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NOUVELLES CASERNES | UN CENTRE D’ARCHITECTURE CONTEMPORAINE DE QUÉBEC La requalification d’un patrimoine militaire capteur et diffuseur de mémoire Essai (projet) soumis en vue de l’obtention du grade de M.Arch. Geneviève Bouthillier-Martel Superviseur : Jacques Plante : ____________________ École d’architecture Université Laval 2013

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NOUVELLES CASERNES | UN CENTRE D’ARCHITECTURE CONTEMPORAINE DE QUÉBEC La requalification d’un patrimoine militaire capteur et diffuseur de mémoire

Essai (projet) soumis en vue de l’obtention du grade de M.Arch.

Geneviève Bouthillier-Martel

Superviseur :

Jacques Plante : ____________________

École d’architecture

Université Laval 2013

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« Le paysage est tout, mais il est fugace. Sans l’esprit de l’homme, le paysage n’est rien. L’homme le transforme, le regarde. Il s’y construit, dans la beauté ou la destruction. L’interdépendance entre histoire, société et milieu naturel marque l’évolution du territoire. Dans tout paysage possible, il y a quelque chose à connaître de profond, qui perdure et survit, quelque chose à quoi on ne peut renoncer, que l’on peut préserver, restaurer ou faire resurgir. »

Alfredo Fernandez de la Reguera March architecte. (Pages paysages : contacts, 1996; 149)

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RÉSUMÉ L’essai (projet) s’intéresse au patrimoine militaire comme capteur et diffuseur de mémoire dans le projet de requalification des Nouvelles Casernes en un Centre d’architecture (et d’art) contemporain de la ville de Québec. L’essai tentera s’expliquer le rôle de la mémoire collective dans le développement et la modification de l’environnement bâti, sur la relation entre la mémoire et le lieu. Il insiste plus particulièrement sur l’articulation narrative du passé, du présent et du futur; c’est par ce dialogue que la mémoire pourra être générée et transmise. Ce projet de recherche-création favorisera une approche sensible à l’existant, par l’étude in situ des Nouvelles Casernes, afin d’élaborer un principe d’intervention unique pour cet ensemble militaire. Le projet d’architecture a pour mission de créer un nouveau parcours de la basse-ville à la haute-ville passant par les Nouvelles Casernes, le Centre d’architecture contemporain de la ville de Québec.

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ENCADREMENT ET MEMBRES DU JURY Jacques Plante Superviseur de l’essai (projet), architecte et professeur agrégé à l’École d’architecture de l’Université Laval Marie-Chantal Croft Architecte Olivier Jacques Doctorant en architecture à l’Université McGill Élodie Nourrigat Architecte et professeure à l’École Nationale Supérieure d’architecture de Montpellier (ENSAM) Professeure invitée à l’École d’architecture de l’Université Laval pour la session hiver 2013

AVANT-PROPOS Je remercie Jacques Plante pour ses idées, ses conseils, son savoir architectural, sa passion et sa franchise. Je remercie Richard Cloutier pour m’avoir fait découvrir la sensibilité de l’architecture dès ma première session à l’École d’architecture de l’Université Laval. Je remercie mes amis pour leur sincérité, leur support constant durant les moments difficiles et les moments loufoques. Je remercie Alexandre pour sa joie de vivre et ses commentaires. Je remercie Martin pour sa patience et ses réflexions.

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TABLE DES MATIÈRES Résumé ii Membre du jury iii Avant-propos iii Table des matières iv Liste des figures v Introduction 1 Chapitre 1 Mémoire collective et lieu de mémoire 3 Chapitre 2 Les théoriciens du patrimoine 7

2.1 Le patrimoine militaire 9 2.2 Précédent de restauration : le Fort-Chambly 10 2.3 Les origines de la caserne militaire 11

Chapitre 3 Contexte politique et historique 15 Chapitre 4 La découverte des Nouvelles Casernes 21

4.1 Analyse du bâtiment 21 4.2 Premières idées conceptuelles 29 4.3 Analyse urbaine 32

Chapitre 5 Le projet d’architecture 37 Conclusion 47 Bibliographie 49 Annexes 51

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LISTE DES FIGURES Figure 1 : schéma de concept. ........................................................................................................................ 4 Figure 2 : caserne de la petite madeleine, lille, 1621. Deux chambres sont desservies par un escalier à

chaque étage. (dallemagne, 1990) .............................................................................................. 13 Figure 3 : plan d’implantation sommaire (image google) ............................................................................... 15 Figure 4 : une palissade en bois sur le site des nouvelles casernes en 1690 (parcs canada). ..................... 16 Figure 5 : levée de terre et poste d’observation sur le site des nouvelles casernes en 1697 (parcs canada).

.................................................................................................................................................... 16 Figure 6 : porte du palais. À gauche, vue de la ville intra-muros. À droite, vue de la ville extra-muros.

(musée mccord) .......................................................................................................................... 17 Figure 7 : les bâtiments sur le site des nouvelles casernes en 1810 (dessins reconstitués, gbm, 2013) ..... 18 Figure 8 : les bâtiments en 1852, après l’incendie (dessins reconstitués, gbm, 2013) ................................. 18 Figure 9 : les bâtiments lors de la période industrielle du site, de 1880 à 1964 (dessins reconstitués, gbm,

2013) ........................................................................................................................................... 19 Figure 10 : les bâtiments présents en 2013 (dessins reconstitués, gbm, 2013) ........................................... 19 Figure 11 : plan du deuxième étage 1771 (st-louis, 2012) ............................................................................ 22 Figure 12 : plan du premier étage 1771 (st-denis, 2012) .............................................................................. 22 Figure 13 : plan du rez-de-chaussée 1771. (st-louis, 2012) .......................................................................... 22 Figure 14 : plan du rez-de-chaussée 1823. (st-louis, 2012) .......................................................................... 22 Figure 15 : plan du rez-de-chaussée 2013. (st-louis, 2012) .......................................................................... 22 Figure 16 : élévation sud 1771 (st-louis, 2012) ............................................................................................. 23 Figure 17 : élévation sud 1810 (st-louis, 2012) ............................................................................................. 23 Figure 18 : élévation sud 2013 (st-louis, 2012) ............................................................................................. 23 Figure 19 : matérialité de l’élévation sud 2013 (bouthillier-martel, 2013) ...................................................... 23 Figure 20 : élévation nord 2013 (st-louis, 2012) ............................................................................................ 23 Figure 21 : coupe longitudinale 1823 (st-louis, 2012) .................................................................................... 24 Figure 22 : coupe longitudinale 1974, seule la cheminée a été détruite depuis (st-denis, 2012) .................. 24 Figure 23 : interstice couvert en 1972 (st-louis, 2012) .................................................................................. 25 Figure 24 : interstice entre les casernes, à gauche, et l'ancienne fabrique d'obus, à droite, 2013 (gbm, 2013)

.................................................................................................................................................... 25

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Figure 25 : matérialité de la façade sud (gbm, 2012) .................................................................................... 26 Figure 26 : exemple d’une ouverture de la façade nord obstruée avec de la brique (gbm, 2013) ................ 27 Figure 27 : espace intérieur dégagé de l’ancienne fabrique d’obus (gbm, 2013) .......................................... 27 Figure 28 : vue sur le champ de parade (gbm, 2013) ................................................................................... 28 Figure 29 : vue sur la basse-ville et les montagnes (gbm, 2013) .................................................................. 28 Figure 30 : entrée en basse-ville liée avec l'ilot des palais, critique préliminaire (gbm, 2013) ...................... 29 Figure 31 : les intentions conceptuelles représentées en dessins, critique préliminaire (gbm, 2013) ........... 30 Figure 32 : analyse du potentiel des espaces existants (gbm, 2013) ............................................................ 31 Figure 33 : analyse urbaine - contexte, parcours principaux et délimitation du site d'intervention (gbm, 2013)

.................................................................................................................................................... 32 Figure 34 : accès au site, parcours touristique existant le long des fortifications et parcours touristique

prolongé (gbm, 2013) .................................................................................................................. 33 Figure 35 : option 1 - entrée par la caserne 5 (gbm, 2013) ........................................................................... 34 Figure 36 : option 2 - entrée par la caserne 3 (gbm, 2013) ........................................................................... 34 Figure 37 : vue du parc de l'artillerie (au centre) de la rue st-jean, près de la porte st-jean (gbm, 2013) ..... 35 Figure 38 : de l'entrée du parc de l'artillerie, on aperçoit la caserne 1 (gbm, 2013) ...................................... 36 Figure 39 : entrée dans la caserne 1 visible du parc de l'artillerie (gbm, 2013) ............................................ 37 Figure 40 : analyse urbaine - le nouveau parcours relie la gare du palais à la place d'youville, en passant

par les nouvelles casernes (gbm, 2013) ..................................................................................... 38 Figure 41 : coupe de la tranche vers l’est (gbm, 2013) ................................................................................. 39 Figure 42 : entrée en basse-ville (gbm, 2013) ............................................................................................... 40 Figure 43 : à gauche : l'accueil en basse-ville. À droite : l'ascension. (gbm, 2013) ...................................... 41 Figure 45 : à gauche, l’interstice couvert. À droite, la coupe de l'escalier dans la caserne 5. (gbm, 2013) .. 42 Figure 46 : restaurant dans la caserne 1 (gbm, 2013) .................................................................................. 42 Figure 47 : à gauche, la nouvelle toiture à deux versants de la caserne 5. À droite, la nouvelle lucarne en

chien assis de la caserne 3. (gbm, 2013) .................................................................................... 43 Figure 48 : cadre en acier corten avec porte intégrée pour moduler les espaces (gbm, 2013) .................... 44 Figure 49 : entrée des groupes, rue de l’arsenal (gbm, 2013) ...................................................................... 45 Figure 50 : gauche : entrée de castelgrande. Droite : détail d’un garde-corps .............................................. 51 Figure 51 : gauche : le parcours dans le parc. Droite : une seconde entrée. ................................................ 51 Figure 52 : distinction entre le nouveau et l’existant. ..................................................................................... 52

