Nouveaux Essais Sur lEntendiment Humain

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Nouveaux Essais Sur lEntendiment Humain. This is an important Work of Leibniz, the German Philosopher.

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  • NOUVEAUX ESSAIS

    L'ENTENDEMENT HUMAIN

  • E. GREVIN IMPRIMERIE DE LAGNY

  • LEIBNIZ

    NOUVEAUX ESSAIS

    SUR

    /ENTENDEMENT HUMAIN

    PARIS uOttawaERNEST FLAMMARION, ]irmi?#^

    26, RUE RACINE, 26

    Tous droits rservs.

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  • milCE SUR LA VIE ET LES UVRES DE LEIBNIZ

    Gottfried-Wilhelm Leibniz naquit le 3juillet 16i6, Leipzig,d'une famille d'origine slave, depuis longtemps fixe en Alle-magne. Il perdit six ans son pre, jurisconsulte et profes-seur de morale l'universit de cette ville, et commena sespremires tudes dans la bibliothque paternelle. Il apprit,ds le plus jeune ge, le latin et le grec et s'assimila, de bonneheure, la philosophie et la thologie scolastiques. Vers quinzeans, peine entr l'universit, il lut les novateurs Bacon, Gassendi, Hobbes, puis Galile et Descartes, dont lacomprhension lui parut ardue, par suite de son insuffisanceen mathmatiques. Aprs s'tre demand s'il garderait lesformes substantielles des ancieris, il commena se donnerdans le vide et les atomes , pensant que tout se fait dans lemonde par la grandeur, la figure et le mouvement.

    Il eut comme professeur de philosophie, l'universit deLeipzig, Jacques Thomassius, renomm pour sa connaissanced'Anstote. Ds 1663, il soutint une thse sur le principed'individuation, o il prend parti pour le nominalisme. Ilsuivit, ensuite, lna les cours du mathmaticien Weigel, etpublia, en 4666, un ouvrage intitul : De arte combinatoria,o il cherche fonder une logique de l'invention, en rduisanttoutes les notions en leurs lments premiers caractriss pardes signes, et m combinant ces signes de toutes les faonspossibles, suivant sa thorie mathmatique des permutations.Ayant rsolu de faire son droit, Leibniz prit le grade de

    docteur Altdorf, prs de Nuremberg, avec une thse : Decasibus perplexis injure, o il cherche dans les principesmarnes du droit naturel la solution des cas litigieux. Pendantun sjour qu'il fit Nuremberg, il s'affilia la confrrie desRosenkreuze, dont il fut un temps secrtaire, et s'adonna auxsciences occultes et la chimie. Dans la mme ville, au prin'temps de 1667, il fit la connaissance du baron de Boinebourg,ancien ministre de l'lecteur de Mayence, qui le lana dansla vie publique. De 1669 1670, il rdige des mmoires sur

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    l'lection du roi de Pologne et les moyens d'assur)' la scuritintrieure et extrieure de l'Allemagne.

    Il ne ngligeait pas pour cela ses travaux scientifiques. En4667, il ddiait son protecteur Boinebourg un ouvragejuridique : Methodus nova discendque jurisprudentieecum subjuncto catalogo desideratorum in jurisprudentia,o il tente d'introduire l'ordre et la clart dans un domainequi, jusqu'ici, les ignorait. Uanne suivante, parut une Con-fessio natur contra atheistas, o Leibniz montre que sil'atomisme suffit la nature, il ne se suffit pas lui-mme etrevendique l'existence d'un dieu qui dtermine le choix, entreune infinit d'autres possibles, des figures des atomes et desmouvements qui les animent. Dans sa Lettre Thomassiusde 1669, il abandonne l'atomisme gassendiste pour le cinma-tisme de Descartes et tente une conciliation entre la physiqued'Aristote et celle des modernes, dont celui-ci fait tous lesfrais, en rduisant les causes secondes du stagyrite, la matire,la forme et le changement la grandeur, la figure et le mou-vement des cartsiens. Dans une prface intitule : Disser-tatio de stylo philosophico Nizolii {i670), il concilie le no-minalisme avec la lgitimit de la dmonstration syllogistique,en considrant les universaux non comme de simples collec-tions de faits singuliers, mais comme des possibilits indfiniesdans la ressemblance. Enfin, en 4670, il ddia une Theoriamotus concret! la Socit royale de Londres, et une Theoriamotus abstracti l'Acadmie des sciences de Paris, o, dve-loppant une phoronomie rationnelle qui ignore la notion demasse, il en concilie les lois abstraites avec celles drives del'exprience, en introduisant dans la physique la notion d'infi-niment petit, sous la forme d'un agent universel, l'ther, quirend compte de l'lasticit des corps.

    Bientt et l'instigation du baron de Boinebourg, Leibnizse proccupa du problme de la transsubstantiation, jugeinconciliable avec la doctrine cartsienne qui fait consisterl'essence des corps dans l'tendue. Dans une lettre Amauldde 4674 sur cette question, Leibniz ouvre la srie d'argumentsqui lui feront rejeter cette doctrine.

    C'est alors que vient la priode des voyages de 4672 4677.Une mission diplomatique, ayant pour but de tourner lesarmes de Louis XIV contre la Turquie, damier refuge de labarbarie en Europe, en faisant la conqute de l'Egypte, amenaLeibniz Paris. Il chotia compltement auprs du ministrePomponne; mais dans les annes qu'il passa Pains, jusqu'en4676, il connut des philosophes comme Malebranche et Amauld,des gomtres comme Huygens, l'cole desquels il devint uncls plus grands mathmaticiens de tous les temps. Pendant

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    un sjour de deux mois Londres, au commencement de 1673,il fit la connaissance de Wallis, Oldenbourg, et du grand phy-sicien Boyle. L'tude des mathmatiques remplit cette partiede la vie de Leibniz. Il perfectionne la machine calculer dePascal, et, en 1676, il dcouvre le calcul diffrentiel, dontil donnera un expos complet en 168i : Nova methodus promaximis et ininimis. Cette dcouverte fut l'occasion d'uneviolente polmique entre son auteur et Newton qui, ds 4665,avait invent"' le calcid des fluxions .Dans l'intervalle, Boinebourg et l'lecteur de Mayence

    taient morts. Leibniz accepta la place de bibliothcaire Hanovre que lui offrait le duc de Brunswick-Lunebourg. Ilquitta Paris en octobre 4 676; passa par Londres, o il connutCollins, ami de Newton, et par Amsterdam, o il eut plusieursentretiens avec Spinoza, pour se fixer enfin Hanovre.

    La nouvelle priode qui s'ouvre dans la vie de Leibniz estcelle des rsultats. Ds 1673, Leibniz s'tait ouvert Pellisson,protestant converti au catholicisme, du projet de travailler la runion des glises protestante et catholique. Sitt install Hanovre, il se mit correspondre avec Pellisson et Bossuetet rdigea, pour faciliter Ventente, un formulaire de concilia-tion : Systenia theologicum (1686). Mais Bossuet exigeait lasoumission pure et simple ; il estimait, ds 1683, toute conti-nuation des ngociations inutile. Leibniz persvra pourtant correspondre avec Pellisson jusqu' la mort de celui-ci,survenue en 1693. L'chec de ces tentatives fut la secondegrande dception de Leibniz.

    Il ne tarda pas non plus, reprenant son projet d'assurer lascurit dfinitive des nations chrtiennes, se rejeter dansVaction politique. Du par Louis XIV, il se tourna du ctde Charles XIJ, puis, aprs la dfaite de ce dernier Pultava,vers le czar Pierre-le-Grand, pour civiliser son immense empireet refouler en Asie la Turquie et la barbane avec elle. Il pro-posa, par l'intermdiaire du baron Ulrich, ambassadeur duczar Vienne, tout un plan d'organisation civile , intellectuelleet morale; rclama la cration d'une Acadmie des sciences Saint-Ptersbourg, vit Pierre-le-Grand Torgau, eh oc-tobre 1711, et put croire un instant qu'il allait devenir leSolon de la Russie. Presqu'aussitt nomm conseiller parti-culier de l'empereur Charles VI, il vint Vienne de 1712 171 i, et travailla nouer une alliance entre le czar et l'empe-reur, de faon empcher la conclusion de la paix d'Utrecht.En 1714, il retourna Hanovre pour y voir dcliner peu peu son crdit.A ct de la grande action politique, Leibniz fut toujours

    soucieux des intrts du Hanovi'e. Il contribua le convertir

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    en lectoral en 4692, et il crivit l'histoire de la maison deBrunswick-Lunebourg. Durant trois ans, de 4687 1690,dans le dessein de remonter aux sources, il parcourut VAlle-magne et ritalie, fouillant les bibliothques, critiquant lesdocuments, dont il commena la publication en 4104, pourla poursuivre pendant dix a7is sous le titre : Scriptores rerumBrunsvicensium illustrationi inservientes. So7i travail per-sonnel : Annales Brunsvicenses demeura mxilheureusementinachev. Il \i remonte jusqu' l'tat prhistorique de l'Alle-magne en se servant des conjectures de la gologie et de la philo-logie; s'y montre soucieux d'clairer les origines, de dmler lescauses secrtes, de saisir le dterminisme des faits la faonde Thucydide. Il publia encore, dans le mme ordre d ides,un Codex juris gentium diplomaticus, en 4693, et desAccessiones historicae, en 4698. Enfin, persuad que lascience est la vraie source de puissance et de gloire, il proposa l'lecteur de Brandebourg, qui allait devenir Frdric I",roi de Prusse, de fonder Berlin une socit des sciences dont il donna le plan. L'lecteur adopta son projet et la socitfut constitue le 44 juillet 4700. Elle prit une grande impor-tance sous Frdric H qui, en 474i, lui donna le nom d'Aca-dmie des sciences. Leibniz contribua, en outre, la fonda-tion des Acta eruditorum, dont la premire livraison parut Leipzig en 4682.

    C'est travers les voyages du diplomate et les recherchesde l'rudit que s'est forme, peu peu, la philosophie deLeibniz. En 46Si, dans un article des Acta eruditorum , inti-tul : Meditationes de cognitione, veritate et ideis, ilattaque le critrium cartsien de la vrit des ides : leurclart peut bien prouver leur possibilit logique, non leur pos-sibilit d'existence. Il est ds lors parvenu se satisfaire ,et, dans le Discours de mtaphysique \4686), il donne unexpos sommaire, mais complet et dfinitif de sa philosophie.Ses publications postrieures ne feront que dvelopper, suivaiitl'opportunit du moment, ce qui est contenu dans ce eompen-dium. Dans des opuscules de 4694 469i, en particulierdans celui qui porte comme titre : De primae philosophiaeemendatione et de notione substantia; {4694), il montreque l'essence des corps ne peut consister dans l'tendue, maisdans la force envisage comme intermdiaire entre la puissancenue et l'acte pur d'Aristote. En 4895, dans le Systme nou-veau de la nature et de la communication des substances,il dveloppe le systme de l'harmofiie prtablie, tandis que,dans le De Scientia universali seu calculo philosopiiico, ilpose les bases de sa logique, et dans le De rerum originationeradicali, il annonce la Thodice.

    Jusqu'ici, Leibniz a fait de la logique, de la matire et de

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    la nature en gnral le principal objet de ses recherches. Apartir de 4699, dans des opusciUes varis, il s'intresse sur-tout rame humaine et au problme de la connaissance. En4703, il compose le plus considrable de ses ouvrages philoso-phiques : les Nouveaux essais sur l'entendement, o il dis-cute pas pas les ides dveloppes par Locke. En 4740, la requte de la reine de Prusse, il publie la Thodice, pourrpondre aux difficults souleves par Bayle dans son Diction-naire, particulirement au sujet de la libert humaine et duproblme du mal. Les derniers ouvrages de Leibniz sont desrsums et des vues d'ensemble : la Monadologie {4744),rdige pour le prince Eugne de Savoie qu'il connut pendantson sjour Vienne, et les Principes de la nature et de la grce[474%) qui couronnent son uvre.

