NUMÉRO SPÉCIAL CRÉATIFS CULTURELSfiée une évolution de la conscience dans une partie importante...

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    NUMÉRO SPÉCIAL

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    CRÉATIFS CULTURELSécologie, développement responsable et éthique, valeurs féminines, savoir-être, connaissance de soi, écologie corporelle, enjeu sociétal, ouverture culturelle

    écologie, développement responsable et éthique, valeurs féminines, savoir-être, connaissance de soi, écologie corporelle, enjeu sociétal, ouverture culturelle

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    NUMÉRO SPÉCIAL

    CRÉATIFS CULTURELS

  • GTao Numéro spécial 3

    SommaireN°SPÉCIAL

    www.generation-tao.comRetrouvez le magazine en ligne gratuit de Génération Tao sur internet. Et toutes les autres rubriques : l’annuaire francophone des arts énergétiques,des vidéos, des informations régulières, des archives, des dates de stages etde manifestations, des liens vers d’autres sites… Pour nous contacter :• rédaction : [email protected]• abonnements : [email protected]• publicité : [email protected]

    LES CRÉATIFS CULTURELS

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    GENERATION TAO144, bd de la Villette - 75019 Paris

    Tél. : 0148244242 Fax : 0148244244Régie pub : 0620896332

    Directeur de publication Pol Charoy

    [email protected] Artistique

    Imanou [email protected]

    MaquetteToutdésigné & Frédéric VillbrandtMise en page & création graphique

    Frédéric [email protected]

    http://illustration108.comCOMITE EDITORIAL

    sous la direction de :Delphine Lhuillier

    [email protected]: Arnaud Mattlinger,

    Pol Charoy & Imanou Risselard, Sandrine Toutard, Cécile Bercegeay, Marie Delaneau, Isabelle Martinez

    Ont contribué à ce numéro:INFOS & ASSISTANTE DE RÉDACTION

    Coralie Duteil

    LES CRÉATIFS CULTURELSAvec ………………………

    RELECTURES

    Coralie Duteil & Marie DelaneauPHOTOGRAPHIES & ILLUSTRATIONS

    Frédéric Villbrandt, Jean-Marc LefèvreFrançois Lollichon, Eve Fouquet, Myrrha,

    Daniela Brzeski, Arnaud Mattlinger, Patricia Canino, Magalie Masson

    CRÉDIT PHOTOS ET ICONOGRAPHIESFotolia, Génération Tao,

    Le Souffle d’Or, Guy Trédaniel éditeur, Marisa Ortolan, Mona Hébert,

    Doulas de France, Nawal, Horizon TantraCOUVERTURE

    création graphique : Frédéric VillbrandtINTERNET

    Welwel MultimediaREGIE PUB

    tél.: 0620896332 / [email protected]

    IMPRIMERIE

    CORELIO PRINTING30, allée de la Recherche

    1070 Bruxelles - Belgique

    COMMISSION PARITAIRE : n° 1114K86845

    Dépôt : SEPTEMBRE 2012

    N.D.L.R. : Le choix orthographique du chinois estlaissé à l’appréciation des auteurs. Photocopier oureproduire ce magazine sans autorisation nuit à sacréation et à sa diffusion.

    Editao p. 5Infos p. 6Tao’s Folies p. 6

    NUMÉRO SPÉCIAL : LES CRÉATIFS CULTURELS p. 8

    Valeurs féminines p. ????p. 16p. 18

    Ecologie corporelle p. ????p. 20p. 22p. 24

    Enjeu sociétal p. ????p. 26p. 28

    Connaissance de soi p. ????p. 30p. 34

    Savoir-être p. ????p. 35p. 36

    Ecologie et développement responsable p. ????p. 38p. 39p. 40p. 44

    Ouverture culturelle p. ????p. 48p. 50p. 52p. 60

    Abonnements & Anciens numéros p. 62Carnet d’adresses & Agenda p. 64Le mot de la fin par Pol Charoy et Imanou Risselard p. 66

    plus de 1000 articles sur www.generation-tao.com

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    ………………………………………………

    Delphine Lhuillier

    Editao©

    François Lollichon

    N

    ous .

    ………………………………………………

    Yves Michel

    N

    ous .

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    infos • tao’s foliesta

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    Dossier enjeu sociétal

    Mais qui sont-ils ? Les médias commencent à en parler, très rarement encore.

    Trop rarement. Et pourtant… Selon l’étude menée par Yves Michel en 2006,

    ils représentent 17 % de la population française, bien plus que les militants

    de n’importe quel parti politique en France. Mais voilà, les créatifs culturels

    ne savent pas qu’ils sont des créatifs culturels. Ou encore très peu !

    Ce n’est pas un mouvement comme les Indignés. Il n’y a pas de leader.

    Mais alors, d’où vient ce terme? Et pourquoi cette idée d’une enquête française?

    Premières explications par l’initiateur de l’étude.

    Qui sont les Créatifs Culturels?Les créateurs d’une nouvelle culture!

    par Yves Michel

    © Sergej Khackimullin - Fotolia.com

  • GTao Numéro spécial 9des vidéos à télécharger sur www.generation-tao.com

    enjeu sociétal Dossier

    E

    n 2000, Paul H. Ray et Sherry-RuthAnderson, un sociologue et une psycho-logue américains, mènent une enquête aux

    USA sur les valeurs. Ils déterminent alors ungroupe spécifique qu’ils nomment les « culturalcreatives » ; leur enquête sera traduite en Fran-ce en 2001 sous le titre « L’émergence des créa-tifs culturels, Enquête sur les acteurs d’une chan-gement de société » (1). Cette étude a été la pre-mière à mettre en exergue de manière quanti-fiée une évolution de la conscience dans unepartie importante de la population des paysindustrialisés. On y voyait qu’un nouveau modede vie était en train d’émerger.

    Des USA à l’EuropeIl transparaissait de cette étude que les « cultu-ral creatives » ne se reconnaissent pas dans lesstructures politiques, administratives et écono-miques existantes, d’où parfois leur sentimentd’isolement et la sous-estimation de leurnombre. Aux USA, les « cultural creatives »représentaient en 1998, date de l’étude, 23,4 %de la population, à côté de deux autresgroupes : les « traditionnalistes », et les« modernistes ».A la suite de la publication de ce livre, unedynamique s’est créée en Europe, et à partir de2002, sous le parrainage du Club de Budapest,des équipes se sont montées en France, Hon-grie, Allemagne, Pays Bas, Norvège, Italierejointe en 2005 par le Japon afin de dupliquerl’enquête dans ces pays.Un groupe de travail pour lancer unerecherche analogue en France fut constituécoordonné par Yves Michel, éditeur ; elle futmenée dans les règles des études sociologiquessur les valeurs, sous la direction scientifique deJean-Pierre Worms. En France, elle a révélé, fin2006, cinq familles, dont les créatifs culturels(17 %). Le terme « créatifs culturels » est direc-tement traduit de l’anglais, nous avons long-temps cherché une autre formulation, mais sanssuccès ; de plus, l’enquête étant internationale,une terminologie commune présentait desavantages. La manière la plus explicite de lescaractériser serait néanmoins : « les créateursd’une nouvelle culture », puisque le dépouille-ment de l’enquête les montre comme étant à lapointe du changement social.Les obectifs poursuivis par les enquêtes sontles suivants :

    Apporter les preuves de l’émergence dansles pays industrialisés en général, et en Europeen particulier, d’une culture de la responsabili-té dans les valeurs et dans les actes.

    Définir de façon qualitative et quantitativeen quoi elle se caractérise en termes de com-portement.

    Mettre ces résultats à la disposition de ceuxqui en sont les acteurs ainsi que de l’ensemblede la société.

    Les spécificités des créatifs culturels

    Selon les résultats de l’enquête, on constateque ces personnes cumulent un certain nombrede caractéristiques : elles sont davantageouvertes à des modes de vie différents desleurs ; elles ont un sens plus fort de la solidari-té ; elles se préoccupent davantage de tisser desliens entre les membres de la société et demettre en œuvre des valeurs dites « féminines »(coopération plutôt qu’affrontement, travail enréseaux, écoute et partage). Elles prônent uneconsommation responsable et sont préoccu-pées par l’avenir de la planète. Enfin, dans leursentiment de contribution au monde, elles sontconscientes que si elles changent elles-mêmes,alors elles pourront contribuer à co-construirele monde dans lequel elles vivent, d’où un inté-rêt pour le développement personnel, la spiri-tualité au sens large et un engagement dansl’action.

    Les valeurs des créatifs culturelsLes créatifs culturels représentent 17 % de lapopulation française. Ce sont eux qui fontavancer les choses et qui proposent un nouveaumode de vie. A ce titre, ce sont des pionniers. Ilsincarnent leurs valeurs au quotidien, ils ne veu-lent pas attendre d’hypothétiques changements« par le haut » ; ils mettent en place des projetspilotes. J’observe d’ailleurs une grande maturi-té, à la différence des années 1970 où (ilmanque une phrase ici), on les trouve à tous lesniveaux de la société. Mais la plupart des créatifs culturels ne sesavent pas des créatifs culturels, à la différenced’un groupe constitué et militant, tel un syndi-cat, par exemple, ou une profession ; c’est cetteenquête qui peut le leur révéler et leur donneréventuellement envie de se relier aux autres.

    LES 6 PÔLES DE VALEURS DES CRÉATIFS CULTURELS

    L’écologie et le développement durable : le bio, laconsomm’action, les méthodes naturelles de santé ;

    La place des femmes dans la société et les valeursféminines : l’écoute, la coopération et la préoccupationpar rapport à la violence;

    Être, avoir et paraître : la prédominance de l’être parrapport à l’avoir et au paraître ;

    Le développement personnel : la connaissance de soiet l’ouverture aux autres, la dimension spirituelle ;

    L’enjeu sociétal : l’implication individuelle et solidairedans la société, le social avec une dimension locale ;

    L’ouverture culturelle : le respect des différences, lemulticulturel.

