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La Commune La Commune ASSOCIATION DES AMIS DE LA COMMUNE DE PARIS (1871) · 2012 TRIMESTRE 4 52 NUMÉRO Jean Allemane FIGURE DE LA COMMUNE MEMBRE ACTIF DU MOUVEMENT OUVRIER ET SOCIALISTE

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La CommuneLa CommuneASSOCIATION DES AMIS DE LA COMMUNE DE PARIS (1871) · 2012 TRIMESTRE 4

52NUMÉRO Jean Allemane

FIGURE DE LA COMMUNEMEMBRE ACTIF DU MOUVEMENT OUVRIER ET SOCIALISTE

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EDITORIAL

La justice c’est la réhabilitation de tous les communards à qui nous devons tant !

P lus de 20 000 victimes, hommes,femmes, enfants, pendant laSemaine sanglante du 21 au 28mai 1871.

Communards et communardes massacrés etoubliés sous la chape de plomb d’une histoireofficielle. L’amnistie de 1880 a permis le retour des dépor-

tés et des exilés, mais ni ces derniers, ni ceux quifurent exécutés arbitrairement, sur décision detribunaux d’exception très contestables, n’ont étéréhabilités.Près de 10 000 personnes, dont des élus de la

nation, des responsables politiques et syndicaux,des responsables d’association, ont signé la péti-tion que nous avons initiée à l’occasion du 140e

anniversaire de la Commune, et nous avons écrità Messieurs les Présidents de la République, duSénat et de l’Assemblée nationale afin qu’ils noussoutiennent dans cette démarche de réhabilita-tion de toutes les manières possibles. Certes, enraison de l’ampleur des procédures, la révision detous les procès qui ont condamné à la peine demort, à la déportation, à l’exil un grand nombrede communards est improbable, mais la réhabili-tation de la Commune et des communards estpour nous une urgence démocratique. Nous voulons que ceux qui, ayant refusé de pac-

tiser avec l’ennemi, ont porté très haut les valeursde la République laïque et de la démocratie, nesoient plus considérés comme des criminels.JUSTICE, nous réclamons justice pour celles

et ceux qui ont su montrer leur attachement à

la démocratie sociale, leur volonté d’émanciperles femmes, de donner une place aux étran-gers, aux mal-logés, de confier aux salariés undroit de regard sur leur entreprise, de séparerl’Eglise de l’Etat, d’abolir la peine de mort…Cette réhabilitation peut prendre diverses

formes : la pose de plaques commémorativesnominatives sur des édifices publics, la déno-mination de rues, de places, de squares faisantréférence à la Commune, son évocation dansdes discours, l’inscription au programme d’his-toire de cette révolution, des expositions, unedémarche officielle significative, et pourquoipas une décision d’Etat qui instituerait unejournée nationale de commémoration !Prosper Lissagaray, évoquant la force collec-

tive dans Les huit journées de mai derrière lesbarricades, écrit : « Notez que cette force, cettefoule est anonyme. Elle n’a pas de chefs, pas demeneurs. On demande où étaient les grandshommes du 18 mars. Il n’y en avait pas et il estinutile d’en attendre. Mais c’est précisément lapuissance de cette Révolution qu’elle est faitepar la moyenne des hommes, c’est-à-dire par toutle monde et qu’elle ne dépend pas de quelquescervelles de génie. »Au-delà de notre association qui porte le

flambeau des communards de retour de dépor-tation ou d’exil qui l’ont créée en 1882, vous etnous, partisans d’une République laïque et fra-ternelle, nous sommes tous des communeux !

MICHÈLE CAMUS

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HISTOIRE

Benoît MalonÉLU DE LA COMMUNE ET PARTISAN DE L’UNITÉ DU MOUVEMENT OUVRIER FRANÇAIS

Précieux (Loire) lieu de naissance de Benoît Malon

N é au nord de Saint-Etienne, dansle pays du Forez, au sein d’unefamille nombreuse, il est le filsd’un modeste journalier. Lui-

même, très jeune, travaille aux champs commepâtre ou laboureur. Il fréquente peu l’école. C’est à vingt ans, au

cours d’un séjour chez son frère instituteur,qu’il s’instruit véritablement. En autodidacte, il conservera intacte sa passion de lire et d’apprendre.

LE MILITANT PARISIEN 1

Comme beaucoup de jeunes de sa génération,il gagne à pied, en 1863, la région parisienne

1841-1893

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où il trouve un emploi d’ouvrierteinturier à Puteaux. Il s’illustrebientôt comme un des meneursd’une grève locale dont l’échecsera à l’origine en 1866 d’une coo-pérative de consommation renom-mée, La Revendication de Puteauxet Suresnes.A la fin de l’Empire, il est, avec ses

amis Camélinat et Varlin, l’un des nou-veaux chefs de l’Internationale. Ilsassistent ensemble aux premierscongrès de l’AIT à Genève et à Bâle.Proudhoniens révolutionnaires, ilsassocient désormais action politiqueet revendication sociale. Ainsi, ils parcourent laFrance afin de soutenir la grande vague de grèves desannées 1869-1870. Le reportage que fait au Creusotl’envoyé de La Marseillaise, Benoît Malon, est reten-tissant.Enfin, les poursuites du régime impérial

contre les responsables de l’AIT le condamnentpar deux fois à la prison. Il estlibéré définitivement le 4 septem-bre, jour de proclamation de laRépublique. Durant ces années, ilrencontre la romancière AndréLéo. Féministe réputée, elleexerce d’emblée sur son compa-gnon une réelle influence poli-tique.

L’ÉLU DE LA COMMUNEPendant le siège de Paris, il est

nommé adjoint au maire du XVIIe

arrondissement. Chargé de l’assistance publique,il fait appel à Eugène Varlin. Sa popularitégrandissante le fait alors élire, en février 1871,député de la Seine à l’Assemblée Nationale. Mais, deux mois plus tard, conjointement à ses

homologues (Victor Hugo, Henri Rochefort...), il

démissionne pour protester contrele vote des préliminaires de paix.Quand éclate le conflit entre

Versailles et la Commune, il sou-tient d’abord, en tant que parle-mentaire, les tentatives de conci-liation. Mais, très vite, il se rallie àl’insurrection communaliste.Elu, il siège au côté de Fränkel à

la Commission du Travail et del’Echange. Celle-ci entend promou-voir les coopératives ouvrières. Parla suite, il se joint à la minoritéqui rejette la mise en place d’uncomité de salut public.

Parallèlement à son mandat, il est aussichargé de l’administration de son arrondisse-ment. Dans ce contexte de guerre civile, latâche est rude. Ainsi, il organise la défense desBatignolles où il se bat sur les barricadesjusqu’au dernier jour.

L’EXIL 2

Benoît Malon fuit la répressionversaillaise grâce à ses amis pro-testants. Il gagne la Suisse où lerejoint André Léo. Comme pourl’ensemble des exilés, l’installationest difficile et l’existence précaire.Cependant, il reprend aussitôt

son activité politique. A l’heure oùl’Internationale se déchire entremarxistes et bakouninistes, ilhésite avant d’opter pour laFédération jurassienne, d’inspira-

tion anarchiste. Déçu, il multiplie alors lesséjours en Italie où il appuie les courants pro-gressistes du socialisme transalpin. A Milan,Palerme ou Lugano, il collabore étroitementavec ses dirigeants (Enrico Bignami, AndreaCosta…) qu’il influence.

Benoît Malon jeune(collection Cl. Latta)

Léodile Champseixdite André Léo

HISTOIRE 4

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HISTOIRE5

Il constitue ainsi au sein du mouvementouvrier international un véritable réseau, com-posé de leaders italiens, suisses (JamesGuillaume), belges (César de Paepe), alle-mands (Eduard Bernstein)… Il a enfin beau-coup écrit. Son témoignage sur la Commune,La Troisième Défaite du prolétariat français(1871) et Spartacus (1873), un roman histo-rique sur la célèbre révolte d’esclaves, ont étéredécouverts dernièrement.

« LA BARBE DU PARTI »A partir de 1876, il se rapproche des

marxistes et collabore à L’Egalité de JulesGuesde. De retour en France après l’amnistie, ilfonde avec lui une première Revue socialiste

(1880-1881) et adhère au Parti ouvrier, fondéà Marseille (1879). Pourtant trois ans plustard, il le quitte à Saint-Etienne, dans uncongrès qu’animent ses lieutenants commeEugène Fournière.Dès lors, fort de son indépendance, il se

consacre à La Revue socialiste 3 qu’il relance en1885 avec ses fidèles et d’anciens communards(Zéphyrin Camélinat, Francis Jourde, ElieMay…). Face à un socialisme divisé, il espèrefavoriser par le pluralisme politique l’unité dumouvement ouvrier français. Cependant, l’agi-tation boulangiste divise la revue. Conscientsdes dangers d’une telle aventure, Malon et sesamis rallient le camp républicain qui crée, enmai 1888, une Société des droits de l’hommeet du citoyen afin de défendre le régime. En outre, il s’affirme comme un des penseurs

du socialisme français. Il collabore ainsi à plu-sieurs journaux, certains publiant ses lundissocialistes. Son projet politique est surtoutexposé dans son œuvre, Manuel d’économiesociale (1883), La Morale sociale (1886), LeSocialisme intégral (2 vol., 1890-1891), Précisdu socialisme (1892). Malon formule lui-mêmed’une phrase son idée directrice : « Soyonsrévolutionnaires quand les circonstances l’exi-gent et réformistes toujours ». Sa pensée qui amarqué plusieurs générations de militantsavant de tomber dans l’oubli, préfigure lesocialisme humaniste de Jaurès.