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Figure 53 : insertion de l’ajout dans le paysage existant du fort. Un geste simple et efficace. ..................... 53

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INTRODUCTION L’essai (projet) s’intéresse au patrimoine militaire comme capteur et diffuseur de mémoire dans le projet de requalification des Nouvelles Casernes en un Centre d’architecture contemporain de la ville de Québec. Les Nouvelles Casernes, situées à même les fortifications de Québec, délimitées par la côte du Palais, la côte de la Potasse et la rue de l’Arsenal, constituent un patrimoine militaire unique au Québec de par sa participation défensive, politique et sociale à la ville de Québec, sa position géographique et son architecture. L’essai s’interroge sur le rôle de la mémoire collective dans le développement et la modification de l’environnement bâti, sur la relation entre la mémoire et le lieu. Il insiste plus particulièrement sur l’articulation narrative du passé, du présent et du futur; c’est par ce dialogue que la mémoire peut être générée et transmise. Seront d’abord définis les concepts de mémoire collective et de lieu de mémoire (Pierre Nora). L’essai tentera d’expliquer comment l’architecture, plus précisément le lieu de mémoire, diffuse la mémoire qu’il a captée dans un projet de requalification. Ce projet de recherche-création favorise une approche sensible à l’existant, par l’étude in situ des Nouvelles Casernes en deux temps. Tout d’abord, l’analyse spontanée de l’existant fait ressortir les potentiels intrinsèques, puis l’analyse urbaine détermine le rôle de l’ensemble militaire dans le Vieux-Québec. Cette recherche mène à l’élaboration d’un principe d’intervention unique pour les Nouvelles Casernes, et finalement à l’élaboration d’un programme répondant adéquatement à l’existant. Le projet d’architecture a pour mission de créer un nouveau parcours de la basse-ville à la haute-ville passant par les Nouvelles Casernes, le Centre d’architecture et d’art contemporain de la ville de Québec, qui reliera trois points d’intérêts, soit la Gare du Palais, l’Ilot des Palais et la Place d’Youville. Le projet se concentre sur la requalification, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas uniquement de conserver ou de restaurer le bâtiment, mais de poursuivre sa transformation : le découvrir, l’explorer et le vivre.

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CHAPITRE 1 : MÉMOIRE COLLECTIVE ET LIEU DE MÉMOIRE Ce projet de requalification des Nouvelles Casernes est l’occasion d’étudier et d’expérimenter une approche architecturale au patrimoine qui se base sur la découverte de la mémoire (collective) du site et du bâti existant, puis sur sa mise en valeur dans un projet d’architecture. Le cadre théorique se penche sur la place et le rôle de la mémoire dans le développement d’un projet de requalification. Il veut démontrer le rôle de la mémoire dans l’articulation de l’intervention contemporaine sur le patrimoine militaire : un rôle de liaison entre le passé, le présent et l’avenir. Deux concepts sous-tendent cette approche : le lieu de mémoire et la mémoire du lieu (Figure 1). La requalification consiste à prendre le bâti existant, trouver ses qualités architecturales, spatiales, historiques, etc. et construire une identité cohérente à l’existant. Il est permis, par exemple, d’en détruire une section si la cohérence du projet est améliorée. L’architecture est un évènement temporel et spatial qui perdure (DERRIDA, dans HORNSTEIN, 2011; 7). La transformation de l’architecture ne doit pas aboutir en un objet matériel; la transformation doit offrir des lectures créatives. L’essai (projet) insiste sur l'articulation narrative du passé avec le présent par laquelle la mémoire peut être générée et transmise : le rapport entre l'individu et les aspects collectifs de la culture de la mémoire sera exploré en établissant des liens entre les représentations particulières du passé et le lieu (STAIGER, STEINER et WEBBER, 2009; 9). La mémoire du lieu se divise donc en plusieurs étapes, des séquences1, une succession « d’images » racontant une narration : l’histoire des Nouvelles Casernes. Ces « images », de différentes natures, explorent l’histoire en décortiquant la mémoire collective iconographique, textuelle, cartographiée et bâtie. Un lieu de mémoire « dans tous les sens du mot, va de l'objet le plus matériel et concret, éventuellement géographiquement situé, à l'objet le plus abstrait et intellectuellement construit. Il peut donc s'agir d'un monument, d'un personnage important, d'un musée, des archives, tout autant que d'un symbole, d'une devise, d'un évènement ou d'une institution » (Nora2, 1984). Cette large définition permet une libre interprétation de ce que peut être un lieu de mémoire. Les termes qui ressortent sont définis ci-bas.

1 Étymologie : bas latin sequentia, succession, du latin sequi, suivre. 2 Pierre Nora est un historien français se spécialisant sur le sentiment national et sa composante mémorielle.

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Figure 1 : Schéma de concept.

Lieu de mémoire

CA

PT

ER

DIF

FU

SE

R

Restauration du patrimoine militaire

Mémoire collective

Histoire

Images

Cartes

Bâti

Les casernes et leur contexte

Projet d’architecture

L’architecture

capteur et diffuseur

de mémoire

Dallemagne 1990

Aurelio Galfetti

Dallemagne 1990Dallemagne 1990Archives nationales du québec

Denis St-Louis Architecte et Genivar, 2012

Staiger, Steiner et Webber 2009

Staiger, Steiner et Webber 2009

Actes des colloques de la Direction du patrimoine, 1995

Actes des colloques de la Direction du patrimoine, 1995

Actes des colloques de la Direction du patrimoine, 1995

Nora 1984

Staiger, Steiner et Webber 2009Nora 1984Brewer, 1999

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Les Nouvelles Casernes constituent un lieu de mémoire pour plusieurs raisons. Le lieu est construit, transformé et habité depuis plus de deux cents ans. Il matérialise des évènements militaires, politiques et civils marquants de Québec. Ce lieu occupe un site unique offrant une vue sur l’embouchure de la rivière St-Charles et de la basse-ville. Il s’agit d’un ensemble architectural exemplaire du système défensif de Québec érigé par l’armée française au nord-ouest des fortifications de Québec. La mémoire est naturellement « supportée » par un lieu, un bâtiment (Edward Casey dans Staiger, Steiner et Webber, 2009 ; 1). L’environnement bâti, la ville, offre une multitude de lieux physiques de stockage et d’association pour la mémoire individuelle et collective. La ville a le potentiel de stimuler l’apprentissage et de provoquer « l’identification ». La mémoire par excellence est la « recollective memory »3, qui permet à un individu de se souvenir d’un élément précis de son passé en lien avec le lieu de stockage (BREWER, 1999; 3). Ce type de mémoire crée une liaison entre l’expérience passée et le présent; se « souvenir » participe à la construction d’une identité cohérente. La mémoire connecte le moment, l’endroit et l’individu qui se souvient. La mémoire peut être performée, jouée, par exemple en marchant in situ dans le bâtiment, ou encore autour, dans les espaces informels, non délimités, flous, les extensions. L’architecte doit comprendre la mémoire du bâtiment, sa signification et son rôle pour pouvoir l’utiliser dans sa mise en valeur. Walter Benjamin prétend qu’il y a une interaction entre le processus cognitif individuel et les conditions sociales et historiques dans l’expérience urbaine. Cette interaction démontre en fait que la mémoire est essentiellement sociale, puisque les expériences individuelles sont influencées par un bagage collectif, tels la famille, les amis, la société, etc. (Bergsonian, Staiger, Steiner, Webber, 2009; 5). Si l’on détruit les Nouvelles Casernes, par exemple, une partie de la mémoire collective de la population de Québec sera perdue. La mémoire collective fournit l'unicité et la continuité au sein d'un groupe ayant des attentes et des expériences en commun; la mémoire collective est une structure liant le passé et le présent. Comme elle se construit à l’aide des mémoires individuelles, elle se modifie lentement. Elle reste ancrée dans la société et se partage de génération en génération.