    Leibniz entretint une nombreuse correspondance, essentiellepour l'intelligence de son systme, en particulier avec le grandArnauld, de 4686 4690; avec le P. des Brosses, Bourguetet Clarke de 474S 4746.

    Cet homme, si universellement grand, eut une fin aban-donne et triste. La princesse lectncede Hanovre tait morteen juin 474 i; la mme anne le prince Georges devenait roid'Angleterre. Leibniz et voulu suivre le nouveau roi, mais ilse vit refuser ses services. Il mourut le 4 4 novembre 4746 etfut enterr sans suite, accompagn de son seul fidle secrtaire,Eckhart.

    A part quelques opuscides et divers articles parus dans lesActa eruditorum et le Journal des Savants, en dehors de laThodice, Leibniz n'a rien publi de sonvivant. Un scrupuletrs honorable, la mort de Locke, l'empcha en particulier defaire paratre ies Nouveaux Essais. Ses manuscrits, entasssdans la bibliothque de Hanovre, furent publis successive-ment par Raspe, Guhrauer, Erdmann, Foucher de Careil,Gerhardt. Les publications de Louis Couturat, en 4903, ontmontr combien cette dernire dition, que l'on avait espredfinitive, tait loin de donner une ide complte ou mmejuste de la philosophie leibnizienne. D'aprs L. Couturat etB. Russel, cette philosophie se dduirait des thses logiques deLeibniz, de son 'principe de raison qui nonce la possibilit,dans toute proposition vraie, ncessaire ou contingente, uni-verselle ou singulire, de trouver le prdicat dans l'analysedu sujet prdicatum inest subjecto .

  • 8 HISTORIQUE DES NOUVEAUX ESSAISentre temps, Locke mourait. Par une pense de dlicatesse l'gard d'un adversaire qui ne pouvait plus se dfendre, Leibnizcrivit le 26 mai 1705 Burnett : La mort de M. Locke m'at l'envie de publier mes remarques sur ses ou\Tages; j'aimemieux publier maintenant mes penses indpendamment decelles des autres. Leibniz renona donc son projet de publication. Le manus-

    crit ne fut publi que quarante-neuf ans aprs sa mort, parRaspe, dans les uvi'es philosophiques latines et franaises defeu M. Leibnitz (1765). C'est, avec la Thodice, l'uvre la plusconsidrable de Leibniz.

  • AVANT-PROPOS

    L'Essai sur l'entendement humain, donn par un illustreAnglais, tant un des plus beaux et des plus estimsouvrages de ce temps, j'ai pris la rsolution d'y faire desremarques, parce qu'ayant assez mdit depuis longtempssur le mme sujet et sur la plupart des matires qui ysont touches, j'ai cru que ce serait une bonne occasiond'en faire paratre quelque chose sous le titre de Nou-veaux essais sur Ventendement, et de procurer une entreplus favorable mes penses en les mettant en si bonnecompagnie. J'ai cru aussi pouvoir profiter du travail d'au-trui, non seulement pour diminuer le mien, mais encorepour ajouter quelque chose ce qu'il nous a donn, cequi est plus facile que de commencer et de travailler nouveaux frais en tout.

    Il est vrai que je suis souvent d'un autre avis que lui;mais, bien loin de disconvenir pour cela du mrite de cetcrivain clbre, je lui rends justice, en faisant connatreen quoi et pourquoi je m'loigne de son sentiment, quandje juge ncessaire d'empcher que son autorit ne pr-vaille sur la raison en quelques points de consquence.En effet, quoique l'auteur de VEssai dise mille belleschoses que j'applaudis, nos systmes diffrent beaucoup.Le sien a plus de rapport Aristote, et le mien Platon,quoique nous nous loignions en bien des choses l'un etl'autre de la doctrine de ces deux anciens. Il est pluspopulaire, et moi je suis forc quelquefois d'tre un peuplus acroamatique et plus abstrait ; ce qui n'est pas unavantage moi, surtout crivant dans une langue vivante.Je crois cependant qu'en faisant parler deux personnes,dont l'une expose les sentiments tirs de l'Essai de cet

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  • 10 AVANT-PROPOS

    auteur, et l'autre y joint mes observations, le paralllesera plus au gr du lecteur que ne le seraient desremarques toutes sches dont la lecture aurait t inter-rompue tout moment par la ncessit de recourir sonlivre pour entendre le mien. Il sera bon de confronter

    1 encore quelquefois nos crits et de ne juger de ses sen-timents que par son propre ouvrage, quoique j'en aie con-^serv ordinairement les expressions. Il est vrai que la^sujtion que donne le discours d'autrui, dont on doitsuivre le fil en faisant des remarques, a fait que je n'aipu songer attraper les agrments dont le dialogue estsusceptible ; mais j'espre que la matire rparera ledfaut de la faon.Nos diffrends sont sur des objets de quelque impor-

    tance. Il s'agit de savoir si l'me en elle-mme est videentirement comme des tablettes o l'on n'a encore rienipcrit {tabula rasa), selon Aristote et l'auteur de l'Essai, et$i tout ce qui y est trac vient uniquement des sens et de

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    l'exprience, ou si l'me contient originairement les prin-|;ipes de plusieurs notions et doctrines que les objets^xternes rveillent seulement dans les occasions, comme'je le crois avec Platon et mme avec l'cole, et avec tous

    j ceux qui prennent dans cette signification le passage desaint Paul (Rom., II, 13), o il marque que la loi de Dieuest crite dans les curs. Les stociens appelaient cesprincipes notions communes, prolepses, c'est--dire desassomptions fondamentales, ou ce qu'on prend pouraccord par avance. Les mathmaticiens les appellentnotions communes (xo-.v vvoi'a;). Les philosophes modernesleur donnent d'autres beaux noms, et Jules Scaliger' par-ticulirement les nommait semina seteimitatis ; item Zopyra,comme voulant dire des feux vivants, des traits lumineuxcachs au dedans de nous, que la rencontre des sens etdes objets externes fait paratre comme des tincelles quele choc fait sortir du fusil ; et ce n'est pas sans raisonqu'on croit que ces clats marquent quelque chose dedivin et d'ternel, qui parat surtout dans les vritsncessaires. D'o il nat une autre question, savoir : si

    il toutes les vrits dpendent de l'exprience, c'est-c-direI de l'induction et des exemples, ou s'il y en a qui ontI encore un autre fondement. Car si quelques vnementsf peuvent tre prvus avant toute preuve qu'on en ait faite,' il est manifeste que nous y contribuons en quelque chose

    1. Jules Csar Scaliger (U84-I5S8), rudit et pliilosophe de laRenaissance, crivit en particulier contre le mathmaticien Car-dan VKxercitationuyn exotericarum liber.

  • AVANT-PROPOS Hde notre part. Les sens, quoique ncessaires pour toutesnos connaissances actuelles, ne sont point suffisants pournous les donner toutes, puisque les sens ne donnent jamaisque des_exernple,j_c'est--dire des vrits particulires ouTn'dvld'uTTsTpF, tous les exemples qui confirment unevt5"genefare, de quelque nombre qu'ils soient, ne suf-fisent pas pour tablir la ncessit universelle de cettemme vrit, car il ne suit pas que ce qui est arriv arri-vera toujours de mme. Par exemple, les Grecs et lesRomains et tous les autres peuples ont toujours remarququ'avant le dcours de vingt-quatre heures le jour sechange en nuit et la nuit en jour. Mais on se serait trompsi l'on avait cru que la mme rgle s'observe partout,puisqu'on a vu le contraire dans le sjour de Nova-Zem-bla. Et celui-l se tromperait encore qui croirait que c'estau moins, dans nos climats, une vrit ncessaire et ter-nelle, puisqu'on doit juger que la terre et le soleil mmen'existent pas ncessairement, et qu'il y aura peut-treun temps o ce hel astre ne sera plus, avec tout son sys-tme, au moins en sa prsente forme. D'o il parat queles vrits ncessaires, telles qu'on les trouve dans lesmathmatiques pures, et particulirement dans l'arithm-tique et dans la gomtrie, doivent avoir des principesdont la preuve ne dpende point des exemples ni par con-squent du tmoignage des sens, quoique sans les sens onne se serait jamais avis d'y penser. C'est ce qu'il fautbien distinguer, et c'est ce qu'Euclide a si bien comprisen montrant par la raison ce qui se voit assez par l'exp-rience et par les images sensibles. La logique encore,avec la mtaphysique et la morale, dont l'une forme lathologie et l'autre la jurisprudence, naturelles toutesdeux, sont pleines de telles vrits, et par consquentleur preuve ne peut venir que des principes internes,qiTn'cTppBlte iims^'itest vrari qu'il n faut point Fm-jginer qu'on puisse lire dans l'me ces ternelles lois dffla raison livre ouvert, comme l'dit du prteur se lit sueson album, sans peine et sans recherche ; mais c'est asseiqu'on les puisse dcouvrir en nous force d'attention, aquoi les occasions sont fournies par les sens. Le succsdes expriences sert de confirmation la raison peuprs comme les preuves servent dans l'arithmtique,pour mieux viter l'erreur du calcul quand le raisonne-ment est long. C'est aussi en quoi les connaissances deshommes et celles des btes sont diffrentes. Les btessont purement empiriques et ne font que se rgler surles exemples ; car, autant qu'on en peut juger, elles n'ar-rivent jamais former des propositions ncessaires, au

  • 12 AVANT-PROPOS

    lieu que les hommes sont capables de sciences dmons-tratives ; en quoi la facult que les btes ont de faire desconscutions est quelque chose d'infrieur la raison quiest dans les hommes. Les conscutions des btes sontpurement comme celles des simples empiriques, qui pr-

    ': tendent que ce qui est arriv quelquefois arrivera encore>idans un cas o ce qui les frappe est pareil, sans trejlpour cela capables de juger si les mmes raisons subsis-"jltent. C'est par l qu'il est si ais aux hommes d'attraper

    les btes et qa'il est si facile aux simples empiriques defaire des fautes. Des personnes devenues habiles par l'geet par l'exprience n'en sont pas mme exemptes lors-qu'elles se fient trop leur exprience passe, commecela est arriv quelques-uns dans les affaires civiles etmilitaires, parce qu'on ne considre point assez que lemonde change et que les hommes deviennent plus habilesen trouvant mille adresses nouvelles, au lieu que lescerfs ou les livres de ce temps ne sont pas plus russque ceux du temps pass. Les conscutions des btes nesont qu'une ombre de raisonnement, c'est--dire ne sontqu'une connexion d'imaginations et un passage d'uneimage une autre ; parce que, dans une rencontre nou-velle qui parat semblable la prcdente, elles s'atten-dent de nouveau ce qu'elles y ont trouv joint autre-fois, comme si les choses taient lies en effet parce queleurs images le sont dans la mmoire. Il est bien vraique la raison conseille qu'on s'attende pour l'ordinairede voir arriver l'avenir ce qui est conforme unelongue exprience du pass, mais ce n'est pas pour celaune vrit ncessaire et infaillible ; et le succs peut ces-ser quand on s'y attend le moins, lorsque les raisons quil'ont maintenu changent. Pour cette raison, les plus sagesne s'y fient pas tant qu'ils ne tchent de pntrer, s'il estpossible, quelque chose de la raison de ce fait pour jugerquand il faudra faire des exceptions. Car la raison estseule capable d'tablir des rgles sres et de suppler ce qui manque celles qui ne l'taient point, en y fai-sant des exceptions, et de trouver enfin des liaisons cer-taines dans la force des consquences ncessaires, ce quidonne souvent le moyen de prvoir rvnemenl sans avoirbesoin d'exprimenter les liaisons sensibles des images,o les btes sont rduites ; de sorte que ce qui justifie lesprincipes internes des vrits ncessaires distingue encorel'homme de la bte.

