Notes du mont Royal · TOME TROISIÈME. LIBRAIRIE CLASSIQUE DE ... la gloire qu'avec l'aide des...

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Notes du mont Royal Ceci est une œuvre tombée dans le domaine public, et hébergée sur « No- tes du mont Royal » dans le cadre d’un exposé gratuit sur la littérature. SOURCE DES IMAGES Google Livres www.notesdumontroyal.com

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Notes du mont Royal

Ceci est une œuvre tombée dans le domaine public, et hébergée sur « No-tes du mont Royal » dans le cadre d’un

exposé gratuit sur la littérature.SOURCE DES IMAGES

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niNAAPOY TOÏ 0HBAIOT

EIAH.

ODES

DE PINDARE.

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HINAAPOY TOT 0HBAIOY

EIAH.

NEMEONIKAI.

EN AOYTAOYNQ,

EK TH2 TïnorPA4»IA2 àYMOYAIN KAI PONET.

A l l â l I .

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ODES

DE PINDARE AVEC LE TEXTE KN ISFGARD ET DES N O T E S ,

J. AL. PERRAULT-MAYNAND, ÂJCIE1 MEMBRE DE L ' C X I Y E R S I T É ,

te tmàém'm de LJOB , Bijou, f t e . , Je l'îasîiîaî hisîenque de Fraaee, de !a Seeiété française pour la

eeasmaiiti des toeeiMEts lisîsripes, de la Société littéraire i l Ljoe , etc.

©ii¥r»ge honoré de la tumscrlptloii du Roi pour les bibliothèques de la Couronne*

NÉMÉENNES, suivies

D'ÉTUDES SUR LA POÉSIE LYRIQUE DES ANCIENS,

TOME TROISIÈME.

LIBRAIRIE CLASSIQUE DE PERISSE FRÈRES.

LYON. PARIS-( SOCVEL1E MAISOS )

RUE DU PETIT-BOURBON ^ N. 1 S ,

angle d« la |ilaee Si-Su-pif*.

( ARC1S3HE MAISON ,)

GRANDE BUE MERCIERE, N. 3 % en faat de l'allée Murchusutc.

1848.

Lis f origines

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DES JEUX NÉMËENS*

Les jeux néméens, ainsi nommés de la forêt

de Némée, dans FÉlide, se célébraient tous les

trois ans, le 12 du mois athénien Bw popcâv

(correspondant au 12 du mois corinthien

novtyoç), dans une plaine voisine de cette forêt,

entre Ctéone et Phliunte. On fait remonter leur

origine à la guerre des sept chefs, sous la

conduite de Polynice contre Etéocle, c'est-à-

dire à l'époque du premier siège de Thèbes. '

Les sept chefs, passant dans la forêt de

Némée, et étant accablés d'une soif brûlante,

s'adressèrent à Hypsipyle de Lemnos, qu'ils

rencontrèrent allaitant un enfant. L'ayant priée

de leur indiquer une source ou ils pussent se

désaltérer, Hypsipyle posa son nourrisson

sur l'herbe, et les conduisit à une fontaine qui

coulait à quelque distance. Pendant ce temps,

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tj DES JEUX NÉMÉENS.

un serpent tua l'enfant, ce qui réduisit Hypsi-

pyle au désespoir. Pour la consoler, les sept

chefs rendirent lesdevoirs&nèbres à l'enfant,

et instituèrent des jeux en son honneur près

de la forêt de JNTémée, dans l'endroit même ou

il avait trouvé la mort.

Cette première célébration fut rendue solen­

nelle par la présence des armées des sept chefs.

Etéocle lui-mêmevint de Thèbes pour y pren­

dre part à la tête de ses vaillants, soldats.

Adraste y remporta le 'prix de la course à

cheval ; Etéocle, celui de la course à pieds ;

Tydée, celui du ceste; Amphiaraûs, celui du

disque ; Laodacus^ celui du javelot ; Polynice^

celui de la lutte ; Parthénopée, celui de l'arc.

L'enfant dont la mort avait donné naissance

à ces jeux, était fils de Lycurgue, roi du pays, et

prêtre de Jupiter; il s'appelait Opheltès. Am-

phiaraûs le nomma Àrchémjore% c'est-à-dire

principe de mort, parce que le célèbre devin

comprit que la mort de cette innocente victime

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DES JEUX NÉMÉENS. . vij

était un sinistre présage pour la guerre que

les sept chefs entreprenaient contre Thèbes.

Quelque temps après leur institution, les

jeux néméens furent interrompus; Hercule

ayant terrassé le lion de Némée, les rétablit,

et les consacra à Jupiter ; il en fixa le retour à

chaque troisième année. Enfin, la première

année de la LIIF Olympiade, les jeux néméens

furent encore restaurés après une assez longue

Interruption, et, depuis lors, ils continuèrent

à être célébrés avec-autant de pompe que les

autres jeux solennels de la Grèce.

D'abord, ils furent présidés par des juges

que fournissaient les villes de Coriothe, de

Cléone et d'Argos. Ensuite les Cléonéens eurent

seuls cet honneur, qu'ils cédèrent aux Corin­

thiens, si Ton en croit le scholiaste de Pindare.

Mais à Fépoque delà seconde restauration qui

'eut lieu la l r e année de la LIIF Olympiade,

les Argiens seuls furent, les juges des combats*

Ils nommaient à cet effet un ministre des au-

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tïij DES JEUX NÉMÉENS.

tels, qui présidait en leur nom; il était vêtu

d'habits de deuil, pour rappeler la funèbre

origine de cette solennité que les Grec» appe­

laient %ôv8ç imrafmu

Les vainqueurs recevaient pour prix une

couronne qui d'abord était d'olivier; mais les

Argiens, voulant honorer la mémoire des héros

morfs à Marathon, .la remplacèrent par une

couronne d'ache, espèce d'herbe employée

dans les cérémonies funèbres, et que Ton disait

née du sang df Archémore : Wçwtq U *è wkmki

eXaiay5<rrepov 8l9 JMT^T^V çupfoppv TCSV Mi|$txW|im Tiffô

TôV xetToixotjpvwv, 9tXtv<p, Comimbantw omtçm

antiquitm okd ; demde vero, post iUmtam à

Médis çalamitatemt9 in occisowm hanorem,

apio. Quelques autres assurent qu'elle fut

d'ache dès le principe, en l'honneur du jeune

Archémore,

Les jeu* néméens formaient upe ère pour

les Argiens et les peuples des environs .

d'Argos.

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niNAAPOï

NEMEONIRAI.

•a*«e*-

NÉMÉENNES DE PINDARE.

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niNAAPOï

NEMEONIRAI.

NEMEONIKH A'

XPOMIQ AITNAIQ

APMATL

Â(X7rv£tjp.a cspov A l f eou, (2- «'•)

'Kïe&vav 2upaao©ffav 6aXo;>Ôptuyia,

Aepiov ÀpxspSoç ^

âalou xaGtyv7fra, GI8EV OC^UêX'JIç

Tp.voç ôppcxai ûêjxev

Aivov âeXtairoSttv jiiyav iWcav,

Z'/îVOç AiTvaiou X^PlVï

ÂpjAiX S' ÔTpuvfit Xpojxwu Ng(xea 6'

Épyp.eta!v vixaç opoiç

Èyxcop.tov ÇeuÇai piloç.

Àp stC Se piêXiQVTatj ôeôv ' (A. a \ )

KBVOV ffùv av5poç? &aifjioviaiç âperat;.

Kern S' £v euTuy ia

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r , r>

NEMEENNES

DE PINDARE.

NÉMÉENNE I.

A CHROMIUS ETNÉEN, VAINQUEUR A LA COURSE DES CHARS.

Séjour sacré où l'Alphée respire * enfin après sa

course, Ortygîe, noble rejeton de Syracuse s , berceau

de Diane et sœur de Bélos % c'est par toi .que je dois

préluder à cet hymne harmonieux, qu'en l'honneur de

Chromius je consacre à Jupiter Etnéen.

Aussi rapides que la tempête, Jes coursiers de Chro­

mius ont franchi la carrière de Némée,, et attendent

maintenant le tribut de louanges que j'ai promis, à leur

victoire. Brillant début, fondement de la félicité et de

la gloire qu'avec l'aide des dieux obtient un héros orné

déjà de toutes les vertus! Les filles de Mémoire aiment à

perpétuer dans leurs chants le souvenir des plus illustres

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4 NEMEONIKÏI A'.

IïavSoÇiaç axpov. p y a l w v à' otéÔAwv

Moîira p.epacûat çiXei.

ïireîpé vuv âyXaïav Tivà vaarç>,

Tàv ÔMprou ^ganÔToeç

Zeùç e&a>x8V topaeçova. xetTÉveu-

oév xé ol /aiTaiç' , api-

CTSUOIGCCV eÙKaptrQu yjlovoç

2i)celCav meipav ôp9w- (K- a • )

creiv xopuçaiTç TCOKWV içysatç"

f^roxce £è Kpoviwv

noiXé(j(,ou [tvaerrîipa oi ^alxevxeoç

. Aœov Z%%&Liyjxm, ôsept î ^ xai Ôlujx-

màScov cpuXXotç elatav,

Xpueloiç (w^Oé'vTa. IIoXXôv èra'ëav

Kaipov, où ^êuSeï Palwv.

ÉCTTOV $' i%* axAeiaiç Oupaiç (2 . P'.)

Àv&poç f ilo^eCvou 3caXà piXnopvoç,

Êvôa (jioi àpp^iov

•eiicvov xexéffpTOu Oapà S5 àXXoïaicûv

OÙ3C âraipaTOi *&6f/oi

ÈVTV léloyxs Se (M(&?O[A!VOI; e<j-

loiiç 5S«p xaicv$ çspeiv

ÀVTIOV. T é p a i S* êT£pwv ÏTepau

Xp*/t 5' ev eùôeiaiç dSotç

2Te{yovxa {i.apvo&cr6at çua. •'

Ilpàroei yàp fpy« jilv aOevoç, ( A. ?'• )

BouXaïai &è çp^v lacrépvov TCpoïSav

luyyevèç oïç eiceTai.

Twv xe xat TWV ^pu'eieç. s

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NÉMÉENNE 1. 5

combats. Chante donc , 6 ma Muse! chante au nom de

Chromius, celte lie que le puissant maître de l'Olympe

donna jadis à Proserpine 4f lorsque, par un signe de sa

tête immortelle % il lui en assura l'empire et lui promit

que d'opulentes cités * s'élèf eraient dans ses campagnes

fécondes. Fidèle à son serment, le fils de Saturne a peu­

plé la Sicile de citoyens amis de Bellone aux armes d'ai­

rain, non moins habiles à manier la lance qu'à former

de légers coursiers, et sou?ent couronnés du feuillage

d'or de l'olivier d'Olympie. Combien d'entre eux n'ai-je

pas déjà célébrés par des chants que n'embellissent jamais

d'ingénieux mensonges ! Aujourd'hui je tiens sous les

portiques d'un hôte généreux, célébrer son triomphe

au milieu de la joie des festins et parmi cette foule

d'étrangers que souvent il se plaît à recevoir en sa mai­

son. Si l'envie s'agite, la vertu sait en amortir les traits :

ainsi la fumée s'évanouit sous une ondée bienfaisante.

Tous les mortels n'ont point eu les mêmes dons en par­

tage, mais tous doivent prendre la nature pour guide et

marcher d'un pas assuré dans les sentiers de la droiture.

Sans doute la force aide à l'exécution ; mais pour le succès,

il faut la prudence, cet instinct de l'âme, qui dans les évé­

nements du passé nous découvre l'avenir. Fils d'Agési-

dame, la nalure t'a départi l'un et l'autre, et tu sais en

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NEMEOMKH A'.

Oux epapei %okw iv (icyecpca %\®ù~

TOV xaxaxptj^aiç ijBVê* .

ÂXk* IQVTWVJ eu xe iraOeiv xa\ etjcotj-

ea i , cpfXotç è£apxe&>v*

Koival yàp ïp^ovr e ta i ieç

HQIWTOVCîïV ecvSp'ôv. Èyâ> &f É - (K. (£'.)

peocXsoç avrexopm irpocpp6vwçf

Èv xopufaiç ipexav

MeyaXaiç, âpxaîbv OTpuvwv léyov,

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2ùv xaaiywfTip p l e v ,

Ûç T où laôwv xpuaoOpovov ( 2 , y ' . )

ÈpsÊV-xpoxwTov CTCscpysevQv £yxaT&£a,

ÀXlà 8ec5v f3aciXeia

SmpxOeîira 0u{j,« xep-irg jpaxovTaç a<pap.

Toi p.ev oi^OsiGav iciAav

Èç OaXafjiou p-.«X0V e ^ ¥ ^êav, T£-

xvoiatv àxeimç yvaôou;

Àp.çsXi$<x<j8eu |JLe(jLa@Teç* d S' àp-r

Bov (iiv avxeivev xapec,

Peipaxo j e xpôrov [&axaç,

Aiacîaîiyi ^oiouç œùyévm ( A. y'.)

Mocp^aiç açuxxoiç X6Pa%lv ®a^ oçtaç.

Àyxop.evotç î è XP^VQî

Wuykç aTOirveiîaev (xelecov âoaxaiv.

Êx 4* eep' axlaxov fîeXoç

nXa£e ^ovaixaç, ocai TUXOV Àl)t;x*î-

vaç âpvfyoïvai le'x51*

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NÉMÉENNE I - 7

faire un noble usage. Insensé! que tne serfîrait d'être

comblé des dons de l'opulence, pour les enfouir dans ma

maison 7? Non, le sage à qui la Fortune accorde ses

faveurs, doit en jouir konoraMement, et pour acquérir

une bonne renomméef et pour les partager avec ses amis ;

car telle est notre commune destinée, de pouvoir tous

être en butte au souffle du malheur.

Ainsi le vaillant Hercule s'est élevé au-dessus de tout

ce que l'antiquité nous offre de plus éclatantes vertus. À

peine, sorti avec son frère du sein maternel9, voyait-il

la lumière du jour, que l'œil de Junon, au trône d'or,

découvrit sa naissance. Transportée d'une jalouse fureurs

la reine des dieux envoie deux serpents9 qui pénètrent

par la porte entr'ouverte dans Pintérieurdu palais, et se

glissent dans le berceau, avides de broyer dans leurs

gueules béantes les membres délicats des deux jumeaux.

À l'instant le fils de Jupiter, relevant sa tête 9 essaie pour

la première fois le combat. De ses deux mains dont ils

ne peuvent éviter l'étreinte, il saisit les deux reptiles à

la gorge, les presse de toute sa force, et de leurs flancs

monstrueux fait exhaler la vie.

Un effroi mortel glaçait- les femmes empressées-autour

d'Âicmène. Elle-même 9 s'élançant presque nue hors de

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NEMEONIKH A'.

Kai yoep a u r a , irocalv aiceicloç opou-aaia' àxo cjTpwp.vaç, ôp.ôç Âp,uvev iSSpiv XVCOSOXCDV. Tajju Se KaSp,eu*)V âyoi j^aX- (E. y'.) xéoiç ffuv OTCXOIç dcOpéoi ?Spsep.ov%

Èv j^epi S* Àpcprrputtv, KoXeou yupvov Ttvacawv ©sceyavov, ÏJCCT*, ô^êCatç âviouai TUTOCç.

Ta yàp oiscsTov mé£ei nàvO' opoç* eùôiK S'sbnip^v xapSioe RaSoç ap.ç' aXXorpiov. É<iTa Se ôocp,ëei Sueçopc*) ( 2 . S ' . ) Tepicvco T8 pAjpdç. EÏSe yàp t34Vop.tovt

' ÀTÏpx Te xa\ Stivap.iv Yîou. UstXiyylwsGôv Se ol iôavdTOt Àyyelwv p^crtv Oéaav. reîtova S* sjocaXeaev Aïo; i<|/C-CFTOU, xpocpsexav CQ^QV , ÔpÔ6p.avTiv Teipeaiav, 6 Se ol #paCe xai TOXVTI dTpaxcS Iloiaiç âjjLtXifGSi Tu^aiç,

ÔCIGOUç p,èv ev X^P^1? *T«và>v, (A. ^ ' . ) Ô<F<WJ; S' ev X6VT« ô^paç âi'SpoSîxaç, Ksti Ttva cuv xlocyt» I v S p Ô V XÔpCd C T E t p V T a j TOV Ijf 8 pOTGCTOV^

4>œG£ viv Sweav (Jt.opov. Kat yàp Qxav 0eol ev xeSi'co #11-. ypecç rtyavTÊUGtv p.a£av ÀvTi(x^ci)ffivf pelewv- ûTCO pi-TTSêUJI xeivou, <paiSîp.av

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NÉMÉENNE I. 9

sa couche, fuit pour échapper au venin des deux dragons.

Aussitôt à ses cris accourent, revêtus de leur armes d'ai­

rain , les chefs intrépides des enfants de Gadmus : ayant

eux arri?e Amphitryon ; le glaive brille en ses mains f et

son cœur est en proie aux plus fîtes angoisses. Car tel

est l'homme : accablé de ses propres malheurs, il a dans

un instant oublié les maux de ses semblables. Immobile

d'étonnement et de joie, Amphitryon s'arrête à la ¥ue

des serpents étouffés. Il admire le courage et la force

prodigieuse de son i ls , et comprend dès-lors le sens

équivoque des oracles que jadis les dieux lui avaient

prononcés.

A l'instant môme il fait venir Tirésias, son ami et le

sublime interprète des hauts desseins de Jupiter. Alors le

devin annonce au roi de Thèbes et à la foule qui l'entoure

les illustres destinées que cet enfant doit accomplir : « Ils

tomberont sous ses coups, sfécria-t-il, les monstres qui

ravagent la terre et les mers10. Les ennemis du genre hu­

main, les tyrans orgueilleux et perfides recevront aussi la

mort de sa puissante main ; et, dans cette lutte terrible,

où, sous les murs de Phlégra î \ les dieux combattront

conlre les Géants révoltés, le héros percera de ses traits

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10 NEMEON1&H A'.

r a i a itsfupaeaOai xoptv.

ËVEITSVJ eeùiov pcàv ev eipa- ( E, 5'. )

va TOV airavTa J£p9v0v **|**T<*>V

Èv G£ep(j>-aau£tav

MeyccXwv iroiviv IOLJQVT e$«(p£T0V,

ÔX&oiç ev &<&{£&?( JeÇsifJifvov

Oalepàv fiëav ooeomv ,

Kot| y&[40V &auravTa, wap Ait Kpovioa

Sepov aîvjfcsiv ^OJJIOV.

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NÉMÉENNE I. 11

redoutables ces fiers enfants de la Terre et souillera leurs

chef eux dans la poussière. »

Puis le devin ajouta : ce Arrivé enfin au ternie de ses

travaux , le fils d'Akmène jouira d'une paix délicieuse

dans les célestes demeures : il s'unira à la jeune Hébé ;

son hymen sera célébré dans le palais du fils de Saturnes

et l'Olympe éternellement retentira de ses louanges. »

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1 2 NEMEOMKH B#p

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NEMEONIKH B'.

TIMOAHMÛ A e e N A I O

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Elirep xaô' o§6v vtv eù8u7rop.7wôç

Aî&v TOUç p.eyaloeiç Je^wxe

Koep.ov ÀGavaiç,

©!xp,a psv iffÔp la^iîiv SpeirecrÔûti

KaX'XiaTov atoTov, ev IIuOî-

owi ré vtxav

Tipovéou Tcaiî'* cera S' eotxo;

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NÉMÉENNE II. 13

NÉMÉENNE II

A TIMODÈME ATHÉNIEN,

VAINQUEUR AU PANCRACE.

De môme que les rapsodes * d'Homère commencent

ordinairement leurs chants par les louanges de Jupiter2,

ainsi le héros que je célèbre aujourd'hui, a reçu dans le

bois consacré à Jupiter Néméen les prémices des cou­

ronnes qui ceindront encore son front dans nos jeux so­

lennels. Tel était Tordre du destin ; le Ils de Timonoiis

devait être l'ornement de fillustre Athènes, et, marchant

dans la route que lui frayèrent ses ancêtres, comme eux,

il était destiné à cueillir les fleurs de la victoire, soit dans

les combats de l'Isthme, soit dans la carrière de Delphes.

Ainsi dès qu'on voit les Pléiades 8 se lever au sommet

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1 4 NEMEONliLH B \

Ô peiôtv ye HeletdtJwv f 2, y',)

M?i T7)169ev Ùçimœ veiaOai.

Kal jjL«v a 2ala[uç ye Opérai.

ÀuvaToç. Èv Tpoîa p v ËxT&ip

ÀiavTQg axouaev* w Tip.6-

JYJ(JL8 , ce S* â lxà

llayxpaTiou r l a ô u p ç â飫. ' '

À^apvai Se xalauperroi ( 2 . 8\)

Eûavopeç- ociGa S' âpiç' eee'ôlotç,

TOI icpoléyovTai.

Rapà (xsv û^t|AeSovTt lîsepva-

«jcù Te5<Tôtpeeç 1$ aeôlcôv v{-

xaç 2}co[u£av*

A l l a KopivOiuv ûnrô famov

. • Êv eclou neXoiro; rcru^aîç ( 1.«'. )

ÔXTCO cxeçavctç l'fi.i Gev V$JJ,

Èxra S* ev Nejjtia* TSC 8% oïscoi

Md?<icjovf etpiO[AOu,

Aïoç âyâvr Tovf â icolîrai^

K-fd|xaÇaTe TipStfpup QW

Eùxkêï v6aT«?

À$u[/.eXei o eÇecppTe f a>va.

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ftÊMÉENNE IL ' 15

des monts, Ton prévoit qtfOrion va sui?re immédiatement

leurs traces.

Si jadis Salamine * , parmi ses illustres guerriers 9

vitnattre avec orgueil Ajax, qui fit trembler Hector jus­

que sous les murs de Troie', je puis, à la valeur de ce

héros, comparer la force que tu viens de montrer, ô Ti-

modème , dans ta victoire au pancrace.

Acharne, lieu fécond en robustes athlètes, quelle ne

fut pas ta renommée dans les siècles passés! Combien de

fois les Timodémides n'ont-ib pas illustré leur nom par

leurs victoires dans les jeux de la Grèce? Quatre cou^

ronnes obtenues sur le Parnasse, dont les sommets do­

minent au loin ; huit à Gorinthe 9 dans l'Isthme de Pélops;

sept à Némée, et mille autres dans leur patrie s f aux

jeux consacrés à Jupiter, sont des témoignages authen­

tiques de leur gloire.

Concitoyens de Timodème, célébrez par des chants et

des hymnes le roi tout-puissant de l'Olympe ; célébrez le

retour glorieux de votre héros , et qu'à son arrivée tout

retentisse de vos chants mélodieux.

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1 6 NEMEONIKHT'.

NEMEONIKH T .

API2TOKAEIAH AiriNHTH

OANIxPATIAITH.

Î2 7r6xvta Moî<ra, jJLÔExep ( 2 a\ )

TîXV iroXu£eva'v âv

îepoprna Ne|iL6a^i9

ÏXEO Awpi^a vaffov Atyi-

vscv. "ÎSaTi ysep jxevovT* iiç Àccamco

MsXiyap'jaw TfiZTOveç

Kcâfjuov veaviai, <jé-

Ô£v oica [&ai6{/.evoi.

AwJ/vi #è 7rpayoç a l l ô jjtiv aX^oif

ÀeGtavixia &è {AaXiffT aot^àv

4>&eî ? cref avcov apexav xe

Ae|ia>TaTav QTOX^OV*

Taç açôovîav orcaÇe ' (À, a'.)

MTQTIOç apeç cwro.

Ap^e ^* oùpavou xo-

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NÉMÉENNE III. 17

,%V^W>VV&W»W%W»VVk»^VV»WfeViiA«t/%fe%%

NÉMÉENNE III.

A ARISTOCLIDE D'EGINE,

VAINQUEUR AU PANCRACE.

0 Muse, mon auguste mère! viens, je feu supplie, dans

Fbospitalière Egine , en ce mois consacré aux combats

néméens * : là, sur les rives de l'Asopus, des chœurs de

jeunes hommes t'attendent 9 impatients de marier leurs

voix à ta céleste mélodie.

Mille objets divers excitent nos désirs ; mais l'athlète

vainqueur dans les jeux solennels ne soupire qu'après

no9 hymnes, qui accompagnent son triomphe et célè­

brent sa gloire. Enflamme donc mon génie, û fille de ce

2

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18 NEMEONIRH r \

- XuvsçeXse xpeovn , Ôuy«T£p?

Aôxipov upvûv , èjm S* exeivcav

Tl [uv ocspoiç lupa TC xoivacroptai.

XecpuvTa S' 2Çei irovav

Xtopaç ayaX[*a, Mupju-

Séveç ïva icpdrepoi

^KYicjav, wv 7caloe(çaTQV ayopav

©ùx êXeyj(é<J<nv ÀpiaToxXetôaç

Teàv épave XOCT afoav,

ÈV IMpwfaveî paXayjfciç

IlayxpaTtou CJTOIW* Ka- (E . a .)

p.aTco&e'cov $1 irXœyav

Âxoç ùyivipov ev

Te PaSuxeSw Nepia

Tô xaXXCvixov çepei.

Fi S* èwv- xaloç,

Êp^wv T eoixÔTOt popcpa,

Àvopeoaç {urepTaxaiç êweêa

naîç Àptœroçavsiiç, Q&KéTI «ipck»

Âêaxav aXa, xidvcov

"foçèp ÈpoexXe'oç, wepav e-jpôtpè;,

Hpwç ÔEOç âç 80iax8 (2 . P ' . ,

NaimXiaç IG^OCTôCç

Maptupaç xXuTaç* ^ee-

potée î è 6r,paç ev xeXayeeiv

t^epaj^ouç, iS î^V epetjva-

ue revayewv poàçj oiuee ir6p.TOp.ov

KaxeSatve vocrtou téXoç,

Kal yav çpaâacwi. #uptf,

Ttva mpoç aXXo$«7uàv

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NÉMÉENNE III. 19

dieu puissant qui règne dans les profondeurs de l'Olympe 1

fais ; dès le commencement de ce chant de victoire , cou­

ler de ma bouche avec abondance de sublimes accords ».

J'y mêlerai ceux de ma lyre ; et ma voix s'unissant à celles

des citoyens d'Égine , chantera dignement les louanges

d'Àristoclide, l'ornement de cette Ile, jadis habitée par

les Myrmidonss. Pouvait-il plus noblement soutenir leur

antique renommée qu'en déployant, dans la lutte du pan­

crace, la vigueur de son bras. À combien de coups furieux

nVt-il pas été en butte dans les vallons de Némée? mais

la victoire, comme un baume salutaire, a guéri ses bles­

sures et lui a déjà fait oublier les maux qu'il a soufferts.

L'éclat de ta vaillance, répondant à celui de ta beauté,

ê fils d'Aristophane ! t'a élevé ait comble de la gloire.

Garde-toi déporter au-delà ton regard ambitieux, et ne te

flatte point de franchisa travers len flots d'tiçemw inabor­

dable > ces colonnes qu'Hercule érigea comme les témoins

éclatants de sa navigation aux extrémités du monde. Ce

héros-dieu4 avait déjà dompté les monstres de l'Océan,

sondéses abtmes et ses courants profonds, jusqu'en ceçloin-

taines plages, où le pilote trouve enfin le terme de ses fa­

tigues et le commencement du retour5; il avait en un mot,'

assigné à l'univers des bornes inconnues aux mortels *.

Mais, ô mon génie 1 sur quel promontoire étranger

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2 0 NEMEONIKJH r".

JUpav epLov TCXOOV wapapiSr) ;

AWOCCû se çajJLi yévei Tô Moïaav

*epgiv. ÉireTat Se Xoycj) # i -

xaç aarcoç, ealoç aiveiv*

OùS' alloTpCwv epûrreç (A. p.)

ÀvSpi cpepetv xpécaoveç"

OucoÔev prreue.

IIoTtçopov Se 3toip,GV fXaëe;

rXuxu TI yapuep.ev. IlaXaiai-

et S' év ApeTaïç yéyaôe IlYiXeùç avaÇ,

firépaXXov ai^p-àv Tapiiv,

Ôç xsà twXxov elle,

Movoç aveu cxpaTiàV

Kal irovTiav ©env xaTep.ap^ev

ÈyjcovYiTi. AaopiSovTa S* eùpu-

ufievirjç TelajAwv, iéXa wa-

paciTscTôcç Iwv, eiueparev

Rai -rcoxe £oX)COTo£ov ( E- £'•)

Àp.a 6v&>v (A8T alxàv

ËweTQ'oif ©ùSe p v

Hcrre cpéêoç avSpoSap.aç

Ë7rauorev «xjjwev çpevôv.

Suyyevei Se TIç

EùSo?;ia p iya Ppiôer

ôç Se SiSdW fyei, ^eçiovoç àv ip ,

 I I O T a l l a itvewv, O3TOT ârpexei

Ksnréêa woSl , p.upiav S?

ÀpeTav aTelei vow yeuexau

Eavôoç S' À^iXeùç , Ta p.èv p - (2- y'-)

vwv «Inlupaç Iv Sop.oiç,

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NÉMÉENNE III. SI

m'emporte ton navire? C'est à Eaque, c'est à ses illus­

tres rejetons que tu dois les accents de ta Muse. Il est

juste sans doute de louer la vertu des grands hommes;

- toutefois le vainqueur que je chante aujourd'hui ne doit

tirer aucune gloire des héros étrangers à sa famille.

Choisis donc parmi ses ancêtres ; leurs hauts faits four­

niront une ample matière à tes chants.

Ici se présente l'antique valeur de Pelée qui., armé de

cette lance fameuse qu'il coupa sur te Pélion- % seul, sans

secours, s'empara d'Iolcos ®, et mérita par ses travaux

la main de la belle Thétis •.

Là9 tu vois le courageux Télamon,.secondé par Mas 10y

emporter d'assaut la ville de-Laomédon, et combattre avec

lui les belliqueuses amazones aux arcs d'airain. Jamais

son cœur ne fut accessible à la crainte, qui parfois fait

trembler les plus fiers guerriers..

Celui que la nature a orné de grandes vertus peut beau­

coup pour la gloire. L'homme au contraire qui doit tout

aux efforts d'une étude pénible reste inconnu et ignoré ;

sans cesse en butte à mille impulsions diverses, il marche

d'un pas chancelant, incapable de s'élever à ces hautes

conceptions que son esprit trop faible ne fait qu'effleurer11.

Tel ne fut point Achille à la blonde chevelure ; élevé

dès sa naissance sous les yeux du fils dePhilyre, chaque

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2 2 NEMEONÏKB I".

Ilaîç èm «âupe

MëyaXsc Ipyot £epal ô a p v à ,

Bpa^uctôapov axovTa wal lwv,

Î<JQV T âv£[JLOtÇ p.!XX? ^£6VT6CICÎIV i -

ypoiepotç £7rps£<jciev çôvov

Kairpouç T* £vatpe, cicdp.et-

TSC ^è TOxpà KpovtJav

KivTaupov aGÔp,awovTô£ xopu£ev,

È^er/sç Tô wpwTov ©Xov 5* eiwiT* àv

Xpévov TOV £Ôôtp.ëeev Àpre-

(JLIç TS xal ôpaaet À8flcvsef

Rreivovr &açouç aveu xu- . (À. y ' . )

vôv Solicav 0' jpxécov*

lloffal yàp xpocxeexs..

AeyQjxsvov Je TOUTO 7rpOTep&>v-

ËTCQç e p r fiaôupÏTa XeCpwv

Tpseçs liâtvco T iacrov' evJov Teyei»

Kal eraiTev ÀorxXvjmov,

Tov çappbewv SiJoc^s

Bfalaxéjfeipee vdfjtov.

Nwjpeuae J'aùOiç ixylaoxpawv

N'^ploç 0uyaTpaf ydvov TS oi çep-

TôCTOV àriTaXXev, sv bcppi-

VOICJt 7TSCVTGC ôup,QV a t J^ toV ,

Ô<ppa> Oa^acaïaiç a - / Ë. y#. )

vlp.«v £tfraî<n nrep,ç8aiç

firo Tpowevj îopi-

XTUTOV akakm Auxîow

Te wpo(î[i,8voi xal ^puy&v»

ÀapSavwv T£5 xal

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NÈMÉENNE m . 23

jour il se faisait un jeu des plus pénibles travaux , s . Lan­

cer le javelot avec la rapidité des vents, terrasser les lions

et les sangliers dans les sombres forêts, porter leurs

membres palpitants aux pieds du Centaure ils -de Sa­

turne , tels étaient ses premiers 'exploits à l'âge de six

ans. Combien de fois Diane et la belliqueuse Minerve le

virent-elles depuis avec étomtement pereer de ses traits

les cerfs et les atteindre sans limiers et sans filets , tant

sa course était rapide éi légère I Ainsi croissait Achille

dans le rocher caverneux du sage Chiren*

Le Centaure forma également l'enfance de Jason

et d'Esculape, et leur enseigna Fart d'appliquer d'une

main légère des remèdes bienfaisants sûr les pîaîes des

mortels. Ce fut encore par ses soins que s'alluma le

flambeau de l'hymen entre Pelée et la fille du vieux

Nérée. Chiron se chargea de l'éducation du ils qui

naquit de leur union, et se plut â l'orner d'écla­

tantes vertus. Bientôt, formé par de telles leçons,

le jeune héros traversa les mers , et, èonctuit par le

souffle des vents sur le rivage de Troie, soutint le choc

des guerriers de la Lycie, de la Phrygïe et de la Darda-

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2 4 NÉMEOMKH I".

Êy^ecçopotç faifu^aiç

AiôlOîMffffl X6^P^ ? v 9Paor%l w*"

£ai6' oitcsiç afiai p4 xoipavoç ÔtflffW

IlaXiv oïxaS' ecvg ioç

Zôsp.gvriç ÈXevoio Mejivwv {J.0X01-.

Tv&auyèç «pape cplyyoç (2 . 5'. )

AtaxtSscv aùtoôev, •

Zeu* TêQV yàp aïfjia*

2eo S' ay&v, xôv upoç eêalev y

Ôm vécdv, em^copiov )^ap-

pLa x&a$E6>v. Boa Se vixa$6p<p

2t*v ÀptaToxtaiSa irpew'ei,

ôç xavSe vôeeov euxlé-

ï iupo«iéÔ7]xg Xoyu,

Kat - cejjLVov ây^aateri [Jt£p~fAvat$

IIuôiou ©eapiov. Êv Se ireCpa

TeXoç SiacpseCveTsxt, m nç

ÊÇo^Tspoç yfvYitat,

fev wawri veowjt îuaïç, ev ( A. 8\ )

ÀySpaffiv àv*/]p, xpiTôv

Èv TCOtlaiTepoiGi,

Mepoç fxœcjTûv olov e^op.ev

Bpoxeov IDvoç. ÊXa Se xal TèV

cjaptxç apexàç o pexpoç atùv,- çpoveîv S*

ÈvélCei TO 1?apxei[A8VOV.

Twv oùx cwreaTi. Xoe~pef

€>{Xo;. Èyè> xoSe TOI

nép.icca (JLejJuypJvov p.elt XeuxcS

2uv ystlsexTi « xtpva|i.&va S* eepa' ajjiç-

^77ei, Trop.'aoiSifiov, A10-

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NÉMÉENNE III. 25

nie, en vint aux mains avec les fougueux Ethiopiens, et

priva pour toujours Fonde d'Hélénus, le vaillant Mem-

non, de l'espérance de revoir sa patrie.

Ainsi resplendit au loin la gloire des Eacides, 6

Jupiter I Ton sang divin coule dans leurs veines, et c'est

toi qui présides à ces luttes célèbres d'où Aristoclide est

sorti vainqueur. Son triomphe m'inspire ce chant de vic­

toire, que les jeunes habitants d'Égine répètent avec joie

en son honneur. Puissent leurs voix réunies célébrer di­

gnement ce vaillant athlète, qui donne un lustre nou­

veau à File qui Ta vu naître et au temple d'Apollon

Théarion i» f déjà fameux par de grands souvenirs.

L'expérience fait briller de tout leur éclat les vertus

dans lesquelles chacun de nous excelle. Ainsi le sage sut '

toujours être enfant avec les enfants, homme avec les

hommes, vieillard avec les vieillards, se plier en un mot

aux vicissitudes de Fhumaine nature 14. 11 est encore

une vertu qui convient à la vieillesse : c'est de se con­

tenter de sa fortune présente n. Ces qualités précieuses,

Aristoclide les réunit en sa personne*

Salut, ami! reçois cet hymne qu'accompagnent les

accords de la flûte éolïenne 1S. Il sera pour toi aussi

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2 8 NEMEONIKH r ' .

Xfjeiv Iv moatcw axlkm ,

Ô<J/e ^ep. Ê^Ti ^* a^€" ( E* &'- )

TOç à)tùç ev ngTôcvotç,

Aôtçotvov aypav TOGîV

K.payé?&i Se xo-

Kotel Talreivà vepovtsct.

Ttv y g {xiv, sùôpovQu Rleouç eOeXcit-

«îeeç, aeôlotpopou XtfjiiaTOç evsxev,

Nejiiaç, Èm^aupoOev T*

l i r e xal Mgyipcèv, Jé^opxev çao;*

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NÉMÊÉNNE IIL 27

doux que le miel mêlé avec le lait le pins pur9 aussi

agréable que la rosée du matin. L'hommage en est un

peu tardif " ; mais l'aigle au vol rapide observe long­

temps sa proie , puis tout-à-coup s'élance et la saisit san­

glante dans ses serres 9 tandis que le geai , poussant de

vains cris, cherche à terre une vile pâture.

Enfin, Ârïstoclïie, que manque-t-il à ta gloire? Clio

au trône éclatant la publie au loin par ses chants ; et les

couronnes dont tu as ceint ton front à Némée, à Epi-

daure et à Mégare, brillent d'on éclat immortel.

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2 8 NEME0N1KH A\

% »»%%%»**%»»%»»%% VWVW»I%<»»%'X% IW»%%»*»»»%»yy»»vv%%»%i%i»»i%ni iHiimii i%iHi««i i»i[ %vt ,>%»^%%^,%%

NEMEONIKK A*.

TIMA2APXO AiriNHTH

eAAAISTH.

AptffTOç eùçpoffuva ( l . a ' .)

Eévwv xexptp.evwv

tetTpéç' «l £è aroçal

Moicrav ôuyaxpgç âot&at

0eX£av viv àiUTO|JE.£VQei ,

OùSè 8epp.ov uSwp TQSQV

Te p.ocÂ(kxà xéyygt

r u î a , TOçCIOV eùloyCst ç6p-

(iiyyi uuvaopoç.

PTJpia S' épYJiStTOV )[pOVlC&-

xepov Pioxeuet,

O Tl Xg <ÎUV XocpCxiâV TU)f<X

rAcoaciôe <ppeVoç e£&oi PaOeiaç.

To p i 8é(Aev Kpovtôa ( 2 . P'.)

Te Ai xai Nejxia

Tif/.a?ap£ou Te rofta

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NÉMÉENNE IV. 29

M V M « M V M V M W V V M m M M M M » V W V W « M V

NÉMÉENNE IV.

A TIMASARQUE D'EGINE

VAINQUEUR A LA LUTTE

Bouce allégresse qui suis la Yietoire, tu es le meil­

leur médecin des fatigues i et des travaux de l'athlète,

surtout quand nos hymnes 9 sages filles des Muses, font

palpiter son cœur au bruit de leurs accents : alors Tonde

attiédie d'un bain est pour ses membres fatigués moins

salutaire2 que la louange qu'accompagne la lyre3. Nobles

inspirations du génie et des Grâces 9 les paroles d'un

poète * vivent plus longtemps que les hauts faits qu'elles

ont célébrés.

Telles sont celles par lesquelles je prélude à cet hymne

que je consacre au puissant Jupiter, à Némée et à Tima-

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3 0 NEMEONIRH A'.

f (xvoo irpoxcàfMOv eiTj*

AéÇaiTO 5 f Atsext^av

Èucnjpyov ï8oç , £ixa

Eevapxâ* xotvov

«Peyyoç. Et S' èVi (xp-cvci Ti-

(xéxpwoç àliw

2oç iraT7jp 解k%ETQf TOI-

xiXav xtôap^wv

6*(&à xe, TôSe p l i a xXiOelç ,

"îjiLvov xglaS?)ae xeellCvixov,

KXeuvaiou r âw âyco- (2. y#.)

VOÇ OpjXOV CÎTEÇOtVCôV

nep.^GCVT«x, xsà- lwrapav

Eùwvupav et7r' À8<xvavs

©?jéaiç T ev fi^Tsc-rculoiç,

Ouvex* Àppixputovoç â -

y laov i rapà Ttjjjiêov

Ka£(JL8t0Î. VIV OÙX 4.ÊXOVT6Ç

ÂvO.sai |wyvuov ,

AiyCvocç SxaTi. *îXoi-

at yàp çiXoç 1X8 cbv

Sevtov affxtj xaTs$pa(i.ev ,

lipaxlloç oXëiavirpàç esùlav,

S'JV w TOTS Tpotav ( ? . 5 ' . )

Kparaioç Telsep.wv

Ilop8Y)ff8 xal Méporca; ,

Kai TOV piyav wolspGTav

ÈxxayXov ÀXXTJOVTî,

Ou TETpotopCaç yg irpiv

Awo$exa Tzêifdù

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NÉMÉENNE IV. 31

sarque, vainqueur à la lutte. Puisse la cité des. Éacides,

renommée au loin par son amour pour la justice et l'hos­

pitalité , recevoir aussi le tribut de louanges qu'elle mé­

rite.

Oh 1 si Timocrite, père du vainqueur que Je chante,

jouissait encore de la lumière 9 quelle serait la joie de son

cœur 1 avec quels transports , variant les accords de sa

lyre, unirait-il ses chants aux nôtres pour célébrer les

victoires que son fils a remportées à Cléone % m% luttes

de la superbe Athènes et à Thèbes aux sept portes. I

Là, près du magnifique tombeau d'Amphitryon s, les

enfants de Cadmus accueillirent Timasarque et le couvri­

rent à l'envi de leurs ; ils honoraient en lui Égine, sa

patrie, et le regardaient comme un ami qui vient chei

ses amis au sein d'une ville hospitalière. Ils le reçurent

dans l'auguste palais d'Hercule % de ce hèfm ivec qui

le'vaillant Télamon saccagea la ville <)e Troie, vainquit

les Méropes8 et le terrible Alcyon 9. Ce redoutable géant

ne succomba qu'après avoir fracassé sous un énorme

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32 NEMEONIKH à\

AlÇ TO'GOUÇ. ÀlTEipO(ÂSt^QÊÇ

Èév sce <paveiY),

Àoyov à \ùi Çuvtetç, ferai

£é£ovra TI xalitaOeiv ebucev.

. Ta potpà ^f iÇev&reiv ( ï . e'. )

Èpuxet fie Teôfioç

ftpat T* eiretyQfjievQti,

loyyi $' Hxojxsa TiTop

Neopjv (a 8iylp.ev.

Epura, xai rap ej et Pscôâ-

Meaaav, âvTtTeiv* êmSoiAC-

a. 2cp6^psc ^6Ço(iev

Aafuv ÛTOpTepoi êV

$aei xernxëaiveiv8

#ûovgpà â 'al loç âvYlp piéirojv

rvcipiav xeveotv cxoTcp JuAivJei

XajjtaMWTOtarav" ep.ol ^* / î . ç O

Ôiroiav apexàv

Ê^(ô3C£ BiOTJJLOÇ a v a l ; ,

Eu olS' on jçpovoç epirciiv

HeirpwpêVôtv TêMagt.

ÈÇuçaive, y^uxeia^ xal

To^' a i m x a , çoppyî; ,

Auoîa dùv dtpp.ovia jjLe-

Xoç racpilrjpivov

Oivcâva xe xal Kunrpc^, ev~

fia TeOxpoç àratp^ei.

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NÉMÉENNE IV. 33

rocher douze chars et deux fois autant de guerriers qui

les montaient : prodige qui ne peut paraître incroyable

qu'à celui qui n'a jamais éprouvé Tari funeste des com­

bats 1 Rarement les hautes .entreprises s'eiécutent sans

quelque revers !®.

Mais les heures s'écoulent, et les lois que ma Muse

s'est imposées me défendent de ni'éloigner de l'objet de

mes chants ; je cède d'ailleurs au désir pressant qui m'en­

traîne à tenir ma promesse pour le retour de la Néoraé-

nie " . Quoique tu sois au milieu d'une mer d'écueils,

ê ma Muse 1 sache les affronter avec courage, et bra?er

les efforts de_ nos ennemis. Hâte-toi donc d'aborder

au grand jour: l'éclat de ta gloire éclipsera tes rivaux1S.

Que l'envieux conçoive au sein des .ténèbres de vains

projets, qui d'eux-mêmes retombent en poussière : pour

moi, je sens que la puissance du génie que m'a donné la

Fortune, recevra dans l'avenir le sceau de l'immortalité.

0 ma douce lyre, fais entendre tes accords lydiens IS,

el que ton harmonie rende cet hymne agréable à OEnone

et à Cypre, où régna Teucerf fils de Télamon 1*. Que

3

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34 . NEMEONIKH â \

Ô Te).a(*fcma£a;. kxkf

Alaç 2 a X a p / ejjei rsexpcosev,

Èv S'Eùllvc** irelayei (S. *.')

4>eeevvàv Â^ileuç

Nàffov @£nç 5è xpatfit

4>8ia. Ne<wrroXe|jK>; $'A-

raipa) Siaicpuaia,

BouëoTea TO8I itpûveç «£-

oyoi xaTaxeivTai

âw&covaÔEv ap}(6p.evoi xpo;

ioviOV TÏÏQpOV.

HaXiou 8l iwcp xoJi Xa-

Tpetav iacotaov,

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lbitaùç xeepeâcôXEV Aîpiveaciv,

AajxapTOç tinroluTaç ( -• V.)

ÀxaoTQu jo^îaiç

€>tJTu£ o i ôstVSCTOV

Ex loxou ItiXiao waîç,

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Rat TO [iop<Ji(i.ov Ai68ev xs-

juptopivov escçepev,

IIOp AI xayxpetTèç Opaoupa-

yjxvcôv T8 leovxwv

Ôvujraç Q^uTaTouç âxpav

Te SetvoTfltTcov çJœGMç ôSévxwv,

Éya[i£v i^iBpovcdv V" ^

Miocv N'/ipaîSav ,

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NÉMÉENNE IV. 3fi

de rois a vus naître OEnone I Àjax régna à Salamine,

sa patrie 1S; Achille, dans cette île dont l'éclat se répand

au loin sur le Pont-Euxin , s ; Thétis domina à Pfatie iT;

et Neoptolème fut souverain de la vaste et fertile Epire ls

dont les monts sourcilleux s'étendent depuis la forêt de

Bodone jusqu'à la mer d'Ionie,

Pelée jadis la rendit tributaire des Hœmoniens, lors­

qu'il eut pris à main armée lolcos , situé au pied du

mont' Pélion, Exposé aux ruses perfides d'Hippolyte f

épouse d'Àcaste , f , ce héros eut encore à éviter les em­

bûches que le fils de Pélias lui tendit, après lui avoir

caché son épée merveilleuse 20. Mais Chiron vint à son

secours, et l'arracha au cruel destin que lui réservait

Jupiter,

• Cependant avant qu'il lui fût permis d'épouser une des

Néréides aux trônes élevés,Pélée dut encore lutter contre

la violence des feux dévorants M, braver les griffes et

les dents acérées des lions ; alors seulement y au jour de

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3 6 NEMEONIKH à\

EtSev 4* euxuxXov e^ps£vf

Taç oipavou (îaffiWieç

IIOVTOU x e<pe£6f/.evoi

Acopa xal xpaxoç £$É<pa-

vccv eç yévoç aùxÇ.

rôtSeipwv TO wpoç ^oçov où TCS-

pSCXév. ÀTCOTpSXfi

Aùxtç Eùpwirav 7COTI j^ép-

CîOV evxea vaoç'

Âiropa yap loyov Ataxou

IlaiScav xov cnr&vTot jxoi oieXôeîv f

OeavSptâaiçi S* as- ( -• *'•)

Çiyuiwv aéôlwv

Kapoi; iTOÎp.oç eëav

O ù l u p a a xe xoà îsÛfÂQi

Nepia xs mjv8ip,evo;,

Ëvôse TCETpav efyovxeç, ot-

xa^e xluTOX*xp7rcûv .

Où V£OVT aveu sTeçavcav. ï la-

xpocv vuv obtouop.ev,

Ti(A0t(JsepXÊf Teiv ènvi-

xioiciv aoi$a~ç

npoTColov ?p.p.evai° et Si rot

MstTpco p.' cxi KaXXixXei xsXeuei;

SxàXeev 8ep.ev, Dapîou ( -« i*'0

AtOou Xsuxoxlpeev,

Ô fâuchç e^ofievoc

Aùyàç cSeiÇev i%%Gaçf

f p o ç SI xôv eeyotôôv

Ëpyp,errttv Peccrileucîiv î-

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NÉMÉENNE IV. 37

son hymen, il vit s'asseoir à sa table les dieux du ciel

et de la mer, qui le comblèrent de leurs dons et lui

donnèrent cette puissance qu'il devait transmettre à sa

postérité.

Mais il n'est pas donné à un mortel de franchir les

colonnes d'Hercule où le soleil termine sa carrière. Tour­

ne , 6 ma Muse I la proue de ta nef vers l'Europe : tu ne

peux dans un seul récit redire tous les hauts faits des

enfants d'Eaque. Viens donc proclamer les victoires des

Théandrides, et ces luttes fameuses M d'où ils sortirent

vainqueurs à Olympie, à l'Isthme, et à Némée. Ces lieux

à jamais'Célèbres ont été les témoins de leur valeur, et

les ont vus retourner dans leur patrie, le front ceint de

couronnes dont la gloire ne peut être ternie.

Qui mieux que moi sait, 6 Timasarque! combien de

sujets sublimes ta patrie offrit en tous temps à nos hymnes

triomphaux» Docile à tes désirs, je veux élever à Calli-

clès, ton oncle maternel, une colonne qui surpasserait

en éclat le marbre de Pares. De même que le feu pu­

rifie For et lui donne un nouveau lustre, de môme les

hymnes des favoris des Muses répandent sur l'athlète*

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38 NEMEONIKH â\

co^aipiova xmjEi

4»ôm. KeTvoç eêp.ç? À^povTi TSaiemm lp.otv rXôuuixv Eupém X£lpt 7Ï-TIV 5 Ôpaorpiatva ïv' ev aywvi Papuscrwou 0aXi}ae KopivôCoiç GAIVOI;*

Tov Eùfivnç lb£km (S. ip'.) Tcpaioç irpoiraxtop Ô TSOç âeicra-ro, rcat. Âlloiffi X'otXixeç aXtai, Tsc S'aÙTÔç av TIç ï&j f

ÈkmroLi nç ïxaatoç i$-Qyjàmra çacOai. Otov setvewv xs Bfetaicî-av epi&aç urpécpoi, P*fp,<XTa ITIIXCôV , shraXai-<reoç Iv loyw SXxeiv, Malaxa pàv çpôvlwv 2c&o~ç, Tpaj uç 8ï <K(£kvpt6rQiç cçeSpû;.

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NÉMÉENNE IV. , 39

Yainqneur une gloire qui le rend égal'aux rois. Paisse

Callidès,*» le bord de FAchéron, m'entendre célébrer

la couronne d'ache vert qu'il ceignit à Corinthe, dans ces.

jeu* consacrés an dieu dont le trident ébranle la terre......

Mais plutôt qu'Euphanès 9 ton aïeul , chante ses louan­

ges 23, ô mon filsl n'est-il pas juste que chacun honore,

ses contemporains? Il les chantera a?ec joie ; car quel

est le mortel qui ne se flatte pas de raconter a?ec plus de

vérité les faits dont il a été témoin?

Qui de nous) par exemple, en limant Mélésias ,é8 s'ex­

poserait à la critique ou au blâme? Son éloquence im­

pétueuse entraîne tous les cœurs ; et, s'il est bien?cillant

pour les bons 9 il est aussi le plus redoutable ad?ersaire

des méchants.

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4 0 * NEMEONIRH E\

« V » i % % V M > V M V

I

. NEMEQN1KH £ \

eY0EA AiriNHTH HAÏAI

OArKPATlATH.

Oùx, àv^ptavTOTroioç ei(x/, ( 2 . a',

fiar eXivoGovrà |£ epy<x(g-

ffOai âyatyaT èw* aùzaç pscôjxi^o;

ÈGTOCôV* ai l* êm %œcaç

OlxaSoç Iv T ajcaxctî, yluxet àoiSà,

2x61^' air' Aiyivaç, Siecyyll-

Xotff' on AajxTCcavoç utoç

ïluôescç eùpucôevviç

NMUQ NepCotç .TCayfcpaTtou CJTIçSCVQV ,

Ouïra yevuci çsavcov TEpetvav

MocTép* oîvavOaç oircipsev,

ÈJC Se Kpdvou xai Z7jv6; i- ( A. a'.)

pwaç sa^p-erràç çoTajÔevm*

Kal oeiro ^pucieocv N7)pi)iSa>v

Atôc/iSaç eylpapev f

IfaTpéirôliv Ti f <p&av çs'vwv apoupav

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NÉMÉENNE V. 41

'•;NÉMÉENNE T .

AU JEUNE PYTHÉAS D'ÉGINE,

VAINQUEUR AU PANCRACE.

Je ne suis point statuaire «, ma main ne sait point fa­

çonner des simulacres inanimés pour les fixer sur une

base immobile. Non , mes chants pénètrent en tous lieu*.

Vole donc, ô ma Muse ! Pars d'Egine sur une barque

légère, et publie au loin que Pjthéas, Te Taillant fils de

Lampon % Tient de ceindre à Némée la couronne du

pancrace.

Semblables à la vigne dont la fleur présage les doux

fruits de l'automne, ses joues laissent à peine apercevoir

un tendre duvet, ' et voici que déjà sa victoire honore les

Éacides, héroïques enfants de Saturne, de Jupiter et des

blondes filles de Nérée, et celte opulente cité que fondè­

rent leurs mains} et qui est devenue si célèbre par ses

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42 NEMEONIKH fc\

• Tav TTOT euav$pov TE xal vau-

cucXuTav ÔSGGaVTO , wàp fic*>-

p.ov uraTepoç ÈlXavtou

2TecvTeç, nCrvôÊV T*aç atôepa x«f aS ^P^

Èv^ôtf&oç ap(yvc*rrsç uiol

Kal p(os #«Sxou xplovTOç,

Ô xaç ôeou, ôv ¥ap.a9eux (E . a'.)

T U T ciel ^ y p n TCOVTOU.

Ac^60[iLai fiâya efaeiv, ev Xixa TI

M^ xextv^uvsupivov,

n ô ç ^ XUTQV eùxkéa va<mv ,

Rai TIç av&pa; aXxtjJuw;

Aaijiwv air* Owwvaç eXaaev. ÎTacopiau

Ou. TOI auracia xep^iwv

#a(votaa irpo<iw7rQV aXadei' atpgx'/sç,

Kal TO ciyav 7ro>.Xax&ç ecrrl ffoçw-

TaTov avûpciircfi voterai.

Et $' oXëov î X€tPc^v P^ v 1^' P'O Ê <ri$apÎTav £7taiV7icai

ïloXejiov &s$ox7)Tai, pxxpa pm

AUTOÔEV aXp.a9' uirocjxa-

îCTOI TIç ' êyjà yovaTwv IXaçpov ôppév.

Kal 7uspav TrovToto irallovT*

AîcTou npoçpwv 8l xâxa -

votç aei^ev IlaXicp

Motaav 6 xaXXiaroç X°P^ » *¥ ^* fierai;

«Popfjuyy* ÀTTOXXWV lînaylwcicjov

Xpuaécp xlaxTpto StcSxcov

Âyeîro i7avTOÎa>v vôpav. (A. p'.)

Ai Si irpwTiciTOv j/iv u4u.vv}orav

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NÉMÉENNE V. 43

héros et ses flottes nombreuses. Debout autour de Tau*

tel de Jupiter Hellénien % les ils illustres de la nymphe

Endéïs * le?tient au ciel leurs mains suppliantes, et avec

eux, le puissant roi Phocus, qae, sur le rivage des mers,

Psamatée avait mis au monde....

Comment oserais-je dévoiler ici l'attentat que Télamon

et Pelée commirent contre toute justice 5 ? Non, je ne

sonderai pas la profonde de ce mystère, je ne révé­

lerai point la cause pour laquelle ces héros abandonnè­

rent leur patrie, ou quel dieu vengeur les en exila. Il

est des faits où la vérité ne doit pas montrer sa face à

découvert •, et le silence fut toujours chez les mortels

le fruit de la plus haute sagesse. Mais s'il faut célébrer

par mes chants la prospérité , la force et les exploits des

Eacides, quel que soit l'espace qu'on me donne à fran­

chir % ma force et ma légèreté me feront vQler au-delà ;

ne voit-on pas l'aigle être emporté d'une aile rapide

au-delà des mers?

Je vais donc redire quels nobles accents le chœur des

Muses fit entendre en leur honneur sur le Pélïon ; com­

ment au milieu d'elles, Apollon variait sans cesse avec

un archet d'or les sons mélodieux de sa lyre à sept cor­

des. Elles enchantèrent d'abord le grand Jupiter, ensuite

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44 NEMEOMKH E\

A&oç eep^opveu ffeptvàv QITIV ,

IlTilgôt 8', &ç Te. vtv dtêpoe

fiôeXe, £uvava MayviQ-

TOV GXOTCOV raïaaia' ôbcoCxav

IIouciXoiç poule'ijxûccîtv.

WeucîTstv Se ITOITQTOV <ruv£7Fa£e 16yov,

Aç ocpsc vupçci&ç eTCipa

Keïvqç ev lexxpotç ÀXOCOTOU

Eùvaç. To 5* IveevTtov eaxev* (E. £'

I lo l l a yap juv 7cavTi 8up.w

napçecjiéva XiTsrveuev. Tou piv opyiv

livt^ov anreivol 16yoi*

EuSlIÇ S* âïtaVavaTO V'J[/.ÇOV ,

Seiviou TOrrpo; JJOXOV

Aeiaaiç. Ô &? eçpaaBYi xôCTeveuaev T£ OI

Ôpaivsf $ç 8$ oùpoivou

Zeùç , aûecvarcov (ïtxcjiXsiJç , COCT'èV Ta^ei

IIovTiav ^pucoXoncaTcav Tivà NTQ-

peï'Swv irpst^etv axoiTiv ,

rapêpov ïloas&Sôtwva 7751- . ( 2. y'. )

caiç , 0; A.iya8ev TCOTI xletTocv.

0stpà v ide ra i îcrô|xov Acopiocv,

ËV8ô£ {/.tv euçpoveç ÎXou

2uv Xôclap,oio pox 8SQV SBXOVTOI,

Kal ci8ev£i yuicav êpi^ov-

TI Ôpacrgu noTpoç Se xpivei

ïuyyevviç fpywv râpl

flavTwv. Tu S* Atyiva, 8eou? Eù8,j;/.ftvïç,

Nixaç tv âyxcovecai IUTVWV,

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NÉMÉENNE Y. 45

l'Immortelle Thélis et Pelée que la voluptueuse Crétéis-

Hippoljte s'efforça de faire tomber dans ses pièges adul­

tères. Cette princesse , à Faîde de la plus noire calomniey

persuada au roi des Magnésiens, son époux 9 que Pelée

avait osé attenter à la sainteté de sa couche nuptiale.

Mensonge impudent! elle-même au contraire avait osé

provoquer le jeune héros, qui repoussa ses offres sédui­

santes , et craignit d'encourir la colère de Jupiter, pro­

tecteur de l'hospitalité s .

Alors du haut des deux, le roi des immortels 9 dont la

voix assemble les nuages, lui permit de choisir pour

épouse une des Néréides à la quenouille d'or, après avoir

obtenu l'assentiment de Neptune 9. Souvent ce dieu quit­

tant son palais d'jEgée 10, visite l'isthme célèbre qu'ha­

bitèrent jadis les peuples de la Doride " . Là une foule

empressée de jeunes athlètes l'accueillent au son des

flûtes et déploient en son honneur la force et la sou­

plesse de leurs membres robustes.

La Fortune, qui dès le berceau accompagne en tous

lieux les mortels, est l'arbitre de toutes leurs actions.

C'est la tienne sans doute, 6 Euthymène! qui fa conduit

à Égine dans les bras de la victoire pour que tu sois

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46 NEMEOMRH E\

noucîXuv î^aucaç 5(xv«v. ÔTOI ^trailmxoL xat ( A. y#. )

Niïv T8oç pcTptoç àyaXXei x«i-VQ'J ôp.QCî7ropQv eOvôç, IluOéa. Â Ne(xsa (isv «papsv, IVleiç T em^cupioç, ôv f i l W ÀTTOXXWV.

ilixôcç 4* elûôvTaç oocoi T Êxpaxei Nidou T ev eùay-xeî 16f w Xa&pai 8* ÔTI feckomi p.apvaTai xep& Trœua TUOXIç.

ÎGGI" yXuxeîav TOI MevavSpou 2ùv Tujra (Aô/OCOV ajjioiëàv Êrcaupeo. Xp*/î S' à* ÀOavav (E. y#. Texrov* âOXiQTaïaiv ep,p.e¥. Et Se @ep<mov uceiç «5<JT âetôeiv, MDXSTI ptyei, SCSoi #ci*vàv, àyà &'i<ma xelvov npoç Çùyôv xap^aaiou, Iluxrav ré viv %a\ «ayxpariou- çOiyÇai é-leîv Èm$aup<p ^ixléstv NIXWVT âpeTàv,icpo8upotcriv S* AîaxoCi ÀVSE'CûV wQtîXEVTd çepeiv GTSç av<&-p,aTsc ffùv £av8aic XaptGffiv.