ERIC LEBOUTEILLER

(1) M. Cordillot, « Benoît Malon, de la Première à la Deuxième

Internationale », Cahiers de l’IHC, n°1, 1994

(2) J. Droz, Histoire générale du socialisme. De 1875 à 1918

(tome 2), PUF, Paris, 1997 (rééd.)

(3) Parution récente du colloque tenu à Saint-Etienne (2010)

intitulé Benoît Malon et La Revue socialiste et coorganisé par

l’association des amis de Benoît Malon, Jacques André

éditeur, Lyon, 2011.

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à son tour, Privé parle.— Quand je quittai les pièces, les Versaillais

n’étaient pas entrés… Bientôt, un bruitd’armes me fit dresser l’oreille. Ils étaient là…Avec une dizaine d’hommes, je m’abritai derrière un bouquet de cyprès… Nous ne tar-dâmes pas à entendre le pétillement de la fusil-lade et les cris des combattants… On se battaitfurieusement sur l’emplacement des pièces etaux alentours… Mais descendons. Je retrouve-rai bien l’endroit où, pendant des heures etdes heures, j’ai canardé les fusiliers-marins.

Nous voici au rond-point où s’élève le monu-ment de Casimir-Périer.

— C’est là, dit Privé. A ces cyprès, nousavions accroché un drapeau rouge. Nousavions avec nous un gamin qui rechargeait noschassepots. Derrière chaque bouquet d’arbres,derrière chaque tombe, des combattants, décidés à vendre chèrement leur peau… A lanuit, les fusiliers-marins se rapprochèrent denous. A minuit, ils ne nous avaient pas faitreculer. Nous tirions toujours. Enfin, nousnous vîmes cernés. Ils avaient filé le long dumur d’enceinte… Nous étions acculés au fonddu cimetière… Mon chassepot -j’en avais deux-

me brûlait les doigts… Le gamin me suivait…Je courus au mur d’enceinte, derrière laConservation… Il n’y avait qu’à le franchir,pour être rue du Repos… Je me hissai sur la crête du mur… Mais la rue est à trois ou quatre mètres en contre-bas. Je m’accrochaipar les mains, et me laissai tomber

— Et le gamin…— Je ne l’ai jamais revu… Il fit comme moi et

il a dû s’enfuir… J’étais plein de boue. Mesvêtements, trempés, tout blancs d’avoir frottéles tombes… Mes mains noires de poudre…Une lumière… J’entre. Personne. Pas uneâme…Je pousse jusqu’à la cuisine. Une grossefille astique des couteaux… De l’eau. Je melave les mains. Je me nettoie. Je suis présenta-ble… Je pourrai circuler à travers les troupespour chercher un abri… J’ai mon pistolet dansma ceinture… Je n’ai pu me résoudre à m’enséparer… Dans la matinée, après avoir erré, jesuis boulevard Voltaire. Partout des morts. Dusang. le long de la devanture d’un « bois etcharbons », une dizaine de fusillés. Dans unepissotière, deux jeunes femmes, mortes, dontles bas blancs sont tachés de rouge… Je serreinstinctivement la crosse de mon revolver…

La Semaine sanglanteLe Père-Lachaise et le Mur (2)

Voici les second et troisième volets de l’article qu’écrivit Maxime Vuillaumedans Le Floréal du 29 mai 1920. Ce sont un témoignage et un reportagebouleversants qui nous font voir en face la vérité cruelle du carnage perpétréau Père-Lachaise.

LE COUP DE FEU DANS LES TOMBES

HISTOIRE 6

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HISTOIRE7

Longtemps après. Je retourne au Père-Lachaise. J’entre à la Conservation… Jedemande le registre des entrées de l’année1871, que j’ai besoin de consulter. Je lis, à ladate du 24 mai : « Dombrovski, général de la Commune, déposé au caveau Brizard, case n°7 ». C’est la seule inscription. Les coursmartiales de la Roquette et de Mazas n’ont pasencore envoyé leur affreux chargement.

Un employé de la Conservation, M. L…,était là en 1871. Il a vu, avant leur exécution,les fusillés qui ont été ensevelis au Mur.

— C’était le dimanche, me dit M. L…, auxpremières heures de la matinée. Le lendemainde la prise du cimetière. Au bas de l’allée prin-cipale, tout près de la porte d’entrée du boule-vard Ménilmontant. Un fort grouped’hommes. Fédérés en uniforme. Civils, enjaquette et en blouse. Ils étaient environ centcinquante. Gardés par un piquet de soldats…Brusquement un officier supérieur entre…« Conduisez-moi tout ça là-haut. » L’officier

qui commande le piquet de soldats, un lieute-nant de fusiliers-marins, se place en tête ducortège. Ils montent. Une demi-heure, peut-être un quart d’heure après, j’entends les feuxde peloton…

— D’où venaient ces prisonniers ?— Je n’en sais rien. Je n’ai jamais rien su. J’en

ai souvent causé avec des collègues, employéscomme moi à la Conservation… Des alen-tours du Père-Lachaise. Des barricades. Desperquisitions. Je vous le répète, il y avait detout dans ce groupe. Des fédérés. Ceux-là pouvaient avoir été pris en combattant. Lesautres, en civil. On avait dû les arrêter un peupartout chez eux, dans la rue… Quand ils partirent pour là-haut, ils passèrent devantmoi… L’officier, un jeune, un très jeune lieute-nant, était blanc comme un linge…

Autre visite au Père-Lachaise. Un ami m’aconduit chez M. F…, ancien entrepreneur desépultures. M. F…, qui a 75 ans sonnés, a fait inhumer, le lundi 29 mai, les infortunés

LES FUSILLÉS DU DIMANCHE

Combats au Père-Lachaise

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tombés sous les feux de peloton des soldats.Tout de suite, M. F…, alerte et vigoureuxcomme aux jours de sa jeunesse, parle :

— Oui, c’est moi qui les ai fait mettre enterre, le lundi. Au pied du Mur. Vous pouvezêtre sûr qu’ils y sont. J’ai dirigé toute l’opéra-tion, sur place. Oh ! ce n’était pas gai, je vousle certifie… Si vous voulez, nous allons monterensemble là-haut…

Nous sortons, nous entrons dans le cime-tière par la petite porte de la rue du Repos.Nous grimpons, grimpons. Le vieillard sem-ble infatigable. Il nous nomme l’un après l’autre, les monuments funéraires qu’il aconstruits.

— Vous avez vu le cimetière après la bataille ?— Oui, dès le lendemain… le dimanche.

J’avais hâte de voir les dégâts… J’ai construittant de tombes ici… Un peu partout, les tom-beaux étaient écornés par la fusillade, et, sur-

tout, par les obus de Montmartre… Là où ons’était battu, presque corps à corps, le terrainétait ravagé, les arbres brisés, les monumentsrenversés… Des morts, fédérés et soldats, par-tout… jusque dans les tombeaux. On ne lesavait pas encore relevés… La lutte avait été,cela se voyait, particulièrement vive autour de la pyramide Beaujour et dans les divisionsvoisines, autour des tombes de CharlesNodier et de Balzac entre autres… Au terre-plein des pièces, les grands caveaux qui le bordent étaient presque tous défoncés, les statues à demi brisées… Toute une dévasta-tion… Le sol jonché de couronnes, de grillesarrachées… Les pièces de canon étaient encorelà, quelques-unes renversées…

MAXIME VUILLAUME

Vous pourrez lire la fin de cet article, « Au pied du Mur »,

dans notre prochain bulletin.

HISTOIRE 8

Au Mur des Fédérés, Dessin de Denis Desroches, 28 mai 1871

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9 HISTOIRE

François Jourde(1843-1893)

Jean Allemane, né en 1843 àSauveterre-de-Comminges, enHaute-Garonne, arrive à Parisavec ses parents en 1853.Ouvrier typographe, il est empri-

sonné à l’âge de 18 ans pour avoir participé àune grève. Il prendra ensuite une part active àl’organisation du syndicat des typographes.

LE CITOYEN ENGAGÉLorsque surviennent les événements de 1870-

1871, Allemane vit dans le Ve arrondissement,14 rue Maître-Albert, où il tient avec sa mèreun débit de vins. Patriote, il s’engage pendantle siège de Paris dans le 59e bataillon de laGarde nationale et participe, comme délégué

de son arrondissement, à la création du Comitécentral de la Garde nationale, le 15 mars 1871.Il se signale pour la première fois quelques

jours avant le 18 mars. Le gouverneur militairede Paris ayant donné l’ordre de s’emparer descanons de la Garde nationale entreposés placedes Vosges, Allemane provoque un incident,reprend le canon du 59e bataillon qui avait étéremisé à l’École polytechnique et, avec quelque2 000 gardes, le ramène place des Vosges.

