Objet Specifique Du Droit de Marque

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Recueil Dalloz Recueil Dalloz 2000 p. 103 L'objet spécifique du droit de marque Nicolas Bouche, Docteur en droit, ATER de l'Université de Bourgogne L'essentiel La notion d'objet spécifique est une notion fondamentale de la jurisprudence de la CJCE s'agissant de concilier le principe de libre circulation communautaire avec les droits de marque nationaux, comme avec tout autre « droit de propriété industrielle et commerciale ». La CJCE n'a admis de dérogations au principe de libre circulation communautaire qu'autant qu'elles sont justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent « l'objet spécifique » de la propriété industrielle et commerciale en cause. Dans la mesure, cependant, où la réputation, la renommée d'une marque est le fruit de la politique commerciale de l'entreprise qui l'exploite, il semble douteux qu'il puisse être de l'objet spécifique du droit de marque de protéger la réputation de la marque. D'une manière plus générale, la notion d'objet spécifique repose sur une analyse fondamentale de l'essence du droit de marque qui ne se concilie qu'imparfaitement avec l'ensemble des solutions de la jurisprudence de la CJCE ou celles transcrites dans la directive du 21 déc. 1988 et les divers droits nationaux. 1 - La notion d'« objet spécifique » est à la base de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes s'agissant de concilier le principe de libre circulation communautaire avec les droits de marque nationaux, comme avec tout autre « droit de propriété industrielle et commerciale » (1). Pour réaliser cette conciliation, la CJCE s'est donc appuyée, à travers l'objet spécifique, sur une analyse de ce qui constitue l'essence de la marque et du droit de marque. Cette notion d'« objet spécifique » du droit de marque suscite cependant encore quelques difficultés. Elle paraît déjà assez floue dans la mesure où la protection par le droit de marque de la réputation de la marque, acceptée dernièrement par la CJCE, peut pourtant sembler ne pas rentrer dans « l'objet spécifique » du droit de marque (I). Mais on peut également se demander si elle joue le rôle fondamental qu'on lui reconnaît d'habitude, dans la mesure où elle ne suffit pas vraiment à expliquer l'ensemble de la jurisprudence de la CJCE, les solutions transcrites dans la directive du 21 déc. 1988 (2) et les divers droits nationaux (II). I - L'objet spécifique du droit de marque et la protection de la réputation de la marque 2 - Dans les trois arrêts Bristol-Myers Squibb, Christian Dior et Loendersloot, la CJCE énonce une idée commune selon laquelle la présentation négligée du produit marqué, que ce soit à la suite de son reconditionnement (3), dans la publicité destinée à assurer sa commercialisation (4) ou à l'occasion de la réapposition de la marque (5), peut autoriser le titulaire du droit de marque national à opposer son droit à la commercialisation du produit marqué. Et dans tous ces arrêts, la Cour affirme finalement que l'objet spécifique du droit de marque couvre cette dérogation au principe fondamental de libre circulation intracommunautaire des marchandises et des services. 3 - Confrontée à la nécessité de concilier le principe de libre circulation des marchandises et des services, principe fondamental du Marché commun, exprimé à l'art. 30 (devenu art. 28) du Traité de Rome, avec l'art. 36 (devenu art. 30) du même traité qui admet des dérogations à ce principe dès lors qu'elles sont justifiées par des raisons tenant à la protection de la propriété industrielle et commerciale, la Cour a dégagé sa jurisprudence (6) selon laquelle l'art. 36 du Traité CEE autorise des dérogations à ce principe, dès lors qu'elles sont justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l'objet spécifique de la propriété industrielle et commerciale en cause. 4 - Il en va de même dans les arrêts qui nous intéressent, que la Cour vise directement les art. 30 et 36 du traité ou même seulement l'art. 7, paragr. 1 et 2, de la directive du 21 déc. 1988. Dans l'arrêt Christian Dior, par exemple, la Cour développe ses arguments sur le fondement de l'art. 7, paragr. 2, de la directive du 21 déc. 1988. C'est en s'appuyant sur cette disposition que la Cour admet que le droit de marque peut être opposé par son titulaire à l'utilisation par un tiers de la marque dans la publicité de ces produits marqués. L'atteinte grave qui serait portée à la renommée de la marque du fait de la présentation négligée de la marque dans cette publicité constituerait notamment le « motif légitime » de l'art. 7, paragr. 2. Il apparaît ici aussi que, pour la CJCE, il est de l'objet spécifique du droit de marque de protéger la renommée de la marque. En effet, comme l'a précisé la Cour elle-même, l'art. 7 de la directive de 1988, tant dans son premier paragraphe (7) que dans son second paragraphe (8), doit être interprété de la même manière que l'art. 36 du Traité CEE (9). Il ne pourrait pas, de toute façon, en aller autrement dans la mesure où « une directive ne peut pas justifier des entraves au commerce intracommunautaire, si ce n'est dans les limites consenties par les règles du traité » (10). Les limites tirées par la Cour, dans sa jurisprudence, des art. 30 et 36 du Traité CEE s'imposent donc tout autant aux règles nationales qu'aux règles communautaires (11). Cela a notamment pour conséquence que l'art. 7 de la directive, comme l'art. 36 du Traité CEE, n'autorisent des dérogations au principe fondamental de libre circulation qu'autant qu'elles sont justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l'objet spécifique de la propriété industrielle et commerciale en cause. Et cette idée que l'objet spécifique du droit de marque autorise le titulaire du droit de marque national à opposer son droit à la commercialisation du produit marqué dès lors que la présentation négligée du produit marqué est susceptible de nuire à la réputation de la marque, apparaît encore expressément dans les arrêts en question. Ainsi dans l'arrêt Christian Dior, la Cour énonce : « En effet, selon la jurisprudence de la Cour relative au reconditionnement des produits de marque, le titulaire d'une marque a un intérêt légitime, se rattachant à l'objet spécifique du droit de marque, à pouvoir s'opposer à la commercialisation de ces produits si la présentation des produits reconditionnés est susceptible de nuire à la réputation de la marque » (12). 5 - On peut cependant se demander si, véritablement, il tient à l'objet spécifique du droit de marque d'autoriser son titulaire à s'opposer à la commercialisation du produit marqué dès lors que la présentation négligée du produit marqué est susceptible de nuire à la réputation de la marque et, en conséquence, si cette nouvelle faculté qui est ainsi reconnue au titulaire peut être une dérogation légitime apportée par le droit de marque au principe fondamental de la libre circulation intracommunautaire des marchandises et des services. 6 - La CJCE, déjà à plusieurs reprises, a défini l'objet spécifique du droit de marque, c'est-à-dire ce qui, d'après elle, tient tant à l'essence du droit de marque que cela peut, conformément à l'art. 36 du Traité CEE, légitimer la dérogation au principe de la libre circulation de l'art. 30 du Traité de Rome. Dans l'arrêt Loendersloot, la Cour énonce au point 22 : « S'agissant du droit de marque, la Cour a affirmé que celui-ci constitue un élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité entend établir. Dans un tel système, les entreprises doivent être en mesure de s'attacher la clientèle par la qualité de leurs produits ou de leurs services, ce qui n'est possible que grâce à l'existence de signes