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    Dossier enjeu sociétal

    L’étude américaine se basait sur quatre pôlesde valeurs, l’étude française en a fait ressortirsix, à partir desquels ont été définis et décritscinq courants socio-culturels français en 2006(2) : lisez l’encadré. La concomitance de ces sixvaleurs est remarquable, et c’est ce qui lescaractérise. Elles sont un liant possible entredes groupes qui sont donc souvent cloisonnés.

    79 % des créatifs culturels aimeraient dispo-ser de plus de temps et faire plus d’efforts pourmieux se connaître, assurer leur développe-ment personnel et pour développer leur proprepersonnalité (48 % des Français). 86 % descréatifs culturels pensent que l’éducationdevrait mettre des sujets comme une meilleureconnaissance de soi, le développement person-nel et les relations avec les autres au mêmeniveau que la connaissance et les formationsprofessionnelles (62 % des Français).

    En matière de développement personnel,38 % des créatifs culturels ont déjà participé àun stage ou à séminaire de développement per-sonnel (connaissance de soi, croissance person-nelle, un chemin spirituel, le Yoga, la médita-tion, le chamanisme, la pensée positive) (19 %des Français), 29 % n'y ont pas participé, maisseraient intéressés à le faire (20 % des Fran-

    çais). Parmi ceux qui ont participé, 86 % esti-ment que ces stages ou séminaires ont eu beau-coup d’influence sur leur façon de vivre (70 %des Français).

    La place des femmes au sein de cette popu-lation est majeure : 64 %! Ainsi 89 % des créa-tifs culturels pensent que notre culture, notresociété, a besoin d’une place plus importantedonnée aux valeurs féminines, à la sensibilité(67 % des Français). 93 % des créatifs culturelssont d’accord sur le fait que les femmesdevraient occuper des fonctions dirigeantesdans les entreprises et avoir des responsabilitéspolitiques (78 % des Français). Ils ne sont plusque 2 % des créatifs culturels à penser que lestaches principales des femmes sont d’élever lesenfants et de s’occuper des travaux ménagers(16 % des Français).

    Ils sont très préoccupés par les problèmesécologiques (94 %). A 92 %, ils refusent de pri-vilégier l’emploi au détriment de la nature etsoutiennent que le gouvernement devrait sanc-tionner sévèrement les industries qui conti-nuent à polluer. A 62 %, ils acceptent une par-ticipation financière citoyenne à la résolutiondes problèmes environnementaux. Ils necroient pas que quand les ressources naturellesauront été totalement épuisées, la science et latechnologie trouveront des solutions de rem-placement. A 80 %, ils font le lien entre la limi-tation de la consommation et la protection del’environnement. Ils sont prêts à se contenterde moins, de vivre une vie plus simple, maisplus en cohérence avec leurs valeurs. Beaucouptravaillent à temps partiel, changent de profes-sion ou créent leur propre entreprise.

    En conclusion, il y a de grandes chances qu’enétant intéressé(e) par le thème de cette revue,vous fassiez partie des créatifs culturels, maisapprenez que personne ne se sait créatif cultu-rel au départ, les personnes le découvrent enlisant l’étude. N’hésitez pas à faire le test sur leblog www.yvesmichel.org. L’apport de l’étudeest de conforter, « réassurer » (diraient lespsys) les personnes qui portent ces valeurs ; elleleur montre, chiffres à l’appui, que leurs valeurssont non seulement légitimes, mais à la pointedu changement social, que la société en abesoin, et qu’elles sont partagées par 17 % desFrançais, c’est bien plus que des groupessociaux ou politiques qui squattent les médias !C’est donc une excellente nouvelle dans notremonde plombé par un « politiquementcorrect » très lourd, structuré par des forceséconomiques ou très conservatrices.

    (1) « L’émergence des créatifs culturels », Paul H. Rayet Sherry-Ruth Anderson, éditions Yves Michel, 2001.(2) « Les créatifs culturels en France », éditions YvesMichel, 2007.www.yvesmichel.org

    Pionnier du mouvementalternatif en France,défricheur d’idées, YvesMichel a créé les édi-tions Le Souffle d’Or il yaura trente ans en 2013.Il a également créé leséditions Yves Michel il ya treize ans. Acteursociétal dans la vieassociative, il a égale-ment été maire d’unepetite commune écolo-gique, de 1995 à 2001.www.yvesmichel.org

    PORTRAIT

    94 % des créatifs culturels sont préoccupés par les problèmes écologiques.

  • 12 GTao Numéro spécial plus de 1000 articles en ligne sur www.generation-tao.com

    Dossier enjeu sociétal

    Q

    uand on assemble les pièces d’un puzzle,au début, on tâtonne, puis apparaissentpeu à peu des agrégats de plus en plus

    gros et d’un seul coup, on voit une image glo-bale, qui va nous servir, ensuite, à mettre enplace les autres pièces. C’est un peu ce qui sepasse avec l’enquête qui a vu émerger les créa-tifs culturels en France. Ça prend du temps.Ce que l’on a vu depuis plusieurs décennies : lemouvement hippy, les luttes féministes, celles

    Cela fait désormais 10 ans que le concept

    de « créatifs culturels » est apparu en France.

    C’est l’occasion pour Yves Michel, le précurseur

    en France, de faire un point sur la situation.

    Les précurseurs du changementUne révolution silencieuse

    par Yves Michel

    © olly • Fotolia.com

  • GTao Numéro spécial 13des vidéos à télécharger sur www.generation-tao.com

    enjeu sociétal Dossier

    pour les droits civiques, la prise de conscienceécologique, le Larzac, les manifestations lors duSommet de Seattle, etc. a préparé un change-ment de paradigme. Et les créatifs culturels,avec leurs préoccupations communes, sont lapreuve que la démarche prend de la maturité.Ils sont la pointe émergée de l’iceberg et met-tent en évidence le fait que de plus en plus depersonnes ne croient plus que le matérialismeconsumériste puisse les rendre heureux. Nouspassons d’un paradigme matérialiste, pillard, àun nouveau paradigme avec de nouvellesvaleurs.Personnellement, quand j’ai eu connaissancedes résultats de cette étude dans un magazinequébécois, j’ai frémi de joie : enfin unerecherche faisait apparaître, en les regroupantdans une même famille, des aspects que je por-tais en moi et de manière un peu sectoriséejusque-là. C’était enthousiasmant, très « soula-geant » de ne plus me sentir seul, et, de plus,extrêmement validant, car cela me confortaitdans mes engagements et mes valeurs. L’impactde cette étude est donc, entre autres, de noustoucher au niveau sensible, de provoquerce « frémissement », de nourrir notreespoir ! Ainsi, à côté des nombreuxarguments rationnels qui nousinterpellent et nous pousseraientau changement, il y a cet espaceen nous du domaine du sensible,de l’émotionnel, qui peut se révé-ler tout aussi bien un immenselevier qu’un poids insurmontable. Ace niveau, il convient d’être inspirant, dejouer d’humour, et surtout de ne pas faire peur.C’est un équilibre délicat à trouver de faireprendre conscience des dangers réels qui nousguettent sans générer de la peur !

    Une prise de conscience limitéeL’enquête en France a suscité un grand intérêtet a obtenu une bonne couverture de presse :des dizaines d’articles, y compris dans lesgrands médias écrits et radio, et sur de nom-breux blogs. Et ça continue en 2012. Les consul-tants en entreprise s’en sont fait une référenceincontournable, ainsi que nombre de décideurs,de porteurs de projets, mais aussi de simplescitoyens. Cela me réjouit, mais ce n’est pas suf-fisant : en effet, à ce jour, et malgré la gravecrise qui secoue nos sociétés à plusieursniveaux, le rouleau compresseur ultralibéralpoursuit sa course folle en massacrant tout surson passage sans rencontrer de freins… Et lespersonnes que je rencontre pensent encorequ’elles sont représentatives de 5 % de lapopulation globale. Elles sont toujours sur-prises de découvrir qu’elles partagent leursvaleurs avec 17 % de personnes en France.Nous baignons en effet dans un bain culturelqui subit la pression du « politiquement ousocialement correct ». Les valeurs qui motiventles créatifs culturels y sont encore minoritaires.

    Il y a une réelle difficulté au débat en Francequi fait qu’il vaut mieux ne pas afficher sesconvictions en famille ou au travail, surtoutdans certains milieux comme l’hôpital ou l’édu-cation. Le risque de se voir accuser de sectaris-me est tout proche. Les personnes en sontréduites à vivre leurs valeurs de façon tout àfait intime ou dans des lieux spécifiques et pri-vilégiés où elles peuvent s’exprimer. Cette pru-dence est encore fort compréhensible aujour-d’hui, mais elle a pour résultat un « effetdésert » : même des proches peuvent ignorerqu’ils partagent les mêmes idéaux. Les chiffresavancés sont, eux, indiscutables. Une desvaleurs de l’enquête est donc de montrer auxgens qu’ils peuvent sortir de leur isolement.C’est un grand soulagement pour eux, une vali-dation, un soutien et une force à partir dumoment où ils rencontreront et s’allieront àceux qui partagent leurs valeurs.

    Halte au gâchis !N’y a-t-il pas cependant un avantage, dans lecontexte dans lequel nous sommes, à rester

    caché, comme dans une guérilla, et àmonter des projets dans la discrétion?

    Cela peut être une tactique… Maisquelle énergie dépensée, et inutile-ment, quelle perte de temps etquels malentendus. Pour un por-teur de projet qui a réussi dans cesconditions, combien ont été

    découragés, laminés, persécutés ?Or, c’est bel et bien au détriment de

    la société qui ne bénéficie pas de la créa-tivité de ces personnes. Il y a également denombreux suicides de personnes qui ne trou-vent pas leur place dans une société aussi sélec-tive que la nôtre, alors qu’elles ont des qualités.C’est un drame pour elles et un appauvrisse-ment pour les autres qui se voient privés deprojets qui seraient très utiles. Beaucoup desouffrances, de manque d’écoute, de maladieset un certain malaise social auraient besoin deprojets nombreux et bien répartis. Pourquoi sepriver de cette richesse? En termes de globali-té, de culture et de société, c’est un gâchis énor-me, à l’image d’une guerre.