3 « I take recollective memory to be the type of memory that occurs when an individual recalls a specific episode from their past experience » (BREWER, 1999)S

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La mémoire collective alimente le lieu de mémoire et vice versa. Cet échange constant favorise la conservation des souvenirs. Les sociétés ont besoin de cristalliser la mémoire collective dans des symboles et des objets de l’environnement bâti; mais cette cristallisation de la mémoire ne signifie pas la cristallisation des bâtiments. Les Nouvelles Casernes détiennent des mémoires cristallisées à différentes époques; elles se lisent de différentes façons, soit par l’addition, la soustraction, etc. Les lieux de mémoire ont leur raison d’être seulement en raison de la disparition de la mémoire collective, c’est-à-dire la disparition du contexte environnemental (STAIGER, STEINER et WEBBER, 2009; 6). La mémoire du lieu peut être chargée de significations différentes. Les recherches contemporaines se concentrent sur les implications critiques et politiques de la mémoire : « open to the dialectic of remembering and forgetting, unconscious of its successive deformations, [and] vulnerable to manipulation and appropriation » (Staiger, Steiner et Webber, 2009; 6). Les lieux de mémoire n’existent que s’ils sont soutenus par les communautés locales et nationales (Nora dans Staiger, Steiner et Webber, 2009; 20). Selon un historien français, Tristan Landry, les lieux de mémoire sont en fait des endroits du pouvoir. La mémoire est précisément ce qui vit dans la marge, dans l'ignorance, à proximité de ces lieux qui sont les fruits de l'histoire chronologique et mouvementée politique et officielle et qui ne sont donc pas les œuvres de la mémoire (Landry dans Staiger, Steiner et Webber, 2009; 20). En ce sens, les Nouvelles Casernes doivent être requalifiées puisque, malgré tous les documents d’archives qui existent sur ce bâtiment, seul le bâti existant contient une histoire que les archives ne peuvent interpréter; les Nouvelles Casernes alimenteront encore la mémoire des gens qui les visiteront.

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CHAPITRE 2 : LES THÉORICIENS DU PATRIMOINE Les premières théories de restauration sont diffusées au milieu du XIXe siècle. Viollet-le-Duc en France, Ruskin en Angleterre et Boito en Italie établissent les premiers jalons de la théorie de la restauration des monuments (RENY, 1991). Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc (1814-1879) a été un architecte de restauration de plusieurs édifices renommés, notamment l’église Notre-Dame-de Paris, l’église de St-Denis et l’église de la cité de Carcassonne. Ses théories se retrouvent dans ses ouvrages les Entretiens sur l’architecture et le Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle. Il a développé une approche par reconstitution déductive, provenant de sa conception rationaliste de l’architecture gothique. La restauration stylistique l’emporte sur la vérité historique; il ajoute ou supprime des éléments dans le but de construire une unité de style. « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé en un moment donné. » (RENY, 1991; p.5). Il préconise néanmoins un relevé, l’étude historique, et l’étude des composantes du bâtiment avant l’intervention puisque l’édifice est un témoignage de l’histoire, le reflet d’une époque et de ses technologies. Il est donc risqué de faire une reconstitution, puisque les technologies ont évolué. Il faut trouver un équilibre pour éviter d’en faire trop ou pas assez. L’intervention varie selon le bâtiment; l’architecte doit maintenir un certain relativisme dans l’intervention. Viollet-le-Duc préfère rechercher « l’unité de style » d’une époque; il ne garde pas la diversité architecturale que le bâtiment a acquise durant les années. Les fondements de sa théorie sont de conserver et compléter l’œuvre. Ludovic Vitet, qui a suivi Viollet-le-Duc, est partagé entre le rêve de la reconstitution romantique et la raison qui commande le respect intégral des œuvres du passé. Il affirme que le premier mérite de la restauration est de passer inaperçue. John Ruskin (1819-1900) est un critique d’art et théoricien britannique. Dans son livre Les Sept Lampes de

l’architecture il préconise une conservation intégrale. Comme les archéologues, il propose une consolidation et une mise en valeur des ruines et vestiges.

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L’Italien Camillo Boito (1836-1914) a développé une approche scientifique face au patrimoine. Sa théorie de la restauration est fondée sur le respect de ce qui nous est transmis et sur le maintien de l’authenticité de l’œuvre. Contrairement à Viollet-le-Duc, il conserve les traces de l’histoire et des transformations du bâtiment. Dans une optique de développement durable, il récupère les matériaux encore en bon état sur le site pour les réintégrer dans la restauration. S’il effectue un ajout, celui-ci doit être apparent et se lire différemment de l’existant, et surtout ne pas ornementer pour éviter de masquer la restauration. En favorisant le maintien de l’utilisation dite historique, il détermine la période historique marquante du lieu pour justifier l’intérêt patrimonial. Boito, tout comme Ruskin, favorise la conservation des ruines et des traces du passé. Boito émet certaines recommandations sur la démarche et les manières d’intervenir. Il conseille tout d’abord de pratiquer le remontage de la pierre et de pratiquer la méthode de l’anastylose, c’est-à-dire la reconstruction d’un édifice en ruine exécutée en majeure partie avec les éléments retrouvés sur place et selon les principes architecturaux en vigueur lors de son érection, sans négliger une éventuelle consolidation visible avec des matériaux modernes (Le Petit Larousse en ligne). Il recommande de faire un relevé de la ruine si elle ne peut pas être conservée, ce qui exige une collaboration entre architecte, archéologue et autres experts. Il dissimule les techniques modernes dans le produit final. Il conserve la végétation, le paysage existant et les édifices historiques sur leur site original. Finalement, il encourage l’inventaire national. Plusieurs théoriciens viendront après Boito, remaniant et réinterprétant les théories avancées précédemment. Giovanni, par exemple, préconise une restauration scientifique en se servant de l’histoire du monument et l’utilisation de l’espace architectural qu’offre le patrimoine. Cesare Brandi, l’auteur du livre Théorie de la conservation, pratique la restauration critique basée sur deux critères, l’esthétique, beauté et qualité artistique, et l’histoire. Il voit la restauration du bâtiment comme une œuvre d’art; il supprime les éléments inutiles ou superflus se rattachant à une mode passagère. Selon Brandi, l’intervention contemporaine doit être réversible et reconnaissable afin de ne pas effacer les traces du passé et ainsi rétablir l’unité potentielle de l’œuvre d’art. Comme Viollet-le-Duc, Brandi privilégie parfois une période, celle ayant le plus d’importance ou le plus d’impact sur le bâtiment (RENY, 1991).

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2.1 LE PATRIMOINE MILITAIRE Les Nouvelles Casernes, construites à même les fortifications de Québec, ont participé activement à la protection de la ville fortifiée durant le 18e siècle. Ces casernes sont uniques, ce sont les seules qui ont été construites sur le territoire québécois. Les exemples de requalification du patrimoine militaire étant beaucoup plus nombreux en Europe, les recherches se sont concentrées sur la valeur que détient ce patrimoine en France pour déterminer l’importance du mode de construction spécifique à l’architecture militaire, des fortifications et des casernes d’ici. La valeur de l’architecture militaire réside dans sa fonctionnalité (Maryvonne de Saint-Pulgent 1995). Elle est avant tout efficace pour assurer son rôle de défense du territoire et de la nation; elle est une architecture de lignes pures et de beauté de volumes, des lieux de mémoire guerriers. La construction de cette architecture reflète les techniques les plus efficaces de défense et le progrès de ces techniques à travers le temps. La fortification offre un « dialogue permanent entre des moyens d’attaque toujours plus performants et des moyens de défense qui y répondent toujours avec retard » (Actes des colloques de la Direction du patrimoine, 1995; 16). Elle est, dès la construction, vouée en quelque sorte à une destruction ou une mutation, soit par l’assaillant soit par le défenseur. Pourtant, la fortification est construite pour durer; sa conception est basée sur la réciprocité de l’attaque et de la défense. La fortification est pour une communauté ce qu’est le bouclier pour un individu. Les fortifications « participent à la lente élaboration des frontières territoriales et à la naissance du sentiment d’appartenance d’un peuple à une même nation » (Actes des colloques de la Direction du patrimoine, 1995; 15). Leur pérennité doit être conservée par la requalification et l’occupation du patrimoine militaire. Deux démarches s’opèrent dans la construction des fortifications avec l’arrivée de Vauban. Sébastien le preste de Vauban, ingénieur, architecte militaire et urbaniste, a pris part à la grande majorité des campagnes militaires de Louis XIV en construisant trente-trois places fortes et en en aménageant trois cents; il est reconnu comme étant le grand spécialiste des fortifications. La première démarche est empirique et réformatrice; elle récupère le passé et le rend plus efficace relativement au progrès de l’artillerie. La deuxième est théorique et révolutionnaire en substituant la défense horizontale (succession de tranchée) à la défense verticale (mur de fortification), favorisant ainsi la démarche de gestion du patrimoine à la création in abstracto.

