficiaire un hectare pour les uns, et quatre hectares pour les autres.51 Des rapatris, des femmes en majorit, dclarent que depuis leur retour au pays, on ne leur a pas remis les terres pour cultiver. Toute la palmeraie qui longe le lac Tanganyika, elle occupe lendroit o se trouvaient nos champs quand nous quittions le pays. On nous dit que ceux qui exploitent actuellement ces plantations disposent de documents officiels dlivrs par lEtat, les dsignant comme nouveaux propritaires. Mme les voisins qui se sont accapars de nos biens ne veulent pas nous les remettre. On ne sait pas quel saint se vouer, car mme si ladministration locale semble nous comprendre, le tribunal de rsidence dici rend des jugements subjectifs. Il donne toujours raison ceux qui exploitent nos biens , sindigne Feruzi Mukorumbone, rentr au pays en 2006 et dsign reprsentant des rapatris, installs prs de la ville de Rumonge.52 En aot 2009, le manque de solutions par ltat conduit des affrontements entre allophones et anciens rfugis rentrs dexil. Les anciens rfugies avaient rig des maisonnettes dans leurs anciennes proprits. Ces affrontements ont fait, selon ladministration, des blesss tandis que trois maisons ont t incendies et des briques dtruites. Dans la zone de Kigwena, un autre propritaire a amen des policiers pour dloger des rapatris qui staient installs dans leur ancienne proprit. Au cours des chauffoures, deux personnes ont t blesses tandis que les autres ont pris refuge au centre de la commune, pour demander protection. Selon les observateurs, il est difficile pour quelquun qui rentre au pays dattendre des procdures administratives, qui parfois durent trs longtemps, alors quil voit sa terre occupe par dautres.53 Les rapatris ne sont pas les seuls avoir des problmes et ceux qui sont rests ont galement t impacts par la plantation de palmiers. La Socit rgionale de dveloppement de Rumonge (SRDR) dcida en 1982 de remplacer les plantations existantes par une nouvelle espce de palmier. Au pralable, elle avait recens tous les propritaires de palmiers en comptant le nombre de pieds appartenant chacun, puis procda leur destruction. Elle promis aux propritaires de leur verser une indemnisation dun peu plus de 9000 francs par pied, puis de leur restituer leur terrain avec les nouvelles plantations, lorsque celles-ci seraient stabilises. Mais au moment de cette restitution, plusieurs injustices furent commises. Dune part, la SRDR, qui avait replant 135 pieds de palmier par hectare, restitua lquivalent dun hectare pour 125 150 pieds recenss auparavant. En consquence, les anciens propritaires ne reurent quune partie des superficies rquisitionnes par la SRDR, car celle-ci ne tint compte que des seuls palmiers, alors que les proprits dorigine comprenaient aussi des bananiers, des cafiers et des cultures vivrires. Parfois mme, ils taient obligs daccepter une plantation ailleurs que sur leur ancienne proprit. Dautre part, des personnes qui navaient pas de palmiers au moment du recensement comme des cadres de la SRDR et des officiers suprieurs de larme reurent des plantations.54 Enfin, depuis 1994, la SRD de Rumonge, devenue lOffice de lhuile de palme (OHP), demande aux bnficiaires des nouvelles plantations de palmier de lui rembourser les frais engags pour lacquisition des plants en Cte dIvoire, le transport et la main doeuvre concurrence de 160.000 francs par ha pendant 4 ans. Bien entendu, les anciens propritaires refusent de payer, arguant quils ont dj t spolis de leur terre et que cest eux, au contraire qui sont cranciers de lentreprise.55

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http://www.ldgl.org/spip.php?article1557 http://www.ldgl.org/spip.php?article1557 53 http://www.omac-afrique.org/article.php3?id_article=1120 54 http://www.grandslacs.net/doc/2821.pdf 55 http://www.grandslacs.net/doc/2821.pdf

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Dans ce contexte compliqu, il est difficile de comprendre l information suivante diffuse par la prsidence de la Rpublique le 30 juillet 2010 et informant que lUnion Europenne ( Premier partenaire au dveloppement du Burundi ) continue soutenir le projet dexploitation du palmier huile en Commune Rumonge .56