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KEHËENNE V. 47

aussi l'objet de nos chants. Vols comme la gloire de Py-

ihéas, ton oncle, rejaillit maintenant sur toi et sur votre

famille commune» Némée Fa vu conquérir sa couronne

dans ce mois que chérit Apollon ia, comme naguère sa

terre natale le vit aussi, dans les riantes vallées de Nï-

sus îâf surpasser tous ses jeunes rivaux. Pour moi, je

suis au comble de l'allégresse en voyant ainsi chaque cité

s'eniammer d'une noble émulation de la gloire M.

Souviens-toi encore , ô Pythéas ! ipe tu dois aux soins

utiles de Ménandre la plus douce récompense de tes ho­

norables travaux ; puissant motif pour les athlètes de

choisiivleurs mattres parmi les citoyens d'Athènes " .

S?il faut enfin , 6 ma Muse ! célébrer dans ce chant

les louanges de Thémistïus u, ne crains point de l'en­

treprendre : élève ta voix, déploie les voiles de ton na­

vire , et proclame du haut du mât la victoire que deux

fois Épidaure lui a vu remporter au pugilat et au pan­

crace, et les couronnes verdoyantes et Ieuries dont les

Grâces aux blonds cheveux ornèrent sa tête devant les

portiques du temple d'Éaque ,T.

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48 NEMEON1KH ç'

NEMEOMKH ç\

AAKIMIAH AiriNHTH OAIAI

IIAAAISTH.

Êv àv$p(ovy tv Ôcôv yévoç* ex ( 1. a'.) Mia; 8l nveopiev Maxpoç «p.ç6xepoi. âietpyei 8ï 7rac« xexptpiva AtJVStpç. ftç TO p.âv où^sv, Ô Se jakxEùç œçfakïç aie\ e£oç Msvei oùpavoç. Alla xi irpoaçspoku.ev ÊfjLicav, $ (xé'yav véov, -fi coi cpudtv, aôavaxotç, Kaî wep £Çô£(Agpioev Oust etSoxeç où^è p.er« Nuxxaç ap,[€ x6xp,oç oî-av TIV' fypœ^e Spûefmv TOTI uxaôp.av. TexfjLaîpsi xalvuv Àlxiptôaç. (A. a'.) To ayyyevèç tSeïv

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NÉMÉENNE VI. 49

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NÉMÉENNE VI.

AU JEUNE ALC1MIBAS D'ËGINE.

VAINQUEUR A LA LUTTE.

Des hommes ainsi que des dieux l'origine est la même ;

une mère commune nous anima tous du souffle de la vie f.

Le pouvoir entre nous fait seul la différence ; faible mor­

tel , Fhomme n'est rien, et les dieux habitent à jamais

un ciel d'airain *, demeure inébranlable de leur toute-

puissance. Cependant une grande âme, une intelligence

sublime nous donnent quelques traits de ressemblance

avec la divinité 8, quoique nous ne sachions nullement

quel jour ou quelle nuit le sort terminera la carrière 4

que nous parcourons.

La race du jeune Âlcimidas peut être comparée à ces

terres fertiles qui alternativement fournissent aux hom-4

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50 NEMEONIKH ç\

Ay^t xapwoçopoi;

Àpoiipaiffiv, aiT â{Wtë6fAevai

T6xa p v wv (îiov scvSpe<i-

CIV 67H1£T>XV0V HESiWV l$0«IOÊV,

Toxa S 'dk ' âvai?au<ra[Jt.evai oÔsvo; E-

pap^av. È l ô ! TOI Nepiesç

ES epaTÔv oceÔlwv

Ilatç èvaywvioç , oç,

• TauTav pûe'iwv Awôev

Aiciav, vuv iceçavTai oùx

Â(A[/.opoç'à|jLç! iro&a xuvayeTa;,

fpemv lv npa£i$a|jt.av- ( K - a ' « )

TOç éov iroSee vlpav

naTpoîC(XTOpoç o p a p o u .

Ketvoç yàp Ô1U(JU«6VI-

xoç ewv, Aiaxi&aiç

Ëpvea îupÔTOç âw' Àlçeou?

Kai irevTaxtç ia9(j.oi

% 2Teçôevwcî(xp.evoç, Nej/ia 8ï Tpiç,

Ëtrscyce Iseûstv 2c*>x\elS<% ,

ô ç ÛTOpTÔCTOÇ Àynffif/a^w

Ttecôv yevEto.

Èicsl oî TpEiç aeOXoçopat ( 2 - P'«)

Ilpoç -axpov ÔtpETOCÇ

Hlôov, oî TE wévwv

ÈyEuciôcvTO, 2uv ÔêOU 5E TU^IX •

ËTEpov ou Tiva oixov

ÂITEçOCVOêTO wuyjiia^ia XISOVCùV

T a p a v ffTeçavwv [M%G> Èlla^oç à-

TOX<J«ç. Ëlnop.ai jxéya ei-

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NÉMÉENNE VI. 61

mes d'abondantes récoltes, et se reposent ensuite pour

acquérir une nouvelle fécondité 5. Dès son début à la

lutte , Alcimidas remplit noblement la destinée que lui

fixa Jupiter. À peine au printemps de la vie, on Ta vu à

Némée s'élancer avec bonheur dans la lice § comme un

chasseur sur sa proie : ainsi ce jeune héros marche d'un

pas assuré sur les traces de Praxidamas son aïeul pater­

nel, qu^ le premier des descendants d'Éaque 7, ceignit

aux jeux olympiques son front de l'olivier cueilli sur les

bords de l'Àlphée ; qui, cinq fois couronné à l'Isthme

et trois fois dans Némée, tira de l'oubli Soclide son

père 8, le premier des fils d'Àgésimaque.

Et maintenant trois athlètes célèbres isssus de cette

môme tige sont parvenus par leurs victoires à ce comble

de gloire 9 où l'homme enfin peut goûter en paix le fruit

de. ses travaux. Jamais famille dans toute la Grèce ne

fut à ce point favorisée des dieux, et ne remporta plus

de couronnes aux luttes du pugilat.

J'ai à célébrer de grandes, de sublimes louanges ;

mais j'ai la douce espérance que la magnificence de mes

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52 NEMEONIKH ç\

E'JÔ'JV' em TO'JTOV aye,

MGùJ', oùpov e7rec»iv eùfcXei-

a. Ilapoi^ofiivcûv yàp àvÉpcay

Àoi&ol xal loyoi TOC xocXa ( A. £ . ) .

2çiv epy' êît6;xiçav,

Bacejtôaiariv àV où

27cavi£ef -Tua^aiçaTO^ yeveà,

fôia vauffToMovTeç

Èm>ecopa, Iliepî&ov âpâraiç

Auvajoi rcape^etv woWv 8pov ? àyê-

pdr/wv épyprrwv fveacev,

Kai yàp ev ayaÛsst,

Xstpaç tpevTi SeQelç,

IÏ'JÔWVI xpàr/icev ento

Tauraç aï[*a iraxpaç XPuaSÊ"

laxaTOu TCOTE Ra l l t aç ccScbv

ÊpveGi AôêTO'Jç , îcapà Ra - ( E. P'« )

CTakia Te Xap&xwv

Ècîireptoç opecïtt <p^éyev

IIovToii Tg ysçup' àxajjtav-

TOÇ £V Àp.CpiXTtOVWV

TaupQç6vc|) Tpter/iptôi

VIOV StV TÊJJ.SVOÇ , pOT3CVSC T2 VlV

HoÔ* à IIOVTOç vr«caGavT

Épeç' a «mot; ^>lioGvTOç ûw o>-

yuyioiç opsctv.

IftaTsïai iràvTOÔev loytoi- (^ y . )

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NÉMÉENNE Vf. 53

chants ne sera point indigne de mes héros. Ainsi donc,

6 ma Muse ! bande ton arc, et fais voler un trait vers

ce noble but ; que tes hymnes, portés sur les ailes des

ventsî0, retentissent au loin. Ce sont les chants des poètes

et les récits de Fhistoire qoi transmettent à la postérité

les hauts faits des grands hommes qui nous ont devancés

dans le tombeau. Et où trouver ailleurs plus d'illustres

actions que dans la famille des Bassîdes i!? Biche de sa

propre gloire î2f quel vaste champ d'éloges n'offre pas

( cette antique maison aux sages favoris des filles de Piérusl

C'est de son sein qu'est sorti ce Callias, qui, armé du '

pesant gantelet, remporta la victoire dans Pjtho. Chéri

des enfants de Latone ÎS à la quenouille d'or, il entendit

près de Castalie, au milieu des chœurs des Grâces, ses

amis répéter ses louanges jusqu'au lever de l'étoile du

soir. Il fut encore le théâtre de sa victoire, cet isthme

fameux qui , semblable à une digue 9 sépare à jamais

les deux rivages de l'infatigable élément ; là , près du

bois sacré de Neptune, il fut couronné de la main des

Amphictyons u dans ces jeux que tous les trois ans on

voit reparaître î5 ; enfin, au pied de ces monts anti­

ques î6, qui de leurs sombres forêts, ombragent Phliunte,

, il ceignit sa tété de cette couronne dont l'herbe rappelle

1(5 vainqueur du lion de Némée. De.toutes parts l'illustre

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54 NEMEONIKH ç.

CIV Ivxl 7?p6cO&Ol

NôECJOV êuxkiœ x«v-

5e *0G[z.5Ïv eirci açiv Aiaxtôai

ÉiropQv éÇOJ OV aiaav,

Apsxàç àiro$ei)cvu[Jievoi jjtfiyaXœç.

n&xotxsa £' em TE yjiovoc xstl Sià &a-

lecccKXç T'/fXoÛgv ovufji* aû-

xûv 5 xai èç A&Qtoirotç,

Méfjivovoç oùx dtxovo-

eTecciavToç, eiraXxo. Bapu

As açiv veîxoç ef/.iraïc' ÀyCk-

\euç ? £a(Jia$iç xaxotéàç ecç* apjjtstTtov,

#0Ê6vvaç uiov eux* ev«p&- (Â, y ' . )

£ev louç axpie

Ëy^eoç £ax6xoi-

o. l ia i xatjTav p.ev TOxleuéxepoi

ÔSàv à(JL0£ lTOV supov,

ÊiropLat ^2 xstl otÙToç fjra>v p.elexetv#

To Se wàp TO$1 vaôç êlweofAevôv

Atel xujiarwv IgyExai

Havti paXicxa Sovelv

0U(AOV. Êx6vxi S'eyi»

NCSTW p.e6s7rcî)v &tôi){*ov

A)(8oç, iyyeloç (iav, 7uea-

TTTOV 67cl eucoci TOUTO yap'jaw

Eu^oç aycivtov awo, xoùç {ÏL y r . )

ÈvÊicotaiv tEpoùç ,

ÀlxtpiSa o yf eicapxecev

Klsixà yevest. Auo piv

Kpoviou 7uàp xepivet,

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NÉMÉENNE VI. 66

Egine ouvre à mon génie des routes magnifiques à par­

courir; de tontes parts elle offre une ample matière à mes

chants. Les nobles enfants d'Eaque, par leurs vertus hé»

roïques,se sont fait pne grande, une immortelle destinée.

Volant sur la terre et par delà les mers, leur renommée est

parvenue jusqu'en ces contrées qu'habitent les Ethiopiens;

elle leur apprit le funeste sort-de leur roi Memnon et

l'affreux combat où Achille , descendant de son char f

perça de sa lance homicide ce fils de la brillante Aurore,

Mais pourquoi dans mes vers suîvrais-je la route où

mille poètes avant moi ont aussi tratné le char triomphal

des Eacides? Que lenautonnier pâlisse à la vue des flots

écumeux qui battent les flancs de son navire ; moi, je

, ne plierai pas sous le double fardeau dont je me suis

chargé t7f et je proclamerai la victoire que pour la vingt-

cinquième fois cette illustre famille vient de remporter

dans les combats que la Grèce appelle sacrés.

O Alcimidas ! tu viens de répandre un nouveau Insire

sur 1a noblesse de ton sang y malgré la jalouse fortune

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5 6 ' NEÉEONIRH ç.

Ilott, c l T , êv6<xcpt<xe Tipi^av

KlapOÇ 7TpOTCETT,Ç a v -

8s' Ôlup.7uaSoç. AelçtvC zsv

Taj^oç Si5 aXf/aç ÏGOV eÏ7;oi-

ai MsV/jçriav, ^sipcov TS xat î-

<iyyoç àvto^ov.

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NÉMÉENNE VI: 57

qui. a ravi à ta jeunesse î8, ainsi qu'à Timidas ton émule,

deux couronnes auprès du bois de Jupiter Olympien,

Quant à Mélésîas qui t'a formé, je dirai que cet habile

écuyer a la légèreté du dauphin qui rase avec vitesse la

surface des mers.

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58 NEMEOMUH Z\

NEMEON1KH Z .

SOFENEI AiriNHTH II Al AI,

HENTABAÛ.

ÈXeiOuia, TOXpeSpe Motpav Paôuçpovcdv, ( 2. a\ )

l iai fieyalocjOEveoç, axousov ,

â p a ç , yevETeipa Téxvwv. AVEU aeOev

Où çstoç,où [A^Xaivav ^psotlvTEç eùçpovav

TEOêV a^slçfiiv eXa^o^ev

ÀyXaôyutov âëav*

Àvairv60|A6v S' oùj£ aTravreç *èwi ïaa'

Eïpyei Se TCOT[A<|> uylvû*

ËxepQv exe pot. 2uv £è TIV

Kal icatç d OeczpCwvoç etpexi xpiOeiç

Eu$o£oç âeiScTai 2&î-

yevTsç jXExà mvTaeOXoiç.

IloXiv yàp çtlopolirov oîxei SopiXTuxaw. (A. a ' . )

Aiaxi$av° jxotla S? lôéXovTi

2up.7tetpQV ayc*>via Ôuptov ap.ç£7T£iv.

£î ^i TUJ£TJ TIç epScov, jjtEXiçpov9 aiTiav

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NÉMÉENNE VII 95

NÉMÉENNE VIL

AU JEUNE SOGÈNE D'ÉGINE,

VAINQUEUR AU PENTATHLE.

O toi qui sièges à côté des Parques aux impénétrables

pensées, fille de la puissante lunon \ Ilithye, protectrice

des nouveau-nés, prête l'oreille à mes accents. Sans toi,

sans ton secours 9 nous n'eussions jamais connu ni la

clarté du jour , ni le repos de la nuit , ni la florissante

Hébé, ta sœur, déesse de la jeunesse. Mais les mortels ne

naissent pas tous pour une égale félicité : mille accidents

font pencher en sens contraire la balance de leur sort. Ce­

pendant c'est par toi, ô Ilithye , que Sogène * le valeu­

reux fils de Théarion a mérité d'être proclamé par

les juges et de recevoir au pentathle le prix de la lutte*

Aussi ce jeune vainqueur reconnaît-il pour patrie celle des

Eacides à la lance redoutable, cette Egine dont les citoyens

brûlent à Verni de perpétuer leur gloire dans nos combats

solennels. Le mortel que distinguent ses nobles travaux

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60 NEMEONIKH Z\

Poôelcii Moiaav sveSalev.

Tai [AeyaXai yàp aXxai SXOTOV 7T0ltiV up.vwv SOVTI SeO[/.6Vai.

Épyotç Se xotloîç &O-XTpov ïcsÊp,ev évl GùV Tpdww, Et,Mvôt[ÂOcjyva; £xsm Xi7?apa(JOTJXo;, EupviTai aicotva (i6yj«v HXUT<Xîç lirewv âoiSatç. Soçol Se [xéllovm TptTaïbv otvep.ov ( È. a'. ) Ë(Xôc8ovf oùS' Û7TÔ X£pSa plaêsv. Âçveoç wsvtj poç xe Qava-rou Hapà Sape véovTai. Èytù Si wXéW IXiropiai Aoyov ÔSUCîCîIOç, îi xscôev , Aià TOV àSusmi y£vl<j8' Opipov. "t%ei ^SOSêCîI ot9 irorava ye (xa^ava, (2. (5'.)

28[1VQN ÊTCCffTl Tt f (JOflOÊ S e

KXé%m 7capayoiaa (Jiuôot;. Tutjilov S' âyji

Ôxop op„iXoç àv$po>v 6 icXeurroç. Ei yap r.v

Ê ton* aXàQsiav iSfip.EV9

Ou X£V 07UlwV £ol(dOeiÇ

Ô xapTepoç Ataç £xoc!;£ Sise flppsvôv

Aeupov ÇCcpoç, Sv xpaxi-

GTOV, À tXéoç aTep , p^X? > Hsevôw MeveXa Soep-oepTot xopaai, ôoatç . Èv vauci iu6peu<jav eù8u-irvéotJ Zeçupoto TCopjwci îlpoç flou n6Xtv. Alla xoivov yoep fp^srat. (À, P'.) Kup.* À&Sao TïïCV àSoxviTOv Èv xat SoxeovTa. Ttpà Se y(yv£Tsct,

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_ NÉMÉENNE VIL Cl

fournit une agréable matière aux chants des Muses : car

les plus belles actions sont enveloppées de ténèbres épais­

ses 3, si elles ne sont point célébrées par les charmes de

la poésie, où elles se réfléchissent comme dans un mi­

roir fidèle; alors seulement elles sont consacrées dans les

fastes de Mnémosyne 4, qui ceidl satétede brillantes ban­

delettes, alors seulement elles trouvent dans nos hymnes

la douce récompense 5 des fatigues qu'elles ont coûté.

Le sage imite la prudence du pilote, que l'appât du

gain ne peut déterminer à braver les flots avant d'avoir

éprouvé pendant trois jours la constance des vents. Il

sait que, riches ou pauvres, les mortels viennent égale­

ment se confondre dans la tombe % mais avec la diffé­

rence de la renommée. Ainsi je soutiens qu9Homère a

immortalisé Ulysse et lui a acquis par ses chants une -

célébrité au-dessus de ses travaux. Mais ce poète divin

nous présente avec tant de charmes ses mensonges ingé­

nieux , il sait si bien rendre la fiction attrayante et lui

donner du poids, qu'il nous éloigne sans peine de la

vérité ; tant il est vrai que chez la plupart des hommes

le cœur se laisse aisément aveugler I Ah ! si l'esprit

humain ne fermait pas les yeux sur ses défauts et qu'il

se connût lui-môme , jamais le fougueux Ajax , égaré

par la fureur, ne se fût enfoncé dans le sein sa redouta­

ble épée. Ce guerrier, le plus courageux des Grecs après

Achille 7, était venu sous les murs d'IHon, conduit par

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6 2 NEMEOMKH Z \

Ôv ôeoç àêpov au£ei 16yov, TeOvotxôxwv

BoaûôcûV. Toi TTôtpà péyav

Ô(i,çalov eùpoxôlicou

Mdlov yPmnç ? *v HuOiotci Si SamSoiq

KeiTou, Ilpia^uou TCOXW

Nso7rr61ep.Qç eWi 7?pa6ev*

T<% xal Aavaol TCOvi)<ïav. 6 S* SCXOTCIIùIV

Sxupoîi p v septpTEv, Txov-

TO S* etç Èçupôtv T&axOevTeç. •

MolocaCa &' lp.ëôecj{leuev dliyov ( E. P'. )

Xpovov axàp yevoç aieî çgpev

TOUTO 01 yépaç. f i^ 6 1 0 ^ TCP^

©êàv, XTestT* ay«v Tpc*>-

faôev âxpoOivtuv,

Iva xpewv viv Sicep ^ajjzç

Èlstffsv avTiTuxovT av jp (x.a£aipa.

Bipuvôev £è W£pt<îffà Aelcpol £evay£rar ( l . y*.)

A l l a TO p p c î i p v «7F£^Ct*X6¥.

È^p^v ^g TIV' êfviov aXcei xalstiTocTw

AtaxiSav xpeo'vTwv TO lotzov eap,svsa

0£o5 TTocp* eÛTei^la So'fjiov,

Êpcoiaiç ^e 7T0f/.7catç

06picjxoiTOv otxetv eovTa WOIUÔIJTOIç

Eùwvup,ov eç Jixav.

Tpia lurea ^tapxecer

Où ^euSiç i fictp-mç epy[i.sccitv èwiCTaTei. '

Aiytvoc, TêCSV Aiôç T êX-

yévwv ©pixciu p i TOS' , ewwiv

#ôcevvatç apeTaïç dSôv xupiav Àoycuv (A. y'.)

OîxoOev. A l l a yàp ava7uauariç

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NÉMÉENNE VII. 63

des vents favorables, pour en ramener réponse du blond

Ménélas. Mais la mort, comme un flot des enfers, entraîne

également celui qui l'attend et celui qui ne l'attend pas :

la gloire seule reste aux héros au-delà du trépas, surtout

quand un dieu bienfaisant prend soin de la publier s . Ainsi

Néoptolème, qui renversa la citédePriam et supporta avec

les Grecs tant de travaux , repose maintenant dans les

champs de Pytho •, centre du vaste continent. À son re­

tour, une mer orageuse l'ayant écarté de Scyrosîô, le jeta

lui et ses guerriers sur le rivage d'Ephyre " . Il régna peu

de temps sur les Molosses « et légua une gloire immor­

telle à sa postérité. Un jour, étant parti pour Delphes, afin

d'offrir au dieu qu'on y adore, les dépouilles qu'il appor­

tait de Troie, une querelle s'éleva au sujet du.partage des

victimes immolées : provoqué au combat, il y périt sousie

glaive d'un inconnu audacieux îâ. Ce meurtre indigna les

Delphiens, amis de l'hospitalité; mais la destinée de Néop­

tolème le voulait ainsi : ilfallait qu'un des rois issus dusang

desEacides reposât désormais dans le bois antique qui de son

ombre environne comme d'un mur épais le temple magni­

fique d'Apollon ; il fallait qu'un héros présidât aux triom­

phes des athlètes et rappelât constamment aux jugesles lois

de la sévère équité.Trois mots suffisent donc pour justifier

ce décret des dieux 2 « Un juge incorruptible préside à nôi

comtois.» 0 Egine! ma Muse se sent assez d'enthousiasme

pour chanter la gloire des fils qui sont nés de Jupiter

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6 4 NEMEONIKH Z\

Êv TCOCVTI yXvxsia ?py<d,x6pov 8' EJçB

Kai p i l t xal Ta TspTrv' avôe' Àf po^'cia.

<&ua 5' exaGTOç Siaf spo-

JJL6V, PiOTOV l(X)fOVTEÇ,

Ô p.sv xà 5 x i S'aXXot. Tuy^eiv S' IV âSùvarov

Eù$aifAOViav arca- .

d(xv àv6>6[/.&vov. Oùx IJ^Cô

Etweiv, Ttvt TOUTo Motpa TIXO; ejATrsSov

• â p g ^ S , OSôCpltoV 5 TIV S*

Êowtéxa xôcipov oXêou

AiSuci, xolpav TE xàX&v apapivco (E . y ' . )

2iivsaiv oùx airoêlaiTTgi fpevcov

SeiVOÇ 6lfU* <7X0T£IV0¥ œiTE^CâV

Vôyov, u^axoç ûxe

Poiç, çClov eç av^p* ecyoïv

KXéoç èlTyfTU(&ov,-aivé'ffa>.

IIOTlÇOpOÇ .4' âyaGoîfft [JUffâÔÇ OUTOç.

Ècbv S' eyyùç, kyœihç où pip^gxsu p.* âvvip ( 2 . S'.)

ioviaç uiwgp alôç oîxe-

<ûV irpo|£v(ô£ TCEITOtÔ'* £V T£ $ap6xaiÇ

Opporu §lpxop,ai lap.irpov , où^ Ù7repëGtlc*)¥

Bi«xt<x iravx' ex TTO^Oç épu-

catç. Ô £è lôiwoç gù'çpwv

Uoxl XP^V°Ç ?pwoi. MaÔcAV Se xtç àv Èpet,

J£i rcap psloç ep^opsa

Weyiov oapov 6W£ira>v.

Eù^evt^a TOXxpaâe 2wy£V£ç, âirop-vud)

Mvi, xeppux irpo6àçf axovô' w-

T£ ^aXxoTUsepaov, opcai

@oàv ylôasoev, 8G* è£6TC6p.<|/6V iweXsucjpaTCfîV '(A. o .)

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NÉMÉENNE VIL 65

et de toi, et pour célébrer les hautes vertus dont ils

ont si bien tracé la route à leurs descendants. Mais

te repos est doux en tout ouvrage : le miel et les

aimables leurs elles-mêmes ont aussi leur dégoût *\

Nous n'avons point reçu de la nature les mêmes incli­

nations , les mêmes penchants ; le sort d'un, homme

n'est point celui de l'autre. Ce bonheur après lequel

nous courons tous, il nous est impossible de- le pos­

séder ; et je ne pourrais citer aucun mortel à qui la

Parque ait accordé une félicité durable et sans mélange.

Cependant, ô Théarion! elle a été moins avare envers

toi ; elle t'a ménagé l'occasion de f élever à la gloire.par

Ion courage et t'a donné assez de sagesse pour en jouir.

Etranger, je suis à l'abri de tout reproche de flatterie.

Je louerai un héros qui m'est cher, et la vérité, telle

qu'une onde pure, coulera dans -mes chants consacrés à,

sa gloire. Voilà le prix, qui convient à la vertu. Je ne "

crains point même que l'Àchécn, habitant lé rivage

ionien î5, puisse ici m'accuser d'imposture ; partout je

m'appuie sur les liens sacrés de l'amitié, sur les droits

de l'hospitalité1ê. Parmi mes concitoyens, l'éclat de ma

renommée n'a jamais été terni : sans cesse j'ai repoussé

loin de moi l'injure et la violence. Puissent mes jours

à venir s'écouler ainsi au milieu du calme et de la joie !

Que ceux qui me connaissent disent si jamais le men-

sotfge et la calomnie souillèrent ma bouche de leur impur

6

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66' «EME0N1KH Z \

Avyhx tfai GOEVOç àJîavTov,

Atôoivi icpiv àXito yuîov epirecreiv.

Et WQVQç ^V,-TO xepirvèv xléov lueJép^rrsci.

Éa \JLI. Nutiovft ye yapiv,.

Eï Tt irep av âepOel;

Avexpseyov, où Tpapç eîp-t xaTaOe'p.sv.

Ëipeiv creçàvouç e l a -

cppôv. Àvaêocleo. iftoura TOI

l i o l l a y^putfov, ev TE liwM AfyoevO ' ip.*' ,

K.ai leîpiQ'v avOe^ov TCQV-

Tiaç ucpslûTc eepcieeç.

Aïo; Je p.epapivoç ip.fl Nep.%

lïoXufaTov 5p.va>v Opéov Jovei

Âcu^a. Bscffil^a Je 8EWV

ïlpsxei JateaJov avrtf-

Je yœpulpev Ûsupopca

ômV Alyovxt yip : Ai&itQV

Miv ûw4 p.*fpoJckoiç yov'ôt?c çuTeffatft,

Èp5 pi* 7rôl{gepyov ew>vop.<j».ttaTpa,

à p & t a e ç , efo Je irpoir|rôva

Mev Çeïvav i J e l f eov T . E I Je yeuerat

I v Jpo; àvifp, TI f aïpiv xe yeiTov' eppevai

How çiXYÎcàvr' axeva,

TêCTOVI rappLoe TîoévTCèv

ËndtCtûv. Ei J* OVTO tfat 6i8ç Stv tj£oi,

Èv TIV x* éOeXôi, Fiyav-

TSCç ô; I Jeepa<?«ç, eÙTuyôç

Nsaeiv warpi SwyeviQç ctTaXàv ap.f eirrwv

0up.ov xpoyovwv èmvtr

pova ÇaOsav àyuiav"

(E.r.)

(*o

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NÉMÉENNE VIL CJ

langage. Je proteste donc, û Sogène 1 digne rejeton

d'Euxénus , que mes chants., semblables à la flècbe ar-

mée d'airain , ont volé, vers toi.sans dépasser, le but " .

Tu es sorti de la lutte avant que ta tête et tes membres

robustes fussent inondés de sueur 1S, avant que tu eusses

à souffrir des ardeurs brûlantes du midi y et si ton triom­

phe a exigé de toi des efforts pénibles, la joie de l'avoir

remporté en a été plus glorieuse et-plus Vive. Permets

donc à ma voix, si jamais elle a Ml entendre de sublimes

accents, de proclamer aujourd'hui ta victoire : c'est un

devoir facile que mon génie aime à remplir. Ne ceins point

ta tête de couronnes périssables : pour t'en tresser une à

son gré, vois, ma Muse rassemble. For,, l'airain, l'ivoire

et cette fleur éclatante que produit la.rosée.ê@$ niers 1S.

Que ,1a louange du puissant Jupiter., û. mon génie !

trouve aussi place en tes chants; et- que , portée sur les

ailes des vents, la douce mélodie de ces hymnes vole

jusqu'à Némée. N'est-elle pas digne de retentir de l'au­

guste nom du roi des immortels, cette contrée célèbre où

Eaque reçut le jour de ce dieu et de la nymphe Egine,

digne objet de son amour. Eaque, le protecteur et l'appui

de ma patrie, fut en môme temps et ton frère et ton hôte,

6 puissant Hercule 20.

Si les liens de la société rendent l'homme nécessaire à

Fhomme, que dirons-nous de la tendre amitié qui unit

deux voisins vertueux? Que parmi les mortels il n'est

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6 8 NEMEOHIKH Z'.

Èwel, Terpetopoiciiv wûf àpp.«Tc*iv £uyo?c, (A. e .)

fev T6(xév«GGl SojIOV 8£8l T8- .

bîç, eeppcmpaç iwv xeipoc. & (Mtxap , .

Tiv S' £wéotx8v, Hpocv néeiv xe wei&s'xev

Krfpav TC yXau3C(Swià%a. Auva-

cai £è PpoTOtatv alxàv

Àpa^aviav ' tjaêœxctjv 'ûapwc $t£6[iev.

Ei ystp «icpicjtv sjjtiue^o-

oOev&a pCoTûv âppcroeiç

flêa luwepcû xe pipai* Sienrlexot-;

-EùSaip,ov? êovxa. Ilatôov

Aè icatôsç epiev etîel

répaç To wep vuv, xal apeiov omOsv. (E; e'.)

"To $' àpiov'08 woTe çatfet xsap

ÀxpoicoMJt. N807rrole[iov I I -

xiîffai lireGGi, TetuTôt

As xpiç xeTpooa T* aprolew

Ànôpia T8>i0ei, xlxvot-

civ axs .j*a<|flAflfcac f Awç KopivOo;.

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NÉMÉENNE I. 69

pas de bonheur comparable à celui dont ils jouissent.

Héros dont la main terrassa les géants, si un dieu accorde

à Sogène l'honneur d'habiter près de toi, comme auprès

d'un père, et de suivre sous ta puissante protection la

route que lui ont frajée ses divins ancêtres, que manque-

t-il à sa félicité ? Le lieu où il a fixé sa demeure, situé

au milieu de tes bois sacrés, n'est-il pas aussi proche de

ton sanctuaire21, que le timon d'un, char Test à droite et.

à gauche des quatre coursiers qu'il dirige..

C'est donc à toi* divin-Hercule, de fléchir en faveur de

Sogène, Junon, son auguste époux et la déesse aux yeux

d'azur. Tu peux, par ta puissance, mettre les malheu­

reux mortels à l'abri des coups qui les plongent souvent

dans l'abîme du désespoir. Accorde donc à mon héros

une force durable, compagne d'une longue vie ; que son

heureuse jeunesse soit suivie d'une vieillesse aussi heu­

reuse ;. que les fils de ses fils jouissent des honneurs qui

l'environnent aujourd'hui22 et en méritent, s'il se peut,.

de plus glorieux encore. Pour moi, jamais mon cœur ne

me reprochera d'avoir outragé la mémoire de Néopto-

lèmepar d'injurieux discours. Mais répéter trois ou qua­

tre fois la môme apologie, n'est-ce pas faire preuve de

' stérilité, comme celui qui, faisant des contes aux enfantss

répétait sans cesse : « O Jupiter Corinthien 2Z ! »

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7 0 M^MEOMÏH H'.

NEMEON1KH H#.

AEINIAI MEFA AiriNHTH

2TAAIEL

ftoa rcÔTvta, xr?pu£ (S . *#. )

ÀcppoSCrec; â[A§po<nav çIIô'TOTOV f

Âxe 77ap9sv7)toiç waiScov x içt^CH-

cra ylscpapotç, TOV piv ijxspoiç àvayua;

XepGt PaGTaÇetç, ïrepov Âirepaiç.

ÀyscrwcTse ^è5 X a i?0^ F'3 i&avaôsv*

Ta rpo* epyov ejcaaTOv,

Ttov apÊiovtov èp CO­

TON êmy.pamv '^uvaaftai.

Olot zxl Awç Àiyi- (A. a'.)

va'ç TS lexrpov 7tQip.£v£ç a(Af eirôXYi av

Kuirpieeç Jcapwv. ÉÇloÊfftev £' tswç f Oivto-

vseç (JaaiAeùç, £6tp; xat (ïoiAatç apiGTo;*

ÎIoXloc VIV noXXol Xiraveuov i$e~v.

ÀSoaTt yàp iipcotov awtoi

îl£piveasTa6vT»v

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NÉMÉENNE VIII. 71

« .VdWIrtlWWVWWWVWW**»*!»*»! «%% *%%wvw%%wvw» •• »

NÉMÉENNE \II i

A DINIAS FILS DE MÉGAS,

VAINQUEUR A LA COURSE BU STADE.

Beauté enchanteresse ,, gai. ayfipelfes ,à ta suite les

amours, aimables enfanfsie Yénu» trA toi. qui brilles sur

le front des vierges-et dans les. yeux des jeunes hommes.2 !.

tes attraits inévitables allument dans les cœurs mortels

des fçux, source de bonheur pour les uns, pou* les

autres des maux les plus cruels3.. En amour,, comme en

toutes choses, il faut saisir l'occasion .et .n'obéir qu'à des

penchants honorables et légitimes. Tels furent ceux qui»

sur la couche d'Égine, firent •goûter à Jupiter .les douces

faveurs de Cypris, et repdirentOEnone4mère à\n roi si

renommé par sa sagesse et sa valeur. De toutes parts

accoururent vers lui % briguant l'honneur de le voir, la

leur des héros de la Grèce, et ces guerriers qui comman­

daient dans la pierreuse Athènes, et les enfantç de Pélops

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7 2 -NEMEONIKH H'.

ÉôeXov XE&VOU ye 'xet-

6gd&' àv âÇtaiç sxévxeç,

Oï TE xpavaaîç ev À8a- ( E- a#- J

vaiGiv apj/.o£ov GTparov,

O I T avà ÏTOXpxav Heloir/;i«5at.

txetaç AtaxoO dsp.v5jv yova-

TWV xoliôç 8*uirèp fikaç

ÀCTCOV 8? uirèp TôVS* àVrofiiai, fépwv

Au^iav p.ixpav xava£7)$à xeiuot-

xiX(/ivav, Aeivioç SIGGôV Gxa^twv

Kat TOXTpoç Msytx Nspatbv a y a l a a .

2ùv 8eû yap TOI çuxeuBeiç

ÔléôÇ âv^pcâTCQIGt ITÔCppvWTEpOÇ*

Ôcnrep xal Ktvupav e- (-• £' )

ëpiae wlotiTO wovxia ev TTOTE Kifarpcp

l a x a p a £vi icoaal xouçoiç , ap.7tvÉ*wv xs

Ilotv Ti çap.£v. IloX'Xa ysep irol là X&exxai.

Neapa ^'s^eupovTôt ^opv (îaGGevi**

Èç eXeypv, auraç xiv^uvoç, oiov

As X6yot (pôovepoujiv.

ArTexai S* EGXCOV âel »

Xetpovecjcii 8* QùX epi£eu

Kelvoç xal TêXap,ôvoç (A. ^ j

Aoc sv uiov? çaGyavcâ apiçixiAtGsaiç.

Ô TW' aylcaffcrav p lv , Tjxop &' alxifiov, l a -

8a xaxs^ei ev luypw veixei, {LeyiGxov S*

Ai6Xc*> §ev8&i yèpaç avxsxatat.

Kpucpiauri yàp EV Aaçotç O^OGGTï

Aavaol 8Epa7reuGav?

Xp'JGECûv $' Aïaç cxapr,-

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NÊMÉENNE VIII. 73

qui régnaient dans Sparte : tous, vaincus sans combat et

admirateurs de ses vertus, venaient avec empressement se

soumettre à ses lois. Etraoïaussi,dïvinÉaque, j'embrasse

aujourd'hui tes genoux et je t'adresse mes vœux les plus

ardents pour ta chère Égîne et pour ses habitants. J'apporte

en offrande une couronne embellie de mes chants lydiens',

dont les accords variés perpétueront le souvenir de la dou­

ble victoire que, dans Némée, obtinrent à la course du -

stade Dinias et Mégas, son illustre père. De tous les Mens,

les plus durables sont ceux qu'une main divine verse ainsi

sur les mortels : tel fut jadis le bonheur de Cinyras? que

la maritime Cypre vit comblé de tant de prospérités

Arrêtons un instant ma course impétueuse ; Cinyras

avant nous a été célébré tant de fois. Respirons donc ici

avant que d'entonner d'autres chants. Il est si dangereux

d'exposer à la critique des hommes les récits de la nou­

veauté 8 et d'éveiller la noire envie : ce monstre fait sa

pâture de nos discours ; il s'attache aux œuvres du génie

sans jamais sévir contre la faiblesse et l'ignorance.

C'est lui qui perdit le fils de Télamon, et le porta à

tourner contre sa poitrine sa propre épée. Guerrier in­

trépide, mais peu versé dans l'art de la parole, il vit ses

droits méconnus et oubliés des Grecs dans une querelle

funeste, tandis que l'astucieux, qui savait si bien colorer le '

mensonge, fut honoré du prix, de la valeur. Les généraux

des Grecs donnèrent en secret leurs suffrages à Ulysse %

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NEME0N1KH H'.

ôelç owlwv çovca iroXaiçev.

Ô j*.àv etvojjwwe ye ^a- (E . J$\)

otffiv ev Oeppuo ^pot

ÊXX£Ô£ Y&ÛCV TO>8[JLlÇo[X.6VOl

f % algÇip-êpoxto Wyx?» T ^ F v

Âllcdv xt p^ôctiv èv icoiXuf Qôpotç

.Àfilpaiç. Èx,9p« $' «p« wapççwiç r4v

. K«l waXaif «Ipjltov pt,uOa>v 6(JLOçOI-

TOç, $oXo.$pa&rjÇ,xaxoTCoiov ovsi$oç,

A. TO piv Xœprpôv Piara i ,

T ô v T açôtvTwv xrôoç œvTEtvsi caOpov.

E&ï p î HOT! pot TOI- ( 2 . -y'.)

wrav -?9o;, Zeu irarep, aXXa xetavOotç

.Ànlo«iÇ -Çwaç &çaim(pxv f (kv4v ùç

llauxl -xXsoç ji.^ T>à &v<rf a(4ûv -irpocrst^w.

Xpucov et^ovrai, ITS^LQV 5* erepoi

ÀwepavTOV eyw £' acrtoî!; a^cbv xal

XOovl yuta xaXu<|/ai]/.',

Atvewv atvYiTa, p p

-çàv 5' eirtdwetpcdv etlirpoiç.

'ASÇeral S" apexà, x^6*" ( 4 - ï ' O

-pavç ilpcaiç wç OT8 ^Iv^pgov • afe-

G8i, -ffoÇQÎç av^pcov âspOeic* ev Sïxaiotç

Te xpôç uypov eàÔlpa. Xpstai ^e TravToi-

CXi flXttV "àvJpwV TOS (A£V ttJJLÇl xovo;ç

"hrepoSTara' (xacrTEuei "$è xal Tsp-

^tç ev opfjiaffi OéffOai

Hurrtv.-à-M&yoLy TO JS* au-

Tiç^Teàv ^JX«V xo(£i£ai,

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NÉMÉENNE VIII. 75

et l'invincible Ajax, ainsi privé des armes glorieuses

d'Achillets, se précipita dans les horreurs du trépas.

Cependant quelle différence entre les coups que Ton

et l'autre avaient portés aux ennemis, entre leuraudace à

repousser les bataillons troyensavec la lance meurtrière,

soit dans ce combat qui s'engagea sur le corps d'Achille

expirant", soit dans ces jours de carnaget% où tant de

guerriers trouvèrent lamortaumilieudesfureursdeMarsI

Elle n'était donc pas inconnue autrefois aux mortels,

cette odieuse éloquence qui, sous les couleurs d'un lan-*

gage séduisant, sait voiler la perfidie et le mensonge, qui

toujours déversa l'opprobre sur le mérite et jeta un éclat

trompeur sur l'obscurité et Fïnfamie. Àh 1 loin de moi

d'aussi coupables artifices. Fais, ô Jupiter I que je marche

avec franchise dans les voies de la vertu, afin qu'en des­

cendant au tombeau, je lègue à mes fils une gloire sans

tache, un nom que rien n'ait avili.

Il est des hommes que dévore la soif de For, d'autres

qui convoitent d'immenses héritages : pour moi, jusqu'à

ce que la terre engloutisse ma dépouille mortelle, je borne

mon ambition à plaire à mes concitoyens, à louer ce qui

est digne de louanges et à blâmer ce qui est digne de

censure. Tel que l'arbuste, nourri par la rosée bienfai­

sante du ciel, élève dans les airs sa cime verdoyante13,

ainsi la vertu s'accroît par les justes éloges du sage.

Combien la possession d'amis fidèles est un trésor pré-

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7 6 NEMEONIKH H'. '

Ou [xoi îuvaTOV (xeveàv 8* ( E y'.)

È ta tôuv j^auvov T & O ç ) ,

2eu 8k %âxça Xapià$atç TE Isxëpov

f urepeîcrai lîÔov Moiaatov, s-XOCTl W o S ô V ÊOCOVUjJUûV

Alç 8l 8utm. Xaipa> 8i Tupociçopov

Èv pLèv epyw X^TTOV Uîç. Èwaoï-

Satç J ' œvTsp vw^uvov xai TIç xapxxov

07ixev. âv ye p,àv si?u&c&[uo; opoç

AYJ îrâXai, xal wpiv yevécOai

Tav À^pacjTdy TOCV TS Ka&[ttîa>v epiv.

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NÉMÉENNE VIII. 77

cieux ! La gloire que nous ont méritée nos travaux ac­

quiert un nouveau lustre par leurs suffrages, et leur

cœur n'a pas de plus doux plaisir que de la publier au

loin par leurs bienveillants témoignages* Je ne peux, ô

Mégas ! te rappeler à la vie : jamais un aussi fol espoir

ne saurait s'accomplir. Mais je puis par mes chants dres­

ser à ta famille et aux Ghariades u un monument aussi

durable, que le marbre, en publiant ta victoire et celle de

ton fils à la double course du stade. Quel plaisir je goûte

à élever mes hymnes à la hauteur de vos travaux 1 Les

charmes de la poésie font oublier aux athlètes les plus

rudes fatigues ; aussi Fusage de chanter ainsi leurs triom­

phes était-il déjà consacré chez les peuples, longtemps avant

les combats qu9Âdraste livra aux enfants de Cadmus 1§.

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78 NEMEaURK ô \

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NEMEOOTKH 8 ' .

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Evô' âvairei?Ta(A£vai

Eeivcav vevixavTai 8upai f

ÔXêiov e* Xpopiou

Aôp.\ A.XX' éra'uv yluxùv SpQv irpsâj^Tf.

Tè xpa-nfaiWTrov yàp èç apji.' avaêaiviav,

Ma*répi xal §i^up,otç

nai$£<rciv aùSàv p v u e i ,

IIuOûvo; aiweivaç op.o-

xlccpoiç iTcâiraciç.

ËCJTI iti xtç loyoç a#âpô- ( 2. P'«)

uwvj TexeleapvQv IcrXov

Béarnaise ^'iicécav

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NÉMÉENNE IX. 79

NEMÉENNE IX.

A CHROMIUS D'ETNA,

VAINQUEUR A LA COURSE DES CHARS.

Musess quitlez Sicyone * et les sacrés parfis d'Apollon ;

volez en chœur vers la cité non?elle d'Etna2, où la mai­

son fortunée de Chromius peut à peine contenir la foule

d'étrangers qui se pressent sous ses portiques3 ; chantez

. en son honneur un hymne dont les doux accents plaisent

à*ce héros : son char triomphal, tratné par deux coursiers

vainqueurs dans la carrièreé, réclame de vous un chant

de victoire digne de Latone, digne de ses deux enfants,

éternels protecteurs des jeux qu'on célèbre à Pytho5.

De tout temps les mortels furent persuadés que c'était

pour eux un devoir de sauver de l'oubli les actions hé­

roïques ê ; et les chants, inspirés par un dieu, furent jugés

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80 NEMEOMKE 0 ' .

Kauv^aiç GtoiSot irp6<î<popo;.

ÀlV àvà piv Ppopay

4»op[Myy', iva À* aùlov ew' scùxàv opcojJiev

i7?ma>v a81c**v xopuçàv, ax& 4>oiSco

GTJKSV ÂSptxffToç IT: k-

Gancou pe£8poiç, wv eyà?

MvaaBeiç, ëitarovlffc» xluTai;

fipwsc Tipatç,

ôç TOTS piv ot(7tXsua>v

Keî0t,véat<7i 8' éopTaïç

Icyjjoç T* àv$pcdv àjul lau;

Âppaai TS ylaçupotç

Ap,çaivs xu^aivcov TC61IV,

«Peuye yscp À[/.çtap7i-

ov Tê âpacrupf^ea xài âeivotv Gtaciv,

nserpwwv oïxwv obr6 x Apyeoç. Àp/ol I '

Oùx eV Iffav Talaou

Ilaî$6Ç, PtscGÔsvTgç lux.

Kpl^^wv 5e aaicicauet Jwcav

Totv xpoaÔ£V âvvip.

Àv$po$a[AavT Èpiçulav

ÔpXtOV Ô>Ç OTS TCtffTOV ,

Aovxeç Oix.lsfôa yuvaixa,

Eeevôoxopiev Aavacav

ECJCJôSV jilytcFTOt. Avi TQÔêV

BLai TZùT lç éiCTCwuulou;

GviSaç ayotyov Giparov av^pwv, a&Giav

Où X<XT opviy cûv ô^ov. OùSè Kpovi'cov,

Àcmporàv llelC-

£aiç, oîxoOev (Jtapyou[i,£vouç

\ ~ 4 /

(i . -V.)

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NÉMÉENNE IX. 81

seuls capables de seconder un si juste désir. Eh bien! que

les cordes frémissantes de ma lyre, que le son mélodieux

des Eûtes proclament la victoire remportée parChromiusà

la course des chars, dans ces jeux que jadis Adraste établit

en Tfaonneur d'Apollon sur les bords de PAsope*. Héros

que ma Muse chante en ce jour/permets que J'oublie un

instant tes louanges pour rappeler l'origine deces jeux cé­

lèbres 1 Adraste régnait dans Sicjone ; là, par la pompe

des fêtes, la nouveauté des combats où les jeunes .athlètes

déployaient la force de leurs bras et leur adresse à con-^

duire des chars éclatants, il étendait au loin la renommée

de la fille qu'il habitait. Il avait fui d'Argos pour échap­

per à la haine d'Amphiaraûs et à la révolte impie que cet

audacieux avait excitée contre le trône et la maison de

ses pères. Ainsi les enfants de Talaus8, victimes du léau

de la discorde, semblaient pour jamais avoir perdu l'em­

pire. Mais Adraste, en héros sage et puissant, sut mettre

un terme aux maux de sa famille : il unit sa soeur Éri-

phjle au fils d'OïcIée, à qui elle devait être si funeste %

et cet hjmen devint le gage assuré de la réconciliation.

Dès lors les enfants de Talaus acquièrent un nom illustre

entre tous les Grecs à la blonde chevelure. Plus tard, ils

conduisent contre Thèbes aux sept portes de formidables

légions ; mais ces guerriers, couverts d'airain et montés

6

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8 2 NEMEONffiH 8 ' .

lei^siv eî^wTpu¥, aXkm çet-

c<xcôai xeleuôotj,

$aivof/.evav ^ aps èç i'xav (2 . s'.)

STTSUSêV ©ploç bcecGai,

XOXXSOIç owloiffiv , imtei-

oiç Te cuv evTectv. I-

cp.7)Vou S* ITC? ojfôeaci, yltjxiiv

NOCTOV epuccap.6voi,

AeuftovOéa capote* smavotv xflwrvâv.

Èwtà y«p iaicavro icupal veoyutouç

$&T-aç. Ô S' ÀfAÇtapi}

2j(£cev xepauvcà iua[fêia

Zeùç mv paôucTëpvov jjôova,

Kp'J^ev 5 ' a p.' IWoiç ,

Aoupl IlepixXupivou- icptv ( 2. ç ' . )

HôTôC TUXEVTîX p ^ a x a v

©up.ov a i^uvô^pv, . Èv yàp

Àaipavioici <p6ëotç

#eoyovTi xat rcatôsç ôecav.

El Suvarôv, Kpovtuv,

Heipsev piv ayœvopa #©tvuecKFTo)stov

Èyj^wv Teeumv ôsevscTQu xspi xat C^-

aç âvaêaXXo[JLai wç

Hôpcicxa. MoTpav 5* e£îvop.Qv

Aixew ce watciv ^apov'At-

xvatcôv- ôrca£&tv,

Zeu «axep, âyXataiciv 5' (2 . £'•)

Âcxuvôpioiç Imputai

ACXÔV. ÈVTi TOI ÇlXl7T7rOl T

AuxéQt xai xxeavwv

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NÉMÉENNE IX. 83

sur de superbes coursiers,, se mettent en marche sous les

plus funestes auspices et malgré la foudre que du haut de

TOIjmpe lance Jupiter en courroux : ils courent donc à

leur perte. A peine arrivés sur les bords de PIsmenîô, ils

perdent avec la vie l'espérance de revoir jamais leur pa­

trie, et leurs corps inanimés engraissent la fumée qui, de

sept bûchers ardents, s'élève dans les airs. Cependant le

Ils de Saturne, d'un coup de cette foudre à qui rien ne

peut résister, entrouvrant les entrailles profondes de la

terre, y engloutit Amphiaraiis avec ses coursiers, avant

que, frappé dans sa fuite par la lance de Périclymène uf

il ait à rougir d'une déshonorante blessure. C'est ainsi

que fuient les enfants même des dieux 1% quand un dieu

plus puissant verse la terreur dans leur âme épouvantée.

Immortel fils de Saturne, si je pouvais à force de vœux

et de prières u repousser au loin les lances des orgueil­

leux Phéniciens, je verrais Etna* cette illustre cité, sans

cesse entre la vie et la mort par leurs cruelles tentatives,

jouir désormais sous ta protection d'un sort prospère.

Baigne donc, je t'en conjure, accorder à ses citoyens la

plus désirable des richesses, celle d'être gouvernés par la

justice des lois et de cultiver en paix les arts utiles. Elle

nourrit dans son sein des hommes courageux, habiles à

dompter les coursiers, et dont Pâme est assez élevée pour

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84 NEMEONI&H 0 ' .

¥u^àç ê^ovTeç xpè'acjovseç

ÂvSpeç. ÂITICîTQV eeiic*.

Atâwç yàp , ûTO xpu*pa xlpSeï xXenraTai,

A. çlpsi Soi;av. Xpopica xev uitacTCi-

^wv , irapà iTÊCoëoaiç ,

ÏTCTOK TC , vawv T èv p t ^ a i ç ,

fecpivaç av xîvSuvov d-

?;s(aç daîTôtç.

Oovexev ev H:QXê;XCI> xet- ( 2 . r / . )

va 8eoç evTuev aÙTOu

0up.ôv aîjr^aràv apiveiv

' Aoiyov Èvua^iou.

Haupot Se pouleuaat, çovou

IlapicoSiou vecpIXav

Tpé^ai TC0T^ Su<jp,evéwv avSptov <mjraç

Xepct xai tj^X? SuvaToC. Àêyexai p.ocv

ÉxTopt (ACV xXéoç av­

ouerai SuaptavSpou ^eup.acriv

Ay QD* paOuxpYJpowi S' âpiç*

ÀKTaîç È*Xcopou,

Êvô' Âpeiaç irôpov avôpw- ( 2 . 6 ' . )

TOI xaXéoici, SéSopxev

IlaiSi TOUT i y w i S a p u

€»eyyoç ev àXutia

lïpcâxa. Ta S* aXXaiç àpipatç

n o l l à JJLSV ev xovia • '

,Xepcitef rk Se yeCxovt TOVTW, çaaopxi.

Êx, 7r6vcov S*, oî cyyv veÔTaTt yevwvxai

2uv Te Sixa, Tèléâet

npoç y^paç aiwv àp 'pa.

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NÉMÉENNE IX. 85

préférer la gloire aux dons d'une aveugle fortune. Désin­

téressement qui paraîtra incroyable, parce que l'amour

du gain se glisse secrètement dans les cœurs et en bannit

cette noble pudeur, compagne de la gloire.

0 TOUS qui prêtez l'oreille à mes chants, si TOUS eussiez

été l'écuyer de Chromius, vous l'eussiez vu dans la cha­

leur d'une action» combattre avec intrépidité, ici à pied

dans les rangs, ailleurs à cheval, ou sur l'élément per­

fide ; partout le sentiment de l'honneur eniammait son

courage î4 et F excitait à éloigner de sa patrie le terrible

iéau de Bellone. Peu d'hommes surent comme lui allier,

au milieu du carnage " , la bravoure et la présence d'es­

prit si nécessaires pour semer dans les rangs ennemis le

désordre et la terreur. Hector seul posséda cette précieuse

qualité ; c'est à elle qu'il dut cette gloire florissante dont

furent témoins les bords du Scamandre. C'est à elle aussi

que le jeune fils d'Agésïdame fut redevable de l'honneur

dont il se couvrit sur les rives escarpées du profond Hé-

lore 16,dans ce lieu surnommé depuis le gué de la Menace l f .

Un jour je célébrerai ses autres exploits, ces nombreux

combats où. il signala sa vaillance dans les champs pou­

dreux et sur les mers qui baignent le rivage d'Etna. Les

travaux de la jeunesse, quand ils sont dirigés par la jus-

lice, préparent à la vieillesseî8 des jours calmes et sereins.

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86 ." NEMEONIKH 8 ' .

fçTB lœyjùv irpôç $ai[A<fva>v '

Qaufx.a9Tov olëov.

Et y«p CCJJWC xxeavotç TOV ( 2 . i ')

lolç IXÏ^O^QV apurai

Ku^oç, oùx eY £<rA 7TQp<J(t*

©VSCTOV ITI CJCOTCIîç

ÂXXaç £<pse oMj6oa i?o$oiv.

Âcjy Cocv oè çAet

Mev aupt/itâffiov* veo6aV/jç S* a^Çerai

Malôaxa vutaçopia <FùV aoiSa.

©apcralla 8k irapà

KpioTTipa çCôVGC yiyveTai.

ÈyxipvaTu TIç (MV, y lwjv

KCOJXOU irpoçaTav

Ipyuplawi 5e vc*>pt- ( 2. ta*.)

TG> cptalaiGi (ikaxàv

À(tfreXou iccti8\ aç iuo8' IICTTOI

Kmcapevai Xpopuw

Illp^av 9ep.tTClé3CTot; ajjia

AoLxoî8a uxecpavoiç

Esc T«Xç lepaç Sixu&voç. Zeu 7p%T€p,

E'fyopLai xauxav apexàv xe^a^xcat

2ùv Xapixeaeiv ? ùiTgp

JlûXkm xs TipaXfeîv Xdyoïç

Nixav, axovxCÇwv exoitotj

Ày^iorxa Moicav. . •

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NÉMÉENNE IX. 8J

Que Chromius soit donc assuré que les dieux lui réser­

vent une félicité digne de l'admiration des hommes.

Lorsque, à d'immenses richesses, un mortel réunit l'éclat

de la gloire, il ne lui est pas permis de prolonger sa

course au-delà.

De même que les festins sont amis de la douce paix,

ainsi les couronnes de la Yktoire s'embellissent par les

accents de la poésie. Au milieu des coupes, la voix prend

un essor plus libre. Verses donc à l'instant l'agréable

liqueur qui inspire nos chantst9 : que le jus pétillant de

la vigne remplisse les coupes d'argent que les coursiers,

de Chromius lui ont méritées20 a¥ec ces couronnes tress-

sées par Apollon et par Thémis aux jeux sacrés de

Sîcyone.

Puissant Jupiter, fais que les Grâces répandent tant

d'éclat sur mes hymnes, qu'ils élèvent au-dessus de mille

autres la vertu et le triomphe de Chromius! Père des

dieux et des hommes, puissé-je avoir atteint le but que

s'est proposé ma Muse l

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8 8 NEMEONÏKH l\

W » W » W W l t W > ^ W » » ^ V W % W V W % W V ^ t t w V » W ^ r t ^ V W % l ^ ^ %%%%*» %%%*%% v .

NEMEONIKH I \

0EAIO nAIAI OÏAÏOY

IIAAAI2TH.

koNœûu ttoXtv, ifkdûr . ( 2. cc\ )

ficJxcsiv TE irevTïfîcovTa scopSv| XsepixiÇ)

Apy©çt Ôpocç S'îop.a 8eoxpgxèçfù-

p e î r s . «Pleyexea 5' apersctç

Mupuxiçf fpywv Ôpauéwv fvexev.

Maxpà p,èv xoe Hèpffloç âa,-

ç l MeSotaaç Fopyovoç*

IloXXà S'Atyuxxco xaTcpxurOsv acn ) ,

Taiç Êxaçou xe&ôépaç#

Où ^fxEppifjVrpôt. xapexlay^Ch, (JLOVO-

tjjaçov Iv xoXeÇ xœxaor^oïuœ Çiçoç.

Aiop(&ea J ' ap,êpoxov /.A a'.)

Ssevôsc WOTS r^otuxwxiç eô KÊ 8e6v •

Taxa S* Iv thfëaiç ùXI^EXTOJ xspœj-

^tdôetdoc Aïoç p&eai ,

M'avTiv Outtai'&av, mXé[AOio vlço;.

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NÉMÉENNE X. 89

%^w»,*ww>vw^*^w>%*n\^^v*%^*^"^,>**i***'***,***'*"'**^**^***'t*^***>' '»%%»»%»*<»*%»•

NÉMÉENNE X.

A THIÉE FILS D'ULIAS,

VAINQUEUR A LA LUTTE.

Grâces, chantez la cité * où régna Danatts sur un trône

entouré des cinquante filles dont il fat le père; chantez

Àrgos, séjour digne de la majesté de l'auguste Junon,

Les hauts'faits de ses intrépides enfants ont élevé Argos

au comble de la gloire» Qui pourrait raconter les exploits

de Persée contre Méduse, Tune des Gorgones, et compter

. les cités célèbres2 qu'Épaphus fonda en Egypte? Que

dirai-je de cette Hypermnestre.qui, seule d'entre ses

sœurs, refusa d'armer son bras d'un glaive homicide3?

Minerve aux yeux bleus éleva4 Biomède au rang des

immortels ; la terre entrouverte par la foudre de Jupiter

engloutit, près de Thèbes, le§ devin fils d'Oïelée, lorsque

semblable à Forage, il menaçait la ville aux sept portes ;

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90 NEMEONKH If.

Ked yuvaiÇlv xaXXuto'fAOï-

<rtv àpiaxeuei. IloXai

Zeùç èic' ÀXxpfvav Aavaav xe pXwv, TO»J-

xov xaxiçave Xoyov*

Ilaxpî x À$pa<rxoio, Auyxei xe «p pevôv

Keepitov eùôeta cnjvotpp.o ev îixa* -

8pe^e £' afypàv ÀfAÇtxpu- (E . a'.)

covoç. Ô £' oXëtp çépxaxoç

fjcex Iç xsCvou yevsàv,

Êwel lv ^aXxéoiç oirloiç

T^Xeêoeeç evapev, xai

Ot 0<J/tV la ûfJtgVQÇ •

Àôavaxtov POCGIXEùç aûiXàv ecFTjXôgv,

2TCgpjxï à&si[&gvTOV cpspwv

-àpgxXéof ou X*T ÔXU(ATCOV

IXopç fi£a Têle((X

xapfl£ (jt,axepi .patvoi-

G fcm,x<xXXujxa 8ewv.

Bpse^o (xoi ffTojJwc TCOVT ava- ( X p \ )

-yyfcadT, oawv Àpyeîov ijei x lpvoç

-Bfûtpsev ecjXôv. ÉciTt èi xoà xcîpoç âv^

Op&rcav Pœpùç avTiaaai.

ÀXX? op.wç eu^op^ov lyeips Xupav, ,

Kat itaXaiG[Aaxct>v Xaës çpov-

TC#\ Àywv Tôt -OtXxSÛÇ

A$[AOV orp»JV€l TTOTt PouO'JffbfltV 'fi-

pœç «xeôlwv xg xpiciv,

OùXISê iratç evôa vixaaaiç î lç , e-

<r 8v '0siaioç eùçopwv XseÔav wôvcov.

