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Date : 20/05/2019 Heure : 15:13:18 Journaliste : Guillaume Lecompte- Boinet www.usinenouvelle.com Pays : France Dynamisme : 0 Page 1/4 Visualiser l'article Les écoles d'ingénieurs forment (aussi) leurs étudiants aux "savoir- être" Les entreprises veulent de jeunes ingénieurs capables mener des équipes pluridisciplinaires. Les formations au savoir-être sont devenues un passage obligé. Des cours de théâtre ou de danse, en plus des maths, pour développer les "soft skills" des étudiants : les écoles d'ingénieurs s'y mettent. "Lorsque j’ai décidé de devenir ingénieur, je m’imaginais développeur, un peu geek, caché derrière un ordi. Aujourd’hui, je suis consultant, en contact permanent avec des clients" , lance Benjamin Guichard, 24 ans et bientôt diplômé de l’Efrei Paris, une école d’ingénieurs en informatique et technologies du numérique située à Villejuif (Val-de-Marne). Pour faire sortir les ingénieurs en herbe de leur coquille et leur apprendre que le monde ne se limite pas à des équations, les écoles ont dû s’adapter. Travail sur l’expression corporelle, ateliers de danse, de théâtre, jeux de rôle, travail collaboratif… tous les moyens sont bons ! Tous droits réservés à l'éditeur EBI-MDI 328763426

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Les écoles d'ingénieurs forment (aussi) leurs étudiants aux "savoir-être"Les entreprises veulent de jeunes ingénieurs capables mener des équipes pluridisciplinaires. Les formationsau savoir-être sont devenues un passage obligé.

Des cours de théâtre ou de danse, en plus des maths, pour développer les "soft skills" des étudiants : lesécoles d'ingénieurs s'y mettent.

"Lorsque j’ai décidé de devenir ingénieur, je m’imaginais développeur, un peu geek, caché derrière un ordi.Aujourd’hui, je suis consultant, en contact permanent avec des clients" , lance Benjamin Guichard, 24 ans etbientôt diplômé de l’Efrei Paris, une école d’ingénieurs en informatique et technologies du numérique situéeà Villejuif (Val-de-Marne).

Pour faire sortir les ingénieurs en herbe de leur coquille et leur apprendre que le monde ne se limite pas àdes équations, les écoles ont dû s’adapter. Travail sur l’expression corporelle, ateliers de danse, de théâtre,jeux de rôle, travail collaboratif… tous les moyens sont bons !

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" On s’est aperçu que nos anciens diplômés, vers l’âge de 45 ans environ, étaient limités dans leur carrièrepar une sorte de plafond de verre à cause de leur manque de culture générale ", confirme Jean Soma,le responsable du département culture et communication de l’Efrei Paris. Ce dernier a mis en place touteune série de formations dont les thèmes pourraient étonner : politesse et civisme, tolérance et engagement,démocratie… Et lorsqu’un élève se rend à l’étranger, il doit rendre à son retour "un rapport d’étonnement".L’enseignement de ces compétences non techniques – les fameuses soft skills – peut atteindre jusqu’à 30% des heures dispensées chaque année à l’Efrei Paris (langues étrangères comprises). Une part que l’onretrouve dans de nombreuses écoles.

Briser la glace

Il faut dire que les entreprises les réclament comme un préalable. Si elles ont certes besoin de jeunesingénieurs pointus techniquement, elles recherchent également des profils ayant une capacité d’adaptationet d’écoute, capables de mener des équipes pluridisciplinaires et pluriculturelles. Ces compétences sontdésormais plébiscitées par les recruteurs lors des entretiens d’embauche.

Dans son nouveau cursus, CentraleSupélec a mis en place des séminaires spécifiques sur la capacité àcommuniquer et convaincre (prise de parole en public), avec une approche transverse. " On ne sépare pasles compétences scientifiques des compétences liées au savoir-être. Au contraire, on les mixe" , expliqueValérie Ferreboeuf, la directrice de la prospective formation et recherche de CentraleSupélec. À l’École debiologie industrielle (EBI), les expériences vont encore plus loin avec des ateliers de danse et de théâtre[lire l’encadré ci-dessus]. " Ces ateliers d’impro théâtrale nous permettent de casser très vite les barrièresentre étudiants, de briser la glace et de vaincre sa timidité ; cela m’a aidé pour plancher devant un parterrede dirigeants du Medef ; ça nous sort de notre zone de confort ", estime Côme Sciard, 22 ans, qui entre encinquième année à l’EBI.

