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Qui suis-je pour lui parler ainsi? Qui es-tu pour que je te parle ainsi? Qui crois-tu que je suis pour que tu me parles ainsi? Francis Jacques

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Qui suis-je pour lui parler ainsi? Qui es-tu pour que je te parle ainsi? Qui crois-tu que je suis pour que tu me parles ainsi?

Francis Jacques

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Eléments de pragmatique linguistique

L`analyse conversationnelle

Objectifs de connaissance à atteindre 1. D’une linguistique de la locution vers une

linguistique de l’interlocution 2. La structure dialogique de l’énonciation 3. Les parcours de l’analyse conversationnelle 4. Un type particulier d’interaction verbale:

la conversation 5. Les thèmes de l’analyse conversationnelle

5.1 La situation communicative 5.2 La compétence communicative 5.3 Structure hiérarchique de la conversation 5.4 Pour une analyse dynamique de la conversation 5.5 La conversation comme jeu de langage

6. Conclusions 7. Idées à retenir 8. Bibliographie 9. Glossaire

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L’analyse conversationnelle

Ρ Objectifs de connaissance à atteindre

Prendre connaissance des modifications que la perspective

interactionelle a déterminées au niveau de la démarche des études linguistiques.

Mettre en évidence les caractéristiques du dialogisme, concept central de l’approche discursive et, par cela, les caractéristiques de la structure dialogique de l’énonciation.

Tracer les lignes majeures des développements de l’analyse conversationnelle en mettant en évidence l’entrecroisement de différentes disciplines, linguistiques ou non.

Relever les caractéristiques de la conversation, comme type particulier d’interaction verbale.

Décrire les caractéristiques des éléments qui relèvent du contenu de l’analyse conversationnelle: la situation de communication, la compétence communicative, la structure hiérarchique de la conversation, l’analyse dynamique de la conversation, la conversation comme jeu de langage.

Présenter le schéma général des interactions et décrire les différents types de séquences constitutifs.

Définir et présenter le fonctionnement des mécanismes discursifs et leur fondement théorique: la théorie des maximes conversationnelles de Grice.

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Eléments de pragmatique linguistique

Décrire les deux modèles de la théorie de la conversation : le modèle hiérarchique et fonctionnel de l’Ecole de Genève et le modèle dynamique inspiré de la théorie des jeux.

Etablir le rapport entre les règles conversationnelles et le système de la politesse.

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L’analyse conversationnelle

1.

La linguistique structurale et la linguistique générative-

transformationnelle sont essentiellement centrées sur la dimension locutoire qui prenait en compte la structure indépendamment de l’instance discursive. Bien qu’ayant élaboré de puissants outils d’analyse, cette linguistique dite de locution se maintient au niveau de la phrase conçue comme une entité abstraite décomposable en parties constitutives et considérée hors contexte. «La relation dialogale est à peu près ignorée dans la tradition structuraliste, préoccupée par la langue en soi, comme si personne n’affirmait, ne niait, n’interrogeait, n’invitait, ne s’exclamait; personne ne recevant de parole, personne aussi bien ne répond, n’exécute, ne réagit» (C.HAGÈGE, 1985: 235). En constatant que le sens de certaines phrases et surtout de certains éléments reste indéterminé en dehors de toute situation communicative, les linguistes en sont venus à s’interroger sur l’usage communicationnel de la langue en action. Parallèlement, on s’éloigne peu à peu du schéma traditionnel, linéaire et à sens unique, de la communication de type «télégraphique» pour adopter une représentation qui inclut la rétroaction (feed-back). Ce changement de perspective est gros de conséquence pour la

D’une linguistique de la locution

vers une linguistique de l’interlocution

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Eléments de pragmatique linguistique

linguistique. Le va-et-vient de la parole suggère une interaction langagière (action et réaction), en entendant par là l’influence réciproque que les partenaires exercent sur leurs actions respectives, influence capable d’entraîner des modifications dans le comportement verbal ou non verbal des participants.

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L’analyse conversationnelle

2.

Si dans une première étape du développement de la théorie de l’énonciation, le locuteur est considéré comme le seul paramètre dont on doit tenir compte dans l’analyse de l’énoncé, dans la perspective interactionnelle, qui impose l’idée d’échange, on introduit un deuxième paramètre, l’interlocuteur: la formule classique MOI-ICI-MAINTENANT devient ainsi MOI-TOI-ICI-MAINTENANT. «Le locuteur cesse d’être au centre de l’énonciation comme celui qui mobilise l’appareil de la langue au service (ou au profit) de son dire. La situation typique d’énonciation n’est plus égocentrique » (F.JACQUES, 1983: 56). Du coup, l’intérêt se déplace vers la question QUI PARLE AVEC QUI? au lieu de QUI PARLE À QUI? De la subjectivité à l’intersubjectivité, voilà le chemin parcouru par la science du langage qui s’achemine de cette manière vers la constitution de nouvelles disciplines fondées sur le concept d’interlocution, un échange de mots qui implique l’existence d’un destinataire physique distinct du locuteur. Pour qu’il y ait communication, il faut que le destinataire du message devienne allocutaire, c’est-à-dire un participant à l’échange verbal capable de modifier à son tour, par son dire, les actions du locuteur.

La structure dialogique de l’énonciation

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Eléments de pragmatique linguistique

En vertu du caractère interactionnel qui se manifeste dans l’échange de messages linguistiques, la structure dialogique de l’énonciation apparaît comme primordiale et comme fondatrice du discours. Étant la source même de l’énonciation, le dialogisme devient un concept central autour duquel gravitent les opérations constitutives du discours. Le dialogisme se définit comme «la répartition de tout message sur deux instances énonciatives qui sont en relation actuelle» (F.ARMENGAUD, 1985: 115).

Il se caractérise par les propriétés suivantes: il est déterminant pour les activités conjointes de signifier et de comprendre.

L’énonciation devient signifiante dès lors qu’elle est partagée par des

énonciateurs qui entretiennent une relation interlocutive. Le signe même apparaît comme un effet de l’interaction; ce n’est pas un fait de langue, ni un fait de parole non plus, c’est un fait d’interlocution. Le signe émerge de l’interaction et ne prend une configuration sémantique que dans et par l’interaction. «Le signe n’est donc pas un stimulus qui entraîne une réaction: il n’existe que dans l’interaction, il est matériellement produit dans l’anticipation de l’interaction et ne devient proprement signe que dans sa compréhension» (L. GUESPIN, 1984: 7). Ce qui plus est, les deux activités, de signifier et de comprendre, sont indissociables: «Il n’y a pas d’un côté moi qui signifie et d’un autre côté toi qui comprends. Au fur et à mesure que je parle, j’écoute, ou plutôt je parle l’écoute que je te prête de ma propre parole. Quant à l’allocutaire, il s’efforce d’entendre le message pour ainsi dire de l’oreille du locuteur» (F.JACQUES, 1983: 62).;

il commande le sémantisme de l’énoncé, c’est-à-dire aussi bien son contenu propositionnel que sa force illocutionnaire.

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L’analyse conversationnelle

L’énonciation est porteuse d’une référence à la situation extralinguistique, déterminante dans bien des cas pour le sens de l’énoncé. Souvent, l’identification du référent s’opère au fur et à mesure que le dialogue progresse :

Huguette - Dommage ! Johnny - Pourquoi dommage ? Huguette - C’est un reportage inutilisable, puisqu’il n’y

a pas de conclusion. Johnny - Mais on l’a ! Huguette - On ? Qui, on? Johnny - Moi, si vous préférez.

(Boileau-Narcejac)

Quant à la communication de la force illocutionnaire, longtemps confinée dans une perspective subjective, la théorie des actes de langage s’ouvre maintenant à la perspective interlocutive. La force illocutoire n’est plus envisagée sous son seul aspect d’intention subjective mais acquiert une nouvelle dimension, celle d’intention intersubjective: d’illocutoire elle devient interillocutoire. L’acte de langage n’est pas seulement un acte intentionnel, il apparaît aussi comme un acte conventionnel et en tant que tel il doit satisfaire à certaines conditions d’emploi (ou conditions d’appropriété contextuelle (J.MOESCHLER, 1984: 24)). Si ces conditions, qui doivent prendre en compte les interactants et leurs intentions respectives, les effets produits par leur expression, l’espace-temps de la communication, ne sont pas réalisées, l’acte d’énonciation échoue. La transmission de la force illocutoire peut se faire en fonction des relations entre interlocuteurs, de manière directe (Fermez la porte !) ou allusive (Il y a un courant d’air ici.). Nombreux sont les cas où la force illocutionnaire est profondément influencée par la relation interlocutive; il suffit de rappeler le cas des actes

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de langage indirects, Une question telle que Tu crois que tu pourras aller demain au tribunal à ma place? pourra être interprétée soit comme un appel d’information, soit comme une sollicitation.

il régit les transactions entre interlocuteurs, quelle que soit la nature de la relation intersubjective, coopérante ou conflictuelle. L’échange verbal se développe suivant certaines stratégies adoptées par les co-énonciateurs (v. ci-dessous).

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L’analyse conversationnelle

3.

À partir de 1970 un nouveau champ de recherche se dessine à l’horizon, l’analyse de la conversation, domaine transdisciplinaire par son essence même. Aujourd’hui c’est une discipline dont les développements sont très avancés. L’intérêt pour l’interlocution a trouvé son expression dans de nombreuses études et une réflexion sur leur problématique permet de retracer les lignes majeures de ces développements. Les efforts poursuivis en vue de maîtriser l’ensemble des éléments mis en branle dans tout échange verbal passent par plusieurs chemins. Des disciplines et des orientations théoriques différentes sont ainsi mises à profit pour explorer ce champ d’investigation. Elles peuvent être regroupées en quatre approches (C.KERBRAT-ORECCHIONI, l996: 11 sqq.): les disciplines psy (en particulier la psychologie sociale), l’ethnologie, la philosophie, en premier lieu la philosophie analytique anglaise avec la théorie des actes de langage de J.L.AUSTIN et J.SEARLE et la théorie de L.WITTGENSTEIN sur les jeux de langage et la linguistique avec l’analyse du discours, la sociolinguistique, la théorie de l’énonciation, l’argumentation. Leur entrecroisement enrichit la compréhension des réalités langagières. Il est à préciser que le terme «langagier» renvoie à l’activité de langage de sujets en situation donnée. Au fur et à mesure que l’on découvre la nature profonde des faits conversationnels, un appareil conceptuel spécifique est constitué, des outils d’analyse spécialisés sont forgés, les résultats acquis sont utilisés dans des domaines connexes.

Les parcours de l’analyse

conversationnelle

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Eléments de pragmatique linguistique

Après avoir élaboré un modèle interprétatif statique qui pose en principe la complétude de l’objet conversationnel et son caractère atemporel, ces derniers temps les efforts des chercheurs se sont dirigés vers la constitution d’un modèle dynamique de la conversation (J.MOESCHLER, 1984: 104 sqq.) qui rejoint les études consacrées au dialogisme, terme qui réfère à la dimension interactionnelle du langage.

Les travaux élaborés dans le cadre de l’École de Genève, dont les principaux représentants sont E.Roulet et J.Moeschler, ont eu un très grand impact dans le domaine francophone. En mettant à profit des recherches venues d’horizons théoriques différents tels la théorie interactionnelle de Goffman, la théorie des actes de langage de Searle et d’Austin, la sémantique énonciative et la théorie de l’argumentation de Ducrot, l’analyse conversationnelle relevant de l’ethnométhodologie , ces travaux ont abouti à la mise en place d’un modèle original de la conversation, hiérarchique et fonctionnel dans deux versions, standard et étendue.

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L’analyse conversationnelle

4.

