Origine du langage et geste

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Origine du langage et gestes D’après les travaux de Michael Corballis Charoy Jeanne L2 MIASHS SC 20/12/2013

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Origine du langage et gestes D’après les travaux de Michael Corballis

Charoy Jeanne

L2 MIASHS SC

20/12/2013

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Table of Contents Origine du langage et gestes ............................................................................................................................................ 1

Introduction ......................................................................................................................................................................... 1

Le langage.................................................................................................................................................................................... 2

Qu’est ce que le langage ? ............................................................................................................................................. 2

Le langage chez les animaux ...................................................................................................................................... 4

Le langage des signes...................................................................................................................................................... 7

De la main à la bouche ...................................................................................................................................................... 10

La fable de Condillac .................................................................................................................................................... 10

A gauche du cerveau .................................................................................................................................................... 11

Des abeilles aux oiseaux............................................................................................................................................. 13

En dance ou en chanson .................................................................................................................................................. 15

Antithèse ............................................................................................................................................................................. 15

Conclusion .......................................................................................................................................................................... 16

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Charoy Jeanne

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Origine du langage et gestes Introduction

Voyons, d’où vient le verbe ? Et d’où viennent les langues ? De qui tiens-tu les mots dont tu fait tes harangues ? Ecriture, Alphabet, d’où tout cela vient-il ? Réponds. Victor Hugo C’est en écoutant Michael Corballis exposer sa théorie sur l’origine du langage dans le documentaire d’Arte « Les Origines du Langage » que j’ai choisi de m’intéresser à ce sujet pour le présent dossier. Je me suis basée sur son livre, « From Hand to Mouth », ainsi que sur les travaux de nombreux autres éminents scientifiques d’hier et d’aujourd’hui parmi lesquels Darwin, Hewes, Gentilucci ou encore Solombe pour n’en citer que quelques uns. La thèse soutenue par Corballis est la suivante : Le langage chez l’humain, avant de s’exprimer par la parole, s’exprimait par les gestes. Comment ce défend cette théorie contre celle bien plus massivement accepté d’une évolution des vocalises animales vers la parole ?

Image 1 Michael Corballis

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Le langage Qu’est ce que le langage ?

Voici le riz qui est dans la maison que Jacques a bâtie. Voici le rat qui a mangé le riz qui est dans la maison que Jacques a bâtie. Voice le chat qui a tué le rat qui a mangé le riz qui est dans la maison que Jacques a bâtie. Marie Tenaille, Comptine d’hier et d’aujourd’hui.

Les progrès de l’éthologie et des neurosciences ont réduit le fossé qui, le croyait-on autrefois, sépare les êtres humains des animaux. Mais une de nos caractéristiques, que l’on appelle le langage, semble encore protéger le bastion de notre unicité.

Les animaux, bien sûr, vocalisent. Les oiseaux chantent, les lions rugissent et les marmottes sifflent. Cette myriade de sons est cependant souvent émotionnelle et stéréotypée, servant à signaler un danger, parader devant le partenaire sexuel, ou encore établir et maintenir une structure sociale hiérarchique. Les humains en revanche, utilisent leur voix, non seulement pour définir un état émotionnel, mais aussi pour définir leurs esprits. Le langage par la parole nous permet de décrire des lieux, des personnes, des objets, des évènements, et même des pensées et des émotions. Nous nous en servons pour perpétuer la mémoire du passé, imaginer l’avenir, rependre des rumeurs ou encore partager nos connaissances avec les autres.

Même les harmonieux chants des oiseaux ne peuvent être comparés aux vocalisations des Hommes. Il suffit d’enlever quelques notes et le chant deviendra aussi répétitif qu’une sonnerie de réveil. Le langage humain, lui, est pourvu de la fantastique propriété appelée en anglais « generativity », générativité en français. On entend par là qu’il n’y a potentiellement pas de limite au nombre d’idées et de concepts que l’on peut exprimer en utilisant des phrases. Cette capacité fut fameusement employée lors d’un diner en 1934 auquel Burrhus Skinner, un des grands psychologues du XXème siècle, et Alfred Whitehead, non moins grand mathématicien et philosophe, participaient. Alors que Skinner tentait de convaincre Whitehead des vertus du béhaviorisme, ce dernier lui dit : « Tentait donc d’expliquer mon comportement alors que je suis assis là et que je dis « Aucun scorpion noir ne tombe sur cette table.1 ». Le but de Whitehead n’était sans doute que de provoquer le jeune Skinner2,

1 No black scorpion is falling upon this table en anglais.

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mais en le faisant il nous prouve qu’il n’y a a priori pas de limite au nombre d’idées et de propositions que l’on peut partager et comprendre. Jamais auparavant n’avais -je entendu la phrase « aucun scorpion noir ne tombe sur la table », et pourtant je la comprends.

