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L’ACCÈS À LA SANTÉ DES PERSONNES EN SITUATION DE PRÉCARITÉ exploration des problématiques et des leviers d’action sur les territoires girondins Gironde gironde.fr LE DEPARTEMENT Observatoire Girondin de la Précarité et de la Pauvreté (O.G.P.P.)

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L’ACCÈS À LA SANTÉ DES PERSONNES

EN SITUATION DE PRÉCARITÉ

exploration des problématiques et des leviers d’action sur

les territoires girondins

Girondegironde.f

rL E D E P A R T E M E N T

Observatoire Girondin de la Précarité et de la Pauvreté (O.G.P.P.)

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2 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

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3 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

Février 2017

LIVRET THEMATIQUE

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4 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

Table des matières

Introduction .................................................................................................... 7 I- Eléments de contextualisation territoriale ................................................. 10 A- Logiques de peuplement et formation des inégalités sociales et sanitaires entre les territoires . 10

1. Parcours de vie, habitat et territoire .........................................................................................10 2. Systèmes sociodémographiques-spatiaux et formation des inégalités territoriales de santé .11

B- Principales configurations démographiques, économiques, sociales et sanitaires des territoires français ....................................................................................................................................... 12

1. La situation sanitaire des territoires en grande difficulté sociale .............................................13 2. Les situations sociales et sanitaires les plus favorables ............................................................13 3. Situations intermédiaires et territoires polarisés .................................................................... 14

C- Les territoires girondins : conformités et spécificités socio-sanitaires ........................................ 16

1. Une population de périphérie pavillonnaire « typique » ..........................................................16 2. Une polarisation sociale intra-urbaine assez forte dont les conséquences sanitaires restent

néanmoins atténuées ................................................................................................................17 3. Des spécificités sanitaires « Sud » .............................................................................................18 4. La particularité viticole ..............................................................................................................20

II- Les ateliers territoriaux et les groupes citoyens ......................................... 21 Présentation de la méthode ........................................................................................................ 21 Problèmes et leviers d’action ....................................................................................................... 26

A- L’accès à la santé ..................................................................................................................... 26

1. « Une mauvaise santé, c’est la conséquence d’une mauvaise vie » .........................................26 2. « Tant que ça n’empêche pas de vivre, ce n’est pas une priorité » ..........................................27 3. L’accès à la santé, une affaire de spécialiste ?..........................................................................28 4. « De la gestion de la pénurie à la gestion de l’abondance» ......................................................28 5. Le phénomène de la « patate chaude » ....................................................................................29

Leviers proposés pour faciliter l’accès universel à la santé ............................................................30

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B- L’ouverture des droits et l’accès aux soins ................................................................................ 31

1. « Le problème ne vient pas de l’accès aux soins… mais de savoir à quoi on a droit » ..............31 2. « C’est pas facile à faire seul » ...................................................................................................31 3. « Je me sens cataloguée comme un cas social » .......................................................................32 4. « Devoir se déplacer loin pour avoir un médecin, ça fait monter le stress » ............................32

Leviers proposés pour l’accès aux soins .........................................................................................33 C- Les enfants et les jeunes .......................................................................................................... 34

1. Les répercussions d’une cellule parentale en souffrance sur la santé des enfants ..................34 2. Des délais d’attente en pédopsychiatrie exponentiels et très problématiques ........................34 3. Jeunes et addictions ..................................................................................................................35 4. Des actions de prévention trop peu nombreuses faute de moyens pérennes .........................35 5. Actions de prévention et implantation sur les territoires .........................................................36

Leviers proposés en direction des enfants et des jeunes ...............................................................37 D- Les personnes âgées ................................................................................................................ 38

1. Une précarité économique qui a des répercussions sur l’accès à la santé ...............................38 2. Un accompagnement difficile de la dépendance ......................................................................38

Leviers proposés en direction des personnes âgées ......................................................................40

III- Les méthodologies d’intervention en service social sur l’accès à la santé ...................................................................................... 41 A- Méthode : protocole de l’enquête ........................................................................................... 42

1. Construction du protocole .........................................................................................................42 2. Population de l’enquête ............................................................................................................43

B- Résultats de l’enquête ............................................................................................................. 46

1. La santé est avant tout perçue comme un problème ...............................................................46 2. La santé appartient à la sphère de l’intime ...............................................................................46 3. Quelles sont les conditions pour aborder la question de la santé ? .........................................47 4. L’accès à la santé, un accès au droit « spécial » ........................................................................48 5. Des méthodologies centrées sur l’individuel .............................................................................49 6. Le partenariat centré sur l’accompagnement ...........................................................................49 7. Les questions éthiques et déontologiques ................................................................................50

IV- Annexes : ................................................................................................ 53 A- Présentation synthétique de la population des PTS ..........................................................................54 B- Indicateurs pour recueil de données des ateliers territoriaux ..........................................................67 C- Mise en place et déroulement pratique des ateliers « usagers » ......................................................69

Synthèse des propositions pour améliorer l’accès à la santé et aux soins pour tous ....................... 73

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7 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

Introduction

L’Observatoire Girondin de la Précarité et de la Pauvreté (OGPP) a été créé par le Département de la Gironde, alors Conseil Général, fin 20081, en tant qu’outil d’aide à la décision, produisant des connaissances et analyses partagées, quantitatives et qualitatives, sur les évolutions de la pauvreté et de la précarité en Gironde.

Au-delà des objectifs ciblant la connaissance des formes de précarité et ses déterminants sur les territoires de la Gironde, la fédération des acteurs institutionnels et associatifs s’est posée en principe de fonctionnement de l’OGPP pour mieux comprendre et agir de façon concertée pour prévenir les situations de basculement dans la précarité.

C’est dans cette logique que la Conférence Girondine Précarité-Pauvreté (CGPP)2, co-présidée par le Département et l’Etat, rassemble l’ensemble des partenaires socio-économiques institutionnels, universitaires et associatifs intervenant dans le champ de la précarité-pauvreté en Gironde ; elle s’est réunie à six reprises depuis la création de l’OGPP.

Pour renforcer son armature, l’OGPP peut s’appuyer sur son inscription au sein de l’organisation départementale, au sein d’un service d’observation et prospective sociale de la direction générale adjointe en charge de la solidarité, ainsi que sur deux conventions de collaboration (avec le département de démographie de l’université de Bordeaux depuis 2009 et l’institut régional du travail social depuis 2015).

Les travaux de l’OGPP empruntent les méthodologies quantitatives et qualitatives. Concernant la première, cette année, l’OGPP produira son quatrième rapport qui, en s’appuyant sur une série d’indicateurs et de données, fait l’état des lieux des années (2008-2015) marquées par la persistance de la détérioration du climat économique.

Parallèlement, depuis sa création, l’OGPP a organisé un certain nombre de focus thématiques, explorant une dimension qualitative qui interpelle les postures professionnelles sur différentes problématiques que rencontrent les personnes en situation de précarité. Cette exploration est réalisée sous forme d’ateliers investis en lieux d'échanges autour d'informations de terrain.

1 Par délibération en plénière du 18 décembre 2008. 2 La CGPP est animée par un Secrétaire général, Michel Blanchard, personnalité du monde associatif, actuellement Président du Comité Régional des Bénévoles de l'Agence Aquitain-Limousin-Poitou-Charentes de la Fondation Abbé Pierre.

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C’est ainsi que, depuis 2009, plusieurs axes d’exploration ont permis d’appréhender la précarité en lien avec :

L’âge : 1- les personnes âgées de 60 ans et plus, 2- les jeunes majeurs de 18 à 25 ans,

Le type de ménage : 3- les problématiques des familles monoparentales,

Le logement : 4- la précarité énergétique, 5- le logement, 6- le parcours des précaires dans le parc du logement, 7- la précarité et son expression face à l’hébergement d’urgence,

Le territoire de vie : 8- la précarité-pauvreté en milieu rural, 9- aménagement du territoire : territoire subi, territoire choisi, 10- Urbanités, ruralités du point de vue de la pauvreté.

L’activité : 11- les travailleurs pauvres,

La santé : 12- la santé 13- nutrition-santé.

La loi du 21 février 20143 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine place la santé des personnes en situation de précarité au cœur des réflexions du gouvernement en visant l’objectif de « développer la prévention, promouvoir l’éducation à la santé et favoriser l’accès aux soins », notamment pour les plus démunis. Il a semblé utile à l’OGPP d’aller plus loin sur cette thématique déjà abordée dans ses ateliers qualitatifs précédents. Dans cette perspective, nous nous sommes appuyés sur les travaux réalisés sous la responsabilité de Michel Legros, auteur du dernier rapport4 de l’ONPES, sur ce thème (« Santé et accès aux soins : pour un accès plus égal et facilité à la santé et aux soins »). Ces travaux ont conduit à la production d’un rapport5 qui, dans le cadre de l’élaboration du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, a alimenté les travaux préparatoires à la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale des 10 et 11 décembre 2012.

Localement, au plan régional, cette thématique a été également reprise, en 2014, par le Conseil consultatif régional (aquitain) des personnes accueillies qui a pour objectif de favoriser la collaboration, des personnes concernées par les situations d’exclusion et de pauvreté, à l’élaboration et au suivi des politiques publiques. Ses travaux avaient abouti à

3 loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. 4 Rapport de l’ONPES, « L’invisibilité sociale : une responsabilité collective », Juin 2016. 5 « Santé et accès aux soins : pour un accès plus égal et facilité à la santé et aux soins », Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, 29 novembre 2012,53 p.

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une série de recommandations qui ont fait l’objet d’un courrier à l’ARS (Agence régionale de santé) Aquitaine.

Il a ainsi été décidé de consacrer un cycle d’approfondissement à l’accès à la santé des personnes en situation de précarité en s’appuyant sur la collaboration engagée, depuis la création de l’OGPP, avec l’université de Bordeaux ainsi que sur une nouvelle convention avec l’IRTS (Institut régional du travail social) Nouvelle-Aquitaine. Un comité de suivi technique, composé de représentants de l’ARS, la DDCS (Direction départementale de la cohésion sociale), l’ORSA (Observatoire régional de santé d’Aquitaine), l’université de Bordeaux, l’IRTS et le Département, a également été constitué, dès juin 2014, pour la construction méthodologique des travaux. Ces derniers devaient permettre l’identification des problèmes et des leviers d’action sur les territoires girondins par l’interrogation des acteurs des territoires qui travaillent auprès de publics en situation de précarité ainsi que d’un échantillon de personnes connues des MDSI (maisons départementales de la solidarité et de l’insertion du Département). Cette première phase d’exploration a été complétée par une enquête conduite auprès des travailleurs sociaux des MDSI afin d’appréhender les méthodologies d’intervention en service social sur l’accès à la santé. L’IRTS Nouvelle-Aquitaine s’est saisi de cette dernière phase en organisant un séminaire, le 28 avril 2016, pour restituer les résultats de l’enquête et préparer leur traduction dans les programmes de formation des travailleurs sociaux à venir en Aquitaine.

L’enjeu de l’observation se situe bien dans son utilité pour l’action et nous souhaitons que vous trouviez, dans ce Livret thématique sur l’accès à la santé des personnes en situation de précarité, des ingrédients de cette utilité.

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I- Eléments de contextualisation territoriale

Le choix d’organiser des ateliers territorialisés sur le thème « précarité et santé » implique, de la part de l’OGPP, une démarche préalable de contextualisation6. Elle a permis, en introduction de chaque atelier, de situer les débats qui s’y sont tenus. Cette démarche se justifie d’autant plus que les territoires affichent de nettes disparités de mortalité (notamment si l’on en distingue les causes), qui constituent les conséquences les plus extrêmes et les plus objectivables des différences territoriales de santé.

La contextualisation proposée s’appuie donc sur les écarts de mortalité par cause et de densité médicale des territoires girondins mis en perspective au regard d’une appréhension plus globale des espaces pour mieux comprendre le lien entre les différentes formes de manifestation territoriale de la pauvreté et les inégalités spatiales de santé ici mesurées. En effet, les territoires girondins n’échappent pas à ces relations même si la spécificité viticole du département vient en modifier quelques conséquences tant sociales que sanitaires.

A- Logiques de peuplement et formation des inégalités sociales et sanitaires entre les territoires

1. Parcours de vie, habitat et territoire

Les différences sociodémographiques entre les territoires dépendent principalement de deux facteurs :

- La composition initiale de la population et ses comportements naturels (mortalité, mais surtout, fécondité),

- Les flux de mobilité résidentielle (autrement dit, les migrations internationales et intra-nationales).

S’agissant des grandes populations (pays, régions), leur composition initiale et leurs comportements naturels jouent un rôle déterminant, laissant un poids souvent moins important aux migrations (bien que leur contribution soit parfois déterminante). S’agissant de plus petits territoires (villes, cantons, communautés de communes,….), les migrations, surtout intra-nationales, constituent le facteur prédominant du renouvellement rapide de ces populations et sont donc à l’origine de leur composition par âge et par groupes sociaux et des fortes différences spatiales existant en la matière. Ces migrations entre territoires sont essentiellement structurées par trois logiques interférant les unes avec les autres :

- Les caractéristiques naturelles et l’aménagement de l’espace qui définissent à la fois les opportunités économiques et professionnelles, les avantages en termes de cadre de vie et l’accès aux équipements et aux services. Cela explique que l’on retrouve certaines

6 Voir présentation de la population des PTS en annexe A au présent document.

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professions beaucoup plus concentrées dans certains territoires, comme c’est, par exemple, le cas pour les ouvriers agricoles de la viticulture dans une partie des espaces ruraux girondins, ou pour les cadres de l’industrie à proximité de la technopole Ouest. Cela explique aussi la croissance migratoire rapide de la population des littoraux et de leur arrière-pays.

- Les parcours de vie des personnes, dont les étapes touchant tout ou partie d’une génération (études et formation, entrée dans la vie professionnelle, parentalité, perte d’emploi, rupture familiale, sortie d’activité, perte d’autonomie), sont diversement associées à des territoires spécifiques. Ainsi, les jeunes adultes suivant des études supérieures vont résider préférentiellement dans les parties centrales d’une grande ville, à la fois pour se trouver à proximité des sites universitaires et pour se trouver dans un espace où des personnes de même âge sont concentrées. De même, beaucoup de personnes souhaitent élever leurs enfants dans une maison avec jardin, ce qui conduit nombre d’entre eux à s’installer en périphérie urbaine, où ce type d’habitat est plus présent (via les logements anciens ou les terrains restant à bâtir).

- Le coût du logement varie fortement en fonction de l’attractivité des territoires qui, elle-même, reflète les interactions entre les parcours de vie et les caractéristiques naturelles et l’aménagement de l’espace. Cette concurrence pour l’habitat, via les ressources des ménages, tend à accroître la dimension socio-économique de ces interactions. Cette concurrence est particulièrement importante dans un département comme la Gironde, qui comprend un littoral et une métropole attirant beaucoup les habitants d’autres régions françaises.

Ces trois facteurs concourent à engendrer de fortes concentrations des groupes sociodémographiques dans l’espace, selon l’âge et les caractéristiques familiales des ménages, mais aussi selon le niveau de diplôme, la catégorie sociale, les revenus et le secteur d’activité.

2. Systèmes sociodémographiques-spatiaux et formation des inégalités territoriales de santé

Logiquement liée aux différences territoriales de pauvreté, la concentration des groupes sociodémographiques dans l’espace implique aussi des disparités en matière de santé. Cette relation entre différences territoriales de pauvreté et disparités sanitaires résulte essentiellement de quatre facteurs :

- Le niveau d’éducation joue un rôle déterminant à travers les modes de vie et les comportements de prévention, c’est notamment le cas en matière de consommation alimentaire ou de recours aux examens de dépistage et de suivi. Or les situations de pauvreté sont très surreprésentées parmi les populations où le niveau d’éducation est plus faible.

- Les conditions de travail (très liées à la catégorie sociale et au secteur d’activité) sont l’autre élément très structurant des inégalités spatiales de santé et de leur corrélation avec la pauvreté. C’est particulièrement vrai dans des secteurs comme l’agriculture et le bâtiment-travaux publics où les basses rémunérations sont fréquentes, tout comme les contacts avec des substances potentiellement nocives et les efforts et traumatismes imposés à l’organisme.

- L’accès aux soins, à travers le non recours à certains droits sociaux pour beaucoup de personnes en situation de précarité, en raison de la complexité de certains dispositifs ou de certaines configurations administratives considérées inextricables par des personnes

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qui identifient d’autres urgences (alimentation, habitat, enfants,….). Le fait qu’une partie des populations pauvres soient surreprésentées dans les territoires ruraux où la densité médicale (notamment en spécialistes) est faible, rend plus difficile l’accès aux soins pour des personnes pour lesquelles la mobilité n’est pas évidente.

- Les problèmes de santé, en particulier lorsqu’ils se traduisent par un handicap, engendrent parfois des situations de pauvreté durable, surtout pour les personnes socialement isolées. Cette relation très nette à l’échelle individuelle (forte surreprésentation des personnes confrontées à la pauvreté parmi celles ayant eu de graves problèmes de santé), l’est cependant moins à l’échelle territoriale car la majorité des pauvres le sont pour d’autres raisons.

Au total, en France, à l’échelle des petits territoires, on constate une corrélation assez importante entre pauvreté et mortalité selon diverses causes. On peut cependant observer que cette relation n’est pas linéaire, essentiellement pour deux raisons. D’une part, selon les territoires, la pauvreté se manifeste de différentes façons associées à des situations sanitaires différentes et se traduisant par des surmortalités distinctes (que ce soit en termes d’âge ou de causes de décès). D’autre part, au-delà des différences sociales (donc du niveau et de la forme de pauvreté), il subsiste en France des écarts régionaux de mortalité assez importants. Ces tropismes régionaux de mortalité sont plus nets pour certaines causes et pour le cœur des âges actifs (35-59 ans), ils sont très souvent liés à la consommation d’alcool et plus généralement aux comportements alimentaires, tout en renvoyant aussi à des expositions professionnelles spécifiques très localisées (travaux d’extraction minière, par exemple). D’où la nécessité de ne pas se limiter à des mesures de corrélation entre les indicateurs de pauvreté et les divers taux de mortalité (selon l’âge ou selon la cause7) ou les indices de densité médicale8, mais de rendre compte de la variété de ces liaisons selon les espaces.

