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Les Presses de l’Université de Montréal Pactes faustiens L’hybridation des genres musicaux après Romitelli VOLUME 24 NUMÉRO 3 (2014)

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    Les Presses de l’Université de Montréal

    Pactes faustiens L’hybridation des genres musicaux après Romitelli

    vOlUME 24 NUMéRO 3 (2014)

    ISSN 1183-1693ISBN 978-2-7606-3468-8

    www.revuecircuit.ca 18 $

    Introduction sous le signe de la guitare électrique

    Jonathan Goldman

    Fausto Romitelli en son temps

    Martin Kaltenecker

    Chute libre : souvenirs et remarques sur mon travail avec Fausto Romitelli

    Jean-Luc Plouvier

    La saturation, métaphore pour la composition ?

    Pierre Rigaudière

    What Becomes of the Avant-Guarded? New Music as Subculture

    Martin Iddon

    enquête

    Trajectoire d’une connexion : Romitelli/Montréal

    Maxime McKinley

    document

    La création de Lost (1997) de Fausto Romitelli par le Nouvel Ensemble Moderne (nem), extrait du programme

    exclusivité web

    Feedback

    Une œuvre de Sylvain Pohu

    actualités

    Créé dans LeVivier

    Cléo Palacio-Quintin

    Ivan Wyschnegradsky. Libération du son : écrits 1916-1979, textes réunis, présentés et annotés par Pascale Criton

    Compte rendu de Sharon Kanach

    TACET, no 1 (novembre 2011), no 2 (décembre 2012), no 3 (avril 2014)

    Compte rendu d’Éric Legendre

    Nouveautés en bref

    Cléo Palacio-Quintin

    Chez un Fausto Romitelli (1963-2004), compositeur franco-italien disparu trop tôt il y a de cela déjà dix ans, à l’âge de 41 ans, la culture populaire (le rock ou la bande dessinée) est un horizon inébranlable à partir duquel il construit son univers inouï. Comme la plupart des auteurs de ce numéro l’affirment, le rock ne sert pas tant de modèle sonore à sa musique […], mais plutôt de modèle éthique […]. En cela, l’attitude de Romitelli nous rappelle, malgré toutes les différences, celle d’un autre révolté insolite : Frank Zappa.

    jonathan goldman

    Chez Romitelli, le corps est ménagé, ou stimulé, et non pas recomposé. L’élargissement des « portes de la perception » (Aldous Huxley) s’opère par allusion à la drogue (Professor Bad Trip), mettant en scène un corps flottant, immobile ou qui se perd (Lost, Flowing Down Too Slow, titre repris des Pink Floyd, EnTrance qui superpose l’idée d’initiation et de transe, nell’alto dei giorni immobili…).

    martin k altenecker

    Romitelli était une personnalité cordiale, drôle et inquiète, qui comptait beau-coup d’amis et quelques ennemis. Il parlait fort comme seuls le font les timides, en levant le menton pour vous écouter d’un peu haut, et lançait à l’occasion des jugements péremptoires : c’est génial, c’est dégueulasse. Sa culture vaste et raffinée s’était souplement incorporée à son caractère, il n’en exhibait jamais les signes visibles et, comme les surréalistes autrefois, cherchait plutôt les traces du bouleversant dans les marges ; comme dans les bandes dessinées pop de Gianluca Lerici, d’un style « nouille » dont il raffolait.

    jean -luc plouvier

    Fausto Romitelli, 2001 (© Casa Ricordi, Milan).

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  • CIRCUITM U S I Q U E S C O N T E M P O R A I N E S

    Cette revue est dénommée CIRCUIT en hommage à Serge Garant (1929-1986), figure majeure de la musique au Québec et compositeur de trois œuvres portant ce titre.

    Rédacteur en chef et directeur généralJonathan Goldman

    Direction administrativeÉric Legendre

    Secrétariat de rédactionSolenn Hellégouarch

    Comité de rédactionFrançois-Xavier Féron (CNRS-LaBRI, France)Nathalie Fernando (Université de Montréal)Jonathan Goldman (Université de Montréal)Sharon Kanach (Centre Iannis Xenakis, Université de Rouen, France)Jimmie LeBlanc (Québec)Maxime McKinley (Québec)Cléo Palacio-Quintin (Québec)

    Œuvre en couverture : Gianluca Lerici, Musicista, 1989. Encre de Chine sur papier, 15 × 20 cm.

    Graphisme : Yolande Martel et Gianni Caccia Révision des textes : Jeanne Lacroix (français) et Ann Rajan (anglais) Directrice de production (PUM) : Sandra Soucy

    La revue CIRCUIT est subventionnée par le Conseil des Arts de Montréal, le Conseil des arts et des lettres du Québec, le Conseil des Arts du Canada et l’Université de Montréal.

    ISSN 1183-1693 ISBN 978-2-7606-3468-8 DÉPÔT LÉGAL, 4e trimestre 2014BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DU QUÉBECTous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction réservés.

    © LES PRESSES DE L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL, 2014

    La présente publication est indexée dans RILM Abstracts of Music Literature, The Music Index, Musique en revue et Ent’revues.

    Les opinions exprimées dans les articles que publie CIRCUIT n’engagent que leurs auteurs.

    La revue publie des numéros thématiques, mais toutes les suggestions sont les bienvenues. Avant d’envoyer un article, et pour toute correspondance concernant les abon ne ments ou le contenu de la revue, prière de communiquer avec :

    Circuit, musiques contemporainesFaculté de musique – Université de MontréalC.P. 6128 succ. Centre-villeMontréal (Québec) H3C 3J7

    Tél. : (514) 343-6388 Courrier électronique : [email protected]

    Avant d’être publié, chaque texte fait l’objet d’une éva-luation de la part d’évaluateurs externes et du comité de rédaction.

    Circuit est membre de la Société de développement des périodiques culturels québécois (SODEP). [email protected] – www.sodep.qc.ca

    Diffusion électronique: Érudit (www.erudit.org) Pour la vente au numéro, voyez votre libraire ou visitez :

    www.revuecircuit.ca

    Pour tout autre renseignement, voir :

    Les Presses de l'Université de Montréal3744, rue rue Jean-Brillant, Bureau 6310Montréal (Québec) H3T 1P1Tél. : (514) 343-6933Fax : (514) 343-2232Courrier électronique : [email protected]

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  • Pactes faustiensL’hybridation des genres musicaux

    après Romitelli

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  • Gianluca Lerici, Untitled, 1993. Encre de Chine sur papier, 21 × 29,7 cm.