Puisque nous sommes capable de générer de nouvelles phrases, il est clair que nous intégrons certaines règles de grammaire et que nous ne nous appuyons pas simplement sur la mémoire d’associations passées. Chaque langue a des règles différentes concernant par exemple la place du verbe dans la phrase, ou les inflexions à appliquer à celui-ci pour changer de temps, etc…Malgré ces différences, Noam Chomsky, certainement le plus grand linguiste du XXème siècle, soutient que certaines règles sont communes à toutes les langues et il nomme cela la grammaire universelle.

Chomsky explique également que le langage est bien trop compliqué pour être appris et c’est pourquoi il est très probable qu’il est un caractère inné, que les enfants « connaissent » déjà certaines règles de grammaire avant même de savoir parler. Pourtant il est évident que la langage a également un caractère acquis, en témoigne le nombre de langues, si différentes qu’on ne peut pas se comprendre, existant sur cette planète.

Nous parlons beaucoup de la parole dans cette première partie, mais évidemment, le langage n’est pas que parole. On peut bien sûr, lire silencieusement, penser dans nos têtes et les muets ont inventés un système de communication à base de gestes, mais nous reviendront sur ce dernier point plus loin. Ainsi le langage ne se limite pas à la parole. Quant à la pensée, s’il est clair que les deux sont intimement liés, il est des cas où l’on peut avoir une activité mentale sans langage, par exemple lorsque l’on retourne une image mentalement, ou que l’on manipule des objets en pensée. La pensée a en fait son propre langage, appelé « mentalese ». Bien sûr il est très proche du langage que nous utilisons pour communiquer. On peut générer une infinité de nouvelles images et nos pensées peuvent être récursives. Ceci s’illustre par la théorie de l’esprit, l’habilité de comprendre l’esprit des autres et de savoir ce qu’ils voient, entendent ou ressentent. Par exemple je peux savoir que quelqu’un m’observe, mais je peux également savoir que la personne sait que je sait qu’elle m’observe. La récursivité est très visible ici.

Le langage est une capacité extraordinaire et probablement exclusivement humaine. Il implique l’intégration d’un système de règles complexes et il est possible que notre capacité à apprendre ces règles soit en partie innée, même si il est évident que le langage est également acquis, en témoigne la grande importance de la culture sur celui-ci. Mais d’où nous vient le langage ? L’idée que le langage provient d’une « mutation » spontané chez une espèce comme le suppose Chomsky semble bien simpliste et aussi peu probable que l’idée selon laquelle le langage serait un cadeau des dieux.

Peut on retrouver la trace de l’origine du langage chez nos très proches cousins les primates ou d’autres espèces du monde animal. Est-ce-que les animaux ont un langage ?