B- Principales configurations démographiques, économiques, sociales et sanitaires des territoires français

On peut différencier les territoires de France métropolitaine en se basant sur une série d’indicateurs : - sociodémographiques (densité, répartition par âge et par type de ménage, fréquence et

ancienneté de l’immigration internationale), - socio-économiques (répartition par niveau d’éducation, par catégories sociales et

secteurs d’activité, revenu médian), - et plus spécifiquement liés à la pauvreté (revenus les plus bas, fréquence des bas

salaires, chômage selon les âges, inactivité parmi les personnes d’âge actif).

7 S’agissant des taux de mortalité par cause, on neutralise l’effet parasite des différences de composition par âge des territoires en calculant un indice standardisé : l’indice comparatif de mortalité par cause. 8 Les indices de densité médicale sont, eux aussi, standardisés selon l’âge, de façon à, là encore, éliminer son effet parasite dans la comparaison des territoires.

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1. La situation sanitaire des territoires en grande difficulté sociale

Les territoires les plus touchés par la pauvreté sont assez diversement affectées par les problèmes de santé.

S’agissant de banlieues urbaines, la densité médicale y est plutôt élevée, bien qu’elle concerne surtout les médecins généralistes, les soins de spécialité y étant plus rares. Cette relative rareté des praticiens spécialisés est par exemple très problématique dans les bassins ouvriers en crise du Nord et de l’Est de la France et dans certaines petites villes cumulant les difficultés sociales comme on en trouve à l’Est de la Gironde.

L’appréciation des problèmes de santé via d’éventuelles surmortalités montre une situation très défavorable pour les bassins ouvriers en crise du Nord et de l’Est de la France et dans certaines petites villes cumulant les difficultés sociales, avec une surmortalité pour presque toutes les causes (notamment chez les moins de 60 ans), le phénomène étant particulièrement marqué pour les morts violentes (accidents, suicides et homicides), mais aussi pour la mortalité liée à l’alcool. Cette surmortalité liée à l’alcool touche davantage les bassins industriels en crise du Nord de la France (+125%) que les petites villes en grande difficulté sociale. De manière générale, la surmortalité est moins forte dans les banlieues urbaines cumulant les difficultés sociales. On y observe même une sous-mortalité par suicide et par accident, et, s’agissant de la banlieue parisienne, une sous-mortalité liée à l’alcool. En revanche, ces banlieues urbaines en difficulté sociale connaissent une surmortalité par maladies infectieuses et, lorsqu’elles se trouvent dans des métropoles de province, une surmortalité par cancer et par homicides, qui sont aussi présentes dans les Hauts de Garonne. Dans ces banlieues urbaines comme dans les petites villes en grande difficulté sociale, les homicides contribuent de façon anecdotique à la mortalité globale, leur surreprésentation révèle par contre une situation particulièrement problématique en matière de violence.

2. Les situations sociales et sanitaires les plus favorables

Les périphéries pavillonnaires à peuplement familial des grandes villes françaises constituent les seuls espaces où, quelle que soit sa forme ou ses facteurs, la pauvreté est peu fréquente. Ce constat plutôt favorable dans le domaine économique et social doit toutefois être nuancé dans le champ sanitaire. De fait, si la densité médicale est globalement élevée dans ces périphéries urbaines, on doit néanmoins distinguer :

- les zones pavillonnaires de Brest et des grandes villes du Nord et de l’Est (Arras, Lens, Valenciennes, Metz, Nancy), où cette densité n’est que légèrement supérieure à la moyenne nationale et où la médecine de spécialité est plutôt sous-représentée ;

- de celles des très grandes villes avec une dynamique économique à très forte valeur ajoutée (Paris, Toulouse ou Grenoble), où la surdensité médicale est très nette, y compris s’agissant de la plupart des spécialistes ;

- celles des autres très grandes villes (Bordeaux, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Rennes, Strasbourg) présentant une situation intermédiaire.

Ces périphéries pavillonnaires bénéficient d’une sous-mortalité quel que soit l’âge et la cause étudiés. C’est particulièrement vrai des périphéries pavillonnaires des très grandes villes disposant d’un tissu économique à très forte valeur ajoutée (Paris, Toulouse et Grenoble), avec de très nettes sous-mortalités aux âges actifs et par les causes violentes ou celles liées à l’alcool. Dans les périphéries pavillonnaires familiales de la plupart des autres grandes villes (comme Bordeaux), les sous-mortalités ont un profil semblable (âges actifs et causes violentes) mais sont un peu moins

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marquées. Seules les périphéries pavillonnaires de villes un peu moins grandes situées dans le Nord et l’Est de la France présentent, une situation différente avec des surmortalités non négligeables pour la plupart des âges et des causes. La situation socio-économique des habitants de ces périphéries pavillonnaires de villes du Nord et de l’Est est, certes, un peu moins favorable que celle des périphéries pavillonnaires des autres grandes villes, mais elle l’est cependant beaucoup plus que celles de territoires dont la mortalité est bien inférieure. On retrouve ici probablement la trace d’une double contextualisation : régionale et liée aux bassins d’emploi. En effet, ces villes sont situées dans les régions historiques d’une surmortalité associée aux conditions de travail (ce qui concerne peu les habitants de périphéries pavillonnaires plutôt aisées) mais aussi à l’alimentation et la consommation d’alcool (ce qui est moins lié au niveau de vie). De plus, elles sont presque toutes inscrites dans des bassins d’emploi connaissant une grave crise sociale. Autrement dit, il n’est pas impossible que ces difficultés collectives atteignent dans leur santé des populations n’étant pourtant pas directement concernées mais vivant dans un contexte globalement défavorable.

3. Situations intermédiaires et territoires polarisés

Il existe de nombreuses situations territoriales intermédiaires en termes de pauvreté des populations qui y résident. On s’attachera à présenter cinq d’entre elles qui présentent des configurations assez spécifiques.

Il s’agit notamment de territoires dans lesquels la plupart des formes et des facteurs de pauvreté sont présents avec une fréquence substantielle sans être extrême, comme les espaces ruraux ouvriers, qui sont très représentés en Gironde.

Dans un contexte un peu différent, avec une population plus âgée et une dynamique plus agricole reposant sur de plus petites exploitations, on constate une situation assez proche en termes de formes et de facteurs de pauvreté dans des espaces ruraux plus isolés.

On observe aussi cette importance intermédiaire d’une pauvreté multifactorielle dans certains territoires périphériques des grandes villes du Sud de la France (comme Bordeaux) où l’économie résidentielle prédomine largement et où les situations familiales difficiles jouent un rôle plus important dans la pauvreté.

On peut aussi constater des espaces touristiques où les salaires sont faibles en raison de la présence d’emploi saisonnier, le chômage y étant variable selon l’amplitude des saisons, lorsqu’il s’agit de tourisme haut de gamme.

On identifie enfin des territoires urbains centraux où la pauvreté est fréquente sous plusieurs de ses formes mais où elle côtoie des situations d’aisance matérielle. Cette polarisation interne est particulièrement frappante au cœur de la métropole parisienne, avec la coexistence de salariés très mal rémunérés avec une forte précarité d’emploi (notamment des immigrants primo-arrivants) et de populations à statut éducatif, social et économique très favorisé. Les conséquences de ces inégalités sont accrues par le coût très élevé du logement dans ces territoires. Une telle polarisation est aussi perceptible dans les parties centrales des grandes agglomérations de province (dont Bordeaux). Ces parties centrales des villes de province se différencient cependant du cœur de l’aire parisienne, avec de moindres écarts de ressources économiques au sein de la population liés à une plus grande fréquence des revenus bas et intermédiaires et à une moindre fréquence des revenus élevés. Tout d’abord, la présence des étudiants y est bien plus massive, de ce fait, certains d’entre eux, fiscalement indépendants (boursiers ou salariés), accroissent le niveau de pauvreté. Ensuite, le coût de l’habitat y est moindre, ce qui permet, à la fois, à certains isolés en grande difficulté sociale d’habiter les petits appartements du parc privé et à des ménages de revenus intermédiaires d’y être

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propriétaires de leur logement. Enfin le départ de jeunes diplômés n’obtenant d’emploi correspondant à leur qualification qu’en Ile de France, réduit d’autant la proportion de personnes à revenus élevés dans ces parties centrales des grandes villes de province.

En termes de densité médicale quantitative ou qualitative (accès aux spécialités médicales) les territoires intermédiaires ou polarisés sur le plan socio-économique obéissent d’abord à gradient urbain/rural, avec une accessibilité à la médecine générale de proximité et à la médecine spécialisée d’autant plus facile que l’espace est densément urbanisé et central dans le système urbain. L’attractivité touristique et climatique vient pondérer ce gradient, les territoires du Sud et, à un moindre degré, de l’Ouest étant, à niveau d’urbanisation équivalent, plutôt mieux dotés que ceux du Nord et de l’Est, l’écart entre grandes régions étant d’autant plus important que le territoire est rural.

Parmi les territoires intermédiaires en termes de situation socio-économique, des espaces ruraux très isolés voient coexister faibles, voire très faibles densités médicales, et certaines des situations de surmortalité les plus nettes. Cette situation (faibles densités médicales et surmortalités multifactorielles) se retrouve aussi dans les espaces ruraux ouvriers (très présents en Gironde). S’agissant des espaces ruraux ouvriers du Sud-Ouest de la France, sans être élevées, les densités médicales de généralistes ne sont pas aussi faibles que les territoires semblables des régions du Nord. De même, dans les espaces ruraux ouvriers du Sud-Ouest, la surmortalité est plus modeste et moins multifactorielle, puisqu’elle se limite aux suicides, aux accidents et aux maladies cardio-vasculaires.

Dans les espaces urbains dominés par l’économie résidentielle (comme c’est le cas de nombreux territoires girondins de l’agglomération bordelaise ou des parties les moins touristiques du Bassin d’Arcachon) la densité médicale est élevée. S’agissant de médecine de proximité cette densité est ainsi à peine inférieure dans ces périphéries à ce qui peut être observé dans les espaces urbains centraux. S’agissant de médecine de spécialité, la situation est plus hétérogène, certains de ces territoires étant moins bien dotés que d’autres, et certaines spécialités pouvant s’avérer en incapacité de faire face aux besoins. En termes de mortalité, le niveau global observé dans ces territoires urbains s’écarte peu de la moyenne nationale (à l’exception des jeunes en légère surmortalité).

De manière générale, dans les espaces touristiques, la densité médicale est d’autant plus élevée qu’il s’agit d’un territoire urbanisé et « haut de gamme » en matière de services et d’attractivité touristiques. Ainsi, elle est très élevée sur la Côte Basque, plutôt élevée à Arcachon et plutôt faible à Soulac. On retrouve ce gradient en termes de mortalité, avec des surmortalités nettes à presque tous les âges et pour presque toutes les causes à Soulac, alors qu’à Arcachon on constate une sous-mortalité globale, seuls les homicides et la cause alcoolique (peu importants quantitativement, mais socialement expressifs) engendrent une surmortalité.

Dans les espaces urbains centraux, les densités médicales très élevées sont la règle, qu’il s’agisse de médecine de proximité ou de spécialité. Très nettes et quasi-systématiques pour Paris et sa proche banlieue, les sous-mortalités sont, en moyenne, moins marquées dans les parties centrales des grandes villes de province. Comme à Paris, les décès par maladie infectieuse sont légèrement surreprésentés, mais, à la différence de Paris les décès par tumeur le sont aussi un peu, mais surtout, les surmortalités par homicide et par cause liée à l’alcool y sont assez fortes.

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C- Les territoires girondins : conformités et spécificités socio-sanitaires

A certains égards, la Gironde présente un aspect paradoxal, dans la mesure où elle est à la fois : - très proche des moyennes nationales pour de nombreux indicateurs socio-économiques

(pauvreté et chômage notamment), mais aussi de mortalité globale (avec une très légère sous-mortalité),

- très diverse, puisqu’en dépit de ce niveau intermédiaire global dans l’échelle des difficultés sociales, les territoires parmi les plus touchés par la pauvreté et les territoires parmi les plus épargnés sont très présents en Gironde,

- sensible aux spécificités régionales de mortalité, en effet, les territoires girondins présentent des spécificités sanitaires communes aux régions du Sud ou du Sud-Ouest,

- un département dont le tissu économique est en même temps, assez banalement, celui d’une grande métropole régionale, et, plus spécifiquement, assez marqué par de petits bassins industriels ruraux (vallée de l’Isle, par exemple), et de façon assez unique en France, un espace de grande production viticole recourant massivement à la main d’œuvre ouvrière.

Au-delà des conformités et des éventuels décalages (plus ou moins importants) que peuvent présenter les divers espaces girondins, on peut synthétiser la dynamique socio-sanitaire du département selon quatre éléments clés. Dans une perspective territoriale plus détaillée le développement de cette réflexion se trouve dans les fiches des pôles de solidarité (Annexe) qui ont servi à introduire chacun des 9 ateliers territoriaux.

1. Une population de périphérie pavillonnaire « typique »

Qu’il s’agisse de caractéristiques sociodémographiques (composition par âge, par type de ménage ou par niveau de diplôme), socio-économiques (répartition socio-professionnelle, secteurs d’activité, revenus, chômage, inactivité, pauvreté) ou démo-sanitaires (densité médicale, mortalité), les espaces pavillonnaires aisés de la périphérie Ouest et Sud de Bordeaux se différencient très peu des autres territoires français comparables. On y retrouve :

- la surreprésentation des couples biactifs avec enfants, des adultes diplômés du supérieur, des cadres (notamment de l’industrie), des ménages à revenus moyens et élevés,

- la sous-représentation des personnes seules de tous âges, des familles monoparentales, des ouvriers, des ménages à faibles et très faibles revenus, des chômeurs, des inactifs,

- une densité médicale élevée, notamment en soins de proximité, - une sous-mortalité pour la plupart des âges et des causes.

On peut néanmoins signaler quatre petites nuances. La première, d’ordre démographique, reflète la moindre fécondité de l’Aquitaine, d’où des familles de plus petite taille dans les territoires périurbains pavillonnaires aisés de Gironde. La deuxième, renvoie aux particularités de l’offre médicale du Sud de la France, avec une densité médicale encore plus importante dans la périphérie pavillonnaire aisée de Bordeaux qu’elle ne l’est en moyenne dans les territoires semblables. La troisième est une mortalité par homicide supérieure à la moyenne nationale. La quatrième traduit l’offre importante d’EPHAD dans la périphérie pavillonnaire de Bordeaux, qui favorise l’installation de personnes très âgées en mauvaise santé, d’où une légère surmortalité chez les 80 ans et plus.

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2. Une polarisation sociale intra-urbaine assez forte dont les conséquences sanitaires restent néanmoins atténuées

Dans les parties plus centrales de la métropole bordelaise, dans ses périphéries dominées par les actifs de l’économie résidentielle ou dans ses parties concentrant davantage de difficultés sociales, on constate une tendance à la polarisation sociale entre des populations en grande difficulté, des populations dont les revenus modestes rendent difficile l’adaptation au coût croissant du logement et des populations diplômées à revenus intermédiaires et élevés. Déjà existante dans les années 1970, cette tendance à la polarisation s’est accrue au cours des dernières décennies, à travers plusieurs phénomènes :

- l’installation et la persistance d’un chômage de masse, plongeant davantage de personnes dans les difficultés lors de chaque crise, avec une accélération suite à la crise récente,

- l’élévation du niveau de diplôme, entraînant la présence massive des étudiants et des jeunes diplômés en début de vie professionnelle dans les parties centrales de la ville et à proximité des sites d’enseignement supérieur,

- la hausse du coût du logement (notamment à Bordeaux, du fait de l’accroissement de l’attractivité de la métropole, laquelle a un bilan social ambigu – créations d’emplois via la dynamique associée à l’attractivité mais hausse du coût du logement et concurrence difficile pour l’entrée en emploi des jeunes adultes –) ; elle implique le départ des familles à revenus modestes vers des périphéries lointaines, la concentration plus importante des ménages en difficulté (professionnelle et/ou familiale), dans certains territoires, l’installation de familles à revenus intermédiaires, voire élevés, dans des espaces habituellement peuplés par des ménages à revenus modestes et, dans les appartements du parc privé ancien, le développement d’un habitat locatif de médiocre qualité, parfois surpeuplé,

- la croissance de l’immigration internationale au début des années 2000, avec l’arrivée de primo-migrants dans les parties denses des villes où leur réseau leur permet de limiter l’ampleur de leur sous-emploi dans des conditions qui restent néanmoins difficiles.

Par bien des aspects, les parties centrales de l’aire bordelaise présentent un profil très semblable à celui du cœur des autres grandes villes de province (surreprésentation des étudiants, des jeunes adultes en début de vie professionnelle, des diplômés du supérieur, des immigrés, des personnes seules, des familles monoparentales, des chômeurs, des faibles revenus et sous-représentation des couples avec enfants, des personnes âgées et des ouvriers). On peut toutefois remarquer que la surreprésentation des diplômés et des cadres y est encore plus marquée, alors que la surreprésentation des immigrés y est un peu moindre, de même que celle des chômeurs, la situation sociale étant un peu plus favorable. La densité médicale dans les parties centrales de l’aire de Bordeaux est encore plus importante qu’elle ne l’est dans les territoires semblables, cette légère spécificité se retrouve dans beaucoup d’autres villes de province du Sud de la France, notamment s’agissant des spécialistes. La sous-mortalité qui caractérise les espaces urbains centraux est encore plus marquée à Bordeaux, la mortalité liée à l’alcool qui fait partie des rares causes de décès surreprésentées dans ces espaces urbains centraux, ne l’est pas à Bordeaux, situation caractérisant aussi les territoires semblables des autres régions du Sud. En revanche, les homicides (anecdotiques en termes de contribution à la mortalité globale, mais socialement expressifs des problèmes de violence) y sont davantage surreprésentés que dans les autres espaces urbains centraux.

