Nouvelle 22 Corrigé

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De l'Heptameron

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Nouvelle 22 L'HeptamronMarguerite de Navarre23.11.2006

I. Introduction1. Donnes sur l'uvre et le texte2. Contexte historique3. ProblmatiqueII. DveloppementA)Une narration ambivalente1. la recherche de la nouveauta) Le caractre rcent et inou de la nouvelleb) Une nouveaut fortement contraste2. La brivet au service du lecteura) Une ralitb) Une illusion3. Le souci de l'authenticita) comme rgle de jeu au sein de la nouvelleb) chez les personnagesB) L'ambigut du genre1. Le comiquea) de caractre et la satireb) comme divertissement2. La psychologiea) Dans l'optique des personnagesb) Une volution du personnagec) La ruse et la malveillance3. Le conte noira) Le bien et le malb) Des moments fortsC) Une vision contraste de la religion1. La religion traite avec lgreta) Le dtournement du vocabulaire religieuxb) Les situations burlesques2. Un pamphlet contre la religiona) Le prieur comme emblme d'une religion dcadenteb) La dvotion aveugle des croyants3. Les thmes de la rformea) De l'importance de la pitb) Prsence de la Grce divineIII. Conclusion----------------------------------------------------------------------------------

-IntroductionL'Heptamron est un recueil de nouvelles de Marguerite de Navarre. Elle est la sur du roi Franois 1eret elle fit de la cour de Navarre un haut lieu de la culture et de l'humanisme, accueillant quelques-uns des plus beaux esprits du temps. De 1540 jusqu' sa mort (en 1549), Marguerite de Navarre rdige ce qui deviendra l'Heptamron, un ensemble de nouvelles (appeles contes l'poque) inachev, publi une premire fois en 1558 sous le titreHistoires des amans fortunez, puis en 1559 dans une dition plus complte et moins arbitraire, intituleHeptamron des nouvelles de la reine de Navarre.Ce recueil d'environ soixante-douze histoires, semblables dans leur structure auDcamronde Boccace, permet de montrer quel point les rvolutions techniques mais aussi philosophiques se rpercutent dans la littrature. Les personnages comme Copernic ou bien encore Baldassare de Castiglione bousculent toute une tradition moyengeuse. Les ambivalences ainsi que les conflits fusionnent de sorte que l'uvre reflte l'esprit rel de cette socit. L'ambigut de l'poque engendre au niveau de la religion un questionnement dont les manifestations sont multiples tant au niveau de la narration, des genres, de la prise de position.A. Une narration ambivalente1. la recherche de la nouveauta) Le caractre rcent et inou de la nouvelleDevenue un vritabletoposchez les conteurs de la Renaissance, l'affirmation du caractre rcent des vnements raconts est rcurrente dans l'Heptamron: les devisants voquent des personnages qu'ils ont connus, mais que la plupart du temps ils ne nomment pas: ainsi ds le dbut du rcit de la 22enouvelle, Geburon dit qu'il y avait un prieur de Saint-Martin-des-Champs, duquel je tairai le nom pour l'amiti que je lui ai porte. En effet il s'agit ici de l'histoire secrte d'Etienne Gentil, prieur de Saint-Martin-des-Champs de 1508 1536, que Marguerite de Navarre va nous conter. Celui-ci fut en effet charg en 1524 de rformer une abbaye du diocse de Soissons; il avait, l'anne prcdente, form une association de prires avec les religieuses de l'abbaye de Jouarre. De nombreux dtails stylistiques tels qu'une grande prcision descriptive et un amas de dtails dans la progression du rcit soulignent l'effet de vracit mais aussi d'originalit:Et ne se faisait rformation de religion qui ne ft faite par sa main, car on le nommait le pre de vraie religion. Il ft lu visiteur de la grande religion des dames de Fontevrault, desquelles il tait tant craint que, quand il venait en quelqu'un de leurs monastres, toutes les religieuses tremblaient de la crainte qu'elles avaient de lui.Nous constatons bien que le complment du nom Fontevrault ainsi que les lments biographiques renforcent le caractre inou et rcent de la nouvelle. En outre les dialogues sont trs ralistes, tant donn que le style et le vocabulaire sont trs vivants:Madame fiez-vous une autre fois en vos hypocrites! J'ai mise ma fille dans les faubourgs de l'enfer, entre les mains des pires diables qui puissent y tre.Bien