È x p a t w £è xal ico(T EX- (A, ^ r . )

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MÉMÉENNE X. 91

A Àrgos enfin, entre toutes les Tilles de la Grèce, n'est pas

moins féconde en jeunes beautés : témoins Àlcmène et

Danaé que Jupiter jugea dignes de ses tendres embrasse-

ments. Ce dieu M-méme accorda au père d'Adraste et à

. Lyncée les inappréciables vertus, la justice et la sages.se.

. Àrgos fut le berceau du valeureux Amphitryon qui

mêla son sang à celui du difin fils de Saturne. Amphi­

tryon vainquitc les Téléboens aux armes d'airain ; et ce

fut sous sa figure que le roi des immortels entra dans le

palais de ce prince pour donner naissance à l'invincible

Hercule, qui partage dans FOlympe la couche d'Hébé, la

plus belle des nymphes que Télie ? fît à sa suite* Pour

rappeler tous les faits glorieux dont Fhèureuse Argos fut

le théâtre, ma langue tenterait d'inutiles efforts® ; il serait

d'ailleurs dangereux pour moi d'engendrer la satiété.

Élève donc; ô ma Muse! élève les accents de ta lyre

pour chanter dignement les luttes'et les .combats. Yois

ces boucliers d'airain 9 ce peuple qui se presse en foule

aux hécatombes de Junon et qui brûle d'entendre procla­

mer le vainqueur ; tout ce brillant appareil t'engage à

chanter la double victoire que Thiée-, le fils d'Ulias 9 a

remportée, et dans laquelle ce robuste athlète trouve

l'oubli de ses pénibles mais glorieux travaux*

• Combien n'est-il pas diiraed'être chanté par les.'Muses,

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92 .NEMEONIEH l \

l ava ffTpôETov IIuGâvi, vlyœ xe p.olcâv

KcA iffûpn, xai Nepia CTefavov,

Moiaaiffi T* l^tox' àpcfeai,

Tptç piv ev ICOVTOIO iruXaici Ist^wv,

Tpiç £è xai cepLvoiç ^awé^oiç

Êv À^pacnretco VOJJLW.

Ze'i xstTfip, TWV pàv spaTai çpevl, ciya

' Oî aTtJfjia' irav 8l TSXOç

Èv TÎV ?py<ov. Ou $' apo)(8c*> x a p î t a ,

ïïpoGçepcîiv ToXp.«v, icapaiTeïrai )rapiv.

Tvwxà au8tù 0ew Te xai ( E. $\)

Ôaxiç à p i l l à r a i xepl

Èa^arcov âéâlwv xopufaïç.

ïicaTav S' eci ev Iluxa

fipaxle'oç TEOJCOV. Axer­

a i ye jiiv ap.6ol(X^st¥

Èv Teleraîç £lç ÀôavaCwv p,iv ôpçai ,

Kc&(Aaaav.raia £è xao-

8efoa 7uupl xapTCoç è W a ç

Ëp.olev âpaç TQV eua-

vopa laov , ev ayylwv

£pxeaiv irap.7FOixOkQiç.

ÉTOTSCI i l , BetaTe, pa- ( 2. y' )

Tpcocav 7Coluyvcî)TOV yevoç upexepcav

Eùaywv Ttp.ec XaptreeerC Te xai

2uv Tov^aptâaïc 6ap.axiç.

ÀStwôetTQv xev, eèv OpamjxXou •

Àvria xe ^uyyovoç, Ap-

yeï pvi xpuwreiv çaoç

Opp.aTtov. Nixafopiaiç ysep ocratç ii;-

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NÉMÉENNE X. 93

ce héros que la fortune a si souvent couronné à DelpheSf

à l'Isthme, à Némée, devant l'auguste assemblée de la

Grèce ! Trois fois le rivage de l'Isthme que les iots ne

franchiront jamais, trois fois la terre sacrée soumise au­

trefois aux lois dfÂdraste, Font vu conquérir la palme de

la victoire. Et maintenant, 6 Jupiter! le vœu 9 que forme

enfcore son cœur, sa bouche n'ose l'exprimer; mais de.ta

volonté seule dépend le succès de toute entreprise ; et la

gloire qu'il te demande comme un bienfait, ce n'est qu'au

prix de ses sueurs et de son courage qu'il veut la mériter

et l'obtenir. Mes paroles ne sont point une'énigme pour

toi, dieu puissant, ni pour l'athlète qui aspire au prix des

plus nobles combats de la Grèce, qu'Hercule institua dans

Filustre carrière de Pise. Deux fois, à deuxî0 époques de

leurs fêtes solennelles, les jeunes Athéniens accompagnè­

rent de leurs danses et de leurs chants d'allégresse le

triomphe de Thiée ; et la cité de Junon, si féconde en

héros, Fa vu apporter avec lui le doux fruit de Folivier

dans des vases durcis au feu et peints des plus brillantes

couleurs. Ainsi, ù Thiée 1 tu te montres le digne émule de

la gloire que dans tant de combats acquirent tes ancêtres

maternels, avec l'aide des Grâces et des fils de Tyndare.

Ah 1 s'il m'était donné comme à toi d'être le descendant

d'un Thrasyclès, d'un Antias, avec quel orgueil me ver-

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94 NEME0-NlK.il !'•

7F0TpQÇ0V âtSTU TO I I p O l -

TOIO 9al7)(i£v. KopivQou T IV [IU^OIç,

Kai Klewvauov 7tpôç avJpwv TBTpaxiç. 2ixtjiâvc$9e * apyupw ( A,, y', j

QévTeç GVV oivU'paiç çwîlaiç tatëav* Èx Se Eellavaç, £me<j<ra[i.6voi NWTOV pclsowàcji xpoxaiç. Alla £aXxov (jiupiov où juvaxov È^gleyx^v ( pexporlpaç

ràp apitlpieai a^oXaç),, Ôv Te Klerrcop f xal Teyea, xal À^aicav

î^iéaTOi irilieç, Kal Auxatov urip Atoç ô^xi Jpop.c*> 2t*v woSwv jjapwv Te vixaaai c8£veu Ka<rrtpoç 4* ilÔovTOC I- . (E. yr.) m ^eviav icàp Hap.çaifï , Kal xaffiyv TOu Hûlu^eu-xeoç? où ôaupc <rfi<riv Êyysvèç ep.fi.ev âeOV/i-tttîç ayaSotiriv êrcel, Eûpuj ôpou Tapai 2xapTaç, œymm

Motjpav, ÈpfJia xal cuv Ô-paxlci^^texovTi fialeiav, Mala (AîV âv^pôv Sixaiwv ll6puca$tf[A6vOL Kal Mav. fteôv mtfràv yhoç.

B£eTa(£gi66fLevot S' eval- ( ï . 5'.) là£râ(Aépav Tav jiev roxpà warpl fikm

Ait v£p,ovTai, Tav $' uwo xetjôecji yai-aç, ev yualoiç ©eponrvaç,

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' NÉMÉENNE X. 95

rait-on promener mes regards dans ÂrgosI Combien

d'autres couronnes ont illustré la " cité de Prœtus,

nourrice d'agiles coursiers! Quatre fois Némée, quatre

fois le rivage corinthien ont entendu proclamer son

nom. Que de riches coupes, que de vases d'argent ses

athlètes rapportèrent-ils de Sicyone dans leur patrie!

Combien de fois'le fs tissu moelleux que Pellène donne

au vainqueur flotta-t-il sur leurs épaules ! qui aurait assez

de loisir pour compter tous les ornements d'airain que

leur distribuèrent à l'envï et'13 GUtor et Tégée, et les

villes de l'Argolide et le Lycée, où la victoire couronna

la force de leurs bras et la légèreté de leurs pieds, dans la

carrière consacrée à Jupiter !

Faut-il s'étonner que la nature ait fait naître tant d'in­

trépides athlètes dans l'antique famille d'Ulîas, depuis que

Pamphas, un de ses ancêtres, eut reçu dans sa demeure

hospitalière Castor et son frère Poliux, -héros tutélaires

de Sparte, qui, de concert avec Mercure et Hercule» sont

chargés du soin de ces jeux florissant», où leur bienveil­

lance protège les hommes justes. Ces deux enfants des

dieux u tour à tour passent un jour auprès de Jupiter,

leur père chéri, et l'autre au sein de la terre, dans la

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9 6 NEMEONIKH l \

HoTp-Q¥ ap,irtwlavTEç âpoiov. Èrctl

Tourov , 7j ira(tfrav ôeoç Ip.-

(jtevseï oixeiv T ûùpœv» ,

EÏXcT ai&VOC f 6l(A£VOU IloltjSfiumÇ

KaciTOpoç Iv icoXé[x.cp.

TQV yàp fôaç, âpç l (ïûtjffiv wc«iç ^oXco-

Oeiç, Ixpfâffgv ^ôclscéstç Xoyyjxç a i ^ a .

Àwo Ted/prou mSau- ( 4 . &\)

ya^wv ï£ev AuyxEuç Jpuoç Iv CTeXé^ei

Èfievov XEivou yàp èici Oovicov

navTtov yéver ©ÇUTOTOV

0 | i p t . Àat^vipoiç $è ité^eetiiv açap

Ê$ixécî6(xv? xal pilya ep-

yQV e[x.7faavT* àxewç?

Kai TOxôoV ÊIVOV TOxX«fJtC«Ç Àf apiQTi-

^sci Aïoç. AJJTIXôê yàp

Hl8e Aif$aç waïç ^icixwv. Toi &*?vav-

T « <iT<xôev TUfiêcô G e&ov i?aTp(oicp.

Ëv8ev àpicaÇavTeç a- (E. S*.)

y e e l ^ À i£a, ^euxôv wérpov,

ËpêecXov ffTépvw JlQlti^eu-

xeoç* aXXf ou viv çlstaav,

Où$' âve^aaaav. Èçoppx-

8etç S' cep' , OKOVTI ôoc5

HXa^e Auyxeoç Iv xleupaïui ^eelxov.

Zeùç £' èiç* Î8a icupçdpov

IIXaÇe <]/oX<fevTa xepetuvôv,

ÂfÂOC 5' êxatovT ïpTÏJJLOl.

XaXexà £' epiç avâpcâ-

xoiç ofjtilsTv xpegciovcov.

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NÉMÉENNE X. 97

valléeîS de Thérapnée, Ainsi s'accomplit le vœu de Pollux,

qui préféra volontiers ce partage alternatif à une immor­

talité sans bornes dont il eût seul joui dans le ciel, à ja­

mais loin de son frère immoléîê par la lance d'Idas.

Castor venait de lui n enlever ses génisses. Assis sur le

tronc d'un chêne, Lyncée, celui de tous les mortels qui

avait l'œil le plus perçantî8, l'aperçoit du sommet du

Taygète : sur-le-champ il appelle Idas, son frère, et ces

deux fiers enfants d'Apharée, animés par la vengeance,

fondent sur le fils de Léda et le tuent, Mais Jupiter va

leur faire éprouver le poids de son courroux. Pollux

accourt et les met en fuite : ils s'arrêtent cependant près

du tombeau de leur père. Là, saisissant une statue de

Pluton, faite de marbre poli, ils la lancent contre la poi­

trine de Pollux. Loin de reculer, le héros n'est pas môme

ébranlé d'un tel cboc ; mais il s'arme promplement d'un

javelot, il fond sur Lyncée et le lui enfonce dans le flanc,

Au même instant Jupiter lance sur Idas sa foudre ven­

geresse, et dans un tourbillon de flamme et de fumée con­

sume les restes mortels des deux frères ; tant il est témé­

raire de mesurer ses forces avec un plus puissant que soi !

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9 8 NEMEONIKH I'.

Tarfiiùï S' iit otSeXçsoO (2 . i .)

Btiv iraliv ^copuaev 6 TuvSaptoaç,

Kal (xiv ou7rw TeôvstoV acOputTi Se

#pCcreovToe wvoàç Exi/ev»

©eppà S-n Tlyywv Seapua *?w«xaîç,

Ôpôiov f <&vaae* « Harep

* KpOVMOV, TIÇ £v) Wcnç

t Ennemi wevôeiôv, xal ipcA Oavatov cuv

t Tcpî' e tumlov , avaÇ. ' • OÏjÇSTôU T&pÀ CpiXwV TaTWpévCs)

« <E>(i)Tl. Ilaupôl S'iv TCOVto mOTOl [JpOT&V

« Ka OCTOU p.ST(xlot(i,ëaM£tv. » ( A. s'.)

ftç îyvfiiw Zettç S'ehmoç îiXuQJv ol,

Kal T6^ ' i^oLu^ai eiroçs « Ècrsi p i ut­

il oç. TovSs &' eraira ic6atç,

* 2ireppx ôvorrov , potTpl rea ftekinaiç,

* Sta^ev ^pw;. ÀXV «yê,'Twv-

« §1 TOI ïjJLicav alpsciv

« IIap$i$ci>(& ° ei p i v , ôavaTov TE çuywv xal

* I^paç a7ue^96p.6vov,

« àuTOç OSXUJJWUOV xaTOtx^aai ÔHetç,

« 2uv. T* Àôavaia xelatvey^eî t* Apei?

« ÉOTI coi piv TôV l a p ç . .( E «'.)

« Et Se xaffiyv/ïTou ïrépi

« MapvaGat? iwtvrcov .Se vostç

« A7uoSac<jaaôat ïcrov,

« âp.icu p^v xs nrvéoiç yai-

« aç (ntévepôev 6(x>V ,

« fiuLicti S' oùpavoo ev ^puçeoiç §rfp.oww. »

A; ap* aùSaffavToç, ©ù

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NÉMÉENNE X. 99

Cependant le généreux fils de Tyndare accourt auprès de

Castor ; il le trouve respirant à peine et près d'exhaler le

dernier souffle de sa poitrine glacée. Il l'arrose de ses

larmes, et, dans l'excès de sa douleur, il s'écrie : «Fils de

Saturne, ô mon père ! quel sera le terme de mon malheur?

fais-moi mourir avec mon frère ; quel charme peut avoir

la vie pour celui qui a perdu ce qu'il a de plus cher 1 »

(Dévouement admirable! Combien peu de mortels con­

sentiraient ainsi à partager les maux de l'amitié malheu­

reuse I )

Ainsi Pollux exhalait ses regrets amers. Soudain Ju­

piter se présente à lui : « Tu es mon fils, lui dit-il ; ton

frère est né d'un mortel que l'hymen fit entrer après moi

dans la couche de ta mère. Je laisse néanmoins deux

partis à ton choix : consens à partager la demeure des

dieux avec Minerve et Mars à la lance sanglante,

exempt de la mort et des ennuis de la vieillesse; ou, par

amour pour ton frère, à t'associer à sa mortelle des­

tinée, passant tour à tour comme lui la moitié de ta vie

dans la nuit du tombeau et l'autre moitié dans le palais

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100 NEMEONIKH l\

TvwfXîx 5ixl6ôt¥ 8£TQ pouXàv.

Àvot 5* eXucev p.ev oçôaX-

Xa^xojAÎTpa KocGTOpoç.

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NÉMÉENNE X. 101

resplendissant de l'Olympe. » Ainsi parie Jupiter, et

Pollux ne balance point. Aussitôt Castor au casque d'ai­

rain ouvre de nouveau les yeux à la lumière, et sa voix

commence à se faire entendre.

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102 NEHEONOUI là'.

NEMEOMKH LA*.

API2TArOPA nPTTANEI TENEA1Û,

Tin APKE2IAA.

l iai Peaç, à?e xputôtvEwt XéXoyv^aç, Èa r i a , ( 2 . ce'. )

ZIQVOç û<|;i<rrou xxciyvTi'Ta xoà 6p,o6p6vou Ôpa;>

E6 JJLSV ÀpiCTayopav ^e^ai xeov éç OaXapQv,

Eu J ' éra^pouç, âyXaS cxaCTCg» welaç,

Oî ce yepatpovTsç cp-

ôàv çiAaffaoïaiv *TeveSov ,

IloXXà [i.èv ^oi£aîciv aya^op,evoi xpcàxav Ôewv, (A. a#.)

ïlolXà 8i xvîaaa* Xupa Se <JçIV |î pèserai xal aoiSà*

Kal Eev'oi* Aïoç otaxeirai ôep-iç aEvvaoïç

Èv Tpara^xiç. À l l i CJùV So^a TêXOç

Àua>$exa[jirjVov xepa-

<rai viv ôrrpcoTM xpaSwe.

Av^pa S? eyw [/,axapC£a> (E. OC'.)

Mlv xaxep' Àpxec&Xav,

Kal TO 6a*/]Tov &e;xaç arpejuav Te ^iyyovov*

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NÉMÉENNE XL • 103

NÉMÉENNE XL

A ARISTAGORAS FILS D'ARCÉSILAS,

PRYTANE DE TÉNÉDOS.

Fille de Rhée, prolectrice de nos prjtanées *, Vesta,

sœur du puissant Jupiter et de Junon qui partage avec

lui le trône de l'Olympe, reçois avec bonté dans ton

sanctuaire et sous ton sceptre tutélaire* Âristagoras et ses

collègues. Dévoués à ton culte, ces citoyens vertueux

gouvernent Ténédos et y font fleurir la justice. Souvent

leurs mains reconnaissantes t'offrirent des libations

comme à la première des déesses , souvent la graisse de-

leurs victimes fuma sur tes autels. Leurs lyres et leurs

chants répètent ton auguste nom dans ces festins qu'an

respectable usage consacre pendant toute l'année à Ju­

piter hospitaliers. Déesse bienfaisante, daigne en retour

accorder à Âristagoras de passer sans amertume et avec

gloire les douze mois de sa magistrature.

Combien je t'estime heureux # Ârcésilas, d'avoir donné

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1 0 4 NEMEONIKH U \

"kl Si nç oXSov t^cav,

Mopça Trapotp.s'JGEToti aX^uv,

Ev T' âeOXotaiv âpt-

©v^Tsc p.epeeç8c*> xspicrrlXXwv j/iXyj,

Kal TSXEUTSCV àxscvxôv yav eiriEGGOjASvoç.

ÈvXôyotç J'aGTcov àyaSotcî JJLIV aîveïffôai ypswv, (2. jî'.)

Kal [xsXiySourtoici ^aiSaXOévra p,eXi ep,sv âoi&aîç.

ET- Se rapiXTiôvcov IxxseiSex' Àp&<7T9£y6pav

Àylœsà vïïcai irarpav T* £Ùwvup.ov

ÈiTÊÇstvwGocv x a l a

Kat [xeyauj^st ^styxpaTiw.

ÈXmXsç S* ôxvYipoTepat yovl&jv 7wa§oç Biav (A» p ' . )

EGJTOV EV IIUOôVI raipJcaOai xai ÔXujxmà oceôXwv.

Nal jxi yotp Ôpxov, epàv SéE^v? xatpi KacTaXta

Kai Trotp' EûSevSpw p,olcbv O/J)M Kpovou,

Kal lwv av §7}puSv-

TWV èv6cTr,cr' àvTiiraXaw,

Il6VTa8T7jpi5' EQpTGtV ( E. |î'. )

HpsocXeoç xsÔpov ,

KtoptG&aç âv$Y)9a(xevoç TE xojxav ev ropçupaot;

Ëpveciv. À.'XXà PpOTwv

Tov fxèv XEV Eocppovsç ettiyjxi

È£ àyadcov eëaXov

Tov S* ay , xorrocfxefxçôéW ayav

îc^ùv, oixsicav irapéffçaXev xaXâv,

Xstpoç eXxcdv 6T:L(7CJCî)9 9up,oç aToXp,oç scov.

2up.6aXsiv (jifltv eùpepeç YjV T'j TE Il£iGav$pou -jraXat ( 2 . y'.)

Aip/ et7:o 2irapT9tç (Àp.'JxletQsv yàp eêoc Ç'jv ÔpcVra, ~

Awlecov ffrpaTtxv yjùx&VTitov SeCfp' àvaywv)

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NÉMÉENNE XL 105

le jour à un fils, en qui la nature a réuni le courage aux

qualités extérieures du corps4! Maïs que celui à qui la

fortune a prodigué soit les richesses de l'opulence, soit

les charmes de la beauté, et qui a donné des preuves

éclatantes de sa force et de son courage dans nos com­

bats , n'oublie pas que ses membres sont une enveloppe

mortelle,[et que la terre sera le dernier s vêtement de notre

faible humanité. Cependant il est utile et honorable d'en­

tendre ses louanges répétées par ses concitoyens et célé­

brées par les chants harmonieux des Muses.

Seize victoires éclatantes remportées à la lutte et au

pancrace dans les villes voisines de Ténédos 6ont illustré

Àristagoras et la cité qui Ta vu naître. Ah! si la timide

sollicitude de ses parents ne Peut point empêché d'aller

à Pytho ou à Olympie courir les chances du combat, au­

près de Castalie ou du mont de Saturne aux verdoyantes

forêts % il se fût présenté à ces luttes qu'institua Hercule

et qui se renouvellent tous les cinq ans ; je le jure et

j'en ai la conviction, il en serait sorti vainqueur de ses

rivaux, le front ceint d'une brillante couronne d'olivier

et accompagné des chants de la victoire.

Mais tel est le sort des mortels ; les uns, par une

aveugle présomption se privent des doux fruits que

procurent nos luttes glorieuses ; les autres t par une timi­

dité déplacée n'osent aspirer au triomphe que leur assu-

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1 0 6 NEMEON11H 1A\

Rai TOxp* iapivotj poàv xexpeepivov

Èx Me^aviircoco p,à-

Tpwoç. Appâtai â? àpsTal

ÀjÂçlpovT âXXaor<jQ[JLSvai ysveaïç av^pwv cyôsvoç. ( à . y ' . )

Èv <%epco £' OUT «v fjtslatvea %<xp7rov e^wxav expoupai,

Aev jpea T oùx, éOéXsi iraeeaç STSWV irepwtàoiç

Âvôôç ftùw^eç çepeiv WIOIJTW ÏGQV,

JLXX ev «fxeiêovTi. Kai

6V&TOV OUTùI GQIVQç ayss.

Moîpsc. To £' ex Aïo; avûpw- (E. y'.)

Texpep. Ail* £[Jt7rav (Asya'Xocvopiaiç ê{Jt6a£vo|«v,

Ëpyot xe vùklé pevoi-

vôvxeç. Ae^rnxt yàp âvai$6i

ÈXittôt yma* wpo|xœ-

Geiaç 5* ttrc&ceivTai posa.

KepOÊCîlV 08 }£pV) (XSTpOV OiQp£usp.sv

À7rpoff(&Tcov £' IpcoT&îV o!|'J7spai [Agviai.

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NÉMÉENNE XL 107

rent leur force et leur vigueur. Eh 1 pouvait»il ne pas

compter sur la victoire t le noble rejeton de Mélanîppe8,

qui habitait les bords de.l'Ismène9, le descendant du

Spartiate Pisandre qu'Oreste conduisit d'Amyclée à Té-

nédos avec ses guerriers éoliens *°.

Les antiques vertus s'altèrent à travers les généra­

tions; mais souvent elles reprennent leur éclat primitif.

Les champs ne se couvrent pas tous les ans de fertiles

moissons ; chaque printemps les arbres ne se chargent

pas de fleurs odorantes, ni chaque automne de fruits

abondants : ils ont tantôt plus, tantôt moins de fécondité.

C'est ainsi qu'en agit le Destin à Fégard de la race des

mortels. Jupiter ne nous promet point11 de succès assuré;

cependant nous méditons avec orgueil les plus vastes

projets : une audacieuse espérance nous y entraîne avec

force, quoique le cours des événements soit impéné­

trable à notre humaine prévoyance 12.

Sachons donc borner notre ambition : c'est un funeste

délire l3 que de soupirer après ce qu'on ne peut at­

teindre.

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NOTES

DES NËMÉENNES.

NÉMÉENNE PREMIÈRE.

Chromius, fils d'Àgésidame et beau-frère de Gélon, était de Calane , ville de Sicile, à laquelle Hiéroa avait donné le nom d'Etna. Il avait été l'ami et le conducteur du char de ce prince, et s'était d'abord formé sous la conduite d'un maître si célèbre par la beauté et le nombre de ses chevaux. Après avoir quitté le service de la cour, il avait lui-même établi nu haras dans file d'Ortygie, et s'était exercé de manière à sortir victo­rieux de sa première course aux jeux solennels.

Pour illustrer le triomphe de Ghromius, Piadare commence par chan­ter nie d'Ortygie, berceau de la gloire de son héros : c'est là que l'Alpbée vient môler ses eaux à celles de la fontaine Aréthuse. 11 salue Ortygie comme sœur de Délos, puisqu'elle a vu naître Diane, la sœur du divin Apollon. Il loue ensuite Ghromius de sa prudence , de sa modération , du bon usage qu'il fait de ses richesses ; et finit par l'exhorter à la per­sévérance i par l'exemple d'Hercule enfant f qui étouffa des serpenta dans

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110 NOTES DES NÉMÉENNES, ton berceau ,eî ne parvint enfin à la gloire qu'après de longs et pénibles

travaux.

f. Où tÂlphée respire» Le poète appelle ici Ortygie âfiirvsoua aspvov ÀXtpseu, soit parce que FAlphée, épris d'amour pour Diaoe et la nymphe Aréthuse, les poursuit l'une et l'autre jusque dans Orîygie, où il mit fin à ses poursuites et se reposa ; soit parce que c'est dans Orlygie que se trouve l'embouchure de l'Alphée, c'est-à-dire le lieu où ce fleuve con­fond ses eaux amoureuses avec celles de la fontaine Ârèliiusê.

Alphesm fsma est hùc Elidis amnem

Occultas egisse vias, subter mare, qui aune

Ore, Arethasa, tao sicuîis eotifunditisr undi*.

(Via». J E u » . lib. III.)

Pausanias est d'accord en ce point avec le chantre d'Ausonie :

Ô isoç s*v AEXçGIç Âç%im TOV Kopivfiov I ; TOV Supsxouaw*

ÀwcaTeXXiûv oûctapov , xat ro'Se stws r à s*inr

Ôpxu-ps TIç jcefrai èv qepoetoYt irovra ,

ôpivaxtYs; xaflûfrspÔev , tv# ÀXçpetou aropa $XûÇit s

MurpjAtvov inr^eu; Eùpurenaç Àpeôoocnsç. PABSAN. Eliac. I. c. 7, p. 360,

« Le Dieu de Delphes, en envoyant Àrchias le Corinthien pour bâtir « Syracuse, lui parla en ces termes ; Au-dessus de la mer sombre par « sa profondeur, et de Sa Thrinacie, s'élève Orlygie, là où la bouche de « FAlphée fait jaillir ses eaux, eu se mêlant aux sources d'Arélhuse m l'Euripéenne* s

Voyez aussi PLINE, liv. Ci, chap. 5.

2. Noble rejeton de Syracuse, Syracuse, ville depuis si florissante, était dans leprincïpe borné à la petite Ile et ville d'Orîygie, à peu près comme Paris, du temps de César et même de l'empereur Julien, te fut à l'île delà Ciîé. De chaque côté d'Ortygie s'ouvrait un port vaste eî sûr; ce qui don­nait beaucoup d'importance à cette î l e , parce qu'une fois qu'on s'en était emparé, on était maître de la mer. Par la suite Orîygre fat jointe'aux autre» quartiers de Syracuse par on pont assez -étroit. Ces autres -quar­tiers étaient au nombre de quatre : I e Âchmûtne$ qui touchait à Orîygie et s'étendait sur la côte de la mer; c'était le plus beau et -te plus -riche des quartiers de Syracuse ; 2* Tyeha, k plus vivant -et le pkn peuplé d@

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NÉMÉENNE I. 111 tous; 5* Neapolh (ville neuve)9 ainsi nommé, parce qu'il n'avait été bâti qu'après les trois premiers ; 4° Epipsle, bâti sur une montagne escarpée, et dominant la partie occidentale de la ville : ce quartier oe commença à faire partie de Syracuse que sous Denys le tyran.

3 . Sœur de Délos. Ortygie est, selon la fable, îe berceau de Diane, comme Délos est celui d'Apollon, frère de Diane; ce qui eogage sans doute le poète à considérer ces deux Iles comme sœurs. Schmidt dit que les Grecs appelaient aussi Délos Ôptvpi , à cause de la grande quantité de cailles (TWV opTÛ-pv) qui s'y trouvaient ainsi que dans Ortygie.

4. Cette île que le puissant maître de î Olympe donna jadis à Proserpine. Cieéron dans son discours contre Terrés, liv. 4 , parie ainsi de celte vieille croyance de la Grèce et de l'Italie : « Vêtus est hase opioîos quae ce constat es antiquissirais Grœcorum litteris atque monumentis, insa-* lam Siciliam lotam esse Cereri et Libéras (Proserpins) comecratam. « Hoc cùm caetera genîes sic arbitrante, tum ipsii Siculis tàm persua-« sum est, ut aoimis eorum insilum atque innatum esse vi Jeatur. Ma» « el natas esse bas in bis locis Deasf et fruges in eâ terra primum reper-« tas arbitrantur : et raptam esse Liberam f quâm eamdem Proserpinam « voeant, ex Ennensium nemore : qui lœus, quôd in roediâ estinsula m silos nmbilicus Sicilsse nominatur. Quam quùm investlgare et conqoi-« rere Gères veilet, dicitur inflammasse laedas iis ignibus9 qui ex Mînx m vertice erumpunt, etc. »

Voyez PTTHIQBE S XII , 3 et suivants.

5. Lorsque, par un signe de sa tête immortelle, Homère a dit, Iliade, chant. I.

Ô xal xuavénaiv iff ©eppûcn vâîffi Kpovtuv, Àu&po'aiat £'<xpa alrat IweppwciavTO avoxToç K.paxo; air* a0av*roto, pi^av osèXéXi£sv ÔXup.irov.

« A ce9 mots s îe fils de Saturne abaisse ses noirs sourcils s la chevelure * divine du monarque s'agite sur sa tête immortelle» et le vaste Qljmpe « en est ébranlé. »

C'est cette sublime image q«isau rapport de Strabon (liv. B), inspira à Phidias sa statue de Jupiter tonoanî.

6. Et lui promit que d% opulentes cités , etc. xxTs'vsuas xi m ZuesXiav

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112 NOTES DES NÉMÉENNES. irUtpav, àptoTEUcurov. eùxàpircu yfiwéç % èpôwaEtv xopuçaîç roXîcov àçveaïç, aonuitque Jupiter se terram uberlate prae aliis insigiiein aucturum opu-lentissimls urbtbus.

7. Insensé1, que me servirait d'être comblé des dons de ï'opulence.

AoupxviGi, TC $è xs'p$cç é pupto; ev$G0i xpua°C Kcîuevoç; oox ** 6 WXGUTGU çpcvécuatv ovactç* ÀXXà TO piv 4* X* t T^ ® *a* T m ^cSvat icSttv. IIGXXGÙç ^eu £p£at frawv, «ïTGXXGUç S'a xoù aXXcdv Àvêpcàircôv. TiiÉocaiTE, Idylle xvi. v. 22 et SUIT.

<t Insensés! à quoi leur sert cet or qu'ils eu tassent?... Vivre dans l'ai-« saoce? récompeuser dignement les chantres divins, partager ses trésors « avec ses proches, rendre heureux ses semblables.,.; tel est le digue ce emploi des richesses. »

Le poète de Véuuse a rendu celte vérité avec toute la franchise qui lui est propre :

H ulSus argent© col or est, a va ris Abdilas terris Itlimiee bmtitu , Crispe Salusli, nisi teiaperalo

Spleudeat usu (UoA.lib.II .Od. 2.)

ce Quel éclat peut avoir l'argent, dis-moi, Crispe Saltuste 9 loi l'en-cc aemî des lingots enfouis sous la terre avare, s'il ue brille par le sage « emploi qu'on eu sait faire. »

8. À peine sorti avec son frère du sein maternel, Théocrite donne dix mois à Hercule quand il étouffa les serpents envoyés par JUBOII (Idylle 24). Piodare place cette aventure dans la liait même de la naissance d'Hercule, lorsque Alcmène est à peine échappée aux travaux de l'enfantement.

9. Envoie deux serpents» Phérecyde et les scholiasles disentqu'Amphi­tryon lui-même envoya les serpents pour s'assurer lequel des deux en­fants était le fils de Jupiter; et ils ajoutent qu'à peine Iphiclés eut aperçu les deux moastreSj qu'il se cacha dans son lit, tandis qu'Hercule se pré­para au combat, et prouva ainsi qu*il était le fils de Jupiter.

10. Les monstres qui ravagent la terre et les mers. Le texte porte ; 0^pa; aï$po$txaç t èestiasjuris ignoras timmanes9 ce qu'il faut entendre

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NEMEENNE II. 113 soit des hommes, monstres terrestres 9 soit des animaui dont Hésiede a dit :

vo'pov tÉTaÇfi Keov&wv iyBûm piv «al Ompsi 9 «xi otcàvotç ireTEeiv&tç, ioôitv àXXqXouç, siwt où £u«j ttrrw EUT «UTOîç.

* Telle est la loi que Se fils de Saiurne a imposée : il a permis aux « poissons, aux animaux sauvages, aux oiseaux rapides, de se dévore? « les uns les autres, parce qu'il n'existe point de justice parmi eux. »

HéSIODE. Les travaux et les jours.

i l . Où, sous les murs de Pklégra, les dieux combattront, etc. Un oracle avait prédit que la race des Géants ne pourraient être exterminée sans le secours de deux demi-dieux ( Baechus et Hercule). Les paroles du poète font allusion I trois des travaux d'Hercule, la mort de la baleine envoyée par Neptune au secours de Laomédoo (foaou; SE iroVro» êUçaç ); la mort de € jeans et celle d'Autée, ces cruels tyrans qui égorgeaient leurs hôtes (000011; piv sv x'P9?)"

Phlégra est, selon Eusfliathe, la même quePallène, ville de la Chalci-dice en Macédoine , et patrie de Philippe, père d'Alexandre. Hérod. 7 , c. 123. — Plol. 3 , c. 13. T. L . , 31 f c. 45 ; 44 , c. i l . — Georg. 4, Y. 391. — Ov. Met. 18 , Y. 357.

NÉMÉENNE II.

Pindare félicite son héros d'avoir préludé à ses triomphes par une victoire dans les jeux oéméens consacrés à Jupiter ;de même que les rhapsodes préludaient toujours à leurs chants par les louanges du Gis de Saturne. Ce premier succès de Thimodéme promet beaucoup de gloire à la Tille d'Athènes, sa patrie, qui pourra se glorifier d'avoir donné le jour au fils de Tioioiioiis, comme Salamine se vante d'avoir produit Ajax, la terreur des Troyeos. Il invite les Athéniens à recevoir avec empresse­ment îe nouveau vainqueur, à faire retentir autour de lui leurs acclama­tions, et à chanter des hymnes en son honneur.

Cette ode n'est pas divisée par strophes, antistrophes et épodes comme les autres, mais par stances de huit vers : aussi chacune de ces stances

8

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114 NOTES DES NÉMÉENNES. porte»t-elle le litre df&oàç. Cette division est en grand usage chei les poêles italiens : ils rappellent : ottam rima; ils l'ont introduite aon-seii-lement dans leurs odes 9 mais daos le poème épique même, témoins le Tasse etl'Arioste.

1 De même que les rhapsodes d'Homère, etc. On appela d'abord Home-rides, Ôpmpi&ai t les descendants d'Homère, de môme qu'on nomma Hé-raelides , ÊpoucXei$ae , les descendants d'Hercule. Depuis, le nom d'Ho-mérides fui étendu à tous ces chanteurs qui, du temps de Lycurgue, commencèrent à débiter des morceaux détachés des poèmes d'Homère. Strabon rapporte (liv. 14) que n i e de Ghio TÎt les premiers rhapsodes. Les scholiasîes parlent au long d'un certain Cyouethus y qui mêla plu-

% sieurs de ses poésies à celles d'Homère » et ils citent entre autres la grande hymne à Apollon que Ton trou?e à la l a de l'Odyssée , comme une de ses productions. Hipposirafe fait mention de ce Cynoethus, et dit que dans la 69e Olympiade, il vint à Syracuse, csà il chanta pour la pre­mière fois les rhapsodies d'Homère. Car, d'après le témoignage d'Elien (hist. 4ïv. 15. c. 14)$ les chefs-d'œuvre du prince de Sa poésie épique n'existèrent pas dès le principe réunis en un seul corps de poème, divisé comme aujourd'hui en livres ou chants ; mais les rliapsodef n'en possé­daient que plus ou moins de fragments oa épisodes, qu'ils colportaient dans les principales villes de la Grèce et de flonie. Ainsi ils dilataient séparément, de l'Iliade : Naupàxia, h combat auprès de la flotte ; Àpteriia Aiops^ou;, vaillance de Diomède, ou récit du combat ©à ce guerrier blessa Vénus et Mars ; IlaTpoxXeia, exploits et mort de Patmck; Aûrpa Ëxrepeç, Priam rachetant le corps d'Hector; Èmrd^ioç HarpoxXou f jeu* funèbres établis par Achille en l'honneur de Patr&cie » etc. etc. De l'Odyssée, ils chantaient: Ta iv IIiSX<jj>9 Têlémaque à Pylosf chez Nestor; Ta tv Àaxe-$aiu,ovt, Têlémaque à hacêdêmone , chez Ménélas; KaXu^ouç avTpo¥f grotte de Caîypm; ÔoWacoc oxe&a, naufrage d'Ulysse, en fuyant tîU de Cor iyp$0'f KuxXttireia, Ulysse dans Vautre de Polfphême% etc., etc. Ce sont ces différentes rhapsodies qui ont donné lieu à ces titres qui se trouvent à la tête des 24 chants de l'Iliade et de l'Odyssée.

Ces fragments ne présentaient qu'imparfaitement l'économie des deux poèmes, et pouvaient renverser entièrement l'ordre établi par Homère , ce qui détermina Soloo à faire aux rhapsodes une loi de suivre Tordre du tcite, en sorte que l'un reprit où l'autre avait fini.

Malgré cette précaution les poèmes d'Homère n'avaient pas laissé de recevoir de notables altérations.

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NÉMÉENNE II. 115 « Pisistrate et Hipparqa© son fils < qui jouissaient dans Athènes, du

« vivant même deSoloa, d'une autorité qui ne différait en rien de la « puissance monarchique), entreprirent de rétablir le texte dans toute « sa pureté. Ils consultèrent des grammairiens habiles,promirent des ré-« compenses à ceux qui rapporteraient des fragments authentiques de » llliade et de l'Odyssée ; e t , après un travail long et pénible, ils expo-« gèrent ces deux grands tableaux aux yeux des Grecs, étonnés de la * beauté du plan et de la richesse des détails. Hipparque ordonna de M plus que les vers d'Homère seraient chantés aux Panathénées? dans ce l'ordre fixé par Selon. » ( Voyage du jeune Anacharsis, première partie. )

Aristarque le grammairien contribua beaucoup à ce travail. Toutefois Plutarque (de sud. \poet.)9 Athéné (lib. 5) et Didyme (in od.'u ) le blâ­ment d'avoir retouché certains vers, etd*eo avoir transposé quelques au­tres en plus d'un endroit. C'est pour cela que différents passage8

d'Homère, cités par d'anciens auteurs f ne se retrouvent pas tels qu© nous les possédons aujourd'hui.

Os lit dans Plutarque (vie de Lycurgue ) que le législateur de Spartef

voyageant en Asie, trouva chez un certain Gléophyle les chef-d'œuvres d'Homère, conservés par les descendants de ce grand poète. La lecture qu'il en fit le persuada que ces poésies pouvaient être fort utiles à la ré­publique et aux bonnes moeurs ; il les écrivit lui-même dans leur entier et les apporta dans la Grèce ,. ou jusque là n'avaient para que quelques fragments détachés et comme pris au hasard.

2. Commencent ordinairement leur§ chants par les ièmanges de Jupiter. La plupart des'poètes en agissaient ainsi, soit qu'ils chantassent Jupiter lui-même y soit qu'ils célébrassent les louanges do quelque autre divi­nité.

Zwa §EWV TOV apurrev àeiaouat i$è pi^errov.

Ailleurs, en l'honneur des Muses, d'Apollon et de Jupiter :

Mouaacûv âpx&>f&au, AiroXXuvo; TE AIOç TE.

Et dans Hésiode :

Bloffofci itupfaéev » àoitffét *Xdmm%, Aiûft Al' frvfaeTS ff^étEpGv natif uawouaai.

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f 16 NOTES DES NÉMÉENNES. Tiiéocrite débute aiasi dans sa xvnc Idylle :

Êx Atoç à^yjà^éa. f xai uç Ata Xir êTi Motaat, Àôavarcôv TOV aptcrrov iirfiV a5,ep,ev àot^aîç.

Callimaque prélude à peu près de la même manière dans son hymne à Jupiter.

ZWùç loi TI xiv dÊXXo nap« <nrov$îi<n àe&siv Auïov, $ 0£ôV aùxov, àfil pifav àtiv avsxtsc.

Aratut commence aossi par ces mois •:

Êx Aïoç apx.cdp.iia.

A rimitation des Grecs, le prince des poètes latins a dit :

Ab Jove priocipiom , Musae, Jovis omnia plena.

3. Jinsi dès qu'on voit les Pléiades se lever su sommet des monis» Les Pléiades sont sept étoiles de la constellation du Taureau : elles tirent leurs noms des sept filles d'Alias, roi de Mauritanie.

AXXUû'Vï) , MspoTCïj TB , KeXflttvco TE, âXtXTpiiTe, Aorrepoirq xed, T^u^énfî, xat irorvia Meûa.

Alcioné, Mérope , Céîéno , Electre, Asîéropé, Taygèîe et la vénérable Maïa. Celle-ci aima de prédilection les montagnes s eî enfanta Mercure •or le mont Cyllêne. La situation astronomique des Pléiades dans le ciel et d'Orion qui se montre derrière elles, a donné lieu aux mythologues de feindre qu'Orîon 9 enflammé d'amour pour les Pléiades, les pour­suit sans relâche, dans l'espoir de les atteindre.

4» Si jadis Saïamine, Pourquoi Piodare nous parle-t-U ici de Saïamine? Anclépiade pense que Timodéme, le héros de cette ode, était né à Acharnes, faubourg d'Athènes, et avait été élevé dans File de Saïamine. Ce rapprochement a motivé la comparaison que fait le poète entre Âjax et Timodéme.

3. Mille autre dans leur patrie 9 aux jeux olympiens que l'on célébrait à Athènes et ailleurs en l'honneur de Jupiter. Voyez Pphique% T.

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NÉMÉENNE III. 117

NÉMÉENNE III.

Cette ode, composé® longtemps après la victoire d'Aristoclide, fut chantée au milieu d'un festin que le vainqueur donnait pour célébrer l'anniversaire de son. triomphe à Mémée. Les convives étaient assemblés dans le 0c «piav d'Egïne t où Aristoclide faisait, cette année ? partie du collège sacerdotal des Théores, Egiae n'avait point encore été soumise à la puissance d'Athènes.

Pindare commeoce par ÎQ¥oquer sa Muse, et la prie de porter elle-même à Egiae cet hymne, que depuis si longtemps attendent les chœurs des jeunes amis de rharmooie.il se flatte que ses accents seront agréables au! citoyens de l'antique patrie des Myrmidons , ainsi qu'aux Eacides. 11 compare ici leur gloire à celle que son héros s*est acquise dans les jeux solennels, aux trois principales époques de sa fie, à If égare , dans son enfance ; à Epidaare , dans sa jeunesse ; enfin à Némée, dans son âge viril. Il tire un parti merveilleux de ces trois victoires, eu les mettant en parallèle avec les exploits des principaux enfants d-Eaque. Ainsi, Achille, dans son enfance , étouffa des monstres furieux ; jcuae homme, il com­battit sous les remparts de Troie. Dans l'âge viril 9 Pelée s'empara effet-ces ; Télamon seconda Hercule contre Laomédon et les fières Amazones. De même qu'à toutes les époques de leur vie , les descendants eTEaqee se distinguèrent par leurs hauts-faits et leur courage, de même, dans les irois premiers âges de sa mortelle carrière , Aristoclide a remporté autant de victoires qu'il en faut pour parvenir aux colonnes d'flerculet Que lui resie-t-il donc à faire maintenant, sinon de vivre exempt d'ambiliou , et content de la gloire dont il s'est couvert par sa force et sa valeur. Telle est la quatrième vertu qui doit répandre des charmes sur son heureuse vieillesse.

f ailâ tout le plan et l'économie de cette ode admirable : elle embrasse la vie entière d*Aristoclide. On peut donc conjecturer sans crainte qu'elle fat composée sur la fin de son âge viril, et chantée dix ou douze ans après sa victoire.

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118 NOTES DES NEMÉENNES. I . En ce jour consacré aut combats néméens. Le teste porte tv tepop.w«

Ne{4ieà$i, in hieromenialudorum nemeôrumf c'est-à-dire dans les Jours oè re­vient la célébration des solennités néméennes. Sentent, lorsque l'époque des grands jeu* revenait, les athlètes qui y avaient autrefois remporté la victoire, demandaient aux poètes de 'nouveau* chants pour célébrer l'anniversaire de leor triomphe. Ainsi en agirent Agésidame, ol. xt ; Hiéroo, pytb. m; Chromius, ném. xi; Thiée, ném. x , et Arisîoclide lui-même. Mwi) était proprement un jour quelconque du mois, et lepopma, un jour de fête, topTœatjAoç inps'pa, selon l'expression d'Hesychios ; al topTe&tç xpipeu !epof*.evi«t *aXo3v xeu, a dit Harpocratiôn.

S. Conter de ma bouche avec abondance de sublimes accords» Horace a dit, ode n i , 4 : <s Die âge îongwm CaUiope meios, »

3# Jadis habitée paries Myrmiions* Les premiers habitants de 111e d'E-gine étaient appelés Myrmidom, du mot grec p.ypp£f qui sïgoiûe fourmi. Eaque, affligé du ravage que îa peste avait fait dans ses états, pria Jupiter de les repeupler. Le roi des dieux, touché de sa prière, métamorphosa en hommes les fourmis dont l'Ile était remplie.

È ^(Àqtm)'ôirGnjffaiiuvi7} TWCEV âMQCQV tmcioxapprov*

Auxàp mû p' r&nç mtosparou ixtro ^rrpov f

Bfouyoc im ^haycùX*. ItaTiip & àv^pûm ©SWVTS ,

Tobç, av^pa; irouwi, Paôo^weuç re •pvoux&c Ot £ii TOI irpwTpv ÇSU&QCV V8«; àpb^vtXiaaaç.

(HÉ8IOOB.)

Sublime allégorie d'un bon gouvernement : il civilise les hommes, dé­veloppe les talents et le commerce, accroît la population. Selon Straboo, ce oom fut donné à ces peuples, parce qu'ils imitèrent les fourmis par leur diligence et leur zèle pour les travaux de l'agriculture. Voy. Enéide» ïtv. 2, v. 6 —Métam. 7, v. 054.—Strab.—Hyg., fab. 32.

4 . Ce hém$«dieu avait déjà dompté, etc. L'oracle d'Apollon consulté sur le culte-qui devait être rendu à Hercule après son apothéose, répon­dit ; <* Nuv piv wç -ftpaa* TTî â'rmouoYi, wç 0eov. » Maintenant comme un

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NÉMÉENNE III. 119 héros et demain comme mm Bien, Ainsi la fêle d'Hercule durait deux JQurs : le premier, il recevait les hommages dos à an héros, et Se second y

lêfàoasears et le celle que l'on ne rend qu'à la divinité.

5. Le commencement du retour. Le îesîe porte : VK% ?rop.7np,ôv xarE&uvi voVrou xsXoç, littéraleanent quousque reduciorius ad occasion vergit redites terminus» NOOTOO TIXOç » id est Ttppa t mets, terminus, qui redire te cogil nec patiturulterius progredi. Voyez Olymp. n , 57.

C'est dans ce sens que Sophocle (OEdipe à Col. 716) emploie les mots Ti*ppa comptât f meta sslutis* Voyez Reisigins. L'adjectif ncamjxûv rend parfaitement ridée de ramener* retourner, revenir, comme iroumi em­ployé si souvent dans Homère pour signifier le retour dans ta patrie,

16. Desbormes inconnues aux mortels» Kod ^5v çpà$affae. $px&à£o de ifté£<ù9 faire comprendre 9 faire connaître, d'où çpo&n, intelligence, con­naissance. C'est-à-dire qufHercule *Y5V cppa mrjv ETCûWS xal &QXIQV, terrain netsmfetit hominibus9 quousqîie scilicet lerra esse| iropeu-ro, el quousque mareessét «XOTOV.

7. ^rmé de ce terrible javelot qu*U coupa sur le Pélion. Selon Pindare, ce fat Pelée qui coupa lui-même le bois de son javelot sur le mont Pélion; cependant la plupart des autres poêles disent qu'il fut offert comme présent de noces à Pelée par le centaure Chiron. Yoici le passage d'Homère qui a rapport à cette arme-redoutable, dont Achille avait hérité de son père.

£x è* ap« uupiyp; warpcôtov foméaaT* iy%o;9

Bptôii, pif*, ortSapov • TO (ABV ou Sumr' aÀXoç Àxaiûv. nstXXitv, àXXa puv àîbç iwiararo irïiXai l^XXeuç, nï)Xutôa f&sXCïsv, TTîV warpi'cpCXia Tap.£ Xetpwv, IlnXtou l*.ieopufîîç s. $avov tu^uvau lâpasaatv:

( I I . xix.)

« Il sort du fourreau le grand, le fort et terrible javelot de son père: « nul parmi les- Grecs ne peul le lancer ; Achille seul sait manier cet « énorme frêne, qu'autrefois à son ami-Pelée 9 Chiron apporta des som-« mets du Pélion, pour être la mort des héros. »

S. Seul, sans secours étranger, s'empara de Iolcos. Ville de la Thes-salie dont Pelée se rendit maître dans la guerre qu'il fit à ' Âcaste,

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120 NOTES DES NÉMÉENNES. fils de Pélias. Pindare pour faire sa cour aux habitants d'Egi ne, avancff que Péîée s'empara de cette ville lui seul et sans aucun secours; la fable dit cependant qu'il fut aidé par Jason et les fils de Tyodare, Castor et Poilus. MaisPiodare pourrait bien ici atoîr raison contre la fable, puisque l'ex­pédition de Pelée contre lolcos est postérieure au temps de Jason. Ho as voyons, en effet, dans la iv« Pythique , l'arrivée de Jason à lolcos, où Pélias, frère d'Eson et usurpateur de ses états, régnait en tyran. Jason ne le chassa point de cette ville ; nous voyons qu'il en partit lui-môme pour la conquête de la Toison-d'Or; qu'à son retour, iî ne prit point la ville d'assaut, mais l'occupa seulement quelque temps après la mort de Pélias. Or, Pelée ne vint assiéger lolcos que sur la fin du régne d*Acaste, fils de Pélias; il a donc pu seul et sans le secours d'aucun autre général se rendre maître de cette ville. Voyez Paus.t 4, c. 2.—Apoliod. i , c. 9.

9. Et mérita par ses îmtmux la main de la belle Théûs. Peu contente d'avoir un mortel pour époux, après a?oir eu des dieux pour amants, Thétis prit, comme une autre Proîée , différentes formes, pour éviter les recherches de Pelée. Mais ce prince f par les conseils de Chiroo, l'attacha avec des chaînes, et l'obligea enfin de consentir à l'épouser. Homère, au livre xviu de l'Iliade, fait entendre les plaintes que Thétis exhale à ce sujet.

ficaire', ri apa oNâ xiç, £aai Osai tta\ v* ÔXGjnr», TearcraS'' h\ çpeatv aaiv àvso sTO Kr.foaXu'Y-pà, Ocrer' iu.ol h mtcrecdv Kpovtôm; Zeùç <%X"£* &c»ifcsv ; Ex a$v u.' àXXacâv àXiicov àv^pl &guaaa£v, Al(vd8"n ïlr.Xwxou ETXYJV àvspo; eùvviv , noXXà p.aXf oûx ëlÉXovxra* ô piv S^ -ppat Xu*YpS KcÎTflU eVi p.s^àpotç àp^asveç.

( I I . XVIII, v. 429)

« O Vuleain , de toutes les déesses habitant l'Olympe, aucune éprou-« va-î-elle jamais tant de peines que moi, à qui Jupiter envoie les plus « amères douleurs? Seule entre les divinités de la mer, je fus unie à un « homme, Pelée, fils d'Eaque : ce ne fut qu'à regret que je partageai la i couche d'un mortel, qui, maintenant consumé par la triste vieillesse, • repose dans son palais. »

10. Là, tu, mis le courageux Télamon secondé par Mas. Télamon était frère de Pelée ; il accompagna Hercule, comme écuyer dlolas, au pre-

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NÊMÉENNE Ut. 121 mier siège de Troie sous Laomédon. II accompagna aussi Hercule dans la guerre que ee béros entreprit contre les Amazones ; e t , soi? an! le scholiaste, ce fut Télamon qui perça de son javelol Mélanippe, sœur d'Hippolyte, reine de ces femmes gaerriéres.

i l . Dans les sentences que Pindare iutercftlle si judicieusement à ses magnifiques narrations, il ne met pas toujours es usage le même temps ; tantôt il se sert du passé, tantôt du futur, tantôt du présent, selon qu'il veut donner plus d'actualité, plus de poids ans réflexions que Soi suggère son sujet. Cependant il emploie rarement le passé (Olymp. XH, 14; Néni. ?i, 19) et plus fréquemment le présent (Pyth. m, 53 ; v m , 103 et suif.; 128 et suif.). Quelquefois il emploie différents temps dans la même se n te si ee, par exemple, le futur elle passé (Olymp. « i » 4 et suivants; Ném. xi, 16 et suîv.) : le présent et le futur (Pyth, XH, 49 et suif.) ; maïs plus souvent il se serf à la fois du présent et du passé, comme dans ce passage de la troisième Néméenne (OSymp. vu , 80et suiv.; Pyth.x, 81 et %UîT.; Iï , 89 etsuiv.; Ném. vu ; 25et suiv.; xi, 50 et suiv.).

12. ttsefabaiiunjeu des plus pénibles iravéux* Schmidt, l'un des plus judicieux commentateurs de Pindare, fait remarquer, au sujet de ce pas­sage , la signification du verbe àôupetv, pueriiiter lusiiare res sérias affec-iando êi reprmenêandQ* Il déclare donc qu'il est bien éloigné de partager l'opinion de la plupart des traducteurs, qui ont pris au sérieux cette va­leur et cette audace extraordinaire d'Achille âgé seulement de six ans. Il ne croit pas avec eux qu'un enfant, quelle qu'ait été sa force, ait pu , à un âge si faible, terrasser des lions, des sangliers, et apporter leurs membres palpitants aux pieds du Centaure. Une telle supposition serait par trop hyperbolique, et ne ferait du tout pas honneur au jugement de Piodare. Il préfère plutôt voir la vériîé du fait exprimée par le verbe aHopetvemployé fort à propos par le poète. Ainsi, selon lui, Achille en-

' fant aimait à lancer de petits javelots, à parcourir les forêts, à se faire d'une manière quelconque une représentation , un manequin de certaines bêtes féroces qu'il s'exerçait à tuer, et dont il apportait tout triomphant les dépouilles au Centaure. C'est ainsi que pour ces exercices, qui n'é­taient à proprement parler que des jeux d'enfants (àôupixara, iraufpaTa), le fils de Pelée montrait dés le bas âge ce qu'il serait un jour.

13. Au temple dtJpollon Théarion. Le Thêarion était un tenîple consa­cré à Apollon Pythieo dans l'île d'Egine. Plusieurs autres villes, telles que

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122 NOTES DES NEMÉENNES. Mantiaée, Tréaène, Thasos, avaient aussi des temples de ce t e » , et des» liaésaîii mêmes usages. Les prl 1res de ces temples étaient appelés Tkéares, ' 6ecâpQt. C'était des sacrificateurs particuliers que, dans le principe 9 les Athéniens envoyaient à Delphes offrir en leur nom à Apollon Pythies des sacrifices solennels pour la prospérité de la ville d'Athènes. On tirait les théores .tant du corps du sénat que de celai des thesm&t-kètes ( magis­trats chargés de faire observer les lois ). La durée .-du voyage des théores à Delphes, depuis leur départ jusqu'au retour, était araMaalrefaeaî de trente jours. Pendant ce temps, il était défend* d'exécuter aucun con­damné. Ce fut pour cette raison que Secrète, qui avait été jugé le lende­main du départ de la théorie deDélos, ne but la eiguë qu'après un iater-valle de vingt-neuf jours.

Bans les autres villes, les théores étaient des magistrats établis à viev

chargés d'aller en dépntatfon consulter les oracles, et surtout d'offrir des sacrifices expiatoires. Ils étaient admis à la table des rois; et étaient con­sidérés comme leurs égaux et ceux des sénateurs. Aristoelide faisait par­tie des théores d'Egine, et c'est dans le Thêarion de cette ville que cet hymne fut chantée*

14. Se plier en un mot aux vicissitudes de l'humaine nature. Littérale* ' ment/erre quaiemquamque harum partium hsbemus pro naturœ humanœ infirmitate. Remarques SXOOTGV oîov pour oîov Ixaorov : eeSte transposition du relatif se rencontre assez souvent dans les bons auteurs grecs, ainsi Démosîhène f pro Corooâ, p . SSO : rreped è* 5TW XOXO'V TI $«&aop.ev ; So­phocle , Elect. 643 : TWCVWV OSCô* lp,ot o'ûçvota pun npoçeanv •$ Xûmj mxpoi ; Trachin. 151 : TOV éEv Uç EIç&OITO xoutoïatv otaiv i"p Papuvofi.au. Virgile, Georg. i , 167 : Omoia qu» mulfo ante memor provisa repones.

15. Cest de se contenter de sa fortune présente. Littéralement, jabet-que côgilsrt pmsemm, id est, acquiescere prœsentiàus, iisque frui conten­tion » née qutdqmm ultra quœrere. En effet, dans les années de la jeu­nesse et de l'âge viril, nous pensons plus à l'avenir qu'au présent ; nous vivons d'espérance , formant mille projets divers ; mais «ne fois que la vieillesse est arrivée , notre ardeur se. refroidit, nos projets et notre am­bition s'évanouissent avec nos forces : alors, si nous sommes sages, nous ne pensons plus qu'à jouir du moment présent 9 nous contentant des avantages que nous avons acquis et de la position que nous nous sommes faite. Une telle manière d'agir convenait parfaitement à Aristoclide,

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NEMEENNE III. 123 dont les plus belles aisées s'étaient écoulées an Milieu des trionpkes et de la gloire.

16. Qu'accompagnent les mêmes de lëfiûk- edimm* Oe,peut conclure de ce passage et de quelques autres des odes de Pindare » que le snode ê#Iiea étail alors repaie le plus nêiedîeax des modes grecs. Il-domina aussi à Tfeèbes^qoi faisait partie de la Doride, et que las Eaiieas occupe* reut longtemps.

17. L'hommage en est .un peu tardif. Le texte rend ce membre de phpse par un seul adverbe ô^émp t tatéivement* Ici Pindare croit devoir s*ex*. caser de sae retard , pour saisir l'occasion de blâmer l'empressement ja­loux, avec lequel Bacchjlide et les autres poètes ses compétiteurs, le pré­venaient souvent auprès des athlètes. C'est pourquoi il les compare à. des geais criards qui cherchent à terre une ville pâture, tandis que lui-même s'élève comme un aigle d'un vol rapide au haoî des airs, d'où il s'élance tout-à-coup sur sa proie,

18. Â Em'daure et à Mêgare. Les jeux d'Epidaure se célébraient en l*honneur dlSsculape, dans un bois consacré à ce dieu , près d'Epidaure, ville de FArgolide., Les présidents de ces jeux furent d'abord les descen­dants d'Esculape ; ensuite les principaux citoyens d'Ârgos. Leur célébra­tion avait lieu tout les quatie ans révolus, neuf jours avant les jeux isthmi-que8$ qui revenaient tous les deux ans.

Les jeux mégaréens avaient lieu au commencement du printemps, à Mégare, ville située â quelques stades du golfe Sarooiqne , à égale dis­tance d'Athènes et de Corïnthe.

NÉMÉENNE IV

Timasarq.uef jeune athlète de File d'Egine » et fils de Timpcrite, avait déjà remporté la victoire à Athènes, à Cléone et à Thèbes. Il descendait de l'illustre famille des Théandrides, qui avaient été couronnés dans l'Isthme, à Qîympie et à Némée. Il venait lui-même de triompher dans

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124 NOTES DES NÉMÉENNES. la lutte aux. jeux iiéméens, on ne sait positivement pas à quelle époque ( il parait toutefois que ce fut aux. environs de la 80e Olympiade) Sa -vic­toire fut célèbre, eu égard à son jeune âge; les habitants cTEgîae le reçu­rent avec acclamations, aumiliea des choeurs qui reflétaient les chants du poète de Thèbês.

Cette ode est pleine de génie et de beautés poétiques; Pindare veut quelle puisse dédommager Timasarque de ses travaux : il la compare à un bain liéde qui rétablit la souplesse des membres fatigués, et il pense qu'elle doit être plus durable que les actions les plus éclatantes.