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Michel Parent affirme qu’il « est évident qu’un patrimoine qui a la vocation de détruire s’autodétruit » (Michel Parent dans Actes des colloques de la Direction du patrimoine, 1995; 57). Quand le patrimoine militaire est la propriété des militaires, ceux-ci l’entretiennent. Dès qu’il est inoccupé, il est détruit. Lorsque la prise de conscience de ce patrimoine renait, il est trop tard. C’est pour cette raison que le patrimoine militaire doit acquérir un statut d’importance culturelle et historique afin que la conservation passive, qui signifie contempler le patrimoine sans le détruire, laisse place à la restauration active. « Dans le cas de l’œuvre de Vauban, la récupération de ce qui existe et la modification de ses ouvrages sont telles que tout est imbriqué, il faut donc se méfier des différentes appréciations de dates, car on restaure un fort modifié ou on ne le restaure pas » (Michel Parent dans Actes des colloques de la Direction du patrimoine, 1995; 58). Les fortifications de Québec sont construites selon le modèle Vauban. La distance entre deux bastions est de 260 m, de saillant à saillant, ce qu’on appelle un front. Les bastions sont angulaires. Les flancs sont perpendiculaires aux faces qu’ils flanquent : le bastion classique (Actes des colloques de la Direction du patrimoine, 1995; 22). Une enceinte bastionnée est caractérisée par son profil remparé composé d’une masse de terre recouverte de pierres, couronné par la végétation gazonnée et plantée d’arbres. 2.2 PRÉCÉDENT DE RESTAURATION : LE FORT-CHAMBLY Le lieu historique national du Fort-Chambly, musée relatant les moments clés de l’histoire de la Nouvelle-France, est un exemple de restauration du patrimoine militaire au Québec. Construite en 1711, un peu avant les Nouvelles Casernes, cette fortification de pierre avait le même but que les fortifications de Québec, soit de protéger la Nouvelle-France d'une éventuelle invasion britannique (Parcs Canada). Le mandat donné par Parcs Canada en 1982, pour le bâtiment déclaré parc historique national par le gouvernement fédéral, était d’utiliser le site des ruines pour construire un édifice ayant des fins muséologiques. L’architecte Paul Faucher, le concepteur principal, a pris le parti de faire parler l’architecture par elle-même, en misant sur l’histoire du site et sur la différenciation des interventions contemporaines. Ayant en main les documents de la construction historique, la coquille de l’édifice a été construite selon la construction ancienne. Les interventions contemporaines suggèrent, évoquent, révèlent et démasquent. Elles sont marquées par l’utilisation de matériaux modernes, de nuances différentes de

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maçonnerie et du marquage au sol des bâtiments disparu. On parle alors d’un projet de reconstruction dans lequel les transformations du lieu sont subtilement apparentes, mais surtout, un projet qui pourra continuer d’évoluer (ARQ, Février 2013). 2.3 LES ORIGINES DE LA CASERNE MILITAIRE La caserne est un bâtiment d’habitation destiné à loger les soldats. Avant les casernes, les soldats logeaient dans les maisons des citoyens. Puisque les troupes se déplaçaient sans cesse, ils étaient rarement dans la même ville plus d’une nuit. Des bâtiments existaient déjà pour les garnisons des places fortes, armement et magasins de subsistance, mais ils ne comportaient pas de chambre pour les soldats. Le logement des hommes de guerre a évolué en trois étapes : la cohabitation du civil et du militaire, la maison civile comme expression d’une fonctionnalité domestique et l’édification des casernes (Dallemagne 1990). Au cours du XVIIe siècle, le nombre de soldats a décuplé en France, exigeant de repenser au logement des troupes. Une des valeurs militaires est l’obligation de loger ceux qui assurent la sécurité civile. « Une société militaire se constitue avec des règles spécifiques, dont le terme discipline, si caractéristique, ne recouvre pas tous les aspects. Les exigences de cette discipline n’impliquent-elles pas des compensations? » (Dallemagne, 1990). L’ordre et la discipline s’appliquent facilement dans un lieu spécialement conçu pour le regroupement des troupes. L’Hôtel des Invalides à Paris, conçu en 1670, a été le premier bâtiment destiné à « l’hébergement » des militaires et qui rejoignait la vision de la vie militaire est. Ce bâtiment n’était pas une caserne militaire et ne logeait pas des militaires en fonction. Conçu selon les couvents de l’époque, il accueillait les vieux soldats, à l’image d’un mouroir décent (Dallemagne, 1990). La typologie, la distribution des espaces et les fonctions (réfectoire, dortoir, poste d’eau, latrines près des chambres) sont des caractéristiques qui seront reprises dans la construction de la caserne. La caserne a constitué une large part du champ architectural militaire, avec les fortifications et les citadelles. Elle était conçue par les architectes civils et par les ingénieurs militaires; ces derniers préférant construire les ouvrages fortifiés. La caserne représentait bien la place des hommes dans la vie militaire : les

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ingénieurs militaires construisaient les casernes, les soldats les habitaient. L’architecture des casernes reflétait la fonctionnalité et l’esthétisme militaire, l’image sociale de l’armée, l’économie, la sociologie et la politique des différentes époques (Dallemagne 1990). Les militaires étaient forcés de cohabiter d’abord chez les civils, de deux manières. Le logement en garnison était la cohabitation d’un régiment entier dans un village pour une longue durée, effectuée souvent l’hiver, du 1er novembre au 1er avril. Le gite d’étape, quant à lui, logeait les militaires pour une seule nuit. La construction des casernes s’imposait avec le nombre croissant de soldats et le besoin de loger les hommes ailleurs que dans les maisons des citoyens. Les maisons bourgeoises ne convenaient pas à une population nombreuse ; la promiscuité et l’insalubrité étaient peu propices à maintenir les soldats en santé. La cohabitation forcée entre civil et militaire a pris fin lorsque les bourgeois des villages et le pouvoir royal des places fortes ont pris l’initiative de consacrer une série de maisons en périphérie du village pour les soldats, ce qui assurait un sentiment de quiétude dans le village. Cette situation éliminait la dispersion des soldats dans la ville, facilite l’isolement de la troupe du reste du village, l’indépendance de la compagnie et favorise la discipline et l’efficacité de la troupe lors de rassemblements. Vauban proposait des casernes opérationnelles. De construction très simple, la caserne était bâtie en même temps que les remparts. Elle se développait par la suite hors des fortifications. Elle suivait l’évolution des techniques de construction et des différentes périodes de l’architecture. La caserne était implantée dans un espace de faible valeur, en marge de l’urbanisation, car peu de ressources financières étaient disponibles pour leur construction.

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Les premières vraies casernes avaient pour modèle la maison civile. Elles étaient composées de petites maisons accolées possédant chacune leur escalier à une seule volée. Les pièces du rez-de-chaussée, équipée d’une cheminée et d’une mangeoire, s’ouvraient directement sur la rue ; leur sol est recouvert d’un pavé et elles servaient de chambre ou d’écurie. Un escalier desservait deux pièces (Figure 2) à l’étage, souvent un grenier.

Figure 2 : Caserne de la petite Madeleine, Lille, 1621. Deux chambres sont desservies par un escalier à chaque étage. (DALLEMAGNE, 1990)

Les chambres contenaient une cheminée pour la cuisson des aliments. Les lits à deux places pour trois hommes étaient des couchettes de bois recouvertes d’une paillasse, aussi appelée couchette chaude. En plus de sa chambre, dans laquelle il rangeait l’armement, le soldat disposait de latrines et de magasins à vivre. La plus ancienne caserne se trouvait dans la citadelle de Grenoble et se composait de deux bâtiments. Édifiée par le seigneur des Lesdiguières, elle date de 1593, avant la période Vauban. La partie simple des bâtiments avait une profondeur de 10,80 m, la partie double de 4 à 6 m (Dallemagne 1990).

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2.3.1 ORGANISATION SPATIALE L’organisation spatiale de l’espace militaire, reflétant l’ordre et la hiérarchie, se peaufine au fil du temps. La caserne était d’abord un simple abri sous l’autorité du bas officier, les officiers logeaient dans une résidence à part. Le bureau de l’officier s’est ajouté au milieu du XIXe siècle, le poste de commandement au début du XXe siècle. La hiérarchie régimentaire se traduisait dans la disposition des fonctions, par exemple par la différenciation des espaces intérieurs, sacralisant certains espaces comme le bureau du chef de corps ou la place d’armes. La lecture du plan-masse reflétait l’organigramme de la hiérarchie. S’ajoutaient ensuite deux nouveaux types d’organisation de l’espace, structurelle et fonctionnelle (DALLEMAGNE, 1990). Les différentes sections de l’édifice des Nouvelles Casernes sont le reflet de ses fonctions militaires évolutives : casernement, armurerie, logis d’officiers, cartoucherie, salle des chaudières, laminoir (ST-LOUIS, 2012). 2.3.2 LANGAGE ARCHITECTURAL La caserne est une architecture de rigueur, de simplicité et de clarté. Chaque caserne avait son langage, mais un caractère commun. Elle fournissait une réponse exacte à un problème précis. Elle répondait à des contraintes techniques spécifiques tout en satisfaisant le besoin des hommes. Elle était sobre, l’ornementation ne cachait pas, mais soulignait. La clarté se retrouvait dans la composition du plan, de l’élévation, l’assemblage des volumes et la hiérarchie des espaces (DALLEMAGNE, 1990).