que les exclamations abondent, il ne faut pas se laisser prendre au jeu. Etant donn que l'auteur n'hsite pas grossir certains vnements qui contrastent fortement avec le caractre rcent et vridique de la nouvelle.b) Une nouveaut fortement contrasteDe nombreux passages, bien que parfaitement agencs dans le rcit, semblent pour le moins excessifs. Nous savons que ce procd a pour but de captiver le lecteur mais il nous permet aussi de douter de la crdibilit de certains extraits. Notons ainsi la prsence d'un jeune religieux dans la salle, lorsque le prtre tente de violer sur Marie Hrot:Mais oyant la voix de sa nice, poussa la porte que le jeune moine tenait.Il est difficilement concevable qu'un religieux ne porte pas assistance une sur lorsqu'un prtre tente de la violer. Ce sicle, o les bonnes murs, l'apparence et la rputation primaient avant tout, nous empche de croire entirement aux vnements relats. En outre, il est que pniblement envisageable qu'un prieur puisse faire muter une abbesse, tant la tante de son lue, dans un autre couvent afin de juste pouvoir forniquer avec elle:Et comme celui qui tait le souverain rformateur, lui donna entendre que l'abbesse dudit Mont d'Olivet n'est pas assez suffisante pour gouverner ne telle communaut, la bonne dame pria de lui en donner une autre qui ft digne de cet office. Et lui, qui ne demandait autre chose, lui conseilla de prendre l'abbesse de Gif pour la plus suffisante qui ft en France.2 La brivet au service du lecteura) une ralitToutefois le seul trait que retiendra dans son volution le genre de la nouvelle aux dpens de la notion tymologique de nouveaut est celui de la brivet. Aux origines de la nouvelle, la brivet est une ncessit sociologique, une manire de soutenir l'attention du public, d'veiller son intrt et de ne pas lui dplaire. Marguerite de Navarre russit atteindre ce but lorsqu'elle nous relate les ractions des personnages aprs la premire tentative de viol de la part du prieur sur la pauvre Marie Heroet: Et, quant le prieur vit venir l'abbesse, en luy montrant sa nice vanouie, lui dit: Sans faute notre mre, vous avez grand tort que vous ne m'avez dit les conditions de sur Marie; car, ignorant sa dbilit, je l'ay fait tenir debout devant moi, et, en la chapitrant, s'est vanouie comme vous voyez. () Ainsi s'en alla ce mauvais pasteur.(page 179)En effet la multitude d'actions et la rapidit d'excution se fait ressentir par la frquente utilisation de la conjonction et Dans ces quelques lignes, ce mme mot est utilis 7 reprises, ce qui permet l'auteur d'enchaner rapidement les actes des diffrents protagonistes; le lecteur obtient peine le temps de reprendre sa respiration que dj une action capitale pour le rcit apparat sous ses yeux, ce qui le fait tenir en haleine.b) Une illusionNanmoins ce dsir de brivet de cette nouvelle 22 doit tre fortement nuanc. En effet cette nouvelle s'inscrit dans la ligne des plus longues dans l'Heptamron; ainsi on est oblig de la prendre part dans le soucis qu'avait Marguerite de Navarre d'installer la brivet comme critre prdominant dans son uvre. A cause de la longueur de la nouvelle, le souci d'accaparer l'attention du lecteur devient beaucoup plus difficile raliser. De plus le fait mme d'enchaner les actions des diffrents personnages devient lassant pour le lecteur; il n'arrive plus assimiler toutes les donnes de cette nouvelle; mme si les actions sont brves, la grande quantit d'informations ainsi que l'enchanement des diffrentes tentatives du prieur de sduire sur Herot fait que l'attention du lecteur est diminu, il n'y se retrouve plus. En d'autres termes la longueur de la nouvelle ainsi que l'amont des actions de la part des personnages entrane que cette nouvelle 22 devienne une nouvelle fastidieuse, ce qui contraste avec le but premier que Marguerite de Navarre donne la brivet, c'est--dire susciter l'intrt du lecteur.3. Le souci de l'authenticita) comme rgle de jeu l'intrieur de la nouvelleCependant, dans l'Heptamron,l'obligation de rduire le temps de parole n'est pas la seule contrainte formule par la reine; en effet l'authenticit des rcits est un lment essentiel de la rgle du jeu auquel se prtent les devisants; la connaissance des faits peut reposer sur des lments concrets: ainsi au dbut de la