Passant ensuite à la louange de son héros $ il commence par chanter Egine sa patrie, qui vit naître les courageux descendants d*Eaque ; il rap­pelle aussi la mémoire deTimocrile, père du vainqueur, et regrette qu'il ne soit plus au nombre des vivants, pour être témoin des victoires rem­portées par son fils, à Cléose, à Athènes et à Thébes. Le nom de cette dernière ville, qui avait été le séjour d'Hercule, engage Pindare à faire une courte digression sur les exploits où ce demi-dieu fut accompagné par Télamoo , l'un des descendants d'Eaque. Bientôt il reprend son sujet, mais en passant il déverse le bîâme sur les jaloux détracteurs de ses vers. Iî achève l'éloge desEacides, commencé plus haut, chante Ajax, Teucer, Pelée, Achille9 Néoptoléme etThétis. Enfin , reconnaissant qu'il lui est impossible d'embrasser tant de sujets à la fois, il rehausse de nouveau la gloire desThéaodrides, rappelle les couronnes obtenues dans l'Isthme, par Calliclés, oncle maternel de Timasarque, et termine en payant un tribut d'éloges àMélésias, dont les leçons et les semées avaient sans doute contribué au triomphe du vainqueur.

1. Tues le meilleur médecin âesfalignes, isTpoçwovwv. Ce que Pindare dit ici de l'allégresse, Eschyle, Coeph. 6 9 3 , le dit de l'espérance qu'il appelle de même tàxpoS iXwtç. Voyez aussi Pyth. iv, 333,2Tpo<pn 6'.

2. Est pour ses membres fatigués moins mlutaire, etc. Sclimidt et plu­sieurs autres ont mis p.otX8«xà reuy/t p ï a . Beck a changé rmyii en Ti'jyst; Hermann, Bœckh et Boissonade ont suivi cette leçon.

3 . La louange qu'accompagne la lyre* EùXo- a ÇopF TY1 <wv*°P0*t ^sm

cilharœ soda, Homère a dit, Od. vin, 9 9 : çopat^l «rjviï&pôç $ a m , et Horace, ode iv, 9 , 4 , verèa loquor sacianda chordis.

4. Nobles inspirations du génie et des Grâces, ksparoles, eîc. Littérale-

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NÉMEENNE IV. 1Î5 menî, P-rip.» Btcxeôti xpovtuTspov Èp- scTcôv f ferme vivit diuttimiùs fsciés, on xi •hjlâaoa. igfooi f pevoç ftaOtiaç, «wv TûX« XaptTwv, 911ml quidem lin-gus protulerit è mente profonde , cum Ckariium fortuné. 4>ptvo; ga0£iaç, Théognis, 1051, a dit : \uh XOT' ÊWsrpjMv©; irp^Yi; xaxàv , àXXœ fkôiw» ofi çptvi pouXsuaou. Ainsi $aêbç xy ^ x ? 7 ? x^581 es* ^0BC nn homme pru-dent et réfléchi, Polyb. vif 2 1 , 9; xu ,&, 15 ; Ithéo. îx , p. 377;ifjôsa paôûxepa, a dit Hérod. iv, 95-; et Eschyle, sept chefs, Ô78: ftarttïav «Xoxa £ià çpevo; xapiro6tacvoç, èÇ *i; Ta «^và pX&ax«évsi pGuXeûp.&xa.

5. Les victoires que son fils a remportées à Cléone. Cléooe était une ville de l'Argolide, vers le nord, cotre Argos et Coriothe. C'est daos le voisioâge de cette ville qu'Hercule tua le Iioo de Némée. De là 00 donna à ce héros le nom de Cleonœus, Lueaio donne le môme surnom au lion : liie Cieonœi projeeit îerga leonis.

6. Là, près du magnifique tombeau if Amphitryon. Àp.cpixpu«voç est peut-éîre ici pour Àp^xpucôvi^cu, de même que Y Epiovoç ineXioto est mis dans Homère pour iwepiov&ou -hekioio, soit que Piodare ait voulu parler du tombeau'd'Amphitryon lui-môme, ou du tombeau dlolas, son Oîs, élevé non loin de celui de son père.

7. Ils le recurent dans f auguste palais d'Hercule. On ne sait trop de quel palais Piodare veut ici parler; à moins que ce ne soit de YHeracleum ou temple d'Hercule, situé à Thèbes, devant la porte d'Electre , et dont

. Pausanius fait mention, « , 11, 2.Muflier, Hist. Dor. 1, p. 430 , préfère voir ici le palais d'Amphitryon lui-même , où Hercule avait jadis habile.

8. Vainquit les Me'ropes. Habitants de l'île de Cos (voyez Strabon , iiv. 4 ), à qui Hercule et Téîamon déclarèrent la guerre , à leur retour du premier siège de Troie sous Laomédon. Ces deux héros s'emparèrent de l'iîe de Cos, à l'occasion de Calliopède, fille du roi Eurypyîe, de laquelle Hercule était devenu amoureux. Il en eut Thessalus dont les fils Phidippus et Aotiphus conduisirent la flotte et les troupes de Cos au dernier siège de Troie. Aotiphus, en revenant de ce siège, fut jeté par la tempête dans le pays des Pélasges, auquel il donna îe 00m de Thessalie, de Thessalus son père. 11.11,185.

9. Le terrible Alcyon. Autrement Âlcyonée, était un géant, frère de

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126 NOTES DES NÉMÉENNES. * Porphyrion. Hercule l'ayant rencontré chassant «letant lui lia troupeau

de bœufs qu'il ¥enait d'enlever dans Erilhie , l'attaqua secondé par Téta" mon. Le combat fut long et terrible ; car les deux ' héros y perdirent » écrasés sons un énorme rocher, douze chars et les vingt-quatre guerriers que ces chars portaient. Hercule t furieux de cette perte, et Yoyant Télamon en danger de perdre la vie, se précipite sur le géant et Se tue-Ses filles, désespérées de sa mort, se jetèrent dans la merf où Amphilrite les changea en Alcyons. (Claudiea s Enlev. de Pros.—Apol. i , c. 6,)

10. Rarement les Mutes entreprises s'exécutent sans quelque revers. Ce passage fait allusion aux efforts que Timasarque await dû faire pour obte­nir la victoire à la lutte, et ans blessures qu'il y avait reçues. Aussi, dès îe début, Pindare s'empresse-l-il de le consoler en lui présentant son hymne comme l'onde attiédie d'un bain salutaire propre à'rafraîchir ses membres fatigués. 11 ne peut d'ailleurs lui accorder une louange plus glorieuse que de comparer ses efforts, son triomphe, à celui d'Hercule sur le géant Àlcyonée.

11. Pour le retour de la Nàoménie. Il parait que Pindare s'était engagé à livrer son ode pour le retour de la Néoméaie, époque spécialement consacrée à chanter les victoires des athlètes. Chez les Grecs, on célébrait les Néoménies par des jeux et des repas auxquels les riches et les pauvres prenaient également part. Oo y rendait aussi hommage aux héros et aux demi-dieux.

i% L*êclat de ta gloire éclipsera tes rivaux, Pindare fait ici allusion à quelques-uns de ses compétiteurs auxquels certaines de ses digressions avaient déplu. Leur critique amère lavait blessé : aussi s'elforce-t-il de leur prouver qu'il ne se laisse point entraîner à un aveugle êlaa y que jamais ses digressions ne viennent au hasard et hors de mesure, mais qu'il sait se fixer des bornes, dès que la raison'le lui commande. Les ex­pressions cpôovepœ pxÉirwv indiquent assez 'que ces compétiteurs étaient d'autres poètes lyriques .jaloux des succès et delà vogue que Pindare avait obtenus auprès dts athlètes. Telle était alors'ta rivalité des poètes lyriques, rivalité qie l'appât du gain entretenait, au point qu'ils se croyaient obligés de répondre dans leurs hymnes mêmes à leurs critiques, pour ne pas s'expose? à perdre la confiance du public, et à voir leur ré­putation et leur gloire s'évanouir. l

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KEMÊENNE IV. 127 13. Fais entendre tes accords lydiens. Les anciens regardaient le mode

lydien comme celui qei convenait le miens aux hymnes-composés en l'honneur des jeunes geai* C'est pour cela que Pindare 9 olympique 5e , au jeune Psaumis, dit que ses chmUë se méïemni aux accords des fîûtes lydienne* Au&ciç àicouv h aûXot;. De même olyrap. 14 , au jeune Asopi-ehus : Je suis venu chanter sur le mode lydien Au$t«> <yàp iv rpôiro «êI^CôV.

14. 4 QEnone et à CypreoU régna TeueerfJils de Télsmm. L'Ile d'E-gine porla d'abord le nom d'OEnone 9 nymphe de laquelle Jupiter, selon quelques mythologues, engendra Eaque. D'autres 9 au contraire 9 assurent que Jupiter eut Eaque et Rhadamante de la nymphe Egine, fille du fleate Asope9 •%% qn'OEnoae, fille du Cébreous, fleuve de Phrygie, épousa Paris, lorsqu'il était encore berger. Quoi qu'il en soit, il est constant qne QEnone et Egine sont une même ville ou une même tle, sous deux ndiiis différents. •Pausaniis, Cor. 99 rapporte en effet que Teucer, fils de Télamon, régna sur Egine et sur l'Ile de Cypref où il bâtit «ae fille nommée Salmmim 9 du nom de sa patrie qu'il ne devait plus revoir,

15. Ajax régna ù Salamine, m patrie* Pausanias, Cor. c. 25, nie qu'Ajax ait jamais été TOI de Salamioe. Il fait mention (1, 55, 2.} seule­ment d'an temple que Ses habitants de cette île avaient élevé en son hon­neur. Ajat ne put, en effet, régner à Salamioe, puisqu'il se tua lui-même devant Troie du vivant de Télamoa, son père 9 qui régnait encore à Salamine.

16. Achille^ dans cette île dont Nclat9 etc. C'est l'île de Zeucé, dans je PonMtaxiû, entre l'embouchure du Danube ei celle du Borysthèue. Achille y était honoré avec Iphigénie, parce qu'on croyait que Thé'tis y avait transporté te eorps'dè son fils après sa mort. Les anciens en'avaient fait Use espèce de Champs-Elysées qu'habitaient plusieurs héros , tels qu'Achille, Ses deus Ajat, Patrocle, Antiloque, etc. C'est de là que Leucé p rit'souvent le eeei d'Ile dtè Bienheureux* Son nom vient de Xsurtin, Atone, parce qu'elle était presque toujours couverte de hérons blancs. Strab., 2. — Amm. 27.—Meta , 2 , 7 .

17. The'th domina ù Phiie. La mythologie postérieure à Homère raconte que Yaleaia ne •consentit à forger,à la prière de Thé'tis, désarmes à Achille 9 que sens I-a condition que la déesse partagerait son lit. Thétis y consentit sur la promesse que lui fit Vuleaia d'ajuster sur elle-même les armes d'Achille. Une fois revêtue de ces armes la déesse prit la fuite;

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128 NOTES DES NEMÉENNES. le dieu fut si irrité de cette supercherie, qu'il lança son marteau après elle, et la blessa au talon. Thétis, après avoir remis les armes à son fils, alla se faire panser sa blessure àPhlîe, où régnait Pelée son époux. Dans la suite , on lui éie?a un temple dans cette tille»

18. Néoptôlêmefut souverain de la vaste et fertile Epire* Après le siège de Troie, Néopîolème se retira daos l'Epire, où ses descendants se suc­cédèrent longtemps su? le Irène. Néoptolème y était sans doute honoré comme un héros.

19. Âpres avoir été en buiie aux ruses perfides d'Eippolyle, épouse éÂeaite. Pelée avait déclaré la guerre à Acaste , roi d'Argus, pour se venger des périls auxquels lavait exposé la trop grande confiance de ce roi aux calomnies d'Hippoîyte son épouse. Cette princesse impudique » à l'exemple de la femme de Prêtes f dans le 6e chant de l'Iliade» et de celle de Putipbar dans nos livres saints, avait conçu une passion crimi­nelle pour Pelée, son hôte. N'ayant pu le séduire y elle lavait accusé au­près de son époux, Acaste ne voulant pas lui donner la mort de sa propre main, l'invita le lendemain à une .partie de chasse9 et l'abandonna aux bé tes féroce* 9 sur le soir, dans une immense forêt, après lui avoir caché l'épée que Yuleain îui avait forgée. Mais le centaure Chiroa le lira de ce péril. Pelée refini en Thessaîie et fit périr Acaste et Hippolyie sa perfide épouse. Hippolyie est encore appelée Aslydamie dans la fable.

20. Après lui avoir caché son épée merveilleuse. La plupart des éditions portent âaiMXou f quoique Dédale soit absolument étranger et inutile ici , lors même qu'on le prendrait pour Yuleain ; car ce dieu avait forgé l'épée de Pelée, mais nulle part Pindare ne donna le nom de Dédale à Yuleain. Didyme , dans ses scholies9 pense que ce s'est point de Dédale qu'il s'agit ici, mais de l'adjectif $a&aXo; ou SauS'oéXeoçt artistemênt 1rs-vaille t merveilleux, au datif sing, et s'accordant avec poutatpa. Bœckh est de cet avis ainsi que Hermann et Boissonade. En effet y Acaste avant d'égarer et d'abandonner Pelée dans les forêts du mont Pélion 9 lui avait caché l'épée dont Vuîcain avait fait présent à l'époux de Thétis. Voyei au sujet de celte épée Hésiode fragm. xpn

21. Pelée dut encore limer contre la violence des Jeux dévorants, etc. Thétis, pour dégoôter Pelée de l'épouser, évita longtemps ses poursuites, et l'épouvanta en se transformant tantôt en feu , tantôt en eau 9 tantôt

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NEMÉENNE V, 129 en lion ou en serpent. Mais Pelée, insîmit par les avis du centaure Chiron, résista à tous ces artifices , et força la déesse à lui dôaaer sa

22. Et ces luttes fameuses, etc. Le teste porte àsSifuiov àiôXcâv, lit­téralement des luttes qui accroissent la force des membres; c'est l'effet des exercices fréquents et pénibles.

23. Qu'Euphanès, ion meut, chante tes louanges. Cet Eophanès, père de Calliclès, était l'aïeul maternel de Timasarque ; il parait qu'il était en­core vivant, bien que Calliclès, son Ois, fût déjà mort. Eupbanès était un poète assez distingué. On en doit dire autant de Timocrite , le père de Timasarque, puisque Pindare en parie aussi avec avantage au commen­cement de cette ode,

24. Qui de nous en louant Mclésias, etc. Ce Mélésias était l'instituteur ou Yalipte de Timasarque : c'est lui qui l'avait formé à Fart de la lutte. Cette fonction n'exigeait certainement pas beaucoup d'éloquence ; cepen­dant , il est très-probable que les exhortations énergiques de ces artistes contribuaient aux succès de leurs élèves ; Pindare le dit ici et dans les deux odes suivantes.

NEMÉENNE V.

Pylhéas, fils de Lampoo , était d'Egiue. Ses parents, disent les scho-liastes, ayant prié Pindare de composer un hymne en son honneur, ce poète leur demanda trois mille drachmes (environ 2600 francs) pour prix de son travail. Ils répondirent qu'il valait .mieux faire ériger une statue de bronze pour la même somme ; mais ayant été désabusés, ils revinrent à Pindare, et lui donnèrent ce qu'il exigeait. Le début de son hymne fait allusion à ce trait.

Il part d'Egine , patrie du vainqueur, pour aller proclamer partout un triomphe qui le rend digne des Eacides. Il rappelle en même temps les

9

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130 NOTES DES NÉMÉENNES. exploits de ces héros qui font la gloire d'Egine, détenue célèbre par la protection des dieux et les prières qoe Pelée , Télaoaon eî Phocus adres­sèrent ans Immortels devant l'autel de Jupiter Panhellénien. Il Soue Sa contipence de Pelée s qui' résista aux sédoclioos d'Hippolyte 9 époose d'Acasles et reçut pour récompense de sa vertu la main de la déesse Théîis. Pelée devint ainsi le gendre de Neptune. Ce dieu préside aux jeux de l'Isthme s et cette circonstance ramène le poète à son sujet, par i'éloge qu'il fait d'Euthyménès, oncle de Pythéas, qui venait de remporter la couronne aux jeus de l'Isthme. Il énumère les victoires de Pythéas! puis il adresse des louanges à rathénîen Méaandre $ son maître, et enfin à Tfaémistius, son aïeul maternel.

1. Je ne suis pas statuaire».» Nonf mes chants pénètrent en mus

lieux,

Donarem paieras, graîaque commodits ,

Censorine, naeis œra §olidalibas i

Donarem tripodas, prœmia fortïum

Gaïorum ; neqtie tu pessima mmierona

Ferres ; divite me scilicet artium

Quas aut Farrhasias proîaîii soi Seopas ;

Hic saxo, liqtiidis ille coloribus

So^ers, aune bominem poiiere, aune Deum «

Sed non haee mibi fis ; no a tibi talium

Res est, aut animas deliciaram egem.

Gaudes carminibas % carraina possumus

Donare, et preiium dicere muser!.

(Hoa. lib. IV. od. VII.)

« Oui, CensorinuSj je donnerais avec joie à mes amis des coupes, des « bronzes précieux ; je leur donnerais ces trépieds, récompense du cou-« rage chez les Grecs , et ta n'aurais pas les moins riches de mes pré-« sents, si le sort m'avait prodigué ces chefs-d'œuvre enfantés par un « Parrhasius, par un Scopas, dont le génie savait animer le marbre ou <i la toile pour exprimer les traits d'un mortel ou ceux d'un dieu.

« Mais je n'ai point ces trésors des arîs ; et ta fortune, ni ton cœur ne « le laissent pas à désirer de pareilles offrandes. Tu chéris les vers ; je « puis îe donner des vers ; je puis aussi chanter la valeur d'un tel pré-« senî.»

Sîace a imité ce beau début, § v, 1 :

Si masses aut si m îles docilis mibi fin gère ceras,

Aut ebar, impreasis auruwve antmare figarii

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NÉMÉENNE V. 131 Hiuc, Prisciîfe, tno soîatia g rata marito

Conciperem

Sed mortails honos agi lis qaera désira laborat.

Kos tibi , lasdatl javenis rarbiima eoojus,

Longa, uec «bscurara fineia lalara, pereoui

Tenlamus cl are justa lyra.

2. Le vaillant fils de Lampon* Pausanias, dans ses Lâcooiennes, Siv. 3 , fait mention d'une histoire de l'expédition de Xerxès par La m pou.

3 . Debout autour de f autel de Jupiter Eellénien* Les peuples Ses plus anciens de la Grèce sont les Myrmidons sujets des Eacides. S'étant i iés dans Egine, ils y élevèrent un temple et no autel à Jupiter Hellénien f

divinité de leurs pères ; c'est devant cet autel appelé par Pindare pwp,ov iwripo; ÈXXavtou t Yaulel du père Hellénien, que Pelée, Têlamon et Phocus adressèrent un jour à Jupiter des vœux solennels pour la félicité d'Egine leur patrie. Le poète en rapportant ce fait, a compris tout ce qu'il y avait d'auguste dans ce Jupiter Hellénien, qui donna son nom à la Grèce en­tière, tout ce qu'il y avait de sublime dans ces'trois héros en prières de­vant un autel pour Se bonheur et ta prospéri! 6 de leurs sujets.

Pausanias, livre S , et Isocrate dans Evagoras, racontent que la Grèce étant affligée d'une grande sécheresse, les principales villes envoyèrent consulter l'oracle de Delphes pour savoir par quels moyens on pourrait obtenir la cessation de ce fléau. La Pythie répondit : Il faut apaiser Ju­piter, et Eaque seul m est capable. On envoya donc des députés de toutes les villes de la Grèce auprès d'Eaque, pour qu'il se chargeât de leurs sup­plications. Ce prince accédant aux désirs de ses compatriotes, offrit lui-même des sacrifices solennels à Jupiter Panhellénien ( le même que Plodare nomme ici îmrrfs ÈXXavto; ) ; et bientôt une pluie abondante vint rafraîchir les campagnes désolées. Ici le poète fait prosterner aux pieds des autels Pelée, Télamon et Phocus, tous trois descendants d'Eaque. Pausanias (Corioth. c, 50) assure que Jupiter avait dans l'Ile d'Egine, et près de la ville, sur le mont Panhellénien, un temple remarquable. Il en signale (Àtt. e. 18) aussi un du même nom dans Athènes.

4. Les illustres fils de la nymphe Endéis. Il est nécessaire f pour l'intel­ligence de ce passage, d'exposer la généalogie des Eacides s suif ant la fable.

De'Saturne et de Philyre, naquit le centaure Chiron, qui sauva Pelée, et fut chargé de l'enfance d'Achille ; de Jupiter et delà nymphe Egioe,

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132 NOTES DES NÉMÉENNES. naquit Eaque; d'Eaque et de la nymphe Endéis, fille de Chirôo? naqui­rent Télamon et Pelée ; d'Eaque et de îa néréide Psamraalhée , naquit Pliocos ; de Péîée et de Thélis, naquit Achille. Ainsi Pfaosos n'était que le frère germais de Télamon et de Péîée.

5. L9attentat que Télamon et Pelée commirent contre toute justice.Vhocus jouant un jour dans les luttes du gymnase, avec Pelée et Télamon y ses deux frères du second lit» le palet de Télamon lui cassa la îêîe. Eaque informé de cet accident t apprit en môme temps que ces jeunes prioces avaient eu auparavant use altercation avec leur frère , et qu'ils avaient commis ce meurtre à l'instigation de leur mère Eodéis. Il crut devoir les condamnera un exil perpétuel. Télamon se retira à Salami® e? et PéléeàPhîhie, dans la Tliessalie.

6. H est des faits ou la vérité ne doit pas montrer sa face â découvert. Littéralement comme porte le texte : Non emm omnis utiles est, ostem-dens rei apertam faciem veritS exacts» D'autres poètes ont employé le mot irpo<wTCov dans le même sens : xo riç atôouç ij râq àpnràç irpoauirov* Eurip. Iphig. Aul. 1089. —. To rnç àxavoçpovoç Èmjiai EÙ &cpov irpoV CûTCV. Aristoph. Av. 1324.

7. Quelque soif Vespace qu'on me donne â franchir» Littéralement : eîsi iongos mihi inde salins fodiat aliqtds. Le texte porte : ôEX aS* uirooieairroi me creuse des sauts. Voyez pour l'explication de ce mot notre dissertation sur Ses jeux olympiques, page 89.

8. La colère de Jupiter, protecteur de i*hospitaiitë. Jupiter était le dieu vengeur des droits de l'hospitalité» de l'amitié et de la justice. Péîée, ayant éîé reçu avec amitié dans le palais d'Âcaste, on peut en conclure qu'il ne voulut pas violer les droits de l'hospitalité» en condescendant à la passion d'Hippolyte, épouse d'Acaste.

9. Après avoir obtenu le consentement de Neptune. Meptane était l'époux d'Amphitriîe, et celle-ci la sœur de Théîis. Il était naturel que l'on demandât le consentement de ce Dieu pour l'hymen de sa belle-sœur avec le fils d'Eaque.

10. Quittant son palais dfMgée. -figée était une petite lie adja­cente à file d'Eubée, sur la côte occidentale. Elle tirait son nom

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NÉMÉENNE V. 133 son nom de mot grec Avyai, chèvres, parce qu'au rapport des géogra­phes, ©a remarquait dans cette Ile des chèvres d'une espèce différeoie de celles des autres cantons de la Grèce. Neptune était bonoré d'os culte spécial à iEgée, où il a¥ait uo temple célèbre. Il y aYail aussi en Achale une ville de ce nom consacrée à Neptune. C'est de cette der­nière dont Junon parle au chant âme de l'Iliade :

Ol £i* rot E!ç ÉXucriv re xat Al^àç $ëf dbâ*pucn IIoXXs Tt xat x<*pÊ8¥Ta.

(Hem. II. c. vui. v. 205.

Le temple -que Neptune avait à iEgée en Achaïe parait avoir élé fort célèbre du temps de Pindare.

11 . Qu*habitèrent jadis les peuples de la Doride, L'isîhme de Coriathe fut d'abord peuplé par une colonie de Dorieos. Cette courte digression sert de transition aux victoires remportées par Euîhyraèoe, oncle mater­nel de Pytbéas, dans les jeux isthmiques, à Egine ei à Némée.

12. Dans ce mois que chérit Apollon, L'éqùinoxe du printemps, épo­que où se célébraient les jeux pytbiques et néméens, élail un temps consacré à Âpoliou.

13. Dam les riantes vallées de Nisus. C'est-à-dire, à Mégare dont Nisus avait été roi.

14. Chaque cité s*enflammer d*une noble émulation de la gloire, La plupart des villes de la Grèce voulaient à l'instar des grandes cités, avoir aussi leurs luîtes et leurs jeux. Ainsi Mégare célébrait des jeux pyihiens en l'honneur d'Apollon : ils furent d'abord appelés du nom de Nisus, roi de Mégare et second fils de Pandion. Mégare avait encore institué les féîes Ahathées, en l'honneur d'Alcathoùs, fils de Pélops. Epidaure et Athènes en célébraient en l'honneur d'Esculape ; Pellène, Marathon et beaucoup d'autres % comme nous l'avons vu dans les Olympiques el les Pytbiques, avaient aussi leurs luttes, leurs combats particuliers. Les athlètes venaient d'abord s'exercer à ces différentes fêtes, avant que de se présenter ans grands jeux nommés naveXX-rivuv iravui-Yopeiç, Olympie, Delphes, l'Isthme et Némée. Ainsi, ils préludaient à leurs grandes vic­toires par des victoires moins importantes. C'est ce qu'avait fait Pythéas.

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134 NOTES DES NÉMÉENNES. 11 élail ¥eoo à Mégare avec ses concitoyens, et Ses y a¥ait ¥âinees aux

jeux que cette ville donnait en l'honneur d*Apollon.

f 5 . Choisir leurs maîtres parmi les citoyens d'Athènes, Non seule­ment par ce qu'Athènes était la patrie de tous les arts ; mais parce que l'exercice de la luîîe y avait été introduit, les uns disent par Phorbas , les autres, par Thésée. Athènes fut, il parait, de temps immémorial renommée pour ses artistes es tous genres, aussi bien que pour la bonne tenue que ses généraux savaient donner à leurs troupes , puis­que Homère fait en ces termes l'éloge de l'athénien Meneslhée :

Tw ^oûxcaç TI; op.otoç imyfiositàv f&vrr'àvTip, KGffuvîiaou unrouçxe xaî àvÉ'paç iamiïmT&ç* NÉarup &toç IpiÇsv • 6 «yàp irpG evs'arspoç *îev.

(II. n 9553) .

Espérons que bientôt les citoyens de la nouvelle Athènes reprendrooî parmi les peuples de l'Europe moderne, cette prééminence que leurs ancêtres avaient à la guerre et surtout dans les arts et les lettres.

16. Les louanges de Thémistius. Aï eu! maternel de Pythéas, deux fois vainqueur à la lutte et au pancrace, à Epidaure, dans L'Argolide9 aux jeux qui se célébraient en l'honneur à"Esculnpe.

17. Devant les portiques du temple ttEaque, Voyez ce que Pausanias , n t 29, dit au sujet du temple et du tombeau que les habitants d'Egine avaient élevés à Eaque. Les- athlètes, natifs d'Egîne? venaient suspen­dre dans ce temple les couronnes qu'ils avaient remportées et les con­sacraient à ce héros. Voyez Nem. VIîï. 24.

NÉMÉENNE VI.

Alcimidas était natif d'Egine et de l'illustre famille des Bassides, qui descendait des Héraclides. Cette famille se rendit si célèbre an pugilat,. qu'aucune autre, dans toute la Grèce, ne reçut plus de couronnes, au

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NÉMÉENNE VI. 136 lémoigûage de Pindare ; c'était la vingt-cinquième victoire' que les Bas-sides remportaient dans Sa personne du jeune Âlcimidas. Mais telle est l'inconstance de la fortune à l'égard de l'humaine nature, que des cinq derniers membres de cette famille d'athlètes, deux n'avaient point eu le bonheur d'être couronnés : parmi ceux-ci se trouvait Théon, père du vainqueur actuel. Le poète en tire nu parti habile, en reconnaissant que, si la vigueur des Bassides s'est reposé dans Théon9 elle n'en a donné que plus de fruits dans le fils : ainsi les bonnes terres, après une année de repos, produisent d'abondantes moissons. On ue sait rien de précis sur l'époque où celte victoire fut remportée ; cependant le nom de l'alip'e Mélésiat que Pindare cite à la fin de sou ode 9 fait conjecturer que ce fut aux environs de la 80e olympiade. On présume que cet hymne fut chanté à Egiae dans un festin que donnaient les parents d'Alcimidas.

Tout le plan roule sur cette réflexion 9 en forme de sentence, que le poète sait si bien approprier à son sujet : Les hommes sont semblables aux dieux par Vorigine9 mais ils en diffèrent par la toute-puissance. Les Bassides n'eurent pas tous également en partage cette force athlétique, qui a rendu leur famille si célèbre; plusieurs d'entre eus n'obtinrent aucun succès ; mais ils étaient mortels, et ne pouvaient pas tous jouir de celte vigueur qu'il n'est donné qu'aux dieux seuls de posséder tou­jours, parce que les dieux sont tout-puissants. Ainsi les hommes diffé­rent des immortels. Il développe ensuite la première partie de sa sen­tence, c'est-à-dire, la similitude qui existe entre les dieux et les hommes, et il fa prouve par cette force extraordinaire dont furent doués en gé­néral les descendants d'Hercule, et par le grand nombre des victoires qu'ils remportèrent au pugilat. Il n'a pas besoin d'aller chercher des ornements étrangers, des digressions mythologiques, les Bassides lui offrent assez de belles actions à chanter. Il félicite donc Alcimidas d'avoir marché dès ses jeunes années sur les traces de son aïeul Praxt-damas, qui le premier des habitants d'Egine fut couronné à Ofympie, cinq fiils à l'Isthme et trois fois à Némée. Il rappelle aussi les victoires de Callias à Némée, à l'Isthme et à Pylho* Puis, après avoir chanté en peu de mots la gloire des Kacides, il revient à son héros, et finit par un mot d'éloge accordé à Mé'ésias dont le talent avait su conduire Àlci-midits à la victoire.

1. Une mère commune mous anima tons dm souffle de la vie» Pindare a suivi en ce point l'opinion d'Hésiode (Théogonie, v. 116 eî suivants). Ce

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136 NOTES DES NÉMÉENNES. poète supposé la terre mère des dieux et des hommes; « le Ciel, dit-il , fut enfanté par la Terre : Saîuroe prit naissance au cîeî ; Jupiter, le père des dieux, reçut le jour de Saturne, et de lui et de ses frères Neptune et Platon , descendent tous les autres dieu s, » Cette théogonie n'est évidemment qu'une tradition défigurée de la Genèse. On y lit, en effet, qu'âne partie des eaux de la terre fut enlevée par Se Créateur pour former le firmament ( dimitque aquas quœ erani sue firmamenio , ab his quœ erant super firmamentum ) ; que le soleil y parât ensuite, et que la terre échauffée par les rayons de cet astre t produisit d'après l'ordre du Seigneur les plantes et les animaux (producai terra animam wiventem in génère suo9 jumenia ei reptilia, eic»). Ainsi la vérité travestie et altérée par les fictions mythologiques, laisse toujours apercevoir la source pure d'où elle découle. De môme, la fable de Prométhée (fils de Japhet et petit-fils de la Terre), formant un homme avec de la boue, et l'animant d'un feu dérobé au ciel, n'est-elle pas le symbole de cette création merveilleuse à laquelle Dieu prélude par ces "paroles : Faeiamus homînem ad îmaginem ei simiiitudinem nostram i faisons l'homme â notre image et â notre ressemblance. Et le polythéisme aveugle sup­posa aussitôt des éléments entièrement homogènes entre la divinité et l'homme qui n'est que sa créature; et l'auteur de la Théogonie, le plus anciens des poètes païens (914 ans av. J. C.},se fit l'écho de cette opi­nion religieuse ei la sanctionna par ces mots : wç op.o'6ev •YCYaaat 0tot s

ôweCre àvôpwirot ; opoOev, c'est-à-dire, de la même origine, de la Terres

leur mère commune. De là sans doute vient que, dans le dialogue de Lu­cien intitulé : de ïaccroissement des vies, quand le marchand demande au philosophe : « Que sont les hommes ?» — Des dieux mortels, répond-il.— Que sont les dieux! — Des hommes immortels. Tristes aberrations de l'esprit humain, qui nous prouvent que les plus beaux génies , aban­donnés à eux-mêmes, n'ont été sous le rapport de la vérité religieuse, que vanité, mensonge et ténèbres.

2. Les dieux habitent à jamais un ciel d'airain. XaXxeoç oûpavrfç, non pas sous le rapport de la matière dont il se compose, mais sous îe rap­port de la solidité. Le mot d'ailleurs est poétique. Voyez Hom. Od. vi, 42; Hés. Théog. 428.

3. Cependant une grande âme, une intelligence sublime nous donnent, *tc. Ici Pindare est dans îe vrai : l'homme est la plus parfaite créature de Dieu et a pins d'un trait de ressemblance avec la divinité.

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NÉMÉENNE Vr. 137 4. Le sort terminer® la canière, etc. SchmidiussTourletet alii quidam

«vnv\ Bœckhius et Boissonade otav TIV' ob meîrum, ut olim coojecerat Hermaiiûtis. Omnino uitimi duo versus stropharum et antistropli&rum m hoc carminé ferè corrupti sent (Dissen.)*

5. Et se reposent ensuite pour acquérir une momette fécondité, Pindare se tire en poète habile de l'embarras où pouvait le jeter l'inaction de certains membres de la famille des Bassldes, qui n'avaient obtenu aucun succès à la lutte, ou ne s'y étaient nullement présentés. Par la compa­raison dont il se sert, il fait honneur aux ancêtres d'Alcimidas môm^ du repos qu'ils ont pris 9 puisqu'il n'a fait qu'accroître leurs forces et augmenter leur gloire dans la personne d'Akimidas leur descendant.

6. S'élancer avec bonheur dam h lice» Schmidius, Tourlet eî noonulli alii ireçavr* oùx ajj.oipoç, contra inetrum. Hermannus de diaiectico Pin-dari, nifmrai eux ap.p.opoçf quod receperunt Bœckhius et Boissonade noster,

7. Qui, le premier des descendants d?Eaquef ceignit aux jeux olympi­ques, etc. Praxidamas fut, en effet, le premier des Eginétes qui fut couronné au combat du ceste, dans les jeux olympiques (59e olym­piade); en mémoire de son triomphe, il se fil, dit-on, ériger une statue qu'il consacra aux dieux, d'après le vœu qu'il en avait fait (Pausao. livre îv, chap. 18).

8. Tira de l'ouMi Soclide f son père, le premier des fils dTAgésîmaque. Soclide, père de Praxidamas, n'avait obtenu aucun succès dans les jeux, mais il était devenu célèbre par les nombreuses victoires de son fils» Praxidamas.

Tôurîetf d'après le scboliasîe de Pindare, commet une erreur grossière au sujet de Soclide. Il dit qu'il fut le père de trois fils qui se distinguè­rent dans les jeux, et dont Praxidamas était Faîne, ou le plos vaillant bicépraxoç. Dans le texte, otrépTUTo; ne se rapporte point à Praxidamas, mais bien à Soclide que le poète dit simplement avoir été uwépmToç ou ?rpea€uT&Toç T£>V ulwv A'YYxnpué ou ; car telle est la généalogie d'Alcimi­das, d'après Pindare lui-même *. Agésimaqîie, eut pour fils aîné Soclide, et deux autres fils puînés; Praxidamas fut fils de Soclide et père de Théon : ce dernier eut pour fils Aîcimidas, le jeune athlète que chante. Pindare.

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138 NOTES DES NÉMÉENNES. Or, sur les cinq dont il est ici question , Agésimaque, Soclide 9

Praxidamas, Théoa et Alcimtdas, trois parvinrent au comble de la gloire, Tpeî; àsOXo rfpoi irovttv êrftmartQ, deus ne forent jamais cou* ronnés, Soclide et Thé©n.

9. Sont parvenus par letn 8 victoires à ce eowMe de glmm. Le teste porte wpo; axpov «perâ; ^XIG¥, sa smmmsm virtMis lauâem vénérant* id est vietoriâ. Voyez Pyîh. xi, f 10; Isthm. îv, 54 ; Simeaïd, in Rr. anal. T. i, p. I f 3 . èç a*pov àv^peiaç ixtoOflU. Anlh. Pal. fil, 55i* se fip ebçpev |&oucrrjç TE x&i ïj&n; TSXOV »Xa<?a*ç.

10. Que le* hymnes portés $wr iês aiks des vents t efe. Tourlet traduit ainsi ce passage ; Maintenant, s'il me faut aborder les plus grands sujets, je me flatte de pouvoir atteindre le but* Toi, qui ie connais t ê ma mme chérie, fais voler de ton are un des traits victorieux» C'est vraiment te donner bien du large. Voici ie teste en latin f mot-a-met : Spero me magna dicendo collimare, (idest, assecuturutn esse) ad scopum. Itaqne, ab arcu ejaculata, dirige ad hune (scopum), âge, ô musa, veatum-secun-dom sermonum célébrera. Litiéraiemmt. J'espère qu'ayant à dire de grandes choses, j'atteindrai cependant 1« but. C'est pouiquoi, © n*a muse, ayant bandé ton arc, dirige vers ce but le vent favorable et cé­lèbre de mes hymnes. OÎpo* fafav, le vent de mm paroles , comme il -a dît, oSpov upcav, Pyîh. îV , 5. Il prie sa muse de diriger îe Yeot, pour qu'il ne soit pas contraire ans traits qu'elle va lancer, et ne les écarte pas du but.

11. Bans la famille des Bsssides. Un certain Bassus, qui était Tenu établir sa famille dans Egine, fut, dit-on, la souche des ancêtres d'Alci-raidas.

• 12. Miche de sa propre gloire. Le texte porte to\a vauaToXs'cvTe; iin-

xufua, proprias laudes navi velientes* Semblables aux riclies marchands qui chargent leur vaisseau de leurs propres marchandises, sans être obligés d'avoir recours aui marchandises d'autrui pour compléter leur cargaison. NauoroXetv, par l'idée qu'il rend, devait être parfaitement du goût des Egiaèîes, presque tous navigateurs ou marchands,

13. Chéri des enfants de Latone, Apollon et Diane que nous avons vus (Pyth. îv) présider aux jeux solennels de Delphes.

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NÈMÉENNE VI. . 139 44. H fut couronné de la moin des Amphîctyoïu. Il ne s'agit point ici

du célèbre conseil des Âmpbictyons : il est certain que les Corinthiens présidaient eux mêmes aux jeux de l'Isthme, liais de temps immémo­rial, certaines tilles de la Grèce envoyaient plusieurs de leurs citoyens les plus remarquables, pour assister ans jeux qui se célébraient à Del­phes et à Corinthe. Il est probable que les habitants de ces deux villes faisaient honneur à ces étrangers de distinction, et se les adjoignaient pour la distribution des couronnes. Il a déjà éîé question de ces Am-pliictyons. Pyth. ivf f i i et Pyth. s* 48. On peut d'ailleurs consulter ce que Mûller rapporte de oette amphictyonie, Hist. Orchom. 560, i. De prisas Tripkyliœ cmiatièm* Voyeg aussi Strabon , li?. 8, au sujet de Famphictyonie établie dans 111e de Calaurie. Celte assemblée se compo­sait des députés des sept tilles suivantes : Hermioae, Epidaure, Egîup, Athènes, Prasies, Nauplie et Orchoméne.

4 5. Dans ces jeux que tous les trois ans on voii mparalite» Tous les trois ans, quoique, à la ¥éritéf les jeux de l'Isthme, comme cens de Némée 9

fse célébraient au bout de la seconde année révolue, ou au commencement de la troisième. Piodare appelle ici les jeux isthmiques TpirropîçTaupoçovoçy parce que dans ces solennités, on immolait des taureaux à Nepluoe. Homère, Odyss. m , v. 6S parle des sacrifices de taureaux offerts à ce dieu :

. # . . . # Toi friici flivl êaXdamç Upa péÇev Taûpouç içaLppikKtttç Èvo9Îx0ovt x'javoxatrsfî

Ipsi vero in littore maris sacra faciebant'tauros ©mnino-nigros Neptuno cœruleâ ceaaVie.

46, Enfin, aux pieds de ces monts antiques, La pelite ville de Némée était située près des monts Pbliasieos, non loin d'une forêt de cyprès dans laquelle les jeux se célébraient, Ph! in nie était à deux lieues au H» O. Piodare appelle Ogygims les monts de la Phliatie, poor marquer leur antiquité. Ogygês régnait à Thèbes, lorsqu'arriva le déluge qui a retenu son nom. Aiosi les Grecs appelaient Ogygieo tout ce qui était antique.

4 7. Moi, je ne plierai pas sous le double fardeau [dont je me suis chargé* C'est-à-dires la tâche que je me suis imposée de chanter et les

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140 NOTES DES NÉMÉENNES. hauts faits des Eacidesy et les vingt-cinq victoires qui ont illustré la maison des Bassides.

18. Maigre lajahme Fortune qui a ravi ù isjeumsuf etc, Alcimidas était compagnon d'âge et peut-être parent avec Timidas. Tous deux s'étant présentés pour la lutte, le sort leur donna pour maux des hom­mes d'une force bien supérieure à la leur ; tous deux Curent vaincus. Mais Mélésiasy leur maître » les forma si bien depuis , et en si peu de temps, qu'ils eurent bientôt pris leur revanche sur leurs compétiteurs.

Pindare fait ici mention de cette défaite d'Aleimidas, pour lui rappe­ler, au milieu des honneurs du triomphe, l'inconstance de la fortune, et le prémunir contre l'orgueil, qui suit ordinairement la victoire.

NÉMÉENNE VII.

Sogène en l'honneur de qui cette ode a été composée, était fils de Théarion, de la famille des Euxénides et de la race des Eacides. Il fut le premier des Eginètes qui remporta la victoire au pentathle parmi les enfants; il est même probable, comme le remarque Hermann, qu'aucun membre de la famille des Euxénides n'avait encore été couronné dans les jeux solennels de la Grèce. '

Pindare, en commençant l'éloge de Sogène, adresse ses vœux à lliibye, déesse qui préside à la naissance des enfants, et leur donne une jeunesse robuste : il reconnaît qu'elle a spécialement favorisé Sogène dans la victoire qu'il vient de remporter. Il fait apprécier à Sogène son bonheur, puisque îes^Muses vont le chanter, les Muses sang lesquelles les plus brillants exploits demeureraient ensevelis dans la nuit du tombeau. Ulysse serait-il devenu si célèbre, s'il n'eût trouvé un Homère pour vanter ses hauts faits. Ainsi la poésie qui embellit tout de ses fictions, éclaire les mortels trop souvent aveugles ; car s'ils étaient toujours capables de connaître la vérité, eût-on vu Ajax, lerplus vaillant des Grecs après Achille, se percer de sa propre épée , lui dont les filles de mémoire eus­sent immortalisé la vaîeur. Puis_, le poète fait une courte digression sur

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NÉMÉENNE VII. 141 Néoptolème, ûls d'Acbiile. Iî raconte comment ce héros* étant venu , après la ruine de Troie t consacrer dans Se temple de Delphes les pré­mices de ses trophées, trouva îa mort au milieu du sanctuaire d'Apollon; et de peur qu'on ne prenne eu mauvaise part ce qu'il rapporte de Neop-tolème f il ajoute qu'il était dans l'ordre du Destii^ que ce prince perdit ainsi la vie, et fût enseveli près du temple de Delphes , pour qu'un des Eacides présidât toujours aux jeux de Pytho. Enfla, revenant au jeune Sogéne il trouve que le sort de Théarion et celui de son fils sont vraiment dignes d'envie; et quoique la malveillance s'efforce d'obscurcir leur gloire, il proteste qu'elle vivra toujours, comme celle d'Ajax et de Néopto-lème. Enfin , il supplie Hercule de protéger son jeune héros et sa famittes

et de leur accorder les honneurs les plus glorieux.

i. Fille àe la puissante Junon, ÏUthye. Jupiter eut trois enfants de

Junoa , sa sœur et son épouse , savoir : Mars le dieu des combats ; Hébé,

déesse de là jeunesse, et-Ilithye, divinité qui prësidaii aux accouche­

ments. 9

È S* fi6r.v xal Apua ï Ml E&ttOuiavlTOCT&v. HéSIODE, Théog. v. 922.

Èkèiêmz ou Eûisfouia est la même que Piodare nomme ÊXSUôCô, Oîymp. vi, 71 . Son nom vient de èlian&w ou eiXiaaeiv ffusum volveie. Ilithye, en effet, comme protectrice des nouveau-nés, partageait en quelque sorte les fonc­tions des Parques, dont le pouvoir s'étendait sur la vie des mortels. Aussi le poète l'appelle-l-il wœpe^e? Motpôv. Chez les Latins, elle se nommait Lucine (quôd in lueem fœtus producebat). Elle avait un temple à Rome, où chaque particulier avait coutume d'offrir une pièce de monnaie. Ser-vius Tullius établit cet usage pour connaître exactement le nombre des enfants de Rome. Pausanias, chap. 35 des Gorinthiacfues, signale un tem­ple d'Ilithyeà Hermione, Theog. 450. — II. n.—Odyss. 19.— Apollod. 12.—Métam. 9 , v. 288.

2. C'est à toi que Théarion dut la naissance de Sogène* La naissance du jeune Sogène, dont le poète célèbre la gloire dans cette ode , est elle-même fort mystérieuse. On raconte que Théarion , son père , étant avancé en âge eîsans enfants, implora l'assistance de Jupiter dont il obtint un fils, qu'il nomma Sogène, c'est-à-dire, sauveur de sa race.

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142 NOTES DES NÉMÉENNES. 3 . Cm* les plus bettes mimm mmt enveloppées de ténèbres f etc. Legitur

vulgô tvi'SoXsv TOI , pr© qu© netri causa aut ivé'&Atv ai probandum, a ni frtôaXt rat. Illud Bceckbîas pratalit f hoc Hermaonns prsferre videtur » ut rat articulus sit, Yeîut Olymp# x m , 25.

4* Elles mm consacrées dans les fastes de Mnémosyne* Mnéraosyne ou k déesse de Mémoire (uwnp))t était fille du Ciel et de k Terre, sœur de Saturne et de Rtiéa. Jupiter, sous k forme de berger, la reodit mère des neuf Muses. Elle les mit au monde sur le mont Piérus, d'où les Muses fu­rent nommées Piérides, On attribue 9 dit Diodore de Sicile 9 à k Titantde Mtténiôsyiie fart du raisonnement et l'imposition des noms convenables à tous les êtres ; invention que d'autres attribuent à Mercure. Mais on ac­corde généralement à Mnémosyne le premier usage de tout ce qui sert à rappeler la mémoire des choses dont nous voulons nous ressouvenirf et son nom même l'indique assez. Mes. Thêog.—Pind* Olymp* xit, ïstkm, vi. — Pans» — Pline,—Platon lui-même rappelle en ces termes l'invocation que les poètes avaient ordinairement coutume d'adresser â Moémosyne et anx Muses : ôar' s-p-ye t xaOairep cl ircwrai, $so(*au âp;tP|Uvo;TO?nç&* TA; iïvtrçnettùç Mouea; xai Mm^omrm ÈmxaXEtoOai. Euifayd. p. 275. d.

5. Et trouvent dans nos hymnes la douce récompense, etc. Libri pleri-que eûpifSTai TIç , unde pronomen ejecït Hermannus. Schmidius et EOE-î iu l l i lôpfî TIÇ.

6. H smt que, fiches on pawres, les mortels viennent également se con-Jondre dam la tombe.

Pallido mors «rqe© puisât pede psuperam tabernas

Itegumque turres.

(tloB. Kb. t . o d I V . )

La mort a des rigueurs à trolle autre pareilles s **

Ou a beau la pr ie r ,

La cruelle qu'elle est., se bouche les oreilles

Et nous laisse crier.

Le pauvre, en sa cabaae où le cbaume le couvre,

Est sujet à ses lois;

El la garde qui teille aux barrières du Louvre,

N'en défends pas nos rois.

7. Le plus courageux des Grées après Aehilk. Le teste porte : m xpec-TiffTsv Àx&Xcoc I tsp , c'est-à-dire, quem , excepte- Achille, fortêmmumf etc.

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NEMEENNE VII. 143 Piodare a'déjà invoqué mm MB h témoignage «l'Homèref an sujet d'Ajas. Voyez Islamique IY, w. 64» Sophocle s dans Ajax f estime de même la valeur de ce guerrier, lorsqu'il dit : wXisv kyùXmç èV êtiïç' àpirro* Àp-•ysittv ; et Horace, Satire u , 3 , 192: héros ab Achille secundus* C'est donc bien à tort que Looicerosa traduit aioslce passage: quem optimum Aihiilis inprœlio comitem*

8. Surtout quand un Dieu bienfaisant prend soin Je la publier. Un des plus judicieux commentateurs de Pindare a jeté quelque jour sur ce pas­sage. Cekbmta mini Deiphis Çivia heroum, in quîbus Deus credebaiur eos hospiiio excipere, qui oiim , quum viverent, Delphot vénérant deum adora-turi\ Ms igitur communifesto honos habitas» Fuit autem pompa solemms mullarum viçlimarum, ut palet ex Pindaro Y. 67, in quâ eitabantur nomîna heroum, quorum h honore hsbebantur hœe Çsvta. Pmtsaerifieis, ludi age-bantur^ etc.

9. Mepôse maintenant dans les champs de Putho, C'est près du temple d'Apollon, que Pausanias, x , 24 v 5 y place le tombeau de Néoptolème. Voyez aussi Aselepiade, Scholies, Y. 62 , et Sîraboo, ix, 421.

10. L'ayant écarté de Scpros. Ile de îa mer Egée , où. régna Lyeomède, père de Déidamie. Achille, caché à Scyros sous des habits de femme, aima cette princesse, et en eut un fiîs nommé Néoploîème ou Pyrrhus. Apollod. 3 o. 13.— Strab. li?. 2 et 9.—Prop. 2. el, 9.

11 . Sur h mage d'Ephyre, Ville d'Epire ou de la Thesprolide, à l'em­bouchure de l'Âehéron, près de Cichyre. Elle s'appelait primitivement Glyeys, mais dans la suite Ephyre, fiîs du roi Mermére, loi donna son nom. Il y eut quatre filles du nom d'Ephyre : 1° une en Thessalie, c'est la môme que Craoon; 2° une en Achaïe, c'est la célèbre Coriathe; 3° celle dont il est ici question ; 4° enfin FEphyre des Mélieas.

12. U régna peu de temps sur les Molosses. Nation épirote habitant la Molosside, ainsi nommée de Molosse, fils de Néoploîème et d'Andromaque, Il paraîtrait que ce peuple est le même que les Tliesprotes, et que par conséquent on a eu tort de faire deux provinces différentes de la Thés-protie et de la Molosside. T. L, 8. c. 24 , 45. — Corn. Nep.f ThémisL , c. 8.—Paus*, Thés,$ 3. —JmL t 7, c, 6 ; tlf c. 5. Les rois molosses étaient de la race d'Eaque. Molosse, fils de Néoploîème, laissa le trône

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144 NOTES DES NÉMÉÈNNES. •X son frère Pielus, duquel descendirent les autres rois de la Molosside. Tharypas, l'un d'eus, introduisit en Epire le culte et Ses usages do là Grèce, à peu près vers îa 85e Olympiade.

13.- Provoqué au combat, il y périt, eîc. C'était use tradition bien éta­blie dans toute la Grèce que Néoptolème avait été tué à Delphes f dans le sanctuaire d'Apollon, et l'on assignait deux causes différentes à sa mort. Les uns prétendaient qu'après la ruine de Troie 9 Néoptolème pour ven­ger Achille , son père, que l'on disait avoir été tué par Apollon s était venu à Delphes dans le dessein de piller le temple , et que îa Pythie elle-même avait ordonné d'immoler cet impie dans le sanctuaire qu'il voulait profaner. Les autres assurent que le fils d'Achille n'était point venu à Delphes avec des projets hostiles, mais simplement dans l'intention d'of­frir des sacrifices à Apollon ; qu'au milieu de la cérémonie, une dispute s'éleva entre ce prince et les sacrificateurs au sujet des victimes ( xpewv y<77Ep ), et qu'il fut assassiné aux pieds des autels, par Machérée, prêtre d'Apollon. Pausanias, dans ses Corinthiaques 9 rapporte que Pyîade , l'ami d'Oreste, fut complice de ce meurtre, soit pour plaire à Oreste qui s'était vu enlever Hermione son amante par Néoptolème , soit pour ven­ger sur le petit-fils de Pelée, son bisaïeul Phocus, auquel Pelée avait

. donné la mort. Justin assure que ce fut Oreste lui-même qui tua Héop­tolème dans l'enceinte du temple : Brevi post tempore, DelpMs imiiiis Orestœ fdil Âgamemnonis, inier aliaria Bei_ iuteriit. (Jusl. hist. lib. XVIII , cap. 3.)

Le schotiasfe prétend quePindare ayant déplu aux habitants d'Egine, pour avoir avancé dans un pœan chanté à Delphes, que Néoptolème était mort à(i.çiiroXoi<R p.apwép.E¥ov pioipiav wepl TIJAôCV àiroXuXcv, reçat de leur part un avertissement sévère; et que pour rentrer en grâce avec eux et les flatter, il avait avancé dans cette ode (Ném. vu) qu'il était dans le-destin qu'un des descendants d'Eaquefûî inhumé près du sanctuaire de Delphes pour présider aux jeux solennels. Rien ne devait plaire davan­tage aux Ëginètes qui faisaient un si grand cas de leurs héros et surtout desEacides. (Voyez Benedictus et les notes de Heyne.)

14. Le miel et les aimables fleurs elles-mêmes ont aussi leur dégoût* Homère a dit :

navrer p,èv xopo; Ion , xat uirvou, «al ç IXOTUTOç , MoXir ç xe -yXuxspïiç, xat àpwp,ovôç cpyjjÔfj.oîo.

I I . lib. xiii*

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NÉMÉENNE VIL 145 « Ton! amène la satiété; et le sommeil 9 el l'amour, el les douces

« chassons, et les nobles chœurs de danse. •

1 S. Je ne craim point même que tJchéen, habitant le rivage Ionien* Le telle porte uirip àXo; 9 idest ad mare y ad littus maris, La plupart des bous auteurs se sont servis de cette expression uws'p dans le même sens; ainsi Strabon , vu, p . 3Î4 : uiripxiiTOti $à TOûTO'J piv Tôû Xô'XTCOU t etc. ; et plus loin, [uxpov &iràp rnç êsXéivnç ov. Ibid. p. 326. xxl xà ûwèp TOù lovtou xo'X «eu. Thucydide, i , 46. fort îs Xipwv xal woXiç ûwsp aùxou XSïTSU àwo OaXswcnsç. EQ effet y les pays situés sur les bords de la mer s'élèvent su-dessus du rivage. %

Pindare eu appelle ici au témoignage de toute la Grèce ; c'est -pour cela qu'il nomme les peuples les plus opposés par leur situation lopogra-phique, cl abord les Achéeus ou Epirotes , habitant les confins les plus reculés de la Grèce occidentale sur les bords de la mer Ionienne ; puis Thèbes , sa patrie, située à l'orient, non loin du rivage de la mer ' Egée.

16. Partout je m'appute suries Mens sacrés de l'amitié, sur les droits de tkospitalité. Bisseodis et Bœckh conjecturent que Pindare avait, chei tous les peuples de la Grèce 9 des droits dshospitaii(é gratuite, semblables à ceux que les Àmphietyons avaient accordés à Polygnote, peintre célèbre de Thasos , qui était logé et défrayé aux dépens des villes où il faisait sa résidence.

17. Je proteste denCj ê Sugène, digne rejeton d'Euxeïius, que mes chants f

semblables â la flèche armée d*airain s oui volé vers loi- sans dépasserie but* L'envie s'était déchaînée contre Théarion et Sogène lui-même ; leurs nom­breuses victoires avaient trouvé beaucoup de détracteurs. Voilà pourquoi Pindare affirme avec tant d?énergie que ses vers sont à l'abri de tout re­proche de flatterie, et proteste que les louanges qu'il accorde à son héros et à sa famille , sont la récompense bien méritée de leurs vertus et de leur courage.

18. Ta es sorti de la lutte avant que ta tête et tes membres robustes f%sm

sent mondés de sueur» Le schoiiaste avance que le jeune Sogène se mon. ira si vigoureux dans le premier des cinq exercices du Pentathle, que ses antagonistes lui cédèrent le prix, sans combat, dans le* quatre autres*

10

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146 NOTES DES NÉMÉENNES. DisseOî«s oe partage pas cette opinion ; iî avance, au contraire, que ce jeune et robuste athlète s'était débarrassé en fort peu de temps de ses an­tagonistes, el les avait vaincus dans les cinq genres de combats qui compo­saient le Pentathle.

i9. Vois, ma muse rassemble IV , f airain, l'ivoire et ceUefleur écimanie que produit la rosée des mers, La victoire de Sogènê avait été des plus glorieuses ; c'est pour cela que le poète veut lui préparer une couronne extraordinaire d'or s d'ivoire et de corail, dont l'éclat ne se ternira ja­mais, et rappellera aux descendants du jeune héros le souvenir de ses triomphes.

20." Eaque, le protecteur et l*appui de ma pétrie, fui en même temps et ton frère et ton hôte, 6 puissant Hercule ! Comme bienfaiteur de Tbèbes , Hercule appartient à la patrie de Piudare , et comme frère et hôte d'Ea-que} il n'est pas étranger à £gine9 patrie des Eacides. On a vu dans les odes précédentes s que l'éloge d'Eaque accompagne celui d'Hercule-; l'un et l'autre furent f en effet, les fils du môme péret c'est-à-dire , du puissant Jupiter. H faut remarquer en outre qu'Hercule , étant l'époux d'Hébé» déesse de la jeunesse 9 devait aussi figurer dans cette ode; où lé poète vante la force du jeune Sogène, qui avait à peine atteint l'âge de l'adoles­cence , lorsqu'il sortit victorieux du Pentathle.

21 . Le lieu oà il a fixé sa demeure, situé au milieu de tes bois sacrés , n'est-il pas susèi proche de ton sanctuaire, etc. Il parait que la maison qu'habitait Sogése9 à Egine, était bâtie tout près d'un temple d'Hercule, et d'un bois consacré à ce dieu.

22. Que (es fik de tes fils jouissent des honneurs qui Venvinmnent e#«-jouré'kui, etc.

N'JV &i W Âtvetae (lin Tpatoeiv dtvslÇct Koù iraZ$tç na&uv t Tôt xtv (iSTOtnoOe IVCûVT&I

I I . « , v. 308.

« Énée régnera sur les Troyens, lui et les enfants de ses enfants» j i s -« qu'aux siècles les plus reculés. »

23. 0 Jupiter Corinthien ! Les habitants de Mégare y après a%oir été

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NÉMÉENNE VIII. 147

longtemps soumis aux Corinthiens, parvinrent à secoua le joug et recou­vrèrent leur liberté. Corinthe ne pouvant pour le morne aï faire rentrer les rebelles sous son obéissance par la force des armes, se contenta de leur envoyer des députés pour leur reprocher leur infidélité , et tâcher de les ébranler par certaines considérations. Arrivés à M égare, les députés co­rinthiens se comportèrent avec arrogance , et cherchèrent à épouvanter les Mégariens par ces paroles qu'ils leur répétèrent souvent : AIXXICûç ortvoÇet o âtoç KoptvOo;, si pu XTA+OITO ovmv «ap* opûv. Outrés de ces me­naces» les Mégariens chassèrent les députés à coups de pierre, et se pré­parèrent à la guerre. Elfe eut lieu % en effet, peu de temps après t €t les Corinthiens y furent mis en déroute. Les Mégariens les poursuivirent dan s leur fuite en leur criant : Hait , trais TO* Atooxo'pivOov ! Vengez^vom de votre Jupiter Corinthien > de ce qu$ë n'a pas su mmpmin C'est du mot Atooxrfptvfav répété dams des circonstances bien différentes par les Corin ihîens et les Mégariees, qu'est venue cette'exclamation proverbiale : O Ju-piler Corbahienl Voyez Erasme, ckit 2. cent. I . adag. 50 , Jom Corin m

il tus.

NÉMÉENNE VIII.

Cette ode est consacrée à Dinis ou Dinias , jeune citoyen d'Egine, qui avait remporté deux victoires à la course du sîade. Son père Mégas avait aussi mérité les honneurs du triomphe ; mais il était mort depuis long­temps. Le poète chante le fils, et rappelle la mémoire du père. On ne sait rien de bien précis sur l'époque où. Dinias fut couronné ; il parait ce­pendant que cette ode fut composée la troisième année de la 80» Olyer piade : elle fut chantée en public dans le temple d'Eaque 9 parce que Dinias avait dédié sa couronne i ce prince.

Pindare débute par réloge de la beauté , faisant allusion à l'extérieur séduisant du jeune Dinias9 sans vouloir toutefois le louer directement d'un avantage qu'il tient de Sa nature et de la boaîé des dieux. 11 chante parti­culièrement la beauté de la nymphe Egine, appelée aussi Œoone, beauté qui lui mérita les faveurs de Jupiter, et son hymen avec ce dieu 9 duquel naquit l'immortel Eaque. Il craint que la sublimité de ses chants n'arme

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148 NOTES DES NÉMÉENNES. contre lui Vernie qui déprécie toujours les grands talents, Aiosi Sa ¥aleur d'Ajax céda aux coups de l'envie et à la perfide éloquence d* Ulysse} qui, par ses discours artificieux, força les Grecs à lui adjuger. les armes d'Achille , au préjudice du Taillant.fils de Télamou. Il ajoute que les effets de l'envie et de la fausse éloquence ne sont pas moins fu­nestes de son temps, qu'ils ne l'avaient été à l'époque qu'il rappelle, stigmatisant ainsi d'une manière indirecte la haine et la jalousie que les Athéniens portaient aux habitants cfEgine s à cause de la puissance qu'ils avaient acquise sur mer, et de l'état florissant de leur commerce. Mais il proteste en même temps qu'il n'abusa jamais de son talent poétique ; qu'il n'a loué que les vertus, et qu'en mourant , il veut laisser à ses fils un nom sans tache. Puis il s'adresse aux deux vainqueurs, père et fils 9

qu'il appelle ses amis, regrettant de ne pouvoir rappeler à la vie Mégas le père de son jeune héros. Du moins, il lui érige une statue plus durable que la pierre, en lui consacrant une partie de cet hymne qui doit immor­taliser sa mémoire, et faire oublier à son fils , encore bien jeune, le s peines et les travaux que lui ont coûté ses triomphes.