Lhuile de palme au Cameroun Au Cameroun, le palmier huile fait depuis longtemps lobjet dune exploitation traditionnelle par les populations forestires sous la forme de palmeraies spontanes. Le palmier huile tait utilis pour lalimentation (huile de palme, vin et alcool de palme) ainsi que dans la pharmacope traditionnelle (savons fabriqus partir dhuile de palme et de palmiste, pommades base dhuile de palmiste). Les plantations industrielles ont dbut vers 1907 sous la colonisation allemande, en premier lieu dans la rgion dda o se situe la Socit des Palmeraies de la Ferme Suisse (SPFS), dont les premires plantations datent de 1910. Comme lcrit lhistorien camerounais F. Etoga Eily (1971) : Le soutien moral et matriel quapportait le gouvernement [au systme des plantations] lui donna assez vite une allure officielle et militaire, au point que tout, hommes et choses, tait subordonn au dveloppement des grandes plantations. [] un fait apparaissait clair et indiscutable, cest que les plantations formaient lossature de lconomie du Territoire, et lAdministration ne pouvait rien leur refuser . Ds 1919, le pays est occup par les Anglais et les Franais. Dans la zone ouest occupe par le GrandeBretagne, les anciennes plantations allemandes sont vendues aux enchres. Quatre dentre elles sont reprises en 1929 par le groupe Unilever, qui obtient galement une concession de 10 000 ha pour la cration de la Pamol Plantations Limited (Pamol) dont le but est la culture du palmier huile. Les autres plantations allemandes changent plusieurs fois de statut avant dtre regroupes en 19461947 au sein de la fameuse Cameroon Development Corporation (CDC), le plus grand complexe agro-industriel du pays et grand producteur dhuile de palme (Konings, 1986). Dans la partie franaise, les anciennes plantations allemandes sont rachetes par des socits prives. Cest le cas par exemple de la plantation de Dizangu, reprise en 1959 par le groupe Rivaud (Terres Rouges). Cette plantation appartient aujourdhui la SAFACAM (Socit Africaine Forestire et Agricole du Cameroun), une filiale du groupe Bollor. Comme au temps de loccupation allemande, les travailleurs volontaires sont en nombre insuffisant et les Franais rtablissent le travail forc dans les plantations prives. Le syndicalise franais G. Donnat crivait dans les annes 1940 que les plantations de la socit Terres Rouges occupaient un trs grand territoire entirement cltur, avec des gardes arms et mme une gele. Les travailleurs vivaient dans des baraquements ; ils taient prisonniers et beaucoup dentre eux ne revoyaient jamais leur village. [Le chef de rgion] Monsieur Tine nous expliqua comment taient recruts ces pauvres bougres. Il recevait un ordre de service du gouvernement le priant de fournir un nombre dtermin de travailleurs. [] Le chef de subdivision [] convoquait un certain nombre de chefs de village et les chargeait de dsigner, chacun, un contingent dhommes valides. Il nest pas besoin de prciser les critres servant au choix, il suffit de savoir que les chefs pouvaient par prfrence choisir nimporte qui. Au jour dit, les malheureux taient rassembls. On les reliait les uns aux autres par une corde attache au cou et encadre par des miliciens arms, la file lamentable gagnait [] le lieu de leur dportation. Les cris, les pleurs des femmes saluaient leur dpart : il y avait si peu de chances de revoir ces hommes au village ! (Agir Ici & Survie, 2000).

