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4 - US MAGAZINE - Supplément au no 714 du 14 novembre 2011

10 novembre 201115 nov. 2011

PÔLE EMPLOI AU BORD DE L’EXPLOSIONC’est dans ce contexte inédit quele gouvernement décide de réduirel’enveloppe attribuée aux questionsd’emploi. Lors du vote du budget2012, aujourd’hui, les crédits allouésdevraient baisser de 12 %. Et lebudget de l’ex-ANPE continueraitde fondre. Un paradoxe qui révulseJean-Charles Steyger, membredu bureau national du SNU. « Ça faittrois ans que l’on n’a plus depolitique de l’emploi. XavierBertrand (ministre du Travail – NDLR)ne connaît pas son sujet, il donnedes coups de rabot et, d’un autrecôté, ménage des effets d’annonce,comme l’alternance pour lesjeunes. » Né de la fusion entre l’ANPEet les Assedic en décembre 2008,Pôle emploi subit depuis sa créationune saignée dans ses effectifs. Entre2008 et 2011, les équivalents tempsplein ont chuté de 60 000 à 42 300,d’après les syndicats. Pour 2012,la tendance devrait être aussià la baisse. Dans tout l’Hexagone,la pénurie d’agents est palpable.Comme l’illustre Jean-CharlesSteyger, « une agente de Saint-Brieuc m’a raconté qu’un chômeurqui avait envoyé sa demanded’inscription le 9 septembre n’avaitété convoqué que le 7 novembreet indemnisé seulementle 15 novembre ! ». [...]

16 nov. 2011

TF1, JEAN-PIERREPERNAUT : AU PIQUET !Quelle bande d’ingrats cesenseignants orléanais... On leur offreJean-Pierre Pernaut sur un plateau,et ils font la fine bouche, minaudent.Pour finalement refuser, en bloc,d’accueillir le journaliste vedettepourtant venu assurer aujourd’hui lapromotion de l’honorable FondationTF1 « qui a pour but principal de luttercontre les différentes formesde discrimination dans les métiersde la communication. Nous préféronsrecevoir des gens un peu plusnourrissants, comme Stéphane Hesselou Raymond Aubrac », tranche sansdétours Pascale Nogues, professeurau lycée Benjamin-Franklin. [...]

14 nov. 2011

DEUX DROITESPOUR UNE ÉCOLED’un côté, une proposition pour inciterà porter un « vêtement commun »– autrement dit un uniforme – dans lesécoles, de l’autre des « innovationspédagogiques » censées éviterde « se focaliser sur les faiblessesdes élèves » : les idées de l’UMP pourfourbir les armes du futur candidatSarkozy reflètent les aspirationscontradictoires d’une droite gagnéepar les thèses des pédagoguesmodernistes, mais qui se souvientque son électorat réclame avant toutdiscipline, exigence et transmissiondes savoirs. Le président de laRépublique devra, le moment venu,arbitrer entre des tendancesantagonistes également représentéesdans les réformes de son premierquinquennat. [...]

10 nov. 2011

LES BANQUES NOTÉES À LEUR TOUREt si, au lieu de noter les États, onnotait les banques ? C’est l’exerciceauquel se sont livrés Attac et les Amisde la Terre. Le 2 novembre, en margedu G20, ces associations ont présentéleur rapport « Les banques souspression citoyenne : l’heure de rendredes comptes ». Conclusion sanssurprise : « Elles ont encore un longchemin à faire pour prendrepleinement en compte les aspirationsde la société et les exigences desécosystèmes ». Un questionnaire aété envoyé aux dix principaux groupesbancaires actifs en France. « Seulela NEF fait un sans-faute dans troisdomaines (spéculation et prisesde risques, politiques commerciales,impact social et environnemental). »Comme dans le « palmarès Politis »des banques les moins pires (voirPolitis n° 1144), la NEF arrive premièredans le classement général, suiviedu Crédit coopératif et de la Banquepostale. Attac et les Amis de la Terreconstatent que « plusieurs banques[...] ont augmenté en transparencesuite à la publication du premierrapport [Les banques sont-ellestransparentes ? daté de juin, NDLR],preuve que la pression citoyenneest non seulement utile maisnécessaire ».

REVUE DE PRESSEESQUISSE

Au risque de la caricature

Le dessin du mois

Le Canard enchaîné, 16 novembre 2011

La bataille de l’école a commencé

La bataille de l’école est ouverte. Une véritable bataille marketingen prévision de l’élection présidentielle de 2012. Le candidat de

gauche n’a pas encore peaufiné son programme personnel, lecandidat de droite ne s’est pas encore officiellement déclaré, etpourtant, on voit clairement où l’on va et comment les deux partissont en train de se faire piéger par un sujet qui mérite beaucoupmieux qu’une approche caricaturale.À gauche, le candidat socialiste, François Hollande, a réduit leprogramme éducation du PS à la création de 60 000 postes pour êtreaudible sur le sujet. Aujourd’hui, il est devenu « Monsieur 60 000postes ». Il leur propose de retrouver leurs effectifs d’avant 2007.La gauche joue son électorat traditionnel : les professeurs.À droite, l’UMP est en train de centrer son approche sur unerévision du statut des enseignants, avec comme idée sous-jacente,de les faire travailler plus. La droite joue là sa partition classiquedes parents contre les enseignants.Dans sa convention consacrée à l’éducation, mardi 8 novembre, auThéâtre Bobino, à Paris, figurent d’ailleurs les sujets les pluspopulaires. Le parti du président propose un enseignement del’anglais dès l’âge de 3 ans – quand on n’arrive même pas àl’offrir à tous à l’âge de 8 ans – et met bien en vue uneréorganisation des rythmes scolaires. Un thème « concernant » surlequel toutes les familles peuvent pérorer des heures durant.Dans les deux cas, l’approche est « dangereuse » pour l’école. LeParti socialiste, s’il revient au pouvoir, risque de se retrouver faceà des attentes importantes en termes de revalorisation des salairesd’une profession dont il aura déjà choisi d’augmenter le nombre.Et avec 800 000 enseignants, le moindre pourcentage octroyé estdéjà ruineux pour des finances publiques exsangues. [...]

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Revue de presse 4

30 jours 6

Sur le Net 7

Débat/opinion 8• L’euro le problème ?

Actualité 10• Mobilisations interprofessionnelles

le 13 décembre• Chasse aux malades,

chasse aux fonctionnaires !• Grève du 15 décembre• Projet ministériel d’évaluation• Salaires• Entre promesses et austérité• Non-titulaires• Histoire des arts

Droits et libertés 17• Liberté d’expression : vigilance• Peine de mort : pour l’abolition universelle• Toulouse : le rectorat franchit

la ligne jaune

Éco/social 18• Crise : directement dans le mur• Dictionnaire : D comme Déficit et Dette• Il y a 40 ans... Le Larzac• ATD quart-monde :

quelle école pour quelle société ?

21 DossierLa fabricationdes programmes

Dossier 21• La fabrication des programmes

Métier 28• Dérives et autoritarisme• LPC : qui en veut donc encore ?

Portrait 30• Geneviève Garrigos, présidente

d’Amnesty International France

Catégories 32• AED : au bon vouloir

du chef d’établissement• Heures de vie de classe :

secrétaire général contre ministre• Syndicalisation et retraités

Fenêtre sur 34• La scolarisation en internat

International 36• Haïti : première rentrée après les élections• Les droits syndicaux dans la ligne de mire

Culture 38• Livres-revues• Cinéma/Théâtre/Spectacles/Expositions• Multimédia

Entretien 44• Emmanuel Todd

ÉditoPrésumés fraudeursToutes plus injustes etinefficaces les unes que lesautres, les décisions censéesprotéger le pays de la crisepleuvent sur les catégoriesmoyennes et défavorisées :instauration d’une journée decarence pour les fonctionnaireset d’une quatrième pourles salariés du privé, chasseaux malades qui utiliseraientdes arrêts maladie de« complaisance »... faisantsemblant d’ignorer quele « gain » de la chasse àces « fraudeurs » est dérisoirepar rapport aux cotisationsnon versées par les employeurs.Inacceptable.L’essentiel pour le gouvernement,qui met en place les élémentsde la campagne présidentielleen martelant l’urgence del’austérité, est bien de dresserles uns contre les autres pourmieux préserver les intérêtsdes plus riches. En considérant tous les salariéset les sans-emplois commedes présumés fraudeurs,en multipliant les mises au pasdes travailleurs au nom del’efficacité, en généralisantle principe de la concurrencede tous contre tous, l’objectifest de casser les solidarités et,surtout, d’empêcher tout débatsur les alternatives auxpolitiques menées aujourd’hui.Le mouvement syndical doitprendre ses responsabilités pourfaire échec à cette spirale de lapaupérisation et des régressions

sociales. Le SNESet la FSU sont résolusà le faire.

34 Fenêtre surLa scolarisation en internat

SOMMAIRE

Roland Hubertcosecrétaire général

L’Université Syndicaliste, hebdomadaire du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES, 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13. Tél. standard : 01 40 63 29 00).Directeur de la publication : Roland Hubert ([email protected]). Rédacteurs en chef : Carole Condat, Nicolas Morvan. Secrétaire de direction : Bénédicte Derieux. Collaborateurspermanents : Nicolas Béniès, Matthieu Niango, Thierry Pétrault, Véronique Ponvert. Régie publicitaire : Com d’habitude publicité, 25, rue Fernand-Delmas, 19100 Brive. Clotilde Poitevin,tél. : 05 55 24 14 03 – Fax : 05 55 18 03 73 – www.comdhabitude.fr. Compogravure : C.A.G., Paris. Imprimerie : SEGO, Taverny (95). C.P. N° 0113 S 06386. I.S.S.N. N° 0751-5839. Dépôt légalà parution. Conception : Voltaire & Associés, 15, rue de la Banque, 75002 Paris. Photo de couverture : © maxuser/istockphoto.com.

Prix du numéro : 1,30 €. Abonnement : 1) Personnels de l’Éducation nationale : France 30 € ; étranger et DOM-TOM :44 €. 2) Autres, France : 42 € ; étranger : 56 €. Publicité : CASDEN (p. 2), Athéna (p. 46), Educatec (p. 47),MAIF (p. 48). Ce numéro comporte un encart ADL Partner. Joint à ce numéro : une affiche A3, une lettre de relance

Entretien avec Emmanuel Todd

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6 - US MAGAZINE - Supplément au no 714 du 14 novembre 2011

Séisme en TurquieLe séisme de magnitude 7,2 fait plusieurs centaines de mortset environ 1 300 blessés dans la province orientale de Van.

29oct.

La Palestine à l’UnescoL’adhésion de la Palestine a été approuvée par 107 votes pourdont la France, 14 contre dont les USA et 52 abstentions.

31oct.

Fin du G vainLes pays du G20 étaient censés remettre l’économie mondialesur le chemin d’une croissance durable et équilibrée. En vain.

3nov.

Le Goncourt à un profL’Art français de la guerre, premier roman d’Alexis Jenni,professeur de SVT, a reçu le prix Goncourt.

2nov.

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LagafQuand le ministre de l’Éducation nationale place le débat auniveau de la cour de récréation. « Babar contre Astérix », c’estainsi que Luc Chatel résume la prochaine élection présidentielle.

Pieds de grueAprès 309 jours passés au sommet d’une grue, Kim Jin-suk,militante syndicale sud-coréenne a fait plier les chantiers navalsqui vont réintégrer 94 employés licenciés.

Vous ! Pas nous...L’amendement visant à réduire de 10 % les indemnitésdes députés en 2012 a été repoussé par les députés UMP et la gauche s’est abstenue.

Faute de car... enceNicolas Sarkozy fustige une fois de plus les fonctionnaires.Au nom de la lutte anti-fraude, il instaure une journée de carence.

DiktatLa Grèce abandonne son projet de référendum sur le plan de sauvetage financier du pays mis au point par l’Union européenne.

4nov.

Après avoir inventé unemachine à gaz électorale,

Josette Théophile, DRH duministère, en remet unecouche. Elle s’attaque cettefois-ci à l’évaluation des pro-fesseurs. L’ancienne DRH dela RATP veut la confier àl’unique chef d’établissement. À notre tour de l’évaluer !Premièrement, la copie surles élections professionnellesétait tellement mauvaise(grosses erreurs, manque derigueur, méconnaissance du

sujet) qu’elle devait êtrepurement et simplementrefaite. Deuxièmement, cellesur l’évaluation est carré-ment hors sujet. En effet, legarde-à-vous et le oui chef nesont pas de rigueur à l’école.La caporalisation ne figured’ailleurs pas dans les pro-grammes. Par conséquent,et compte tenu de ceséchecs répétés, une réorien-tation doit être sérieusementenvisagée. ■

Thierry Pétrault

BILLET D’HUMEUR

Bingo Bingo : Silvio Berlusconi a démissionné. Un bail de 15 ans pourun « Cavaliere » très cavalier reconnu pour ses « bunga-bunga ».

12nov.

10nov.

13nov.

14nov.

15nov.

À vos ordres !Le projet de décret sur l’évaluation des enseignants fuite dans la presse. Levée de boucliers.

16nov.

UltimatumLa Ligue arabe adresse un ultimatum au régime syrien pour mettre fin à la répression.

17nov.

NON chef !

30 JOURS

Les marchés dictent la démocratieLes marchés financiers qui dictent leur loi aux États, aux populations

et à leurs dirigeants politiques, vont même jusqu’à imposer la nomi-nation de « technocrates » aux gouvernements. Le Premier ministre grec,le Président du conseil italien, même si la majorité des Italiens ne s’enplaindront pas, le gouvernement espagnol dans son ensemble, les têtessont mises à prix par les marchés et elles tombent. Les plans d’austé-rité imposés se succèdent.Pire encore, ces marchés bousculent et piétinent la voix des peuples.L’exemple du référendum grec mort-né après la chute des bourses etla peur paralytique des dirigeants européens et du G20 donne às’interroger sur le rôle de la démocratie. Et quand on sait que les deux successeurs en Grèce et en Italie, sansoublier le nouveau président de la Banque centrale européenne sont troisfinanciers formés aux États-Unis, dont deux anciens responsablespassés chez Goldman Sachs, symbole de cette finance carnassière, lesbanquiers mettent progressivement leurs hommes à la tête de l’Europe.Avec 50 000 milliards de dollars de CDS, dont une bonne partie placéssur les dettes souveraines européennes, les intérêts en jeu valent biende jouer aux dés le sort de millions de citoyens !Le « Yes ! we can » de Barack Obama aux USA n’a pas fondamenta-lement bouleversé les choses. Le « Yes ! we camp » des « indignés »installés sur la place Puerta del Sol à Madrid attend encore de trouverécho chez l’ensemble des peuples d’Europe et d’ailleurs.

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Le feuilleton en ligne du scénariste Thomas Cadène : www.lesautresgens.com

La bande dessinée sur écranAlors que la rentrée littéraire et l’attribution des prix semblent avoir ravivé les débats autour del’impression papier face aux supports numériques, jetons un coup d’œil du côté de la bande dessinée. En France, les blogs constituent parfois une première étape avant l’édition. C’est le cas notamment

de Boulet dont le blog a fait la popularité et plus récemment de Marion Montaigne. Mais rien non plus n’assure les auteursde voir leur travail édité. Avec Les autres gens, Thomas Cadène a donc envisagé une tout autre piste : le micro-paiement. Un système d’abonnement sert à rémunérer les dessinateurs toujours plus nombreux de ce feuilleton inauguré en mars 2010.À l’origine d’une création foisonnante, la bande dessinée sur le net modifie à la fois les schémas économiques et artistiques.

Sur le NET

Les autres gens a un air de chronique socialecontemporaine, un air du Goût des autresd’Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacri.C’est l’histoire de Mathilde,une jeune étudiante de 22ans, qui par un hasard extra-ordinaire gagne 30 millionsd’euros au loto. Simple pré-texte pour suivre la vie et lequotidien de son entourage,parents, amis, amoureux transis, àParis, à Nice ou encore à Toulouse.Admirateur de séries télé, ThomasCadène a fait le pari audacieux delancer sur le net une « bédénovela »,publiée quotidiennement cinq jourssur sept. Pour cela il a rassemblé autour de

lui toute unegénération de des-sinateurs aussivariés que talen-tueux. Plus desoixante artistes serelaient pour assu-rer la continuité de

cette série prolifique. Ils s’appellent BastienVivès, Boulet, Tanxxx ou Vincent Sorel.Le défi consiste à faire progresser l’histoiredans un style chaque jour différent. Laseule contrainte est de rester réaliste etde respecter les caractéristiques essen-tielles des personnages pour que les lec-teurs s’y retrouvent, un peu commelorsque Quentin Tarentino réalisait desépisodes de la série Urgences. ThomasCadène maîtrise l’art du cliffhanger : lessituations sont laissées en suspens sans frus-trer le lecteur. Il sait aussi tirer parti de la formedu feuilleton qui permet de faire évoluer les per-sonnages en permanence, à l’image de la réalité. Lancé sans éditeur, mais désormais en cours de parution chezDupuis, Les autres gens n’a pas de fin arrêtée. Sa pérennité dépendrade son succès. Pour 2,79 euros, l’internaute peut s’offrir pendant unmois une expérience graphique originale et rafraîchissante.

Sa première BD,Raghnanok, Boulet l’a

publiée en 2001, maisc’est véritablement le net

qui lui a donné sa chance.Avec un trait toujours juste et drôle, l’auteur des Notes

met en scène ses pensées rocambolesques et ses aven-tures du quotidien. Pour Boulet, internet est unchamp d’expérimentation qui permet à l’artistede sonder de nouveaux territoires et de se jaugerà l’aune des réactions de ses lecteurs. Ainsi lespages intitulées « Hypermnésie » mettent en

ligne une exposition digne d’un happening,qui a eu lieu en mars dernier au Bocal,un atelier d’ar-

tistes lyonnais. Pen-dant une semaine, Bou-

let a réalisé environ25 dessins repré-

sentant des sou-venirs personnels. Pendant la deuxièmesemaine, les visiteurs étaient invités à dépo-ser dans une boîte un de leurs souvenirs :« j’en piochais un au hasard et je prenais uneheure pour en faire une image ». Un des

auteurs les plus doués de sa généra-tion à découvrir en ligne.

« Tu mourras moins bête, mais tu mourras quand même. »Tel est le titre savoureux du blog créé en 2008 par Marion

Montaigne, une jeune passionnée de sciences, autodidacteen la matière. La dessinatrice n’a pas son pareil pour croquer

de façon bur-lesque des sujetsaussi sérieux que lesglobules blancs ou lafusée Ariane !

Le site du dessinateur à succès Gilles Roussel alias Boulet :www.bouletcorp.com

Le blog humoristique devulgarisation scientifiquede Marion Montaigne :

http://tumourrasmoinsbete.blogspot.com

Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 7

Réalisation Stéphanie Marco

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8 - US MAGAZINE - Supplément au no 714 du 14 novembre 2011

LA GRÈCE EST L’EMBLÈME D’UNE POLITIQUE EUROPÉENNE qui, prétendant répondre à la crise de la dette publiquepar des politiques d’austérité sans fin, exige des peuples une baisse du niveau de vie sans précédent depuis 1945.Il faut « rassurer les marchés », c’est-à-dire assurer les banques et les créanciers que leurs intérêts serontpréservés. Les marchés n’ont pas été très rassurés et la spéculation s’est portée contre le Portugal, l’Espagne puisl’Italie. Les politiques d’austérité s’étendent à toute l’Europe et organisent une sérieuse récession qui aggrave

DÉBAT/OPINION

L’euro : le

Rubrique réalisée par Véronique Ponvert, Daniel Rallet et Elizabeth Labaye

Bataille perdueLa bataille menée par le gouvernement pour tenter de sauver l’euro estune bataille perdue, il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. À forcede nier la réalité, de vivre dans le déni, on ne s’est résolu que sur desmontants trop faibles, engagés trop tardivement. Les sorties de capitauxs’accélèrent, l’euro est tombé en quelques semaines de 1,44 dollar à1,32 dollar (au 4 octobre), et elles ne sont pas – de loin – toutes le faitdes fonds spéculatifs américains. La panique commence à gagner les

acteurs, qu’ils soient publicsou privés, de ce drame.Il faut alors replacer cettebataille dans son contexte.Ce qui est en jeu, c’est ledynamisme économique de

l’Europe (où la zone euro a connu la croissance la plus faible depuis2001) et où les tentatives de sauver l’euro se traduiront au mieux parune récession importante pour de nombreuses années.Une dissolution ordonnée et coordonnée de la zone euro est aujour-d’hui la meilleure des solutions. Cette dissolution devrait s’accom-pagner de mesures comme une réduction drastique des mouvementsde capitaux et l’interdiction de certaines opérations, la possibilitépour l’État de se financer auprès de la Banque centrale, la prise decontrôle des banques pour les restructurer et garantir la partie qui gèreles dépôts de la population. ■

La situation est incontestablement grave, et la déroutedes élites politiques en témoigne. Il est clair aujour-d’hui que les ultimes tentatives pour sauver l’euro sont

en passe d’échouer. Le débat « pour » ou « contre » l’euroest tranché dans les faits. Le Fonds Européen de StabilisationFinancière, au montant fixé à 447 milliards d’euros le21 juillet, est insuffisant. L’Espagne et l’Italie vont d’iciquelques semaines ne pas avoir d’autre choix que de deman-der de l’aide. Ce sont des sommes de plus de 1 000 milliardsqu’il faudra alors engager.Les eurobonds (euro-obligations) et la monétisation de la dette(le fait que les États puissent directement emprunter à laBanque centrale européenne) auraient pu être mis en œuvresi l’on s’y était pris à l’hiver 2009-2010. Aujourd’hui, nousallons nous heurter à l’obstacle de la Constitution allemandeet à de longues négociations qui repousseront la monétisationau mieux à la fin du printemps 2012. Trop peu, trop tard.

La déroute menace désormais sur trois frontsLa Grèce tout d’abord, où un défaut est inéluctable, et pourrait sur-venir dans les semaines qui viennent. L’économie grecque est en faità l’arrêt depuis la fin du mois d’août. Les impôts ne rentrent plus,une situation quasi insurrectionnelle se développe et la fuite des capi-taux y est intense. La contagion ensuite, au Portugal, à l’Es-pagne et à l’Italie, qui s’accélère désormais.Le gouvernement portugais vient d’admettrele 1er octobre que le déficit sera bien plusimportant que prévu. En Espagne, la montéedes défauts des particuliers dans les banqueslaisse présager une nouvelle crise bancaire et la nécessité d’une nou-velle consolidation du système financier. Ceci demandera beaucoupd’argent. En Italie, qui jusqu’à maintenant était capable de financer sadette mais qui, depuis le mois d’août, ne le peut plus. Les grandes entre-prises italiennes mais aussi les déposants riches ou aisés retirent leursfonds des banques de la péninsule pour les placer hors de la zone euro.La crise des banques enfin, qui ont perdu plus de 50 % de leur capi-talisation boursière depuis près de deux mois. Un mensonge énormeplane sur la situation des banques et des assurances. Leurs dirigeantsaffirment que l’exposition au risque y est limitée. C’est certes vrai pourle risque direct sur les pays plus exposés qui n’est que de 16,93 mil-liards. Cependant celui sur les pays de la zone de contagion se monteà plus de 100 milliards.Mais surtout on oublie de parler des assurances de crédit (les CreditDefault Swaps) qui ont été achetées massivement par les banqueset les compagnies d’assurance, et que l’on estime à 100 milliardsd’euros pour la seule Grèce et à plus de 250 milliards si on y ajoutele Portugal et l’Irlande. Ces CDS deviendraient exigibles en cas dedéfaut du pays.

La bataille menée par le gouvernement pour

tenter de sauver l’euro est une bataille perdue,

il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître

Jacques SapirDirecteur d’études à l’EHESS-Paris

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L’euro est mort

LE POINT DE Le SNES a mis en évidence l’impasse d’une construction européenne fondée sur laconcurrence entre ses membres et l’absence de mécanismes de solidarité : elle montreaujourd’hui son échec face à la crise et l’absence de régulation des activités finan-cières, que ce soit dans la zone euro ou dans le reste de l’Europe. Les plans de sauvetagedes banques sont restés nationaux. Les plans d’aide aux pays en difficulté sont sous lacondition impérative d’une austérité qui les enfonce toujours un peu plus, sans parvenirà « rassurer les marchés » qu’il s’agirait plutôt de désarmer... Le SNES et la FSU se sontprononcés pour une Europe de solidarité et non de concurrence et de dumping fiscal, uneEurope qui offre aux salariés un bouclier social contre le dumping social, des Services

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Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 9

l’incapacité de ces pays à faire face au remboursement de leur dette publique, tout en préparant le retour d’unegrave crise bancaire en Europe. Les gouvernements européens sont divisés et marchent à reculons : le plan desauvetage du 21 juillet est à peine adopté qu’il est déjà dépassé. Peut-on sortir l’Europe de l’impasse ? La monnaieunique est-elle la source de nos maux ?Jacques Sapir et Thomas Coutrot apportent leur analyse de la situation et livrent leur opinion sur la question.

problème ?

L’euro a été conçu comme une monnaie unique pourdes pays très inégaux, et entre lesquels les traitéseuropéens organisent le dumping fiscal, salarial,

social... L’Europe aurait pu – dû – se construire sur desbases de solidarité entre les États membres, et harmo-niser ses systèmes économiques et sociaux par le haut.Au lieu de quoi les disparités se sont aggravées, l’in-flation est restée plus élevée au Sud alors que l’Alle-magne pratiquait une austérité salariale musclée, lesdéséquilibres commerciaux et financiers se sont creu-sés... Les États ont abandonné leur souveraineté moné-taire dans les mains de la Banque centrale européennemais celle-ci n’a pas le droit de les financer directement,elle refinance les banques privées pour que celles-ci prê-tent aux États... L’euro a été construit comme une mon-naie privée, créée par les banques.

Sortir, pour ensuite reconstruire ?Aujourd’hui, sortir de l’euro signifierait pour les pays du Sud accen-tuer la logique déjà à l’œuvre, celle du dumping, en se dotant à nouveaude l’arme monétaire. On radicaliserait les politiques de concurrence enessayant de récupérer par une dévaluationl’avantage compétitif conquis par l’Alle-magne et les pays du Nord. Ce seraitaggraver la logique non coopérative déjàdominante en lui ouvrant un nouvel espace,celui de la guerre monétaire. Sortir de l’euro aurait d’autres consé-quences plus graves encore : au-delà de l’éclatement de la zonemonétaire, ce serait l’explosion du marché unique (avec un retourprobable des droits de douane aux frontières) ; mais surtout, la balka-nisation économique entraînerait un discours du « chacun pour soi »qui profiterait aux forces nationalistes les plus réactionnaires, lesplus autoritaires. C’est l’exact opposé du projet de transformationsociale qu’il faut porter.