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Recueil Dalloz

Recueil Dalloz 2000 p. 103

L'objet spécifique du droit de marque

Nicolas Bouche, Docteur en droit, ATER de l'Université de Bourgogne

L'essentielLa notion d'objet spécifique est une notion fondamentale de la jurisprudence de la CJCE s'agissant de concilier le principe de librecirculation communautaire avec les droits de marque nationaux, comme avec tout autre « droit de propriété industrielle etcommerciale ». La CJCE n'a admis de dérogations au principe de libre circulation communautaire qu'autant qu'elles sont justifiéespar la sauvegarde des droits qui constituent « l'objet spécifique » de la propriété industrielle et commerciale en cause. Dans lamesure, cependant, où la réputation, la renommée d'une marque est le fruit de la politique commerciale de l'entreprise quil'exploite, il semble douteux qu'il puisse être de l'objet spécifique du droit de marque de protéger la réputation de la marque. D'unemanière plus générale, la notion d'objet spécifique repose sur une analyse fondamentale de l'essence du droit de marque qui ne seconcilie qu'imparfaitement avec l'ensemble des solutions de la jurisprudence de la CJCE ou celles transcrites dans la directive du 21déc. 1988 et les divers droits nationaux.

1 - La notion d'« objet spécifique » est à la base de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautéseuropéennes s'agissant de concilier le principe de libre circulation communautaire avec les droits de marque nationaux,comme avec tout autre « droit de propriété industrielle et commerciale » (1). Pour réaliser cette conciliation, la CJCEs'est donc appuyée, à travers l'objet spécifique, sur une analyse de ce qui constitue l'essence de la marque et du droit demarque. Cette notion d'« objet spécifique » du droit de marque suscite cependant encore quelques difficultés. Elle paraîtdéjà assez floue dans la mesure où la protection par le droit de marque de la réputation de la marque, acceptéedernièrement par la CJCE, peut pourtant sembler ne pas rentrer dans « l'objet spécifique » du droit de marque (I). Maison peut également se demander si elle joue le rôle fondamental qu'on lui reconnaît d'habitude, dans la mesure où elle nesuffit pas vraiment à expliquer l'ensemble de la jurisprudence de la CJCE, les solutions transcrites dans la directive du 21déc. 1988 (2) et les divers droits nationaux (II).

I - L'objet spécifique du droit de marque et la protection de la réputation de la marque2 - Dans les trois arrêts Bristol-Myers Squibb, Christian Dior et Loendersloot, la CJCE énonce une idée commune selonlaquelle la présentation négligée du produit marqué, que ce soit à la suite de son reconditionnement (3), dans lapublicité destinée à assurer sa commercialisation (4) ou à l'occasion de la réapposition de la marque (5), peutautoriser le titulaire du droit de marque national à opposer son droit à la commercialisation du produit marqué. Et danstous ces arrêts, la Cour affirme finalement que l'objet spécifique du droit de marque couvre cette dérogation au principefondamental de libre circulation intracommunautaire des marchandises et des services.

3 - Confrontée à la nécessité de concilier le principe de libre circulation des marchandises et des services, principefondamental du Marché commun, exprimé à l'art. 30 (devenu art. 28) du Traité de Rome, avec l'art. 36 (devenu art. 30) dumême traité qui admet des dérogations à ce principe dès lors qu'elles sont justifiées par des raisons tenant à laprotection de la propriété industrielle et commerciale, la Cour a dégagé sa jurisprudence (6) selon laquelle l'art. 36 duTraité CEE autorise des dérogations à ce principe, dès lors qu'elles sont justifiées par la sauvegarde des droits quiconstituent l'objet spécifique de la propriété industrielle et commerciale en cause.

4 - Il en va de même dans les arrêts qui nous intéressent, que la Cour vise directement les art. 30 et 36 du traité oumême seulement l'art. 7, paragr. 1 et 2, de la directive du 21 déc. 1988. Dans l'arrêt Christian Dior, par exemple, la Courdéveloppe ses arguments sur le fondement de l'art. 7, paragr. 2, de la directive du 21 déc. 1988. C'est en s'appuyant surcette disposition que la Cour admet que le droit de marque peut être opposé par son titulaire à l'utilisation par un tiers dela marque dans la publicité de ces produits marqués. L'atteinte grave qui serait portée à la renommée de la marque dufait de la présentation négligée de la marque dans cette publicité constituerait notamment le « motif légitime » de l'art. 7,paragr. 2. Il apparaît ici aussi que, pour la CJCE, il est de l'objet spécifique du droit de marque de protéger la renomméede la marque. En effet, comme l'a précisé la Cour elle-même, l'art. 7 de la directive de 1988, tant dans son premierparagraphe (7) que dans son second paragraphe (8), doit être interprété de la même manière que l'art. 36 du TraitéCEE (9). Il ne pourrait pas, de toute façon, en aller autrement dans la mesure où « une directive ne peut pas justifierdes entraves au commerce intracommunautaire, si ce n'est dans les limites consenties par les règles du traité » (10).Les limites tirées par la Cour, dans sa jurisprudence, des art. 30 et 36 du Traité CEE s'imposent donc tout autant auxrègles nationales qu'aux règles communautaires (11).

Cela a notamment pour conséquence que l'art. 7 de la directive, comme l'art. 36 du Traité CEE, n'autorisent desdérogations au principe fondamental de libre circulation qu'autant qu'elles sont justifiées par la sauvegarde des droits quiconstituent l'objet spécifique de la propriété industrielle et commerciale en cause. Et cette idée que l'objet spécifique dudroit de marque autorise le titulaire du droit de marque national à opposer son droit à la commercialisation du produitmarqué dès lors que la présentation négligée du produit marqué est susceptible de nuire à la réputation de la marque,apparaît encore expressément dans les arrêts en question. Ainsi dans l'arrêt Christian Dior, la Cour énonce : « En effet,selon la jurisprudence de la Cour relative au reconditionnement des produits de marque, le titulaire d'une marque a unintérêt légitime, se rattachant à l'objet spécifique du droit de marque, à pouvoir s'opposer à la commercialisation de cesproduits si la présentation des produits reconditionnés est susceptible de nuire à la réputation de la marque » (12).

5 - On peut cependant se demander si, véritablement, il tient à l'objet spécifique du droit de marque d'autoriser sontitulaire à s'opposer à la commercialisation du produit marqué dès lors que la présentation négligée du produit marquéest susceptible de nuire à la réputation de la marque et, en conséquence, si cette nouvelle faculté qui est ainsi reconnueau titulaire peut être une dérogation légitime apportée par le droit de marque au principe fondamental de la librecirculation intracommunautaire des marchandises et des services.