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http://www.presidence.bi/spip.php?article652

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Aprs lindpendance Lune des particularits majeures de la politique conomique de ltat camerounais aprs lindpendance a t sa promotion des grandes plantations industrielles. En 1960, 70% de la production nationale provenait des palmeraies naturelles, le reste tant assur par la CDC et la Pamol. Le gouvernement dcide donc ds 1963 de dvelopper la culture du palmier huile et cre la Socit Camerounaise de Palmeraie (SOCAPALM). Entre 1971 et 1981, prs des deux tiers des fonds publics rservs au dveloppement agricole sont allous au secteur agro-industriel. En rsultat, seulement cinq socits exploitent ds les annes 1980 le 90% de la production nationale dhuile de palme. Il sagit de la SOCAPALM, de la SAFACAM, de la SPFS, de la CDC et de la Pamol (Bakoum et al., 2002). tant donn que les plantations requirent de grandes surfaces, le gouvernement camerounais a toujours d faire face au problme de trouver de la place. En gnral comme pour le cas de la SOCAPALM ce sont des rgions peu peuples qui ont t slectionnes dans le but de limiter les expropriations massives qui auraient pu provoquer des soulvements. Pourtant, mme dans les zones peu peuples, la force a d et continue dtre employe (Gerber, 2008 ; Tass & Tankeu, 2008). Lune des initiatives les plus rcentes en faveur des plantations est le Projet palmier huile 2001 du ministre de lAgriculture. Considr comme une priorit nationale , ce projet a t lanc dans le cadre dune politique volontariste de modernisation de lagriculture . Il vise notamment promouvoir un systme de sous-traitance favorable aux agro-industries privatises et cens incarner la nouvelle re de lexpansion du palmier huile dans le pays. Lobjectif est daccrotre la superficie plante dau moins 5000 ha par an, de manire produire 250 000 tonnes dhuile de palme dici 2010. Tableau 1 : surfaces plantes approximatives en 2008 (compilation de donnes). Compagnies CDC Agro-industries Ferme Suisse Pamol SAFACAM SOCAPALM Total : Plantations villageoises supervises Plantations traditionnelles indpendantes Total : Surfaces 16 000 ha 4 000 ha 9 000 ha 4 500 ha 28 000 ha 61 500 ha 15 000 ha 25 000 ha 101 500 ha

Ce programme sinscrit dans la continuit de linitiative pour les pays fortement endetts lance en 1996 par le G7 et administre par les institutions financires internationales. La stratgie de dveloppement est fonde sur : (1) le dveloppement du secteur agro-industriel (par la privatisation et la dfinition de nouveaux rapports contractuels avec les planteurs villageois) ; (2) le dveloppement du secteur villageois (augmentation de la productivit) ; et (3) la formulation dun meilleur cadre de recherche par le biais de lIRAD (Institut de recherche agricole pour le dveloppement) et du CIRAD franais (Centre de coopration internationale en recherche agronomique pour le dveloppement). La CDC planifie actuellement une augmentation massive de sa production dhuile de palme (de plus de 20%) jusquen 2012 (OTAL, 2009). Les plantations villageoises Au Cameroun, la production dhuile de palme se rpartit entre trois secteurs : un secteur agro-industriel, des plantations villageoises au service des agro-industries, et un secteur artisanal traditionnel (Bakoum et al., 2002). 24