Ou bien, de l’intérieur, construire une alternative solidaire ?C’est au sein de la zone euro qu’il faut engager le bras de fer ; lespeuples doivent reprendre la main, et il est possible de refonderl’euro sur des bases coopératives. Plutôt que de rompre avec l’Union

européenne, il faut lui désobéir de l’intérieur. Prenons l’exemple dela Grèce, imaginons le scénario suivant : si la Grève refuse d’obéirà la troïka, qu’elle refuse les plans d’austérité, si elle décide de fairedéfaut sur la dette publique, et d’opter pour une réforme fiscale quifasse payer les plus riches... si elle privilégie, par conséquent l’intérêt

de son peuple, que va-t-il se passer ? Lesbanques grecques vont faire faillite car ellesdétiennent la majeure partie des titres de ladette grecque. La banque centrale grecquepourrait alors les recapitaliser en émettant deseuros. C’est évidemment interdit par le traitéde Maastricht, mais en même temps, aucune

sanction, aucune procédure d’exclusion ne sont prévues dans un telcas, il y a un vide juridique. Le violent conflit politique qui s’ouvri-rait alors entre la Grèce et la BCE créerait, en même temps, unpotentiel de mouvements sociaux et de solidarité de la part despeuples d’autres pays... Il pourrait permettre d’enclencher un autrerapport de forces, en montrant qu’on peut mettre enfin l’euro auservice des besoins de la population et non plus des marchés.

Vers une Europe solidaire et démocratique…L’euro a été créé par et pour les marchés financiers. Il faut rompre aveccette logique et permettre aux peuples de s’approprier l’euro, derecouvrer au contraire une souveraineté, non pas nationale (quiinstallerait une concurrence entre États), mais une souverainetépopulaire. Si la Grèce devait sortir de l’euro, nul doute que celacréerait un effet domino, que d’autres États suivraient, et qu’alors nousassisterions à une explosion de l’Europe : une crise bancaire majeure,une aggravation de la spéculation, une récession dramatique. C’estvraiment un scénario catastrophe. Il ne s’agit ni de sortir de l’euro,ni de renouer avec une monnaie nationale : il faut un autre euro surlequel les peuples retrouvent une souveraineté démocratique. Cettevoie alternative est difficile à mettre en place, et la sortie de crise nesera pas indolore. Mais au moins, cette solution a un mérite indé-niable : s’engager dans l’édification d’une Europe solidaire, et faireprogresser, par les luttes citoyennes, l’idée d’un peuple européen. ■

Il faut permettre aux peuples

de s’approprier l’euro, de recouvrer

une souveraineté populaire

Thomas CoutrotCoprésident d’ATTAC,

membre du conseil scientifique

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Faut-il sortir de l’euro ?

VUE DU SNESpublics pour gérer les biens communs. La question d’un pôle public bancaire est en traind’émerger. Il faut réfléchir au rôle que pourrait jouer la Banque centrale européenne. LeSNES refuse la mise en concurrence des systèmes fiscaux et propose une harmonisationpar le haut des assiettes et du taux de l’impôt sur les sociétés, sur la base des besoinssociaux à financer. La lutte contre les paradis fiscaux et les évasions fiscales doit s’in-tensifier pour mener à leur suppression. La taxation des transactions financières à unniveau suffisant doit être mise en œuvre. Une sortie de l’euro aujourd’hui n’apporteraitsans doute pas de réponses satisfaisantes à ces exigences. C’est vers plus de solidaritéqu’il faut aller et non de repli sur soi.

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10 - US MAGAZINE - Supplément au no 714 du 14 novembre 2011

ACTUALITÉ13 DÉCEMBRE MOBILISATIONSINTERPROFESSIONNELLESAu prétexte de la crise, le gouvernement multiplie les injonctions à toujours plus d’austérité et crée une situation économique et sociale explosive. L’interprofessionnelle appelle à une journée d’actions le 13 décembre.

Urgence d’une réponseinterprofessionnelleConvaincu de la nécessité d’une réponse inter-professionnelle à la hauteur des attaques queles salariés subissent au nom des plans d’aus-térité, le SNES porte auprès de la FSU l’idéede multiplier les actions sur la crise ; il s’agit,en coordination avec d’autres organisations, deporter nos analyses sur les causes de la dette etnos propositions (réforme fiscale d’ampleur,débat sur la création d’un pôle public ban-caire, taxation des transactions financières...).Le SNES a mandaté la FSU pour proposerdans l’intersyndicale interprofessionnelle du 18novembre une journée de grève dans tous lessecteurs et à tous les échelons sur une plate-forme emplois, salaires, pensions et retraites,et protection sociale. Lors de cette réunion,l’accord n’ayant pu se faire sur une journée degrève interprofessionnelle ou sur l’organisation

COMMUNIQUÉ DES ORGANISATIONS SYNDICALESCFDT, CGT, FSU, SOLIDAIRES, UNSA, DU 18 NOVEMBRE 2011 (extraits)

Les organisations syndicales CFDT, CGT, FSU, Solidaires, UNSA, dénoncent fermement les plans d’aus-térité et de rigueur décidés et imposés par le gouvernement. L’austérité en France et en Europe n’est pas la solution à la crise. Au contraire, elle risque d’entraînerla récession. [...] Le gouvernement fait porter les efforts sur les salariés, ce qui creuse les inéga-lités et plonge des milliers de familles dans les difficultés socialesAprès la taxe sur les complémentaires, les déremboursements, l’instauration de forfaits et franchises,les ponctions sur le budget de l’assurance maladie, la diminution des prestations sociales, le gou-vernement s’en prend aux salariés malades, potentiellement « fraudeurs » et « responsables desdéficits publics », en instaurant un jour de carence de plus dans le privé et un dans la Fonction publiqueet en tentant d’opposer les uns aux autres. Les organisations syndicales CFDT, CGT, FSU, Solidaires, UNSA décident d’agir ensemble [...]. Avecun appel commun, elles s’adresseront aux salariés pour interpeller le gouvernement, les élus et lesresponsables d’entreprises dans la période du 1er au 15 décembre. Dans ce cadre, le 13 décembre seraun temps fort de mobilisations interprofessionnelles, notamment avec des rassemblements.Les organisations syndicales CFDT, CGT, FSU, Solidaires, UNSA, se retrouveront rapidement aprèsle 15 décembre, afin d’en tirer le bilan et d’envisager, ensemble, de nouvelles initiatives en janvier.

CHASSE AUX MALADES,CHASSE AUX FONCTIONNAIRES !

d’un temps fort un samedi, la décision d’unejournée d’action le 13 décembre a été annon-cée. Pour la FSU et le SNES, cette journée doitêtre une étape dans la construction d’un mou-vement nécessairement plus important. Ilsporteront cette exigence lors de la prochaineréunion de l’interprofessionnelle prévue aprèsl’action du 13 décembre.

Mener la campagne d’opinionPour le SNES et la FSU, il est indispen-

sable d’utiliser cette période pour mener lacampagne auprès des collègues et de l’opi-nion publique, de porter le nécessaire débatsur la crise et les réponses à y apporter,d’interpeller les élus. C’est dans ce contexte qu’ils appellent à signeret à faire signer « l’appel d’Attac pour unaudit citoyen de la dette publique » lancé parun collectif d’associations et de syndicatsdont la FSU est partie prenante, et à participerà ce collectif. ■ Roland Hubert

Le « délai de carence » correspond à la période, au début de l’arrêtmaladie, durant laquelle la Sécurité sociale n’indemnise pas lesalarié (trois jours actuellement dans le secteur privé, l’in-

demnisation commençant au quatrième jour).

Mener la campagne d’opinionIl n’existait pas dans la Fonction publique. Pour le gouvernement,le délai de carence serait « indolore » pour la plupart des salariés,car pris en charge par la convention collective, mais les salariés despetites entreprises, moins protégés et souvent dans des métiers àforte pénibilité, vont lourdement pâtir de cette mesure (à l’excep-tion des salariés du régime d’Alsace-Moselle, qui n’ont pas dedélai de carence).

Les fonctionnaires, ces « privilégiés », se voient imposer une journéede délai de carence au nom de l’équité ! Ce qui ne changera rien audéficit de la Sécurité sociale, car c’est l’État qui verse le salaire en casde maladie. Pour Laurent Wauquiez, « Si jamais, quand vous tombezmalade, cela n’a aucun impact sur votre indemnité et votre salaire,ce n’est pas très responsabilisant ».Tous faux-malades, tous fraudeurs ! (Sauf les patrons, à qui de très longsdélais sont accordés pour payer leur dette à la Sécurité sociale !)

La FSU et le SNES combattent ce projet inique, et en ontdemandé le retrait. ■ Elizabeth Labaye

P.S. : lLe délai de carence ne s’applique pas dans le cas d’unarrêt pour accident du travail, maladie professionnelle, ni dansle cas du congé maternité, paternité ou d’adoption.

Dans le cadre du plan de rigueur, le délai de carence sera porté à quatre jours dans le privé et unjour de carence est créé dans les trois fonctions publiques.

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Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 11

Alors que le gouvernement annonce un nouveau plan d’austérité et annonce la mise place d’unejournée de carence pour tous les fonctionnaires, le ministre L. Chatel provoque une nouvelle foisen dévoilant son projet de transformation de l’évaluation des enseignants, CPE et CO-Psy.L’intersyndicale du second degré appelle à une riposte rapide et forte.

COMMUNIQUÉ DE PRESSE COMMUNLes organisations syndicales CGT Educ’action, SE-UNSA, SGEN-CFDT, SNALC-CSEN, SNCL-FAEN, SNES-FSU, SNEP-FSU, SNUEP-FSU, SNLC-FO, SUD Éducation réunies le 17/11/2011 dansle cadre d’une intersyndicale du second degré ont condamné unanimement les projetsde textes sur l’évaluation des personnels enseignants, d’éducation et d’orientation quele ministère veut imposer dès la rentrée 2012.Sous couvert d’évaluation, c’est une vision du système éducatif fondée sur la performanceindividuelle que portent ces projets.Ainsi dans le second degré, la fin de la double évaluation reviendrait à reléguer au der-nier plan ce qui constitue le cœur du métier, à savoir le travail en classe avec les élèves,dénaturant ainsi profondément les métiers de l’éducation.Les organisations syndicales CGT Educ’action, SE-UNSA, SGEN-CFDT, SNALC-CSEN, SNCL-FAEN, SNES-FSU, SNEP-FSU, SNUEP-FSU, SNLC-FO, SUD Éducation appellent les person-nels dans les établissements à faire connaître les projets ministériels, à se réunir en assem-blée générale et à se mobiliser.Elles sont déterminées à organiser une riposte forte et rapide pour exiger le retrait duprojet. Elles appellent à signer massivement la pétition unitaire qui sera mise en ligne dèslundi et ont mis en perspective une grève le 15 décembre des personnels enseignants despremier et second degré, d’éducation et d’orientation.

COMMUNIQUÉ DU SNUPDEN-FSU, SYNDICAT FSU DES CHEFS D’ÉTABLISSEMENT (extraits)NOUVEAU SYSTÈME D’ÉVALUATION DES PERSONNELS ENSEIGNANTS : NON MERCI

GRÈVE LE 15 DÉCEMBREPOUR LE RETRAIT DU PROJETSUR L’ÉVALUATION DES ENSEIGNANTS

Le snU.pden-FSU s’oppose à la réforme envisagée de l’évaluation desenseignants.Le seul chef d’établissement ne peut évaluer seul les compétencespédagogiques et disciplinaires de tout enseignant, n’ayant pas lui-même des compétences dans tous les domaines requis pour mener à biencette évaluation. [...]Le snU.pden-FSU rappelle qu’avec la FSU, il s’oppose au rapprochementde l’évaluation des fonctionnaires avec celle menée dans les entreprises.Ce type d’évaluation a pourtant montré ses conséquences néfastes tantpour les personnels que pour la performance à long terme des entreprises.C’est pourquoi il est de plus en plus souvent abandonné au sein même desstructures concurrentielles. Un rapide survol des critères à évaluer montre que nous serons en diffi-culté face à certains d’entre eux.

Comment évaluer :• la progression de chaque élève ?• la progression de l’enseignant dans ses compétences disciplinaires ?• la pratique professionnelle au sein de l’établissement notamment

pour celles et ceux qui pour des raisons particulières ne peuvent s’in-vestir autant qu’attendu par le chef d’établissement ?

• et cerise sur le gâteau : la qualité du cadre de travail, commentmesure-t-on ceci ? En ayant des oreilles dans les couloirs ?

Enfin et cela est plus préoccupant, cet entretien aura un impact nonnégligeable sur la carrière des personnels et notamment sur leur bulletinde salaire. [...]Cette réforme doit être retirée et l’évaluation, si elle doit évoluer toutcomme les métiers le font, doit se faire suite à des débats sereinsentre toutes les parties concernées.

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Réunie à l’initiative du SNES le 17 novembre,l’intersyndicale du second degré a condamné leprojet sur l’évaluation, destructeur pour nos

métiers, néfaste pour nos carrières. Toutes les orga-nisations présentes ont unanimement estimé urgentde construire une mobilisation puissante et unitairepour obtenir le retrait des textes. Elles appellent à une journée de grève le 15 décembredans le second degré et ont mis en perspective la pos-sibilité d’une grève de toute l’Éducation nationale.Une réunion des fédérations de l’Éducation, prévue le22 novembre, devrait en débattre.En tout état de cause, l’intersyndicale appelle tousles personnels d’enseignement, d’éducation et d’orien-tation à signer la pétition commune mise en ligne(voir pages 12-13). Le SNES-FSU appelle tous les enseignants à se mobi-liser pour contraindre le ministère à retirer son projet :prendre des heures d’information syndicale, réunirdes assemblées générales, préparer la grève du15 décembre, diversifier les initiatives à l’exemplede ce qui avait été fait lors des projets Robien (limi-tation aux activités obligatoires, refus des examensblancs...). Cette action s’inscrit dans la cohérence de celles quenous menons depuis des mois contre la politique édu-cative et ses conséquences. En plaçant les enseignantset les CPE sous la tutelle directe et quasi unique du chefd’établissement, l’enjeu pour le ministre est bien d’im-poser ses réformes, de transformer nos métiers et àterme de préparer la remise en cause de nos statuts.Faire échec à cette réforme est une absolue nécessitépour l’avenir de nos professions et pour celui du servicepublic national d’éducation. ■ Roland Hubert

Page 12: P 01 COUV2 714 - SNES6-US MAGAZINE - Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 Séisme en Turquie Le séisme de magnitude 7,2 fait plusieurs centaines de morts et environ 1 300 blessés

12 - US MAGAZINE - Supplément au no 714 du 14 novembre 2011

ACTUALITÉ

PROJET MINISTÉRIEL D’ÉVALUATI

Le ministre Luc Chatel entend soumettre aucomité technique ministériel de décembre2011 un décret et un arrêté qui boulever-

seraient les principes de notre évaluation et denos carrières. Application prévue : rentrée 2012.Les projets de textes, consultables sur le site duSNES, prévoient un « entretien profession-nel » conduit par le « supérieur hiérarchiquedirect » (c’est-à-dire le chef d’établissement)tous les trois ans à compter du 1er janvier 2015,entretien qui donne lieu à un compte rendulittéral. Cet entretien triennal, mis en œuvre àcompter du 1er janvier 2015, constituerait« l’aboutissement du dispositif d’appréciationde la valeur professionnelle de l’agent ».Le chef d’établissement, par sa carrière passée,par son recrutement, par sa formation, n’a pasles compétences qui lui permettent d’évaluer les

choix pédagogiques de l’enseignant dans saclasse, ces choix étant directement liés auxcontenus disciplinaires.Le projet comprend une démarche d’auto-évaluation permettant à l’agent d’évaluer :• « sa capacité à faire progresser chaque élève ;• les compétences dans sa discipline ou sesdomaines d’apprentissage ;• sa pratique professionnelle dans l’actioncollective […] de l’établissement, en lien avecles parents et les partenaires, [en lien avec leprojet d’établissement] […] ;• la qualité du cadre de travail afin qu’il soitpropice aux apprentissages et au partage desvaleurs de la République ».La méthode et les résultats de l’auto-évaluationseraient validés par les corps d’inspection, sui-vant des modalités qui ne sont pas définies.

L’entretien professionnel porterait sur les résul-tats de l’auto-évaluation, le positionnementde l’agent sur chacun des critères d’évaluation,l’identification des mesures d’accompagne-ment, d’aide ou de progrès souhaitables (tuto-rat, formation, réorientations professionnelles).Le chef d’établissement émet alors une appré-ciation globale sur la manière de servir qui estintégrée au compte rendu d’entretien.L’agent peut ultérieurement saisir la CAPcompétente en cas de contestation. Nous le voyons bien à travers ces choix,c’est une transformation radicale de notremétier qui est en oeuvre en marginalisant defait ce qui est le cœur de notre métier : l’en-seignement dans la classe. C’est une vraieforme de mépris pour nos métiers. ■

Laurent Tramoni, Xavier Marand

Conséquence du nouveau dispositifd’évaluation, le ministère entendmodifier profondément les règles

d’avancement d’échelon. Le projet de décretprésenté au comité technique ministérielsupprime les rythmes différenciés d’avan-cement d’échelon (grand choix, choix). Lerythme le plus défavorable, dit d’avance-ment à l’ancienneté, devient « le rythmemoyen » appliqué par défaut à tous lesagents.Tous les trois ans, à l’issue de l’entretien pro-fessionnel, le chef d’établissement propose,ou non, l’attribution d’une réduction d’an-cienneté de 6 ou 15 mois.Le recteur, après avis de la CAP, attribueraou non aux personnels la réduction d’an-cienneté proposée par le chef d'établisse-

ment. Ainsi, certains personnels passerontmoins de temps dans un échelon qued’autres.Ces réductions sont contingentées tous éche-lons confondus, académiquement pour lescertifiés, CPE et CO-Psy, et nationalementpour les agrégés : 30 % des effectifs ducorps pourront bénéficier de quinze moisde réduction et 50 % de six mois de réduc-tion. Allié à la disparition des notes admi-nistrative et pédagogique, ce dispositif donnede fait la main au chef d’établissement surl’avancement d’échelon. En effet, commec’est le cas aujourd’hui pour la note admi-nistrative, le rôle du recteur se bornera àentériner les propositions du chef d'établis-sement. ■

Laurent Tramoni, Xavier Marand©T

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LE CHEF D’ÉTABLISSEMENT SEUL ÉVALUATEUR

L’AVANCEMENT D’ÉCHELON :À LA MAIN DU CHEF D’ÉTABLISSEMENT

LES CPE ET CO-PSY AUSSI CONCERNÉSLes objectifs assignés à l’évaluation seraient considérablement modifiés.En effet, l’entretien professionnel porterait en particulier sur :• « les résultats professionnels obtenus par l’agent au regard desobjectifs qui lui ont été assignés et des conditions d’organisation et defonctionnement du service dont il relève ;• les objectifs assignés pour les trois années à venir et les perspectivesd’amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas

échéant, des perspectives d’évolution des conditions d’organisationet de fonctionnement du service ;• les acquis de l’expérience professionnelle de l’agent (…) ».Le fonctionnaire chargé de mener l’entretien, désigné par le recteur, émetalors une appréciation globale sur la manière de servir qui est intégréeau compte rendu d’entretien.L’agent peut ultérieurement saisir la CAP compétente en cas de contestation.

Luc Chatel ne se cache pas d’être porteur d’une conception libérale du système éducatif. En écho au programmeélectoral de l’UMP sur l’éducation, qui entend donner plus d’autonomie aux chefs d’établissement pour lerecrutement, l’évaluation et la carrière des personnels, il vient de proposer une réforme de l’évaluation et de la carrière

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Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 13

ON : SE BATTRE POUR LE RETRAIT

Àl’instar des magistrats et des chercheurs, les professionnels del’Éducation nationale bénéficient actuellement d’un dispositifd’évaluation dérogatoire par rapport aux autres fonctionnaires. Car

c’est bien la spécificité des missions des professeurs qui justifie la doubleévaluation, pédagogique par des inspecteurs, administrative par les chefsd’établissement : le cœur du métier n’est évaluable que par un pair dela discipline enseignée. C’est une des raisons pour lesquelles le SNESrevendique la double évaluation pour les personnels d’éducation.

Transformation du système d’évaluationToute évolution du processus d’évaluation des agents devrait viser uneamélioration du service rendu aux usagers. Le dispositif d’évaluationactuel est certes imparfait, le SNES a des propositions à faire valoir, maisil a le mérite de permettre l’évaluation de toutes les dimensions de nosmétiers par des personnels compétents pour le faire.Les projets de Luc Chatel marginalisent l’enseignement au profit d’ac-tivités importantes (liens avec les parents, projets transversaux, apportindividuel à la qualité du cadre de travail...), mais qui ne sont pas lecœur de notre métier. Le risque est alors grand, en mettant l’accent surdes activités ou des compétences périphériques, de décentrer l’acti-vité des personnels.

Des conséquences majeures sur nos carrièresPar ailleurs, en demandant aux chefs d’établissement de répartirdes réductions d’ancienneté entre les agents de l’établissement,ces projets leur donnent la main sur la carrière des personnels,individualisant les carrières de chacun et empêchant toute lisibilitéaux agents de l’évolution de leur carrière. Là où il faudraitfavoriser le travail collectif, ils introduisent la concurrence au seinmême de l’équipe pédagogique. En outre, une évaluation des agentsqui s’appuierait en particulier sur les résultats des élèves pourraitconduire vers un fonctionnement pervers et démagogique du systèmeéducatif.Il est clair que cette réforme vise d’abord à donner au chef d’établis-sement les outils d’un management plus injonctif pour contraindre les

RÉFORME DE L’ÉVALUATION :ALERTE GÉNÉRALE !

personnels à appliquer plus docilement des réformes et des projets dontles objectifs pédagogiques ne leur paraissent pas pertinents.

Cerise sur le gâteauLes projets prévoient un gel des 3 rythmes d’avancement d’ici à 2015et donc un avancement de tous au rythme le plus lent : l’ancienneté. Tousles personnels qui avaient, au cours de cette période, l’espoir d’obte-nir une promotion au choix ou au grand choix en sont pour leurs frais.Le SNES exige l’abandon de ces projets. Il appelle l’ensembledes personnels à signer massivement la pétition en ligne deman-dant l’abandon de ces projets et appelle à des actions diversifiéesau quotidien (stricte limitation de nos activités à nos obligationsde service, lectures de motions en CA, en conseil de classe, enréunion parents-professeurs) pour préparer la grève du15 décembre. ■ Laurent Tramoni, Xavier Marand

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Signez massivement la pétition sur :

retraitduprojetevaluation.net

qui est une déclaration de guerre à nos professions. Intolérable ! Le SNES exige le retrait immédiat de ces projets.Une riposte massive de l’ensemble de la profession s’impose : limitons strictement nos tâches dans les établissements,multiplions les initiatives d’action et préparons la grève du 15 décembre 2011.

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ACTUALITÉ

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AUGMENTER LES SALAIRESAUJOURD’HUI PLUS QUE JAMAIS !Anachronique ? Pas si sûr ! Alors que l’Europe s’enfonce dans la récession au gré des plansd’austérité, l’urgence d’une politique de relance se confirme. Le SNES milite pour une mobilisation sociale qui impose d’autres choix politiques.

Les politiques d’austérité dictées par lesmarchés se généralisent. Pourtant, de plusen plus de voix s’élèvent pour dénoncer

leur injustice et leur contre-productivité :mises en place pour résorber le déficit publicpar une baisse des dépenses, elles ne font quel’accroître en réduisant plus encore les recettes. Une autre voie existe. Elle passe en Europe pardes politiques de relance, soutenant l’emploiet les salaires. L’État, premier employeur deFrance, pourrait alors donner l’exemple enrecrutant les fonctionnaires à hauteur desbesoins de la population et augmenter lessalaires. Les dépenses que cela engendreseraient financées par une réforme fiscalerefondant l’impôt et par les recettes nouvellesissues de la relance de l’économie.Pour le gouvernement actuel, toute mesuregénérale est exclue, qu’il s’agisse de revalo-risation du point d’indice ou de reconstructionde la grille salariale. Dans la plus pure tradi-tion libérale, il fait le choix de l’individuali-sation ; l’émulation entre les agents est recher-chée au moyen de trois leviers : la promotiond’un mérite individuel évalué par le seul chefd’établissement dans le cadre de l’avance-ment et de la promotion, le développement desheures supplémentaires, et la mise en place deprimes individuelles liées à des fonctions par-ticulières et modulées en fonction de la per-formance.L’iniquité de ces mesures n’est plus à démon-trer. Elles présentent en outre trois inconvé-nients rédhibitoires : instiller le poison de la

concurrence au sein des collectifs de travail,nuire à la qualité de l’enseignement en dis-persant l’activité des agents et en mettantl’accent sur les tâches visibles au détriment del’activité en classe difficilement évaluable,permettre à moyen terme de maîtriser l’aug-mentation de la masse salariale, au détrimentde tous les agents.Aussi, les enquêtes internationales soulignent-elles la dégradation de nos rémunérations aucours de la dernière décennie, relativement auxautres pays développés.

Augmenter les salaires des enseignants enFrance est donc totalement justifié. Salairesinsuffisants, pénibilité du métier, manque dereconnaissance sociale dissuadent les étu-diants de se présenter aux concours : unevéritable crise des recrutements se profile.Toute politique de relance de l’éducation, dela formation, de l’innovation en Franceimplique au préalable d’assurer les recrute-ments en améliorant significativement lacondition enseignante. ■

Laurent Tramoni

Pour la revalorisation salariale de nos professions,le SNES revendique :• L’augmentation du point d’indice de la Fonctionpublique : c’est une exigence pour assurer le maintienet le rattrapage du pouvoir d’achat ; c’est aussi un

élément de solidarité entre les générations.• La reconstruction de la grille pour reconnaître la qualification de nosprofessions, des carrières raccourcies et l’accès de tous aux dernierséchelons de la hors-classe.• L’abrogation de la loi TEPA, la revalorisation de la rémunération desHS, celles-ci étant limitées à ce qui est strictement nécessaire au bonfonctionnement des enseignements.• La révision de la politique indemnitaire, en fondant les indemnités surdes critères objectifs transparents, assurant l’égalité de traitement entreles collègues et entre catégories ; les indemnités des documentalistes,des CPE et des CO-Psy doivent être portées au niveau de l’ISOE.• Une politique d’action sociale effective, notamment, en matièrede logement et de garde d’enfants. Anne Féray

URGENCE POUR LA PROFESSION !

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Source : OCDE, regards sur l’éducation 2011, graphique réalisé par le SNES

Évolution du salaire des enseignants entre 1995 et 2009(le salaire de 2005 est celui de référence à 100 %)

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Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 15

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P ropos irresponsables » a dénoncéLuc Chatel, « promesses folles » adénoncé le ministre du Travail X. Ber-

trand, «... mais où va-t-on trouver l’argent ?C’est l’argent des Français... » a lancé N. Sar-kozy au téléspectateur déjà tétanisé par ladescription de la crise et le triple A vacillant...Depuis, les calculs vont bon train et la pro-messe du candidat socialiste fait l’objet dechiffrages divers et parfois fantai-sistes. Si beaucoup s’accordent pourestimer le coût budgétaire annuel de12 000 emplois à environ 500 mil-lions (évaluation faite à partir descoûts annuels d’un professeur desécoles et d’un professeur certifié entrantdans le métier), tout est ensuite questiond’affichage.