Les concepts d’interaction, de discours et de conversation se trouvent dans un rapport de dépendance unilatérale: toute conversation est discours, mais il existe aussi des discours non conversationnels, tout discours implique une interaction, mais il existe aussi des interactions non verbales : Interaction verbale nonverbale discours conversationnel non-conversationnel

Dans la littérature spécialisée (D.MAINGUENEAU, 1996) on distingue plusieurs types de discours suivant les critères suivants:

le nombre des participants : un seul énonciateur ou plusieurs co-énonciateurs

les relations directes ou médiates la relation interlocutive ou non interlocutive.

La combinatoire de ces traits donne naissance aux types suivants :

le discours monologal impliquant un seul locuteur

Un type particulier d’interaction verbale:

la conversation

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le discours monologique qui peut revêtir plusieurs sous-types: (a) un discours adressé à soi-même (b) un discours sans alternance conversationnelle (c) texte écrit, l’énonciateur n’est pas en contact direct avec les

destinataires le discours dialogal interlocution stricte, plusieurs participants qui

interagissent discours dialogique discours qui n’attend pas de réponse (cours

magistral), mais qui met en scène plusieurs voix, qui sont donc des discours polyphoniques.

De tous ces types discursifs celui qui reproduit de plus près la réalité

fondamentale de la langue en action est le discours dialogal et dialogique.

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L’analyse conversationnelle

5.

Le contenu de l’analyse conversationnelle est constitué de cinq thèmes prioritaires :

la situation de communication la compétence communicative la structure hiérarchique de la conversation l’analyse dynamique de la conversation la conversation comme jeu de langage

5.1 La situation communicative La situation communicative est un ensemble complexe constitué de

deux composantes (C.KERBRAT-ORECCHIONI, 1980: 206): l’environnement physique dans lequel se déroule l’échange verbal, les circonstances spatio-temporelles et ce fragment de référent perceptible aux interlocuteurs ou la mini-situation communicative;

l’ensemble des conditions matérielles, économiques, socio-politiques (niveau d’instruction, champ d’expérience) qui déterminent la production / réception du message ou la maxi-situation communicative.

Les thèmes de l’analyse

conversationnelle

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Le contexte est dit extralinguistique s’il est défini par la situation communicative, par l’environnement matériel et culturel, par la personnalité des co-participants à l’échange verbal et leurs univers respectifs de connaissances.

La situation joue un triple rôle: c’est un facteur de désambiguïsation dans la circulation des contenus informationnels;

c’est un facteur d’économie des moyens linguistiques c’est un facteur co-déterminant des fonctions de parole

La situation fournit, dans bien des cas, les indications nécessaires à l’identification des contenus sémantiques et pragmatiques des énoncés. «Si je fais la queue devant un guichet de gare dans des conditions de vacarme et que je perçoive une émission vocale comme [ye] je reconnais [biye] (billet)... Est en jeu ma compétence situationnelle, autant que ma compétence linguistique; plus exactement, une compétence englobant les situations et les occurrences linguistiques» (R.LAFONT, 1978: 31).

Dans la communication linguistique en situation il y a un maximum d’économie de moyens linguistiques: «On se contente d’émettre une syllabe ou deux, le reste est un bredouillis» (R.LAFONT, 1978: 31). Une preuve de cette économie est la quantité très grande des énoncés a-syntaxiques (phrases inorganisées), qui représentent «une réduction considérable de l’utilisation des procédés linguistiques, réduction que peut seul compenser le recours aux données de la situation immédiate. En français, un énoncé comme [fil] ne peut atteindre son but que s’il est, par exemple, un énoncé nominal émanant d’un individu au travail (couturière, maçon, chirurgien), ou encore s’il est accompagné d’un geste du locuteur vers l’auditeur (file-moi ça, j’en ai besoin) ou vers une porte (file, je t’ai assez vu...)» (J.GARMADI 1981: 75).

La situation occupe une place importante dans la détermination des fonctions de la parole (R.HARTVELDT, 1979:76 sqq.). Il existe une distinction notable entre fonctions de langage et fonctions de la parole. Les premières relèvent de la macro-sociolinguistique, les secondes de la micro-sociolinguistique et se rapportent aux interactions qui se produisent dans l’emploi du langage. Ainsi, les facteurs engagés dans l’échange verbal

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L’analyse conversationnelle

exercent chacun des fonctions de la parole (R.HARTVELDT, 1979: 77). Nous reproduisons, avec certaines modifications, les correspondances entre les facteurs et les fonctions de parole, proposées dans l’article cité: Facteurs principaux Sous-facteurs Fonctions de parole participants locuteur exprimer

auditeur(s) diriger déterminer la position

contact physique canal contrôle du canal contact psychologique ouverture ouvrir le contact

fermeture rompre le contact organisation organiser le contact maintien maintenir le contact (fonction phatique)

setting physique environnement situer dans l’espace setting institutionnel institution déterminer le cadre psy genre et institutionnel

imaginé code sous-système

de langue (variété)

Les paramètres de la situation communicative

Le contexte est un concept central et caractérisant pour la théorie de

la conversation. L’importance du contexte a été mise en évidence au moment où l’attention des linguistes s’est portée sur les expressions dont le référent varie systématiquement avec les circonstances de leur production. Ces éléments qui renvoient nécessairement à un sujet énonçant, à l’espace-temps de la communication sont désignés par le terme de symboles indexicaux. Si nous prenons comme exemple les trois phrases suivantes, on

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constate qu’il existe des différences notables dans le degré de dépendance au contexte:

(a) L’eau bout à 100. (b) Il fait du brouillard. (c) J’ai froid. La phrase (a) réfère pour tous au même état de choses, la phrase (b)

demande pour son interprétation que l’on connaisse l’espace-temps de la production, la phrase (c) demande que l’on connaisse le locuteur et le temps de la production. Pour qu’une phrase corresponde à un énoncé (défini comme une occurrence d’une phrase dans des conditions déterminées), elle doit remplir certaines conditions syntactico-sémantiques et, en outre, sa production doit satisfaire des conditions pragmatiques. Les expressions indexicales, dont les déictiques, sont indispensables à l’usage communicatif. C’est pourquoi l’analyse linguistique doit montrer comment le contexte intervient dans la détermination de la référence de l’énoncé. On distingue quatre types de contextes :

le contexte circonstanciel – les participants, leur environnement , l’espace-temps de l’échange, c’est-à-dire le setting (le site);

le contexte situationnel – notion culturelle déterminante pour les pratiques langagières et le choix des moyens linguistiques;

le contexte interactionnel – l’enchaînement des séquences discursives avec la spécification des rôles interactionnels;

le contexte présuppositionnel – les croyances communes des co-participants, leurs attentes, leurs intentions.

Le contexte circonstanciel

Les participants assument successivement les rôles interlocutifs d’émetteur et de récepteur. Ils se caractérisent par certains traits, déterminants pour la forme de l’échange conversationnel:

leur nombre: il existe ainsi des conversations en tête à tête (dyadiques), des échanges à trois (trilogues) ou à plusieurs

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L’analyse conversationnelle

personnes (polylogues), ces deux derniers étant en réalité, dans les échanges effectifs, réduits au premier type;

leurs traits individuels: âge, sexe, profession, statut social, prestige, traits de caractère;

leurs relations mutuelles, structurées d’après les trois axes oppositionnels suivants:

l’axe de la notoriété: connu / inconnu, intime / non intime On distingue ainsi quatre types d’interlocuteurs (D.ANDRÉ-

LAROCHEBOUVY, 1984: 31): de plein droit (membres de la famille) légitimes ( collègues, amis, relations) autorisés ( situation définie par nécessité improbables (inconnu)

l’axe de l’autorité: égal / non égal (supérieur / inférieur) l’axe de l’attitude: convergente (bienveillante) / neutre

(índifférente) / divergente (agressive)

Le cadre spatio-temporel. Toute communication se passe dans un espace-temps déterminé (le hic et nunc) de l’énonciation. Les repères spatio-temporels peuvent être contraignants pour le choix des moyens linguistiques mis en œuvre et constituer des barrières pour l’interprétation des éléments dont le sens est étroitement lié au contexte La forme que revêt l’échange est déterminée non seulement par le cadre physique où se déroule l’action (lieu privé ou lieu public), mais aussi par le setting institutionnel (église, tribunal,etc.).

Le contexte situationnel Les pratiques discursives s’insèrent dans des situations qui sont explicitement ou implicitement impliquées. Les propos que les co-participants échangent peuvent paraître inadéquats ou même incompréhensibles s’ils sont transplantés dans une autre situation.

Ainsi, les deux énoncés suivants: Pardon, Monsieur! Allez, ouste!

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Eléments de pragmatique linguistique

ont la même fonction interlocutive : l’interlocuteur est invité à libérer le passage, mais ils ne sont pas interchangeables, car des contraintes sociales pèsent sur leur emploi. En étudiant les traits caractéristiques des variétés de langue, les linguistes sont arrivés à la conclusion qu’elles ne dépendent pas toujours du choix libre du locuteur. La sélection dépend de plusieurs facteurs du contexte situationnel: thème du discours, rapports entre interlocuteurs, mode de communication. Plusieurs représentations de la stratification sociale et fonctionnelle de la langue française ont été proposées qui reposent pour la plupart sur des critères utilitaires ou sur les qualités intrinsèques de la variété en queastion. On distingue ainsi entre les niveaux de langue (répertoires associés aux groupes sociaux) et les registres (variétés disponibles à l’intérieur du niveau et choisies en fonction de la situation). La stratification de la langue française en niveaux et registres soulève de nombreuses difficultés, tant théoriques que pratiques.Les discussions des spécialistes portent principalement sur les points suivants:

la distinction niveau de langue / registre de langue Il ne s’agit pas d’un problème purement terminologique, mais de

critères, internes et externes, appliqués en vue d’obtenir une typologie précise des variétés de langue et de délimiter celles qui sont essentiellement situationnelles. Le terme de ‘registre’ a été introduit comme désignation des variétés soumises au contrôle du locuteur, en réservant celui de ‘niveau’ pour les variétés sociales. On parle ainsi du français familier comme d’un registre du français commun et du français populaire comme un niveau de langue.

la distinction langue parlée / langue écrite

Tous les usagers sont conscients du fait que l’usage parlé est différent de celui de la langue écrite :

la situation du locuteur n’est jamais la même que celle du scripteur, l’expression écrite étant toujours le résultat d’une réflexion;

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L’analyse conversationnelle

l’usage parlé et l’usage écrit se laissent difficilement isoler: des éléments de la langue écrite pouvant être employés dans une série d’événements de communication (discours solennels, commentaires scientifiques, etc.). tout comme des tournures et des mots appartenant à la langue parlée peuvent apparaître sous forme écrite, lorsque celle-ci veut mimer le parler oral. Il en résulte que les deux catégories ne sont pas étanches, bien qu’il existe de nombreuses particularités qui les séparent.

la catégorie de «style neutre»

Cette catégorie, souvent utilisée comme norme pédagogique, est une variété de langue en quelque sorte artificielle, qui n’existe que dans les manuels, tout acte langagier naît d’une situation réelle, d’un contexte familier ou solennel, si bien que les énoncés performés en situation sont marqués de ce point de vue.

la distinction pratique entre les variétés langue familière /

populaire / argotique Il ne s’agit pas de catégories nettement distinctes, à preuve les difficultés auxquelles se heurtent les auteurs des dictionnaires explicatifs du français contemporain qui présentent assez peu de consensus sur les connotations de registre ou de niveau de langue. Cette situation paradoxale s’explique par la fluidité caractéristique de ces variétés: quantité de mots argotiques adoptés par le français populaire sont passés en français familier. D’autres variétés de langue ont trait aux différents champs d’activité; ce sont les langues de spécialité ou le français instrumental: scientifique (impliquant des connaissances théoriques), technique (véhiculant des informations relatives à l’application des connaissances scientifiques ou se référant à la manipulation et à l’entretien des machines-outils), les langues professionnelles caractérisées par des terminologies particulières étroitement liées à un genre d’occupation (sport, tourisme etc.) Une langue spécialisée est caractérisée par rapport à des publics précis et à des objectifs fonctionnels.