1. Qui appelles à la suite, les amours, aimables enfants de Vénus* Le îexîe porte: 5&âp«iÇ À^poStraç «aSpostâv cpiXo7«reav, prœco Veiuiis dulcium amorum. Voyez , quant à l'expression xapvÇ, aj^eXo; pris dans le même sens, Jacobs Auihol. t. vu, p. 102. Delect. Epigr. p. 243.—fipairo-rvia, etc. ftpa signifie cette beauté de couleur, cette fraîcheur que l'on remar­que dans un fruit mûr;ici ftpa est proprement, pnbertas, pubertatis Jlos. Àaêpoéiâv, dorien pour àp.ëpo«îcôv ; cet adjectif a moins la signification de àôavatttv, immortels^ que celle de i^eeav, aimables,

2. 0 fol qui brilles sur le front des vierges ei dans les yeux des jeunes hommes ! Schmidius : àt£ irapOeviotat xaî natSwv içiÇoiax pXscpapotç, Sed libriirfttôwvT', et Aug.Jc. irapÔ£w!«fundèPindarum emendavit Herman-nus. — Mon vulgo dtv* àymçf sed libri onines, àva-pa;.

5. Tes attraits inévitables allument dans les cœurs mortels des feux, source de bonheur pour les umf pour les autres des maux les plus cruels. Le sens littéral est : Pubertas sedens in ocuUspuberumet accemdens amores in ii§9 qui eos vident 9 alium pnberummansuetis manitou necessitaiis gestat, alium aliis, id est, alium dulcl vi ducii ad felices amores, alium duré et asperà ad infelices, —x6*P£» âva-pxç, conter Pyth. iv# v. 416.—tVc'paiç, hoc est, asperis, per euphemisraum, cf. VaScken, Diatrib.p. 112. et

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NÉMÉENNE VHÎ. 149 •ici. supra ad Pyth. m, Y. §0. Celte phrase sert de transition an poêle pour eo wealr aux. amours de Jupiter et d'Egine, dool i! se pouvait se dispenser de célébrer là mémoire 9 dans ose ode composée en l'honneur d'un citoyen d'Egioe.

4 . QEnone est ici la même qo'Egine, fille du Qeufe Âsope. Culte nymphe fut aimée de Jupiter, qui la visita sous la forme d'une ianime, et la rendit mère d*Eaqae et de Rhadamaote y juges des enfers. Dans sa fies liesse , OEfioae obtint de Jupiter d'être chaugée eo une î le, qui porta depuis le nom d'Egine. (Voyez la note 14 de la IV« Pyth.)

5. De foules parts accoururent vers lui, etc. Soil que le poète feuille ici parler de la députaiion que l'oracle ordonna aux peuples de la Grèce d'envoyer i laque , à l'époque d'une grande sécheresse ; soit qu'il Casse îei allusion à It multitude de guerriers et de rois 9 qui venaient de toutes parts consulter le législateur d'Egîne » et le prenaient pour arbitre de leurs disputes et de leurs différends.

6. /'apporte m offrande une couronne embellie de m»s chants lydiens. Le texte porte : <pép«v Ao&tav (urpav xava^Sa ircirouuXpbivxy t apportent une mitre lydienne % aHistement variée par les sons, pour servir de statue néméenne en £ honneur, etc. Cette double métaphore de mitre et de statue, pour exprimer un hymne chanté sur mode lydieo,ae peut pas être reçue dans notre langue. A la place de mitre ( qui est aa ornement de léte sur lequel les anciens plaçaient la couronne du vainqueur) j'ai substitué le mot couronne i puis j'ai remplacé celui de statue âf<xXts.a9 par souvenir.~» nmayj^k^momîliiha'^ littéralement: Omatum sont s musieis tièimt xma-yyiïk, de même que xavaxai aùXôv f Pyth. x , Y. 60 ; et Soph. Trachin. 641. mlhç où» àvopotav t«xW¥ **v3ix*v tirâvsiatv. Il faut d'ailleurs se rap­peler que celte ode fut chantée dans le temple d'Eaque.

7. Tel fut jadis le Bonheur de Cmyras, Cinyras, roi de Cypre, amassa des richesses si considérables, qu'elles passèrent eo proverbe, comme celles de Crésos. Quelques auteurs le font régner en Phénicie, sur les bords de l'Adonis, Vide Suidas. —Plat, de Legg. H9 p . 660 s ibfq. Ast. p . HS. luterprelt. ad Orid. Met. x s 357 f praeserîim Bormann. Vide eîiaro Pyth. ii , Y, 15, 26.

8. // ut si dangermx d'exposer â la critique des hommes les récits de la

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150 NOTES DES NÉMÉENNES. nouveauté. Le poète fait ici allusion à l'inceste de Myrrhe, fine de Ciayras, qu'il est bien aise de ne pas esposer à la critique des bénîmes. Le teste porte: insu; xiv$uvoç, littéralement : il y a tout danger âf etc. ?oy. Àristôph. Nub. 954. —éntowa fat&ycn s Plat. Theatet. p. 485.— noies, xaoda t De-most. de Coron, p. 319.—misa. efixXiia, Sopb. Aj. v. 436.—%m xlp^oç f

Eurip.Med. ?. 459.

9. Les généraux des Grecs donnnèrent en secret leurs suffrages ù Ulysse, On croît que le roi dsIthaque ne l'emporta que d'une vois sur Ajax son compétiteur: ce fut Ménéias qui, par son suffrage, lit ainsi pencher la balance en faveur d'Ulysse. Aussi, dans l'Ajax de Sophocle , Teucer ap~ pelle-t-il Ulyse xké'Kvni tynyomùç, voleur qui arrange les suffrages pour tromper.

10. Et t invincible Âjax, ainsi privé des armes glorieuses d* Achille. Il y a dans le texte : xpuaeov ^Aiaç «mpôeiç owXwv, aureis verb Âjax dëfrau-datas armis. Les armes d'Achille étaient enrichies d'or, et avaient été for­gées par fulcain.

Xpueoç *yàp spûxaxa £&pa Oscîo. I I . XXI. Y. 368.

I 1. Soit dam ce combat qui s* engagea sur U corps € Achille expirant. Ce combat fut des plus acharnés. Ajax et Ulysse y rivalisèrent de courage et d'audace pour arracher la dépouille mortelle d'Achille aux maios des Troyens. Ulysse cependant s'y montra moins bouillant et moins téméraire qu'Ajax. Voyes Homère, Od. v, T. 309. — Sopb. PhilocteL v. 373. — Ovide Met. xu i , v. 264. Tout ce passage de Kndare fait allusion à la ja­lousie que les Athéniens avaient eotçue contre les Egiaèles, dont le cou-ftf e et l'habileté avaient puissamment contribué au succès de la bataille navale de Salamine. En effet ? les vaisseaux d'Egine manœuvrèrent si bien dans cette circonstance périlleuse , que les habitants de cette île furent reconnus pour Ses premiers matelots delà Grèce ,*d'apres le suf­frage de tous Ses peuples confédérés. C'est aussi le témoignage qu'en porte Hérodote fin, 93. iv Se TJ v«op.«x*« TflWTç wwuffav ÊAXiQVtov aptcrra Ai-•ymfruî. Voyez aussi Isth. v, v. 61.

12. Soit dans ces jours de earnagef etc. Valgô woXticpôopotcnv sv àfiipcuç, Hermannus icoXuço'pounv suadet ; melius Bœckbius h itoXuçfopotç repo-suit.

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NÉMÉENNE IX., 161 13. Elève ians les aire m eime verdoyante. Le teste porte : àtphîoa

«poç bjçh «fit'pa , exdlata ad iiqmdmm œiheremf id est, allé in airem. Homère a dit» Od. s , 20 : x«t |uv xkioç oupavov Uu ; Aristophane, Nuées, 4S9 : xX**oç oôpoWj«nx««. Pindare §e sert ici a*ec beaucoup de grâce de fa comparaison d'an arbuste qui prend an accroissement rapide , f mm f

idée qu'Homère, Od. vif 163.167, rend par | v % w ^ ; et II. YIU , 56 , 417, par Âvolpajuiv. Horace parait avoir ©ippruiHé au lyrique d© Thèbes eette dMipasalioa » lit. i 9 od. 12, v. 45 :

Cre«dt oecoSi© weîuî arbor xw®

Ftma Marcellï.

l i é Maie je puis par mes chant% dresser â ta famille et aux Chariades, etc. Les Cbariades composaient à Egine une tribu nombreuse» de laquelle Mégas et Dis las son fils tiraient leur origine.

15. Longtemps avant les combats â*Âdraste avec les enfants de Cadmms. C'est-à-dire 9 longtemps avant la guère de Thèbes que Poljuiee soutint contre son frère Etéocle, sous h conduite d'Adraste son beau-père. Vof. $îmef fhébmde; Soph9 Œdip* û €oL; Pind. Ném. ut.

NÉMÉENNE IX.

La mctmm que célèbre cet kjmm ne fut pas remportée à Méméef mais a Sieyoae, dans les j e u pjthieiis, iaslituéss selon les uns, parClisthéoe, à.l'époque de la gaejre de C<irrjha9 et selon Pindare, par Adratte, roi d'Argus. Cest donc à tort que les grammairiens ont mis cette ode an nombre des ffénéesneiy puisque €htomimf ou plutôt l'écuyer qu'il avait chargé de le représenter, ne remporta point le prix de Sa course des chars à Hémée. Ce Chromius est le même que Pindare a déjà chanté dans la pre­mière Néméenne: il habitait la nouvelle ville d'Etnaf dont il était gou­verneur mus HIéroa, roi de Sicile. Ce ne fut que plusieurs années après sa seconde wietoire, qu'il chargea Pindare de le chanter encore une fois, (la première année de la 77e Olympiade 9 selon Bœckh). IS saisit l'occa-

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152 NOTES DES NÉMÉENNES. rion de l'anniversaire de» jeux de Scyone , elfil célébrer son triomphe comme s'il était tout récent. Pindare y assistait 9 précédant le char sur lequel le vainqueur traversa la ville, an milieu du concours et des accla­mations de tous les citoyens. Après la fête 9 l'opulent Otromius convia les principaux habitants d'Etna à un banquet somptueux.

Dès son début, le poète invoque les Muses et les engage i se rendre de Sicyone à Etna pour célébrer la victoire remportée par Ghromius dans Ses jeux qu'Adraste institua jadis à Sicyone, Il raconte alors comment ce roi d'Argos chassé de ses états par Amphiaraûs y se réfugia chez les Si-cyoniens qui lui décernèrent le souverain pouvoir. Que là , s'étant récon­cilié avec son rival, en lui donnant sa sœur Eriphyle es mariage, il mar­cha contre Thèbes où toute son armée périt avec les chefs qui la com­mandaient : Adraste seul se sauva du carnage, ainsi qu'Amphiai-afis que Jupiter déroba aux coups de Périclyméne.

Après cette digression , Pindare revient à Chroioius, en faveur duquel il adresse ses vœui à Jupiter, le suppliant de repousser au loin les lances des Carthaginois. Ce peuple venait de faire une descente eo Sicile , et avait été défait sur terre et sur mer dans une sanglante bataille où Chro- -iiiios s'était spécialement distingué : ce qui donne lieu au poète de louer la bravoure et la présence dfesprit de son héros 9 qu'il ne craint pas de comparer au vaillant Hector. Il remet à une autre époque le récit des au­tres exploits de Chromius ; et le félicite d'être parvenu au bonheur, au-delà duquel il ne lui reste rien à désirer. Enfin 9 il veut que les chants animés par le vie et Sa joie des festins 9 perpétuent la gloire que son vainqueur s'est acquise dans les jeux célébrés en l'honneur du fils de Latone.

i . Muses, quittez Sicyone* Sicyone ( aujourd'hui Basilico), capitale de la Sicyonie, au nord, à peu de distance de la mer, entre les fleuves Asope etEIisson. Egialéey fonda, vers fan 2089 avant Jésus-Christ, nu empire, le plus ancien de la Grèce , qui d'abord porta son nom, et prit ensuite celui de Sicyoo, Tue des rois postérieurs. Trente-deux rois succédèrent à ce prince. A la mort de Charidème 9 le dernier de ces mo­narques ( 1089 avant Jésus-Christ ), les Héraclides, maîtres du reste du Péloponéife depuis quinze ans, conquirent aussi la Sicyonie, et y établi­rent une république. Sicyone resta ensuite longtemps sans importance ; mais elle se releva daos le deuxième siècle avant Jésus-Christ, lors de la confédération achéenoe , dont elle devint en quelque sorte la métro* pôle.

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NÉMÉENNE IX. 1Ô3 Le* Sicyoeless passaient peur le peuple le plus efféminé de la Grèce

Cependant ils aimaient les beaux-arts 9 et leur ville donna naissance à un grand nombre de sculpteurs et de peintres, à la tête desquels il faut pla­cer Polyclète et Lysippe, Pausias et Timaathe. Àratot§s qui se rendit si fameux i l'époque de la ligue des Aehéeai, était aussi natif de Sicyone. Pausanias, dans ses Corintfaiaques f fait la description des somptueux monuments qui ornaient Sicyone ; et ses récits sont confirmés par les nombreuses médailles qui nous restent, âclrasle 9 fils de Talaûs, roi d'Àr-gosf avait institué à Sicyone la course solennelle des chevaux et des chars, a S*Instar des jeux de Delphes : des couronnes de leurs et des cou­pes d'argent étaient la récompense des vainqueurs» Luerèe», f, v. i l S 8. — Cie. ©réf. f, c. 54. — f. L.% 32, c. 16 ; 33, c. 5. — Strat., 8. — Virg.t [email protected] 2 » v. 519. — Ap&lhd.% S, c. 5. — P. Mêla, 2, e. 3. — PSMS99 % c. I.—PluL9 v. de Démetr.; v. d'Amtm,

î . Vers la cité nouvelle à* Etna. C'est l'ancienne Caîane, rebâtie près du mont Etna, par îe roi de Syracuse , Hiéroo , qui y avait établi Ghro-Hîias en qualité de gouverneur.

3. La foule d'étrangers qui se pressent sous sesportq nés. Littéralement: «M repkim ab hospiîibm victœ-simi fores : |etvwv vevixav?ai, le verbe vucàoOai se trouve souvent avec un complément au génitif. Yoyez Soph., Ajax, 1340. Aristoph. Nuées, 1078. Eurip* Hippolyt. 458. Deiectus Kpigr. p. 421. Matin, Grain, p. 671.

• 4. Son char iriomphal, traîné par deux coursiers vainqueurs' dans la carrière. Chromias entrait en triomphe dans Etna, sur le char avec le­quel son écoyer avait remporté, il y avait déjà quelque temps , la vic­toire aux courses de Sicyone.

5. Digne de Latone, digne de ses deux enfants, éternels protecteurs des jeux au'on célèbre â Pytko, Latooe et ses deux enfants, Apollon et Diane, étaient honorés conjointement dans plusieurs villes de la Gréée; c'est pour cela que Pindare les appelle ici tous trois protecteurs des habitants de Delphes, et présidents des jeux Pythieus (Voyei l'édition de Bœekh.). naturellement ces trois divinités devaient aussi présider aux jeux Pythieus établis à Sicyone.

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164 NOTES DES NËMÉENNES. 6. De sauver de t&uèli les sciions héroïques» Horace a Imité ce pas­

sage :

. . . Hou ego te mms

Ghartis lahoEoratum tilebo

Totqa© tues patiar îaborei

Impeaè ( Lolli, «aryere iividlii*

Obtiennes*

« Non, cher Lolîius, je ne souffrirai p@in£ que smiè «leeee vous prive « des éloges que vous méritez v et qu'an ooMi jakwx dévora foi QQIO-« breux et nobles travaux. »

Ltv. iv, ode 9.

7. Sur les bords de ÎÂ$opef petit fleuve qui arrosait Sieyone. U sortait des frontières de l'Arcadie, près du mont Cylléne, et se jetait dans le golfe de Gorintbe. Les anciens croyaient que c'étaient le Méandre , qui traversait la mer, et reparaissait dans le Pélopopèse sons un nom diffé­rent.

Pindare attribue ici & Âdraste l'institution des j e u Sicyoniess ; il est en contradiction avec ce que nous avons rapporté plus haut au sujet de Clisthène, dernier tyran de Sicyone : & moins qu'on ne dise que celui-ci remit seulement en honneur les jeun fondés par Adraste ; ce qui est arrivé à presque tous les jeux de la Grèce.

S. Ainsi les enfouis de TslaM, Taîaûs fils de lias et de Péro, fut un des Argonautes. Il régna à Argos et eut Adraste pour fils ; il perdit la vie par les artifices d'Amphiaraus. Orphie, Ârg*9 v. 142. — Apollon 9 arg. 1, v. f 1S.— Àpollod. 1, c. 9; 3, c. 6. —Paussn. 2f c. 6 eM3.

9, A qui elle devait être si funeste. Amphiaraûs s'était caché pour ne pas prendre part à la guère de Thèbes , où il savait qu'il devait périr; Eriphyle t son épouse f découvrit sa retraite, et Amphiaraûs trouva la mort en fuyant du champ de bataille.

f 0. Sur les bords de Yïsmm. Fleuve de Béotie , qui prend sa source dâH8les environs de Thèbes, et se jette dans l'Asope.

If. Frappé dans m fuite parla lance de Périclymène. Le scholiaste fait ce Périclymène fils de Neptune et de GMoris1 fille du'devin Tirésias. Sur

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NÉMÉENNE IX. 156 le point d'en venir aux mains avec Périclymèoe , Araphiaratïs, qui d'ail­leurs ne manquait pas de courage, prit subitement la fuite pour échap­per à la mort que l'oracle loi avait prédite. Mais Jupiter eut pitié de lui, et pour le préserver d'une mort honteuse , entr*ôuv rit la terre d'un coup de foudre y et y engloutit Amphiaraûs avec son char et ses coursiers» apity sv P % ' faicoiç ;ce lies y qui dans la suite fut appelé App.*, était situé sur la route de Thèbes à Chaleis. Pautan» m ÂUie.

12. €*e$î ainsi que fuient ks enfants même des dieux. Piodare qui était Tfaébais y eicuse k fuite d'Amphiaraûs par Sa terreur surnaturelle » $ai-ptivioiai «oêacf qu'un dieu plus puissaut lui avait inspirée. Anisi Ajax ;

d'ailleurs si intrépide et si vaillant, prit k fuite devant Jupiter (Iliade , liv. il, • . 546)* ivrpoitaXi£ôf*,tvQçt ©Xiievyow fGuv&ç àf/LtiÇuv,

13. Immortel fis de Saturne, si je fournis à force de pœux et de prières. Pindare revient ici à son sujet ,/en faisant des vœux pour k ville d'Etna $

et es rehaussant k gloire que Ghromtus s'était acquise dans k guerre contre les Carlhaginois9 sous le régne de Gélon.

14. Partout le sentiment de Vhomneur enflammait son corn âge, Nous avons traduit par le sentiment de tkonmem ces mots du texte mim §goç9

Ma Qea. H s'agit ici de cette divinité que les Grecs nommaient Attéc, Pudw9 $eu metus ne qmd cemmiîmur vituperio dignum y et dont Hésiode fait mention dans les Travaux et les Jours.

K&1 TôT* <H rpsç OXup.wsv itA yfiwhç tùpuo$tui; Atuxbtwv cpapttgcît xaXu<|>*ruv«) xpo« *eiXs* Aôavarcâv p.em <p5Xsv ÎTïJV , TrpeXiwovT' àv0p««ouç, Aiiïmç xalNéutSatç.

Opéra et Dies, • . 199.

n Alors , promptes à fuir la terre immense pour l'Olympe, k Pudeur m et Némésis, enteSoppant leurs corps gracieux de leurs robes blan-« ches, s'envoleront vers les célestes tribus et abandonneront les hu-« mains. »

15. Surent » comme lui, allier au milieu du carnage. Le texte porte; 90'vGu vtçsXavv eœdis nubem* Ce genre de métaphore est très-usité dans Pindare. Votez Istbmique îv , ? . 26 , rpaxeîa vi«à; itoXif/LOio ; vu f ?. 37.

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156 NOTES DES NÉMÉENNES. •v TAUTç vt'fsXa x<cXa£&v aiaaT&ç; cf. Eschyle, les Sept Chefs» v. 197. Klolz. ad Tyrtœum, p. 86. Virgil. An. XII, •. 283.

16. Sur les rives escarpées du profond Ht'lore. Fleu¥© de la Sicile, ayant son embouchure sur le ri?âges oriental , un peu au-dessus du pro­montoire Pachy ou m. Chromius se'distingua sur les rives de l'Hélore, comme Hector sur les bords du Scamaadre. Eu effet, Hippocrate, tyran de Gela , après avoir subjugué les autres filles voisines$ marcha maire S)racuse, à la tête d'une vaillante année. Gélon f frère d'Hiéroo, ac­compagné du jeuae Chromius, commaodâit la cavalerie. Les Syracusaifis vinrent au-devant des ennemis, et furent complètement vaincus. Chro­mius fit des prodiges de valeur dans ce combat. Voyez sur le combat au­près du fleuve Hélore , Hérod. vi, 154, eî les schoîiastes de Pindare. Quelques temps auparavant, Chromius s'était déjà couvert de gloire eu combattant les Carthaginois.

17. Le gué de fa menace. Le scholiaste présente ici deux leçons, lpii*ç ro'pcv, le gué de la menace, et Ptimç wopev, le gué de Rltée ou é*Ârée* Quelque autres prétendent qu'on doit traduire, « le gué de Mars», Marîis Irsnsitum. Mais Àpsiaç n'appartient à aucune forme grammaticale du nom appellatif de Mars, Âpmç, Âpioç. On trouve dans Suidas le subs­tantif Àptti), génitif ÂptiDç, dorique ÂptCaç. Ce substantif, dit Suidas, est synonyme d'aurtiXTi, menace t bravade , etc. Homère le prend dans lt même sens

Epcîo Se ^CîSV, àpii; «Xxriipa ^tvtoSou. Me vero desideravit, malum qui propulsarem.

(IX I . 100.)

Selon Apollonius le sophiste , et Hesyrhius, àpii ou âptti) est pXaêu t*v T» Âpsi, TWTiçtv iv woXia». Ce mot d'ailleurs parait dériver de l'hébreu TTN, mule dixil, exsecratm est, il a maudit, il s menacé avec fureur. Et i-'est sans doute en ce dernier sens que Pindare l'emploie dans ce vers ; il signifie doue évidemment, le pas, le gué 9 le passage de la menace; parce qu'en effet, ce fut dans ce lieu que les Carthaginois, furieux de la résis­tance des Siciliens, les menacèrent de l'esclavage et même d'une entière destruction. Cette bravade n'eut point son exécution. Gélon, secondé puissamment par îe courage de Chromius, gouverneur d'Etna, défit les armées africaines dans une îles pi as sanglantes batailles qu'on eût jamais

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NÉMÉENNE X. 157 livrées en Sicile. — Quant à la leçon Ktaçxopov, ou ne peu! l'expliquer autrement que par ces mots: «le passage de Mitée ou d'ire*»» Or, d'après le témoignage de Paléphate, Minerve était surnommée Are'a ou Âréia$

forte, courageuse 9 par les Pîatéens, qui lui coiisarrereut un temple des­tiné àcooser¥er les trophées de Marathon. Nous sons en tenons à la pre­mière leçon qui est plus naturelle et plus historique.

f S. La sentence qui a trait au bonheur dont jouissent dans leur vieil­lesse ceux qui ont consacré à la gloire les belles années de leur jeunesse, est infiniment flatteuse pour Ghromius. Un vieux proverbe était connu de tous les Grecs : o4»ov œpicrrov wovo; Tô «ylpa t optimum uneciuii oèsonium Isùor; et Ghromius couronné des lauriers de la victoire, proclamé dans les jeux de Sicjone9 chéri des Etnéens dont il était le gouverneur et le père, recueillait le fruit de ses sueurs, et se rappelait arec orgueil ses exploits contre les Phéniciens et Ses Carthaginois, exploits dont âe terrible guêdeiû menace était an témoignage indestructible. Mais si Ghromius est heureux, iidoit se rappeler qu'il est mortel. Qu'il sache doue réprimer ses désirs, et qu'il ne les porte pas au-deîà des bornes; autrement les Dieux pourraient punir son ambition. C'est ainsi quePindare sait toujours présenter avec sagesse et modération un antidote efficace à l'orgueil des grands.

19. Versez donc à Tinstawi tagréable liqueur qui inspire nos chants. Le poète veut parler ici du festin que Chromius allait donner dans son pa­lais, à ses nombreux amis accourus pour célébrer l'anniversaire de sa victoire aux jeux de Sicyone.

20. Ces coupes d'argent que tes eoursiers de Chmmius lui ont méritées. Des coupes d'argent étaient le prix décerné aux Yainquetirs dans les jeux Sicyoniens.

NÉMÉENNE X.

Ttiiéus était d'Argos. Ce n'est point à Némée qu'il remporta la victoire que célèbre le poéîe , mais à Argos, aux jeux Hécatombéeusy ainsi appe­lés parée qu'on y immolait cent bœufs à Junon.

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158 NOTES DES NÉMÉENNES. Piiidare , dés le début, étale foutes les richesses de la poésie et de la

mythologie ; il chaste Argos, ainsi que les héros et les héroïnes que YîI nattre Sa patrie de Thîéos ; Perse©, Hyper m oestre 9 Diomède, ✠pli l i ­rais $ Daoaé et âlcmèiie y sont tour à tour l'objet de ses accents. De là 9

il passe en revue les athlètes d* Argos qui ont triomphé aux jeux deNémée, de l'Isthme , de Delphes , de Sic joue et d'Athènes. Puis il revient aux exploits particuliers du fils df01ias , et des autres braves de sa famille. H termine enfin par L'histoire de Castor et Poilus.

1. Chantez la cité ourégna Danaûs, Bélus, roi d'Egypte, eut d'Anchi-soé, fille du Nil, deux fils jumeaux* JSgyptus et Danaûs. Bélus plaça Daoaûs en Libye, et /Egjplas en Arabie. Ce dernier, ayant soumis le pays des Mélampodes 9 l'appela Egypte. H eut de plusieurs femmes cin­quante fils, et Danaûs eut cinquante filles. Averti par an oracle, que l'un de ses geidres devait lui donner la mort, DanaQs construisit » par le con­seil de Minerve 9 le premier vaisseau qui eut été fait, et s'y étant em­barqué , il s'enfuit avec ses cinquante filles. Il arriva à Argos, dans le des­sein de réclamer ce royaume, possédé alors par Gaîénor, S*un des anciens Pelages. Celui-ci lui céda la couronne, et Danaûs donna aux habitants du pays le nom de Danaens.

Cependant JSgyptus se met à la poursuite de son frère avec ses cin­quante fils. La guerre est bientôt terminée par un traité dans lequel Danaûs s'engage à donner ses cioquanles filles en mariage aui cinquante fils du roi d'Egypte, Mais $ par ta plus infime des perfidies, il engage ses filles 'à égorger leurs époux, dès la première nuit de leurs noces. Toutes obéis­sent, à l'exception d'Hypermnestre, qui épargna son époux Lyncée,avec lequel par la suite elle régna dans Argoss après la mort de Danaûs, as­sassiné parLyncée lui-même, Tengeur du meurtre de ses frères* Âpellod* fit?, H , chap, I , Pausan. in Coriuth.

2. Les ciîés célèbres qu'Epaphus Jonda en Egypte. Cet Epaphus est le même qu'JSgypîus; il bâtit Memphis et beaucoup d'autres villes d'Egypte, environ 1800 ans avant Jésus-Christ. C'est le dieu Apis des Egyptiens. IL était originaire d'Ârgos, du côté de sa mère ïo v fille d'iiiachus, le plus ancien roi dfArgos. Il eut pour fille Libye dont il est question dans la 4€ Pyîhiqne.

3. Que dirai-je de celle Hypermnestre, gtri, setde d'entm ses sœurs, re-

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NÉMÉENNE XI. 169 fma a* amer son bras d'un glaive homicide ? C'est de celle épouse fidèle

qu'Horace a dit :

Bai de mnltis, face aepîisli Digaa » perjuram fuit in pareutein Splendidè mencîax. et in omne virgo

Hobilis WBIB,

m Une seule , digne du flambeau nuptial, trahit son père parjure ce par aa mensonge sublime 9 et mérita l'admiration de la postérité, »

Od. IîY. i!i,ïi.;¥. 3S.

4. Minerpe auxjemx bleu* éleva Diomèdê su rang des immortels. Tydée, roi des Etoliens, ayant passé à Ârgos t épousa la fille d'Adrasîe, dont il eut Diomède. Ce guerrier, à son retour du siège de Troie, fonda une Yille en Italie , et de là passa dans une lie de la mer Adriatique où il dis­parut ; ce qui fit croire au peuple que Minerve l'avait enlevé, pour le placer au rang des.dieux f et lui obtenir un culte religieux tel que celui qui était rendu & Castor et Pollux.

5. le devin, fils d'Otelêe. Amphiaraus, fameux devin , filsd'Ofcîée s

assista à la chasse du sanglier de Calydon , et f suivant Apollodore, lut, un des Argonautes. Il épousa Eriphyle, sœur d'Adraste» roi d'Àrgos. Lorsque ce dernier, à la prière de Polynice, eut déclaré la guerre à Thè-bes9 Amphiaraus 9 instruit par les dieux qu'il périrait dans cette expédi-tion , se cacha pour n'être pas obligé de prendre part à la guerre; mats Eriphyle découvrit le lieu de sa retraite à Polynice, qui, en récompense de sa perfidie, lui fit présent d'un collier de diamants, AmphiaraCb, forcé de marcher contre Thèbes , fit, avant son départ, promettre à son fils Alcméon de le venger, en faisant périr sa mère Eriphyle. La guerre de Thèbes fut funeste aux Argiens, et Amphiarafis fut englouti sous terre en Youlant sortir de la mêlée. Une autre tradition portait que la foudre l'a­vait frappé pour lui assurer l'immortalité. Amphiaraus reçut après sa mort les honneurs divins. Ody$.914, v.243. — Esek, sept chefs,—Mè-tmm, 9, fab. 10.—Feus., 1, c. 34, 37 ; 2. 9, e. 8,

6. Amphitryon vainquit tes Téléhoms. Peuples d'Etoile, appelés aussi Tophiene. Ou raconte que te nom de TêUbmm leur- fut donné parce qu'ils étaient originaires du Pétoponèse, et YiYâient l«a de leur pays ( -riiXs, loin ; Pto;, vie,)* Ib eurent une guerre à soutenir contre Amphitryon t

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160.., NOTES BES NÉMÉENNES. pour a^oîp tué les fils d*Electrion', el ils forent ¥âincos. Ils envoyèrent une colonie dans llle de Gaprée. Ce qui fit aussi-donner le nom de Télé-boens aux habitants de cette Ile.

Teieboum Capreat mm régna îeneret (Via*. iEneicÈ. I. VIII. r. 735).

7. -Piodare ne désigne ici Junoo , îa mère d'Hébé , que par Se surnom de Télie, qui sigaifie perfection, parce que , dit Looicerus, Perfeeîio gmersipubertaiemapud Superosthoc est, qui sempitema felicilate jruuntnr pubertmem habenî semper9ei fiorent immarcessibili œtate; alors Hébé es-dem êil ae Pubertas,

Eschyle donne aussi le nom de Télie à l'épouse de Jupiter »

fip« TEXECîX, ZWOç t&Yftia $apap JunoTeleia, Jofis genilîis conjux.

8. Ma langue tenterait d'inutiles efforts* Le texte porte :f}pax& P l ffT0P-a

TO*VT' mayneaoOat, littéralement, brève niiht os omnibus percsrreodis, id est, BOO par est tanîœ copia? lingoa mea et vis dicendi. Homère est plus poétique, mais moins concis, lorsqu'il dit en pariant du dénombre­ment des vaisseaux des Grecs :

ITXnObv fr mx àv i"p {M)6iaoou,ai oû^ êvepivto Oui* et pot $£xa piv *YXÛ99ai, ^exa ^t <rrou.aT'eisv , 4»càvTi T1 ô^pwTo;, X*XXEGV $t u,ci ^rop iveui.

11. H 9 v. 488.

« Je ne parlerai point de la multitude ; je ne pourrais les nommer « tous , eussé-je dix langues y dix bouches, une voix infatigable, et une « poitrine d'airain, »

9. Le vont que forme son cœur» Le poète fait entendre par ces paroles que Thiéus demande à Jupiter d'être couronné dans les jeux Olympi­ques, seul honneur qui lui manquait, et qu'il désirait ardemment d'ob­tenir.

10. A deux époques de leurs files solennelles. Thiéus avait été cou­ronné deux fois aux féîes qu'Athènes appelait Panathénées, c'est-à-dire, fêtes de tous les adorateurs de Minerve (TCôç, wôê*l *©**! ; À0r,vat©t, adora­teurs de Minerve, Athéniens). On y recelait tous les peuples de l'Attiqae, ail « de les habituer à prendre Athènes pour la pairie commune.

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NÉMÉENNE X. 161 Oa avait établi de grandes eîjde petites Panathénées; les grandes se cé­

lébraient tous les cinq ans, "le 25 àa mois Hécatombéon ; et les petites se solesaisaieut 9 tous les ans, le 20 du mois Thargéiioo. On proposait à ces fêtes des prix pour trois sortes de combats : 1° pour la course à pied et à cheval ; 2° pour la lutte et autres exercices gymniques ; 5S pour les combats de musique et de pjçsie. Les poètes y faisaient représenter ém pièces de théâtre , jusqu'au nombre de quatre chacun, assemblage de poèmes qui s'appelait Tétralogie* Le prix de ce combat était une cou­ronne d'olivier et un baril d'huile d'olive que les vainqueurs pouvaient faire transporter oa il leur plaisait, hors de 1'Attîqtie y faculté que la loi s'accordait qu'à eux seuls. Ces combats étaient suivis de festins publics et de sacrifices qui terminaient la fête. Toutes les personnes des deux sexes assistaient à cette cérémonie , tenant à la main une branche d'oli­vier. Paus.9 2 . — Âpollod9f S, c. 14. — Plut, Tké$. — Suidas — Har-

pOCTQt.

i 1. La cité de Pratms* Argos, où régna Prœtus, fils d'Abas.

12. Le tissu moelleux que Pellène donne su vainqueur. Dans les Thêoxé-nies ou fêtes qui se célébraient à -Pellène, en l'honneur d'Apollon s le prit de la victoire était un manteau d'étoffe.

Êcm xal ÂiroXXuvoç ©eoÇeviou IïeXXflvsûat ttpov TO $i éqaXp,* x°A*tô imrouQTat* xat âjma. imnloùm OeoÇévia rà ÀiroXXuvi. Paus. in Achaïcis* n 11 y a auprès de Pellène un temple consacré à Apollon Théoxéaien ; la *c statue du dieu est d'airain r e t Ton célèbre prés de ce lieu t en Thon-ce oeur d'Apollon , des fêtes appelées Théoxénies. »

E&Xkfmi rriç kyjuaç nokiçt OTCOU xk 0e©Çsvta f xal al xXaîvai devra i . Schol, Pind. ad Olymp, 19. « Pellène est une ville de l'Achale; on y cé-« lébre les Théoxénies f où l'on donne un manteau pour prix de (a vie-» «•foire. »

i 3. Et Gito* et Tégée, Villes de PArcadie, assez près de Némée.

14. four â tour paaem un jour. Homère a dit des deux fil* de'Léda :

ÀXXSTt p.Èv ÇuGUffl tTtprjaspGî, âXkorî ^'«'JTt Ttôvàoiv t Tïpjv S'a XtXo^aoi w« Otoîfft,

i l

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163 NOTES DES NÉMÉENNES. 15. Dans la vallée de Thêmpnée, Village prés de Sparîes où naquirent

Castor, Poilus eî Hélène, tous trois enfants de Léda.

16. immolé par la lance d'idas* Cet Idas était le frère de Lyncée, et tous deux étaient fils d'Apharée , roi de Messénie. Ce Lyncée, si célèbre par la perspicacité de sa vue, doit être distingué de celui que nous avons cité plus haut s comme étant le mari d'Hypermneslre.

i 7. Castor venait de lui enlever ses génisses 9 etc. Voyez la 2e partie de l'Idylle xxii de Théocritt, intitulée : Atoacoupci, les Dioscures*

18. Lyncée, celui de iom les mortels qui avait Vœil le plus perçant, Vaperçoit, etc. Voyez, au sujet de la vue perçante de Lyncée, Schol. ad Àristoph. Plutus, 210. — Suidas, v. Ao'p&éuç.— Apollon. Rhod. i f I53t 599. — Orph. Argon. 182. — Horat. Satir. 1, 2, 90.

NÉMÉENNE XL

Ai isf agoras, fils d'Arcésiîas, et issu de la noble famille des Pisandrfdes, ne s'était jamais présenté aux grands jeux de Némée; iî avait seulement remporté plusieurs victoires aux solennités moins importantes des villes voisines de Ténédos, sa patrie. C'est donc à tort que cette ode a été rao-gée parmi les Néméennes. Pindare la composa simplement pour féliciter Aristagoras du choix qu'avaient fait de lui pour prytane les habitants de Ténédos, ville et lie situées sur les côtes de. la Mysie.

A l'instar de la grande Athènes, dont les institutions nous sont mieux connues, les autres villes de la Grèce avaient leurs pryîanes. C'était des magistrats choisis tous tes ans dans chaque tribu, et préposés à la gestion des deniers publics de la ville, à l'administration de la justice et à l'exé­cution des lois sanctionnées par le sénat; le lieu où ils s'assemblaient, et que représentent assez nos hotels-de-viUe% s'appelait Prylanée, A Athènes, on nommait chaque année cinquante pryîanesj les autres villes de la Grèce en avaient un moins grand nombre$ selon leur plus ou moins

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NÉMÉENNE XI. 163 d'importance. Ces magistrats étaient logés et nourris claos les prytanées, aiusï que les fonctionnaires émérites et les citoyens distingués dont l'état voulait reconnaître Ses services : les ambassadeurs et les étrangers illus­tres y étaient également reçus et défrayés; c'est pour cela que Pindare dit que Ses prytaoes observaient les lois sacrées de l'hospitalité.

Le jour où îinprytane était élu, tous ses collègues l'introduisaient avec grande pompe dans la salle des assemblées. Là, on offrait des sacrifices, on faisait des prières pour le nouveau magistrat, pais on donnait eu son honneur un festin magnifique. Il est probable que cette ode fut chantée au milieu du banquet dans lequel Âristagoras réunit tous les magistrats et les principaux citoyens de Ténédos, Se jour où il fut élevé à la dignité de pryîane.

Le poète débute par une Invocation à Vesta, dont la statue était élevée dans le prytanée;- il la prie d'être favorable au nouveau prytane, et de le seconder dans l'exercice de sa magistrature. De là il passe à la louange d'Âristagoras) qu'il félicite des seize victoires qu'il a remportées dans les petits jeux de la Grèce, et il regrette que la crainte qu'avaient eue ses parents d'exposer les jours de leur fils chéri 9 Tait empêché de figurer avec avantage dans les jeux de Delphes ou d'Olympie.Car, dit-il, on eût alors facilement reconnu, dans Aristagoras, le sang illustre du Spartiate Pisaodre , lequel 9 parti de Lacédémone avec Oreste, amena des colons Eoliens à Lesbos et à Ténédos. Mais, ajoute-il, la nature ne donne les héros que par intervalles t de même que la terre ne produit pas en tout temps et chaque année des récoltes abondantes. Après tout', le ciel s'est réservé la connaissance de l'avenir; par conséquent l'orgueil et la cupi­dité ne doivent pas nous porter à de trop hautes prétentions.

1. Fille de Khêe, protectrice de nosj*ry fanées. La statue de Vesta était placée ev rwv «puravetcàv irpoSopuoiç. Un feu perpétuel était entretenu sur son autel, et on lui offrait Ses prémices de tous les sacrifices; àj&Zo-p,evot irpurav êtm roXXà xviacia, rêvermies primam dearum mulio nidore (viciimarum). Voyez Cicéron , lib. 2 S de natura deor,; et lib. 2, de leg. De là cet adage : àç ' Êcrriaç apx00 » a Z®*** tocipe,

S. Sous ton scepire tulêlmre. krfkOM oxâirrc» tséXa;, splendidum stepr-

îrum , génitif dorien pour à-yXaoû SX<%ITFGU.

3. Bans ces festins qu'un respectable mage consacre pendant toute l'an-

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164 NOTES DES NEMEENNES. néeû Jupiter hospitalier. Les pryïaoes et les sénateurs étaient nourris l'an­née entière dans le prytanée, ( cf. Millier. Hist. Dor. n ,137) . !Sy a¥ait

• en outre les tables des étrangers, Çevtxàç rpaireXaç, où l'on admettait les députés des villes, et les autres Çs'vot. L'usage de ces repas en commun était passé de la Crète à Sparte, et de Sparte dans plusieurs autres villes de la Grèce. Aussi Dosiades raconîe-t-il dans Athen. iv, c. S2, p. 143 » C. : XKtoL Se TOV CWOTITïXOV oûcov irpôrov p.èv xelvrot Suo Tp«wt£ai Çivucai xa-Xoopevat, a?; irpoxaâiÇouai TWV Çévuv CI TOspoVre;' iÇvîç ' starlv ai T«V aXXwv. Eî ibid. F. crav 5*1 xal gsvucol 0obcoi xai TptfirtÇa Tpms &t£iaç ttaioVrttv ei; m àv^peta $v gtviou TS Ato; Çevtav Ttirpocn^opcuov. De temps immémorial f

le prytanée deTénédos fut ouvert aux étrangers; aussi le poète fpit-ii ici honneur de ce sentiment généreux à la déesse Vesta, dans la demeure de laquelle s'exerçait ainsi l'hospitalité.

4\> Aux qualités extérieure» du corps» Le texte porte xal xb laifsxov £i-p.a;, et admiranJum corpiiSk ÔaifjTÔv est dorien pour Isarot, de Osâopai , regarder avec admiration»

5. Le poète païen proclame ici une vérité bien capable d'abaisser nôtre orgueil. C'est véritablement, en d'autres mots, Se mémento, homo, quia pulvis es, et in puluerem reverteris des chrétiens ! Aristagoras, comblé d'honneurs et de richesses, Aristagoras fils d'un père qui avait aussi cueilli une ample moisson de gloire, pouvait être tenté de s'enorgueillir ; mais il n'avait qu'à se rappeler qu'il était mortel, et qu'un peu de terre qui sous recoiîf re est lé dernier héritage de notre pauvre humanité.'

Desse nobis, a dit Tacite, terra in quâ vimmusf in qua moriamur, non potes t.

Et Perse, à peu près à la même époque et dans le même sens :

Cinis, et mânes, et fabula fies;

Vive memot lelhi, fugit hors î

6. Dans les villes voisines Je TénéJos» Èx wsptXTiovwv. Remarquez ici la différence qu'il y avait entre les villes àp.<pixTtov£ç et leaireptxTtovs;. Les premières étaient une confédération de cités unies entre elles par un lien commun , et ayant toutes les mêmes droits ; elles étaient présidées alter­nativement par l'une d'entre elles, qui, pour cette raison, s'appelait

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NÉMÉENNE XI. 165 Àpf ucTuovta. Le# mpucTtovt c étaient simplement des filles situées à quel­que distance les unes des autres, n'ayant entre elles d'autres rapports que ceux qui étaient établis par le commerce et le voisinage.

7. Ou du mont Je Sttume, aux verdoyantes forêts. Le raoot Cronius, situé près d'Ûlympie, était en partie couvert par une forêt d'oliviers qu'Hercule y planta. Voye* Olymp. m , •. 40 et H7 \ x , vs 60 et sui­vants.

8. Eh ! pouvait-il ne pas compter sur la victoires le noble rejeton de Mé»

lanippe ?

Kec cessera et aqt i î la:

ImbelSes co lumbas.

(Hom&cs.)

• Les aigles n'engendrent pas de timides colombes. »

Mélanippe » un des aïeux maternels d'Aristagoras, était originaire de Tbébes. Les Argiens étant venus, sous la conduite des Sept Chefs, assié­ger la ville de Thébes 9 Mélanippe tua de sa propre main Mécistée, frère d'Adrasle, et blessa Tydée; cf. ApoUod. m» 6, S. Ses descendants firent partie d'une migration de Béotiens qui allèrent s'établir dans l'ile de Té-nédos; cf. Thucyd. vu, 57. Raoul-Eochetie, Hist. des Colonies Grecques, !om. ii 9 p . 446. A la même époque, Pisandre de Sparte, fuyant la domi-. nation des Doriens qui venaient de s'emparer -du Péloponèse , se joignit avec Oreste aux. Béotiens, et se fixa comme eux à Ténédos. Ce fut là qu'il épousa une des descendantes de Mélanippe. Ainsi Aristagoras était issu de ces deux illustres capitaines.

Voici quelle est la construction de ce passage : OUU,€OXEîV cupapl; $v Tort IIsi<NCv$pou «ip-tt xai TO ex McXavrorccto puérpcôcç xescpapivov wap' i*-pjvoû posv : TO fcc MeXavnntoi© atus-a ne signifie pas le sang de Mélanippe lui-même, puisque Mélanippe avait vécu longtemps auparavant, mais le sang de ses descendants les Mélanippides.

9. Qui habitait les bords de flsmème. Fleuve qui coulait prés de Thébes, en Béotte.

f 0. Qu9Oreste conduisit â*Âmyclée à Ténédos avee ses guerriers En. Hem. Pisandre, comme nous l'avons dit plus haut, conduisit en effet à

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166 NOTES DES NÉMÉENNES. Ténédos, patrie d'Arisîagoras , ses guerriers, qui défièrent par la suiîe Eolieos. Il partit d'Âmyclée, que Pindare confond souvent a¥ec Sparte, parce que ces deux ailles étaient fort proches Tune de l'autre. C'est par anticipation que le poète appelle ici guerriers Eolieiê, les colons Spar­tiates que Pisandre amena avec lui d'Âmyclée à Ténédos. Stral>Oû91. xu> assure que Saraos, Lesbos et Ténédos, faisaient partie de l'Eolie.

11. Jupiter ne nous promet point, etc. Horace a dit dans le même sens ;

Prudens futur! temporis exitara

Caliginosa nocte premit Oeas.

M La sagesse de la Divinité couvre d'une ouït obscure les événements ci des générations futures. »

12. Quoique le cours des événements soit impénétrable à notre hnmaine prévoyance. C'est-à-dire que îes routes de la Providence sont un secret qu'il ne nous est pas donné de connaître d'avance. Théogois, 585,. se rapproche beaucoup de cette sentence de Pindare, quand il dit :

ïlàcrtv *TOI xivSuvo; iif ep'Yu.aaiv où£s TIç oSS'ev Ilot <r£ïi<xetv u.sXXst •rcpïfyu.aTOç àp^cuévcu.

13. Cest un funeste délire que de soupirer après ce.qm'm ne peut at­teindre. Mot à mot, la folie des choses qu'on ne peut atteindre esi grande* C'est-à-dire, quœ assequi non lieet, cupem es est magna i mania Et non pas : quœ assequi non lieet , eavéhementim solemus cuperê.

14. Ce passage est d'une morale admirable. Le poète conseilles Aris-f agoras de résister aux séductions de la prospérité qui souvent est la mère de l'orgueil, et de méditer fréquemment sur les misères de notre faible humanité.

C'est ainsi qu'Horace condamne la folie de ceux qui passent leur vie à élever des monuments de leur giaadeur, comme s'ils devaient habiter éternellement cette terre !

Tradi tar dies die No?aeque pergunt interire lunx ;

Tu secs ne!a marinora iocas sub Ipsum fnnus, et srpaieliri

Iminemor, slruis domos.

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NÉMÉENNE XI. 167 Dans une de ses satires, le poète de Yêsose devient encore fécho fidèle

do poète de Thébessur la nécessité de mettre des bornes a ni désirs im­modérés de notre ambition:

Nonne cupicUnibas étalait tiatura mo^sm ? cgnem

Qulâ latnra s ib i , «gai ait délitera negaîtint,

Qoœftre plat prodeiî , «t inaae abscin iere solde.

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TRADUCTION LATINE

SUIVANT TOUJOURS MOT A MOT

TEXTE DE PINDARE.

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PINDARI NEMEA.

CARMEN I.

CHROMIO i E T N ^ l O ,

CURRD VICTORIA ADEPTO.

Sirop h. I .

Respirâmes •enerandi Alpisei laclytarum Syracasaram germen, o Or-

Cabïle Arieraidis, Dell soror 5 a«te sosviîoqaas Hymnes aggrediîur pooere Laqdem procelîipediim magaaia ecjaorata, Jorîs Jllnaei in gratiam. Carras aatem iociiat Chromii, Hemea-qae , faeinoribas •icîorialibos Laudatoriom coaiponere melos.

Aniitiroph, I ,

Initia verd jacta sont à-Diît lilius corn ¥iri divinis virtalibas. Ksi aaîem in félicitai© ûasnis-gîorise sammom. MagBoramqae

cerlamisttm Musa menai niise tolet. Nunc excita vit Ckrsmiuê splendorem

aliqiiera lnsul«e

Qoam Oljmpi Domiuas Jupiter dédit Proserpina; s aunu* itqae et cetarie, Qt»priacip«-tum-tenens fertiSis soli,

Epod. I .

Siciliara pingaem exaltala» raa-esseî, in caeamiaibe» cÎYÎUtttm ©pa­

ïen lis. Praefeait verà Sateraief Ei belli iïîefflorrœ creis-armisHiteniis Popalam equesîrem, fréquenter mue etiuui

Olym-picarom foliis olearam Aureis peitnixîuiB. Muîta ingresses-aum Tempos non meodacio fériées.

Stmph. 2.

S tels Tero in aalicis foribas Viri hospitaîis, praxlara ceîebraas, Ubi mibi conveaieas Cerna adornata-est. Freqaeiîîer aa ten y.c-

regrinoruin

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172 NEMEA, Non expertes aede* ejus Suât. Sorti tus est ver© ©bîreeiaiîtibus vir

ille b©« nos ad aquam iacendi© ferendem CuiitraHam. Artes autem aliorum alla: s Oporîet autem in reetis viit Ambulantes*; seqai indoSetn-natura?.

Antistroph. 2.

Aaxilfatur enim operi qeidem rober, Coijsiliis autem mens *. futurom prospicere, Cm cognatum-quid, quae consequitur. O Agesidami filt, lus autem in mdoîe Horutîiqtie eî illorum usus $unî. Non capi© muiîas in domo di-vitias absconditas babere s Secl de bonis prseseniibas corn beiiè affici,

îum audi- • re, amicis sufieieaier benefaeiens. Communes enim reniant spes

. Epod. 3 .

Mnlf's-Iaboribis-implicilorani aomiaem Ego fera H ;r-

ctilem ampîecîor prompte, 1Q primiliis Tirtutum Insîgiïîbus antiqnnm prodeeensserraonem. Qwomodo, posiquam ex visceribus mo-

îris sta-tim relierandam in îacem Fiiius Jovis ex-partu evadeas çemello Cum fraîre prodiiî,

Stroph» 3 .

Ideoqae son laîens aareo-ibrono-insi-denlem

Jaaonem, croceas amas iagressas, fuerU. Sed Deoruni regina Irritata animo immiserit draeones station, Qai qnidena aperlis portis la tbaiami peueîrale islam irrepserant,

pae-rulis aridas malas sua» Circamplicare cupientes* lîîe aaîem re-» ctum quidem ex tendit « p a t , Feciîque-periculum prinsum pagaie »

Antùtroph. S*

Buabas duos cerficibas Corripiens effugiutn-non-daniibus maiii*

bus suis serpentes. Strsngaîatts r e ré îempas Animas eîisiî è-membris înfandis. liitolerabiiis autem sanè metas l'ercnlsit matières, quotqaotfuerunlAlcmè> ses îusarvieutes cabiii.

Eteaim ipsa pedibas ttne-vesiibus prosi-liens è strate siraul-cam-atiis, Propuisarit itijariam bestiarem.

Epod. 3 .

Coafettim aatem Cadmeoram proeeres, m-reis cum arrois crebri accerrerent. in manu verô Ampbiîryo E-?aginà nudum giadium exlraetuta-* i-

brans Venit, aceîis doîorihus percalsas. Ham domesticum maium premit. Omnem paritertslatim verà doloris-expers

cor est Lactum ob alienum.

Stroph. 4 .

Stetit verè stapore difficili Deleelabiitque ptruaixtus. Vidit eami

îîïusiïaîaœ Generosiiatemqae et forîiîudinem Filii. Irritam igi tarei lmmortales Hunciorum sermonem fecerunl (de filio

§b apguièus interempto)» Vietnam vero ewocariî Jovis aîiis-simi prophetam eximiura, ¥era raîicinantem Tiresiam. Ille verô ei Dicebat et omni tnrbac prmenîi, Quaiibus confliclaluras-essel cum fortunis

Antùtroph 4.

Quot in terra inlerfecturus, Quoique in mari bestias permeiosas. Et aitqueuî cum iniqaa Hominum insoientia incedenlem odiosi**

simum, Bisit ei datarom fatum (id est; pwnu-

morte). Eteaim quando Dii in campo Plile-grse Gigantibus in-pagna Contrà-ierint, teloruin ab inv peta iSiius, illustrera Terra: commixtam-iri comam.

Epod 4.

Dixit porrê, Ipsum qutdem in pa-ce oiMie tempos deiuceps Tranqnillitatem laboratn Magnorum prœmiam consecututn-exi-

eiioTOj Bealis in domibas, accepta Florida Hebe uxore. Et naptiis ceîebraîis apud Jorem Salnt^

nîdem f

Augt&siam !aude-exornaturum dotnum.

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CARMEN IL 173

CARMEN IL

TIMODEMO, ATHENIE^SI,

PANCBATIAST^.

X^fi. I . Unde sanè et HoineridaB ConsuîiJiara carminuin uî • plurimom

poètes au-spicanînr JOYîS à lan­de, etiam bic r\r Fundatnenîum sâcroram ceriaminum Victoria; accepit pr i -mum ffemeaei îo multaovde eanîato Jovis luco.

Of*. 2. Oporleî vero eîiam (patriam Siquidem per seiaitam cuin recta-doeens

Forîmtœ MagBis dédit Ornainenîom Atbenia) Fréquenter quidem Isthmiadum decet".

père Palcherrimnm flortm t in PyAi ­ls autem vineere Timonoi filium. Est autem congruam,

O-j*. 3. Montante à Pîeiadibaa Mon procul Ôrionem incedere. Quira etiam

Salamis edocare ¥iru»t beîlicosum l'otis-est. In Troja qnidem Hector Âjacem audiiriî. O Timo-deme, te ferè fortiîndo Pancralii laboriosa célèbre m facit.

O ^ . 4. Acharna» aoîem secunâian vêtus rcrbum Fortinm-geniîrices sunt. Quoties vero in

certaininibns TîîBO-demida? excellentissi-mi priini-recenseniurl âpud enim aïîè-regnantem Parnas-sum, quaiaor ex eertaminibas vi-ctorias reporîarnnt s Aï Coriaîbiis à viris,

O^. 5. în boni Pelopis recessibns, Octo eoronis ornati-sont jam : septem Antem in Nenseâ sdomestiea irer© Plura tunt numéro* In Jowis certamine. Quem, è eïves, Laudaîe, Timodemi cum Giorioso rediîo, Suatisonfique auspicamini TOCC.

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174 NEMEA.

CARMEN III.

ARISTOCLID^ MGmETM,

PANCRATIASXŒ.

Stroph. i

0 reneranda Musa, mater Nostra, snpplex-oro. Ad hospitalem in Soleumjtate-mensis Nemeade, Venias Doricain insulam 2Egi-Tiam.Aqnam enim expectant apud Asopiam Mellinosorum artifices Hymnoram jnvenes, tu-a m vocem perqnirentes. Desiderat autem res aîia qnîdera aliud. Gertaminnm-victoria verô maxime cantum A mat, coronarum virtoteinque Dexterrimam comiîem.

Anîùtroph. 1.

Cajns eopiam mihi praebe, Solerlift ex tneâ ; Ordtreqne cvli-multinn-bts régi, tu quœ ejus es fi lia Acceptmn hyinnum. Ego verô iîlornm Ipsumvocibusque lyracque commnnicabo. Gratum vero habebit laborem hune meum Insoîae décos Aristoclides s Myrnii-doues ubi prise! flabitarunf. Quorum antiqaiiùs-ceiebrem

geutein Non dedecorilius Aristoclides s

Tuum contamisiafit per numen, In robosto énervai os

Epod. I .

Pancratii impetn. La-boriosarmn autem plagarum Reuaedium sa Sobre in

Profundos-eampoR-babente Nemea Pulchra-vîctoria-celebrati affert. §i ¥ero exïsieos forinnsus

Facietifqne convenientia forma; t

Sirenuiîates supremas cou s cendit Fiîius Aristophanis : non ei jara uîterius Invium mare, colmnnas Ultra Herculis, trajicerg facile est.

Sirop h 2 Héros Deus quas posait Navigationis extrema: Testes incSylas. Do-rauiî autem bel tuas in pelago ingénies. Proprioque-proposito scrata-tus-est stagnoruiu fluxus, quoasque re-

ductorius Ad-occasnm-Tergit reditns terminus, Et terram notam-fecit, Anime, Quodnam ad peregrinum Promontoriain îneam navigationem de-

fleclis ? JEaco tejtibeo* générique ejus masam Affere. Sequilur enim rationem Just i -tiae flos (id est veritas), bonos laudarc

Anîùtreph. 2 .

Neque es aîienis desideria Cuiquam aliquîd affere. bona snnî. E-domo (id est, ex-ptopriis) investiga. Coramodum autein laudis-argwneutum

accepisti Ad dulce aliquîd canendum. Anîi-qeis autem in virtutibus gavisus-esl

Peleus rex, Exiiniam-haslain qnum-resecuisset.

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CARMEN III. 175 Qni et ioScam expugnavit Sol us sine esercilu : Et marfnam Thelin corripeiî Cam-labore. Laoœedonlem autem praepo-tens Teiamcm, îolao ad-stans-ia-prsllo, prostraviî.

Epod. 2 .

Et quonjam a?reo9-arcus babentium Anmonum strenaum exercituui Seeuîus-est eum : ueque ipsi Unqaain timor virorum-doiaitor Extintit fortiîudinem animi. * Ex congenita aatem aliquis liiiistri virtute magnom raomeutum babet. Qui vero ex-discipiinâ accepit ea-quaj-

babeî, obscurus vir, Alias alla spiraas, aanquam Grmo laeedere solet pede s sed infirmas ¥irtates non-sufficiente mente dcgaslaî.

Sirop. 3 ,

Flave* eatem Achilïes, quamdia quidem tmn-

sit Phiîyrae la aedibns, Puer existens, ïosiiabat Magna opéra naanibas crebrè, BreTis-ferrl jacuîum vifcrans Par venîis .• pugna îeonibas vero a-gresîibus moliebatar catdem s Aprosqae conficiebat : corpo-re autem ad Saturnidem Cenîaarum anhelante eos portabat, Sexennis primum. Toio deinceps Terapore com obstupescebat Dia-iwque eî animosa Minerva,

Àntùtroph. 8.

fnterftcieiiieiit cervos sine ca-nibus dolostsqoe septis. Pedibas enira valebat. Dictant enim huii€ olim Sermonera habeo. Prudens Ghiron Educavil îapideo Jasoaem in tecto, Eî postel J&culapiam, Quem medieauaeotoram docait MoUi-inanu-faaendani applicationem. Despoodit posteà puïehra-braehia babea-

tem Herei filiani ; sobolemqae eî prastantis-simam(Ac/it7/em) educavitf la convenienti-bus-rebas Iota m eju$ a n i m a » augena

Epod. 3 . Ut mariais ven-torum iinpalsibus deductus

Ad Trejana hasti-freuaain taïaultam Lyciorara que sustiaere, et Phrygum, Dardanorumque, et Hastigeris coaserens Athiopibus œanas, iu pectore tuo iaflige-re-posset, a t ne ilSis rex retrô lterura ad-Joaiain patraelis Aaiaiosas Heleni, Metnnon veniret.

Stroph. 4.

.Procaî-eminens comparatum-est lamea ASacidarmtn ex-propriâ ipsorum-virtute, O Japiîer. Taos enim saurais aunt Tuamque certamen hoc Netneum, quod

bymnus attigit Voce j aven uni ipsi-regioni-proprium gan-dium célébrait*. Clamor autem iiiorum

victore Cam Aristoclide excelîit s Qui hancce fnsulam ceîe-bri adjunxit sennoni Ut et venerabile praeclaris caris poetarum Pythiique Appolinù Taearion. In expt-

rieaîià autem Fiais conspicitur eorum, m qoibus ali­

quis Excelleatior faerit.