LE COMMUNARDLorsque le 18 mars, vers 5 heures du matin, il

apprend le coup de force des Versaillais contreles canons de Montmartre, il fait sonner le toc-sin à Saint-Nicolas du Chardonnet. La place du

Jean AllemaneFIGURE DE LA COMMUNE, MEMBRE ACTIF DU MOUVEMENT OUVRIER ET SOCIALISTE

1843-1935

Jean Allemane en 1906

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Panthéon se hérisse de barricades, à l’édifica-tion desquelles il prend une part active.Pendant la Commune, Allemane est l’un des

militants les plus actifs du Ve arrondissement. Ilintervient au club de la rue d’Arras, dont il est leprésident. Il est désigné comme président ducomité de légion de l’arrondissement, émana-tion des bataillons de la Garde nationale. À cetitre, qu’il compare lui-même à « une sorte decommissaire délégué aux armées », il doit veiller

à l’organisation de la défense de l’arrondisse-ment contre la réaction. Dans les faits, il exerceune sorte de contre-pouvoir face à la municipa-lité du Ve, un peu trop tiède à son goût.

LE LAÏC L’un de ses faits d’armes est de faire enlever la

croix du dôme du Panthéon et de lui substituerun immense drapeau rouge. Il prend une partactive à la laïcisation des écoles de son arrondis-sement où, écrit-il, « les couvents pullulent ».Ainsi, il force l’entrée de l’école de la rue Rollin,tenue par les Frères des Écoles chrétiennes, qu’ilexpulse. L’école est rouverte, avec un personnel

nouveau. Il ouvre auxélèves la cantine,jusque-là réservée auxFrères. Il songe aussià l’organisation d’unenseignement profes-sionnel dans l’anciencollège des Jésuitesde la rue Lhomond.Mais l’école venait àpeine d’ouvrir lorsquela Semaine sanglantecommença.

LE COMBATTANT VALEUREUXLe 21 mai, lorsque parvient la nouvelle de

l’entrée des Versaillais dans Paris, Allemane seporte à la tête des troupes du Ve à leur rencon-tre jusque dans les VIIe et XIVe arrondissements.Mais il faut bientôt défendre le Ve qui s’est cou-vert de barricades. Le mercredi 24, les Versaillais investissent le

Quartier latin, défendu par quelques centainesde fédérés retranchés autour du Panthéon.Allemane est partout, courant d’une barricade àl’autre, tandis que la mairie tombe.

ARRESTATION ET CONDAMNATION AU BAGNERéfugié à Belleville, au 25 rue Levert, il est

arrêté, le 28 mai, à la suite d’une dénonciation.Traduit devant la justice militaire, il est condamnéaux travaux forcés à perpétuité pour « arresta-tions arbitraires, excitation à la guerre civile,complicité dans les incendies du Ve arrondisse-ment, occupation d’un établissement public etparticipation à la construction de barricades ».Suivront sept années de bagne, en Nouvelle-

Calédonie. Ces années constitueront une partimportante de ses Mémoires d’un Communard,publiés en 1906, qui sont un réquisitoire contrela honteuse institution du bagne.

Jean Allemanedans son imprimerie

Dessin de Couturier

HISTOIRE

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HISTOIRE11

MILITANT POLITIQUE ET DÉFENSEUR DES LIBERTÉS PUBLIQUESAprès son retour en France en 1880, l’histoire

d’Allemane se confond avec celle du mouve-ment ouvrier et socialiste en construction. Ilreprend son métier de typographe et participeà la création de la Société fraternelle desanciens combattants de la Commune en 1889.Syndicaliste, militant politique, il adhère à laFédération du Parti des travailleurs socialistesde France, le premier parti socialiste françaiscréé en 1879. Il s’en sépare bientôt avec PaulBrousse et les « possibilistes », qu’il quitte, en1890, pour créer le Parti ouvrier socialisterévolutionnaire (POSR), bien implanté en par-ticulier dans les XIe et XXe arrondissements. Les« allemanistes » comptent avant tout sur l’action ouvrière et se défient des élus et del’action parlementaire. Mais lorsque éclate l’af-faire Dreyfus, Allemane est l’un des premiers,avec Jaurès, à prendre le parti de Dreyfus et dela « défense républicaine » : « Chaque fois queles libertés publiques sont en danger, le devoirdes militants est de se mettre du côté des défen-seurs de ces libertés publiques ».En décembre 1899, il participe au premier

congrès des organisations socialistes fran-çaises au Gymnase Japy, prélude à l’unitésocialiste. En 1905, il est l’un des fondateursde la SFIO, avec Jaurès, Guesde, Vaillant, etc.En 1901, il avait été élu député POSR dans le quartier de la Folie-Méricourt dans le XIe

arrondissement. Il est réélu en 1906, sousl’étiquette SFIO. Mais, battu en 1910, il rede-vient simple militant, portant jusqu’à la veilledu Front Populaire la mémoire de la Communeet d’un long passé de luttes ouvrières. Il meurten 1935, à l’âge de 92 ans, à Herblay (dansl’actuel Val d’Oise) où il s’était retiré.

MICHEL PUZELAT

Les TransportésParoles : Jean Allemane

Cette chanson a été écrite à propos de la Commune

Vaste Océan, tes vagues écumantes,Ont vu passer ces soldats d’avenir,

Calmes et fiers, sur leurs prisons flottantes,Ils te narguaient car ils savaient mourir ;Si leurs geôliers redoutaient la tempête,Jamais leur cœur ne referma d’effroi,La foudre en vain fit rage sur leur têtePour éprouver ces fils du peuple-roi.

Refrain :Si la patrie est enchaînée,

Par eux qu’elle soit délivrée ;Par eux que la France chérie

Retrouve l’énergieEt soit régénérée.

En s’apaisant, ô comble d’infamie !Tes flots soumis les mèneront au port,Ne pouvaient-ils leur arracher la vie,Le bagne est-il préférable à la mort ?Ilot maudit, que ne vit pas Le Dante,Enfer nouveau, repeuple tes cachots :

Ils sont à toi !… pour les briser enfanteTous les tourments et double tes bourreaux.

Refrain

Sur leur rocher, fouillant l’horizon sombre,Où le soleil vient creuser son lit,

Exténués, on peut les voir dans l’ombreDebout encor, car l’espoir les nourrit.Ils sont tes fils, ô France bien-aimée,

Entends leur voix, fais cesser leur douleur ;Mais, hâte-toi, la houle désolée

Roule des morts dans les coraux en fleur.

Refrain

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12HISTOIRE

A u lendemain de la manifestationdu 15 mai 1848, Armand Barbès,François Raspail et AugusteBlanqui sont enfermés au château

de Vincennes. Barbès hérite de l’ancienne cel-lule de Mirabeau, d’où il écrit à George Sand.Blanqui rédige un Appel aux Parisiens en vuedes élections, daté du « donjon de Vincennes,le 15 septembre 1848 » (1). Il souffre d’un isolement qui émeut l’opinion publique et pro-voque une enquête sur la santé des prisonniers.Après juin, les détenus passent l’automne etl’hiver dans le donjon à attendre la fin de l’in-surrection, avant d’être transférés à Bourges, le14 mars 1849, pour y être jugés (1). En 1871,plus de 400 communards furent emprisonnés àVincennes. Sans les graffitis qu’ils ont laisséssur les murs de leurs cellules, leurs noms nenous seraient peut-être jamais parvenus.« Dages 1871, Augustine Joséphine », a gravéune prisonnière. « I. Salmon 1871 », a tracé unautre. Selon les recherches effectuées parChristian Colas (2) aux Archives nationales etdans le Dictionnaire biographique du mouve-ment ouvrier, de Jean Maitron, il pourrait s’agird’Isidore Salmon, maçon, qui participa à laCommune dans les rangs du 132e bataillon de la

Garde nationale. Condamné à la déportation en1872, il fut libéré en 1878. Pendant le Siège de Paris, le château deVincennes servit de centre d’entraînement pourles 5 000 recrues mobilisées par le gouvernementde la Défense nationale, entre juillet 1870 et jan-vier 1871, pour contenir l’avancée des Prussiens.Le 137e régiment de ligne, cantonné au fort deVincennes, participa à la contre-offensive du 30 novembre, au cours de laquelle les troupesfrançaises repassèrent la Marne à Joinville,Nogent et Bry. L’observatoire, installé au sommetdu donjon, servit notamment pendant la bataillede Champigny, du 28 novembre au 3 décembre.

LE DRAPEAU ROUGE FLOTTE SUR LE DONJONL’une des conséquences de la Commune fut l’oc-cupation du château de Vincennes par les gardesnationaux le 21 mars 1871. Les 2 400 hommes dela garnison, désobéissant aux ordres du généralRibourt, ouvrirent les portes et fraternisèrentavec les communards (3). Les 130e, 180e et 204e

régiments de la Garde nationale, commandés parle général Lullier, s’emparèrent alors du château.Les gardes nationaux rentrèrent à Paris, en lais-sant une centaine d’hommes sur place. Pendant laCommune, le délégué à la Guerre, Gustave

Le château de Vincennes aux mains des communards

Le fort de Vincennes (Val-de-Marne) fut l’un des derniers monuments à arborer le drapeaude la Commune. Le 29 mai 1871, alors que les combats ont cessé dans Paris, les officiersde la Garde nationale qui occupent la garnison se rendent. La nuit suivante, neuf d’entreeux sont fusillés dans le fossé sud du château.

