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Dossier DOSSIER [ [ [ NRP Février 2015, n°25 [ NRP Février 2015, n°25 Mémoire Assia Djebbar, une intellectuelle à l’itinéraire exemplaire Mohamed Bensalah Projet de loi de finances 2015: les dépenses d’équipement en hausse de plus de 32% Algérie. L’invention d’un territoire Hélène Blais (Université Paris-Ouest) « PETROLE EN CRISE, GAZ DE SCHISTE ALTERNATIF ? » Droit Culture/Médias Société La frime des friqués Abdou Semmar

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DossierDOSSIER

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NRP Février 2015, n°25

[

NRP Février 2015, n°25

Mémoire

Assia Djebbar, une intellectuelle à l’itinéraire exemplaire

Mohamed Bensalah

Projet de loi de finances 2015:

les dépenses d’équipement en hausse de plus de 32%

Algérie. L’invention d’un territoire

Hélène Blais (Université Paris-Ouest)

« PETROLE EN CRISE,

GAZ DE SCHISTE ALTERNATIF ?  »

Droit

Culture/Médias

SociétéLa frime des friqués

Abdou Semmar

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Sommaire

La NRP est la nouvelle formule de la « Revue de presse », créée en 1956 par le centre des Glycines d’Alger.

[Attestation du ministère de l’information: A1 23, 7 février 1977]

Revue bimensuelle réalisée en collaboration avec le :

Ont collaboré à ce numéro

Ryad CHIKHI, Bernard JANICOT, Leila TENNCI, Fatima-Zohra ABDLLILAH,Ghalem DOUAR,

Lamya TENNCI, Sid Ahmed ABED, Mokhtar MEFTAH, Samir REBIAI, Laid Nasro OUENZAR

CENTRE DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET SOCIALE

3, rue Kadiri Sid Ahmed, Oran • Tel: +213 41 40 85 83 • Courriel: [email protected]

Site web: www.cdesoran.org

SociétéLa meilleure université algérienne n’arrive qu’à la 2256e placeau niveau mondial,Elyas Nour, p.10

La frime des friqués,Abdou Semmar,p.10-11

La société algérienne traverse une véritable crise

sociale,Noureddine Hakiki,p.11

DroitFemmes divorcées : entrée en vigueur du Fonds de la pensionalimentaire,M.D., p.12

Projet de loi de finances 2015:les dépenses d’équipement en

hausse de plus de 32%,p.12-13

Culture/MédiasDesert boys : Les rappeurs anti-gaz de schiste, Ryma MariaBenyakoub, p.14

Assia Djebbar, une intellectuelle à l’itinéraire exemplaire

,Mohamed Bensalah, p.14-15

MémoireAlgérie. L’invention d’un territoire,Hélène Blais,p.16

Bibliographie, p.17

Dossier

« PETROLE EN CRISE,GAZ DE SCHISTE ALTERNATIF ?  »

ALGÉRIE : 2015, ANNÉE DE TOUS LES DANGERS POUR L’ÉCONO-

MIE, p.4-5

La baisse des prix du pétrole annonce des années difficiles

pour l’Algérie, selon les experts, Malik Tahir, p.5

Gaz de schiste ou pas ?, Nour-EddineBoukrouh, p.6-7

Gaz de schiste : Sonatrach invoque l’expérience américaine, p.7

Hydrocarbures : un secteur en « véritable déclin », selon la Ban-

que d’Algérie, Tewfik Abdelbari, p.8

Comment sauver l'Algérie de la crise pétrolière ?, MIREILLE

DUTEIL. p.9

[email protected]

N° 25, Février 2015

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NRP, Février 2015, n°25

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Editorial

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NRP, Février 2015, n°25

Ryadh CHIKHI

En terme de Management Public ; la situation actuelle en Algérie peut être résumé en 3 points suivants :

1. Des enjeux sécuritaires, compte tenu de la situation instabledes pays voisins

2. Des exigences sociales croissantes

3. Une économie dépendante des hydrocarbures

A cela s’ajoute une nouvelle donne : celle de la chute libre du cours du pétrole qui frôle difficilement les60 dollars fin février 2015, et la nécessité ou pas, d’aller vers l’exploitation du gaz de schiste commealternative.

En ce sens, l’Etat vient d’adopter des mesures qui visent la rationalisation des dépenses publiquesinfluant ainsisur le budgetalloué pour le quinquennat « 2014-2019 ». La nécessité de réajuster les stratégiesde développement devientcruciale et d’autresalternativesde diversifications des rentes sont étudiéesafin de compenser la chute du prix du pétrole.

Les avis se partagent entre la volonté de l’Etat appuyée par certains experts afin d’exploiter le Gaz deschiste et ainsi ; acquérir une nouvelle technologie, trouver d’autre issues, d’autres ressources,substituables à l’or noir, même au détriment et avec des risques environnementaux méconnus.Parallèlement, d’autres partis politiques, associations, société civile, déplorent, rejettent, etmanifestent contre l’application d’une telle décision. Alors ? Doit-on commencer par rassurer et subveniraux besoins de notre société socialiste? Par redynamiser notre économie capitaliste ? Ou par sécurisernos frontières ?

L’Algérie fait face à des enjeux longuement redoutés par le gouvernement algérien lorsque l’on constatequ’après 50 ans d’indépendance, notre pays est toujours fortement dépendant des hydrocarbures(97% de ses exportations totales). Auparavant, les dépenses faramineuses de l’Etat se sont faites dansun contexte où le fonds de régulation des recettes (« F.R.R »réserve de fiscalité pétrolière non budgétisée,équivalent d’un fonds souverain mais passif, inactif) permettait de résorber les déficits budgétaires etoù les réserves de change en dollars (puisque les importations doivent être payées en devises) étaientd’environ 187 milliards de dollars en 2014.

Les temps changent, le cours du pétrole aussi ! Un mal pour un bien serait de savoir tirer profit de cettechute du prix du pétrole afin de traiter une problématique longtemps restée posée : la transition d’uneGouvernance des ressources vers une Gouvernance des richesses, car, entre ce que l’on a fait, ce que l’oncroyait faire et ce que l’on aurait pu faire…Ce nous met parfois devant deschoix limités et des réalitésàassumer, bien au-delà de toute espérance !

Oui ou non à l’exploitation du Gaz de schiste? Noir ou Blanc ? Pétrole ou Gaz de schiste ? Ce dossieréconomique propose des discussions, des données scientifiques, et des points d’analyses, afin de mieuxéclaircir le contexte actuel auquel doit répondre l’Algérie, et l’influence que peut avoir ce changementbrutal.

« PETROLE EN CRISE,

GAZ DE SCHISTE ALTERNATIF ? »

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NRP, Février 2015, n°25

DOSSIER

ALGÉRIE : 2015, ANNÉE DE TOUS LES DANGERS POUR L’ÉCONOMIE

L’année qui arrive risque d’être agitée pour l’économie en Algérie. Avec la chute des cours du pétrolede façon durable, le gouvernement devra revoir sa politique.

Jusqu’à quand les cours du pétrolevont chuter ? C’est la question qui sepose en Algérie depuis maintenantplusieurs mois et l’hypothèse d’unmaintient durable à de très basniveau met désormais en péril lebudget de l’année à venir.L’économie algérienne dont lesrevenus sont presqueexclusivement tirés des recettes desexportations d’hydrocarburespourrait connaître de fortesturbulences en 2015. Si pour lemoment le gouvernement tented’apaiser les inquiétudes réelles dela population, un certainnombre de mesures quiont été prisesdémontrent que lasituation est loin d’êtresous contrôle.

Le Premier ministre,Abdelmalek Sellal ad’ores et déjà prévenuque pour l’année quiarrive l’embauche defonctionnaires seraitgelée et qu’aucunrecrutement ne seraitpossible avant 2016, peutêtre plus tard. Il faut direque la fiscalité pétrolièrecompte pour plus de lamoitié du budget del’Etat, qui risque d’êtresérieusement entaméles prochains mois. Mais ce n’est pastout, le chef du gouvernement aégalement aff irmé que tous leschantiers qui ne sont pas urgentsallaient être reportés à une dateultérieure, comprendre quandl’économie ira mieux. Mêmediscours concernant les éventuelleshausses de salaires, elles risquentd’être bloquées à court terme. Leprésident de la République enpersonne a tenté d’anticiper unecrise profonde en avertissant lesalgériens que les conséquences dela chute des cours du pétrole aurontdes conséquences imprévisibles.

Un modèle économique dépassé

Le Sahara blend peine désormais àatteindre les 56 dollars, et dans lessemaines à venir il n’est pas excluqu’il passe sous la barre des 50dollars ce qui d’un point de vuesymbolique pourrait accentuer lesdégâts économiques. Si cette baissedu prix des hydrocarbures est entrain d’inquiéter l’ Algérie c’est parce

que l’économie est intimementdépendante de l’or noir et du gaz etque son modèle est presqueexclusivement bâti sur la rente. LaBanque d’Algérie avait, au début dumois de septembre, déjà, sonnél’alerte. La situation financière dupays est très mauvaise et ne devraitpas s’améliorer dans l’immédiat,d’autant qu’aucune réforme degrande ampleur n’est prévue enterme économique. Alors que depuisun certain temps, le pays avait tiréun trait sur les déficits, le premiersemestre a été marqué par leur

retour et les chiffres qui serontbientôt publiés ne devraient pas êtretrès bons concernant le secondsemestre. Cette situation met ànouveau en cause l’économiealgérienne dans son ensemble etpointe la nécessité de reformes.