6 - La CJCE, déjà à plusieurs reprises, a défini l'objet spécifique du droit de marque, c'est-à-dire ce qui, d'après elle, tienttant à l'essence du droit de marque que cela peut, conformément à l'art. 36 du Traité CEE, légitimer la dérogation auprincipe de la libre circulation de l'art. 30 du Traité de Rome. Dans l'arrêt Loendersloot, la Cour énonce au point 22 : «S'agissant du droit de marque, la Cour a affirmé que celui-ci constitue un élément essentiel du système de concurrencenon faussé que le traité entend établir. Dans un tel système, les entreprises doivent être en mesure de s'attacher laclientèle par la qualité de leurs produits ou de leurs services, ce qui n'est possible que grâce à l'existence de signes

distinctifs permettant de les identifier. Pour que la marque puisse jouer ce rôle, elle doit constituer la garantie que tousles produits qui en sont revêtus ont été fabriqués sous le contrôle d'une entreprise unique à laquelle peut être attribuéela responsabilité de leur qualité. Par conséquent, l'objet spécifique du droit de marque est notamment d'assurer autitulaire le droit exclusif d'utiliser la marque, pour la première mise en circulation d'un produit, et de le protéger ainsicontre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produitsindûment pourvus de cette marque ». L'objet spécifique du droit de marque apparaît ici déjà comme fondamentalement liéà la « fonction essentielle » de la marque. D'une manière tout à fait logique, c'est en définissant la fonction de la marqueen tant que signe distinctif, qui est une fonction d'indication de provenance du produit marqué, que la Cour aboutit à ladéfinition de l'objet spécifique du droit de marque, qui est de garantir juridiquement la fonction essentielle de la marque

(13). En effet, la marque, en tant que signe distinctif, permet d'identifier un produit, de savoir de quelle entreprise ilprovient. La marque crée un lien entre un produit et une entreprise. Pour que la marque puisse jouer ce rôled'identification de l'origine du produit, il est indispensable que la marque ne soit mise en relation qu'avec un type deproduits qui proviennent d'une seule et même entreprise. Et l'objet spécifique du droit de marque est donc notammentd'assurer l'exclusivité de son titulaire, d'assurer que seul le titulaire du droit sur la marque peut lier la marque au type deproduits choisi. Le titulaire est donc protégé contre les concurrents, qui fabriquent ou vendent des produits du même typeet qui seraient tentés, pour profiter de la position et de la réputation de sa marque, de munir leurs produits de cettemarque, indûment, rompant ainsi l'exclusivité du titulaire. La marque est une indication d'origine du produit et le droit demarque est destiné à garantir juridiquement la marque dans ce rôle.

Le droit de marque est-il cependant toujours dans son objet spécifique lorsqu'il permet à son titulaire de s'opposer à lacommercialisation de produits marqués authentiques mais dont la présentation réalisée par un tiers est si négligée qu'elleest susceptible de nuire à la réputation de la marque ?

7 - A notre avis, la réputation, la renommée d'une marque n'est rien qui tienne à la marque elle-même et enconséquence, investir le droit de marque de la mission de protéger la réputation de la marque est investir ce droit d'unobjet qui ne lui est pas « spécifique ». Qu'est-ce que la réputation ou la renommée de la marque ? C'est l'image deprestige ou de luxe qu'a la marque aux yeux du public. Toutes les marques véhiculent une image dans le public, ont uneréputation, mais celle-ci peut être bonne ou mauvaise. La réputation de la marque n'est que l'image qu'a le public de lamarque et de l'entreprise qui est derrière. Si la marque a du prestige, une réputation, si elle se voit attachée une certaineimage de luxe, cela tient à un ensemble de mesures de politique commerciale de l'entreprise : par exemple, ne vendre oufabriquer sous cette marque que des produits de luxe, de haute qualité, d'un prix élevé susceptible de sélectionner laclientèle, ou n'assurer la distribution des produits qu'à travers un réseau de vendeurs sélectionnés et rassemblés par desexigences communes et élevées de présentation, de service après-vente, etc.

La marque recueille, concentre en elle les bénéfices d'image de cette politique commerciale, mais n'y contribue pasdirectement. La marque a bonne ou mauvaise réputation selon les efforts et les succès de la politique commerciale del'entreprise qui l'exploite. La réputation d'une marque peut ainsi varier d'un jour à l'autre, suite à un scandale concernantcertains produits de la marque, que l'on pense par exemple à l'atteinte qu'ont pu subir des marques telles que Perrier ouCoca-Cola lorsque des lots de leurs boissons ont pu paraître dangereux pour la santé des consommateurs. Sur le pluslong terme, elle peut progressivement décliner, que l'on pense par exemple à la marque Lip, ou au contraire se renforcer.De plus, la marque ne garantit ni une bonne, ni une mauvaise réputation. L'emballage, le circuit de distribution nedépendent d'ailleurs nullement de la marque elle-même (14). La détermination de l'emballage, du circuit de distributiondu produit sont une détermination de la politique commerciale de l'entreprise sur laquelle la marque, simple signedistinctif, n'a aucune influence. La marque et sa réputation sont soumises aux choix, aux heurs et malheurs de la politiquecommerciale de l'entreprise qui l'exploite.

8 - Ladite « atteinte à la réputation de la marque » couvre en fait des hypothèses où le produit marqué, et donc lamarque, se retrouvent dans un contexte qui leur est jugé défavorable. La marque représente son titulaire, une entreprise; réaliser un emballage négligé du produit marqué ou faire une publicité commune du produit marqué, c'est impliquerl'entreprise dans un contexte qu'elle souhaite éviter, c'est contrarier sa politique commerciale.

Mais est-ce vraiment une atteinte à la marque ? Il nous semble que non. Un emballage ou une publicité négligés ont pourconséquence que le public obtient le produit non modifié, non altéré, dans une présentation qui n'est pas celle souhaitéepar la politique commerciale de l'entreprise. Le produit aura intrinsèquement auprès du public le résultat habituel ; il seracertainement de la qualité habituelle, aux propriétés ou caractéristiques identiques ; le produit en revanche seraprésenté au public d'une manière inhabituelle, non souhaitée par la politique commerciale de l'entreprise. Ce changementpeut effectivement décevoir certaines personnes du public. Il n'y aura cependant qu'une atteinte à la politiquecommerciale telle qu'elle est organisée par l'entreprise, sans qu'il y ait de véritable atteinte à la marque.

Il y aurait, à notre sens, véritablement une atteinte à la marque, si la raison pour laquelle l'entreprise a déposé la marquedevait être remise en cause. L'entreprise a déposé la marque, revendiqué le signe distinctif en cause pour accompagner,désigner une catégorie déterminée de produits (principe de spécialité), sans que la présentation du produit au public soitimpliquée. Le produit demeuré intègre, qui parvient jusqu'au public, ne porte pas atteinte à la marque. Que ce produitparvienne au public d'une manière qui ne convienne pas à la politique commerciale souhaitée et mise en oeuvre parl'entreprise, l'atteinte est pour la politique commerciale de l'entreprise, pour les résultats économiques, les performancesde l'entreprise sur le marché et par voie de conséquence seulement indirectement pour la valeur de la marque, qui ne sedistingue pas de la valeur de l'entreprise et de son activité commerciale, et non pour la marque elle-même directement. Anotre avis, ce n'est pas la marque qui en pâtit, si bien que l'entreprise en pâtirait à son tour. Tout à l'inverse, par uneprésentation négligée du produit marqué, c'est la politique commerciale de l'entreprise, qui forge l'éventuelle réputationde la marque, qui est contrariée et non la marque elle-même. Son efficacité est toujours la même à représenterl'entreprise sur le produit. La marque demeure ce qu'elle est fondamentalement, un signe distinctif qui relie le produit quila porte à une entreprise déterminée. Que la marque ait une forte valeur économique ou non, qu'elle soit prestigieuse ounon, elle remplit toujours de la même façon sa mission d'indication d'origine.

