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Date : 22 FEV 18 Pays : France Périodicité : Hebdomadaire OJD : 7655 Page de l'article : p.1,6,7,8 Journaliste : DELPHINE LE GOFF Page 1/4 PECLERS 9575563500508 Tous droits réservés à l'éditeur

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TEnquête

j* .

LE RETOUR DES NINETIESSOCIÉTÉ Révolues depuis vingt ans, les annees 1990 reviennent sur le devant de la scène La fiction s'en inspire,

le son des nmeties est recycle par les artistes, et des marques oubliées réapparaissent en magasinLin « nostalgisme » qui touche aussi bien les quadras que les millennials.

DELPHINE LE GOFF ST®Delph neLeGoff!

ette madeleine de Proustn'est pas ovale maîs deforme rectangulaire Par-fois opaque, parfois trans-parente, elle se vendait sous

les marques TDK, BASF ou Maxell Sesbandes magnétiques avaient la fâcheusehabitude de se piendre dans les têtes delecture de I autoradio maîs l'on y gravaitreligieusement ses chansons favorites,avant, parfois, de les donner en offrandea l'être aime Si ses qualites sonorespeuvent être discutées, la cassette audione manque manifestement pas de photo-génie Avec sa grande sœur la VHS, elle faitun retour en force au cinema et dans la fietion elle sert d'argument narratif au thril-ler adolescent 13 Reasons Why diffuse surNetflix Toujours sur Netflix etplusrécemment, la serie teenage Everifthmq slickss'essaie avec plus ou moins dc bonheur al'ode aux annees 1990 elle donne a -voirdes adolescents coincés, qui décout rent ledérèglement des sens au sem du club videodu lycee caméscope Panasonic au poing

L'AVANT-INTERNET AI ere du streaming et dunumerique, il semble que les joies simplesde I analogique fassent figure de paradisperdu « Les annees 1990 sont la der-niere incarnation d'une societe pre Internet, relevé Nicolas Levy, managing partneret directeur des strategies de Marcel ParisCela confère a ceux qui les ont vécues unrapport paradoxal aux nouvelles tec/mologres un peu de nostalgie mêle a beaucoupd'émerveillement Internet et telephoneportable n'étaient encore qu'une incroyablepromesse de liberte, et pas encore une me-nace pour notre vie privee, notre santementale, ou notre securite II faut se souve-nir que la seule veritable angoisse informa-

BRUNO MARS ET CARDI B rendent hommage

a la serie ln livingColor et au new jack swing

tique a l'époque était le bug de I an 2000 »Ce ressouvenir radieux et « low-tech »s'accompagne d'un amour retrouvé pourles chemises a la Kurt Gobain, les Tamagotchi, les Bi-Bop les albums de TonAmos, les Game Boy Bruno Mars rendavec Finesse un hommage appuyé a laserie culte ln Livmg Color ainsi qu'a I an-cêtre du R&B - ce que l'on appelait dansles nmeties le « new jack swing » Parallelement alors que l'on annonce la reforma-tion des Spice Guis poui 2018 des marques que les moinsde 20 ans ne peuvent pas connaître - comme Chevignonavec sa fameuse doudoune pour gosses de riches « TogsUnlimited » - refont surfaceLe retour de flamme s'annonçait depuis quèlques anneesAujourd hui elle atteint son acmé, selon les cabinets detendances Comme I enumere Sophie Rozborski directrice

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EVERYTHING SUCKS, série teenage sur Netflix,s'essaie à une ode aux années 90.

générale déléguée de NellyRodi, « MissCreeks, Chipie, Cimarron reviennent, etdes marques comme Monki, ou Urban Out-fitters portent l'esprit des années 1990dans leur ADN. » Justement, comment endéfinir le style ? «Des néons, des palmiers,des coloris très saturés, du vert, du fuch-sia, de l'orange, du jaune... Un univers trèsfun, dans l'esprit du Dance Machine de Mo,Charly et Lulu et leurs t-shirts XXL, Ophé-lie Winter et ses platform shoes...», décritSophie Rozborski.

MINIMALISME ET EXUBÉRANCE. Selon DinahSultan, styliste chez Peclers, « autant onidentifiait clairement les autres décennies,les 50's, les 60's, les 70's et les 80's, autantles 90's sont une sorte de grand tout ! Ony trouve à la fois le minimalisme de CalvinKlein et l'exubérance de Versace. D'un côté,le Ming le plus total, les supermodels, Clau-dia Schiffer et consorts qui défilent vêtuesd'or- un show reproduit à la fashion week deMilan en2017-, de l'autre, Kate Moss et Hel-mut Lang. .. » Kappa, Fila, Sergio Tacchini,Reebok el sa fameuse « Pump » colunisejit ànouveautes linéaires. Dans le même temps,Stance et sa ligne Fraise rendent hommageaux artistes dc bip hop cultes des nine-ties, petits anges du groove partis trop tôt(Aaliyah, Notorious Big, 2Pac), et va lanceren 2018 une ligne Wu-Tang Clan, du nomdu mythique groupe East Coast des 90's.« L'esthétique Mp hop est omniprésente, parexemple via la marque de skate Palace, sou-ligne Dinah Sultan. Mais les années 1990sont foisonnantes pour toutes les musiques :le rap ainsi que l'électro, legrunge, la brit-pop, la folk... »

DES MARQUES PHARES refontsurface, telles que Umbro, VonDutch, ou Chevignon avecsa doudoune « Togs Unlimited ».