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CHAPITRE 3 : CONTEXTE POLITIQUE, HISTORIQUE Inhabitées depuis une cinquantaine d’années, les Nouvelles Casernes subissent une dégradation rapide qui sera bientôt irréversible. Le bâtiment est classé Lieu historique national par le gouvernement fédéral depuis 1970 en plus de contribuer au classement de l’arrondissement de la Ville de Québec sur la Liste du

Patrimoine mondial en 1985 (ST-LOUIS, 2012). Le 19 octobre 2012, les Nouvelles Casernes ont été inscrites au Registre du Patrimoine du Québec par le Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition Féminine. Ce premier pas vers la sauvegarde de l’édifice en fait le projet de valorisation le plus important au Québec depuis le projet de la Place Royale dans les années 1960. Un comité d’expert composé de représentants du Ministère de la Culture, du Ministère de la Santé, des propriétaires et de la Ville de Québec, réfléchi actuellement à l’avenir du bâtiment principal appartenant à l’hôpital l’Hôtel-Dieu de Québec (les 7 casernes dans le volume longitudinal). Le bâtiment secondaire (l’ancienne fabrique d’obus) situé au nord, est exclu de la réflexion du comité puisqu’il appartient à Parcs Canada. L’essai (projet) se questionne sur le devenir de ces deux bâtiments ; il les considère comme un ensemble vu leur proximité et leur utilisation connexe avant leur abandon. Les Nouvelles Casernes ont été construites à même les remparts sur un site bordé par la Côte de la Potasse au nord, la côte du Palais à l’est et le parc de l’Artillerie au sud (Figure 3).

Figure 3 : Plan d’implantation sommaire (IMAGE GOOGLE)

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La situation géographique du site des Nouvelles Casernes, sa topographie, son élévation et son escarpement, ont fait de cet endroit en lieu d’observation depuis la fin du 17e siècle. Elles sont implantées dans le parc de l’Artillerie qui offrait une vue sur l’embouchure de la rivière St-Charles, où une armée pouvait assiéger la ville et où des navires pouvaient débarquer. La topographie naturellement accidentée favorisait la défense et l’observation. Déjà en 1690, des palissades en bois (Figure 4) et des murs de maçonnerie avaient été construits au sommet du coteau de la Potasse. Les palissades ont été remplacées en 1697 par des levées de terres (Figure 5) garnies de jeunes arbres plantés à angle pour ralentir la marche des assaillants.

Figure 4 : Une palissade en bois sur le site des Nouvelles Casernes en 1690 (PARCS CANADA).

Figure 5 : Levée de terre et poste d’observation sur le site des Nouvelles Casernes en 1697 (PARCS CANADA).

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Les Nouvelles Casernes, de même que les fortifications, ont été érigées de 1749 à 1952 par l’ingénieur français Gaspard Chaussegros-de-Léry pour loger les troupes françaises en plus de contenir une salle d’armes, une prison et un magasin. Lors de la prise de Québec en 1759, les Britanniques s’y installèrent jusqu’en 1871. Après un incendie en 1816, le commandant en chef du Royal Artillery Regiment s’établit à l’extrémité ouest du bâtiment. À cette époque, les militaires britanniques nommaient le secteur des Nouvelles Casernes l’Artilley Barracks, Yards and Ordnance Stores. Ils construisirent une poudrière de 1806 à 1807, une remise pour les affûts de canon de 1813 à 1815, des entrepôts, des abris, des écuries, des ateliers, des latrines, une station de pompage, le logis des officiers en 1818 et le corps de garde en 1832 (PARCS CANADA). Le corps de garde contenait la porte du Palais (Figure 6), initialement nommée porte St-Nicholas, qui permettait aussi aux soldats de surveiller l’entrée des soldats dans la ville fortifiée par la Côte du Palais. Elle fut détruite en 1878.

Figure 6 : Porte du Palais. À gauche, vue de la ville intra-muros. À droite, vue de la ville extra-muros. (MUSÉE McCORD)

Les bâtiments furent ensuite réaménagés par le gouvernement canadien pour accueillir la première fabrique canadienne de munitions en 1879, début de la vocation industrielle du secteur. Les Nouvelles Casernes accueillirent la fabrique et la redoute Dauphine devint la résidence du surintendant. La

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cartoucherie connut une croissance d’envergure en 1901 et l’ensemble des Nouvelles Casernes se nommait maintenant l’Arsenal du Dominion. L’entreprise construisit une fonderie dans la gorge du bastion St-Jean et un atelier de mécanique dans le champ de parade en 1908, jouant ainsi un rôle prépondérant dans l’effort de guerre du Canada. La compagnie cessa définitivement ses activités en 1964 (PARCS CANADA). Ces évènements ont occasionné des transformations au niveau de la composition, des fonctions et de l’utilisation du bâtiment.

Figure 7 : Les bâtiments sur le site des Nouvelles Casernes en 1810 (Dessins reconstitués, GBM, 2013)

Figure 8 : Les bâtiments en 1852, après l’incendie (Dessins reconstitués, GBM, 2013)

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Figure 9 : Les bâtiments lors de la période industrielle du site, de 1880 à 1964 (Dessins reconstitués, GBM, 2013)

Figure 10 : Les bâtiments présents en 2013 (Dessins reconstitués, GBM, 2013)

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CHAPITRE 4 : LA DÉCOUVERTE DES NOUVELLES CASERNES L’analyse des Nouvelles Casernes se fait en deux temps : l’analyse de l’existant puis l’analyse urbaine. Les visites et l’analyse du bâtiment ont pour but de décortiquer l’ampleur de l’existant pour découvrir ses caractéristiques et ainsi son potentiel d’appropriation sous différents aspects : spatial, structural et tectonique, toujours en se rappelant que la caserne est une architecture de rigueur, de simplicité et de clarté. 4.1 ANALYSE DU BÂTIMENT Les Nouvelles Casernes sont constituées de deux édifices singuliers : les casernes, elles-mêmes le volume horizontal ayant une longueur de 150 m par 12 m de profondeur, et l’ancienne fabrique d’obus, le volume au nord en forme de boomerang construits à même le mur de fortifications. Puisqu’elles sont constuites parallèlement au mur de rempart, les casernes sont infranchissables, constituant une barrière permanente entre la basse-ville et la haute-ville. À première vue, les casernes semblent être un seul bâtiment, mais elles sont en fait une succession de sept casernes (Figure 19), séparées les unes des autres par un mur de refend, selon le modèle de Vauban. Le mur de refend, en plus d’empêcher la propagation du feu, contient la mécanique, un foyer chauffant les chambres l’hiver. Il constitue une structure sur laquelle les escaliers sont appuyés. Comme mentionné précédemment dans les origines de la caserne, la conception des casernes favorisait le logement collectif pour un grand nombre de soldats qui devaient évacuer l’endroit rapidement en cas d’urgence, d’où l’étroitesse de celles-ci. Le mur nord est épais et contient peu d’ouvertures; il était le mur de fortification d’origine. Le mur sud est au contraire plus étroit et largement fenestré pour favoriser la ventilation et l’éclairage naturel.

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Figure 11 : Plan du deuxième étage 1771 (ST-LOUIS, 2012)

Figure 12 : Plan du premier étage 1771 (ST-DENIS, 2012)

Figure 13 : Plan du rez-de-chaussée 1771. (ST-LOUIS, 2012)

Figure 14 : Plan du rez-de-chaussée 1823. (ST-LOUIS, 2012)

Figure 15 : Plan du rez-de-chaussée 2013. (ST-LOUIS, 2012)

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La clarté de la composition spatiale se reflète sur l’élévation sud. Cette façade est rythmée par les murs de refend, les fenêtres et les portes. Les casernes 1, 2, 3 et 4 constituent la partie la plus authentique et conserve la trame et les ouvertures d’origine encore visibles sur l’élévation de 1810 (Figure 17). Le rythme se transforme aux casernes 5 et 6 qui ont été reconstruites plus d’une fois.

Figure 16 : Élévation sud 1771 (ST-LOUIS, 2012)

Figure 17 : Élévation sud 1810 (St-LOUIS, 2012)

Figure 18 : Élévation sud 2013 (St-LOUIS, 2012)

Figure 19 : Matérialité de l’élévation sud 2013 (BOUTHILLIER-MARTEL, 2013)

Figure 20 : Élévation nord 2013 (St-LOUIS, 2012)

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Les élévations servent aussi à constater que les nombreuses transformations, additions et soustractions, que les Nouvelles Casernes ont subies depuis leur construction. Le bâtiment est constamment en évolution, en mouvement, depuis son érection (Figure 18 et Figure 20). Sur les casernes 1 et 5, les toits sont plats, interrompant la succession de toitures à deux versants de l’ensemble. La caserne 3, la caserne centrale, révèle la présence antérieure d’un monte-charge en façade, rendu lisible par la portion remplie de blocs de béton, un moyen rapide, efficace, mais non réfléchi de refermer cette ouverture. Certaines fenêtres ont été élargies, surtout au niveau du rez-de-chaussée, probablement pour faciliter le transport de la marchandise et des équipements lors de la période industrielle. La structure définit les espaces et permet de comprendre l’évolution des Nouvelles Casernes. Les murs épais en maçonnerie (casernes 1,2,3,7) sont plus anciens que les colonnes en acier (casernes 6) et les colonnes de bois (casernes 5). Dans l’ancienne fabrique d’obus, l’espace est délimité par le mur de fortification au nord et une paroi métallique au sud formée de colonnes en acier et de portes de garage en aluminium. Aucune colonne ne nuit à l’espace; les poutres de la toiture ont une portée égale à la largeur du bâtiment.