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Eléments de pragmatique linguistique

La formulation des règles sociolinguistiques qui gouvernent le choix et le fonctionnement des divers éléments linguistiques impliqués dans l’événement de communication doit devenir explicite et former l’objet de l’enseignement d’une langue étrangère. E.ERWIN TRIPP (1972) a distingué trois types de règles sociolinguistiques du fonctionnement de la langue (apud E.ROULET, 1976: 26):

les règles d’alternance Ces règles commandent la séléction de la variété de langue en fonction de la situation communicative. Elles se manifestent dans le choix des appellatifs, des pronoms du dialogue, des modalisateurs interpersonnels etc.

les règles de séquence Ces règles déterminent l’ordre des actes qui constituent un type d’événement de communication. Elles agissent à l’intérieur d’un type de discours déterminé et rendent compte des contraintes communicatives. Elles se concrétisent dans des enchaînements spécifiques suivant qu’il s’agit d’une conversation téléphonique, d’une communication en face à face ou de performer certains actes de communication: adresser une invitation, une demande, présenter des excuses etc.

les règles de co-occurrence (horizontale ou verticale) Ces règles commandent la mise en discours correcte et adéquate des énoncés en séqueance. La co-occurrence est dite horizontale s’il s’agit d’éléments appartenant au même niveau linguistique et verticale s’il s’agit d’éléments relevant de paliers différents (syntaxiques et textuels).

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L’analyse conversationnelle

Le contexte interactionnel Le contexte interactionnel est défini par :

les rôles interactionnels qui, dans une conversation, sont symétriques étant investis successivement d’action et de réaction. À la différence des rôles interlocutifs d’émetteur et de récepteur, les rôles interactionnels exercent des actions socialement diversifiées (professeur / élève,médecin / patient, vendeur / client, intervieweur / interviewé etc.). L’ensemble des rôles interactionnels définit le contrat de communication établi entre les participants;

les séquences qui scandent l’interaction. Une séquence est définie comme «un bloc d’échanges reliés par un fort degré de cohérence sémantique et pragmatique, c’est-à-dire traitant du même thème, ou centré sur les mêmes tâches» (C.KERBRAT-ORECCHIONI, 1996: 37).

La plupart des interactions se déroulent selon un schéma général: séquence d’ouverture corps de l’interaction séquence de clôture

La séquence d’ouverture commence par des salutations (par paire), des questions sur la santé, des remarques sur la météo etc. Une conversation conforme aux normes socialisées implique des techniques spéciales d’abordage comme:

les pré-séquences: a. Excusez-moi. Monsieur. b. Est-ce que vous avez l’heure?

La pré-séquence a. ne donne aucune indication sur la nature de l’acte (non représentatif) mais elle annonce qu’une activité aura lieu, en atténuant l’intrusion territoriale liée à l’énonciation de b.

les préliminaires a. Je voudrais vous demander quelque chose. b. Je n’habite pas la ville et je cherche la gare. c. Par où dois-je passer ?

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Eléments de pragmatique linguistique

Les préliminaires indiquent clairement la nature de l’acte qui constitue l’objet de l’interlocution: demande d’information, précédée de la justification b.

les préparations a. Marc a bien travaillé cette semaine. b. Est-ce qu’on ne pourrait pas lui offrir un cinéma ?

La préparation crée les conditions favorables à une réponse positive à la question. Le corps de l’interaction est soumis au principe de l’alternance qui règle les tours de parole:

le «locuteur en place» (L¹: current speaker) a le droit de garder la parole un certain temps, mais aussi le devoir de la céder à un moment donné;

son «successeur» potentiel (L²: next speaker) a le devoir de laisser parler L¹ et de l’écouter pendant qu’il parle; il a aussi le droit de réclamer la parole au bout d’un certain temps, et le devoir de la prendre quand on la lui cède.

L’activité dialogale a donc pour fondement le principe d’alternance, que les tenants de l’analyse conversationnelle résument par la formule ababab.» (C.KERBRAT-ORECCHIONI, 1996, 28-29). À partir de la constatation que les actes ne sont pas isolés, qu’ils forment dans la grande majorité des cas des séquences pour lesquelles on peut établir des schémas susceptibles de s’actualiser dans de multiples combinaisons linguistiques R. RICHTERICH (1976: 50 sqq.) a proposé plusieurs types d’enchaînements, mis en place dans des buts didactiques : SÉQ 1 L demande à I de faire quelque chose

a. I exécute b. I exécute – L remercie c. I exécute – I confirme d. I demande une information – L informe – I exécute e. I demande de répéter – L répète – I exécute f. I accepte – I exécute

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L’analyse conversationnelle

g. I refuse – L demande de dire pourquoi – I dit (explique) – L accepte

h. I refuse – I s’excuse i. I refuse – L supplie – I accepte – I exécute

SÉQ 2 L demande à I la permission de faire quelque chose

a. I accepte – L remercie b. I accepte – L demande de promettre – I promet c. I refuse – L demande de dire pourquoi - I dit (explique) d. I refuse – L supplie – I accepte e. I demande une information – L informe – I accepte f. I déconseille – L dit (argumente) – I accepte. Ces séquences revêtent des formes linguistiques très diverses, mais

représentent des contrats interactionnels très fréquents qui s’inscrivent dans des limites fixées par les conventions sociales. Les séquences de clôture comprennent le plus souvent des souhaits. Les séquences encadrantes d’ouverture et de clôture sont les plus soumises aux contraintes sociales, les plus ritualisées et mettent en œuvre des formes stéréotypiques d’action langagière.

Le contexte présuppositionnel Le contexte présuppositionnel est constitué par tout ce qui est présumé par les interlocuteurs: leurs croyances communes, leurs attentes, leurs intentions. Les participants à l’échange verbal doivent partager en commun un système de connaissances, le savoir partagé, qui leur permet d’interpréter les séquences d’énoncés et comprendre leur sens souvent implicite. Les attentes correspondent à une image que les participants se font d’un rôle interactionnel et de ses comportements et peuvent être plus ou moins contraignantes. Sur le plan linguistique, il existe des signes qui marquent l’attente déçue, des topoï transgressés: un énoncé tel que Il est

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venu bien qu’il n’ait pas été invité exprime l’idée qu’une règle du savoir vivre a été violée: “on ne vient pas si l’on n’est pas invité”. Quant aux intentions des participants, elles jouent un rôle plus important même que celui des énoncés pris dans leur acception directe. «L’étude des dialogues effectifs montre que l’enchaînement des répliques se fonde généralement moins sur «ce qu’a dit» le locuteur que sur les intentions qui, selon le destinataire, l’auraient amené à dire ce qu’il a dit. On répond à «Il paraît que ce film est intéressant» (p) par «J’y suis déjà allé» (q) parce qu’on suppose, par exemple, que p est dit afin de proposer d’aller voir ce film, et que q donne un motif de ne pas y aller. Si on admet que ces intentions font partie du sens, on a une raison de plus – étant donné que leur repérage dépend des circonstances de la parole – d’admettre que le sens ne se déduit pas directement de la signification» (O.DUCROT, 1979: 22). On voit comment la notion de contexte a connu un élargissement: du contexte conçu comme la localisation et l’identification des référents et des protagonistes au contexte entendu comme ce qui est présumé connu par les interlocuteurs.

5.2 La compétence communicative Les savoirs que le sujet parlant possède sur les mécanismes discursifs ont été désignés par divers termes: maximes conversationnelles (H.P.GRICE), lois du discours (O.DUCROT), postulats de conversation (D.GORDON & G.LAKOFF). compétence rhétorico-pragmatique (C.KERBRAT-ORECCHIONI). La théorie des maximes conversationnelles a joué un rôle primordial dans le développement des études sur la conversation. Elle est basée sur le concept d’implicature, définie comme “ce qui est dit” à la différence “de ce qui est communiqué”. Elle introduit aussi un concept central qui rend compte d’un principe général: la coopération. En vertu de cet archiprincipe, chaque participant doit contribuer au déroulement de l’échange verbal de telle manière que sa contribution corresponde à l’attente de son (ses) interlocuteur (s). Quatre éléments semblent être déterminants pour chaque

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contribution: les intentions des interlocuteurs, le stade de la conversation, la finalité et la direction de la conversation. Chaque participant doit observer les maximes suivantes, qui semblent être disposées dans un ordre hiérarchique et qui correspondent en quelque sorte aux lois du discours: (1) maxime de la relation (loi de la pertinence)

que la contribution soit pertinente On considère qu’un énoncé est pertinent s’il répond à une attente d’information. Bien qu’en général la loi d’information fonctionne dans le discours, son application n’en est pas moins soumise à des conditions contextuelles: si dans certains cas elle est imposée par les conditions de l’échange même, dans certains autres, sa violation entraîne une sanction. On distingue plusieurs types de pertinence (C.KERBRAT-

ORECCHIONI, 1986: 200): une pertinence pratique : une assertion est pertinente si elle

exerce une influence sur la conduite de l’interlocuteur: - Il fait froid. - Mettez un lainage.

une pertinence argumentative: un énoncé non informatif peut devenir pertinent si la réalité évoquée (connue des deux interlocuteurs) sert de point de départ à une inférence susceptible de modifier l’univers des connaissances ou l’attitude de l’interlocuteur:

- Fâcheux, dit le colonel. De mon temps... - Eh oui, reprit sir Henry. Ces choses-là n’arrivaient pas

autrefois. Mais la guerre est passée par là. (Boileau-Narcejac)

une pertinence thématique: un énoncé ne doit pas être incohérent du point de vue du thème de la conversation, on doit parler à propos.

Dans le dialogue ci-dessous, le détail ajouté par le témoin est considéré par l’interlocuteur (le juge) comme hors de propos (non pertinent) - Quelles étaient vos intentions en quittant la maison?

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- D’abord, d’aller manger un coq au vin chez le père Sauveur, rue du Pot-de-Fer. C’est un petit bistrot qui ne paie pas de mine, mais où ...

- Vous êtes donc passés tous les deux par la rue du Chemin-de-Fer et vous avez tourné à droite dans la rue du Pot-de-Fer.

(Simenon) Il résulte que l’informativité est une condition nécessaire mais non suffisante de la pertinence (C.KERBRAT-ORECCHIONI, 1986: 213) (2) maxime de quantité (loi d’exhaustivité) que la contribution contienne autant d’information qu’il est requis

(pour les visées conjecturelles de l’échange), mais pas plus La loi d’exhaustivité est subordonnée à la loi de la pertinence: l’information que l’on doit fournir doit s’inscrire dans les limites de la pertinence: un énoncé exprimant l’âge d’une personne adulte en mois et en jours, bien que très précis, n’est pas convenable dans un discours normal: - Quel âge avez-vous? - Vingt huit ans, quatre mois, deux jours et six heures.

Ces limites sont exprimées par la deuxième partie de la maxime de Grice: que la contribution ne contienne pas plus d‘information qu’il n’est requis». Le dialogue suivant contient une information considérée comme superflue:

- Je vois ici que vous avez accompli votre service militaire en Algérie.

- Et j’ai fini comme caporal. - Contentez-vous de répondre à mes questions. (Simenon) (3) maxime de la qualité ou de véridicité (loi de sincérité)

que la contribution soit véridique N’affirmez pas ce que vous croyez être faux. N’affirmez pas ce pour quoi vous manquez de preuves.