DOP fait partie des marques qui colonisentà nouveau les linéaires.

Par rapport à ses devancières, les années 1990 ont ceci departiculier que, comme l'explique Stéphane Hugon, socio-logue et fondateur d'Eranos, « elles constituent la dernièredécennie avant la rupture des années 2000, aussi bien surle plan esthétique, de l'histoire du style, de l'histoire del'art, du goût, de la pop culture. La dernière décennie quise place dans une dynamique avant-gardiste avec, encorevivace, de la confiance dans l'avenir, la nouveauté. »Mais pour ceux qui y ont vécu leur adolescence, puis y ontfait leurs humanités -comme l'auteur de cet article-, lesannées 1990, c'étaient aussi les années sida, où l'on bran-dissait constamment l'épouvantail du chômage, dans uncontexte d'attentats du GIA [Groupe islamique armé]. Pasle plus fun qui soit. Et pourtant... « Rien d'étonnant à cettenostalgie des années 90, lâche Guillaume Martin, direc-teur de la stratégie de BETC, c'est ce que les sociologuesappellent le "rebond de la double décennie", un intérêt cy-clique, dans un contexte de surconsommation, pour ce quise faisait vingt ans auparavant. Vingt ans, c'est le tempspour des adolescents de devenir des adultes nostalgiques,ou simplement de devenir parents, et d'avoir envie de par-tager avec leurs enfants ce qu'ils ont aimé plus jeunes (desparties de Mario Kart, de Street Fighterj. Des parents quise sentent un peu vieux quand ils entendent Max, l'ancienanimateur de Fun Radio, chauffer le stade de France avantles matchs... »

PUB DÉCOMPLEXÉE. Les nineties constituent aussi, rappelleGuillaume Martin, « une période bénie en termes de di-vertissement, avec des séries révolutionnaires en leurgenre: Les Simpson, Seinfeld, Sex and the City, le Princede Bel- Air, Friends, etc., dont on profitait sans interrup-tion ni arrière-pensée ». La publicite, quant à elle, était en-core pour le moins. . décomplexée, comme se souvient Ju-lien Benmoussa, directeur de la création de Buy BBDO :« Une pub comme le spot Audi, "II a la voiture, il aura lafemme" est strictement inenvisageable de rios jours ! ».La faute à une certaine insouciance ? Ou à une certaine

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forme d'inconséquence, comme le sous-entend Guillaume Martin ? « Les nine-ties symbolisent l'âge d'or d'une société deconsommation qui se reposait énormémentsur la publicité et ne se remettait pas en-core en question : peu de préoccupationsqualité et RSE dans la distribution, un sec-teur du divertissement florissant qui pro-fitait de marges généreuses sur les sup-ports physiques, des annonceurs qui, dansun contexte pré-mondialisation, communi-quaient encore tous spécifiquement pourle marché français et souvent en moss me-dia. Les agences en ont beaucoup profité àl'époque, une époque où le niveau créatif dela publicité française est monté d'un groscran, notamment grâce à des gens commePhilippe Michel ou Jean-Marie Dru... »« II n'y avait aucun indicateur de perfor-mance immédiat, il était impossible de me-surer le ROI instantané d'une campagne,souligne Nicolas Lévy. On avait admis quela pub devait travailler en priorité l'imagedes produits et des enseignes, quelle n'étaitque le premier maillon d'une longue chaînede conviction. En cela, on donnait à la foismoins d'importance et plus d'ambition à lapub. On se permettait un peu plus d'oser.Parce que le bad buzz n'existait pas. D'ail-leurs, le buzz n'existait pas non plus : JohnHegarty dit qu'à l'époque, le seul moyen desavoir si une campagne de BBH marchait,c'était quand sa tante lui en parlait le di-manche. .. »