9 - La question est alors de savoir s'il est de la mission du droit de marque de protéger cette réputation et la valeuréconomique de la marque qui en résulte. Le droit de marque protège alors quelque chose auquel la marque est elle-même étrangère. Si la marque a du prestige, une réputation, se voit attachée une certaine image de luxe, cela tient à unensemble de mesures de politiques commerciales. Il y a donc une nette différence entre le droit de marque dont l'objetspécifique est de garantir juridiquement la fonction de base de la marque, indiquer l'origine du produit, et l'idée soutenuepar la Cour qu'il serait également de l'objet spécifique du droit de marque de garantir juridiquement la réputation de lamarque, alors que la marque n'a aucune influence sur sa propre réputation. Autant il y avait traditionnellement un lienlogique évident entre la fonction essentielle de la marque et l'objet spécifique du droit de marque, affirmé dans lajurisprudence de la Cour, autant ici ce lien nous semble disparu. La réputation ne dépend pas de la marque elle-même, aucontraire de l'indication d'origine que la marque sert toujours quelle que soit sa réputation.

Sous couvert de protéger la réputation de la marque, on peut donc se demander si le droit de marque n'est pas utilisépar la Cour pour protéger la politique commerciale menée pour augmenter le prestige de la marque, recruter une clientèledéterminée, s'assurer une politique de prix élevée, c'est-à-dire pour protéger l'activité économique de l'entreprise titulairede la marque et non la marque elle-même. Il est certes tout à fait possible pour un législateur d'investir le droit demarque de la mission de protéger la marque contre toute atteinte à sa réputation et à sa valeur économique, de même

que la politique commerciale menée par l'entreprise peut être légitime. Cela ne correspondrait cependant pas à lajurisprudence traditionnelle de la CJCE. Il nous semble que ce serait ainsi reconnaître au droit de marque certes un nouvelobjet, mais surtout un objet qui ne lui serait en rien « spécifique », car la réputation d'une marque ne dépend en rien dela marque elle-même, en tant que signe distinctif. Au contraire, la réputation d'une marque tient à la politique commercialede l'entreprise que la marque subit mais ne détermine pas. Il apparaît ainsi que la libre circulation n'est pas bloquée àraison des droits qui constituent « l'objet spécifique » du droit de marque. Or, l'art. 36 du Traité de Rome sur lequel laCour a toujours fondé sa jurisprudence n'autorise, toujours selon la Cour elle-même, des dérogations au principefondamental de la libre circulation intracommunautaire des marchandises et des services que pour autant qu'elles sontjustifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l'objet spécifique de la propriété industrielle et commerciale encause.

La directive du 21 déc. 1988 (15), elle-même, semble confirmer qu'il n'est pas de l'essence du droit de marque, de sonobjet spécifique, d'assurer à son titulaire la protection de la réputation de la marque. Dans son art. 5, relatif aux « droitsconférés par la marque », l'al. 1er confère des droits au titulaire de la marque, peu importe qu'elle soit renommée ou non.En revanche, l'al. 2 qui confère au titulaire de la marque, le droit d'interdire, relativement à des produits non similaires,l'usage de sa marque renommée et assure la protection de cette renommée, précise qu'il ne s'agit là que d'une possibilitépour la législation de chaque Etat membre (« Tout Etat membre peut également... »). Il en va de même de l'al. 5 qui viseencore la protection d'une marque renommée et laisse libre chaque Etat membre ; la directive, simplement, n'affecterapas les dispositions nationales qui assureraient la protection de la renommée de la marque. Dans cet art. 5, la renomméede la marque est indifférente s'agissant de droits qui sont obligatoirement conférés par la marque (al. 1), tandis que larenommée de la marque et son atteinte n'est prise en considération que pour des droits conférés par la marquefacultativement, selon le libre choix des législations nationales (al. 2 et 5 (16)). Tout cela témoigne qu'il n'est donc pasde l'essence du droit de marque, de son objet spécifique, de protéger la renommée de la marque.

Le droit de marque semble alors quelque peu détourné de sa vocation naturelle, car il ne semble pas avoir de légitimitéparticulière à protéger la politique commerciale de l'entreprise. Le droit de marque est nécessairement et certainementune garantie juridique de la marque en tant que signe distinctif. Ce signe distinctif a certainement, de par la force deschoses, une réputation et une valeur économique. Cette réputation et valeur économique ne sont cependant jamaisgaranties et ne tiennent pas à la marque elle-même, mais à la politique commerciale de l'entreprise qui l'exploite. Il nes'agit pas pour autant de contester qu'il y ait une évidente légitimité à protéger le titulaire d'un droit de marque contretoute atteinte à la réputation de sa marque. Il s'agit déjà simplement de se demander, compte tenu du cadre strict del'objet spécifique que le Traité CEE et la jurisprudence de la CJCE imposent pour l'admission des dérogations au principede libre circulation, si véritablement c'est le droit de marque qui doit être l'instrument de cette protection (17). Il noussemble finalement que l'atteinte à la réputation de la marque n'est qu'une variété des préjudices qui peuvent être portésà une entreprise, car elle est d'abord une atteinte à la politique commerciale de l'entreprise et par voie de conséquenceaux efforts et aux investissements réalisés par l'entreprise dans le cadre de cette politique commerciale. Avec unepolitique commerciale efficace, c'est toute l'entreprise qui s'apprécie, tous les éléments nécessaires à la réalisation de sonactivité, dont la marque, mais cela n'est en rien spécifique à la marque. Protéger la réputation et la valeur économique dela marque, c'est protéger la politique commerciale de l'entreprise et au-delà la valeur patrimoniale de l'entreprise même,c'est lutter contre une atteinte à l'activité et au patrimoine de l'entreprise. L'on ne perçoit pas alors un lien si spécifiqueentre cette protection et le droit de marque. Il y a cependant certainement lieu à réparation d'un préjudice patrimonial,voire extrapatrimonial. Lorsque l'atteinte à la réputation de la marque est le fait d'un concurrent, un recours aux principesde la concurrence déloyale semble également s'imposer. Mais ne devrait-on pas réserver le droit de marque auxhypothèses qui concernent bien plus directement « l'objet spécifique » du droit de marque que l'hypothèse envisagée del'atteinte à la réputation de la marque ?