Antùtroph. 4.

ïnter paeros fuwenes, paer eat t in ter Viros vero vir : îertia Iatersenes Pars est % qaalem unamqnamqne habemas Mortale gênas. Exercet vei-6 et qua-taor virtuîes hainana viîa . cogitare Siqaidem jubet id quod-ante-pedes-est, â-quibus non- abest Arùlociides. Salve Amsce. Ego hocce tibi Miîîo mixtum mel candido Cam iacte : commixtos autem ros circnm-dat potum hune cantubilem, Mo-licîs in flatibas tibiaram,

Epod. 4. Sero licet. Est autem aqa i -ia velox inter volatilia, Que» corripere solet statim è Ion-giaquo tnvest*gans Gruentam pra?dam pedibus. Ctamosi autem gra-cuîi humilia depascnn'îur, Tibi qaidem pulcbrithrona Cîione volen-te t vicîoriaB-reporîaîricis generositaiis

causa A-Neineâ, Epidau-loque, et Megaris, conspicuos-eslsplcndor

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176 NEMEA.

CARMEN IV.

TIMASARCHO, iEGINET^,

PAL£STR!T£»

Stropk. 1. Optîmas Isctitia Laborum judicatoratn Medicits est s et sapieutes Musarum fiHae odae Demalcent eos conjunctœ. Keque calida aqua tauîuîii Mollis facit Membre, quantum laus ci­t ha re cornes. Sermo veto faciis diuînr-ntùs vivit, Qfiem cum Charitntn fortune, Lingua è-raen-te prolnlerit profond A»

Stroph. 2 .

Quod railii ponere Saturuida?-que Jovi, el Nemeas, Tiuiasarchique lucîa?, Hyuini prœainbnlum liceat, Accipiat autem illud JEacidaram Bene-lurriîa sedes, ob-justitiam Hospitibus safficienîetn, commune Lumen. Si ve.m adhuc *i%'ido Tiinocritus soie Tuus paîer fowereîarj utique Ta­rie citharam puisans, Fréquenter huiccarmini incumbensj Hyuaauua cantainrus-esset Callinteuin :

Stroph. 3 .

Qui et Cleonœo à ceîtami-ne sériera coronaruui Misii et spîendidis.

Ac celebribus ah Aîhenis , Thebisque in sepliporlibus : Quand» quidem Ainpbitryoïiis Célèbrent apud tuinulutu Cadmei illuin hand inT»li F!oribus omabant, J%in&» gratta. Ad aini-cos enim anriicus profecîus, In hospiîalem nrbem descendit,-Herculis beatam ad aulam.

Stroph. 4.

Cum qao olim Trojara Robusîus Telainon Vastaril, et Meropas, Et magnats beiiatorem Stupendnin Aleyonea : Non iamen prrusquàni qnadriças Duodecim saxo» Heroasqne qui-conscenderant durrusilloë Equoruin-domitores peremtt Bis îot (id est vigentiet queîuor). Inexper-

tus-belli Esse Tideri qneat, Dictum hoe qui non intelligit Quoniam Faeienleui aliquid etiain pati conven.it.

Stroph, 6.

Proîixa auîem eloqui Probîbet me les , Horeqne properautes i Cnpiditateqoe trahor quoad cor, Nowiiuniam contingendi. Verumtamen etsi occupet profun* da marina salsedo

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CARMEN IV. 177 Médium, résiste adt/ersartorum iasidi-is ; multum videbiinur Hoitïbas superiores in Lace ambulare. lnvidè sales» allas vir intnens, Gonsiliuia iaasse in ieuebria voivit

Stroph. 6.

Irritè-in-terram-cadens. Mini Ver© qualem virtutetn indidii Fortune regina» Beaè scio, quod tempos inseqoens Fatalesjî perficiet. Coatexe igitur ê daîcis etiam Hoc staliua cithara, Lydià cum harmouiâ car* mea gratam dEnonaeque et Gypro s Ubi Teucer auctor-regai-est Telamoniades ; sed Ajâx Sakiniaeui habel paîiiam s

Stroph. 7.

In Bnxîn© vero mari Splendidam Aehilles lnsalam s Tbetis vero dominalar Ptbise : Neopieleinus vero E-piro universas s Boves-pascewies sb i montes ex* iraii posiii suai, A-Dodone incipienles, ad loniuua meatniti usque. Pelii autem ad radiées in-servita-lein redaciam laoicuiii Hosîili manu quais expugoassei Peleus, tradidit jEnionibus ,

Siroph, 8.

Uxore Hippoiyta Aeasti, doiosia» Artibo* usa s Artificiosoque giadio Macainatus-esl ilii morîeia Ex insidiis Pelias Slius. Défendit autem eum Ghiroa Et qaod fatale à-Jove de-stinatum et euet, exposait. Ignem Yerè iile omnia-tmceatem aadaei-îiaïque-in-pugnâ leoraaai Un gués acutissimos, et a-vl&m horrendUsiinoruin qaum cobibuisset

dentiuua.

Stmph. 9 .

Buxit uxorein altitbronarutn 17 nain Nereidaui s Vidit qae rôtundataia seïiaua.

Cui cœli reges Maris que iusidentes » Doua et potenttam exibue-runt in posîeros ipsi. Gadium par* vergens ad occasum, non traiis-iri-potest. Converte igitur Hursùs Kuropam ad ter­ra m arma inenta navis. Impossibile-est eaiin gertnoupra de /Eaci Fiiiis uuiversuiu mihi percurrere.

Siroph. ÎQ.

Tbeandridis autem îneua-bra-augeulium certainiuuin Prœco promptus veni, Cum-Olyinpiâ, et lslbtno, JNemeftque fœdus-pacîis Ubi speeitnen edentes, do­main inclytos-fructus»fcrentibiis Non redeunt sine corouis. Fami-liam illam audiiaus, Tiinasarche, iuam victo-riaiibus carminibus Quasi prasfectain esse. Si verô saaè âvuïiculo me eîiain Caliicli jubés

Stroph. I I .

Coinmnam ponere t Pario Lapide candidiorem ponam. Aurura excoclum Fulçores emittit oranes s Hymnus vero praeclarè Ges|arum-rernm# regibus sor­te œquaietiî facit ViruiQ. ISIe apud Acberontein Habttans, ineam Langnam inveniat decantatri-ceSB, tridentein-concnlientis Sicut in certamioe çravistrepi Decoraius-fwt Coriathiacis apiis.

Stroph. 12.

Quem Euphanes libens Senex progenitor. Tous caoet, d juvenis. Aîii* vero coaotaoei-suut aîii, Quas veré ipse aliquù aîligerit, vivtm ed

mîaUf Sperat unusqsisque ex-ceilentissimè st enarratarttm. Qualesn si-quis-iaudet etiam Mêlesi-a m , iile cootentionem averterit. Verba Meledas contexens, insuperu-biiis in oratiooe aoiinos trahii , Molîia qaidem cogitans bonis, Asper verè iminids auiiBâdveriqr.

12

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178 NEMEA.

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CARMEN Y.

PYTHE.E iEGINELE, FILIO UMPONJS,

PANCRÂTlASTiE.

Slropk. I.

Non sîaiuarios surit, Ut non-movenda fabri-cer simulacra, super eadem bas» Sîanïia. Sed in quavis Nave onenrià etCymbâ, tfdulcem earmen Proficiscere ab JBginâ, nun* clans qaôd Lainponis filins Pytheas robtislus, Vicîor-reportarit ia-Nemei Paneratîis COTO.

nam. Noodura gêna et prolalit teneram Matrem floridai-Yiiis oporam.

Anîùtroph. I .

Ex Saturne aatem Joveque be-roas beilicosos prognatos, El ab aureis Nereidibu,», JEacidas decora^it, MeiropalinqiîesaHîantem aospiîum terrams Qaans oiim et viris>valen.tein, ei aa*i* ibus inclytara fundaveront, ad a* rain patrisque HeMenii Slaiîtesteienderant ad aelbem mânes simuî Endeidis célèbres fiiii Et robor Phoci régis,

Epod. I .

De» filiit qaem Psamathea Peperit in lilïore maris. "¥treor rem-ïnagnam-eloqai, jasîèqae Non perpetratam, lieet cum pericuio : Quomodo scilicet relinquerint célèbrent

insuîam, El q a « ¥iros fortes

Fortana e$ Cftooaâ cxpukri t i sîafeo rstkêru

Noa enira omnis atilig estt

Osiendens rei apertam fatiera méritas exaeta.

Et iacere-posse, ssrpà est sapien-tlssimum nominaoi seire.

Stroph. 2 .

Si ireré félicitâtes», aut manunm robur Ant ferreuua laadare eorum Beîlum fisum-faerit : e**t #ionga©s miisi Inde s allas fodi-«I aliquist tarnea babeo geamaia Imem

îrapetam t Nam et iraas mare librtn-tar aquiiae. Prosaptus werà etiam-tl-lis cecinit in-Peliô Masarnm palcherrimus chorns : in ter-

que medios Citbaram A polio septisonam Âareo pieeîro puisas*,-

Antistroph. 2.

Praecentor-erat ogani genoram carminam. lilas ¥eré, primé qaidem bymno-eeïebra-

rtint Â-Jove exotsXf Tenêrandam The t ta, Peleumque s quomodoqoe ipsum lascifs Gretheîs Hïppoîyta dofo irrelire Volait, exor Magne-tam guberaatoreia qaum-persaasisset

maritum Yariis commentis. Meadaeem aalem confktnra eondanaa?it

sermenem,

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CARUJEN VI. 179 Quasi acilicet eonjogtalem tentasset IIIeinstratisAcasti

Epod. 2.

Tornin. Sed contrariant erat verum, Sacpe enim ilSum loto animo Ad-iniqna-adhorîata supplex-oraYÎt. Hujtts

•ero animum Ânçebant moîesti sermones : Bectaqae recasavil hanc sponsaro, Hospilalis partis irara Keverïtus, Seosit autem hoc anauitqne ïpsi Nabiaia-excitator es cœlo Jupiter, immortalSinm rex, nt confestim Marinarum colnm-auream-habentiuin ali-

quam Ne-reidtisi efnceret-coajegeni.

Strophe 3 .

Âffins futuro Nepîuno postqaam-id-/w/n-ter persua-

sisset ; qui ab-iBgis ad ïne'îyîara Soepè profieiei»tur isîbmum Doriam ; Ubi cum hilares tarasse Cam fistulae claraore Denm exeipiunî, Et robore'membrorum in honorent e/usçer-tant audaei. Fortana autem jiidica i Congenita factis de Omnibus. Ta *erà in ASginA, Dex, ê £a -

îbyraeaes.

Victoria; in nlnas prolapsus, Varies attigisti hytnnos.

Antistaoph. 3 .

Profeelo eâdem-yiâ-seeetum eliam flanc tous avonculus célébrât ip-sius cognatam gentem Pylheas. Nemea quidem adoptata-est et Mensisque patrius, qatui ama*it Apolln. Coœtaoeoâ verô adveutantes do ini­que snperabat. Kisjqae ad in-valle-de-vexum tumultitn. Gandeo aatem, quôtl Bona-facta exerceai admodum tota civitas, Scito s dulcem Menandri Cura fortuuâ, laborura renuiierationetn

Epod, 3»

Cum-froctn-reportastr. Oporîet autem ab Atbenis

Artificem athleils esse. Si verô Tfaemisîiom yenïs ut laudes, Ne porrô exborrescas. Ede Vocem, Yelaqne ex tende Ad jugum eorbts, Pugilemque eum, eî paneraîii diciîo ade-pîtim-esse in-Bpidaur© deplicein Vincendo vïrteiera % et ad-vestibalom ^Eaci Kursas berbacea tuîisse corona-înenta, cum flafls Cbaritibus.

* * * W r t V » t n * v w «

CARMEN VI.

ALCIMIDiE iEGINETJE, ADOLESCENT!,

LUCTATORI.

Siroph. î .

Unum bomûrain, alterutn Deornin gê­nas >ex

Uni autem spiramcs Matre etriqae. Discriminât *erd omnis separata

Potentia : qood ilînd quidem hominum gf-nus nihil est î

OEreum verô firma semper sedes Manet coelnin. Sed aliquid similes-sumns Tamen, aut quoadexcelsam mente^u, aut Quoad iudoîera Immortalibus s Tameîii neque diurnam

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180 NEMEA. Scienies, neque quoad Noctes, uos quainuain Fatum becreveril currere ad nietam.

Aniistroph. I: Judicium-prabet etiam Aîcimidas, Cognationem ridcndi Cum frugiferis Arvis, quac alternanlia Aliquando quidem victumbomini-bus annuuin è-cauapis dare Milem^ Aliquando verorarsusquiesceniia.vire* r*-colligere-solent. Venil utique Keuaea; Ex amabilibas certaniinibua Adoleseens cerlâininum-aludiosua. qui Uaûc consectans à-Jove datant Sortein, iterum apparaît non experscerla-minum circa luctaia venalor,

Epod. 1.

Vesligiis m Praxidaman-îis suum pedeua dirigeas Avi-pa terni ejusdeuo-sanguinis. 111e enim Olympiens Vi­ctor exisleiis, JEacidis, Ramis priinus ab Âlpheo, Et quinquies în-Isthmo Coronatus, in Bieuieâ verà ter, Sustulil oblivioneui Soclida*, Qui natu-maxiraus Agesiuiacbi Filiorum fuit-

Slropk. 2.

Quoniaoi 1res illi pr»uiiorum~reporta-tores

Ad sommitatein fortitudinis Pervenerant, qui sciiicet et laborct Experli suul. Gusn Dei auieœ favore AUain nuilam domum lnsignrai fecit-pugilatus plurium lleportatricetn coronarain in-sinu Graciai

uni­vers». Spero me magno di­t-end© uollimare (id est auecuturum esse)

ad scnpum» ltaqne ob arca ejacuîa-ta dirige ad bunc scopum, âge, O Musa, ventunvsecunduin sermonum célé­brera. Defunctorum enim virorum,

Antislroph %

Poet® et oraîores praeciara ^ Facinora ipsis sermonièus circunaportare-

soîenl, Bassidis quae non

• Sunt<-rara!. Antiqua enim t*//a familta, Propria ceu-nave-advebentes Facta-îaudanda, Pieridam cultoribus Possunt sappeditare multipHcem hyin-

num, ex­cella propter facinora, Bleui ta in divina,

Manus loro vinclus, Pytbone vieil ex Hàe sanguis fainiliA, auream-eo-lura-gestantis quondam Caliias acceptas

Epod. %

Plantas Latona: : apud Ci-Mahatnque Charitum Vesperîjuus concentu refulgebat : Mari»que pons Calliam Creon-îiutn Ainpbictycnum tu Tanricidà trieteride Honorarit, Neptu-uiuiQ per delubruut ; herbaque ipsum ASiquando Leonis victo-rein coronavit, uuabrosis Pbliaatis sub an-tiquis montibus.

Siroph. 3.

Lail undique éloquent! -bits sunt adilus. Ad iu»ulam célébrera banc-ce exoruanduua s quoniam ipsis JEacidac Dederuut exiraiatn sortem, Virlules edentes magnas. Volitatauteui supraque terrain, et per ma­re proeul nomen ipso-rura : imo etiani ad JEifaiopas, Memnone non rever­so, prosiliit. Gravera Auîetn ipsis concertalsoaem ostenditâcbil-,îs robur, descend ans è curru ,

Antùtrsph. 3*

Illastrja fiîiara quaado interfe* cil Auroraî, cuspide Hasta? periracun-dac. Et banc quidem antiqniores Via m plauslralem îuvenerunt. Seqnor auîem, et ipse habens exercita-

tioneiQ. Quod vero adpedem navitvoWitor Semper fluciuura, id dicitur Cuique maxime perturbare Aniinura, Sed veiunîario ego D.TSO subiens getninum Onus, pracco adveni, quin-tuin supra vigenii boc celebrans

Epod. 3 .

Decus è certamiuibus, qu« Vocaul sacra : Alcimidac quod suppedit.it lnclylum genus. Duos quidem Saturuii apud deiubru<u fifct, 0 Alcimida adoiescens, îibiqae eripuil

Timida: Sors temeraria flo­res O'.ympiadis Delpbini utique Veiocitate in mari similem dixe-rim Meîesiam, m» nnumque et ro-boris a «ri gain.

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CAMMEN VIL 181

CARMEN VIL

SOGENI iEGINETiE ADOLESCENT!,

QUîNQUERTlO fîCTORIAM JkDEPTO.

Strepk.. I .

O Lacina? assidem Pareis profaada eogt-tationibtis,

Fiha pracpotenîis aodl JanonSs, genitrix îiberoram. Abs te Boa locem, non nigram inîaili noctem, Tuant sororem 5ortiti-sQmos Palchrimffinbrem Puberîatem. "Aspirâmes aatëro BOS omnes ad paria. Prohibent aotem fàto pecnliari côpala-inm, aliam# aSia. Tao verà aaspîcio Etiam fiKus TbeartOBis ex irirînte jediea tas Nobilis cantaînr So-genes i»ter Qninqnertiones.

Antistroph. I

Cîjlîâîem enfin caatûs-stadlosaiB. inb ibi-» tat bello-slrepentiara

jRacfdaram. Yaldè Terà copiant cives illi Conterminum majoriBu* (hoc estdeditum)

cerîamini animant retinere. SI Terô faerit «liqais operatus prmclarum,

mellitam maîeriam Pluenîis Masarum is injecit. Magnse enim aîrenuïtates Caliginem.maîîam habent, si hjmnis ca-

rea nt s Operibasque praclarls «pece-îam novioans cinico modo. Si seilieet Mnemosynes voînatate spîen-

didè-vilîaîae In*en«rit aliqnia remnneraîîoneii laboram Incljtis carmitium cantibus.

Epod. I»

Sa'pienîes vero faiaram perendina» ventom

Aniè cogooscant, neqne post lucre ponant. Dires, paaperque mortis Ad sepnlcram tendant. Ego rerè majorem arbitrer Famam tîly«sisf quàra ea quoe paasoi-ftiit, Propter saariloqaam factam-faiss© Ho­

mère m :

Stroph. %

Quanlîoqaidera ftgroeutis ejas voîacri ar-tîficio

Grave inest qaiddam : solertiaqse ejtu Decipit, seducens fabaîis. Cœcuœ sutem

habet Gor maltitndo bominqm maxima. Si enim

liceret. ' Geminam reritatem eognoscere : Non sânâ armoram causa ira lus ForîisÂja* îransfisisset per pectes Latom eiwem s qnem fortis^f-muni, Achille excepta, ad bello Flari Menelai conjugem redocendani, • « -

locibos In na-vlbut miseront reeîà-flan-tis Zepbiri impulsas

Antistroph. 2. Ad ïîi arbem. Àt commnnis enim venit Fluet na Orci œquè m non-cxpecîanîem Aîqne in expectantem. Honor ¥«rè con»-

tingit its,

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182 NEMEA. Quorum Deus jucundam anget famam,

inortiwrum Videlicet defensoruro. Eteuim ed magnum Umbilicnin latum'Sïnum-habeBtis Profectus-est terra» ; in Pythiis ¥erè campis lacet, Priami urbem Neoptolemu» posîquàm everîii "• l a qaà etiam Danai labores-pertulerunt.

Ille verà renavigan;., A-Scyro qnidem aberravit : vénérant A utera socii ejus in Ephyram erroribus-acti.

Epod. 2«

Molossiae autem iinperaf it brève Tempus : sed genus ejussemper reporta vit Hoc decas regium. Profectas-est autem ad Denm votiva dona advebens è Troja de-priraitiis-manabialibns, Ubt propîer carnes enra, pugnae Ûbviam factum transSxit vir gtidio.

Stropk. 5-

Indignai! snnî autem vaîdè Delphi bos" pïîura-excepîores.

At quod fatale fuit, exsolviî. Oportebat aulem quemdam intra delubrum

vetustissimom JEacîdarom regum in-posferura esse, Dei juxta bene-munitain domain, Heroicisqae pompis Inspectorem existentem ibi babiîare, qaa;

sacri6ciis-abandant. Honestam ad causa m Tria verba snfficient. Non mendax testis factis praeesî. 0 TEgina, luorum Jovisque fiîi-oram, aadacia mihi fuerit bœe dicere,

Antiatropk. 3-

îlîestribus virtatiîms, viam propriam ce-leb rationna»

E-domo factam-esse. M enim requies In omni dolcis est opère. Satieîatenaque

babet Et mel, et suaves flores Venerei. îndoîe-naturaii verô singu'i differi-?nas, untuquisque suam vivendi-rationem

sortit», Aîius quidem secundum haec, secundnra

alia ver© alii. Assequi verô nsuui impossibile est

Felicitatem o-mnem reportantem : neqna habeo Dicere cuinain banc Parca perfectionem

siabiiem Prœbuerit. O Theario, tibi Verô consentaneain opportanitateua felici*

tatis Parca

Epod- 3 .

Tribttit ; conatuinqae feonestoram te sas-cipientem

Prudenîia non obîoedit mentis. Hospes sam, tenebricosum suramovens, Vitnperium aquae velut pars

Ri vos, amicam ad virom afferens Decus verum, laudabo. Condncibilis verô bon s s smereef bsee.

Sirop h* 4.

Exisîens autem propè Acbaeus non repre-bendet me vir,

lonium supra mare habitant. Et amicitiâ-hospitaii fretu*>-§am : interque

popo lares OctsSo video serenam, non escedens ino-

dum, Violenta oranla ex pede reoao-vciis. Sed iusequesis laium Adireniat teinpas. Noscens me aetem aîi-

quis dicet : An ad carmen accedam, Vitoperatorium sermonem proferens, O Muxenida quoad«familiamSogenes, juro Me non terminoin transgressera, jaculi

instar JEreas-maias-habenîi?, vibrasse

Ântistroph. 4 .

Celerem lîngnam in te. Qui eduxisîf è- lac-lationibus

Gervicem et robur sadore-non-aspersnm, Ardentem priusquani m solem raeœbra

inciderent. Si labor fuit, delecîaîio eo major acccdit. Sine me, vicîori graiiam Si qua iii-alîam-subSatus Vociferatas-sum. Hon asper sam ad-per-

solvencîum Neciere coronas îevï-ter, oinitte. Musa utique Congluiinat aurum, mserilque candîdum

ebnr simili. Et suavem florem à ma-rino decerptaui rore.

Epod. 4.

Jovis verà memor occasions Neroea1» Celebrium sotium bymnorum voîvito Placide. Eegem verà D«ohim Solo dccet in hoc-ce prxdicarc bene-sonorft Voce. Aiunt enisa Maçum Ipsum snb à-matre-excepto sêiàine sé­

visse ,

Stropk S.

Meae qaidem guberoatorem illustris pa-triaî,

O Hercules, tnum verô benevoîum Quidem bospiiem fraîremqae. S? verô

fruiîur Viro vir : quid diceremas vicinnm esse Animo diligentcm serio, Vicino ? Gaadiuoj nimirum omnibus Pracfereadain. Si ¥erô i!iud-ipsuuî etsara

Deus prscstet : In tuâ-aîde alique mi t , ô Hercules, Gigan-tas qui doiaaisti, féliciter

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CARMEN VIII. 183 Habit are, tanquam cnm sus paîre Sogenes,

jureuîîem forens ânimuai» secundvm majora m opulen. tuin et ûîmanm tramitem.

Ântùtrsph. 5.

Qaandoquidem quadrijugts relut curuum in jugis»

loter deiubra domam habeî lu-a in utramris procéderas manu.m. O béate, Tibi fera coarenii Junoseui, wariiumr

que epu exorare, Paellainque caesiam, Pô­les autein mortaîibus remedium, Difficaîtatum inextricabiliuin fréquenter

dare.

Si euim ipstssiabile-robtir-ba-bentetn vitam accoœmodan», Ju rmtn t i lautaeque tenectuti interlestns Felicem existeniem : filiorum-que fiiii babeant semper

Epop 5.

Heuorem praesenteu», deineeps.

et pru?stantiorein

Meum rerd nunquain cogitabit cor Pervertis Neoptotemùm tra­ctais verbis. Talia Vero 1er qaaterque reTolverè, Inopià est, pue-ris relut nuças-effutîeas, Joris Coritithus S

**%%VV%W^%<V\V%%%^*%* »*%%%* Vk%%V*%»*VV%VV»%%%V*%VV*«<%*VVVVV»VV%»*%Vk%%<V»%%%%*% Mft V

CARMEN VIII.

DlNÏblj FILIO MEGJ2f ^ G i N Ë Ï ^

StADlI-CURSOM.

Stropk I .

Pulcbritudo veneranda, praxo Veiieris dulcîuui amorain, Qoae rirgineis et puerorum insi-dens palpebris, alium qaidetn înitibus in-

«luis Manîbus gestas, alium vero aîiis. Opîabile-est auteia ab opportunitaie son

aberran-sera ad opus quod libet, l'ra?stantioribns amo-ribus poliri posse.

Anti$iroph, I.

(Jaaîes etiam Joris /Egi-njeque îeclum custodes eircumierunt Cypriae donorum : effloruit autem filius.

GEno-n«x res» manuel consiliis pracstantissimus. S.epè euin multi precabautur riderc.

Sine-pngnA enim heroum flores Circumhabitantium Volebaut illias pa­rère majesîati voluaîarii,

* Epod. 1.

Tùm qui asperîs in Aîbe* uis gnbernabant popuîura, Tùm qui In Sparla erant Pelopeiada?. Sapplex iEaei reoeranda genn-s, cùm orbe pro earâ, Tùm ciiribus pro hisce attingo, afîerens Lydiam mi tram sonore raria-)am, Dinidis dupîiciura stadiorem, Et patris Megae Nemeuna oruamentum. Cum Deo namque plaoiaîa Félicitas hominibus durabilior est.

Stroph. 2 .

Quac felieitas cum Deo etiam Cinyrain au-xit diriliis marina olim iu Gypro.

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184 NEMEA. Consiste» taad pedibas ceîtrïbas, respirans Anîequaua aliqmd dicam. Mulu namque

à mnlîis dicta sont. Nora aaîem comminiscenteiii accaratam

dare Examini ad expïorationem, îotnm pe« ricuiura esi% et obsoniasi* iavidis. Aitîogit vero bonos «emper periculum ex

invidiâ, Cara deterioribas f&rd non contenait,

Âniistropk 2.

ïHnd periculum et Telamonis Absuinpsit filiam, gladio circumYolYeni Cerîè aiiqtiem hngaâ-carenteui quidem,

corde vero sîrenuam ob-ÎîTîO detinet in molesta rixà : maximum Vero maltiplici mend«scio prœmiaaî ob-

teutum est. CïaneoSariis enim m snffragîis Uîyssem Danai demuîseruut s Aureis vero Ajax. defrau-daiiii armis, cam caide Inctatns-est.

Eped. 2.

Cerîè diisiraïlia Ulysses et Ajsx ho-stibus in calido corpore Vuînera iaflixerani, militante» Sub homines-defensaate vexilîo, partira

quldem Circa^ Achillem reeens-interfeetnm, Pariim vero et aliorutn laboruia maïîos-

perdenlibus in Diebog. Sed odiosa nimiram. yersatilo-

qaentia erat Eîlam olim, blandornm verbornm co­rnes, doîi-meditaîrix, raaleficum oppro*

brium. Qaae quldeua quod splendidem est„ violera*

ter-deprimit ; Obacororum auteœ gloriam obîtndit pn«

tndam.

Strophe 3.

gît nunqnam mibi ta» lis affectas, ô Japiter pater. SWt vils h mplicibns vitam oiinana-aîiingauî, cl*»~

fnnctns ut Libéria famam ne ignorainioaam affricein. Auruin optaur aiii, agram vero alii Iinmeiisnin. Ego verô civibus placent,

etiaiu Terra membre nlinani-nperi-am, faudans laudanda, vitupe-rium vero inspergens improbif.

Ântistroph. 3 .

Crescnnt antem vi Tîntes viridan-tsbus rorîbus, veluti arbor ceîeriîer sur­git; inter sapieates viroromexaltatae jnMos< que, ad iiqnidam usque aclherem. Hego-

tia autem omni-gena amicorum virerais : ea qaideta qua

circa i a bores Sapreuia sunt. Qaaerit aaîem eliam oble-ctatio ante ocnlos ponere suos Fidem. O Mega, sed rur-sus tuam animant ab inferis redaeere,

Epod. 3. Non est mibi possibile. Vanae Autem spei inanis est exilas. Tuas antem tribuî possibile est Cbariadis»

qoe ingentem Snffulcire lapidem Mnsacnm, ob Pedum-vicîorias illustres Bis ianè duas. Gaudeo antem accommo

dans Operi jactantiam injieiens. Incantatio- ^ nibas autem vir doloris-expertem etiam

aïiquis 'aborem Facere poîesL Erat cerîè îandatorîus-

hymnus Utiqae olim, etiam aaîeqnam fieret Adrasti et GadmaBorum beiiuna.

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CARMEN IX. 185

CARMEN IX.

C H R O M I O ^ T N ^ O ,

CURRU-VICTORt-AMADEPTO.

Auoî. 1. Festmîatem-byinno-duceinas nb Apolli* ne è-Siejone pr&ficiseentes, ô Mus:v, ftecens-condïtam in Mtnam s Ubi reptetao Hosptîibas <ricta>saai fores , fieatam m Cbromii iîoiBQm. M carminuia dalcem faymmtm

tacite. Equls~¥îoc«nîem enlm la ciirrnm ascen-

dens, Mâtri Laionsa et çemetiis Filiis ejus cantura denaneiat f

Pyibo»is exeelsae censor-îibiî* inspeeioribus.

A. 2 . Est rerà qttoddam dictum hnmi* nom : Peractatit egregium facinus Non baml silentio îegere oporteri. Oiwinas eoim carminum, Gloria tionf eantns eongraeras est. H#d Qime quidera sonoram Citbaram, aune verè îibiam ; ad Ipsum

irapellamus Equestriana certaminma cacumen, qunp

Phœbo Institut t Adrastns ad à» M»pi fluenia. Quorum ego Menlionem-faciea*, exoraabo inelylirs Meroem honoribut.

A. 3 . Qui tune quidem régnant Ibi , aowisque festis,

Et de-robore wirorom certaminibu's, Curribnsque politis lllustrein-reddidit decorans urbem. Fugtebat eniin Amphiara-unique audacein-eonsilio, et giavein sedi-

tionem Paternarnin aedium, et ab Argo. Principes Vero non amplias erant Taiai Fibi, violenter oppressi lae i$ta. Praeslantior euim sedat litem Priorem • i r ,

A. 4.

Miriti-domïtriceni Erfpbyîem Fœderis-pignus ceo quand© fidèle riantes Osclidœ uxorem, Fiavicouia.rura Danaoram Fiebani inaxiini. El qnondam Seplsportes selecîum ad Thebas dedaxeront exerciîum rirorutn,

fauslorum Non per a*ium viam. Neqae Saturnins Fuîgur qnat i-ens. è-dorao furios© impetu-coneitatos Proficisci hortatus-est, s*-d abstine-re à-profecîione.

A. 5.

Manifestam verô utiqne in exitium Properabat exercitus venir?, Mrei» cum armis equestri-busque corn apparaîibus. I -stneni verô ad ripas, doicem Reditam quem-efi tassent, Candidè-ef&orescentem corporîbos pingue-

fecerunt fumum.

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186 NEMEA, Sepîem enîin dewora^eraat pyrse ju?,enes-

robustos Viros : Amphiarao auiera Siiffidit fnhniue adTersus-omnia-violento Jupiter profandum-peclus-habentein ter­

rain, Abscondilque eum coin equis,

A. 6 . Hasîâ Perielymeni anieqnai» Terga percussus pugnaci Auiino pudefieret. Nain in Uivinitas imniissis terroribus Fugiant etiam fifii Deorum. Si possibïle-esî, ô Salurnie, Dimicationem superbam à Phœnicibus-

miss a ni m Hastarura baneee de morte et »i-îâ, rejice quàm Longisstraè. Sortem verô bonis-legibus-

prœditam Bogo te, fiSiis diu M-tiiacorum praobeas,

A. 7.

O Jupiter paîer, ornamentis-qne civilibus admisceas PiOpulnin. Sunt utique equorum stndio-si ibi, et divitiis Animas habenie* prasslantiores Vifi . Incredîbile di-xi : verecundia enitti, laîenter lucro stir-

ripitur, Quae affért-gtoriam. Chromio anni-ger-existens apiid pediles Equosque, naviuinque in prsDÎiis, Judicasses psrkuium a-colas pugnae.

A. 8.

Qaoniam in beîîo il-îa Dea Verecundia inciîabat ejua Aniomtn bellicosuua, propulsare Exitinin Marîis. Paaci ¥erô conialtando, cœdis Pracsentis nubem Gonverîere in hostium viroruin acies, Muiiibn* et animo idonei suât, liïciiur

sanè Hectori deeus flo-

ruisse Scainandri fliienfa l'rope. Profunda pra?eipilia*baben!es veto

cir-ca ripas He)«ri,

A. 9. Obi Minarum trajeclam honiï-nea appellent, refalget Filio hoc Agesidaiai Lumen in aetale Prima. Alia auiem aliis diebus facinora

s jus, Multa quidem in pulyerulenta Terra, aSia ¥erô viciuo in mari, coinme-

inorabo. E s laboribus aulem, qui cuis juventute

suscepti fuerint, Gamque justitiA existit Ad senectutetn vita placida. Sciât Chromiw se sortituin à Diis Aduairandain felicilalem.

A. 10. Si enim cora opibns mul-lis gloriosum adeptns-fuerit Decus, non lieilum-est alierius MorlaleiB, amplius spéculant Aliam attingere pedibus. Tranquilltiatetn a utero atnai Quidem convmnin s et recenter-florent

augetur Victoria, molli cum cantu. Audax veiô apod Craterem vos est. Teniperet aiiquis illnm, dulwm Encomit praconein,

A. U . Ârgenleisque distribu­ât phialis frôlent nm Vitis filium : qoas quondam equae Dum-pepererunt Chronsio, Miseront beuè-îexiis cum Latoidae coron is Ex sacra Sicyoae, iapiîe? paler, Opto banc vietQ ris virtutem celebrare Cum Gbaritibus, supra Mukasque ingenioiè-honort-re carmtnibus Victoriam^ jsco-lans proximè Ad scopum Mnsarum.

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CARMEN X. 187

CARMEN X.

THI^O, FIL10 ULLE ,

LUCTATORI.

Stropk. I . '

Oanai urfeem, et pakbr is soSiis-iasiden* l iamqaiaquaginta filiarom, é.Cbârites, ArgoSjJaoonisdmniciliumDea-dignuii^ce* lebrate. Befatget esim virtatibus lofiîiiïis, faeinora propter aainaosa. Longs qaidem sunt relata, Perte! cir-ca Medasara Gorgonem/actnora. M alla wmè in JÈgypt® eoadita faerust

oppida Epapbi manibas. Neqae Hypermneslra abérravit, aliis-non-

consen-tieutem in vagiai dam retinaît gladiau».

Antislroph. I

Diomedem «tslem immortalem Fîa*a qaorsdam Deû csesia fccit D«um. T©rra verè Thebta excepil perças* sa loTis lelis, Vatem Oiclidem, beili nabem; Et faemiais palcbrico-mis eiceiîlt. Oîïm Jupiter ad ÂIcmeaen Danaeaqae profec-

tus banc-ce declaravit famam. Palrique Âdrastt, Lynceoqae mentit Fmctem cum-rectâ aduptavit justiiiâ Ju­

piter.

Epod. î . Aluît aulem bellum Ampbitry-onts. ilîe veiè félicitât* prflcstaittisMmus Veaiî kàe ration* m ejas affinitalein,

Qaando in serais arrais Teleboarum wictori Amphitryoni Faciem assimilais* Iramortalium res aalarn intravit, Semer» generosum affereas Hereuîis. Cajas in cœlo Uxor Hebe perfectricero-aaptiartua Âpad matrem Junonem irace-deiis est pukberima Dearam.

Stropk. 2, àrctamest mihi os ad omm'm recea— sendum, qootcuaaqae Argivum hubet t?e-

lubrum Sortein bonoruui. Est verô etiam-aaiietas ko-minum gratis ocearsu. Sed taraen, ô Musa, éhordis-bene-semo-

raua excita lyrani, Et lucîae certaminum sascipe cu­ra m. Gerîamen atiqae aensum Popuium exbortalar ad sacrificium l u -noms, pra'inioramqae jadicioni, Uiiae films ubi quam-vicisset bis consecu-t as-est Thiseus kta-dificil iam oblivionein

laboraia

Antistroph, %

Obtinuit v*rèf etiam ad Grac-cum populam Delpbis, fortanateqne pro-

fectu» Et ia-Isibmo, et in-Neœel coronam, Musisque dédit excoleadaou Ter qaidem iu maris portis sorti tus. Ter verô etiam ¥enerano*is in campis la Adrastcà dîtioue.

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188 NEMEA. Jupiter paîer ,que qaidem desiderat aaimo,

reîicet Ipsi os. Omnis verô éventa» In te est operom. Heqoe segai corde, Afferens temeritatem, à-te-peiît beneê-

cium.

Epod. 2.

Moîa cano tibi Deoqae, illi-que qui certat de Sapremorum praeraiornm cacumfnibu*. Sammam w r ô accepit Pisa Hercalis ritam. Sua* •resque qaidem per-iatenralla l a sacrifiais bis-Atheniensiamipaum voces Décanteront. Terras fera adu-stae igni infusus fractas nlesc Veaii ad Janonis for* tem popaîum in vasorom Septis admodam Tariegalis.

Stropb. 3 .

Seqaiîar aatem, ô Thiaee, mtjnrora-ma-ternorom illustre gênas vestrorum Benè-cerîaminibuj-con^enieriS hoaor cum

Gratiis et Tyndaridis fréquenter. Qaàm*digaè-rellem. st-essem Tbrasycli Aaîiaîqae cognatus, Ar-gis non occulîare lumen Ocuîoram! Victoriîs entai quoi eqno-rum-altrix aras Prar-îi floraït î Corinthiqae In récessions, Et Cîeonaeos apad wiros qaater.

Antùtroph. 3 .

E-Sîcyone irerè- argento-do-nati cum *finariîs phialis processerunf. îîqae Pellene. indati Tergnm mollibus filis. Aï aes infinitum non possibile-est Recensera- Majoris Enim illud namerare, otii-*«f. Quodque Cliîor, et Tegea, et Archivorum Excelsae orbes, Et Lycacain juxîa Jovis aram praesîitiî,

corsa Cam pedum, manunroque vineendo robore-

Epod 5.

Qnum Castor aatem, renerint ad-Ùospitii-jas ad Pamphaen, Et frater Poî-înXy non miram-esl, illis Ingenitum-esse, ut-siut atfale-tae boni. Qnoniain Spatiosae paîroni Sparîae, certaminam Sortem cum Mercurïo et Her-coie administrant florentem, "Valdè quidem virorum justoram Ceram-gerenîes. Et Sanè Ueoram fidèle genus-es*.

Stropk. 4 .

Alternantes aatem per-vi-

ces, diera anem qaîdem apnd patrem caram

Jo¥em degant ; aîîerum rerô sub îatebris ter­

ra;, in convalibas Therapna», Fatum expleates simiie. Siqaidein Hane, qaam omninô Deaai es­se, babitareqae in eœlo#

Elegit vitam, iaterfecîo Poîlax Castorein belle. flanc entai Ida», propter bowes forte ira-tas, Talueravi't sereae basta* casptde.

Antisirùpk. 4.

A Taygeto enim è-îonginquo-con-spicatus t id i t Lynceu*, quercû» iu trunco SedentemC&storem. lllin» enim, bonunuia Omnium fait acatitsimus Visas. Velocibus aatem pedibas statim Accéderont, et magnum faci-I I us aggressi-sant céleri ter, Et passi-suni gratre malum consiliisÂpha-

ret i-êm Jovis . Statim enim Venit filias Ledae perseqaens. Illi vero cou. rà steterunt, sepnîchram prope paterauin.

t Epod. 4.

Inde ergo qanm-corripaissenî sta-tuam Piatonis, politum saxam Inj-ecerunt pecîori Poilu--cïs s sed non eu ai colliserant, Neque repaieront. Irru-ens verè PbUux, jacuîo-acaîo*et-weîocï Adegit Lyncei in là ter* a». Jnpiter verô in Sdam igniferam Gontorsit fuîiginosam fulmen : Simal aatem comburebantur deserti ab

ai iîs. Difnciïîs aatem conîentk», bominî-bus negotiam*habendo cum potentioribus.

Siroph. 5.

Statim yerè ad fratris Robar rursus accessit Tyndarides, Et eum nondum mortuum. sed anheîiîu Gum-rigore efflantem auimam invenit. Calidaa sane aspergens lacrymas saspiriis, Âlfcam clamavit s « Pater m Satarnte.qQa?nam tandem liberatio « Ëriî à-îuctibus ? Etiam mthimortem cair. « Hocce immitte, é-Rex-« Périt honor amicis orbaîo € Viro. Pauci verô iu aerumnâ sunt fidi

mortaliam f

Anîistroph. 5,

« Ita ut laboris partiel pcs-sin t. » Sic dixit Jupiter verô obvias processif ei, Eîboc prolocutns-est verbum ;«Esmihi h-« lias. Hune •erô posleè maritas « Semen mortale, matri tnae congressas, « Stillavit héros. Sed âge, ho-<( ram tibi tamen optionem « Trado : «iquidem wortemqae e%itanset

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CARMEN AI. 189 « Senectute-u odiosam ^ « ïpse Olytnpum iuliabitare cupis, « Gum Minerve, et ftiueslauj-gerente-bas-

a mm, Marte;

Epod. h.

« Est libi sanè horuru sors : « Si verè pro fratre « Pugii**, omniuoaque in-animo-babes

I « dividere cum eo eqttaîem portionem, ce lîimidium quidera spirare-debe» sab ce Terra existetis, « Utmidinmverô casli in aureis domibtu. ; Sic sanè José îoeato, non in Sententiâ duplieem feçit deliberationem : Sed resolvit oco-Ium»deindeet Tocem .Aream-mitratii-geslautis Castori».

CARMEN XL

ARISTÂGOR^ PRyESIDI TENEDfO ,

F1LIO ARGESÏL^E.

Sinpk. I ,

Fiîia l u e » , qass Prytanea cousecata-es , Vesîa,

Jovualtissiinisororetthroin«socia:Juiionis. Beoè qtndsm Aristagoratit suscipe tuum

in tbalamain, Beuè verô eliaui colleras ejus spleadi Juui

prope sceptrutn, Qaï te honorantes, re-ctam custodÎQiîtTenedum,

Antùtroph. I .

Saepè quidem îibationibus •encrantes te primant Dearum,

Sspèverèet nidore, Lyra verd apad ipsos perstrepit et c a m u s ,

Et Hospitalis Jovk exercetur ritus-justas perpetuis

Ira mensis. Sed gîoriosè magistraîum Duodeciin-mensiumad-finem-per-ducàt, cum in?aliterai© corde

Epod. I .

Virera aaiera ego beatam-praklico Quidem patrem Ârcesilam, Kt adiniraiidum ejus corpus, aniraositatein-

que congenitam. Si verô quis opes possideas

Forma sapera ien t alios, loque certaminibos fort! ter-rem-gé­reras spécimen edic|il roboris, Mortaîibus memiraerit se-amictutn mem-

bris , Et postretnam omnium terram induturdm-

esse.

Sirop à 2

In verbîs verô e m u m bonis quidem lau-dare Âristagor&m oportet,

Et inelliaonis ornatutn celebrare eantibo*. Ex circutnhabitanlibas verôsedeciin Âris-

tagoram Spïendidse vietoriae, patriamqtie claram iJoronarunl loctâ, El valde-gloriabundo pancraiio.

Antî$tropk» 2.

Spesaatem segniores parenîam, filii robar lmpedierunttn Pytbone periculum-facere

et in Olympia certaminum. Per juijuraadumen«mjia:ta meam senten-

tiam, ad Gasîaiiam, El ad arboribus-beiiô-consituin profectai

collera Satarni, Puîcbrias quint pagnan-tes redtisset adversai-ii,

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190 NEMEA.

Ep&d. 2.

Quinquennale fesîoro Bercuiis ad ritum-iuslitutum Hymno-cfaoreali-prosecutus, redimîtusque

comam parpareis Ratnis. Sed wortaHum Aliuin vana-sapîentes gloriationes Bx bonestis ejicere-solent : Alium ¥erô contra rcprehendenlem ni -

, miàm suum Robar , à-propriis aberrate-facit bonis Manu irabens rettô aniinus audacià carens.

Stroph. 3 ,

Conjicere vaîdè facile eraî, Pîsandri ant i-qnum

Sanguinem è Sparîâ (ab Amyciis enim profectos-est cnm Ores te,

iEolensium exereituin xre aruiatoram hue adducens}

El ad Isoieni il»xnm, mîjstum E* Meîanippo materno-pro-geoilore. Priscae aoiem irirtates

Antittroph. 3-

Recotligunî-se, permutantes generatiôni-bas hominum robar.

In continua série Tero neque nigra fruc-tam-dare-soîent arira t

Arboresque non volursl omnibus annoram recursibns

Florem odoratam ferre, divitiis parem, Sed per vices. Et Mortalesic robar dncii

Epod. 3»

Fatum. 4 tex Jove horai-nes certes non sequitur Exiîm. Et tamen in* superbiis incedimns , Operaque multa inoli-enîes. Vincta-snnt enim impudent! Spe membra : prascien-îiaeque longè-remoti«sunt fluxns. Lncrorom verô oportet cerium modam

v«?nari. Mon assequendarnm verô cupiditatum

acrîore» tunt insaniae.

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ÉTUDES

POÉSIE LYRIQUE DES ANCIENS-

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ÉTUDES

SUR LA

POÉSIE LYRIQUE DES ANCIENS.

La première expression lyrique fut une ex­clamation. L'homme sortant du néant, sentit sa propre existence par les impressions agréa­bles que lui firent éprouver tous ses sens ; à la vue des beautés de cet univers, il ne put s'empêcher de s'écrier, et ce cri fut à la fois un cri de joie, d'admiration et de reconnais­sance. A mesure qu'il reconnut avec plus de loisir et moins de confusion les bienfaits dont il était comblé et les merveilles qui l'environ­naient, il les contempla au -milieu de son ivresse, et voulut que toutes les créatures l'ai­dassent à payer le tribut de louanges qu'il

13

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191 ÉTUDES SUR Là POÉSIE LYRIQUE

devait au souverain bienfaiteur. 11 anima le soleil, les astres, les fleuves, les montagnes, les vents. Il n'y eut pas un seul être qui ne parlât, pour s'unir à l'hommage qu'il rendait. Alors il chercha les pensées et les expressions les plus nobles ; il accumula les figures les plus hardies; il multiplia les images les plus vives; il parcourut la nature entière, en épuisa les richesses, afin d'égaler par ses chants la gran­deur des sentiments qu'il éprouvait.

Bientôt la parole n'exprimant pas avec as­sez d énergie les élans de son cœur, il soutint et releva la faiblesse de sa voix par les sons des instruments : il leur associa même • la danse, pour exprimer par le mouvement des pieds et par la cadence, les transports, .qui. agitaient son âme et tous ses sens. , .

.Voilà quelle fut l'origine de la poésie Jyji-; que-; c'est ce «qui en forma le fond -et l'essence \ c'est.de là que naquirent l'enthousiasme/.des poètes^ la fécondité de l'invention^ la noblesse des idées-et des sentiments, "les. écarts, de; l'i­magination, la magnificence ,et la. .hardiesse des expressions, l'amoiiç du grand, .du .mer­veilleux, du sublime; c'est de là qqe, par une suitç nécessaire, -naquit aussi, l'harmonie des

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DES ANCIENS. 195

vers, la chute des rimes, la recherche des or-neweatSj le penchant,à répandre partout des grâces, de l'agrément et des charmes. Ainsi la poésie lyrique fut dès le principe, ce qu'elle doit être encore aujourd'hui, l'expression .vi­vement colorée des émotions de l'âme. Mais à ces époques primitives, elle fut moins un art* de J Imagination que l'éloquente peinture du sentiment : le poète se livrait aux-élans d'une inspiration spontanée et réelle. Si nous suivons les transformations du genre lyrique à tra­vers les siècles littéraires qui l'ont souvent ré­duit aux étroites proportions d'un poème de fantaisie, nous entendrons la lyre tantôt majes­tueuse .-et sublime, chantant les vainqueurs olympiques; tantôt simple .et touchante, :s'é~ paacbant en doux transports de reconnais­sance et .d'amour; ici, vive,. enjouée et légère peignant les festins, Içs dames, et les, ris; là badine, quelquefois moqueuse et satirique, se déguisant sous les traits malins de-la-chan­son; ailleurs, triste, éplorée, . versant des larmes sous un long voile de -deuil , ;

Ainsi la poésie lyrique, est la .vraiepoé­sie-; la .poésie de l'enthousiasme ;et .de la joie, souvent de la douleur; c'est le .premier

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196 ÉTUDES SUE LA POÉSIE LYRIQUE art , ' s i la poésie est un art, qui a charmé les hommes, en donnant à-leurs émotions une expression vive et touchante. Consacrée d'a­bord à la religion chez le peuple hébreu, elle fut plutôt une inspiration céleste, qu'un effet de l'esprit humain. Elle ne s'éleva pas par d'insensibles progrès; mais, dès sa naissance même, parvenue à une parfaite maturité de force et de beauté, elle refusa de se rendre esclave de Terreur, et se voua au service de la vérité, comme médiatrice entre le ciel et la terre.

Quoique les fables du polythéisme ne fus­sent fondées que sur la fiction et le mensonge, les païens avaient néanmoins dans le fond de leurs fêtes le même principe que les adora­teurs du vrai Dieu, celui de rendre hommage à la divinité et de la remercier de ses bien­faits. Ce fut donc la reconnaissance et la joie qui leur fit instituer des jours solennels pour célébrer les dieux auxquels ils se croyaient redevables de leurs récoltes. De là vinrent ces chants, ces dithyrambes, en l'honneur de Gé­rés, d'Apollon et de Bacchus, ces hymnes qui rehaussaient la pompe des sacrifices, et ces refrains que des chœurs de nombreux eon-

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DES ANCIENS. 197

vives répétaient au milieu de l'allégresse des festins.

Dans ce genre de création, le poète a un grand avantage, celui de se produire lui-même sur la scène, et de laisser échapper ses pro­pres inspirations. De là un mouvement par­ticulier, et une couleur d'enthousiasme que l'on remarque dans cette poésie. C'est ici-que le langage du poète mérite d'être appelé le langage des dieux ; il saisit toutes les images imposantes qui s'offrent à son génie, il par­court l'univers entier; sa marche est inégale et vagabonde; on croit voir un être nouveau qui jouit de toute sa liberté f qui crée à son gré des prodiges. |1 annonce qu'il va célébrer un héros ; ce héros ne lui suffit pas, il chante les dieux, il lie à son sujet tout ce qui se pré­sente de grand dans la nature, il saisit har­diment tous les objets, tous les grands specta­cles, et, lorsque son émotion semble épuisée, il quitte subitement sa lyre, comme un dieu qui a besoin de repos.

Il est vrai que ce langage si extraordinaire, ces images variées, ces sentences énergiques, ces mouvements, rapides, qui, jusqu'aux der­niers accords de ces chants, le soutiennent-et

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198 ÉTUDES SUR LA POÉSIE LYRIQUE

l'animent, cache le sentiment à des âmes froi­des et sans génie. Mais est-ce pour des âmes de cette trempe que l'a poésie lyrique est faite?

Odi profanum vulgus et arceo, etc.

Loin de moif profane vulgaire,

s'écrient Horace et J.-B. Rousseau, son digne rival ; Combien mon carquois ne renfehne-t4l pas encore de traits qui ne parteàt que de la main du génie, et qui sont trop pesants pour le vulgaire! avait dit avant eux le sublime Pïndare. Malheur donc au poète lyrique, s'il n'était applaudi que par ce bas peuple de littérateur; les vrais connaisseurs en ce gentë sont presque aussi rares que les grands écri­vains.

Il y a dans la poésie lyrique deux caractè­res distinctifs, qui tiennent à la différence des émotions quelle exprime.' Tantôt elle naît du' sentiment d'admiration, de joie ou de reconnaissance; c'est alors un cri d'a­mour, c'est un élan, un transport de lame. Tantôt elle vient d'objets moins importants, tels que la vue d'une fête, l'aspect d'une'

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DES ANCIENS. 199

forêt, d'un ruisseau, d'une prairie émaillée de fleurs, etc.; c'est alors un chant-agréable >et riant, où la voix est plus douce et l'inspira­tion plus légère. De là,deux genres de poèmes lyriques Fun grave et solennel, et Fautre simple et gracieux. Ces deux genres sonrcom-prissouslenom d'ode ^f chant. • Le-début de l'ode doit être hardi, grand

et magnifique, parce que quand le poète saisit sa lyre, on le suppose fortement frappé des objets qu'il ;se représente. Ses sentiments écla­tent'et se précipitent, comme un torrent qui a rompu ses digues. Pourrait-il laisser échap­per sa pensée et -la'traduire par un début simple, tranquille et •méthodique? Voilà'pour» quoi les. grands poètes "lyriques dans la'plu­part'de- leurs odes 'débutent par une image pompeuse. Tel est dans Pindare le commen­cement de la'première pythique. " -Le ton de l'ode- doit être non' seulement Conforme à'l& nature du sujet, mais encore à la' situation dû poète. Obéit-il à fimpression d'une c^use surnaturelle, il doit soutenir ' le merveilleux" de 'l'inspiration 'par la hardiesse des images, par la sublimité des pensées, par la pompe et Fénergie du langage, par une

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200 ÉTUDES SOI LA POÉSIE LYRIQUE

harmonie toujours ravissante : PI il mortale loquar; non} mon langage na rien de mortel\ s'écrie Horace. N'obéit-il qu'aux mouvements de l'imagination et du sentiment, cet enthou­siasme purement poétique exige un style moins haut, moins magnifique; mais dans ce cas en­core, le poète doit étaler aux yeux toutes- les beautés que comporte sa matière, peintures sévères ou riantes, pensées nobles ou noble­ment familières, images grandes ou gracieu­ses, sans que l'abondance et la richesse du sujet l'oblige à recourir aux transitions, ou à éviter les écarts. '

On entend par écarts dans Iode, les vides qui se trouvent entre les idées du poète. On sait quelle est la vivacité de l'esprit. Quand lame est échauffée par la passion, cette viva­cité est incomparablement plus grande encore; elle presse les pensées et les précipite ; e t , comme il n'est pas possible de les exprimer toutes, le poète choisit les plus frappantes, et les rend dans l'ordre de leur apparition, lais­sant au lecteur le soin de saisir celles qui sont sous-entendues et qui doivent leur servir de liaison.

Les écarts ne doivent se trouver que dans

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BLS ANCIENS. 201

les sujets qui peuvent admettre des passions vives, parce qu'ils sont reflet d'une âme trou-blee, et que le trouble ne peut être causé que par des objets frappants, grands et sublimes.

Les digressions sont des sorties que l'esprit du poète fait sur d'autres sujets voisins de celui qu'il traite, soit que la beauté de la ma­tière Fait tenté, soit que la stérilité de son sujet Fait obligé à aller chercher ailleurs des épisodes pour l'enrichir. 11 y a des digressions de deux sortes : les unes sont des lieux com­muns , des vérités générales f souvent suscep­tibles des plus grandes beautés poétiques, comme celle où Horace, à propos du départ de Virgile pour Athènes, se déchaîne contre 1 audacieux navigateur, qui affronta le premier sur un pin fragile, les flots et les tempêtes. L'autre espèce de digression -consiste en quel­ques traits de l'histoire ou de la fable que le poète mêle tout-à-coup à son- sujet par une liaison qui paraît naturelle. Telle est, dans la quatrième pythique de Pindare, le récit de la conquête de la Toison d'or.

Ces passages subits d'un objet à un autre/ ces brusques sorties'que fait le poète, Ces écarts, ces digressions de l'ode constituent ce

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202 ÉTUDES SUR LA POÉSIE LYE1QUE

qu'on appelle le désordre poétique ;• mais ce désordre n'est que l'effet d'un enthousiasme qui1 doit être réglé par la raison; sans celé, il ne serait que'délire, égarement et folie. Ainsi, sous ce désordre apparent, il règne dans l'ode un ordre caché, fruit de l'art : tout'y'est sa­gement distribué^ tout'y'tend à la même fin. Si le poète a bien conçu son dessein, bien'dis­posé 'son plan, toutes les parties liées-entre elles par un fil imperceptible, s'y • prêtent-dçs beautés' mutuelles, et forment un ensemble parfait; C'est'par là que, dans ses transports, danâ ses digressions, dans ses écarts' même les plus hardis Ou les plus'Multipliés, ils'approcbe toujours de soir but,' -et-l'atteint.ati moment où* il en paraissait le plus' éloigné. ' / ' ': ' ' :

À "l'ode dans le genre grave et solennel," se rapporte naturellement Iode morale ou phi­losophique, destinée à peindre le bonheur et la gloire qui accompagnent la vertu, les mal­heurs que le vice traîne à sa suite, et l'igno­minie dont il couvre les têtes criminelles. Cette espèce d'ode" exige peut-être un talent encore plus profond, un enthousiasme- plus véhément "et plus durable; parce qiie la con­templation immédiate de la vérité et de la

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BIS ANCIENS. Î03 vertu peut aussi - bien concentrer l'âme en elle-même, que l'ébranler ou l'entraîner ; au lieu' q œ les grands événements capables de frapper-tous les hommes, sont spécialement propres à allumer l'enthousiasme lyrique. ••

'Dans l'ode morale, c'est par zèle pour la religion et pour la vertu, par un désir ardent de la gloire du Créateur et du bonheur des hommes, par un patriotisme héroïque, ou enfin par une sorte de mission divine envers les peuples et les rois, que le poète lyrique s'abandonne à -toute la sensibilité de Son"âme; qu'il est entminé, comme malgré lui, à des chatats tour-à-tour imposants' 'Oti affectueux, sévères, ou- tendres, "fiers ou' insinuants, lents ou'rapides. N'en attendez pas assez ;de iégifte1

du 'd'indifférence 'pd.qr analyser méthodique­ment les Vices 'dont il vçut" inspirer l'horrëiir où'les' vettus qu'il veut " immortaliser ; -il-ne lei peint-que dans leurs effets les plus frap­pants, soit'intimes, soit extérieurs; c'est son cœur-qui se trouble ou se calme, qui s'irrite ou s'attendrit. ' •"S'il apostrophe/ s'il interroge, s'il prie, s'il ^menace/ s'il ordonne, tout est passion, inspiration, délire; aucun mot ne'lui échappe, il ne prononce aucune syllabe qui

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294 POÉSIE LYBIQUE

ne jaillisse de cette source; et les maximes les plus graves, les réflexions les plus senten-tieuses, il les exhale de son scia comme de brûlantes étincelles de la flamme qui le dévore.

POÉSIE LYRIQUE DES. HÉBREUX.

Nous ne connaissons point de. poésie anté­rieure à celle des Hébreux. .Les premiers «pas de 1 esprit humain parmi eux remontent à une époque si reculée f qu'il faut les placer quelques siècles avant que les. Grecs connus­sent Fart d'écrire. Les Égyptiens, et plusieurs peuples de l'Orient, qui, selon toute appa-rence? ont cultivé les sciences avant les Hé­breux , ne nous ont point laissé de monuments authentiques de leur littérature. Sarichonia-ton ^ le plus ancien écrivain conpu^ florissait vers le temps de Gédéon, c'estrà-dire, après l'époque où Ton place la publication des pre­miers livres des Juifs,Homère chantait la guerre de Troie sous le règne de Salomon; Hérodote

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• DES HÉB1E0X. 206

n'écrivit que du temps d'Esdras; les ouvrages de Confucius ne remontent pas au-delà du huitième siècle avant Fère chrétienne; enfin Bérose-vivait sous Alexandre-le-Grand^ et Manéthon sous les Ptolémées.

Les poésies des Hébreux sont renfermées dans la Bible, BifiXiov, mot grec, qui signifie le li­vre par excellence. Ce livre comprend l'histoire, la législation, la morale et la poésie des enfants d'Israël. Outre un grand nombre d'hymnes et de cantiques répandus dans les livres histo-

• riques et dans ceux des prophètes, comme le cantique de Moïse, celui de Débora, etc., le livre des Psaumes de David peut être spécia­lement regardé comme'un recueil d'odes sa­crées. Dans ce livre, le psaume revêt toutes les formes de la poésie lyrique, et s élève jusqu'à ses plus sublimes hauteurs; elle y paraît tan-

. tôt vivCj gaie, triomphante, tantôt magnifi­que et solennelle, tantôt enfin pleine de ten­dresse et de sentiment. C'est là que se mani­feste l'inspiration dans toute sa pureté; c'est là encore qu'éclate l'imagination dans toute sa splendeur. Que de beautés nobles et tou­chantes dans ce livre sacré! quelle variété! quel éclat et quelle simplicité tout ensemble!