Avec 97% des revenusd’exportations provenant du pétroleet du gaz, l’Algérie est enpermanence soumise à la hausse oula baisse des prix des matièrespremières sur la marché mondial.L’Etat, pour son budget 2015, s’estbasé sur un baril de pétrole à 120dollars alors que pour le moment onn’en est très loin. Le manque dediversification ne favorise pas la miseen place d’une économie stable etpérenne et surtout n’encourage pasles investisseurs étrangers às’implanter sur le territoire. Le paysaura atteint un peu plus de 3% decroissance en 2013 et devrait réaliserà peine 4% en 2014 puis rester à ceniveau jusqu’en 2017. Si ce taux fait

rêver de nombreux payseuropéens en crise, il est trèslargement insuff isant pourendiguer le chômage. Chaqueannée, pour permettrel’absorption par le marché dutravail du nombre de jeunes quisortent de l’école, il faudrait untaux de plus de 6%, objectifpour le moment irréalisable. Ily a quelques mois, legouvernement avait annoncéqu’il visait d’ici quelquesannées les 7% de croissance,une annonce désormais

considérée commefarfelue.

La restructurationde l’économie en

question

La situation actuelledu pays metégalement enévidence le fait quemalgré une trèsgrande richesseaccumulée cesdernières années enr a i s o nd’hydrocarbures auprix très élevé,l’instabilité et lafragilité économiqueperdurent. L’Algéries’est exclusivementconstruite depuis son

indépendance autour d’unmodèle de développementbasé sur l’exploitation deressources naturelles. Unmodèle rentier, générateurcertes d’importantes devisesquand le prix de ces matièrespremières s’envole mais qui serévèle très vulnérable auxretournements du marchécomme ce fut le cas en 1986lors de la baisse sensible desprix du pétrole, événement quicontribua fortement à ladégradation de la situationéconomique et sociale du pays.

L’exploitation deshydrocarbures demeure à cejour un avantage pour l’Algériemais aussi un inconvénient.Aujourd’hui grâce à sesressources, l’État algérien estriche, très riche même, il figuredans le top 15 des paysdétenant les plus grandesréserves de change avec plus

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DOSSIER

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La baisse des prix du pétrole annonce des années difficiles

pour l’Algérie, selon les expertsMalik Tahir

Les officiels algériens, de ministredes finances à celui de l’énergie,continuent de le répéter : la chutedes prix du pétrole est sans impactsur l’économie algérienne. Sur lecourt terme, cet «optimisme» sejustifie par un niveau de réserves dechange conséquent (195 milliards dedollars) qui couvre trois ansd’importation de marchandises.

Pour l’année 2014, le prix moyen dubaril algérien s’établira à 100 dollars,selon le ministre des finances. Lasituation pourrait être beaucoupmoins soutenable en 2015. Legouvernement sera contraint depiocher dans le Fonds de régulationdes recettes (FRR) dont le niveau estde 5000 milliards de dinars (plus de48 milliards d’euros) pour couvrir ledéficit.

Avec un baril qui est sous la barre des80 dollars et qui pourrait mêmeplonger vers 60 dollars, les bases dela prévision du budget 2015 - un prixmoyen du Sahara Blend de 100dollars - risquent d’être caduques.

Le gouvernement qui dépensebeaucoup devra, probablement,faire une loi de f inancescomplémentaires pour prévoir descoupes budgétaires. Il est peuprobable que les subventions auxproduits alimentaires soienttouchées mais une hausse des prixdu carburant, l’un des plus bas aumonde, pourrait être à l’ordre dujour.

L’Algérie pourrait aussi êtrecontrainte de prendre des mesurespour réduire les importations dont leniveau explose et pourraientatteindre, en 2015, le montantfaramineux de 65 milliards de dollars,selon les prévisions officielles.

Certains experts n’hésitent pas àrappeler le scénario catastrophe dumilieu des années 80 où la chutedrastique des prix du pétrole aouvert le chemin des grandesturbulences politiques et socialesentamées avec les émeutesd’octobre 1988.

L’Algérie, note EL Watan, n’a pasprofité de l’embellie financière de lalongue période du baril fort (de plusde 100 dollars) pour diversifier sonéconomie et réduire la «tendanceboulimique des importations» va seretrouver à recourir au Fonds derégulation des recettes (FRR), «seulebouée de sauvetage à court terme».

Le pire est à venir

«Lorsqu’on met sur la balance, les 60mill iards de dollars de recettesd’exportation projetées par leministre de l’Energie et les 110milliards de dollars de dépensesprévues par la loi de finances 2015, ily a de quoi s’inquiéter pour leséquilibres financiers du pays».

L’ancien PDG de Sonatrach,Abdelmadjid Attar, évoque un risquede crise économique «aigue» au

cours des trois prochainesannées en cas de poursuite dela chute des prix du baril.«L’Algérie, regrette-t-il dansune déclaration à Echourouk,n’investit que pourconsommer».

Attar déclare ne pas attendregrand-chose de la réunion del’OPEP. Même si elle décide deréduire sa production, sonimpact sera limité. Il faudrait,selon lui, une réduction de 2millions baril-jour pour espérerinfluer sur les prix. Pour lui, lacrise du milieu des années 80pourrait se répéter si le barildescendait sous la barre des 60dollars.

«Il y aura même une crisemondiale dans ce cas defigure» a-t-il ajouté en estimantqu’il est temps pour l’Etat de«dépenser en fonction desbesoins des citoyens et non enfonction de leurs désirs».

200 milliards de dollars. Mais cetterichesse est trompeuse et bienéphémère même si les autoritésalgériennes ne cessent d’affirmerque l’Algérie est hors de dangergrâce à son matelas financier. Amoyen terme si le pays poursuit surce chemin économique et que lesprix du pétrole restent très bas, il estpresque évident que desturbulences risquent de voir le jour,et ce, dans le meilleur des cas.

Alors que des investissementsmassifs peuvent et doivent êtreconsentis dans les technologies detélécommunications, dans larecherche, dans l’innovation, cessecteurs peinent à sortir de leurléthargie malgré les capacitésfinancières du pays. L’État chercheoff iciellement à favoriserl’émergence d’une croissanceéconomique durable sans pourautant mettre en adéquation paroles

et actes. L’exploitationprochaine des gaz de schiste nerisque pas de changer la donne.

27 Novembre 2014

26 Décembre 2014

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DOSSIER

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Gaz de schiste ou pas ?«L’ignorant se fait plus de mal que ne lui en ferait son pire ennemi»

(Proverbe arabe)

[….Il y aura bientôt quatre ans, je publiai dans ces mêmescolonnes une contribution intitulée «La conscience despeuples» (LSA du 5 mai 2011) dans laquelle je posais leproblème de l’exploitation du gaz de schiste.

A l’époque, le problème ne se posait pas chez nous maisen France où, après la découverte de premièresréserves, deux volontés s’étaient retrouvées face à face,prêtes à en découdre : celle de l’Etat, vivement intéressépar l’exploitation de cette manne qui tombait à pic, etcelle d’une infime partie des citoyens opposés à l’idéepour des raisons écologiques. Elu président de laRépublique une année plus tard, François Hollande serésigna à en interdire l’exploitation. Les tourments de laconscience française cessèrent et le sujet fut vite oublié.J’écrivais alors ceci :

Début de citation : «L’Etat qui se faisait du souci pourson endettement public, son déficit budgétaire et sesexportations en recul voyait d’un très bon œil cettemanne mais son enthousiasme a été refroidi par laréaction de la conscience française… Les citoyensfrançais auraient pourtant individuellement gagné à lamise en exploitation des gisements découverts car c’estune énergie qui devient de plus en plus chère chez eux…Ils n’ignorent pas les avantages que les Américains onttirés de ce nouveau type de gaz… Ils ont pensé auxéquilibres naturels de leur pays, à leurs ressourceshydriques, à l’avenir de la planète plus qu’au profit qu’ilsauraient personnellement tiré de cette aubaine. C’estainsi qu’ont réagi aussi les Canadiens alors qu’ils ont del’eau à n’en savoir que faire.

[… Ils n’ont pas raisonné comme nous qui, dans le mêmecas de figure, aurions répondu à nos autorités : ‘’Nourris-moi aujourd’hui et tue-moi demain !’’ D’ailleurs, ellesviennent de signer avec ENI un contrat pour la mise envaleur de notre potentiel de ce gaz sans demander l’avisde quiconque… (fin de citation).

[….Quelque chose d’inconnu s’est alors réveillé en nous,touchés par la réaction de nos compatriotes du Sud etpeut-être plus encore par la méthode inédite qu’ils ontemployée pour se faire entendre : le style mystique aulieu du style revendicatif, mode auquel sont très sensiblesles Algériens comme on l’a vu en d’autres occasions.

En effet, nos concitoyens du Sud, en particulier lesbraves habitants d’In Salah, ont imploré pendant dessemaines le même Dieu qui a donné le gaz de schiste àl’Algérie, mais eux c’était pour qu’Il la prémunisse deson exploitation : «Ya latif, yalatif, ançarabdiqa-d-da’îf !»n’ont-ils cessé de psalmodier des jours durant à lamanière de «tolbas» éplorés, les mains levés au ciel etles yeux embués de larmes (traduction au pied de la lettre: «Ô Dieu Clément, secoure tes faibles créatures !»).