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Cluseret, puis son successeur Louis Rossel, ins-pectèrent le fort de Vincennes. Le 28 mai, alorsque les dernières barricades sont tombées àBelleville, le drapeau rouge flotte toujours sur ledonjon de Vincennes. Le 29, les Prussiens éva-cuent la ville et sont aussitôt remplacés par lestroupes versaillaises. Le général Vinoy enjoint lagarnison de capituler sous peine de subir « toutesles rigueurs des lois de la guerre » (3). A 14 h 30,les dix-neuf officiers et les 344 hommes de laGarde nationale, commandés par le chef de légionFaltot, ancien compagnon de Garibaldi, se ren-dent. Ils sont immédiatement conduits dans descasemates, pour y être interrogés par des com-missaires de police, avant d’être conduits à la pri-son de Mazas, à Paris.

« TÂTEZ MON POULS, VOYEZ SI J’AI PEUR ! »Dans la nuit du 29 au 30 mai, un tribunal

militaire se réunit au pavillon de la Reine. Ilcondamne à mort neuf responsables ou simplesmembres de la Commune : le colonel Delorme,le capitaine Okolowitch, le prince Bagration, le capitaine Bornier, trois commissaires de laCommune, un sergent du 18e bataillon de chasseurs à pied et un dernier individu restéanonyme (3). Un dixième condamné, le géné-ral La Cecilia, réussit à s’échapper avant de seréfugier à Londres. Les neuf hommes sontfusillés le 30 mai, à 3 h 30 du matin, dans lefossé sud du château. Leurs cadavres sontenterrés sur place. Soixante-quinze ans plustard, le 30 mai 1946, une plaque commémora-

Intérieur du château de Vincennes vers 1860

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14HISTOIRE

tive, portant le nom du colonel Delorme, futapposée sur le mur devant lequel les Fédéréssont tombés. Malheureusement, faute d’entre-tien, l’inscription est devenue illisible. « Tâtezmon pouls, voyez si j’ai peur ! », aurait déclaré,avant de mourir, le colonel Delorme à l’officierversaillais qui commandait le peloton d’exécu-tion, selon Lissagaray, dans son Histoire de laCommune.

JOHN SUTTON

(1) Nicolas Texier in Le Château de Vincennes, une histoire

militaire, éditions du Service historique de la Défense (2008).

(2) Christian Colas, Paris graffiti, les marques secrètes

de l’histoire, éditions Parigramme (2010).

(3) Château de Vincennes, une histoire militaire, déjà cité.

Château de Vincennes, avenue de Paris

Tél : 01 48 08 31 20. — www.chateau-vincennes.fr

Le fossé sud où furent fusillés neuf communards le 30 mai,

à 3 h 30 du matin

Le Chêne de Courbetbientôt au musée d’Ornans

Une souscription publique a été lancée par le conseilgénéral du Doubs pour racheter Le Chêne de Flagey,œuvre majeure de Gustave Courbet.

L’ appel aux dons adéjà permis derécolter la moitiédes 4 millions

d’euros nécessaires à l’acquisitionde cette toile. Le Chêne de Flageya été reconnu comme « œuvred’intérêt patrimonial majeur »par la commission consultativedes trésors nationaux du minis-tère de la Culture. Le tableau,peint en 1868 par Courbet, repré-sente un chêne massif planté àFlagey, près d’Ornans, où le pèrede l’artiste possédait des terres.Juliette Courbet, la sœur deGustave, le destinait au muséequ’elle voulait créer à Ornans,mais il est parti dès 1898 chez un

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15 HISTOIRE

collectionneur de Philadelphie (Etats-Unis),avant d’être racheté par un riche industrieljaponais, Michimasa Murauchi, en 1987. LeChêne de Flagey avait été présenté au Muséedes Beaux-Arts de Besançon, en 2000, dans lecadre de l’exposition Courbet et la Franche-Comté. Son propriétaire japonais s’était renduà Flagey à cette occasion. « Il voulait voir l’em-placement du chêne, témoigne le maire de lacommune. L’arbre n’existe plus, victime de lafoudre il y a peut-être un siècle. Il se trouvait àun kilomètre environ de notre village. » Leconseil général du Doubs souhaite que letableau « rejoigne le Musée d’Ornans où il pren-dra tout son sens et toute sa dimension, en s’in-tégrant à nouveau dans le paysage qui a tantinspiré Courbet ». Le musée a accueilli 65 000visiteurs, en huit mois, depuis sa réouvertureen juillet 2011, après trois ans de travaux de

rénovation (lire La Commune, n° 46, 2e trim.2011). Le sous-titre donné au tableau parCourbet, Le Chêne de Vercingétorix, camp deCésar près d’Alésia, Franche-Comté, est à repla-cer dans le contexte historique de l’époque. Eneffet, au milieu du XIXe siècle, une violentequerelle divisait l’opinion publique sur l’empla-cement du site de la bataille d’Alésia : Alaise,dans le Doubs, ou Alise Sainte-Reine, en Côted’Or. Dans son Histoire de Jules César (1866),Napoléon III soutenait la thèse de la localisa-tion en Bourgogne. Mais après la guerre de1870, Vercingétorix fut considéré comme unhéros de l’indépendance nationale par lesRépublicains. Le duel Alaise/Alésia devint unenjeu politique opposant Vercingétorix à César,la République à l’Empire, l’autonomie régionaleau pouvoir centralisateur, Courbet à Napoléonle petit… JS

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Le samedi 29 septembre 2012on a fêté la Commune !

S ur la place de la Commune de Paris,notre association a une nouvellefois célébré la mémoire et l’œuvre

toujours vivantes des communards.Des centaines de personnes se sont pressées

autour de nos stands, avec toujours un francsuccès pour notre table littérature, les tee-shirtsdes Amis de la Commune, la tombola tirée à par-tir de nos bons de soutien, la buvette, la barbeà papa, et bien sûr les artistes.Sur scène, Malène Lamarque et Fanchon Préaux,

de Nag’airs, ont ouvert l’après-midi avec lagouaille populaire de Malène, drôle et poétique.Le Chœur populaire de Seine-Saint-Denis et letant attendu Riton la Manivelle ont précédé l’al-locution de notre ami Claude Chrétien, très émude rappeler à l’assistance l’œuvre socialeimmense de la Commune et la campagne quenous avons lancée pour la réhabilitation descommunards.Serge Utgé-Royo et ses musiciens, Jean-My

Truong et Léo Nissim, ont clos cette après-midiensoleillée avec un florilège de chansons de lamémoire sociale internationale. La foule est

restée nombreuse jusqu’à 20 heures, portée parles accents tour à tour jazzy et latino de Serge,par sa voix chaleureuse et les thèmes huma-nistes de ses textes.Oui, la réalité est parfois violente, absurde et

révoltante, mais il faut savoir se montrer descitoyens responsables, unis dans la fraternité ;les communards nous ont donné l’exemple :demandons leur réhabilitation ! MC

Tombola : liste des numéros gagnants en dernière page

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Le samedi 29 septembre 2012on a fêté la Commune !

17 NOTRE ASSOCIATION

Cette année, les Amis de la Communede Paris sont allés visiter Vroncourt, le village natal de Louise Michel,Audelincourt et Millières, où elle aenseigné, Auberive où elle fut incarcé-rée entre sa condamnation et sondépart pour la Nouvelle-Calédonie.

P artis en car à 8 h 30 de laplace d’Italie, quarante-neufadhérents se sont retrouvés,en compagnie de deux Haut-

marnais et de deux Orléanais venus lesrejoindre, à Montigny-le-Roi, autour d’unbuffet bien sympathique.Après un passage devant la maison

d’Audelincourt où Louise Michel ouvrit sapremière école en 1853, nous sommesaccueillis à Vroncourt par ClaudineBourcelot, présidente de l’associationLouise Michel, au pied de la stèle érigéeen 1972 en l’honneur de Louise à proxi-mité du lieu où se trouvait le manoir de sa

En Haute-Marne sur les pas de Louise MichelVOYAGE DE L’ASSOCIATION, 13 ET 14 OCTOBRE 2012

L’école d’Audelincourt

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famille paternelle. Claudine Bourcelot, aprèsavoir rendu hommage à Guy Décamps, prési-dent du comité de Dieppe des Amis de laCommune disparu cette année et qui avaittissé de solides liens avec la Haute-Marne, ima-gine pour nous ce qu’était Vroncourt au XIXe

siècle et évoque les années de jeunesse deLouise Michel, sa lutte contre toutes les injus-tices et toutes les formes de racisme, prônantl’instruction pour tous, la dignité pour les tra-vailleurs et le respect de toutes les cultures.Claudine nous présente l’association : fondéeen 1990, elle a pour but de faire connaître lavie et l’œuvre de Louise Michel et de mainte-nir vivante sa mémoire dans sa région natale.Nous découvrons la petite école de Vroncourt

qui fut celle de Louise enfant et dans laquelleest présentée une exposition très pédago-gique, puis, dans le village, la « promenade littéraire » qui illustre lieux et paysages decitations de Louise Michel particulièrementévocatrices, témoignant de son réel talent littéraire. Nous passons devant l’église et

voyons au cimetière qui la jouxte les pierrestombales, déjà à demi effacées, de Charles, deLaurent et d’Agathe de Mahis, sa famille pater-nelle. Nous revenons à Montigny-le-Roi en passant par Millières, devant l’école où ensei-gna Louise en 1856.La soirée festive à Montigny permet aux deux

associations de se mieux connaître. Elle est ani-mée par Michel Bellegy à l’orgue de barbarie,accompagné d’un groupe de choristes haut-marnais, mais aidés par un recueil qui leur estoffert, tous les convives chantent ensemble laCommune. Nous visionnons un très beau filmLouise Michel en son temps, réalisé parClaudine Bourcelot et Sylvie Spilmann. Notreassociation est représentée par notre présidentd’honneur, Claude Willard, et par notre prési-dente Claudine Rey qui, dans son allocution,remercie Claudine et Jean Bourcelot, ainsi queSylvie Spilmann, chevilles ouvrières del’Association Louise Michel, et elle rend elleaussi hommage à Guy Décamps. Elle exprime lesouhait que se renforce la synergie entre

NOTRE ASSOCIATION 18

Claudine Bourcelot et Sylvie Spilmann évoquent la jeunesse de Louise Michel près du monument érigé à sa mémoire.