Les espaces urbains intermédiaires, dont les actifs sont surreprésentés dans l’économie résidentielle sont assez semblables en Gironde à ce qu’ils sont ailleurs (peuplement plutôt familial, familles monoparentales très présentes, surreprésentation des emplois de service faiblement qualifiés, relative aisance matérielle des plus de 35 ans, difficultés sociales pour les plus jeunes). On identifie

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toutefois trois spécificités sociodémographiques et économiques girondines dans ces espaces : une sous-représentation de l’immigration étrangère (alors qu’elle plutôt surreprésentée dans ces territoires, notamment parmi les plus de 25 ans dans les périphéries des villes méditerranéennes) ; des taux d’activité féminins assez élevés (alors qu’ils sont plutôt faibles parmi les femmes de ces territoires notamment parmi celles des périphéries des villes méditerranéennes) ; une fréquence de la pauvreté nettement plus basse, notamment en raison de l’activité féminine. Ce genre de territoires regroupant surtout des espaces du Sud de la France, la densité médicale y diffère peu en Gironde. En revanche, alors que ce type de territoires, n’affiche globalement ni sous-mortalité, ni surmortalité, en Gironde, ces espaces présentent une sous-mortalité globale assez nette. Cette particularité vient surtout des jeunes, qui dans ces territoires girondins de périphérie urbaine, ne présentent pas de surmortalité, notamment par accident.

En Gironde, les Hauts de Garonne, présentent peu de spécificités sociodémographiques ou économiques au regard des banlieues cumulant les difficultés sociales dans les autres grandes villes de province : la population y est plutôt jeune du fait de la présence de familles avec enfants, notamment monoparentales ; l’immigration internationale est très surreprésentée ; les niveaux d’éducation sont plutôt faibles, relativement à toutes les générations d’adultes, mais les qualifications le sont davantage ; le sous-emploi est massif (chômage et inactivité féminine) ; les rémunérations assez basses et la pauvreté très fréquente. En termes de densité médicale, les Hauts de Garonne ne sont pas marqués par une insuffisance quantitative, l’offre de soins de proximité y est même plus importante que dans des espaces semblables d’autres agglomérations. Cette forte densité, caractéristique du monde urbain, n’exclut cependant pas que la présence de certaines spécialités médicales soit trop faible. La modeste surmortalité affectant les banlieues urbaines cumulant les difficultés sociales ne se retrouve pas dans les Hauts de Garonne. Cette meilleure situation girondine provient essentiellement des moins de 60 ans, elle s’explique par une mortalité liée à l’alcool et aux accidents beaucoup plus faible dans les Hauts de Garonne que dans les banlieues cumulant les difficultés sociales de beaucoup d’autres villes.

Au total, la polarisation démographique, sociale et économique de l’aire urbaine bordelaise est forte et assez semblable à ce que l’on peut rencontrer dans la moyenne des aires urbaines d’importance comparable. Cette polarisation se manifeste entre les différents territoires qui composent l’aire urbaine, mais aussi au sein d’un même territoire avec l’existence de fortes inégalités dans un environnement plus ou moins partagé. Les conséquences sanitaires de cette polarisation ne sont pas mineures (notamment en termes de densité de la médecine de spécialité, mais aussi de différences de mortalité, en niveau et en profil par âge et par cause), mais elles n’atteignent pas les situations constatées dans d’autres villes pourtant comparables. Ces moindres conséquences sanitaires de la polarisation démographique, sociale et économique de l’aire bordelaise tiennent pour l’essentiel à des logiques régionales qui caractérisent à la fois le Sud de la France et, de façon plus anecdotique, le Sud-Ouest.

3. Des spécificités sanitaires « Sud »

De manière générale, la densité médicale est plus élevée dans les régions du Sud de la France. Cela se vérifie pour presque tous les territoires girondins en comparaison de territoires français socialement comparables. C’est particulièrement net pour :

- les Hauts de Garonne, qui, par rapport aux banlieues cumulant les difficultés sociales dans d’autres villes de province, présentent de très fortes densités médicales, s’agissant au moins des soins de proximité,

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- les espaces ruraux ouvriers girondins, qui ne sont pas confrontés aux sous-densités médicales très marquées (pour les soins de proximité comme pour les soins spécialisés) des territoires semblables dans le Nord et l’Est de la France,

- la périphérie pavillonnaire aisée de Bordeaux où les densités médicales sont encore plus fortes que dans les territoires semblables d’autres grandes villes, pourtant déjà favorisés sur ce plan (notamment en soins de proximité).

De manière générale, le « Sud » de la France (au sens large, puisqu’il s’agit plutôt d’un « Û » allant de la région nantaise au Jura contournant le Massif Central et coiffé par l’Ile de France) connaît une sous-mortalité manifeste. S’agissant des cancers et des maladies de l’appareil respiratoire, cette sous-mortalité reproduit clairement ce « Û » et elle s’en approche pour les suicides. Sans être un des départements où la mortalité est la plus faible de France (Paris, la Haute-Garonne, le Rhône, les Deux-Sèvres ou les Pyrénées-Atlantiques ont une sous-mortalité plus marquée), la Gironde appartient à ce « Û ». Elle se trouve ainsi en sous-mortalité pour la plupart des causes (à l’exception, très légère des maladies infectieuses, et, de façon plus nette, des homicides, quantitativement très modestes, mais socialement expressifs). Toutefois, comme on l’a dit, à l’échelle de la France entière, comme de la Gironde les écarts de mortalité entre les catégories de territoires sont importantes, traduisant ainsi, sous l’angle le plus tragique, la liaison entre santé et difficultés sociales. C’est pourquoi, pour tenter de neutraliser le facteur social et rendre compte d’une éventuelle sous-mortalité girondine, on compare les territoires girondins avec des espaces socialement comparables. Dans la plupart des cas, les espaces girondins ont une mortalité plus faible que celle observée, en moyenne, dans des territoires socialement proches. C’est particulièrement net pour :

- les espaces ruraux ouvriers du Nord et de l’Est de la France connaissent une nette surmortalité alors qu’elle est légère dans les espaces ruraux ouvriers girondins, l’écart étant particulièrement net pour le suicide, les maladies respiratoires et la mortalité liée à l’alcool,

- les Hauts de Garonne connaissent une surmortalité beaucoup moins marquée que celle observée dans la plupart des autres banlieues urbaines de province en grande difficulté sociale ; dans les Hauts de Garonne on constate une sous-mortalité par maladie respiratoire et liée à l’alcool alors que dans beaucoup de banlieues en difficultés d’autres villes de province, c’est au contraire une surmortalité qui prévaut pour ces causes de décès,

- l’espace urbain central de l’agglomération bordelaise affiche une sous-mortalité plus marquée que celle observée dans beaucoup de parties centrales d’autres grandes aires urbaines de province ; c’est particulièrement vrai des accidents et des suicides, mais aussi des causes d’origine alcoolique pour lesquelles les parties centrales de l’agglomération de Bordeaux présentent une nette sous-mortalité alors qu’en moyenne dans les parties centrales de beaucoup d’autres grandes agglomérations on observe une surmortalité par cette cause (seuls les homicides font exception avec, dans l’agglomération bordelaise, une surmortalité plus forte par cette cause),

- en Gironde, les espaces urbains périphériques dominés par l’économie résidentielle présentent une légère sous-mortalité alors que l’ensemble des espaces semblables ne présentent pas cette légère sous-mortalité. Ce sont notamment les accidents qui s’avèrent plus rares dans cette partie de la Gironde au regard de leur fréquence dans les territoires comparables.

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4. La particularité viticole

La très forte présence des activités viticoles en Gironde se traduit par une surreprésentation très importante des ouvriers agricoles. Pauillac et Pellegrue sont ainsi les cantons français où cette profession est la plus répandue, et parmi les 18 cantons ayant les proportions d’ouvriers agricoles les plus élevées, 9 sont girondins (dans le Médoc et dans l’Est du département). Il s’agit de petites villes en grande difficulté sociale et d’espaces à dominante ouvrière et/ou agricole. Dans ces 9 cantons girondins, les ouvriers agricoles représentent ainsi entre le dixième et le tiers des actifs ayant un emploi. Compte tenu de leurs conditions d’emploi et de travail, cette surreprésentation des ouvriers agricoles implique à la fois des conséquences sociales, et, à un moindre degré, sanitaires. De fait, les ouvriers agricoles touchent des rémunérations annuelles parmi les plus basses, en raison d’un faible ratio horaire se combinant avec la saisonnalité de leurs travaux, s’y ajoute une précarité importante avec une forte rotation des personnels favorisant, à l’échelle des territoires, le chômage et les retraits, plus ou moins temporaires, de l’activité. De ce fait, la pauvreté est nettement plus fréquente dans une grande partie des espaces ruraux girondins qu’elle ne l’est dans les espaces ruraux du Grand Sud-Ouest où les ouvriers agricoles sont beaucoup moins présents alors que les exploitants indépendants y sont davantage surreprésentés. Bien que moins marquées, on peut constater quelques conséquences sanitaires de cette spécificité viticole girondine. Alors que de nombreux espaces ruraux du Grand Sud-Ouest présentent une nette sous-mortalité, elle l’est beaucoup moins dans les espaces ruraux girondins. De façon apparemment paradoxale, la surreprésentation des ouvriers agricoles de la viticulture n’entraîne aucune particularité en termes de mortalité liée à l’alcool. En revanche, on observe, dans l’espace rural girondin, des surmortalités violentes (accidents, suicides et homicides) et des surmortalités par maladies infectieuses et respiratoires, rarement observées dans les autres espaces ruraux du Grand Sud-Ouest, où elles sont plutôt sous-représentées.

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II- Les ateliers territoriaux et les groupes citoyens

Présentation de la méthode Douze ateliers ont été mis en place d’Avril 2015 à Juillet 2015 et ont été délocalisés dans toute la Gironde.

Leur durée moyenne était de 2h30 et le nombre moyen de participants était de 18.5 participants. Ce nombre de participants a permis une bonne dynamique dans les échanges.

1- Neuf ateliers territoriaux

Dans un premier temps, nous avons interrogé les acteurs des territoires qui travaillaient auprès de public en situation de précarité. La méthode choisie était de mettre en place des groupes ouverts permettant des échanges entre les participants. Pour les invitations, nous avons décidé de coupler deux modalités. D’un côté, il a été envoyé un mail d’invitation à tous les contacts de l’OGPP. Parallèlement, les Directeurs de Pôle ont invité les partenaires de leur territoire. Il est à noter que cette étude s’est déroulée un an après la mise en pôles des services solidarités. Malgré le jeune âge de cette organisation, cette recherche a bénéficié de l’implantation des services du Conseil Départemental sur tous les territoires pour toucher un grand nombre d’acteurs. Neuf ateliers correspondant aux neuf pôles territoriaux ont été mis en place :

- à Libourne pour le Pôle Solidarité Libournais (le 2/04/2015), - à Lormont pour le Pôle Solidarité Hauts de Garonne (le 9/04/2015), - à Langon pour le Pôle Solidarité Sud Gironde (le 16/04/2015), - à Castelnau-de-Médoc pour le Pôle Solidarité du Médoc (le 07/05/2015), - à Lanton pour le Pôle Solidarité du Bassin d’Arcachon (le 21/05/2015), - à Talence pour le Pôle Solidarité des Graves (le 29/05/2015), - à Bordeaux pour le Pôle Solidarité de Bordeaux (le 05/06/2015), - à Mérignac pour le Pôle Solidarité Porte du Médoc (le 11/06/2015), - à St André de Cubzac pour le Pôle Solidarité de Haute Gironde (le 16/06/2015)

Le choix et la réservation des lieux étaient effectués sur proposition des directeurs (trices) de pôle territorial. Nous avons essayé de toujours mettre en en place un agencement de salle

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qui permettait les échanges entre les participants en privilégiant une disposition en « rond » plutôt qu’en mode amphithéâtre.

Chaque groupe fonctionnait de la même façon. Pour chaque atelier, nous avions nommé 2 animateurs au sein du groupe technique de suivi. Cinq personnes ont pris tour à tour cette fonction. Deux autres personnes prenaient en note toutes les prises de parole. Trois personnes ont eu ces fonctions. Deux types de prise de notes coexistaient : un mot à mot, l’autre était ciblée par indicateurs prédéfinis9.

Le déroulé de ces ateliers était toujours le même : présentation de la démarche, présentation « quantitative » du territoire (photographie du territoire, type d’activités, taux de pauvreté, densité médicale, taux de mortalité), définition de la notion de santé selon l’Organisation Mondiale de la Santé.

A la suite de cette présentation de quinze minutes, trois questions ouvertes étaient posées :

- Comment le Conseil Départemental de Gironde et les services de l’Etat par une action coordonnée peuvent améliorer l’accès aux droits et à la santé des personnes en situation de précarité sur l’ensemble des pôles territoriaux ?

- Quelles sont les principales problématiques de santé repérées ? - Quels sont les leviers pour améliorer l’accès à la santé en termes d’accès aux

soins, de prévention et de dépistage, et d’éducation à la santé ?

Chaque animateur prenait soin que chaque participant prenne la parole. Les thèmes abordés et la dynamique de chaque groupe étaient en lien avec sa constitution. En fin de chaque séance, l’un des animateurs (une personne du groupe technique de suivi) faisait une synthèse des propos qu’il faisait valider aux participants du groupe.

2- Trois ateliers « citoyens »

Parallèlement, il nous est apparu essentiel d’interroger les publics accueillis par les MDSI ou les acteurs des territoires. Une démarche spécifique a été mise en place : 3 groupes spécifiques sur 3 territoires différents se sont déroulés le même jour. La sélection de ces publics a été effectuée par les travailleurs sociaux des MDSI. Au vu des difficultés de mobilité de certains d’entre eux, certains citoyens ont été accompagnés par des travailleurs sociaux. Cette présence de personne de confiance, leur a permis de pouvoir s’exprimer aisément.

Ces ateliers se sont déroulés à Libourne pour les personnes du Nord de la Gironde, à Lanton pour les personnes du Bassin d’Arcachon et à l’IRTS Aquitaine pour les personnes de la Métropole Bordelaise. Un autre atelier avait été prévu à Langon pour les personnes du Sud Gironde mais faute de participants, il a été annulé.

Une grille d’animation avait été construite au préalable afin que chaque atelier se déroule de la même manière10. De plus, nous avions préparé le positionnement de chacun en réfléchissant à la manière de présenter les personnes du groupe technique de suivi. Le choix

9 Annexe B 10 Annexe C

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final s’est porté par une présentation sous son prénom, ainsi qu’une présentation succincte de l’institution qu’elle représentait. Nous avions aussi fait le choix de reformuler les 3 questions de départ par une seule question : « dans votre quotidien, qu’est-ce qui faciliterait votre accès à la santé ? ».

La prise de note a été effectuée par des étudiants assistants de service social de 2ème et 3ème année. Chacun d’eux en ont fait un compte-rendu et c’est en s’appuyant sur ces écrits que nous avons fait l’analyse de cette parole citoyenne.

3- Participants aux différents ateliers

Au total, 213 personnes ont participé aux 9 ateliers territoriaux et aux 3 groupes citoyens. La répartition par territoire est répartie comme suit :

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197 acteurs ont participé aux 9 ateliers territoriaux :

Seize citoyens et dix accompagnants ont participé à l’un des trois ateliers spécifiques : ces personnes ont été ciblées par les professionnels des pôles territoriaux ou par des associations qui ont participé aux ateliers territoriaux :

Pour rappel, nous avions décidé de proposer aux personnes participantes à ces ateliers de se présenter de manière succincte. Effectivement, il nous paraissait compliqué qu’elles puissent

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donner des informations trop précises ou personnelles devant des personnes qu’elles ne connaissaient pas. Nous avons privilégié la mise en confiance permettant l’expression d’une parole plutôt que le recueil exhaustif de leur situation. Ainsi même si nous sommes dans l’impossibilité de faire une présentation précise du public entendu, nous pouvons établir un profil en s’appuyant sur les éléments qu’elles ont pu livrer.

Les propos livrés ne semblent pas influencés par le territoire d’origine. La très grande majorité des personnes interrogées disent bénéficier de la Couverture Maladie Universelle. Il y a autant de femmes que d’hommes. Par contre, leur profil semble différent selon le sexe : les hommes semblent isolés alors que les femmes parlent très souvent de leurs enfants. Toutes les personnes ont pu relater des expériences en lien avec des difficultés d’accès à la santé : ouverture de droits sécurité sociale, difficulté pour rencontrer un médecin, difficultés de compréhension des démarches à effectuer, méconnaissance des dispositifs, difficulté à s’alimenter de manière équilibrée chaque jour... La moitié des participants relate des problèmes médicaux sévères ayant nécessité de lourds traitements (surtout les hommes) alors que l’autre moitié relate des difficultés d’accès à la santé « de la vie quotidienne ». En dépit de ces difficultés, une personne, ayant vécu à l’étranger, a tenu à signaler la qualité du dispositif de soin français.

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Problèmes et leviers d’action sur la question de l’accès à la santé des personnes en situation de précarité

Il s’agit de présenter les problèmes et leviers d’action repérés dans les ateliers territoriaux et les groupes citoyens à travers 4 thématiques :

- l’accès à la santé considéré dans sa globalité, - l’ouverture des droits et l’accès aux soins, - les enfants et les jeunes, - les personnes âgées.

A- L’accès à la santé : un problème comme un autre ?

1- « Une mauvaise santé, c’est la conséquence d’une mauvaise vie »

Tous les acteurs se sont accordés à constater que les publics dits « en situation de précarité » cumulaient les difficultés et que ces difficultés de vie avaient de nombreuses conséquences sur leur santé et sur leur accès à la santé. Il est intéressant de remarquer que deux points sont revenus sur plusieurs ateliers territoriaux. Tout d’abord, les mauvaises conditions de vie en termes d’habitat et surtout d’isolation, peuvent engendrer des problématiques ORL pour de nombreux enfants (Libournais, Graves, Haute Gironde, Médoc). D’autre part des conditions « rugueuses » de travail peuvent engendrer des troubles musculaires (Haute Gironde, Libournais, Médoc) pour les travailleurs agricoles dans les exploitations viticoles.