2 Skinner ne répondit qu’une vingtaine d’année plus tard dans son livre Verbal Behavior

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Le langage chez les animaux

D’une voix jaune Le rossignol Appelle ses parents Kobayashi Issa, Haïku Lorsque Charles Darwin supposa que le langage humain était une évolution des cris des animaux, il rencontra de nombreuses critiques. Le débat fit tant d’émules qu’en 1866, la Société linguistique de Paris décida d’interdire toute discussion au sujet de l’évolution du langage. Cette omerta durant environ un siècle jusqu’à ce que Chomsky ramène la question sur les devants de la scène en appuyant l’idée que le langage nous est exclusif. Cette hypothèse rend l’étude de l’évolution du langage presque impossible puisque, si il est effectivement unique et discret dans son apparition, on ne pourra pas en trouver des antécédents chez les autres espèces peuplant la Terre. De nombreux chercheurs ont depuis relever le défi de contredire Chomsky en étudiant notamment les capacités cognitives e nos proches cousins, les chimpanzés, les bonobos et les gorilles. D’après Hewes, les vocalises des primates ne sont pas vo lontaires. Elles sont provoquées par des stimuli internes ou externes. Les gestes en revanche, et parmi eux la manipulation manuelle, sont volontaires et basé sur un niveau d’analyse cognitif bien supérieur. Hewes pense que les cris des primates ne sont pas destinés à l’attention des autres mais simplement exprimés et propagés, tout comme les cris de peur des humains par exemple, que d’autres individus soient présents ou non. Cette différence entre la maîtrise de la voix et des gestes chez les grands singes s’est d’ailleurs bien faite remarquer lorsque des équipes de chercheurs ont tenté d’apprendre le langage à des chimpanzés. Cathy et Keith Hayes, un couple de chercheur, décidèrent vers la fin des années 40 d’élever un chimpanzé. Ils installèrent donc chez eux un bébé chimpanzé appelé Vicki et s’en occupèrent comme d’un enfant, en tentant de lui apprendre à prononcer des mots. Le résultat ne fut pas très concluant et Vicki ne parvint qu’à dire, et parfois de façon peu reconnaissable, les mots « mama », « papa », « cup » et « up ». Cependant, un autre couple, Allen et Beatrice Gardner, se rendirent compte en visionnant des vidéo de Vicki qu’il était plus aisé de la comprendre sans le son. En effet, Vicki était capable de placer ses lèvres dans la bonne position pour articuler tel ou tel sons, mais ne pouvait pas produire le son en question. Ils en déduisirent que Vicki essayait de communiquer par imitation visuelle. Partant de ce constat, les Gardner décidèrent d’apprendre à un jeune chimpanzé le langage des signes américain (ASL). Ce fut un succès. Washoe, le chimpanzé, parvint à maîtriser plus d’une centaine de gestes.

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Les expériences se sont alors multipliés. Francine Patterson, de l’Université de Stanford, déclare avoir appris près de 375 signes à un gorille appelé Koko. Sue Savage-Rumbaugh, des laboratoires de Yerkes, étudie quant à elle le bonobo Kanzi, et est parvenu à d’impressionnants résultats en lui apprenant à désigner des symboles pour générer un message. Ces expériences tendent à appuyer la théorie d’une évolution du langage par les gestes. Mais tous ces singes vivaient en captivité et ont été influencé à utiliser les gestes pour communiquer. Comment communiquent les singes dans la nature. Plusieurs études très récentes se sont penchées sur le sujet. L’équipe de Anna Ilona Robert, de L’université d’Oxford, a établi un répertoire des gestes des mains que ont les chimpanzés sauvages. D’après cette équipe, les chimpanzés utilisent, de manière volontaire, une moyenne d’une vingtaine de gestes. Ces gestes sont utilisés dans différents contextes comme le jeu, l’épouillage, la reproduction, les soins apportés aux petits ou les agressions. Les gestes sont utilisés en réponse au signal d’un individu ou pour exprimer quelque chose. Ils sont aussi utilisé envers les objets, typiquement tendre la main vers un objet puis le saisir. . Tout ceci nous montre que les gestes remplissent nombres de fonctions durant les interactions d’un individu avec le monde extérieur. Plus surprenant, les chercheurs se sont rendus compte que certains des gestes des chimpanzés comme par exemple taper des mains sont aussi présents dans le répertoire des gestes humains et semblent remplir les mêmes foncitnos chez l’une et l’autre espèce.

Washoe Kanzi Nim Koko Washoe

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« Ceci suggère »,écrivent les chercheurs, « que les capacités cognitives nécessaire à l’utilisation des gestes étaient présentes chez notre dernier ancêtre commun et ont persisté chez les Hominidés3 » Une autre étude récente dont nous aimerions parler avant de continuer vers les gestes chez l’Homme est une étude de l’équipe de Marie Bourjade, de lUniversité d’Aix -en-Provence. Bourjade et ses collaborateurs ont étudié des babouins Papio anubis en captivité pour tenter de comprendre si les gestes de ceux-ci sont intentionels. Et ils se sont en effet rendus compte que les babouins gesticulent intentionnellement pour communiquer quelque chose à un « interlocuteur ». Mieux, les babouins dirige leur regard vers l’individu auquel ils veulent transmettre un message. Par exemple, si le babouin voit de la nourriture en dehors de sa cage et qu’il ne peut pas l’atteindre, il va fixer son tuteur, puis la nourriture et tendre

sa main comme pour mendier. Ceci suggère que les babouins comprennent l’importance des yeux pour la perception visuelle. Quand ils ne peuvent pas croiser le regard de l’autre, ils auront recours à des gestes « bruyants » comme par exemple frapper le sol. Les babouins seraient donc eux aussi capable de communication par les gestes, ainsi que d’ajuster leur méthode de communication (silencieuse ou acoustique) en fonction de la direction du regard de l’individu auquel il s'adresse.