nouvelle 22, Geburon prcise qu'iltairay le nom pour l'amity que je luu ay porte, et Oisille, la fin de la nouvelle, en annonant la suivante, indique qu'elle est voisine du pas o de mon temps elle est advenue. Ceci traduit bien le souci de ralisme de la part de Marguerite de Navarre; en omettant le nom du pays ainsi que le vrai nom de son ami, elle russit davantage accrocher le lecteur et lui transmettre le souci de vracit qu'elle recherche dans cette nouvelle.Garante de l'authenticit est plus frquemment l'insistance du relais de la nouvelle par des amis ou des connaissances: les vnements ont t entendus plutt qu'ils n'ont t vus. Ainsi Geburon, la fin de la 21enouvelle, dclare en prsentant notre nouvelle: entendez ce qui advint du temps du Roy Franoys premier. A tout moment donc les devisants rappellent le prcepte de vrit auquel ils doivent obir: c'est ainsi qu' Oisille se charge de ce rappel lorsque ce dernier, dans cette 22enouvelle, raconte que Nous avons tant jur de dire la verit.b) chez les personnagesD'autre part l'affirmation que l'histoire raconte est trs vridique revient comme un refrain tout au long de l'Heptamron; seuls peuvent tre dguiss les noms, les lieux et les pays; de ce fait le vritable nom du prieur est volontairement jet aux oubliettes, mme si son existence fut relle comme vu prcdemment. Mais cet anonymat n'empche pas les devisants de reconnatre certains protagonistes, prouvant par l l'authenticit de ce qui vient d'tre dit. Je citerai les noms de Marie Heroet, la protagoniste principale de cette nouvelle, qui fut la sur d'Antoine Heroet, dit la Maisonneuve, mort vque de Digne en 1554, pote bien connu de Marguerite, ou encore Madame de Vendme, aussi appele Marie de Luxembourg, comtesse de Marle et de Soissons, qui avait pous en 1487 Franois de Bourbon, comte de Vendme. Aprs la mort en 1485 de ce dernier, la comtesse se retira dans son chteau de La Fre o elle fonda, en 1518, un monastre de Bndictines, le Calvaire. N'oublions surtout pas que Marguerite se nomme elle-mme dans cette nouvelle, lorsque Geburon nous raconte que la mre de la malheureuse religieuse vint Paris, o elle trouva la Royne de Navarre, pour lui faire part du triste sort de la religieuse injustement punie. Ce tmoigne d'elle-mme finit de souligner le fait que la reine a mis en scne des personnages qu'elle connaissait parfaitement et de ce fait a galement narr des aventures qui lui avaient t rapportes personnellement.TransitionMalgr cette persistance nous relater des noms authentiques qui le lecteur puisse se rattacher, nous n'avons aucune preuve de l'exactitude de ce rcit; au mieux la ncessit de divertir le lecteur entrane ce que les faits vridiques soient exagrs ou grossies. Ainsi le narrateur est d'autant plus captiv par la narration facettes multiples; par consquence ce polymorphisme reflte une mentalit ambigu et multiple, ce qui est emblmatique de l'poque. Ce trait du XVIe sicle est aussi retranscrit par Marguerite de Navarre dans le traitement du genre, y compris dans le comique.Le comiqueQui dit pourtant recherche du rire du spectateur, ne dit pas pure et simple lgret divertissante et fuite hors de la ralit. Tout au contraire, la comdie est un genre ancr dans la ralit. L'auteur tient ainsi souligner l'ambigut existante entre la dimension comique superficielle et l'aspect moral profond empreint dans le texte.a) de caractre et la satireLa satire a pour but de dpeindre les vices et les travers d'une socit ou d'un personnage. Afin de marquer le rcepteur, Margueritte de Navarre n'hsite pas provoquer le sourire. Au contraire nous sommes face un comique de caractre. Le destinataire est pris d'un sentiment factieux d au caractre pitoyable de la scne, car maintes rptitions le prieur, en faisant utilit de la ruse, tente d'arriver sa fin avec Marie Hrot:Quand il se trouva seul avec sur Marie, [il] commena lui lever le voile et lui commander qu'elle le regardt. Elle lui rpondit que la rgle lui dfendait de regarder les hommes. C'est bien dit, ma fille, lui dit-il, mais il ne faut pas que vous estimiez qu'entre nous religieux soyons hommes.Parquoi sur Marie, le regarda au visage [] Le beau pre, aprs lui avoir dit plusieurs propos de la grande amiti qu'il lui portait, lui voulut mettre la main au ttin.On