A ces conditions de vie ou de travail, un autre point est apparu dans un grand nombre d’ateliers : les problématiques de transport et de mobilité. Ces problématiques peuvent être de deux ordres : les difficultés de transport liés à une absence ou des problèmes de mobilité qui rendent problématique l’accès aux rendez-vous médicaux ( Bassin d’Arcachon, Libournais) ; mais aussi les problématiques liées à l’allongement des temps de transport entre le lieu d’habitation et le lieu de travail qui engendrent un stress supplémentaire et qui peut avoir des conséquences sur le bien être des personnes ( Haute Gironde, Médoc).

Concernant ces cumuls de difficultés, les personnes des ateliers citoyens ont été assez réservées sur leur situation personnelle. Pour rappel, l’objectif de ces groupes n’était pas celui des groupes de parole centrés sur les problématiques des personnes. Mais ces groupes favorisaient l’échange entre les personnes qui donnaient leur avis sur les dispositifs en place. Par contre, même si nous avons évité un « étalage » des difficultés, les personnes entendues

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ont parlé de nombreuses difficultés économiques qui peuvent avoir des répercussions fortes sur leur santé. Par exemple, plusieurs d’entre elles nous ont fait part de leurs difficultés pour s’alimenter de manière équilibrée tous les jours : « je n’ai pas honte de le dire, je vole dans les supermarchés », « on ne mange pas tout ce que l’on veut c’est sûr », « avec un petit budget, il est difficile de bien manger ».

Ainsi, l’ensemble de ces difficultés économiques font que l’accès à la santé n’est pas prioritaire pour ces publics en situation de précarité.

2- « Tant que ça n’empêche pas de vivre, ce n’est pas une priorité »

L’une des difficultés énoncées par les acteurs est qu’il leur est compliqué de mettre en place des actions de prévention avec ces publics. Effectivement, ils les décrivent comme non observant « aux bonnes pratiques de santé » : « manger 5 fruits et légumes par jour c’est loin de ceux qui ne savent pas qu’est-ce qu’ils vont donner à manger à leurs enfants le soir-même » (Haute Gironde). De plus, cette population ne semble pas être impactée par les actions de prévention : « comment parle-t-on de dépistage du cancer du sein avec des femmes qui sont totalement isolées dans leurs problèmes » (Sud-Gironde), « comment fait-on pour parler vaccination avec des personnes qui vivent dans des taudis ?» (Médoc), « Comment prévenons-nous les troubles musculaires dues au travail dans les vignes quand la seule chose qui compte pour pouvoir être repris le lendemain, est le rendement ? » (Sud Gironde). Ainsi, beaucoup ont constaté que de mauvaises conditions de vie ou de travail semblaient nuire à la portée des actions de prévention. Un médecin concluait un atelier territorial par « les recettes générales ne marchent pas… on n’a pas encore inventé une bonne manière de faire avec eux » (Sud Gironde)

De plus, ils font un autre constat : les questions de santé ne semblent pas prioritaires pour les publics en situation de précarité. Les différents acteurs ont constaté que les principales demandes exprimées lors des permanences ne portaient que peu directement sur des demandes de santé : « elles portent plus spécifiquement sur des demandes d’aide telles des questions financières, d’emploi ou de logement… vous pensez bien que le « bien-être » on en est loin » (Sud-Gironde) ; « on est dans la réponse « du tout de suite » à un besoin urgent » (Bassin d’Arcachon). Lors de l’un des ateliers citoyens, Yvonne confiait « tant que ça n’empêche pas de vivre, ce n’est pas une priorité ». Et effectivement, dans les récits entendus dans les ateliers citoyens, les personnes semblaient faire les démarches pour avoir accès aux soins quand ils ne pouvaient pas faire autrement, le plus souvent en situation d’urgence.

Par contre, les acteurs des ateliers citoyens ont parlé à plusieurs reprises d’actions santé pour lesquelles ils semblaient adhérer : les activités physiques et/ou sportives mises en place par les associations sportives souvent soutenues par les mairies. Ces activités (Métropole et Bassin d’Arcachon) semblaient leur apporter un bien être non négligeable, puisque c’est la seule fois qu’ils ont utilisé des termes liés au plaisir (« ça me fait du bien », « ça me vide la tête », c’est un moment rien que pour moi »).

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3- L’accès à la santé, une affaire de spécialiste ?

Il nous semblait important de débuter cette analyse par cette question, au vu des propos entendus lors de l’ensemble des ateliers. Effectivement, il nous est apparu que l’accès à la santé n’était pas si facile à aborder avec tous les acteurs.

Tout d’abord, nous pouvons faire une petite analyse de la constitution des groupes. Pour rappel, nous avons invité très largement l’ensemble des acteurs sociaux et médico-sociaux sur les neuf territoires girondins. Or certains ateliers n’étaient constitués que de « spécialistes de la question de santé» (soignants, travailleurs sociaux hospitaliers…) ; dans d’autres ateliers, les personnes issues de services « non spécialisés santé » (comme la prévention spécialisée ou l’insertion) étaient largement minoritaires. Nous pouvons bien entendu faire l’hypothèse que les difficultés d’emploi du temps, les ont empêchés de participer mais au vu de certains propos entendus tels que « je ne suis pas une spécialiste », nous nous sommes aperçus que pour aborder ce sujet, les travailleurs sociaux semblaient se sentir « moins légitimes » pour parler de la santé que les soignants. Or le concept de santé porte justement sur une vision globale de la personne, non centrée sur le symptôme ou la pathologie. Le travailleur social est donc l’un des acteurs privilégiés qui pourrait favoriser l’accès à la santé.

C’est pourquoi il sera intéressant de connaitre les résultats d’une recherche qui portera sur les pratiques et méthodologies en travail social utilisées par les travailleurs sociaux du Conseil Départemental pour accompagner les personnes en situation de précarité vers la santé (Janvier- Mars 2016). Nous pourrons ainsi mieux cerner les pratiques en cours, pouvoir les valoriser et peut-être, les transformer.

4- « De la gestion de la pénurie à la gestion de l’abondance»

Selon les territoires, les constats des acteurs sont assez différents : les territoires « non métropolitains » constatent une pénurie de professionnels du soin alors que les territoires métropolitains constatent une présence importante de ces professionnels. Ces constats sont à corréler avec les propos de l’analyse « diagnostic » des territoires. Ce qui est intéressant c’est que ces deux types de territoire engendrent deux types d’adaptation des acteurs.

Les « non métropolitains » (Sud Gironde, Bassin d’Arcachon, Médoc, Haute Gironde, Libournais, Sud Gironde) parlent de « gestion de la pénurie ». Or nous avons pu constater que cette gestion a toutefois des points positifs sur les pratiques des acteurs : une très bonne connaissance des partenaires. Par exemple, dans les ateliers territoriaux « non métropolitains » la plupart des personnes présentes se connaissaient, s’appelaient par leur prénom en utilisant le tutoiement. Les projets énoncés semblaient être connus par tous.

D’un autre côté, les « métropolitains » (Bordeaux, Porte du Médoc, Graves et Hauts de Garonne) constataient des difficultés de lisibilité de l’ensemble des acteurs. Beaucoup nous ont parlé des « difficultés d’orienter les personnes vers le bon acteur » (Graves), de difficulté « d’avoir une connaissance de qui fait quoi sur le territoire » (Bordeaux), et d’autres nous ont

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énoncé « la nécessité de construction de répertoire commun, d’annuaires de santé » (Porte du Médoc).

5- Le phénomène de la « patate chaude »

Par contre, la grande majorité des acteurs nous ont parlé d’un phénomène que nous nommerons familièrement « le phénomène de la patate chaude » (expression entendue dans un atelier territorial). Ce phénomène semble engendré une certaine « souffrance » des professionnels : « ce n’est pas facile de ne pas pouvoir trouver une solution pour les personnes » (Libourne) et un épuisement engendré par cette errance institutionnelle pour les citoyens. Par exemple, Lauriane parle « d’un manque de complémentarité entre les institutions » ou encore Victor parle « d’un manque de continuité dans la prise en charge » et Daniel conclure en affirmant « tout ça, ça épuise ».

Ce sont des personnes qui, faute de réponse ou solution, sont orientées vers d’autres acteurs en pensant que c’est eux qui ont la solution. Ces allers-retours entre acteurs peuvent s’effectuer entre acteurs de la santé mais aussi entre acteurs du champ social et acteurs du champ de la santé. Comme le dit Stéphane lors d’un atelier citoyen, « certaines situations sont inextricables » car plus une personne est en situation de précarité, plus elle cumule les difficultés. Elle nécessite une prise en charge globale, sociale et soignante. Finalement, promouvoir ce type de prise en charge, c’est promouvoir la mise en place d’un réel accompagnement « santé ». Effectivement, si l’on se réfère à la définition de l’OMS, la santé est « l’ensemble de ressources sociales, personnelles et physiques permettant aux personnes de réaliser ses aspirations et de satisfaire ses besoins » (1984). Prendre en charge la globalité des situations, fondement du travail social, serait permettre un véritable accès à la santé pour tous.

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LEVIERS PROPOSES POUR L’ACCES A LA SANTE POUR TOUS

a

Faire de l’accès à la santé une priorité dans la lutte contre les exclusions dans la mise en place des politiques ou des dispositifs du Conseil Départemental. Cela permettrait de repositionner ces problématiques d’un point de vue global et permettrait d’activer l’ensemble des leviers et dispositifs pour résoudre ces problématiques. De plus, tous les acteurs se sentiraient concernés pour développer et promouvoir une approche globale de cette problématique.

b

Mettre en place sur tous les territoires, des espaces partagés d’échanges de pratiques entre les acteurs sociaux, médico-sociaux et soignants. Cela favoriserait le développement du partenariat, la connaissance des acteurs du territoire mais aussi permettrait une approche globale des situations. De plus, si ces espaces sont ouverts aux médecins généralistes et infirmiers libéraux, cela permettrait une sensibilisation de ces professionnels aux spécificités d’accès aux soins des personnes en situation de précarité tout en facilitant l’ouverture des droits à la couverture sociale.

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B- L’ouverture des droits et l’accès aux soins

1- « le problème ne vient pas de l’accès aux soins… mais de savoir à quoi on a droit »

L’un des principaux constats de tous les acteurs est la difficulté d’accès aux droits à la couverture sociale de la part des personnes en situation de précarité. Tous les acteurs des territoires en ont parlé mais l’on a pu constater une insistance sur ce point par les territoires ruraux (Haute Gironde, Libournais, Sud-Gironde ou Médoc) mais aussi par les territoires très urbanisés (Bordeaux). Leur constat se porte essentiellement sur l’accès aux droits liés à la couverture complémentaire que ce soit la Couverture Maladie Universelle Complémentaire (CMUC) ou l’Aide au paiement de la Complémentaire Santé (l’ACS).

Ils expliquent ce point par une méconnaissance pure et simple de ces dispositifs mais aussi par la complexité et la longueur des formalités à remplir (Grave et Bordeaux). Ce constat a été corrélé par les propos entendus lors des ateliers citoyens. Par exemple, lors d’un atelier citoyen, Paul raconte « qu’il a payé une mutuelle 40 euros par mois, pendant trois ans, alors qu’il percevait le RSA ». Sur un autre territoire, Lauriane corrobore ses propos en affirmant « le problème ne vient pas de l’accès aux soins en lui-même mais de savoir à quoi on a droit ». Christine a le même point de vue en affirmant « qu’elle ne connait pas les démarches à faire pour l’ACS » et qu’elle « ne sent pas soutenue dans les formalités à accomplir ».

2- « C’est pas facile à faire seul »

Cette situation serait renforcée par l’absence de relais d’accompagnement sur certains territoires (Grave, Bassin d’Arcachon et Haute Gironde). Les acteurs territoriaux parlent d’une anonymisation des formalités avec l’évolution des administrations vers le tout numérique (Bassin d’Arcachon et Porte du Médoc). Or, ce dernier point a été abordé dans tous les ateliers citoyens. Il semble un point clé de compréhension de difficultés d’accès. Par exemple, Yvonne dit « tout le monde n’a pas internet. Il y a dix feuilles, c’est compliqué. Il faut les imprimer. C’est pas facile à faire seul.». Ou encore Laure lui répond « A chaque fois qu’on va quelque part, on dit qu’il faut aller sur internet ». Mais certains expliquent comme Stéphane que « Internet, ça coute cher : il faut payer 15 à 20 euros par mois, et puis il y a l’ordinateur à acheter ».

Enfin, cette évolution semble souvent couplée avec une difficulté de lecture du « qui fait quoi » par les personnes (Daniel) mais aussi « des difficultés d’orientation » (Nadine).

De plus, les acteurs territoriaux font le constat que cette situation est d’autant plus forte pour certaines populations : les jeunes couples avec des difficultés de prise en charge des grossesses (Hauts de Garonne), les personnes âgées avec des difficultés d’accès à une couverture complémentaire (Hauts de Garonne), les jeunes (Médoc et Haut de Gironde) et les épouses des ouvriers agricoles magrébins (Médoc). D’après eux, cette difficulté d’accès serait liée à plusieurs facteurs corrélés aux différentes situations : un problème purement

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économique pour les personnes âgées, un problème de compréhension lié à des raisons sociologiques ou culturelles pour les jeunes et les personnes maghrébines.

3- « Je me sens cataloguée comme un cas social »

De plus, il semble important de souligner que seuls les ateliers citoyens ont émis une hypothèse supplémentaire de compréhension de ce non accès aux droits : la stigmatisation et la discrimination ressentie par le fait de pouvoir bénéficier de dispositifs tels la CMUC. Par exemple, Stéphane dit « c’est difficile de s’entendre dire « qu’est-ce que vous faites ici ? ». Nadine, elle, se sent « cataloguée comme cas social ». Ce sentiment semble être ressenti lors de contacts avec les institutions (Lauriane : « il faut pleurer au Conseil Départemental pour avoir plusieurs choses »), ou avec des soignants (Paul : « sur le territoire, tous les médecins font des dépassements d’honoraires, alors on n’ose plus dire que l’on est à la CMU »). Un autre point semble aussi être vécu comme discriminant : le panier de soins. Quand on a la CMUC « On n’a droit qu’aux génériques » (Daniel), « on ne peut pas choisir nos types de couronnes » (Stéphane) et « on ne peut pas choisir non plus sa contraception » (Laure).

Ce sentiment de stigmatisation et de discrimination semble être renforcé par le « temps d’écoute écourté » des soignants lors de consultations. « Mon médecin traitant ne prend pas le temps de bien me connaitre, de bien m’écouter » (Michel). Ce temps de consultation et la qualité d’écoute ne sont bien entendus que des ressentis et sont très subjectifs. Mais ce point semble très important pour les personnes car abordé dans les trois ateliers citoyens. Il est à noter que cette hypothèse avait été complétée lors de l’un des ateliers territoriaux (Porte du Médoc) par des soignants. Ils constataient une diminution des visites à domicile du fait de l’augmentation des files actives des médecins généralistes. Or, ces visites à domicile permettent une meilleure évaluation des conditions de vie de la personne.

4- « Devoir se déplacer loin pour avoir un médecin, ça fait monter le stress »

Beaucoup d’acteurs territoriaux ont abordé les difficultés liées à la désertification médicale (Libournais, Médoc, Haute Gironde, Sud Gironde) qu’elle soit pour les médecins généralistes ou les médecins spécialistes. D’autres ont abordé leur inquiétude au vu de l’évolution de la pyramide des âges des médecins installés (Bassin d’Arcachon et Haute Gironde). Certains ont pu déplorer les conséquences liées à cette pyramide des âges en constatant qu’il était difficile pour un nouvel arrivant sur le territoire de trouver un médecin référent (Graves). Effectivement, sur certains territoires, la démographie médicale ne semble pas avoir suivi l’évolution de la démographie de la population (Libournais, Sud Gironde). Mais quelles que soient les raisons, le fait de ne pas trouver un médecin proche de chez soi semble engendré beaucoup de stress pour les personnes : Paul, vivant sur le Bassin d’Arcachon, l’illustre de manière très pertinente : « aller chez un dentiste dans une grande ville que l’on ne connait

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pas (Bordeaux), devoir prendre les transports en commun avec tout le monde, ça fait double stress… du coup, on y va quand on est obligé ».

LEVIERS PROPOSES POUR L’ACCES AUX SOINS

a

Valoriser la présence de Permanences d’Accès aux Soins. Les PASS ont été valorisées par de nombreux acteurs, sur leur territoire, en termes de coordination des acteurs, d’amélioration de l’ouverture de droits mais surtout en termes de délivrance gratuite de médicaments. Il est à noter toutefois, qu’aucun des membres des ateliers citoyens n’a nommé ce dispositif. D’autre part, une autre piste à développer pour ces PASS serait un appui à la médecine libérale pour les accompagner dans le renouvellement des droits de leur patient.

b

Développement des maisons de santé qui ont permis une « re-médicalisation du territoire » avec une meilleure coordination des acteurs de soins.

c

La mise en place de Conseils Locaux de Santé. Ce dispositif a permis une meilleure coordination de l’ensemble des acteurs. Le seul biais qui a été avancé sur deux territoires est la difficulté parfois d’opérationnaliser ce type de Conseil au vu de la grandeur des territoires couvrant plusieurs communautés de communes, et gérées par différents acteurs politiques.

d

Le développement de nouveaux outils vers l’accès aux droits En terme d’accompagnement à l’information et de suivi des personnes dans leur accès aux droits, des acteurs des territoires ruraux ont mis en avant des expériences de prise en charge de personnes loin de l’insertion qui pourrait être développées aussi pour l’accès à la santé. Ils proposeraient un bus qui se rend sur les lieux de socialisation, tels que les marchés hebdomadaires, les terrains de sport pour assurer des permanences régulières. Ce bus pourrait être équipé de wifi et permettrait un accompagnement aux démarches administratives des personnes qui sont démunies face aux nouvelles pratiques des administrations.