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Les plantations villageoises reprsentent un phnomne ambigu et complexe sur lequel il vaut la peine de sarrter un moment. Elles font la fois lobjet de fortes revendications de la part des populations rurales qui exigent leur dveloppement et elles impliquent en mme temps un engagement contractuel qui profite aux agro-industries et qui lie les paysans ces dernires. La CDC, la SOCAPALM et la Pamol ont dvelopp ce genre de programmes, censs permettre une complmentarit entre les secteurs industriels et villageois. En thorie, les agro-industries sont charges de la production du matriel slectionn et de lencadrement technique pour accompagner les petits planteurs dans les oprations de choix du terrain, de dfrichement, de plantage, dentretien (produits agrochimiques) ainsi que dans lexploitation des cultures. En change, les villageois signent un contrat de sous-traitance qui les lie lagro-industrie en question pendant au moins une douzaine dannes et qui les oblige lui livrer la totalit de leur production. Le prix dachat du kilo est fix par lagro-industrie. Aujourdhui, de nombreux paysans peroivent les plantations villageoises comme un moyen pragmatique de se faire aider par les agro-industries pour obtenir un revenu ce qui est devenu central dans un contexte o il est souvent difficile de payer certains produits (savon, habits, ptrole), lcole pour les enfants, et les soins mdicaux. Mais lentre massive des paysans dans les systmes de plantations villageoises nest pas forcment de trs bon augure. On peut en effet voir ces systmes contractuels comme un moyen bon march et efficace dutiliser les populations locales comme main-duvre pour le secteur agro-industriel capitaliste. De fait, les plantations villageoises sont explicitement reconnues comme une manire de sous-traiter la production. Le sociologue hollandais P. Konings (1986) crit propos de la CDC que le projet [de plantation villageoise] reprsente une forme de production moins coteuse que celle qui est en vigueur [dans la plantation industrielle] parce que, dune part, les producteurs subissent la presque totalit des cots de production (ils obtiennent les intrants et les services agricoles sous forme dun prt qui doit tre rembours avec des intrts aprs la rcolte), et, dautre part, lagro-industrie chappe aux charges dcoulant dune proltarisation complte (paiement des membres de la famille ou des ouvriers occasionnels employs par le planteur, scurit sociale, logement, etc.). Il sagit aussi dun processus de production moins risqu tant donn que les fluctuations des prix sur le march mondial affectent automatiquement les producteurs, qui subissent aussi les risques de mauvaise rcolte . Selon la Banque mondiale, les avantages des plantations villageoises sont multiples : elles garantissent des revenus stables au planteur ; elles encouragent la scurisation foncire ; elles renforcent la montarisation du milieu rural, gnrant ainsi le dveloppement (Bakoum et al., 2002). Dautres tudes, au contraire, arrivent des conclusions diffrentes : les plantations villageoises induisent une individualisation du foncier et des responsabilits contractuelles (dettes) qui dstabilisent les institutions lignagres traditionnelles ; elles marginalisent encore davantage les catgories sociales les plus dmunies (comme les jeunes et les femmes) ; enfin, elles creusent les ingalits et permettent notamment aux lites de se dmarquer encore plus du reste de la communaut (Gerber, 2008). Les femmes et les grandes plantations Les femmes reprsentent une petite minorit de la main-duvre des plantations industrielles. Elles sont confines des tches juges moins pnibles physiquement, comme le dsherbage autour des arbres ou les travaux administratifs. Il nest pas toujours facile pour les ouvrires de travailler avec une majorit dhommes leurs cts : des cas de harclements sexuels et de viols ont t rapports, notamment commis par des vigiles Dibombari et Kienk. La plupart des femmes prsentes dans le primtre des plantations sont les compagnes et pouses des ouvriers, bien que la majorit de ces derniers soit clibataire. Ces femmes se dbrouillent tant bien que mal dans le secteur informel. De nombreuses 25