voit bien la stratgie du prieur qui d'abord flatte sa victime afin de s'en prendre elle. Ce spectacle est trs pitoyable pour un lecteur du XVIe comme du XXIe sicle, d'o ce rire jaune. Ce genre de comique a pour but de dnoncer les dfauts des hommes : l'gosme, la vanit, l'hypocrisie et l'avarice.Le sentiment est d'autant plus renforc lorsque le pre rajoute d'autres arguments ridicules tels qu'une maladie que tous les mdecins trouvent incurable ou bien encore Faut-il qu'une religieuse sache qu'elle ait des ttins?.En effet, le lecteur est invit rflchir et juger le comportement des diffrents protagonistes. En fait ce sont les tentatives bouffonnes, ayant pour but de sduire cette religieuse, qui suscitent le sourire auprs du lecteur.S'il ne s'agit pas de comique pur, existerait-il un autre objectif? Nul doute que l'crivain veuille tout pris viter l'ennui et capter l'intrt du lecteur ds le dbut jusqu' la fin. Ainsi certains critiques sont tents de parler de divertissement.b) comme divertissement?Selon Nicole Cazauran on peut qualifier certains passages de cette nouvelle de divertissement, dans la mesure o ils ne se nouent pas sur une ou plusieurs pripties propres susciter soudainement le rire, mais qu'ils visent sduire l'attention, par un lent dveloppement, piquer la curiosit par le choix des dtails, plaire surtout par l'agrment du rcit. Cette nouvelle est donc base en partie sur le divertissement qui s'tablit sur le plaisir de suivre une intrigue complexe et charge de matire comique. Ainsi la faon dont Margueritte de Navarre allie la laideur du prieur la substance du rcit cre un lent dnouement qui captive le rcepteur jusqu' la fin. Cette thmatique de la hideur physique et morale du prtre, faisant obstacle la conqute de sur Marie Hrot, revient maintes reprises dans cette nouvelle:Et d'autre part [il] se voyait si laid et si vieux qu'il dlibra de ne lui en parler point, mais de chercher la gagner pas la crainteou bien encore: En pensant que ma vieillesse et laideur lui faisaient tenir propos si vertueux, j'ai command mon jeune religieux de lui en tenir des semblables, quoi vous voyez qu'elle a vertueusement rsiste.Au XVIe sicle nous devons faire face aux influences rvolutionnaires qui dmentent souvent les traditions moyengeuses dominantes jusque l. Ainsi en littrature on ne manque pas de raviver d'anciens mouvements littraires en ajoutant des atmosphres distinctes dans les rcits. Dans cette nouvelle on peut ct de l'aspect satirique et comique, souligner l'importance psychologique du protagoniste.La psychologieA cette poque charnire entre la renaissance et le Moyen-ge, nous assistons de nombreuses querelles qui opposent par exemple le gocentrisme qui est une conception du monde et de l'univers plaant la Terre immobile, en son centre, l'hliocentrisme qui au contraire place le Soleil en son centre. Ce sont deux penses philosophiques diffrentes, l'une prnant l'individualisme et que l'autre renvoyant plutt la collectivit. Le XVIe sicle est propice aux changements ainsi il fait automatiquement foi d'ambivalence. C'est cette incertitude que Marguerite de Navarre met en scne, car malgr le fait que de nouvelles thories mergent, l'gocentrique prieur reprsente ici l'ancien modle gocentrique. Afin de mieux saisir la dimension psychologique de ce dernier, nous devons tout d'abord analyser la faon dont Margueritte prsente la nouvelle.a) Dans l'optique des personnagesIl se peut que parfois le lecteur voie exactement ce qu'aperoit un personnage. Selon Nicole Cazauran l'image dpend du regard qu'un personnage attache volontairement sur ce qui peut veiller ou nourrir la violence de son dsir. Pas de portrait pourtant, mais, entre ce qui est dit et ce qui est tu, entre l'ombre et la lumire, entre l'acuit du dtail et l'absence de vue globale, un trs subtil accord, tel qu'il suffit crer l'image dans sa plus singulire intensit. En effet aucun portrait de sur Marie n'est fait, mais par un effet de perspective, par une stylisation fort bien trouve, le peu que nous savons de son apparence, c'est--dire la douceur de la voix, la beaut de la bouche et des yeux, est suffisante pour lui donner une image physique faisant souvent dfaut aux hrones de l'uvre. C'est justement ici que se dessine le point crucial. Le