    Vers l’émergence de solutions globalesL’un des atouts de l’enquête est de relancer ledébat social. En effet, il s’agit de montrer auxcréatifs culturels, et à toute la société, que leursvaleurs sont à la pointe du changement desociété, qu’ils sont nombreux à les porter etqu’ils représentent ou pourraient représenterune véritable force. Il s’agit d’apporter uneimage positive d’elles-mêmes aux personnesqui sont porteuses de ces valeurs, de les confor-ter dans leur démarche et de leur donner desarguments solides face à des instances qui sontsceptiques ou réservées. C’était l’intentiond’Ervin Laslow, président du Club de Buda-pest, quand il a coordonné l’enquête dans les

    17 % de lapopulation française! Et vous?

  • 14 GTao Numéro spécial plus de 1000 articles en ligne sur www.generation-tao.com

    Dossier enjeu sociétal

    différents pays européens : documenter cetteprise de conscience et, ce faisant, aider àl’émergence de solutions globales. Et de fait, lessix pôles concomitants de valeurs qui caractéri-sent les créatifs culturels sont la garantie queles solutions qui seront proposées seront lesplus globales possibles. Sans cette vision d’en-semble, on a une approche technicienne, maté-rialiste, des problèmes, comme on peut déjà leremarquer en écologie, et qui, de fait, ne résoutpas les problèmes d’ensemble. Je suis persuadéque les solutions ont besoin de cette globalitépour être viables. Ce n’est pas à coup dechiffres et de haute technologie que l’on résou-dra ces questions actuelles.

    Quel va être le changement? Des petits pas ou un changementradical? C’est incertain. Pour mapart, je suis pour la pédagogie. Enposant clairement les bonnesquestions, en anticipant les pro-blèmes qui découlent de notresystème actuel et avec une pédago-gie appropriée, nous nous donnonsle maximum de chances d’éviter lescrises violentes. Or, aujourd’hui, ce n’est pasla voie qui est prise… La crise financière quisévit depuis 2008 en donne un bon exemple : onvoit nos élus courir après l’incendie avec unretard certain sur les spéculateurs. C’estconsternant, on ne tente pas de jouer sur lescauses, on se contente de jouer sur les consé-quences. Tout cela sert des intérêts privés, iciles grandes banques, dont les mécanismes nesont pas, comme on voudrait nous le faire croi-re, une évolution « naturelle » du système libé-ral, mais ont été mis en place par des personnesprivées ayant su imposer aux Etats, aux dépu-tés, de voter des lois en leur faveur. Il faudraitune remise à plat fondamentale du systèmedans lequel nous sommes, comme le fit Roose-velt dans les années 1930. D’un autre côté, la

    pédagogie à laquelle je crois comme solutionpeut prévoir des étapes de transition, mais enayant en ligne de mire des remises en questionprofondes. C’est un véritable défi.

    Les créatifs culturels et la politiqueLes créatifs culturels trouvent très peu d’échoen politique. Ainsi 42 % sont déçus par les par-tis politiques actuels et espèrent que vont appa-raître de nouvelles forces politiques. Quand21 % sont déçus par les partis politiques actuelset n’ont aucun espoir qu’il puisse y avoir uneamélioration de la situation. Et enfin, 19 % nes’intéressent pas à la politique. Force est deconstater le décalage entre les aspirations descréatifs culturels et les préoccupations, le cynis-me, l’intérêt personnel de l’oligarchie qui a prisle pouvoir dans nos pays occidentaux (au mini-mum)! Et je suis encore plus atterré (commeles économistes éponymes avec lesquels je suisd’accord) de constater qu’un autre niveau depouvoir se joue dans les coulisses, bien loin dela démocratie (cf. « Circus Politicus », de C.Deloire, et C. Dubois).

    Un sursaut de conscience collectifLe système actuel est autoreproductif. Il a desverrous très puissants. Je plaide pour une tota-le remise à plat, proche d’Etienne Chouard,d’André-Jacques Holbecq, de Philippe Derud-der pour la sphère économique et démocra-tique, et surtout pour une sortie du système« tout marchand ». En effet, progressivementdepuis plusieurs siècles, s’est imposée unevision marchande jusque dans des sphères trèsprivées, très intimes de notre vie, comme

    l’éducation, l’aide aux personnes, lasanté, et nous sommes arrivés à des

    extrêmes insupportables, telles lagestion comptable des hôpitaux !La violence que fait peser ce sys-tème ultralibéral sur nos têtes estgigantesque, ce qui pourvoit le sys-tème en bons clients bien malades

    et fait « marcher le commerce »,mais toute tension a besoin un jour de

    se résoudre, et on peut être inquiet.Comment éviter l’instauration prochaine

    d’une dictature en France? Et bien, en prenantconscience que l’on y est déjà par bien desaspects, et en prenant position courageusement!Je reviens à cette notion de conscience: sans unsursaut de conscience collectif, on sera happéspar le tourbillon; et l’une des conditions d’un telsursaut collectif est notre conscience individuel-le, notre maturité, qui se cultivent à chaque ins-tant et demandent une grande vigilance. Avons-nous une pratique, une passion, une expertise,des talents, qui nous permettent de tenir deboutface à l’adversité d’un système agonisant, maisd’autant plus dangereux? Et pour l’heure, nour-rissons la société civile afin de lui redonner toutson poids face aux deux autres pôles de la socié-té : les sphères économiques et politiques.

    Des projets fleurissent detoutes tailles.

    Ervin Laslow, philosophe dessciences, président du Club de Budapest,participe à l’émergencede solutions globales.

    © D

    .R.

  • GTao Numéro spécial 15des vidéos à télécharger sur www.generation-tao.com

    enjeu sociétal Dossier

    Une foison créativeHeureusement, il y a à côté de cela beaucoup decréativité, comme si la conscience se manifestaitencore et toujours, comme les brins d’herbe quipercent le bitume. Je participe souvent à desrassemblements comme ceux de Terre du Ciel,des Colibris, des Amanins, le festival de MouansSartoux parmi d’autres, et je me réjouis de tantd’effervescence ; je constate l’émergence dejeunes (la vingtaine) qui semblent avoir bienintégré cette nouvelle sensibilité, ces valeurs descréatifs culturels, c’est une source d’émerveille-ment ! Et des projets fleurissent, de toutestailles, avec toujours un sens de l’intérêt géné-ral : des écoles alternatives, des productionsd’aliments bio, des cantines bio, des ateliers deréparation, etc. On en trouve une liste danschaque numéro de « Vif Argent », le magazinede la NEF (1), société financière qui joue latransparence, et ça mérite d’être souligné! J’encourage toute personne à s’intéresser à cesprojets, et à les soutenir concrètement, voire lesrejoindre ! Tout le monde y sera gagnant : vous,qui trouverez de quoi nourrir votre curiosité etvotre besoin d’action, lesdits projets recevrontdu renfort et ils en ont souvent besoin ! Et sur-tout, ayons foi dans nos capacités et nostalents : nous avons tous quelque chose de posi-tif à apporter !

    (1) www.lanef.com

    UN FESTIVAL DE BONNES NOUVELLES

    J’ai comme projet d’organiser des journées où lespersonnes pourront fraterniser, témoigner de leursréussites et des facteurs déterminants, dans la pers-pective d’inspirer d’autres personnes ; elles pourrontéchanger sur ces valeurs. Ce sera aussi le lieu debourses aux projets. Le but est de donner aux por-teurs l’occasion d’exposer leur projet, ses valeurs,de rencontrer des gens qui ont du temps, des com-pétences, de l’argent ou encore un lieu, et de nouercontact pour passer ainsi à la concrétisation. J’aimeproposer, au-delà de la réflexion, des pistes d’ac-tion. Il est nécessaire d’équilibrer ces deux facettes :www.yvesmichel.org

    31 mars 2012 : la campagne d’affichage « Tous Candidats 2012 », un projet initié par le mouvement Colibris et le photographe JR.

    Pour en savoir + :— « L’Emergence des créatifs culturels », Paul H. RAY et Sherry Ruth ANDERSON, éd. Yves Michel 2001.— « Les créatifs culturels en France », Association pour la Biodiversité Culturelle, éd. Yves Michel 2007.— www.yvesmichel.org

    © C

    atherine Dauriac

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  • 16 GTao Numéro spécial plus de 1000 articles en ligne sur www.generation-tao.com

    Dossier enjeu sociétal

    S

    i l’émergence des créatifs culturels a bieneu lieu dans le paysage mondial et fran-çais, il faut bien constater que la recon-

    naissance d’un groupe social spécifique porteurde leurs valeurs reste encore très largementignorée, y compris de la part des spécialistesdes dynamiques sociales. Cette absence dereconnaissance tient-elle à l’inexistence decette catégorie de personnes ailleurs que dansl’esprit de ses découvreurs?

    Un manque de relianceOn peut en douter lorsque l’on constate laforce des dynamiques citoyennes et associa-tives qui sont basées sur ces valeurs, ou lorsquel’on découvre que les personnes qui impulsentaujourd’hui les changements dans les organisa-tions sont justement celles qui sont animées parce type de valeurs. L’explication se trouve, àmon avis, plutôt chez les créatifs culturels quipeinent à reconnaître et à relier en un tout

    Du monde des idéaux à l’incarnationLe « printemps des créatifs culturels » arrive !

    par Ivan Maltcheff

    L’imposition des valeurs des créatifs culturels comme nouvelle dynamique sociale

    peut paraître lente, mais un projet cohérent qui soit à la fois individuel et collectif

    demande du temps.

    © m

    angostock - Fotolia.com

  • GTao Numéro spécial 17des vidéos à télécharger sur www.generation-tao.com

    enjeu sociétal Dossier

    cohérent les dynamiques qu’ils portent. Sinon,comment expliquer que l’absence de conscien-ce unitaire de cette catégorie de personnes, dia-gnostiquée dès l’origine par les créateurs de ceconcept, continue à se manifester alors quejamais les thèmes et valeurs portées par cettepopulation n’ont autant été d’actualité? Com-ment par ailleurs expliquer la difficulté à relierdes dynamiques de la société civile porteusesde ces valeurs? Comment expliquer qu’à unmoment ou les Indignés ont fait leur appari-tion, les 20 à 30 % de créatifs culturels au seinde la population ne se sont pas senties plusconcernées par une mobilisation massive?