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La maxime de sincérité ne veut pas dire que tout locuteur dise ce qu’il croit être vrai, ni même qu’il doive faire, mais qu’il se présente, par son énonciation, comme le croyant. Le mensonge n’étant pas détectable linguistiquement, l’essentiel c’est que le locuteur présente son dire comme vrai. En faisant remarquer la possibilité de se servir du langage pour mentir ou pour tromper, on insiste sur le fait que «parler c’est se prétendre sincère» (C.KERBRAT-ORECCHIONI, 1986: 203). Dans les conversations courantes, les maximes ne sont pas toujours simultanément observées. Soit le dialogue suivant: - Nom et profession de votre père. - Lambert, Auguste, René, ouvrier en filature. - Vivant? - Je n’en sais rien. (Simenon)

Si la réponse à la première question est conforme aux exigences d’une contribution conversationnelle, la deuxième réponse sacrifie la maxime de la quantité en faveur de la maxime de la qualité: le locuteur affirme son ignorance pour ne pas fournir une information non véridique. (4) maxime de manière (principe de clarté )

que la contribution soit claire Evitez de vous exprimer avec obscurité. Evitez d’être ambigu. Soyez bref. Soyez méthodique.

Une contribution ne doit être ni obscure, ni ambiguë, ni prolixe. En même temps, il faut remarquer que le locuteur peut prendre des voies détournées pour affirmer certaines choses, il peut “biaiser” pour des raisons de convenance sociale ou pour des raisons personnelles (des préjudices provoqués par sa déclaration). A considérer le dialogue suivant, on s’aperçoit facilement que certaines réponses sont dilatoires :

- Je me tenais sous un lampadaire et j’ai eu tout loisir d’examiner ce costume lorsque son possesseur vint à ma rencontre pour me demander du feu ...

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- Mais lorsque vous lui avez allumé sa cigarette, la flamme de votre briquet ou votre allumette a dû vous permettre de voir sa physionomie de près ?

- Hum ... Que Votre Honneur me pardonne, mais ... - Mais quoi ?

- Il m’est pénible d’avouer que je ne lui ai pas donné du feu au sens que vous l’entendez, Votre Honneur ... Je n’ai pas eu à battre le briquet ... Je ... Il a embrasé sa cigarette au bout incandescent de ... d’une autre ...

- Vous voulez dire, constable, qu’en dépit du règlement, vous fumiez pendant le service ?

- Oui, Votre Honneur... (Malet) Dans certains cas, la maxime “soyez bref” est sacrifiée en faveur de la maxime “soyez clair”, car on doit garantir la saisie par l’interlocuteur de la fonction de l’intervention. L’interprétation des énoncés se complique si l’on a affaire à une conversation qui fait intervenir des relations intersubjectives complexes (désaccord caché, méfiance, etc.) qui se traduisent par des implicatures conversationnelles (allusion, ironie, ruses conversationnelles etc.):

- Je regrette de vous décevoir, Clive, mais le patron n’a pas cru devoir m’arrêter.

- J’en suis heureux, Bert. - Je préfère le croire, mon vieux. (Exbrayat) La théorie de GRICE a fait l’objet de nombreuses critiques; on lui a reproché le fait que les maximes sont plutôt vagues et soumises à des principes actionnels plus généraux, comme par exemple les règles de politesse “ne vous imposez pas” ou “laissez votre interlocuteur choisir”. «Etre ambigu c’est le meilleur moyen de ne pas s’imposer de laisser à l’autre le choix de l’interprétation qui lui convient le mieux, mais c’est évidemment aussi courir le risque d’être mal compris» (E.ROULET, 1981: 13). Aussi a-t-on essayé de découvrir des règles plus ou moins générales qui commandent les conversations. On a reproché ensuite aux

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maximes de Grice qu’elles se recoupent les unes les autres et que dans le fonctionnement du discours elles entrent souvent en conflit les unes avec les autres. Mais c’est à Grice que l’on doit d’avoir créé un appareil conceptuel fondé sur les idées de coopération, d’implicature conversationnelle, d’intention communicative, de calcul interprétatif qui sous-tendent les mécanismes discursifs.

5.3 Structure hiérarchique de la conversation Le modèle d’analyse hiérarchique et fonctionnelle de la conversation a été élaboré dans le cadre de l’École de Genève comme résultat d’une série de recherches articulées autour des travaux d’E.ROULET et de J.MOESCHLER. L’idée de base de ce modèle est que la conversation est organisée à partir d’un ensemble de principes (J.MOESCHLER, 1996: 177 sqq.) Le principe de composition hiérarchique

Tout constituant de rang n est composé des constituants de rang n-1 (J.MOESCHLER, 1996: 177)

Les unités constitutives sont appelées constituants. Dans le modèle génevois standard dit modulaire ils sont au nombre de trois: l’échange, l’intervention et l’acte de langage; ces constituants sont établis d’après leur rang et d’après une double opposition: monologal / dialogal, simple / complexe:

l’échange est la plus petite unité dialogale composant l’interaction, constituée de deux (ou plusieurs) tours de parole (interventions); un échange ne comprenant que deux contributions est un échange minimal;

l’intervention est la plus grande unité monologale composé d’un (ou de plusieurs) actes;

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l’acte de langage est la plus petite unité monologale constituant l’intervention. Dans le modèle génevois on distingue entre acte directeur et acte subordonné, qui dans la plupart des cas est un acte de justification ou d’explication.

Cette composition hiérarchique pourrait être représentée comme suit: échange échange minimal échange complexe ↓ ↓ interv¹ + interv² interv ¹ + interv ² +interv n

simple complexe ↓ ↓ acte ¹ acte¹ + acte ² + acte n

Il existe deux types essentiels d’échanges (E.GOFFMAN, 1975):

les échanges confirmatifs (d’ouverture et de clôture: le plus souvent de structure binaire et de nature rituelle. Le rôle de ces échanges est de confirmer l’existence d’un rapport social entre interlocuteurs :

- Comment va ? - Merci. Ça va. Et toi?

les échanges réparateurs ayant pour fonction de réparer une “offense territoriale”, de “neutraliser“ les effets d’une interlocution et de permettre aux interlocuteurs de continuer le dialogue.

L’existence de ce type d’échanges est fondée sur le caractère intrinsèquement “menaçant” de tout acte dans l’interaction sociale. Placés dans cette perspective, les actes de langage se laissent classifier d’après les conventions qui régissent les relations humaines en général, en premier lieu l’opposition entre ce que l’on appelle “la face positive de l’individu” - le besoin d’être reconnu et apprécié par autrui et “la face négative” - le besoin de défendre son territoire personnel. Le fait de poser une question, de

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formuler une requête, à plus forte raison de donner un ordre, d’adresser une critique ou de porter une accusation sont autant d’actes qui menacent la face positive ou négative de l’interlocuteur. À son tour, une intervention complexe, composée de plus d’un acte, connaît une disposition hiérarchique, étant constituée d’un acte directeur (non supprimable) et un ou plusieurs actes subordonnés. Soit le dialogue suivant :

A.1. –Allô, Monsieur Dalor ? B.2. – Dalor, oui. Qui est à l’appareil ? A.3. – Madame Ailot. B. 4. a Excusez-moi . b Je n’ai pas reconnu votre voix. A.5.a Il faut que vous veniez tout de suite...b Je crains certaines choses.... B.6. D’accord.

(Malet) Structure de l’échange :

Interv ¹,Interv ², Interv³ = interventions préliminaires Interv 4 = a acte directeur + b acte subordonné (justification) Interv 5 = intervention directrice a = acte directeur (requête) + b = acte subordonné ( argument d’explication) Interv 6 = intervention de clôture (acceptation). Du point de vue de l’organisation séquentielle (structure interne), on peut distinguer plusieurs types d’échanges suivant le nombre des interventions et la disposition des séquences (C.KERBRAT-ORECCHIONI, 1990: 243) ▪ tronqués (formés d’une seule intervention): Tu pourrais ouvrir la fenêtre?

▪ plats (linéaires) constitués dans la plupart des cas d’une paire adjacente (canoniques):

- Où vas-tu ? - Au thèâtre.

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▪ croisés (entrecroisés) - Mais dites-moi. Quel âge avez-vous? Excusez-moi. - Trente ans. Y a pas de mal. ▪ embrassés: (enchâssés) - Le directeur est là ? - C’est pour l’entrevue ? - Oui, Madame. - Il vous attend. - Je crois que ça y est. Nous partons pour Caen. - Qu’est-ce que le notaire t’a dit ? - Il croit que la place n’est pas prise. - Il croit ? - C’est-à-dire qu’il est à peu près sûr. - Avec quel argent veux-tu partir? (Simenon)

Le principe de récursivité

Tout constituant complexe (de rang échange ou intervention) est un constituant récursif, i.e.pouvant être constituant d’intervention.

(J.MOESCHLER, 1996: 180)

Conformément à ce principe, un échange peut être enchâssé dans une intervention qui est un constituant de rang inférieur. La conversation suivante présente cette structure complexe imbriquée:

(l) - Savez-vous si Paul va venir bientôt? (2) - Paul Périer? Je l’attends d’une minute à l’autre. (3) - J’avais un service à lui demander. C’est très pressé. (4) - Si par hasard je pouvais vous le rendre à sa place? (5) - Peut-être, si vous vouliez ...

(Beauvoir) Les interventions (4) et (5) constituent un échange enchâssé dans

l’intervention (3).

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Le principe de composition fonctionnelle

L’échange est composé de constituants reliés par des fonctions illocutionnaires,i.e. des interventions; l’intervention est composée

de constituants reliés par des fonctions interactives,i.e. des échanges, des interventions et/ou des actes de langage

(J.MOESCHLER, 1996: 181) La composante fonctionnelle est une composante importante du modèle d’analyse génevois. Les fonctions conversationnelles sont distinguées d’après le niveau du constituant impliqué : ▪ au niveau de l’échange, les interventions entretiennent des relations illocutoires, qui peuvent être initiatives (demande d’information ou d’infirmation, requête, offre, etc.) ou réactives (réponse,confirmation, infirmation, refus, réfutation, etc.) ou bien réactives-initiatives (demande d’explication, d’information supplémentaire, etc), réductibles aux deux premières. Le tableau suivant rend compte de cette double série de fonctions illocutoires : fonctions réactives positives négatives fonctions initiatives énoncé énonciation 1 A. offre a) acceptation b) refus c) réplique B. requête 2. demande d’inform a) réponse positive b) réponse c) réplique négative 3. demande de confirm. a) confirmation b) infirmation c) réplique 4. assertion a) évaluation b) évaluation c) réplique positive négative c) réplique Exemples A. Est-ce que je peux vous offrir quelque chose à boire?

a) Ce n’est pas de refus. b) Non, merci, je ne bois jamais d’alcool le soir. c) Je suis allergique à l’alcool.

B. Pourriez-vous me prêter votre journal? a) Je vous en prie. b) Non, je l’ai pas encore lu.

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c) Ce n’est pas mon journal

2. – Pardon, Madame... Connaissez-vous la rue d’Antin, s.v.p.?

a) - Oui, c’est la première à droite. b) – Non, je suis désolée. c) – Je n’ai pas à vous répondre. Vous essayez de me

draguer. 3. - Vous voyez cette affiche qui est devant vous?

a) Oui, je la vois. b) Non, je ne vois rien. c) Comment je pourrais la voir si tu te mets devant moi ?

4. Ce tableau est un vrai chef d’œuvre.

a) Oui, c’est une merveille. b) Ah, non, c’est un navet c) Là, vraiment, vous avez tort

▪ au niveau de l’intervention, les actes entretiennent des relations interactives, comme par exemple entre l’acte directeur et l’acte (les actes) subordonné(s) Une fonction interactive a donc comme dénotation un constituant subordonné servant à introduire, à appuyer, à justifier, l’acte directeur, qui peut être antéposé ou postposé à l’acte subordonné: AD – AS ou AS – AD: ▪ fonctions interactives rétroactives: - justification: Il va pleuvoir, puisque le baromètre a baissé. Pardon, je ne vous ai pas reconnu. - commentaire: Il va pleuvoir, c’est du moins ce que dit la météo. Pardon, je ne vous ai pas reconnu. Il y a longtemps que je ne

vous ai pas vu.

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▪ fonctions interactives proactives :. - consécution : Il va pleuvoir, donc il est impossible de maintenir notre

excursion. Il fait trop froid, je ne vais pas sortir. - concession : Il va pleuvoir mais le mauvais temps ne va pas durer. Il fait très froid, mais je vais tout de même sortir.