lecteur est forc de voir cette religieuse par le biais du regard du prieur et l'auteur montre bien la naissance et la violence de son dsir dans le rcit:Parquoi seulement pour l'our fut mu d'une passion d'amour qui passait toutes celles qu'il avait eues aux autres religieuses; Et en parlant elle, se baissa fort pour la regarder, et aperut la bouche si rouge et si plaisante qu'il ne se put tenir de lui hausser le voile pour voir si les yeux accompagnaient le demeurant; ce qu'il trouva, dont son cur fur rempli d'une ardeur si vhmente qu'il perdit le boire et le manger, et toute contenance.C'est ainsi que le rcit, mais aussi l'analyse et l'action forment un tout indissociable, car c'est partir de l que natront toutes les tribulations des protagonistes.Afin de renforcer l'aspect psychique de ses personnages, Margueritte de Navarre n'hsite pas leur donner un pass qu'elle oppose la simultanit de l'histoire. Ainsi il nous est possible de se faire une image de l'volution du personnage.b) Une volution du personnageEn effet cette nouvelle recle un aspect psychologique bien profond. Le lecteur est invit suivre l'volution du protagoniste travers le rcit, de sorte qu'il comprenne la psych du personnage. cette fin Marguerite de Navarre n'hsite pas traiter les thmes et les genres avec une grande libert, allant mme jusqu' mettre en vidence les aspects les plus graves de la conduite des personnages. Ainsi le prieur endosse diffrents rles travers ce rcit. Initialement il est un homme de foi inbranlable qui refuse tout fait les volupts de la vie terrestre pour ensuite se transformer au fur et mesure en un coureur de jupon sans scrupule. Cette volution est bien visible travers le texte, ainsi notons au dbut:En la ville de Paris, il y avait un prieur de Saint-Martin-des-Champs. Sa vie jusqu'en l'ge de 50 ans, fut austre. [] A la fin venant sur cinquante-cinq ans, [il] a commenc trouver fort bon le traitement [royal] qu'il avait au commencement mpris.Et cette mutation de vivre se fit une mutation du cur entranant d'ailleurs un intrt soudain pour les femmes et pour son panouissement sexuelde sorte qu'il convoite toutes les religieuses et qu'il n'hsite pas user de la ruse et du chantage afin d'arriver ses fins.L'auteur le signale clairement diverses reprises:Donc, pour satisfaire cette convoitise, [il] chercha tant de moyens subtils qu'en lieu de faire fin de pasteur, il devint loupCette comparaison avec cet animal est trs adquate car cet instant prcis le prieur ayant soif de chre chasse le gibier, en occurrence les religieuses. L'volution se rvle ainsi complte, vu que nous avons une opposition entre sa vie chaste et juste du dbut et sa perversit par la suite qui rvle aussi une malice.c) La ruse et la malveillanceLorsque Marie Hrot se refuse lui, il devient hypocrite et faux. Il ne recule devant rien de sorte qu'il la menace et qu'il essaye mme de la gagner par le biais des sentiments:De moi, je ne voudrais pour mourir faire un pch mortel; mais quand l'on viendrait jusque l, je sais que simple fornication n'est nullement comparer pcher d'homicide. Parquoi, si vous aimez ma vie, en sauvant votre conscience de crdulit, vous me la sauverezIl ne ressent aucun scrupule. Loin d'abandonner son rve il va mme jusqu' faire muter la tante de sa bien-aime dans un autre couvent afin d'avoir le champ libre.A cette action dmesure s'ajoute qu'il fait emprisonner un vieux confesseur pauvre afin de pouvoir exercer du chantage sur sa religieuse convoite:Il fit drober secrtement les reliques dudit prieur de Gif [] Et [il] mit sus au confesseur de lans, fort vieil et homme de bien que c'tait lui qui les avait drobes, et pour cette cause, [il] le mit en prison Saint-Martin. Et durant qu'il le tenait prisonnier, suscita deux tmoins, lesquels ignoramment signrent ce que M. de Saint-Martin leur commanda: c'tait qu'ils avaient vu dedans un jardin ledit confesseur avec sur Marie en acte vilain et dshonnte. Ce qu'il voulut faire avouer au vieux religieux.La mchancet est d'autant plus grave tant donn que toute la complexit du personnage rside dans son aptitude raffine se sortir de toutes les situations grce d'impertinentes excuses dont tmoigne la fin:il ne trouva nulle excuse, sinon qu'il avait 70 ans.La ruse mais aussi la mtamorphose