10 - Il est d'ailleurs remarquable, à cet égard, qu'en droit français, le droit de marque n'assure pas spécialement laprotection de la réputation, de la « renommée » de la marque (18). L'art. L. 716-1 c. propr. intell. précise que constitueune « contrefaçon », « une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux art. L. 713-2, L.713-3 et L. 713-4 ». Aucun de ces articles cependant n'envisage spécialement une protection particulière d'une marquerenommée. En revanche, l'art. L. 713-5, qui quant à lui assure une protection spéciale de la marque « jouissant d'unerenommée », assure cette protection non pas grâce au droit de marque et sur la base de l'action en contrefaçon, mais surle fondement classique de la responsabilité civile (art. 1382 c. civ.) et de l'abus du droit (19).

11 - Dans un dernier arrêt du 23 févr. 1999 (20), la CJCE admet que le titulaire du droit de marque, la sociétéautomobile BMW, pourrait s'opposer à l'usage de sa marque fait par un garagiste indépendant dans sa publicité. En effet,« peut constituer un motif légitime, conformément à l'art. 7, paragr. 2, de la directive le fait que la marque est utiliséedans la publicité du revendeur d'une manière telle qu'elle peut donner l'impression qu'il existe un lien commercial entre lerevendeur et le titulaire de la marque, et notamment que l'entreprise du revendeur appartient au réseau de distributiondu titulaire de la marque ou qu'il existe une relation spéciale entre les deux entreprises ». Là aussi, la CJCE estime doncque le droit de marque pourrait légitimement intervenir car cette publicité « viole l'obligation d'agir de façon loyale àl'égard des intérêts légitimes du titulaire de la marque et affecte la valeur de la marque en tirant indûment profit de soncaractère distinctif ou de sa renommée. Elle est ainsi contraire à l'objet spécifique du droit de marque, qui, selon lajurisprudence de la Cour, est notamment de protéger le titulaire contre les concurrents qui voudraient abuser de laposition et de la réputation de la marque ». La citation de l'objet spécifique par la CJCE est ici particulièrementintéressante. La Cour y définit très précisément comment l'objet spécifique intervient, selon elle, pour protéger laréputation de la marque : la publicité du garagiste est « contraire à l'objet spécifique du droit de marque, qui, selon lajurisprudence de la Cour, est notamment de protéger le titulaire contre les concurrents qui voudraient abuser de laposition et de la réputation de la marque ». Et la Cour renvoie alors à l'arrêt Hag II. Or, il nous semble que la Cour dansl'arrêt Hag II lorsqu'elle parlait des concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque,visait d'abord l'hypothèse du produit « indûment » marqué. Un concurrent qui fabrique ou commercialise des produits dumême type et qui munit ses produits de la marque, cherche évidemment à abuser de la position et de la réputation de lamarque. S'il relie ainsi ses propres produits à la marque d'autrui, c'est précisément parce que cette marque estprestigieuse, assure un débouché facile à ses produits. Cependant, les produits marqués ne sont alors pas authentiques.La marque en tant que signe distinctif dont la fonction essentielle, garantie juridiquement par le droit de marque, estl'indication de l'origine du produit, est violée. L'intervention du droit de marque ici est indubitablement légitime, carconforme à son objet spécifique.

En revanche, dans l'hypothèse qui est celle de l'affaire BMW, il ne nous semble toujours pas que le droit de marque puisseintervenir conformément à son « objet spécifique ». Ce qui est ici en cause ce n'est pas une présentation négligée duproduit (21), mais un acte de parasitisme. Le garagiste par l'usage de la marque BMW dans sa publicité tend à fairecroire au public qu'il est spécialement lié à la société BMW et tirer ainsi profit du prestige de la marque. Il n'y a alorsaucune atteinte à la marque en tant que signe distinctif. Les produits en cause, présentés dans la publicité sous lamarque BMW, sont bien des produits authentiques, qui ont même été mis en circulation par le titulaire ou avec sonconsentement dans la CEE ou l'EEE. Il n'y a pour le public aucun risque de tromperie sur l'origine du produit. Ensuite, legaragiste porte-t-il vraiment atteinte à la réputation, au prestige de la marque BMW ? Dans un tout premier temps, non.Tant qu'il cherche le plus possible à se rattacher dans l'esprit du public à la marque BMW, il cherche à profiter du prestigede la marque et non directement à lui nuire. Ce n'est que dans un deuxième temps, s'il n'assure pas effectivement unservice de la qualité attendue par le public, du fait du lien ainsi créé par ses soins entre lui et la marque BMW. Les clients

qui auront à se plaindre de lui, engloberont dans leur réprobation, dans un même mouvement, le garagiste comme lamarque et la société BMW. C'est à partir de ce moment là que la marque aura à souffrir de la publicité réalisée par legaragiste. Toutefois, l'atteinte n'est encore une fois qu'une atteinte à la réputation et nous retrouvons nos objectionsprécédentes. Pour contrer cet acte de parasitisme, de concurrence déloyale du garagiste, ne devrait-on donc paschercher un instrument juridique hors du droit de marque ?

12 - Si la notion de « l'objet spécifique » du droit de marque apparaît ainsi assez floue pour que l'on ait pu se demandersi cette notion couvre la protection de la réputation de la marque, elle apparaît également trop générale pour expliquertout le détail des solutions adoptées dans le cadre communautaire pour concilier le principe de libre circulation et lesdroits de marque nationaux.

II - Une analyse trop générale pour une solution spéciale13 - Toute la jurisprudence de la CJCE a fondamentalement reposé sur une analyse de la nature essentielle du droit demarque, la détermination de sa fonction (22) et des prérogatives qui y sont corrélativement attachées (23). La CJCE aainsi énoncé que le droit communautaire ne venait pas remettre en cause l'existence des droits de propriété industrielleet commerciale, dont le droit de marque, mais venait restreindre l'exercice du droit de marque national (24) à ce qui enconstituait l'objet spécifique. La marque a pour fonction essentielle d'indiquer au consommateur l'origine du produit (25), elle lui donne une idée de la qualité du produit, même si elle ne la garantit pas, le titulaire de la marque étant librede faire varier la qualité de son produit (26), et l'objet spécifique du droit de marque est « d'assurer au titulaire le droitexclusif d'utiliser la marque, pour la première mise en circulation d'un produit, et de le protéger ainsi contre lesconcurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûmentpourvus de cette marque » (27).