Superstition ? Naïveté ? Non, sens naturel de l’intelligencepolitique et tactique des gens du Sud, êtres frugaux etâmes droites. Car que pourraient les brigades derépression des mouvements de foule dépêchées enrenfort devant pareille posture qui a ému la nation,devant ces suppliques adressées en fait plus au présidentde la République qu’à Dieu, devant ce style deprotestation inédit ? Nos frères et sœurs du Sud n’ontpas recouru à la «capacité de nuisance» dont nous

sommes familiers au Nord (slogans anti-pouvoir,prise en otage de franges de la population,émeutes, menaces de sécession...), ils lui ontsubstitué la capacité à convaincre au moyen dusacré ; ils lui ont préféré l’argument de la crainte duSeigneur pour faire plier l’Etat. Il faudrait labellisercette innovation et réfléchir à comment l’exporterdans les pays islamiques.

On peut penser qu’ayant peu gagné d’un demi-siècle d’exploitation du pétrole et du gazconventionnels, nos frères et sœurs du Sud nevoient pas ce qu’ils gagneraient du gaz de schiste,d’où leur opposition. Ce serait leur faire injure carils demandent l’interdiction de l’exploration et del’exploitation du gaz de schiste sur tout le territoirenational. Ce n’est pas leur faire injure, c’est lesatteindre dans leur dignité, leur intelligence et leurpatriotisme que de faire passer leur mouvementprotestataire pour le fruit de manipulationsétrangères ou locales ; c’est prendre leur angélismepour un machiavélisme qui n’est pas dans leurnature. S’ils avaient accepté l’offre de de Gaulle, ilsseraient aujourd’hui les maîtres du Sahara et de sesrichesses et nous leurs voisins déguenillés.

Et de mon point de vue, pourrait-on me demander,faut-il ou non exploiter le gaz de schiste ? Maréponse sera claire, nette et franche car chacundoit prendre position dans le débat ouvert par lesgens du Sud. Elle commencera par trois questions :A-t-on réellement le choix? Y a-t-il une alternative àla rente, nous qui ne savons gérer nos affaires avecla médiocrité, la corruption et le gaspillage qui vontnécessairement avec et nous caractérisent quegrâce à une rente ne nécessitant pas plus de braset de cerveaux que ceux des effectifs de Sonatrach? Le patriotisme est-il aujourd’hui dans l’exploitationdu gaz de schiste ou dans son interdiction ?

A sa mort en décembre 1978, Boumediene nous alaissé en héritage une dette extérieure de 14milliards de dollars alors que le nombre des Algériensétait à peu près de quatorze millions. Au départ deChadli en janvier 1992, la dette extérieure s’élevaità 26 milliards de dollars pour une population de 26millions d’habitants environ. Elle n’a été effacée quegrâce à la montée constante des prix du baril dansles années 2000. Entre-temps des pays du sud del’Europe, du Sud-Est asiatique, d’Amérique latineet même du Maghreb qui étaient au même pointque nous ou même moins, qui disposaient de moinsde richesses naturelles que nous, sont devenus despays émergents pour les uns et des puissanceséconomiques et commerciales mondiales pourd’autres. Comme si l’échec économique ne suffisaitpas, il fallait encore que nous donnions à demeurele spectacle des pires exactions terroristes qu’aitconnues l’humanité depuis Gengis Khan, se soldantpar un bilan de plus de 200 000 morts. A peine remisde la faillite économique et du terrorisme desannées 1990, nous nous sommes empressés,inconsciemment ou par satanisme, je ne sais, àreproduire les causes qui les ont générées. Dequelles marges disposons-nous aujourd’hui pourconstruire une économie rationnelle, diversifiée,

Nour-Eddine Boukrouh

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DOSSIER

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intégrée et exportatrice ? Une fois épuisées les réservesde change (en un maximum de trois ans), nous nousmettrons à nous endetter de nouveau car nous auronsbesoin de 60 à 80 milliards de dollars chaque année (il nefaut pas oublier les dépenses militaires) pour maintenirnotre pouvoir d’achat, notre chômage et notre tauxd’inflation à leur niveau actuel. Il ne faudra même pasrêver de les élever, sans dire que ces niveaux sont déjà,pour bon nombre de nos compatriotes, ceux du seuil depauvreté. En quelques années cette dette, à supposerque nous trouvions des créanciers assez fous pour noussuivre dans notre fuite en avant, se chiffrerait encentaines de milliards de dollars. Pour la rembourser, ilfaudrait vendre le pays, son sol, son sous-sol et sesmeubles. Pour ces raisons non exhaustives, chers frèreset sœurs, et la mort dans l’âme, je me prononce pourl’exploitation le plus vite possible du gaz de schiste carnous n’avons que faire de l’écologie ; nous ne savons

pas ce que c’est, ayant vécu pendant desmillénaires sans nous en soucier.

Si nous renoncions à exploiter le gaz de schiste etmême peut-être un jour le cyanure ou lanitroglycérine s’ils devenaient des matièrespremières, nous nous condamnerions à courtterme à la faillite, à la misère générale, à la guerrecivile, au morcellement de notre pays et àl’inévitable intervention de l’étranger… L’Etatislamique version talibans, Daesch ou BokoHaram,le choix est large, nous appelle ; il nous attend ; ilest au bout du chemin que nous avons emprunté ;il est notre fatalité, notre destin, notre terminus.

Gaz de schiste : Sonatrach invoque l’expérience américainel’exploration du gaz de schiste aux Etats-Unis a démontré que les risques sur la populaton

et l’environnement ont été réduits de manière sinificative

Si la venue du conférencier était censée, dans le cadrede la stratégie de communication de Sonatrach, donnerdu crédit à la technologie utilisée dans l’exploration nonconventionnelle et mettre en lumière l’insignifiance desrisques encourus par la population et l’environnement,le compte rendu sur le retour de l’expérience américainemontre en définitive que le risque a certes été réduit demanière conséquente au fil des ans, mais reste tout demême assez important en matière, notamment, decontamination de l’eau par le méthane et unequarantaine de produits chimiques utilisés dans le cadrede la fracturation hydraulique.

Thomas Murphy, directeur au Penn State MarcellusCenter for Outreach and Reseach, a estimé que l’Etat dePennsylvanie a dû peauf iner sa politique decommunication mal enclenchée il y a dix ans et jouer latransparence pour tranquilliser la population : «Il y a unetendance, dans les médias sociaux notamment, à ne voirque le négatif et il faut donc user de plaidoyerconvaincants et transparents pour contrer ladésinformation.»

Le conférencier a déclaré : «Nous ne faisons pas de lapropagande pour un secteur mais un plaidoyer pour unescience qui comporte un facteur de risque mais dont laperception doit être changée aux yeux des profanes etde la population que l’on doit convaincre en parallèle

des nombreux avantages de cette technologie,dont la création d’emploi et la possibilité deformation.»

Concernant le bilan en Pennsylvanie, leconférencier a affirmé qu’avant le développementde techniques plus modernes, «sur 1,2 million depuits forés, quelque 40% ont présenté des risquesd’impact sur la santé». Il fera le parallèle avec unsecond bilan concernant 8600 puits, dont 84 sesont avérés suspects et 16 ayant été réellementcontaminés. Pour l’orateur, «chaque puit peut êtrecontaminé mais il faut savoir identifier les risqueset y faire face». Il faut également, selon lui,intensifier les inspections et les contrôles pourrenforcer la crédibilité des pouvoirs publics et descompagnies en charge des projets.

Pour Thomas Murphy, les recherches évoluent etpermettent au fil des avancées de diminuer lesrisques et les impacts sur l’environnement ainsi queles coûts d’extraction. Thomas Murphy a aussisignalé un grand effort entrepris dans le domainedu contrôle et des inspections sur les sites de foragepour détecter les violations à la réglementation. Il aévoqué les efforts entrepris pour supprimercertains produits chimiques utilisés, tels les acidespour les remplacer par des bio-acides équivalentsau chlore que l’on utilise pour l’eau potable.

Il a estimé qu’il faut des analyses régulières de l’eauavant et après les forages pour s’assurer qu’il n’y apas eu de contamination. Les analyses et lescontrôles doivent être faits, selon Thomas Murphy,par des organismes indépendants des compagniespétrolières, pour attester de la véracité de leursrésultats et convaincre les opposants au gaz deschiste. Ceux-ci se font aussi entendre enPennsylvanie même si, selon Thomas Murphy, lapopulation adhère en majorité aux forages qui sefont sur des propriétés privées, en l’occurrence desfermes agricoles.

25 Janvier 2015

19 Février 2015

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DOSSIER

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Hydrocarbures : un secteur en « véritable déclin »,selon la Banque d’Algérie

Les recettes tirées desexportations des hydrocarburesenregistrent un recul de 10,27% en2013 pour s’établir à 63,327milliards de dollars, selon lerapport de la Banque d’Algériesur l’évolution économique etmonétaire du pays. Le document,dont TSA détient une copie,adopte un ton alarmiste quantaux perspectives du secteur etsignale que tous les voyants sontau rouge.

Une baisse structurelle etgénérale

L’institution monétaire note que« la tendance décroissante de laproduction d’hydrocarbures sepoursuit en 2013 » avec un reculde 2,3%. En 20012, la baisse étaitencore plus marquée avec untaux de 6,6%.Cette baisse de production influedirectement sur les quantitésexportées qui chutent de 7,4% surun an et passent sous la barre des100 millions de tonnes équivalentpétrole (99,3 millions TEP),précise la Banque d’Algérie.En conséquence, les recettes liéesaux hydrocarbures sontsérieusement impactées et nereprésentent plus que 63,327milliards de dollars, note lerapport.