    Peutrtre que notre habile auteur ne s'loignera pasentirement de mon sentiment. Car, aprs avoir employtout son premier livre rejeter les lumires innes prises

  • AVANT-PROPOS 13

    dans un certain sens, il avoue pourtant, au commence-ment du second et dans la suite, que les ides qui n'ontpoint leur origine dans la sensation viennent de larflexion. Or la rflexion n'est autre chose qu'une atten-tion ce qui est en nous, et les sens ne nous donnentpoint ce que nous portons dj avec nous. Cela tant,peut-on nier qu'il y ait beaucoup d'inn en notre esprit,puisque nous sommes inns nous-mmes, pour ainsidire ; et qu'il y ait en nous tre, unit, substance, dure,changement, action, perception, plaisir et mille autres objetsde nos ides intellectuelles? Ces mmes objets tantimmdiats et toujours prsents notre entendement (quoi-qu'ils ne sauraient tre toujours aperus, cause de nosdistractions et de nos besoins), pourquoi s'tonner quenous disions que ces ides nous sont innes, avec tout cequi en dpend ? Je me suis servi aussi de la comparaisond'une pierre de marbre qui a des veines plutt que d'une .pierre de marbre tout unie ou de tablettes vides, c'est--

    \ ;

    dire 'de ce qui s'appelle tabula rasa chez les philosophes; ] |car si l'me ressemblait ces tablettes vides, les vrits ] Iseraient en nous comme la figure d'Hercule est dans un * |marbre quand le marbre est tout fait indiffrent rece- f ivoir ou cette figure ou quelque autre. Mais s'il y avait l jdes veines dans la pierre qui marquassent la figure \ 5d'Hercule prfrablement d'autres figures, cette pierre y \ jserait plus dtermine et Hercule y serait comme inn en quelque faon, quoiqu'il fallt du travail pour dcouvrirces veines et pour les nettoyer par la polissure, en retran-chant ce qui les empche de paratre. C'est ainsi que les ides et les vrits nous sont innes, comme des inclina-tions, des dispositions, des habitudes ou des virtualitsnaturelles, et non pas comme des actions, quoique cesvirtualits soient toujours accompagnes de quelquesactions souvent insensibles qui y rpondent.

    Il semble que notre habile auteur prtende qu'il n'y aitrien de virtuel en nous, et mme rien dont nous nousapercevions toujours actuellement. Mais il ne peut pasprendre cela la rigueur ; autrement son sentiment seraittrop paradoxe, puisque, encore que les habitudes acquiseset les provisions de notre mmoire ne soient pas toujoursaperues et mme ne viennent pas toujours notre secoursau besoin, nous nous les remettons souvent aisment dansl'esprit quelque occasion lgre qui nous en fait souve-nir, comme il ne nous faut que le commencement d'unechanson pour nous faire ressouvenir du reste. Il limiteaussi sa thse en d'autres endroits, en disant qu'il n'y arien en nous dont nous ne nous soyons au moins aperus

  • 14 AVAXT-PROPOS

    autrefois. Mais outre que personne ne peut assurer par laseule raison jusqu'o peuvent tre alles nos aperceptionspasses, que nous pouvons avoir oublies, surtout sui-vant la rminiscence des platoniciens, qui, toute fabu-leuse qu'elle est, n'a rien d'incompatible avec la raisontoute nue ; outre cela, dis-je, pourquoi faut-il que toutnous soit acquis par les aperceptions des choses externes,et que rien ne puisse tre dterr en nous-mmes? Notreme est-elle donc seule si vide, que, sans les imagesempruntes du dehors, elle ne soit rien ? Ce n'est pas l,je m'assure, un sentiment que notre judicieux auteurpuisse approuver. Et o trouvera-t-on des tablettes qui nesoient quelque chose de vari par elles-mmes ? Verra-t-on jamais un plan parfaitement uni et uniforme ? Pour-quoi donc ne pourrions-nous pas fournir aussi nous-mmes quelque objet de pense de notre propre fonds,lorsque nous y voudrons creuser ? Ainsi je suis port croire que, dans le fond, son sentiment sur ce point n'estpas diffrent du mien, ou plutt du sentiment commun,d'autant qu'il reconnat deux sources de nos connais-sances, les sens et la rilexion.

    Je ne sais s'il sera si ais d'accorder cet auteur avec nous et avec les cartsiens, lorsqu'il soutient que l'esprit\ ne pense pas toujours, et particulirement qu'il est sans1 perception quand on dort sans avoir des songes. Il dit queIpuisque les corps peuvent tre sans mouvement, lsmes

    " pourront bien tre aussi sans pense. Mais ici je rpondsun peu autrement qu'on n'a coutume de faire. Car je sou-tiens que naturellement une substance ne saurait tresans action, et qu'il n'y a mme jamais de corps sansmouvement. L'exprience me favorise dj, et on n'a qu'consulter le livre de l'illustre M. Boyle' contre le reposabsolu, pour en tre persuad. Mais je crois que la raisony est encore, et c'e^t une des preuves que j'ai pour d-truire les atomes, ^'ailleurs il y a mille marques qui fontjuger qu'il y a tout moment une infinit de perceptionsen nous, mais sans aperception et sans rflexion : c'est--dire des changements dans l'me mme, dont nous nenous apercevons pas, parce que ces impressions sont outrop petites et en trop grand nombre, ou trop unies, ensorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant part; maisjointes d'autres, elles ne laissent pas de faire leur effet

    et de se faire sentir dans l'assemblage, au moins confu-

    1. Robert Boyle (1027-1691), clbre physicien et chimiste anglais,crivit, outre des ouvrages scientifiques, des traits sur la religionet la philosophie, entre autres le Chrtien natwxUiste.

  • AVANT-PROPOS 15

    sment. C'est ainsi que la coutume fait que nous ne pre- 1 ;-nons pas garde au mouvement d'un moulin ou une chute Hd'eau, quand nous avons habit tout auprs depuis quelque! |temps. Ce n'est pas que ce mouvement ne frappe toujours/ Inos organes et qu'il ne se passe encore quelque chose dans l'me, qui y rponde, cause de l'harmonie de l'meet du corps; mais les impressions qui sont dans l'me etdans le corps, destitues des attraits de la nouveaut, nesont pas assez fortes pour s'attirer notre attention et notremmoire, qui ne s'attachent qu' des objets plus occu-pants. Toute attention demande de la mmoire, et quandnous ne sommes point avertis, pour ainsi dire, de prendre ;garde quelques-unes de nos propres perceptions pr- \sente? nous les laissons passer sans rflexion et mmesans les remarquer; mais si quelqu'un nous en avertitincontinent et nous fait remarquer, par exemple, quelquebruit qu'on vient d'entendre, nous nous en souvenons etnous nous apercevons d'en avoir eu tantt quelque senti-ment. Ainsi c'taient des perceptions dont nous ne noustions pas aperus incontinent, i'aperception ne venantdans ce cas d'avertissement qu'aprs quelque intervalle,tout petit qu'il soit. Pour juger encore mieux des petitesperceptions que nous ne saurions distinguer dans la .foule, j'ai coutume de me servir de l'exemple du mugis-

    |sment ou du bruit de la mer dont on est frapp quand >. -,on est au rivage. Pour entendre ce bruit, comme l'on fait, ] Jil faut bien qu'on entende les parties qui composent ce / jitout, c'est--dire le bruit de chaque vague, quoique cha- - |cun de ces petits bruits ne se fasse connatre que dans "'l'assemblage confus de tous les autres ensemble, et qu'ilne se remarquerait pas si cette vague qui le fait taitseule. Car il faut qu'on soit affect un peu par le mouve-ment de cette vague et qu'on ait quelque perception dechacun de ces bruits, quelque petits qu'ils soient ; autre-ment on n'aurait pas celle de cent mille vagues, puisquecent mille riens ne sauraient faire quelque chose. D'ail-leurs on ne dort jamais si profondment qu'on n'ait quelquesentiment faible et confus;. et on ne serait jamais veillpar le plus grand bruit du monde, si on n'avait quelqueperception de son commencement, qui est petit ; commeon ne romprait jamais une corde par le plus grand effortdu monde, si elle n'tait tendue et allonge un peu par demoindres efforts, quoique cette petite extension qu'ils fontne paraisse pas.Ces petites perceptions sont donc de plus grande effi-

    cace qu'on ne pense. Ce sont elles qui forment ce je nesais quoi, ces gots, ces images des qualits des sens,

  • 16 AVANT-PROPOS

    claires dans l'assemblage, mais confuses dans les parties ;!jces impressions que les corps qui nous environnent fontjisur nous et qui enveloppent l'infini; cette liaison que1* chaque tre a avec tout le reste de l'univers. On peutmme dire qu'en consquence de ces petites perceptions

    k\le prsent est plein de l'avenir et charg dupasse, quetout est conspirant (Tjfi-voia rAT.ct, comme disait Hippo-'^^jrate), et que dans la moindre des substances, des yeux

    aussi perants que ceux de Dieu pourraient lire toute lasuite des choses de l'univers :

    Que sint, qu fuerint, quae mox ventura trahantur'.

    Ces perceptions insensibles marquent encore et consti-tuent le mme individu, qui est caractris par les tracesqu'elles conservent des tats prcdents de cet individu,en faisant la connexion avec son tat prsent; et elles sepeuvent connatre par un esprit suprieur, quand mmecet individu ne les sentirait pas, c'est--dire lorsque lesouvenir exprs n'y serait plus. Elles donnent mme lemoyen de retrouver le souvenir, au besoin, par des dve-loppements priodiques, qui peuvent arriver un jour.C'est pour cela que la mort ne saurait tre qu'un som-meil, et mme ne saurait en demeurer un, les percep-tions cessant seulement d'tre assez distingues et serduisant un tat de confusion, dans les animaux, quisuspend l'aperception, mais qui ne saurait durer tou-jours-

    C'est aussi par les perceptions insensibles que j'expliquecette admirable harmonie prtablie de Tme et du corps,et mme de toutes les monades ou substances simples,qui supple l'influence insoutenable des unes sur lesautres, et qui, au jugement de l'auteur- du plus beau desDictionnaires, exalte la grandeur des perfections divinesau del de ce qu'on en a jamais conu. Aprs cela, jedois encore ajouter que ce sont ces petites perceptionsqui nous dterminent en bien des rencontres sans qu'ony pense, et qui trompent le vulgaire par l'apparence d'uneindiffrence d'quilibre, comme si nous tions indiffrents tourner, par exemple, droite ou gauche. Il n'est pasncessaire que je fasse aussi remarquer ici, comme j'aifait dans le livre mme, qu'elles causent cette inquitude,que je montre consister en quelque chose qui ne diffrede la douleur que comme le petit diffre du grand, et qui