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19 NOTRE ASSOCIATION

toutes les associations proches de laCommune. Elle présente les Amis de laCommune de Paris 1871 : les buts et le rôle del’association ; son organisation, en insistantsur le travail des commissions, ouvertes à touset permettant de démultiplier l’action.Claudine Rey en vient à la démarche actuelle-ment menée pour que soient réhabilités lescommunards : la pétition qui le réclame a déjàrecueilli 10 000 signatures et elle sera présen-tée très prochainement au président de laRépublique, au président du Sénat et au prési-dent de l’Assemblée nationale. « De même quevotre association, Claudine, Sylvie et Jean,œuvre à donner une meilleure connaissance deLouise Michel et, au-delà de la légende, de sadimension humaine, de même nous voulonssortir de l’ombre tous ces anonymes, car laspécificité de la Commune, c’est d’avoirentraîné des milliers de communards et decommunardes qui ont prouvé que le pouvoirpeut, dans la diversité, s’exercer de façondémocratique. »La journée du 14 sera aussi pluvieuse que

celle du 13 avait été ensoleillée. Aussi appré-cions-nous la visite de Langres en petit train,commentée par Jacques Matrot, guide profes-sionnel et aussi choriste de l’association haut-marnaise, à l’abri des intempéries. Depuis letraité de Verdun de 843, Langres n’a jamaiscessé d’être une ville frontière : c’est pourquoielle est ceinte de puissants remparts. Langresest riche en monuments, notamment en hôtelsparticuliers bâtis entre cour et jardin. Toutesles époques et tous les styles coexistent àLangres, avec une prééminence certaine de laRenaissance.À Auberive, où nous déjeunons au restaurant

de l’abbatiale, nous sommes accueillis parJean-Claude Volot, propriétaire de l’abbaye,qui nous retrace l’histoire des lieux et par sa

fille qui évoque plus particulièrement lapériode où, de même que bien d’autresabbayes devenues biens nationaux après laRévolution, Auberive avait été transformée enprison centrale. Après qu’elle eut été venduesuccessivement à divers propriétaires, l’État enfait l’acquisition en 1856 pour y aménager uneprison de femmes afin de désengorger la cen-trale de Clairvaux : on renforce les murs d’enceinte ; on aménage l’aile Est en dortoirset en cellules pour recevoir les détenues ; onconstruit une chapelle servant aussi de réfec-toire. L’abbaye restera à usage pénitentiairejusqu’en 1924. Louise Michel y est détenuevingt mois – de décembre 1871 à août 1873 –avant sa déportation en Nouvelle-Calédonie.

La cour des détenues

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NOTRE ASSOCIATION

Sa conduite exemplaire et son dévouement auxautres frappent les religieuses qui surveillentles détenues. Dans la chapelle, Claudine etSylvie nous font entendre des extraits de seslettres et de ses Mémoires. Avec émotion,Annie Gayat lit les noms de plusieurs commu-nardes détenues avec Louise, dont Nathalie LeMel. Nous visitons le lavoir, les dortoirs, lescellules, la cour de promenade au centre delaquelle se trouvaient les latrines. Jean-ClaudeVolot nous montre avant notre départ un trèsbeau manuscrit de Louise Michel qu’il a acquisdans une salle des ventes : un dictionnairecanaque-français.Le retour en car se fait sous la pluie, mais

Françoise Bazire nous donne du baume au cœuren nous présentant son magnifique répertoirede chansons variées et en nous faisant nousaussi chanter : chants communards, chantsrévolutionnaires, chants tout court. Jean-Michel, notre sympathique chauffeur réunion-nais, entonne lui aussi P’tit’ fleur fanée, p’tit’fleur aimée…Un grand merci à tous ceux qui ont préparé

ce voyage parfaitement réussi : l’équipe del’Association Louise Michel et le groupe desamis de la Commune, Aline Raimbault, MarcLagana, Françoise Bazire et Yves Lenoir.

GEORGES BEISSON

Nous avons décidé de clôturer officielle-ment, le 18 mars 2013, la campagne de pétition pour la réhabilitation de la Communeet des communards.Nous avons adressé un courrier au prési-

dent de la République, le 4 octobre 2012,lui demandant d’être reçus par les servicesde la présidence, afin de faire part de nos projets culturels et mémoriels sur laCommune. Le 25 octobre, nous avons reçuune réponse nous invitant à prendre rendez-vous avec le conseiller culture et communi-cation du cabinet de Monsieur Hollande.Nous sommes reçus le 14 novembre. Lesdélais pour l’impression du bulletin ne nouspermettent pas de vous donner la teneur decet entretien, mais nous le ferons dans leprochain bulletin. FRANÇOISE BAZIRE

Le comité des Amis de la Commune desPays de la Loire a tenu son assemblée géné-rale le 6 octobre, à Angers. 15 personnes étaientprésentes. La journée a commencé par une lecturede textes de Louise Michel. Rémy Barbier a faitensuite le bilan des activités 2012. Moins nom-breuses que pour le 140e anniversaire, elles ontnotamment constitué en des recherches sur lescommunards originaires de la région. Le 23 mai,une conférence s’est tenue au Mans sur « laCommune et les étrangers ». Fin octobre estorganisée la présentation de l’exposition surl’histoire de la Commune : à Mûrs Erignés, prèsd’Angers, puis à Cholet au congrès de l’UD CGT,et à la fête de l’huma de Trelazé. Pour terminerl’année, se tiendra à Angers, le 7 décembre, uneconférence sur « la Commune et les étrangers ».L’après-midi, un débat a suivi l’exposé rappelantce que fut l’œuvre sociale de la Commune. FB

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21 NOTRE ASSOCIATION

L’ élan donné à notreassociation par le140e anniversaire

de la Commune a continué àdonner des fruits cet automne.Le 8 septembre, à Fontenay-

sous-Bois (Val-de-Marne), MarcLagana et Yves Lenoir ont parti-cipé à une demi-journée d’étudepédagogique des centres de loi-sirs de la ville, au cours delaquelle ils ont présenté l’œuvrede la Commune dans le domainede la petite enfance.Le 18 septembre, dans le

Territoire-de-Belfort, ClaudineRey et Yves Lenoir ont animéune journée consacrée à laCommune de Paris dans le cadred’un stage de formation organisépar l’union syndicale Solidaires.Ils ont présenté l’histoire de laCommune, son œuvre sociale et

démocratique, la Commune et lesfemmes et projeté un film surl’histoire de la Commune.Du 22 septembre au 5 octobre,

l’exposition La Commune et lesarts a été présentée à l’EspaceLouise Michel des Lilas (Seine-Saint-Denis). Le vernissage a eulieu le 22 septembre en présencede Daniel Guiraud, maire desLilas, Renée Estienne, membre denotre association, habitant auxLilas et Yves Lenoir, animateur denotre commission Culture. Dansle cadre de l’exposition, Jean-Louis Robert a présenté le 3octobre une conférence sur laCommune et les arts.