    Manque de globalitéUne première explication se trouve certaine-ment dans les valeurs des créatifs culturels quine constituent pas un prêt à penser différen-ciant qui apporte des réponses, mais plutôt desprincipes et des repères pour agir différem-ment. Ces principes peuvent se combiner avectoute une série d’autres valeurs domi-nantes qui structurent encore lesreprésentations du champ social :droite, gauche, centre, libéralismeéconomique, interventionnismeétatique, laïcité, spiritualité reli-gieuse… Dès lors, quelles quesoient les structures où des créatifsculturels agissent, j’observe souventque leur originalité est plutôt récupé-rée de façon marginale par le système,sans réellement modifier les paradigmes domi-nants. Par exemple, dans mon domaine d’inter-vention qui est le coaching, l’accompagnementdu changement, le développement des dyna-miques d’équipes, le management humain, jetravaille la plupart du temps dans des entre-prises, des collectivités territoriales ou dans desgroupes de citoyens avec des personnes forte-ment porteuses des valeurs dites des créatifsculturels. La grande majorité d’entre ellesconnaît cette notion, sans pour autant se reven-diquer d’être un ou une créatif(ve) culturel(le).La plupart de ces personnes sont souvent à despostes qui influent sur le système sans dirigerdirectement ces organisations : ainsi on retrou-ve nombre de créatifs culturels dans les métiersliés au changement, aux ressources humaines, àla communication, parfois au marketing, dansles fondations d’entreprise, beaucoup plus rare-ment aux postes de direction générale ou dedirection opérationnelle. Doit-on en déduireque ces postes n’intéressent pas les créatifs cul-turels ou que le système rejette indirectementceux qu’il perçoit comme décalés? Les deuxexplications sont certainement valables, maisj’en déduis surtout que la plupart des créatifsculturels n’ont pas encore relié les différentesnotions et valeurs dont ils sont porteurs pourfaire émerger en eux une cohérence globale quientraînera avec le nombre la formalisationd’un projet collectif de société radicalement

    différent. En d’autres termes, ils peuvent conti-nuer à faire coexister pendant un certain tempsleurs valeurs avec celles du système dominantde façon suffisamment cloisonnée.

    Finis les idéaux, c’est l’incarnation qui prime !Toutefois, j’observe aussi de plus en plus sou-vent chez ces personnes, une tension entre leursvaleurs et celles qui sont promues dans lesorganisations. Les créatifs culturels rentrentalors dans un processus de « reconfiguration »qui conduit à une nouvelle cohérence interneavec parfois, pour ne pas dire souvent, un nou-veau projet personnel ou professionnel. Ceprocessus, celui d’un changement profond, sou-ligne une différence fondamentale à mes yeuxentre le paradigme dominant et le nouveauparadigme porté par de nombreux créatifs cul-turels : une valeur, une idée, un principe d’ac-tion qui n’est pas intégré ou en cours d’intégra-tion à titre personnel, c’est-à-dire qui ne fait

    pas l’objet d’un travail sur sa proprecohérence de vie, ne peut pas être

    repris à un niveau collectif souspeine d’être immédiatement reje-té. Loin de la fin de l’histoiredécrite par certains, nous passonsde l’époque de l’idéologie, où lemonde des idéaux primait, à celle

    de l’incarnation, où l’expérience etla cohérence personnelle permettent

    de crédibiliser les idées proposées. Ilnous faut maintenant compléter les apports desintellectuels par des expériences de vie ensei-gnantes qui témoignent des transformationspersonnelles nécessaires pour incarner lesparadigmes portés par les créatifs culturels.Ceci explique pourquoi les dynamiques collec-tives des créatifs culturels ne peuvent plus secontenter de belles idées, de déclarations d’in-tention, mais doivent passer par le creuset del’expérience pour pouvoir se déployer (1). Ceciexplique donc aussi pourquoi le mouvement detransformation porté par les créatifs culturelspeut être perçu comme lent, au regard desurgences sociales et planétaires actuelles.

    La clé d’une reliance en soi et avec les autres !Il faut donc à mon avis admettre que lesmoyens d’action et de transformation des créa-tifs culturels sont par nature différents et nepeuvent complètement s’exprimer exclusive-ment par les voies et moyens que nous connais-sons. Les multiples initiatives des Indignés, quin’ont pas obtenu le retentissement espéré parces derniers, témoignent à mon avis que lesformes anciennes de transformation par larevendication, quoique toujours nécessaires, nesont plus suffisantes et peut-être même ne sontplus adaptées. Les voies de transformation descréatifs culturels qui passent par des sauts pro-gressifs de conscience empruntent des chemins

    Des transformations

    personnellesnécessaires.

    Ivan Maltcheff estauteur, ancien DRH,coach et spécialiste enaccompagnement deschangements en entre-prise. Il a également co-animé le projet Inter-actions TransformationPersonnelle-Transforma-tion Sociale et estproche de plusieurs ini-tiatives ou projets por-tés par de nombreusesassociations ou collec-tifs porteurs de valeursdites de créatifs cultu-rels.

    PORTRAIT

  • 18 GTao Numéro spécial plus de 1000 articles en ligne sur www.generation-tao.com

    Dossier enjeu sociétal

    qui ne sont pas forcément visibles à nos regardset il faut donc s’attendre dans les années à venirà des surprises, à des « printemps de créatifsculturels ». Le succès des dynamiques demobilisation ponctuelle récurrentescomme celles organisées par Avaaz,ou la campagne « Tous Président »initiée par les Colibris, travaillentcertainement dans cette direc-tion. Les créatifs culturels doi-vent identifier des voies d’expres-sion qui leur soient propres et quipassent probablement par un tra-vail important sur la notion de relian-ce en soi et avec les autres. En effet, unedes grandes transformations de notre époqueplanétaire est de comprendre que rien ne pour-ra se faire sans une approche globale, intégra-trice de toutes les personnes et toutes lesdimensions d’une question. La reliance estdonc la clé. Mais pour pouvoir relier des phé-nomènes par nature contradictoire, il est vitalde travailler la reliance en soi, et c’est ledeuxième grand enseignement de notreépoque. Travailler la reliance oblige à penser lanature du lien qui nous unit et à ce titre lesréflexions autour d’une société conviviale (2)

    et d’une politique de l’Amitié(3) et de reliancedes relieurs (4) peuvent enrichir le terreau desinitiatives de demain. En bref, il appartientmaintenant à ce groupe de manifester sa créa-

    tivité culturelle en pleine conscience etrevendication de ses apports à la

    société.

    (1) « Les nouveaux collectifscitoyens », Ivan Maltcheff, éditionsYves Michel, 2011.(2) Développée pour la première fois

    par Ivan Illich et reprise par une séried’auteurs, voir « Le Manifeste pour une

    société conviviale », les cahiers du Mauss,janvier 2011.

    (3) Idée et projet développés dans une des agorasdes « Dialogues en humanité », Lyon, juillet 2012.(4) Projet de l’auteur de relier des relieurs pourtémoigner et incarner la reliance.

    Photo d’une Agora des Dialogues en humanité 2010,parmi de nombreuses initiativesporteuses des valeurs des créatifsculturels.

    Je n’ai pas cette photo !!!

    Manifester sa créativité culturelle.

  • 20 GTao Numéro spécial plus de 1000 articles en ligne sur www.generation-tao.com

    Dossier savoir-être

    Notre monde se standardise au détriment de la singularité. Les espaces verts

    disparaissent. Le colossal l’emporte sur le local. L’être doit prendre le pas sur l’avoir.

    « Résister, c’est créer »Redonnons de l’âme à ce que nous vivons

    par Alice Médigue

    © Igor Y

    aruta - Fotolia.com

  • GTao Numéro spécial 21des vidéos à télécharger sur www.generation-tao.com

    savoir-être Dossier

    L

    ’économie de la démesure qui nous domi-ne actuellement détruit les singularités ;elle écrase littéralement ce qui fait l’âme

    et l’identité propres des êtres, des objets, descréations, des paysages, des expériences… Lamagie de la vie provient pourtant de ces singu-larités qui répondent à notre soif de découver-te, un des grands besoins et plaisirs humains ;elles ménagent une place au mystère et au mer-veilleux, car l’objet unique et singulier estd’emblée moins facilement saisissable que l’ob-jet standardisé ; elles créent l’intériorité quipermet un rapport plus profond au monde etl’attachement aux êtres et aux choses. Ce sontelles que le touriste contemporain recherchedans le dépaysement du voyage, mais qu’il a deplus en plus de mal à trouver !Notre économie de la démesure standardisejour après jour le monde car, pour faire grandet vite en faisant des « économies d’échelles »,il faut concentrer et produire en série en gom-mant les particularités, grains de sable dans laméga-machine de production. Le monde agri-cole, soumis au modèle productiviste depuisplus de cinquante ans, en témoigneavec éloquence : alors qu’au débutdu 20e siècle, les agriculteurs fran-çais cultivaient neuf espèces deblés, ils n’en cultivent plus quedeux aujourd’hui, tandis que des253 variétés de pommes que l’ontrouvait sur les marchés, il n’enreste plus que dix au début desannées 1990, la variété golden mono-polisant 70 % du marché. Triste perte desaveurs et de précieux savoir-faire ! Il y auraitdes quantités d’exemples à donner dans tousles secteurs pour illustrer cette perte de diver-sité et de singularité. J’en développerai ici deuxqui me tiennent à cœur.

    La standardisation des espaces publicsDepuis quelques années, les espaces publics etleurs usages se normalisent et s’homogénéi-sent. Le philosophe Thierry Paquot soulignecette tendance : « Les centres anciens seconvertissent en lieux urbains à consommer(rues piétonnes, restaurants, galeries d’art,commerces de luxe, cinémas), de plus en plussemblables (pavés identiques made in china,crépi ocre et volets verts, mobilier urbain « faux19e siècle, éclairage au sodium, terrasses decafé et de restaurants d’une même chaîne, etc.)avec un air de déjà-vu » (1). Cette destructiondes singularités (géographiques, architectu-rales, gastronomiques…) est liée à la logiqueglobale de monopole, justifiée par les fameuseséconomies d’échelles.