En termes de valeur ajoutée, latendance baissière se répète« pour la huitième annéeconsécutive » en 2013 avec unrecul de 5,5% cette année-là, selonle rapport. La même sourcesignale également uneffondrement de « plus d’unquart » de la valeur ajoutée dusecteur, soit une réduction de29,5%, sur la période 2005-2013.Une part dans le PIB en baisse et

un frein à la croissanceLa conjonction de ces multiplesfacteurs négatifs conduit à uneréduction de la part deshydrocarbures dans le produitintérieur brut algérien (PIB). Eneffet, le rapport estime que lesecteur ne représente plus que29,9% des richesses produitesdans le pays.Dans ce contexte de baissegénéralisée, la Banque d’Algérierelève que le domaine deshydrocarbures est un frein à lacroissance globale du pays. End’autres termes, le taux decroissance du PIB serait plusélevé, n’était-ce la contraction dusecteur des hydrocarbures.

Une demande interne« difficilement soutenable »

Par ailleurs, la consommationinterne d’énergie, notamment de

08 Décembre 2014

Tewfik Abdelbari

gaz, constitue un poidss u p p l é m e n t a i r e« difficilement soutenable »selon le rapport. Lademande intérieurereprésente 50,9 millions TEP,« soit 30,1% desdisponibilités ». La haussecontinue de cette demande,conjuguée à la baisse de laproduction réduit, de fait, lapossibilité d’exporter deshydrocarbures et donc degénérer des recettes dontl’Algérie est pourtantfortement dépendante.Cette situation de déclin dusecteur clé de l’économienationale constitue,sûrement, l’une des raisonsde la récente annonce du P-DG par intérim de Sonatrach,Saïd Sahnoun, d’investir 90milliards de dollars dans lebut d’augmenter laproduction d’hydrocarbure.

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NRP, Février 2015, n°25

DOSSIER

Comment sauver l'Algérie de la crise pétrolière ?

En six mois, le prix du baril d’or noirest tombé de 115 dollars à moins de55 dollars. Comment contrecarrercette chute vertigineuse du prix dupétrole - aubaine des non-producteurs de pétrole etcauchemar des producteurs encoreen voie de développement ? Laquestion hante les responsables dutiers-monde dont les pays cumulentplusieurs inconvénients : uneimportante population (Nigeria, 174millions d’habitants, Russie, 140millions, Iran, 79 millions) et uneéconomie déséquilibrée axéeexclusivement sur les hydrocarbures(Venezuela, Algérie). Tous sesentent fragilisés. Ainsi de l’Algérie

qui veut réagir. Les hydrocarburesassurent 95 % de ses rentrées endevises et la fiscalité pétrolière, 60 %du budget de l’État. Depuis desannées, Alger bâtit son budget sur labase de 37 dollars le prix du baril. Unjackpot très confortable quand lebaril dépasse les 100 dollars, le surplusallant à un fonds de régulation desrecettes chargé de financer le déficitbudgétaire et les programmes dedéveloppement. Avec leretournement de la tendance, lefonds de régulation a diminué,passant de 70 milliards de dollars en2013 à moins de 55 milliardsaujourd’hui. Concrètement, lebudget algérien a besoin d’un barilaux environs de 100 dollars pourtrouver son point d’équilibre.

Le Golfe ne veut pas mettre saprééminence en danger

Pourquoi cette intransigeance del’Arabie saoudite et des Émirats ? La

première raison est de handicaperl’Iran, le principal rival du royaumedans la région. Téhéran soutientfinancièrement et militairement leSyrien Bachar el-Assad et les chiitesau pouvoir à Bagdad contre lessunnites alliés des Saoudiens. Ladeuxième est de rendre moinsrentable le pétrole de schisteaméricain, grand concurrent de l’ornoir saoudien. Au passage, la chutedu prix handicape aussi la Russie,alliée de la Syrie. Mais, au-delà de cescalculs stratégiques, les pays du Golfesoutiennent, non sans raison, que,s’ils baissaient leur production, celle-ci serait immédiatement comblée

par les producteurs d’or noir non-membres de l’Opep et les industriesaméricaines de pétrole de schiste. Cequi n’est pas faux. Or l’Arabiesaoudite, l’Iran et les pays africainsse disputent le marché asiatique dupétrole (en particulier la Chine). LeGolfe ne veut pas mettre saprééminence en danger. 

L’Algérie est donc convaincue quele baril d’or noir à bas prix risque dedurer plusieurs années. Même siYoucef Yousfi se veut relativementoptimiste : «Le prix sera entre 60 et70 dollars en 2015 et ira vers les 80dollars en 2016», a-t-il estimé. Pourse sortir de cette mauvaise passe,Alger met deux fers au feu. Lepremier : le gouvernement serre lesboulons. Le Premier ministre,Abdelmalek Sellal, a adressé unefeuille de route aux ministres, walis(préfets) et directeurs des sociétésnationales pour les inciter auxéconomies, y compris en freinant les

importations. Les sociétésalgériennes devront êtreprivilégiées par rapport auxsociétés étrangères, les appelsd’offres préférés aux contratsde gré à gré... Il a aussi étédécidé de «geler lesrecrutements dans la fonctionpublique, de réduire lesdépenses de fonctionnementet de retarder les dépensesd’équipements noncommencés ou nonnécessaires». La constructionde l’autoroute des HautsPlateaux ou les l ignes detramways des grandes villesseront retardées. Seules lessubventions aux produits depremière nécessité vontéchapper au coup de rabot. Ymettre frein seraitpolitiquement explosif.

Énormes réserves de gaz deschiste

Second axe : lancerl’exploitation du gaz de schisteplus rapidement que prévu. LeSahara dispose d’énormesréserves récupérables de gazde schiste. Le départementaméricain de l’Énergie a estiméles réserves algériennes à 19800 milliards de mètres cubes,soit cinq fois le volume desréserves prouvées de gaznaturel du pays (4 000 milliardsde mètres cubes). L’Algériedisait vouloir les garder pour lesgénérations futures après2050. Aujourd’hui, la Sonatrachestime que cette exploitationpourrait commencer dès 2022. 

Peut-être faudrait-il qu’Alger sedemande s’il ne serait pas plusjudicieux de se lancer dans desréformes structurelles de sonéconomie (industrie,agriculture, banques...) pourdonner du travail à sa jeunesse.Sinon, le gaz de schiste seraaussi néfaste pour les Algériensque les hydrocarburesconventionnels. Mais là, c’estun chantier de très longuehaleine.

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MIREILLE DUTEIL

02 Janvier 2015

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NRP, Février 2015, n°25

[SOCIÉTÉ]

La frime des friquésTandis que les nantis affichent leur fortune aux origines douteuses, les pauvres sont condamnés à la précarité.

C’est l’histoire d’unmilliardaire qui a défrayé lachronique à El-Eulma, dans lawilaya de Sétif, en achetantune villa plus de 1,8 milliard decentimes [de dinars, 167 000euros] pour la détruire ensuiteet faire bâtir à sa place uneautre villa plus luxueuse.

C’est aussi l ’histoire d’unhomme très riche originairede Biskra qui a dépensé enune seule soirée, dans uncabaret à Oran, plus de 1milliard de centimes [93 000euros] en rechka[surenchères pour obtenir lesfaveurs d’une femme]. Et puisun autre homme d’affaires aoffert une Porsche Cayenne,dont le prix dépasse aussi le milliardde centimes, à Djabou, joueur del’équipe nationale, pour le remercierd’avoir inscrit un but contrel’Allemagne lors de la Coupe dumonde de football au Brésil.

Ces hommes qui jettent leursmilliards par les fenêtres sont lesnouveaux riches de l’Algérie. Lesnouveaux nantis qui affichent leurinsolente richesse sans craindrepersonne. Des fortunes amasséesdans des conditions douteuses etsous les yeux des autorités, qui n’ont

pas bougé le petit doigt pourenquêter sur l’origine de tous cesmill iards gaspillés en quelquesheures pour s’offrir des frivolités.Toute cette chkara [corruption]inonde notre pays de voituresprestigieuses, de villas construitesdans un luxe sans pareil, de châteauxde marbre et de faïences rehaussantplusieurs de ces quartiers chics quinourrissent cette mêmeinterrogation lancinante : d’où vienttout cet argent dont se targuent nosnouveaux riches ?

Disons-le clairement et sansaucune langue de bois :aujourd’hui, l’Algérie se ruesur les richesses, leclinquant, le luisant trompeuret éphémère, comme leschromes de ces 4 × 4 etautres grosses bagnolesallemandes. Une richessequ’aff iche sans complexedes hommes dont lesregards se cachent derrièrede grosses lunettes de soleil.Des nouveaux riches quisont apparusmystérieusement alors quel’économie nationaledemeure dans le coma et estentretenue uniquement parnotre rente pétrolière. Des

nouveaux riches qui s’offrentrégulièrement des gros immeublesconstruits à coups de valisesbourrées de cash.

La débrouille.

Oui, l’Algérie des nouveaux richesest une nouvelle Algérie dont peu depersonnes peuvent décrypter,expliquer et comprendre lefonctionnement. Cette Algérie de lafrime, de l’argent tombé du ciel, desfilles aux voiles dorés mais en jeansmoulants, cette Algérie des restos

La meilleure université algérienne

n’arrive qu’à la 2256e place au niveau mondialL’université algérienne est loin de concurrencer son homologue européenne, américaine ou asiatique. En effet,notre meilleure université, celle de Constantine en l’occurrence, première à l’échelle maghrébine, n’arrive qu’à

la 28ème place au niveau africain et à la 2256ème place au niveau mondial.

C’est ce qu’a affirmé, ce lundi 29 septembre 2014, leministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherchescientifique, en se basant sur le classement du sitespécialisé dans l’évaluation de la visibilité des universités« Webotmetrics Ranking of world universities », qui atouché 13000 universités dont 73 établissementsuniversitaires algériens.