Du 22 au 24 octobre, notreexposition sur L’histoire, l’œuvreet la modernité de la Communea été présentée dans le Maine-et-Loire, au Centre culturel JeanCarmet de Mûrs-Erigné. ClaudineRey a présenté une conférencesur les mêmes thèmes le mercredi24 octobre. L‘exposition a égale-ment été présentée à l’occasiondu congrès de l’Union départe-mentale CGT du Maine-et-Loireles 25 et 26 octobre, et à la fêtedu Parti communiste français le27 octobre. Nous commenteronsces événements dans notre pro-chain numéro. YL

Nos activités passées et à venir

De droite à gaucheDaniel Guiraud, maire desLilas, Yves Lenoir, responsablede notre commission Cultureet Renée Estienne, habitantedes Lilas et une de nos adhérentes

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Hommage à Guy Décamps

Le 16 juillet 2012, en présence de Sébastien Jumel, maire de Dieppe, et de l’ancien maireChristian Cuvilliez, conseiller municipal, deux cents personnes environ rendaient hommage ànotre ami Guy Décamps.Guy, c’était cet homme radieux qui nous attendait sur le quai, à notre descente de train, nous

accueillant de son sourire généreux. Il nous menait à Dieppe devant la plaque à la mémoire deLouise Michel, sur le port.Tous ceux qui eurent la chance de participer avec lui au banquet, dans la campagne normande,

en gardent un souvenir ému, ponctué de chants et de mets succulents dans une convivialité trèschaleureuse.Guy, c’était la passion pour Louise Michel, un symbole de l’histoire de la Commune qui lui tenait

à cœur et auquel il ne fallait pas toucher.Guy, ce fut longtemps le responsable du comité des Amis de la Commune à Dieppe, menant

quantité d’actions comme la plaque, l’inauguration du square, se battant encore récemment pourque ce personnage de Thiers, bourreau de la Commune, ne soit pas honoré au même titre queLouise Michel dans les rues de cette ville.Combatif, actif, déterminé, il venait à bout des questions épineuses, parfois au prix de quelques

soucis et nuits sans sommeil.Les problèmes de santé et les chagrins de la vie l’ont amené à se retirer du bureau de l’associa-

tion, mais il n’est pas resté inactif : il avait entrepris un travail de recherche afin de répertoriertous les articles de notre bulletin, La Commune. Il avait compris la grande richesse que cela repré-sentait et voulait que d’autres puissent y accéder.Toujours et encore connaître, faire connaître, partager cette œuvre colossale de la Commune :

Guy avait compris l’esprit révolutionnaire de cette connaissance.L’exposition de novembre 2012 est aussi son œuvre. Guy restera présent dans nos mémoires.Il est des visages que l’on n’oublie pas, Guy est de ceux-là !Nous disons à Annick et ses enfants toute notre amitié et notre fraternité.En continuant ce combat qui fut celui de Guy, nous restons, et resterons fidèles à sa mémoire.

CR

Photo : Guy Décamps et Claudine Bourcelot près de la plaque dédiée à Louise Michel

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23 NOTRE ASSOCIATION

E n présence du maire Sébastien Jumelet de quelques élus, une plaque,dénonçant les crimes du bourreau de

la Commune de Paris que fut Thiers, a étédévoilée dans la rue qui porte encore ce nomhonni. Même si, selon nous, il eût été préféra-ble de débaptiser cette rue, nous nous réjouis-sons de ce que nous considérons comme uneavancée. Il s’agit, en effet, de donner à lamémoire de la Commune sa juste place dansl’histoire nationale et internationale, et decontribuer à la réhabilitation des communards.Deux expositions ont été présentées aux

Dieppois à la Maison Jacques Prévert.La première, « La Commune et les arts », leur

a montré l’activité culturelle foisonnante de lapériode. Une conférence de notre présidentnational, Jean-Louis Robert, le 16 novembre,et, grâce au musée d’art et d’histoire de St-Denis, une présentation de trois clichés duphotographe de la Commune, Bruno Braquehais,né à Dieppe en 1823, ont enrichi le sujet.Pionnier du photo-journalisme, il fut l’un des

seuls à avoir immortalisé les combattants et lepetit peuple de Paris.La seconde exposition, fruit du travail long et

patient de notre regretté président, GuyDécamps, concernait « Les Dieppois pendant laCommune de Paris ». Un questionnaire en direc-tion du public scolaire accompagnait le tout.Un café-littéraire avec Didier Daeninckx, prix

Goncourt de la nouvelle 2012, venu présenterLe Banquet des affamés, un roman sur MaximeLisbonne, le « D’Artagnan de la Commune »,s’est tenu à la médiathèque Jean Renoir, le 23novembre.Comme chaque année, en novembre, nous

avons fleuri d’œillets rouges la plaque dédiéeà Louise Michel qui passa par Dieppe, à sonretour du bagne de Nouvelle-Calédonie en1880. Malgré la pluie, nous avons chanté LeTemps des Cerises avant de partir pour notretraditionnel banquet, à la ferme aux chèvresdu Val de Bures, auquel quelques-uns de nosamis parisiens ont participé.

GÉRALD ET GUILAINE MAISSE

Le comité de Dieppe multiplie les initiatives

Inauguration de notre exposition « La Commune et les arts »

Malgré la pluie, nous avons chanté Le Temps des Cerises

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24NOTRE ASSOCIATION

L e 25 septembre, nous avons été reçus parles représentants du cabinet du ministrede l’Education nationale afin d’envisager

les possibilités de faire apprendre en classe laCommune de Paris.C’était une demande formulée auprès du ministre

Vincent Peillon, rencontré lors d’une commémora-tion le 28 mai, devant la plaque de la barricade dela rue de la Fontaine au roi (XIe). Le chef de cabinet que nous avions rencontré précé-

demment, lors de cette commémoration, ayant eu unempêchement de dernière minute, c’est Monsieur Jean-Yves Daniel, membre du cabinet qui l’a remplacé,accompagné de Monsieur Laurent Wirth, doyen dugroupe Histoire de l’Inspection générale de l’Educationnationale. Ce dernier était bien au courant des butsde notre visite.Nous avons rappelé qu’il était souhaitable de

mettre la Commune au programme scolaire et depermettre aux enseignants d’accéder à une par-faite connaissance de ce moment de l’histoire.Pour cela des moyens sont nécessaires. Stages deformation, valise pédagogique, informations dansles classes, projections de films, etc, toutes chosesauxquelles nous pouvions contribuer. Nous avonssouligné l’insuffisance du programme d’histoire de4e où la Commune n’est évoquée que dans la par-tie « Démarche », sans que sa spécificité soit éta-blie, et l’incohérence des programmes d’histoire de1ère qui gomment justement le Second Empire et laCommune. En premier lieu, nous trouvions pournotre part nécessaire de revoir ce trou noir situéentre deux années scolaires. Ce point semble pou-voir être débattu. Monsieur Wirth nous a donné quelques préci-

sions sur les décisions qu’il est possible de pren-dre, dans l’immédiat, avec l’accord du cabinet.Il nous a été rappelé que des fiches informa-

tiques développant les programmes sont disponi-bles pour les enseignants leur recommandant deparler de 1830, 1848 et de la Commune commemodèles de révolution parisienne en classe de 4e.Nous avons réclamé et obtenu que sur ces fiches laRévolution du printemps 1871 soit nommémentdésignée avec plus qu’une recommandation, et queles grands traits de la Commune y soient présentés.Par contre, il nous a été refusé de réintroduire laCommune dans la partie « Événements », ce quisupposerait une modification des programmes.Pour le programme de 1ère, il nous a été proposé

que dans les fiches informatiques soit rappelée laplace de la Commune dans la construction de laRépublique qui ne commence pas en 1880.Le cabinet a proposé, ce que nous avons bien évi-

demment accepté, de noter sur les fiches aux ensei-gnants le lien de notre site pour leur permettre d’yaccéder plus facilement.Une demi-heure de rencontre en direct qui nous

a semblé être partie prenante de la consultationque le ministère voulait très large sur internet.La bataille continue pour vérifier que ces quelques

acquis sont bien réels et pour obtenir ce qui noustient le plus à cœur, une large prise en compte par lesmanuels scolaires et les programmes de la Communede Paris.Cette prise de pouvoir du peuple par le peuple a

consolidé la République, mis en avant la laïcité, etjeté les prémices de bien des revendications encore àl’ordre du jour (droit au travail, au logement, égalité,droit des étrangers…). Plus largement, elle a été etreste l’inspiratrice de mouvements de libération despeuples. En cela elle mérite bien d’être présente dansl’enseignement de la République comme une partiephare de notre histoire.

CLAUDINE REY, JEAN-LOUIS ROBERT

ET FRANÇOISE BAZIRE

Rencontre avec le Cabinet du ministrede l’Éducation nationale

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J érôme Gulon est un des premiers àavoir introduit la mosaïque dansl’art urbain et contribué ainsi àdonner à ce moyen d’expression sa

place dans l’art contemporain. Tel le petitPoucet, il dissémine ses petits carrés sur lesmurs parisiens. Loin d’un art qui s’affiche, ladécouverte de ses œuvres, souvent de petitformat, nécessite un grand sens de l’observa-tion et beaucoup de patience de la part du pro-meneur. Cet artiste occupe une place à partdans le monde de l’art urbain. Professeuragrégé le jour et artiste clandestin la nuit,

Jérôme a soutenu une thèse sur la mosaïquecontemporaine et enseigne aujourd’hui à laSorbonne et à l’Université Paris 8 dans ledomaine de l’art urbain, de l’image et de l’en-vironnement. Depuis vingt-cinq ans, il exposerégulièrement en France et à l’étranger. A l’occasion du 140e anniversaire de la Commune,Jérôme Gulon a créé un nouveau parcours dansParis, consacré à l’insurrection de 1871. Onpeut commencer cette promenade par la rue dela Roquette où s’élevait autrefois une prisonconstruite en 1836 destinée aux condamnés à perpétuité et à mort. Lors des exécutions

Si vous êtes curieux, vous avez certainement aperçu dans Paris, les mosaïques deJérôme Gulon. Ce céramiste a réalisé plusieurs parcours artistiques, dont unconsacré à la Commune, qui s’étend de la Bastille au Quartier latin, et de la Butte-Montmartre à la Butte-aux-Cailles.