    1. Qui sont, qui furent, qui vont venir.2. Bayle, a l'article Rorarius de son Dictionnaire.

  • AVANT-PROPOS 17

    fait pourtant souvent notre dsir et mme notre plaisir,en lui donnant cpmme un sel qui pique. Ce sont lesmmes parties insensibles de nos perceptions sensiblesqui font qu'il y a un rapport entre ces perceptions descouleurs, des chaleurs, et autres qualits sensibles, etentre les mouvements dans les corps, qui y rpondent;au lieu que les cartsiens, avec notre auteur, tout pn-trant qu'il est, conoivent les perceptions que nousavons de ces qualits comme arbitraires, c'est--direcomme si Dieu les avait donnes l'me suivant sonbon plaisir, sans avoir gard aucun rapport essen-tiel entre les perceptions et leurs objets; sentiment quime surprend, et qui me parat peu digne de la sagesse del'auteur des choses, qui ne fait rien sans harmonie et sansraison.En un mot, les perceptions insensibles sont d'un aussi

    grand usage dans la pneumatique' que les corpusculesdans la physique; et il est galement draisonnable derejeter les unes et les autres, sous prtexte qu'elles sonthors de la porte de nos sens. Rien ne se fait tout d'uncoup, et c'est une de mes grandes maximes et des plusvrifies, que la nature ne fait jamais de sauts. .J'appelaiscela la loi de la continuit, lorsque j'en parlais autrefoisdans les Nouvelles de la rpublique des lettres^; et l'usagede cette loi est trs considrable dans la physique. Elleporte qu'on passe toujours du petit au grand, et rebours,par le mdiocre, dans les degrs comme dans les parties ; etque jamais un mouvement ne nat immdiatement durepos, ni ne s'y rduit que par un mouvement plus petit,comme on n'achve jamais de parcourir aucune ligne oulongueur avant que d'avoir achev une ligne plus petite,quoique jusqu'ici ceux qui ont donn les lois du mouvementn'aient point observ cette loi, croyant qu'un corps peutrecevoir en un moment un mouvement contraire au pr-cdent. Tout cela fait bien juger que les perceptions remar-quables viennent par degrs de celles qui sont trop petitespour tre remarques. En juger autrement, c'est peu con-natre l'immense subtilit des choses, qui enveloppe tou-jours et partout un infini actuel. ^

    J'ai aussi remarqu qu'en vertu des variations insen-sibles, deux choses individuelles ne sauraient tre parfai-tement semblables, et qu'elles doivent toujours diffrerplus que numro, ce qui dtruit les tablettes vides de

    i. Pneumatique signifie : philosophie de l'esprit.2. Dans une lettre Bayle, publie dans les Nouvelles de la

    Rpublique des lettres de Bayie; Amsterdam, 1687.

    m

  • 18 AVANT-PnOPOS

    l'me, une me sans pense, une substance sans action,le vide de l'espace, les atomes et mmo des parcelles nonactuellement divises dans la matire ; l'uniformit en-tire dans une partie du temps, du lieu, ou de la matire;les globes parfaits du second lment, ns des cubes par-faits originaires, et mille autres fictions des philosophes,qui viennent de leurs notions incompltes, que la naturedes choses ne souffre point, et que notre ignorance et lepeu d'attention que nous avons l'insensible fait passer,mais qu'on ne saurait rendre tolrables, moins qu'onne les borne des abstractions de l'esprit, qui proteste dene point nier ce qu'il met quartier et qu'il juge nedevoir point entrer en quelque considration prsente.Autrement, si on l'entendait tout de bon, savoir, que leschoses dont on ne s'aperoit pas ne sont point dansl'me ou dans le corps, on manquerait en philosophie,comme en politique, en ngligeant t ij.!/.cj, les progrsinsensibles; au lieu qu'une abstraction n'est pas uneerreur, pourvu qu'on sache que ce qu'on dissimule y est.C'est comme les mathmaticiens en usent quand ils par-lent des lignes parfaites, qu'ils nous proposent des mou-vements uniformes et d'autres effets rgls, quoique lamatire (c'est--dire le mlange des effets de l'infini quinous environne! fasse toujours quelque exception. Pourdistinguer les considrations, pour rduire les effets auxraisons, autant qu'il nous est possible, et pour en prvoirquelques suites, on procde ainsi; car plus on est attentif ne rien ngliger des considrations que nous pouvonsrgler, plus la pratique rpond la thorie. Mais il n'ap-partient qu' la suprme raison, " qui rien n'chappe,de comprendre distinctement tout l'infini, toutes les rai-sons et toutes les suites. Tout ce que nous pouvons surles infinits, c'est de les connatre confusment, et desavoir au moins distinctement qu'elles sont; autrement,nous jugeons fort mal de la beaut et de la grandeur del'univers, comme aussi nous ne saurions avoir une bonnephysique qui explique la nature des choses en gnral,et encore moins une bonne pneumatique qui comprennela connaissance de Dieu, des mes, et des substancessimples en gnral.

    Cette connaissance des perceptions insensibles sert aussi expliquer pourquoi et comment deux mes humainesou deux choses d'une mme espce ne sortent jamaisparfaitement semblables des mains du Crateur, et onttoujours chacune son rapport originaire aux points devue qu'elles auront dans l'univers. Mais c'est ce qui suitdj de ce que j'avais remarqu de deux individus, savoir :

  • AVANT-PROPOS 19

    que \euT diffrence est toujours plus que numrique. U.y a en-core un autre point de consquence o je suis oblig dem'loghr iion seulement des sentiments de notre auteur,mais aussi de ceux de la plupart des modernes : c^estque je crois, avec la plupart des anciens, que tous lesgnies, toutes les mes, toutes les substances simplescres, sont toujours unies un corps, et qu'il n'y ajamais des mes qui en soient entirement spares. J'enai des raisons priori. Mais on trouvera encore qu'il y acela d'avantageux dans ce dogme, qu'il rsout toutes les-difficults philosophiques sur l'tat des mes, sur leurjconservation perptuelle, sur leur immortalit, et sur|leur opration, la diffrence d'un de leurs tats l'autre?n'tant jamais ou n'ayant jamais t que du plus au moins Isensible, du plus parfait au moins parfait, ou rebours; [ce qui rend leur tat pass ou venir aussi explicable .que celui d' prsent. On sent assez, en faisant tant soitpeu de rflexion, que cela est raisonnable, et qu'un sautd'un tat un autre infiniment diffrent ne saurait trenaturel. Je m'tonne qu'en quittant la nature sans sujet,les coles aient voulu s'enfoncer exprs dans des diffi-cults trs grandes, et fournir matire aux triomphes appa-rents des esprits forts, dont toutes les raisons tombenttout d'un coup par cette explication des choses, o il n'ya pas plus de difficult concevoir la conservation desmes (ou plutt, selon moi, de l'animal) que celle qu'il ya dans le changement de la chenille en papillon, et dansla conservation de la pense dans le sommeil, auquelJsus-Christ a divinement bien compar la mort. Aussi ;ai-je dj dit qu'aucun sommeil ne saurait durer toujours ;,^,et il durera moins ou presque point du tout aux mes rai- lsonnables, qui sont toujours destines conserver la sou-j|venance et le personnage qui leur a t donn dans la|cit de Dieu, et cela, pour tre mieux susceptibles de^frcompenses et des chtiments. J'ajoute encore qu'en'gnral aucun drangement des organes visibles n'estcapable de porter les choses une entire confusion dansl'animal, ou de dtruire tous les organes, et priver l'mede tout son corps organique et des restes ineffaables detoutes les traces prcdentes. Mais la facilit qu'on a euede quitter l'ancienne doctrine des corps subtils, jointsaux anges (qu'on confondait avec la corporalit des angesmme), et l'introduction de prtendues intelligences s-pares dans les cratures ( quoi, celles qui font roulerles cieux d'Aristote ont contribu beaucoup), et enfinl'opinion mal entendue, o l'on a t, qu'on ne pouvaitconserver les mes des btes sans tomber dans la mtem-

  • 20 AVANT-PROPOS

    psycose, ont fait, mon avis, qu'on a nglig la manirenaturelle d'expliquer la conservation de l'me. Ce qui afait bien du tort la religion naturelle, et a fait croire plusieurs que notre immortalit n'tait qu'une grce mira-culeuse de Dieu, dont encore notre clbre auteur parleavec quelque doute, comme je dirai tantt. Mais il serait souhaiter que tous ceux qui sont de ce sentiment eneussent parl aussi sagement et d'aussi bonne foi que lui;car il est craindre que plusieurs, qui parlent de l'im-mortalit par grce, ne le font que pour sauver les appa-rences, et approchent dans le fond de ces averrostes etde quelques mauvais quitistes, qui s'imaginent uneabsorption et runion de l'me l'ocan de la Divinit,notion dont peut-tre mon systme seul fait bien voirl'impossibilit.

    Il semble aussi que nous diffrons encore par rapport la matire, en ce que l'auteur juge que le vide est n-cessaire pour le mouvement, parce qu'il croit que lespetites parties de la matire sont roides. J'avoue que si lamatire tait compose de telles parties, le mouvementdans le plein serait impossible, comme si une chambretait pleine d'une quantit de petits cailloux, sans qu'il yet la moindre place vide. Mais on n'accorde point cettesupposition, dont il ne parat pas aussi qu'il y ait aucuneraison; quoique cet habile auteur aille jusqu' croire quela roideur ou la cohsion des petites parties fait l'essencedu corps. Il faut plutt concevoir l'espace comme pleind'une matire originairement fluide, susceptible de toutesles divisions, et assujettie mme actuellement des divi-sions et subdivisions l'infini ; mais avec cette diffrencepourtant, qu'elle est divisible et divise ingalement endiffrents endroits, cause des mouvements qui y sontdj plus ou moins conspirants; ce qui fait qu'elle a par-tout un degr de roideur aussi bien que de fluidit, etqu'il n'y a aucun corps qui soit dur ou fluide au suprmedegr, c'est--dire qu'on n'y trouve aucun atome d'uneduret insurmontable, ni aucune masse entirement in-diffrente la division. Aussi l'ordre de la nature, etparticulirement la loi de la continuit, dtruit gale-ment l'un et l'autre.

    J'ai fait voir aussi que la cohsion qui ne serait pas elle-mme l'effet de l'impulsion ou du mouvement causeraitune traction, prise la rigueur. Car s'il y avait un corps

    \. Averros, grand philosophe arabe, n Cordoue en 1126,mort en ir>8. qui niait l'immorlalit de lame humaine, ce qui futconsidr de bonne heure comme un des traits caractristiquesde son systme.

  • AVANT-PROPOS 21

    originairement roide, par exemple, un atome d'Epicure,qui aurait une partie avance en forme de crochet (puis-qu'on peut se figurer des atomes de toute sorte defigures), ce crochet pouss tirerait avec lui le reste de cetatome, c'est--dire la partie qu'on ne pousse point, et quine tombe point dans la ligne de l'impulsion. Cependantnotre habile auteur est lui-mme contre ces tractionsphilosophiques, telles qu'on les attribuait autrefois lacrainte du vide ; et il les rduit aux impulsions, soute-nant avec les modernes qu'une partie de la matire n'o-pre immdiatement sur l'autre qu'en la poussant deprs; en quoi je crois qu'ils ont raison, parce qu'autre-ment il n'y a rien d'intelligible dans l'opration.

    Il faut pourtant que je ne dissimule point d'avoir re-marqu une manire de rtractation de notre excellentauteur sur ce sujet, et je ne saurais m'empcherde loueren cela sa modeste sincrit, autant que j'ai admir songnie pntrant en d'autres occasions. C'est dans la r-ponse la seconde lettre de feu Mgr l'vque de Worces-teri, imprime en 1699, p. 408, o, pour justifier le sen-timent qu'il avait soutenu contre ce savant prlat, savoir,que la matire pourrait penser, il dit entre autreschoses . J'avoue que j'ai dit (livre 2 de l'Essai concer-nant l'entendement, ch= 8, 11) que le corps opre parimpulsion et non autrement. Aussi tait-ce mon senti-ment quand je l'crivis ; et encore prsentement je nesaurais concevoir une autre manire d'agir. Mais de-puis j'ai t convaincu par le livre incomparable dujudicieux M. Newton, qu'il y a trop de ^prsomption devouloir limiter la puissance de Dieu par nos concep-tions bornes. La gravitation de la matire vers la ma-tire par des voies qui me sont inconcevables, est nonseulement une dmonstration que Dieu peut, quandbon lui semble, mettre dans les corps des puissanceset manires d'agir qui sont au-dessus de ce qui peuttre driv de notre ide du corps, ou expliqu par ceque nous connaissons de la matire ; mais c'est encoreune instance incontestable qu'il l'a fait effectivement.C'est pourquoi j'aurai soin que dans la prochaine di-tion de mon livre ce passage soit redress . Je trouveque dans la version franaise de ce livre, faite sans doutesur les dernires ditions, on l'a mis ainsi dans ce 11 : Il est visible, au moins autant que nous pouvons le

    1. Edw. Stillingfleet (1633-1699), controversiste anglican, vque deWortcester. Dans un de ses opuscules : In vindication oj the Tri-nity, il attaqua l'Essai de Locive, d'o sa controverse avec celui-ci.