Notre ministre, Mohamed Mebarki, cité par l’APS, s’estmontré satisfait du fait que le classement des universitésalgériennes a progressé, notamment celle deConstantine qui a enregistré  une progression de 183places par rapport au classement de janvier 2014.Cependant, malgré cette progression, il n’en demeurepas moins que nos université sont très loin du «niveau»mondial. Si notre «meilleure» université occupe lapremière place au Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie),elle n’arrive qu’à la 2256ème place au niveau mondial. Pour«remonter» le moral de l’étudiant algérien, le Ministre aévoqué également un autre classement. Celui de

l’Institut espagnol de recherche «SCIMAGO», spécialisé,précise-t-on, dans le classement des universités sur labase de la production scientif ique, l’innovation et ledéveloppement technologique. Publié le mois en courset ayant touché 5100 établissements universitaires, celui-ci place l’USTHB (Université de Bab Ezzouar) à la290ème place en ce qui concerne l’innovation, à la380ème place pour ce qui est du développementtechnologique et à la 1400ème place concernant laproduction scientifique. 1400ème place en termes de laproduction scientifique, sur 5100 établissements classés,n’est toutefois pas honorable comme position, non plus.Par ailleurs, le ministre a indiqué que «quelque 4000projets de recherche universitaire en relation avec laformation en post-graduation sont enregistrésannuellement». Ce qui est loin des standardsinternationaux en matière de production scientifique.

Elyas Nour

29 Séptembre 2014

Abdou Semmar

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[SOCIÉTÉ]

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La société algérienne traverse une véritable crise sociale

- La violence urbaine est devenue très courante dansnotre société. Quelles en sont les causes ?

La société algérienne traverse, aujourd’hui, une véritablecrise sociale accompagnée d’un désordre général. Avecl’évolution de la société et l’affaiblissement des valeurs,qui permettent à l’individu de se sentir intégré dans sasociété, il y a une défaillance de l’inclusion qui estdéplorée dans la société. Dans une sorte d’individualismeet d’égoïsme, l’individu ne se sent plus inclus dans sasociété et encore moins concerné par ce qui s’ypasse.Dans ce constat, un nouveau terme est apparuqui est «le décrochage». L’être social algérien sedécroche des normes, des valeurs et des lois. Parce qu’ilne veut pas entrer dans la conformité, il entre,inconsciemment, dans un processus de rébellion. Il serebelle, sans aucun motif valable, à tout. Il ne sait plusbénéficier de ses droits sans la violence. Face à tout cela,il y a aussi une défaillance dans les mécanismes de l’ordreet le pouvoir n’a plus de pouvoir. A commencer par lapetite famille où les parents, surtout le père, sontdémissionnaires jusqu’à arriver aux hautes instances del’Etat.

- Il y a quelques jours, une jeune femme a tué froidementet avec préméditation une jeune maman et ses deuxpetites filles. Quelle est la lecture que l’on peut faire dece crime ?

D’abord, il faut identifier cet acte. Est-il un crime ou unerébellion ? S’il est vu en tant que crime, il estcondamnable à 100%. En tant que rébellion, cette femmequi est aussi une «décrocheuse», n’a pas trouvé demoyen pour bénéficier de ses droits, à part la violence.L’acte criminel de cette femme est la traduction réelledu désordre social, notamment celui de l’institution dumariage, souvent irrationnel, et de la famille.

- La violence a gagné également les établissementsscolaires et les campus universitaires. A Oran, unétudiant a égorgé son professeur à l’intérieur même dela fac. Qu’en est-il de cet aspect de la violence ?

Même l’université traverse une crise pédagogique etmorale. L’enseignant a perdu cette image intouchable,au point que l’étudiant ne connaît plus ses limites et sepermet des excès de violence pareils.

- Y a-t-il eu des prémices pour cet état de désordre ?

Oui. La frustration et les perturbations de notre société,majoritairement jeune, ont été une introduction directeà cette crise. La fausse conscience de la société, la notionperdue du vivre-ensemble, l’acquisition des biens endehors de l’institution du travail et les faux modèles deconsommation le sont aussi. La démission du pouvoir,qui cède à la rébellion en augmentant la rente, y est aussipour beaucoup dans le déclenchement de cette crise.

- Du point de vue sociologique, que faut-il faire ?

Il faut d’abord remettre de l’ordre dans la société. Dansle noyau même de la société, le père doit réintégrer sonposte de premier responsable de la famille et exercerson autorité. Dans un contexte plus global, le pouvoirdevra rétablir son autorité dans la légalité et la justice, enappliquant réellement la loi. Pour récupérer tous cesjeunes exclus des établissements scolaires et leur ouvrirune autre porte pour la réussite, il faut absolument créerl’école de la 3e chance.Il est aussi impératif de réactiverles associations et les clubs sportifs et surtout créer unobservatoire national de la violence et du crime. Ilpermettra de suivre de près ce qui se passe dans lasociété, d’en tirer les causes et surtout de trouver lessolutions adéquates pour y remédier. Pour diminuer cesexcès d’égoïsme, il est impératif d’aider les jeunes àdévelopper leur citoyenneté et surtout ressusciter lamémoire collective à l’intérieur des familles. Connaîtreses origines et s’y lier aideront à l’inclusion des individusà leur société et les empêcheront de commettre desactes violents.

chics mais sans âme cohabite aussi,nous avons tendance à l’oublier, avecune autre Algérie, revers d’unemême médaille. L’Algérie desnouveaux riches réfugiés dans leszones résidentielles surveillées pardes sociétés de gardiennage privéess’efforce toujours de fairedisparaître cette Algérie deschômeurs du Sud, des harragas[migrants clandestins], des zawalia[des pauvres malheureux], l’Algériede la débrouille ou de l’embrouille.

En face de ces nouveaux riches ausommet de leur puissance, onretrouve ces futurs pauvresemprisonnés dans leur banlieuepopulaire, dépossédés d’un pouvoir

d’achat digne de ce nom. Privés detoute possibil ité de jouir d’unmoment de loisir ou d’une évasion àcause de leur précarité continue.Privés de tout bonheur nocturneparce qu’ils ne peuvent pass’acheter des voitures neuves etpartir loin de leurs lotissements,manquant cruellement de tout, ycompris d’un réseaud’assainissement.

Ces Algériens-là sont condamnés àdemeurer les futurs pauvres à qui onvend le rêve d’une équitablerépartition des richesses nationalesen allant déposer à l’AADL [Agencepour le développement dulogement] une hypothétique

demande de logement. Pour les fairetaire, les berner et les manipuler, onleur offre surtout : un 13e mois quiatteint les 40 000 ou 50 000 dinars[370 ou 460 euros], un mouton del’Aïd et un couffin de ramadan. Etpendant ce temps-là, les nouveauxriches cultivent leurs fortunes au-delà de toute moralité, de touteéthique et de toute élégance. Achacun son Algérie…

16 Décembre 2014

Noureddine Hakiki

25 Octobre 2014

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NRP, Février 2015, n°25

[DROIT]

26 Novembre 2014

Femmes divorcées :

entrée en vigueur du Fonds de la pension alimentaire

Après avoir suscité une vive polémi-que, au sein de la société et bienaprès avoir été adopté par les deuxChambres du Parlement, le Fonds dela pension alimentaire destiné auxfemmes divorcées, ayant des en-fants à charge, est officiellemententré en vigueur. Ainsi, le Fonds dela pension alimentaire, destiné à laprotection de la famille et des enfantsmineurs, est entré en vigueur aprèssa publication récemment dans leJournal officiel et la fixation des pro-cédures de bénéfice des redevancesfinancières. En vertu de la loi N° 15-01, datée du 4 janvier 2015, portantcréation du Fonds de la pension ali-mentaire, l’arsenal juridique vientd’être doté d’un nouveau méca-nisme visant la protection des en-fants mineurs et de la femme divor-cée exerçant le droit de garde quibénéficiera désormais d’une pen-sion alimentaire, en cas de manque-ment du débiteur. La création de ceFonds est le résultat d’une promesseformulée par le président AbdelazizBouteflika, le 8 mars dernier. Parailleurs, la création de ce Fonds ré-pond au souci des pouvoirs publicsde garantir une meilleure protectionaux enfants, et réaliser la cohésionfamiliale. «Des améliorations peu-

vent être introduites dans certainsaspects matériels de cette loi, en casde difficultés rencontrées par certai-nes femmes divorcées exerçant ledroit de garde en vue du recouvre-ment de la pension alimentaire», a-t-on indiqué. Pour rappel, le projet decréation d’un Fonds consacré auxfemmes divorcées avait suscité unevive polémique au sein de la société.En effet, il s’en est même trouvéceux qui ont estimé que le projet enquestion allait immanquablementcauser l’augmentation des cas dedivorce. Cependant, pour ses promo-teurs, le projet présente une dimen-sion humanitaire, en ce sens qu’il viseà prémunir la dignité des femmesdivorcées exerçant le droit de garde.La loi portant création du Fonds de lapension alimentaire publiée dans ledernier numéro du Journal officielstipule expréssement que: «Les re-devances financières sont verséesau bénéficiaires, en cas de non-exé-cution totale ou partielle de l’ordon-nance ou du jugement fixant la pen-sion alimentaire, en raison du refusdu débiteur de payer, de son incapa-cité de le faire ou de la méconnais-sance de son lieu de résidence». Enoutre, cette même loi prévoit que «lejuge compétent statue sur la de-

mande de bénéfice des redevancesfinancières dans un délai maximal decinq (5) jours. «La notification de l’or-donnance aux deux parties (créan-cier et débiteur) se fait dans un «dé-lai maximal de quarante-huit (48)heures», est-il encore mentionnédans le texte. En cas de difficultésentravant le bénéfice de ces rede-vances financières, le juge des affai-res familiales a «un délai maximal detrois (3) jours» pour statuer. Les ser-vices compétents ordonnent le ver-sement des redevances financièresau bénéficiaire dans un délai qui «nepeut dépasser vingt-cinq (25) jours»,à compter de la date de notification.La loi fixe également les modalitésde recouvrement des recettes duFonds, prélevées des dotations dubudget de l’État, des montants despensions alimentaires recouvrés desdébiteurs, des taxes f iscales ouparafiscales, instituées conformé-ment à la législation en vigueur aubénéfice du Fonds de la pension ali-mentaire et des dons et legs.