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C- Les enfants et les jeunes

1- Les répercussions d’une cellule parentale en souffrance sur la santé des enfants

Sur les Hauts de Gironde, les acteurs nous ont signalé à plusieurs reprises l’impact du parcours de migration sur la santé des enfants : ces enfants semblent souffrir de troubles émotionnels assez importants qui se cumulent souvent avec des difficultés de socialisation en milieu scolaire. Le seul espace de développement qu’ils ont eu jusqu’à 3 ans semblent la cellule familiale qui elle-même, a pu vivre des évènements traumatiques.

Sur le Sud-Gironde, les acteurs du territoire nous parlent des difficultés des enfants en lien avec la problématique de la parentalité de parents suivis en centres médico-sociaux.

Dans la Haute Gironde, les acteurs nous parlent de l’impact du temps de transport des parents sur la vie familiale qui se répercute sur le système familial en termes de stress mais aussi en termes de « moments partagés » entre les parents et enfants.

Dans les Graves, à Bordeaux ou dans le Libournais, les acteurs nous parlent des répercutions des cultures ou comportements familiaux sur les comportements à risque des enfants. Par exemple, une consommation d’alcool ou de cannabis des parents peut entrainer une reproduction de comportements dangereux chez des enfants très jeunes (prise d’alcool quotidienne et/ou massive à 12-13 ans) ou encore, une addiction au tabac très jeune (10 ans).

Tous ont essayé de nous montrer l’importance des conditions de vie et du bien-être de la famille sur le développement de l’enfant. En cas de carences ou de difficultés non résolues, celles-ci peuvent engendrer des troubles plus ou moins importants chez l’enfant ou le jeune.

2- Des délais d’attente en pédopsychiatrie exponentiels et très problématiques

Il nous a paru important de souligner l’unanimité des acteurs concernant ce point. Selon les acteurs le délai d’attente pour un premier rendez-vous avec un pédopsychiatre dans le Sud-Gironde est de 6 à 8 mois, supérieur à 1 an dans le Médoc (4 mois pour une urgence), 9 à 12 mois sur le Bassin d’Arcachon ou encore 6 mois dans le territoire des Graves. Chaque territoire s’accorde qu’il est parfois difficile de faire émerger une demande du côté du soin surtout quand il y a des problématiques de précarité. Or ces délais d’attente ne sont pas en adéquation avec le fonctionnement de ces familles. Nous avons vu que celles-ci sont dans une demande en urgence. Tout devient ainsi problématique : le fait d’y aller (problématique de transport et de mobilité), mais aussi le fait d’attendre un rendez-vous. Ainsi, il est d’autant plus difficile de maintenir cette demande de soins et de la suspendre durant des délais aussi longs.

Or cette réponse différée peut provoquer une frustration mais engendre aussi une aggravation de situations. Ainsi, même si une situation d’un enfant en souffrance est

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repérée assez tôt, son traitement différé ne permettra pas d’empêcher l’aggravation des troubles.

3- Jeunes et addictions

Cette thématique est revenue dans tous les ateliers territoriaux alors que les acteurs de santé semblent être très bien identifiés sur le Département et que de nombreuses actions soient mises en place. Effectivement, c’est l’une des seules thématiques où au moins une action précise était décrite par les acteurs à chaque rencontre territoriale. Par contre, cette problématique semble se décliner un peu différemment selon les territoires.

Tout d’abord, les acteurs de Bordeaux, du Bassin d’Arcachon, du Médoc, du Libournais, du Sud Gironde, et du Haut de Gironde constatent des alcoolisations massives de plus en plus précoces. Plusieurs d’entre eux nous ont relaté des alcoolisations massives dès 12 ans. Par contre, ils expliquent ces alcoolisations différemment selon les territoires. Il est toutefois important de ne pas stigmatiser et globaliser ces situations mais nous pouvons donner deux types de profils décrits par les territoires : dans les territoires viticoles (Libournais, Haut de Gironde, Médoc et Sud Gironde) les acteurs font un rapprochement entre ces alcoolisations massives et une banalisation « culturelle » de la prise d’alcool. Les jeunes ne feraient que reproduire des comportements à risque. D’un autre côté, les acteurs de Bordeaux et du Bassin d’Arcachon rapprochent plus ces alcoolisations à des recherches de limites comme le « Binge drinking » » qui se dérouleraient plus durant les week-ends et les vacances.

D’autre part, beaucoup d’acteurs constatent une banalisation de la prise de cannabis et de certaines drogues. Par exemple, dans le Médoc, les acteurs font un rapprochement entre ses prises de produits et l’activité balnéaire estivale. Dans le Sud Gironde, les acteurs font un rapprochement entre l’augmentation de cette prise de produits et la présence de certaines populations comme les « Travellers », jeunes saisonniers qui produisent eux-mêmes pour leur propre consommation. Enfin, certains territoires (Graves et Mérignac) ont repéré des prises de produits chez les jeunes plus spécifiquement dans des « poches » urbaines avec des « activités de vente » parallèles.

Mais quel que soit le produit, tous les acteurs s’accordent sur une inquiétude commune face à l’augmentation de ces problématiques dans le département.

4- Des actions de prévention trop peu nombreuses faute de moyens pérennes

Tous les territoires nous ont parlé des actions de prévention mises en place dans les collèges : celles- ci se déroulent en classe de 4ème ou de 3ème et portent sur la contraception. Elles sont d’une durée de 1h30 par classe alors qu’elles devraient être de 4h par classe. Tous les acteurs regrettent cette diminution de temps faute de moyens. Par contre, deux territoires nous ont exposé des actions spécifiques qui sont mises en place avec les

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collégiens et les jeunes : 13 communes du Bassin d’Arcachon avec 5 collèges ont mis en place une « journée citoyenneté et santé » alors que la commune de Blanquefort expérimente depuis plusieurs années un « rallye santé ». Ces deux actions ont des spécificités communes : la participation des jeunes à la construction de la journée, la pluridisciplinarité des acteurs, et le portage politique territorial. Ces deux actions semblent avoir des effets très bénéfiques en termes d’éducation à la santé.

Par contre, d’autres acteurs (surtout associatifs) ont regretté que la mise en place des actions de prévention en faveur des jeunes, soit souvent liée à des appels à projet. Ce mode de fonctionnement ne permet pas une pérennisation des actions et provoque une discontinuité dans l’impact sur ces publics.

5- Actions de prévention et implantation sur les territoires

Certains territoires nous ont montré comment le choix du lieu des actions de prévention en direction des jeunes était primordial dans l’efficience de ces actions. Par exemple, sur le bassin d’Arcachon, la fermeture d’un local de planning familial qui était accessible pour les lycéens (ni trop près pour ne pas être vus, ni trop loin pour pouvoir s’y rendre) semble avoir provoqué des difficultés d’accès à l’IVG ou à la contraception pour les jeunes du territoire. D’un autre côté, sur les Hauts de Garonne, les acteurs ont constaté que le changement de lieu des bilans de santé de la CPAM de Lormont à Bègles avait engendré une forte diminution d’accès à ces bilans pour les jeunes, cela malgré des actions d’accompagnement proposées et un réseau de transports en commun bien développé.

Enfin, les structures qui accueillent plus particulièrement les jeunes très en difficulté, nous ont montré comment il était compliqué de mette en place des actions de prévention « de droit commun » pour ces jeunes. Par exemple, sur les Hauts de Garonne, les acteurs ont mis le focus sur les difficultés de certains jeunes à s’inscrire dans le réseau sportif du territoire du fait de la précarité de leur hébergement. De même, sur les Hauts de Gironde, les acteurs ont montré la spécificité de nombreux jeunes sortant de dispositifs de prévention ou de protection de l’enfance qui restent très isolés, très loin de l’emploi du fait de problématique de santé psychique avérée et d’un parcours de vie compliqué. Face à ces jeunes très en difficulté, des actions de prévention plus ciblées doivent être menées sur chaque territoire.

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LEVIERS PROPOSES EN DIRECTION DES ENFANTS ET DES JEUNES

a

Développer des actions autour de la parentalité afin de diminuer l’impact des conséquences de la précarité sur le développement des enfants.

b Améliorer et renforcer l’accès à la pédopsychiatrie.

c

Développer et promouvoir les actions d’éducation à la santé au collège. Tous les acteurs ont défendu le fait que l’investissement en termes de prévention et d’éducation à la santé devait être fort au collège alors qu’il est aujourd’hui parcellaire et non pérenne. Pour tous les acteurs territoriaux, l’école, lieu de socialisation et d’apprentissage de la citoyenneté reste le lieu où le développement à l’éducation à la santé peut être le plus efficient.

d

Développer des actions de prévention dans les associations sportives ou culturelles qui accueillent des jeunes afin de travailler sur les conduites addictives mais aussi développer des actions de prévention « ciblées » pour les jeunes les plus en difficulté à l’échelle de chaque territoire.

e

Développer l’information sur l’accès aux droits en Education Civique. Les jeunes semblent très mal informés de leurs droits en termes de couverture sociale. Un des acteurs s’interrogeait sur les programmes d’éducation civique. Il proposait que ces actions d’éducation à la santé par l’accès aux droits puissent se dérouler dans d’autres programmes que celui des Sciences Vie et Terre. Il proposait que l’accès aux droits à la santé soit aussi développé en Education Civique. Cela éviterait que des jeunes soient « perdus » à leur entrée dans la vie active.

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D- Les personnes âgées

1- Une précarité économique qui a des répercussions sur l’accès à la santé

Tous les territoires nous ont décrit de manière précise la précarité des personnes âgées et ce que cela engendrait sur leur accès à leur santé.

Par exemple, le territoire des Hauts de Gironde décrit une augmentation significative de cette tranche de population dans la file active de la Permanence d’Accès à la Santé et aux Soins de l’hôpital. Cette augmentation serait liée essentiellement à des problématiques de couverture sociale et d’absence de mutuelle. De même, le territoire de Bordeaux met aussi l’accent sur cette problématique de non accès à une couverture mutuelle. Par ailleurs, sur le territoire du Bassin d’Arcachon, cette problématique semble centrale pour les personnes âgées n’ayant pas encore accès à des dispositifs spécifiques tels l’APA. Ce non accès à une couverture mutuelle est lié à une baisse de revenus à la retraite et à l’augmentation des autres charges tels le logement ou le panier « alimentation » moyen.

A ce propos, sur plusieurs ateliers territoriaux, les acteurs constatent la « sous-nutrition » des personnes âgée. De nombreuses associations caritatives voient le nombre de bénéficiaires de plus de 60 ans augmentait et constatent que beaucoup d’entre eux ne font qu’un repas par jour.

De même, une problématique liée au logement semble de plus en plus prégnante sur les territoires. Par contre, cette problématique peut avoir plusieurs origines : sur le territoire du Médoc, les acteurs nous décrivent de grandes difficultés engendrées par la perte de logement à la retraite des salariés agricoles ; sur le territoire du Bassin d’Arcachon, les acteurs nous décrivent des difficultés de repérage des situations d’incurie du fait de l’isolement de certaines personnes qui sont venues passer leur retraite au bord de l’eau mais loin de leur famille et de leur région d’origine.

Ainsi, ce cumul de précarités engendre une aggravation des problématiques de santé qui sont d’autant plus difficiles à prendre en charge si l’approche n’est pas globale. D’ailleurs, les territoires qui bénéficient d’un CLIC ou d’une MAIA semblent mieux répondre à ces difficultés.

2- Un accompagnement difficile de la dépendance

Tout d’abord, beaucoup de territoire ont mis en avant l’isolement de cette population et leur difficulté de mobilité. Ces difficultés apparaissent certes dans les zones rurales mais aussi urbaines et très urbaines. Par exemple, sur le territoire de Bordeaux, les acteurs nous montrent les difficultés d’avoir accès à un transport assis pour les consultations de kinésithérapie ; le même constat est fait sur le territoire du bassin d’Arcachon pour les soins dentaires. Or ce type de prise en charge est indispensable au bien être de ce public et son absence favorise une aggravation de l’état général de la personne.

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39 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

Ce problème d’isolement est renforcé par l’apparition de nouvelles pratiques des acteurs de santé. Par exemple, sur le territoire des Graves, les acteurs constatent une diminution des visites à domicile des médecins généralistes, qui permettaient une prévention des risques au domicile et une veille sur l’état du logement en lien avec l’état de santé de la personne. De même sur le territoire Porte du Médoc, les acteurs constatent une diminution du temps de consultation, qui ne permet plus d’accueillir la plainte et ne permet plus de prendre en compte le vécu de la personne de son propre état de santé.

De leur côté, les territoires plus ruraux (Médoc, Hauts de Gironde, Libournais, Bassin d’Arcachon et Sud-Gironde) mettent plus l’accent sur les problématiques liées à l’épuisement des aidants naturels. Cet épuisement est renforcé par le manque de structures de Soins de Suite et de Réadaptation, et d’Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes publiques. De même, ils mettent l’accent sur l’embolisation des lits de répit qui ne permet pas aux aidants naturels (familles) de pouvoir « respirer » dans l’accompagnement qu’ils apportent à leurs personnes âgées. Cette situation provoque des répercutions souvent graves sur l’état de santé de ces aidants naturels où l’on constate souvent un épuisement grandissant.

De même, l’évolution des prises en charge financières des couts liés à la dépendance peuvent renforcer la précarité des personnes âgées. Tous les acteurs s’accordent que l’arrêt de la prise en compte en 1ère demande de l’APA de la téléassistance ou des protections urinaires peut provoquer plus d’inégalités entre les personnes. Effectivement, une personne qui en a les moyens pourra les prendre en charge dans l’attente de la 2nde demande, alors que pour une personne à faible revenu, cela engendrera un cout supplémentaire conséquent par rapport à son budget. De même, plusieurs acteurs sur plusieurs territoires, dénoncent le recul des prises en charge en GIR 5 et 6, actions qui permettaient d’accompagner les premiers symptômes de la dépendance au domicile et qui permettaient de faire de la prévention. Enfin, certains territoires ruraux (Sud Gironde et Libournais) semblent en pénurie pour les prises en charge des toilettes au domicile des personnes.

Toutes ces difficultés de prise en charge ne font qu’aggraver l’état de santé des personnes âgées mais aussi peuvent renforcer la précarité de leur situation.

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LEVIERS PROPOSES EN DIRECTION DES PERSONNES AGEES

a

Repositionner le financement des éléments qui permettent de prendre en charge les premiers signes de dépendance (ex : protections urinaires et téléassistance), en lien avec la grille AGIRR.

b

Promouvoir toutes les actions collectives qui permettront de rompre l’isolement des personnes âgées. Par exemple, développer des dispositifs tels « Mona Lisa » sur les territoires non métropolitains

c

Développer des actions collectives en direction des aidants naturels afin de les accompagner dans la prise en charge de leur personne âgée.

d

Faciliter l’accès à la couverture sociale et couverture complémentaire en mettant en œuvre des guichets « mobiles » sur les lieux de socialisation tels les marchés. Cela permettrait d’accompagner ces publics qui pour certains n’ont pas une maitrise d’internet mais aussi de pouvoir répondre à leurs difficultés de mobilité.

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III- Les méthodologies d’intervention en service social sur l’accès à la santé

Les deux premières phases qui ont permis à 220 personnes (professionnels institutionnels et associatifs ainsi qu’usagers des services médico-sociaux du Département) de contribuer, lors des 12 ateliers organisés sur les territoires girondins, à l’élaboration de ce Livret thématique, ont également montré la nécessité d’explorer les méthodologies d’intervention en service social.

Effectivement, les leviers proposés par les professionnels étaient centrés exclusivement sur l’accès aux soins, les actions de prévention et de dépistage, ainsi que les actions d’éducation pour la santé. L’accompagnement social n’apparaissait pas concerné alors que les ateliers citoyens avaient fait émerger une demande de changement des modalités d’accompagnement concernant les problématiques de santé.

La prédominance des acteurs de soins, ou des travailleurs sociaux travaillant dans le champ de la santé, aux ateliers territoriaux explique sans doute en partie ces orientations. Les assistants de service sociaux des MDSI interrogés se présentaient, quant à eux, comme « non spécialistes de la santé ». Nous avions donc peu de lisibilité sur les méthodologies d’intervention des acteurs sociaux du Département sur cette question.

Or, la question de l’accès à la santé pour tous est l’affaire de tous les agents de la solidarité du Conseil Départemental de la Gironde. Depuis 2001, cette collectivité propose des actions volontaristes reposant sur plusieurs principes : le secret professionnel, la libre adhésion de la personne tout en favorisant le temps d’accompagnement. Ainsi, au sein de chacun des 9 pôles territoriaux de solidarité, une équipe pluridisciplinaire (ce qui représente, sur l’ensemble du département, 1,8 Equivalent Temps Plein (ETP) de temps infirmier, 7,2 ETP de temps de psychologue et 3,5 de temps médical) propose plusieurs types d’actions :

- des consultations sur orientation sociale, - des actions collectives, - des actions de partenariat ou de réseaux, - des espaces pluridisciplinaires de réflexion autour de situations complexes.

Ces actions sont totalement intégrées aux politiques de solidarité du Département. Pour autant, il semble subsister une dissonance entre une volonté politique volontariste et un « vécu » sur le territoire qui pourrait laisser penser à une non-priorisation de cette question dans les pratiques professionnelles mises en place.

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Notre questionnement portera donc sur la compréhension des freins, pour les acteurs travailleurs sociaux des pôles territoriaux de solidarité du Département, à considérer la question de l’accès à la santé pour tous, comme un axe prioritaire de la lutte contre les exclusions.

Pour répondre à ce questionnement, nous nous appuierons sur le partenariat fort du Conseil Départemental de la Gironde et de l’Institut Régional du Travail Social d’Aquitaine. Effectivement, de nombreux étudiants sont accueillis en stage dans les services de la Direction Générale Adjointe de la Solidarité (DGAS) ; ils serviront d’appui opérationnel à cette enquête, démarche qui participera à l’acquisition de compétences en lien avec l’expertise sociale dans le cadre de leur formation professionnelle.

Ainsi, après accords de la responsable de la formation Assistant de Service Social de l’IRTS Aquitaine et des services du Conseil Départemental 33 qui accueillent des stagiaires, le comité de suivi de l’OGPP a décidé de compléter le Livret thématique par une troisième phase d’exploration. Cette nouvelle étude portera plus spécifiquement sur les méthodologies d’intervention en service social sur l’accès à la santé, en s’appuyant sur les étudiants qui effectuent leur stage de 2ème ou de 3ème année au Conseil Départemental de la Gironde. Ces derniers interrogeront leur formateur professionnel sur les méthodologies d’intervention qu’ils utilisent en termes d’accès à la santé.