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  • Pactes faustiens L’hybridation des genres musicaux après Romitelli

    Introduction sous le signe de la guitare électrique5 Jonathan Goldman

    Fausto Romitelli en son temps9 Martin Kaltenecker

    Chute libre : souvenirs et remarques sur mon travail avec Fausto Romitelli21 Jean-Luc Plouvier

    La saturation, métaphore pour la composition ?37 Pierre Rigaudière

    What Becomes of the Avant-Guarded? New Music as Subculture51 Martin Iddon

    enquête

    Trajectoire d’une connexion : Romitelli/Montréal69 Maxime McKinley

    document

    79 La création de Lost (1997) de Fausto Romitelli par le Nouvel Ensemble Moderne (nem), extrait du programme

    exclusivité web

    Feedback81 Une œuvre de Sylvain Pohu

    m u s i q u e s c o n t e m p o r a i n e s

    Vo l u m e 2 4 , n o 3 ( 2014 )

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  • actualités

    Créé dans LeVivier83 Cléo Palacio-Quintin

    Ivan Wyschnegradsky. Libération du son : écrits 1916-1979, textes réunis, présentés et annotés par Pascale Criton

    88 Compte rendu de Sharon Kanach

    TACET, no 1 (novembre 2011), no 2 (décembre 2012), no 3 (avril 2014)92 Compte rendu d’Éric Legendre

    Nouveautés en bref95 Cléo Palacio-Quintin

    99 Les illustrations100 Les auteurs103 Résumés/Abstracts

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    Introduction sous le signe de la guitare électriqueJ o na t han G o l dm an

    Dans l’introduction à leur ouvrage phare Western Music and its Others, Georgina Born et David Hesmondhalgh affirment sans détour que « mass culture is modernism’s other in music as in the other arts1 ». En effet, les adeptes du modernisme musical des temps « héroïques » du sérialisme de l’après-guerre tâchaient, dans leur discours comme dans leur musique, à construire un « cordon sanitaire2 » qui les isolait aussi bien de la culture de masse que des forces potentiellement corruptrices de la politique. Mais une nouvelle génération de créateurs, nés autour de 1960, fait preuve d’un rapport tout à fait différent avec la culture populaire. Chez elle, la culture populaire, incarnée par le rock, la télévision ou le cinéma, fait partie des repères cultu-rels instinctifs qui nourrissent leur production, même lorsque celle-ci ne doit rien à elle sur le plan proprement stylistique.

    Chez un Fausto Romitelli (1963-2004), compositeur franco-italien disparu trop tôt il y a de cela déjà dix ans, à l’âge de 41 ans, la culture populaire (le rock ou la bande dessinée) est un horizon inébranlable à partir duquel il construit son univers inouï. Comme la plupart des auteurs de ce numéro l’af-firment, le rock ne sert pas tant de modèle sonore à sa musique (à un élément près, la partie la plus visible de l’influence rock chez Romitelli étant l’emploi de la guitare électrique dans plusieurs œuvres-clés), mais plutôt de modèle éthique – un flashback émouvant vers l’époque où le rock était synonyme de contre-culture et s’avérait être le médium idéal pour exprimer les cris de cœur et de rage propres à la jeunesse engagée et réveillée de toutes les ères. En cela, l’attitude de Romitelli nous rappelle, malgré toutes les différences, celle d’un autre révolté insolite : Frank Zappa. Par conséquent, ce numéro constitue en quelque sorte le pendant de celui que nous avons consacré au guitariste américain en 20043.

    1. Georgina Born et David Hesmondhalgh (2000), Western Music and its Others : Difference, Representation, and Appropriation in Music, Berkeley, University of California Press, p. 16.

    2. L’expression – en français dans le texte – a été employée par Richard Taruskin (1995) dans « A Myth of the Twentieth Century : The Rite of Spring, the Tradition of the New, and “The Music Itself” », Modernism/Modernity, vol. 2, no 1, p. 6.

    3. Réjean Beaucage (rédacteur invité) (2004), Frank Zappa : 10 ans après, dossier thématique de Circuit, musiques contemporaines, vol. 14, no 3.

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    Certes, le potentiel « contre-culturel » de la musique de création ne fut que peu exploité à l’heure où les adeptes du « high modernism » sériel ou spectral revendiquaient une place au cœur même de la tradition musicale occidentale, disons, pour caricaturer, comme suite logique des œuvres de Mozart, Brahms, Debussy et les autres. Or, dès lors qu’on ne considère plus la musique contemporaine comme occupant le centre de la tradition, mais plutôt en tant que domaine périphérique sinon « ex-centrique » par rapport à celle-ci, il devient possible de confronter l’expérience des acteurs de la musique contemporaine à celle des adhérents à d’autres sous-cultures (« subcultures ») comme les « goths », « punks », « mods » ou « hippies ». C’est justement le pari de Martin Iddon, qui propose ici une ethnographie du milieu de la musique contemporaine – en fixant son attention sur ses codes de comportement, ses lieux de pèlerinage, et ses modes de construction d’identité, dans le but d’évaluer la part sous-culturelle de « notre » monde, c’est-à-dire celle de la musique contemporaine stricto sensu. C’est par ail-leurs une réflexion à laquelle le compositeur Sandeep Bhagwati s’est déjà livré à propos de l’opéra au moment de la création de son œuvre scénique Ramanujan par l’Opéra de Darmstadt en 19984. Contre-culturel et même sous-culturel, le rock l’était autour de 1968, et Romitelli véhicule cet esprit dans sa musique. Cet aspect de sa production a certainement contribué à l’attrait de celle-ci auprès d’une génération plus jeune de compositeurs nés après 1970, comme l’explique Pierre Rigaudière dans un article consacré à trois créateurs français (Franck Bedrossian, Raphaël Cendo et Yann Robin) qui se réclament de près ou de loin du courant (mouvement ? école ? tech-nique ?) dit « saturationniste ».