3 Famille de primates regroupant les espèces animales bonobos, chimpanzés, gorilles, humains et orang-outans ainsi qu’un certains nombres d’espèce éteintes de la lignée humaine. (Wikipédia)

Image 2 Babouin utilisant ses mains pour réclamer

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Le langage des signes

Ma tante Mélie est muette,-avec cela bavarde, bavarde! Ses yeux, sont front, ses lèvres, ses mains, ses pieds, ses nerfs, ses muscles, sa chair, sa peau, tout chez elle remue, jase, interroge, répond ; elle vous harcèle de questions, elle demande des répliques; ses prunelles se dilatent, s'éteignent; ses joues se gonflent, se rentrent: son nez saute! elle vous touche ici, là, lentement, brusquement, pensivement, follement ; il n'y a pas moyen de finir la conversation. Jules Vallès, L’enfant Nous avons vu dans la partie précédente que les singes, petits ou grands, sont capables de communiquer par les gestes, que ces gestes possèdent une sémantique. Intéressons nous maintenant aux gestes chez les humains. L’exemple évident de l’utilisation des gestes pour communiquer chez les humains est la langue des signes. La langue des signes est-elle un langage au même titre que la langue parler ? C’est vers la fin du XVIIIème siècle en France que le langage des signes a commencé à être perçu comme un véritable langage. Avant cela, les sourds-muets n’avait pas accès à l’éducation et étaient dans la majorité des cas illettrés. Les signes ont ensuite perdu et gagne tour à tour en reconnaissance. C’est finalement en 1960 que William C. Stokoe, rétablit définitivement le statut du langage des signes comme langage à part entière. A l’Université de Gallaudet au Etats-Unis, les étudiants sourds-muets ont accès à des cours en langage des signes américain (ASL) dans toutes les matières, des mathématiques à la poésie en passant par la chimie et la philosophie. Le langage des signes n’est pas réservé aux sourds, on en trouve de nombreux autres exemples comme le langage signé inventé par les aborigènes d’Australie , que les femmes utilisent lorsqu’elles doivent faire vœux de silence après la mort d’un proche. On pense aussi à celui utilisé par les indiens du nord de l’Amérique souvent appelé Plain Sign Talk (PST). Les indiens se servent du PST pour communiquer entre groupe ne partageant pas la même langue. Enfin, les moines dans certains monastères, par exemple chez les Cisterciens, vivaient dans le silence et ne communiquer que par gestes. Ces langages ont en commun une chose, ils possèdent une grammaire, même si elle est dans certains cas simple et basique. Et même si le langage signé des moines est plus comparable à un protolangage qu’un langage complet, celui utilisé par les sourds-muets, lui, possède tous les attributs du langage parlé. Les enfants élevés par des parents sourds-muets acquièrent aussi spontanément que les autres le langage des signes et passe par les mêmes phases, y compris le « babillage ». On a

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même noté que les signes sont assimilés par les enfants plus rapidement que les sons, ce qui vient encore consolider l’idée que la communication par les gestes à précéder la parole. Et comme pour le langage parlé, si on peut supposer l’existence d’une grammaire universelle à la Chomsky, on sait aussi que chaque langue signée à une composante acquises puisque l’on peu en dénombrer plus de 3000 différentes dans le monde, et ceci indépendamment des langues puisque l’American Sign Langage et le British Sign Langage ont de nombreuses différences, pouvant aboutir à une incompréhension, bien que l’américain et l’anglais soit essentiellement identique.

Image 3 Le mot "étudiant" en langage des signes américains, italiens et thaï

Enfin, nous évoquerons la recherche menée par Susan Goldin-Meadow, de l’université de Chicago et Jana Iverson avec un groupe de douze non-voyants. Les chercheuses se sont rendues compte que les aveugles non seulement utilisent des gestes lorsqu’ils s’expriment, mais ce sont les mêmes gestes que les voyants. Encore un indice de la capacité innée des êtres humains à communiquer par les gestes. A tout cela s’ajoute bien sûr le fait que nous gesticulons lorsque nous parlons et comment ne pas penser aux Italiens en disant cela. C’est d’ailleurs un duo de chercheurs italiens, Paolo Bernadis et Maurizio Gentilucci, de l’université de Parme, qui ont publié une étude suggérant que l’exécution des gestes et des mots ainsi que leur traitement dans le cerveau sont liés.