5.4 Pour une analyse dynamique de la conversation

Le but de l’analyse conversationnelle est de décrire «comment s’élaborent dynamiquement les conversations et comment sont engendrés des effets sémantiques et pragmatiques qui n’étaient pas programmés en l’état avant que n’entrent en interaction les sujets compétents» (C. KERBRAT-ORECCHIONI, 1990: 54).

Les contraintes conversationnelles

Ces derniers temps les efforts des chercheurs se sont dirigés vers la constitution d’un modèle dynamique de la conversation, qui rejoint les études consacrées au dialogisme, à partir de l’idée que la conversation n’est pas un objet fini, mais un processus, un système ouvert dépendant de facteurs extrinsèques et intrinsèques. Les deux principes essentiels de cette approche sont: le principe d’interprétation, qui stipule que toute interprétation est un fait dialogique et le principe de satisfaction selon lequel tout enchaînement d’un constituant à un autre constituant conversationnel doit satisfaire à certaines conditions. Dans cette perspective dynamique, la conversation est un objet qui tout en étant un objet en cours d’élaboration n’en est pas moins soumis à une triple série de contraintes:

des contraintes interactionnelles Ce sont des contraintes de nature sociale qui commandent le fonctionnement du rituel social: contraintes d’ouverture, de clôture, de

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réparation. «En d’autres termes, les rituels conversationnels n’auraient d’autre fonction que de permettre d’une part de marquer ou de négocier son territoire interactionnel et d’autre part de mettre en jeu les processus d’atténuation ou d’aggravation de la menace de la face de l’interlocuteur» (J.MOESCHLER, 1984: 112).

des contraintes structurelles À la différence des contraintes interactionnelles, les contraintes structurelles agissent au niveau de la structure de la conversation, c’est-à-dire au niveau des relations entre interventions. Tout échange est soumis à une double contrainte: il impose aux participants d’une part de continuer le dialogue et d’autre part de le clore. Le problème de la clôture du dialogue est beaucoup plus compliqué si les interventions sont anti-orientées du point de vue argumentatif (s’il y a désaccord entre participants, ce qui peut les obliger à poursuivre le débat). Dans la bibliographie du problème on distingue des «stratégies de résolution de l’échange» (J. MOESCHLER, 1984: 114) : A. positive a) satisfaisante b) non satisfaisante résolution B. négative a) locale b) globale

Dans la conception de J.MOESCHLER, par résolution positive on entend la stratégie qui consiste à choisir l’alternative de clore le dialogue, la résolution est satisfaisante si la clôture se fait sur une intervention co-orientée et inversement elle est non satisfaisante si elle se fait sur une intervention anti-orientée. Dans la même conception, la résolution négative désigne le fait que l’on vise à poursuivre l’échange, elle est locale si la poursuite donne lieu à une clôture (si l’intervention réactive se transforme en une intervention positive) et globale si la clôture co-orientée ne se réalise pas.

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L’analyse conversationnelle

Les quatre dialogues suivants illustrent ces types de résolutions; A. a) - Monsieur le Directeur, puis-je vous poser quelques

questions? - Je vous en prie, je suis à votre disposition. - Je vous remercie. b) - Monsieur le Directeur, puis-je vous poser quelques

questions? - Je n’ai pas le temps maintenant, j’ai une réunion très

importante. - Dommage.

B. a) - Monsieur le Directeur, puis-je vous poser quelques questions ?

-Je n’ai pas le temps. J’ai une réunion très importante. - Je ne vous retiendrai que quelques instants. - D’accord, allons-y. - Je vous remercie.

b) - Monsieur le Directeur, puis-je vous poser quelques questions ?

- Je n’ai pas le temps, j’ai une réunion très importante. - Je ne vous retiendrai que quelques instants. - Inutile d’insister. - Dommage.

des contraintes d’enchaînement Ces contraintes agissent au niveau des constituants de la conversation. Elles sont de nature interprétative et de nature séquentielle (la conversation doit être cohérente sur le plan sémantique et cohésive sur le plan séquentiel). On distingue quatre types de contraintes structurelles:

des contraintes thématiques: il doit y avoir une unité de thème entre le constituant initiatif et le constituant réactif:

- Quand est-il arrivé? - Hier au soir. -* J’ai la migraine.

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des contraintes de contenu propositionnel: le constituant réactif doit être en relation sémantique avec le constituant initiatif:

- Quand est-il arrivé? - Hier au soir. - * Après-demain.

des contraintes illocutoires : le constituant réactif doit avoir la même force illocutoire que le constituant initiatif.

- Tu devrais promettre de lui téléphoner. - Je le ferai ce soir-même. - * Je lui demanderai ce service.

des contraintes d’orientation argumentative: le constituant réactif doit être co-orienté au constituant initiatif, en ce sens qu’on ne peut défendre deux conclusions opposées à l’aide du même argument ou inversement utiliser deux arguments opposés pour servir la même conclusion:

- Il y a du verglas et j’ai peur d’aller trop vite. - Oui, il faut être prudent. - Donc je vais ralentir. - * Donc je vais accélerer.

- * Si l’on veut être prudent, quand il y a du verglas il faut rouler à vitesse réduite et accélérer.

Une analyse de la conversation se proposant de rendre compte des aspects dynamiques de l’échange verbal doit s’attacher à l’étude des conditions déterminantes pour les différents stades de la conversation: ouverture, déroulement, clôture du dialogue.

5.5 La conversation comme jeu de langage

Un jeu est un ensemble de règles, de participants et de résultats, «ce qui engage les interlocuteurs dans une conversation c’est l’affrontement et la possibilité, dans le déroulement de l’interaction, de marquer des points, d’avancer des pions imaginaires. À ce jeu, on prend la parole, on la garde, on la donne» (J.M.CARÉ, K.TALARICO, 1984: 71).

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Les règles conversationnelles

La conversation apparaît comme un jeu régi par trois types de règles hiérarchisées (D.ANDRÉ-LAROCHEBOUVY, 1984; 71 sqq.):

des règles constitutives, qui fondent le jeu et spécifient le nombre des joueurs, l’espace et la durée, le thème, les tours de parole, etc., ainsi que les signaux de coopération (de présence, d’attention accordée aux dires de l’interlocuteur etc.).

les règles stratégiques spécifiques (v.ci-dessus 5.1.1.1.3.) ▪ les stratégies d’abordage et d’ouverture

- salutations, présentation, identification, - formules d’adresse: pronoms: tu / vous et divers appellatifs

substantivaux: Monsieur, Madame, titres: Maître, Docteur, Professeur, Colonel / Mon Colonel (adressé par un inférieur), Votre Excellence, Votre Honneur,Votre Grâce, camarade, collègue, termes affectifs (chéri, mon cœur, mon chou, mon petit lapin, etc.). termes d’injure (espèce de ...)

▪ stratégies d’écoute: - formules d’appel à l’attention (des captateurs) N’est-ce pas?,

Vous voyez? Tu vois ce que je veux dire ?, Qu’est-ce que tu en penses? C’est pas ton avis?, C’est pas vrai .

▪ stratégies d’enchaînement (continuité): Tiens ça me fait penser, Tant que j’y pense, à propos, d’ailleurs, alors, enfin, et puis etc.

▪ stratégies de clôture (salutations, remerciements, souhaits). Les séquences de clôture comprennent souvent des souhaits: reposez-vous bien, bonne journée, bonne soirée, excellente fin de soirée,bonne nuit, faites de beaux rêves, bon week-end, bon travail, bonne continuation, et mille bonnes journées à vous et même bon chocolat, souhait qui marque le désir du locuteur de sortir de la stéréotypie. Les salutations de séparation vont par paires et contiennent le plus souvent des promesses de se revoir: au revoir, Monsieur / Madame, à la revoyure (pop.), à tout à l’heure, à (très) bientôt, au plaisir de vous revoir, au

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plaisir (pop.), à la prochaine (fam.), des salutations par procure: bonjour chez vous.

des règles tactiques dont le fonctionnement est fonction de la situation immédiate du jeu. Il existe deux types principaux: ▪ des règles de co-occurrence de nature linguistique (choix des

unités lexicales et des tours de phrase); ▪ des règles de congruence (adaptation des formules rituelles aux

rôles et aux relations entre participants). ▪ des règles de politesse.

Dans l’échange conversationnel, la négociation entre interactants joue un rôle essentiel, mais elle est régie par deux principes interactionnels fondamentaux que l’on peut résumer par ces consignes : “ménagez-vous les uns les autres “ et “ne vous imposez pas “, qui conduisent directement aux règles de politesse. Une nouvelle aire de recherches s’ouvre avec les études de P. BROWN & S. LEVINSON (1987) consacrées à la politesse, fondées sur les notions conjointes de face positive (l’image publique valorisante du locuteur et de son interlocuteur) et de face négative (le territoire personnel de chaque interactant). Dans toute interaction verbale il y a deux couples de faces qui se confrontent et dans le déroulement de l’échange, les interactants sont amenés à accomplir des actes potentiellement menaçant les faces négative et positives du locuteur et de son interlocuteur. Le tableau suivant présente une classification des actes de langage menaçant la face AMF (dévalorisants) fondés sur une base psycho-pragmatique : AMF positive négative du loc aveu offre excuse promesse autocritique rectification

de l’interlocuteur critique ordre accusation requête réfutation interdiction reproche conseil insulte

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L’analyse conversationnelle

Le principe cité précédemment “ménagez-vous les uns les autres“ oblige les interlocuteurs à utiliser des stratégies de politesse, à effectuer des actes valorisants, tels que le remerciement, le compliment, etc. «La politesse apparaît comme un moyen de concilier le désir mutuel de préservation des faces avec le fait que la plupart des actes de langage sont potentiellement menaçants pour telle ou telle de ces mêmes faces» (C.KERBRAT-

ORECCHIONI, 1996: 53). Dans les échanges conversationnels il existe deux formes de manifestation de la politesse:

la politesse négative qui consiste à éviter un AMF ou à adoucir cet acte

la politesse positive qui implique la construction d’interventions polies.

La politesse se traduit par des formes plus ou moins ritualisées, contenues dans tous les manuels de savoir vivre et qui représentent un riche arsenal d’expressions que les langues mettent à la disposition des locuteurs. Les interventions “polies” contiennent plusieurs types de procédés “substitutifs de la figuration“. Le concept de figuration désigne tout ce qu’entreprend une personne pour que ces actions ne fassent perdre la face à personne. On distingue deux stratégies de politesse négative :l’évitement et la réparation (E.GOFFMAN, 1974: 15 sqq.)

Dans la bibliographie de la question (C.KERBRAT-ORECCHIONI, 1992 et 1996 passim) on présente en détail ces procédés, dans les actes agressifs par leur essence comme la critique, la requête etc. Parmi les procédés réparateurs les plus fréquents on peut signaler:

▪ les adoucisseurs qui peuvent être de nature paraverbale ou verbale C’est surtout dans le domaine des actes de langage qui menacent la

face négative (requête, ordre) que s’est développée une stratégie interactionnelle qui se manifeste linguistiquement par un riche inventaire de procédés, le choix de l’un ou de l’autre des procédés étant déterminé par les exigences de clarté et de ménagement du territoire de l’autre qui gouvernent l’échange conversationnel. Les stratégies auxquelles le locuteur fait le plus souvent appel sont des moyens indirects, parmi lesquels il faut rappeler en premier lieu l’interrogation considérée comme un adoucisseur dans la

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mesure où elle laisse une liberté de choix à l’interlocuteur quant à la réponse à la sollicitation qui lui est adressée. La présence du conditionnel et de la négation dans ces interrogatives de la requête vient atténuer encore l’agressivité de l’acte:

Peux-tu / pourrais-tu / ne pourrais-tu pas m’aider un peu? Tu veux (bien) / tu ne voudrais pas m’aider? Tu veux bien nous faire du café? De même, la réfutation qui est un AMF positive de l’interlocuteur,

peut prendre la forme d’une question: Tu crois vraiment que ...? Ne pourrait-on pas plutôt dire que ...? (in C.KERBRAT-ORECCHIONI, 1992: 203) Il existe un grand nombre d’énoncés préparatoires interrogatifs, dont

le rôle est d’atténuer ce qui pourrait être considéré comme une atteinte portée à la face négative de l’interlocuteur par cette incursion du territoire personnel qu’est la requête:

Tu peux me rendre un petit service ? Je peux te demander quelque chose ? Vous avez un moment?