Projet de loi de finances 2015:

les dépenses d’équipement en hausse de plus de 32%

ALGER - Le Projet de loi de financespour 2015 (PLF) prévoit lamobilisation de 8.858,1 milliards deDA au titre des dépenses publiques,en hausse de 15,7% par rapport à laLF de 2014, induites notamment parla forte croissance des dépensesd’équipement (+32,1%).La hausse des dépenses de l’Etat autitre de l’exercice 2015 s’expliqueaussi par la croissance des dépensesde fonctionnement qui sont de+5,5%, selon ce projet de loi dontl’APS a obtenu une copie.Les dépenses d’équipementprévoient des Autorisations deprogramme (AP) pour 4.079,7mill iards de DA, des crédits depaiement (CP) pour 3.885,8 milliardsde DA et un programme neuf de1.178 milliards de DA.Le document table sur des recettesbudgétaires de l’ordre de 4.684,6mill iards de DA, soit un déf icit

budgétaire de 4.173,3 milliards de DA(22,1% du Produit intérieur brut (PIB).Pour les dépenses defonctionnement publiques, ellessont estimées à 4.972,3 milliards deDA en 2015 contre 4.714,5 milliardsde DA en 2014 (+5,5%), évoluantnotamment sous l’effet desaccroissements des dépenses derémunérations du personnel desadministrations centrales etdéconcentrées qui augmentent de6,45% par rapport à la LF 2014.Cette augmentation de 6,45%  danscette catégorie de dépensesintervient sous l’effet combiné de laprise en charge de nouveaux postesbudgétaires et du produit de laformation ainsi que de l’impact desavancements dans les carrières,explique la même source évaluant à2.104,4 milliards de DA les dépensesde rémunérations.Le budget de fonctionnement del’Etat pour l’exercice 2015 intégrera

en outre un montant de 310,5milliards de DA de provision groupéecouvrant celles destinées pour lesdépenses éventuelles, l’incidencede la révision de la définition duSalaire minimum garanti (SNMG) etd’autres dépenses l iées à laprotection de personnes âgées etl’impact éventuel lié aux fluctuationsdes cours du blé et de la poudre delait sur le marché international.Consacrée pour la première fois dansle PLF 2015, la définition du SNMG aété révisée à la faveur del’abrogation de l’article 87 bis de laloi n°90-11 du 21 avril 1990, relativeaux relations du travail, annoncée enfévrier dernier.

Croissance économique de 4,25%hors hydrocarbures

Du côté des recettes, la propositiondu budget de l’Etat pour 2015 tablesur des recettes en produits de laf iscalité pétrolière de l’ordre de1.722,9 mill iards de DA et des

16 Décembre 2014

M.D.

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[DROIT]recettes non pétrolières de 2.961,7milliards de DA.Evoluant sous l’effet de laprogression de 3,68% du volume desexportations d’hydrocarbures, lafiscalité pétrolière à recouvrir en2015 devrait s’établir à 4.357,1milliards de DA, générant ainsi uneplue value à verser dans le Fonds derégulation des recettes (FRR) del’ordre de 2.634,2 milliards de DA à lafin de l’année prochaine.Avec un solde prévu de 4.429,3milliards de DA à fin 2015 (contre5.284,8 milliards de DA prévu à fin2014), le FRR devra financer une partde 83,3% du déficit du Trésor public(3.489,7 milliards de DA).Sur un autre plan, les prévisions dubudget public pour 2015 tablent surun taux de croissance économiquede 3,42% globalement et de 4,25%hors valeur ajoutée générée par leshydrocarbures.La valeur du PIB passera, quant àelle, de 18.191,4 milliards de DA dansla LF 2014 (17.647,5 milliards de DAen clôture de 2014) à 18.896,1milliards de DA dans le PLF 2015. Sontaux de croissance passe, toutefois,de 4,5% dans la LF 2014 à 3,4% dans lePLF 2015, alors qu’on prévoit 3,8% enclôture de l’année en cours.La croissance du PIB reste tiréeessentiellement par le secteur duBTP (+5,20%), des servicesmarchands (+4,60%) et deshydrocarbures (+1,72%).

L’inflation en baisse à 3%Adopté par le gouvernement lorsd’un Conseil des ministres le 26 aoûtdernier et devant être présenté auxdeux chambres du Parlement pourdébat fin septembre, le PLF 2015laisse inchangé le prix du baril depétrole brut à 37 dollars.Il table sur une parité monétairedinar-dollar de 79 dinars pour undollar durant 2015 contre 80 dinarspour un dollar dans la LF de l’annéeen cours.Le taux de l’inflation moyen pour2015 est estimé dans le PLF à 3%contre 3,5% en 2014 (taux de la LF etde clôture de l’année) et 4% dans laLF 2013 (3,25% en sphère réelle maisdonnées provisoires).Selon le document, le tauxd’inflation, reflétant l’évolution del’indice des prix à la consommation(IPC) a été élaboré en tenant compted’une part du comportement del’IPC national observé en 2013 etd’autre part des prévisions du Fondsmonétaire international (FMI) enmatière d’évolution des prix à laconsommation dans les paysémergents.

Sur un autre plan, le PLF prévoit uneaugmentation des importations demarchandises de 4,54% en volume etde 6,2% en valeur (65,44 milliards dedollars).Le texte propose, par ailleurs, deconsacrer le montant de 1.711,7milliards de DA au titre des transfertssociaux en provenance du budget del’Etat en 2015, ce qui représente 9,1%du PIB et enregistrant une hausse de6,4% par rapport à 2014.Une part de 65,3% de ces transfertsdevra être destinée au soutien auxfamilles, à l’habitat et à la santé. Lessubventions des prix des produits debase (céréales, lait, sucre et huile

alimentaire) absorberont 13,2% del’ensemble des transferts.Par ailleurs, le PLF 2015 consacre,comme prévu, le retour du crédit àla consommation par l’autorisationdes banques d’octroyer auxménages de crédits destinés àl’acquisition de biens fabriquéslocalement.

09 Séptembre

2014

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[CULTURE/MÉDIAS]

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Desert boys :

Les rappeurs anti-gaz de schisteAdel Karane, leader et fondateur du groupe : Huit ans après sa création, le groupe d’In Salah met le rap au

service d’une nouvelle cause : la mobilisation contre le gaz de schiste.

«Chacun a son mode d’expression.Le nôtre, c’est d’incarner notre vécudans des textes chantés et desclips.» Ils ont entre 24 et 26 ans, ilssont amis, tous originaires d’In Salah,où la musique est souvent le moyend’échapper au désespoir. Freinéspar l’isolement et le manque demoyens, les six artistes de DesertBoys, un groupe créé en 2006, ontchoisi le rap pour exprimer leurmécontentement face à tous leursproblèmes du quotidien. Ils ontchanté contre la hogra, la violencefaite aux femmes ou encore lacorruption. Dès 2012, dans leur clipChkoun ntouma yali hlaktou l’bled(Qui êtes-vous, vous qui avez détruitle pays ?), le groupe Desert Boys adénoncé les dirigeants du pays.Aujourd’hui, c’est contrel’exploitation du gaz de schiste enAlgérie qu’ils haussent le ton. «Le rapest une façon d’exprimer notre rejetdu projet d’exploitation du gaz deschiste dans le Sahara algérien»,souligne Adel, alias Adoula, lefondateur et leader des Desert Boys.En effet, dans leur dernier tube titréMakach li radi (Personne n’accepteça), les Desert Boys exprimentparfaitement leur position antigaz deschiste. Dans ce clip, sorti le 9 janvierdernier, des images en noir et blancdéfilent pour raconter la mobilisationdes manifestants du Grand-Sudalgérien contre le projet du gaz deschiste. La chanson a été faite aprèsde nombreux messages etdemandes envoyés par les habitantsd’In Salah et des admirateurs de latroupe. Selon Adel Karane, les

actions anti-schiste de son groupede rap «sont une façon d’éveiller lajeunesse algérienne sur ce qui sepasse dans leur pays, car on sait quele rap est de plus en plus écouté parles jeunes». Au noyau dur constituéen 2006 avec Ahmed alias Ahmedbsket Amrane surnommé La Bomb H,se greffe un an plus tard Hicham(DH), Hocine (C2h) et Khelia (Dkh).Après huit ans de collaboration, ilscomptent une centaine dechansons, regroupées dans cinqalbums et sept clips.