L'analyse de la Cour est donc fondée sur une définition de la nature, la fonction du droit de marque et les prérogativesqui y sont corrélativement attachées. Sa conception se traduit également en ce que la Cour a restreint l'atteinte au droitde marque aux produits « indûment » pourvus de la marque. La Cour ne vise que le cas de l'usage de la marquecontrefaite. Il en va de même quand elle énonce que « lorsque le produit a été écoulé licitement sur le marché de l'Etatmembre d'où il est importé, par le titulaire lui-même ou avec son consentement, (...) il ne peut être question d'abus ou decontrefaçon de marque » (28). Manifestement le droit de marque dans l'idée de la Cour ne confère pas la maîtrise de lacommercialisation du produit marqué authentique. Le titulaire du droit de marque ne peut pas se plaindre du produit qu'ila lui-même marqué et mis en circulation ou qui a été mis en circulation par un tiers mais avec son consentement.L'analyse de la Cour est qu'il convient de restreindre l'exercice du droit de marque à ce qui en constitue l'essence. C'estseulement dans cette mesure que le droit de marque comme tout autre droit de propriété industrielle et commerciale,conformément à l'art. 36 du Traité CEE, peut valablement constituer une dérogation au principe, si essentiel au projetcommunautaire, de libre circulation des produits et services, affirmé dans l'art. 30 du Traité CEE (29). Si le droit demarque national est une dérogation à la libre circulation des produits et services dans la Communauté, cette dérogationn'est admise que pour autant qu'elle corresponde à l'essence, à la nature et à la fonction essentielle du droit de marque.C'est dans cette perspective que la Cour a été amenée à définir l'objet spécifique du droit de marque et la fonctionessentielle de la marque. Cette analyse prétend se baser sur l'essence, la substance (30) du droit de marque, safonction et les prérogatives qui y sont corrélativement attachées.

14 - La théorie de l'épuisement repose également sur une définition par la CJCE de la nature et de la fonction du droit demarque (31). L'idée de cette théorie est que le droit de marque a une fonction déterminée en considération de laquellelui sont attachées différentes prérogatives. Une fois ces différentes prérogatives mises en oeuvre relativement à unproduit déterminé, le droit est « épuisé », « consommé ». Il a rempli la fonction à laquelle on le destinait et, saufexception, ne saurait plus être mis en oeuvre relativement à ce produit. A travers la théorie de l'épuisement, la Cour dejustice a également procédé à une définition générale de l'essence du droit de marque. En affirmant que le droit demarque est épuisé après l'apposition de la marque sur le produit et la mise en circulation du produit marqué par letitulaire ou avec son consentement, la Cour a également définit restrictivement le droit de marque, lui refusant de cettemanière aussi la fonction d'assurer à son titulaire la maîtrise de la commercialisation du produit marqué authentique.

15 - Le caractère fondamental, général de la réflexion ainsi menée par la Cour de justice est cependant contredit par laportée très limitée des résultats obtenus. On peut tout d'abord s'étonner que, si c'est la nature du droit de marque de neconférer à son titulaire aucune maîtrise sur le produit marqué authentique mis en circulation par ses soins ou avec sonconsentement, le droit de marque national puisse quand même conférer valablement ce droit face à des produits marquésauthentiques mis en circulation par le titulaire ou avec son consentement mais hors de la Communauté ou de l'Espaceéconomique européen (32). La généralité de l'explication ne se concilie pas avec le domaine restreint des conclusionsqui en sont tirées. Or cette portée restreinte a été affirmée par la Cour de justice européenne elle-même, qui a reconnuque le droit de marque national peut permettre à son titulaire de s'opposer à l'importation dans un pays membre deproduits marqués authentiques dès lors qu'ils ont été mis en circulation, même par le titulaire ou avec son consentement,hors de la Communauté (33). Cette limite apparaît de même dans une lecture a contrario de l'art. 7 de la directive de1988 et de l'art. L. 713-4 c. propr. intell. qui la transcrit en droit français.

On comprend que les art. 30 et 36 du Traité CEE n'amènent la Cour de justice à n'intervenir que pour assurer la librecirculation des marchandises et services entre les pays membres et non la libre circulation entre un pays membre etl'extérieur de la Communauté (34), toutefois ce n'est pas exactement cela que traduit la portée limitée de l'art. 7 de ladirective de 1988 ou de l'art. L. 713-4 c. propr. intell. En effet, la libre circulation entre pays membres de la Communautén'est assurée que pour des produits mis en circulation dans la CEE ou l'EEE par le titulaire ou avec son consentement. Lalibre circulation intracommunautaire (35) n'est pas assurée pour un produit mis en circulation hors de la CEE ou de l'EEEmême par le titulaire ou avec son consentement. La distinction fondamentale se fait selon que le produit a été mis encirculation dans ou hors la Communauté, or cette distinction ne s'explique pas par l'essence, la fonction du droit demarque telle qu'elle est définie par la Cour. Bien au contraire, si le produit a certes été mis en circulation hors de laCommunauté, il est tout de même un produit authentique, il trouve son origine dans le titulaire. Le produit n'est pas àproprement parler un produit « indûment » muni de la marque par un concurrent du titulaire national, ni ne trompe lepublic quant à son origine. Si véritablement, c'est l'objet spécifique du droit de marque que de protéger son titulairecontre les contrefaçons de ses concurrents et de protéger le public contre les tromperies sur l'origine du produit, le droitde marque national ne devrait pas pouvoir s'opposer à la circulation intracommunautaire de ce produit authentique,simplement mis en circulation hors de la Communauté. Et il en va de même avec la théorie de l'épuisement : si le droit demarque s'épuise du fait de la première mise en circulation du produit marqué par le titulaire national de la marque,l'importation parallèle de ce produit marqué considéré ne doit pas pouvoir être bloquée par le droit de marque qui s'estépuisé relativement à ce produit. S'agissant d'un droit de marque national, que le produit marqué authentique ait été misen circulation par le titulaire dans un autre pays, membre ou non de la CEE ou de l'EEE, il n'y a a priori pas de raisonparticulière de distinguer entre ces deux types de mise en circulation à l'étranger.

16 - On peut donc en conclure que, conformément à la jurisprudence de la CJCE et aux art. 5 et 7 de la directive de 1988,le droit de marque national d'un pays membre confère à son titulaire le droit exclusif de mettre en circulation dans la CEEou l'EEE le produit marqué. Ce droit s'épuise par la mise en circulation dans la CEE ou l'EEE du produit marqué par letitulaire ou avec son consentement. Réciproquement, le titulaire peut donc s'opposer à la circulation, à lacommercialisation intra-communautaire du produit marqué mis en circulation hors de la CEE ou de l'EEE, même par lui ou

avec son consentement ; son droit n'est pas épuisé dans cette hypothèse. On peut se demander si l'on n'aboutit pas làfinalement à une solution relativement étrange, notamment en ce qu'un droit de marque national confère un droit pourtoute l'étendue de la Communauté. Ce hiatus, à notre avis, révèle encore que l'objet spécifique ne suffit pas pourexpliquer complètement les solutions données à la conciliation entre l'exigence de libre circulation du droit communautaireet l'existence des droits de marques nationaux.

17 - Dans cette perspective, est-il vraiment justifié de parler de la théorie de l'épuisement relativement à l'art. 7 de ladirective de 1988 (36) ou à l'art. L. 713-4 c. propr. intell. (37), ou de l'expliquer par référence à la jurisprudence de laCour de justice européenne sur l'objet spécifique du droit de marque et la fonction essentielle de la marque ? L'art. L.713-4 c. propr. intell. constituerait plutôt une exception apportée par le droit communautaire aux prérogativesnormalement attachées au droit de marque national, dans l'hypothèse très déterminée où il est question d'un produitmarqué, mis en circulation dans un pays membre de la CEE ou de l'EEE par le titulaire ou avec son consentement. Laportée restreinte des solutions de l'art. L. 713-4 c. propr. intell. ou de l'art. 7 de la directive de 1988, qui ne couvre queles produits marqués mis en circulation dans la CEE ou l'EEE, ne correspond pas à la généralité de la conceptiondéveloppée par la CJCE dans sa jurisprudence. Pourtant, la Cour a déjà eu l'occasion d'affirmer qu'elle tenait l'art. 7 de ladirective de 1988 et ses transcriptions dans les droits nationaux, l'art. L. 713-4 c. propr. intell. s'agissant du droit français,pour conformes à sa jurisprudence (38).

