Notre refus du projet de loi no 20

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Notre refus du projet de loi 20 Le ministre de la santé, Dr. Gaëtan Barrette, vient de démontrer vendredi dernier par le dépôt du projet de loi no 20 “Loi édictant la loi favorisant l’accès aux services de médecine familiale et de médecine spécialisée et modifiant les dispositions législatives en matières de procréation assistée” la considération faible qu’il accorde aux acteurs du milieu en proposant, une fois de plus, un projet de loi qui pourrait bouleverser le réseau de santé. En tant que représentants des étudiants en médecine du Québec, nous souhaitons exposer ici nos inquiétudes face aux écueils qui guettent le Québec si le projet de loi no 20 est adopté. Compromettre les soins Nous sommes d’avis, à l’instar de maints autres du milieu de la santé, que les dispositions comprises dans le projet de loi no 20 sont en contradiction franche avec les réalités de la médecine telle qu’elle se pratique en 2014. Serait-ce là la conséquence d’une obstination renouvelée du ministre, comme lors du dépôt et de la commission sur le projet de loi no 10, de ne pas consulter les membres du réseau de la santé? L’obligation au quota de patients inscrits sous peine de pénalités financières aura tôt fait de pousser les médecins de famille vers une approche dépersonnalisée où seul comptera le débit, au détriment de la qualité du temps passé avec chaque patient. Cette pression vers le débit compromet directement l’accès aux soins de santé pour les populations les plus complexes et vulnérables au sein de la société québécoise, puisque leurs soins demandent généralement plus de temps au médecin traitant. Nous craignons aussi que les dispositions coercitives du projet de loi accélèrent l’exode des médecins de famille vers la pratique en cabinet privé si ce n’est même vers d’autres provinces canadiennes où les gouvernements n’y sont pas aussi contraignants. Les médecins de famille ont depuis 1993 l’obligation de contribuer un minimum d’heures par semaine au réseau hospitalier, heures qu’ils devront désormais passer en cabinet pour atteindre leurs quotas si cette loi est adoptée. D’autant plus, les spécialistes devront consacrer plus d’heures aux consultations en clinique et donc moins d’heures à travailler sur les étages. Cette nouvelle division du temps de travail aura des répercussions profondes, plus particulièrement dans les hôpitaux en régions où l’hospitalisation est majoritairement gérée par les omnipraticiens, les spécialistes s’y retrouvant en nombre insuffisant pour hospitaliser à leur charge. Qui donc prendra soin des patients? Par ailleurs, il ne faut pas négliger les dangers potentiels pour la population de cette restructuration des pratiques médicales. Les activités spécifiques pratiquées par les médecins de famille, tels que les soins intensifs, le suivi obstétrical et l’urgence, requièrent un maintien élevé de compétences spécifiques qui sera directement compromis par les quotas de patients imposés. Par le fait même, il est utopique de croire que les médecins travaillant actuellement dans ces secteurs puissent se recycler du jour au lendemain vers la pratique en cabinet qui requiert à elle seule une expertise unique.

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Notre refus du projet de loi 20 Le ministre de la santé, Dr. Gaëtan Barrette, vient de démontrer vendredi dernier par le dépôt du projet de loi no 20 “Loi édictant la loi favorisant l’accès aux services de médecine familiale et de médecine spécialisée et modifiant les dispositions législatives en matières de procréation assistée” la considération faible qu’il accorde aux acteurs du milieu en proposant, une fois de plus, un projet de loi qui pourrait bouleverser le réseau de santé. En tant que représentants des étudiants en médecine du Québec, nous souhaitons exposer ici nos inquiétudes face aux écueils qui guettent le Québec si le projet de loi no 20 est adopté.