Figure 21 : Coupe longitudinale 1823 (ST-LOUIS, 2012)

Figure 22 : Coupe longitudinale 1974, seule la cheminée a été détruite depuis (ST-DENIS, 2012)

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La circulation intérieure manque de fluidité et de clarté. Les niveaux de planchers, uniformes dans chaque caserne en 1823 (Figure 22) diffèrent maintenant dans les casernes 3, 4, 5 et 6, empêchant de parcourir facilement les casernes sur leur longueur. Le remblayage des voutes des casernes 5 et 6 brisent la continuité du parcours et isolent le niveau du sous-sol de la caserne 7. La présence d’un toit plat sur la caserne 5 sépare les combles en deux sections, compliquant encore une fois la fluidité du parcours. Le passage entre les casernes et l’ancienne fabrique d’obus permet de comprendre le site d’une manière différente, puisque le passant se trouve constamment entre deux bâtiments distincts qui ne dialoguent pas entre eux. Au sud, les casernes sont inaccessibles par la présence d’un mur aveugle haut et imposant en pierre. Au nord, l’ancienne fabrique d’obus est fermée par des portes de garage opaques (Figure 24). Même s’il est extérieur, ce passage est un espace fermé et confiné, dans lequel aucune percée visuelle ne permet de s’orienter dans la ville. Les recherches ont permis de découvrir qu’un toit a recouvert ce passage à l’époque industrielle des Nouvelles Casernes; celui-ci devenait alors un espace de fabrication et d’entreposage.

Figure 23 : Interstice couvert en 1972 (ST-LOUIS, 2012)

Figure 24 : Interstice entre les casernes, à gauche, et l'ancienne fabrique d'obus, à droite, 2013 (GBM, 2013)

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Les matériaux nous informent aussi sur la nature et la construction des différentes casernes. La section ancienne est composée de pierre non taillée d’une couleur beige pâle, recouverte de chaux (casernes 1, 2, 3 et 4). La section plus récente, la caserne 5, est construite avec du granit taillé d’une couleur gris foncé. La façade de la caserne 6, quant à elle, se rapproche de la période industrielle par l’utilisation de panneaux tympans métalliques et par l’abondance de fenêtres, une sorte de mur rideau avant le temps. Les modifications des toitures sont apparentes, surtout sur celles des casernes 1 et 5 qui ne présentes plus la toiture à deux versants d’origine, mais un toit plat. Des tirants d’acier et un grillage métallique ont été installés sur la façade de la caserne 7 pour éviter que le mur ne s’effondre (Figure 25), effondrement dû à l’enfoncement du mur de maçonnerie dans le sol instable.

Figure 25 : Matérialité de la façade sud (GBM, 2012)

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Chaque caserne détient une ambiance particulière influencée par la lumière provenant seulement de la façade sud puisque les ouvertures de la façade nord ont été obstruées par un remplissage de briques (Figure 26). On retrouve des espaces confinés dans la partie la plus ancienne, des espaces ouverts dans les plus récentes. La caserne 5, par exemple, est ouverte sur toute sa hauteur. La caserne 6 et l’ancienne fabrique d’obus n’ont pas de colonnes (Figure 27), ce qui en font des espaces totalement dégagés.

Figure 26 : Exemple d’une ouverture de la façade nord obstruée avec de la brique (GBM, 2013)

Figure 27 : Espace intérieur dégagé de l’ancienne fabrique d’obus (GBM, 2013)

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En se promenant dans les casernes on découvre une variété de vues donnant sur le champ de parade, la redoute Dauphine, et le parc de l’artillerie par la façade sud (Figure 28) La façade nord offre une vue sur la basse-ville lorsqu’on se trouve au dernier étage des casernes (Figure 29). L’ancienne fabrique d’obus contraste avec la bande des casernes. Avec trois façades, elle offre des percées visuelles sur la basse-ville et les montagnes.

Figure 28 : Vue sur le champ de parade (GBM, 2013)

Figure 29 : Vue sur la basse-ville et les montagnes (GBM, 2013)

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4.2 PREMIÈRES IDÉES CONCEPTUELLES Les premières intentions s’attardent à la perméabilité du site, à l’approche aux Nouvelles Casernes et à l’étude volumétrique d’ajouts possibles. Les fortifications ont été construites pour protéger la ville, mais aussi pour protéger le Palais de l’Intendant situé en contrebas. La première idée est de profiter de la présence des vestiges de l’Ilot des Palais, qui sera éventuellement aménagé en centre d’interprétation, pour amener les visiteurs à franchir les fortifications et à pénétrer dans les Nouvelles Casernes par une entrée judicieusement creusée dans les remparts (Figure 30).

Figure 30 : Entrée en basse-ville liée avec l'Ilot des Palais, critique préliminaire (GBM, 2013)

Cette entrée inusitée, peut-être sujette à controverse, serait l’occasion de déployer une circulation verticale qui conduira jusqu’en haute-ville. Pour ce faire, un parcours architectural sera créé dans les Nouvelles Casernes pour franchir l’infranchissable succession de système défensif, c’est-à-dire le mur de fortifications, l’ancienne fabrique d’obus et les casernes. Les nouveaux volumes s’insèreront sur l’existant, aux endroits où il y a eu le plus de modifications, c’est-à-dire sur les toits plats des casernes 1 et 5, et dans l’interstice entre les casernes et l’ancienne fabrique d’obus (Figure 31). Le volume sur la caserne 1 aura une grande visibilité tant de la basse-ville que de la haute-ville.

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Figure 31 : Les intentions conceptuelles représentées en dessins, critique préliminaire (GBM, 2013)

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L’analyse des potentiels d’intervention pour l’avenir comprend aussi les espaces intérieurs. Ils ont été répertoriés selon leurs dimensions en plan et en hauteur, celles-ci ayant été validées lors des visites du bâtiment. La seconde idée était de créer une circulation intérieure en boucle. L’entrée s’effectuerait par la rue de l’Arsenal et la sortie par le champ de parade. La nouvelle circulation intérieure au niveau du rez-de-chaussée des casernes couvrirait l’interstice pour en faire un hall, le cœur du projet, d’où les visiteurs auraient accès aux différents lieux de mémoire des casernes en franchissant le mur nord, un seuil crucial à établir pour marquer en plusieurs endroits la nouvelle appropriation (Figure 32).

Figure 32 : Analyse du potentiel des espaces existants (GBM, 2013)

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4.3 ANALYSE URBAINE Cette analyse vise à comprendre les raisons pour lesquelles les Nouvelles Casernes sont inhabitées depuis cinquante ans afin de cerner le rôle que la mémoire pourrait jouer à l’avenir dans le nouveau parcours de ce secteur délaissé du Vieux-Québec en participant activement à sa revitalisation.

Figure 33 : Analyse urbaine - Contexte, parcours principaux et délimitation du site d'intervention (GBM, 2013)

La première carte d’analyse urbaine situe les parcours viaires primaires, secondaires et tertiaires près des Nouvelles Casernes (Figure 33). La Côte du Palais, même si elle est l’une des voies principales vers le Vieux-Québec, n’offre aucune possibilité d’arrêt près du bâtiment, seulement une voie de circulation. Les étroites rues de l’Arsenal et Carlton sont les seules à se rendre à proximité des casernes; elles sont principalement utilisées pour desservir le stationnement de l’Hôtel-Dieu.

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Figure 34 : Accès au site, parcours touristique existant le long des fortifications et parcours touristique prolongé (GBM, 2013)

Les accès piétonniers ne sont pas clairement identifiés dans le contexte urbain du secteur. Le trottoir de la Côte du Palais, étroit et trop près d’une circulation souvent très achalandée, nuit à la promenade et au rassemblement impromptu des visiteurs; il n’est qu’un lieu de rapide transit. Aucune entrée ne se trouve sur la Côte de la Potasse. Les fortifications étant une barrière impénétrable entre la basse-ville et la haute-ville (Figure 34).

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Pendant le processus de création, deux possibilités non retenues pour l’entrée dans les Nouvelles Casernes ont été développées. La première option proposait une entrée par la porte cochère de la caserne 5 puisqu’elle est située dans l’axe de la rue Carlton (Figure 35). Comme il a été mentionné précédemment, cette rue n’est qu’une voie de service permettant aux voitures d’accéder au stationnement de l’hôtel-Dieu. De plus, positionner l’entrée à cet endroit n’améliorait pas sa visibilité sur la Côte du Palais. La deuxième option plaçait l’entrée principale dans la caserne 3, au centre des casernes, au cœur de l’ilot et au milieu de la fabrique d’obus (Figure 36). Elle facilitait certes la fluidité du parcours fonctionnel à l’intérieur des Nouvelles Casernes, mais conservait le même point faible d’être absente d’un parcours architectural de qualité clair et invitant.

Figure 35 : Option 1 - entrée par la caserne 5 (GBM, 2013)

Figure 36 : Option 2 - entrée par la caserne 3 (GBM, 2013)

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Une troisième option s’est donc imposée en continuité du Parc de l’artillerie, tout près de la porte St-Jean (Figure 37). Cet accès urbain connu amène présentement les visiteurs à admirer la redoute Dauphine. Lorsque le visiteur entre dans le Parc, il aperçoit immédiatement l’ensemble des casernes, la caserne 1 en premier plan et le paysage de la ville et des montagnes en arrière-plan (Figure 38). En ce moment, le parcours le long des murs de fortifications s’estompe dans le Parc de l’Artillerie pour deux raisons. Le champ de parade est occupé par un stationnement gênant l’accès vers les Nouvelles Casernes. De plus, le passage entre les casernes et la fabrique d’obus n’est pas habité, peu invitant et donc non sécuritaire. Les gens rebroussent chemin et remontent dans le Parc pour en sortir.