    Des infrastructures démesuréesLa compétition économique à l’heure de lamondialisation libérale généralise dans lemonde entier le même type d’infrastructuresdémesurées. De nombreux méga-projets, déci-

    dés en « haut lieu », sont imposés sans concer-tation avec les citoyens, bouleversant, au Sudcomme au Nord, les dynamiques de la vie loca-le. Je pense à tous ces villages remplis de rési-dences secondaires qui se sont spécialisés dansl’attractivité touristique de saison, morts lereste du temps, ou ces villes dortoirs de ban-lieue où il est bien difficile de s’enraciner tantla vie sociale y semble volatile.

    La résistance citoyenne s’organiseMais, heureusement, la résistance citoyennes’organise : en juillet 2012, s’est tenu le secondForum européen contre les Grands ProjetsInutiles et Imposés à Notre-Dame des Landes.Il a réuni plus de huit mille participants venusd’Italie, d’Allemagne, d’Espagne, de France, duMaroc et d’ailleurs, qui ont débattu d’une dizai-ne de grands projets européens qui sont à l’ori-gine d’importants mouvements d’opposition.Qu’il s’agisse de projets de lignes TGV, d’auto-routes, d’aéroports, de zones de loisirs, de plate-formes pétrolières, ils ont en commun d’être

    imposés sans aucune concertation avec lapopulation locale, d’avoir une emprein-

    te écologique et un coût énormes, etde détruire des biens communsexistants (écosystèmes, terres agri-coles, patrimoine culturel, espacesdu tissu local - de promenade, derencontres…): à Stuttgart, un pro-

    jet de construction d’une gare sou-terraine géante détruirait la gare

    actuelle, un parc ancien et différentsouvrages du patrimoine culturel tandis qu'à

    Madrid ou Barcelone, le groupe américain LasVegas Sands projette de créer un immense com-plexe de loisirs avec casinos, terrains de golf,complexes hôteliers, héliport, etc. Quatre ansaprès avoir frôlé la faillite, le groupe se permet,pour mener à bien son projet, de demander àl’Etat espagnol de remettre en cause le droit dutravail et de l’exonérer de cotisations à la Sécu-rité sociale pendant deux ans! Face à ces infra-structures démesurées, les participants auForum préconisent des « petits ouvrages utiles »et plaident pour une mondialisation respec-tueuse du principe d’autodétermination des ter-ritoires de vie par ceux qui les habitent (2).

    Le règne de l’imageAlors que le sens du toucher ou l’odorat pri-maient à d’autres époques, la vue est très solli-citée aujourd'hui par le règne de l’image quis'impose notamment par les mass media et lapublicité. La pensée matérialiste occidentale avalorisé la vue en prétendant que n’est réel quece qui est visible, tandis que la société deconsommation de masse a sacralisé le rapportaux objets et aux apparences. Il existe alorsdans l’espace public une prégnance très fortedu sentiment de voir et d’être vu ; l’idée selonlaquelle il faut être vu pour exister socialementappelle des comportements exhibitionnistes où

    Etre vu pour existersocialement !

    PORTRAIT

  • 22 GTao Numéro spécial plus de 1000 articles en ligne sur www.generation-tao.com

    Dossier savoir-être

    le standard de l'imagerie marketing s'imposeau détriment des singularités de chacun. Par ailleurs, les mass media diffusent une visionformatée du monde, où les mêmes informa-tions standardisées répétées en boucle (faitsdivers autour de personnalités médiatiques,chute de la Bourse, scandale politique…) pré-tendent résumer ce qui se passe d’importantdans le monde chaque jour ; les singularités ysont occultées ou, quand elles sont traitées,réduites à des clichés. Face au journal télévisé,nous sommes traités en spectateurs des « évé-nements du monde », rien ne nous renvoie à larichesse des singularités dont nous sommesfaits, bien peu de chose éveille en nous le désirde les explorer. Ce rapport médiatique entre-tient un sentiment d'impuissance face aumonde (réduit à ce que les mass media fontapparaître comme le « centre du monde ») etl'impression d'être nous-mêmes sans singulari-té, de la même façon que le formatage com-mercial rend nos lieux de vie et nos expériences« sans qualité ».

    « Résister, c’est créer »Pour défendre la singularité, onpeut se libérer de ce formatagemédiatique dans l’esprit du« Résister, c’est créer » de MiguelBenasayag (3), en valorisant notrepuissance d’agir, notre créativitéquotidienne pour redonner de l’âmeà ce que nous vivons. Voici des pistes,pêle-mêle, pour revaloriser la créativitélocale, dans l’esprit du slogan « Penser global,agir local » initié par René Dubos dès lesannées 1970 : le lancement de journaux locauxet de radios associatives pour mettre en lumiè-re les singularités locales et donner la paroleaux habitants ; la création d'un jardin partagédans son quartier (http://jardins-partages.org),et pourquoi pas en s'initiant à la permaculture(http://asso.permaculture.fr/) qui éveille à uneprise en compte passionnante des singularitéset des liens qui existent au sein d'un espa-ce/écosystème à aménager ; la décision de chan-ger de banque (www.financeresponsable.org)pour donner du sens à son argent, et la créationde monnaie locale, etc. Il existe des sources deconnaissance très précieuses pour découvrir cechamp d'alternatives.

    Le tabou coriace de la tailleRécemment, les médias ont fait écho à la luttede l’association Novissen contre le projet d’im-plantation de la plus grande « ferme usine » deFrance en Baie de Somme, à laquelle seraadjoint un méthaniseur. Elle concentrera 1000vaches et 750 veaux, alors que les exploitationsspécialisées en élevage laitier en France comp-tent 45 vaches laitières en moyenne. Je n’ai pum’empêcher d’y voir resurgir cette question dela taille, véritable « impensé » de nos structureséconomiques actuelles, qu’il s’agisse des

    banques, des firmes industrielles, des entreprises,des magasins, etc. Le discours de la doxa libéra-le ne cesse de vanter les avantages de la grandetaille des entreprises qui permet de réaliser deséconomies d’échelle et d’augmenter les capaci-tés de diffusion et de commercialisation, mais onne parle jamais de ses effets néfastes, et pour-tant, ils sont nombreux:

    Une concentration des pouvoirs au centrequi fragilise la vie démocratique et le partagede l’information et de l’initiative au sein del’entreprise ;

    Une empreinte écologique importante (si cen’est énorme) des méga-structures, qui met àmal la capacité de régénération des écosys-tèmes ; dans le cas de cette ferme usine, il fau-dra 2700 hectares pour épandre les 40 000tonnes annuelles de boues résiduelles issues duméthaniseur, qui pollueront à terme les nappesphréatiques et les cours d’eau.

    Une production standardisée à rythme rapi-de qui génère des malaises sur les êtres vivants

    impliqués dans les processus de production :dans le cas de cette ferme usine, on

    pense aux 1000 vaches laitières et750 veaux qui vont être traitésindustriellement et aux nombreuxsalariés qui effectueront destâches à la chaîne, l’industrialisa-tion de la production créant un

    rapport désapproprié, « sans qua-lité » au travail.Une production de mauvaise quali-

    té, qui peut comprendre des risques sani-taires importants : la quantité et les économiesd’investissement primant sur la qualité, les ali-ments donnés au cheptel seront eux aussi indus-triels (on a vu avec la crise de la vache folle jus-qu’où peuvent aller les aberrations de la mal-bouffe animale !) tandis que la promiscuitéexcessive et la concentration des bêtes sontsource de maladies (1).

    Et pour le tissu social local : la perte d’unespace qui aurait permis l’installation depetites structures productives (artisans, maraî-chers, PME, etc.) propices à des échanges àvisage humain. Les trop grandes structures,dans quelque domaine que ce soit, participent àce qui désapproprie les habitants de leur terri-toire de vie. J’ai réalisé de petites recherches sur la toilepour savoir s’il existait des lois, au niveau inter-national, européen ou national, qui limitaient lataille des entreprises : non seulement en termesde nombre de salariés, mais aussi de capitalinvesti et d’unités de production détenues. Jen’ai rien trouvé ; aucune limitation de taille n’estimposée pour la création de coopératives et desociétés anonymes. Il existe bien différentescatégories d’entreprises selon le nombre desalariés qui correspondent à des règles de fonc-tionnement et à une fiscalité spécifiques, mais iln’existe aucune législation sur d’éventuelsseuils de croissance à ne pas dépasser pour évi-

    Valoriser notre

    puissanced’agir.

  • GTao Numéro spécial 23des vidéos à télécharger sur www.generation-tao.com

    savoir-être Dossier

    ter d’atteindre une taille qui produit les effetsnéfastes que nous avons évoqués.Vouloir modérer la taille des entreprises est unsacrilège pour la doxa néo-libérale qui nousdomine ; alors que nous traversons la plus gravecrise financière depuis les années 30, cette ques-tion cruciale est seulement évoquée du bout deslèvres. Un économiste reconnu comme XavierGabaix, lauréat du Prix 2011 du meilleur jeuneéconomiste, souligne le poids démesuré de lapoignée de très grandes structures (sociétés,banques, etc.) sur l’ensemble de l’économie. Eneffet, même si 99 % des entreprises françaisessont des PME (moins de 250 salariés) et que lesgrandes entreprises (plus de 5000 salariés)représentent seulement 1 % des entreprisesfrançaises, c’est bien une poignée de ces der-nières qui font la pluie et le beau temps dansnotre économie. Mais Mr Gabaix prend des pin-cettes sur les conséquences à en tirer : « Il seraitdonc par exemple pertinent, mais je ne me

    risque pas à l’affirmer, de limiter la taille desentreprises ou de certains acteurs financiers ».(« Le Monde, Economie », 24 mai 2011). Depuis les réflexions éclairées de LeopoldKhor, Kirkpatrick Sale, E. F. Schumacher (l’au-teur de « Small is beautiful », publié en 1973) etd’Ivan Illich dans les années 1960-1970, il y a eucomme une occultation totale de ces questionsde taille et de seuils dans la pensée collective.Le fantasme de la croissance infinie produit detels « impensés » ! A quand une législation etune politique économique qui prennent encompte les effets destructeurs de la taille déme-surée des structures?