En règle générale, les étudiants en redemandent. " Les séminaires de théâtre ont été très formateurs pouraméliorer ma gestuelle et mieux poser ma voix" , lance Sacha Logoltha, étudiant en deuxième année à l’EnstaBretagne.

À Ponts ParisTech, les élèves suivent des séminaires de communication avec une troupe de comédiens durantlesquels ils apprennent à détendre leur corps et travaillent sur le souffle, le placement de la voix, réalisant desexercices en solo ou en groupe sur la prise de parole en public. "C’est une belle expérience, très positive,surtout le travail en groupe ", confirme Louis Suchier, étudiant en deuxième année. D’autres sont plus mitigés." La semaine d’ouverture sur l’environnement était intéressante ; par contre, celle consacrée à l’art ne m’apas apporté grand-chose ", lance avec franchise Étienne Saby, étudiant en deuxième année à Mines Saint-Étienne.

Parfois, une fusion entre deux écoles est une bonne occasion de renforcer l’enseignement sur lescompétences non techniques. " Lors du processus de fusion entre Centrale Paris et Supélec, avec la créationdu cursus commun, le thème des soft skills occupait une place centrale dans les demandes des entreprises", se souvient Valérie Ferreboeuf. L’IMT Atlantique, né de la fusion entre Télécom Bretagne à Brest et MinesNantes, a inclus dans son nouveau cursus un important volet soft skills, qui s’applique depuis septembre 2018à la première promo fusionnée. Il passe par des jeux de rôles, des activités sportives… Son but : que les élèvesacquièrent une douzaine de compétences : communiquer, s’engager, intégrer les enjeux environnementaux…Surtout, ils ne seront plus évalués par des devoirs écrits et notés, mais lors de mises en situation. " Nous avons

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co-construit ce cursus avec les industriels partenaires de l’école" , ajoute François de Corbière, le directeurdu département sciences sociales et gestion.

Pour mener les opérations, les écoles font appel à des compétences externes : l’Eseo, à Angers, s’estadjoint les services d’une PME spécialisée dans le coaching à base de théâtre, Scenergie, pour monter desformations au management avec des jeux de rôles. Et le travail fait avec les comédiens va bien au-delà d’unsimple exercice de prise de parole en public. L’élève devra par exemple effectuer un parcours dans un cadredonné, avec des obstacles à franchir, tout en parlant à un interlocuteur et en le regardant dans les yeux. Il doitpar ailleurs reprendre la gestuelle de cet interlocuteur. Autre exemple, l’étudiant doit prononcer une phraseavec une intonation très différente du message donné (une voix triste pour annoncer une bonne nouvelle, ouvice-versa), de façon à effacer le langage pour se concentrer sur la transmission du message. Déstabilisantpour un "matheux" ! " Nous essayons d’épauler les étudiants pour qu’ils se servent mieux de leurs émotions,de leur corps et qu’ils aient une plus grande capacité à accueillir le moment présent ", explique MarianneHenry, la fondatrice de Scenergie.

" Nous incitons aussi les élèves au bénévolat et à l’action citoyenne au travers des associations du campus" ,ajoute Jérôme Roquebert, le responsable du département Management de l’Eseo. Autre exemple, celui deTélécom ParisTech dont l’approche consiste à développer un apprentissage créatif où les élèves de premièreannée définissent eux-mêmes un projet, sur lequel ils travaillent en mode collaboratif, avec des tuteursexperts. Par ailleurs, l’école a mis en place plus de vingt thématiques soft skills, sur la gestion du stress, lemanagement en équipe…, pilotées à 90 % par des intervenants venus des entreprises. " Nous l’avons faitparce que les entreprises ont une demande forte d’ingénieurs capables d’interagir avec des Sciences-Po oudes HEC ", souligne Bertrand David, le directeur de la formation des ingénieurs.