    Pour revenir à la musique de Romitelli, signalons que le Québec n’est pas étranger à son récit de vie : rappelons que c’était Lorraine Vaillancourt et son Nouvel Ensemble Moderne (nem), en compagnie de la soprano québécoise Marie-Annick Béliveau, qui ont créé Lost (textes de Jim Morrison) lors du stage Voix nouvelles de Royaumont (France) en 1997, tel que l’atteste le pro-gramme reproduit dans ces pages en guise de Document. Plus récemment, le jeune et dynamique ensemble montréalais La Machine a assuré la création montréalaise du triptyque Professor Bad Trip (1998-2000) en 2012. Plusieurs compositeurs et musiciens du territoire canadien, que ce soit Jean-François Laporte, Wolf Edwards, Yannick Plamondon ou Julien Bilodeau, affichent des similitudes avec l’esthétique de ce compositeur à la fois rigoureux, reven-dicateur et irrévérent. La démarche d’un compositeur/guitariste comme Sylvain Pohu nous a paru en phase avec celle de Romitelli et de sa progéni-ture artistique. Notre Exclusivité web propose ainsi une vidéo documentant

    4. Sandeep Bhagwati (1999), “Oper ist Subkultur”, in Idem, Komponieren im 21. Jahrhundert : Texte 1993-99, Graz, Institut fur Elektronische Musik (iem) an der Universität für Musik und darstellende Kunst in Graz, p. 26-34.

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    la création de Feedback (2014), œuvre pour guitare électrique et dispositif électronique inspirée du roman pugnace Fight Club de Charles Palahniuk. De plus, dans le cadre de l’Enquête de ce numéro, Maxime McKinley explore l’influence du compositeur italien sur les musiciens du Québec à travers les témoignages de Marie-Annick Béliveau, Julien Bilodeau, Jimmie LeBlanc, Jean-François Laporte, Pohu et Lorraine Vaillancourt. Chez cer-tains, le rapport d’influence est explicite et assumé. C’est le cas de Bilodeau, qui a étudié avec le compositeur à Royaumont et a composé une œuvre à sa mémoire (Kr0niKs_04, pour l’ensemble L’Itinéraire), ou de LeBlanc, qui a réalisé Perdre pied (2005-2006), un « opéra-performance » dans l’esprit du « vidéo-opéra » de Romitelli An Index of Metals (2003), œuvre ultime du compositeur italien. Chez d’autres, l’influence reste plus difficile à mesurer, mais n’est nullement moins présente.

    Si le nem a très tôt reconnu l’originalité du compositeur italien, c’est à l’ensemble belge Ictus que l’on doit bon nombre des œuvres de maturité de Romitelli. Quatre opus, parmi lesquels Professor Bad Trip : Lesson III (2000) et An Index of Metals (2003), sont ainsi nés d’une collaboration fructueuse entre le compositeur et cet ensemble, et plus particulièrement avec son directeur artistique Jean-Luc Plouvier, qui propose ici un fin examen de l’esthétique de Romitelli, ainsi qu’un témoignage sur ses collaborations déter-minantes – dont une trace durable est heureusement conservée sur le disque que l’ensemble Ictus a réalisé en 20045. Pour sa part, Martin Kaltenecker propose un texte pénétrant qui replace l’œuvre de Romitelli dans un contexte historico- esthétique caractérisé par un « paradigme prédominant du son », marqué « par les idées de continuité, de fusion sonore, de corporéité et d’écoute efficace ». Soulignons enfin que les illustrations qui ornent ce numéro habitent l’univers de la bande dessinée et sont l’œuvre du regretté dessinateur Gianluca Lerici (1963-2006), le Professor Bad Trip qui inspira l’œuvre éponyme de Fausto Romitelli.

    Dans la section des Actualités, Cléo Palacio-Quintin propose une rétros-pective des créations 2013-2014 de la série de concerts du Groupe Le Vivier, ainsi que quelques « Nouveautés en bref ». Sharon Kanach offre un compte rendu du recueil de textes Ivan Wyschnegradsky. Libération du son : écrits 1916-1979, tandis qu’Éric Legendre parcourt les pages des trois premiers numéros de la revue TACET.

    Pour conclure, signalons au passage la parution de l’ouvrage La création musicale au Québec qui propose un tour d’horizon de la création musicale depuis 50 ans à travers l’analyse de 21 œuvres de 16 compositeurs, de Serge Garant à Nicole Lizée6. Bon nombre des chapitres prennent comme point

    5. Fausto Romitelli (2003), Professor Bad Trip, ensemble Ictus, dir. Georges-Élie Octors, Cyprès CYP5620.

    6. Jonathan Goldman (dir.) (2014), La création musicale au Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal. Voir : (consulté le 15 septembre 2014).

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    de départ des articles parus dans Circuit dans la rubrique Cahier d’analyse (Jean Lesage, dir.), mais adaptés dans une optique pédagogique. Le site Internet qui accompagne le livre, hébergé par le Centre de musique cana-dienne, offre l’écoute en streaming des œuvres étudiées, ainsi que la plupart des partitions7.

    Bonne lecture !

    Montréal, septembre 2014

    7. Voir : (consulté le 15 septembre 2014).

    Gianluca Lerici, Mutante, 1997. Encre de Chine et aquarelle sur papier, 20 × 30 cm.

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    Xenia Pestova

    Shadow Piano: Music for Piano / Toy Piano & Electronics

    Innova Records / Innova 874 / 2013

    La pianiste d’origine russe Xenia Pestova1 s’est perfec-tionnée au piano en Nouvelle-Zélande, en Angleterre, aux Pays-Bas et en France, pour finalement obtenir un doctorat de l’Université McGill, à Montréal (2008). Elle dirige maintenant le département d’interprétation à l’Université de Bangor au Pays de Galles. Interprète dédiée aux compositeurs vivants, elle a commandé de multiples œuvres et réalisé de nombreuses créations, et s’intéresse particulièrement aux projets interdiscipli-naires qui intègrent les nouvelles technologies.

    Après une sortie remarquée d’un enregistrement de Mantra de Stockhausen avec Pascal Meyer (Naxos, 2010), le duo de pianistes enregistre l’œuvre complète pour deux claviers de John Cage en trois volumes (Naxos, 2013-2014). Heureusement pour nous, Xenia Pestova produit en parallèle son premier opus en solo, qui regroupe six œuvres pour piano (ou piano jouet) et électronique, composées à son intention, à l’exception de la plus ancienne qui date de 2007.

    Ce disque très personnel, et qui porte très bien son titre, s’écoute d’un seul trait, dans un superbe enchaî-nement d’œuvres qui nous dévoilent de multiples « ombres » du piano. L’interprète se meut avec flui-dité dans les diverses propositions électroacoustiques avec son sens du rythme musicalement impeccable. L’intégration des deux médiums est remarquable dans toutes les pièces.

