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Date : 21/27 AVRIL 16 Périodicité : Hebdomadaire OJD : 112370 Page de l'article : p.30-35 Journaliste : Anastasia Svoboda Page 1/6 FLAMMARION 5125967400504 Tous droits réservés à l'éditeur

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Depuis 2010, ce jeune Ukrainien parcelun autre regard sur la ville, il raconte ses errancesPAR ANASTASIA SVOBODA. PHOTOS : PASCAL VILA/VSD „

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Dans ce bâtiment communal due de Novyy Myr, la salle de special

accueillait les événements"nicipaux. Les sièges, le plancher, le

métal... tout a été pillé.

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TABANDON NE ME PROCUREPAS DE LA MÉLANCOLIE MAIS UN

SENTIMENT DE PAIX"MARKIYAN KAMYSH

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A Novyy Myr, de nombreusesmaisons ont conserve leurs façades

colorées. Il règne dans ce villagechampêtre une atmosphère paisible.

Malgré les ronces et la végétation,la vie s'imagine aisément

otrene pas être capabltrouver d'autre oo

que de cavaler dans lesbroussailles de la Zone", écrit

Markiyan Kamysh.

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?»:* Novyy Myr, comme"dana toute la Zone, la nature a repris

ses droits. De nombreuxanimaux, tels les loups et les

en ont fait leur domaine.

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"MON PERE, LIQUIDATEUR,EST MORT IL Y ATREIZE ANS. JE VEUX

AVANCER DANS LA TRAGÉDIE"MARKIYAN KAMYSH

e temps, ici, s'est arrêté.Et Markiyan Kamyshaime prendre le sienlorsqu'il arpente la« Zone ». « J'oublie les

I jours, j'oublie lesheures », confie-t-il, as-sis sur la route princi-

pale qui traverse la zone d'exclusion deTchernobyl, seulement éclairée par lesétoiles. À 27 ans, le jeune Ukrainien se définitcomme un flâneur clandestin et considère laZone comme son « lieu de détente. Il faut y pas-ser beaucoup de temps pour ressentir son atmos-phère paisible, presque zen ». Depuis 2010, ilparcourt illégalement ces espaces à l'abandon.Plus de 7000 km en une soixantaine d'expé-ditions que ce diplôme en histoire, devenuécrivain, retrace avec poésie dans un livre*, afind'offrir un autre regard sur Tchernobyl.Le 26 avril 1986, à I h 23, le réacteur 4 de lacentrale Lénine explose, provoquant l'une desplus grandes catastrophes nucléaires de l'His-toire et l'évacuation de 116 000 habitants dansun rayon de 30 km. La région de Polésie, près

de la frontière biélorusse, est amputée de2600 km2. Depuis, la Zone, interdite et sur-veillée, est devenue un fantasme postapoca-lyptique.« Jenevoulais pas deee postcatastro-phisme, de ce complexe de victimisation siprésent dans l'histoire ukrainienne », justifieMarkiyan. Les autorités estiment que cinqmillions d'Ukrainiens, de Biélorusses et deRusses ont été affectés par l'accident SelonGreenpeace, il serait à l'origine de 100000 à400000 morts. «Jenedansepassurles tombes,insiste Markiyan. La catastrophe a touché mafamille. Mon père, physicien nucléaire, étaitliquidateur, volontaire pour aller sur le toit duréacteur 4. Ça a détruit sa santé. ll est mort Hya treize ans. Mais on ne peut pas pleurer toutesa vie. Je veux avancer dans la tragédie. »En 2010, pour la première fois, le jeunehomme est donc entré dans la zone interdite,une décision qu'il qualifie dv irrationnelle ».Au cours de ses errances, solitaires ou enbande, il a réveillonné à la vodka dans desmaisons détruites, admiré le coucher de soleilsur les toits, vogué en bateau gonflable sur lebassin de refroidissement de la centrale, esca-