LÉGÈRETÉ. Aujourd'hui, alors que les qua-dras revisitent leurs premiers émois, mu-sicaux, stylistiques et autres, dans un élande nostalgie immémoriale, les plus jeunescherchent sans doute à retrouver, eux aus-si, une certaine forme de légèreté. « Le"nostalgisme" devient une forme de culturepopulaire, lâche Stéphane Hugon. Alorsque de plus en plus adhèrent aux valeursde frugalité, que tout ce qui est nouveaudevient suspect, avec des dérives commel'obsolescence programmée, on ne choisitpas de revenir dans les années 1990, maisde les échantillonner et de les twister. Enreprenant le geste du sample, on crée unnouveau patrimoine, un peu "glossy". Enmettant de côté la peur de se projeter dansl'avenir. » Et en cultivant, sans le savoir,cette démarche douce-amère si propre auxnineties. L'un des hymnes de ces années-là, signé The Verve, ne s'appelait-il pas Bit-tersweet Symphony ? <>

« "20 ans", un humourédificateur et cruel»

ENTRETIEN L'irrévérencieux mensuel des années 90,« 20 ans », a marqué une génération de lectrices. IsabelleChazot, journaliste chez « Marianne », a dirigé sa rédaction.

Vous avez repris le titre en1993. Dans quel contextele magazine s'inscrivait-il ? »ISABELLE CHAZOT. La presse œ

feminine était florissante llexistait une diversite de titres,dont certains étaient presti-gieux et puissants 20 ans, pasdu tout C'était un petit journalen termes de moyens, qui souffrait d'un «déficit d'image» QuiW-tU Iassimile a la presse pour ados(populaire, fascinée par lesstars ) Plus tôt, dans les annees 1970, ,?0ansavait ete un magazine pointu, oudes gens comme Herve Guibert tenaient des chro-niques Quand j'ai pris les commandes, en 1993, letitre était en perte de vitesse et n'intéressait pasles journalistes en vue Seuls les novices et les cou-rageux venaient De mon côte, novice aussi, j'étaisattirée par les esprits atypiques, originaux, de preference non formates par les ecoles de journalisme

Des « plumes » comme Simon Libérât! etMichel Houellebecq écrivaient pour le titre...Ces personnalités n'étaient pas ou peu connues, etrétives a l'univers de lentreprise, si petite et para-doxale soit-elle Michel Houellebecq n'avait écritqu'un seul livre et Simon Liberati aucun, même sil'on peut être un romancier dans l'âme, sans avoirencore publie ll s'agissait plutôt d'amis, d'alliés avecqui je partageais une sensibilité, un ton, une visiondu monde Le rôle d'un vrai journal est de decouvriret c'accornpagner des talents, non de leur tendre lemicro seulement une fois qu'ils sont célèbres

Quelle atmosphère régnait dans la rédaction ?Agitée Aussi concentrée qu'un thmk tank, aussitapageuse qu'une boîte de nuit ou in cafe, ou vousavez des habitues, des figures, des échanges mus-cles Pour des raisons generationnelles, maîs aussiliées a mon caractère, il n'existait pas de relationshiérarchiques entre nous, même si la ligne edito-riale, elle, n'avait rien de flou, elle était même d'unerigidité quasi totalitaire1

1*«wb«? Quid de l'esthétique 20ans!

A la fois trash et raffinéeD'un côte, une iconographieun peu « camp », avec desimages vintage tirées de leurcontexte, de vieux romansphotos Scandinaves, des photosde faits divers De lautre, uneditonal tres décale, maîs aussitres écrit, tres reference, pra-tiquant un humour édificateuret cruel

Être une jeune fille de 20 ansdans les années 1990, cétait comment ?Comme aujourd'hui sans doute, les filles ayantune personnalité a contre-courant et une sensibi-lité étaient rares J'ai l'immodestie d'affirmer queces hérétiques constituaient le principal bataillondes lectrices de 20ans1 Je ne dis pas cela légè-rement nous recevions énormément de courrier,souvent des lettres incroyables Lorsque je ren-contre une ancienne lectrice (qui est souvent unlecteur), je suis épatée par le niveau ' Je retrouveun regard distance, un desenchantement et unegentillesse qui en disent long sur la tragique bêtiseactuelle qui consiste a criminaliser l'outrance ver-bale ou ecrite Cette irrévérence était notre petitlait et nous vaudrait quinze proces par numeroaujourd'hui1

Pourrait-on encore faire 20 ans aujourd'hui ?Oui, car je ne croîs pas du tout qu'mternet ait tuela presse ecrite C'est la presse ecrite qui s'estappauvrie, embourgeoisée, qui baigne dans leconformisme et une indéniable lâcheté On trouveplus de fraicheur et d'audace sur la Toile Maîs leslectrices potentielles n'ont pas disparu commepar magie noire ' Elles dédaignent des maga-zines fades, gratuits ou quasiment vendus en packavec un forfait telephone ou distribues commedes prospectus, ce qu'ils finissent par devenirDe plus, 20 ans était un journal ironique, les troisquarts étaient écrits au second degré, aujourd'hui,on nous accuserait de diffuser des fake news i