  • 22 AVANT-PROPOS

    concevoir, que c'est par impulsion, et non autrement,que les corps agissent les uns sur les autres; car ilnous est impossible de comprendre que le corps puisseagir sur ce qu'il ne touche pas, ce qui est autant qued'imaginer qu'il puisse agir o il n'est pas .

    Je ne puis que louer cette pit modeste de notre c-lbre auteur, qui reconi^at que Dieu peut faire au delde ce que nous pouvons entendre, et qu'ainsi il peut yavoir des mystres inconcevables dans les articles de lafoi; mais je ne voudrais pas qu'on ft oblig de recouriraux miracles dans le cours ordinaire de la nature, etd'admettre des puissances et oprations absolument inex-plicables. Autrement, la faveur de ce que Dieu peutfaire, on donnera trop de licence aux mauvais philoso-phes ; et en admettant ces vertus centriptes ou ces attrac-tions immdiates de loin, sans qu'il soit possible de lesrendre intelligibles, je ne vois pas ce qui empcheraitnos scolastiques de dire que tout se fait simplement parles facults, et de soutenir leurs espces intentionnelles,qui vont des objets jusqu' nous, et trouvent moyen d'en-trer jusque dans nos mes. Si cela va bien,

    Omnia jam fient, Ceri qu posse ncgabam'.

    De sorte qu'il me semble que notre auteur, tout judicieuxqu'il est, va ici un peu trop d'une extrmit l'autre. Ilfait le difficile sur les oprations des mes, quand il s'agitseulement d'admettre ce qui n'est point sensible; et levoil qui donne,aux corps ce qui n'est pas mme intel-ligible, leur accordant des puissances et des actions quipassent tout ce qu' mon avis un esprit cr saurait faireet entendre, puisqu'il leur accorde l'attraction et mme des grandes distances, sans se borner aucune sphred'activit, et cela pour soutenir un sentiment qui n'estpas moins inexplicable, savoir, la possibilit de la pensede la matire dans l'ordre naturel.

    La question qu'il agite avec le clbre prlat qui l'avaitattaqu est : si la mxitire peut penser ; et comme c'est unpoint important, mme pour le prsent ouvrage, je nepuis me dispenser d'y entrer un peu et de prendre con-naissance de leur contestation. J'en reprsenterai lasubstance sur ce sujet et prendrai la libert de dire ceque j'en pense. Feu M. l'vque de Worcester, apprhen-dant (mais sans en avoir grand sujet, mon avis) que la

    t. Toutes les choses existeront dsormais dont je niais la possi-bilit dsister.

  • AVANT-PROPOS 23

    doctrine des ides de notre auteur ne ft sujette quel-ques abus prjudiciables la foi chrtienne, entrepritd'en examiner quelques endroits dans sa Vindication dela doctrine de la Trinit; et ayant rendu justice cet excel-lent crivain, en reconnaissant qu'il juge l'existencede l'esprit aussi certaine que celle du corps, quoiquel'une de ces substances soit aussi peu connue que l'autre,il demande (p. 241 et suiv.) comment la rflexion nouspeut assurer de l'existence de l'esprit, si Dieu peut don-ner la matire la facult de penser suivant le sentimentde notre auteur (liv. 4, chap. 3), puisqu'ainsi la voie desides, qui doit servir discuter ce qui peut convenir l'me ou au corps, deviendrait inutile ; au lieu qu'il taitdit dans le livre 2 de l'Essai sur l'entendement (chap. 23, 15, 27 et 28) que les oprations de l'me nous fournis-sent l'ide de l'esprit, et que l'entendement avec la vo-lont nous rend cette ide aussi intelligible, que la na-ture du corps nous est rendue intelligible par la soliditet par l'impulsion. Voici comment notre auteur y rponddans la premire lettre (p. 65 et suiv.) : Je crois avoirprouv qu'il y a une substance spirituelle en nous, carnous exprimentons en nous la pense ; or, cette actionou ce mode ne saurait tre l'objet de l'ide d'une chosesubsistante de soi, et par consquent ce mode a besoind'un support ou sujet d'inhsion; et l'ide de ce sup-port fait ce que nous appelons substance... car puisquel'ide gnrale de la substance est partout la mme ; ils'ensuit que, la modification qui s'appelle pense oupouvoir de penser y tant jointe, cela fait un esprit,sans qu'on ait besoin de considrer quelle autre modi-fication il a encore, c'est--dire s'il a de la solidit ounon, et, de l'autre ct, la substance qui a la modifi-cation qu'on appelle solidit sera matire, soit que lapense y soit jointe ou non. Mais si par une substancespirituelle vous entendez une substance immatrielle,j'avoue de n'avoir point prouv qu'il y en ait en nous,et qu'on ne peut point le prouver dmonstrativementsur mes principes. Quoique ce que j'ai dit sur les sys-tmes de la matire (liv. 4, ch. 10, 16), en dmon-trant que Dieu est immatriel, rende probable au su-prme degr que la substance qui pense en nous estimmatrielle... cependant j'ai montr (ajoute l'auteur,p. 68) que les grands buts de la religion et de la mo-rale sont assurs par l'immortalit de l'me, sans qu'ilsoit besoin de supposer son immatrialit .Le savant vque, dans sa rponse cette lettre, pour

    faire voir que notre auteur a t d'un autre sentiment

  • 24 AVANT-PROPOS

    lorsqu'il crivait son second livre de l'Essai, en allgue,page 51, ce passage (pris du mme livre, c. 23 , 15) o ilest dit que, c par les ides simples que nous avons d-duites des oprations de notre esprit, nous pouvonsformer l'ide complexe d'un esprit; et que, mettantensemble les ides de pense, de perception, de libertet de puissance de mouvoir notre corps, nous avonsune notion aussi claire des substances immatriellesque des matrielles . Il allgue d'autres passages en-core pour faire voir que l'auteur opposait l'esprit aucorps, et dit (p. 54) que le but de la religion et de lamorale est mieux assur, en prouvant que l'me est im-mortelle par sa nature, c'est--dire immatrielle. Il allgueencore (p. 70) ce passage : Que toutes les ides quenous avons des espces particulires et distinctes dessubstances ne sont autre chose que diffrentes combi-naisons d'ides simples , et qu'ainsi l'auteur a cruque l'ide de penser et de vouloir donnait une autresubstance, diffrente de celle que donne l'ide de la soli-dit et de l'impulsion, et que ; 17) il marque que cesides constituent le corps, oppos l'esprit.M. Worcester pouvait ajouter que, de ce que Vide gn-

    rale de substance est dans le corps et dans l'esprit, ilne s'ensuit pas que leurs diffrences soient des modifica-tions d'une mme chose, comme notre auteur vient de ledire dans l'endroit que j'ai rapport de sa premirelettre. Il faut bien distinguer entre modifications et attri-buts. Les facults d'avoir de la perception et d'agir,l'tendue, la solidit sont des attributs ou des prdicatsperptuels et principaux; mais la pense, l'imptuosit,les figures, les mouvements sont des modifications de cesattributs. De plus, on doit distinguer entre genre physiqueou plutt rel, et genre logique ou idal. Les choses quisont d'un mme genre physique, ou qui sont homognes,sontd'une mme matire pour ainsi dire, et peuventsouventtre changes l'une dans l'autre par le changement de lamodification, comme les cercles et les carrs. Mais deuxchoses htrognes peuvent avoir un genre logique com-mun, et alors leurs diffrences ne sont pas de simplesmodifications accidentelles d'un mme sujet ou d'unemme matire mtaphysique ou physique. Ainsi le tempset l'espace sont des choses fort htrognes, et on aurai!tort de s'imaginer je ne sais quel sujet rel commun quin'ei'it que la quantit continue en gnral, et dont lesmodifications fissent provenir le temps ou l'espace. Cepen-dant leur genre logique commun est la quantit con-,tinue. Quelqu'un se moquera peut-tre de ces distinctions

  • AVANT-PROPOS 25

    des philosophes, de deux genres, l'un logique seulement,l'autre encore rel; et de deux matires, l'une phy-sique, qui est celle des corps, l'autre mtaphysique seu-lement ou gnrale, comme si quelqu'un disait que deuxparties de l'espace sont d'une mme matire, ou quedeux heures sont aussi entre elles d'une mme matire.Cependant ces distinctions ne sont pas seulement destermes, mais des choses mmes, et semblent venir bien propos ici, o leur confusion a fait natre une fausse con-squence. Ces deux genres ont une notion commune, etcelle du genre rel est commune aux deux matires, desorte que leur gnalogie sera telle :

    / Logique, seulement vari par des diffrences simples.V Rel, dont les diffrences ( Mtaphysique, seulement o

    Genre \ sont des modifications, \ il y a homognit./ c'est--dire matire . . . i Physique, oi il y a une masse\ \ homogne solide.

    Je n'ai pas vu la seconde lettre de l'auteur l'vque.La rponse que ce prlat y fait ne touche gure au pointqui regarde la pense de la matire; mais la rplique denotre auteur cette seconde rponse y retourne : Dieu(dit-il peu prs dans ces termes, p. 397) ajoute l'es-sence de la matire les qualits et perfections qui luiplaisent : le mouvement simple dans quelques parties,mais dans les plantes la vgtation, et dans les animauxle sentiment. Ceux qui en demeurent d'accord jusqu'icise rcrient aussitt qu'on fait encore un pas, pour direque Dieu peut donner la matire pense, raison,volont, comme si cela dtruisait l'essence de la matire.Mais, pour le prouver, ils allguent que la pense ouraison n'est pas renferme dans l'essence de la matire;ce qui ne fait rien, puisque le mouvement et la vien'y sont pas renferms non plus. Ils allguent aussiqu'on ne saurait concevoir que la matire pense. Maisnotre conception n'est pas la mesure du pouvoir deDieu . Aprs cela, il cite l'exemple de l'attraction de lamatire, p. 99, mais surtput p. 408, o il parle de la gra-vitation de la matire vers la matire, attribue M. New-ton, dans les termes que j'ai cits ci-dessus, avouant qu'onn'en saurait jamais concevoir le comment. Ce qui est, eneffet, retourner aux qualits occultes ou, qui plus est,inexplicables. Il ajoute (p. 401) que rien n'est plus propre favoriser les sceptiques que de nier ce qu'on n'entendpoint, et (p. 402) qu'on ne conoit pas mme commenti'me pense. Il veut (p. 403) que les deux substances, 1^matrielle et l'immatrielle, pouvant tre conuea>idai