L’adoucissement d’un reproche peut revêtir la forme d’une question –appel de confirmation: Vous avez oublié, je suppose? Les questions partielles, plus pressantes par leur nature même, sont souvent remplacées par des questions totales qui permettent au questionné d’éviter une réponse précise: Vous partez déjà? est plus poli que: Pourquoi partez-vous?

Une question totale portant sur le savoir du questionné apparaît comme plus polie car elle laisse à l’interlocuteur la liberté d’avouer son ignorance, s’il ne veut pas répondre: Savez-vous si le directeur est là?

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L’analyse conversationnelle

Les différents désactualisateurs modaux (le conditionnel), temporels (le passé de politesse), personnels (l`emploi du pronom on) s`inscrivent parmi ces moyens dont le rôle est d`adoucir un acte menaçant. Les adoucisseurs ont leur pendant négatif , les durcisseurs, qui ne sont pas employés dans le cadre des relations normales entre individus: les impératifs directs, des additifs adverbiaux qui accompagnent l’ordre: Tais-toi pour une fois! Va voir si j’y suis! Apporte-moi cette lettre et plus vite que ça! ▪ les désarmeurs destinés à prévenir une réaction négative de la part de celui à qui on adresse une requête; ce sont en général des formules introductives, des pré-séquences conversationnelles : Je ne voudrais pas insister / vous importuner mais ... Ça m’ennuie de te déranger mais ... ▪ les amadoueurs qui ont le rôle de “dorer la pilule” et d’obtenir une réaction favorable par la flatterie: Toi qui sais tout, dis-moi ... Sois gentil et ... Pourriez-vous avoir l’extrême gentillesse de ... Lucie, mon cœur, veux-tu être assez gentille pour voir s’il ne

reste pas un peu d’alcool? (Butor)

▪ la minimisation, procédé par lequel on vise à réduire la menace de l’acte et convaincre du fait que satisfaire la sollicitation exprimée ne demande pas un coût trop élevé. Elle se réalise le plus souvent par des morphèmes rapetissants petit, peu, deux, quelques : Tu peux me donner un petit coup de main ?

Je peux te faire une petite remarque ? Si tu as deux minutes... Ce ne sera pas long. Juste quelques instants.

▪ la litote. figure de rhétorique qui consiste à faire entendre le plus en disant le moins, fonctionne comme un atténuateur d’une requête :

J’aimerais autant que vous ne fumiez pas. (“je préférerais nettement que vous ne fumiez pas “)

(in C.Kerbrat-Orecchioni)

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Eléments de pragmatique linguistique

▪ la négation est un autre moyen indirect destiné à atténuer l’agressivité d’une demande: Tu n’as pas un peu de coton?

Souvent, la négation se combine avec le conditionel: Vous ne connaîtriez pas un petit hôtel pas trop cher? Vous ne voudriez pas donner un peu de lumière? L’exploitation des valeurs modales des diverses formes verbales est un réservoir de procédés largement mis à profit par le locuteur qui vise à réparer le dommage causé par un AMF. L’usage atténuatif des formes temporelles est un dispositif énonciatif mis en œuvre pour instaurer des relation interpersonnelles de coopération: Le conditionnel, “variante adoucissante de l’indicatif” apparaît très fréquemment dans des interventions comme un élément réparateur: J’aimerais vous poser deux ou trois questions. Toi qui vas à Lyon, ne pourrais-tu pas demander au docteur

quelques renseignements sur sa méthode? (Romains) Le futur peut lui aussi remplir cette fonction d’atténuateur: Je vous demanderai de m’écouter un instant.

On emploie également le futur pour atténuer un acte automenaçant: Je vous avouerai que je n’ai pas eu le courage de lui dire la

vérité. L’imparfait fonctionne dans des énoncés à la première personne comme un adoucisseur d’un AMF par sa nature même tel la requête. Ces énoncés engagent un verbe modal (désirer, demander, souhaiter, vouloir etc.). Cette capacité d’ ”euphémisation” est fondée sur la nature aspectuelle de l’imparfait qui désigne un procès qu’on ne ferme pas sur sa droite et qui peut se poursuivre jusqu’au moment de l’énonciation: Je désirais vous parler.

Je voulais vous demander d’intervenir en ma faveur. Les actes anti-menaçants (accord, invitation, compliment, félicitations, remerciement) relèvent de la politesse positive (C.KERBRAT-

ORECCHIONI, 1992: 1992: 227 sqq.). La forme privilégiée que prend la politesse positive est le compliment, acte anti-menaçant par excellence dont

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L’analyse conversationnelle

le rôle est de “flatter” la face positive, le narcissisme de l’interlocuteur (C.KERBRAT-ORECCHIONI, 1994: 199 sqq.). L’échange complimenteur revêt la forme prototypique de la paire adjacente constitué d’une intervention initiative, le compliment et d’une intervention réactive, la réponse au compliment. Défini comme une assertion évaluative positive, le compliment se réalise linguistiquement par des énoncés le plus souvent stéréotypes, dans leur grande majorité centrés autour d’un adjectif axiologique (beau, joli, super,génial, chic etc.), mais il existe aussi des énoncés à base verbale ou nominale :

- Vous avez une robe ravissante. - Voue êtes gentil. (Butor) Cher ami, quelle gentillesse de vous être dérangé, vous

n’auriez pas dû. (Butor) J’aime votre nouvelle robe. Elle vous va à merveille

L’offre est un acte complexe qui met en œuvre les deux types de politesse négative, pour autant qu’il a une composante menaçante – l’intrusion dans le territoire de l’autre – et une composante anti-menaçante – le désir de se montrer favorable aux intérêts de l’interlocuteur. Aussi les moyens linguistiques dont on se sert dans ce cas seront-ils des moyens indirects, principalement l’interrogation impliquant des verbes modaux (pouvoir,vouloir):

Que puis-je pour vous? “Je vous offre mon aide, mes services“

Puis-je vous offrir quelque chose à boire? Je vous ai chauffé du lait, voulez-vous en boire? Dans certains autres cas, on se sert d’énoncés stéréotypes

interrogatifs au conditionnel et à la forme négative,qui fonctionnent comme des adoucisseurs:

Que diriez-vous d’une promenade dans les bois? Ça ne vous dirait rien de ...? Ça te dirait de ...?

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Eléments de pragmatique linguistique

Le français se sert aussi d’une conditionnelle interrogative qui laisse à l’inter-locuteur la liberté de refuser la proposition:

Si l’on faisait une promenade? À la différence de la politesse négative qui fait appel à des moyens indirects, la politesse positive implique des procédés explicites des éléments axiologiques positifs, des intensifieurs et un grand nombre d’énoncés tout faits qui peuvent varier d’une culture à l’autre, mais la politesse en tant que phénomène psycho-social n’en reste pas moins un fait universel.

Jeu mimétique / jeu agonal

Les rapports entre participants à un échange verbal se déroulent sous le signe de l’entente ou sous le signe du désaccord. Il existe deux types de jeux, marquant chacun un type d’attitude des participants engagés dans la conversation :

le jeu mimétique correspondant à une stratégie de coopération totale fait valoir l’état judicatif identique des co-participants. Plusieurs signaux sont à la disposition de l’interlocuteur pour marquer son accord avec son co-énonciateur :

des modalisateurs du véridictoire: Vous avez parfaitement raison, Vous ne croyez pas si bien dire, Vous parlez d’or, etc.

des expressions qui marquent la conformité de vues des interlocuteurs : Nous sommes bien d’accord, Je veux bien, etc.

des modalisateurs épistémiques de la certitude: évidemment, certainement, sans doute ,signaux qui se laissent contaminer par le contexte et finissent par acquérir une valeur concessive restrictive.

le jeu agonal apparaît comme une stratégie qui met en relief les divergences qui séparent les points de vue des “joueurs”, qui peuvent prendre des formes agressives:mais, mais non, mais on peut pas dire, ah! non quand même, Tu crois pas que tu abuses un peu?, Tu rigoles ou quoi ?

L’adhésion / le refus d’adhésion peut être incident(e) soit au dire: Vous dites vrai, Vous ne croyez pas si bien dire? / Vous vous trompez du

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L’analyse conversationnelle

tout au tout, Vous vous fourrez le doigt dans l’oeil (jusqu’au coude), soit au dit .C’est vrai / C’est faux. Entre les deux attitudes extrêmes mentionnées, l’adhésion sans réserve et le refus brutal du locuteur, il existe un vaste espace intermédiaire où vient s’inscrire l’attitude plus moins réservée du locuteur, attitude toute d’incertitude, d’hésitations, de réticences, d’atténuations à l’égard du dire ou du dit de l’autre: adhésion adhésion adhésion refus d’adhésion refus d’adhésion → réservée → partielle → atténué → direct, brutal

La zone de l’adhésion restrictive est une zone profondément

modalisée où les signaux mimétiques se combinent avec les signaux du jeu agonal, combinaison qui correspond à la stratégie mixte adoptée par le locuteur. L’adhésion restrictive s’effectue selon un mouvement à deux temps :

▪ un premier temps, où le locuteur exprime son accord avec le dire / le dit de son interlocuteur où, pour des raisons de politesse, il abonde dans le sens de celui-ci;

▪ un second temps où le locuteur fait connaître sa réserve judicative, qui annule ce qu’il a admis dans le premier temps.

Cette stratégie implique le recours à des signaux appartenant à des zones opposées: a) des signaux introducteurs qui correspondent au premier temps du mouvement conversationnel et qui relèvent du jeu mimétique et b) des signaux de mise à distance marquant le second temps, caractéristiques du jeu agonal. Les signaux de l’adhésion restrictive sont des signaux de structure complexe: les signaux mimétiques connaissent un mouvement de renversement par le connecteur mais «passe-partout du jeu agonal» (D.ANDRÉ-LAROCHEBOUVY, 1984), des adversatifs : cependant, toutefois, des restrictifs: seulement, Il y a du vrai dans ce que tu dis, des modalisateurs évaluatifs: bon, bon (le plus souvent employé par antiphrase), des modalisateurs de l’incertitude :peut-être, probablement, des verbes de

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Eléments de pragmatique linguistique

sémantisme concessif: je vous concède (sur ce point), j’en conviens,je veux bien, etc. Toute combinaison d’un signal de la première série avec un signal de la deuxième série a pour résultat un énoncé d’adhésion restrictive, comme il résulte des exemples suivants: - L’argument est fort. - Fort? Mais, voyons, ça ne tient pas ... - Je sens bien que vous avez peut-être raison (Sarraute)

Je ne mets pas en doute la valeur des Fruits d’Or. C’est un beau livre, j’en conviens. Je voulais dire seulement que ce geste, justement, ce n’est peut-être pas ce que moi j’aurais choisi... pour illustrer...

(Sarraute) Une mention spéciale mérite le connecteur mais: son emploi dans un jeu agonal s’explique par le mouvement de pensée impliqué par une phrase de type ‘P mais Q‘:

«L‘expression P mais Q peut servir d’argument pour une certaine conclusion r et que la proposition Q est un argument qui annule cette conclusion. Le mouvement de pensée impliqué par une phrase affirmative de type P mais Q pourrait être paraphrasé ainsi: “Oui, P est vrai; tu aurais tendance à en conclure r; il ne faut pas, car Q (Q étant présenté comme un argument plus fort pour non-r que n’est P pour r)»(O.DUCROT et al., 1980: 97). Le même mouvement inversif s’opère par des restrictifs tels que pourtant, cependant et même, certes, certainement, sans doute, qui dans certains contextes ont une valeur concessive:

La proposition est alléchante, sans doute, mais il faut encore réfléchir.