    (1) Thierry Paquot, « L’espace public », La découverte, 2009. (2) http://forum-gpii-2012-ndl.blogspot.fr(3) Miguel Benasayag et Florence Aubenas,« Résister c’est créer », La Découverte, 2002.

    © Sergej K

    hackimullin - Fotolia.com

  • 24 GTao Numéro spécial plus de 1000 articles en ligne sur www.generation-tao.com

    Dossier savoir-être

    J

    ’ai depuis toujours eu cette sensationd’être investie d’une mission. Ainsi, j’aiconsacré ce que je pourrais quantifier

    comme étant la première moitié de ma vie àrechercher avec assiduité et ténacité quelleétait « ma mission » lors de ce passage surterre? Peut-être qu’aux détours de mes mul-tiples prises de conscience j’ai pu être animéepar le fait qu’il était plus important d’être qued’avoir. Avec la traversée des enseignementsde la vie, grâce à la rencontre d’un maître spiri-tuel et accompagnée par la stimulation inces-sante procurée par la vivacité de mes deuxenfants, je ressens aujourd’hui à l’aube d’undemi-siècle de vie, qu’une des questions fonda-mentales est : être qui et avoir quoi? Le « et »étant fondamental dans cette question. Noussommes tous, à la fois particule de l’univers,partie intégrante d’un plan plus vaste et épi-phénomène sans incidence sur le déroulementde l’infini. Nous sommes riches non pas de ceque nous possédons, mais de ce que noussommes en capacité de donner.

    Réinventer sa vieAvec l’étude des créatifs culturels en France etla diffusion du livre, des itinéraires personnelsont pour certains pu connaître un nouveausouffle, forts de savoir que les initiatives favori-sant un « vivre autrement » étaient nombreuseset que la dimension traditionaliste de la sociétéfrançaise était passée du statut de fondement àcelui de couche superficielle. Pour ma part, j’aiévolué de la position de créatrice d’une entre-

    Les créatifs culturels sont

    des acteurs du changement qui,

    pour 8 % d’entre eux, intègrent

    une démarche intérieure.

    Bien souvent, ils réinventent

    leur quotidien en lui insufflant

    du sens. Florence Morgen

    a ainsi instauré quatre murs

    porteurs pour cheminer

    dans sa vie.

    Etre qui? Et avoir quoi?Une démarche intérieure

    par Florence Morgen

    © gudrun - Fotolia.com

  • GTao Numéro spécial 25des vidéos à télécharger sur www.generation-tao.com

    savoir-être Dossier

    prise d’études de marché et conseil en marke-ting à une fonction aujourd’hui dans le domai-ne de l’économie sociale. Mon rôle est de défi-nir et de promouvoir la politique de responsa-bilité sociétale d’entreprise (RSE) ainsi que dedéterminer la stratégie digitale de l’entreprisemêlant nouvelles technologies, besoins desindividus et apport d’utilité. Sans m’en êtrerendue compte, guidée par cette sensation de« mission », je me trouve aujourd’hui exacte-ment à ma place. J’ai toujours été convaincuequ’il était très important que je conserve un iti-néraire touchant au collectif, c'est-à-dire là où ily a effet de masse (je travaille dans une entre-prise importante, tant en termes d’effectifssalariés qu’en nombre d’adhérents), plutôt quede suivre un chemin qui m’aurait permis derencontrer des personnes individuellement.J’ai instauré quatre murs porteurs pourma démarche qui peuvent se parta-ger avec vous :

    NettoyerSe rendre disponible à ce qui est,permettre à notre âme de s’expri-mer à travers notre être, être enlien avec les autres dans une dimen-sion de cœur, requiert forcément quele canal (???? quel canal???) soit nettoyéafin de faciliter le mouvement incessantd’émission-réception entre l’être, les groupesd’êtres et l’Univers. Le processus de nettoyagetouche l’ensemble de nos corps et peut semanifester de façon consciente ou inconscien-te, par une démarche individuelle ou collective.La maladie, qui est pure information, est sou-vent vécue comme un tel processus. La person-ne peut aussi initier ce processus par unereliance spirituelle. En ce qui me concerne etaprès un problème pulmonaire violent et long àl’âge de 17 ans, j’ai découvert à l’âge de 31 ansune voie spirituelle basée sur une méditationcentrée sur le cœur permettant d’élever monétat de conscience. Mais nettoyer n’est pas unefin en soi : nettoyer pour ouvrir, pour accueillir,pour se connaître, connaître l’autre, co-naîtrece qui s’offre à nous.

    Connaître par l’acceptationLa connaissance ne s’apprend pas. Elle n’estpas savoir. Elle est donnée une fois que le canal(???? quel canal???) est ouvert. Au fil desannées, et de façon encore plus sensible ces dix-huit derniers mois, je ressens à quel point sinous acceptons ce qui est, si nous nous accep-tons, si nous acceptons l’autre tel qu’il est, nousabordons un état de lâcher-prise qui n’est pasvolontaire, mais spontané. Plus j’avance, plus jelâche, moins je sais, et plus je connais la bonneinformation au bon moment.

    Avoir conscience de l’unitéLe don de l’univers est immuable. Il devientperceptible lorsque nous en avons fini avec

    nous-mêmes. Alors nous sommes en mesured’emprunter le chemin vers notre intériorité etde retrouver cet endroit intime d’où nous per-cevons que nous ne faisons qu’un avec l’Uni-vers. Ces éléments sont pensées, joies, tensions,aliments, etc. ; tout ce qui émane de nous etimprime une tonalité subtile qui teinte notrevie. Par là même, nous sommes maîtres de cequi se propose à nous, à condition d’être dansl’accueil et dans un état de conscience qui nouspermettent de percevoir l’interdépendance desprocessus : physiques, énergétiques et spiri-tuels.

    « Impacter » positivementPar qui je suis, ce que je pense, ce que je fais, ceque je dis, j’ « impacte » la réalité : impacts dans

    ma vie, sur la société, sur les énergies collec-tives. Quels sont les impacts positifs que

    je crée? Si j’en ai conscience, je peuxles accentuer. Quels sont lesimpacts négatifs que je crée? Lesconscientiser me permettra de leslimiter et de les réduire. C’estexactement de cette vision-là dont

    il s’agit en matière de RSE. Com-ment les entreprises peuvent-elles

    développer leur activité de façon sou-tenable et respectueuse vis-à-vis de ses dif-

    férentes parties prenantes? En intégrant dansleur tableau de bord qui pilote leurs activités,des facteurs complémentaires aux facteursexclusivement en lien avec la rentabilité écono-mique. Il s’agit de facteurs exprimant l’accepta-bilité sociétale.

    Se laisser agir par le changement Le chemin vers soi, vers ce centre intérieur d’oùtout est juste, conduit à intégrer au plus profondde nos cellules à quel point être Responsable desoi, de ses pensées, de ses paroles, de ses actes,permet au changement de s’accomplir en par-faite résonance avec ce qui est exactement justeet nécessaire ici et maintenant. Etre acteur dechangement, de mon point de vue, ne consistepas à agir pour créer le changement, mais selaisser agir par le changement pour mieux l’ac-compagner. Cela nécessite amour de soi,confiance envers la vie et souvenir constant del’existence d’un plan plus vaste. Au terme de cette réflexion, le vœu que je sou-haite formuler pour tous est celui de vivre enpaix. Etre enfin en paix. Avec soi-même, avecnos parents et enfants, avec l’autre. Se compor-ter avec autrui comme nous souhaiterionsqu’autrui se comporte avec nous peut être uneformule bénéfique et simple à adopter. Et jevous propose ce que Maître Rajagopalachari aproposé comme aide pour nous préparer à tra-verser les temps de changement important quiest en cours : « Pour cela trois choses : la pre-mière, s’accepter ; la deuxième, être ou devenirun exemple ; la troisième, donner plus queprendre ».

    Etre responsable

    de soi, de sesactes.

    PORTRAIT

  • 26 GTao Numéro spécial plus de 1000 articles en ligne sur www.generation-tao.com

    Dossier connaissance de soi

    C

    ertains adultes parviennent à transmettredu rêve, mais d’autres nous ramènentdurement au réel. Comment, devenu

    adulte nous-même, parvenir à retrouver cepoint cardinal du réel et du rêve pour l’accom-plir et nous accomplir?

    S’émanciper et sortir de nos conditionnementsD’un face à face puissant avec l’autorité scolai-re érigée comme un dieu, je suis sortie grandie(1). S’émanciper et sortir de nos conditionne-ments demande un travail particulier qui,même s’il semble gigantesque au tout début, estpossible si l’on a le désir d’être sincère avec soi-même et si l’on rencontre les conditions pour leréaliser. La motivation est ici essentielle et per-met l’engagement. Cela nécessite aussi un peud’inconscience, car nous n’avons aucune idée

    de ce dans quoi l’on s’engage. Il faut accepterhumblement d’apprendre avec et grâce auxautres qui avancent sur le même chemin quenous. L’expérience vécue et la réflexion a pos-teriori sont d’une richesse infinie. C’est ainsique l’on engrange des trésors de sagesse quel’on n’imaginait même pas.

    Je me suis émancipée en devenant responsabled’un conseil de parents d’élèves. Et oui ! C’estainsi que j’ai pu explorer le monde de l’éduca-tion nationale et ses arcanes. A côté de cela,trois autres pratiques se sont révélées particu-lièrement porteuses pour affronter ce qui allaitêtre la révélation de ma vie : la danse contem-poraine pour libérer le corps, l’éleuthéropédiepour libérer l’âme, l’université et la recherche-action pour libérer l’esprit.

    L’éleuthéropédie (2) m’a aidée à affronter leconflit que j’ai vécu avec l’éducation nationale.Outil de connaissance de soi et de développe-ment personnel, cette méthode opère sur troisplans :

    Le rapport à soi, par des entretiens de sou-tien et/ou de re-catégorisation qui permettentde soulager les tensions qui nous mettent endifficultés dans notre vie. Ces entretiens sontréciproques ; nous apprenons ainsi à écouterl’autre et à être écouté. Il n’est pas si évidentque cela d’admettre que ce que nous vivons aun prix ! Il s’agit de faire le récit d’une situationrécente qui revient en mémoire au moment del’entretien et éventuellement d’en reprendreune partie, le nœud.