18 - On peut donc finalement se demander si la notion d'« objet spécifique » et ainsi l'analyse de ce qui constituel'essence de chaque droit de propriété industrielle et commerciale, dont le droit de marque, n'a pas constitué uneformulation trop ambitieuse de ce qu'a été l'oeuvre de la CJCE pour concilier le principe communautaire fondamental delibre circulation (art. 30 du Traité CEE) et les droits de propriété industrielle et commerciale nationaux (art. 36 du TraitéCEE). La notion reste relativement floue, ainsi la CJCE définit-elle l'objet spécifique du droit de marque comme étant «notamment » d'assurer au titulaire le droit exclusif d'utiliser la marque, pour la première mise en circulation d'un produit,et de le protéger ainsi contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque envendant des produits indûment pourvus de cette marque ; on peut également douter que la protection de la réputationde la marque rentre dans l'objet spécifique du droit de marque. Enfin, cette notion n'explique pas, voire est contredite parcertains aspects de la conciliation entre libre circulation communautaire et droits de marque nationaux menée par la CJCEet transcrite dans la directive de 1988 puis dans les droits nationaux.

Mots clés :MARQUE * Objet spécifique * Réputation * Protection * Analyse

(1) Cf. F. Pollaud-Dulian, Droit de la propriété industrielle, Montchrestien, 1999, spéc. n° 78 s., p. 35 s. ; A. Chavanne etJ.-J. Burst, Droit de la propriété industrielle, 5e éd., Précis Dalloz, 1998, n° 1307, p. 790 ; G. Bonet, Marque, J.-Cl. Europe,fasc. 1760, 1998 ; J. Schmidt-Szalewski et J.-L. Pierre, Droit de la propriété industrielle, Litec, 1996, n° 652 s., p. 284 s. ;B. Goldman, A. Lyon-Caen et L. Vogel, Droit commercial européen, 5e éd., Précis Dalloz, 1994, spéc. n° 633 s., p. 503 s. ;J. Schapira, G. Le Tallec et J.-B. Blaise, Droit européen des affaires, PUF, Thémis, 4e éd. 1994, spéc. p. 421 s. ; C. Gavaldaet G. Parléani, Traité de droit communautaire des affaires, 2e éd., Litec, 1992, spéc. n° 893 s., p. 665 s. ; J.-J. Burst, Rép.Dalloz Droit communautaire 1992, v° Marque.

(2) Directive n° 89/104 du Conseil, 21 déc. 1988, JOCE L 40, 11 févr. 1989 qui traite du rapprochement des législationsdes Etats membres sur les marques.

(3) CJCE, 11 juill. 1996, Bristol-Myers Squibb c/ Paranova A/S, aff. C-427, 429, 436/93, Rec. CJCE 1996, p. I-3457 s., spéc.point 75, p. I-3540 ; auquel on peut ajouter les deux autres arrêts du même jour, Eurim-Pharm Arzneimittel GmbH c/Beiersdorf AG, aff. C-71/94, C-72/94 et C-73/94, Rec. CJCE 1996, p. I-3603 s., spéc. point 65, p. I-3627 et MPA PharmaGmbH c/ Rhône-Poulenc Pharma GmbH, aff. C-232/94, Rec. CJCE 1996, p. I-3671 s., spéc. point 46, p. I-3690.

(4) CJCE, 4 nov. 1997, Parfums Christian Dior SA c/ Evora BV, aff. C-337/95, Rec. CJCE 1997, p. I-6013 s., spéc. point 54, p.I-6052 ; D. 1998, Jur. p. 587, note M.-C. Bergerès ; 23 févr. 1999, Bayerische Motorenwerke AG (BMW) c/ Ronald KarelDeenik, aff. C-63/97, Rec. CJCE 1999, p. I-905 s., spéc. points 48-49, p. I-943-944 ; D. 1999, IR p. 81 .

(5) CJCE, 11 nov. 1997, Frits Loendersloot c/ George Ballantine & Son Ltd, aff. C-349/95, Rec. CJCE 1997, p. I-6227 s., spéc.points 28-29, p. I-6254-6255 ; D. 1997, IR p. 259 .

(6) CJCE, 8 juin 1971, Deutsche Grammophon Gesellschaft mbH c/ Metro-SB-Grossmärkte GmbH & Co KG, aff. 78-70, Rec.CJCE 1971, p. 487 s.

(7) Cf. CJCE, Bristol-Myers, préc., spéc. point 31, p. I-3528.

(8) Cf. CJCE, Bristol-Myers, préc., spéc. points 39-42, p. I-3530-3531.

(9) CJCE, Bristol-Myers, préc., spéc. point 27, p. I-3527 : « la directive doit, comme toute réglementation de droit dérivé,être interprétée à la lumière des règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises et notamment de l'art. 36» ; idem, Christian Dior, préc. spéc. points 37 et 53, p. I-6047 et 6051.

(10) CJCE, Bristol-Myers, préc., spéc. point 36, p. I-3529.

(11) Ibid..

(12) Idem, CJCE, Bristol-Myers, préc. spéc. point 75, p. I-3540 : « Même lorsque l'auteur du reconditionnement du produitfigure sur l'emballage, il ne peut être exclu que la réputation de la marque et donc celle du titulaire de la marque puissetout de même avoir à souffrir d'une présentation inadéquate du produit reconditionné. Dans un tel cas, le titulaire de lamarque a un intérêt légitime, se rattachant à l'objet spécifique du droit de marque, à pouvoir s'opposer à lacommercialisation du produit » (c'est nous qui soulignons).

(13) Les deux notions de fonction essentielle de la marque et d'objet spécifique du droit de marque se complètent ainsien envisageant chacune un aspect différent : la première envisage la fonction de la marque au regard desconsommateurs, de la société, la seconde envisage la fonction du droit de marque du côté de son titulaire, cf. M.-C.Boutard-Labarde, Le droit de la distribution dans la Communauté économique européenne, thèse, Paris II, 1981, spéc. p.181 s. ; J. Castelain et R. Milchior, Droit d'auteur et Marché commun, thèse, Paris II, 1983, spéc. p. 346 ; B. Castell,L'épuisement du droit intellectuel en droits allemand, français et communautaire, PUF, 1989, spéc. n° 218, p. 129 ; B.Goldman, A. Lyon-Caen et L. Vogel, préc., spéc. n° 639, p. 510-511.

(14) Hors l'hypothèse où c'est la forme du produit ou son conditionnement qui est déposé à titre de marque.