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206 POÉSIE LYRIQUE

Le poète *chante-t-il la création de l'univers f

.son génie n'est pas au-dessous d'un'tel sujet. Un seul mot nous. rend, comme présents à l'œuvre du Créateur,; à sa parole nous voyons naître ce qui n'était pas ; tant -l'inspiration.di­vine a de force! tant/elle sait se revêtir d'i­mages éclatantes pour. se manifester à nous! Voyez àyçç quelle magnificence. l'écrivain sacré,se livre à l'enthousiasme, qui l'agite; avec quel abandon il confie au'Seigneur ses joies et ses douleurs, .ses regrets et ses-espé­rances. .Jamaisia lyre ne rendit des sons.plus touchants ; jamais des traits plus variés et plus frappants ne figurèrent aux yeux des, hontes de plus religieuses pensées. , •

Ici, par la voix du prophète Isa|e, J'Esprit-Saint impose silence,au;ciel et; à Ja^terre^il vient annoncer au peuple infidèle Içs .yefi-geances du Seigneur. Plein de Finspiratio/idi-. vine, lç prophète, pour la rendre sensible., tire comme d'un-carquois inépuisable les traits brû­lants de l'imagination. Il ne craint.pas de faire apparaître Dieu même, il nous dépouvreles sé­raphin^ enflammas qui, gardent le trône de/Jé-hovah.etnous fait entendre l'hymne des cieux.

Plus loin le sombre Ezéchieiet l'inconsolable

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DES HÉBREUX. • 207

Jérémie trouvent dans l'Esprit-saint qui les agite, une force pénétrante pour leurs mena­ces, une douleur déchirante pour leurs gé­missements. Ministre de leur enthousiasme, l'imagination leur prête ses armes puissantes. Des images terribles étalent aux yeux de Jé­rusalem, sa honte, ses forfaits, et déjà lui montrent dans un avenir prochain, son châ­timent inévitable.

Entendez-vous ce mortel qui adresse au Seigneur des plaintes si touchantes? 11 ,n y a qu'up moment^ on Je voyait élevé au-dessu3.de tous les fils des hommes et le voilà brisé par le-malheur. 11 a toujours marché dans la voie des justes, et le- souffle de la colère divine.a fait écouler ses jours comme une eau fugitive! Mais il s'abaisse sous la main qui le frappe : il respecte le secret de l'Éternel, et. dans sa pa­tience, inaltérable, il, se contente de répéter cette .parole d'une résignation à jamais célè­bre i<Dieu me l'a donné? Dieu me l\a otp\ que son saint nom soit béni! - • . . ••

4-vant d'çntreF dans quelques détails d'ana­lyse sut les principaux morceaux de la poésie lyriqpe des Hébreux, voyons quels étaient le • génie et le caractère de leur langue. C'est en

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208 • POÉSIE LYRIQUE

, remontant à l'origine des choses, qu*on par­vient à s'en faire une idée plus exacte, et, par conséquent, à en apprécier les beautés et les défauts.

Pour bien juger de la poésie d'une ilation antique, il faut étudier son époque et son pays; entrer dans le cercle de ses pensées, de ses sensations; il faut, pour ainsi dire, la re­garder vivre; se demander comment elle a été formée, quels sont les objets qui frappèrent le plus souvent ses regards, quel air elle a res­piré, sous quel ciel elle a vécu, et, avant tout,

• quelle langue elle a parlé. Car il est incontes­table que la structure de la langue a une grande influence sur-la poésie d'un peuple/ si surtout cette langue résume en elle les qualités indispensables à une langue poéti­que 9 savoir : l'image, la passion, le chant et & rhythme. Or, il est reconnu que ces quali*

• tés, qui sont comme l'âme de la vraie poésie, se trouvent au plus haut degré dans la langue hébraïque.

Dans l'hébreu, en effet, tout est verbe, c'est-à-dire tout se meut, tout a vie; chaque mot de cette langue a pour ainsi dire une voix, une bouche, des mains, un visage» Le nom,

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DES HÉBREUX. 20§

dans la plupart des langues, ne représente jamais que l'objet mort ou immobile; le verbe le met en action, et Faction éveille la sensa­tion. Dans là langue hébraïque chaque nom .peut devenir un verbe ; il est presque déjà verbe par lui-même, puisque Faction qu'exprime sa racine est transformée au besoin en un être vivant et agissant- De quels grands effets poétiques ne sont pas susceptibles les langues modernes, oit Je nom, par sa racine, n'est pas trop éloigné ' du verbe qui en est la souche primitive, et où il peut lui-même redevenir verbe? La langue allemande et la langue an­glaise sont dans ce cas ; celle des Hébreux est un gouffre de verbes, une mer sans cesse en mouvement, où Faction pousse Faction, comme la vague pousse la vague. Chez .elle tout est image, drame et passion. Son parallélisme, pçesque intraduisible pour nous, loin d'en-"gendrer la monotonie, a sur nos langues du nord Fimmense avantage de rendre dans le plus bel ordre possible, à laide d'un fort pe­tit nombre de mots, les phrases dont il exhale la pensée avec une pompe et un sentiment indicibles. Quand il lui suffit de trois mots, il noiis en faut plus de dix; nos monosyllabes se

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2fO ' POÉSIE LttUQtK

traînent/se confondent et impriment presque toujours à notre poésie un cachet 'de fotigtfe "bu de dureté.'La plupart de nos langues Mo-

_ 'derries, surtout celles du nord/demandent'de la'suite dans les images, une 'certaine -'rondeur 'dans les périodes, de la clarté dans-la con­struction :des phrases; car nous nous sommes :tnoulés plus ' ou moins lieurèusemeiït sur ies "nombres des(Grecs et des Latins. IMâtit "les oublier quand-on traduit les 'Hébreux f '• sons "peiné de leur enlever leur simpliéité'pritaitîve, ret d'Ôter à'leur langue tout -ce qui cbristitttfe sa; vivacité, Son énergie et son élévation.Leurs verbes "n'ont, à proprement'parler, qtte dette

'temps, qui!sorit des aoristes ou temps indéter­minés,-flottant entre le passé: et Tavettir. En faut-il davantage pour la poésie? Est-ce'que

" pour elle tout n'est pas présence, représenta- • tion, action, soit qu'elle -parle -du passé/de Favenir ou du présent? Pour -peu-qu'on-ait examiné le style des prophètes, on'sènt'a^véc

^quel charme ils varient les'temps, avec quelle 'grâce "un 'hémistiche indique le-passé, et 'l'autre'le futur! Oh'ditait quelle premier' est destiné ''à rendre • la "• présence 'du - séjët dutfa-

' t te, ''éternel, ' taudis ''queJle -dernier 'idtmne

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DES HÉBBEDX. ' f i t

ta dkcomrs un cachet de' passé déterminé/ eoMiiie si les. temps étaient accomplis. Me serait? cm pas lente de croire que lès Hébreux, sembla­bles aux en&nts, veulent tout dire à la fois, puis-? qu'ils? ont le .pouvoir d'exprimer par un seul son les personnes, les-nombres-et les actions. Gom?--Menun.pareil pouvoir ne'contribue-t-il pas à ^reproduction, subite d'une image complète ! Chez nt us- des, monosyllabes inaccentués pré­cèdent ou,suivent eni boitent l'idée principale; chra les Hébreux, ils s'y joignent' comme intûr nalBDiton comme son final: l'idée principale teste, dans le centre et y domine; les idées ao* cessoâces l'entourent de près 7 ne formant avec la. première qu'un seul tout qui surgit spon- _ tanément dans une harmonie parfaite, et pres­sente-ainsi une: combinaison métrique accom­plie.. De pareils avantages ne; suffisent-ils pas pour rendre à nos yeux 'une langue poétique? Des. verbes résonnants et qui renfermait taurt de perceptions: à la? fois, ne somt*ifa pas* la plus belle, lfunique source du rhythmeet de Pi* n^gePf Voilà» pourquoi les poètes- des Hébrëton surpassent tous.les poètes-anciens etmûdèr* Bçs . sàaon.en finesse, du moins en force- et en vie: kur^laogageest-toujouirs*aaimé,-bref; éner-

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gique, parce que, chez eux, les mots les plus rudement exprimés sont des images et des sensations, et que la langue, formée par des poitrines profondes et des organes neufs et robustes, mais sous un ciel pur et léger, tra­duit les pensées par des mots qui peignent la chose au naturel et au vif, la personnifient, en la marquant du sceau des passions et du sentiment Ainsi l'expression hébraïque pas­sant par le médium délicat de la sensation, et formée, pour ainsi dire, dans la région du cœur, ' n'est plus simplement l'imitation des sons, •mais l'image à laquelle le sentiment a imprimé un cachet plus tendre, plus ex­pressif, puisque c'est lui qui Fa entièrement modifiée.

Tel est l'esprit, le caractère de cette langue: elle est la représentation-de l'âme, elle ne ré­sonne pas avec autant d'harmonie que la lan­gue des Grecs, mais elle respire, elle vit. La parole des Hébreux, surexcitée par la plé­nitude de leur cœur, ne pouvait, manquer d'être vivante ; c'était, comme ils le disent eux-mêmes: «l'Esprit de Dieu-qui parlait en'eux; le souffle du Tout-Puissant qui les animait. »

Toutes ces particularités et,quelques au-

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DES HÉBREUX. 213 t

très que nous aurons lieu d'éoumérer plus loinf font de la langue hébraïque la langue la plus poétique de la terre.

Examinons maintenant quelle a été leur ver* sification. Les Hébreux ont une poésie; il suffît pour' s'en ' convaincre d'ouvrir le livre des Psaumes, ou ceux de Job et d'Isaie. Les Hé­breux chantaient. Jamais peut-être aucun peuple n'a déployé autant de pompe dans les chants religieux qui faisaient partie du culte public. Ils avaient donc une versification ; car la voix n'ayant qu'un certain degré de force et d'étendue, ne peut s'exercer que sur des espaces mesurés. Mais de quelle nature était cette versification?-Il'est facile de démontrer que les Hébreux n'ont jamais eu de vers com­posés de longues et de brèves comme ceux d'Homère et de Pindaie, de Virgile et d'Ho­race. Le génie de leur langue s'y opposait in­vinciblement Les savants qui ont étudié les langues orientales ont remarqué- que les Ara­bes, les Persaos^ les Chinois, et presque toutes les nations de l'Asie ne'reconnaissent d'autre versification que la versification rimée. Si les Arabes en ont fait usage, il est à présumer que les Hébreux n'ont pas dû se faire un sys-

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211 POÉSIE LYlfQCE tème de versification différent. Lapeésieanbe, la pkis ancienne, avait peu de règles iîx>es;!die consistait presque tout eàtièrp 'en 'pfctascs musicales plus ou moins longues et teimiîiées par la rime. Ce système paraît être misa celui de raincûenroe versification hébraïque.; la période musicale y est ifodleà reconwaitré; il ne faut que lire les hymnfes, 'les ^càntïqifo^ les psaumes., etc.., pour y .reooôiuAtreune, in* tention métrique.

Les rimes nie sont point, èomwe tes nôttm, distinguéesen masculines et ipémittifieâ. Elles n» sont pas non plus entre-mêlées daiis-un ©Mfe régulier. On trouve des morceau* '-de* poésie dont tous les vers sont terminas par la méÉie rime; -d'autres ou trois ou quatre raines -sem­blables sont suivies de deux ou trois rimes également semblables entre elles. H y a même des compositions poétiques ou Ion ne trouve point de rimes,'et qui ressemblent, à quel­que différence près, aux vers blancs* des an­glais. La longueur des vers est aussi -très-av . bitraire et très-variable. Les Hébreux lès Jen-' tremêlent avec une extrême liberté-, coKiwe nous faisons dans nos odes* où-souvent la régularité dans la longueur des vers serait

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pu. début. Les ver^ les plus longs excèdent. r ^ g e o * douzwyllabç». Oa ea. ^rouyç.d^qsufl-tce^edepu, jamaisdpnç se^lç, Ççttç,irrégu-kqfé a paru quelles érudîts ay^ir sa gfturpç, (fan$ h parallélisme (I) si naturel à la poéçie ^ébraîquç.; il est h mesure la-plus simple de?f

divers membres des poèmçs, d^s images, dej. ç»p§f tnçs Hébreux ne scandaient ? ne mesu­raient pas exactement les syllabes, et. Us n,g lg* comptaient pas même toujours, mais l'oreille la »îoiu? .délicate cent, à la simple lecture, la symétrie, de leur langage.

C'est à laide du parallélisme quç la poésie Jxébcajique a jeté-le premier rayon de lumière, la première pçnsée d'ordre et d unité sur lé chaos de la création, tellement défiguré pap les

' (1) h§ pamîléHfine hébraïque çst pne apalef ïe pp^ r.«^embla»çp de pçnséçs, ou9 si l'on yeut unç répé(iliop de phrasp qoi préseoieotà peo près le même seps; en voici quelques exemples : « Dieu dit : que la lumière soit ! et la lumière fui.'» — Cieus, entendez met ehantsl Et toi-, taro, ^ n i f foj pqreUs-deima boupM'-~fl , w i # w Pfrph'fUf h /«Tft rf $p psrofe cp^rl e* l« précipitel // ^»r

noté îa netge9 ei is t etgv fouine comme des flocons de laine 1 Quelle hardiesse de faire de la parole de Dieu uoe mes­sagère! La -pçésie hébraïque abonde en personnification 4ec*g$pce«. . -

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fables de l'idolâtrie. C'est en établissant le pa­rallélisme du ciel et de la terre que les Hébreux sont parvenus à séparer, à classer les êtres-; et plus cette séparation était facile, vraie, belle et étendue, plus elle pouvait aspirer à devenir une forme privilégiée, une forme pour ainsi dire nécessaire à leur poééie. En effet, le plus ancien tableau de la création, avec la division de ats travaux de chaque jour> nfa été esquissé, ce semble, que d'après les exigences de ce pa­rallélisme. Voyez : le ciel s'élève, mais en même temps la terre s'étend et se pare; Fair se peu­ple, et la terre aussi se couvre d'êtres vivants. Plus tard, le parallélisme du ciel et de la terre se perpétue à travers tous les hymnes qui se fondent sur ce tableau de la création, à travers les psaumes qui en appellent à la nature en­tière pour glorifier le Seigneur, et à travers les invocations solennelles de Moïse et des Prophètes; ce parallélisme, enfin, est le vaste coup-d'œil qui, en embrassant l'ensemble delà nature, embrasse en même temps celui de la poésie et de la langue. C'est par lui qu'elle a été amenée à comparer l'infini au fini, à rattacher l'incommensurable au néant, Une poésie toute terrestre, quelque soit son-mérite, ne sera ja-

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MS ÊÊMÊfflL 217 mais qu'un misérable vermisseau ; toute poé­sie qui agrandit et ennoblit, a le ciel pour but. Et voilà pourquoi celle des Hébreux est si su­blime; c'est au ciel qu'elle emprunte l'éléra* tion, 'l'étendue, la lumière, la force; résultat qui s'explique facilement, car il nous suffit d'élever les yeux vers le ciel pour percevoir des idées d'élévation et de grandeur. Cette même poésie fait de la terre la fiancée du ciel, l'instrument et le théâtre de ses œuvres; mais cet instrument, ce théâtre> ne sont pas éter­nels comme lui. L*homme aussi réunit dans son essence le ciel et la terre; il doit son corps à l'une, son âme est le souffle vivant qui vient de l'autre. Si le grain de sable sur lequel nous marchons est de toutes parts entouré pat* le ciel, notre étroite visibilité nage dans une im­mensité éternelle, pleine de force, d'éclat et de pureté. On peut donc appeler grande cette poésie qui nous maintient dans la contempla­tion de ce que nous sommes et de ce que nous ne sommes pas; dans la contemplation de la force et de la faiblesse, de là bassesse et de l'élévation. Le sublime, en effet, demandeTin-fini, les cieux enfin, e\ le puissant maître des cieux ; ce qui n'est que vrai et beau veut des

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818 POÉSIE LYRIQUE

limite? arrêtées* la terre enfin et uofre miyp? rable mortalité.

Ce n'est donc pas seulement par emphapf que la poésie hébraïque fait nn si fréquent «sage du parallélisme; elle y était naturelle? ment amenée par les sublimes contemplation^ de? attribut? de la divinité créatrice f devant laquelle les cieux s'enfuient, et 1? terre, semr blable à up grain de poussière, disparait dap^ J'ûicommensqrable immensité. Tout la rappe* lait vers, ce double but Dieu et l'homme. D^ là le gçrme si fécond du parallélisme, d.e Jà ç$} strophes symétriquement composée^ âfi$ mêmes mots, et présentant pour ainsi dire fj le même sens,de laces répétitions incessantes qui n^esont vraiment belles et sublimes que dan$ h langue de Moïse, de David et des Prophètes?

La poésie .doit unir le vrai au beau > et ani­mer l'un et l'autre par un sentiment d'in­térêt commun ; à ce titre seul elle .est 1 poésie du çomr et de la raison. Celle des lïér, breux remplit cette condition sous tous le? rapports. Quel tendre intérêt ne nous inspire-1-ellepas pour les créatures mêpie inanimées, ;popr les plantes, pour les fleurs, par exemple? Comme elle leur prête la vie et le sentiment!

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En les animant,-en les personnifiant, elle fait de Dieu le père de ces fleurs et de ces plantes ; elle leur fait jouer un rôle parmi les êtres in­nombrables de la création* Voye^ comme cette poésie sait utiliser les corps célestes. Le soleil, la lune, les étoiles, sont .animés par elle ; c'est elle qui leur»a désigné 4aas ks-cieux des de­meures et des tentes particulières, que ces as­tres occupent encore aujôuf dirai dans les croyances des Arabes et dans celles des autres peuples de l'Orient.Ecoutez «e beau passage, et vous conviendrez que la poésie 'grecque n'en a point qui soit digne de lui être comparée.

Il a dressé flans les cwnx une -tente pont te soleil, et le •soleil sort de cette tente radieux-, cornu» le nouveau marié -wrt ffe la chambre nuptiale ; et il irait sa wmtM joyense'et Gère ainsi-gne le béros-snit la route triomphale. Il part de l'extrémité du ciel, il ¥a jusqu'à l'extrémité opposée f et remplit le monde de son ardente chaleur. ,

•C'est ce passage sublinie qui a iaspiréces fceaux irers à. J.-B. Rousseau :

Dans une éclatante voûte ]

H a placé de ses mains Ce stilâil qui, -dans *a roule, £claice tous les humains : " Environ né de lumière,

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ttfl POÉSIE LYRIQUE Cet astre outre sa carrière • è • :

Comme en époux glorieux* Qui, dès l'aube matinale, Ee sa couche nuptiale Sort brillant et radieux.

L'uni?ers à sa présence Semble sortir du néant ; 11 prend sa course, il s'avance» Comme un superbe géant , Bientôt, sa marche féconde Embrasse le tour du monde Dans le cercle qu'il décrit ; Et, par sa chaleur puissante! La nature languissante Se ranime et M nourrit.

La lune et les étoiles ont également des ha­bitations spéciales; et quand Jéhovah paraît et les éblouit par son éclat, elles se retirent et se cachent d'elles-mêmes. C'est ainsi que le pro­phète Habacuc fait'arriver Dieu sur son char de bataille, pour conquérir et distribuer lq pays. Le soleil et la lune surpris et effrayés re­culent jusqu'à l'extrémité de leurs tentes; les éclairs de l'Eternel fendent les nues ; ses flèches volent de tous côtés ; et devant cette étincelante toute-puissance, le soleil et la lune humiliés achèvent de se retirer dans leurs de­meures.

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" DES HÉMEtJlL - » 1 Elles fou va, les montagnes, et elles ont frémi 1 Les

eaux se sont enfuies, les abîmes ont gémi, les hauteurs ont élevé leurs mains jointes, le soleil et la lune se sont arrêtés à l'entrée de leurs tentes ; et, quand ils ont vu briller tes flèches et voler tes javelots élincelants, ils se sont retirés avec précipitation.

Il serait impossible de trouver des person­nifications plus, subiiipes* La nature entière écoute, attend ; ses êtres les plus imposants, les monts, les eaux, les abîmes, frémissent, gémissent et s'enfuient; les hauteurs élèvent

.leurs mains suppliantes; la rapidité s'immobi­lise, Fétincelant s'obscurcit et se cache! Quelle plus grande idée pourrait-on nous donner du Tout-Puissant! Qu'il estgrand, qu'il est terrible ce Dieu devant lequel tremblent de la sorte ses créatures les plus gigantesques! C'est ainsi que la poésie hébraïque a Fart de tout animer, de tout mettre en action. L'image qui remplace l'image est presque toujours une personnifica­tion nouvelle qui donne de la vie à tous les ob­jets. L'âme • se les représente bien plus vive­ment alors, et elle est entraînée par eux quand elle les voit ainsi se mouvoir et sentir. Ici moins de descriptions que de drame; tout agit, tout entend, tout respire. Les longues descriptions

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3Î2 POÉSIE LYRIQUE

éloignent notre esprit des objets et détendent ses forces : car ces descriptions ne M donnent le plus souvent qu'un misérable bagage de mots, que les ombres morcelées des formes, à la place des êtres vivants et réels que la poésie hébraïque fait mouvoir et agir devant elle.

Citons un dernier exemple des personnifi­cations de la poésie des Hébreux : le livre de Job nous le fournira. Jéhovali parle à Job du sein de Forage et lui dit :

Où étais-tu lorsque je consolidais lés fondements ffe la terre î Dls-fe moi, si tu le sais ! Qui adétetminé sa me-rare ? Quelle main a posé sa premièf e pierre angulaire au milieu des hymnes de Joie que l'étoile du malin et tous les enfants de Dieu chantaient en chœur ?...

Qui ferma par des écluses la mer, quand elle jaillit à torrents du sein maternel ? Je lui ai donné les nuages pour vêtements ; je Pal enveloppée dans les langes -des. ténèbres; j'ai prononcé mon arrêt sur,elle; j'ai dressé devant elle des portes et des verroux; j'ai dit : «Tu n'iras pas plis loin l c'est ici que se Iriseront tejs vaguf s îmmmms t »

Avec' quelle facilité Jéliovah construit la terre, comme on construit une. maison! et quand les fondements sont posés, quand la première pierre angulaire est placée, tons lès fils de Dieu et leurs sœurs, les étoiles du ma-

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BIS HÉBtUJX. ff3 tin, entonnent un chant de gloire pour célé­brer l'œuvre,du maître et l'apparition de leur jeune sœur, la terre ! Quant à la mer, il est im­possible de donner de cet élément une idée plus grande que celle que nous en fait conce­voir l'image qui nous la représente ainsi qu'un enfant qui s'élance des gouffres de la terre, 'comme du sein d'une mère, potîr qu'au même instant le Créateur du monde l'enveloppe de langes. Le régulateur de toutes choses parle à cet" océan comme à un être vivant, -à un fier ^conquérant de la terre; il ne lui adresse que peu de mots, et l'océan se tait et lui est éter­nellement soumis. *— Continuons.

As-tu marché sur les gouffres de la mer? Esl-tu descendu dans les profondeurs des abîmes ? Les portes de ta ;moM se sont-elles ouvertes devant loi ? Às-tu vu Itritrée de Pempite de ;la destruction? "Ta science-s'étend-elle jusqu'aux extrémités'de Ja terre? Parle, les «BIIIéS-

tu? Connais-tu les lois qui régissent ks deux là-haut ,.

et, les -as-tu inventées ici bas f sur la terre? Ta parole s'élëve-t-elle jusqu'aux plus haut des nuages, et marche-Uelle au milieu des torrents d'eau? Tu "envoies les éclairs, et'fis marchent ; ils te disent : % nous; voici;! •» • *

©ù -réside ta tamitoeP , Quel «entier condëit <-à >M demeure? Et les ténèbres, roù séjournent-elles? Yfi'tei

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224 . POÉSIE LTKiQinB saisir à leurs dernières limites ; tu sais dans f ©elfe direc­tion j'ai placé leur maison. Oui, tu le sais; tu connais la route par laquelle les arrêts du juge conduisent à cette noire maison, car alors lu étais déjà né ; le nombre de tes jours est si grand !..-.

Comme cette amère ironie fait ressortir la misère et le néant de Job! quelle idée ne donne-t-eîle pas en même temps de la puis­sance et de la grandeur infinies du Créateur ! Tout dans ce passage est admirablement per­sonnifié; les éclairs, la lumière, la nuit, la des­truction , la. mort. Les unes ont des palais fermés par des verroux, les-autres une.maison, un empire, des limites ! Quel monde poétique, quelle description poétique du monde !...

. Les Grecs et les Romains, dans leur poésie toute d'imagination et de volupté, personni­fièrent aussi les êtres inanimés, métaphysiques ou abstraits. Mais entraînés par l'erreur et les passions du cœur au-delà des bornes du vrai, souvent même du vraisemblable, ils tombèrent dans les excès du ridicule et de F absurde. Au lieu de personnifier simplement les choses, ils déifièrent tout, même les vices les plus ab­jects et les plus honteux. Leurs mensonges poé­tiques , en soumettant l'homme à des- dieux li-

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DES HÉBBEUX. 225

cencieux f dont il était facile de reconnaître la vanité et le néant, le rendirent lui-même im­moral et voluptueux. Son esprit et son cœur, continuellement enivrés des jouissances et des plaisirs sensuels, ne s'inspirèrent plus que des émotions de la volupté, et sa poésie aimable, gracieuse et légère, en perdant la trace de Faustère vérité, perdit aussi le seul type capable de la rendre toujours noble, su­blime et majestueuse. Chez les païens, en effet, tout devient dieu, excepté Dieu lui-même; chez les Hébreux , au contraire, Jéhovah seul reste maître souverain du ciel et de la terre ; son empire est sans partage; Pluton, Neptune, Mars, Apollon, Minerve, n'usurpent point sur lui une partie de sa puissance, mais les éléments ou les vertus que le paganisme per­sonnifia sous ces noms, restèrent toujours chez les Hébreux au rang des créatures soumises à la volonté suprême. A Jéhovah seul, le poète hébraïque consacra ses hymnes et ses louanges ; car, s'il eût adressé des chants au soleil ou à tout autre objet de la na­ture visible, il serait tombé dans Fidolâtrie, et Fon sait avec quel soin scrupuleux il s'effor­ça toujours d'éviter cet écueil. Job dit à cette -

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occasion : « Si en contemplant le soleil et son éclat éblouissant, si ensuivant du regard la marche superbe de la lune, mon cœur s'était enflammé en secret, si je leur avais jeté un bai­ser de ma bouche, j'aurais commis un forfait horrible, j aurais renié le vrai Dieu du ciel;'»

Avec de pareils sentiments, tout hymne en l'honneur des corps célestes était impossible, La poésie hébraïque combattait d'autant plus vivement cette. sorte d'idolâtrie, qu'elle, était plus chère, aux Orientaux ; leur cœuv avait pour ainsi dire besoin d'un roi, d'une reine -descieux. C'est pour satisfaire ce besoin, que les poètes hébreux ont fait du soleil.et de la lune des serviteurs de Dieu, et il est facile de se convaincre que, sur ce point aussi fiils ont su unir l'éclat à la variété, la justesse à la beauté.

i

Dieu dit que deux grand.es lumières brillent au haut du ciel, qu'elles soient les reines des temps,! et il les suspendit sur sa grande forteresse, et- elles sont les reines des temps.

On. pourrait ajouter-qu'elles sont lè&: souve­raines- du monde, mais sous, les ordres' de

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DES HÉB1EU1L 227

Jëhovafa qui s'en sert comme d'administrateurs et de messagers.

C'est ainsi que la poésie hébraïque fit tou­jours du Dieu créateur l'œil unique du monde, qqi, sans lui, ne serait plus que vide et ténè­bres ; et cet œil unique fait du tout un seul point de vue. Qu'on appelle cette poésie riche ou pauvre, qu'importe! il est certain qu'elle nous a donné les premières et les plus sublimes notions sur l'Intelligence qui gouverne le monde, car les Hébreux voyaient en tout et partout le Dieu du ciel et de la terre. Voilà ce qu'on cherchera en vain chez les Grecs et chez les Romains; aussi, combien, sous ce rapport du moins, Lucrèce n'est - il pas in­férieur à Job et à David.

D'ailleurs le poète mythologique qui ne s'occupait que des actions des hommes et de celles des dieux, souvent si viles et si blâma­bles ; qui sondait avec une activité vive, puis­sante, mais mal intentionnée les profondeurs impures du cœur humain, dut rarement y trouver les inspirations du beau, les élans si sublimes et en même temps si poétiques de la vertu. C'est pour cela qu'il arriva bientôt à corrompre ses lecteurs et à se corrompre lui-

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même. La poésie hébraïque, ayant Dieu pour objet 'et pour but, ne pouvait produire ces funestes résultats. Elle était la poésie de la nature qui élargit le cœur et le regard ; donne à l'un de la force, de la liberté, de la joie, à F autre du calme et de la pénétration ; elle ins­pire des sentiments d'amour et de tendre in­térêt pour tout ce qui existe ; elle exerce l'esprit en le conduisant à la recherche des lois de la nature , et fait marcher la raison sur sa véritable route, en attribuant au Créa­teur de toutes choses les merveilles.qui exci­tent la reconnaissance et l'admiration.

Aussi cette toute-puissance attribuée à Dieu seul dans les Saintes Ecritures fut-elle la source des descriptions les.plus pompeuses, des ta­bleaux les glus frappants, des richesses, en un mot, de la poésie la plus sublime. Que le- Jupi­ter de la mythologie, par exemple, prenne fantaisie d'exciter une tempête, il lui faut le concours bienveillant d'Eole pour rassembler les nuées orageuses et faire souffler les vents impétueux ; il faut que Neptune, le puissant maître des mers, consente à leur laisser bou­leverser son humide empire sans les menacer d'un terrible quos ego.9i.; il faut que les dieux

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DES HÉBREUX. 229

de la terre conspirent avec ceux de l'Olympe pour porter le trouble dans les éléments et la consternation dans la nature. Le Jéhovah de la Bible nfa pas besoin de tant de préam­bules, de tant de ménagements ; il est le dieu des vents et des orages, de la foudre et des éclairs : il paraît, et les cieux s'assombrissent et sfabaissent, la tempête souffle ? elle boule­verse, la nuit devient épaisse, les éclairs la sillonnent, le tonnerre gronde, les éclairs redoublent, Dieu leur donne des ailes, etc. Voyez ; quelle richesse, quelle énergie sombre et terrible, quelle sublimité d'images nous offre le tableau du tonnerre et la voix de Jé­hovah dans les psaumes 18 jet 29! encore que ces fictions personnifiées et symboliques dis­paraissent ou s'affaiblissent en passant dans une autre langue.

TABLEAU DU TONNEBBE.

Les vagues de la mort m'entouraient, et je trem­blais déjà sur les bords du fleuve Bélial ! Les lacs de la tombe m'enlaçaientj et je voyais devant moi les réseaux de la mort !

Au milieu de ma détresse, je me suis dit : je veux implorer le Seigneur, je veux que mes cris s'élèvent

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jusqu'à mon Dieu ; il m'entendra du haut de sa forte­resse ; mes cris d'angoisse arriveront jusqu'à son oreille.

Tout-à-coup la terre s'est émue, elle a tremblé 1 les montagnes ont vacillé sur leurs fondements,, elles ont frémi, car il était en colère !

De sombres vapeurs se sont échappées de ses narines, le feu qui sortait de sa boucbe dévorait tout autour de lui, et devant lui les charbons s'embrasaient 1

ic II abaissa les cieux et descendit avec eux; les ténè­bres étaient sous ses pieds ! assis sur le chérubin, il arriva d'un vol rapide ; il arriva d'un vol rapide sur les ailes de la tempête 1

Le voilà qui s'entoure de la nuit 1 L'obscurité des nuages entassée sur l'obscurité des nuages, l'enferme de toutes parts I Chassée par son éclat, la nuée obscure s'en­fuit 1 elle tombe 9 la grêle ; la grêle mêlée de charbons ardents 1

Il tonne dans les deux, le Seigneur ! Le Tout-Puis­sant fait entendre sa voix, et elle tombe, la grêle ; la grêle mêlée de charbons ardents f

Il lance des flèches au loin, il double les éclairs, il leur donne des ailes ! Les gouffres des eaux s'ent'rouvrent, les abîmes de la terre rejettent leur enveloppe devant la voix menaçante du Seigneur, devant la tempête du souffle de sa narine I

Et de sa hauteur terrible, il tendit la main vers moi ; il me saisit et me retira des eaux profondes ; il me sauva de mes puissants ennemis et de ceux qui me haïs­saient, etc.

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DES HÉBREUX. 231

LA YOIX DE lèHOVâHÎ

Serviteurs des idoles, glorifiez Jéhovah ; rendez gloire à la magnificence de JéhûYah ! Donnez à Jého'vah les louanges glorieuses que mérite sa grandeur ! Prosternez-YOUS devant Jéhofah dans son éclat rojal.

La voix de Jéhovah est sur les eaux ! Le Dieu supferbe tonne dans les hauteurs 1 Jéhovah tonne sur les grandes eaux I La voix de Jéhovah résonne avec force 1 là Yoix de Jéhovah résonne avec magnificence!

La voix de Jéhovah brise les cèdres ! Jéhovah brise les cèdres du Liban ! il fait sauter le Liban comme il fait sau­ter le Veau joyeux ; il fait bondir le Sirion comme bondit le jeune taureau sauvage!

La voix de Jéhovah sème la flamme! La voix de Je-hovaà lait trembler fé désert! Jéhovah fait'enfàùter le 'désert de Madèst La voit de Jéhotafa fait faoànner la biche ; elle dépouille les bosquet» de leur feuillage.

Jéhovah s'est assis, il verse des torrents d*éau! Jéhovah siège sur son trône ; il est le roi éternel !

Avouons que l'artificielle poésie des Grecs rfest qu'une parure éclatante et bigarrée, à. •côté de cette noble et saisissante sublimité. Le déiste la trouve originale et exagérée; il n'en peut être autrement : un eûeuf desséché par' le doute, serait-il capable de sentir et de juger une •poésie si confiante en Dieu et.en sa paternelle bonté? Il faut qu'il en convienne, en per-

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232 POÉSIE LYRIQUE

dant cette précieuse confiance qu'entretient en nous la foi en la divine Providence, on perd aussi l'élévation, la souplesse et la naï­veté du sentiment : et voilà pourquoi, lors­qu'on veut mesurer les beautés de la Bible d'après les règles en quelque sorte géométri­ques d'une froide littérature, on s'expose à ne trouver chez les Hébreux et même chez les Grecs primitifs, que des monstruosités dans leur poésie.

Abordons maintenant la seconde qualité qui fait de la langue des Hébreux une langue éminemment poétique.

Avec l'invention 4e la musique* la poésie prit pn nouvel essor, des allures cadencées et de l'harmonie; le discours imagé n'avait que des dimensions naturelles, la musique lui donna des notes plus hautes, des cadences mesurées, La poésie y gagna beaucoup ; car toute poésie musicale demande des sensations élevées, surexcitées, et le chant donne à l'en­semble- d'un morceau de poésie une sorte de mélodie, et, par conséquent, un plan, un bu t , une marche qu'on ne. trouve dans le discours imagé que lorsqu'il découle 'natu­rellement du sujet.

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DES HÉBREUX. - '233

La musique exige de l'harmonie; selon tou­tes les probabilités, la musique hébraïque était encore loin de .cet' art qui fatigue 'et épuise, ce qui lui permettait de suivre ' les -élans du cœur. Rien n'est plus difficile à-tra­duire qu'un psaume hébreu, et surtout un chant de ch<3eur'des temps primitifs. Là, les sons volent sur les ailes'd'un rhythme indé­pendant et libre, tandis que les pieds lourds et les dures syllabes des autres langues se traî­nent dans la poussière; là, un seul mot aérien e t vibrant est toute uoe" région, tandis qu'il nous en faut ap moins dix 'pour èxprioier la même chose plus clairement, peut-être, mais dune manière pesante et guindée.

Toute la poésie instrumentale des" Orien­taux consistait"en chants de chœurs, souvent accompagnés/de danses. Chez eux la science était étrangère à la musique comme à la' lan-•glie, dont le but principal était d exalter. Qu'on se fasse donc une idée de la surabon­dance d'une époque ou aucune règle n'oppo­sait encore son frein glacé à l'expression' des passions. Cet enthousiasme devait-être sans bornes, quand tout un peuple, réuni par un noble orgueil ou par une joie nationale, ce-

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234 POÉSIE LYRIQUE

lébrait dans ses hymnes la gloire de Dieu et l'immensité de ses bienfaits. Ainsi le cantique de Moïse, expression de reconnaissance d'une armée innombrable qui, sous le ciel de l'Ara­bie , exalte son Jéhovah au son des trom­pettes et des cymbales, s'élevait vers Finfini et se confondait avec lui. Aucun peuple n'a jamais eu de chants semblables, aussi devint-il le modèle de tous les chants d'Israël dans les âges suivants.

Le long séjour que les descendants de Ja­cob firent en Egypte dut naturellement les* façonner aux arts de leurs oppresseurs. Ils cultivèrent donc la musique depuis un temps très-reculé. Mais, à Fépoque ou ce peuple était gouverné par des Juges, il existait des réu­nions de prophètes, dans lesquelles on s'exer­çait à chanter les louanges du Seigneur en s'accompagnant avec divers instruments. Nous voyons au premier livre des Rois (chap, x, v. 5) , que Samuel dit à Saùl qu'il rencontre­rait une troupe de prophètes descendant de la montagne (ou probablement se tenait leur réunion ), et qui auraient des tambourins, des flûtes et des harpes.

Et cum ingressus fmris in urbêmf obviam habebis gre~

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BES HÉBIEUX. 256

gem propKtUmm éescendefdium de exeêlm9 eê mie ms~ psalkrium et Êympmum, et tibimm et cytharam*

Sous-David, la poésie et la musique attei­gnirent leur plus haut degré de splendeur. L'esprit de ce prince avait toujours été must-caFet poétique. Dans ses mains royales là harpe devint un instrument d'hommages et de -reconnaissance publics. Il ne se borna pas à répéter devant le peuple les prières que lui avaient inspirées' les angoisses du danger et la joie de s'en voir délivré; il sanctifia la poé­sie et la musique, et en fit l'âme do service di­vin et des cérémonies du temple. Quatre mille •lévites furent divisés par lui en ..classes et en chœurs différents, qui se distinguaient par leurs costumes, et dont chacun avait son maître à chanter ouchorège.'Âsaph, Hémon, Jedithun, étaient les plus savants artistes de ces chœurs, ainsi qu'il paraît par les titres de' quelques psaumes qu'ils avaient eux-mêmes composés; les enfants de Coré formaient une classe in­férieure. On trouve dans le chapitre xxv du premier livre des Chroniques, quelques dé­tails sur les institutions de David relatives à la musique et à la poésie sacrées, et aucune nation ne déploya plus de pompe et de ma-

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238 POÉSIE LYRIQUE

gnificeoce dans cette partie du culte publie. La poésie musicale des Hébreux est origi­

nale et]tout-à-fait particulière dans sa construc­tion. Elle consiste à'diviser chaque période en membres presque toujours d'une égale éten­due, et qui se correspondent mutuellepignt pour le sens et pour le son. Le premier, mem­bre de la période renferme l'expression, d'un sentiment ou d'une pensée; le second membre est la répétition de cette pensée en d'autres termes, son développement ou quelquefois son contraste ; mais de manière que , l'un et l'autre membres présentent Ja même construc­tion et presque le même nombre de mots. • Il faut chercher l'origine de ce mode poétique dans la manière dont les Hébreux chantaient leurs hymnes sacrés. La musique accompa­gnait leurs chants, et.cette musique était exé­cutée par deux chœurs qui se répondaient alternativement^

Il est expressément dit , dans Esdras?,que les lévites chantaient en chœurs alternatifs; et l'on reconnaît au premier eoup-d'œil que la plupart des psaumes de David ont été-dis­posés pour être chantés de cette manière. Le psaume xxm, composé pour cette imposante

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DES HÉB1EUX, 23F

et solennelle translation de l'arche ,dans Je temple du Saint des Saints $ en est un exem­ple et une preuve évidente. Chanté de cette manière, dit le docteur Lowth, il dut pro­duire un effet magique sur les enfants d'Israël. On suppose que tout le peuple est présent à cette fête. Les lévites, partagés en chœurs et accompagnés de mille instruments, ouvrent la marche : la multitude les suit transportée d une sainte allégresse ; viennent ensuite les princes des tribus , le monarque et sa cour; enfin les prêtres environnant l'Arche d alliance. Sou­dain, au milieu du recueillement et du silence, les lévites font retentir les airs des fanfares de leurs trompettes, des sons mélodieux de leurs instruments ; puis les chœurs entonnent les deux ...premiers versets ^ qui servent d'intro­duction au psaume :

1. Domini est terra, et plénitude ejus : orbls terrarum et universi qui habitant in eo.

2. Quia ipse super maria fundavit eum, et super Au­ra ina praeparavit eu m.

La terre est au Seigneur : les fleuves et les mers, Les fleurs, les animaux, les astres; l'univers,

Tout est son bien et son ouvrage.

Pendant qu'on chante cette sublime intro-

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238 POÉSIE LYRIQUE

doction, la pompe triomphale s'avance vers la montagne sacrée. Le peuple s'arrête, et Fan des chantres paraît loi adresser cette ques­tion :

3. Quis ascendet io montem Domini?aut quis stabit in loco sancto ejos.

Qui de vous donc, mortels, percera le nuage Où ce maître terrible a voulu se cacher ?

Et quand TOUS n'êtes que poussière , Du lieu saint que remplit l'éclat de sa lumière

Qui de vous pourra s'approcher?

A cette, interrogation, un autre chantre ré­pond au nom de tout Israël :

4. Inoocens roânibus et mu ado corde, qui non- acëepit io vano anionam suam, nec jura?il in dolo proximo suo<

5. Hic accipiet benediclionem à Domino, et miser!» cordiam à Deo salutari suo.

6. Hœc est generalio quœrenlium eum, quâarentium faciem Dei Jacob.

Celui dont la langue sincère Toujours d'accord avec son cœur N'a jamais su tromper son frère,

Mortels, voilà celui qui verra le Seigneur. C'est - maintenant que l'innocence Reçoit de lui sa récompense ;

Le juste maintenant peut paraître à ses yeux : Tout obstacle est levé, toute dette abolie

Par celui qui réconcilie La terre avec les cieuz.

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DES' HÉBBEDX. Î39

Mais le cortège religieux est arrivé près des portes du Tabernacle : à la ¥ue du Sanctuaire que le Dieu de Jacob a choisi pour sa demeure, les lévites soutenus par les instruments s'é­crient à h fois au milieu d9un saint enthou­siasme :

7. Attollite portas, principes, ¥estra*s,et elc¥âmioî porta selemales ; et introibit rex gloriae.

Ouvrez-vous, portes éternelles, Portes que si longtemps un arrêt rigoureux

Fermait aux malheureux. Ouvres-vous, portes éternelles ,

Le roi de gloire arrive, ou¥res-vous aujourd'hui: Et vous, esprits divins, légions immortelles,

Accourel au-devant de lui. Ou¥res-¥Ous, portes éternelles f

'Le roi de gloire arri¥e, ouvrez-vous aujourd'hui.

Ici le premier chantre demande :

8. Quis est iste'rexglorîa?...

Et au moment où l'Arche est introduite dans le tabernacle, tous les chœurs réunissant leurs voix répondent par ces magnifiques accents :

Dominus fortis et potens, Dominos potens in praelio.

Anges, vous demandes quel est ce roi de gloire?....

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240 POÉSIE LY1IQUE.

Celui qui', .triomphant après tant de combats. Enchaîne à son char de vicloire

La mort et le péché qu'a terrassés son bras.

Enfin l'Arche est placée dans le Saint- dès Saints , et le peuple entier et la troupe des enfants de Lévi répètent avec ivresse cette acclamation :

9. Attollite portas, principes, vestràs* et elevaminl porta œteroales; et inlroibit res glorise.

Ouvrez-vous* portes éternelles', Le roi de gloire arrive, ouvrez-Vous aujourd'hui : Et vous, esprits divins, légions immortelles,

Accoures au-devant de lui, : .

10. Premier chantre* Quis est iste rex gloriae ? -*- Chœur. Dominus Yirtutum ipse est rex gloriae.

1er 'Chantre. • Quel est ce roi puissant, demandez-vous encore?,..

Chœur. Celui que l'univers adore ,

Et celui qui du ciel apaise le courroux: Les portes désormais n'en seront plus fermées. Ouvres, le roi de gloire est le Dieu des armées ;

Troupes d'anges, prosternez-vous. L. RACINE.

Cet exemple nons montre que? pour sentir toute la grâce et toute la richesse des poésies

Â

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DES HÉBREUX. 24-1

sacrées, il faudrait bien connaître les occasions particulières pour lesquelles elles ont été com­posées; et que la plupart des beautés de l'Ecri­ture sont perdues pour nous, parce que nous n'avons pas des notions assez exactes sur les mœurs et les coutumes religieuses des Hé­breux.

Cette méthode de composition par versets correspondants, adoptée ;une fois dans, les hymnes et dans la poésie musicale des Juifs, s'introduisit bientôt dans toutes leurs autres poésies, bien qu'elles ne fussent pas destinées à être' chantées en chœur, et que, par consé­quent, cette coupe • n'y' fût point strictement nécessaire. Mais leurs oreilles-y étaient 'fami­liarisées ; e t , d'ailleurs,* ce mode donnait au style quelque chose de majestueux et de solen* nel f 'qui convenait parfaitement'bien aux-sil­lets sacrés; voilà pourquoi nous le retrouvons dans les livres, des Prophètes, aussi -bien que dans les psaumes de David.. ' • , •.-...••

Indépendamment, de sa forme".particulière, la poésie sacrée, est encore remarquable par k beauté, la force, la concision et la-'"hardiesse des expressions figurées.

La concision et la force, dit'Hugnes'lkir^

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Î42 POÉSIE LlMIQtJE vwfrleï,4.wxqualités easeatieUea4ô.-k.pQ^ie •hébf atyiie. Qa serait d'abord tenté de croire que cetlp manière d amplifier ou de développer la-iftêi^pensée en la répétant en d autres ter-naes on çp.kd opposant un contraste f dut con­tribuer à ajKaiblir le style; niais les poètes hé­breux sfy prenaient de manière à éviter cet inconvénient Leurs périodes sont toujours txèsHXMirtes ils n'y laissent presque jamais entrer de mot$: superflus, et ne s'arrêtent pas longtemps sur la même pensée. C'est à cette sobriété d'expression, c'est à leur extrême concision que leur poésie doit presque tout ce qu'elle-a-de sublime ; car le sublime n'a pas de plusgraadeapeioi'quieilapi^Uxîlé. • . • - Aucune production d#;Lfôfptit humaia-a'çst

mt outtoe {dus .rerafilie. -de fîjpre» hardies ei > animées/Les raétaptoiW*» •-l#ft «qpapaiwi* aont* les «UégariAs., Je«fMrowpapâ»» jr &m% trts-fmultipliées..Mftl& om caftçfijt.-qtie^ipopr les bien apprécier,, il fauj q«^k»ioi€pJf vue* à /leur pteoe ; il. &»t• se, UmmpmU? -au- jqifcu même de» ob}e§s;déwit% pour jitger du vérité ou des-défautt de*Ia description. -Un examinant les poèteç hébreux sous.ce rapport, npps,tr9«T vewins que faim %w€s:pfigij#nta4ipiral|le-

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916 IÉBBBDX*. 243 ntmt .la «Mura dfe leur ©entrée , ainsi que* leurs arts et leur* HMBIéISU

1 La Judée" né présente èft général qu'un sol aride, coupé 'de ravins hérissé de rochers :' pendant lès -chaleurs de fêté, la terreétait im­pitoyablement-dévorée par ;les ardeurs du so­leil; ta prifatioti d?èau 'était dbne' le -plu* grand malheur tfûtt fùA -cffit' â; redouter, et la'déeoKi verte d'une source-où dtm petit ruisseau fune:

douce ondée ftjjrè's'tin' temps'de'sécheresse ,* changeait -pour un moment la face de la <MH ture/et ramenait aux idées 'de plaisir et de bonheur. De là ëm -allusions si -fréquente*, dans la poésie sacrée, à une terre aride et brû­lante, oh ' i ,nY a -pofot d'êàu, pour peindre Fettûèfr -dit malheilr : de ta ce* métaphores- em­pruntées d%ne rosée *qni tombe d'à ieîely étaie source imprévue qui s?eéttappe du 'Sein *dïin rocher, ou d'un torrent grossi parles eaux -du" Liban,-pour déérire lé passager'âm malheur â k prospérité. Les «feux motifagnes les -plus'' considérables -étaient lé Carmel et -le 'Liban. Le prenwer,eélèbre par sa beauté et par Fèx-ééHeaee des lignes et-des olkiers qu'on- y cul­tivait; le1 secôadyfhveta par m hauteur et par toforé&dé cèdres gigantesques dont îl-était

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244 POÉSIE LTBIQUE

couvert. Aussi'le Carmei est rimage de tout ce qui est gracieux ; le Liban, de tout ce qui est grand, de tout ce qui est sublime. Gloria H~ bani data est ei; décor Carmeli ( Isaïe, çhap. xxxv, v. 2. ). La gloire du Liban lui a été don­née, ainsi que la beauté du Carme). •

Voilà tout ce qu'offrait au poète judaïque une nature stérile et bornée : quelle sera donc, la supériorité de son mérite, si le climat heu­reux delà Grèce, si le beau ciel de-fltalie n'ont rien inspiré qui surpasse, rien qui égale les accords des chantres de Sion, soit qu'ils soupirent ses revers, soit qu'ils célèbrent ses triomphes !

Observons encore que, dans la peinture des sentiments imposants et terribles, ils emprun­taient,, dune manière' sublime, leurs images à la violence des éléments, et à ces grandes-se­cousses de la nature dont ils avaient été fré­quemment les témoins. Us avaient souvent éprouvé des tremblements de terre;• la grêle, les éclairs, le tonnerre, les tourbillons.des vents se déchaînaient avec bien plus de fureur, dans la Judée et l'Arabie, que dans des régions plus tempérées. Isaïe nous peint la terre agitée et chancelante comme un homme ivre, et trans-

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DES HÉB1EUX. 245 portée d'un lieu à un autre, comme une tente dressée pour une-nuit.- •

Jgiiaiimm ugiêabilur terra $icut ebrius% et auferetur ftnifi Uémmeulum unim -métis. (Cap. xxiv, V. 20.)

Elle sera agitée, et elle chancellera comme un boni nie if ref elle sera transportée comme une tente dressée pour une nuit.

. Outre les images qui se rapportaient aux productions et aux effets de la nature dans leur pays, les poètes'hébreux en employaient d'autres encore, qu'ils tiraient des cérémonies religieuses, des arts , des mœurs et des usages du peuple juif. Ce peuple était essentiellement agriculteur et pasteur, et ces conditions cons­tamment en honneur/ étaient exercées par les patriarches, les rois et les prophètes. Aussi faisaient-ils de fréquentes allusions à la vie pastorale, aux verts pâturages, aux eaux pai­sibles, aux instruments de l'agriculture, comme, par exemple, au pressoir, à Faire à battre le blé, à la paille, au chaume, etc. Ne pas goûter ces images est la preuve d'une bien fausse dé­licatesse. Homère rappelle au moins'aussi sou­vent, et d'une-manière bien plus minutieqse, les détails de ce que nous appelons la vie com­mune j mais il se montre f à cet égard, bien in»

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246 POÉSIE LYMQOE

fémur aux écrivains sacréey<(wi, p*r la» grart-deuret la dignité des expression*, élevaient leurs comparaisons à la hauteur de leur sujet. Quelle inexprimable grandeur, par exemple, l'intervention de la Divinité ne donne-t-elle pas à une image champêtre, dansée paflsagt d'Isaîe:

Sonabtmt p§puli sicui mnUm nquarum mumémîmm^ et imrepëbii &tm9et fitgiei procul : #1 ropieàêr êïeuifwJ^ vis mm}tium% à (mie ventif ti sicutturbo c&mm iempeslm'e,

tes prapfoafréariiQ9tc*m*te 4m mm yv se 4ébo>r .dent; Ils seront disses devant Dim comme la p a n s a i cpe lie ?ent enlève sur les montagnes, etconunp. un lopr-billon de poudre qui .est emporté par If teittpéto.

On rencontre mmm de fréquentes AHUSîMII

aux rites et aux, cérânxMiies de leur calte , mm costumes de lent* peêiare» et aux principaux événements de leur -histoire sacrée^ com»e : la destruction de-Sodomie* l'apparition : du Sëit? gneur sur le mont Binai, le passage-de k Met Rouge, etc. La religion dm Hébreux, renfermait leur législation et leur constitution sociale. Elle était neupti& de,soIenititésdontlapot»pe ' frappait lettre 8ens»efi m trouvait liée à toutes les partie de rétablissement et- de l'histoire de Igup nation ; aussi tontes les idées qui. s'y

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DftS HÉBREUX. " M7 rapportaient avaient pair cela même beaucoup de grandeur et d'importance, et se ttottvaiéirt singulièrement propres à frapper nmagina-tion. 11 est temps de nous en convaincre par des exemples*- . .

Nous distinguerons'd'afeofd, dans les écri­vains sacrés, Feœptoi judicieux deâ figures, surtout ée- celles -qu'ont fréquemment em­ployées les plus célèbres poètes de l'antiquité profane : la comparaison, l'allégorie et la pro-sopopée.

Leurs comparaisons sont en général très-courtes; ik n'indiquent qu'un seul,point de rêSMaiWaiw,, et n'en feint jaiBM8'des-««pic£& d'épisodes» A cet égard, ils "ont péné t r e m àvatïtâgeiûr lé& poètes delà Grèce"et de'Rome, dont les comparaisons, par leur extrême éten­due, coupent la narration d'une manière trop sensible, et laissent aisément apercevoir tes re­cherches et le travail de l'auteur. Chez les Hé-hreui,<aii coatraire* - elles, mut mmwe un, trait de flamme parti d'une imaginatâon-ardente; 1© poète jette, en passant, ua regard .rapide sur un objet frappant par sa ressemblance avec l'objet qui l'occupe, et.'reprend aussitôt.le cours de ses idées»

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248 POÉSIE LYRIQUE

Si Homère peint un jeune homme abattu par le glaive de Ménélas, il se laisse aller à une comparaison belle à la vérité ^ mais pleine d une foule de détails :

Olm il xpeçei îpvoç av^p tpilhXèç eXafaç yéfm iv owiréXai ,8S'.«Xtç «wëiêpupi? 5t«p, xmkw, rnktMw , te il T» itfvoiid Jovlown-• ,-• • iretvmwv av ip^ , xaî re fyuf i avfiiï talxÇ' . i eXOàw i* ££amvi)ç ave(xoç criiv lafXaxi. irdXWi , -(3o6pou Tf IcsGTpi g xal é eTavuca' ITCI peiij.

(11. x?nf 55.)

Tel an jeune plant d'oli?ier qu'un homme élève a* ee soin dans on lieu solitaire» d'où jaillit une source abon­dante : l'arbre magnifique étend son feuillage, ' et, ba­lancé par k douce haleine- des vents, il se-coime-de fleurs éclatantes ; mais topt-à-coup: l'autan furieux se précipite en tourbillons, le déracine, et le couche sur la terre. , , 4• :. , . \

Job pour tout cela n a qu'un trait : . .,,.,.:

Lmdeîur qumi vimea in primo flèn èoîrus gm, «I §m$î oliva prqjiciens fl&rem mum (xy, 33.) ' •

L9impie'§e flétrira comme la vigne tendre; comme l'o­livier qui lasse tomber sa fleur.

Ailleurs, il sait employer à propos là longue comparaison: :

Humectus videlur ' antequdm veniat'sol3 et'in oriu'suo gcrmen egrtdietur.

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~BSS l É t t i e i L 149

Super mervùm pe^mmm roiim*qm iiftfj#tf(tfitr9 el. mêà hpidm mwmmédêmr.

Si (êiêfèmêrit mm de hcê smf ftfjpèil mm et iieet : Mm mmi te. (vin, 16-18.)

Tous verriei l'impie humecté afant le lefer du soleil et réjouir sa tige dans son jardin.

Ses racines se multiplient dans nn tas de piètres et t'y affermissent.

Si on l'arrache de sa place, le lien même où il était le renoncera, et lui dira : Je ne t'ai point connu.

Combien cette comparaison, ou plutôt cette figure prolongée, est admirable I c'est ainsi que les méchants sont reniés par ces coeurs stériles, par ces' tas de'pierres sur' lesquels, dans leur prospérité coupable, ils jettent folle­ment leurs racines. .- • •• ; - '..

Les Syriens ont conspiré la perte de rojau* me de Juda ; à cette nouvelle,

Aêmz frémit : son cœw est saisi, de crainte , et MOU peuple tremble comme les arbres des forêts qui frisson­nent à rapproche de la tempête. (Isaïe,)

Les comparaisons du "genfe. gracieux ne sont ni moins fréquentes, ni -moins heureusçs dans les livrés '.saints. Limage de l'homme vertueux et l'influence des ,bojis exemples

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15» paisiB.LirMm quHt'4tatane*àla-terM} jMromt-eUfi'fiQuatâtre présentée sons des traits*pins jttete*'-ét'j)te» ca'pables de la faite àentir, qûë dans-te céfn-paraïson suivante :

Eteriê tsnqmm Ugnmm^ qwed pl^ivt^mmi Hçu$tfot

®$rsïm m/tmtmf qmi fmtoimm ®Mm>-(kèU in.empire sm. (Ps. 1. 3,) ... , ,„.. - ,.

Tel un arbre que'ta nature ^ *" Plaça sur te cotfrànt'des edut; • ' ! '•", -Ne .redoute pour ses rameaux

' ' Mlià^liïl0il'tirkf,fdMyrfe: * : * • ' • " . ' * " ' ' •IMês ëéti tétH|il' il . cW«ne ses fallu» < - • \. ».

• Sm» %m étérîtflh rmàw% i ' ^ [ r, Par la. pain de Dieu reproduits- ^ t -• .• '

. ' i^EFiîÂKC DE ^OMPlêi^M. '

Nous avons vu Homère, défier, ,à ; lj#ct-queue» dè'Mttton Ja.dicMifmirf du mk\•> «tenons avons admiré rteit,w€mk'îf»itati?€iîdft-tie^ vers qui exprime cette idée :

' Toti *6& «iti *fkw®kf% piXiToç yXuxfaw f^ «û4vfk,.:,- •

Voici de quelle manière Moïse, plus grand poète 'encore qà'Hdtàèrë:, 'ta rendre< cette même peùsée, et -faire 'ohé. beauté' -dte; fleittô»-meut de ce qui rfèat, tteiis • i-*4ctf Wft profitai qr/utie Beauté de dictidrt : > • ' - ' • * " v

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BEâ HÈB1EU3L- Ml

ewmmmïèVfiàitfia Jortrwttr mea<: ftmirmmt «*»* qmwmmeumf qmmi imber mper herbam^é fftfgst $êHkp mper gmmim (Dent, cap, xxxu. v. S).

Puisse ma parole féconder vos cœurs comme une pluie bienfaisante, mon discours les pénétrer,, comme la douce rosée qui lpupecte et «fraîchit h tendre gaion.

Qui ne connaît cet admirable tableau d'une des plus belles comparaisons de Virgile !

.$fO*i p&pwlei mmrem Phibmeld sub umbra » Amium qmriiur fmlms quos durui srator^ Obiervam mdo Implumes delraxtt ; ai illa Fki mçtem, mmoque §edms mberabile e^rmen^ Intégrai, et mœstis latè loca qmsiibm implet

1 Teilcf sur un rameau, Aurknt la miit obscure, ;

<" flriMmtts pkliitife-tflMiiArfftla aaftora,

. t Qtyi f gUssant, dans non uH une furlive main f -Ravît ses tendres fruits que l'amouf fil écîore

m '' Et qu'un léger duvet ite'eouvre pa^ encore.

;' jTdiit ce morceau respire te plus doii^ §#*• siÉÊtê,%êt'% trait implumes qui cxnwplète- k tableau; "et; arrête si déhcseuseaiefit U c^euf êttt Hàtage In 'plus intéressante, liai»'paraît .au-dessus 'de Féloge. Nous- croyons cependant

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161 POÉSIE LYWQCE

bien supérieure encore* "la comparaison sui­vante d'Isaie :

Et dimi Sim : dereliquit fmB&minm3 et Dwminm Mi~ tut e$t met.

Numqmii Mhùci pokst mulier infankm mumf ut non miiermtw film ukri $ui? et si illa Mita fwrit9 eg@ tamen mm Mivùcar Itil. (Is. XLIX, 14-15.)

CepewfantSion a dit : Le Seigneur m'a abandonnée, le Seigneur m'a oubliée. — Une mère peut-elle oublier son enfant, et n'avoir point de compassion du fils qu'elle a porté dans ses entrailles ? Mais quand même elle l'ou­blierait, pour moi je ne tous oublierai jamais.

L'allégorie se présente très - fréquemment dans les poésies sacrées des Hébreux. 11 serait difficile d'en citer une plus touchante, mieux amenée et mieux soutenue que celle du psau­me 79, oà le peuple dIsraël- est -représenté sous la figure d'une vigne ; il n'y a - pas un trait essentiel d'omis,, pas une circonstance capable d'intéresser, qui ne soit mise dans tout mm jour: Ajoutez à ce mérite du fond des choses, .celui d'un langage toujours; noble dans sa belle simplicité! et riche- encore après avoir subi l'épreuve de deux ou -.trois.traduc­tions, différentes, qui ont • nécessairement af-

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DES BééIEIHL - 253-

faibli le caractère de l'expression originale. La voici avec la traduction de Lefranc de Pompignan, dont les vers retracent souvent l'harmonie et l'enthousiasme vraiment ' lyri­ques de J.-B. Rousseau.