A- Méthode : protocole de l’enquête

1- Construction du protocole

Un texte de présentation de l’enquête a été rédigé afin de décliner les origines de l’enquête et les grandes lignes du protocole de passation tout en valorisant l’anonymat de l’enquête. Il invitait, par ailleurs, à un séminaire de recherche de l’IRTS Aquitaine qui était prévu pour la restitution des conclusions de l’enquête. Ce texte devait être lu par les étudiants avant chaque passation d’entretien.

Dans un premier temps, un guide d’entretien a été élaboré autour de 4 grandes questions ouvertes :

- Comment définissez-vous la santé? - Comment abordez-vous les questions de santé dans votre pratique professionnelle avec les personnes que vous accompagnez? - Quels sont les méthodologies d’intervention, outils, que vous utilisez? - Est-ce, qu’en termes de déontologie et d’éthique, les questions de santé soulèvent des questions particulières dans votre pratique professionnelle?

Le test de cette grille d’entretien auprès deux formatrices de l’IRTS Aquitaine (ASS ayant travaillé dans le champ de la santé) et une formatrice ASS site qualifiant exerçant dans le champ de la prévention des soins, a amené à ajouter des questions de relance pour les questions 2 et 3 afin de les préciser.

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Cette présentation du protocole a été validée par le comité de suivi de l’OGPP et la conseillère technique en travail social de la DGAS (DIDS), responsable de l’accueil des stagiaires des métiers du social au CD33.

De plus, deux ateliers de présentation de l’enquête ont été mis en place auprès des étudiants en stage au CD33 pour leur permettre d’interroger leur formateur de site qualifiant.

Lors de ces ateliers de préparation avec les étudiants, plusieurs points ont été mis en avant :

- Le déroulement de l’entretien : lecture du texte de présentation obligatoire, différenciation entre les 4 grandes questions et les questions de relance,

- La valorisation de l’anonymat : cette enquête repose sur leur engagement et leur rigueur,

- La méthodologie de recueil de données : retranscrire mot à mot les propos des formateurs de terrain par grandes questions et questions de relance.

Or, l’administration de cette enquête, réalisée pour l’essentiel par les étudiants, présentait un intérêt d’un point de vue pédagogique mais pouvait comporter certains biais du fait :

- des niveaux d’acquisitions méthodologiques inégaux sur les questions de recherche (entre les stagiaires de 2ème et 3ème années) ;

- le grand nombre d’étudiants (42 étudiants sont en stage au CD33) qui pouvait engendrer des recueils de données hétérogènes ;

- un investissement différent selon les promotions.

Cela a engendré un choix d’analyse par critères prédéfinis afin d’essayer d’harmoniser la lecture des résultats.

2- Population de l’enquête

42 formateurs de site qualifiant étaient susceptibles de participer à l’enquête menée par les étudiants en stage au CD33 :

- 19 étudiants de 2ème année - 23 étudiants de 3ème année

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Au final, seulement 32 formateurs (assistants de service social) ont participé à cette enquête, soit 76,19% de retour au total :

- 2ème année : 16 retours soit 84,21% - 3ème année : 16 retours soit 69,56%

Plusieurs hypothèses peuvent être émises pour expliquer cette différence de réponses entre les promotions :

- Certains étudiants ont suspendu ou arrêter leur stage en cours d’année ; - L’anonymat a permis aux étudiants de choisir de participer ou non à l’enquête.

Ainsi, au vu de l’anonymat des réponses, nous ne pouvons connaître précisément l’origine des territoires interrogés et ne pouvons savoir si les personnes interrogées sont représentatives des territoires de la Gironde.

Il nous faut donc bien prendre en compte que les résultats obtenus ne sont issus que d’un faible échantillon de professionnels et que la diversité des conditions de passation des entretiens peut être un biais. C’est deux points doivent susciter notre vigilance dans l’analyse des résultats.

B- Résultats de l’enquête

1- La santé est avant tout perçue comme un problème

La perception de la santé des travailleurs sociaux interrogés est basée essentiellement sur le problème de santé. Seules 10 personnes sur 32 citent la définition de l’OMS et les notions de bien être, bio-psycho-social.

Leur définition est souvent posée en creux : « une personne qui est en mauvaise santé… ». Par contre, certains parlent de bien être (6) mais beaucoup oublient la dimension « sociale » alors même que celle-ci apparaissait à de nombreuses reprises dans les ateliers territoriaux.

Ce premier résultat est fondamental dans la compréhension du phénomène observé car beaucoup de résultats découleront de cette définition.

2- La santé appartient à la sphère de l’intime

Pour les assistants de service social interrogés, l’accès à la santé n’est pas un accès aux droits comme un autre car la question de l’intimité est en jeu. Par exemple, bon nombre des personnes interrogées avance que « on n’aborde pas la question à chaque entretien car c’est un sujet intime » (27 réponses /32).

Or, ce qui est intime, c’est ce qui reste habituellement caché, secret.

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André Carel11, psychiatre et psychanalyste, définit 3 types d’espace :

- L’espace intime (inaccessible sans la permission du soi) qualifié par la valeur secret ; - L’espace public (espace régulé par les règles du vivre ensemble ou des lois) qualifié par la valeur transparence ; - Entre les 2 précédents, l’espace privé (lieu psychique de la construction du partage et du compromis entre soi et l’autre), qualifié par la valeur de la discrétion.

Lorsque l’on considère cette grille de lecture, on comprend pourquoi les assistants de service social se sentent légitimes pour intervenir sur certains sujets liés normalement à l’espace de l’intime (ex: protection de l’enfant) mais qui, du fait des missions et des textes réglementaires, se retrouvent dans l’espace public (transparence).

D’un autre côté, ici, la santé reste confinée à l’espace intime. Ainsi, l’un des principaux leviers d’évolution des pratiques professionnelles pourrait être de considérer la sphère de la santé non pas du côté l’espace de l’intime mais de celui de l’espace privé.

3- Quelles sont les conditions pour aborder la question de la santé ?

Tout d’abord, pour la moitié des personnes interrogées, la question de la santé n’est abordée que si « c’est la personne qui en parle elle-même ». La question de la demande semble donc centrale.

De même, dans les réponses obtenues lors de cette enquête, beaucoup de professionnels interrogés semblent s’arrêter à la perception qu’ils ont des personnes accueillies : dégradation physique, pleurs, agressivité, alcoolisation, signaux visuels, odeurs, obésité, perte de poids, colère, repli, tremblements, sont autant de comportements qui semblent amener les professionnels à aborder les questions de santé avec les personnes reçues. A l’inverse des résultats obtenus lors des ateliers territoriaux, il apparaît, dans cette enquête, que les conditions de vie ou conditions de pénibilité au travail des personnes accompagnées ne sont que très peu abordées.

De plus, pour les assistants de service social interrogés, la relation de confiance est une condition sine qua none pour aborder la question de la santé en entretien. Cela reste en lien avec la question de l’intime évoquée plus haut. Pour exemple, les termes de « relation de confiance » et « intimité » sont cités conjointement par 50% des personnes interrogées.

Ainsi, pour aborder la question de la santé, beaucoup des personnes interrogées mettent aussi en avant les conditions matérielles de l’entretien : celles-ci doivent être favorables à l’expression de cette intimité, à l’établissement d’une relation de confiance. Par exemple, pour les personnes interrogées, la temporalité des permanences (entretiens toutes les 30 minutes) et certains lieux de permanences (annexes de MDSI, mairie) peuvent ne pas être favorables à l’expression de cette demande.

11 CAREL André, « L’intime, le privé, et le public. Le secret, la discrétion et la transparence. Essai de topique interpsychique », in GRABER Jean-Luc, L’enfant, la parole et le soin, ERES « Hors collection », 2004, p°87-94

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Enfin, la dernière condition pour aborder la question de la santé est « si ça empêche...» : beaucoup semblent aborder la question de la santé en entretien lorsqu’elle constitue un frein à l’insertion professionnelle, à l’accès au logement, ou dans le cadre de la protection de l’enfant. Si nous pouvions résumer, l’accès à la santé est une condition à l’accès à un autre droit. Elle semble être surtout considérée comme un levier pour activer une autre dimension sociale. Ce résultat est sûrement à rapprocher de la définition générale donnée. La santé est un problème et n’est pas considérée dans sa dimension de bien-être ; elle n’est donc essentiellement repérée que comme un frein et questionnée que si elle entrave l’accès à un autre droit.

Ici, nous pouvons peut-être faire un lien avec la question du Développement du Pouvoir d’Agir (DPA) ou empowerment qui, l’un comme l’autre, sont cités à 5 reprises dans cette question. Effectivement, ces méthodologies d’intervention sont portées institutionnellement au sein du Conseil départemental par une action forte de formation/action des personnels de la DGAS à ces méthodes d’intervention (pour les personnels qui le souhaitent). Celles-ci reposent sur un principe fondamental, qui est de restituer le pouvoir à la famille, une personne, ou un groupe.

L’empowerment a été défini en 1987 par Julian Rappaport comme un engagement à « à identifier, faciliter ou créer des contextes dans lesquels des personnes restées jusqu’à présent silencieuses et isolées, celles qui demeurent des outsiders dans les différents lieux, organisations, communautés, gagnent de la compréhension, de la parole et de l’influence sur les décisions qui affectent leur vie ».

Le DPA a été défini par Yann Le Bossé, initiateur de cette approche, comme suit : « Le DPA est un processus par lequel les personnes accèdent ensemble ou séparément à une plus grande possibilité d’agir sur ce qui est important pour elles-mêmes, leurs proches, ou la collectivité à laquelle elles s’identifient ». Le DPA est plus précis que l’empowerment et pensé par son auteur applicable au travail social, à soi-même. C’est donc cette démarche que le Département a retenue, s’adressant à des travailleurs sociaux et leurs cadres principalement.

Le DPA s’utilise en individuel aussi bien qu’avec des groupes, ou en collectif… De façon très succincte, on peut dire que c’est une approche, une façon d’appréhender la question de la souffrance, de s’affranchir de la souffrance et les pratiques professionnelles des travailleurs sociaux visent à restaurer le mouvement. Le DPA se préoccupe de produire du changement concret ce qui amène à préciser la cible du changement et à repérer avec la personne ce qu’elle veut changer ; il y a co-définition du problème et des solutions avec la personne car c’est la personne qui est concernée au premier chef.

4- L’accès à la santé, un accès au droit « spécial »

Seulement un tiers des personnes interrogées (11 sur 32) citent l’accès aux droits comme porte d’entrée pour aborder la santé. Or, l’accès à la santé est l’un des principaux leviers de lutte contre les exclusions, mission principale des Maisons Départementales de la Solidarité et de l’Insertion. De même, alors que la fiche de renseignements comporte l’inscription du numéro de sécurité sociale, celui-ci semble avoir une perception spécifique, empreint de

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confidentialité pour les assistants de service social interrogés : « ce numéro appartient à la personne, je l’enregistre si j’en ai besoin ; je le mets jamais dans le dossier ; on ne l’enregistre pas toujours ; on le met sur la fiche suivi mais pas au secrétariat… ». Le numéro de sécurité sociale est d’ailleurs considéré par la CNIL comme extrêmement confidentiel puisque le seul permettant d’identifier chaque individu, et celle-ci n’autorise pas son utilisation sur le logiciel d’accueil des MDSI.

5- Des méthodologies centrées sur l’individuel

Le type de méthodologie d’intervention en service social est abordé exclusivement en ISAP (Intervention Sociale d’aide à la Personne) pour 20 personnes sur 32. Encore une fois, nous pouvons constater la prégnance de la dimension de l’intimité dans la proposition des modalités d’accompagnement des personnes sur des problématiques de santé.

Seules 10 personnes disent avoir participé à des projets collectifs en lien avec la santé : jardin collectif, alimentation, atelier santé, cuisine/diététique, escale santé, diagnostic territorial (annuaire, bilan de santé)…

Même s’il est important de rappeler les biais possibles de recueil de données dans cette étude (cet item a été peu renseigné), les objectifs cités pour ces actions collectives sont intéressants à repérer : 3 professionnels ciblent l’objectif de rompre l’isolement en lien avec un travail sur la citoyenneté, le terme « estime de soi » n’est jamais nommé, le terme de « bien être » n’est cité que par une personne en lien avec l’utilisation de dénominations du dispositif de l’insertion.

Or, au vu du développement fort des actions collectives par le CD33, cela donne l’impression que « si l’on prend la définition de la santé selon l’OMS, les professionnels travaillent dans le champ de la santé sans le savoir ». Un travail sur les représentations semble nécessaire afin de favoriser cette prise de conscience.

6- Le partenariat centré sur l’accompagnement

Les espaces spécifiques d’échanges entre partenaires (ex : Espace Ressources Santé) sont très bien identifiés. Le travail semble centré principalement avec des professionnels « internes », des services psychiatriques ou des pairs « spécialistes » :

- Personnel santé CD33 cité 18 fois ; - CMPA ou CMPI cité 15 fois ; - PMI cité 9 fois ; - Collègues CARSAT cités 7 fois ; - Collègues PASS cités 6 fois.

Il est à noter que la médecine libérale ou hospitalière est très peu citée (4/32).

De plus, il est à déplorer l’absence de citation des acteurs agissant sur l’environnement ou sur les territoires (ex: acteurs de lutte contre la précarité énergétique) alors que ces derniers

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ont été cités, à de nombreuses reprises, dans les ateliers territoriaux de la phase 1 de ce Livret thématique (partie II). Ce résultat est à corréler à la définition de la santé centrée sur une dimension personnelle et non sur une dimension environnementale.

La grille de lecture de R. Dumont12 nous permet de définir ce partenariat, autour de la question de la santé, comme un réseau professionnel et non comme un véritable partenariat:

MODALITES RELATIONS

RESEAU SPONTANNE AJUSTEMENT MUTUEL INFORMEL

RESEAU PROFESSIONNEL

ELABORATION

EXPERIMENTATION

EVALUATION

RENDU COMPTE

SEMI FORMEL

PARTENARIAT STANDARDISATION FORMEL

En effet, nous pouvons remarquer que les modalités d’échanges avec les partenaires semblent centrées sur l’élaboration d’accompagnement, sur des éclairages « techniques » de soignants. Ces espaces de réflexion peuvent être définis comme semi-formels car ne semblent pas reposer sur des conventions signées entre partenaires mais s’appuient, toutefois, sur une régularité de travail et des espaces repérés par l’ensemble des acteurs.

7- Les questions éthiques et déontologiques

Sur cette thématique, les thèmes abordés sont un peu différents que pour les autres questions. Effectivement, plusieurs thèmes sont associés à cette question d’éthique et de déontologie : le secret professionnel revient à 23 reprises, le partage de l’information est cité à 20 reprises, le partenariat à 15 reprises alors que la question de l’intimité et la notion de relation de confiance sont présentes à 14 reprises.

Ces questions éthiques sont tout d’abord liées à la question du secret professionnel et du partage d’informations: « Qu’est-ce que l’on échange et avec qui? », « Que dit-on aux familles, aux élus, à l’éducation nationale, aux bailleurs ? ».

De plus, les espaces d’échanges sont questionnés : « il faut toujours l’accord de la personne pour en parler » ainsi que la présence du diagnostic médical dans les écrits professionnels (12 fois).

Cette question du diagnostic est interrogée à plusieurs reprises : « jusqu’où doit-on savoir? », « que fait-on des données de santé ?, « On ne peut évoquer la santé si l’on n’en fait rien », « les données de santé, on ne peut pas en faire grand-chose car on est dans l’interprétation

12 IRTS NORD PAS DE CALAIS- cours CAFDES ARIF Paris

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», « des fois, je me dis est-ce que c’est opportun d’avoir un diagnostic? », « doit-on être au courant de tout et parler de tout? ».

Enfin, la question de l’autonomie de choix de la personne et de l’impact du « dispositif sur ce choix » est souvent posée : « on ne peut pas obliger une personne à se soigner », « la question du respect de personne et de la non-assistance à personne en danger sont souvent liées», « ils n’ont pas vraiment le choix de se soigner dans certaines procédures (RSA) », « dans le cadre du RSA, les personnes doivent se faire soigner mais ne sont pas toujours volontaires ».

Nous voyons ici que les questions éthiques et déontologiques sont centrales et multidimensionnelles. Elles sont interrogées dans la relation d’aide avec les personnes accompagnées mais aussi dans la relation avec les partenaires.

En conclusion :

Marie-Hélène Bacqué et Carole Biewener13 décrivent les trois dimensions de l’empowerment :

- La dimension individuelle : conscience critique, capacité d’agir ; - La dimension interpersonnelle : le développement de la capacité d’agir ; - La dimension politique ou sociale : question de la transformation de la société dans son ensemble, au travers de l’action collective.

Même s’il faut rappeler le petit échantillon de recueil de données, cette enquête, intégrée au Livret thématique, peut être le début d’une prise de conscience pour porter les questions, d’accès à la santé pour tous, au niveau de la 3ème dimension de l’empowerment.

Tel est l’essence même de ce Livret thématique.

13 « L’empowerment, une pratique émancipatrice », Edition La découverte/Poche, Mai 2015, p°40-42

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Annexes

page

A- Présentation synthétique de la population des PTS .................................................................54

B- Indicateurs pour recueil de données des ateliers territoriaux ..................................................66

C- Mise en place et déroulement pratique des ateliers « usagers » .............................................68

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Annexe A Présentation synthétique de la population des pôles territoriaux de solidarité (PTS)

Le pôle de solidarité du Bassin d’Arcachon se caractérise comme un territoire dont la population est sensiblement plus âgée que l’ensemble du département et globalement peu exposée à la pauvreté-précarité, bien que les inégalités entre les générations soient assez importantes. La densité médicale est élevée s’agissant des généralistes et intermédiaire s’agissant des spécialistes (avec, notamment des sous-densités marquées en psychiatrie et en pédiatrie). Le Bassin d’Arcachon affiche une sous-mortalité par rapport à l’ensemble de la France ou du département, bien que, pour certaines causes de décès (pathologies liées à l’alcool, homicides ou accidents), on puisse repérer des surmortalités au regard des niveaux observés pour l’ensemble du département. Ce constat global dissimule cependant une double réalité qui structure les disparités existant au sein du territoire de solidarité du Bassin d’Arcachon.