Une version militaire

Même Polytechnique s’y est mise. La vénérable école n’oublie cependant pas sa tutelle militaire : l’un desenseignements considérés par la direction comme faisant partie des soft skills n’est autre que la formationmilitaire initiale que reçoivent les polytechniciens à leur arrivée. Quatre semaines au camp militaire de LaCourtine à apprendre le maniement d’armes, la marche au pas et quelques valeurs comme la cohésion degroupe et la solidarité. Les futurs X suivent également un stage de formation humaine, souvent effectuédans l’armée ou les services publics. Ensuite, les élèves partagent leur expérience avec toute la promo,en amphi. Par ailleurs, des questions relatives aux soft skills ont été introduites pendant la soutenance dustage en entreprises. " L’objectif de la formation humaine est d’aider les élèves à mieux se connaître en tantqu’être humain et en tant que futur cadre responsable ", souligne le lieutenant-colonel Gaillot, commandantde promotion, et qui développe les soft skills depuis deux ans. Du côté de Saclay, on reconnaît que le "produit"Polytechnique n’était peut-être plus complètement adapté aux besoins des entreprises, d’où la mission deBernard Gaillot. Par contre, il n’est pas (encore) trop question de théâtre ou de poésie pour stimuler le savoir-être des polytechniciens.

"Je n’ai plus de stress pour prendre la parole en public"Benjamin Guichard,

24 ans, jeune diplômé de l’Efrei Paris

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Quelles expériences de soft skills avez-vous connu à l’Efrei ?

Nous avons eu dès les deux premières années du cycle ingénieur des stages « non techniques » àréaliser, dans des milieux éloignés de l’industrie et des sciences. J’ai ainsi été stagiaire à Franprix et à lalibrairie parisienne Eyrolles. En parallèle, nous avons suivi les enseignements de Jean Soma [le directeurdu département culture et communication de l’Efrei Paris, ndlr]. Nous avons réalisé des entretiens avec desconsultants ou des ingénieurs sur leur parcours, et avons ensuite présenté un bilan en public.

Qu’en avez-vous tiré ?

Principalement le fait que je n’éprouve quasiment plus de stress dans la prise de parole en public. Par ailleurs,les stages en milieux non industriels, m’ont appris à mieux comprendre les besoins d’un client et les satisfaire.Et surtout, face à un désaccord avec le client, de ne pas le prendre de façon personnelle. Je suis moins «à fleur de peau » par rapport aux critiques. Il y a aussi la vie associative à l’Efrei, qui est très riche : parexemple, au travers d’une association de formation aux particuliers, qui œuvrent auprès de personnes âgéesou handicapées légères, j’ai eu l’opportunité d’enseigner. Un excellent exercice à la fois de communication,et pour synthétiser sa pensée.

Ces compétences vous serviront-elles dans votre carrière ?

Oui, j’en suis certain. Quand je suis entré en école d’ingénieurs, je me voyais plutôt « planqué » derrière unordi. Là, j’ai démarré mon premier poste dans une société de consulting où je suis en contact direct avec leclient. Ce qui m’a aussi enrichi l’esprit, c’est le stage à l’international que j’ai effectué en solo à Taïwan, dansun pays dont je connaissais ni la langue ni la culture. Ça, c’est vraiment formateur pour la débrouille et l’agilité !

L’EBI précurseurL’École de biologie industrielle a développé dès sa création en 1992 une approche soft skills sous l’égidede sa fondatrice Florence Dufour. Cette dernière, qui a longtemps pratiqué la danse et le théâtre, a très tôtl’intuition qu’un bon ingénieur « doit nourrir autant son cerveau droit, siège des émotions, que le gauche, siègede la rationalité ». Elle décide carrément la création d’une mini école de danse à l’intérieur de l’EBI. Puis c’estle lancement d’une formation à base de jeu théâtral au début des années 2000. "On travaille sur le non verbal,sur les croyances limitantes comme ”je suis nul en...”, et sur le coaching" , explique Florence Dufour. À sesyeux, ces séminaires n’ont rien d’un gadget : l’EBI fournit des jeunes ingénieurs à la pharmacie, la cosmétiqueou l’agroalimentaire, qui fabriquent des produits à fort contenu émotionnel. Des entreprises qui vont demanderà leurs jeunes ingénieurs d’être créatifs et entreprenants. Autant de qualités que l’EBI se fait fort de cultiver.

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