Bataille de chiffresAlors que le PS chiffre la « propositionHollande » à une augmentation du bud-get entre 2013 et 2017 de 2,5 milliards(+ 500 millions chaque année pendant5 ans), Luc Chatel l’évalue à 7,5 mil-liards, cumulant les hausses suc-cessives sur le quinquennat (pré-sentation qui n’est jamaisutilisée y compris au minis-tère du Budget...), quant àValérie Pécresse, c’est à100 milliards qu’elle enestime le coût... sur 50 ans

cette fois ! Comment financer une tellemesure ? On aura compris que du côté dugouvernement la question ne se pose pas. Ducôté de F. Hollande et du PS, si l’on remet encause la politique des cadeaux fiscaux et la loiTEPA, on estime aussi que le nombre de fonc-tionnaires et la masse salariale de la fonctionpublique de l’État ne peuvent augmenter etque ces créations concerneraient d’autres caté-

gories de personnelsque des enseignants,qu’elles devraient êtrecompensées par dessuppressions ailleurs,qu’il faut envisagerun changement desobligations réglemen-taires de service desenseignants et un allon-gement de l’annéescolaire...

La promesse de F. Hollande, s’il est élu Président, de créer 60 000 postes dans l’Éducationnationale en cinq ans a déclenché un concert d’indignations dans les rangs du gouvernementet une polémique notamment autour du coût et du financement cette mesure.

Si le projet de loi visant à lutter contre la précarité dans la fonctionpublique évolue, le texte n’est pour autant pas encore satisfaisant.

NON-TITULAIRESNE PAS LÂCHER

Revenir au fondPour le SNES-FSU le débat doit porter enpremier lieu sur le fond du sujet : la nécessitéimpérieuse d’investir dans l’éducation pourréparer les dégâts causés par les suppressionsmassives de ces cinq dernières années, d’ac-cueillir plusieurs dizaines de milliers d’élèvessupplémentaires tous les ans pendant au moins15 ans du fait des seules évolutions démogra-phiques, de lutter contre les sorties du sys-tème éducatif sans formation... Sans compterles moyens à mettre en œuvre pour permettrele recrutement de nombreux nouveaux ensei-gnants, ce qui ne pourra se faire sans une poli-tique incitative de prérecrutements et de condi-tions d’entrée le métier nettement améliorées...Certes tout cela a un coût important. Maiséduquer et former la jeunesse aujourd’hui estun investissement indispensable pour lasociété de demain et suppose une vraie volontépolitique. ■ Fabienne Belin

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Le Sénat a nommé Catherine Tasca rap-porteure sur le projet de loi de lutte contrela précarité dans la Fonction publique, et

devrait examiner le texte dans la deuxièmequinzaine de janvier. La suite des travauxparlementaires se jouera à l’Assemblée natio-nale à partir de janvier.Malgré l’avancée que représente l’amende-ment gouvernemental ouvrant la possibilité àceux qui étaient vacataires à la date du 31mars 2011 de s’inscrire au dispositif de titu-larisation, s’ils totalisent quatre années d’an-cienneté au cours des cinq précédentes, letexte comporte encore trop de limites. Il est

donc déterminant de développer les inter-ventions en direction des parlementaires. LaFSU le fait au niveau national, la démultipli-cation de cette démarche dans tous les dépar-tements apportera du poids à ses propos.Les non-titulaires, qui ont confié aux syndicatsde la FSU 53 sièges sur les 99 à pourvoirdans les CCPA, sont invités à retourner auxsections académiques la fiche de recensementpubliée sur le site du SNES.http://www.snes.edu/-Fiches-de-suivi-pour-le,5322-.html et http://www.fsu.fr/La-FSU-s-adresse-aux-senateurs,2968 ■

Anne Féray

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ENTRE PROMESSES ET AUSTÉRITÉOÙ EST LE VRAI DÉBAT ?

INJUSTICE SOCIALE… ENCORELe budget 2012 de l’Éducation a été adopté le 10 novembre à l’Assembléeavec une réduction de 20 millions d’euros par rapport au projet, pourcontribuer au milliard d’économies supplémentaires annoncé en août parF. Fillon dans le cadre du premier plan de rigueur. Seront notammentréduits de 11 millions les crédits destinés aux bourses de collèges et delycées, en raison « de leur sous-utilisation et du nombre d’élèves à la ren-trée 2011 », et de 2 millions les crédits pour les fonds sociaux.L’Assemblée nationale a donc fait le choix de viser à nouveau les publicsqui sont déjà les plus affectés par la crise… F. B.

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ACTUALITÉHISTOIRE DES ARTSCADRAGE À CONTRETEMPSAprès deux annéesd’un mutisme propice àl’improvisation, le ministèrevient de faire paraîtrela circulaire sur les modalitésd’évaluation de l’histoiredes arts au DNB. Outre le faitd’individualiser lapréparation de l’épreuve,elle passe totalementsous silence la rémunérationdes collègues impliqués.

Depuis deux ans la profession attend un réeltexte de cadrage. Si le travail du SNES –enquête nationale et florilège notamment

(voir sur le site) – a sans doute contraint le minis-tère à faire évoluer certaines dispositions (pos-sibilité d’évaluation après les conseils de classedu troisième trimestre et non-communicationdes notes aux élèves...), d’autres posent pro-blème sur le fond et sur la forme. En outre, cettecirculaire fait l’impasse sur toute forme de rému-nération des collègues impliqués. Une fois deplus, la méthode ministérielle qui consiste àinventer un nouveau dispositif « au fur et àmesure », sans partir des contenus enseignés etsans penser sa globalité, et ceci avec l’aide d’unepoignée d’« experts », montre ses limites. Ainsi,après s’être débrouillés seuls pendant deux ans,après de multiples débats – parfois houleux – dansles établissements, les enseignants vont découvrirdes modalités d’organisation pédagogique débat-tues nulle part, et qui ne vont sans doute pasêtre en phase avec les modalités de travail déci-dées par la plupart des équipes cette année.

• Publication d’une grille d’évaluation indi-cative qui intègre des « capacités générales etattitudes » (8 points) et qui fait évoluer cet oralvers la validation d’items de la compétence 1du LPC et vers une dimension nouvelleconcernant la découverte des métiers et desformations. • Apparition d’une mention sur le bulletinscolaire (qui la porte ?) et « le cas échéant »d’une note chiffrée. • Vote du CA sur les modalités d’organisationde l’enseignement et de l’épreuve : ainsi, lesparents d’élèves et autres membres extérieursà l’équipe éducative pourraient intervenir surles modalités d’évaluation des élèves dans lecadre d’un diplôme national.

Le SNES invite les collègues• À prendre connaissance de cette circulaireparue au BO du 10 novembre 2011 quiabroge la note de service du 13 juillet2009.• À refuser de porter une mention sur lebulletin des élèves et a fortiori une note.• À refuser d’individualiser la préparation del’épreuve (de plus sans aucune rémunérationpour le travail de suivi et la nécessaire concer-tation).• À ne pas tenir compte des items probléma-tiques de la grille d’évaluation publiée.

Il exige une remise à plat totaledu dispositif d’enseignement etd’évaluation. Compléments d’information et

d’analyse sur http://www.snes.edu/Histoire-des-arts-les-actions-et.html ■

Sandrine Charrier, [email protected]

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Les principales nouveautés • Évaluation sous la forme d’une véritableépreuve terminale ponctuelle, « en s’effor-çant de retenir » la période faisant suite auxconseils de classe du troisième trimestre. Lecandidat doit avoir choisi cinq objets d’études(dont un ou deux peuvent porter sur les sièclesantérieurs au XXe), reliés à plusieurs théma-tiques transversales et au moins trois des sixdomaines artistiques définis par l’arrêté du11 juillet 2008, qu’il peut présenter dans undossier personnel (qui sert alors de support àl’évaluation). La définition du jury est étendueaux enseignants de lettres.• Préparation des candidats à l’épreuve par lebiais d’un suivi individuel (dans quel temps ?).

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Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 17

DROITS ET LIBERTÉSLIBERTÉ D’EXPRESSION

Vigilance

PEINE DE MORT

Pour l’abolition universelle

Les actes récents de violence contre la pièce de Roméo Castellucci et l’incendie contre leslocaux de Charlie Hebdo sont des manifestationsinquiétantes d’intolérance.

Deux intégrismes s’attaquent une fois de plus à la liberté d’ex-pression. Ces deux exemples ne sont pas isolés et revêtent desformes diverses. Ces actes sont commis au nom du dogme et ils

prétendent dénoncer la décadence des valeurs. Certes, ils montrent quenotre société va mal et que la crise n’est pas qu’économique et sociale.Il est pourtant aussi évident que la crise et la politique gouvernementalecontribuent pleinement à la dislocation des liens de solidarité, à la miseà mal du vivre ensemble, et au recul du sens de l’intérêt général quenous portons.

Tristes souvenirsToute critique, moquerie, caricature... seraient interdites face au religieux,ce qui voudrait dire que les préceptes religieux seraient plus forts queles valeurs d’une République laïque et d’une démocratie. En effet, laliberté de penser, de conscience, d’expression sont inaliénables. Peut-on accepter un délit de blasphème ? Impensable. Chacun est libre d’al-ler ou non à un spectacle, de lire tel ou tel journal. On peut ne pas êtred’accord avec tel ou tel article, tel ou tel spectacle, telle ou telle caricature,mais la violence est inadmissible. Ces actes rappellent de tristes souvenirset de tristes méthodes : il y en a qui préfèrent la violence à la confron-

tation des idées. Mais ainsi, en attaquant la liberté d’opinion, ils attaquentla démocratie en promouvant une société emmurée dans ses normes. Laparodie, l’ironie, l’insolence font partie de la démocratie.En France, la liberté d’expression est garantie. Elle n’est pas absoluemais limitée par la loi en matière de racisme et de diffamation. Cesbornes ne peuvent être définies que par la loi. Si quelqu’un estime quela loi n’est pas respectée, il peut porter plainte.« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battraijusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. » Ces parolesde Voltaire sont toujours d’actualité.Le gouvernement doit faire respecter ces libertés inaliénables.Citoyens, nous devons tous être vigilants. ■ Marylène Cahouet

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La ligne jaune entre information et stig-matisation a été clairement franchie dansla description du poste à pourvoir d’un

proviseur adjoint pour le collège de laReyberie à Toulouse. En effet, parler d’un« univers dégradé à forte concentrationethnique et religieuse proche de la ghettoï-sation » revient tout simplement à stigmatiserdes personnes et des territoires, sur descritères à connotation raciste qui plus est.La section académique du SNES Midi-Pyré-nées condamne donc vivement les termes decette annonce.

Pour le SNES, bien plusqu’une maladresse, cetteannonce trahit l’idéologie dela nouvelle politique d’édu-cation prioritaire : à quartier« spécial » et pour des élèves

« spéciaux », on répond désormais par despersonnels « spéciaux » dont les missions nesont plus celles des personnels des autresétablissements de l’Éducation nationale. ■

Section académique de Toulouse

Condamné à mort en mars 1995 au Texaspour un triple meurtre qu’il a toujoursnié, Hank Skinner se bat pour prouver

son innocence et réclame des tests ADN.Première victoire : son exécution prévue le9 novembre a été reportée pour que les testsaient lieu. Après l’exécution de Troy Davis,l’abolition universelle de la peine de mort està nouveau sous les projecteurs.L’Europe est entièrement abolitionniste àl’exception de la Biélorussie, mais 58 pays

continuent de recourir à la peine capitale,parmi lesquels les États-Unis qui sont lecinquième État meurtrier du monde après laChine (le tiers des exécutions), l’Iran, laCorée du Nord et le Yémen.

États-Unis : 3 200 condamnés à mortAux États-Unis, la peine de mort « ne per-dure que parce qu’elle repose sur uneconstruction idéologique, juridique, his-torique et sociétale », explique le socio-logue Arnaud Gaillard dans 999 au cœurdes couloirs de la mort. Il y a 3 200condamnés à mort sur une population de300 millions d’habitants. Discriminationéconomique et raciale : les prisons enfer-ment d’abord les pauvres et les Noirs. Cesderniers représentent 42 % de la populationcarcérale et 12 % de la population. Parailleurs, la différence d’application de lapeine varie de un à huit entre un Blanc etun Noir. On ne va pas reprendre ici lesarguments contre la peine de mort, inhu-maine, absurde, irréversible, indigne... Quedire aussi de celui qui attend l’accepta-tion du recours, du report jusqu’au der-nier moment avant l’exécution ? Oui, il est urgent de renforcer les mobilisa-tions pour l’abolition universelle de la peinede mort. ■ M. C.

TOULOUSE

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Revuei

Histoire et imagesAnimé notamment par notrecollègue Hélène Latger, le dos-sier du récent n° 115 des Cahiersd’Histoire propose un ensembled’analyses et d’outils « pour unenseignement critique de

l’image en histoire », articulé avec laréflexion globale nécessaire surl’image (fixe et animée) et son ensei-gnement dans le secondaire, sansesquiver les droits d’usage toujoursmal résolus, même si les ressourcessont de plus en plus abondantes etleurs contenus pas toujours suffi-samment questionnés dans le cadred’utilisations pédagogiques. « L’his-toire peut-elle se faire avec desarchives filmiques ? », « Quand l’opi-nion s’affiche, une affiche fait-ellel’opinion ? », « Les hommes poli-tiques de la voix à l’image », « Ensei-gner le terrorisme allemand desannées 70 – une approche par le filmde fiction », « Enseigner l’histoiredes “années de plomb” italiennespar le cinéma de fiction », autantd’études associant une analyseapprofondie des sources et propo-sant des pistes pédagogiques sti-mulantes, sous les plumes de RomainHuret, Christiane Kohser-Spohn, GinoNocera, Claude Robinot, LaurentVéray, Jean-François Wagniart (éga-lement coordonnateur de ce dos-sier). P. L.• Cahiers d’Histoire – Revue d’histoire cri-tique : 6, av. Mathurin-Moreau, 75167 ParisCedex 19, http://chrhc.revues.org

Livresi

Marx, le retourMarx n’en finit pas de revenir. Ilest salué par la presse anglo-saxonne comme un penseurirremplaçable, insistant sur sonéconomie politique et son ana-lyse des crises. On en oublie-rait qu’il fut d’abord et avant

tout un philosophe matérialiste etutilisant la méthode dialectique crééepar Hegel. Une méthode qui permetde dépasser les oppositions pourappréhender les processus, le mou-vement. Lucien Sève, dans cetteperspective, veut, par l’intermédiairede ce choix de 100 textes – qu’il aretraduit, il explique ses options danssa présentation –, rendre vivante lanécessité de « la philosophique autravail ». Dans son introduction, iljustifie le passage de la « philoso-phie » au philosophique, manière depenser qui veut nous faire quitterle monde de la métaphysique, desIdées séparées du Réel. Marx par-lera d’abstractions réelles pour qua-lifier ses concepts provenant d’unprocessus mêlant indiction et déduc-tion. C’est à la fois l’originalité deMarx et sa difficulté. Le libéralisme

Au nom de la crise de ladette publique, tout devientpossible, comme le montre

l’exemple grec : baisse dessalaires et des retraites, déman-tèlement des services publics etde la protection sociale, remiseen cause du droit du travail et dela négociation collective.Pour « sauver l’euro et lesbanques », il est devenu légitimed’abaisser le niveau de vie dupeuple de 30 à 40 %, et de consi-dérer le compromis sociald’après-guerre comme un obs-tacle à détruire. La tempête a déjàdépassé les États les plus en dif-ficulté pour menacer des terresqu’on pouvait croire hier encorepréservées (Italie, France).

Sans cohésion...C’est aujourd’hui l’idée mêmede l’Europe comme projet com-mun et de paix entre les nationsqui est en jeu. Au départ, il y a eule pari fou de faire une monnaieunique avec des économies enconcurrence qui ont inévitable-ment divergé, et surtout avec desÉtats dont les systèmes fiscaux etsociaux ont été mis en compéti-tion, sans moyens propres euro-péens pour assurer la cohésion del’ensemble. Pour sortir de l’impasse de l’ab-sence du politique dans le scé-nario de Maastricht, le duofranco-allemand et la Commis-sion proposent un « saut fédé-ral » qui consiste à déployer undispositif impressionnant de pré-vention, de surveillance, desanctions et finalement de misesous tutelle des États stigmatiséscomme « laxistes » car ne satis-faisant pas aux critères de larigueur budgétaire. Il ne s’agit nullement de déve-lopper des mécanismes decoopération et de solidaritécapables de s’attaquer au vicede construction de l’Europe libé-rale, mais, avec un zeste demépris, d’imposer la loi des plusforts et de s’attaquer à la souve-raineté des pays en difficultés.L’affaire du projet de référen-

CRISE

Directement dans le murL’Europe, une automobile qui va dans le mur avec les peuples à la place du mort. C’est le sentiment que chacun peut avoir en regardant les plans d’austérité s’enfiler comme les perles du malheur.

ECO/SOCIAL

18 - US MAGAZINE - Supplément au no 714 du 14 novembre 2011

dum grec a montré que laconsultation des peuples étaitperçue comme une menace, laprise de décision par le duo Sar-kozy-Merkel éloigne encore unpeu plus la « gouvernance euro-péenne » de la démocratie.

... ni cohérenceLes décisions qui permettraientaux États de sortir la dettepublique des mains des marchésfinanciers sont écartées (moné-tisation de la dette par la BCE)ou ignorées (casser les méca-nismes spéculatifs). L’accord du 26 octobre n’a pastenu 15 jours, la spéculation agagné l’Italie et menace laFrance. Perdre le Triple A attri-bué par les gourous des agencesde notation, c’est s’exposer à lasuccession des plans d’austé-rité. La promesse de Sarkozy

de nous défendre en mettant soncorps entre nous et la crise, etcelle de Fillon avec sa « petiteaustérité » de nous protégercontre la grande à venir, ne sontpas crédibles.Deux questions pour conclure.Pourquoi nos dirigeants nousconduisent dans le mur : paraveuglement ? Parce que lesÉtats défendent les intérêts del’oligarchie financière ? Parceque la crise est instrumentaliséepour faire passer en force le pro-jet libéral de la concurrence detous contre tous ?Quel défi pour le mouvementsyndical ? Comment construiredes mobilisations européenneset prévenir les tentations xéno-phobes qui ne manquerontpas d’émerger si la catastrophesurvient ? ■

Daniel Rallet

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économique nous a par trop habi-tué au simplisme de la pensée. LucienSève défend, bien sûr, une lecture deMarx. Ce n’est pas la seule. Cettepensée en mouvement interrogeencore le monde. Comme ledémontre Alberto Manguel dans Nou-vel éloge de la folie (Actes Sud), les« classiques » dans quelque domaineque ce soit ont toujours quelquechose de nouveau à nous révéler.

Nicolas Béniès• Karl Marx. Écrits philosophiques,100 textes choisis par Lucien Sève,Champs/Classiques, Flammarion.

Une contre-histoireUn axiome très répandu estque l’Histoire est faite parles vainqueurs. La mémoiredes vaincus fait pourtantpartie du tableau d’en-semble, comme les révolteset les mouvements sociauxcomme on le dirait aujour-d’hui. La lutte des classes a existéde tout temps. Ce n’est pas une inven-tion marxiste, ni du capitalisme indus-triel. C’est une des démonstrationsoriginales de cette thèse, Une his-toire populaire de l’humanité. ChrisHarman nous fait parcourir le cheminde toutes ces oppositions aux ordresétablis, de ceux et celles qui ont vouluchanger le monde comme Spartacusou les révolutionnaires russes ouencore les animateurs des mouve-ments sociaux. Une histoire en mou-vement, de ces combats qui ontjalonné l’histoire du monde, combatsqui expliquent les politiques misesen œuvre, la structuration spécifiquedes formations sociales. Pour ne pascroire que les vaincus, les dominés,les révoltés n’ont pas eu un rôle –quelque fois majeur – dans l’archi-tecture des pays et du monde. Unechronologie au début de chaque par-tie permet de situer le contexte et lesgrandes dates repérées habituelle-ment. Une façon de « faire » de l’His-toire sans ignorer les révolutionsscientifiques et techniques. N. B.• Une histoire populaire de l’humanité. Del’âge de pierre au nouveau millénaire,Chris Harman, La Découverte, 733 p.

Histoires de CitéLewis Mumford (1895-1990),historien et économiste, s’estspécialisé dans les transfor-mations de l’urbanisme etde la technologie. La déshu-manisation des rapportssociaux et collectifs dans lecadre du capitalisme indus-triel, dans cette « société de consom-mation » – il écrit au début desannées 1960 – transforme les êtreshumains en simples moyens dereproduction de l’accumulation ducapital à l’intérieur de la Ville de ces

Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 19

Le déficit public provient àla fois du budget – lesrecettes sont inférieures aux

dépenses – et des comptessociaux : c’est un résultat comp-table, qui n’est pas directementlié à l’endettement. Tout tréso-rier sait que les rentrées d’ar-gent n’ont pas les mêmeséchéances que les sorties, que,pour faire face à un besoin definancement, il est nécessaire des’endetter. Ou de « monétiser »ce besoin. Autrement dit, des’adresser à l’Institut d’émis-sion, la banque centrale pourqu’elle crée de la monnaie. Cepouvoir de « battre monnaie »fait partie des droits régaliens. Ila été utilisé pendant toute ladurée des « 30 Glorieuses », de1945 à 1975. À de rares excep-tions près, le déficit des financespubliques a toujours existé.

Spéculations sur la detteLa loi a changé sous Pompidouet Giscard, en 1973, pour obli-ger le gouvernement à s’endet-ter, au lieu de faire appel à la« planche à billets ». La prioritéétait alors donnée à la luttecontre l’inflation. Les banques,intermédiaires financiers obli-gés à ce moment-là, sont dansl’obligation de souscrire à cesemprunts d’État , qu’ellesessaient ensuite de vendre àleurs clients. Tout bascule dans les années1980 avec la déréglementationfinancière et la montée expo-nentielle des marchés financiers.La dette est « titrisée », dépen-dante des opérateurs sur les mar-chés financiers, soumise à la spé-culation comme tous les autrestitres qui se négocient sur cesmarchés. L’internationalisationdes marchés financiers renforcela dépendance vis-à-vis de cescréanciers devenus anonymes.À l’exception des États-Unis oùune grande partie des nouvellesobligations – une part d’emprunt– est directement souscrite par laFed, la banque de réserve fédé-rale américaine. Contrairement àla BCE qui n’achète des obliga-

tions que sur le marché « secon-daire », soit des obligationsanciennes. Elle se refuse à suivrela voie ouverte par la Banquecentrale américaine de « moné-tiser » les déficits, de créer de lamonnaie pour amoindrir le poidsdes marchés financiers. La baissede la note des États-Unis par unedes agences de notation, Stan-dard and Poor’s, n’a donc pasfait monter ses taux d’intérêt.Le Japon qui, avec plus de200 % de dette par rapport auPIB bat des records, voit sesobligations souscrites parl’épargne intérieure.

Un remède poisonBaisser les déficits ne se traduitpas, ipso facto, par la diminutiondu poids de l’endettement. Lecas de l’Italie est parlant. Depuis15 ans, le budget est en « excé-dent primaire », les recettes sontplus élevées que les dépensescompte non tenu des intérêts dela dette, dette qui dépasse 100 %du PIB. Avec les mesures d’aus-térité que le Parlement vientd’adopter – et le départ de Ber-lusconi – il est question de pla-fonner la dette à... 100 % duPIB en 2022 ! Une des causes

de ce résultat se trouve dans le...dénominateur, la croissancemesurée par le PIB. La crois-sance est atone pour cette annéeet diminuera l’an prochain dufait même des baisses drastiquesdes dépenses publiques. Le« remède » est un poison mortelà la fois économiquement,socialement et politiquement.De plus, il ne rassure pas lesopérateurs sur les marchésfinanciers qui savent que sanscroissance, sans création derichesses, les intérêts de la dettene seront pas payés.L’équilibre des financespubliques voulu par Fillon n’estqu’une vieille lune libérale touteimprégnée d’une idéologie mor-tifère que plus personne nedéfend. L’objectif est devenu deconserver à toute force les trois« A » uniquement pour desmotifs électoraux. La France voitdéjà, sans dégradation de la note,ses taux d’intérêt augmenter. Labaisse des dépenses publiquesrevendiquée par le gouverne-ment n’est pas une bonne nou-velle. Ni pour la croissance, nipour la dette et encore moinspour nous... ■

Nicolas Béniès

DICTIONNAIRE

D comme Déficit et DetteLutter contre les déficits est-il le nec plus ultra de toute politique ? Est-ce une obligation ?Quel lien avec l’endettement de l’État ? Avec les réactions des marchés financiers ?

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tout, une grosse bergerie est bâtieau hameau de La Blaquière, dansle périmètre d’extension du camp.En avril 1973, 60 paysans ren-voient leurs papiers militaires.Deux grandes manifestations ontlieu sur le Larzac, en août 1973(60 000 personnes) sur le thème« les luttes ouvrières et pay-sannes » et en août 1974 (100 000personnes) sur le thème « mois-son-Tiers- Monde ». Dans toute la France, des comitésde soutien se sont créés. La pro-cédure juridique en vue de l’ex-propriation reprend au printemps1975. Le 10 mars, une explosioncriminelle détruit en partie uneferme de La Blaquière où dor-maient 11 personnes ! L’enquêtese conclut par un non-lieu...L’association Larzac-Universitésest créée en mai 1975. Le mensuelGardarem lo Larzac, journal despaysans et des comités Larzac,paraît en juin1975.En août 1977, 60 000 personnes seretrouvent sur le Larzac pour« vivre et travailler au pays ».Alors que sont rédigées les ordon-nances d’expropriation, les pay-sans marchent du Larzac à Paris ennovembre 1978. Fin novembre 80,ils campent avec leur famille surle Champ de Mars, puis sur une

péniche au bord dela Seine.François Mitterrand,élu le 10 mai 1981,va tenir les pro-

messes faites aux paysans : à l’is-sue du Conseil des ministres du3 juin est annoncé le projetd’abandon d’extension du camp.Le 7 juin, les militaires quittentles cinq fermes qu’ils occupaientdepuis octobre 1976.Aujourd’hui, la population du Lar-zac a augmenté, l’agriculture s’estdiversifiée, la plupart des fermes seconsacrent au « bio ». Les ventesdirectes et magasins de produc-teurs se sont développés.Face à un pouvoir qui tentaitd’acheter les paysans, ironisait surleur vie et s’efforçait de tournercette lutte en dérision, une résis-tance durable et qui s’est élargie asolidarisé les paysans du Larzac etle monde ouvrier, en ouvrant aussisur les luttes des autres peuples.Des paysans habitués au silencedans la solitude des causses, ontpris la parole et donc la main surleur vie et leur travail, en toutemodestie, mais fièrement.Le Larzac reste une terre de lutte :« en 2003, 300 000 personnes ras-semblées » pour un monde soli-daire ; en 2010, mobilisation contrele projet d’extraction de gaz deschiste dangereux pour l’envi-ronnement et la santé. ■

Elizabeth Labaye

• Une exposition retrace l’épopée du Larzacau Musée de Millau (jusqu’au 3 mars 2012).Le film de Christian Rouaud, « Tous auLarzac » est sorti le 23 novembre.