    En explorant les modes à transposition limitée de Messiaen, les effets de miroitement créés par le com-positeur canadien Scott Wilson (On the Possibility of Reflection, 2011) s’enchâssent dans des échos numé-riques riches et colorés. Andrew Lewis s’est quant à lui inspiré d’un fragment de Gruppen de Stockhausen pour créer des variations générant différentes « ombres » du matériel original, combinées avec la lumière du piano (Schattenklavier, 2009-2010). Lou Bunk donne ses lettres de noblesse au piano jouet avec un motif minimaliste qui nous emporte progressive-ment dans un univers inattendu (Being and Becoming, 2010). Le petit piano jouet Schoenhut 379m ne souffre absolument pas de l’alternance avec le grand Steinway, tant ses sonorités de métallophone sont bien utilisées

    Nouveautés en brefC l é o P a la c io - Q uin t in

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    et mises en valeur autant dans cette pièce que dans An Wem: Notes from Underground (2007) de Derek Hurst. La combinaison avec les sons électroacoustiques coule de façon tout à fait naturelle. L’approche plus spec-trale de John Young (X, 2010), comme son titre « X » l’indique, exprime à merveille l’intersection entre les sons du piano et les sons transformés par le médium électroacoustique : une œuvre lumineuse aux textures subtiles et reflets harmoniques qui maintiennent gra-cieusement le fil conducteur de l’« ombre » présente dans tout le disque. L’enregistrement se termine avec la magnifique Fuga Interna (begin) (2012) de Katharine Norman, qui évoque avec beaucoup d’émotions les premières leçons de piano, la mémoire et la vieillesse. La voix de la compositrice énonce des brides de textes avec des effets d’échos bien dosés qui donnent des impressions de souvenirs, bercés par le jeu du piano. Cela nous emporte comme dans un rêve… plongés dans la mémoire ou le subconscient de la pianiste : un émouvant témoignage à sa mère ayant guidé ses doigts sur le piano.

    Les interprétations, tout en finesse, démontrent la fantastique maîtrise que possède Xenia Pestova de son instrument, et son indéniable affinité avec les œuvres mixtes. Son grand talent est bien soutenu par ces com-positeurs inspirés qui collent à son jeu. Il s’agit sans conteste d’un disque à cataloguer comme nouvelle réfé-rence de répertoire pour piano et électronique, et à gar-der près du lecteur pour le bonheur de le réentendre !

    Adrian Verdejo

    Modern Hearts: New Music for Electric Guitar

    Redshift / TK429 / 2014

    La guitare électrique est un instrument encore trop peu fréquemment entendu dans des contextes de musique de chambre contemporaine. Heureusement, le guitariste canadien Adrian Verdejo2 (originaire de

    Regina et maintenant établi à Vancouver) y consacre son premier disque solo, en immortalisant six œuvres pour différentes combinaisons de guitares électriques : allant du solo à l’ensemble de dix guitares, en pas-sant par un duo, un trio, et même un septet pour six guitares et une basse. Ce répertoire offre un très intéressant survol de compositeurs canadiens de plu-sieurs générations, soit : Septet (1981) de James Tenney, Modern Hearts (2008) pour guitare solo de Nicole Lizée, Nebula (2000) pour dix guitares de Jordan Nobles, gwan (2008) pour deux guitares de Scott Edward Godin et The Black Domino (1988) pour trois guitares de Rodney Sharman. En plus de ces cinq compositeurs canadiens, Verdejo interprète la fameuse pièce solo Vampyr ! (1984) de Tristan Murail.

    Les atmosphères et sonorités varient grandement d’une pièce à l’autre, en démarrant avec les instru-ments scordatura de Tenney qui superposent des timbres microtonaux et harmoniques. Lizée nous sert une œuvre aux influences indie-rock qui donne le ver-tige et les dix guitares de Nobles nous emportent dans un flottement de résonances éthérées. L’énergique

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    Vampyr ! laisse ensuite place au captivant contrepoint à deux guitares de Godin. Le disque se termine avec le court trio de palpitantes rythmiques imbriquées de Sharman. En résumé, l’écoute de ce disque nous offre une variété de textures et discours musicaux qui mettent bien en valeur l’énergie soutenue et la préci-sion technique du guitariste.

    Avec ce disque, Verdejo, que l’on sait autant virtuose sur les cordes de nylon de la guitare classique que sur les cordes métalliques amplifiées, démontre bien son parti pris pour la création. Pas étonnant que plusieurs ensembles de musique contemporaine de la région de Vancouver fassent appel à lui comme soliste et cham-briste au sein de différentes formations : un interprète à découvrir et à suivre…

    Pierre-Alexandre Tremblay

    La marée

    empreintes DIGITALes / IMED 13123-124 / 2013

    Quatrième opus solo du compositeur québécois main-tenant établi au Royaume-Uni, ce substantiel double cd regroupe cinq œuvres mixtes, composées par Pierre-Alexandre Tremblay3 entre  2007 et  2013, dans lesquelles les solistes sont en constant dialogue avec les sons électroacoustiques. Incluant des traitements en direct et des sons fixés, les systèmes interactifs du compositeur donnent toujours corps à un discours vivant et naturel. Les excellents interprètes se fondent tous avec fluidité dans ses univers sonores audacieux et diversifiés pendant plus de 80 minutes de musique.

    L’album débute par l’interprétation de la Cana-dienne Heather Roche, qui, avec sa clarinette basse, nous emporte dans quatre méditations raffinées sur nos « états métastables4 » dans La rupture inéluctable (2010-2011). Autant dans les passages plus dynamiques que dans les lentes mélopées, on ressent toujours la tension soutenue… l’impression d’être sur une ligne

    fragile… en extase au bord d’un précipice… près de 15  minutes avec l’impression de f lotter béatement en apesanteur ! Le tombeau des fondeurs (2008) met en valeur l’étrange son de cloche du piano Baschet-Malbos interprété par Sarah Nicolls. L’allégorie du fondeur de cloches est évocatrice, et tout comme lui, le compositeur sait « faire alliage, couler la forme, et peaufiner l’ébauche pour lui donner l’aura sonore rêvée », en amalgamant ses sons électroniques à ceux de ce piano particulier. L’œuvre, commandée par un des inventeurs de l’instrument, Pierre Malbos, rend un brillant hommage à « Messiaen, Stravinski, Varèse et autres fondeurs » à qui elle est dédiée. La plus récente composition Mono No Aware (2013) clôt le premier cd avec un autre instrument inventé comme soliste, cette fois la table de Babel, interprétée par son concep-teur québécois Jean-François Laporte qui a également commandé l’œuvre. Avec sa lente introduction plus sombre et plus posée – nous sommes bercés pendant plus de neuf minutes par de longues vagues, qui dis-paraissent alors pour revenir sporadiquement, transfor-mées par diverses variations –, cette pièce au matériau

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    limité expose clairement la maîtrise du compositeur de la grande forme. Il maintient notre attention pendant 17 minutes par la subtilité des textures qui colorent le parcours d’une grande ligne musicale presque mono-phonique.