25 ACTUALITÉ

Le Paris communard de Jérôme Gulon

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ACTUALITÉ 26

capitales, la guillotine était érigée devant leportail de la prison, seul vestige parvenujusqu’à nous. De 1851 à 1899, plus de 200 per-sonnes furent exécutées à cet endroit. Au n°136 rue de la Roquette, sur un mur

proche de l’abribus, on trouve une premièremosaïque, qui représente la guillotine. Noussommes à deux pas de la place Voltaire(actuellement Léon-Blum), où la « veuve » futbrûlée pendant la Commune. Dirigeons-nous

vers la Bastille par l’avenue Ledru-Rollin ettournons à droite pour emprunter la rue deCharonne. Une fois arrivés rue du faubourgSaint-Antoine, traversons pour découvrir, àl’entrée du passage du Chantier, le portrait deLéo Fränkel, ouvrier bijoutier hongrois, blesséle 25 mai 1871 sur une barricade du faubourg.

CLÉMENT FREDONNE ENCORE LE TEMPS DES CERISES

Direction la rive gauche ou plus exactementrue de l’Ecole-de-Médecine. La BretonneNathalie Le Mel, cofondatrice de l’Union desfemmes pour la défense de Paris, coiffée deson bonnet de coton, nous attend près du clubpopulaire qu’elle fréquentait dans l’amphithéâ-tre de la Faculté de médecine. En remontant leboulevard Saint-Michel, tournons à gauchepour prendre la rue Soufflot en direction duPanthéon. A l’angle de la rue Saint-Jacques,l’écrivain Jules Vallès nous jette un regardtriste et profond. Il est mort en 1885 non loind’ici, au 77, boulevard Saint-Michel. Retraversons Paris du sud au nord, pour nous

L’artiste Jérôme Gulon en pleine action

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27 ACTUALITÉ

Après le succès de notrestand à la fête de l’Humanité2011, qui se situait dans lecadre des célébrations du 140e

anniversaire de la Commune,nous avions, cette année, unlourd défi à relever, et celadans des conditions qui nousparaissaient moins favorables.Ce défi, nous l’avons gagné, etdans tous les domaines !Notre exposition La Commune

et les arts a été appréciée pardes centaines de visiteurs. Nous avons réalisé une

excellente vente de littéra-

ture, notamment avec nosbrochures sur l’histoire, l’œu-vre et la modernité de laCommune qui suscitent unintérêt toujours croissant. Lavente de nos tee-shirts, fou-lards, timbres et cartes,autres objets promotionnels

a remporté un grand succès.Des centaines de signatures

ont été apposées sous le textede notre pétition appelant à laréhabilitation de la Communeet des communardsChacune de ces activités a

donné lieu à des discussions

FÊTE DE L’HUMANITÉ 2012

Un grandcru

rendre place Blanche où se situait la barricadedes femmes, le 23 mai 1871. Remontons la rue Lepic, sans nous laisser dis-

traire par le café des Deux moulins, où futtourné le célèbre film Amélie Poulain.Traversons la rue Lepic et, à l’angle de la rueVéron, on découvre la mosaïque représentantLouise Michel. Après un demi-tour vers la placeBlanche, tournons à gauche pour parcourir leboulevard de Clichy, puis celui de Rochechouartjusqu’à la rue de Clignancourt, que nousempruntons, suivie de la rue Ramey, pour abou-tir rue Nicolet. Au bout de cette voie étroite,on découvre le portrait du jeune Rimbaud,d’après la photo de Carjat, là où il a vécuquelques semaines. Juste à côté, une « pelleStarck » nous rappelle que Verlaine logea ici de

1870 à 1873, avec sa femme Mathilde Mauté.Gravissons la Butte Montmartre, en empruntantla très raide rue du Chevalier-de-la-Barre(autrefois rue des Rosiers). Une fois arrivés der-rière l’affreuse meringue blanche du Sacrécœur, je vous paie des guignes si vous trouvezle portrait d’Eugène Varlin, ouvrier relieur, prèsde l’endroit où il fut assassiné le 28 mai. Retourà « la maison », au 46, rue des Cinq-Diamants,siège de notre association, gardé par le valeu-reux général Walery Wroblewski, défenseur dela Butte-aux-Cailles pendant la Semaine san-glante. A quelques pas, sur la place de laCommune inaugurée le 19 avril 2000, Jean-Baptiste Clément se cache pour fredonner LeTemps des cerises dans sa moustache…

JS

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ACTUALITÉ

LES LIMOUSINS DE LA COMMUNE DE PARIS (1871)Cette étude spécifique sur

les Limousins de la Communede Paris a le très grand méritede mettre en lumière lesParisiens natifs de provincequi ont participé à ce grandrêve révolutionnaire que fut laCommune de Paris 1871. C’estainsi un hommage rendu àcelles et ceux, nombreux,venus de toutes les contréesde France dans la grande citéet qui formèrent petit à petitle futur prolétariat ; mais c’estaussi le rappel important quela Province eut aussi ses jour-nées ou ses périodes de mou-vement social et ses propresCommunes, même si lecontexte général en fit desévénements aux fondementsnaturellement différents. Dans cet ouvrage de 430 pages,

l’auteur, Stéphane Trayaud, aucursus de juriste, s’est intéresséà la période de la Commune enretrouvant Jacques Trayaud, unde ses ancêtres, dans le diction-naire du mouvement ouvrierMaitron.Si la présentation du

contexte historique et poli-tique se trouve trop schémati-sée, le grand intérêt de l’ou-

LECTURES

SAINT-OUEN

À Saint-Ouen, une friche indus-trielle laisse place à un nouveauquartier. Deux rues portant lesnoms de Louise Michel et GustaveCourbet y seront inaugurées. Lacérémonie aura lieu le mercredi28 novembre 2012, entre 18h et18h30.Afin de finaliser les modalités

du dévoilement des plaques, uneréunion a été organisée, mardi13 novembre, avec monsieurBeau, chef de cabinet de MmeRouilon, maire de Saint-Ouen.Yves Lenoir pour la commissionCulture, Charles Fernandez etmoi-même pour la commissionPatrimoine et monsieur Lepage,habitant de Saint-Ouen, y ontparticipé. SYLVIE PÉPINO

DISPARITION

Gérard Conte, auteur des Éléments pourune Histoire de la Communedans le XIIIe arrondissement5 mars - 28 mai 1871, auxÉditions de la Butte-aux-

Cailles, est décédé le 23 mai 2012.

Historien de Paris, il donnait des conférences

et accompagnait des promenades dans le XIIIe

où il racontait la vie de lapopulation et du quartier,avec humour et empathie.

Nos pensées vont à safamille et ses amis.

avec les visiteurs dont beau-coup connaissaient peu, voiredécouvraient parfois, l’histoire

et l’œuvre démocratique etsociale de la Commune. Ces dis-cussions ont été passionnantes

et ont incité quinzenouveaux amis àadhérer à notre asso-ciation.Ce succès remarqua-

ble est aussi dû au faitque nos adhérentsétaient nombreux pourrépondre aux interro-gations des visiteurs.Nous les en remercionsvivement.

YL

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vrage repose sur de nombreuxaspects passionnants quicontribuent à enrichir lesconnaissances sur le sujet.Ainsi l’importante analyseexplique-t-elle les conditionsdans lesquelles les maçonslimousins (Corrèze, Creuse,Haute-Vienne) se sont trouvésengagés dans les 72 jours dela Commune. Les migrantsétaient des gens à l’espritouvert et très voyageurs. S’appuyant sur ses nom-

breuses recherches, l’auteur aainsi pu dérouler le fil dutemps, recensant mille cinqcent trente-et-un Limousinsayant participé à la Communetout en y ajoutant des par-cours individuels de ces ano-nymes jusqu’au bout de leurvie. Les pages sur la journéecommunaliste de Limogessont aussi très utiles repréci-sant les circonstances del’événement.Au-delà de son caractère

régional, l’ouvrage offre sur-tout des éléments précieuxd’informations sur la répres-sion subie par les commu-nards : sa formation de juristepermet en effet à StéphaneTrayaud d’apporter un éclai-rage extrêmement détaillé surl’ensemble de l’arsenal juri-dique utilisé par les versaillaispour les condamnations ; demême la différenciation perti-nente entre transportation et

déportation permet de mieuxcomprendre l’évolution deslois dont celles des 7 août1871 et 23mars 1872 faisantsuite à la loi de déportationpolitique du 8 juin 1850 ;

enfin, toutes les précisionsdonnées sur les lieux dedétention avant la déporta-tion (prisons pontons) rappel-lent des lieux de souffrancequi, depuis les travaux deRoger Pérennes, n’ont pas étérevisités.Quatre cent soixante-quatre

Limousins ont fait l’objetd’une sanction pénale dontonze femmes. L’auteur démon-tre également l’hypocrisie dela commission des grâces dontla composition même étaitdéjà la preuve de l’ignominie :

après la boucherie de laSemaine sanglante et dessemaines suivantes, seul 13 %des condamné(e)s bénéficiè-rent d’une atténuation de lapeine. La conclusion qui portesur le terme à employer pourdéfinir le sens des massacresperpétrés est source dedébat : si l’auteur penche pourle crime de guerre, établissantdes parallèles argumentésavec la période noire de 1939-1945, le terme de génocide nepeut être écarté quand on saitque c’est le prolétariat ouvrier— donc un groupe ciblé —qui a été frappé.Les 212 pages contenant les

biographies des 1 531 limou-sins dont l’auteur a retrouvéla trace sont bien évidemmentun fonds d’archives d’une trèsgrande richesse. Une biblio-graphie détaillée et spéci-fique à chaque moment del’histoire accompagne cetouvrage.Nous ne pouvons que sou-

haiter la parution d’autresétudes sur les provinciaux deParis redonnant nom et vie àtoutes celles et tous ceux quise sont battus pour l’idée degrande révolution sociale por-tée par la Commune.