Figure 37 : Vue du Parc de l'artillerie (au centre) de la rue St-Jean, près de la porte St-Jean (GBM, 2013)

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Figure 38 : De l'entrée du Parc de l'artillerie, on aperçoit la caserne 1 (GBM, 2013)

La troisième option a été retenue pour le développement final du projet. Les analyses permettent de constater que les Nouvelles Casernes, malgré leur grand potentiel de développement, doivent avant tout participer à la vie urbaine du quartier en améliorant les parcours piétonniers du secteur. En les inscrivant dans le parcours des fortifications du Vieux-Québec, elles peuvent alors profiter d’une présence existante et constante de visiteurs qui emprunteront le nouveau parcours reliant la haute-ville à la basse-ville.

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CHAPITRE 5 : LE PROJET D’ARCHITECTURE Le projet d’architecture utilisera donc la mémoire intrinsèque, celle qu’on peut lire dans le lieu in situ, des Nouvelles Casernes découverte et comprises par les analyses afin de guider l’intervention contemporaine sur le patrimoine militaire. La mise en valeur vise à faire découvrir l’histoire de ce patrimoine militaire en intervenant sur le bâtiment existant pour mettre en narration les changements qu’il a subis par le parcours, la composition spatiale et la structure. « Les fortifications sont non seulement des espaces à voir mais, surtout, des lieux à découvrir, des chemins à parcourir, des espaces à vivre » (Étienne Poncelet dans Actes des colloques de la Direction du patrimoine, 1995; 66). Le parcours se matérialise par la valorisation des matériaux et des espaces existants, par exemple en conservant et en renforçant les axes visuels déjà présents entre chaque caserne. Il est bonifié par l’ajout d’éléments architecturaux qui accentuent les qualités de ces espaces, soient en accentuant la verticalité, l’étroitesse ou encore la lumière des différentes casernes. Comme il a été mentionné dans l’analyse urbaine, le Parc de l’Artillerie est le seul endroit qui offre une vue splendide et imprenable sur la caserne 1, puis sur l’ensemble des casernes. Chacune des trois options d’entrée correspond à une caserne particulière, soit au milieu, à l’extrémité est et à l’extrémité ouest de la fabrique d’obus. Si l’extrémité est s’aligne avec la rue St-Nicholas en basse-ville, l’extrémité ouest prolonge en quelque sorte le Parc de l’artillerie et traverse le champ de parade en direction, encore virtuelle, du Palais de l’Intendant. L’entrée du centre d’architecture sera donc, contre toute attente, à l’extrémité ouest de l’enfilade des casernes. Ce centre a pour but de promouvoir, diffuser et enseigner le savoir architectural contemporain au Québec (Figure 39).

Figure 39 : Entrée dans la caserne 1 visible du Parc de l'Artillerie (GBM, 2013)

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Pour faire connaitre les Nouvelles Casernes, il faut créer un parcours urbain ayant un point de départ et un point d’arrivée au cœur duquel elles seront d’abord un lieu de passage qui deviendra un lieu de destination. Le parcours proposé relie donc la Gare du Palais et la Place d’Youville, en passant par l’ilot des Palais qui sera aménagé dans les prochaines années (Figure 40).

Figure 40 : Analyse urbaine - Le nouveau parcours relie la Gare du Palais à la Place d'Youville, en passant par les Nouvelles Casernes (GBM, 2013)

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Une tranche verticale franche dans la façade, de la largeur d’une travée structurale entre deux murs de refend, est effectuée perpendiculairement dans la caserne 1 brisant ainsi l’horizontalité des Nouvelles Casernes. Cette tranche est l’entrée principale, tant en haute-ville qu’en basse-ville (Figure 41). Un nouveau mur de béton est construit parallèlement au mur de refend pour solidifier la caserne évidée à cet endroit. Comme les murs de refend d’origine, le mur de béton soutient et contient l’escalier liant la basse-ville à la haute-ville ainsi que les différents étages des casernes, offrant des vues imprenables sur la ville de Québec (Figure 41).

Figure 41 : Coupe de la tranche vers l’est (GBM, 2013)

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En basse-ville, l’entrée est directement liée à l’Ilot des Palais. Une nouvelle paroi de béton coulée le long de la Côte de la Potasse solidifie les remparts en dégradation au bas des fortifications. Cette paroi accompagne le visiteur dans la tranche. Celui-ci sent alors qu’il entre dans les profondeurs du bâtiment (Figure 42).

Figure 42 : Entrée en basse-ville (GBM, 2013)

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L’entrée en basse-ville est le lieu d’accueil pour les gens provenant de l’Ilot des Palais (Figure 42) avec son poste d’information, son vestiaire et ses services. Les volumes ajoutés sur l’existant sont recouverts d’acier corten. Ce matériau descend dans l’entrée en basse-ville, créant ainsi une anticipation de ce qui se passera en haut de la tranche (Figure 43).

Figure 43 : À gauche : l'accueil en basse-ville. À droite : l'ascension. (GBM, 2013)

Le belvédère qui agit comme marquise de l’entrée en basse-ville accentue l’expérience du vide en se projetant vers l’Ilot des Palais (Figure 44).

Figure 44 : Belvédère (GBM, 2013)

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En haute-ville, le mur de béton vertical indique toujours l’entrée qui mène à l’atrium, l’interstice couvert, l’espace central du projet. De cet espace, on accède à la section grande exposition et l’amphithéâtre. Celui-ci dispose de bancs rétractables permettant de libérer l’espace en presque totalité. Un mur pivotant entre l’exposition et l’amphithéâtre permet la projection et l’affichage. L’espace d’exposition peut même servir de bar et de foyer pour l’amphithéâtre. L’interstice couvert mène aussi à l’intérieur des casernes par des ouvertures pratiquées dans le mur nord. Un deuxième escalier, dans la caserne 5, assure une boucle dans le parcours intérieur des salles d’expositions et des salles d’ateliers (Figure 45).

Figure 45 : À gauche, l’interstice couvert. À droite, la coupe de l'escalier dans la caserne 5. (GBM, 2013)

Figure 46 : Restaurant dans la caserne 1 (GBM, 2013)

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L’intervention architecturale la plus visible est concentrée principalement sur le volume ajouté à la caserne 1. Il accueille un restaurant pourvu d’une terrasse offrant une vue sur le nord de la ville et les montagnes (Figure 46). Ce point d’intérêt inusité favorisera l’achalandage des Nouvelles Casernes. Deux autres interventions sont effectuées ailleurs sur les casernes. La première consiste à redonner une toiture à deux versants à la caserne 5, recréant la continuité volumétrique initiale des casernes, et un point d’observation sur la façade nord. La deuxième est l’ajout d’une fenêtre en chien assis à la caserne 3 qui offre une vue différente sur l’ensemble du projet facilitant ainsi la compréhension des espaces et l’orientation dans le centre d’architecture (Figure 47).

Figure 47 : À gauche, la nouvelle toiture à deux versants de la caserne 5. À droite, la nouvelle lucarne en chien assis de la caserne 3. (GBM, 2013)

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La succession d’ouvertures intérieures entre chaque caserne est conservée pour maintenir une percée visuelle dans les casernes. Elles sont solidifiées dans l’embrasure à l’aide de nouveau cadre d’acier, contenant des portes pouvant moduler les espaces (Figure 48). La caserne 5 est une entrée secondaire, pour les groupes. La rue de l’Arsenal, maintenant pavée et invitante pour les piétons de la côte du Palais, est l’endroit idéal pour l’arrivée des autobus scolaires et le débarquement des enfants en sécurité (Figure 49). Les fonctions essentielles sont situées en retrait du centre d’architecture; l’administration dans la caserne 7 et le débarcadère/entrepôt dans le magasin sur la rue Carleton. Un lieu souterrain relie ce dernier au sous-sol des casernes, permettant la construction d’une salle mécanique dissimulée. Les volumes ajoutés sont composés d’acier corten percé, un matériau léger reprenant la matérialité métallique des toitures. Les percements créent une ambiance évoluant selon la course du soleil; lorsque la lumière pénètre les percements, la texture évolue et habite l’intérieur.