    Le deuxième disque met en scène un court opéra de chambre de 14 minutes pour une chanteuse. Cette histoire « d’attente en vain, d’espoir, de doute, d’impa-tience, de haine… », Still, Again (2012-2013), est tout en contraste avec une grande variété de sons fixés qui dia-loguent énergiquement avec la voix. Cette magnifique voix chantée, parlée, onomatopée, parlée, hachurée est d’une grande versatilité et interprétée avec brio par la soprano Peyee Chen. Les sons de basse (d’une grande richesse timbrale) et de claviers, accompa-gnés de « glitch » nous transportent dans un univers qui évoque des genres musicaux populaires, intégrés ici avec intelligence et sophistication : du vrai travail d’orfèvre. La pianiste Sarah Nicolls clôt le programme au piano dans Un clou, son marteau, et le béton (2008-2009), œuvre qu’elle semble avoir commandée immé-diatement après sa première collaboration avec le

    compositeur. Ici encore, Tremblay démontre la maî-trise de son art en maintenant l’intérêt de l’auditeur pendant plus de 22 minutes. La forme, beaucoup plus complexe, alterne entre des moments énergiques et de lentes progressions de basses, d’accords ou de trilles au piano. Les sons électroniques colorent toujours le tout avec tact et subtilité, qualités manifestes également dans le jeu de la pianiste.

    Toutes les interprétations et les enregistrements sont d’une qualité irréprochable et chaque œuvre nous révèle de purs moments de grâce. En somme, ces musiques sont comme une grande marée qui nous emporte et dans laquelle nous souhaitons replonger à de multiples reprises.

    1. À propos de Xenia Pestova, voir : (consulté le 8 septembre 2014).

    2. Pour plus d’informations sur Adrian Verdejo, voir : (consulté le 8 septembre 2014).

    3. Sur Pierre-Alexandre Tremblay, voir : (consulté le 8 septembre 2014).

    4. Les citations entre guillemets sont des expressions de P. A. Tremblay tirées du livret du disque (sans pagination).

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    Les illustrations

    Gianluca Lerici

    Gianluca Lerici (1963-2006) acquiert très jeune de l’expérience en tant que concepteur de fanzine underground, en produisant un grand nombre de graphiques de mouvement, y compris des dépliants pour concerts alternatifs et des dessins pour punkzines. Lerici a fréquenté l’École d’art de Carrare et l’Académie des Beaux-Arts de la même ville, dont il est diplômé depuis 1988, en sculpture. Il a travaillé comme dessinateur et illustrateur de nombreuses couvertures de magazines de production bootleg et a diffusé son travail dans le réseau de mail-art et la presse indépendante. Lerici peint des murales dans toute l’Italie, la dernière étant La Chapelle Sixtine de l’underground (La Cappella Sistina dell’underground). En tant que graveur, il a également réalisé des xylographies, des sérigraphies sur papier et T-shirts et a publié des bandes dessinées, des dessins et des collages (Shake, Mondadori, Derive & Approdi, Fischer et Tzadik). À partir de 1993, il s’est consacré à la peinture, présentant de nombreuses expositions dans des espaces publics et privés. Dès 2003, il a réalisé des projets de design à Milan pour des expositions de niveau international (Triennale di Milano).

    En  2008, Manifesta  7  –  Biennale européenne d’art contemporain, à Bolzano (Italie), a rendu hommage à l’artiste défunt. En 2009-2010, le Centre d’art moderne et contemporain (camec) de La Spezia (Italie) a organisé une rétrospective. Plus tard, dans d’autres villes italiennes, ou européennes, de nombreuses expositions ont été également consacrées à l’artiste et son œuvre.

    Le nom d’artiste de Lerici, Professor Bad Trip, a servi de titre pour l’œuvre homonyme de Romitelli qui explore son univers pictural.

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    Jonathan Goldman

    Musicologue et rédacteur en chef de la revue Circuit, musiques contemporaines, il a fait des études de premier cycle en philo-sophie et en mathématiques à l’Université McGill, pour obtenir ensuite une maî-trise puis un doctorat en musicologie de l’Université de Montréal, en 2006, sous la direction de Jean-Jacques Nattiez. D’abord professeur adjoint d’histoire de la musique à l’Université de Victoria (Colombie-Britannique), il est professeur agrégé de musicologie à la Faculté de musique de l’Université de Montréal depuis 2013. Son ouvrage The Musical Language of Pierre Boulez : Writings and Compositions est paru aux Cambridge University Press en 2011 et lui a mérité un prix Opus dans la catégo-rie « Livre de l’année ». Jonathan Goldman est également rédacteur de la rubrique Musique du Routledge Encyclopedia of Modernism.

    Martin Iddon

    Martin Iddon est né à Manchester en 1975. Il a étudié la composition et la musicologie aux universités de Durham et Cambridge et a également suivi des cours particuliers de composition auprès de Steve Martland, Chaya Czernowin et Steven Kazuo Takasugi. Iddon a enseigné au University College Cork et à l’Université de Lancaster avant de se joindre à l’Université de Leeds en 2009 en tant que directeur de l’école de musique et professeur de musique et esthétique. Sa musique a été jouée en Amérique du Nord, en Europe et en Australasie par des

    interprètes tels que l’ensemble SurPlus, ekmeles, le Kairos Quartett, Eva Zöllner et Rei Nakamura. Son disque, pneuma, est paru en 2014. Ses livres, New Music at Darmstadt et John Cage and David Tudor ont été publiés aux Cambridge University Press.