JEAN ANNEQUIN

Stéphane Trayaud, Oubliés de l’histoire-

Les Limousins de la Commune de Paris

(1871), Mon Petit Editeur, 2012

LECTURES

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30LECTURES

LE BANQUET DES AFFAMÉSCet ouvrage « autobiogra-

phique » (l'auteur se substitue àMaxime Lisbonne) est passion-nant de bout en bout. Il se pré-sente comme le récit chronolo-gique d'une vie, celle de MaximeLisbonne... et l’on sait que cettevie fut extraordinairement riche.Même pendant les événements

les plus tragiques, le souci dudétail, la fantaisie, le plaisir de ladécouverte de situations bur-lesques ou comiques, la rencontrede témoins inconnus ou oubliés,les anecdotes de la vie courante,tout contribue à rendre cetouvrage vivant et à tenir le lec-teur en haleine.Qu'on en juge rapidement.

Maxime Lisbonne, issu d'unefamille de militaires (père offi-cier de la garde Républicaine en1830, grand-père « grognard »)s'engage à 16 ans. Durant dixans, il va participer aux cam-pagnes de Crimée, Italie, Syrie,Algérie en soldat valeureux.L'affirmation de ses originesjuives contribue à mettre unterme à sa carrière militaire.Le retour à la vie civile fut bref,

les événements politiques (décla-ration de la guerre à la Prusse) luifont reprendre les armes. Il com-bat courageusement, puis joueun rôle non négligeable dansl'avènement de la Commune. Ilcomprend en professionnel que lesort de la Commune se jouera trèsrapidement sur le plan militaire.

Il s'impatiente avec Louise Michelet Théophile Ferré de l'inertie ducomité central, inertie qu'il quali-fie de « crime ».Son idéal communard le fait

cependant s'engager totalementet sans réserve. Nommé Colonel ilparticipe à tous les combats,blessé grièvement à la barricadedu Château d'Eau, il est fait pri-sonnier, jugé, condamné troisfois à mort... peine commuée entravaux forcés à perpétuité. Il estdéporté en Nouvelle-Calédonie.La vie au bagne : une foule de

détails peu connus, l'attitude trèsambiguë de certains commu-nards, mais aussi les oubliés descommunes de Lyon et deMarseille, les Kabyles.Après l'amnistie de 1880, c'est

l'homme de théâtre (réelle pas-sion de Lisbonne) qui donne lamesure. Directeur de divers théâ-tres : « Les Bouffes du Nord »,« Les Folies St Antoine », « Le

Théâtre Beaumarchais », il faitjouer entre autres Hernani, LesBurgraves, avec des succèsdivers.Cet éternel fauché, toujours

inventif pour survivre tout en fai-sant revivre l'épopée de laCommune, crée d'éphémèrescabarets excentriques et artis-tiques : « La Taverne du Bagne »,« Le Casino des Concierges »,« La Frite révolutionnaire »...Sensible à la misère du peuple

due à la spéculation des banques(Panama) et de la bourgeoisie, ilorganise une collecte de dons ali-mentaires pour un banquet despauvres du XVIIIe arrondissementde Paris qui réunit 3 000 per-sonnes. On songe bien sûr àColuche, autre saltimbanque augrand cœur.Parmi ses cabarets excen-

triques, notons le bien innocent« Théâtre déshabillé », strip-tease avant la lettre du « coucherd'Yvette ». Autre excentricité :ses velléités de se présenter àl'Académie française, donnantlieu à de désopilantes tournéesacadémicides.

Maxime Lisbonne, communard,« saltimbanque » retiré à la Ferté-Allais, meurt pauvre le 26 mai 1905.L'Humanité du 27 mai conclut unarticle élogieux par ces mots :« Fantaisiste... mais un vaillant

et aussi un brave homme. »CLAUDE CHRETIEN

Didier Daeninckx - Éditions Gallimard

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31 LECTURES

LES DAMNÉS DE LA RÉPUBLIQUE Si cet ouvrage ne parle pas

des communards que nousconnaissons et qui eurent àsubir les affres et les tortureslors de leur exil en Nouvelle-Calédonie, il aborde, à traversce roman et ses personnagesqui auraient très bien pu exis-ter, les terribles conditions devie au bagne.Nous sommes saisis par la

réalité des faits, les excès desgeôliers, les punitions injusteset très dures infligées auxdéportés. Il nous fait vivre l'en-fer, les tortures que les commu-nards subirent pendant leursdix années d'exil.L'auteur est bien docu-

menté. De plus, avec l'histoired'amour qui s'intègre dans lerécit et l’utilisation de person-nages réels ou fictifs, il nous

remet en mémoire ce que fut laréalité quotidienne, chaquejour plus difficile, de la vie descommunards au bagne.

ANNETTE HUET

Roman historique de Gildard Guillaume

— Éditions L'Harmattan

COUPONS LE CABLESi André Léo (*) a écrit de

nombreux ouvrages surla Commune de Paris, ce livre-là nous montre un autreaspect de sa personnalité.Très frappée par le scandale

de l'affaire Dreyfus, elledécide de « partir en guerre »contre la religion, toutes lesreligions.Dans Coupons le câble, titre

significatif, André Léo abordele problème de l'émancipationde tous et se révolte contre lasociété de son temps encoreliée à des millénaires d'obscu-

rantisme et de violence,dominés par la religion. Dansson pamphlet, elle écrit : « Comment osez-vous célébrer

la Révolution française, alorsque vous imitez et protégez lesnouveaux seigneurs que sontles riches ? ».André Léo accuse la religion

d'être un outil du gouverne-ment et apporte des argu-ments indiscutables à son rai-sonnement. On y retrouve lesexcès des grands et l'écrase-ment des faibles.En avance sur son temps,

elle propose l'utilisation deséglises pour l'enseignementde la morale humaine enalternance avec l'enseigne-ment religieux, pour desconférences destinées à l'ins-truction du peuple. Elleconstate que pendant des siè-cles on a abusé de la crédulitéhumaine et termine : « Quandles deux fléaux que sont laguerre et la superstitionauront disparu de notre terre...les humains concevrontl'amour et le respect de l'hu-manité ».

AH

* André Léo est le pseudonyme que prit

Victoire Léodile Béra, épouse Champseix,

pour son activité littéraire, à partir de

1862 ; il est composé des prénoms de

ses fils jumeaux.

André Léo - Éditions Dittmar

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DANS CE NUMÉRO

L’événementLa justice c’est la réhabilitation de tous les communardsà qui nous devons tant ! · 2

HistoireBenoît Malon · 3Un texte de Maxime Vuillaume (2) · 6Jean Allemane · 9Le château de Vincennes aux mains des communards · 12Le Chêne de Courbet · 14

Notre associationFête de la Commune 2012 · 16Voyage en Haute-Marne · 17Activités passées et à venir · 21Hommage à Guy Décamps · 22Comité de Dieppe · 23Rencontre avec le Cabinet du ministrede l’Éducation nationale · 24

ActualitéLe Paris communard de Jérôme Gulon · 25Fête de l’Humanité · 27

Lectures 28-31 Les Limousins de la Commune de ParisLe banquet des affamésLes damnés de la RépubliqueCoupons le câble

Le prochain bulletin (53) paraîtra en février 2013Date limite pour faire parvenir vos articles : 31 décembre 2012

La Commune

Ouvert du lundi au vendredi de 14 à 17 h · Bibliothèque ouverte aux adhérents le mercredi de 14h à 17 h (sur rendez-vous)

Directeur de la publication : Claude WillardOnt participé à ce numéro : Jean Annequin, Georges Beisson, Françoise Bazire, Michèle Camus,Claude Chrétien, Annette Huet, Gérald Maisse, Guilaine Maisse, Éric Lebouteiller, Yves Lenoir,Sylvie Pépino, Michel Puzelat, Claudine Rey, Jean-Louis Robert, John SuttonCoordination :Michèle Camus · Graphisme et iconographie : Alain FrappierImpression : SENPQ Pantin ISSN : 1142 4524

46 RUE DES CINQ-DIAMANTS 75013 PARIS · TEL : 01 45 81 60 54 · FAX : 01 45 81 47 [email protected] www.commune1871.org

449545144547455645604562456445674582460246264679470647134714472247234725473147474778481148294831483648374870488749104931

493349574958501650185032504450455073517252355373537553865403541154135414542554315435543654445453545854685469547154725482

• TOMBOLA •Liste des numéros

gagnants dont les lotssont à retirer àL’Association