La partie Est du territoire de solidarité du Bassin d’Arcachon constitue clairement une extension de l’espace périurbain de l’aire bordelaise. La population y est moins âgée et plus familiale que dans le reste du Bassin d’Arcachon. Il s’agit le plus souvent de familles à revenus intermédiaires, ce qui se traduit par une faible fréquence des situations de pauvreté et une relative homogénéité sociale et donc beaucoup moins d’inégalités entre les générations que dans les autres parties du Bassin d’Arcachon. On y observe une sous-mortalité toutes causes de décès confondues, mais la surmortalité par accidents et celle des moins de 35 ans, y sont cependant assez marquées.

La partie touristique et littorale du Bassin d’Arcachon présente un profil sensiblement différent avec une population très âgée et de très fortes inégalités entre les générations au détriment des

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personnes d’âge d’actif, notamment des jeunes adultes, souvent faiblement qualifiés. Parmi les adultes d’âge actif, le chômage et les retraits d’activité sont assez fréquents, ainsi que les faibles rémunérations dans le secteur du tourisme ou des services à la personne, de même que les situations familiales difficiles (familles monoparentales à faibles ressources). Une sous-mortalité s’observe pour la plupart des causes de décès à l’exception des homicides (si leur contribution à la mortalité générale est insignifiante, une surmortalité par homicide est socialement expressive de la récurrence des problèmes de violence).

Le pôle de solidarité de Bordeaux se caractérise comme un territoire d’inégalités et de contrastes avec une partie importante de la population en situation de transition et en renouvellement rapide. Ce renouvellement rapide d’une partie importante de la population s’explique par la centralité qui offre des opportunités pour les personnes traversant des transitions diverses (professionnelles, familiales, migratoires) et par la nette surreprésentation des petits appartements en location privée au sein de l’habitat. Le coût et plus généralement les problèmes d’accès au logement viennent souvent renforcer les difficultés sociales des personnes traversant ces transitions.

Schématiquement, la population du pôle de Bordeaux se compose principalement de 6 catégories de ménages. Par ordre d’importance, on y trouve :

- les ménages étudiants, il s’agit de personnes seules et parfois de couples, - les ménages de jeunes diplômés en début de vie professionnelle et pré-familiale, il s’agit

parfois de personnes seules mais le plus souvent de couples, et, plus rarement de couples avec de très jeunes enfants,

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56 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

- les familles avec enfants aisées ou à revenus intermédiaires, - les couples de retraités aisés ou à revenus intermédiaires, - les ménages de personnes seules et en difficulté sociale suite à une rupture familiale (il

s’agira alors souvent du conjoint n’ayant pas d’enfants en garde, et plus rarement, de personnes plus jeunes ayant rompu avec leurs ascendants) et/ou professionnelle (chômeurs de longue durée), mais aussi d’immigrants récents, ce sont les personnes les plus exposées aux problèmes de logement.

- les familles avec enfants en difficulté sociale, il s’agit souvent de familles monoparentales mais aussi de familles nombreuses dont les adultes connaissent la précarité professionnelle ou un statut de résidence problématique (immigrants récents).

Il s’agit donc d’un territoire où les populations avec un niveau d’instruction élevé sont très surreprésentées mais où les populations à faibles ressources le sont aussi en raison de faibles salaires et d’un chômage fréquent (en revanche, les adultes d’âge actif se retirant totalement du marché de l’emploi sont sous-représentés). Les inégalités de ressources y sont donc maximales, malgré un revenu médian plutôt supérieur à celui de l’ensemble du département, mais cependant inférieur à celui observé dans les périphéries Sud et Ouest de la métropole, beaucoup moins socialement hétérogènes.

La densité médicale du Pôle de solidarité de Bordeaux est très élevée, qu’il s’agisse de médecine de proximité ou de médecine de spécialité. De manière générale, le territoire est en sous-mortalité pour presque toutes les causes, à l’exception des maladies infectieuses (avec une légère surmortalité peut-être due à une plus forte exposition des personnes connaissant des ruptures et des transitions) et à l’exception des homicides, dont la contribution à la mortalité générale est insignifiante, mais dont la forte surmortalité exprime la présence de problèmes de violence.

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57 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

Le pôle de solidarité des Graves se caractérise comme un territoire influencé par la présence de l’université et de quelques activités industrielles à haute valeur ajoutée, ce qui implique la forte présence d’actifs qualifiés à rémunérations élevées ou intermédiaires, logeant, avec leurs enfants, dans un habitat pavillonnaire, mais aussi la présence d’étudiants dans des petits appartements. Il s’agit donc d’une population sensiblement plus jeune que l’ensemble du département et globalement assez peu exposée à la pauvreté-précarité. La densité médicale est élevée, s’agissant des généralistes, et assez élevée, s’agissant des spécialistes. Le territoire des Graves affiche une nette sous-mortalité par rapport à l’ensemble de la France ou du département, pour tous les âges, et pour toutes les causes de décès. Ce constat global dissimule cependant une triple réalité qui structure les disparités existant au sein du territoire de solidarité des Graves.

La partie périurbaine et de banlieue de 2ème couronne du territoire de solidarité des Graves présente une relative homogénéité. La population y est familiale et loge dans un habitat pavillonnaire. Il s’agit souvent de familles à revenus élevés ou intermédiaires, dont les adultes sont souvent très instruits et qualifiés. La pauvreté y est donc très peu fréquente, sans être tout à fait absente (les rares ménages en situation de pauvreté étant parfois très en-dessous du seuil). Dans cette partie périurbaine et de banlieue de 2ème couronne du territoire de solidarité des Graves, on observe une sous-mortalité toutes causes de décès confondues, mais on constate une surmortalité au sein des personnes très âgées et pour les maladies cardio-vasculaires très fréquentes à ces âges (résultat de la sélection des personnes en mauvaise santé parmi les personnes très âgées, du fait de la concentration des EPHAD dans les parties périurbaines du territoire).

La partie Ouest de la banlieue urbaine dense de 1ère couronne du territoire de solidarité des Graves a une population très hétérogène qui présente des caractéristiques communes avec les parties plus centrales de l’agglomération. Ainsi, contrairement à la partie périurbaine, les personnes traversant des transitions biographiques (étudiants, immigrés d’installation récente s’ajoutant à ceux des vagues plus anciennes, jeunes adultes en début de vie professionnelle, familles monoparentales, personnes seules) sont plutôt surreprésentées. Cela implique des situations de pauvreté beaucoup plus fréquentes, ce qui, compte tenu de la forte surreprésentation des actifs qualifiés à ressources élevées, se traduit par de fortes inégalités. Du point de vue sanitaire, la partie Ouest de la banlieue urbaine dense de 1ère couronne du territoire de solidarité des Graves, présente de nettes sous-mortalités pour tous les âges et toutes les causes de décès. Il s’agit du territoire connaissant la sous-mortalité la plus marquée de la Gironde.

La partie Est de la banlieue urbaine dense de 1ère couronne du territoire de solidarité des Graves a une population assez hétérogène qui présente à la fois des caractéristiques communes avec les parties plus centrales de l’agglomération et avec la partie urbaine dense du pôle des Hauts-de-Garonne. Contrairement à la partie périurbaine, les personnes traversant des transitions biographiques (jeunes adultes en début de vie professionnelle, familles monoparentales, personnes seules) sont plutôt surreprésentées. En revanche, à la différence de la partie Ouest de la banlieue urbaine dense de 1ère couronne du territoire de solidarité des Graves, la partie Est comprend beaucoup moins d’étudiants ou d’immigrés d’installation (les vagues assez anciennes étant, par contre, assez fortement représentées). Au total, dans cette partie Est de la banlieue urbaine dense de 1ère couronne du territoire de solidarité des Graves, les situations de pauvreté sont modérément fréquentes et la surreprésentation des actifs qualifiés à ressources élevées, moins nette, ce qui se

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58 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

traduit par des inégalités importantes mais moins fortes que dans la partie Ouest. Du point de vue sanitaire, la partie Est de la banlieue urbaine dense de 1ère couronne du territoire de solidarité des Graves, présente de légères sous-mortalités pour la plupart des âges et des causes de décès.

Le pôle de solidarité de Haute-Gironde se caractérise comme un territoire dont la population à dominante familiale est fortement exposée à la pauvreté-précarité en raison de :

- facteurs économiques (chômage important, retrait de l’emploi de personnes d’âge actif), - facteurs socio-éducatifs avec de faibles niveaux d’instruction et de qualification, - conditions de vie difficiles, notamment du fait de la présence de maisons anciennes en

location parfois assez dégradées, - facteurs familiaux (parentalité précoce dans des situations matérielles précaires).

On constate aussi dans ce pôle une présence importante des populations mobiles (en particulier les gens du voyage).

Le pôle de solidarité de Haute-Gironde se caractérise aussi par une faible densité médicale en termes de spécialistes (par exemple en pédiatrie, en psychiatrie ou en gynécologie), la densité médicale de généralistes étant sensiblement supérieure à la moyenne nationale mais inférieure aux moyennes départementales et régionales.

Existence d’une surmortalité restant modeste toutes causes de décès confondues, mais plus nette s’agissant de la mortalité par suicide et cancer ou de la mortalité des moins de 35 ans.

Il s’agit d’un pôle légèrement hétérogène comprenant 2 profils :

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59 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

- Une partie périurbaine au Sud, avec une surreprésentation des familles à revenus modestes dans un habitat pavillonnaire mais des inégalités modérées, d’où une moindre fréquence des situations de pauvreté et une densité médicale relativement élevée s’agissant de la médecine de proximité.

- Des espaces à dominante rurale avec des populations à très faibles qualifications, une forte surreprésentation des ouvriers (notamment agricoles, mais à un moindre degré que dans les pôles Libournais et Médocains), une pauvreté très fréquente associant chômage, et retrait de l’emploi des adultes d’âge actif (notamment les jeunes adultes). Les situations familiales difficiles sont aussi très fréquentes (parentalité précoce dans la précarité matérielle). Les surmortalités par cancer et suicide y sont assez nettes.

Le pôle de solidarité des Hauts-de-Garonne se caractérise comme un territoire dont la population plutôt jeune est fortement exposée à la pauvreté-précarité en raison de :

- facteurs économiques (chômage et retrait de l’emploi, notamment s’agissant des jeunes adultes),

- facteurs socio-éducatifs avec de faibles niveaux d’instruction, mais surtout de qualification,

- conditions de vie difficiles, notamment du fait du coût du logement, qui engendre un relatif surpeuplement de l’habitat,

- facteurs familiaux (forte surreprésentation des familles monoparentales dans des situations matérielles précaires).

Le pôle de solidarité des Hauts-de-Garonne se caractérise aussi par une forte présence de population immigrée issue de mouvements plutôt anciens et par une présence importante des gens du voyage.

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60 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

Le pôle de solidarité du Sud-Gironde se caractérise aussi par une densité médicale modeste en termes de spécialistes (par exemple en pédiatrie ou en gynécologie), la densité médicale de généralistes étant supérieure aux moyennes, nationale, régionale et départementale.

Absence de surmortalité très nette toutes causes de décès confondues, mais existence d’une surmortalité assez nette s’agissant de la mortalité par maladies infectieuses et plus modeste s’agissant de la mortalité par cancer.

Il s’agit d’un pôle hétérogène comprenant 3 profils :

- Une périphérie Sud, partagée entre banlieue de 2ème couronne et surtout espace périurbain, de peuplement pavillonnaire familial avec une surreprésentation des familles à revenus intermédiaires voire élevés. On constate une homogénéité sociale assez forte, un chômage et une pauvreté relativement limités (mais une autonomie tardive des jeunes adultes). Une sous-mortalité s’observe pour la plupart des âges et des causes de décès, à l’exception d’une surmortalité par accidents et d’une surmortalité des 80 ans et plus (résultat de la sélection des personnes en mauvaise santé parmi les personnes très âgées, du fait de la concentration des EPHAD dans le territoire).

- Une périphérie Nord, essentiellement banlieue de 2ème couronne, de peuplement pavillonnaire familial avec une surreprésentation des familles à revenus modestes et intermédiaires. On constate une homogénéité sociale assez forte, une pauvreté relativement limitée mais un chômage et un retrait de l’activité importants chez les jeunes adultes. Cette périphérie Nord des Hauts-de-Garonne se caractérise aussi par une présence significative des gens du voyage. Une sous-mortalité s’observe pour tous les âges et pour la plupart des causes de décès, à l’exception d’une surmortalité par maladies infectieuses et par cancer.

- Une partie de banlieue dense de 1ère couronne en plein renouvellement urbain qui comprend un habitat dominé par les appartements dont une part importante est constituée par le parc social. La population de cette banlieue dense est très jeune avec des familles et des jeunes adultes vivant seuls. L’immigration étrangère y est très surreprésentée, notamment celle issue des vagues d’installation anciennes ou modérément récente. La fréquence de la pauvreté est très forte, essentiellement en raison du chômage et du retrait de l’activité des adultes d’âge actif, et, à moindre degré du fait des faibles rémunérations du secteur des services ou du bâtiment qui emploient massivement les jeunes adultes peu qualifiés de ces territoires. Les situations familiales difficiles sont aussi très surreprésentées (notamment les familles monoparentales à faibles ressources ou, à un moindre degré, les parentalités précoces). Pour l’ensemble des causes de décès, la surmortalité est modérée, mais on constate des surmortalités plus nettes par cancer, mais surtout par maladies infectieuses ou par homicide (si la contribution de ces homicides à la mortalité générale est insignifiante, elle est socialement expressive de la récurrence des problèmes de violence).

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61 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

Le pôle de solidarité du Libournais se caractérise comme un territoire dont la population est fortement exposée à la pauvreté-précarité en raison de :

- facteurs économiques (chômage important, notamment chez les jeunes, retrait de l’emploi de personnes d’âge actif, faiblesse des salaires dans la sphère agricole en partie contrebalancée par les rémunérations plus élevée dans un tissu industriel qui résiste très difficilement aux crises successives),

- facteurs socio-éducatifs avec de faibles niveaux d’instruction et de qualification, - conditions de vie difficiles, notamment du fait de la présence de maisons anciennes en

location parfois assez dégradées, - facteurs familiaux (parentalité précoce dans des situations matérielles précaires et

ruptures d’unions entraînant la surreprésentation des familles monoparentales à faibles ressources).

Le pôle de solidarité du Libournais se caractérise aussi par une densité médicale relativement faible, notamment en termes de spécialistes (par exemple en pédiatrie et en psychiatrie) mais aussi en termes de généralistes.

Existence d’une surmortalité modeste s’agissant de la plupart des causes, beaucoup plus nette s’agissant de la mortalité violente (accidents, suicides, homicides) qui semble affecter tout particulièrement les jeunes adultes.

Il s’agit d’un pôle très vaste donc hétérogène. Au sein de cette diversité on distingue 3 profils.

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62 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

- L’agglomération de Libourne, petite ville satellite de Bordeaux, avec, de façon atténuée, les mêmes caractéristiques que celles des centres urbains (surreprésentation des jeunes adultes, des personnes seules, des familles monoparentales, des personnes en situation de pauvreté – notamment les chômeurs –, fortes inégalités et densité médicale importante).

- Une partie périurbaine à l’Ouest, avec une surreprésentation des familles et de l’habitat pavillonnaire, une moindre fréquence des situations de pauvreté, des inégalités modérées et une densité médicale relativement élevée s’agissant de la médecine de proximité.

- Des espaces semi-ruraux, au Nord et à l’Est, avec des populations à faibles qualifications, une surreprésentation des ouvriers (notamment agricoles), une pauvreté fréquente associant chômage, retrait de l’emploi des adultes d’âge actif (notamment les jeunes adultes) et de faibles salaires (surtout dans l’agriculture). Dans ces espaces semi-ruraux la densité médicale est faible en spécialistes comme en généralistes, la surmortalité générale est modeste mais la surmortalité violente y est très nette, notamment chez les moins de 60 ans. Au milieu de ces espaces semi-ruraux, les petits pôles urbains concentrent encore davantage les difficultés sociales, notamment en termes de situations familiales difficiles (parentalité précoce dans la précarité matérielle, monoparentalité) et de jeunes adultes isolés en situation d’exclusion sociale. Dans ces petits pôles urbains, les problèmes de statut de résidence des immigrés récemment arrivés constituent aussi des situations de précarité assez fréquemment observées. Bien que les difficultés sociales soient plus marquées dans ces petits pôles urbains leur profil de mortalité est très semblable à ce qui est observé dans l’ensemble de ces espaces semi-ruraux du Nord et de l’Est du Libournais.

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63 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

Le pôle de solidarité du Médoc se caractérise comme un territoire dont la population est fortement exposée à la pauvreté-précarité en raison de :

- facteurs économiques (chômage important, retrait de l’emploi de personnes d’âge actif, faiblesse des salaires dans la sphère agricole et touristique),

- facteurs socio-éducatifs avec de faibles niveaux d’instruction et de qualification, - conditions de vie difficiles, notamment du fait de la présence de maisons anciennes en

location parfois assez dégradées, - facteurs familiaux (parentalité précoce dans des situations matérielles précaires et

ruptures d’unions entraînant la surreprésentation des familles monoparentales à faibles ressources).

Le pôle de solidarité du Médoc se caractérise aussi par une faible densité médicale en termes de spécialistes (par exemple en pédiatrie, en psychiatrie ou en gynécologie), la densité médicale de généralistes étant sensiblement supérieure à la moyenne nationale mais inférieure aux moyennes départementales et régionales.

Existence d’une surmortalité restant modeste toutes causes de décès confondues, mais plus nette s’agissant de la mortalité par suicide et cancer ou de la mortalité des moins de 60 ans.