    (^

  • 26 AVANT-PROPOS

    leur essence nue sans aucune activit, il dpende deDieu de donner l'une et l'autre la puissance depenser; et on veut se prvaloir de l'aveu de l'adversaire,qui avait accord le sentiment aux btes, mais qui ne leuraccorderait pas quelque substance immatrielle. On prtendque la libert, la conscienciosit (p. 408) et la puissancede faire des abstractions (p. 409) peuvent tre donnes la matire, non pas comme matire, mais comme enrichiepar une puissance divine. Enfin on rapporte (p. 434) laremarque d'un voyageur aussi considrable et judicieuxque l'est M. de la Loubre^, que les paens de l'Orientconnaissent l'immortalit de l'me sans en pouvoir com-prendre l'immatrialit.Sur tout cela je remarquerai, avant que de venir

    l'explication de mon opinion, qu'il est sr que la matireest aussi peu capable de produire machinalement du sen-timent que de produire de la raison, comme notre auteuren demeure d'accord; qu' la vrit je reconnais qu'il n'estpas permis de nier ce qu'on n'entend pas; mais j'ajoutequ'on a droit de nier (au moins dans l'ordre naturel) cequi absolument n'est point intelligible ni explicable. Jesoutiens aussi que les substances (matrielles ou immat-rielles) ne sauraient tre conues dans leur essence nuesans activit; que l'activit est de l'essence de la substanceen gnral, et qu'enfin la conception des cratures n'estpas la mesure du pouvoir de Dieu, mais que leur concep-tivit, ou force de concevoir, est la mesure du pouvoir dela nature, tout ce qui est conforme l'ordre naturel pou-vant tre conu ou entendu par quelque crature.Ceux qui concevront mon systme jugeront que je ne

    saurais me conformer en tout avec l'un ou l'autre de cesdeux excellents auteurs, dor.t la contestation cependantest fort instructive. Mais, pour m'expliquer distinctement,il faut considrer, avant toutes choses, que les modifica-tions qui peuvent venir naturellement ou sans miracle un mme sujet, y doivent venir des limitations ou varia-tions d'un genre rel ou d'une nature originaire constanteet absolue; car c'est ainsi qu'pn distingue chez les philo-sophes les modes d'un tre absolu de cet tre mme,comme l'on sait que la grandeur, la figure et le mouve-ment sont manifestement des limitations et des variationsde la nature corporelle. Il est clair comment une tendueborne donne des figures et que le changement qui s'y

    1. Simon de laLoubre (I6i2-I729), littrateur etvoyapcur fran-ais, mis la tte do, la mission envoye par Louis XIV en Siam,en 1687, d'o il rapporta une relation de son voyage, sous ce titre :Du royaume de Siam-, I69i.

  • AVANT-PROPOS 27

    fait n'est autre chose que le mouvement; et toutes les foisqu'on trouve quelque qualit dans un sujet, on doit croireque si on entendait la nature de ce sujet et de cette qua-lit, on coucevrait comment cette qualit en peut rsulter.Ainsi, dans l'ordre de la nature (les miracles mis part),il n'est pas arbitraire Dieu de donner indiffremmentaux substances telles ou telles qualits; et il ne leur endonnera jamais que celles qui leur seront naturelles,c'est--dire qui pourront tre drives de leur naturecomme des modifications explicables. Ainsi on peut jugerque la matire n'aura pas naturellement l'attraction men-tionne ci-dessus, et n'ira pas d'elle-mme en ligne courbe,parce qu'il n'est pas possible de concevoir comment celas'y fait, c'est--dire de l'expliquer mcaniquement; aulieu que ce qui est naturel doit pouvoir devenir conce-vable distinctement, si l'on tait admis dans le secret deschoses. Cette distinction entre ce qui est naturel et expli-cable et ce qui est inexplicable et miraculeux lve toutesles difficults. En la rejetant, on soutiendrait quelquechose de pis que les qualits occultes, et on renonceraiten cela la philosophie et la raison, en ouvrant desasiles l'ignorance et la paresse par un systme sourd,qui adm*^!, non seulement qu'il y a des qualits que nousn'entendons pas, dont il n'y en a que trop, mais aussiqu'il y en a que le plus grand esprit, si Dieu lui donnaittoute l'ouverture possible, ne pourrait pas comprendre,c'est--dire qui seraient ou miraculeuses ou sans rime etsans raison : et cela mme serait sans rime et sans raison,que Dieu fit des miracles ordinairement; de sorte quecette hypothse fainante dtruirait galement notre philo-sophie, qui cherche les raisons, et la divine sagesse quiles fournit.Pour ce qui est maintenant de la pense, il est sr, et

    l'auteur le reconnat plus d'une fois, qu'elle ne sauraittre une modification intelligible de la matire, c'est--direque l'tre sentant ou pensant n'est pas une chose machi-nale, comme une montre ou un moulin : en sorte qu'onpourrait concevoir des grandeurs, figures et mouvementsdont la conjonction machinale pt produire quelque chosede pensant et mme de sentant dans une masse o il n'yet rien de tel, qui cesserait aussi de mme par le dr-glement de cette machine. Ce n'est donc pas une chosenaturelle la matire de sentir et de penser, et cela nepeut arriver chez elle que de deux faons, dont l'une seraque Dieu y joigne une substance laquelle il soit naturelde penser, et l'autre que Dieu y mette la pense parmiracle. En cela donc, je suis entirement du sentiment

  • 28 AVANT-PROPOS

    des cartsiens, except que je l'tends jusqu'aux btes, etque je crois qu'elles ont du sentiment et des mes imma-trielles ( proprement parler) et aussi peu prissablesque les atomes le sont chez Dmocrite ou Gassendi; aulieu que les cartsiens, embarrasss sans sujet des mesdes btes et ne sachant ce qu'ils en doivent faire, si ellesse conservent (faute de s'aviser de la conservation del'animal rduit en petit), ont t forcs de refuser mmele sentiment aux btes, contre toutes les apparences etcontre le jugement du genre humain. Mais si quelqu'undisait que Dieu au moins peut ajouter la facult de penser la machine prpare, je rpondrais que si cela se fai-sait, et si Dieu ajoutait cette facult la matire sans yverser en mme temps une substance qui ft le sujet del'inhsion de cette mme facult (comme je le conois),c'est--dire sans y ajouter une me immatrielle, il fau-drait que la matire el t exalte miraculeusement pourrecevoir une puissance dont elle n'est pas capable naturel-lement. Quelques scolastiques ont prtendu quelque chosed'approchant, savoir : que Dieu exalte le feu jusqu' luidonner la force de brler immdiatement les espritsspars des corps, ce qui serait un miracle tout pur. C'estassez qu'on ne puisse soutenir que la matire pense, sansy mettre une me imprissable ou bien un miracle; etqu'ainsi l'immatrialit de nos mes suive de ce qui estnaturel, puisqu'on ne saurait soutenir leur extinction quepar miracle, soit en exaltant la matire, soit en anantis-sant l'me; car nous savons bien que la puissance deDieu pourrait rendre nos mes mortelles, tout immat-rielles (ou immortelles par leur seule nature) qu'ellespuissent tre, puisqu'il les peut anantir.

    Or, cette vrit de l'immatrialit de l'me est sansdoute de consquence; car il est infiniment plus avanta-geux la religion et la morale, surtout dans les temps onous sommes, de montrer que les mes sont immortellesnaturellement, et que ce serait un miracle si elles nel'taient pas, que de soutenir que nos mes doivent mourirnaturellement; mais que c'est en vertu d'une grce mira-culeuse, fonde dans la seule promesse de Dieu, qu'ellesne meurent pas. Aussi sait-on depuis longtemps que ceuxqui ont voulu dtruire la religion naturelle et rduire tout la releve, comme si la raison ne nous enseignait rienl-dessus, ont pass pour suspects; et ce n'est pas tou-jours sans raison. Mais notre auteur n'est pas de cenombre. Il soutient la dmonstration de l'existence deDieu, et il attribue l'immatrialit de l'me une proba-bilit dans le suprme degr, qui pourra passer par cons-

  • AVANT-PROPOS 29

    quent pour une certitude morale; de sorte que je croisqu'ayant autant de sincrit que de pntration, il pourraitbien s'accommoder de la doctrine que je viens d'exposer,et qui est fondamentale dans toute la philosophie raison-nable. Autrement, je ne vois pas comment on pourraits'empcher de retomber dans la philosophie ou fanatique,telle que la philosophie mosaque de Fludd', qui sauvetous les phnomnes en les attribuant Dieu immdiate-ment et par miracle; ou barbare, comme celle de certainsphilosophes et mdecins du temps pass, qui se ressentaitencore de la barbarie de leur sicle et qu'aujourd'hui onmprise avec raison, qui sauvaient les apparences en for-geant tout exprs des qualits occultes ou facults qu'ons'imaginait semblables des petits dmons ou lutins,capables de faire sans faon tout ce qu'on demande,comme si les montres de poche marquaient les heurespar une certaine facult horodictique, sans avoir besoinde roues; ou comme si les moulins brisaient les grainspar une facult fractive, sans avoir besoin de rien quiressemblt aux meules. Pour ce qui est de la difficultque plusieurs peuples ont eue de concevoir une substanceimmatrielle, elle cessera aisment (au moins en bonnepartie) quand on ne demandera pas des substances spares

    ,

    de la matire, comme, en effet, je ne crois pas qu'il y enait jamais naturellement parmi les cratures.

    1. Robert Fltidd (1574-1637), mdecin et thosophe anglais, crivitla Philosopha mosaca.

  • NOUVEAUX ESSAIS

    L'ENTENDEMENT HUMAIN

    LIVRE PREMIERDES NOTIONS INNES

    CHAPITRE PREMIER

    S'il y a des principes inns dans Vesprit de l'homme^

    Philalthe. Ayant repass la mer aprs avoir achevles affaires que j'avais en Angleterre, j'ai pens d'abord vous rendre visite, monsieur, pour cultiver notreancienne amiti et pour vous entretenir des matires quinous tiennent fort au cur, et o je crois avoir acquisde nouvelles lumires pendant mon sjour Londres.Lorsque nous demeurions autrefois tout proche l'un del'autre, Amsterdam, nous prenions beaucoup de plaisirtous deux faire des recherches sur les principes et surles moyens de pntrer dans l'intrieur des choses.Quoique nos sentiments fussent souvent diffrents, cettediversit augmentait notre satisfaction lorsque nous enconfrions ensemble, sans que la contrarit qu'il y avaitquelquefois y mlt rien de dsagrable. Vous tiez pourDescartes et pour les opinions du clbre auteur de laRecherche de la Vrit^ ; et moi je trouvais les sentiments

    1. MaleVramche, dont la Recherche de la Vrit parut en 1674.

  • 32 NOUVEAUX ESSAIS

    de Gassendi ', claircis par M. Bernier 2, plus faciles etplus naturels. Maintenant je me sens eNtrmement for-tifi par l'excellent ouvrage qu'un illustre Anglais, quej'ai l'honneur de connatre particulirement, a publidepuis, et qu'on a rimprim plusieurs fois en Angle-terre sous le titre modeste d'Essai concernant Ventendementhumain. On assure mme qu'il parat depuis peu en latinet en franais; de quoi je suis bien aise, car il peut tred'une utilit plus gnrale. J'ai fort profit de la lecturede cet ouvrage, et mme de la conversation de l'auteur,que j'ai entretenu souvent Londres, et quelquefois Oates, chez milady Masham^, digne fille du clbreM. Cudworth *, grand philosophe et thologien anglais,auteur du systme intellectuel, dont elle a hrit l'espritde mditation et l'amour des belles connaissances, quiparat plus particulirement par l'amiti qu'elle entre-tient avec l'auteur dudit Essai; et, comme il a t attaqupar quelques docteurs de mrite, j'ai pris plaisir lireaussi l'apologie qu'une demoiselle fort sage et fort spiri-tuelle a faite pour lui, outre celles qu'il a faites lui-mme.En gros, il est assez dans le systme de M Gassendi,

    qui est, dans le fond, celui de Dmocrite. Il est pour levide et pour les atomes; il croit que la matire pourraitpenser, qu'il n'y a point d'ides innes, que notre espritest tabula rasa, et que nous ne pensons pas toujours; etil parat d'humeur approuver la plus grande partie desobjections que M. Gassendi a faites M. Descartes. Il aenrichi et renforc ce systme par mille belles rflexions;et je ne doute point que maintenant notre parti netriomphe hautement de ses adversaires, lespripatticienset les cartsiens. C'est pourquoi, si vous n'avez pas encorelu ce livre, je vous y invite; et, si vous l'avez lu, je voussupplie de m'en dire votre sentiment.