CombatDans leurs morceaux, ils racontent«le quotidien des Algériens dudésert», affirme Adoula, licencié ensport de l’université d’Alger 3…«Nos thèmes touchent à tous lesproblèmes sociaux auxquels sontconfrontés les jeunes et les habitantdu Sud. On appelle aussi à la paix et

Assia Djebar, une intellectuelle à l’itinéraire exemplaire

à l’unité», continue-t-il. Dans toutleur parcours, les six artistes ont dûfaire face à plusieurs problèmes : àcommencer par le manque dematériel professionnel adéquat, destudio d’enregistrement etd’espace de répétition. «Nousrépétons en général dans la rue, lesbois ou de temps de temps chez undes amis dont la maison n’est pashabitée», poursuit Adel. Peu à peu,c’est avec leurs propres économiesqu’ils se procurent un home studioet quelques équipements musicauxqu’ils utilisent pour enregistrer lestubes, filmer les clips et monter lessonores et images par eux-mêmes.Pour les bandes sonores, les Desert

Boys ne jouent pas d’instrument maistéléchargent des rythmesgratuitement sur Internet ouutil isent des rythmes spéciauxenvoyés par certains de leurs amis…Sur ce chemin de combat, le groupede rap Desert Boys envisage decontinuer de marcher af in de«changer la perception de la sociétéen général et les habitants du Sud enparticulier, à l’art du rap», espèreAdel. Et de conclure : «Noustravaillons aussi à la création d’unstudio professionnel qui permettraitaux autres rappeurs de la région sansmatériel d’enregistrer leurschansons et de réaliser leurs clips.»

«J’écris, comme tant d’autres femmes écrivains algériennes, avec un sentiment d’urgence,

contre la régression et la misogynie.»

C’est avec beaucoup de tristesse et deconsternation que nous venonsd’apprendre qu’Assia Djebar s’estéteinte, dans la nuit de vendredi àsamedi, sans fêter son 79e anniversaire.Elle sera inhumée,…à Cherchell, la villequi l’a vu naître. Fatima-Zohra Imalayène,Assia (celle qui assiste, aide, porte-secours) Djebar (l’écrivaine), n’a pasattendu son élection à l’Académiefrançaise…pour devenir immortelle,même si, avant cette consécration, ellen’a pas eu le privilège d’être fêtée parles siens. Considérée comme l’une desauteures les plus célèbres et les plusinfluentes du Maghreb, elle n’a jamaiscessé de s’ interroger à travers sa

vingtaine d’ouvrages, tous genresconfondus, traduits dans vingt-troislangues… et ses deux films majeurs, quin’ont malheureusement pas étédistribués. Ses liens avec la Franceremontaient à ses études à l’Ecolenormale. Elle soutiendra plus tard unethèse sur sa propre œuvre «Le Romanmaghrébin francophone, entre leslangues et les cultures : quarante ansd’un parcours 1957-1997». Elle sera à laSorbonne entre 1959 et 1961, où elleavait obtenu un diplôme de littératurecomparée. Membre de l’Académieroyale de langue et de littératurefrançaise en Belgique, Docteur honoriscausa des universités de Vienne, de

Concordia, d’Osnabrück, la fille douée del’instituteur a très tôt pris le parti del’indépendance de l’Algérie. Elle enseignede 1962 à 1965, l’histoire à l’universitéd’Alger. Puis s’envole vers New YorkUniversity pour y enseigner la littératurefrançaise. Elle fut…représentante del’immigration algérienne au Conseild’administration du Fond d’ActionSociale…, avant de rejoindre enLouisiane, Bâton Rouge, où elle prend ladirection du Centre d’Etudes Françaises.Fidèle à ses engagements, à ses idées età ses principes sans concession aucune,Assia Djebar, la défenderesse des droitshumains et plus particulièrement ceuxdes femmes, dispose d’un franc parler qui

13 Février 2015

Ryma Maria Benyakoub

Mohamed Bensalah

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[CULTURE/MÉDIAS]

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bouscule les conventions. La fin de sondiscours de réception à l’Académiefrançaise où elle revient sur ses blessuresmémorielles a été l’occasion de revenirsur son expérience cinématographique,et de la situer dans son contexte deproduction. L’hommage que lui ontrendu ses pairs récompense en quelquesorte plus d’un demi-siècle de combatpersonnel et d’entêtement à écrire pourexister, pour exprimer «le trop lourdmutisme des femmes algériennes»

DES BLESSURES COLONIALES AUXBLESSURES MÉMORIELLES

L’écrivaine émérite, profondémentattachée à son terroir, n’hésitait pas àpointer du doigt les affres de lacolonisation : «L’Afrique du Nord, dutemps de l’Empire français,- comme lereste de l’Afrique de la part de sescoloniaux anglais, portugais ou belges - asubi, un siècle et demi durant,dépossession de ses richesses naturelles,déstructuration de ses assises sociales,et, pour l ’Algérie, exclusion dansl’enseignement de ses deux languesidentitaires, le berbère séculaire, et lalangue arabe dont la qualité poétique nepouvait alors, pour moi, être perçue quedans les versets coraniques qui merestent chers. Ecrire pour exister, telétait le leitmotiv de cette normaliennedevenue écrivaine prolif ique,enseignante, chercheuse et cinéaste, quia fini par accepter l’offre qui lui a étéfaite d’entrer à l’Académie… «En France,je suis considérée comme tropnationaliste et je ne possède pas departisans dans le milieu littéraire français.En Algérie, je craignais de paraître, nonpas comme une écrivaine francophone,mais plutôt comme une écrivainefrançaise». Après dix années d’écritureassidue (1957-1967), jalonnées par quatresuccès de librairie (La soif, son premierroman, écrit à 17 ans, suivi par LesImpatients, Les enfants du nouveaumonde, et Les alouettes naïves), AssiaDjebar, sentant que les mots s’étaientbloqués, a tenté…de pénétrer, pareffraction, les arcanes du 7ème Art,provoquant défiance et soupçons au seinde la gent masculine. Dix longues annéesde silence ont suivi avant que l’écrivainedécide de sortir de l’enfermementqu’elle s’était imposé. En quête denouvelles formes d’expression, AssiaDjebar va, par le biais des images et dessons, poursuivre ce qu’elle a toujoursconsidéré comme étant sa mission, àsavoir, déconstruire les mémoires enfaisant renaître la mémoire personnelle,dénoncer le patriarcat, lutter contrel’enfermement des femmes en leurdonnant la parole, et enfin dénoncerl’obscurité coloniale avec son cortège demalheurs et de déchirements, commel’illustre parfaitement «La Zerda».Première femme algérienne à avoirfranchi le seuil de l’auguste Assembléefrançaise, Assia Djebar fut également la

première femme cinéaste dans son pays.Elle cherchait, après un long silencelittéraire, à dépasser la limite des motsaf in de donner une image auxprotagonistes de ses romans. Le 7èmeart…lui permettait de franchir le pas.Deux récents colloques organisés à Oranet à Boumerdes ont permis de revisiterson œuvre et d’établir des passerellesentre la langue littéraire pratiquée parl’écrivaine et le langagecinématographique, nouveau moyend’expression dont l ’auteure s’estaccaparée. Entre disait-elle «la langue quiexprime les pensées à celle qui exprimeles émotions». Première œuvredocumentaire produite par la télévision: «La nouba des femmes du MontChenoua» (1978), une f iction de 120minutes, greffée d’imagesdocumentaires et de renvois au travaillittéraire qui a précédé. Ce film…futrécompensé par la Critiqueinternationale à la Mostra de Venise en1979. La seconde réalisation «La Zerda oules chants de l’oubli» (1980), d’une duréede 60 minutes, prix du meilleur filmhistorique au Festival de Berlin, 1983,analyse le regard – regard colonial,regard orientaliste – comme hypothèsede travail, auquel s’ajoute le regard de lacinéaste. Mais, le mépris des uns et lamisogynie des autres ont fini par avoirraison d’elle, en l’obligeant à fermerrapidement sa courte parenthèsecinématographique… «J’aurais pu être,à la fin des années 1970, à la fois cinéastede langue arabe, en même temps queromancière francophone. Malgré mesdeux longs métrages, salués à Venise età Berlin, si j’avais persisté à me battrecontre la misogynie des tenants ducinéma d’État de mon pays, avec sacaricature saint-sulpicienne du passé, ouses images d’un populisme attristant,j’aurais été asphyxiée comme l’ont étéplusieurs cinéastes qui avaient étésérieusement formés auparavant […].J’aurais donc risqué de vivre sourde etaveugle en quelque sorte».

L’ÉCRIVAINE, VISCÉRALEMENTATTACHÉE À SON TERROIR,

S’INSTALLE À NOUVEAU DANS LAMIGRANCE

Malgré l’hostilité affichée à son égard parses compatriotes cinéastes, l’écrivaineest restée…attaché à son terroir, à sonpassé, à ses origines, à son peuple, à sesaïeuls berbères dont elle était trèsproche. Avant que ne s’imposent à ellele désir d’images, de voix sonoresvivantes, de paroles en languematernelle, de bruits et de musique,Assia Djebar s’était très jeune réfugiéedans l’écriture, seul moyen à ses yeuxd’exprimer sa pensée à défaut d’investirsa langue maternelle, celle qui exprimeses sentiments. «Ecrire m’a ramené,aime-t-elle dire, aux cris des femmessourdement révoltées de mon enfance,à ma seule origine. Ecrire ne tue pas la