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Les gestes semblent bien en lien avec l’acte de parler et de communiquer. Cette connexion se fait à l’évidence dans le cerveau.

Classification des gestes, d'après McNeill, 1992

Gesticulation : mouvements spontané et idiosyncratique des mains et des bras lors de la communication

Pantomime : gestes qui miment une action, un objet, une profession...principalement utilisé quand il est impossible de parler ou lors des jeux de mimes

Emblème : gestes conventionnés utilisés par une communauté spécifique et ayant un sens précis. Le pouce levé pour signifier "OK" par exemple. La plupart du temps ces gestes sont accompagnés d'une expression fixée (pouce + "ok!") mais peuvent être utilisé sans la parole.

Le langage des signes, composé des gestes bien distincts, symboliques, ayant tous les attributs du langage parlé

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De la main à la bouche La fable de Condillac

As-tu déjà aimé pour la beauté du geste As-tu déjà croqué la pomme à pleine dent Pour la saveur du fruit, son parfum et son zeste T’es tu perdu souvent Les chansons d’amour, Alex Beaupain Une des premières voix de la théorie de l’origine du langage par les gestes est celle d’ Etienne Bonnot de Condillac, un philosophe Français du XVIIIème. Il écrivit en effet cette fable : « […] Je suppose que quelques temps après le déluge, deux enfants de l’un et de l’autre sexe aient été égarés dans le désert, avant qu’ils ne connussent aucun signe. […] La question es t de savoir comment cette nation naissante s’est fait une langue. […] Quand ils vécurent ensemble, […], leur commerce réciproque leur fit attacher aux cris de chaque passion les perceptions dont ils étaient les signes naturels. Ils les accompagnaient ordinairement de quelque mouvement, de quelque geste ou quelque action, dont l’expression était encore plus sensible. Par exemple celui qui souffrait parce qu’il était privé d’un objet que ses besoins lui rendaient nécessaire, ne s’en tenait pas à pousser des cris, il faisait des efforts pour l’obtenir ; il agitait sa tête, ses bras et toutes les parties de son corps. […] Plus ils se familiarisèrent avec ces signes, plus ils furent en état de se les rappeler à leur gré. L'usage de ces signes étendit peu à peu l'exercice des opérations de l'âme, et à leur tour celles-ci, ayant plus d'exercice, perfectionnèrent les signes et en rendirent l'usage plus familier. . On voit comment les cris des passions contribuèrent au développement des opérations de l'âme, en occasionnant naturellement le langage d'action; le langage qui, dans ses commencements, pour être proportionné au peu d'intelligence de ce couple, ne consistait vraisemblablement qu'en contorsions et en agitations violents . Ils articulèrent de nouveaux sons, et, en les répétant plusieurs dois et les accompagnant de quelque geste qui indiquait les objets qu'ils voulaient faire remarquer, ils s'accoutumèrent à donner des noms aux choses. Les premiers progrès de ce langage furent néanmoins très-lents. A mesure que le langage des sons articulés devint plus abondant, il fut plus propre à exercer de bonne heure l'organe de la voix, et à lui conserver sa première flexibilité. Il parut alors aussi commode que le langage d'action : on se servit également de l'un et de l'autre; enfin, l'usage des sons articulés devint si facile, qu'il prévalut. » Cette histoire résume assez bien l’idée de tous les théoriciens partisans de l’origine gestuelle du langage. Mais tentons de comprendre précisément comment a pu se faire la transition des gestes des mains aux vocalisations.