    Thophile. Je me rjouis de vous voir de retour aprsune longue absence, heureux dans la conclusion de votreimportante affaire, plein de sant, ferme dans l'amitipour moi, et toujours port avec une ardeur gale larecherche des plus importantes vrits. Je n'ai pas moins

    1. Gassendi M592-1655) dfendit lpicurisme, en particulier dansson ouvrage : Syntagma philosophia: Epiciiri.

    2. Franois Bcmicr. philosophe et voyageur, se Ht connatresurtout pour son ouvrage, en huit volumes, intitul : Abrg de laphilosojJhic de Gassendi.

    3. iMdij Masham fut une des amies les plus (idles de Locke.Leibniz refut d'elle l'ouvrage de son pre : Systema intellectualehujus universi.

    i. Ralph. Cudicorth, philosophe platonicien et latitadinaire, d-fendit le thisme dans : le Vrai systme intellecUiel ; Londres, 1678.

  • SUR L'ENTENDEMENT HUMAIN. LIV. I 33

    continu mes mditations dans le mme esprit; et je croisd'avoir profit aussi autant, et peut-tre plus que tous, sije ne me flatte pas. Aussi en avais-je plus besoin quevous, car vous tiez plus avanc que moi. Vous aviez plusde commerce avec les philosophes spculatifs, et j'avaisplus de penchant vers la morale; mais j'ai appris dplusen plus combien la morale reoit d'affermissement desprincipes solides de la vritable philosophie : c'est pour-quoi je les ai tudis depuis avec plus d'application, etje suis entr dans des mditations assez nouvelles; desorte que nous aurons de quoi nous donner un plaisirrciproque et de longue dure, en nous communiquantl'un l'autre nos claircissements. Mais il faut que jevous dise pour nouvelle que je ne suis plus cartsien, etque cependant je suis loign plus que jlrs d"e TotreGassendi, dont je reconnais d'ailleurs le savoir et lemrite. J'ai t frapp d'un nouveau systme dont j'ai luquelque chose dans les journaux des savants de Paris, deLeipsick et de Hollande, et dans le merveilleux Diction-naire de M. Bayle ', article Roranus. Depuis, je crois voirune nouvelle face de l'intrieur des choses. Ce systmeparat allier Platon avec Dmocrite, Aristote avec Des-cartes, les scTmtqTgriave'r"tG's'1rr(5"aerriT,"ra tlrorogte-etTa'"%t)rale avec la raison. 11 semble qu'il prend le meil-leur de tous cts, et que puis aprs il va plus loin qu'onn'est all encore. J'y trouve une explication intelligiblede l'union de l'me et du corps, chose dont j'avais dses-pr auparavant. Je trouve les vrais principes des chosesdans les units des substances que ce systme introduitet dans leur harmonie prtablie par la substance primi-tive. J'y trouve une simplicit et une uniformit surpre-nants, en sorte qu'on peut dire que c'est partout et tou-jours la mme chose, aux degrs de perfection prs. Jevois maintenant ce que Platon entendait quand il prenaitla matire pour un tre imparfait et transitoire; ce qu'A-ristote voulait dire par son entlchie; ce que c'est quela promesse que Dmocrite mme faisait d'une autre viechez Pline; jusqu'o les sceptiques avaient raison endclamant contre les sens; comment les animaux sontdes automates, suivant Descartes, et comment pourtantils ont des mes et du sentiment, selon l'opinion du genrehumain ; comment il faut expliquer raisonnablement ceuxqui ont donn de la vie et de la perception toutes

    1. Pierre Bayle (1647-1706), publia en 1697, Rotterdam, son c-lbre Dictionnaire historique et critique. A l'article Korariol 1485-1563), lgat des papes, il expose la thorie de l'harmonie prta-blie de Leibniz.

    m

  • 3* NOUVEAUX ESSAISchoses, comme Cardan
  • SUR L'ENTENDEMENT HUMAIN. LIV. I 35

    prtendue concidence de l'ide du corps et de l'tendue-j, |Je vois toutes choses rgles et ordonnes au del de tou^ ice qu'on a conu jusqu'ici : la matire organique partout| |rien de vide, de strile ou de nglig, rien de trop uni-forme, tout vari, mais avec ordre, et, ce qui passe l'ima-gination, toutj'uniyers en raccourci, mais d'une vue dif-frente d1s''Tacune"'ll ses parties, et 'intO.T8""trSnlChrctnT'cte' ses untes de substance. Outre cette nouvelleanalyse des choses, j'ai mieux compris celle des notionsou ides et des vrits; j'entends ce que c'est qu'idevraie, claire, distincte, adquate, si j'ose employer cemot; j'entends quelles sont les vrits primitives et les ivrais axiomes, la distinction des vrits ncessaires et de icelles de fait, du raisonnement des hommes et des cons- Icutions des btes, qui en sont une ombre. Enfin vousserez surpris, monsieur, d'entendre tout ce que j'ai vous dire, et surtout de comprendre combien la connais-sance des grandeurs et des perfections de Dieu en estreleve Car je ne saurais dissimuler vous, pour qui jen'ai eu rien de cach, combien je suis pntr mainte-nant d'admiration et (si nous osons nous servir de ceterme) d'amour pour cette souveraine source de choseset de beauts, ayant trouv que celles que ce systmedcouvre passent tout ce qu'on en a conu jusqu'ici. Voussavez que j'tais all un peu trop loin autrefois, et queie commenais pencher du ct des spinosistes, qui nelaissent qu'une puissance infinie Dieu. Sans reconnatreni perfections, ni sagesse son gards et, mprisant larecherche des causes finales, ils drivent tout d'une nces-sit brute. Mais ces nouvelles lumires m'en ont guri;et, depuis ce temps-l, je prends quelquefois le nom deThophile. J'ai lu le livre de ce clbre Anglais dont vousvenez de parler. Je l'estime beaucoup, et j'y ai trouv debelles choses; mais il faut aller plus avant, et mme\s'carter de ses sentiments, parce que souvent il en a prisqui nous bornent plus qu'il ne faut, et ravalent un peutrop non seulement la condition de l'homme, mais encore/celle de l'univers.

    ^Phil.'VLthe. Vous m^tonnez, en effet, avec toutes lesmerveilles dont vous me faites un rcit un peu trop avan-tageux pour que je les puisse croire facilement. Cepen-dant je veux esprer qu'il y aura quelque chose de solideparmi tant de nouveauts dont vous me voulez rgaler.En ce cas vous me trouverez fort docile. Vous savez quec'tait toujours mon humeur de me rendre la raison, etque je prenais quelquefois le nom de Philalthe. C'estpourquoi nous nous servirons maintenant, s'il vous plat.

  • 36 NOUVEAUX ESSAIS

    de ces deux noms, qui ont tant de rapport. Il y a moyende venir l'preuve, car puisque vous avez lu le livre duclbre Anglais qui me donne tant de satisfaction, et qu'iltraite une bonne partie des matires dont vous venez deparler, et surtout l'analyse de nos ides et connaissances,ce sera le plus court d'en suivre le ll et de voir ce quevous aurez remarquer.Thophile. J'approuve votre proposition. Voici le livre : 1. Piiilal:tiie. Je l'ai si bien lu que j'en ai retenu jus-

    qu'aux expressions, que j'aurai soin de suivre. Ainsi jen'aurai point besoin de recourir au livre qu'en quelquesrencontres, o nous le jugerons ncessaire.Nous parlerons premirement de l'origine des ides ou

    notions [livre 1), puis des diffrentes sortes d'ides {livre 2)et des mots qui servent les exprimer {livre 3), enfin desconnaissances et vrits qui en rsultent {livre 4), et c'estcette dernire partie qui nous occupera le plus.Quant l'origine des ides, je crois, avec cet auteur et

    quantit d'habiles gens, qu'il n'y en a point d'innes, nonplus que de principes inns. Et pour rfuter l'erreur deceux qui en admettent, il suffit de montrer, comme ilparatra dans la suite, qu'on n'en a point besoin, et queles hommes peuvent acqurir toutes leurs connaissancessans le secours d'aucune impression inne.

    Thophile. Vous savez, Philalthe, que je suis d'un autresentiment depuis longtemps : que j'ai toujours t commeje suis encore pour l'ide inne de Dieu, que M. Descartesa soutenue, et par consquent pour d'autres ides inneset qui ne nous sauraient venir des sens. Maintenant jeAais encore plus loin, conformment au nouveau systme,

    ^et je crois mme que toutes les penses et actions deInotre me viennent de son propre fonds, sans pouvoir luidtre donnes par les sens, comme vous allez voir dans laJriiuite. Mais prsent je mettrai cette recherche part et,m'accommodant aux expressions reues, puisqu'en effetelles sont bonnes et soutenables, et qu'on peut dire, dansun certain sens, que les sens externes sont cause enpartie de nos penses, j'examinerai comment on doit dire mon avis, encore dans le systme commun (parlant del'action des corps sur l'me comme les coperniciens par-

    ' lent avec les autres hommes du mouvement du soleil, etavec fondement), qu'il y a des ides et des principes quine nous viennent point des sens, et que nous trouvons ennous sans les former, quoique les sens nous donnentoccasion de nous en apei'cevoir. Je m'imagine que votrehabile auteur a remarqu que, sous le nom de principesinns, on soutient souvent ses prjugs et qu'on veut

  • SUR L'ENTENDEMENT HUMAIN. LIV. I 37

    s'exempter de la peine des discussions, et que cet abusaura anim son zle contre cette supposition. Il auravoulu combattre la paresse et la manire superficielle depenser de ceux qui, sous le prtexte spcieux d'idesinnes^ de vrits graves naturellement dans l'esprit,o nous donnons facilement notre consentement, ne se

    -c^Qucien t po int de rechercher et d'examiner les sources,les liaisons et la certitude de ces connaissances. En celaje suis entirement de son avis, et je vais mme plusavant. Je voudrais qu'on ne bornt point notre analyse,qu'on donnt les dfinitions de tous les termes qui en sontcapables, et qu'on dmontrt ou donnt le moyen de d-montrer tous les axiomes qui ne sont point primitifs, sansdistinguer l'opinion que les hommes en ont, et sans sesoucier s'ils y donnent leur consentement ou non. Il yaurait cela plus d'utilit qu'on ne pense. Mais il sembleque l'auteur a t port trop loin d'un autre ct par sonzle fort louable d'ailleurs. Il n'a pas assez distingu, '^

    mon avis, l'origine des vrits ncessaires dont la sourcest dans l'entendement, d'avec celles de fait qu'on tiredes expriences des sens et mme des perceptions con-fuses qui sont en nous. Vous voyez donc, monsieur, queje n'accorde pas ce que vous mettez en fait, que nouspouvons acqurir toutes nos connnaissances sans avoirbesoin d'impressions innes. Et la suite fera voir qui denous a raison.

    2. PuiLALTHE. Nous l'allous voir en effet. Je vousavoue, mon cher Thophile, qu'il n'y a point d'opinionplus communment reue que celle qui tablit qu'il y acertains principes de la vrit desquels les hommes con-viennent gnralement; c'est pourquoi ils sont appelsnotions communes, xoival 'vvoiai : d'o l'on infre qu'il fautque ces principes-l soient autant d'impressions que nosesprits reoivent avec l'existence.

    I 3. Mais quand le fait serait certain, qu'il y aurait desprincipes dont tout le genre humain demeure d'accord,ce consentement universel ne prouverait point qu'ils

    ^

    soient inns, si l'on peut montrer, comme je le crois, une''

    autre voie par laquelle les hommes ont pu arriver cetteV uniformit de sentiment.