    Le rapport à l’autre, dans un groupe, par desexercices d’expression et de communication.Nous apprenons à être attentifs à ce que nousvivons, ici et maintenant, et à l’exprimer. Cetexercice permet de travailler sur soi en allant àla rencontre de nos sentiments et de nos émo-tions. A la fin de cette exploration, nous com-prenons mieux que notre réaction immédiate apeu à voir avec ce qui l’a produite, mais qu’elleest le résultat de nos conditionnements. Il restebien peu de chose à dire, à la fin de l’exercice, àla personne qui a provoqué notre réaction ; unfacilitateur de paroles fait office de médiateur.

    Le rapport au Monde, par des étapes de libé-ration que nous décidons de mettre en œuvredans nos engagements. Le groupe est là pour

    …………… …………Retrouver le point cardinal du Réel et du Rêve

    par Josiane Blanc

  • des vidéos à télécharger sur www.generation-tao.com

    connaissance de soi Dossier

    nous accompagner dans cette action et nous nesommes pas obligés de réussir. A chaque ren-contre, un compte rendu de notre action estfait au groupe : nos réussites et de nos reculs.Le travail ne se fait pas dans le rapport deforce. Mais ce que j’ai connu a été bien diffé-rent car les choix que j’avais à faire n’étaientpas faciles et le rapport de force était bien pré-sent. J’ai pu sauvegarder quelque chose de« l’esprit » de l’éleuthéropédie en restantintègre dans ma manière d’être, en refusant ceque je ne voulais pas, mais en ne cherchant pasà abattre mon adversaire, ce qui n’était pas lecas en face. C’est ainsi que j’ai pu découvrir àquel point l’éducation que j’avais reçue a pubrider mes élans. Face à l’injonction d’uneparole autoritaire, je me suis confrontée à mespeurs d’enfant et à mes manques de soutienqui revenaient en force dans les moments detension qui n’ont pas manqué dans ce conflit.La recherche-action, puis le livre quelquesannées plus tard, ont déconstruit puis recons-truit les savoirs mal transmis. Séparer l’autori-té de la personne qui l’incarne a été une révé-lation car j’ai pu enfin comprendre que, dansune situation où j’aurais pu me sentir coupablede désobéir au représentant de l’Autorité, monattitude était Juste. Mon entêtement marquaitla persistance à accepter l’autorité et lesvaleurs qui l’ont construite tout en refusant lapersonne qui les pervertissait par ses actes.Ce que je retiens de ce qui fut pour moi uneaventure palpitante, car pleine d’une vie quis’affronte à la mort, c’est qu’il ne faut jamaisrepousser ou refouler une émotion trop fortecar elle est porteuse d’une question fondamen-tale. Il nous faut par contre apprendre à l’ap-procher et à l’explorer, sans danger. Elle peutnous conduire à la sérénité d’une vie accom-plie.

    (1) « Une mère face à l’école, l’autorité, les abus,trouver un juste équilibre », 2007, éditions YvesMichel. http://josiane.blanc.pagesperso-orange.fr (2) http://www.eleutheropedie.org

    PORTRAIT

  • 28 GTao Numéro spécial plus de 1000 articles en ligne sur www.generation-tao.com

    Dossier ouverture culturelle

    N

    aturellement attiré par les thèmesproches de l’écologie et la spiritualité, j’aipu à travers mon expérience profession-

    nelle chez Alter Eco approfondir ces thèmes àpartir d’exemples concrets sur le terrain. J’ai eunotamment la chance de pouvoir partir à larencontre de coopératives de petits produc-teurs en Amérique du sud, en Afrique, ou enco-re en Asie. La dignité des personnes rencon-trées m’a profondément touché ; une dignitéqui se lit dans les visages et les sourires sponta-nés. Ces rencontres ont été le point de départd’une réflexion personnelle intense : si des per-sonnes vivent dignement, connectées à leurstissus sociaux et culturels, dans un environne-ment naturel, c’est bien qu’il y existe des modesde vie qui maintiennent un équilibre et unmieux-être en comparaison à des environne-

    ments urbains soumis à nos modes de viecontemporains. Ce premier pas m’a permisd’ouvrir une réflexion plus large en partant ducas concret de nos choix et modèles agricolesjusqu’à une interrogation sur nos choix de civi-lisation, pour finalement retomber sur mesattraits naturels pour l’écologie et la spirituali-té avec une conviction plus profonde nourriede mes rencontres sur le terrain. C’est ce che-minement et les idées qui en sont nées que jevous propose de partager avec certains descontributeurs d’un « nouveau monde enmarche » (1).

    Des enjeux communs au nord et au sudDe nombreux médias ont trop souvent tendan-ce à opposer les problématiques nord / sud.Pourtant, dans les deux cas, une agriculture de

    Un nouveau monde en marcheAvec de nouvelles idées et de nouvelles valeurs

    par Laurent Muratet

    © E

    ric Garnier • w

    ww

    .ericgarnier.com

    Tanglang La, 5300 m, au Ladakh, en Inde, 2009.

    De nouvelles idées et de nouvelles valeurs émergent de toutes parts : au nord

    comme au sud. Ecologie, spiritualité, Laurent Muratet, directeur marketing

    d’Alter Eco, nous témoigne de ce nouveau monde en marche.

  • GTao Numéro spécial 29des vidéos à télécharger sur www.generation-tao.com

    ouverture culturelle Dossier

    petite et moyenne surface est en train de dispa-raître à grande vitesse au profit d’une agricul-ture intensive. En France, 90 % des exploita-tions ont disparu durant les 50 dernièresannées tandis que 30 millions d’ha de terresarables disparaissent chaque année sous lapression du foncier dans les pays du sud. Pour-tant, dans les deux cas, des solutions existentavec le commerce équitable, l’agriculture biolo-gique et de manière plus large, l’agro écologiequi permet d’avoir des rendements satisfai-sants : « Notre modèle de société arrive à sa fin,et, même dans les pays prospères, personnen’est plus garanti du lendemain. Parce qu’on nepeut pas continuer avec une agriculture qui,pour produire, détruit, parce que la nourritureelle-même est devenue maintenant toxique.L’agro écologie est plus qu’une alternative. Elleest un impératif, une nécessité absolue », écritPierre Rabhi (paysan, philosophe et écrivain).

    Respect et dignitéJ’ai choisi de prendre l’exemple del’agriculture pour commencermon article car il est embléma-tique de nos choix contempo-rains : plutôt que de privilégierune agriculture respectueuse de ladignité humaine et de l’environne-ment, nous privilégions une agricul-ture intensive basée sur des critères derentabilité et de compétition intensive tou-jours plus dure à satisfaire. Et derrière ceschoix se trouve bien le reflet de nos modes devie mondialisés et de nos valeurs collectives.Heureusement, de nombreuses et nouvellesvoix se lèvent pour défendre un autre modèleavec de nouvelles valeurs plus respectueusesdu vivant qui permettent d’articuler des solu-tions concrètes individuelles et collectives auniveau planétaire.

    L’émergence d’un nouveau système de valeurs et d’une nouvelle civilisationNous pouvons, dans l’émergence actuelled’idées et de « nouvelles » valeurs, identifierdes modes d’actions individuels qui peuventnous amener vers un mieux-être individuel,mais aussi collectif.

    Un nouveau rapport au vivant :De nombreuses réflexions se lèvent actuelle-ment sur notre rapport au vivant, que ce soitdans notre rapport à l’environnement ou enco-re, de manière plus pragmatique, sur la maniè-re dont nous traitons les animaux. Sur ce pointprécis, et notamment dans notre pays, tout unpan de réflexion sur le bien-être animal est lais-sé de côté. Pourtant, est-il juste pour notre plai-sir personnel d’élever des poulets en batteries?Pour arriver à un prix abordable et compétitif,des conditions d’élevages jusqu’à nos assiettes,tout est bon! Mais le scandale est grand. Si lespackagings et le marketing associé nous lais-

    sent penser que ce même poulet est élevé enplein air, ce n’est clairement trop souvent pas lecas. Notre libre arbitre et un brin d’attentionsont alors nécessaires pour nous renseigner etdécider ce que nous voulons soutenir. La déci-sion finale reste un choix individuel et intime,mais la question mérite d’être posée et réflé-chie à un niveau individuel avec des choixpotentiels pour peser de manière collective. Plus largement, concernant notre rapport auvivant, nos modes de vie contemporains nouslaissent croire que nous sommes exclus duvivant alors que nous faisons intégralementpartie d’un éco système et si ce dernier estmenacé, c’est notre espèce et nos modes de viequi sont plus largement menacés : « (…) Proté-ger le vivant, non seulement les espaces et lesespèces, mais aussi le système de support de vie(eau, air, terre). La protection du vivant s’étendaussi à la culture humaine menacée (langues,

    musiques, herboristeries, techniquesd’agriculture, etc.), car les connais-

    sances des anciens et des peuplespremiers disparaissent », alerteClaire Carré (enseignante, prati-cienne et performeuse en arts dumouvement, cofondatrice de l’as-sociation « Roseaux Dansants »

    (2)). « Aller vers la complétudehumaine, c’est au contraire vivre une

    sensibilité habitée par le monde, avoirdissous à travers le sensible cette séparation

    entre le dehors et le dedans. L’écocentrismeexpérientiel est là », renchérit Bernard Boisson(photographe, écrivain, réalisateur audiovisuel(3)).