    Martin Kaltenecker

    Martin Kaltenecker est maître de confé-rences en musicologie et enseigne à l’Université Paris Diderot. Cofondateur de la revue de musique contemporaine Entretemps (1985-1992), il a été boursier du Wissenschaftskolleg zu Berlin (2007-2008). Outre de nombreux articles sur la musique savante et l’esthétique musicale des xixe et xxe siècles, il a publié La Rumeur des Batailles (2000), Avec Helmut Lachenmann (2001) et L’Oreille divisée. Les Discours sur l’écoute musicale aux xviiie et xixe siècles (2010). Il a codirigé les ouvrages Penser l’œuvre musicale au xxe siècle : avec, sans, contre l’histoire ? (2006) et Pierre Schaeffer. Les Constructions impatientes (2012). En 2011, il a reçu la bourse d’écriture du Prix des Muses (Sacem) pour un ouvrage en cours sur les écritures mélodiques dans la musique du xxe siècle.

    Sharon Kanach

    Sharon Kanach, musicienne d’origine amé-ricaine, vit en France depuis plus de 30 ans. Elle vient d’abord à Paris pour étudier avec Nadia Boulanger, puis très vite son che-min croise celui de Iannis Xenakis, avec qui elle collabore étroitement, notamment sur

    Les auteurs

    ses écrits, à commencer par une traduc-tion en anglais de Arts/Sciences : Alliages, suivie d’une nouvelle édition augmentée de son livre capital Formalized Music, les deux pour Pendragon Press aux États-Unis. En 2006, les éditions Parenthèses publient le dernier ouvrage de Xenakis : Musique de l’architecture, réalisé en collaboration avec Sharon Kanach (paru chez Pendragon Press sous le titre Music and Architecture en 2008). Depuis, Sharon Kanach dirige pour Pendragon Press une collection entièrement consacrée à Iannis Xenakis. En 2009, elle fonde le Xenakis Project of the Americas sous les auspices prestigieux du Brook Center for Music Research and Documentation au sein du Graduate Center de la City University of New York (cuny). Depuis 2009, elle est co-vice-présidente du Centre Iannis Xenakis (anciennement ccmix, l’association fondée par Xenakis en 1985 sous le nom de Les Ateliers upic).

    Éric Legendre

    Archiviste, bibliotechnicien et chercheur, Éric Legendre vit à Montréal. Travailleur culturel d’un large domaine qui regroupe la discipline archivistique, l’histoire, les sciences de l’information et la culture, il s’est spécialisé dans les pratiques artis-tiques liées aux nouvelles technologies, l’audiovisuel, les arts visuels et la litté-rature. Après des études en production cinématographique, en archivistique puis en bibliothéconomie, il a notamment travaillé comme archiviste/recherchiste de 2002 à 2006 au Centre de recherche et

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    de documentation de la Fondation Daniel Langlois pour l’art, la science et la techno-logie. De 2012 à 2014, en tant que biblio-technicien, il travaille à Artexte, centre qui regroupe une importante documentation sur les arts visuels de 1965 à nos jours. Il travaille aujourd’hui à la bibliothèque de l’École nationale de cirque de Montréal, qui possède l’une des plus importantes collec-tions documentaires sur les arts du cirque en Amérique. Il occupe également le poste de directeur administratif pour la revue Circuit, musiques contemporaines.

    Maxime McKinley

    Compositeur, Maxime McKinley a étudié à Montréal avec Michel Gonneville et Isabelle Panneton avant de se perfectionner à Paris auprès de Martin Matalon. Il a reçu le prix Opus du Compositeur de l’année pour la saison artistique 2012-2013, le prix d’Europe de composition (2009), ainsi que 11 prix au Concours des jeunes composi-teurs de la Fondation Socan (2003-2011). Ses œuvres sont jouées régulièrement au Canada et ailleurs dans le monde, par plusieurs solistes, ensembles et orchestres renommés. Membre du comité artistique de la Société de musique contemporaine du Québec (smcq), ses textes ont paru dans diverses revues québécoises, notam-ment Circuit, musiques contemporaines, dont il a été le directeur administratif et secrétaire de rédaction. Il a été compo-siteur en résidence à la Chapelle histo-rique du Bon-Pasteur de septembre 2011 à mai 2014. Il travaille présentement à

    un projet de recherche-création portant sur la musique et la poésie, à la Chaire de recherche du Canada en esthétique et poétique, avec le soutien du Fonds de recherche du Québec sur la société et la culture (frqsc).

    Jean-Luc Plouvier

    Jean-Luc Plouvier est né en 1963. Il est pianiste de l’ensemble Ictus, à Bruxelles, depuis sa fondation en 1994. Avec le gui-tariste Tom Pauwels, il est coresponsable artistique de l’ensemble, qui, en 2009, a fondé une Académie de spécialisation en interprétation de la musique contempo-raine, attachée à l’Université de Gand. Il a collaboré avec d’importants composi-teurs tels que Georges Aperghis, Jonathan Harvey, Steve Reich, Magnus Lindberg et Michaël Levinas, et s’est retrouvé sur scène dans plus de 10 productions, avec la com-pagnie de danse Rosas dirigée par la choré-graphe belge Anne Teresa De Keersmaeker, pour laquelle il a écrit une partie de la musique du spectacle I Said I, en 1999.

    Cléo Palacio-Quintin

    Musicienne polyvalente avide de création, la flûtiste-improvisatrice-compositrice Cléo Palacio-Quintin participe à de nom-breuses premières et performances mul-tidisciplinaires et compose des musiques instrumentales et électroacoustiques pour différents ensembles et œuvres média-tiques. Depuis 1999, elle développe ses hyper-flûtes. Branchées à un ordinateur à l’aide de capteurs électroniques, ces flûtes

    augmentées permettent de créer des uni-vers sonores qui combinent les sons instru-mentaux et électroacoustiques. Ses œuvres ont été interprétées par elle-même ou par divers ensembles dans plusieurs pays : Angleterre, Belgique, Canada, Danemark, États-Unis, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Suède, Suisse. En plus de composer de la musique de chambre avec électronique, elle se produit régulièrement comme soliste et improvisatrice, ainsi qu’avec ses duos Fiolûtröniq et Beta Lyræ. Cléo a terminé un doctorat en composition à l’Université de Montréal en 2012, avec mention sur la liste d’honneur du doyen de la Faculté des études supérieures et postdoctorales. Le Conseil québécois de la musique lui a attribué le prix Opus du Compositeur de l’année pour la saison artistique 2010-2011.