(15) La directive est pourtant considérée par la CJCE comme conforme à sa propre jurisprudence.

(16) Alinéas qui ne trouvaient pas à s'appliquer dans les trois affaires qui nous intéressent.

(17) Pour une distinction similaire en droit français entre l'atteinte au droit sur la marque et à la valeur de la marque, cf.A. Chavanne et J.-J. Burst, op. cit., n° 1156, p. 680, n° 1159 s., p. 682 s. ; également P. Mathely, Le droit français dessignes distinctifs, éd du JNA, 1984, spéc. p. 503, qui distingue les atteintes « indirectes » ; F. Pollaud-Dulian, préc., spéc.n° 1358, p. 636.

(18) F. Pollaud-Dulian, préc., spéc. n° 1391, p. 652-653.

(19) En raison du principe de spécialité, cf. F. Pollaud-Dulian, préc., spéc. n° 1418 s., p. 668 s.

(20) CJCE, 23 févr. 1999, Bayerische Motorenwerke AG (BMW) c/ Ronald Karel Deenik, préc., spéc. points 50 s., p. I-944 s.

(21) Ce qui distingue cet arrêt des trois précédents.

(22) Cf. G. Bonet, Marque, J.-Cl. Europe, 1998, spéc. n° 89, p. 17.

(23) Cf. par exemple, CJCE, 31 oct. 1974, Centrafarm BV c/ Winthrop BV, aff. 16/74, Rec. CJCE 1974, p. 1183 s., spéc.point 11, p. 1195 : « si le titulaire de la marque pouvait interdire l'importation de produits protégés, commercialisés dansun autre Etat membre par lui ou avec son consentement, il aurait la possibilité de cloisonner les marchés nationaux etd'opérer ainsi une restriction dans le commerce entre les Etats membres, sans qu'une telle restriction soit nécessaire pourlui assurer la substance du droit exclusif découlant de la marque » (c'est nous qui soulignons) ; B. Goldman, A. Lyon-Caen etL. Vogel, préc., spéc. n° 638, p. 509 ; A. Françon, L'épuisement du droit de marque, JCP 1990, I, n° 3428.

(24) Idem, spéc. point 6, p. 1194 : « si le traité n'affecte pas l'existence des droits reconnus par la législation d'un Etatmembre en matière de propriété industrielle et commerciale, l'exercice de ces droits n'en peut pas moins, selon lescirconstances, être affecté par les interdictions du traité » ; de même cf. CJCE, 22 juin 1976, Société Terrapin (Overseas) Ltdc/ Société Terranova Industrie CA Kapferer & Co, aff. 119-75, Rec. CJCE 1976, p. 1039 s., spéc. point 5, p. 1061 ; 23 mai1978, Hoffmann-La Roche c/ Centrafarm, aff. 102/77, Rec. CJCE 1978, p. 1139 s., spéc. point 6, p. 1164.

(25) Cf. CJCE, Terrapin, préc., spéc. point 6, p. 1062 : « la fonction essentielle de la marque, consistant à garantir auxconsommateurs l'identité d'origine du produit » ; Hoffmann-La Roche, préc., spéc. point 7, p. 1165 : « la fonctionessentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produitmarqué, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre provenance » ; demême CJCE, 17 oct. 1990, SA CNL-SUCAL NV c/ HAG GF AG, aff. C-10/89, Rec. CJCE 1990, I-3711 s., spéc. point 14, p. I-3758 ; D. 1990, IR p. 273 .

(26) Cf. F. Pollaud-Dulian, préc., spéc. n° 1305, p. 611.

(27) CJCE, Centrafarm, préc., spéc. point 8, p. 1194 ; de même cf. Hoffmann-La Roche, préc., spéc. point 7, p. 1164-1165 ;17 oct. 1990, Hag II, préc., spéc. point 14, p. I-3758.

(28) CJCE, Centrafarm, préc., spéc. point 10, p. 1195.

(29) Idem, préc., spéc. point 7, p. 1194 : « qu'en tant qu'il apporte une exception à l'un des principes fondamentaux duMarché commun, l'art. 36 n'admet, en effet, des dérogations à la libre circulation des marchandises que dans la mesure oùces dérogations sont justifiées par la sauvegarde des droits qui constituent l'objet spécifique de cette propriété » ; demême cf. CJCE, Terrapin, préc., spéc. point 5, p. 1061 ; Hoffmann-La Roche, préc., spéc. point 6, p. 1164 ; Hag II, préc.,spéc. point 12, p. I-3757-3758.

(30) Cf. G. Bonet, Marque, J.-Cl. Europe, fasc. 1760, 1998, spéc. n° 2, p. 3, n° 20, p. 5, n° 35, p. 8 ; B. Castell, préc., spéc.n° 218, p. 128 s. ; B. Goldman, A. Lyon-Caen et L. Vogel, préc., spéc. n° 639, p. 509-510.

(31) Cf. A. Françon, L'épuisement du droit de marque, JCP 1990, I, n° 3428 ; B. Goldman, A. Lyon-Caen, L. Vogel, préc.,spéc. n° 645, p. 517-518 ; J. Schapira, G. Le Tallec, J.-B. Blaise, préc., spéc. p. 425 ; C. Gavalda, G. Parléani, préc., spéc. n°919 s., p. 677 s. ; P. Mathely, Le nouveau droit français des marques, éd. du JNA, 1994, spéc. p. 187 ; B. Castell, préc.,spéc. n° 218, p. 128 s.

(32) Cf. encore CJCE, 16 juill. 1998, Silhouette International Schmied GmbH & Co. KG c/ Hartlauer Handelsgesellschaft mbH,aff. C-355/96, Rec. CJCE 1998, p. I-4799 s. ; D. 1999, Somm. p. 128, obs. J. Schmidt-Szalewski ; 1er juill. 1999, SebagoInc. c/ G-B Unic SA, Dalloz Affaires 1999, p. 381, obs. C. R.

(33) CJCE, 15 juin 1976, EMI c/ CBS, aff. 51/75, Rec. CJCE, p. 811 s. ; de même, devant les tribunaux français, cf. parexemple CA Lyon, 17 sept. 1998, Ann. propr. ind. 1999, n° 2, p. 108 s.

(34) B. Goldman, A. Lyon-Caen et L. Vogel, préc., spéc. n° 657, p. 529-530.

(35) Il est notamment possible que le produit mis en circulation par le titulaire ou avec son consentement hors de la CEEou de l'EEE, pénètre dans un pays membre si le titulaire n'y possède pas le droit de marque national pour se protéger. Lacirculation ultérieure de ce produit marqué, ainsi introduit dans la CEE, entre des pays membres, est alors bien unecirculation intracommunautaire.

(36) Cf. CJCE, Bristol-Myers, préc., spéc. point 5, p. I-3519, point 26, p. I-3527.

(37) Cf. G. Bonet, Marque, J.-Cl. Europe, fasc. 1760, 1998, spéc. n° 35, p. 8, n° 134, p. 30.

(38) Cf. CJCE, Bristol-Myers, préc., spéc. point 31, p. I-3528.

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