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A gauche du cerveau

Origines abstraites submergeant mes pensées Sang commun, cellule séquentielle, fraction unitaire Pléonasme d’un présent déjà calligraphié Cette évidence m’oblige à respirer la vie : la tienne, la mienne, celle des autres. Sybille Rembard, Beauté fractionnée Le langage des signes, tout comme le langage vocale est contrôlée par l’hémisphère gauche du cerveau et notamment par les aires de Broca et de Wernicke, découvertes par les scientifiques du même nom. On sait aussi que le contrôle de la main droite est opéré par la partie gauche du cerveau et que la grande majorité des humains sont droitiers. Doreen Kimura, de l’université Simon Frasier, a d’ailleurs remarqué que les droitiers ont tendance à accompagner leurs paroles de gestes de la main droite alors que les gauchers accompagnent leur parole des deux mains. L’aire de Broca, est soupçonnée de jouer un rôle très important dans le traitement de la sémantique de ce que l’on observe ainsi que dans la « reconnaissance ». En effet, l’aire de Broca fait partie du « système miroir » du cerveau humain composé donc de neurones miroirs. Ces neurones furent découverts par Rizolatti en 1996. La particularité de ces neurones et qu’ils s’activent lorsque l’on effectue une action mais également lorsque l’on observe une tierce personne effectuer cette action. Chez l’Homme, ces neurones couvrent un large répertoire d’action, mais des études ont montrés qu’ils sont particulièrement actifs chez un individu lorsque celui-ci observe les mouvements de la bouche comme mordre, claquer ses lèvres, et tous les mouvement impliqué dans la vocalisation chez les humains. En revanche ils ne s’activent pas lorsque l’on observe un chien ou un singe effectuer ses mêmes actions. Les actions reproductibles par le système moteur de l’observateur sont « cartographier » par le dit système, les autres sont ignorées. Une étude menée par Jeremy I. Skipper montre que l’aire de Broca, qui fait donc partie du système miroir, est responsable de l’extraction des informations apportées par les gestes associés à la parole. Ensuite, elle intégrerait ces informations pour faciliter le décodage du langage parlé. En effet, les informations apportées par les gestes réduisent la nécessité d’analyser tous les phonèmes ainsi que la nécessité d’en retirer le sens. Ainsi, les gestes,

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associés à la parole, joue un rôle cognitif important pour le locuteur et aide l’interlocuteur à analyser rapidement le sens de ce qu’il écoute et voit.

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Des abeilles aux oiseaux

Saison de brume et de moelleuse abondance ; Proche parente du soleil qui dore, Conspirant avec lui à charger et à combler De fruits les vignes qui courent le long des toits de chaume ; A courber sous le poids des pommes les arbres moussus du cottage, A mûrir jusqu’au cœur tous les fruits ; A grossir les courges, à gonfler les coques de noisettes D’un succulent noyau ; à faire bourgeonner davantage Et davantage encore, les dernières fleurs pour les abeilles, Au point de leur faire croire que les jours chauds ne cesseront jamais, Tant l’Eté a rempli jusqu’au bords leurs visqueuses alvéoles. John Keats, Ode à l’automne Les abeilles, dans l’obscurité de la ruche, ont recours pour communiquer à une étrange danse qui leur permet de transmettre des informations sur la localisation d’un champs de fleurs ou d’un danger. Si l’on accepte l’idée que nous aussi, nous avons fait danser nos doigts, nos mains, et notre visage, pour faire passer un message alors comment s’est faite la transition vers la parole ? Imaginons apprendre une langue à un enfant sans jamais utiliser les gestes. La tâche semble bien impossible, et l’enfant lui-même pointera naturellement du doigt pour désigner les objets dont il ne connaît pas le nom. Mais en grandissant le voix va en grande partie supplanter le geste des mains, bien que ceux-ci, on l’a vu, jouent encore un rôle. Alors comment c’est faite la transition chez nos lointains ancêtre ? Michael Corballis propose plusieurs hypothèses. Il ne croit pas à un « big bang » du langage comme Chomsky, mais a une évolution graduelle. Les événements qui échelonnent cette évolution sont si interdépendants qu’il est très difficile de définir lequel à entraîner l’autre. C’est l’habituelle question de l’œuf et de la poule. Corballis commence son hypothèse avec l’apparition de la bipédie. En effet, la bipédie est une des principales caractéristiques d’Homo sapiens mais aussi des espèces éteintes de la lignée Homo. La question de savoir pourquoi nous nous sommes levé sur nos deux pieds n’a pas trouvé, et peut-être ne trouvera jamais, de réponse définitive. Cependant Corballis souligne qu’avec la bipédie, nous avions les mains libres, et donc disponibles pour la communication. Bien sûr, si les singes actuelles savent communiquer avec leurs mains comme on l’a vu plus haut, il est fort probable que notre ancêtre commun que les premiers homininés en aient été capables aussi. A ce moment, la communication humaine était composée en majorité par les gestes et accompagnée de quelques grognements et d’expressions facials. Cependant, bien que les gestes permettent de faire circuler l’information silencieusement et donc discrètement, il nécessite l’attention visuelle de l’interlocuteur. Ils ne peuvent pas non plus être perçu dans