Le SNES a participé aux« ateliers pour l’école » àLyon les 11-12-13 novembre.

Point d’orgue d’une démarcheinitiée depuis plus d’un an, ils’agissait de faire travailler

ensemble monde de l’enseigne-ment, chercheurs, associationspartenaires et parents, en parti-culier ceux vivant dans la misèreet l’exclusion. Ce défi a été relevéavec panache : l’organisation desdébats a permis le dialogue au-delà des incompréhensions réci-proques habituelles. Les parentset leurs enfants ont témoigné de

l’importance qu’ils accordent àl’école, mais aussi de la violencequ’elle leur renvoie.La corrélation entre échec sco-laire et exclusion sociale est bienconnue, mais il faut comprendrela construction au quotidien dela difficulté scolaire pour élaborerensemble des propositionsconcrètes et efficaces. En premierlieu, les parents doivent se sentirreconnus par l’école pour être enmesure d’accompagner la scola-rité de leurs enfants. Ces derniersdoivent se sentir accueillis et sou-tenus. Cela passe par la forma-tion des enseignants et par un tra-

vail de l’école sur elle-même. Le SNES s’engage à poursuivresa réflexion pour la prise encompte de l’exclusion sociale àl’école et la réussite de tous, et àcontinuer le travail avec ATD envue de l’élaboration d’une plate-forme commune. ■

Marylène Cahouet,Valérie Sipahimalani

1. ATD Quart-monde est un mouve-ment donnant la priorité aux plus dému-nis, aux plus exclus : « si la société nese bâtit pas à partir d’eux, ils resteronttoujours à la marge ou n’auront accèsqu’à des sous-droits ou des droits par-ticuliers ».

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ECO/SOCIALIL Y A 40 ANS... Le LarzacDans une période où la finance est reine, où le sens du travail estdénaturé, où les valeurs sont combattues comme archaïques, la« modernité » de cette lutte longue et déterminée pour quelquesarpents de terre – mais qui faisaient la vie – vaut qu’on s’en souvienne.

ATD QUART-MONDE(1)

Quelle école pour quelle société ?

années 1960. I l analyse cetteconstruction urbaine comme uneentreprise de perte de mémoired’une humanité qui refuse son his-toire. Il faudrait aujourd’hui, dans ceXXIe siècle, poursuivre cette thèsepour aborder les raisons de toutesces explosions sociales des « ban-lieues » laissées pour compte dece soi-disant progrès économique etantisocial. Pour lui, la Ville s’est for-gée en lien avec la mine. Elle a mis enmouvement la démolition – capita-liste – des rapports entre les indivi-dus et des rapports entre ces indivi-dus et la nature. Une rééditionnécessaire d’un classique devenu unincunable qui pose la question de laconstruction de notre futur, d’uneville qui réunisse plutôt que de sépa-rer, même si le déterminisme dont ilfait preuve a beaucoup vieilli. N. B.• La cité à travers l’histoire, Lewis Mum-ford, préface de Jean-Pierre Garnier,Agone/Mémoires sociales, 922 p.

Syndicat, grèveet politique...

Dans cette synthèse,Stéphane Sirot remeten perspective les pro-blématiques syndicalesd’aujourd’hui en explo-rant l’articulation entre

le rapport au politique et l’usagede la grève. Au-delà des évolutionsdu syndicalisme, de l’autonomieouvrière à son institutionnalisation,il montre, notamment au traversde l’exemple du syndicalisme del’énergie, les constantes dans lesquestions posées au mouvementsocial, et notamment celle dudébouché des revendications.• Le Syndicalisme, la politique et lagrève, Stéphane Sirot, coll. Le corpssocial, éditions Arbre bleu, 2011.

DVDi

À vos postes de télé...Après son incontour-nable La mise à mort dutravail (disponible enDVD), Jean-Robert Vial-let propose une nouvelle

grande fresque documentaire ensix épisodes autour des affairesd’État « Manipulations, une histoirefrançaise » tous les dimanches à20 h 35 sur France 5 jusqu’au11 décembre : voir présentationdétaillée en pages culture du sitewww.snes.edu

Le 11 octobre 1970, les paysansdu Larzac – ils sont une cen-taine, pour la plupart non -pro-

priétaires –, apprennent par la télé-vision que Michel Debré, ministrede la Défense, a décidé l’exten-sion du camp militaire. En mai2011 a lieu la première des mani-festations qui ponctueront dixlongues années de lutte. 103 pay-sans sur 107 s’engageront à ne pasquitter leurs terres et à n’accepteraucune transaction.Dès le 14 juillet suivant, 2 000personnes défilent à Rodez.Le projet d’extension du camp (de3 000 à 17 000 ha) ayant étédéclaré « d’utilité publique », l’en-quête a lieu en octobre 1972. Pourpopulariser la lutte, les paysansemmènent 60 brebis paître sousla Tour Eiffel à Paris. Puis ce sontdes tracteurs qui partent du Larzacvers Paris, avec des slogans quifont mouche (« faites labour, pas laguerre », ou « des moutons, pasdes canons »...). Les paysans créent l’APAL (asso-ciation pour l’agriculture sur leLarzac) et un premier GFA (grou-pement foncier agricole) est consti-tué en décembre 1973 pour ache-ter parcelle par parcelle les terresconvoitées par l’armée. Avecl’aide de volontaires venus de par-

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DOSSIERLa fabrication des programmes

Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 21

Les programmes

scolaires structurent

l’enseignement,

influencent

largement les pratiques

enseignantes et sont

en connexion avec

les formes d’évaluation.

L’organisation de la culture scolaire en disciplines constituées, directement issues de dis-ciplines universitaires ou non, impose une professionnalité des enseignants dans la trans-position didactique qui leur donne la légitimité d’intervenir dans la définition de ce quidoit (et peut) être enseigné. Censés traduire ce que la société attend de l’École, en termede savoirs et d’attitudes intellectuelles, ils sont aussi porteurs d’enjeux politiques, sociaux

et culturels et, à ce titre, la représentation nationale ne peut rester à l’écart de leur conception.Aujourd’hui, malmenés par l’imposition à marche forcée des « compétences clés » définies parla Commission européenne, soumis aux pressions dès qu’ils s’aventurent dans des domaines socia-lement sensibles, dénigrés par les tenants d’une culture patrimoniale figée, sommés de prendreen compte les évolutions scientifiques et technologiques d’une société en évolution toujours plusrapide, interpellés par les nouvelles formes de rapport aux savoirs qui naissent des mutations tech-nologiques et culturelles d’un monde de plus en plus ouvert, leur écriture est confisquée par unpetit nombre d’experts désignés par un ministère qui réduit le dialogue social à de vagues consul-tations formelles sans lendemain. Rien d’étonnant alors à ce que la contestation des programmes n’ait jamais été aussi forte et aussidiverse, et à ce que les enseignants ne sachent pas quoi en faire dans certains cas, tandis que lesélèves n’y trouvent pas sens.Il est temps de reprendre le fil d’une élaboration des programmes plus démocratique, plus à l’écoutedes attentes et des exigences de la communauté éducative, sans éviter les polémiques (dont on saitbien qu’elles peuvent être si fécondes dans l’acte éducatif) et dans le respect des missions fixéespar la nation à son École. L’enjeu, humain et de société, n’est pas mince : il s’agit de l’avenir dela jeunesse.

Une construction partagée ?

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Dossier coordonné par Véronique Ponvert et Roland Hubert ; réalisé par Sandrine Charrier, Thérèse Jamet-Madec, Georges Ortusi, Denis Paget, José Pozuelo, Thierry Reygades, Marc Rollin

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La fabricationdes programmes

Programmes scolaires

Un enjeu de société

On critique les jargons ; on trouve tou-jours les programmes surchargés, quelsque soient les efforts réguliers pour

les alléger ; on déplore les cloisonnements dis-ciplinaires ; on rêve de solutions miraclesqui permettraient « d’apprendre à apprendre »sans apprendre, ou de compétences magiquesqui ouvriraient le sésame de tous les savoirs...Parachuté du haut des instances européennes,le socle commun a tenté de transformer cetteillusion en réalité.

L’affaire de tousSociétés savantes, universitaires, académi-ciens, professeurs au Collège de France,enseignants, politiques, journalistes, parentset élèves parfois, n’hésitent pas à mener descampagnes, voire des croisades sur tous lessujets sensibles. Si l’opinion s’alarme faci-lement sur les méthodes de lecture, sur l’or-thographe ou sur des interprétations de l’his-toire, elle reste beaucoup plus discrète sur lanature des sciences enseignées ou sur lecontenu des enseignements technologiques,alors même que les changements de pro-gramme introduisent des réformes radicales– et souvent catastrophiques – des contenus.C’est à la fois très sain et très préoccupant.Très sain parce que ces débats montrent quele pays n’est pas indifférent à la transmissionde la culture ; mais aussi très préoccupant

Ce travail n’est pas une pure production technique ou savante

Depuis 2005, les professeurs de langues doiventmettre en œuvre le cadre européen commun deréférence pour les langues (CECRL) et donc fairetravailler cinq compétences orales et écrites. LesIPR font pression, via les inspections, pour que lescollègues respectent prioritairement le CECRL.Parallèlement, l’inspection générale a écrit desprogrammes qui, tout en adoptant la logique descompétences, se réfèrent aux savoirs, au lien entrelangue et culture, au développement de l’espritcritique, à l’ouverture à l’autre. Mais commentconcilier ces deux logiques dans les cours en

travaillant les thèmes préconisés par les pro-grammes, tout en faisant travailler les compétencesdu CECRL, d’autant plus en l’absence de forma-tion ? Les enseignants ne veulent pas renoncer à cequi leur semble indispensable : préparer les élèvesà une bonne maîtrise de la langue mais aussi à êtredes citoyens cultivés, ouverts et ayant l’espritcritique. Ce choix est encore moins évident – voireimpossible – pour les collègues confrontés auxgroupes de compétences qui entraînent une juxta-position de compétences et compliquent voire empê-chent le nécessaire travail de synthèse.

parce que, faute de lieux où ces questionspourraient être clarifiées et menées à leurterme, ce sont des « experts » anonymes quitranchent, souvent sans scrupule, des ques-tions de grande portée pour l’avenir. Tel a étépar exemple le mode d’élaboration du soclecommun au sein d’un Haut Conseil del’Éducation composé de membres presquetous cooptés par le pouvoir politique en place.Depuis, la traduction dans les programmes del’imposition du socle au collège, assorti d’unlivret de compétences pédagogiquementinopérant, et la rédaction des programmes

Le débat public sur les contenusenseignés est toujours abordé par des biais et repose sur une doxa qui nous ressort éternellement lesmêmes poncifs.

de lycée dans le cadre de la réforme du lycéeont suivi le même chemin. Or, un tel travail n’est pas une pure produc-tion technique ou savante. Les choix engagentdes conceptions de l’homme, de la femme,des savoirs, des missions du système éduca-tif, de la société. Ces choix induisent laconception de la formation initiale de plu-sieurs générations de jeunes, et ont des consé-quences lourdes sur le métier d’enseignant etles conditions de son exercice, sur la placeallouée aux disciplines scolaires et sur leséquilibres du curriculum des élèves. ■

Langues vivantes : comment articuler programmes et CECRL ?

Règles defabrication

Qui écrit les programmes ? Le ministre établit un cadrage de la rénovation desprogrammes et l’adresse au directeur général del’enseignement scolaire (DGESCO), chargé de conduire leprojet. Un groupe d’experts sous la présidence d’un universitaireou d’un inspecteur général les rédige. Ses membres, choisis

par les présidents de groupes en accord avec la DGESCO,doivent être complémentaires dans leur expertise.Le bureau des programmes de la DGESCO suit les groupesd’experts (respect du cahier des charges, relais entre legroupe et l’ensemble des acteurs du système éducatifdurant la phase d’élaboration des textes).

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Un socle qui déstabilise

Des disciplines malmenées ?

Cette validation par compétences, trèsconsommatrice de temps en cours et endehors du cours pour les enseignants,

s’ajoute et souvent s’oppose à la notationchiffrée qui reste encore la norme. De redou-tables problèmes se posent aux enseignants :alors que la priorité affichée est l’obtentiondu socle (intitulé « tout ce que nos enfantsdoivent savoir »(1)) pour chaque élève, tous lesenseignants savent que l’accès à une voiedu lycée avec des chances de réussite requiertbien plus en terme de connaissances et dedémarches intellectuelles. Le socle commun, dans une course à l’uti-litaire, marginalise les disciplines qui nes’inscrivent pas directement dans le « lire-écrire-compter-cliquer » (éducation musi-cale, arts plastiques, EPS, technologie...),au profit de postures et de comportementsnormés plus en adéquation avec les attentesimmédiates du monde économique. Lesautres disciplines ne sont pas épargnées, lanotion même de socle pouvant changer lanature de leur déclinaison scolaire.

Continuum du second degréLa relecture des programmes à la « lumièredu socle » a ainsi conduit l’inspection géné-rale à des stratégies différentes suivant les disciplines, augmentant l’ambiguïté sur les

objectifs du collège, tiraillé entre une fonc-tion de fin d’étude obligatoire validée par leLPC et son ancrage dans un second degrécohérent allant de la Sixième à la Terminale.Théorisant l’idée qu’il existerait des compé-tences et des savoirs transversaux qui seraientpremiers, que l’on pourrait apprendre sansvéritable ancrage disciplinaire, le socle porteen creux l’idée que l’enseignement par dis-ciplines constituées serait dépassé, l’organi-sation disciplinaire n’étant plus la bonnestructuration de la culture scolaire et de l’ac-tivité intellectuelle des élèves. L’interdisci-plinarité ne serait plus l’outil d’une mise encohérence de savoirs spécifiques et le croi-sement de regards et d’approches sur des« objets d’étude », mais serait au service del’acquisition de ces supposées compétencestransversales.Programmes disciplinaires conçus en com-plémentarité ou sorte de curriculum décliné

en compétences... la cœxistence de ces deuxlogiques est-elle possible à terme ? ■

1. Nom donné à la version grand public du soclecommun de compétences et de connaissances,préfacée par tous les ministres de l’Éducation nationaledepuis 2006, éd. Sceren/XO

Quelle mise en cohérence ?

La construction des diplômes professionnelsLes diplômes professionnels (CAP, bac pro, BTS…)sont construits par les commissions consulta-tives professionnelles (CPC) qui concernent l’en-semble des champs de l’activité économique.Dans ces CPC siègent les représentants des sala-riés du privé, des employeurs, des enseignants etde l’administration.Pour construire un diplôme, une enquête d’op-portunité est commandée : il s’agit de savoir si lediplôme envisagé correspond à une demande surle marché de l’emploi, à quel niveau de qualifi-cation et pour quel vivier. Puis, un référentieldes activités professionnelles est rédigé : il s’agitde définir les tâches que le diplômé devra exer-cer dans son travail. Ensuite, le référentiel decompétences est décliné : il s’agit des savoirset compétences nécessaires pour effectuer cestâches, ce référentiel définit les contenus disci-plinaires des programmes. Enfin, le référentiel decertification précise le règlement d’examen pourles candidats scolaires ou étudiants, pour lesstagiaires de la formation continue, pour ceux quisouhaitent accéder aux diplômes par la VAE.Ce mode de construction permet de s’assurerque les diplômes correspondent à de vrais besoins

économiques que le patronat, qui y est associé,ne peut pas remettre en cause notamment dansles conventions collectives. Paradoxalement, cemode de construction assure une place importanteaux disciplines générales, enseignements abso-lument indispensables pour la mobilité et les évo-lutions professionnelles des salariés.Pour des raisons historiques, les baccalauréatstechnologiques sont également examinés en CPCmême si toute la démarche n’est pas appliquéepuisque ces bacs ne visent plus l’insertion pro-fessionnelle immédiate.Même si elle engage l’ensemble des acteurs,cette démarche entraîne parfois des contenusaux exigences dépassant largement le niveau dequalification visé et, par effet de retour, descontenus réellement enseignés en retrait desobjectifs affichés dans les référentiels. Le réexa-men régulier, tous les cinq ans environ, ne palliepas ce problème, même s’il assure une certainecohérence entre contenus des référentiels etactivité dans le travail et les entreprises.

1. Le SNES est représenté dans l’ensemble des CPC duministère de l’Éducation nationale.

Depuis la loi d’orientation de l’école de 2005, la conception usuelle des programmes disciplinaires s’est trouvée confrontée au collège à la notion de socle commun et à une forme différente d’évaluation des acquis des élèves par l’imposition du LivretPersonnel de Compétences.

Le Haut Conseil de l’Éducation :un organisme consultatif

Institué par la loi de 2005, il est composé de9 membres, nommés par les présidents de laRépublique, de l’Assemblée nationale, du Sénatet du Conseil économique et social environ-nemental. « Il émet un avis et peut formulerdes propositions sur les questions relatives àla pédagogie, aux programmes, aux modesd’évaluation des connaissances des élèves, àl’organisation et aux résultats du systèmeéducatif et à la formation des enseignants. »(art. L.230-2 du code de l’éducation).

Qui est consulté ? Qui décide ?Des représentants des enseignants, des parents d’élèves, des associations discipli-naires, etc., sont censés être consultés dans la phase d’élaboration (ce qui est loind’être systématique). Une consultation des enseignants est organisée sur lesprojets de programmes par les IA-IPR, sous la responsabilité des recteurs (consul-tations parfois confidentielles). Le Conseil supérieur de l’éducation (CSE), dont lesorganisations syndicales sont membres ainsi que les représentants des usagers,des collectivités territoriales et des associations, donne un avis consultatif.

Le ministre, qui peut recueillir l’avis du Haut Conseil del’Éducation (HCE), arrête le contenu des programmes. Leurpublication sous forme d’arrêté au JO leur donne valeurréglementaire. Les programmes doivent être publiés 12 mois au moins avantleur entrée en vigueur, sauf décision ministérielle expresseprise après avis du CSE (art. D. 311-5 du code de l’éducation).

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Questions socialement vives

Il faut les enseigner

Quelle place pour la représentation nationale ?

Le choix des contenus à enseigner

Et ailleurs, en Europe

Régulièrement, des polémiques naissentà propos de contenus enseignés danscertaines disciplines qui abordent des

questions dites « socialement vives », c’est-à-dire touchant à des sujets qui font débatdans la société parce qu’ils sont lourds d’en-jeux sociaux, politiques. Ainsi principale-ment l’Histoire-Géographie, les SciencesÉconomiques et Sociales, les Sciences de laVie et de la Terre sont-elles régulièrementinterpellées par des groupes de pression, desparlementaires ou des associations. S’il est évident que certaines questions peuvent

toucher au plus intime et qu’il convient doncd’y être très attentif quand on les aborde col-lectivement dans le cadre d’un cours, il estaussi clair que le rôle de l’École, dans le res-pect de la neutralité politique et de la laïcité, sedoit de donner aux jeunes les outils théoriques,les concepts scientifiques et les démarchesintellectuelles pour se situer rationnellementdans la société et les débats qui la traversent.Par leur formation et la maîtrise de leur disci-pline, les enseignants sont capables de « sco-lariser » ces savoirs et de les rendre acces-sibles aux jeunes auxquels ils s’adressent.

La Seconde Guerre mondiale et la Shoah, le Moyen-Orient, la colonisation, le créationnisme et la théorie de l’évolution,l’enseignement de la biologie de la reproduction et la question de l’orientation sexuelle, l’évolution du monde du travail et des inégalités sociales, le chômage et le rôle économique et social de l’État...

Sans doute, certains esprits étroits et conser-vateurs, peu enclins à accepter que les citoyensde demain soient suffisamment éclairés etautonomes pour se forger leur propre opinionsur un certain nombre de sujets, préféreraientlaisser à la famille le monopole de l’éducationdes jeunes sur ces questions.

Connaître pour comprendrePour le SNES, la démocratisation de l’accèsaux savoirs englobe largement l’ambition dedonner les clés de compréhension du mondeet des rapports sociaux à l’œuvre dans notresociété. L’École ne peut ni ignorer les ques-tions conflictuelles, ni être le porte-parole detel ou tel groupe de pression.Encore faudrait-il pour cela que les ensei-gnants, par leur professionnalité qui s’ap-puie sur leur maîtrise des contenus ensei-gnés, soient mis dans une situation sereinepour aborder avec leurs élèves ces ques-tions, loin de toute pression et procès d’in-tention. Mais cela passe par une confec-tion des programmes plus démocratique,ce qui impose, en amont, un débat pluslarge créant les conditions d’un consensussur les missions de l’École. ■

PortugalTous les programmes d’enseignement sontdéfinis totalement nationalement. Le pouvoirpolitique fixe toutes les orientations enmatière de contenus d’enseignement.

PologneTous les enseignants, quelle que soit leurdiscipline, sont responsables de l’élaboration desprogrammes. Ils font donc des choix, despropositions et, au bout du compte, c’est le chefd’établissement qui approuve les programmes.

L’élaboration des programmes scolairesengage bien au-delà de l’école tous lescitoyens et tous les parents qui sesoucient de la transmission culturelle degénération en génération.

Les dispositifs et Institutions qui ontprésidé à l’élaboration des pro-grammes ces quinze dernières années

relèvent tous, d’une manière ou d’une autreet à des degrés divers, d’une forme d’ex-pertise qui entre en contradiction avec uneconstruction démocratique des pro-grammes.Il est parfaitement légitime que l’Assem-blée nationale ou le Conseil Économique et

Social – et peut-être d’autres institutionsreprésentatives – émettent des demandes enmatière de contenus, au moins sur lesgrands équilibres et les grands objectifs dela formation des jeunes.Il peut être acceptable que des institutionsreprésentatives veillent au respect des prin-cipes généraux inscrits dans la Constitutionet des textes fondateurs de notre République,et solennisent un travail de rénovation desprogrammes sous la forme d’une feuille deroute transmise à des instances compétentes.Pour autant, le Parlement ne peut prétendredicter les programmes, encore moins exigerune vision idéologique, voire partisane descontenus de l’École.

Une conception exigeante et forcément impartialeEn effet, les programmes doivent concilierune multitude de compétences etd’acteurs ayant des logiques spécifiques qu’ilfaut entrecroiser : logique scientifique ; logiquepédagogique et didactique pour que les savoirssoient effectivement enseignables et forma-teurs à chaque étape du système éducatif pourtous les élèves ; logique démocratique pourqu’ils correspondent bien aux besoins d’unesociété soucieuse de progrès pour tous, d’éga-lité et de prise en compte des antagonismes ouparticularismes culturels des groupes qui lacomposent. La conciliation de ces logiquesrésulte nécessairement de la capacité à confron-

Donner les clés de

compréhensiondu monde

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FinlandeEn Finlande, le Conseil national de l’éducation définit lesgrands principes des programmes nationauxd’enseignement ; les municipalités et établissementsscolaires définissent leurs propres programmes tout enrespectant les grands principes et en ayant la possibilité d’yajouter leurs propres points de vue.

Droit et grands enjeux du monde contemporain en série L

Petite chronique d’un fiascoLa genèse du programme de « droit etgrands enjeux du monde contemporain »,spécialité de la nouvelle Terminale L, estemblématique des dysfonctionnementsactuels dans la conception etl’élaboration des programmes scolaires.

Épisode étape : La réforme des structures dela voie générale impose un intitulé et unhoraire. Aucune réponse aux questions sur lecontenu de cette nouvelle spécialité, sur sonrapport avec les autres disciplines de la série,les objectifs en terme de formation et lespersonnels appelés à l’enseigner ! L’attente dela communauté éducative se situe sur uneréflexion sur les grands enjeux du mondecontemporains, le droit venant apporter unéclairage particulier permettant aussi dedécouvrir le fonctionnement de cettediscipline absente du second degré.

Épisode étape : Un groupe d’experts estnommé sous la présidence d’un juristeémérite, plaçant ainsi cet enseignement dans

le cadre d’une propédeutique à une poursuited’études en droit. Aucune information n’estdonnée sur la lettre de mission adressée augroupe.

Épisode étape : Le projet de programme nerecueille aucune voix favorable au CSE. Ledirecteur de la DGESCO s’étant« personnellement impliqué dans la rédactiondu projet » publie le projet au BO sansaucune modification.

Épisode étape : Une circulaire, débattuenulle part, fixe les modalités de recrutementdes « enseignants » chargés de cetenseignement, en totale contradiction avec lesrègles statutaires de nomination desenseignants.

Résultat ? Avant même sa mise en œuvre,un thème du programme (la famille) susciteune polémique et les chefs d’établissementont entamé la recherche d’enseignantsvolontaires pour assurer cet enseignement. ■

La notion de « curriculum » reste en Francepeu utilisée, contrairement à la plupart desautres pays. Elle nous vient des sciences del’éducation anglo-saxonnes.

Il n’y a pas de définition stable et una-nime de ce qu’est un curriculum(1). Il s’agitd’un programme global de formation. Les

programmes scolaires sont un sous-ensemble du curriculum.Au lieu de réfléchir les contenus à enseignerindépendamment les uns des autres, le cur-riculum construit une cohérence sur l’en-semble du parcours scolaire. Il se préoc-cupe notamment des situationsd’apprentissage, de leur progression, desacquisitions des élèves, de la formation desenseignants. En France, l’idée d’un curriculum en docu-mentation est née dans les années 90, afin derendre compte des pratiques d’information etde documentation que doivent acquérir lesélèves, des contenus de savoirs, et des situa-tions d’apprentissage dans lesquelles ces

Construction desprogrammes : une réflexioncollective et croisée

Une autre façon de penser les contenus d’enseignement ?

Le curriculum

ter des points de vue et à aboutir à des com-promis qui ne peuvent être l’apanage de lareprésentation nationale. Il faut donc créer deslieux où ces logiques se confrontent, à l’imagede ce que sont les commissions d’élaborationdes formations et diplômes professionnels quiobligent les représentants du patronat, dessalariés, des enseignants, du ministère del’Éducation, à travailler ensemble pour menerà bien les études préalables à la confectiondes référentiels. Ce travail d’observation, deréflexion et de confrontation ne peut se jouerdans la temporalité politique qui pense tout àtrès court terme. C’est à partir de ce travailpréliminaire que peut se concevoir unedémarche démocratique d’élaboration asso-ciant universitaires, chercheurs, inspecteurs,enseignants, représentants des personnels...