lade les antennes de transmission soviétiques,pris du LSD face aux fresques de l'église de |Krasno, choisi sa datcha dans le village de ILoubyanka... Sans jamais se souder des 'risques liés aux radiations ? « On en reçoit unedose plus importante durant un vol Paris-Kiev ! » assure l'auteur.Cette nuit d'avril, il entre dans la Zone parl'ouest, non loin de la ville de Poliské. Avec unGPS, il marche trois heures dans l'obscurité,avant de poser son sac de couchage sur lesrestes d'un lit dans le village de Varovytchi, àIS km de la centrale. Dans la lumière doréedu petit matin, le chant des oiseaux marquele début de son exploration. Loin des clichésde laville de Pripyat, à 3 km de la centrale. Sesimmeubles et son parc d'attractions qui voientdéfiler chaque année 8 000 touristes officiels,au grand désespoir de Markiyan. «Dans cettezone d'exclusion, il n'y a pas beaucoup d'exclu-sivité, plaisante celui qui chérit les bourgadesisolées. L'abandon ne me procure pas de lamélancolie mais un sentiment de paix. »Entre les maisons que le poids de la neigemenace d'écraser chaque hiver, Varovytchiaccueillait un marché et une petite usine. Àl'écart, des étables fleurent encore les bovins.Un chemin pavé, souvenir de l'empire russe,mène au panneau rouille de Novyy Myr. Une

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vision de fin du monde dans un village dontle nom signifie « renouveau ». Face auxbicoques champêtres et colorées de la rueLénine, les jardins coquets s'imaginentaisément derrière ce qu'il reste de clôtures.Certaines fenêtres, aux jolis cadres travaillés,sont barricadées. « Les propriétaires signi-fiaient ainsi qu'ils reviendraient, puisque lesSoviétiques assuraient que l'évacuation seraittemporaire », précise Markiyan. Une centainede personnes âgées se seraient ainsi réinstal-lées. Selon Markiyan, « de 6000 à 8000per-sonnes » - ouvriers sécurisant la centrale quiattend un nouveau sarcophage, policiers, mi-litaires, gardes forestiers - travaillent encoredans la Zone. Métallos et braconniers jouentaussi les pillards depuis trente ans.Un pont hors d'âge conduit à Stars Roudnya,où la végétation a tout envahi. Dans la Zone,la nature a repris ses droits. Daims, chevreuils,sangliers et loups en ont fait leur domaine.« J'ai même croisé un lynx ! » certifie Mar-kiyan, face à un monument à la gloire desmorts soviétiques de la Seconde Guerre mon-diale. Les décombres d'un arrêt de bus aux

lettres orange marquent l'amvée à Vesnyané.Dans la baraque en rondins où il s'accordeune pause, Markiyan contemple ses chaus-settes pétrifiées, traces de son dernier passage.Ces foyers sont aussi peuples d'instants de viebien plus anciens. Poupées, vaisselle, photosde famille et cartes postales émergent desdébris de murs. La maison de la cultureregorge d'ouvrages de propagande marxiste.Ces morceaux de passé créent une étrangesensation lorsqu'il faut revenir au « conti-nent ». « On se sent comme hors du monde, endécalage », décrit Markiyan, célébrant « laliberté comme valeur la plus essentielle pourconstruire la jeunesse ». S'ils étaient unesoixantaine il y a six. ans, les clandestins commelui sont de moins en moins nombreux. « LaZone fuse, explique-t-il. Particulièrement lanuit, dans les ténèbres de la forêt, lorsqu'il faut

Pjouer au chat et à la souris avec lesgardes (voir encadré). Le prix àpayer pour redonner vie à cesmystérieuses cités mortes. A. S.(*) « La Zone », éd. Arthaud, 192

. pages, 16 €.

AU CŒUR DE LA ZONENotre reportage, illégal • uneexperience hors norme.

Une expédition clandestine, ça se mérite.A deux heures de Kiev, nous sommesdéposés en pleine nuit par un

chauffeur de confiance (la délation est monnaiecourante, ici) et entrons dans la Zonesans même enjamber un barbelé. Dormir dansune maison abandonnée et découvrir cesvillages vides est fascinant, au point d'en oublierles radiations. Markiyan est attentif aumoindre bruit suspect, aux traces de vehicule.Apres 60 km de marche (en pres de vingt-quatre heures), nous entamons le retour, épuises.A minuit, nous sommes repéres par desgardes. Encerclés, nous passons quatre heurestapis dans la forêt, grelottant sous la pluie,avant de fuir à travers des arbres tombés dansles marais. Opération commando réussie.Uarkiyan résume « C'est ça, la ZoneLe paradis et l'enfer. » A.S,