    Pierre Rigaudière

    Pierre Rigaudière est maître de confé-rences à l’Université de Reims Champagne Ardenne. Il est titulaire d’une agrégation de musique et d’un doctorat de musicologie (Ircam/ehess). Ses recherches portent sur la création musicale contemporaine et plus particulièrement sur la question de l’in-fluence des musiques extra-européennes de tradition orale sur les compositeurs occidentaux. Il collabore également avec le magazine Diapason, la revue L’Avant-Scène Opéra, et avec France Musique.

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  • Gianluca Lerici, Autoritratto, 1996. Encre de Chine sur papier, 20 × 30 cm.

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    Résumés/Abstracts

    Martin Kaltenecker

    Fausto Romitelli en son temps

    L’œuvre de Romitelli illustre un nouveau « régime » de la musique, où l’œuvre n’est plus conçue et pré-sentée au premier chef comme organisation ou struc-ture critique mais comme dispositif d’écoute. C’est de l’entrée dans une matière, d’un zoom, d’un éveil de résonances que sont tirées les structurations. Ce nouveau paradigme peut se décliner selon plusieurs axes, dont nous suivons les traces chez Romitelli : un désir de continuité (à travers une conception d’objets mélodiques par dépli et repli) ; l’importance de la fusion sonore (intégration du son électronique dans l’instrumental) ; un souci d’une écoute à la fois incar-née (la guitare électrique fonctionne comme signal, comme « accroche », au sens des théoriciens de la musique populaire) et efficace (le processus doit être intelligible, la forme se découpant en pans et sections).

    Mots clés : accroche, écoute, mélodie, Fausto Romitelli, son.

    Fausto Romitelli in His Time

    Romitelli’s work illustrates a new musical regime under which the work is no longer conceived principally as critical organizations or structures, but rather as acous-tic devices. Their structure is discovered by diving into the material, zeroing in, awakening resonances. This new paradigm can be perceived in Romitelli’s work: a yearning for continuity (by conceiving melodic objects in terms of ebbs and flows); the importance of acous-tic fusion (through integrating electronic and acoustic sounds); and prioritizing an experience that is at once

    personified (electric guitar acts as a signal, a “hook” in pop-music theory) and efficient (the process is necessar-ily intelligible, the form articulating itself through parts and sections).

    Keywords: hook, listening, melody, Fausto Romitelli, sound.

    Jean-Luc Plouvier

    Chute libre : souvenirs et remarques sur mon travail avec Fausto Romitelli

    L’auteur, qui a longuement collaboré avec Fausto Romitelli dans le cadre des activités de l’ensemble Ictus, rassemble ses souvenirs et peint un artiste excen-trique et inquiet, échauffé contre son époque et impa-tient d’en découdre. La fonction du rock dans son écriture est analysée comme l’intrusion d’un « corps étranger » qui dénature en profondeur l’espace acous-tique. Le son-matière, dont sa génération chantait les sortilèges, est désormais susceptible de tous les renver-sements : du chatoiement de l’image à l’angoisse d’un réel compact, de la transfiguration radieuse à la chute sans repères. L’élaboration des deux disques consacrés par Ictus au compositeur est détaillée, et l’excitation d’un moment transgressif où il s’agissait de passer un cap : faire entrer la musique contemporaine dans l’ère « post-“Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band” » sous le double emblème de la contre-nature romitellienne et de la guitare électrique comme modèle d’un rapport heureux à l’électronique.

    Mots clés : chute, déchet, mixage, rock, Fausto Romitelli, spectralisme.

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    Freefall: Memories and Commentary on My Work with Fausto Romitelli

    The author, a long-time collaborator of Fausto Romitelli as musical director of the Ictus Ensemble, gathers his memories to paint a picture of an eccentric and uneasy artist who struggled against his era and was eager to derail it. The use of rock music in Romitelli’s works is seen as the intrusion of a “foreign agent,” deeply dis-torting the acoustic landscape. The sonic landscape, which his generation decried, is hence inclined to subver-sion: glimmering imagery undermines solidity, radiant metamorphosis gives way to freefall. The production of the two recordings, dedicated by Ictus to Romitelli, is minutely detailed, marking the transgressive, jarring moment when contemporary music entered the “post-Sgt.-Pepper” era under the twin standards of Romitellian unnaturalism and electric guitar as a bridge to elec-tronic music.

    Keywords: freefall, waste, mashup, rock, Fausto Romitelli, spectralism.

    Pierre Rigaudière

    La saturation, métaphore pour la composition ?

    L’exploration par les compositeurs du courant spectral ou par Helmut Lachenmann de la face inharmonique du son aura assurément joué un rôle crucial dans l’acceptation par les générations suivantes de la com-posante acoustique bruiteuse comme un matériau entièrement légitime pour la composition. Pour des compositeurs comme Franck Bedrossian, Raphaël Cendo et Yann Robin, il ne s’agissait plus d’envisager le son saturé comme un son poussé dans ses derniers retranchements, ou comme l’outil d’une critique du « beau son » hérité du romantisme, mais bel et bien d’en faire la matière d’un discours articulé. Composer l’excès  –  de son, d’énergie  –  devenait pour eux un défi qu’il fallait relever par l’écriture. Constituer une palette de modes de jeu et de timbres était une chose,

    en assurer la dynamique et la cohérence en était une autre. L’une des visées principales de cet article est de montrer comment, sur la base d’un vocabulaire en grande partie commun, les trois compositeurs « satu-rationnistes » ont élaboré une grammaire qui les diffé-rencie aujourd’hui de façon manifeste.

    Mots clés : Franck Bedrossian, Raphaël Cendo, excès, inharmonique, modes de jeu, Yann Robin.

    Saturation: Metaphor for Composition?

    The exploration of the inharmonic aspect of sound by several composers from spectral music trend and by Helmut Lachenmann no doubt played a crucial role in later generations’ acceptance of noise elements as legitimate compositional material. Composers such as Franck Bedrossian, Raphaël Cendo and Yann Robin did not consider saturated sound as sound pushed to the limit, nor as a critical lens for viewing the “beauti-ful music” inherited from the Romantics, but rather as the substance of legitimate music. For them, excess, in sound and in energy, was a challenge to be addressed compositionally. But assembling a palette of playing styles and timbres was one thing; bringing energy and coherence to the work was another. One of the main goals of this article is to show how, starting from a largely commonplace vocabulary, these three “satura-tionist” composers articulated a language that truly sets them apart.