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L’analyse conversationnelle

6.

L’intérêt manifesté par la linguistique pour les relations qui s’instaurent entre les participants à une communication verbale fait ressortir une dominante de l’évolution de toute discipline scientifique : seule la mise en question des idées habituellement admises, seule la critique des préjugés permettent de délimiter l’espace à l’intérieur duquel de nouvelles tendances se précisent. Les origines de cette nouvelle discipline qu’est la théorie de la conversation sont à rechercher dans l’ouverture de la science du langage à la dimension langagière. L’un des mérites des linguistes est d’avoir promu la conversation au point de la faire admettre parmi les disciplines de la nouvelle linguistique. Ces développements s`accompagnent de la constitution d’un appareil conceptuel spécifique. L’opposition entre les concepts avec lesquels on opérait dans une première étape de la théorie énonciative et les concepts clés fondés à partir des fonctions caractéristiques de l’interaction verbale met en lumière le changement d’optique auquel nous assistons:

▪ de la subjectivité (EGO) à l’intersubjectivité (EGO + TU) ▪ de la locution à l’interlocution ▪ de l’illocution à l’interillocution ▪ de l’appareil formel de l’énonciation aux stratégies discursives.

L’évolution de la science du langage dans le domaine de l’interaction verbale et plus particulièrement de la théorie conversationnelle n’est pas restée sans effet sur la didactique des langues vivantes. Si dans une première étape on s’intéresse aux manifestations linguistiques des actes de langage isolés, on passe, dans une deuxième étape à une étude des actes de

Conclusions

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Eléments de pragmatique linguistique

langage en séquence pour aboutir à une théorie systématique de la conversation qui, elle aussi a connu une évolution de l’analyse statique, hiérarchique et fonctionnelle, à une analyse dynamique des échanges conversationnels et des règles qui les régissent. Cette nouvelle perspective prend pour point de départ l’idée que la conversation n’est pas un objet clos, mais un objet qui se construit au fur et à mesure que l’échange se déroule. «Dans une conversation, tout bouge et tout fluctue, et les équilibres qui s’y réalisent ne sont jamais que provisoires» (C.KERBRAT-ORECCHIONI, 1996: 91).

Dans l’échange, on tient compte de la position et du statut des interactants, de leurs relations et de leurs intentions respectives. La négociation y joue un rôle très important, mais elle est régie par deux principes «ne vous imposez pas» et «ménagez-vous les uns les autres» qui débouchent sur les principes de la politesse. La linguistique élargit ainsi son champ d’investigation s’intéressant aux manifestations linguistiques de l’interlocution. La théorie des jeux s’avère une théorie très riche lorsqu’il s’agit d’analyser les situations communicatives effectives, étant beaucoup plus puissante que la théorie de la communication linéaire. Insistant sur les constantes rituelles de la conversation et sur les marqueurs linguistiques des diverses stratégies qui s’offrent au locuteur, elle trouve un champ favorisé dans l’enseigenment des langues vivantes. Les échanges conversationnels sont régis par des règles qui varient d’une culture à l’autre. Aussi une étude contrastive fondée sur la convergence des règles stratégiques et la divergence des règles tactiques serait-elle de nature à faciliter l’acquisition d’une compétence communicative. Ce n’est qu’à partir d’un jeu généralisé comportant des participants typiques, des règles connues et des résultats prévisibles que l’on pourrait bâtir la base de comparaison nécessaire à toute approche contrastive, quel que soit le domaine envisagé. La recherche contrastive devra être conduite dans l’hypothèse que le large éventail de situations particulières est réductible à des schémas généraux. Quant aux procédés utilisés dans ces diverses situations, leur caractère conventionnel, voire ritualisé, permet de dresser des inventaires parallèles qui peuvent être mis en relation d’une manière souple et non par un terme à terme rigide.

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L’analyse conversationnelle

7.

Si dans une première étape du développement de la théorie de l`énonciation, le locuteur est le seul paramètre de l`analyse, dans une perspective interactionnelle on introduit un deuxième paramètre, l`interlocuteur: la formule classique MOI-ICI-MAINTENANT devient MOI-TOI-ICI-MAINTENANT, de la locution on passe à l`interlocution, de la subjectivité à l`intersubjectivité, de l`appareil formel de l`énonciation aux stratégies discursives.

L`analyse conversationnelle est un domaine où plusieurs disciplines s`entrecroisent: la théorie de l`interaction, les disciplines psy, l`ethnologie, la philosophie analytique anglaise, la théorie des jeux de langage, l`analyse du discours, la théorie de l`énonciation, l`argumentation, la sociolinguistique.

Il existe dans la théorie de la conversation deux modèles: le modèle hiérarchique et fonctionnel (élaboré dans le cadre de l`École de Genève) et le modèle dynamique inspiré de la théorie des jeux.

La conversation est un type particulier d`interaction verbale. Les thèmes majeurs de l`analyse conversationnelle sont: la

situation communicative, la compétence communicative, la structure hiérarchique de la conversation, le caractère dynamique de la conversation.

Les principaux facteurs de la situation communicative sont: les participants, le canal, le contact psychologique, le setting physique et institutionnel, le sous-code.

Le contexte est un concept central de la théorie de la conversation. On distingue quatre types de contextes: circonstanciel (le setting - les participants, leur environnement, l`espace-temps de la communication), situationnel (contexte socio-culturel), interactionnel

Idées à retenir

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Eléments de pragmatique linguistique

(enchaînement des séquences discursives), présuppositionnel (le savoir partagé des interlocuteurs, leurs croyances, etc.).

Le schéma général des interactions langagières est la séquence d`ouverture, le corps de l`action, soumis au principe d`alternance, la séquence de clôture.

Les savoirs que le locuteur possède des mécanismes conversationnels sont désignés par les termes: maximes conversationnelles (H.P.Grice), postulats de conversation (D.Gordon & G.Lakoff), lois du discours (O.Ducrot), compétence rhétorico-pragmatique (C.Kerbrat-Orecchioni).

La théorie des maximes conversationnelles est fondée sur l`archiconcept de coopération qui commande les contributions de chaque participant et sur le concept d`implicature (exprimant la différence entre “ce qui est dit” et “ce qui est communiqué”)

Chaque participant doit observer les quatre maximes conversationnelles:de la pertinence, de la quantité, de la qualité (véridicité), de la manière (clarté).

L`idée de base de l`analyse hiérarchique et fonctionnelle de la conversation est qu`elle est organisée à partir d`un ensemble de principes: la composition hiérarchique (tout constituant de rang n est composé de constituants de rang inférieur n-1), la récursivité ( tout constituant complexe est un constituant récursif pouvant être constituant d`intervention), la composition fonctionnelle (l`échange est composé d`interventions reliées par des fonctions illocutoires, l`intervention est composée de constituants reliés par des fonctions interactives).

Les constituants disposés hiérarchiquement sont au nombre de cinq dont trois unités dialogales l`interaction, la séquence, l`échange et deux monologales: l`intervention et l`acte de langage.

La conversation est soumise à une triple série de contraintes: interactionnelles (de nature sociale), structurelles (qui agissent au niveau des interventions), d`enchaînement (qui agissent au niveau de la structure de la conversation).

La conversation apparaît comme un jeu régi par des règles constitutives, stratégiques, tactiques. Parmi ces dernières, les règles de politesse, se manifestent sous deux formes: négative (qui consiste à éviter un AMF ou à l`adoucir) ou positive (qui consiste à construire des interventions polies, compliments, félicitations).

Les rapports entre participants se déroulent sous le signe de l`entente (jeu mimétique) ou du désaccord (jeu agonal).

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L’analyse conversationnelle

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L’analyse conversationnelle

GLOSSAIRE DES PRINCIPAUX TERMES UTILISÉS EN THÉORIE DE LA CONVERSATION

ACTE DE LANGAGE

la plus petite unité monologale constituant l`intervention.

ACTE DIRECTEUR

l`acte qui donne à l`intervention sa valeur dominante.

ACTE MENAÇANT LA FACE (AMF)

acte dévalorisant effectué par le locuteur.La classification psycho-pragmatique des AMF prend pour base la notion de face: positive du locuteur: l`aveu, l`excuse. AMF négative du locuteur: l`offre, la promesse. AMF positive de l`interlocuteur: la critique, l`accusation, la réfutation, le reproche, l`insulte. AMF négative de l`interlocuteur: l`ordre, la requête, l`interdiction, le conseil.

ACTE SUBORDONNÉ acte qui appuie l`acte directeur, dans la plupart des cas un acte de justification ou d`explication

AGONAL (JEU) stratégie conversationnelle qui met en relief les divergences qui séparent les points de vue des participants à l`échange verbal.

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Eléments de pragmatique linguistique

ALTERNANCE (PRINCIPE D`)

principe de base de l`activité dialogale. L`interaction verbale se présente comme une alternance de tours de parole: chaque locuteur a le droit de garder la parole un certain temps et le devoir de la céder à son successeur, la fonction locutrice devant être occupée successivement par les participants à l`activité dialogale.

AMADOUEUR élément dont le rôle est d`obtenir une réaction favorable de l`interlocuteur par la flatterie.

ANALYSE CONVERSATIONNELLE

discipline dont les thèmes majeurs sont: la mise en place d`un modèle interprétatif de la conversation, la découverte des règles conversationnelles qui régissent l`échange.

COMPÉTENCE COMMUNICATIVE

ensemble des savoirs que le sujet parlant doit posséder sur les mécanismes discursifs. Elle inclut les règles adéquates à la situation communicative, l`aptitude à gérer les tours de parole, à ménager la face de l`autre, à articuler le verbal et le non verbal.

CONTEXTE a)– Contexte verbal ou cotexte – environnement linguistique des unités qui précèdent ou qui suivent une unité déterminée; b) – ensemble des conditions générales et particulières qui déterminent la production / réception des messages. On distingue quatre types de contextes: le contexte circonstanciel (le site) - les participants, leur environnement, l`espace- temps de l`échange, le contexte situationnel - notion culturelle qui désigne l`ensemble des conditions générales, le contexte interactionnel – l`enchaînement des séquences discursives avec la spécification des rôles interactionnels et interlocutifs, le contexte présuppositionnel – ensemble des croyances des co-participants , de leurs attentes et de leurs intentions. Le contexte

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L’analyse conversationnelle

détermine l`ensemble des choix discursifs: sélection des thèmes, des formes d`adresse, du niveau de langue employé, l`identification des significations implicites etc.

CONTRAT ou convention énonciative entre les participants à l`échange conversationnel (l`énonciateur et l`énonciataire) portant sur le statut véridictoirte du discours.

CONTRAINTES CONVERSATIONNELLES

Tout échange est soumis à une double contrainte: il impose aux participants d`une part de continuer le dialogue et d`autre part de le clore. Il existe plusieurs types de contraintes: interactionnelles (de nature sociale), structurelles (qui agissent au niveau des relations entre interventions), d`enchaînement: thématiques (il doit y avoir une unité de thème), de contenu propositionnel (le constituant réactif doit être en relation sémantique avec le constituant initiatif), illocutoires (le constituant réactif doit avoir la même force illocutoire que le constituant initiatif).

CONVERSATION a) type particulier de discours en face à face, suite d`événements langagiers dont l`ensemble est un texte oral produit collectivement par un travail collaboratif et qui consiste en une succession de tours de parole; b) toute situation d`interlocution: conversations familières, interviews, débats réunions de travail, réunions scientifiques, diplomatiques etc.