    4. Mais ce qui est bien pis, ce sentiment universel nese trouve gure, non pas mme par rapport ces deuxclbres principes spculatifs (car nous pillerons par aprsde ceux de pratique), que tout ce qui esf^el qu'iZ e^ impos-sible qu'une chose soit et ne soit pas en mme temps : car il ya une grande partie du genre humain qui ces deux pro-positions, qui passeront sans doute pour vrits ncessaires

    4

  • 38 NOUVEAUX ESSAIS

    et pour des axiomes chez vous, ne sont pas mme con-nues.

    TiiopniLE. Je ne fonde pas ia certitude des principesinns sur le consentement universel; car je vous ai djdit, Philalthe, que mon avis est qu'on doit travailler pouvoir dmontrer tous les axiomes qui ne sont pointprimitifs. Je vous accorde aussi qu'un consentement fortgnral, mais qui n'est pas universel, peut venir d'unetradition rpandue par tout le genre humain, commel'usage de la fume du tabac a t reu presque par tousles peuples en moins d'un sicle, quoiqu'on ait trouvquelques insulaires qui, ne connaissant pas mme le feu,n'avaient garde de fumer. C'est ainsi que quelques habilesgens, mme parmi les thologiens, mais du parti d'Armi-nius, ont cru que la connaissance de la Divinit venaitd'une tradition trs ancienne et fort gnrale; et je veuxcroire, en effet, que l'enseignement a confirm et rectificette connaissance. II parat pourtant que la nature a con-tribu y mener sans la doctrine; les merveilles de l'uni-vers ont fait penser un pouvoir suprieur. On a vu unenfant n sourd et muet marquer de la vnration pour lapleine lune, et l'on a trouv des nations qu'on ne voyaitpas avoir appris autre chose, et d'autres peuples craindredes puissances invisibles. Je vous avoue, mon cher Phila-lthe, que ce n'est pas encore l'ide de Dieu, telle quenous avons et que nous demandons, mais cette idemme ne laisse pas d'tre dans le fond de nos mes, sansy tre mise, comme nous verrons. Et les lois ternelleside Dieu y sont en partie graves d'une manire encoreplus lisible et par une espce d'instinct. Mais ce sont desprincipes de pratique, dont nous aurons aussi occasion deparler. Il faut avouer cependant, que le penchant quenous avons reconnatre l'ide de Dieu est dans la naturehumaine. Et quand on en attribuerait le premier ensei-gnement la rvlation, toujours la facilit que leshommes ont tmoigne recevoir cette doctrine vient dunaturel de leurs mes. Mais nous jugerons, dans la suite,que la doctrine externe ne fait qu'exciter ici ce qui esten nous. Je conclus qu'un consentement assez gnralparmi les hommes est un indice et non pas une dmons-tration d'un principe inn, mais que la preuve exacte etdcisive de ces principes consiste faire voir que leurcertitude ne vient que de ce qui est en nous. Pour r-pondre encore ce que vous dites contre l'approbationgnrale qu'on donne aux deux grands principes spcula-tifs, qui sont pourtant des mieux tablis, je puis vousdire que, quand mme ils ne seraient pas connus, ils ne

  • SUR L'ENTENDEMENT HUMAIN. LIV. I 39

    laisseraient pas d'tre inns, parce qu'on les reconnatds qu'on les a entendus. Mais j'ajouterai encore que,dans le fond, tout le monde les connat et qu'on se sert tout moment du principe de contradiction, par exemple,sans le regarder distinctement. Il n'y a point de barbarequi, dans une affaire qu'il trouve srieuse, ne soit choqu^de la conduite d'un menteur qui se contredit. Ainsi oriemploie ces maximes sans les envisager expressment]Et c'est peu prs comme on a virtuellement dans l'es-prit les propositions supprimes dans les enthymmes,qu'on laisse l'cart, non seulement au dehors, maisencore dans notre pense.

    5. Philalthe. Ce que vous dites de ces connaissancesvirtuelles et de ces suppressions intrieures me surprend ;car de dire qu'il y a des vrits imprimes dans l'mequ'elle n'aperoit point, c'est, ce me semble, une vritablecontradiction.Thophile. Si vous tes dans ce prjug, je ne m'tonne

    pas que vous rejetiez les connaissances innes. Mais jesuis tonn comment il ne vous est pas venu dans lapense que nous avons une infinit de connaissances dontnous ne nous apercevons pas toujours, pas mme lorsquenous en avons besoin; c'est la mmoire de les garderet la rminiscence de nous les reprsenter, comme ellefait souvent au besoin, mais non pas toujours. Cela s'ap-pelle fort bien souvenir (subvenire), car la rminiscencedemande quelque aide. Et il faut bien que dans cettemultitude de nos connaissances nous soyons dtermins Ipar quelque chose renouveler l'une plutt que l'autre,

    j

    puisqu'il est impossible de penser distinctement tout lajfois tout ce que nous savons.

    Philalthe. En cela je crois que vous avez raison : etcette affirmation trop gnrale, que nous nous apercevonstoujours de toutes les vrits qui sont dans notre me, m'estchappe sans que j'y aie donn assez d'attention. Maisvous aurez un peu plus de peine rpondre ce que jem'en vais vous reprsenter. C'est que si on peut dire dequelque proposition en particulier qu'elle est inne, onpourra soutenir par la mme raison que toutes les propo-sitions qui sont raisonnables, et que l'esprit pourra jamaisregarder comme telles, sont dj imprimes dans l'me.

    Thophile. Je vous l'accorde l'gard des ides pures,que j'oppose aux fantmes des sens; et l'gard desvrits ncessaires ou de raison, que j'oppose aux vritsde fait. Dans ce sens on doit dire que toute l'arithmtiqueet toute la gomtrie sont innes et sont en nous d'unemanire virtuelle, en sorte qu'on les y peut trouver en

  • 40 NOUVEAUX ESSAIS

    considrant attentivement et rangeant ce qu'on a djdans l'esprit, sans se servir d'aucune vrit apprise parl'exprience ou par la tradition d'autrui, comme Platonl'a montr dans un dialogue* o il introduit Socrate me-nant un enfant des vrits abstruses par les seulesinterrogations, sans lui rien apprendre. On peut donc seformer ces sciences dans son cabinet et mme yeuxclos, sans apprendre par la vue ni mme par l'attouche-ment les vrits dont on a besoin; quoiqu'il soit vrai qu'onn'envisagerait pas les ides dont il s'agit, si l'on n'avaitjamais rien vu ni touch. Car c'est par une admirableconomie de la nature que nous ne saurions avoir despenses abstraites qui n'aient point besoin de quelquechose de sensible, quand ce ne serait que des caractrestels que sont les figures des lettres et les sons

    ;quoiqu'il

    n'y ait aucune connexion ncessaire entre tels caractresarbitraires et telles penses. Et si les traces sensiblesn'taient point requises, l'harmonie prtablie entre l'meet le corps, dont j'aurai occasion de vous entretenir plusamplement, n'aurait point lieu. Mais cela n'empchepoint que l'esprit ne prenne les vrits ncessaires dechez soi. On voit aussi quelquefois combien il peut allerloin sans aucune aide, par une logique et arithmtiquepurement naturelles : comme ce garon sudois qui,cultivant la sienne, va jusqu' faire de grands calculssur-le-champ dans sa tte, sans avoir appris la manirevulgaire de compter ni mme lire et crire, si je mesouviens bien de ce qu'on m'en a racont. 11 est vrai qu'ilne peut pas venir bout des problmes rebours, telsque ceux qui demandent les extractions des racines. Maiscela n'empche point qu'il n'et pu encore les tirer deson fonds par quelque nouveau tour d'esprit. Ainsi celaprouve seulement qu'il y a des degrs dans la difficultqu'on a de s'apercevoir de ce qui est en nous. Il y a desprincipes inns qui sont communs et fort aiss tous; ily a des thormes qu'on dcouvre aussi d'abord et quicomposent des sciences naturelles, qui sont plus tenduesdans l'un que dans l'autre. Enfin dans un sens plusample, qu'il est bon d'employer pour avoir des notionsplus comprhensibles et plus dtermines, toutes lesvrits qu'on peut tirer des connaissances innes primi-tives se peuvent encore appeler innes, parce que l'espritles peut tirer de son propre fonds, quoique souvent ce nesoit pas une chose aise. Mais si quelqu'un donne un autresens aux paroles, je ne veux point disputer des mots.

    1. Bans le Mnon

  • SUR L'ENTENDEMENT HUMAIN. LIV. I HPhilalthe. Je vous ai accord qu'on peut avoir dans

    i'me ce qu'on n'y aperoit pas, car on ne se souvientpas toujours point nomm de tout ce que l'on sait; maisil faut toujours qu'on l'ait appris, et qu'on l'ait connuautrefois expressment. Ainsi, si on peut dire qu'unechose est dans l'me, quoique l'me ne l'ait pas encoreconnue, ce ne peut tre qu' cause qu'elle a la capacitou facult de la connatre.

    Thophile. Pourquoi cela ne pourrait-il avoir encoreune autre cause, telle que serait celle-ci, que l'me peutavoir cette chose en elle sans qu'on s'en soit aperu? carpuisqu'une connaissance acquise y peut tre cache parla mmoire, comme vous en convenez, pourquoi la naturene pourrait-elle pas y avoir aussi cach quelque connais-sance originale? Faut-il que tout ce qui est naturel unesubstance qui se connat, s'y connaisse d'abord actuelle-ment? Une substance telle que notre me ne peut et nedoit-elle pas avoir plusieurs proprits et affections qu'ile^t-icapossible d'envisager tout d'abord et tout la fois?^'tait l'opinion des Platoniciens que toutes nos connais-sances taient des rminiscences, et qu'ainsi les vritsque l'me a apportes avec la naissance de l'homme, etqu'on appelle innes, doivent tre des restes d'une con-jiaissance expresse antrieure. Mais cette opinion n'a nulfondement, et il est ais de juger que l'me devait djavoir des connaissances innes dans l'tat prcdent (si laprexistence avait lieu), quelque recul qu'il pt tre,tout comme ici : elles devraient donc aussi venir d'unau.tre tat prcdent, o elles seraient enfin innes ou aumoins concres; ou bien il faudrait aller l'infini etfaire les mes ternelles, auquel cas ces connaissancesseraient innes en effet, parce qu'elles n'auraient jamaisde commencement dans l'me; et si quelqu'un prtendaitque chaque tat antrieur a eu quelque chose d'un autreplus antrieur qu'il n'a point laiss aux suivants, on luirpondrait qu'il est manifeste que certaines vrits vi-dentes de\Taient avoir t de tout ces tats; et de quelque^manire qu'on se prenne, il est toujours clair dans tousles tats de l'me, que les vrits ncessaires sont inneset se prouvent par ce qui est interne, ne pouvant pointtre tablies par les expriences, comme on tablit par l/

    _les vrits de fait. Pourquoi faudrait-il aussi qu'on nepuTTreTr^possder dans l'me dont on ne se ft jamaisservi? Avoir une chose sans s'en servir, est-ce la mmechose que d'avoir seulement la facult de l'acqurir? siela tait, nous ne possderions jamais que des chosesdont nous jouissons : au lieu qu'on sait, qu'outre la

  • 42 NOUVEAUX ESSAIS

    facult et l'objet, il faut souvent quelque disposition dansla facult ou dans l'objet ou dans tous les deux, pour quela facult s'exerce sur l'objet.

    Philalthe. a le prendre de cette manire-l, on pourradire qu'il y a des vrits graves dans l'me que l'men'a pourtant jamais connues, et que mme elle ne con-natra jamais; ce qui me parat trange.Thophile. Je n'y vois aucune absurdit, quoique aussi

    on ne puisse point assurer qu'il y ait de telles vrits.Car de