    Keywords: Franck Bedrossian, Raphaël Cendo, excess, inharmonic sound spectrum, playing style, Yann Robin.

    Martin Iddon

    What Becomes of the Avant-Guarded? New Music as Subculture

    In a short ‘vox pop,’ written for Circuit in 2010, on the subject of the ‘future’ of new music, I proposed that new music — or the version of it tightly intertwined with what was once thought of as the international avant-garde, at any rate — might today be better thought of as a sort of

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    subculture, akin to the spectacular subcultures of goth and punk, but radically different in that they developed from the ‘grassroots,’ as it were, while new music comes from a position of extreme cultural privilege, which is to say it has access, even now, to modes of funding and infrastructure subcultures ‘proper’ never have. This essay develops this line of enquiry, outlining theories of subculture and post-subculture — drawing on ‘classic’ and more recent research, from Hebdige and Cohen to Hodkinson, Maffesoli, and Thornton — before present-ing the, here more detailed, case that new music repre-sents a sort of subculture, before making some tentative proposals regarding what sort of subculture it is and what this might mean for contemporary understandings of new music and what it is for.

    Keywords: avant-garde, neo-tribes, new music, sub-culture.

    Que devient l’avant-garde ? La nouvelle musique comme sous-culture

    Dans un court « vox pop » rédigé pour Circuit en 2010, sur le thème de « l’avenir » de la nouvelle musique, j’ai proposé que cette dernière – ou, dans tous les cas, sa version étroitement entremêlée avec ce qui fut consi-déré comme l’avant-garde internationale – puisse être aujourd’hui mieux pensée comme une sorte de sous-culture, semblable à celles, spectaculaires, du goth et du punk, quoique radicalement différente en ce que ces dernières se sont développées « de la base », pour ainsi dire, tandis que la nouvelle musique est issue d’une position extrêmement privilégiée culturelle-ment : elle a accès, encore aujourd’hui, à des modes de financement et d’infrastructure dont les sous-cultures « à proprement parler » ne bénéficient jamais. Cet essai développe la question par la description des théo-ries de la sous-culture et de la post-sous-culture – en faisant appel aux recherches tant « classiques » que plus récentes, de Hebdige et Cohen à Hodkinson, Maffesoli et Thornton –, avant de présenter le cas, plus détaillé ici, de cette nouvelle musique qui représente

    une sorte de sous-culture, puis d’énoncer quelques propositions provisoires sur la nature de cette sous-culture, ce que cela pourrait signifier pour la connais-sance contemporaine de la nouvelle musique et à quoi cela pourrait servir.

    Mots clés : avant-garde, néo-tribus, nouvelle musique, sous-culture.

    Maxime McKinley

    Trajectoire d’une connexion : Romitelli/Montréal

    Cette enquête, constituée de témoignages de Marie-Annick Béliveau, Julien Bilodeau, Sylvain Pohu et Lorraine Vaillancourt, avec la participation de Jean-François Laporte et Jimmie LeBlanc, creuse les liens entre Fausto Romitelli et la scène montréalaise de musique nouvelle. Cette connexion suit une trajectoire commençant à Royaumont, en 1997, où Marie-Annick Béliveau et le Nouvel Ensemble Moderne (nem), sous la direction de Lorraine Vaillancourt, étaient invi-tés à créer Lost, une œuvre charnière dans le cata-logue du compositeur. Romitelli et Vaillancourt se sont retrouvés à Lyon, en 2004, quelques mois avant qu’elle dirige l’Orchestre philharmonique de Nice dans Audiodrome – Dead City Radio, et reprenne Lost à Montréal en 2005. À Royaumont et ailleurs, Romitelli a croisé au début des années  2000 des compositeurs québécois qu’il appréciait, dont Jean-François Laporte et Julien Bilodeau. En 2009, la société Codes d’accès a produit la création nord-américaine de An Index of Metals, suivie en  2012 de la création montréalaise du cycle Professor Bad Trip. Les témoignages recueil-lis sur ces divers liens mènent à une conclusion sur la force avec laquelle l’œuvre de Romitelli résout les apories de tensions paradoxales familières : « populaire versus savant », « acoustique versus électroacoustique », « consonance versus dissonance », mais aussi « nou-velles versus anciennes générations », et « centres inter-nationaux versus périphéries ».

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  • Mots clés : Marie-Annick Béliveau, Julien Bilodeau, Jean-François Laporte, Jimmie LeBlanc, Montréal, Sylvain Pohu, Fausto Romitelli, Lorraine Vaillancourt.

    Trajectory of a Connection: Romitelli/Montreal

    This investigation, consisting of thoughts and reminis-cences from Marie-Annick Béliveau, Julien Bilodeau, Sylvain Pohu, and Lorraine Vaillancourt, with the par-ticipation of Jean-François Laporte and Jimmie LeBlanc, draws links between Fausto Romitelli and Montreal’s new music scene. The connection follows an arc that began at Royaumont in 1997, where Marie-Annick Béliveau and the Nouvel Ensemble Moderne (nem), under the direc-tion of Lorraine Vaillancourt, were invited to premiere Lost, a pivotal work in the composer’s œuvre. Romitelli and Vaillancourt met again in Lyon in  2004, some months before she led the Orchestre Philharmonique de

    Nice in Audiodrome – Dead City Radio, and then per-formed Lost again in Montréal, in 2005. In Royaumont and elsewhere, during the early  2000s, Romitelli met many Quebec composers whose work he admired, includ-ing Jean-François Laporte and Julien Bilodeau. In 2009, the Codes d’accès production company presented the North American premiere of An Index of Metals, fol-lowed in 2012 by the Montreal premiere of the Professor Bad Trip cycle. The testimonies collected regarding these various connections illustrate the force with which Romitelli’s work resolves the difficulties of dichotomies both familiar (popular/highbrow, acoustic/electroacous-tic, consonance/dissonance) and more surprising (new generations versus old, metropolis versus backwater).

    Keywords: Marie-Annick Béliveau, Julien Bilodeau, Jean-François Laporte, Jimmie LeBlanc, Montréal, Sylvain Pohu, Fausto Romitelli, Lorraine Vaillancourt.

    Gianluca Lerici, Untitled, 2004. Encre de Chine sur papier, 11,5 × 19 cm.

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