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l’obscurité, comme les sons. De plus, l’amélioration des techniques de fabrication d’outils aurait pu pousser les maîtres a utilisé les vocalisent pour transmettre le savoir puisque leur mains étaient occupées à fabriquer l’objet et ne pouvaient donc pas se charger des explications. Goldin-Meadow ajoute qu’il est plus efficace d’avoir la voix se charger de la syntaxe et les mains de la partie iconique du discours. Pour Corballis, c’est ainsi que la voix aurait lentement supplantée les mains. Enfin, une fois le langage parlé totalement maîtrisé, les mains auraient été complètement libres d’exécuter n’importe quelle action, ce qui expliquerait l’explosion de créativité dans la production des outils, qui devinrent très perfectionnés il y a environ 50000 ans.

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En dance ou en chanson Antithèse

Je ne suis d’accord avec vous ni sur l’essentiel, ni sur l’accessoire. Par contre je me battrai jusqu’à mon dernier souffle pour que votre voix soit entendue Voltaire Bien que la thèse de Corballis est gagné en crédibilité suite à la publication de certains résultats empiriques, elle reste écrasée par l’idée que nous avons chanté, plutôt que dansé, le long du chemin qui nous a mené au langage et à la parole. Des travaux récents, notamment ceux de Katie Slocombe de l’université de York en Angleterre et de son équipe, tendent à montrer que les cris des chimpanzés ne sont pas involontaires et sont bien destinés aux autres membres du groupe. L’équipe de recherche a remarqué que le chimpanzé qui lance le cri d’alarme fait attention à ce que ses interlocuteurs soient bien attentifs et le remarque. De plus, les cris d’alarmes les plus sonores (« huus » et « waa ») seront plus probablement utilisés en présence d’un chimpanzé « ami » que « non-ami ». Les chercheurs ont également remarqué que les singes cherchent le regard de celui qui lance l’alerte puis se regardent entre eux pour partager leurs réactions. Enfin les cris d’alarmes continuent jusqu’à ce que tous les singes du groupe soient éloignés du danger ce qui suppose que les cris ont un but et ne sont pas seulement une réponse inconditionnelle ( la peur par exemple) à un stimulus. Les chercheurs écrivent « les chimpanzés semblent produire ces appels de manière tactique et visent en particulier les individus du groupe qui leur sont importants ». Slocombe affirme que ces résultats discréditent la théorie selon laquelle le langage parler à évoluer à partir des gestes. Corballis répond qu’il s’agit ici « d’un cri d’alarme, pas d’une conversation » et que cela reste long d’un langage. Il précise qu’en revanche « la façn avec laquelle les chimpanzés communiquent avec les geste est bien plus proche d’un langage, elle est plus communicante. ». Il étoffe son argument de l’exemple de l’épouillage. En effet, un singe peut indiquer très précisément ou il souhaite être nettoyé à un autre singes en utilisant des gestes de ses mains que l’on appelle « directives scratches » en anglais. Selon Slocombe, la réponse serait probablement un mélange des deux théories.

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Conclusion

On a choisi dans ce dossier de considérer que le langage, parlé ou signé, peut être perçu comme un geste. Chez les primates non humain, le système responsable du contrôle des gestes est bien développé, et leur permet d’effectuer des mouvements complexes des mains ainsi que de les percevoir chez les autres. C’est pourquoi on a été capable d’apprendre à des chimpanzés et autres grands singes le langage des signes. L’apparition de la bipédie chez les homininés aurait libérer les mains et enclencher l’évolution des actes de communication, d’abord vers des gestes assez iconiques puis de plus en plus abstraits et symboliques. La pression de l’environnement a amené les homininés vers des modes de communication de plus en plus complexes et a l’acquisition de lexiques de plus en plus variés, le poussant finalement a avoir recours aux sons (sortes de gestes bruyant du larynx et de la bouche) pour s’exprimer. Ceci a mené à une évolution graduelle du langage gestuel au langage parlé, jusqu'à ce que le premier ne fasse qu’accompagner le dernier. On trouve toujours cela dit le langage des gestes, notamment dans les communautés de sourds-muets. Le langage nous permet de partager des informations, passés, présentes, futures ou même imaginaire et ainsi d’améliorer la cohésion de nos société et par la même nos chances de survie.

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Bibliographie Condillac, E. (1746). Essai sur l'origine des conaissances De l'origine et des perogrès du

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