COOPÉRATION principe général qui régit les échanges verbaux conformément auquel chaque participant doit contribuer au déroulement verbal de telle manière que sa contribution corresponde aux attentes de son (ses) interlocuteur(s) en fonction du but de

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Eléments de pragmatique linguistique

l`échange et des conditions et des règles conversationnelles.

DÉSARMEUR élément conversationnel dont le rôle est de prévenir une réaction négative de la part de celui à qui on adresse une requête

DIALOGAL (DISCOURS) discours qui implique au moins deux participants qui interagissent en face à face.

DIALOGIQUE relatif au discours qui n`attend pas de réponse mais qui met en scène plusieurs voix.

DIALOGISME la nature essentiellement interactionnelle du langage qui consiste en une répartition de tout message sur deux instances énonciatives en relation actuelle.

DIALOGUE toute forme d`échange entre deux participants entre lesquels il existe un contrat énonciatif.

DURCISSEUR pendant négatif de l`adoucisseur (impératifs directs, additifs qui accompagnent un ordre.

ÉCHANGE CONVERSATIONNEL

la plus petite unité dialogale composant l`interaction, constituée de deux (ou de plusieurs) interventions. Un échange ne comprenant que deux contributions est un échange minimal. On distingue deux types essentiels d`échanges: confirmatifs, de nature rituelle, dont le rôle est de confirmer l`existence d`un lien social entre les interlocuteurs, réparateurs, qui permettent de “réparer” la menace sur la face négative de l`interlocuteur provoquée par la première intervention. Du point de vue de leur structuration interne, les échanges peuvent être linéaires (plats), croisés ou embrassés (enchâssés)

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L’analyse conversationnelle

FACE NÉGATIVE territoire personnel de chaque actant: le corps, les biens, les espaces privés, les informations intimes, sa propre parole.

FACE POSITIVE l`image publique valorisante du locuteur et de l`interlocuteur, l`image que l`on veut donner de soi.

FIGURATION tout ce que fait une personne pour que ses actions ne fassent perdre la face à personne (y compris elle-même).

IMPLICATION CONVERSATIONNELLE (IMPLICATURE)

hypothèse que l`on construit en vertu de certaines règles pour distinguer ce qui est signifié de ce qui est communiqué (suggéré), en vue de normaliser un énoncé qui est apparemment transgressif, c`est une signification que le locuteur doit assigner à un énoncé afin de le rendre compatible avec les maximes conversationnelles qu`apparemment l`interlocuteur n`a pas observées.

INFÉRENCE proposition tirée d`une autre proposition, en s`appuyant soit sur l`énoncé explicite, soit sur des informations contextuelles. En analyse conversationnelle, ce terme est réservé aux implicites pragmatiques qui dépendent d`un énoncé particulier dans un contexte particulier.

INTERACTION LANGAGIÈRE

a) toute action qui affecte (altère ou maintient les relations interpersonnelles dans la communication en face à face); b) ensemble de comportements de deux ou de plusieurs individus qui agissent les uns sur les autres en vue de provoquer une modification des connaissances ou de l`état de choses. Il existe toute une gamme d`interactions verbales: entretiens, interviews, débats, transactions de tous genres, conférences, etc. L`interaction peut être égalitaire ou non égalitaire, verbale

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Eléments de pragmatique linguistique

ou non verbale et elle met en place des rôles interactionnels déterminés par un statut social stable; c) unité communicative qui présente une continuité interne de groupe de participants, de site, de thème. Elle est constituée de séquences (blocs d`échanges cohérents du point de vue sémantico-pragmatique) et se déroule dans un cadre qui implique des données externes (contextuelles) et des données internes.

INTERLOCUTION communication orale en face à face qui implique des rôles interlocutifs qui se trouvent sous la dominance de la situation communicative.

LOIS DU DISCOURS règles, culturellement variables, que chacun des participants présume que l`interlocuteur respecte quand il est engagé dans l`échange verbal et qui relèvent du principe général de coopération. Ces règles sont désignées aussi par les termes de maximes conversationnelles (Grice) ou postulats de conversation (Gordon & Lakoff). En dehors de ce principe général il existe des lois plus spécifiques (Ducrot) telles que la loi d`informativité (ne pas parler pour ne rien dire, ne pas dire ce que l`interlocuteur connaît déjà), la loi de l`exhaustivité de l`information qui exige que le locuteur donne sur le thème dont il parle, les renseignements les plus forts qu`il possède et qui peuvent intéresser l`interlocuteur, la loi d`intérêt conformément à laquelle le locuteur doit intéresser son interlocuteur, la loi de modalité qui exige que le locuteur soit clair et économe dans ses formulations, etc. Il existe aussi des lois qui portent sur le code des convenances qui régissent le comportement du locuteur vis-à-vis de son interlocuteur (ne pas être agressif, moqueur, ne pas monopoliser la parole), ainsi

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L’analyse conversationnelle

que des règles qui prescrivent au locuteur de ne pas mettre en péril sa propre face (être obséquieux, trop prétentieux, etc.). Ces lois ne sont pas propres à la conversation, elles ont un caractère plus large et varient en fonction du genre de discours et des cultures.

MAXIMES CONVERSATIONNELLES

règles qui doivent être observées par les participants à l`échange conversationnel. On distingue quatre maximes conversationnelles (Grice): maxime de pertinence, de la relation (la contribution doit répondre à une attente d`information), maxime de qualité (la contribution doit être véridique), de quantité (la contribution doit être aussi informative qu`il est requis et pas plus), de manière (la contribution doit être claire)

MIMETIQUE (JEU) stratégie de coopération totale qui met en relief l`état judicatif identique des co-participants.

MINIMISATION procédé par lequel on vise à réduire la menace de l`acte en diminuant le coût de la sollicitation (petit, peu, deux, quelques, etc.).

MODELE HIÉRARCHIQUE DE LA CONVERSATION

modèle qui stipule que la conversation est organisée de constituants ou rangs disposés hiérarchiquement suivant un principe de composition: tout constituant de rang n est composé de constituants de rang n-1. On distingue 5 constituants: 3 unités dialogales: la conversation, unité communicative de rang supérieur, la séquence (bloc d`échanges), l`échange (la plus petite unité dialogale) et deux unités monologales l`intervention, unité produite par un seul et même locuteur et l`acte de langage la plus petite unité monologale constituant l`intervention.

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Eléments de pragmatique linguistique

MONOLOGAL (DISCOURS)

qui implique un seul participant.

MONOLOGIQUE un discours qui revêt plusieurs formes: un discours adressé à soi-même, un discours sans alternance conversationnelle, un texte écrit (le locuteur n`est pas en contact direct avec l`interlocuteur/ les interlocuteurs).

NÉGOCIATION action visant à obtenir ou à garder le tour de parole; elle peut être explicite, réalisée par un énoncé métacommunicatif (Laisse-moi parler! Je n`ai pas fini, etc.) ou implicite par l`emploi de diverses stratégies.

PAIRE ADJACENTE échange constitué de deux interventions, la première initiative, la seconde réactive formé, dans la plupart des cas, du couple question-réponse.

PARAVERBAL (MATÉRIEL)

ensemble de traits qui entourent l`expression linguistique (hauteur, timbre, intensité articulatoire, débit, pauses, rapidité des enchaînements).

PARTICIPANTS personnes qui participent à l`échange conversationnel. Les paramètres de leur analyse sont: leur nombre, leurs caractéristiques individuelles (âge, sexe, profession, statut, traits de caractère), leurs relations mutuelles. Il existe quatre types de participants: a) de plein droit (membres de la famille), b) légitimes (collègues, amis, relations), c) autorisés (situation définie par nécessité), d) improbables (inconnus).

PARTICIPATIF (CADRE) cadre communicatif impliquant un émetteur, un ou plusieurs récepteur(s).

PLACE identité des partenaires du discours.

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L’analyse conversationnelle

POLITESSE ensemble des aspects du discours régis par des règles ayant pour fonction de préserver l`harmonie des relations interpersonnelles, Cette conception est fondée sur la notion de face. La politesse négative est de nature abstentionniste ou compensatoire et consiste à éviter un AMF en utilisant des adoucisseurs qui peuvent être de nature paraverbale ou verbale. Dans ce dernier cas, ce sont soit des substituts soit des accompagnateurs. Parmi les premiers, il faut retenir les différents désactualisateurs modaux (le conditionnel), temporels (le passé de politesse) ou personnels (l`emploi du pronom on), ainsi que des figures comme l`euphémisme ou la litote. La politesse positive implique la construction d`interventions polies (compliments, etc.).

POSITION HAUTE position occupée par le locuteur lorsqu`il accomplit un acte menaçant la face négative (ordre, interdiction, autorisation, conseil) ou la face positive de l`interlocuteur (critique, accusation, reproche).

POSITION BASSE position occupée par l`interlocuteur lorsqu`il subit un acte menaçant la face ou lorsqu`il produit un AMF sa propre face (excuse, aveu, retractation, auto-critique).

POSTULATS DE CONVERSATION

principes de conversation que les participants doivent observer, conditions qu`ils doivent satisfaire pour assurer un échange normal et efficace: condition de sincérité (le locuteur affirme ce qu`il croit être vrai), de raisonnabilité (le locuteur a une raison d`affirmer ce qu`il affirme).

RÈGLES CONVERSATIONNELLES

règles qui régissent les pratiques conversationnelles: règles qui permettent les alternances des tours de parole (prendre, garder, passer la parole), règles qui commandent l`organisation structurale de l`interaction, règles qui interviennent au

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Eléments de pragmatique linguistique

niveau des relations interpersonnelles. La conversation est un “jeu” régi par trois types de règles: les règles constitutives, qui fondent le jeu et spécifient le nombre des joueurs, l`espace et la durée, le thème, les tours de paroles, ainsi que les signaux de coopération, les règles stratégiques spécifiques (stratégies d`abordage et d`ouverture, d`écoute, d`enchaînement, de clôture), les règles tactiques (de co-occurrence de nature linguistique, de congruence, de politesse)

RÉSOLUTION positive stratégie qui consiste à choisir l`alternative de clore le dialogue; la résolution est satisfaisante si elle se fait sur une intervention co-orientée et non satisafaisante si elle se fait sur une intervention anti-orientée La résolution est dite négative si l`on vise à poursuivre le dialogue, elle peut être locale si la poursuite donne lieu à une clôture et globale si la clôture co-orientée ne se réalise pas.

RÔLE INTERLOCUTIF rôle de locuteur ou d`interlocuteur que chaque participant à un échange occupe successivement.

RÔLE INTERACTIONNEL

rôle stable rattaché au statut social d`un participant à un échange: médecin – malade, professeur – élève, vendeur – client, expert – consultant intervieweur – interviewé, etc.

SÉQUENCE bloc d`échanges traitant d`un même thème avec le même but conversationnel; les séquences d`ouverture et de clôture encadrent les séquences centrales (le corps de l`intervention); les séquences liminaires (pré-séquences) sont ritualisées: excuses et justifications de départ, bilan positif de la rencontre, remerciements, vœux, salutations, etc.).

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L’analyse conversationnelle

SETTING (ou SITE) cadre spatio-temporel de la communication. On distingue le setting physique (l`entourage) et le setting institutionnel (église, tribunal, école, etc.).

SITUATION COMMUNICATIVE

ensemble complexe constitué de deux composantes principales: a) - l`environnement physique, les circonstances spatio-temporelles ou mini-situation communicative b) - l`ensemble des conditions générales ou maxi-situation communicative. Les facteurs principaux: les participants, le contact physique (le canal), le contact psychologique, le setting physique, le setting psychologique, le setting institutionnel, le sous-code linguistique (la variété de langue).

SYNCHRONISATION INTERACTIONNELLE

l`ensemble des mécanismes d`ajustement auxquels les participants ont recours pour assurer l`efficacité de l`interaction – multiplication des éléments phatiques; les négociations peuvent se dérouler de façon consensuelle (v. jeu mimétique) ou conflictuelle (v. jeu agonal).