Une élaboration démocratiqueLa capacité individuelle de penser lescontenus d’enseignement et les pro-grammes se construit dans la réflexion col-lective et croisée avec tous les autresacteurs du système éducatif et de la société.Quant au rôle des professeurs dans laconception des programmes, il doit êtreconsidéré comme faisant intégralement par-tie de leur activité professionnelle. Il consti-tue un élément central de leur formationcontinue permettant une réactualisation,une réappropriation constante des savoirsenseignés et une vision plus globale. On estévidemment très loin des pseudo-consul-tations auxquelles se livre régulièrementle ministère. ■

contenus et ces pratiques peuvent s’acquérir.Depuis, de nombreux enseignants-docu-mentalistes de terrain, des associations ou deséquipes de recherche comme celle de« l’ERTé Culture informationnelle et curri-culum documentaire », ainsi que le SNES,tentent d’ouvrir des pistes en ce sens et reven-diquent la mise en place d’un curriculum. Ilest temps que la réflexion s’engage au niveauministériel pour que les objets d’apprentis-sage soient réfléchis, en les organisant, etce afin qu’ils soient effectivement mis enœuvre dans les pratiques pédagogiques. La notion de curriculum est-elle transpo-sable à l’ensemble des disciplines dans lecadre d’une formation globale ? Permet-trait-elle de repenser les programmes encomplémentarité, de chercher des conver-gences entre eux en amont de leur écriturepour construire une véritable culture com-mune ? ■

1. Voir les travaux de Jean-Claude Forquin, PhilippePerrenoud, Roger-François Gauthier.

EspagneLe gouvernement central fixe le cœur des programmes nationaux,qui correspond à 55 % de l’horaire-élève. Chaque communauté autonomea la responsabilité de mettre en œuvre les 45 % restant pour établirson propre programme scolaire que chaque établissement peut ensuiteadapter en fonction du contexte socio-économique et culturel.

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IER Entretien

L’US : Qui est en droit de décider de ce qu’on enseigne à l’école ? Quel devrait être le rôle des enseignants dansla définition des programmes ?Ph. P. : Dans une société démocratique, c’est la collectivité poli-tique nationale ou régionale qui décide des finalités de l’éducationscolaire et des grandes lignes de ses contenus. Avec une partd’autonomie locale dans certains pays. Et une tendance à har-moniser les programmes à l’échelle internationale. Une fois lesobjectifs et les programmes adoptés, les enseignants sont censésles appliquer avec loyauté, quoiqu’ils en pensent. Mais on sait bienque s’ils ne sont pas convaincus, ils le feront a minima. D’où l’im-portance d’associer tous les acteurs au débat, y compris les pro-fesseurs et leurs organisations comme experts de la culture aussibien que de la pédagogie.

L’US : Dans votre ouvrage, vous semblez faire une différenceentre les classes sociales quant à leurs attentes parrapport à l’école...Ph. P. : Il y a une différence. Les parents de classe privilégiée sesentent des droits sur l’école, ils parlent haut et fort et agissent detoutes les manières possibles pour qu’elle réponde à leurs attentes.Les parents appartenant aux classes populaires ont beaucoupmoins d’influence. Ils sont aussi plus ambivalents. Aussi longtempsque leurs enfants ont encore la possibilité d’accéder aux étudessupérieures, ils rejoignent la logique des classes moyennes :investir dans ce qui est déterminant dans la sélection. Mais lorsquele rêve se brise, les familles anticipent une entrée plus rapide dansla vie active et souhaitent, mais un peu tard, que l’école donne àleurs enfants les compétences qui leur permettront de se débrouillersans avoir fait d’études supérieures. Dans les classes favorisées,l’accès des enfants aux études supérieures va de soi. Les compé-tences pour la vie, ils n’ont rien contre mais ils estiment que la prio-rité est de travailler pour réussir les concours. L’école est doncconfrontée à des besoins et à des calendriers très différents, quin’ont pas le même poids politique.

L’US : Vous dites que les réformes scolairesse caractérisent par leur faiblesse conceptuelle :faites-vous référence à la réforme du socle commun ?Ph. P. : Les réformes sont généralement faites de manière pré-cipitée, souvent pour des raisons de calendrier électoral, et leursbases conceptuelles sont en effet souvent faibles. Quant au soclecommun, c’est une idée ancienne, mais réalisée à la hâte, sans cla-rifier l’essentiel : le concept de compétence et les pratiques deréférence ; et le rapport entre socle commun et programmes.Que faire dans les classes et les établissements où l’on ne peutà la fois faire atteindre le socle par les élèves les plus faibles etpousser les autres beaucoup plus loin ? Quelle est la priorité ?Comment arbitrer entre les besoins muets des uns et les demandesinsistantes des autres ? ■

« Interroger le contenu des disciplines scolaires pour savoir enquoi elles préparent au monde contemporain »Philippe Perrenoud est professeur à l’Université de Genève. Il co-anime le Laboratoirede recherche sur l’innovation en formation et en éducation (LIFE). Ses travaux sur lafabrication des inégalités et de l’échec scolaire l’ont conduit à s’intéresser au métier

d’élève, aux pratiques pédagogiques, à la formation des enseignants dans le cadre universitaire, aux évolutionsdu curriculum, au fonctionnement des établissements scolaires, et aux transformations du système éducatif.Outre de nombreux articles il a publié une vingtaine de livres. Site internet : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php.html

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Vous écrivez : « Je ne pars donc pas des programmes sco-laires, mais d’une question aussi facile à poser que difficileà traiter : de quelles compétences les adultes ont-ils besoin

pour faire face aux situations auxquelles la vie les confronte ».Extrait de « Quand l’école prétend préparer à la vie... Déve-lopper des compétences ou enseigner d’autres savoirs ? » (ParisESF, 2011).

L’US : N’est-ce pas une entrée très utilitaristeen ce qui concerne le rôle de l’école ?Ph. Perrenoud : On va à l’école pour en sortir avec une cultureplus large, donc mieux préparé à la vie dans toutes ses compo-santes. Cela n’a rien d’utilitariste au sens péjoratif de l’expression.Les compétences ne sont pas le contraire de la culture et notam-ment des connaissances. Toute compétence suppose des connais-sances et y ajoute la capacité de s’en servir pour prendre desdécisions, régler des problèmes, piloter sa vie ou lui donner unsens. Préparer des gens à la vie ne se limite pas aux aspects« pratico-pratiques ». Par exemple, une protection efficace contreles maladies sexuellement transmissibles passe par la compré-hension des mécanismes de la transmission virale, fondée sur desconcepts et des connaissances biologiques.

L’US : Vous parlez dans votre livre des nouvelles disciplines à introduire dans la scolarité obligatoire...Ph. P. : Je ne dis pas qu’il faut les introduire, je dis que le droit,l’économie, la psychologie, les sciences sociales, l’urbanismesont des disciplines absentes ou très marginales dans l’enseigne-ment obligatoire, alors que ce sont autant de clés pour com-prendre un monde complexe, citadin, multiculturel, globalisé,un monde gouverné par les logiques économiques et financières,un monde dans lequel le droit est omniprésent. On devrait s’éton-ner que les disciplines qui préparent à ce monde soient à ce pointmarginales. Et aussi interroger le contenu des disciplines scolairesactuelles pour savoir en quoi elles préparent au monde contem-porain. Poser la question ne préjuge pas de la conclusion, c’estpourtant un débat explosif...

L’US : Les nouvelles « éducations à… » (citoyenneté,développement durable, santé, consommation, etc.) ne préparent-elles pas à la vie ?Ph. P. : Dans une certaine mesure, mais sans vue d’ensemble, sousl’impulsion souvent de groupes de pression et centrées sur unenjeu (éducation non sexiste par exemple). Notre système a du malà remettre à plat, et il empile ; il fonctionne par ajout plus que parallégement. Ces éducations sont très dispersées, parfois concur-rentes. Elles se partagent à peine un quart du temps scolaire heb-domadaire. Elles donnent souvent une importance première auxvaleurs, les connaissances venant à l’appui d’une idéologie, aussirespectable soit-elle.

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Propositions du SNES-FSU

Pour une élaboration démocratique ettransparente des programmes scolaires

Face à l’urgence de rompre avec ceslogiques, le SNES-FSU travaille à laconstruction, d’un large appel pour une

élaboration démocratique des programmesscolaires.

Les principesPour le SNES-FSU, la culture commune estl’élément structurant du second degré qui doitconserver sa cohérence et son unité. Elle nepeut se résumer à une liste de savoirs et/oucompétences, mais, vivante, elle procède plu-tôt d’un ensemble de connaissances, deméthodes, de postures intellectuelles et decapacités de transfert. À ce titre, si les savoirsenseignés doivent continuer à être organisésen disciplines constituées, il faut penser lesévolutions de ces dernières en fonction decelles de la société, des champs de savoir etdes liens entre elles, chercher des conver-gences entre les programmes au moment deleur construction et non, d’une manière factice,a posteriori (cf. les thèmes de convergences ensciences, par exemple), de faire des pontsentre les disciplines (objets d’études, parexemple). Les conditions matérielles et didac-tiques pour les mettre en œuvre doivent êtresimultanément cadrées. Le fil conducteur decette reconstruction doit être, d’une part, l’ac-quisition de savoirs spécifiques à chacune desdisciplines dès lors qu’ils permettent de mettreen action des démarches intellectuelles, desapproches particulières qui peuvent être croi-sées avec celles apportées par d’autres disci-plines, et, d’autre part, la prise de consciencede l’apport de chacune des disciplines à laconstruction d’une pensée sur l’humanité, lasociété. Il ne s’agit donc pas d’isoler telle outelle supposée compétence dont on ne peutjamais mesurer « la transférabilité », maisbien de construire un ensemble cohérent etévolutif qui participe de la vision de l’hommeque l’on forme, de la société que l’on vise.La lutte contre la difficulté scolaire et la priseen compte de la diversité des pratiquesculturelles et de l’éloignement de nombred’élèves de la culture scolaire doivent être aucœur de la rédaction des programmes. Celanécessite que les groupes d’experts soientpluriels et que leur réflexion intègre les résul-tats de la recherche en sciences de l’éducation,en didactique et pédagogie. L’expertise desenseignants doit être reconnue, tant dans leurcapacité à la transposition didactique de leur

discipline qu’à celle de mesurer la faisabilitéet enfin pour les recommandations qu’ilspeuvent formuler sur les conditions maté-rielles et organisationnelles de la mise enœuvre des programmes.

La méthode Le SNES-FSU revendique :• la mise en débat de la place de la représen-tation nationale dans la conception des pro-grammes scolaires ;• des procédures d’écriture des programmesqui permettent la pluralité des regards et enparticulier la participation des enseignantsdu second degré qui seront chargés de lesmettre en œuvre ;• des programmes concernant les diffé-rentes disciplines enseignées pensés sur

l’ensemble des cycles, en complémenta-rité entre eux (en particulier pour permettreune véritable interdisciplinarité construitesur des savoirs et savoir-faire), et en lienavec les enjeux et les modalités de l’éva-luation des acquis des élèves et avec lesépreuves des examens ;• la mise en place d’une véritable consulta-tion de tous les enseignants avant toute pré-sentation d’un projet au Conseil Supérieur del’Éducation qui devra avoir à dispositionun véritable bilan de cette consultation et lesavis des instances institutionnelles appeléesà émettre un avis consultatif sur ce projet ;• le retour dans les programmes de prescrip-tions ou recommandations sur les conditionsmatérielles de mise en œuvre des pro-grammes, conditions qui ne peuvent être ren-voyées à la seule initiative locale ;• le respect absolu du délai d’un an entre lapublication d’un nouveau programme et samise en application ;• une évaluation régulière des programmes envigueur, en lien avec les enseignants, per-mettant de procéder aux aménagementsnécessaires et de faire apparaître les besoinsde formation et d’accompagnement desenseignants. ■

Pour la pluralité des regards

Deux initiatives emblématiques

La question des contenus enseignés est centrale dans la réflexion du SNES-FSU qui conteste, depuis des années, les modalitésd’élaboration des programmes. L’imposition du socle commun et de son livret au collège, et de la réforme du lycée s’estaccompagnée d’un déni de démocratie et de transparence dans l’écriture des nouveaux programmes qui, globalement, posent auxenseignants des problèmes parfois insolubles dans leur mise en œuvre et génèrent des polémiques souvent malsaines.

Devant la publication des programmes très critiquésd’histoire-géographie et de SES de Première, descollègues ont pris les initiatives suivantes :

• des professeurs d’histoire-géographie du lycéeDiderot de Marseille et des établissements desenvirons proposent une pétition pour uneréorganisation de l’architecture du programme dePremière, sur le site de l’Aggiornamento(1) ;

• l’APSES(2) met en ligne depuis la rentrée scolaireun manuel de « contournement » du programmede SES (SESâme) qui se saisit des items du

programme officiel pour tenter de leur redonnersens et cohérence. De son côté, le SNES a mis en ligne une pétitionsur les programmes d’Histoire-Géographie(http://snes.edu/petitions/index.php?petition=23).Il demande au ministère la remise à plat de tousces programmes infaisables et l’ouverture d’unvéritable débat. 1. Groupe d’enseignants et de chercheurs pour unrenouvellement de l’enseignement de l’histoire et de lagéographie du primaire à l’Université. 2. Association des professeurs de SES.

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MÉTIER

Si la situation des établissements scolaires est intenabledu fait des réformes et des coupes budgétaires, lagestion de la pénurie par la mise en place dans l’Édu-

cation nationale d’un management par l’autorité la menace,et la concurrence individuelle n’est pas la solution. L’autonomie de l’établissement n’a pas à devenir celled’un proviseur tout-puissant, qui dénie les droits despersonnels et s’arroge la casquette de seul pédagogue(logique dans laquelle s’inscrivent les inacceptables projetssur l’évaluation des enseignants). Certains personnels dedirection montrent qu’il est possible de travailler autrement,collectivement.Le SNES continuera de s’opposer aux dérives et d’accom-pagner les collègues dans leurs démarches : contactez leSNES académique ou national, utilisez les outils en ligne :www.snes.edu/-Reforme-du-lycee-.html ■

Valérie Sipahimalani, [email protected]

LYCÉE : LE SNES REÇOIT UN NOMBRE GRANDISSANT de témoignages de collègues et d’équipes en butteà des agissements autoritaires voire irresponsables de leur hiérarchie.

Dériveset autoritarisme

LA CITÉ SCOLAIRE BALZAC À PARIS OBTIENT EN PARTIE SATISFACTIONCe n’était pourtant pas faute d’avoir prévenu. Depuis 2010, les collègues de cetétablissement avaient alerté les autorités rectorales sur l’impossibilité de« faire la rentrée ». Les collègues ont à chaque fois insisté sur la situation decrise liée à un chef d’établissement obstiné dans sa volonté d’appliquer lesréformes jusqu’au bout.La rentrée 2011 faisait apparaître une désorganisation complète de l’établissement :des services incohérents, des emplois du temps « en gruyère », des horairesréglementaires non respectés... s’y ajoutaient un mépris pour les personnels, des

atteintes aux droits syndicaux les plus élémentaires et un total manque d’écoute.Plus d’une semaine de grève, animée principalement par le SNES local a, pour autant,été nécessaire pour obtenir son départ et des moyens de surveillance maisl’obstination du rectorat à maintenir ce chef d’établissement en dit long sur lavolonté de faire rentrer cet établissement dans le rang des réformes et del’obéissance. Elle en dit aussi très long sur le comportement de certains personnelsde direction entre autonomie de l’établissement et injonctions rectorales. Elle endit encore plus long sur la nécessité de faire obstacle à la réforme de l’évaluation.

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AP et TPE 1re chaire« Au lycée, les profs principauxde Seconde qui font del’accompagnement personnaliséne sont pas payés pour ces heures.Le chef d’établissement considèreque l’AP est intégrée à l’ISOE-partmodulable et qu’elle ne doitdonc pas être rémunérée... » FAUX

« Dans mon lycée, une heured’accompagnement personnalisécompte pour une demi-heure deservice. La réponse du proviseurest en substance qu’il n’a pas lesmoyens pour rétribuer une heurepour une heure ! Il ajoute qu’ilpaiera les 0,5 heure manquantessous forme de 18 HSE ! »

« Nous avons sollicité uneentrevue avec le proviseurcar les heures d’AP sontcomptabilisées en HSE pourplus de souplesse dansla personnalisation des besoinsdes élèves. Les heures de TPEsont comptabilisées en HSE carelles ne s’effectuent pas sur toutel’année scolaire. Voilà la situationsans issue apparente puisqu’iln’y a plus d’argent nous dit-on. »

« Les collègues effectuant l’APont des 0,83 heure, 0,66 heure,0,50 heure ou autre dans leurservice. Cela s’expliquerait par le faitque les heures d’AP sont effectuéessur X semaines (0,83 heure c’est 30semaines). On essaie de comprendrece que le proviseur fait. »

« Mon proviseur veut m’enleverl’heure de première chaire car je fais5 heures en Terminale et 2 h 30 enPremière. Il affirme qu’en Premièreil n’y a pas de bac en espagnolet donc je ne peux prétendreà l’heure de chaire. » FAUX

« L’administration du lycée dit quel’heure de première chaire n’est pasattribuée pour les temps partiels,même si le professeur enseigne plusde 8 heures en classe de Premièreet Terminale. » FAUX

Emploi du temps« Ce matin en me rendant au lycée,j’ai trouvé un cahier sur lequel nous devons absolument pointerpour vérifier les heures d’arrivée et de départ. Est-ce obligatoire et légal ? » FAUX

« Peut-on vous imposer un emploidu temps semestriel s’ajoutantà un emploi du temps par quinzaine(la variation hebdomadaire estde 4 heures : 17 heures semaine A/21 heures semaine B) ? »

■ AP et TPE sontdes enseignements,ils doivent figurerdans le service et être

rémunérés en heures années.

■ La répartition horaire doit faire l’objet d’uneexplication et d’un vote au conseil d’administration.

■ Un enseignantest tenu d’êtreprésent aux heures deses cours, c’est tout.

■ L’emploi du temps esthebdomadaire, pas semestriel.

■ La première chaireest calculée surl’ensemble du cyclePremière/Terminale.

■ La première chaire est une décharge d’1 heure dès que l’enseignant donne6 heures de cours non parallèles en Première et Terminale.

Note« Mme La Proviseure demandeaux enseignants concernés(enseignements d’explorationde Seconde) de ne pas noter les élèves au troisième trimestre.En matière pédagogique, et donc ici en matière de notation, qui a le dernier mot ? »

■ La notation est de la responsabilitéde l’enseignant.

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Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 29

pour les élèves, puisqu’il ne porte que sur lesocle sans cohérence avec les outils d’éva-luation déjà mis en œuvre sur l’ensembledes programmes. En juin dernier, le congrès de la FCPE aexigé le retrait du LPC – que les parentsjugent notamment peu lisible et compré-hensible – et l’ouverture d’une concerta-tion pour réfléchir à d’autres formes d’éva-luation. Plusieurs personnalités ont contesté en cetterentrée la « tyrannie des référentiels decompétences » et rappelé que « l’école doitapprendre à penser » (Meirieu, Gauchet...). Même le Haut Conseil de l’Éducation(HCE) reconnaît dans son rapport du 15 sep-tembre que le flou de certaines consignes del’institution pour la validation de chaque

COLLÈGE Livret personnel de compétences

LPC : qui en veut donc encore ?

Le ministère a annoncé que 83,3 % desélèves de Troisième auraient validé lessept compétences du socle l’an dernier.

Mais ce chiffre n’a aucune valeur : d’unepart, les pratiques pour valider le socle ontété très diverses sur le terrain et, d’autrepart, l’obtention du DNB (au vu des noteschiffrées) entraînait ipso facto la validationdes sept compétences du socle. La campagne menée l’an dernier par leSNES, le SNEP et le SNUEP contre le livretpersonnel de compétences dans le seconddegré a permis de fragiliser un outil quede moins en moins de voix défendentaujourd’hui. Le florilège que nous avons réalisé en juina mis en évidence une mascarade d’éva-luation pour afficher un taux de validationdu socle « présentable » en lien avec lecontrat d’objectif du collège : pressionsexercées sur les collègues, évaluationsmodifiées par le chef d’établissement. S’yest ajouté un repêchage des élèves par lesjurys selon des critères très divers (voirtémoignage ci-contre).

Levée de boucliersDans les écoles primaires où des livretsrendent compte depuis longtemps des acqui-sitions et compétences des élèves, leSNUipp s’est également prononcé contrel’imposition du LPC, les enseignants nepercevant pas l’intérêt pédagogique de ren-seigner un livret supplémentaire sans utilité

compétence se traduit sur le terrain par despratiques variables... et en déduit que le« socle commun » n’a en fait rien de com-mun, ce que nous ne cessons de dénoncer !Des principaux font pression sur les équipespour qu’elles renseignent le LPC dès main-tenant. Or, rien n’impose de le faire avant letroisième trimestre. Et surtout, ce n’est pasquand l’outil est à ce point décrédibiliséqu’il faudrait renoncer à le contester.

Le SNES invite donc les per-sonnels à continuer de refuserd’entrer dans la démarche duLPC, et à poursuivre la cam-pagne contre le socle et son éva-

luation à tous les niveaux, auprès desparents d’élèves et de l’opinion publique. ■

Monique Daune

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TÉMOIGNAGEL’académie d’Orléans-Tours ne s’est pas distinguée dans le grand n’importe quoi généralisé pourle repêchage des élèves malheureux au DNB. Un chef d’établissement aurait admis publiquement,lors d’une réunion de prérentrée, à des collègues médusés, les curieux critères utilisés dans lesjurys de brevet. Des critères particulièrement subtils et savants puisque plus l’élève avait validéde compétences, moins il avait besoin d’une moyenne chiffrée importante… logique ! Ainsi, pourobtenir le diplôme, un élève devait avoir 7 compétences et 9 de moyenne, ou 6 compétenceset 9,3 de moyenne, ou 5 compétences mais 9,5 de moyenne, ou enfin 4 compétences mais 10 demoyenne. Quand on pense qu’au départ les compétences ont été présentées comme une alter-native à l’absurdité et à l’injustice des notes, on comprend pourquoi d’anciens défenseurs descompétences réalisent enfin l’impasse dans laquelle nous sommes avec le LPC.

Marie Lamy de La Chapelle

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SI VOUS DEMANDEZ À LA PRÉSIDENTE D’AMNESTY INTERNATIONAL FRANCE comment et pourquoi elle est« entrée en militantisme », elle vous répondra qu’elle est « militante dans l’âme depuis toujours », et elle vousle dira avec un bel enthousiasme ; femme de convictions et de principes, c’est au nom de ses valeurs qu’elle estengagée dans Amnesty et qu’elle y mène des combats pour la justice, pour les droits humains, pour qu’ils soienteffectifs pour tous, sans distinction.

Sur le plan des droits humains, l’ou-vrage ne manque pas : « Tant que lesdroits de certains sont violés, indirec-

tement les droits de tous sont violés », dit-elle, expliquant ainsi que l’action d’AI(Amnesty International) est vaste et qu’ellea encore élargi ses champs. Au-delà de l’en-gagement de départ de l’association enfaveur des prisonniers politiques, il s’agit àprésent de lutter pour garantir l’ensemble desdroits civils, qu’ils soient culturels, écono-miques ou sociaux, parce que « la misèrecontinue de progresser(1) ; un droit n’estjamais acquis à vie, il faut sans cesse sebattre pour qu’il ne disparaisse pas ». Et surce plan, elle énumère des régressions encours ou en germe : « au nom d’un prétendudéveloppement économique, ou encore de lasécurité, on assiste à l’abandon de certainsprincipes, on est prêt à sacrifier des libertéscomme on le voit avec la réforme de lagarde à vue, par exemple. On se réveillealors avec une grande claque ».

S’engager, tout naturellementGeneviève Garrigos a vécu jusqu’à l’âgede 18 ans en Argentine, elle a connu la dic-tature militaire, et c’est sans doute une desraisons pour lesquelles elle aborde avecune sensibilité particulière la question desinjustices, et la privation de liberté et dedroits. Syndiquée active en tant qu’étu-diante, elle dit avoir eu un parcours clas-sique : mariage, enfant, carrière ont fait d’elle pendant quelques années une sym-

pathisante des causes, bien plus qu’unemilitante. C’est tout naturellement qu’ellese tourne vers Amnesty quand elle peut ànouveau militer, parce qu’elle aime le côtéindépendant et impartial de l’association,parce qu’elle adhère plus que tout au com-bat pour la justice, à la lutte contre l’impu-nité... Simple membre bénévole au départ en2002, elle prend très vite une place impor-tante (être trilingue est un atout incontes-table pour une organisation internationale)et, en 2008, elle est élue présidente de l’as-sociation. Depuis, elle mène de front sesfonctions de cadre (qu’elle assume aux 4/5professionnellement... les élus de l’asso-ciation y sont bénévoles, elle doit donccontinuer à travailler), et son engagement à

Amnesty ; elle dit en riant qu’elle a de lachance, qu’elle ne risque pas sa vie, maisqu’elle « contribue à son niveau et donneun peu de temps à l’humanité pour que leschoses changent »... Ce « peu de temps »revient à sacrifier ses week-ends, ses soiréeset ses vacances...

Amnesty sur tous les frontsG. Garrigos insiste sur le fait qu’Amnestytraite de nombreux dossiers, suit de mul-tiples chantiers : AI s’attelle en France à laquestion des réfugiés, des discriminations –à l’encontre des Roms, notamment ; ellepublie aussi régulièrement des rapports trèsrenseignés qui, en donnant une informa-tion fiable sur la violation des droits dans unpays donné, font pression sur les gouver-nements jusqu’à faire évoluer la situation ;l’action se situe donc à plusieurs niveaux,avec l’apport de chercheurs dans les paysqui réunissent des informations, des témoi-gnages pour constituer ces rapports, maisaussi avec le travail des militants qui écri-vent des lettres (d’une efficacité incontes-tée pour libérer les prisonniers) et signentdes pétitions, animent des collectifs enrégions, font de l’information, interpellentles parlementaires, entretiennent des rela-tions avec la presse locale, et collectent desfonds, puisqu’AI vit de dons et de cotisa-tions uniquement. « Je suis fascinée parl’engagement incroyable des bénévoles »,dit-elle en expliquant que parmi eux, lesfemmes enseignantes sont fortement repré-sentées, à côté des jeunes, de plus en plusnombreux à s’engager eux aussi. « Lesjeunes, on le voit à travers le printempsarabe, ou encore les indignés, réalisentqu’il faut se mobiliser. » L’association setourne d’ailleurs fréquemment vers la jeu-nesse (voir encart ci-contre).

Un humanisme sans faillePour faire changer le monde, d’autresauraient suivi la voie d’un engagementpolitique, espérant ainsi peser directementsur les choix gouvernementaux ; ce n’estpas l’avis de G. Garrigos. Déterminée dansses combats, elle craint que le chemin poli-tique ne soit semé d’amitiés ou d’alliances

Elle aime le côté indépendant

et impartial de l’association

parce qu’elle adhère plus que

tout au combat pour la justice.

L’énergie militante,l’enthousiasme combatif au

service de l’humanité

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PORTRAIT GENEV IÈVE GARR IGOS, p rés iden te d ’Amnes t y

AMNESTY INTERNATIONALA 50 ANS !

• Exposition de photographies (Paris)mi-décembre 2011/fin janvier 2012.

• Exposition des photos du livre Droits deregards. 1961-2011 : Amnesty International etles photographes publié en mai. GalerieFaits et Causes.

• Nouveau spot d’une minute, Projection :sensibilisation sur les combats d’Amnesty etappel à signer la pétition.