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prostitues travaillent galement en permanence dans les camps des travailleurs ou sy rendent les jours de paye. Certains promoteurs des plantations industrielles ont affirm que la prsence dans les camps des pouses et des enfants des ouvriers est la preuve des bonnes conditions de vie dans la plantation. Ce genre dassertion est simplement absurde. On assiste au contraire frquemment une situation de surpeuplement dans ces camps et les conditions y sont loin dtre enviables, comme nous le verrons cidessous pour la SOCAPALM. Le cas de la SOCAPALM Au Cameroun, le groupe gant franais Bollor contrle dimmenses plantations de palmiers huile, soit directement via la SAFACAM (qui exploite 8400 hectares), soit indirectement via la Socfinal (grant 31 000 hectares) que Bollor partage avec la famille belge allie des Fabri. Bollor dtient prs de 40% des parts de Socfinal dont lune des filiales gre la SOCAPALM. Privatise en 2000, cette dernire est le premier producteur national dhuile de palme : propritaire de cinq plantations et de quatre huileries, elle reprsente 42% du march dhuile brute et 24% du march doline (huile raffine). La SOCAPALM est source de problmes sociaux et cologiques importants (Deltombe, 2009). La plantation ( lpoque tatique) a confisqu sans compensation des terres appartenant coutumirement aux populations locales bagyeli et bantoues et son expansion est actuellement en marche, au prix des cosystmes adjacents dont dpendent ces mmes populations. Leur mode de vie traditionnel est donc devenu difficile et aucune alternative viable nest facilite (Gerber, 2008). La SOCAPALM fait venir ses ouvriers dautres rgions du Cameroun et les loge dans des campements situs dans la plantation. Les conditions de vie et de travail y sont excrables (Ricq & Gerber, 2010) : baraquements et latrines collectives insalubres, manque daccs rgulier leau et llectricit, travaux pour la plupart temporaires et des salaires extrmement bas, etc. Des centaines douvriers sous-traits travaillent six jours par semaine et parfois de 6 18h, sans couverture sociale et sans protection adquate, pour environ 1.6 euro par jour et ce, seulement quand les sous-traitants noublient pas de les payer. Face cela, grves et protestations se sont multiplies (Pigeaud, 2008). En outre, les produits agrochimiques utiliss dans la monoculture et les rejets de son usine Kienk polluent massivement les cours deau avoisinants. Un nombre important de vigiles de la SOCAPALM empche les villageois dutiliser les ressources de la plantation. Cette situation a dbouch en 2003 sur un grave accrochage entre vigiles et villageois (au cours duquel des jambes et des bras ont t tranchs la machette). En reprsailles, larme, venue pauler les vigiles, a rafl tous les villageois rencontrs et les a maintenus en dtention sans jugement pendant deux semaines. Aprs la diffusion sur lantenne de France Inter de deux missions prsentant une perspective critique sur la SOCAPALM, le groupe Bollor a rcemment lanc deux poursuites lencontre de Radio France. La premire enqute, ralise par le journaliste B. Collombat (2009), portait sur plusieurs secteurs dactivit du groupe Bollor au Cameroun. Le volet sur la SOCAPALM na pas t jug diffamatoire par le Tribunal de Grande Instance de Paris. Lautre, une interview accorde par la photographe I. A. Ricq (Manzoni, 2009 ; Ricq, 2009), ne donnera finalement pas lieu un jugement, le groupe Bollor ayant retir sa plainte deux semaines avant la date daudience prvue. Bollor a probablement estim que la victoire tait par trop incertaine et quil sexposait ainsi au grave risque que ses agissements au Cameroun soient rvls publiquement. Il est intressant de noter que le thme des impacts sociaux et cologiques des plantations industrielles est de plus en plus verrouill comme le souligne le dernier rapport de Reporters Sans Frontires (RSF, 2010). Par ailleurs, tant donn lencouragement national et international dont bnficie lexploitation du palmier huile, les monocultures industrielles vont continuer de stendre avec comme corollaire laggravation des impacts sociaux et cologiques mentionns. Le march naissant des agro-carburants pourra en outre 26