Compromettre les soins Nous sommes d’avis, à l’instar de maints autres du milieu de la santé, que les dispositions comprises dans le projet de loi no 20 sont en contradiction franche avec les réalités de la médecine telle qu’elle se pratique en 2014. Serait-ce là la conséquence d’une obstination renouvelée du ministre, comme lors du dépôt et de la commission sur le projet de loi no 10, de ne pas consulter les membres du réseau de la santé? L’obligation au quota de patients inscrits sous peine de pénalités financières aura tôt fait de pousser les médecins de famille vers une approche dépersonnalisée où seul comptera le débit, au détriment de la qualité du temps passé avec chaque patient. Cette pression vers le débit compromet directement l’accès aux soins de santé pour les populations les plus complexes et vulnérables au sein de la société québécoise, puisque leurs soins demandent généralement plus de temps au médecin traitant. Nous craignons aussi que les dispositions coercitives du projet de loi accélèrent l’exode des médecins de famille vers la pratique en cabinet privé si ce n’est même vers d’autres provinces canadiennes où les gouvernements n’y sont pas aussi contraignants. Les médecins de famille ont depuis 1993 l’obligation de contribuer un minimum d’heures par semaine au réseau hospitalier, heures qu’ils devront désormais passer en cabinet pour atteindre leurs quotas si cette loi est adoptée. D’autant plus, les spécialistes devront consacrer plus d’heures aux consultations en clinique et donc moins d’heures à travailler sur les étages. Cette nouvelle division du temps de travail aura des répercussions profondes, plus particulièrement dans les hôpitaux en régions où l’hospitalisation est majoritairement gérée par les omnipraticiens, les spécialistes s’y retrouvant en nombre insuffisant pour hospitaliser à leur charge. Qui donc prendra soin des patients? Par ailleurs, il ne faut pas négliger les dangers potentiels pour la population de cette restructuration des pratiques médicales. Les activités spécifiques pratiquées par les médecins de famille, tels que les soins intensifs, le suivi obstétrical et l’urgence, requièrent un maintien élevé de compétences spécifiques qui sera directement compromis par les quotas de patients imposés. Par le fait même, il est utopique de croire que les médecins travaillant actuellement dans ces secteurs puissent se recycler du jour au lendemain vers la pratique en cabinet qui requiert à elle seule une expertise unique.

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L’incohérence administrative Alors que l’un des buts premier du projet de loi no 10 du ministère de la santé se proposait de couper près de 1400 postes de cadres pour en faciliter la gestion, les nouvelles exigences demandées aux médecins de famille et spécialistes requerront obligatoirement de nouvelles structures administratives. Quand il était le temps des discours sur projet de loi no 10, le ministre proposait de couper dans le nombre d’administrateurs et voilà qu’il semble oublier maintenant qu’en plus de gérer les PREM, PEM, AMP, GACO, les statuts de vulnérabilité et le exigences du DRMG, le projet de loi no 20 demandera maintenant d’autres fonctionnaires et administrateurs au sein du réseau pour suivre les lieux de visites médicales des patients et ainsi déterminer du niveau des pénalités à appliquer aux médecins qui ne souhaitent qu’exercer dignement leur profession. Il est d’autant plus curieux de constater que le projet de loi no 20 fait abondamment référence au rôle qu’auront à jouer les Agences régionale de santé pour l’organisation des heures et activités de pratique médicale alors que ces mêmes structures seraient abolies par l’adoption du projet de loi no 10. Si ces compétences devront être remises éventuellement aux CISSS prévues au sein du projet de loi no 10, le ministre de la santé ne met-il pas la charrue devant les bœufs en créant des dispositions qui devront éventuellement être modifiées? Sinon, c’est qu’il justifie directement la pertinence de ces Agences qu’il souhaite faire disparaitre malgré l’incompréhension et l’opposition généralisée du milieu de la santé.

Et la relève dans tout ça? En dernier lieu, et en notre qualité de représentants de l’ensemble des étudiants en médecine de la province, nous souhaiterions soulever notre inquiétude sur l’impact que cette réforme aura sur la qualité de l’enseignement médical prodigué dans les universités et aussi dans les hôpitaux aux externes en médecine qui y travaillent quotidiennement. La vaste majorité de nos enseignants tout au long de notre formation médicale devront désormais coordonner leurs heures d’enseignement avec leurs heures passées en clinique à remplir leur quota sous craintes de pénalités financières. Le legs du ministre sera lourd à porter pour le futur de la médecine québécoise. À l’instar de nos collègues et supérieurs, nous, étudiants en médecine du Québec, avons à cœur la qualité des soins qui sont prodigués année après année aux patients du Québec et c’est pourquoi nous partageons aujourd’hui nos critiques et appelons au rejet du projet de loi no 20.

La Fédération Médicale Étudiante du Québec Au nom de l’Association des Étudiants et Étudiantes en Médecine de l’Université de Montréal (AEEMUM), du Regroupement des Étudiants de Médecine de l’Université Laval (REMUL), de l’Association Générale des Étudiants et Étudiantes en Médecine de l’Université de Sherbrooke (AGEEMUS) et de la Medical Student Society (MSS)

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