Il s’agit d’un pôle assez hétérogène. Au sein de cette diversité on distingue 3 profils :

- Une partie périurbaine au Sud, avec une surreprésentation des familles à revenus modestes dans un habitat pavillonnaire mais des inégalités modérées, d’où une moindre fréquence des situations de pauvreté et une densité médicale relativement élevée s’agissant de la médecine de proximité.

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64 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

- Des espaces à dominante rurale et viticole avec des populations à très faibles qualifications, une forte surreprésentation des ouvriers agricoles, une pauvreté très fréquente associant chômage, retrait de l’emploi des adultes d’âge actif (notamment les jeunes adultes) et de faibles salaires (surtout dans l’agriculture). Les situations familiales difficiles sont aussi très fréquentes (monoparentalité, parentalité précoce dans la précarité matérielle). La surmortalité des moins de 60 ans et plus encore celle des moins de 35 ans y sont très nettes.

- Des espaces touristiques littoraux isolés avec une population âgée à très âgée, de fortes inégalités entre les générations au détriment des jeunes adultes accédant aux emplois faiblement rémunérés du tourisme, l’ensemble des adultes d’âge actif étant concernés par un chômage important. Des surmortalités modérées y sont observées pour presque tous les âges et pour presque toutes les causes.

Le pôle de solidarité Porte du Médoc se caractérise comme un territoire influencé par les activités industrielles à haute valeur ajoutée du cadran Nord-Ouest de l’agglomération bordelaise, ce qui implique la forte présence d’actifs qualifiés à rémunérations élevées ou intermédiaires, logeant, avec leurs enfants, dans un habitat pavillonnaire. Il s’agit donc d’une population sensiblement plus jeune que l’ensemble du département et globalement peu exposée à la pauvreté-précarité. La densité médicale est élevée, s’agissant des généralistes, voire très élevée, s’agissant des dentistes, et intermédiaire, s’agissant des spécialistes. Le territoire Porte du Médoc affiche une nette sous-mortalité par rapport à l’ensemble de la France ou du département, pour tous les âges, et quasiment pour toutes les causes de décès. Ce constat global dissimule cependant une double réalité qui structure les disparités existant au sein du territoire de solidarité Porte du Médoc.

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65 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

La partie périurbaine et de banlieue de 2ème couronne du territoire de solidarité Porte du Médoc présente une relative homogénéité. La population y est familiale et loge dans un habitat pavillonnaire. Il s’agit souvent de familles à revenus élevés ou intermédiaires, dont au moins un des adultes travaille dans les industries à haute valeur ajoutée. La pauvreté y est donc très peu fréquente, sans être tout à fait absente (les rares ménages en situation de pauvreté étant parfois très en-dessous du seuil). Dans cette partie périurbaine et de banlieue de 2ème couronne du territoire de solidarité Porte du Médoc, on observe une sous-mortalité toutes causes de décès confondues, mais on constate une surmortalité au sein des personnes très âgées et pour les causes de décès associées à ces âges (résultat de la sélection des personnes en mauvaise santé parmi les personnes très âgées, du fait de la concentration des EPHAD dans les parties périurbaines du territoire).

La partie de banlieue urbaine dense de 1ère couronne du territoire de solidarité Porte du Médoc a une population plus hétérogène qui présente, de façon atténuée, des caractéristiques communes avec les parties plus centrales de l’agglomération. Ainsi, contrairement à la partie périurbaine, les personnes traversant des transitions biographiques (immigrés d’installation récente, jeunes adultes en début de vie professionnelle, familles monoparentales) sont plutôt surreprésentées. Cela se traduit par des rémunérations moins élevées et des situations de pauvreté plus fréquentes. Par ailleurs, ce territoire connait un début de vieillissement de sa population, avec de jeunes retraités plutôt aisés, qui coexistent donc avec les familles et les personnes en transition, le tout formant un ensemble qui reste plus jeune que les populations nationales et girondines. Du point de vue sanitaire, la partie de banlieue urbaine dense de 1ère couronne du territoire de solidarité Porte du Médoc, présente des sous-mortalités pour tous les âges et pratiquement toutes les causes de décès.

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66 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

Le pôle de solidarité du Sud-Gironde se caractérise comme un territoire dont la population plutôt âgée est assez fortement exposée à la pauvreté-précarité en raison de :

- facteurs économiques (chômage et retrait de l’emploi des jeunes adultes, faibles revenus des ouvriers agricoles, des petits exploitants en activité ou à la retraite, des conjoints âgés des petits exploitants décédés),

- facteurs socio-éducatifs avec de faibles niveaux d’instruction et de qualification, - conditions de vie difficiles, notamment du fait de la présence de maisons anciennes en

location parfois assez dégradées, - facteurs familiaux (parentalité précoce dans des situations matérielles précaires).

Le pôle de solidarité du Sud-Gironde se caractérise aussi par une faible densité médicale en termes de spécialistes (par exemple en pédiatrie ou en gynécologie), mais aussi de dentistes, la densité médicale de généralistes étant supérieure à la moyenne nationale, proche de la moyenne régionale mais inférieure à la moyenne départementale.

Existence d’une surmortalité très modeste toutes causes de décès confondues, mais plus nette s’agissant de la mortalité par accidents ou de la mortalité des moins de 35 ans, mais légère sous-mortalité par cancer.

Il s’agit d’un pôle très vaste, donc hétérogène comprenant 5 profils.

- Une partie périurbaine au Nord-Ouest, avec une surreprésentation des familles à revenus modestes mais des inégalités modérées, et une fréquence assez importante des situations de pauvreté, la densité médicale y est relativement élevée s’agissant de la médecine de proximité, comme dans l’ensemble du pôle on observe une surmortalité par accidents.

- Des espaces à dominante rurale au Sud (dans les Landes girondines), avec une population très âgée, un important chômage des jeunes, mais une fréquence modérée des situations de pauvreté et une relative sous-mortalité si l’on excepte les accidents.

- Des espaces à dominante rurale au Sud-Est (à la limite du Lot-et-Garonne), avec une population très âgée, des populations d’âge actif à très faibles qualifications, , une fréquence importante des situations de pauvreté (associées à des retraits de l’emploi importants à tous les âges actifs, à des parentalités précoces ou résultant des faibles rémunérations des ouvriers agricoles très surreprésentés dans ces territoires), et une surmortalité par maladies infectieuses et respiratoires.

- L’agglomération de Langon, qui constitue un pôle intermédiaire d’activité et d’équipement, avec une population assez jeune disposant de faibles qualifications et des populations mobiles (gens du voyage), une surreprésentation des familles monoparentales en difficulté, un chômage et une pauvreté importants, une assez forte densité médicale, et une surmortalité concentrée sur les moins de 35 ans.

- Le Réolais, avec une population assez âgée cumulant les difficultés sociales (monoparents à faibles ressources, chômage et retraits d’activité à tous les âges actifs, faibles rémunérations des ouvriers agricoles). La surmortalité y est modérée mais atteint cependant un niveau important pour les morts violentes (suicides et homicides, et à un moindre degré par accidents), pour les moins de 60 ans, et plus encore pour les moins de 35 ans.

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67 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

Annexe B Indicateurs pour recueil de données des ateliers territoriaux

Nom du territoire Atouts Difficultés

RURAL URBAIN

PERIURBAIN

ACTIVITES

AGRICOLE INDUSTRIELLE

ADMINISTRATIVE COMMERCE

AUTRES CHOMAGE

DEMOGRAPHIE

JEUNES AGES

FAMILLE FAMILLE MONOPARENTALE

ISOLES AUTRES

POPULATION SPECIFIQUE

DESCENDANTS IMMIGRES TRAVAILLEURS PAUVRES

ENFANTS JEUNES

PERSONNES AGEES PERSONNES PROSTITUEES

SANS LOGEMENT MILIEU CARCERAL

AUTRES

Problématiques de transport

Etendue du territoire Etalement urbain

Pb de transport en commun autres

Associations

Culturelles Sportives

Santé Usagers/habitants

autres

ACTEURS DE SOINS REPERES

Médecins généralistes Infirmiers libéraux kinésithérapeutes

Hôpital Ambulanciers

Psychiatres de secteur Psychiatres privés

Gynécologues Dentistes

Ophtalmologistes Pharmacies

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68 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

autres

ATOUTS DIFFICULTES

ACTEURS DE SANTE REPERES

Asso Prévention des risques Services d’accès aux droits

Ecoles, collèges, lycées autres

Connaissance des acteurs Coordination des acteurs

Pénurie des acteurs

atouts difficultés Coordination des acteurs leviers

Ouverture de droits/accès aux droits

PROBLEMATIQUES DE SANTE

Santé mentale Addictions

Cancer Diabète Troubles

cardiovasculaires

Problématiques infantiles

Problématiques adolescentes

Problématiques personnes âgées

Problématiques spécifiques

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69 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

Annexe C Mise en place et déroulement pratique des ateliers « usagers »

A- Argumentaire groupe usagers / OGPP

Cadre de la mise en place des groupes d’usagers :

L’Observatoire Girondin de la Précarité et de la pauvreté rend chaque année un diagnostic précis des problématiques spécifiques de chaque territoire. Un focus est fait cette année sur l’accès à la santé. Pour cela, 2 types d’ateliers ont été mis en place sur l’ensemble du territoire girondin afin de repérer par territoire, les problématiques spécifiques mais aussi les leviers permettant un meilleur accès à la santé de tous.

Vous avez participé à l’une des rencontres sur chaque pôle entre les acteurs professionnels et bénévoles (avril à juin 2015).

Aujourd’hui , nous avons besoin de votre aide et soutien pour mettre en place les ateliers des usagers des pôles ( le 29 Juin 2015 de 14h à 16h)

Objectif des ateliers recueil de la parole des usagers :

- Participation active des usagers des pôles territoriaux sur le repérage des freins et leviers à l’accès à la santé

Composition et fonctionnement des groupes :

- Critères d’inclusion des personnes (selon théorie du T-Group) : 7 à 8 personnes par atelier : o Personnes connus par un travailleur social du Pôle Territorial o Personnes parlant correctement le Français et pouvant s’exprimer devant un groupe o Personnes pouvant « supporter » de « vivre le groupe » (ex : laisser la parole aux

autres, supporter la contradiction…) o Personnes pouvant se déplacer sur le lieu de l’atelier le 29/06/2015 de 14h – 15h30

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70 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

Lieu de l’atelier PÔLES PARTICIPANT Nombre de personnes PAR pôle

LANTON

Bassin d’Arcachon

5 personnes

Médoc

5 personnes

LANGON

Sud Gironde

8 personnes

LIBOURNE

St André de Cubzac

5 personnes

Libourne

5 personnes

BORDEAUX

Bordeaux

1 à 3 personnes

Talence

1 à 3 personnes

Mérignac

1 à 3 personnes

Lormont

1 à 3 personnes

Déroulé des ateliers :

- 4 ateliers en même temps : le 29/06/2015 de 14h à 16h o 14h-15h30 : échanges sur les leviers et problématiques de santé qu’ils rencontrent

sur chaque territoire o 15h30- 16h : échanges entre chaque rapporteur d’atelier en Visio- conférence

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71 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

B- Déroulement atelier OGPP/ Usagers

14h-14h10 : tour de table avec Prénom+ lieu d’habitation

Pour les animateurs (André/ Christophe/ Elodie /Béatrice…) , penser à expliquer qu’est-ce que fait votre institution (en 1min) si on vous le demande … Présentez-vous avec votre prénom et lieu d’exercice

14h10-14h20 : animateur explique démarche :

- OGPP c’est quoi ? - Démarche de la recherche : Ateliers territoriaux + participation des usagers+ Rendu

février 2016 - Règles du groupe : confidentialité, écoute des autres, respecter le temporalité du groupe

( 1h30), des prises de parole courtes - La santé c’est quoi ? Cf définition OMS : santé // maladie

14h20-15h25 : questions posées : dans votre quotidien, qu’est-ce qui faciliterait votre accès à la santé ?

(Poser des questions positives, vous verrez ils aborderont eux-mêmes les problèmes … cette démarche permettra d’ouvrir vers les leviers)

Laisser venir les thèmes mais veiller à que ça ne se concentre pas sur l’histoire d’une seule personne, thématique ou l’accès aux soins

Thèmes qui peuvent être abordés :

- Accès aux soins - Mobilité - Nutrition - Connaissance des acteurs sur le territoire - Education à la santé

15h25 -15h30 : synthèse des thèmes abordés + remerciements

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72 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

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73 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

SYNTHESE DES PROPOSITIONS POUR AMELIORER L’ACCES A LA SANTE ET AUX SOINS POUR TOUS

I- LEVIERS PROPOSES POUR L’ACCES A LA SANTE POUR TOUS

1

Faire de l’accès à la santé une priorité dans la lutte contre les exclusions dans la mise en place des politiques ou des dispositifs du Conseil Départemental. Cela permettrait de repositionner ces problématiques d’un point de vue global et permettrait d’activer l’ensemble des leviers et dispositifs pour résoudre ces problématiques. De plus, tous les acteurs se sentiraient concernés pour développer et promouvoir une approche globale de cette problématique.

2

Mettre en place sur tous les territoires, des espaces partagés d’échanges de pratiques entre les acteurs sociaux, médico-sociaux et soignants. Cela favoriserait le développement du partenariat, la connaissance des acteurs du territoire mais aussi permettrait une approche globale des situations. De plus, si ces espaces sont ouverts aux médecins généralistes et infirmiers libéraux, cela permettrait une sensibilisation de ces professionnels aux spécificités d’accès aux soins des personnes en situation de précarité tout en facilitant l’ouverture des droits à la couverture sociale.

II- LEVIERS PROPOSES POUR L’ACCES AUX SOINS

1

Valoriser la présence de Permanences d’Accès aux Soins. Les PASS ont été valorisées par de nombreux acteurs, sur leur territoire, en termes de coordination des acteurs, d’amélioration de l’ouverture de droits mais surtout en termes de délivrance gratuite de médicaments. Il est à noter toutefois, qu’aucun des membres des ateliers citoyens n’a nommé ce dispositif. D’autre part, une autre piste à développer pour ces PASS serait un appui à la médecine libérale pour les accompagner dans le renouvellement des droits de leur patient.

2

Développement des maisons de santé qui ont permis une « re-médicalisation du territoire » avec une meilleure coordination des acteurs de soins.

3

La mise en place de Conseils Locaux de Santé. Ce dispositif a permis une meilleure coordination de l’ensemble des acteurs. Le seul biais qui a été avancé sur deux territoires est la difficulté parfois d’opérationnaliser ce type de Conseil au vu de la superficie des territoires couvrant plusieurs communautés de communes, et gérées par différents acteurs politiques.

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74 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

4

Le développement de nouveaux outils vers l’accès aux droits En terme d’accompagnement à l’information et de suivi des personnes dans leur accès aux droits, des acteurs des territoires ruraux ont mis en avant des expériences de prise en charge de personnes loin de l’insertion qui pourraient être développées aussi pour l’accès à la santé. Ils proposeraient un bus qui se rend sur les lieux de socialisation, tels que les marchés hebdomadaires, les terrains de sport pour assurer des permanences régulières. Ce bus pourrait être équipé de wifi et permettrait un accompagnement aux démarches administratives des personnes qui sont démunies face aux nouvelles pratiques des administrations.

III- LEVIERS PROPOSES EN DIRECTION DES ENFANTS ET DES JEUNES

1

Développer des actions autour de la parentalité afin de diminuer l’impact des conséquences de la précarité sur le développement des enfants.

2 Améliorer et renforcer l’accès à la pédopsychiatrie.

3

Développer et promouvoir les actions d’éducation à la santé au collège. Tous les acteurs ont défendu le fait que l’investissement en termes de prévention et d’éducation à la santé devait être fort au collège alors qu’il est aujourd’hui parcellaire et non pérenne. Pour tous les acteurs territoriaux, l’école, lieu de socialisation et d’apprentissage de la citoyenneté reste le lieu où le développement à l’éducation à la santé peut être le plus efficient.

4

Développer des actions de prévention dans les associations sportives ou culturelles qui accueillent des jeunes afin de travailler sur les conduites addictives mais aussi développer des actions de prévention « ciblées » pour les jeunes les plus en difficulté à l’échelle de chaque territoire.

5

Développer l’information sur l’accès aux droits en Education Civique. Les jeunes semblent très mal informés de leurs droits en termes de couverture sociale. Un des acteurs s’interrogeait sur les programmes d’éducation civique. Il proposait que ces actions d’éducation à la santé par l’accès aux droits puissent se dérouler dans d’autres programmes que celui des Sciences de la Vie et de la Terre. Il proposait que l’accès aux droits à la santé soit aussi développé en Education Civique. Cela éviterait que des jeunes soient « perdus » à leur entrée dans la vie active.

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75 LIVRET THEMATIQUE OGPP : Accès à la santé des personnes en situation de précarité

IV- LEVIERS PROPOSES EN DIRECTION DES PERSONNES AGEES

1

Repositionner le financement des éléments qui permettent de prendre en charge les premiers signes de dépendance (ex : protections urinaires et téléassistance), en lien avec la grille AGIRR.

2

Promouvoir toutes les actions collectives qui permettront de rompre l’isolement des personnes âgées. Par exemple, développer des dispositifs tels « Mona Lisa » dans les territoires non métropolitains.

3

Développer des actions collectives en direction des aidants « naturels » afin de les accompagner dans la prise en charge de leur personne âgée.

4

Faciliter l’accès à la couverture sociale et à la couverture complémentaire en mettant en œuvre des guichets « mobiles » sur les lieux de socialisation tels que les marchés. Cela permettrait d’accompagner ces publics qui pour certains n’ont pas une maitrise d’internet mais aussi de pouvoir répondre à leurs difficultés de mobilité.

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Document réalisé par l’Observatoire Girondin de la Précarité et de la Pauvreté sous la direction de Béatrice Blanchet-Lacheny,

Département de la Gironde

[email protected]

Tél. 05 56 99 53 91

Avec la participation :

de l’Université de Bordeaux (Comptrasec, département de démographie) de l’Institut Régional du Travail Social Nouvelle Aquitaine

des directions du Département de la Gironde des services de l’Etat

des associations membres de la Conférence Girondine de la Précarité et de la Pauvreté