Figure 48 : Cadre en acier corten avec porte intégrée pour moduler les espaces (GBM, 2013)

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Figure 49 : Entrée des groupes, rue de l’Arsenal (GBM, 2013)

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CONCLUSION En conclusion, l’essai (projet) a pour but d’établir un dialogue entre l’individu et le lieu de mémoire, les Nouvelles Casernes, par un projet axé sur la narration de cette mémoire bâtie. La réflexion se limite aux relations entre la mémoire collective québécoise, le lieu de mémoire des casernes et la manière de la diffuser dans le projet de requalification des Nouvelles Casernes. La prise de position face au patrimoine est d’intervenir sans se limiter aux modifications déjà apportées à l’existant : le principal objectif est de redonner cet édifice militaire à la population. En ce sens, requalifier le bâtiment en un Centre d’architecture contemporaine pour la ville de Québec est un excellent moyen d’intéresser la société aux enjeux actuels qui se posent face au patrimoine bâti. Le projet serait un exemple de tout le potentiel actuellement inutilisé que possèdent les bâtiments existants. Riches en histoire et en mémoire, ils façonnent notre culture, notre identité, nos valeurs. Si la communauté s’intéresse à ce type de réflexion, peut-être sera-t-il plus facile de transformer le patrimoine, au lieu de le détruire. La recherche création s’est surtout attardée au rôle que pourraient jouer les Nouvelles Casernes dans la ville. Le développement des trois options de parcours a permis de cerner les enjeux urbains, les points forts et les points faibles du site pour établir le meilleur accès au site. Une solution peu intuitive s’est démarquée des autres, soit l’accès par le Parc de l’artillerie et la caserne 1. À partir de ce moment, le projet s’est développé plus facilement. Le parcours était alors finalement établi permettant de développé la portion majeure du projet, la tranche verticale reliant la haute-ville à la basse-ville. La critique finale a fait ressortir plusieurs points faibles du projet qui aurait mérité d’être travaillés plus en profondeur. L’absence du contexte sur les dessins, comme par exemple l’absence de la matérialité existante sur les élévations, nuit à la compréhension du contexte et met en doute le choix de la matérialité des interventions. Le projet, s’il devait être poursuivi, devrait s’attaquer plus en profondeur à l’arrimage des ajouts sur le patrimoine, en développant des détails tectoniques, c’est-à-dire en proposant divers assemblages de matériaux. Le nouveau parcours entre la basse-ville et la haute-ville, ainsi que le Centre d’architecture, devraient être bonifiés en explorant l’aménagement du champ de bataille, un projet unique en soi, et la consolidation de la promenade le long des fortifications. La proposition est claire, cohérente et inattendue

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Le patrimoine militaire démontre le savoir-faire des sociétés et leur innovation en terme de défense et d’artillerie. Il démontre aussi l’approche à l’architecture des ingénieurs et des architectes de l’époque, rigueur, simplicité et clarté. Ces trois mots guideront certainement mon approche au patrimoine dans les prochaines années.

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STAIGER, Uta, STEINER, Henriette and WEBBER, Andrew (2009) Memory culture and the contemporary

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canada.ca/regions/Quebec/2012/10/19/007-nouvelles_casernes-biens-culturels.shtml] (consulté le 22 décembre 2012).

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PARCS CANADA, Lieu historique national du Fort-Chambly, [http://www.pc.gc.ca/fra/lhn-

nhs/qc/fortchambly/index.aspx] [consulté le 10 mars 2013). PARCS CANADA, Lieu historique national des Fortifications-de-Québec, [http://www.pc.gc.ca/fra/lhn-nhs/qc/fortifications/natcul/faq.aspx] (consulté le 27 janvier 2013). ARQ : revue d’architecture, Paul Faucher : le Fort-Chambly, Montréal : ARQ Magazine Ltée, Février 2013.

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ANNEXE 1 Précédent : La restauration de Castelgrande, Aurelio Galfetti architecte

Castelgrande est une restauration d’architecte, où l’on accorde autant d’importance à l’espace et au passé. Le concept de l’architecte est d’abord de créer un parc dans les fortifications, un parcours puis des espaces. « C’est en transformation le passé qu’on le respecte; en le « conservant », on le falsifie toujours » (Aurelio Galfetti dans Actes des colloques de la Direction du patrimoine, 1995; 112).

Figure 50 : Gauche : Entrée de Castelgrande. Droite : Détail d’un garde-corps

Galfetti ne voulait pas restaurer les fortifications et ses bâtiments dans une optique de conservation et de restauration en suivant les règlements ni les désirs des historiens. Il souhaitait encore moins entrer un programme fonctionnel et technique dans un bâtiment patrimonial militaire.

Figure 51 : Gauche : Le parcours dans le parc. Droite : Une seconde entrée.

« L’architecte […] s’il veut atteindre son but, ne doit pas perdre son temps à savoir si c’est le nouveau qui doit se soumettre à l’ancien, ou le contraire, si c’est l’ancien qui doit accepter le nouveau, si l’intervention doit être mimétisée ou affirmée, si le passé est plus important que le présent…Il doit faire un projet d’espaces et la qualité architecturale des espaces [un projet pour les espaces nouveaux] sera le seul critère pour évaluer la qualité et l’opportunité de l’intervention » (Aurelio Galfetti dans Actes des colloques de la Direction du patrimoine, 1995; 111). Ce précédent est un exemple d’une restauration d’un bâtiment patrimonial respectueux de l’existant tout en osant intervenir de façon contemporaine afin de créer, comme le dit l’architecte, des espaces de qualité.

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ANNEXE 2 Précédent : Il forte de Fortezza, Markus Scherer et Walter dielt architectes

La forteresse militaire de la ville de Fortezza (initialement Franzensfeste) est un monument historique occupant une place importante dans la vie culturelle de la ville. En 2009, elle est transformée en musée. Les architectes ont préservé les bâtiments existants et restauré la structure existante. Leur travail se concentre sur la mise en valeur de des caractères distinctifs de l’architecture originale en limitant les interventions contemporaines. Afin de réaliser cette mission, les ajouts architecturaux se composent d’acier et de béton, matériaux contrastant avec la pierre de l’existant. La lecture du passé permet de retrouver l’esprit du lieu lors de la promenade dans le musée. L’alternance entre l’ancien et le nouveau accentue le passage entre différentes époques (Figure 52).

Figure 52 : Distinction entre le nouveau et l’existant.

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ANNEXE 3 PRÉCÉDENT : Reconversion du fort St-Jean de Lyon, Pierre Vurpas et Associés

Le fort St-Jean de Lyon a été reconverti pour accueillir l’école du Trésor. Les architectes voulaient restituer le caractère historique du site. Pour ce faire, ils ont inséré un restaurant et une terrasse suspendus au-dessus de la falaise dans la partie sud-ouest du fort. Ce restaurant offre la première percée visuelle de l’intérieur du site sur la ville de Lyon. Le programme s’organise autour de la cour. Il comprend un amphithéâtre, une bibliothèque, l’administration, un restaurant et des salles de cour. Une attention particulière est accordée à la tectonique, les nouveaux matériaux, béton brut teinté, pavés calcaires éclatés et bois, se font discrets (Figure 53).

Figure 53 : Insertion de l’ajout dans le paysage existant du fort. Un geste simple et efficace.

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ANNEXE 4 Planches de présentation de la critique finale

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Caserne 1Toit platPierre + crépiTrame intérieure apparenteOuvertures constantes2 niveaux

Caserne 2Toit en pente + lucarnesPierre + crépiTrame intérieure apparenteOuvertures (presque) constantes3 niveaux

Caserne 3Toit en pente + lucarnesPierre + crépiBloc de béton3 niveaux

Caserne 4Toit en pente + lucarnesPierre + crépiOuvertures constantes3 niveaux

Caserne 5Toit platPierreAccès à l’espace extérieur derrière2 niveaux

Caserne 6Toit en pente condamné + lucarnesAluminiumGrandes ouvertures2 niveaux

Caserne 7Toit en pente condamné + lucarnesPierreOuvertures constantes2 niveaux

Gare du Palais

[Futur] Ilot des Palais

Nouvelles Casernes

Hôtel-Dieu

Place d’Youville

Porte St-Jean

Élévation sud | 1810Ouverture régulière et constante. La porte St-Nicholas ou du Palais et le poste de garde à droite à proximité des casernes.

La rue de l’Arsenal est transformée pour attirer les piétons vers le champ de parade, et l’entrée du centre d’architecture. L’entrée des groupes se fait par la porte à gauche, les autobus pouvant déposer les étudiants (caserne 5)

d’architecture (caserne 1).

L’entrée de la Basse-VIlle, en lien avec le futur ilot des Palais. Une fente ouvre les casernes perpendiculairement, laissant découvrir la massivité de la construction, la brutalité des matériaux et l’envergure de la défense (caserne 1).

Rez-de-chaussée | 1771

Rez-de-chaussée | 1823

Rez-de-chaussée | 2013

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1_Accueil2_Atrium3_Café / librairie4_Grande salle multifonctionnelle / exposition5_Amphithéâtre rétractable6_Petite salle d’exposition7_Entrée des groupes8_Grande salle d’exposition9_Administration10_Champ de parade11_Belvédère12_Rangement13_Entrepôt14_Débarcadère15_Atelier16_Bibliothèque17_Restaurant : Caserne no 118_Mécanique

Rez-de-chaussée1:200

Étage 11:200

Étage 21:200

Entrepôt et salle mécanique | sous-sol 11:200

Entrée en Basse-Ville | sous-sol 21:200 cadre d’acier corten.

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Élévation nord.

Élévation sud.Trois ajouts en acier corten rythment la façade.

La toiture plate est remplacée par une toiture à double pente.Une lucarne en chien assis offre une vue sur l’interstice des casernes.

Cette lucarne, dans la caserne 3, amène une lumière constante du nord tout au long de la journée.

Le nouveau mur de refend en béton contient l’escalier qui relie la Basse-Ville à la Haute-Ville.

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