du protagoniste montrent qu'il est donc bel et bien soumis une dgradation mentale du protagoniste.La prsence d'une personne malfique permet l'auteur de dvelopper une morale travers le texte. Aprs avoir tudi le psychique du prieur, nous pouvons le relier un genre littraire prcis qui est la tragdie. En effet, le dnouement de la nouvelle, est propice ce mouvement qui a pour but d'instruire le public et de mettre en vidence la justice.Le compte noirLa tragdie est un genre dramatique noble, qui remonte l'Antiquit grecque c'est--dire plusieurs dcennies et qui constitue le fleuron du classicisme littraire franais. Oublie pendant un long laps de temps, elle est revisite indirectement par Margueritte de Navarre. Elle puise son originalit dans l'poque antique, qui obligatoirement renvoie la mythologique grecque.En consquence cette varit littraire est surveille de trs prs par les autorits ecclsiastiques qui voient dans cette forme de belles-lettres une hrsie totale. Grce la pousse du mouvement humaniste, le XVIe sicle va ainsi redcouvrir l'aspect tragique mettant ainsi en vidence le conflit littraire qui touche de prs la religion. Ainsi les problmatiques propres ce mouvement se retrouvent aussi dans cette nouvelle. Le but est d'inciter les gens se comporter humblement en respectant les bonnes murs.a) Le bien et le malLe volet psychologique trait au par avant, est naturellement li la dimension tragique et morale qui se joue dans l'uvre. Face ce prieur dmoniaque, se situe un ange vertueux et vierge qui est Marie Hrot. Nous notons d'ailleurs la rptition du terme dmon, symbole de l'enfer et du mal:Je pensais avoir mis ma fille aux faubourgs et chemin de paradis, et je l'ai mise en celui d'enfer, entre les mains des pires diables qui y puissent tre. Car ces diables ne nous tentent, s'il ne nous plat, et ceux-xi nous veulent avoir par la force o l'amour dfaut.Nous avons donc une opposition entre le bien et le mal, o le dernier semble l'emporter! L'incarnation de la puret et de l'innocence se retrouve sous les feux d'un homme vicieux et immoral. Cela dit notre religieuse russit constamment repousser ce vieux libertin, qu'elle considresi laid, qu'elle pense faire plus pnitence que de pch en le regardant.Ne serais-ce pas l une reprsentation du combat entre les bonnes murs et la dbauche? Il est indubitable que cette nouvelle a pour but de mettre en vidence les vices de l'tre humain, tout particulirement ceux des prtres. Ainsi le lecteur n'est pas surpris de voir finalement les pcheurs punis et les bons tres rcompenss pour leur honntet.b) Des moments fortsLa dimension tragique se dploie pleinement lorsque le prieur tente de violer Marie Hrot:Il lui mit la main sous la robe, et tout ce qu'il put toucher des ongles gratina en telle fureur que la pauvre fille, en criant bien fort, de tout son haut tomba terre, tout vanouieOutrag par cette scne le lecteur ressent une aversion profonde envers le prieur et par consquent aussi pour tous ses futurs gestes outrageants tel que l'accusation en publique de Marie Hrot:C'est que, ayant examin votre confesseur sur aucuns crimes lui imposs, m'a confess avoir abus de votre personne au lieu o les tmoins disent l'avoir vu. Parquoi, ainsi que je vous avais leve en tat honorable et matresse des novices, j'ordonne que vous soyez mise non seulement la dernire de toutes, mais mangeant terre devant toutes les surs pain et eau, jusqu' ce que l'on connaisse votre contrition suffisante d'avoir grce.Tant de dgot pour un personnage ne peut que cacher un brusque revirement de la situation. La religieuse sera finalement largement rcompense d'un part par le blme de vieux pervers qu'il plt Margueritte de Navarre de faire cesser ce procs, et qu'il confesserait que Marie Hrot tait une perle d'honneur de la virginit et d'autre part par une promotion soulignant Et sur Marie-Hrot, ft ote de l'abbaye de Gif o elle avait eu tant de mal, et faite abbesse, par le don du roi, de l'abbaye de Gy prs de Montargis. Notons que le but de la tragdie est d'illustrer par le biais d'images fortes la fin funeste du personnage et de mettre en vidence ses erreurs. Elle doit susciter chez le spectateur des sentiments de terreur et de piti, et par consquent oprer la purgation de ses propres passions.