• Adresse du site : www.amnesty.fr

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Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 31

au nom desquelles il lui faudrait « taire leschoses ; or, rien ne justifie qu’on limite laliberté de la presse, la liberté d’expression,par exemple. Tant que le politique n’irapas au bout de la réflexion, je ne pourrai pasm’engager en politique.On doit condamner cequi est condamnable : iln’y a pas de demi-mesure ». Pour elle,pour défendre les droitshumains, aucun com-promis n’est acceptable.G. Garrigos est une belle rencontre : c’estune femme très occupée, que l’on ne peut voirqu’entre deux trains, et qui, pourtant, ne sedépartit pas de sa fougue et fait partager samotivation et ses passions. Les causes quil’animent sont diverses, mais la plus impor-tante selon elle, aujourd’hui, dans notresociété, en France comme en Europe, c’estcelle des discriminations, qu’elles soient dans

la loi ou dans les faits : il faut faire reculertoutes les discriminations (envers un groupe,une sexualité, une population). « Si on veutaller de l’avant aujourd’hui en Europe, avoirune vision positive de notre avenir, il faut

arrêter de stigmatiser ladifférence. Toutes lesdifférences des peuplesd’Europe constituent paressence leur richesse, iln’y a pas les bons et lesmauvais migrants, il faut

arrêter avec ça. » Et de conclure qu’il nousappartient de lutter pour le droit à la diffé-rence. Une mission qui résonne particulière-ment au cœur des personnels de l’éduca-tion. ■

(1) La dernière campagne d’Amnesty (après lescampagnes contre la torture et pour l’abolition de lapeine de mort) est lancée depuis 2009 : elle porte surla pauvreté et s’intitule « Exigeons la dignité ».

« Rien ne justifie qu’on

limite la liberté de la presse,

la liberté d’expression »

Portrait réalisé par Véronique Ponvert

I n t e rna t i ona l F rance

AMNESTY POUR LES ENSEIGNANTSAmnesty publie AJ !, un magazine bimestriel gratuit sur l’actualité des droits humains à destinationdes jeunes, téléchargeable gratuitement sur le site, disponible aussi en format papier. À titred’exemple, dans le numéro de mai dernier, dans la rubrique « people », interviewé par la rédac-tion, Abd Al Malik explique les raisons de son engagement et l’importance de s’indigner.L’association a l’agrément pour exercer en milieu scolaire (primaire et secondaire) et donner descours de droits humains : les militants se déplacent sur demande.Amnesty développe de nombreux partenariats avec des universités (Paris XIII, Villetaneuse/Antennejeunes à Sciences Po), est partie prenante de certains concours nationaux (par exemple, avec leMémorial de Caen : concours national de la plaidoirie des lycéens pour les droits de l’Homme).

AMNESTY EN CHIFFRES

• 1961 : Création d’Amnesty par PeterBenenson• 1971 : Amnesty International France voitle jour• 1977 : Prix Nobel de la PaixEntre 60 et 70 salariés au siège à Paris,300 bénévoles400 groupes en régions – 20 000 membreset 200 000 donateurs en France3 millions de membres et sympathisantsdans le monde, à travers 150 pays.Structures d’Amnesty dans 72 pays.

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32 - US MAGAZINE - Supplément au no 714 du 14 novembre 2011

CATÉGORIES

aux collègues qu’il s’agit d’uncadeau. Les AED ont des droits dont ilsdevraient tous pouvoir jouir, etceci de façon égalitaire. C’estpourquoi nous invitons les élus

du SNES en CA d’établissementà porter ce point lors des CA oùseront votés les contrats des AEDet de faire ajouter un avenantgénéralisant ces heures de for-mation. ■ Aude Le Moussu

Àlui de juger si l’AED enquestion peut bénéficier dela totalité de ce crédit ou de

le revoir à la baisse. À lui dejuger si l’inscription à unconcours de l’Éducation natio-nale ou de la Fonction publiquepeut être valable pour que l’AEDait le temps de préparer sonexamen en bénéficiant de cefameux crédit. Rien ne va plus...les jeux sont faits ! D’un établissement à l’autre,l’AED aura les pires ou lesmeilleures conditions pour sa véri-table insertion dans le monde dutravail. Et si certains AED ne sontpas en formation ou ne sont pas entrain de préparer un concours, ilest aussi dans leur intérêt depouvoir profiter de ces heuresformation afin de les aider dansleur recherche car, après six ans deCDD en tant qu’AED, ils devrontse réinsérer sur le marché dutravail coûte que coûte !

Même droits garantis pour tousIl devient donc impératif que cedroit soit établi pour tous les

AED de tous les établissementset qu’on en finisse avec cettepénible formule « au bon vouloirdu chef d’établissement » utiliséeà tout bout de champ, et laplupart du temps pour faire croire

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ÉLECTIONS PRO : ERRATUM DE L’US N° 714

90

63,8

Éducation nationale

Période 2008-2010 :participation aux CAP

Tous ministèreshors Éducation et Justice

38,5

73,980

70

60

50

40

30

20

10

0

Période 2010-2011 :participation aux CT 77,3

Évolution du taux de participation aux CT ministériels

On peut estimer à au moins 90 000 voix le manque à gagner de la FSU par ce « dévissage » de la participation

Une erreur de légende

a rendu incompréhensible

le graphique sur l’évolution

de la participationaux élections

professionnelles dans les champs

Éducation nationaleet Fonction publique.

L’US Mag reproduitci-contre le bon graphique

et prie ses lecteursd’accepter ses excuses.

Matthieu Leiritz, rédacteur en chef

AED : un crédit de 200 heures formation à déduire du crédit d’heures annualisé des assistants d’éducation inscritsà une formation universitaire ou autre... oui, mais ceci reste « au bon vouloir du chef d’établissement ».

Au bon vouloir du chef d’établissement

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Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 33

Alors que Luc Chatel pré-cise que l’heure de vie declasse doit donner « lieu à

une rémunération en HSE »en réponse à l’interrogationd’un sénateur sur ce travail sup-plémentaire (réponse du11/02/2010, JO du Sénat ,p. 322), le secrétaire généralsigne au nom du même ministreun courrier aux recteurs stipu-lant que les heures de vie declasse « ne donnent l ieu àaucune rémunération supplé-mentaire ».Cette heure correspondant à unespace de dialogue mis à dispo-sition des élèves et à la possibi-lité pour les différents personnelsdes collèges et lycées (ensei-gnants, CPE, CO-Psy, infir-mières, assistantes sociales...)d’y intervenir ponctuellement,elle doit être gérée à la demandeet sans rigidité. Elle n’incombe donc pas auprofesseur principal qui doitseulement veiller à son organi-sation sans donc en avoir lacharge de manière systéma-tique. Il faut ainsi préciser que,contrairement à ce qui est misen avant, ce dispositif datant de2000 ne peut pas être inscritdans les tâches spécifiques duprofesseur principal régies parla circulaire de 1993.

Non au bénévolatDans les établissements où uneplage horaire est fixée à l’em-ploi du temps des élèves, tousles enseignants qui intervien-nent ponctuellement pour uneheure sur ce créneau doiventpercevoir une heure supplé-mentaire effective (HSE) dansla mesure où ils dépassent« leur temps de service obliga-toire » comme l’écrit encore leministre. Cette rémunération

pour service supplémentaire estbien distincte de l’indemnitécorrespondant à la part modu-lable de l’ISOE liée à la fonc-tion de professeur principal.

Le SNES continued’exiger la rémunéra-tion de cette heure etinvite les collègues à

refuser collectivement de l’as-surer bénévolement. Il appelledonc les personnels dans lescollèges et les lycées à refuser

de prendre en charge touteheure de vie de classe qui neserait pas assurée dans le cadredu service ou rémunérée demanière spécifique.L’accroissement de la chargede travail avec des classes sur-chargées et l’augmentationrégulière du temps de travail(réunions, projets, communica-tion avec les familles...) doi-vent être reconnus. ■

Erick Staëlen

33% c’est le nombre deFrançais de plus de60 ans attendu par les

démographes, en 2035. Bien sûrles démographes se trompentsouvent, mais qui regretterait uneplus longue espérance de vie ?

51% des retraités et pré-retraités sont engagés defaçon bénévole, ce sont

donc des actifs sociaux indis-pensables, « producteurs desociété » ; certains s’en plaignentet répugnent à l’idée que la majo-

rité des députés et sénateurssoient des retraités ; pour notrepart nous regretterions plutôt lestatut de polypensionnés des élus,lié au cumul des mandats, voireà des activités prétendumentexercées à temps plein pendantl’exercice de ces mandats.

31% des internautes enFrance ont plus de 65ans ; pas loin de

12 millions de blogueurs,lecteurs, spectateurs, vendeurs,acheteurs.

93% de la populationactive sont salariés : lessalariés, fonctionnaires

compris, constituent donc lamasse des retraités ; les pensionssont fondamentalement une rému-nération continuée du travailsalarié et les intérêts communsdes actifs et des pensionnés trou-vent leur source dans cette réalité ;c’est ce qui explique les réformesdes retraites : les diminuer pourdiminuer dans la durée le coût dutravail. L’autre solution, dans unesociété barbare, serait de n’en pas

prévoir ou de laisser chacun seconstituer un pécule pour sesvieux jours. La capitalisation avecla crise a montré les limites dusystème.Comme on ne peut imaginer lamise hors champ politique etsocial de tels pourcentages depopulation, la question est bienquelle représentativité prendreen compte : nous pensons que lacontinuité dans le syndicat est lapremière réponse utile. ■

Jean-Paul Beauquier, Bénédicte Vrain

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SYNDICALISATION ET RETRAITÉS Les retraités se comptent

Retraités, néoretraités, retraitables, syndiquez-vous !Le SNES lance une consultation : vous trouverez sur www.snes.edu un questionnaire destiné aux retraités et futurs

retraités à télécharger et à renvoyer au SNES – Secteur retraités – 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13

HEURES DE VIE DE CLASSE : messages contradictoires sur le paiement des HVC

Secrétaire général contre ministre

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34 - US MAGAZINE - Supplément au no 714 du 14 novembre 2011

divers. La distance entre domicile et établis-sement s’agrandit, notamment dans uncontexte de crise immobilière qui rend moinsaccessible les centres urbains aux classesmoyennes et populaires. La spécificité ou larareté de certaines sections entraînent desrecrutements aux niveaux départemental,académique, voire national. L’internat pourdes élèves en demande sociale et éducativeparticulières vient souvent en réponse aumanque d’accueil dans d’autres institutionsqui souffrent, elles aussi, du désengagementde l’État. Enfin, des choix de vie person-nelle ou professionnelle, la recherche d’unrefuge en cas de crise familiale, l’accueil àmoindre coût d’étudiants du supérieur (BTS,CPGE) participent de ce nouvel attrait. La demande d’internat est donc bien réellemais les places disponibles sont parfois insuf-fisantes. Selon les zones d’implantation, lescapacités d’accueil et les taux de remplissagesont très variables. En zones urbaines, lescapacités d’accueil se révèlent insuffisantes

alors que l’offre en zone rurale semble mieuxadaptée. Néanmoins, ces internats se limitenttrop souvent à un service annexe sans projetd’accompagnement éducatif et culturel, pour-tant déterminant pour la qualité de l’accueil

Le ministère communique beaucoup surles internats d’excellence, remèdes selonlui aux problèmes éducatifs et aux inéga-

lités scolaires, offrant des conditions d’étudeset d’encadrement favorables à la réussitedes plus méritants, ainsi soustraits à leursmilieux de vie. Le plan banlieue et « internatd’excellence » investit 300 millions d’euroset implante des structures de type« pensionnat » qui intègrent étroitement péda-gogie, accompagnement et hébergement. Lesétablissements de réinsertion scolaire préten-dent quant à eux, par leur cadre éducatif strictet fermé, redonner aux élèves les plus enrupture des repères indispensables à leurremobilisation scolaire. Quelques places eninternat ordinaire sont aussi labellisées pourdes publics désignés et se voient accorder2 000 € annuels par élève.Les internats publics « classiques » en lycéeset parfois en collèges, connaissent, dans lemême temps, un regain d’intérêt de la part desélèves et de leurs familles, avec des motifs

PARCE QU’ELLE RÉPOND À UN VRAI BESOIN SOCIAL, a fortiori dans cette période de crise, la scolarisation en internatest un enjeu démocratique décisif. La politique des internats d’excellence masque les vraies possibilités offertes surtout le territoire par beaucoup d’établissements et leurs internats. Des moyens humains et financiers sont engloutisdans ce programme « d’excellence » et font cruellement défaut dans les autres structures d’hébergement.

Facteur de démocratisation

La scolarisation en internatFENÊTRE SUR

Pourcentage des élèvesscolarisés en internat

Collège

0 2 4 6 8 10 12 14 16%

Lycée généralet technologique

Lycéeprofessionnel

2010200520001995

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Questions à trois CPEexerçant en lycée avec internat

Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 35

et de l’encadrement des élèves. Le manque demoyens et de personnels, leur turnover,conduisent parfois à des internats limités à del’hôtellerie encadrée.

À la fois éducative et sociale, l’internatdoit conserver sa double fonctionC’est un atout pour la réussite scolaire et un lieu« inoubliable » qui favorise l’intégrationsociale, mais à certaines conditions. L’élèvedoit être partie prenante du projet. L’internatn’est plus une sanction. Le public accueillidoit être diversifié, le regroupement de jeunesen difficultés pouvant être contreproductif.La question de réserver des structures parti-culières pour des publics ciblés était déjà endébat lors du plan Lang de relance des inter-nats publics en collège notamment et leurrénovation en lycée en 2000. L’option del’hétérogénéité avait alors été retenue.Aujourd’hui, la tentation est de remettre l’in-ternat éducatif au goût du jour et de renoueravec la figure mythique de l’internat napo-léonien d’élite.

Des moyens à reconquérirface au désengagement de l’État Depuis 2003, acte II de la décentralisation, laresponsabilité de l’accueil et de l’héberge-ment des collégiens et des lycéens est passéeaux Régions et aux départements. La plupartde ces collectivités sont engagées dans desplans de rénovation d’internat souvent vétustes,ou de créations de nouvelles places d’héber-gement. Parallèlement, l’État se désengage.L’extinction des maîtres d’internat, des assis-tants d’éducation moins nombreux ou assignésà d’autres tâches, la suppression de nombreuxemplois aidés, des postes de CPE supprimésou redéployés des lycées vers des collèges,sont autant d’éléments qui participent à uneperte qualitative de l’encadrement pédago-gique et éducatif des internats. De même, lapriorité pédagogique donnée aux crédits régio-naux dans des budgets serrés rend difficile lefinancement d’activités culturelles ou spor-tives. C’est trop souvent l’autofinancementet la participation des familles qui permetl’organisation des activités des internes alorsqu’un budget dédié, pédagogique et culturel,est nécessaire.Dans l’Éducation nationale, l’offre d’héber-gement est trop limitée, des locaux sont réaf-fectés, les capacités de surveillance réduites.Les accès aux outils pédagogiques, auxespaces documentaires et numériques, sontloin d’être assurés partout. Des internes pro-venant de plusieurs établissements peuventêtre regroupés le soir dans un seul lycée afind’optimiser les moyens et les coûts, contri-buant à gommer le lien pédagogique et édu-catif, limitant de fait l’internat à un « ser-vice annexe d’hébergement ». Des Régions,

Entretiens

Quel est ton regard de CPE sur l’entrée à l’internat ?CPE dans un lycée de 1100 élèves dont 250 internes, je constate les mêmes pleurs à chaque débutet fin d’année scolaire. Souvent synonyme du premier départ du domicile familial, l’entrée à l’internatmarque une rupture. Le mois d’acclimatation est décisif. Le rôle conjoint des pairs, des personnels(AED au premier chef), du règlement intérieur lui-même, élément central de la vie à l’internat, tisseles conditions de la réussite de cette « aventure » scolaire.

Quel est pour toi l’apport de l’internat ?Au LP, l’internat est une aubaine : lieu d’acceptation de la mobilité tant géographique qu’affectiveet intellectuelle ; les liens de sociabilité y sont forts, l’intime coexiste avec l’apprentissage desavoirs professionnels. Si deux heures d’étude chaque soir sont exorbitantes au regard de la chargede travail en LP, ce temps est propice aux activités diverses : projections, sport, tournois... L’effetbénéfique et éducatif de la vie à l’internat est d’autant plus perceptible que sont grandes les difficultésau départ, il aide à construire l’estime de soi à l’épreuve du regard des autres, de la collectivité. ■

Anne Helbert, Lycée technologique et professionnel à Lisieux

comme en Pays de la Loire, développentd’autres formes d’accueil en EPLE, acces-sibles à des public plus larges, scolaires ounon, indépendantes du système éducatif et fai-sant appel à des prestataires extérieurs,ouvertes hors temps scolaire. C’est bien un double langage qui est tenu,celui nostalgique d’un pensionnat sanctuariséd’élite, médiatisé et budgétisé à renfort de

millions et, pour le reste, des internats quipourraient perdre leur vertu socio-éducativeet pédagogique. Pour de nouveaux espaces desocialisation, pour répondre aux besoinssociaux et familiaux, il faut une vraie relancede tous les internats. Une mise en cohérenceentre politique territoriale et nationale estaujourd’hui urgente. ■

Valérie Hérault et le secteur CPE

Quel type de public accueilles-tu dans ton internat ?À Marseilleveyre, ce sont 120 internes dontune partie sont scolariés dans les pôles spor-tifs et les filières spécifiques à recrutementrégional et national. Depuis deux ans, desplaces sont labellisées « internat d’excel-lence ». La pratique d’un sport de haut niveaucrée des problématiques particulières : horairesaménagés, travail commun avec les respon-sables sportifs, prise en charge des blessures...nécessitant bien plus de personnels.

As-tu observé des évolutions depuis une dizaine d’années ?En effet, nombreuses sont les familles quisollicitent l’internat pour régler des diffi-cultés éducatives et scolaires mais aussi pourdes problèmes de logement, de recomposi-tion familiale, de mutation professionnelle...L’attrait pour les places « internat d’excel-lence » indique les nouvelles attentes et repré-sentations pas toujours réalistes des familles,alors que le taux d’échec des internes resteimportant par manque de suivi éducatif etpédagogique suffisant. La perte d’environ untiers de postes d’assistants d’éducation n’yest pas pour rien et contredit les discours derelance de l’internat. ■

Jean-Luc Hyvernaud,lycée général à Marseille

Quelle est la spécificité du public accueilli dans ton internat ?177 places, occupées à 90 % par des étudiants declasses préparatoires (CPGE), le reste aux lycéensde la filière Technologique Musique et Danse recru-tés régionalement. Les CPGE n’ouvrent pas droit àl’attribution de moyens pour la Vie Scolaire. Pourautant, très nombreux, ils sont très présents et doi-vent être pris en compte dans tous les aspects de lavie du lycée au même titre que les lycéens car ils neposent pas moins de problèmes, loin s’en faut.

L’internat est-il un « plus » pour ces étudiants ?Incontestablement, un « plus » en terme de confortet d’efficacité d’étude et donc de résultats. La prio-rité est sociale (30 % de boursiers). On ne peut queconstater la dynamique de travail très efficace pourtous les étudiants, qui sont pratiquement tous deman-deurs de l’internat.

Quelle autonomie pour ces étudiants ?Ils sont en autodiscipline à l’internat avec descontraintes concernant les heures de sortie, l’inter-diction de faire venir une personne extérieure ycompris le week-end, l’usage collectif d’équipe-ments... L’ouverture de l’internat tous les week-ends pour les CPGE alourdit aussi le service etnous amène à souhaiter un encadrement plus consé-quent qu’un seul assistant d’éducation par soir. ■

Philippe Pillot,lycée général et technologique à Nantes

Les photos ont été prises au lycée Jean-Perrin à Rezé (44)

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INTERNATIONAL

L’US : Comment s’est passée la rentrée ?Josué Mérilien : La rentrée des classes, pré-vue normalement le 3 octobre, n’a pas réelle-ment eu lieu. En effet, de nombreux ensei-gnants des écoles publiques, soutenus parl’UNNOH, exigent au préalable le paiementdes arriérés de salaire. Sans leur salaire, mêmetrès réduit (7 000 à 10 000 goudes, soit 100 à150 $), les enseignants haïtiens ne peuventvivre. Le ministre, qui vient de prendre sesfonctions, a fait des promesses... En Répu-blique Dominicaine voisine, les salaires desenseignants ont augmenté de 15 % à la rentrée.

L’US : Qu’est devenue la promesse du can-didat Martelly d’école gratuite pour tous ?J. M. : En réalité, l’éducation gratuite obli-gatoire figure dans la Constitution depuislongtemps. M. Martelly a repris ce sloganfort dans sa campagne, ce qui a contribué aucapital de sympathie dont il jouit auprès de

la population, et ce qui a aussi généré uneattente forte.Le jour de la rentrée, le Président a annoncéque l’école était désormais gratuite pour tous ;cette annonce fallacieuse a sidéré parents etenseignants !

L’US : Comment atteindre cet objectif ? J. M. : Rien ne se fera sans une mobilisationlarge de la population. C’est pourquoil’UNNOH poursuit sa campagne de sensibi-lisation sur tout le territoire. Pour l’instant,9 % du budget est consacré à l’éducation ; ilfaudrait porter l’effort à 30 %. Le gouverne-ment vient de créer un fonds national pourl’éducation, financé par une nouvelle taxesur les appels téléphoniques et les transfertsd’argent depuis l’étranger. Le problème estque ce dispositif n’est absolument pas trans-parent. De plus, cette nouvelle taxe, par sonmode de calcul (prélèvement forfaitaire et

non proportionnel au montant transféré)touche, une nouvelle fois, les moins riches.

L’US : Et l’école privée (NDLR : en Haïti,90 % des établissements scolaires sontprivés) ?J. M. : Jusqu’alors, les frais scolaires étaientfixés totalement librement. Une loi a été votéerécemment par le Parlement, pour limiter lesfrais à deux-trois mois de scolarité dans leprimaire/secondaire. En raison de la pressiondes directeurs d’écoles privées, la loi n’a pasencore été promulguée par le Président, et ce,malgré les manifestations et sit-in organisés parl’UNNOH. Encore une incohérence du Prési-dent entre paroles et actes !

L’US : Le tremblement de terre a eu lieu il ya un peu moins de deux ans. Où en est lareconstruction des établissements scolaires ?J. M. : Certaines cours de lycées servent tou-jours de camps de réfugiés, des cours se dérou-lent toujours dans des hangars. Dans le mêmetemps, des salles de classe sont vides, et n’at-tendent plus que le recrutement d’enseignants.Là encore, les promesses (de reconstruction, dedotation en matériel) n’ont pas été tenues. Les enseignants manquent de matériel péda-gogique et d’ouvrages de référence, c’est pour-quoi le projet de partenariat(2) entre établisse-ments de France et d’Haïti sera le bienvenu. ■

Propos recueillis le 10 novembre 2011 par Roger Ferrari et Florian Lascroux

(1) Union Nationale des NOrmaliens d’Haïti, syn-dicat des enseignants du second degré.(2) Le SNES lance un appel à partenariat avecdes lycées de Port-au-Prince (Toussaint Louverture,J.-J. Dessalines, Pétion) et de Léogane (Ana-kaona) ; contacter le secteur international duSNES : [email protected]

POUR LE RESPECT DES DROITS SYNDICAUX ET DES LIBERTÉS EN TURQUIELe 21 octobre 2011 a eu lieu à Izmir le procès de 31 syndicalistes de laconfédération de la fonction publique KESK, 27 étant des enseignantes etenseignants du syndicat EGITIM SEN. Une délégation internationale étaitprésente, dont le SNES, qui a soutenu les camarades d’EGITIM SEN depuis mai2009, jour de leur arrestation. Ce procès a déjà été repoussé cinq fois, alorsmême que quatorze syndicalistes ont déjà fait six mois de prison préventive

et que d’autres sont interdits de fonction publique. Le motif d’inculpation est « apparte-nance à une organisation illégale kurde » et peut être sanctionné de dix ans de prison. Oraucune preuve consistante n’a été fournie au tribunal. Il faut savoir que le syndicatEGITIM SEN a déjà été aux prises avec la justice par sa revendication de la reconnaissancede la langue kurde à l’école. L’exacerbation actuelle des tensions entre nationalistesturcs et population kurde pèse encore plus sur le gouvernement dont on peut craindre qu’ilinflue négativement sur le verdict rendu le 28 novembre. Dominique Giannotti

ITALIELe SNES a participé à un séminairesur l’enseignement supérieur face àla crise financière, organisé par lescamarades italiens de la FLC-CGIL.Les syndicats présents ont demandéque les gouvernements stimulent

l’investissement dans l’enseignement supérieuret la recherche, au lieu de se soumettre au diktatdes marchés qui ont plongé les pays dans la crise.Pour une politique durable et ambitieuse dont lasociété de la connaissance a besoin, un appeleuropéen est en cours d’élaboration.

Jean-Hervé Cohen

INTERVIEW DE JOSUÉ MÉRILIEN, secrétaire général de l’UNNOH(1)

Haïti : première rentrée après les électionsSix mois après l’élection du président Martelly et d’un nouveau Parlement, le SNES a rencontré Josué Mérilien, pour faire le point sur la situation de l’éducation en Haïti.

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Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 37

L’US : Il y a eu récemment des attaquescontre les droits syndicaux aux États-Unis.Quel État des lieux fais-tu ?David Dorn : Il ne faut pas oublier qu’auxÉtats-Unis, le droit du travail n’est pas défininationalement, mais au niveau de chaqueétat. Dans un certain nombre d’États du Sudet de l’Ouest, comme par exemple le Texas,la Géorgie ou la Louisiane, il n’y a pas desystème de négociation collective. Ceci cor-respond à un clivage traditionnel entre lesÉtats du Nord, plus industrialisés et pluslibéraux, et ceux du Sud, plus conserva-teurs. L’AFT mène depuis longtemps unebataille pour la défense des droits syndi-caux. Dans les années 50, une des grandesbatailles de l’AFT a été d’exiger un sys-tème de négociations collectives. C’est cequi nous a amenés à appeler à la premièreaction de grève du secteur public d’éducationdans l’État de New York.Ces 30 dernières années, tout le monde s’estmobilisé dans le syndicat sur cette ques-tion, et des avancées ont été obtenues. Nosreprésentants locaux dans les grandes villescomme Philadelphie, Chicago, Pittsburgh, etdans les États dits progressistes, ont gagnédes droits à négociation collective.Aujourd’hui, nous sommes confrontés à desattaques sans précédent contre ces droits.