voix, mais la réveille surtout pour suscitertant de sœurs disparues». Le 7ème artaura, à tout le moins, permis à AssiaDjebar une remontée aux sources aveccomme fondement une écoute de lasonorité de la langue maternelle réduiteà des murmures. Ses films, d’une grandeintelligence et d’une grande subtilité, luiont permis d’affronter la lumière avecses chants, ses bruits, ses musiques quicélèbrent les corps dans leur expressioncorporelle, en rendant visibles les lieuxdes interdits où l’imaginaire et le réels’entremêlent à travers le prismeoptique qui participe au dévoilement desautres et de soi. Comme le précise uncommentaire transmis par «La Zerda…»,à l’intention des spectateurs sous formede chant : «Mon chant parle toujours deliberté, j’intercède pour les femmesmartyres et que les autres ne soient plusopprimées… les femmes neretourneront plus dans l’ombre… autemps de la servitude, on a justifié le voilemais maintenant commence le jour de laliberté». Quittant bien malgré elle, le7ème art, Assia Djebar rejoint son refugelinguistique. Après notamment Femmesd’Alger dans leur appartement (1980),L’amour, la fantasia (1985), Ombresultane (1987), elle fait parler les grandesfigures féminines proches du Prophètedans Loin de Médine (1991). Ellepoursuivra son œuvre en se penchantencore plus sur le sort des femmes etdes intellectuels dans l’Algérie de laviolente décennie 1990. Suivront alors,entre autres, Le Blanc de l’Algérie(1996), Oran, langue morte (1997, PrixMarguerite Yourcenar à Boston), Femmesans sépulture (2002). Après LaDisparition de la langue française (2003),elle publie un récit autobiographique,Nulle part dans la maison de mon père(2007). La mise en lumière de sonparcours littéraire montre à quel pointce dernier repose non seulement sur unestratégie discursive, mais aussi sur unestructure linguistique élaborée. L’œuvres’insère dans un champ interculturel etinter-discursif à partir d’une stratégieintelligente de la perception. D’oùl’intérêt, pour qui veut interroger etcomprendre le champ des signeslinguistiques djebariens, d’analyser sesdiscours paralinguistiques et de sesreprésentations cinématographiques. Sila démarche qui consiste à décoder lesarticulations complexes entreimaginaire, oralité, écriture textuelle etsignes iconique et sonores n’est guèreaisée, il y a lieu, dans un premier temps,de se focaliser l’attention sur le langageplus que sur la langue qui renvoie à desréférentiels multiples et à unepolyphonie émotionnelle…

08 Février 2015

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NRP, Février 2015, n°25

[MÉMOIRE]

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Algérie. L’invention d’un territoire

Evoquer la « conquête » de l’Algérie par la France, c’estimplicitement faire du « moment 1830 » le commencementd’une histoire dont on ressasse indéfiniment quelques épisodesrepères : le coup d’éventail du dey d’Alger au consul de FranceDeval, le débarquement de Sidi-Ferruch, la résistance d’Abd el-Kader, la prise de Constantine, les exactions du maréchalBugeaud…En 1830, c’est un débarquement militaire qu’aordonné le roi de France Charles X. aucune logique d’occupationterritoriale ne préside à cette décision…Qu’allaient donc faireles Français de l’autre côté de la Méditerranée ? Alors que lerégime colonial semble condamné, rien ne permet de postulerà un projet reposant sur l’occupation d’un territoire donné. Ledébat sur les causes de l’intervention militaire en Algériecontinue à susciter des interprétations variées, mais nousvoudrions le déplacer, en questionnant le sens même donné àce terme d’Algérie. Le territoire n’est pas défini : l’Algérie,pour les français, est alors essentiellement une ligne de côtesqui bordent la Méditerranée. On parle de la régence d’Algerpour désigner la province ottomane d’Alger, d’Oran, deConstantine et du Titteri. Cette province englobe un certainnombre de villes du nord de l’Algérie actuelle, mais ses limitesfluctuent en fonction des rapports de force que le dey arrive àétablir sur ces villes. Le terme d’Algérie lui-même ne commenceà être employé dans l’administration qu’a partir de la fin desannées 1830, celui de « possessions françaises en Afrique duNord » restant dominant pendant la première décennie de laconquête. L’incertitude sur la toponymie n’est pas seulementrhétorique. Elle associe la conquête militaire à l’inventionprogressive d’un territoire colonial, conçu depuis une villeméditerranéenne, qui, peu à peu, va être imaginé comme unepièce maîtresse sur la carte impériale de l’Afrique. En se plaçantdans une chronologie longue, qui va du moment 1830 à laconquête des espaces sahariens, on voit combien la« conquête » de l’Algérie fut une histoire non pas linéaire, maisfaite d’ajustements répétés, liés à une redéfinition du territoireà coloniser.

Une géographie impréciseLe débarquement français à Sidi- Ferruch a été préparé sur desbases bien fragiles. Les données géographiques se réduisentdes éléments dont l’actualité laisse à désirer. La référenceérudite reste la description des provinces romaines de Barbarieétablie par Ptolémée, au IIe siècle ap.J.-C.! Les territoiresconvoités sont associés à une partie de la province romaine deMaurétanie et à une partie de celle de Numidie. L’échelle de ladescription ne se prête pas à un usage topographique, et lesrenvois à la géographie antique…Ilsjustifient une approcheurbaine et littorale des « possessions françaises en Afrique duNord »…Les géographies arabes, pour leur part, sont quasimentignorées. Elles ne commenceront à être traduites, trèspartiellement, qu’après la conquête, par des savantsorientalistes…L’armée française s’appuie en revanche surquelques témoignages de captifs chrétiens, et sur des récitsde voyageurs européens, notamment celui de Thomas shaw,ou de William Shaler. Si l’on y trouve des comptes rendusdétaillés des mœurs, des populations et de la vie politique de larégence, force est de constater que les données géographiquesdemeurent limitées. Les reconnaissances sur le terrainentreprises à la période napoléonienne par le colonel Boutinsont une synthèse de ces savoirs mais n’apportent que peu deprécisions…Il est vrai que l’opération avait commencé commeune simple expédition de représailles contre le dey d’Alger. Ilavait d’abord le coup d’éventail…L’évènement est entré dansl’imagerie coloniale dès les années 1830…Ensuite, les actes de

piraterie en Méditerranée dont le dey est tenu pourresponsable…

Avant tout, prendre une villeBien sûr, certains pensent à coloniser l’Algérie, l’ancien grenierà blé de l’Empire romain. Si la plupart des économistes libérauxdoutent de l’intérêt d’une colonisation de l’Algérie, d’autres,comme Sismondi, en sont de fervents partisans…Les saint-simoniens, qui ont une grande influence dans l’armée, prônentune intégration à l’échelle méditerranéenne. Mais, en 1830, iln’existe pas, à la tête de l’Etat, de projet colonial pensé entermes territoriaux. Il s’agit avant tout de s’attaquer à uneville symbolisant la puissance de l’Empire ottoman. Comptoirfréquenté par de nombreuses nations, nœud commercialconvoité, Alger est moins, dans les représentationseuropéennes, la capitale d’un royaume de Barbarie un peumythique qu’une ville portuaire imprenable. Ayant débarquéà 30 km d’Alger…et une fois la ville occupée, la question de lasuite des opérations est ouverte…Le débat sur la nature del’occupation témoigne de la constitution d’un projet territorial,dont les frontières restent floues pendant des décennies. Enréalité, l’incertitude est moins politique que territoriale : lesfrançais sont en Algérie, mais dans quelle Algérie ? On envoiecertes des colons ; néanmoins la plupart se retrouvent en ville,et les projets de colonisation rurale restent très en deçà desespérances. De fait, aucune logique territoriale n’est vraimentmanifeste : des villes sont « prises », sans être reliées les unesaux autres. Les français occupent Oran,…Bougie ; toutefois,on ne peut aller de la première à la dernière que par la voiemaritime, tant l’assise territoriale de l’armée est limitée. Eneffet, la résistance, orchestrée par l’émir Abd el-kader estacharnée. En 1837, est signée une paix provisoire, lors du traitéde la Tafna…Abd el-Kader est en position de négocier un vasteterritoire…Le constantinois demeure indépendant, l’autoritédu bey. L’émir administre la grande de la province d’Oran et decelle d’Alger et commence à organiser un état à partir de cesterritoires…Au tournant des années 1840, la donne commenceà être modifiée ; des objectifs territoriaux sont affichés…Laquestion qui revient régulièrement est celle du territoire« utile » et des limites à donner à une colonisation pensée avanttout comme « tellienne »…Des considérationsethnographiques, opposant les sédentaires du tell auxnomades du désert, les kabyles aux arabes…accompagnentune division de l’Algérie…Dans les années 1880, la « pénétrationsaharienne » conduit à agrandir le territoire de la colonie…Maisle désert demeure un espace militaire bien plus qu’un espacede colonisation…La notion même de « Sahara algérien » vise àlier les marges du désert au Tell en facilitant les échangescommerciaux…En 1891, la conquête des oasis du Touat, duGourara et du Tidikelt répond à la volonté politique, au moinssur les cartes…De grands projets de chemin de fertranssaharien viennent conforter un discours sur l’homogénéitéterritoriale de la colonie…l’ensemble algérien demeure unassemblage de morceaux de territoires dont l’unité n’est pasévidente. En 1957, le pouvoir instaure l’organisation communedes régions sahariennes, qu’il espère conserver à la France. Lespremières découvertes de gisement pétrolier expliquent cetintérêt…cette tentative d’extraction d’une partie de l’espacesaharien à la colonie révèle les bricolages territoriaux qui ontprésidé à l’invention de l’Algérie coloniale.

N° 406 Décembre 2014

Hélène Blais (Université Paris-Ouest)

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[BIBLIOGRAPHIE]

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Maghreb Machrek N°220

Editions ESKA

[REVUE]

Ccomparée à celle des deux voisins le Maroc et la Tuni-sie, l’histoire médiévale de l’Algérie est difficile, voireimpossible à faire en l’abscence d’un centre politiquestable.Réunissant trois historiens français , deuxhistorienes algériens et une historienne belge , le pré-sent ouvrage s’inscrit dans cette dynamique nouvelle ...

Histoire Générale de l’Algériel’Algérie médiévale

Houari Touati Editions ZAYTUN,2014

L’Année du Maghreb 2014-II

CNRS Editions

[FILM]

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