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reprsenter un puissant moteur lexpansion de cette culture. Avec dautres grands groupes, comme Wilmar ou Unilever, Bollor mise de plus en plus sur ce soi-disant substitut vert au ptrole (Tass & Tankeu, 2008). Rfrences Agir Ici & Survie, 2000. Le silence de la fort : rseaux, mafias et filire bois au Cameroun. Dossiers Noirs n14. Paris : LHarmattan. Bakoum, C., C. Jannot, S. Rafflegeau, B. Ndigui & S. Weise, 2002. Revue du secteur rural. Rapport palmier. Yaound : IRAD, CIRAD, IITA, FAO. Collombat, B., 2009. Cameroun, lempire noir de Vincent Bollor. France Inter, mars 2009. Voir : http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/interception/index.php?id=77736 Deltombe, T., 2009. Port, rail, plantations: le triste bilan de Bollor au Cameroun. Le Monde Diplomatique, avril 2009. Voir : http://www.monde-diplomatique.fr/2009/04/DELTOMBE/17037 Etoga Eily, F., 1971. Sur les chemins du dveloppement : essai dhistoire des faits conomiques au Cameroun. Yaound : CEPMAE. Gerber, J.-F., 2008. Rsistances contre deux gants industriels en fort tropicale: populations locales versus plantations commerciales dhvas et de palmiers huile dans le Sud-Cameroun. Plantation Series (No. 13). Montevideo: World Rainforest Movement. Voir: http://www.wrm.org.uy/publications/Cameroun_fr.pdf Konings, P., 1986. LEtat, lagro-industrie et la paysannerie au Cameroun. Politique Africaine, 22: 120 137. Manzoni, R., 2009. Eclectik. France Inter, septembre 2009. Voir : http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/eclectik/index.php?id=83115 OT Africa Line (OTAL), 2009. Cameroons CDC plans huge investment in palm, rubber and bananas. Fruits, Nuts and Oil News. Voir : http://www.otal.com/commodities/fruits.htm Pigeaud, F., 2008. Les Camerounais exploits des palmeraies de Bollor. Libration, 11 mars 2008. Voir: http://www.liberation.fr/economie/010176109-les-camerounais-exploites-des-palmeraies-de-bollore Reporters Sans Frontires (RSF), 2010. Dforestation et pollution : des enqutes hauts risques. Paris : RSF. Voir : http://fr.rsf.org/IMG/pdf/RSF_Rapport_environnement.pdf Ricq, I. A. & J.-F. Gerber, 2010. Dix rponses dix mensonges propos de la Socapalm. Montevideo: World Rainforest Movement (WRM). Voir: http://www.wrm.org.uy/countries/Cameroon/Dix_reponses.pdf Ricq, I. A., 2009. Bollor au Cameroun, un bilan en images. Le Monde Diplomatique, juin 2009. Voir: http://blog.mondediplo.net/2009-06-16-Bollore-au-Cameroun-un-bilan-en-images Tass, E. & W.J. Tankeu, 2008. De d'huile de palme pour rouler ou cuisiner? Inter Press Service News Agency. Voir : http://ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=5092

Le palmier huile en Cte dIvoire Lhistoire moderne du palmier huile en Cte dIvoire remonte au dbut de lindpendance, en 1960, quand le gouvernement dcide de lancer un vaste programme de dveloppement de plantations de palmiers huile slectionns. Pour y parvenir, il procde par la cration de grands ensembles bass sur trois blocs : un bloc de plantations industrielles, un bloc de plantations villageoises et un bloc industriel capable dabsorber lensemble des productions issues des deux prcdents. Cette vision stratgique sest traduite par le lancement de plans palmier dont lobjectif tait- et est encore- de faire de la Cte dIvoire le plus gros producteur africain dhuile de palme.57 Ainsi, le premier plan conduit sous lautorit de la Satmaci (Socit d'assistance technique de modernisation de l'agriculture de Cte d'Ivoire), va permettre de 1961 1963, puis sous celle de la57

http://afriquinfos.centerblog.net/4451-l-histoire-du-palmier-a-huile

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Sodepalm (Socit pour le dveloppement et lexploitation de la palme) partir de 1964, de raliser son terme, en 1985, au total 76 500 hectares : 49 000 ha de plantations industrielles et 27 500 ha de plantations villageoises.58 Ce premier plan a compt avec lappui des bailleurs de fonds comme le Fonds europen de dveloppement (Fed) et la Banque mondiale. Ce premier plan a permis datteindre une production annuelle de plus de 100 000 tonnes dhuile de palme par an, alors quen 1960, le pays ne produisait que 6 600 tonnes dhuile de palme industrielle.59 Le vritable bond fut ralis au cours du deuxime plan palmier ayant couvert la priode 1986-1990. Ce second plan a permis de raliser 58 000 hectares supplmentaires de plantations, dont 13 940 ha au niveau industriel, 41 060 ha de plantations villageoises et 3000 ha de petites et moyennes entreprises agricoles. Ainsi, la superficie occupe par les palmiers huile a atteint 134 500 ha en 30 ans grce ces deux plans susmentionns. La production nationale dhuile de palme sest aussi bonifie pour atteindre 240 000 tonnes au dbut des annes 1990. Mais ce rsultat nest pas du seul fait de la Sodepalm, parce que la filire a connu plusieurs mutations dans sa gestion.60 En effet, six ans aprs la cration de la Sod