L’US : Qu’est-ce qui a facilité de tellesattaques ?D. D. : Les conservateurs, qui ont tenté, sousl’ère Reagan, de privatiser le système édu-catif, ont trouvé un moyen de s’en prendreaux enseignants comme aux employés dusecteur public. Ils ont un système de protec-tion sociale, de soins médicaux, de retraiteavantageux, et les enseignants, eux, ne tra-vaillent que 6 heures par jour, sur 9 mois,alors que dans le même temps de nombreusespersonnes sont au chômage ! Et malgré tousces avantages, on nous dit que le systèmeéducatif fonctionne mal !Il y a 2-3 ans, les États ont avancé une formede privatisation, en donnant directement del’argent aux familles pour qu’elles choisis-sent l’école dans laquelle elles souhaitaientenvoyer leur enfant. Cela n’a pas vraimentfonctionné. C’est alors qu’avec une certaineironie est apparue l’idée des « charterschools ». Il s’agit d’établissements qui fontpartie du système scolaire mais qui reçoiventun budget à part, ce qui permet aux États defaire des économies. Un groupe de citoyens,enseignants, parents, entreprises privées,présentent un projet aux autorités éduca-tives. Dans la plupart des cas, les droits despersonnels sont inexistants, et ces établis-sements peuvent embaucher et renvoyer les

enseignants comme ils le veulent. Pour lesconservateurs, il s’agit d’une façon de pri-vatiser. Le problème est que le système édu-catif traditionnel est un échec. Le présidentObama, tout comme les libéraux, ont sautésur les charter schools – qui reçoiventd’ailleurs des millions de dollars de la partde Bill Gates. L’AFT s’est battue contre cesystème.

L’US : Quels liens fais-tu entre ces « char-ter schools » et la remise en cause desdroits syndicaux ?D. D. : Avec l’arrivée de la récession et laprogression des Républicains à la Chambredes Représentants, on a vu les budgets s’ef-fondrer brutalement dans des États commele Michigan, le Wisconsin et l’Ohio. Com-ment faire des économies ? Des gouver-neurs ont voulu réduire les salaires des ensei-gnants. Mais pour un enseignant sous contratet avec un système de négociation collective,c’est impossible. Alors que sans droits, toutest permis !Cela a commencé dans le Wisconsin. Legouverneur comptait sur le soutien de l’opi-nion publique pour supprimer le droit à lanégociation collective, les prestationssociales et les droits à pension à travers unprojet de loi, mais suite à une mobilisationde milliers d’enseignants, c’est l’inverse quis’est produit. L’action syndicale collectivea ainsi provisoirement écarté le danger, maisnul doute que dans le contexte de crise éco-nomique actuel, ce type d’attaque contreles droits des enseignants à la négociationcollective risque de se reproduire. ■

Propos recueillis par Roger Ferrariet Florian Lascroux

(1) American Federation of Teachers, syndicat depersonnels d’éducation, avec 900 000 adhérents.©

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L’US A INTERROGÉ DAVID DORN, Directeur du département relations internationales de l’AFT(1).

Les droits syndicauxdans la ligne de mire

Aux États-Unis, le droit des enseignants à la négociation collective, quiprotège les professeurs contre des baisses de salaire par exemple, estde plus en plus remis en cause par les conservateurs.

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38 - US MAGAZINE - Supplément au no 714 du 14 novembre 2011

À LIRE

Le coin du Polar

Juan Pablo Villalobos publie sonpremier roman, Dans le terrier dulapin blanc. Ce n’est pas un polar

au sens strict, plutôt une fable à conno-tation « noire » pour faire connaissanceavec son pays, le Mexique. Il fait parler le fils d’un nar-cotrafiquant avec l’incompréhension supposée des enfants.Le procédé avait déjà été utilisé dans ce chef-d’œuvre,Fantasia chez les ploucs. Ici, c’est un peu laborieux.L’environnement, une sorte de palais fou, avec animauxsauvages qui sent le renfermement, un père qui cède toutà son fils – celui qui dit « je » – sans parvenir à lui don-ner de l’amour et... une mère. On l’entend pleurer. Tout,du coup est suggéré. La corruption des élites, la nécessitéde fuir, soit la guerre des gangs, soit la police, fait la tramed’une vie en dehors du monde. On peut même y trouverune explication de l’affaire Florence Cassez... Bref, enquelques pages une vision du monde.Jérôme Leroy, auteur de plusieurs romans, a voulu entrerdans la série noire. Avec Le Bloc, il suit les traces de Je suisun fasciste. Une sortie de biographie croisée de deux fas-cistes d’aujourd’hui. L’un, Stanko, a vécu les restructura-tions des Houillères à Denain et hait le monde entier via leprisme du racisme et est devenu le chef du service d’ordredu « Bloc », l’autre, Antoine, est écrivain et mari d’Agnès,la fille du créateur du « Bloc ». Ils se racontent dans uncontexte de guerre civile qui oblige les partis de droite à faireentrer l’extrême droite au gouvernement. Intéressant etdécevant tout à la fois. La figure de Stanko est une vraiefigure, celle de l’intellectuel est beaucoup plus floue. Dif-ficile de construire un polar...David S. Khara est présenté comme « la révélation Thril-ler » et il faut avouer qu’il a du talent. Mais son person-nage tient du James Bond du pauvre. Eytan Morg est unagent du Mossad chargé de curieuses missions et un res-capé des camps de la mort. Toute l’affaire tourne autourdes manipulations génétiques pour construire le « sur-

UN AUTEUR DE RÉFÉRENCEYi Ch’ongjun est un desauteurs les plusconnus en Corée duSud. Il a quitté notremonde en 2008. Iln’est pas trop tardpour faire sa connais-sance et découvrir,dans le même temps,

cette province du Sud-Ouest, le Ch’ollarejetée par le gouvernement central.L’auteur y puise sa nourriture. Lesnouvelles réunies dans ce volume,Dialogue avec un vieil arbre géant,qu’il est possible de lire comme uneautobiographie distanciée pour com-muniquer un patrimoine, font ladémonstration que la révolte contreun ordre établi est bonne conseillère.Tradition et modernité communiquentpour dessiner un curieux monde, celuide la Corée du Sud et, en partie, notrepropre monde. Nicolas Béniès• Dialogue avec un vieil arbre géant, nou-velles traduites par Kim Jung-Sook avecPatrick Maurus, Actes Sud, 268 p.

UN AUTEUR À LA MODEJonathan Franzen faitbeaucoup parler de lui.Sa peinture au vitriolde la famille américaineet par là-même detoute la société pro-voque des réactionsopposées. Le propre

d’un auteur qui dérange. Les troiscourts récits réunis dans cette éditionpermettent de faire connaissanceavec son univers. Ainsi Le cerveau demon père est à la fois une enquête surson père au moment de sa mort, surla construction des souvenirs et sur lepoids des convenances à respecter. Unrécit et un essai sur la définition duconcept de « souvenir ». Drôle,« mouvant » et incitant à la réflexionsur qui nous sommes. N. B.• Le cerveau de mon père, JonathanFranzen, Points/Seuil, 95 p.

UNE DRÔLE DE BIOTom Waits fait partie,sans conteste, descréateurs importants.Ce chanteur-auteur-compositeur est unmaître dans cet artdifficile de créer une

ambiance, un climat. Il s’inspire dujazz, du rock mais aussi de l’opéra – decelui de Brecht comme le classique. Ce« collage » est très dans le « Zeit-geist », dans l’esprit des temps qu’ilforge dans le même temps. Une bio-graphie était nécessaire. Commentla réaliser ? Tom Waits n’en voulaitpas. Barney Hoskyns a choisi de com-piler les interviews et d’écouter toutela production du poète. Le résultatest étrange. Ce n’est pas une bio, cen’est pas une critique… C’est un objetnon identifié mais qui essaie de rendreun hommage à Tom Waits. À lire pouravoir envie d’écouter. N. B.• Tom Waits, une biographie. Swordfish-trombones et chiens mouillés, BarneyHoskyns, RivagesRouge, 456 p.

CULTURE L iv res/Revues

Service public démantelé de la maternelle à l’Univer-sité, approche utilitariste des apprentissages,« malaise » enseignant : l’école est en crise profonde.

C’est à l’aune d’un tel constat que les auteurs s’interrogentsur le sens d’une évolution qui plie de l’intérieur l’école auxnormes sociales du capitalisme. L’école est ordonnée àl’exigence de valorisation du « capital humain ».La nouvelle école capitaliste ne date pas d’hier. Elle s’estconstruite dans les années 1980, sous les gouvernementsde gauche comme de droite, sous l’égide de l’OCDE et del’UE, dans le cadre contraint des politiques néolibérales etde l’entrée obligée dans l’ère de l’économie de la connais-sance. Il s’agit là d’un projet politique global fondé sur unformatage éducatif entièrement tourné vers le profit des unsau détriment du plus grand nombre.Qu’il s’agisse du New Public Management qui impose laculture du résultat, l’avènement de la « logique compé-tence » qui prône l’employabilité comme valeur suprême,l’éclosion de « quasi-marchés » scolaires qui transfor-ment les élèves en clients et le savoir en marchandise...Tout converge vers une école de la concurrence, de la com-pétitivité et, au final, de la lutte des classes...

Cette analyse égrène les multiples aspects dela mutation de l’école, de la précarisationdu marché du travail à la conduite managé-riale dans la fonction publique en passantpar la destruction de la formation et du statut, l’efface-ment des connaissances et des savoirs... et montre dequelle façon se bâtit une société d’individus entrepreneursd’eux-mêmes, loin de l’ambition humaniste que nousdéfendons. Les auteurs montrent combien la rationalité néolibérale,présente dans les moindres recoins (contenus des pro-grammes, normes d’évaluation, orientation...), modifieen profondeur le rôle de l’école... Relevant le doute crois-sant sur l’efficacité et la légitimité d’un tel système, le livrese conclut par une mise en perspective des résistances dontcelle des enseignants dépossédés de leur métier et prolé-taires de cette « entreprise ». L’horizon d’une lutte d’en-semble pour une autre société et une autre école post-capi-taliste est ainsi ébauché. ■ Véronique Ponvert

• La nouvelle école capitaliste, C. Laval, F. Vergne, P. Clément,G. Dreux. Éditions La Découverte

LA NOUVELLE ÉCOLE CAPITALISTE

L’industrie du savoir

homme » exigé par Hitler. Une bonne connaissancede l’Histoire donne du relief à la thèse ici développée,Le projet Bleiberg. Une partie d’invention sur une baseréelle. Seulement, les héros qui se sortent de toutes lessituations ne peuvent pas convaincre. D’autant que Eytanse retrouve dans le nouvel opus...Comment écrire l’histoire récente de l’Irlande du Nord, cettepartie restée sous domination anglaise pendant trop long-temps, souvenir du colonialisme triomphant. Pour son pre-mier roman, Stuart Neville a choisi une histoire de cau-chemar, Les fantômes de Belfast. Gerry Fegan, un anciende l’IRA, boit pour oublier douze ombres qui le sollicitent.Pour se débarrasser de ces hôtes encombrants, il tue les res-ponsables des meurtres. À chaque fois, l’un des fantômesdisparaît... L’auteur tire ainsi les fils de cette Irlande un peutrop ignorée de nos jours. On peut ne pas partager sesprises de position politique tout en reconnaissant qu’unromancier est en train de naître... s’il peut se débarrasser deses propres fantômes.Le Da Vinci Code – qui a mal vieilli – a ouvert la voie àd’autres auteurs. Samuel Delage, ingénieur dans le civilet passionné de la Renaissance et de la cryptologie, avoulu, dans une sorte de quête initiatique et amoureuse,suivre une chasse au trésor de deux jeunes gens dansCode Salamandre. Intéressant mais un peu téléphoné, letitre donne déjà une indication. Quelques trouvailles quigardent le lecteur. À découvrir. Un premier roman. ■

Nicolas Béniès

• Dans le terrier du lapin blanc, Juan Pablo Villalobos, ActesSud ; Le Bloc, Jérôme Leroy, Série Noire/Gallimard ; Le projetBleiberg, Davis S. Khara, 10/18 ; Les fantômes de Belfast,Rivages/Thriller ; Code Salamandre, Samuel Delage, Belfond.

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Après Black Swan et l’hommage de Wim Wenders à la chorégrapheallemande Pina Bausch, Polina de Bastien Vivès aborde avec unegrande virtuosité l’univers de la danse en bande dessinée. Le livre

s’impose comme l’un des incontournables de 2011, sélection attendue auprochain festival d’Angoulême.On suit l’itinéraire d’une jeune danseuse, PolinaOulinov, sur une quinzaine d’années, de sesdébuts prometteurs dans un prestigieux balletrusse, à son émancipation dans une trouped’avant-garde, jusqu’à son accomplissement artis-tique dans une formation berlinoise qui mêle ladanse au théâtre. Entre les opportunités profes-sionnelles et les revers amoureux, Polina se laisseguider par ses aspirations et la relation artistiqueet intellectuelle qu’elle a nouée avec le professeurBojinski. Personnage charismatique, passionné etexigeant, le maître entretient avec son élève unlien paradoxal fait de rudesse et de tendresse tue. Pas de jugement sur la supériorité supposée du

classique ou du contemporain, Polina réconcilie les deuxécoles. Suivre son instinct est la meilleure façon de se réa-liser en tant qu’artiste, tel est l’avis de Bastien Vivès.Sans nul doute, le jeune auteur de 27 ans, révélé en 2009par son album Le goût du chlore, a mis beaucoup de luidans ce roman graphique d’apprentissage. Son héroïne luia été inspirée par la danseuse classique russe PolinaSemionova née, elle aussi, en 1984. Polina, c’est lui ! Dessinateur et scénariste, Bastien Vivès utilise avec grâcetoutes les gammes de la BD. Pour restituer la légèreté de la danse il fait lechoix d’un dessin en noir et blanc, proche de l’esquisse, une techniquesouple transposée du blog. L’enchaînement des cases lui sert à créer le mou-vement. Le rythme, le découpage et les dialogues sont toujours justes. Etl’ensemble confère à l’histoire le souffle d’un conte des temps modernes.À la différence des précédentes héroïnes de l’auteur, plus consensuelles,Polina est un personnage incarné dont le physique se métamorphosesubtilement au fil du temps. À côté de sa silhouette longiligne, le noir dubout de son nez évoque une rougeur excessive, ses oreilles sont décollées.Polina, c’est nous ! En somme, nul besoin d’être un passionné de balletspour aimer Polina. La danse n’est ici qu’une métaphore de l’art et del’existence même. ■ Stéphanie Marco

• Polina, de Bastien Vivès, KSTR, 206 p., Casterman

Carte du ciel, saturée d’étoiles noires. Deslignes en partent, qui décrivent leur mou-vement peut-être. Astres errants, attirés par

les splendeurs vides d’un centre strié de cica-trices... à quoi bon décrire ce cercle où l’ethno-logue Jean Malaurie res-titue pour lui-même lagénéalogie de 300 eski-mos ? Pourquoi préfé-rer la parole à la vue ?Dans le beau livre deMarie-Haude Caraës etNicole Marchand-Zanartu, on assiste ausurgissement de la pen-sée. Avant que le lan-gage ne referme sur elleses petites caisses demots pour la transpor-ter d’esprit en esprit.Être au plus près de cequi met en mouvementcréation et réflexion.Faut-il d’ailleurs nette-ment séparer l’une del’autre ? Au stade del’image, il n’y a ni poèteni mathématicien. Auxarborescences d’un Paul Valéry cherchant à mettreen ordre les éléments de son âme répondent, surla page d’en face, les entrelacs surréalistes duphysicien Stephen Wolfram, pensant les possibi-lités d’engendrement d’un langage informatique.Est-ce à Picasso que l’on doit ces brouillons ner-veux où les mots d’ « Africa » et de « Vienna »crèvent la feuille ? C’est le géographe PhilippeRekacewicz qui aborde en cubiste la mondialisa-tion. Le chorégraphe Merce Cunningham a-t-il un

homonyme chimiste, dont les croquis prépara-toires à quelque théorie révolutionnaire ont ici étéreproduits ? Son tableau descriptif de Suite bychance aurait aussi bien trouvé sa place dans lecerveau d’un Mendeleïev. Poésie, art, science,

amour fou. Partoutun même mouvementsemble vouloir ébranlerle silence du monde. Etquand les mots se refu-sent au cœur, l’image,encore, prend naissance.Sous les doigts dupeintre et écrivainJoseph Czapski, qui,dans le réfectoire d’unGoulag, reconstitue l’ar-chitecture du Tempsperdu de Proust, afin dene pas sombrer. Sous lecrayon du petit ThomasGene, qui s’acharne ensecret à dépeindreAuschwitz, et dontle dessin vous arracherades larmes. Au com-mencement était l’image.Mais, condensé d’en-

thousiasme, trace laissée par la fulgurance del’intuition, toute image de pensée est déjà déper-dition. Que dire alors de l’œuvre achevée, roman,sculpture, immeuble, théorème ciselé ? Images depensée nous place tout à côté de l’inspiration.Mais, plus loin, au commencement du commen-cement, se tenait l’indicible émotion. ■

Matthieu Niango

(1) De Marie-Haude Caraës et Nicole Marchand-Zanartu

Le coin de la BDBastien Vivès, l’étoile montante

NOS COLLÈGUES PUBLIENT� MARSEILLE, VILLE REBELLEDes syndicalistes actifs et retraités de Mar-seille ont uni leurs efforts, leurs savoirs, leursexpériences pour rendre compte du mouvementsocial de l’automne 2010 pour lutter contre lacontre-réforme des retraites. Paroles de syn-dicalistes en lutte à Marseille reprend destémoignages et analyses qui parleront à tous ceuxet à toutes celles qui ont participé à ce mouve-ment. Pour se rendre compte de l’unité dans ladiversité de ce mouvement. N. B.• Paroles de syndicalistes en lutte à Marseille, coordonné parChristine Escoffier, Rémy Jean, Jean Ongun, Christian Palenet Gérard Perrier, Éditions Arbre bleu, 237 p.

� SUR LES TRACES DU CHÉLa biographie de Che Guevara publiée parChloé Maurel ne se limite pas à une narrationlinéaire du destin exceptionnel de celui quiest devenu l’incarnation de l’idéal révolution-naire. À travers les luttes et les engagementsdu Ché, notre collègue nous invite à revisiterl’histoire des relations internationales des années1950 et 1960 : guerre froide, crise de Cuba, décolo-nisation, rapports Nord-Sud, guérillas en AmériqueLatine. C’est aussi l’occasion de croiser d’autresfigures emblématiques de ces années mouvemen-tées : Castro, Kennedy, Allende, Peron… Un ouvragerigoureux et clair qui se lit comme un roman. C. C.• Che Guevara, entre mythe et réalité, Chloé Maurel, éditionsEllipses, 500 p.

ESPRIT ES-TU LÀ ?Robert C. Davis et Elizabeth Lindsmith,spécialiste l’un d’histoire moderne, l’autre delittérature anglaise ont voulu dresser le portraitd’une époque via des portraits d’hommes et defemmes – une reconnaissance nécessaire –qui inventent le monde moderne. Un monde qui faitressortir l’individu contre le groupe, montrant ledébut de la fin de cette époque féodale, de l’éco-nomie domaniale fermée. Après une courte in-troduction pour dresser les contours de l’époque,ils mêlent des personnages connus et d’autres in-connus. Dont les femmes à commencer par Chris-tine de Pizan, la première femme écrivain. Pour sefamiliariser avec l’esprit de ces temps. Un livred’histoire composé avec passion. N. B.• Hommes et femmes de la Renaissance. Les inventeurs dumonde moderne, Flammarion, 336 p.

AVANT LES MOTS

Images de pensée(1)

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Les deux réalisateurs Gilles Sionnet etMarie-France Le Jalu, férus de littératurejaponaise, ont voulu réparer une injustice

en réalisant un film sur Osamu Dazaï. Un écri-vain beaucoup moins célèbre, hors Japon, queKawabata, Mishima ou Murakami.Mort en 1948, il compte au Japon de nom-breux admirateurs. Beaucoup d’entre eux seregroupent le 19 juin, jour anniversaire deson suicide, autour de sa tombe, dans un cime-tière de la banlieue de Tokyo. C’est là que lesréalisateurs ont rencontré la plupart des per-sonnages du film : une chanteuse de punkrock, le vice-préfet de Tokyo, un étudiant ensciences politiques, une dessinatrice de Manga,la rédactrice d’un blog sanguinolent.

La force de l’écriture de Dazaï – depuis vingtans il est de plus en plus lu au Japon – résidedans le fait qu’il était une sorte de visionnaire.Il livrait, il y a plus de 60 ans, une image justeet sensible d’un Japon contemporain de plusen plus individualiste dont la quête de richesseest concomitante d’un vide de sens. Les pro-tagonistes citent les passages de ses livresqui les guident dans leur existence et, à l’in-verse, Dazaï, par ses textes, parle d’eux.Le film devient une sorte de tissage de cesquelques vies croisées.La force de ce film se trouve dans l’aller-retour entre les inconditionnels de l’écrivainet son œuvre, dans ce mouvement qui nousrévèle les personnages autant que les person-

nages éclairent, par leurs propos, à travers larévélation de leur intimité, l’œuvre de Dazaï.La vie murmurée, annoncé comme undocumentaire, mais son traitement originalle place entre documentaire et fiction pouren faire un objet cinématographique nonidentifié (OCNI). ■ Francis Dubois

Ce film, tourné avec Philippe Noiret en 1995-1996, n’a jamais vu le jour. Grâce à la SACD etaux producteurs bulgares, une copie a pu être

enfin réalisée en 2010. Une trop bruyante solituderaconte l’histoire de Hanta, un ouvrier vieillissant qui,depuis 35 ans, presse du papier, dans une cave, avecune machine archaïque. Incorrigible rêveur, peu sou-cieux de la rentabilité de son travail, il s’applique àsauver du pilon un livre rare, une affiche originale oula reproduction d’une toile de maître. Plus encore,dans sa cave, Hanta reçoit d’étranges visites, celles

de jolies gitanes ses amies, celle d’un professeuramateur de livres rares mais aussi, celles de Baude-laire, Jésus, Dante ou Don Quichotte.Le film a 16 ans et reste d’une surprenante actualité.Véra Caïs a su, avec la complicité de Noiret, tenir sonrécit entre réalisme, peinture sociale et fantastiqueléger, fruit des rêveries d’Hanta et de son goût pourl’évasion.Il faut saluer le cinéma « Accatone » distributeur dufilm, d’accueillir dans ses murs cette œuvre rare,tendre et jubilatoire. ■ F. D.

DVDSorties récentes degrands moments de cinémaCarlotta réédite une dizaine de filmsde R. W. Fassbinder, disponible encoffrets. Des classiques : Le mariagede Maria Braun ou Le droit du plusfort et des films moins connus : Pre-nez garde à la sainte putain ouL’amour est plus froid que la mort. Toujours chez Carlotta, un coffretdes premières œuvres de DavidLean montre que le réalisateur duDocteur Jivago n’a pas toujours étécelui des grandes fresques holly-woodiennes mais un auteur demélodrames intimistes. Heureuxmortels suit les tribulations d’unefamille de la classe moyenne surfond de crise et de montée dunazisme. Si Brève rencontre etMadeleine traitent de l’adultère

mais ne laissent aucune issue auxprotagonistes étouffés sous lesconvenances, Les amants passion-nés offre des moments plus lumi-neux. Le coffret est complété parL’esprit s’amuse et un livret Beforethe Epic David Lean et l’Âge d’ordu cinéma britannique. ■ F. D.

MUSIQUEMémoire musicalePère de la musiquerépétitive américaine,Steve Reich est notam-

ment connu pour son quatuor à cordesDifferent trains (1988), qui l’a renducélèbre. Si ce dernier traitait de laShoah, le nouveau quatuor de ReichWTC 9/11 évoque les attentats du 11septembre. Il y reprend les procédés àl’œuvre dans Different trains : desvoix enregistrées sur une bande digi-tale se confrontent à trois quatuors –

CULTURE Cinéma/Théât re/Spectac leLA VIE MURMURÉE, UN FILM DE G. SIONNET ET M.-F. LE JALU

Un passionnant OCNI

UNE TROP BRUYANTE SOLITUDE, UN FILM DE VÉRA CAÏS (FRANCE-BULGARIE)

16 ans et toutes ses dents

un en direct, deux enregistrés. Le pre-mier mouvement, grave et angois-sant, évoque, à travers l’enregistre-ment des voix des contrôleurs aérienset des pompiers, l’attentat lui-même.L’âpreté de la composition permetd’éviter tout pathos. Dans le secondmouvement, il fait entendre les témoi-gnages de ses voisins – Reich habiteà quelques blocs de Ground Zero –recueillis après les attentats. La len-teur de ce mouvement permet unenécessaire distanciation. Dans le troi-sième mouvement, superbe et trèsémouvant, Reich nous propose unebelle élévation spirituelle par l’in-termédiaire de prières en hébreupour un émouvant recueillement.Ce quatuor à cordes sera présentpour la 4e Biennale des quatuors àcordes, à la Cité de la musique, le18 janvier 2012. ■ Nicolas Morvan• S. Reich, WTC 9/11, Kronos Quartet, Nonesuch.

JAZZUn mustLe dictionnairedu jazz, dont lapremière éditionremonte à 1988,fait peau neuveet change detitre : Le nou-

veau dictionnaire du jazz. Il s’ouvreaux musiciens et musiciennes d’au-jourd’hui. Il gagne 100 pages pouressayer de couvrir le passé et le pré-sent du jazz. Toujours sous la direc-tion de Philippe Carles, André Cler-geat et Jean-Louis Comolli, ettoujours dans la collection Bou-quins, il demeure un outil indis-pensable de connaissance de cettemusique art-de-vivre. ■ N. Béniès• Le nouveau dictionnaire du jazz,Robert Laffont/Bouquins, 1472 pages.

Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan ;Intouchables de Eric Toledano et Olivier Nakache ; La

pluie et le beau temps de Ariane Doublet ; Squat, la villeest à nous de Christophe Coello ; Nos ancêtres les

gauloises de Christian Zerbib ; Mon pire cauchemarde Anne Fontaine ; Toutes nos envies de Philippe Lloret…

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Films conseillés : CRITIQUES SUR LE SITE WWW.SNES.EDU

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Ont participé à la conception de ces pages : Nicolas Béniès, Carole Condat, Francis Dubois, Philippe Laville, Micheline Rousselet

Quand on sort de l’ascenseur la porte estdéjà ouverte. L’accueil simple etchaleureux, le verre de vin rouge qui

voisine sur la table avec le texte du prochainspectacle, prouvent que Philippe Caubère n’arien perdu de ses racines méridionales !L’US : Comment est né le projet ?Philippe Caubère : Je l’avais en tête depuislongtemps. Je rêvais de dire les poèmes d’An-dré Benedetto. Je pensais surtout aux Pou-belles du vent écrits en 66-68, liés à sa pièceZone rouge et à toute cette période un peuprophétique. Je n’osais pas trop lui en parler,il était imprévisible. Malheureusement ce quia précipité le projet, c’est sa disparition.Claude Guerre, directeur de la Maison de lapoésie qui a été comédien du Théâtre desCarmes, a accepté d’accueillir le spectacle.L’US : De quels textes se compose le spec-tacle ?Ph. C. : Le premier texte qui a eu pour moil’effet d’un électrochoc est sur Jean Vilar. Ilest extrait du recueil Quatre hommes duSud, des textes écrits ou improvisés. Il y enaura qu’il a écrits sur Artaud et Jaurès. Letexte sur Vilar porte sur le festival d’Avi-gnon, sur le fait qu’il a été créé par un acteurdu Sud. C’est un message aux jeunes pourleur dire que l’idée du festival n’est ni uneidée de metteur en scène ni celle d’agent devoyage, mais bien une idée d’acteur !Urgent, criez ! est un hommage rendu à l’ac-teur et au poète pour rappeler que le théâtreappartient à l’acteur et qu’il ne doit pas êtrele fait de metteurs en scène, de programma-teurs. Mon projet n’est pas seulement de direBenedetto, c’est aussi le jouer, l’incarneravec son corps, avec ses gestes, ses regards.