    Se réapproprier le rapport au temps :Nos modes de vie contemporains laissent peud’espace à notre intériorité. Pourtant, cet espa-ce est vital, notamment pour satisfaire nos« besoins » créatifs et spirituels (dans le sensd’une extra-matérialité). Prendre chaque jourun, ou des temps de méditation peut permettreà notre « véritable » nature de s’exprimer, maiségalement nous permettre de construire uneindividualité plus forte face aux contraintes denos vies et à l’uniformisation résultante. Toutesles traditions spirituelles ont bien sûr mis enavant cette nécessité, mais ce temps intérieurest devenu quasi obligatoire pour qui veutrésister à notre époque, comme le prône Chris-tophe André (médecin psychiatre et psycho-thérapeute) et la voie de la pleine conscience :« Si la méditation connaît un tel succès aujour-d’hui, c’est parce qu’elle répond à un besoinfondamental, celui d’introspection, de calme,de lenteur, de continuité, alors que nos condi-tions de vie tendent à nous priver de tout celaavec toujours plus de sollicitations, d’interrup-tions, d’agitation, de sollicitations ».

    L’apprentissage de « nouveaux » mode decommunication :

    L’agro écologie est une nécessité

    absolue.

    Laurent Muratet estdirecteur marketing etcommunication d’AlterEco, co-initiateur dufestival de musique AlterEco, de la démarche« Agriculture françaiseéquitable ». Il est égale-ment co-auteur du livre« Un nouveau monde enmarche » avec EtienneGodinot de GandhiInternational, préfacede Stéphane Hessel et laparticipation d’Akhena-ton, Christophe André,Jean-Marie Pelt, PierreRabhi, Matthieu Ricard,Jean Ziegler, etc.), auxéditions Yves Michel,2011.

    PORTRAIT

  • 30 GTao Numéro spécial plus de 1000 articles en ligne sur www.generation-tao.com

    Dossier ouverture culturelle

    Quand nous sommes à l’école (primaire, collè-ge, etc.), nous en apprenons finalement peu surcomment communiquer entre nous, commenttravailler de manière collective en respectantles contributions mutuelles. Des apports telsque la communication non violente ou encorela sociocratie permettent pourtant d’aller versune communication plus harmonieuse etconcernant la sociocratie, vers des modes degouvernance plus respectueux du vivant : « Lacommunication non violente est une approchede la relation à soi, à l’autre et à la vie, basée surla conscience que les êtres humains ont fonda-mentalement les mêmes besoins par nature.Par leur culture ou leurs parcours personnels,ils ont souvent appris à exprimer leurs besoinsde façons différentes, ce qui est la source debien des conflits. En apprenant à nous exprimeret à nous écouter en terme de besoins — plutôtque par les moyens habituels que sont les juge-ments et les interprétations, les croyances et lespréjugés, et les automatismes de la penséebinaire (dualité) — nous nous donnons beau-coup plus de chance de nous rencontrer sur unterrain qui nous rassemble », explique Thomasd’Ansembourg (thérapeute, auteur et confé-rencier).

    La nécessité de se mélanger :Nos spécialisations, la sophistication à outrancede notre société, particulièrement dans nosmétiers, mais également le manque de temps,tendent à nous maintenir dans un réseau depersonnes homogènes avec souvent le mêmetype de parcours et de métier. Là aussi, celademande un effort individuel et un premier pasafin d’aller à la rencontre de l’autre et surtoutde personnes issues d’horizons différents. Celaa été le signe dans l’histoire de sociétés équili-brées et particulièrement vivantes ; les artistes,les marchands, les philosophes, se côtoyaientquotidiennement et influaient de ce fait surleurs manières d’agir et d’être. Cette interdisci-plinarité nécessaire permet à nos esprits de seféconder et plus simplement de se détendreaux contacts d’autres disciplines. Cela permetégalement de garder une vue d’ensemble de lasociété, ses valeurs, et de conserver un équilibrenaturel au niveau sociétal ; une conception quis’oppose aujourd’hui à nos vies où règne tropsouvent un fourmillement quotidien et où cha-cun peut facilement perdre les questions essen-tielles sur le sens de sa vie, le pourquoi de sesagissements quotidiens. Se mélanger dans noscultures, bien sûr, et si cela est possible, prendrele temps d’écouter les messages d’autres civili-sations qui portent un regard sur notre sociétécontemporaine : « Dans notre communauté,nous avons tous réalisé un ensemble d’actionsde développement de différentes pratiques tra-ditionnelles qui apportent une façon de vivredifférente du mode de vie urbain. Une manièredifférente de se nourrir, de porter la notion dedéveloppement durable par rapport aux res-sources naturelles, une façon de respecter l’en-vironnement, considéré comme un tout et nonpas comme un moyen. Et d’exploiter les res-sources de manière responsable, en sachant ceque chaque chose représente pour chacun denous. Dans la communauté, nous avons pourmission de transmettre notre culture au mondeextérieur. Mon travail a été intense pour pré-server la culture, la tradition et les coutumes denos peuples », nous explique Haru Kuntanawa(leader amérindien du Brésil, Etat de l’Acre,sud-ouest du Brésil).

    (1) Livre dont je suis co-auteur avec Etienne Godi-not de Gandhi International aux éditions YvesMichel, 2011, préface de Stéphane Hessel et la par-ticipation d’Akhenaton, Christophe André, Jean-Marie Pelt, Pierre Rabhi, Matthieu Ricard, Jean Zie-gler, etc.). (2) www.roseaux-dansants.org(3) wwww.natureprimordiale.org

    J’ATTENDS UNE ICONO DE LAURENT

  • 32 GTao Numéro spécial plus de 1000 articles en ligne sur www.generation-tao.com

    Dossier écologie corporelle

    L

    e terme d’écomédecine est né à l’occasionde l’organisation d’un colloque à la facul-té de pharmacie de Paris en 2005. Nous

    avions eu l’idée de réunir pour la première foisdes thérapeutes, aussi bien médecins que den-tistes et vétérinaires, de chacune des spécialités

    suivantes : médecine traditionnelle chinoise,médecine ayurvédique, homéopathie, naturo-pathie, phytothérapie, ostéopathie, microkiné-sithérapie.

    Les spécificités et les vertus des écomédecines« Eco », comme « écologie », car ces thérapiesprennent en compte l’environnement extérieuret intérieur de l’individu, son hygiène de vie,son alimentation, son habitat, son mode detransport, ses conditions de vie, ses antécédentsmédicaux personnels et familiaux. Elles ont despoints communs essentiels :

    Elles considèrent le patient dans sa globalitéphysique et psychologique ;

    Elles s’attachent moins au symptôme qu’àson origine ;

    Elles visent à renforcer le terrain et l’immu-nité ;

    Elles utilisent le concept de rééquilibrageénergétique ;

    Elles sont en harmonie avec le respect del’environnement, en proposant des traitementsà base de produits naturels et sans déchetstoxiques ;

    Elles donnent une grande place à la préven-tion ;

    Elles sont sans effets secondaires ;Elles sont pour la plupart un patrimoine de

    l’humanité car elles reposent sur des traditionsmillénaires ;

    Elles correspondent aux définitions de lasanté des grandes institutions. Ainsi, selon lesstatuts de l’Organisation Mondiale de la Santé(OMS), « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consistepas seulement en une absence de maladie oud’infirmité ». Selon la Déclaration universelledes droits de l’homme du 10 décembre 1948,l’article 12.1 nous dit « reconnaître le droitpour toute personne de jouir du meilleur étatphysique et mental qu’elle soit capable d’at-teindre ». Selon la Déclaration de Stockholmdu 16 juin 1972 (Conférence des NationsUnies), « L’homme a un droit fondamental à la

    La médecine allopathique, si elle peut être performante dans certains domaines,

    ne peut pas être la seule médecine. Elle est limitée, coûteuse et crée de nombreux

    dégâts écologiques. Les écomédecines sont bonnes pour l’individu et pour la planè-

    te et elles répondent davantage à nos préoccupations citoyennes.

    Plaidoyer en faveur des écomédecinesLa médecine du futur sera écologique ou ne sera pas

    par le Dr Dominique Eraud

  • GTao Numéro spécial 33des vidéos à télécharger sur www.generation-tao.com

    écologie corporelle Dossier

    liberté, à l’égalité et à des conditions de viesatisfaisantes dans un environnement dont laqualité lui permette de vivre dans la dignité etle bien-être et le droit à la vie même fait partiedes droits fondamentaux ». Le ParlementEuropéen, avec la résolution du A 460075 de1997 s’est prononcé en faveur de la reconnais-sance des médecines non conventionnellesdans les pays membres de l’Union Européen-ne. Poursuivons encore… Le texte de l’OMS,« Stratégies pour les médecines tradition-nelles » (2002-2005), recommande aux Etats,d’une part pour les pays en voie de développe-ment : le recours aux « médecines tradition-nelles » à travers des dispositions qui permet-tent une qualité et un suivi de l’enseignementainsi que la protection des écosystèmes qui per-mettent d’assurer les récoltes des plantes médi-cinales. D’autre part, pour les pays développés :le recours au pluralisme thérapeutique par « lesmédecines complémentaires ».

    Retisser le lien entre l’homme et sonenvironnementMais sur le terrain, malgré les« grandes » déclarations de ces« grandes » Institutions, il y acomme un mur. Comment alorss'engager au niveau individuel etcollectif pour retisser le lien entrel'homme et son environnement? Ily a longtemps, la relation « environ-nement/santé » était une évidence. Jerends ici hommage à Hippocrate qui adit : « C'est la nature qui soigne, le médecin nefait que l'assister ». Il nous revient donc aujour-d'hui de nous engager à notre tour pour unereconnaissance accrue des médecines écolo-giques et de leur approche. Cela suppose plu-sieurs démarches citoyennes :1. Eduquer et prévenir par un travail ciblé d'in-formation et de sensibilisation sur les liensentre alimentation, soins de peau, santé et envi-ronnement. Il conviendrait en particulier defavoriser l'accès à des produits biologiques etde promouvoir le respect de son propre corps.2. Lutter pour la liberté de choix thérapeu-tique : en Occident, plus de la moitié de lapopulation a recours, de manière régulière ouoccasionnelle, à des médecines complémen-taires. Or, elles souffrent (à l'instar des théra-peutes) d'une ségrégation insidieuse par ledénigrement, la désinformation et le faible tauxde remboursement.3. Former les médecins aux pathologies émer-gentes : les nouvelles maladies dues notammentaux polluants chimiques ne sont guère ensei-gnées dans les facultés de médecine. Il faudraitcréer un Master en « santé environne