Ses textes de maturité, je les ai mixés avecdes textes de jeunesse liés à 68 alors qu’il estle poète de la « beat generation » provençale. Le jeune révolutionnaire qu’il a été n’est pasdevenu un vieux réactionnaire, mais un sage,un penseur. La pensée 68 est devenue lamatrice d’une pensée contemporaine forte.L’US : Votre spectacle s’adresse-t-il auxjeunes ?Ph. C. : Il s’adresse à ceux qui ont connuBenedetto et à tous les jeunes pour qui 68 estune interrogation. Dans le spectacle, des pro-jections d’images donnent une réalité maté-rielle à cette histoire vivante, positive et fontréférence à ce qui aura été une vraie révolu-tion contrairement à ce que disent les révi-sionnistes. Il y a un poème magnifique sur 68,un texte qui m’a suivi toute ma jeunesse etque je dis aujourd’hui. Il renvoie aux révo-lutions arabes. Tout à coup, la donne estchangée, les théories s’effondrent.L’US : Benedetto vous a toujours accom-pagné ?Ph. C. : Ces dernières années, je le voyaismoins mais je l’avais découvert en 69, àl’époque de Xerxes d’après Les Perses, uneadaptation d’Eschyle pour trois blousonsnoirs. C’était l’idole du groupe d’étudiantsaixois que nous formions. C’était à la foisDean et Brando à qui il ressemblait. Il avaitla même aura, le même charme, les mêmescaprices.Benedetto, c’est une admiration de jeunesse.C’était mon premier maître avec Ariane. Le vrai pape d’Avignon avec Vilar, c’étaitBenedetto. Car, en plus d’écrire ses textesrévolutionnaires, vivants, c’était un acteurfabuleux avec un accent à couper au couteau.

L’US : Le théâtre de Benedetto est engagé,politique...Ph. C. : Son œuvre est tellement inspirée parla politique qu’on a tendance à le cantonneraux années 68 mais Benedetto, c’est surtoutle regard du poète. Avec le spectacle, j’espère amener le publicà comprendre que c’est de la haute littérature,de la haute pensée. Ce n’est ni nostalgique nidaté. C’est vigoureux, c’est une pensée tota-lement originale et pas du tout formatée surl’époque. C’est une pensée d’acteur. Duthéâtre de la vie. Un théâtre que la mort n’in-téresse pas.L’US : Le théâtre s’est beaucoup assagidepuis...Ph. C. : Benedetto parlait aussi bien des ban-lieues que de Rosa Luxemburg, de son pointde vue d’homme du Sud. Le succès, il n’envoulait pas et c’est sans doute ce qui lui a per-mis de tenir la même ligne jusqu’au bout.Après 68, il y a eu en Provence pléthore detroupes engagées. mais il n’y avait ni chez LaCarriera, l’Olivier ou Renata Scant, la forcepoétique de Benedetto.Il y a sans doute aujourd’hui un affadissementde la création. Mes émotions de spectateursont devenues plus rares. Une œuvre doit être faite pour la vie, paspour mourir... ■

Propos recueillis par Francis Dubois

• Maison de la poésie, 157, rue Saint-Martin,75003 Paris

L’ACTUALITÉ CULTURELLE SUR

www.snes.eduCinématographique, théâtrale, chorégra-phique, musicale, avec notamment de nom-breux nouveaux articles sur le jazz, le récentCD Clandestine de Coline Malice... desdébats et conférences, expositions avec denouvelles découvertes à faire dans ledomaine des arts plastiques, des festivals,entretiens avec des auteurs et artistes,informations de collègues créateurs… leséchos de luttes à soutenir dans ce secteur...de nouvelles rubriques et des mises àjour hebdomadaires à découvrir sur le sitedu SNES, en cliquant sur www.snes.edu/-Culture-.html. Et toujours l’accès – réservéaux syndiqués – aux informations actuali-sées de la centaine de théâtres et festivalsacceptant de faire bénéficier les syndiquésd’un tarif réduit, dans diverses régionsdepuis une quinzaine d’années, dans lecadre du partenariat « Réduc’SNES ».

[email protected]

Entretien avec PHILIPPE CAUBÈRE à propos de son spectacle sur AndréBenedetto, Urgent, Criez !

La révolte au cœur

Une drôle de légendeEn cette année 2011,Boris Vian redevient àla mode. La Pléiade sel’est approprié pour enfaire un classiquemoderne. Une manièrede rendre compte de saplace parmi les adoles-cents de toujours. Sait-on encore qu’il fut

méprisé comme romancier de son vivant ? Qu’iln’a jamais été reconnu par ses pairs ? Il estdevenu, par la force de ces choses, un chanteur-compositeur-interprète et par goût un pataphy-sicien dans la lignée d’Alfred Jarry. Une expo-sition, à la Bibliothèque Nationale de France,permet de le retrouver. Son théâtre, ses lettres, sesarticles sur le jazz... tout y est. ■

Nicolas Béniès• Exposition jusqu’au 15 janvier à la BNF, catalogueBoris Vian coédité par Gallimard/Éditions de la BNF.

Visiter un art de vivreLe musée Maillol propose, en lien avec Napleset Pompéi, de visiter une villa romaine via lespièces les plus connues et 200 œuvres venant dePompéi. Le visiteur aura l’illusion de circulerdans cette villa pouravoir la sensation defaire un saut dans letemps et de se retrou-ver 2 000 ans aupa-ravant. Une sorte demachine à remonterle temps. Un albumde l’exposition estdisponible, où leschefs-d’œuvre sontprésentés en françaiset en anglais. ■

Nicolas Béniès• Pompéi, un art de vivre, exposition jusqu’au 12/02/12,album chez Gallimard.

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qu’elles soient professionnelles oupersonnelles. Elles commencentdès la création du compte. Dans uncadre pédagogique, il faut en créerplusieurs : un par enseignant, maisaussi un par élève. En créant cecompte, on doit donner des rensei-gnements personnels. Certainsréseaux sociaux, comme Google +,refusent d’ailleurs l’anonymat. Demander à un élève de s’inscriresur un réseau social, quel qu’il soit,n’est donc pas un geste anodin,sans parler du nécessaire accorddes parents. Il ne faut pas oublier

que ces outils sont créés par dessociétés commerciales qui souhai-tent retirer un bénéfice de leurproduction. Et il ne relève vraimentpas de nos missions de les aider àutiliser nos élèves comme debanales données commerciales. Se pose aussi le problème de l’ex-ploitation des données profes-sionnelles : si vous publiez descours ou des devoirs sur Face-book, vous donnez automatique-ment aux propriétaires de l’appli-cation l’autorisation d’utiliser cesdocuments. Même si vous rési-

liez votre compte, les données quevous aurez partagées resterontpropriété de Facebook aussi long-temps que les personnes concer-nées par le partage auront leurcompte... Cela donne à réfléchir. Apriori, ces travaux communspeuvent aussi être réalisés sur desENT (qui ne sont pas encore géné-ralisés ni opérationnels dans tousles établissements), puisque lesélèves peuvent également accéderaux données de chez eux. Enfin,vous aller partager un espacecommun avec les élèves autre que

CULTURE Mul t iméd iaPARMI LES PLUS RÉCENTES RÉVOLUTIONS VENUES D’INTERNET, les réseaux sociaux sont très à la mode.Plébiscités par les uns, vilipendés par les autres, ils sont utilisés par des millions de personnes en Franceet dans le monde. Voici donc un regard sur la question de leur utilisation pédagogique, accompagné denombreuses ressources en ligne et, bien sûr, de notre rubrique veille documentaire.

Il y a encore quelques années,quand on parlait de réseau social,on entendait « un ensemble d’in-

dividus reliés entre eux par desrelations de famille, de travail oude proximité spatiale ». Aujour-d’hui les réseaux sociaux sontavant tout numériques etnombreux. Les plus utilisés,notamment par les adolescents sontgénéraux comme Facebook, MySpace. D’autres sont à vocationprofessionnelle (Viadeo). Aveccertains on peut partager des sitesInternet et des intérêts communs(Delicious, Pearltee) ou toutsimplement retrouver des cama-rades de classes (Copains d’avant).Devant l’importance que prennentles réseaux sociaux dans notre vie,et plus encore dans celle de nosadolescents, peut-on éluder la ques-tion de leur intégration dans lespratiques pédagogiques ? Elle sepose de plus en plus : la réformedes lycées prône d’ailleurs l’utili-sation de ces nouveaux modes defonctionnement, en SES, en languesétrangères, ou encore en ECJS. Lesavis sont sans aucun doute partagés.Ce dossier vous présente quelqueséléments de débat, des informa-tions et n’a pas la prétention detrancher la question.

Du difficile partage des données Les sceptiques mettront en avantles difficultés essentiellement liéesjustement au partage des données,

Les réseaux sociaux :des outils pédagogiques ?

Notre sélection en veille documentaire

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ia.fr

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• Le portail Decryptimages en partenariat avec la Ligue de l’Enseignementet l’Institut des images porte bien son nom. Passionnant, que ce soit pourle plaisir ou pour les cours. http://www.decryptimages.net/ index.php

• Toujours sur la lecture de l’image, Thot cursus (site canadien dédié à lapromotion des outils numériques pour l’éducation) : liste de sites sur la lecturede l’image fixe ou animée. http://cursus.edu/institutions-formations-ressources/formation/15165/sites-pour-analyse-images-fixes-animees/

• À découvrir aussi leurs articles : quels outils pour écrire.http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/17706/quels-outils-pour-ecrire

Web documentaire ? Le mot regroupe toutes les nouvelles formes dereportage ou de documentaire interactif sur le web, on utilise les outils duweb (multimédia, interactivité) au service d’une narration. De nombreuxexemples sur ce site http://webdocu.fr/web-documentaire

• Le Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir : les représentations sexuéesdans l’audiovisuel, une source incontournable pour travailler sur lesstéréotypes et les inégalités... http://www.genrimages.org

• La section française de l’observatoire international des prisons. Un site à faire connaître et à utiliser : http://www.oip.org/

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Supplément au no 705 du 12 février 2011 - US MAGAZINE - 43

celui de la classe. Selon la termi-nologie des applications, vouspouvez devenir « amis » avec eux,terme non anodin. Si vous nesavez pas correctement paramétrervos profils privés et publics, vosélèves risquent d’en savoir plusque vous ne le désirez sur vous etvice versa !

Vers un réseau…scolaireLes « aficionados » des réseauxsociaux vous expliqueront quecette approche permet aux élèvesd’aborder le cours avec un a prioripositif. Ils ajouteront que l’intérêtréside dans le fait qu’ils appré-henderont l’utilisation des réseauxsociaux sous un angle différent,que vous pouvez travailler avec

FACEBOOKFacebook signifie « Trombinoscope » en anglais. Né à Harvard (cf. le filmThe social network), son succès commercial ne se dément pas ! (mais jus-qu’à quand ?) Il permet à tout un chacun à partir de 13 ans de présen-ter des informations d’ordre privé sur sa page. On peut également pro-mouvoir sa société, ou son association, voire un événement. Leparamétrage de Facebook nécessite qu’on s’y penche, mais on peutcibler les informations que l’on donne en fonction de son public. Face-book a remplacé Messenger chez les adolescents.

VIADEORéseau social professionnel, réservé à la recherche d’emploi (conventionavec l’APEC), ou à la recherche de nouveaux partenaires, clients oufournisseurs.

COPAINS D’AVANT Créé à l’origine pour retrouver ses camarades de classes, ce réseau vouspermet à présent d’exprimer vos goûts, d’afficher vos opinions ou de vousréunir en groupes.

BABELIODédié aux livres et aux lecteurs, permet de créer et d’organiser sabibliothèque en ligne, d’obtenir des informations sur des œuvres, de par-tager et d’échanger ses goûts et impressions littéraires avec d’autreslecteurs.

DIASPORA, UN FACEBOOK LIBRE ET DECENTRALISÉ C’est un réseau social libre qui permet à l’usager de contrôler sespropres données. De plus, contrairement à Facebook, il est hébergé pardifférents ordinateurs, ce qui évite de centraliser les données surquelques serveurs. Nous y reviendrons.

Pages réalisées par Rémi Boulle, Élodie Cutrona, Anne-Sophie Domenc, Jean-Pierre Hennuyer, Yohan OdivartAdapt-SNES : 46, avenue d’Ivry, 75641, Paris Cedex 13 - Tél. : 01 40 63 28 30

Articles soumis à la licence Creative Commons : http://creativecommons.org/licences/by-nc-nd/2.0/frReproduction exacte et distribution intégrale permises sur n’importe quel support, si cette notice et les mentions de copyright

sont préservées, à l’exclusion de toute utilisation commerciale.Tous les articles multimédias parus dans L’US Magazine, le catalogue des publications d’Adapt (commande en ligne possible) sur www.adapt.snes.edu

Vos remarques et propositions sont les bienvenues sur [email protected]

D’autres réseaux sociaux, et d’autres initiatives, comme la Freedomboxet unhosted, seront également présentés dans notre prochain dossier,en compagnie de Pearltreee et Twitter.

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Le débat reste ouvert !• Facebook, quelle aventure. Carnet de bord d’une enseignante-documentaliste stagiaire. A. Guilbaud-Varachaud, un article du numéro 482des Cahiers Pédagogiques de 2010, « Le Web 2.0 et l’école » : www.cahierspedagogiques.com/spip.php?article6862• Sur Momi Clic, un espace public numérique du territoire Wallon, undossier intitulé « Facebook expliqué aux enseignants mais aux autresaussi » : www.momiclic.be/spip.php?article672• Un dossier très complet réalisé par C. Dubois, C. Chatet du CRDP deBordeaux pour Savoirs CDI : www.cndp.fr/ savoirscdi/cdi-outil-pedagogique/reflexion/les-reseaux-sociaux-au-cdi.html• Un autre dossier très complet et une bonne compilation :http://docsdocs.free.fr/spip.php?breve608• Sur le site suisse Service Écoles-Médias un guide destiné aux enseignantsqui pose bien la problématique « Mieux connaître les réseaux sociauxpour mieux former les élèves à leur utilisation citoyenne ». Incontournable !www.sem-experimentation.ch/semactu/wp-content/uploads/2011/10/Introduction_ reseaux_sociaux_v_1.pdf• Carrefour éducation, un site canadien a fait aussi son tour de la question :http://carrefour-education.qc.ca/files/images/dossiers/Medias_sociaux_dossier.pdf. Il a le mérite de rappeler qu’une formation au médias sociauxest nécessaire pour pouvoir enseigner avec eux.• Bien paramétrer son compte Facebook , diaporama sur un site de collège :http://colleges.ac-rouen.fr/cahingt/cdi-tice/article44/bien-parametrer-son-compte-facebook• Laurence Juin, professeure de lettres histoire, qui utilise les réseaux sociauxdans ses cours, publie ses expériences sur ce blog : http://maonziemeannee.wordpress.com• Eduscol s’est penché, en 2010, sur les enjeux pédagogiques des réseauxsociaux (entre autres) : http://eduscol.education.fr/dossier/travail-apprentissage-collaboratifs. Il a le mérite de donner des exemples concrets.• Sur Pearltree, un dossier complet sur Twitter et son utilisation : www.pearltrees.com/#/N-u=1_251881&N-p=22019293&N-s=1_2560635&N-f=1_2560635&N-fa=2560627

des réseaux qu’ils n’utilisent pasd’habitude. Les enseignantssemblent d’ailleurs pratiquerdavantage Twitter que Facebooken classe (si ce n’est pour diffuserdes informations sur un événe-ment ou une association).La question épineuse de la diffu-sion des informations person-nelles ? Les adeptes des réseauxsociaux ne pourront que voussuggérer de vous identifier aunom de l’école ou du lycée, et decréer des comptes de classe (laSeconde B du lycée Tartempion).Enfin, ils concluront que travaillersur les réseaux sociaux permetde soulever certaines questionsliées à l’utilisation d’Internet,comme la sécurisation desdonnées personnelles. ■

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44 - US MAGAZINE - Supplément au no 707 du 2 avril 2011

Emmanuel Todd répond aux questions de Carole Condat

« Les riches adorent la dette publique »

ENTRETIEN

L’US : Dans le tome I de « l’origine dessystèmes familiaux » consacré à l’Eurasie,vous démontrez que la famille nucléaire quenous pensions moderne est en réalité la formeprimitive des structures familiales. La famillenucléaire occidentale ne serait donc pas « lafin de l’histoire » ?Emmanuel Todd : Les modèlesclassiques voient se décomposer lesstructures communautaires pour faireapparaître l’individu. Je présente, àl’inverse, l’histoire de la famille comme laconstruction d’un système de plus en pluscomplexe et oppressif pour l’individu avecl’émergence finale de la famillecommunautaire. Je me suis appuyé sur le« principe du conservatisme des zonespériphériques » (voir schéma) pour lire lacarte des structures familiales en Eurasie :la famille nucléaire est attestée dans deszones périphériques de l’Eurasie alors quedans son centre domine le modèlecommunautaire. L’innovation, c’est doncla famille communautaire qui s’estdiffusée à partir du centre sans atteindre

système patrilinéaire malgré des pousséessuccessives. À l’époque antique, lesystème patrilinéaire avait pris en Grèce età Rome, où il a implosé vers la fin de lapériode républicaine ou au début del’époque impériale. La deuxième vaguepatrilinéaire qui approche de l’Europecorrespond aux grandes invasions qui sedéversent plutôt vers les Balkans et l’Italieà partir du VIe siècle. Enfin, la dernièrevague est la vague mongole du XIIIe sièclequi explique l’existence d’un modèlecommunautaire patrilinéaire en Russie.Des débuts d’innovation patrilinéaireautonomes se sont manifestés en Europeoccidentale. Ce qui est plus étonnant c’estl’entrée en stagnation des grands foyers decivilisation comme le Moyen-Orient et laChine, peu à peu paralysés par le principepatrilinéaire qu’ils ont inventé.

L’US : Vous constatez que le passage de lafamille nucléaire à la famille communautaires’accompagne d’un abaissement continu dustatut de la femme…E. T. : On constate en effet un premierstade patrilinéaire avec des règles deprimogéniture qui se portentprioritairement sur le fils aîné. On observeensuite, à travers l’interaction complexeavec les nomades, en Mésopotamie puis enChine et en Inde du Nord, l’élaboration dela famille communautaire patrilinéaire,symétrisée, dans laquelle tous les garçonssont à égalité. Une fois cette lourdearchitecture mise en place et qui exclut lesfemmes, on observe, sur des millénaires,un abaissement continu du statut de lafemme qui aboutit au statut de la femmemoyen-orientale, chinoise ou indienne duNord.

les zones les plus éloignées. Mon travails’inscrit dans le prolongement desrecherches des anthropologues américainsde l’entre-deux-guerres, comme RobertLowie qui avait pressenti l’ancienneté dela famille nucléaire. Je suis aussi l’élève dePeter Laslett qui avait découvert que lafamille anglaise du XVIIe siècle était déjànucléaire.

L’US : Qu’est-ce qui explique la résistance del’Europe occidentale à la diffusion du modèlecommunautaire ?E. T. : C’est tout simplement sa positiongéographique. Nous sommes un bout dumonde. La Mésopotamie nous a légué sesgrandes inventions comme l’agriculture etl’écriture. Mais nous avons échappé au

Il faut envisager la possibilité

que l’émergence religieuse

ne soit pas contradictoire

avec l’idée de démocratie

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Trait B

Trait A

Trait A

Trait ATrait A

Schéma type : le conservatisme des zones périphériques

Source : Emmanuel Todd, L’Origine des systèmes familiaux, Tome I, Gallimard.

Emmanuel Todd est un intellectuel médiatisé. Invité des matinales de France Inter, il fait réagir les auditeursau saut du lit. Tard le soir, sur le plateau de Frédéric Taddei, il est capable de remobiliser plus d’un électeur de gauche

assoupi devant son écran. Il faut dire que l’homme a la politique à fleur de peau et n’hésite pasà bousculer régulièrement le débat public autour des questions de l’immigration, de l’extrême droite,

des classes dirigeantes, du libre-échange et de la monnaie unique.

Ses essais géopolitiques sur la décompositionde la sphère soviétique (1976) ou la chute

de l’Empire américain (2002)lui valent une tenace réputation

de chercheur aux vues prémonitoires.Cette efficacité prédictive il la doit

à sa brillante formation d’historien et dedémographe. Héritier de l’école des Annales,

ses travaux sur les structures familialess’inscrivent dans le temps long

et reposent sur l’exploitation méthodiquede séries statistiques et l’assimilation

d’un nombre colossal de monographiesethnographiques et historiques.

La sortie du Tome I de L’origine des systèmesfamiliaux aux éditions Gallimard

est l’aboutissement de 40 ans de recherchessur son thème de prédilection :

le lien entre la carte des structures familialeset les systèmes idéologiques.

De la Mésopotamie en 3 300 avant notre èreà l’Europe postdémocratique en passant

par la Chine et le monde musulman,retour vers le futur avec un chercheur

hors-norme et un citoyen passionnant.

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Au Moyen-Orient, l’abaissement du statutde la femme est bien antérieur à l’Islam etmême à l’ethnogenèse des populationsarabes. Mahomet a essayé de protéger lesfemmes mais il a échoué. Les règles duCoran qui s’opposent aux règlespatrilinéaires excluant totalement les fillesde l’héritage ne sont à peu près jamaisappliquées en milieu rural arabe oumoyen-oriental. Ceux qui s’interrogent surla compatibilité entre le Coran et les règlesde la République française devraient savoirque, pour ce qui relève du droit civil, leCoran n’est pas respecté dans le mondearabe.

L’US : Comment envisagez-vous l’avenir desdeux grands colosses démographiquesasiatiques que sont l’Inde et la Chine ?E. T. : L’évolution de la famille dans cespays n’est pas ce qu’on dit. On y voit bienune nucléarisation du ménage, et desfemmes qui font des études mais lesystème patrilinéaire ne disparaît pas. Onvoit même apparaître un déséquilibre dessexes à la naissance lié à l’usage del’échographie pour pratiquer unavortement sélectif des fœtus de sexeféminin. À l’intérieur de ces pays, lesrégions périphériques qui avaient en partieéchappé à la patrilinéarisationcommencent à pratiquer cet avortementsélectif. On peut donc se demander si cespays ne sont pas encore dans la phase deconquête par le principe patrilinéaire, qui,on l’a vu, est défavorable à l’innovation. Jesuis donc perplexe sur l’avenir de ces paysémergents.

L’US : Dans « Le rendez-vous descivilisations » publié en 2007 avec YoussefCourbage, vous annonciez le printemps arabeen observant la convergence de certainsindicateurs démographiques comme la baissede la fécondité et l’augmentation del’alphabétisation des femmes dans le mondemusulman. Le résultat des élections en Tunisiene vient-il pas limiter votre analyse ?E. T. : En France, la Révolution s’est faitecontre l’Église et, du coup, notre lecturedes phénomènes révolutionnaires estbiaisée. Il faut envisager la possibilité quel’émergence religieuse ne soit pascontradictoire avec l’idée de démocratie.En réalité, la religion est en crise dans lemonde musulman. On pourrait faire unparallèle entre le monde musulmanaujourd’hui et l’histoire politique del’Europe après l’établissement du suffrageuniversel. Les catholiques n’ont pasaccepté tout de suite la démocratie, maisils ont été apprivoisés. Au XXe siècle, dansles régions de pratique religieusecatholique, les partis démocrates-chrétiensétaient souvent majoritaires. L’AKP turcse compare aux démocrates chrétiensallemands : ils sont religieux, ils sont

conservateurs, ils sont populaires. Sansnaïveté, parlons de démocrate-musulmansplutôt que d’islamistes. Quand même,l’Islam a deux avantages sur lecatholicisme contre-réformé : il n’a pas depape et il est plus égalitaire !

L’US : Vous êtes depuis longtemps undéfenseur du protectionnisme européen. Vousdevez vous sentir moins isolé depuis quelquesmois ?E. T. : Je constate surtout que noussommes suivis par les jeunes. Il est évidentqu’un tabou est levé. La raison en estsimple : le niveau de vie a commencé àbaisser. Le système est en crise. Nousallons dans le mur et le débat est ouvert.Mais la faillite des conceptions dominantesva plus vite que la progression de l’idéeprotectionniste. L’euro risque d’exploserbien avant que nous n’ayons eu le tempsde discuter avec les Allemands d’unepolitique protectionniste européenne. Je pense que, dans les mois à venir, il fauts’attendre à un vrai débat sur la dettepublique. Les discours moralisateurs etculpabilisateurs vont atteindre leur limite.La dette publique est un instrument quipermet aux riches de s’enrichir encore plus.

Supplément au no 714 du 14 novembre 2011 - US MAGAZINE - 45

LEXIQUE• Famille nucléaire : composée d’un couple et de ses enfants. Les enfants mariés ne cohabitent

pas avec leurs parents. Elle est qualifiée d’égalitaire quand il y a égalité face à l’héritage enfonction des règles de succession. Elle est qualifiée d’absolue quand un testament des parentsaffirme ce qui revient aux uns et aux autres. Libérale dans les rapports entre enfants etparents, elle prédispose au libéralisme et à l’individualisme comme au Royaume-Uni où àl’acceptation des principes de 1789 comme en France.

• Famille communautaire : famille dans laquelle les enfants vivent avec les parents. L’héritagedes enfants masculins est déterminé, égalitairement, par des règles de succession. Associantautorité du père et égalité des frères, elle incline au communisme.

Les riches adorent la dette publique !L’étape ultime du débat arrivera quandl’opinion publique comprendra quel’existence même de la dette est le résultatd’une escroquerie. Elle a été créée presqueconsciemment comme un mécanisme desécurisation de l’argent des riches et despuissants – oligarques américains eteuropéens, rentiers du pétrole etcommunistes chinois fraternellement mêlés –et d’exploitation des populations. Tout vachanger quand les gens vont comprendre quel’impôt prélevé chaque année sur lescitoyens sert à financer des gens qui ont déjàtrop d’argent ou de pouvoir, les détenteursde la dette. La dette est illégitime. L’histoirecourt aujourd’hui plus vite que la conscienceque nous en avons. Mais on peut espérer uneprise de conscience rapide de cesmécanismes. Les populations européennesn’ont jamais été aussi éduquées. Ellesdoivent aspirer à une véritable reconquêtedémocratique de l’État, aujourd’hui auxmains des oligarques. La refondation de ladémocratie pourrait commencer par unerépudiation de la dette ou, plus doucement,par sa monétisation, l’État, à nouveaudémocratique, retrouvant le droit de créer dela monnaie dans l’intérêt général. ■

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46 - US MAGAZINE - Supplément au no 714 du 14 novembre 2011

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avec le chèque correspondant libellé à l’ordre d’ADAPT (frais de port gratuit)

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