Fineam de Mfjypto transtulisti ; qecisli gmêe$ et plan-tmti e&m. Dux iiimris fuisti in conspeetu qus, et impkwii ferrant. Opermit montes umbrn qm, el arbmta qm cedrm Dei» Extendit palmiki mm nsque ad mare; el usque ad flumm propagines qm» .

Comme une figue transplantée f

Qui va fleurir sous d'autres cieux, Ptr toi-même dans ces beaux lieux Ta nation fut transportée. Pour ii0us ta voix ou?rît les mers : Tu fis défaut nous, dans les airs, Marcher k flamme et les nuées; Et des barbares légions A leurs faux-dieux prostituées Tu nous liffâs les régions.

Du milieu des fastes campagnes 9

Celte vigne que tu chéris Ëlèf e ses pampres fleuris Jusque» au faite des montagne. \ Les. cèdres ^ rampent à ses pieds ; Ses rejetons multipliés Bordent au loin les mers ' profondes : Le Liban nourrit ses rameaux f ' - . ' - : ?

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U4 PQÉS&-LW6KK . Et VEf§hmtB .roule ses* oadej Sous J'ombrage 4e Iturs berceaux.

,: lMr§m4 4ftm®i§ti mmerwifi {gw €lmné^^im^.e^pt

owmtqui..prmkrtffiiimîur vi®m*. • , t . ,".,...

Mais que dis-je? ta i^if«e-*ti*|e - .. ' -.*, , : <, M'est plus qu'un stérile désert, Qu'un verger aux .passants offert , Beat toi-même as détruit l'enceinte. ?

Livrée à des coups assassins, Le voyageur de ses larcins

' T laisse d'horribles vestiges ; Et par ta vengeance conduit, " . ' ' • . ' ' '. Un monstre en a brisé les tiges , Dévoré la feuille et le frdit.

Deus virtukm* oomwtwt, mfjhim d&<cœlp9.et vide, et visita vineam istam*

Et perfiee eam ipMMfimêmîi > d$M$m êmif fie:

Souverain roi de la nature f

Permets-lu que des furitux Anéantissent sous tes yeux Le tendre objet de ta culture? Rends-lui tes premières faveurs, eic#

.Presque tout est allégorique dans les psau­mes et dans les prophète§»-Parjtoutrà:coté du sens littéral, m présente -le sens mystique ; et ee voile allégorique'est si facile à percer, les événements .obscurément indiqués ou claire­ment prédits,, «NBt. ri coiy^ètaiRMtfe justifié le

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':]ipS;liHMl?Xi< tt* ptopbèt6,..bu[ pî*tôfe"le>gêife: «p» Fjaspfewit, qrâl nq reste .pas ph& dé''doute ••«* If ftpd même des choses, que sur la manière çpfelpif dont elles sont annoncées.

. Mais h figure poétique qui contribue le plus à rendre le. style de. Mcriturç * élevé, hardi, sublime, c'est la prosopopée ou per­sonnification. Les écrivains sacrés y ont dé­ployé une grandeur et pn0 magnificence dont les autres .poètes Rapprochèrent janiais. Ils répandent la vie sur toute la nature, et pria-eiptftaiiMir loracpfôg parieur de -ilappaiitlon du"Téut^Pûissipit'ou biende-sesiMWâgea • ' '

La désolation marchait devant lui. — 0.|rapd Dieu*! les eaux te virent et furent saisies d'effroi. — Les mon­tagnes 1Q *kent,-et elie§ IwmMèfanl» L'abtae a bit çn-t ndt f «a TOI*, ci a perlé §®s imm® #W< haut..

Si Ton veut avoir une idée complète de to"ut'lféflfet que produit cette belle figure 'em­ployée par le plus, sublime des poètes^ il ,Iaut la chercher dans le «tai t triomphai dîsaie, sur la chute et la. mort du tyran de Babylqpe. Quel enthousiasme vraiment sacré vous'saisie vous transporte malgré vous, dès lé début de WjMtmia ;i»igni%iiei Voym -comme h «àtire

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256 POÉSIE LYRIQUE

entière est appelée à se réjouir de la ohute du cruel oppresseur d'Israël (Isaie, chap. xiv< r.•&&.),

. Cmqmieviî et siluii entait Urra%gmi$a est et exultavit* ' Jbietes quoqm lœtaiœ mmi super te9 ei eedri Likmi :

ex qm dmmi$ti§ mm memdeî qui suecidai n&$.

, Enl^¥f)yant tomber, ce farouche tyran*. I*a terré toat-à-coup frémit d'un doux tumulte : lie fia s'en réjouit et le cèdre l'insulte 9

' • • ' : Tranquille au sommet du Liban.

^l/m£fr penoMttfié..«MÎIe et anime contre loi JetomëfeS'des roii et de§ princes-: toutes se lèvent à la fois, et vont au-devant du roi de Babylone.

' Eeee iu mlmmim es sicnf eê nmf ttoi frf mmilis effmtm es. Eklrmctm eM «i infemm mpeftim tmt cmmiit eêdmef

t/ £b 1 qafi donc! comme nous te voilà » éiiôaMitiei v

Dans la fbuie dei morts tu desceuds confondu l ' Te'voilà sâûslalleurs, sans cortège t et perdu ' ' :

* ' • •" ' Dans les ténèbres étemelles,

. Ils répètent ensuite les discours ' que lui dictait son ..orgueil :

<\§ëidi€êbm ift e&rde-im .• M<€mbm cmœemlmm, jtyMT

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DES HÉBREUX. So7 astra Dei exaltabo solium meum3 sêdebo in monte testa-menti f in lateribm aquikmis.

• Jseendam super altitudinem nubium, similis ero Allis-simo.

Ferumtamen ad infernum detraKeris inprofundum laci.

. . . . Tu disais: « Au-dessus des nuages, « Je veux; le sceptre en main, pareil à Dieu m$asseoir. « Cieux I vous serez mon trône I astres ! je veux, vous voir

« HFapporter vos humbles hommages. » Tu le disais : l'enfer dévore tes desseins, etc.

On serait tenté de croire que l'essor lyri­que ne peut s'élever au-dessus de ces derniè­res images : le poète sacré va prouver le-con­traire, et de nouveaux personnages vont figurer encore dans son poème. Ce sont des voyageurs à qui le hasard fait rencontrer le cadavre du tyran; il est si défiguré, qu'à peine ils le reconnaissent, et sfécrient à son aspect :

Qui te viderimt, et ad te inclinabuntur, teque conspi" eient: numquid iste est vir% qui cmturbavit tefram9 qui eoncussit régna.

Qui posuit orbem desertum3 et urbes ejm destruxit9

vineiis ejus non aperuit eareeremP Omnes reges gentium universi dormiermnt in ghriâf vir

in domo mâm • ,

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268 POÉSIE LTBIQUE

Tu m4m% projectile' es de- sepulckra (Mù » §mm( ëirps

imtilis, pollutus et obvolutus- mm hiê qui ùUrirfeeti* $unt gladm$ et descendifmê' in fundamenia hci$ qumMcmkiver putridum.

Est-ce loi dont la voii commandait à la guerre! • Loi qui d'or et de sang épuisait ses états ; Et,,potentat, vainqueur des plus iers potentats f

En désert transformait la terre? Les marbres , .ks parfums et les hynwes pieux, Des rois les plus obscurs honorent la mémoire « Et même les tyrans n'arrivent pas sans gloire

Au sépulcre de leurs aïeux. Cruel I toi seul privé Ies: pompes- firaér'aft%#* fo seras le butin du ^uraco corbeau, lf#ô T tu ne joindras pas tes pères, au tombera :

Ta cendre outragerait tes pères* (ROUGHEE. j

Quel mouvement! quelle variété-,- quelle pompe de style, quelle Meuleuse râmtoft des pensées les plus fortes et des images les plus poétiques!

Nous allons maintenant analyser quelques-uns des passages les plus remarquables de l'Ecriture. Nous le ferons d'une manière suc­cincte, parce que les bornes que nous nous sommes fixées, ne nous permettent pas de traiter à fond une matière si riche et si fé­conde.

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DES HÉB1EUX. 269

Le plus ancien des poèmes renfermés dans le* Ecritures saintes, est sans contredit le livre de Job; presque tous les érudits le regardent comme antérieur aux livres de Moïse, et pla­cent l'épreuve à laquelle fut soumis le patriar­che Iduméen, vers l'époque de la naissance du législateur d9fsraëi Job était un prince opulent du pays d9£dom, dans FÂrabïe sep­tentrionale1 : comme les riches Orientaux des époques primitives, il possédait une foule d'esclaves et d'immenses troupeaux. Sa vertu répondait à sa fortune; il avait un coeur droit, et la crainte du Seigneur reposait dans son âme* Mais voilà qu'au milieu de sa prospérité et de son bonheur, l'homme juste est frappé dm plus cruels revers; ses maisons, ses trou* pmux, sea pasteurs, ses enfants mêmes lui sont enlevés par des fléaux destructeurs. En.butte à tous ces assauts livrés presque sans inter­valle à sa vertu , Job demeure inébranlable ; et, dans llieroisme de sa patience, il se con­tente de prononcer ces paroles d'une résigna­tion surhumaine : Dieu me râpait donné; Dim me Va été; que son saint nom soit béni.

€*e n*e$t pas qu'ainsi courbé sous les coups du malheur, Job ne sente pas ks poignantes

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260 POÉSIE LY1IQUE

étreintes de F infortune. Sril est pieux et rési­gné , il n'en est pas moins homme; son âme n'en éprouve pas moins le besoin de répan­dre à flots les sentiments d'amertume qui l'oppressent. Alors par quels accents doulou­reux sa voix plaintive n'exprime-t-elle pas tout ce que lui cause de tortures et d'angois­ses, l'état .abject où le Ciel Fa réduit. Tantôt ce sont des cris inarticulés et le bruit confus des soupirs; tantôt c'est une explosion d'idées brûlantes qui s'échappent de son" cœur flétri, et que sa parole traduit par tout'ce que. le langage lui fournit de locutions énergiques, de figures hardies, de peintures touchantes et lamentables : son style est celui de la plus tendre élégie, de même que souvent il s'élève aux plus sublimes hauteurs de la poésie ly­rique.

Comme toutes les poésies primordiales, le livre de Job a aussi ce caractère particulier ; qu'il réfléchit une multitude infinie d'objets, et nous présente le miroir du monde tel qu'il était à l'époque où vivait le patriarche de l'Idu-mée. «Il n'est, dit le savant et modeste auteur des Etudes littéraires sur les poètes' bibliques il n'est aucun des livres poétiques de l'Ecri-

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DES HÉBREUX. 261

tore ou tant d'objets divers aient jeté leurs reflets. Le Très-Haut avec ses splendeurs éter­nelles, les merveilles de sa puissance, les rè­gles de sa sagesse, la profondeur de ses voies, les retours de sa' fureur, la variété de ses communications' avec la terre ; l'homme avec la souillure de son origine, les maux de son existence, la rapidité de ses jours fugitifs comme le passage d'une ombre, la fragilité des œuvres qu'il établit et des monuments qu'il élève, la sublimité de ses espérances, noble compensation de ses malheurs, Fat-tente d'un Dieu réparateur qu'il porte en son sein comme un de ses plus doux pressenti­ments ; les sauvages du désert avec leur vie nomade et leur amour du pillage ; les peuples orientaux, avec leur sensibilité toujours ex­trême, leur douleur fastueuse, leur amour du merveilleux, leur confiance aux apparitions comme aux songes de la nuit, leur vie agri­cole , leur habitude de contempler les astres; enfin la nature même de l'Orient avec les cieux si richement étoiles qui la couvrent, l'immen­sité de ses solitudes, les superbes et terribles animaux qui la peuplent, la grâce de ses campagnes et des fleurs brillantes qui les

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262 POÉSIE LYRIQUE

émaillent, tous ces accidents et mille autres encore sont rassemblés à la fois dans les peintures de Job.

Après avoir parlé de Job, faisons-le par­ler lui-même; ses accents justifieront encore mieux le portrait que nous venons d'en tracer rapidement ; ils porteront une précision plus parfaite dans l'idée que nous pouvons conce­voir de son génie.

Job s'est tu pendant sept jours et sept nuits; les maux qu'il endure n'ont pu lasser sa pa­tience. Mais enfin écrasé sous le poids de la peine, à la vue de son épouse qui lui adresse de dures et amères paroles; attendri d'aiilâure-par la présence de ses amis, il rompt le si­lence, et révèle en ces mots tout ce que son coeur éprouve de tortures et d angoisses :

Pereat dies in qua natus sum, et nox in qua dictum est : Cosceptus est homo I

Dies ille verlatur in tenebra», non requkat eum Dêtis desupër, et non illustretur lumiae.

Ob*curent eum tenebra et nmbra,nîortis f occiipct eum ealigo; et involvatur amariludine.

Noctem illam tenebrosos lurbo possideat, non com-putetur în diebus annï, nec numeretnr in meosîbos.

Sit ûOX Hla soiitaria née lande -dïgna. Maledkaiit ei qui maledkunt diei, qui parali sunt^

suscitare Levialhan.

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SES HÉBBEUX. 263 Obtenêbienliir. Stella caligiee ejus :>ex.pqfftet lj*cem et

nm yideàt sec ortum surgentis auror» : Quia non conclusit ostia ventris, qui porlafit-me, sec

abstnlst mala-ab oeulfc mms* 'Qwwrè « n i » fêlfâ mor-luiis .sum, fgressps ex utero

non slalim péril? Qeare .«eeptn»ig«iib*is-? G|i-r fa^tatos «tecifauji? .Nanc enim donnien* «ilerpin, et somno pieo:requjes-

eereml C«m »egibii*ftt.ciMîSjiltbtts tawe? qui :a^fk?aijLpbi

solitudines: l u i fera fmneiprilms» qui -pom4çot^ur.i«m, ©t Teplent

dotoos suas •'argents. Aut sieut ahotltTiim «frgcondibim non -siibsistewi»* vel

qtti •qnooepti oQn.iWteriwit l#ceœ. Ibi impii cessafe«M#tt ;à Uiamltii, c?t ib.i xequ-iewerunt

.Etquotodani ffkftcti >pariter :spa-e aiQlçtstiAi-P$n audie-ruiit Toeem «Met^tU-

ItoviiS'.Qt npgnus :ibi s«»l, et -servus liber â,domino suo.

IJoaue n)iserofdaJta.Q$t li*xrJet Ytta.his.-qui in awaritu-dine animœsunt?

Qai-coqpectaatiportan., £l;aoa venit, q^asi -effipdieiites thesaurnm ?

Gaudeaique Yeheraeatftr-qiiùm fr veoerintseiwlçhriim? "Viro eu jus afesooqdita est wa, f l ^ircuandedit •,tum

Deus Janiebris? Aotequam -.cooiedain guspiço : jet taïuipani iq muantes

aqoœ, sic ru gît us meus.

• Périsse le jour qui irfa vu naître! périsse l'a nuit où Von put dire : Un liomme est conçu !

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264 POÉSIE LY1IQUE

Que ee jour se change en ténèbres ; que-le Seigneur en perde le souvenir $ et ne songe pins jamais à réveiller sa lumière.

Que l'ombre de la mort l'envahisse, et qu'au sein de cette obscurité, tous les maux à la fois l'enveloppent et l'inondent.

Qu'après le jour, on livre la nuit de ma naissance à l'horreur des tempêles; qu'elle oe compte pas dans mes annéesI qu'on l'arrache du nombre de mes moisi

Qu'elle reste à jamais oubliée et-solitaireI qu'on oe pense jamais à la bénir I

Maudite soit-elle plutôt de ceux qui maudissent la lu­mière, de ceux qui sont près de susciter Léviathanl

Que la profondeur de ses ténèbres obscurcisse les étoiles! Qu'elle attende le jour sans le revoir ; qu'elle appelle même vainement le retour de l'aurore 1

Je la maudis, parce qu'elle m'a permis de-naître et n'a point épargné à mes yenx le spectacle de la douleur.

Oui f pourquoi n'ai-je pas alors péri dans les entrailles qui m'avaient formé? Pourquoi, du moins, ne suïs-je pas mort à mon premier pas dans la vie?

Pourquoi s'est-il trouvé des genoux pour me bercer , un sein pour me nourrir?

. Àhl maintenant, je dormirais en silence; je me repo­serais de mon sommeil!

Je serais réuni dans la paix à ces rois t a ces" grands de la terre, qui se sont bâti des solitudes pour tombeaux.

Je serais avec ces princes qui passagèrement ont pos­sédé de For, et rempli d'argent la demeure qu'ils habi­taient.

Ou plutôt je ressemblerais à ce fruit avorté qui n'a pas vu le jour et qu'on ensevelit en secret.

Là, c'est-à-dire dans la tombe, les méchants se taisent

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DES HÉBBEUX. 265 avec tout leor fracas ; là se reposent les humains que fa­tiguait la force.

Là5 ceux qui sont torturés demeurent sans vexations; la voix de l'exacteur se désole plus leurs oreilles.

Petits et grands tout est là confondu ; le serviteur y dort à côté de son maître dont il a secoué la chaîne.

Ah 1 d'où vient que l'on condamne à vivre ceux dont l'âme est abreuvée d'amertume? Ceux qui , dans leur dé­sespoir , invoquent le trépas comme on désirerait un tré^ios

Ceux qui tressailleraient de descendre au sépulcre? Ceux enfin dont la voie s'est égarée et que Bien semble

avoir perdus dans les ténèbres? Tel est mon sort; je soupire avant de prendre mcn

pain-;4e rugissement de ma douleur retentit comme un torrent qui gronde.

C'est bien là une passion forte, grande atterrante et sentie au suprême degré. L'âme accablée sous le poids du sentiment doulou­reux qui l'oppresse, éprouve le besoin de l'ex­primer à cent reprises, « d'épuiser (1) tout ce que la langue lui fournit de locutions sem­blables, l'imagination de pensées ou de figures analogues; et plus elle revient sur son idée, plus il lui semble qu'elle se soulage- C'est là surtout le caractère de la douleur extrême. Approche-t-elle du désespoir, chaque pensée

(1) PLâNTIEE, Etudes littéraires sur les poètes bibliques.

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266 POÉSIE .LYRIQUE

qui îéveille -devient en 'quelque • sorte une pensée fixe pour elle; elle se débat comme sans mesure avec tous les objets qui la frap­pent*-et, les «prenant fourè-tour -sousilews différentes faces, elle «ne les laisse édwpper que lorsque sur chacun de ces aspects divers eUe ,a fait tomber .un certain nombre 'de lar­mes plus ou moins brûlantes, et poussé,quel­ques pkitïtes plus ou moins 'désolées. Tel-€st Jôb; l'existence lui pèse'à force de malheur; il a .dessein de la maudire, et voila que .la saisissant à ises .prémices . cmUnairem*nt ,-si chères aux mortels, il décompose-le fait-de sa naissance dans tous les détails qui l'environ­nent et. les poursuit l'un après l'autre parles plu3 amers regrets.

« Aux .instincts des grandes douleurs, ce passage en réunit l'ardente parole. L'âme de Job est embrasée comme une vaste fournaise, et nulle expression ne s'en échappe qui ne soit une vive étincelle. Aucun écrivain, dit M. de-Chateaubriand 9 ijfa poussé la tristesse au *degré ou elle a été portée par le saint arabe; pas même.Jérémie qui peut seul égaler les lamentations aux douleurs, comme parle Bassuet. iérémie a peut-être .plus de &ctnsjbi-

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DES HÉBREUX. 267

Mté dans sa plainte et de tendresse dans sa mélancolie; mais Job a plus de fchaleor dans ses larmes, plus de déchirement dans ses 'sou­pirs, plus de vigueur dans l'ilégie. Jérémie épanché sa douleur comme un grand Éfifflve., et murmure -comme lui ; mais celle de Job imite la marche et le rugissement de ce tor­rent qui gronde* Voyez : Périsse le jour où je suis né ! Périsse la nuit où l'on put dire : Oit homme est mmm ï

<r Etrange manière de gémir, s'écrîe ici Fau­teur du Génie du Christianisme. H nfy a que l'Ecriture qui ait jamais parlé ainsi.

•€ Jamais les entrailles de l'homme nVmt&it sortir de leur profondeur tin cri plus dou­loureux ! La vivacité du tour se mêle, pour le former, à la plus haute énergie du sentiment*

« Job ri*est pas moins admirable lorsqu'il regrette que lorsqu'il maudît. « Ah ! s'éef ie-f -« il, maintenant je dormirais en silence! Je « reposerais de mon sommeil ! » Comme c'est calme'! Cette expression : Je reposerais de mon somm-eM* mt «ne <cbose frappante ; met­tez le 'smmwily tout ^disparaît. D'ailleurs peut-on jamais peindre avec des couleurs pltrs vraies et surtout avec une manière plus large, l'éga-

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268 POÉSIE LYRIQUE,

lité que la mort établit entre tous les humains, et la communauté de silence oà la tombe fait reposer leurs dépouilles.

« Mais une nouvelle note vient d'échapper au luth sacré du poète, Fhomme de douleur se plaignait, le voici qui supplie; recueillons sa prière,

Cur faciem tuam abscondis, et arbilraris me inimicum tuum?

Coolra folium qood vento rapiior, os te a dis potentiani tua m, et stipulam siccam persequeris.

Seribis enim contra me aonaritudioes, et coosumere nie vis peccatïs adolescent!» me».

Posuistî in nervo pedem meum, et observas!*! omne» seraîtas mets, et vesligia pedum meoruei considéras!! ;

Qui quasi putredo consumendus sum, et quasî, vesti» menlum qood comedïtur à tineâ*

Homo oatus de muliere , brevi viveiis tempore, reple-tur multis miseriis.

Qui quasi flos egreditur et conteriiur f et fugit velut timbra, et nuoquam in eodem statu permanel;

Etdignura ducis super hujusce modi aperire oculos tuos (1)1

Pourquoi, Seigneur, me eaclies-vous votre faee et me traitez-vous en ennemi?

Ali! vous déployez votre puissance contre une feuille que le vent emporte -, c'est uoe paille desséchée que votre main tourmente.

(i) JOB. c. 13,24.

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DES HÉBREUX. 269

Vous m'abreuves d'amertumes ; vous voulez que le» pé­chés de ma jeunesse retombent sur ma tête el me dévorent.

Vous avez observé mes voies ; vous avez suivi une à une les traces de mes pieds ;

El cependant je dois être consumé bientôt comme un corps qui se^dissout, comme un manteau que les insectes malfaisants dévorent.

L'homme né de la femme vit peu de temps, et sa vie surabonde de misères;

Il épanouit,-etse fane comme la fleur des champs; il fuît comme une ombre, et jamais il ne demeure deux instants dans le même état;

Et vous daignez même ouvrir les yeux sur lui I

€ Comme en parlant de son rien, Job accu­mule les images les plus propres à le peindre avec énergie ! Il se compare pour la faiblesse aux objets les plus frêles de la nature, et pour la durée aux choses les plus éphémères. Là, c'est une feuille qu'emporte la tempête; une paille légère, un corps qui se décompose, un vêtement à demi rongé; ici, une fleur qui naît et tombe, une ombre qui paraît et se hâte de se replonger dans la nuit; un être jouet perpétuel d'une mobilité sans repos. Rapprochant ensuite de ces caractères qui ne font de lui qu'un atome, la grandeur du Dieu qui le frappe, il le montre éternel, poursuivant un fantôme; tout-puissant, épuisant sa force

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27Ô POÉSIE LYRIQUE

à désoler on brio d'herbe; et puis, quand cette opposition s'est dessinée sous sa main en traits vigoureusement contractés^ c'est alors qu'il s'étonne des fléaux, qui l'écrasentr et se demande comment «ne telle puissance peut poursuivre avec tant de rigueur une telle victime. Non, jamais âme n'allégua ses motifs avec une vivacité phi» adroite au Très-Haut irrité; jamais plus qu'après ces paroles le Seigneur ne dut sentir et son courroux tomber et son bras défaillir : elles renfermaient le plus décisif appel à sa délicatesse» (1) * •

UJ& des plus beaux mocceau^ de poésie lyrique est mm contredit le cfurtiquç d'ac­tions de grâces, que chanta Moïse après le passage de lu mer Rouge. Si personne n'égale l'auteur de k Genève pour le charma et lu aaïveté de tes récits, nul poètç ne s'élève plus haut que lui lorsqu'il s'agit d'expri­mer les sentiments de gratitude et d'admira­tion. B n'est point dans l'antiquité profane d'ode supérieure à cette belle composition- ; sa sublime horreur aurait fait pâlir la muse laêwe de Pindare. La marche eu est aussi noble que facile : point d'ornements recher-

(1) PLANTIEE , Etudes litl. sur les-poètes bibliques.

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chés, point d'artifice ni de travail';, c'est le langage du cœur dans toute sa franchise et sa dignité : c'est l'expression naturelle et énergique de tout ce- que la joie9i

9adimffation et la reconnaissance ont de plus élevé. Ou trouver des scènes plus frappantes, des ta­bleaux pluS'inagnifiques? On Dieu déployant sa puissance ; les eaux de la mer assemblées par lesôaffie de sa colère» leur Mouvement taut-à-côup rompu ; Fonde immobile ; une route pro­fonde ouverte au milieu des flots suspendus; les cris de fureur des Egyptiens et leur inso­lence ntise- en contraste avec, le sort, qui les at­tend; les chars de .Pharaon* mn armée tout entière tombant-comme une masse de plomb,, et ensevelis* sous; ta chute d«s eaux \ Israël délivré; l'effroi, répandu chez les peuples de Chantan, et parmi ces tableaux,, l'enthousiasme de tout; un peuple qui s'écrie :

f$im tietrtf ?ète é'élèto v«rsx le* ciear; chaolotiides hymmm mm $mgmmi pa^ce qufil a fait; éclate m leule-puissancQ et. sa gloire. U.a précipité dans les flots le cour­sier frémissant et le caYalier belliqueux.

Le poète décrit ensuite les. circonstances de ce prodige.

Le Seigneur a submergé Pharaon , ses sitars el >es

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soldats.; l'élite de ses guerriers s'est engloutie dans la mer.

Les abîmes se sont ouverts, et ils y sont tombés comme un énorme roc arraché de sa base.

L'ennemi disait : Je les poursuivrai, je les atteindrai; nous partagerons ses dépouilles, et ma vengeance sera satisfaite. Je tirerai l'épée et ils périront. — Mais, Sei­gneur, votre bouche a soufflé sur eus , et ils ont été pré­cipités dans les eaux comme un pesant métal.

0 Seigneur 1 quelle puissance est la vôtre? quel est celui qui, comme vous9 est magnifique en ses bienfaits, terrible en son courrons? Qui pourrait, comme voosf

opérer tant de sublimes prodiges ?

Cette brillante apostrophe, ces images sai­sissantes, ces expressions si fortes et si pitto­resques , ne sont-elles pas de la plus sublime beauté? C'est l'élan dfun cœur qui palpite sous le poids du sentiment. Cette interruption, pla­cée comme elle est, anime toute la marche de Iode, et répand sur cette véritable Pythique une richesse variée, féconde et naturelle.

Ce n'est pas assez de célébrer l'heureuse délivrance dp peuple : le poète promène ses regards sur les nations voisines; il les voit frappées d'une subite terreur. Le Seigneur a glacé leur courage pour assurer le salut de ses enfants. L'avenir révèle à Moïse ses secrets, il voit dans le livre des destinées futures, la

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DES HÉB1EUX. 273

montagne sainte, le tabernacle > les lois, le temple.

Puis revenant au grand prodige qui l'oc­cupe, il répète:

Le Seigneur a submergé dans les flots Pharaon , ses chars et ses soldats. Les abîmes se sont ouverts, et ils y sont tombés comme la masse d'un métal pesant, ou l'énorme rocher qui se détache de sa base.

Ce refrain, l'énergie et la hardiesse des pensées, l'audace et l'expression des figures, la vigueur des traits, la chaleur du coloris, tout porte dans ce cantique le caractère de Fode la plus sublime. En voici le texte latin, auquel nous avons joint la paraphrase en vers fran­çais,

Cantemus Domino; glorïosè eoioa magnificat us est, equum et ascensorem ejus dejecit in mare.

Fortitudo mea et laus mea Dominus, et faclus est mihi in salutem : iste Deus meus, et glorifieabo eum : Deus palris mei, et exaltabo eum.

Dominus quasi vir pugnator, omnipotens nomeo ejus. Currus Pharaonis et exercitum ejus projecit in mare :

electi principes ejus submersi sunt in mari rubro. Abyssi operueruot eos, descenderunt in profundum

quasi lapis. Dextera tua, Domine, raagnificata est in fortiiudine :

dextera tua, Domine, percussit inimicum.

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Et in mul-litudine florin toaè deposuiiti adversa-rios toos; ïïiisisli ira ai luam, quae devorafiteossicolslipolam.

Et io spiritu fororïs toi coogregaiœ sont aqoae : stelit unda fluens, congregatœ sont abyssi in medio mari.

Dixit ioimicus: Persequar, et compréh&adfem', dîvidam spolia, implebilor anima moa ; evagioabo gladium meum, inlerficiet eos manus mea.

Flavit spiritos tuus, et operoit eos mare; sûbmersi sont qoasi plumbom io aquis vehementibus.

Quis similis loi in fortibus, Domine? qois similis lut, magnificos in sanclilaie, terribilis alque laudabilis, facieos mirabilia?

Ëztendisti manu m loam et rdevora¥it eos terra. Dux foisti in misericordià toâ populo quem redemisti :

et portanti eu ni in îorliludine toâ, aâ habilaculum sanc-tum luum.

Ascenderunt popuH, et irai! sunt : deriore» oblianeruiit habitatores Phiiisliim.

Tone conturbati sont principes Edom, robustos Moab obtinuit tremor; obrigoerunt o aï a es habitatores Chanaan.

Irruat super eos formido et pavorf in magnitodine brachii tui : fiant immobiles quasi lapis , donec pertran-seat popolos tuus, Domine, donec periraoseat populos isie quem possedisti.

Inlroduces eos, et plantabis in monte hsereditatis tuae, firmissimo habitaculo tuo quod operatus es, Dominer sanctuariumtuuni, Domine, quodfirmaverunt manus tuœ.

Dominos regnabit iû aeternum et ultra.

Bénissons te'Seigneur dans itos chants de victoire, De son trône sur nous il a jeté les yeux; Bénissons mille fois un Dieu qui met * sa 'gloire A nous sauter du fer d'un peuple furieux.

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BES HÉBREUX. 275

Déjà l'Egyptien animé par l'envie, Se flattait -qu'à sa -haine impie Il -allait nous sacrifier ;

Mais Dieu parle,.. à sa vois soumise, obéissante, La «mer ensevelit sous Fonde frémissante

Le combattant et le -coursier.

Il est le Tout-Puissant, le Dieu fort, l'invincible; Nous avons vu par lui l'ennemi confondu; Il s'est armé pour -nous -de son glaive invisible ; Son poids s'est .fait .sentir au soldat éperdu. Tel qu'un rocher brisé dans sa .chute rapide ,

Soudain de l'élément liquide Perce l'horrible immensité :

Tel "Pharaoâ, grand -Dieu, devenu ta victime f

Dans-l'éternelle nuit de l'effrayant abîme Est pour jamais précipité. *

À ce coup éclatant ta gloire intéressée  plongé dans le 'deuil la -superbe Meraphis; Tu devais, pour '-venger ta ,grapdeur-offensée, Ce juste châtiaient à ses coupables fila. Ainsi que dans la -plaine, «filui»é;par la foucke f

Le feu vengeur réduit en poudre L'espoir du -triste lahou-reur :

Ainsi, de siepplssartee -et d'orgueil enivrée, L'avepgle nation vient d*êlre dévorée

Par le souû% de -.ta fureur,

A nous ouvrir leur .sein les ondes ..empressées f

Semblaient nous découvrir le centre des enfers; De flots accumulés deux .montagnes glacées Élevaientleur sommet jusqu'au plus haut des airs.

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« Enfin, dit l'ennemi, j'assouvirai ma haine; m Avec eus , pour briser leur chaîne, « En vain leur Dieu veut-il s'unir ;

m Oui, leur sang, malgré lui, va rougir mon épée, m Et son mortel tranchant de leur race extirpée

« Détruira jusqu'au souvenir. »

II nous suit à travers ces montagnes humides ; L'abîme retentit de ses cris furieux ; Mais les lots indignés, redevenu» liquides, Engloutissent le chef, les soldats et leurs dieux. Un seul mot de ta bouche a tout fait disparaître,

0 toi j qui peux parler en maître Aux éléments épouvantés :

Grand Dieuf quelle est ta gloire et ta magnificence ! Qu'Israël en tremblant s'abaisse en ta présence,

Au souvenir de tes bontés.

Les géants sont tombés sous ta main veogeresse $ Au moment que pour nous elle a séché les mers : Abandonnerais-tu ton peuple à sa faiblesse f

Après avoir brisé ses tyrans et ses fers ? Non, non, Seigneur, les feux, les éclairs, les tempêtes,

A nous défendre toujours prêtes, Vont dissiper nos ennemis ;

Et ta force, rendant leur effort inutile, Nous conduira bientôt dans le pays fertile

Que ton amour nous a promis.

Quels objets je découvre aux traits de ta lumière ! Où suis-je? Dans son sang le Philistin noyé, Pour prix de sa fureur a mordu la poussière, Sous tes carreaux brûlants justement foudroyé.

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DES HÉBBEUX. 27 7 Four ses cruels enfants à son tour alarmée ,

J'aperçois la fière Iduraée Pâlir an seul nom des Hébrem ;

Moab et Chanaan sont frappés par la crainte , El daos leurs cœurs impurs ils ressentent l'atteinte

Du désespoir le plus affreux*

Que tardes-to? sur eux fais tomber l'épouvante; Imprime sur leur front la pâleur et la mort; Lassé des attentats d'une race Insolente f

Egale à ses forfaits les horreurs de son sort. Dans ces jours où conduits sur tes sacrés vestigesy

Noos verrons par mille prodiges Ton bras se signaler pour nous ,

Puissent de notre sang tous ces peuples avides, Se déchirant le sein de leurs mains parricides,

Prévenir ton juste courroux!

Que sont-ils devant toif qu'une vaine fumée? Quels succès ont suivi leurs complots criminels? Oui, tu sauras, grand Dieu, malgré la terre armée, Accomplir dans le temps tes décrets éternels. Tu nous établiras dans ta demeure sainte ;

Tu donneras à son enceinte Une immuable fermeté;

Là, Jacob s'unissant aux cantiques .des anges, De son libérateur chantera les louanges ,

• Au-delà de l'éternité. [Fé de BOISEAGOM.

A la majesté de cette scène, il n'en est qu'une de comparable dans les annales da peuple juif; c'est celle ou Moïse prononce son

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autre hymne poétique, son fameux chant de mort. Connaissant que ses derniers jours s'ap­prochaient, le législateur d'Israël se rend par l'ordre du Seigneur dans le tabernacle avec Josué qui doit bientôt lui succéder. Là, Jého-vah, après lui avoir rappelé tous les bienfaits qu'il avait accordés à son peuple, et l'ingrati­tude dont ce peuple prévaricateur s'était sou­vent rendu coupable envers son Dieu, par son idolâtrie et ses rebellions, ordonne à Moïse de tout écrire et de composer un can­tique qu'il chantera devant Israël assemblé.. Le poète centenaire que l'âge n'a?ait pas en­tièrement privé de sa vigueur, s'empresse d'obéir aux divins commandements. Du seuil de la tombe où sa muse va chanter, il plonge

• ses regards d'un côté dans un passé tout écla­tant de merveilles, de l'autre dans un avenir où son peuple se montre à lui roulant par une vicissitude inouïe de gloire et de malheur, au lugubre dénouement d'une ruine sans exem­ple : son cœur s'émeut aux élans de ces inspi­rations sombres et touchantes, et sa lyre fait entendre aux Hébreux ces magnifiques et su­blimes accents :

Judîk9 cœli$ quœ-loquor9 audiat terra verb'a QTû fîtes, etc.

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DES. PÉB1EUX. Î I§

ftcti*, écwriei. m Vim F v«^ dire ; que 1$ lerre en-tci)de les. paipte» <fc ma, bouche, etc.

Ce cantique est trop long pour que nous le citions ici tout entier : on peut le voir au chap. xxxn du Deutéronome.

Moïse, toujours sublime* Test encore dans cette solennelle conjoncture ; il y déploie un grand, un noble cœur ; le silence qu'il garde sur lui-même est absolu. On devait s'attendre, surtout k veille de sa mort, qu'il rappellerait à Israël les nœuds de paternelle affection, qui l'unissait à ce peuple, ou tout au moins le re­gret qu'il éprouvait à se séparer de lui : il n'en est rien ; l'homme sf'anéantit pour ne laisser place qu'a» ministre du Seigneur et à Fami de la patrie. Ce qu'il réclame, c'est l'observation de la loi divine, c'est l'exécration des idoles et la fuite des nations qui les adorent, c?est un culte perpétuel de gratitude et d'amour envers le suprême bienfaiteur. Ainsi le législateur des Hébreux est en mourant ce qui! fut durant tpute sa vie, un homme d'abnégation person­nelle, un homme tout de zèle et de dévoue­ment pour la gloire de son Dieu et les inté­rêts de la potion qui lui fut confiée. • Dans les jours malheureux où Israël gémis--

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sait sous l'oppression de Jabin, roi de Cha-naan, et de Sisara^ général des armées de ce prince, vivait une prophétesse nommée Dé-bora, femme de Lapidoth ; l'esprit de Dieu était avec elle. Souvent elle allait s'asseoir sous un palmier entre Béthel et Rama, sur la mon­tagne d'Eptiraïm, et là elle rendait la justice aux descendants de Jacob. Un jour cette sainte femme appelle auprès d'elle Barac, fils d'Abi-noëm, et lui commande au nom du Seigneur de se rendre sur le mont Tbabor avec dix mille soldats enrôlés parmi les fils de Zabulon et de Nephthali. Elle ajoute que sur les bords du tor­rent Giso.n9 Dieu livrerait en ses mains Sisara, ses armées et ses chars armés de faux. Barac refuse d'abord de s'exposer à une entreprise si périlleuse et tellement au-dessus de ses for­ces; bientôt il y consent, après que Débora lui eut promis qu'elle l'accompagnerait. Ils par­tent tous deux à la tête des guerriers des deux tribus réunies. Alors Débora dit à Barac :

« Hâtez-vous9 car voici le jour auquel le Seigneur a li­vré Sisara entre vos mains : voilà le Seigneur lui-même qui vous conduit.. »

A l'instant une terreur soudaine s'empare de Sisara et de toute son armée; les dix mille

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DES HÈBEEOX. 281

Israélites la passent au fil de Fépée sous les yeux de Barac; Sisara, épouvanté et trem­blant, sfenfuit à pied, et va se cacher dans la tente de Jahel} épouse d'Jlaber Cinéen. Cette femme l'accueille avec une bonté apparente, lui donne du lait pour étancher la soif qui le dévore; puis elle le couvre d'un manteau, e t , quand elle le voit profondément endormi, elle saisit un des grands clous de sa tente, et le mettant sur la tempe de Sisara, elle le frappe avec un marteau et lui transperce le cerveau , enfonçant le clou jusque dans la terre; et Sisara, selon l'expression de l'Ecriture, ybt-gnit ainsi à son sommeil le sommeil de la mort Alors Débora et Barac rendent grâces au Seigneur en chantant ce cantique au milieu des fils d'Israël :

Vous qui d'entre les enfants d'Israël avez exposé vo­lontairement votre vie an péril, bénissez le Seigneur.

Ecoutez f rois ; princes, prêtez l'oreille. C'est moi, c'est moi qui chanterai un cantique au Seigneur, qui consacrerai des hymnes au Seigneur^ au Bien d'Israël.

Seigneur, lorsque vous êtes sorti de Séir, et que vous passiez par le pays d'Edom, la terre a tremblé, les cieux et les nuées se sont fondus en eau.

Les montagnes se sont écoulées comme l'eau , devant

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282 POÉSIE LYRIQUE la lace du Seigofiqr, aussi bien que Siuaï m h présence du Diep d'Israël.

Au temps de Samgar, au tenips.de labels les sentiers n'étaient plus battus de personne, et ceux qui avaient coutume d'y marcher, ont été par des routes détournées.

Les vaillapts hommes avaient cessé d'ans Israël, tt il Wû s'en trouvait plus, jusqu'à ce que Débura m aoit levée, jusqu'à ce qu'il m mil élevé- um ntâredanft Uf%ëh

Le Seipeur a choisi dç p.Qpveau« combats,, et i| a rçn-versé lui-pôme les portes des ennemis , alors, qu'on ne voyait pi bouclier, ni laijce parmi les quarante mille guerriers d*Israët.

Mon cœur aime les princes d'Israël. Tous quî vous êtes volontairement exposés a i péril., bénisses le Sei­gneur.

Parlez f fans autres , qm montez sur <te& ânça d'élite et d'une beauté singulière, vous qpi ôtes assis aqr le siép de la justice, vous qui marchez dans la voie ;

Que dans le Heu où les ebarriots ont été brisés, çt l'ar­mée des ennemis taillée en pièces, on publie la justice du Seigneur et sa clémence envers les vaillants d'Israël. Alors le peuple du Seigneur a paru aux portes des filles, et il s'est acquis la principauté.

Excitez-vous, animez-vous, Mh^ra; exjcitei-.vops, animez-vous, et chantez un cantique. Exeitez-vous, ô Baraol Jouissez des captifs que vous avez faits, fils d'Àbinoëm.

Les restes du peuple ont été sauvés ; le Seigneur a combattu dans les forls, etc.

La prophétesse fait ensuite I éloge des guer-

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DES HÉBIEUX. 583

rk r s de Zabulon et de Ncphthali qui ont ex­posé leur vie à la mort; elle loue aussi les chefs d'Issachar d'avoir suivi les traces de'Barac* Mais elle jette le blâme aux fils des autres tribus qui, durant la bataille, restèrent dans une coupable inaction. Elle chante le courage de Jahel, et réhausse la gloire de cette femme intrépide par le tableau qu'elle fait de la mort de Sisara, avec ses plus.horribles détails; puis elle termine par cette imprécation :

Qn'aiwi périssent., Seigneur, tous vos ennemis ! mais que ceux qui vous aiment brillent comme le soleil lors­que ses rajoos éclatent au matin !

Un autre cantique plus court et moins su­blime que celui de Débora »e lit 4tu] chapi­tre 11 du 1er livre des Rois. Un bon Israélite, nommé Elcana eut deux femmes, dont l'une s'appelait Anne, et l'autre Phenennâ. Celle-ci, l'ayant rendu père de beaucoup de fils, devint orgueilleuse de sa fécondité, et se raillait cha-qee.jour d'Anne jusqu'à lui reprocher de ce que le Seigneur l'avait rendue stérile. Acca­blée de tristesse, Anne ne cessait d'implorer le ciel et de lui demander qu'il fît cesser enfin sa funeste stérilité. Ses prières furent exau-

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284 POÉSIE LYRIQUE

cées : elle devint mère de Samuel. Dès que son enfant ..fut sevré, elle le porta à Silo, dans le tabernacle du Seigneur; et là, selon la pro­messe qu'elle en avait faite, elle le lui consa­cra, en accompagnant son offrande de ce can­tique d'actions de grâce :

Mon cœur a tressailli d'allégresse dans le Seigneur , et mon Dieu m'a comblée de gloire. Ma bouche s'est ouverte pour répondre à mes ennemis, parce que je me suis réjouie dans le salut que j'ai reçu de vous.

Nul n'est saint comme le Seigneur, car il n'y en a point; Seigneur, d'autre que vous; et nul n'est fort comme notre Dieu.

Cessez donc à l'avenir de ?ous glorifier avec des paro­les insolentes. Que votre ancien langage ne sorte plus de votre bouche, parce que le Seigneur est le Dieu de toute science, et qu'il pénètre le fond des pensées.

L'arc des forts a été brisé ; et les faibles ont été rem­plis de force.

Ceux qui étaient auparavant comblés de biens se sont loués pour avoir du pain, et ceux qui étaient pressés de la faim se sont rassasiés. Celle qui était stérile est deve­nue mère de beaucoup d'enfants, et celle qui avait beau­coup d'enfants est tombée dans la langueur.

C'est le Seigneur qui ôte et qui donne la vie, qui con­duit aux enfers et qui en retire.

C'est le Seigneur qui fait le pauvre et qui fait le riche ; c'est lui qui abaisse et qui élève. •

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DES HÉBREUX. 28Ô

11 lire le pauvre de la poussière, et l'indigent du fu­mier, pour le faire asseoir entre les princes, et lui don­ner un trône de gloire. JéhoYafa est le maître des deux pôles, et sur eux il fait tourner le monde.

Il gardera les pieds de ses saints, et les impies seront réduits au silence dans leurs ténèbres, parce que l'homme ne sera point affermi par sa propre force.

Les ennemis du Seigneur trembleront devant loi ; il tonnera sur eux du haut des cieux. Le Seigneur jugera toute la terre ; il donnera l'empire à celui qu'il a fait roi, et il comblera de gloire le règne de son Christ.

Comme ces paroles sont empreintes de la plos tendre confiance! Comme elles respirent l'allégresse la plus pure, la reconnaissance la plus expansive ! Après avoir exalté la puis­sance et la force qui n'appartiennent qu'au Dieu du ciel, Anne abaisse ses regards sur ceux qui Font persécutée; et, faisant allusion aux • anciennes injures de Phenenna, elle se contente de lui rappeler que c'est le Seigneur quiète et qui donne la vie, etc. Puis s'élevant tout-à-coup aux plus sublimes élans de la poésie lyrique, elle peint en traits hardis et fortement crayonnés, la grandeur du Tout-Puissant : Domini sunt eardines terrœ, et po­stât super eos orbem, etc. ; elle achève ce ma-

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286 POÉSIE LYSIQUE

gnifique tableau à travers les deux dernières strophes qoi portent le cachet de l'inspiration dont forent animés plus tard les prophètes et les hommes suscités de Dieu.

Depuis les jours d'Anne, jusqu'à ceux du roi David, l'Ecriture ne nous a conservé aucun autre cantique., quoique .probablement dans cet «espace de temps plusieurs aient -été cote-posés en l'honneur du Dieu d'Israël-. On «lit, en effet, à la fin du chapitre 11 du \* livre des Paralipomènes qu'il existait « des familles âe -docteurs 4e 1% loi f qui demeuraieat à ta ­bès, et-qui M rétinien t <sous cks tentas, r0ù ils chantaient les louanges dt Dieu msc }a voix -et BUT les instruments. Ce s^jataux cqgion ncïmmeiGinéeûs* »

Nous avons em -outre remarqmé >plus haift qu^près -que Samuel -ie«t sacré »3aiilf i l lm ajouta : ce Yous viendrez -après* la.colline -de Dieu., où il y fa une garnison «de J^hHiptins ; et «lorsque vous serez .entré dans la vile, WôUS

rencontrerez «ne troupe de furoypihèteSj iate-Obpium ihabebis -gregem fmphetanum^ -etc. Le -texte sacré ne -nous dit poiut quelle «était cette viUe<qui'Avaitialorstune;gaFnison <de Phi­listins; .«mis on .peut -conjecturer -que c'était

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Gabaa de Benjamin, puisqu'on voitats 1* livre des Rois chapitre 13, que Jonathàs, à la tète de dix mille hommes§, défît les PfaMistàns -cam­pés à Gabaa de Benjamin. -Ces prophètes ou voyants, commit les appelaient les Hébreux, ne peuvent donc être confondus>aYec*oettx de Jabès; «car cette vilk jouissait alors de sa li­berté, et ne lot assiégée -que «quelque temps après par les Ammonites, et délivrée par -Saiil et une armée nombreuse d'Israélites,

Mais k perte les cantiques de Jabès «et de Galtod fut 'amplement compensée par ta mul­titude de psaumes et d-hymneis 'sacrés ique composa David-, »DC roi de la poésie lyrique.

Moïse savait été -législateur et'poète; le fils de Jessé, par-une gloire analogie, fut tout ensemble poète et roi. H €&t beau de ymr ee grand >homm« faire vibrer ies cordes de'-sa liarpe de-la-môme main qui savait «également brandir l'épée des batailles, et dernier des lois «à son peuple, drcter *à des -généraux d'ar­mées-les ordres de la victoire > et aux lévites de Sion les cantiques des solennités du Sei­gneur, Plus que 'tout autre, David 'devait réus­sir dans cette poésie* Outre Faction du Soufle divin qui le transportait, ?o'fftre les ressources

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d'un idiome'essentiellement lyrique; il trou­vait , dans les accidents de sa poétique et si extraordinaire existence, des événements assez puissants pour exalter son génie et remuer son cœur. Oui, ce fut, il n'en faut pas douter, aux vicissitudes si disparates de sa vie, aux alternatives si dramatiques de prospérités et de reversf d'amertume et de joie, aux émo­tions de son cœur si contradictoirement agité, que s'inspira le génie du roi-prophète.

Ainsi nous est expliquée l'immense variété dont ses cantiques sont empreints. C'est en quelque sorte un monde que les psaumes; il n'est pas de sujet qu'ils n'aient'chanté; mais au milieu de cette étonnante diversité un su­blime principe d'unité les domine, c'est la pensée de Dieu. L'accent de la voix du poète est tantôt grave ou rapide, majestueux ou tendre, pastoral ou guerrier; mais le but est toujours sacré, l'intention toujours religieuse. Et ce n'est pas seulement pour obéir aux élans de sa piété que David rattache ainsi à Jéhovah tous les accents de sa muse : l'intérêt de son peuple l'anime; c'est pour rendre meilleurs les fils d'Israël qu'il leur rappelle dans ses chants le souvenir des bienfaits et des ven-

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geances do Seigneur, et les promesses magni­fiques par lesquelles il encourage son peuple à l'accomplissement de ses préceptes. Le poète-roi veut que tous ses sujets puissent 'méditer à loisir ces sublimes leçons : c'est pour cela qu'il les leur fait chanter dans les solennités publiques, qu'il joint l'harmonie des instru­ments à -la voix des chœurs, afin de graver dans kur âme, par l'attrait du plaisir^ le res­pect et l'amour pour leur Dieu et la fidélité à l'observation de sa divine loi.

Le mérite principal du style de David est d'être doux, agréable et tendre ; ce n'est pas qu'on ne trouve dans ces psaumes une mul­titude de passages où l'on admire tantôt là grandeur et la hardiesse des pensées, tantôt la rapidité des mouvements, la magnificence et la sublimité de l'expression. Mais il le cède à Isaïe pour la splendeur et la sublimité, et à Job, pour la force et le coloris des descrip­tions. Il est, en effet, d'une sobriété remar­quable- dans l'emploi du pittoresque et dans la manière de mettre en œuvre les emprunts faits à la nature. David pâtre et guerrier n'a pas eu le temps de l'étudier, de l'approfon­dir ; il ne connaît de l'univers physique d'au-

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très phénomènes que ceux qui frappent tous les regards- Ce sont aussi les seuls qu'il rap­pelle; et quand il en évoque la pensée, il le fait en traits larges et rapides. Il affecte éga­lement un laconisme immense dans le déve­loppement d'une image, aussi bien que dans l'usage des figures ; on dirait que la vivacité de son essor ne lui laisse pas le temps d'émet­tre entièrement une idée, de compléter un tableau. Voyez comme un mot suffit à ses comparaison^ : Anima m>stra SICUT PISSEI

çmpta est de laqum tmnanâium. Cornerkre çaptmtmtem no'stram sifcux TORRBNS im A.us~ trg. Dirigatur oratio mea SICUT IBICBWSUM in eonspectw tua. C'est-à-dire, comme parie l'abbé Mnnry, que David jette le mot Important du parallèle on du symbole, et s'arrête* abandon­nant à l'imagination le soiâ de les compléter, J£t: tel est l'instinct, ^e^ sont Jes habitudes de son génie, qu'il âait encadrer dans lin étroit çspace les scènes les plus importantes, vous découvrir la cau$e la plus étonnante, vous entraîiier soudain , vous précipiter •di|n pas vers ses effets lés plus lointains et les plus sublimes,- volei* et vous faire vokr avec lui de merveilles en merveilles au tra*

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vers de siècles sans nombre- et d'abîmes sans mesure.

Mais quelle que soit la nuance que les poé­sies du roi-propliète empruntent à son cœur, il se passionne toujours profondément pour le sujet exploité par sa muse; et la grandeur de sa sensibilité est telle que nul accent ne lui est étranger, et quelle se prête auK émo­tions Ici plus douces, aux plus affectueuses sympathies, comme elle s élève aux impres­sions les plus nobles* aux'sentiments les plus énergiques. Tantôt elle les traduit par les élans spontanés et sublimes d'un cœur pénétré de la tendresse et des bontés de son Dieu; tantôt par répanchement d'une âme naïve et pure en présence de la loi sainte; tantôt par une invocation filiale, une prière onctueuse et touchante ; tantôt par un regret mélanco­lique pour ses propres égarements; tantôt enfin par l'indignation d'un bon fils à l'aspect des outrages dont les méchants abreuvent le père commun des hommes» En sorte qu'on peut dire avec quelque fondement que, parmi les formes si multiples et si variées -dont se revêtent les productions du roi-prophète, on distingue ' en général cinq nuances princi-

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pales : psaumes sublimes de contemplation et de reconnaissance, psaumes de morale, de louanges ou de prières, de pénitence, de re­proches.

Un des psaumes les plus sublimes entre tant dfautres, est sans contredit le psaume xvn, dans lequel David remercie le Seigneur de l'avoir arraché à la fureur de ses ennemis et aux mains de Saiil, son persécuteur. La peinture qu'il y fait du courroux de Dieu, est crayonnée en traits si hardis, si énergiques et si sombres, quelle imprime la terreur et fait frémir lame de crainte et d'épouvante.

• La fin est d'un style plus doux et plus uni­forme, parce que le poète y exprime les senti­ments de sa reconnaissance pour .tous les se­cours que le Seigneur lui a prodigués dans sa détresse. Mais si l'expression n'y est pas tou­jours sublime ou hardie, elle n'en est pas moins'remplie de noblesse et de majesté.'Le psaume xxvin est aussi sublime que le psaume xvn. Le célèbre rabbin Aben-Ezra et Simon de Muis pensent que David le composa pour calmer l'épouvante de ses sujets qu'un orage effroyable avait jetés dans la consternation. On peut lire ce psaume tout entier avec sa

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traduction en vers français à la page 306 ci-après.

Parmi les psaumes de morale le XLVIII et le cm abondent peut-être plus que tous les au­tres en poétiques beautés. Saint Ambroïse attribue le premier à David; quelques-uns ont douté qu'il fût l'œuvre du roi-prophète, parce que le style n'en est pas aussi clair, aussi coulant que ses autres cantiques. Quoi qu'il en soit ce psaume est plein de reflexions et de sentences morales ornées d'images vives, éclatantes et exprimées avec beaucoup d'é­nergie. J .-B. Rousseau l'a paraphrasé avec assez de bonheur dans une de ses meilleures odes.

Qu'aux accents de ma voix la terre se réveille; Rois, soyez attentifs ; peuples, prêtez l'oreille : Que l'Univers se taise et m'écoute parler, etc.

Le psaume cm n'a pas de titre dans le texte hébraïque ; mais les Septante dans l'édition Complutense et dans saint Athanase lui don­nent celui-ci : Psaume de Dand sur la créa­tion, du monde. Le syriaque dit que David le chantait quand il allait adorer le Seigneur devant l'Arche, en la compagnie des lévites et

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des prêtres. D. Calmet ajoute 'que ce psaume est one espèce de sommaire de philosophie divine et naturelle, qu'il est comme l'abrégé de la Genèse -, et a quelque ressemblance avec le Timée de Platon. Ce qui le distingue le plus, ce sont les beautés de détails, la grâce des tableaux, le pittoresque des peintures et la variété de l'animation.

Nous ne parlerons pas des psaumes de pé­nitence. Outre le grand nombre de ceux 'oit le saint roi pousse des gémissements et exhale les regrets de son âme par les touchantes pa* rôles du repentir, les beaux psaumes nommé par excellence les psaumes de la pénitence sont là comme un monument de la sensibilité' profonde et de la douleur ineffable qui agi­taient et brisaient le cœur de David humilié à la vue de ses crimes. Heureux celui qui, après être tombé, peut imiter sa pénitence, et comme lui verser des larmes brûlantes au souvenir de ses propres égarements !

David était singulièrement jaloux de la gloire du Seigneur. Comblé à profusion des célestes bienfaits, il trouvait son bonheur à témoigner en toute occasion sa reconnaissance à celui qui l'avait tiré de la chaumière du pâtre

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pour le faire asseoir sur le trône d'Israël. Aussi sentait-il son indignation s'enflammer à k seule pensée des blasphèmes que les na­tions voisines proféraient contre le Dieu de Jactib : de là les sorties véhémentes de sa muse contre Môab,. Asnalec et Ammon ; de là ces imprécations foudroyantes contre les enfants dlsmael et les fils d'Edom. Quelquefois il se laisse aller jusqu'à adresser de tendres repro­ches au Seigneur de oc qu'il abandonne son peuple à la fureur de ses ennemis. Gomme alors il sait s'insinuer dans le cœur de son Dieu ! Comme il .est habile à lui rappeler les bienfaits innombrables dont jadis il accabla ses .enfants! avec quelle adresse il opposé à tant de bontés le tableau de la sévérité que sa main fait peser maintenant sur eux ! C'est ainsi qu'il en. agit daàs.le magnifique psaume LXXIX

oùf.sons l'allégorie d'une vigne, il recom­mande son peuple au Seigneur. 11 n'est pas de psaume qui joigne plus de beautés d« gen­timent à plus de bienséance et de délicatesse. 11 faut le lire, et le lire avec attention pour en sentir l'admirable-économie et le plan.

Le psaume LXXXII est une invective pleine de force et d énergie contre les peuples étran-

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gers qui haïssent le Seigneur et qui lèvent or­gueilleusement la tête en sa présence. David y représente en traits rapides la ligne crimi­nelle que ces nations impies ont formée con­tre Jéhovah et ses saints; il supplie le Dieu des armées de les traiter comme il traita Si-sara et Jabin près du torrent de Cison. Ce psaume est remarquable par le ton de dignité et d'élévation, par la concision et la rapidité des énumérations, qui en peu de mots réu­nissent comme en un seul tableau une multi­tude de traits historiques dont le souvenir devait être agréable à Dieu et au peuple qu'il chérissait..

Le psaume xciri est dans le même genre. Le poète y déclame contre les pécheurs et tous ceux en général qui commettent l'injustice; il s'y attache spécialement à leur prouver la grandeur de leur folie de prétendre que celui qui a fait l'oreille ne les entend point, que celui qui a/ait l'œil ne les voit point. Celui qui reprend les nations y ne les convaincrart-il pas de péché\ lui qui enseigne la science à l'hom­me? Changeant tout-à-coup les tons de sa lyre, il en fait sortir des accents de suppli­cations en faveur de lui-même et de son peu-

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pie, et rappelle en termes qui respirent la confiance et la gratitude les admirables effets de la protection du Seigneur.

Enfin le psaume XLIX peut être rangé dans la même catégorie. Il n?a pas d'autre titre que celui-ci : psaume d'-Asaph : c'est un magni­fique monument du mérite poétique de cet illustre coryphée de la musique des Hébreux sous les règnes de David et de Salomon. Le poète sacré voulant reprocher aux Israélites la dépravation de leurs œuvres^ et la vaine con­fiance qu'ils avaient placée dans des sacrifices offerts avec des mains impures, commence son cantique par une scène majestueuse et sublime. Il fait descendre Dieu précédé de la foudre et de la tempête; il lui fait appeler en sa présence tous les peuples delà terre, afin qu'ils entendent les mémorables paroles d'un Dieu justement irrité, et devenu accusateur de son peuple perverti. Le langage du Sei­gneur est noble et sévère ; ses reproches sont sans détours, il parle véritablement en maître et en Dieu.

Nous ne pourrions citer ici tous les psau­mes empreints de cette magnificence : il fau­drait , travail trop long, parcourir successi-

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vement presque tous les cantiques du roi-prophète. Il en est peu qtii ne fassent éclater aux yeux de l'homme de goût uri nombre plus ou moins grand de ces éclairs immenses, de ces idées touchant à l'infini. Nous termine­rons donc l'examen de cette partie' si in­téressante des Saintes Ecritures par quel­ques rapprochements et quelques citations rapides qui en proclament lexcellence, et ce caractère d'inspiration qu'y reconnaissent saint Augustin, Théodoret et le grand évêque de Bleaux.

lie roi*prophète veut-il peindre l'insolence et la prospérité des méchants, il s'écrie :

Leur iniquité sort tout orgueilleuse du sein de leur abondance. Ils sont comme enveloppés de leur impiété. Le méchant a été es travail pour produire l'iniquité ; il a conçu la mort et enfanté le crime.

Veut-on opposer à cette énergie des pensées la douce tristesse des paroles :

Les jours de l'homme sont comme l'herbe ; sa fleur est comme celle des champs : un souffle passe 7 la fleur tombe , et la terre qui Fa portée ne la reconnaîtra plus.

Aucun poète n'a dit : ce et la terre qui Fa portée ne la reconnaîtra plus. »

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An premier livre de Y Enéide 3 la descrip­tion dune tempête est un chef-d'œuvre; mais le psaume 106 renferme une description plus admirable encore.

Eole veut-il déchaîner la tempête, Vir­gile dit :

Cawum conversa cuspith montent lmpulit in laïus; ac venti9 veluîagmine facto Qua data porta, ruunt9 et terras turbine perfiant.

DM revers de son sceptre il frappe le flanc de la mon­tagne ,«,•«« allé s'ouvre : tous les venti.f comme «ne grande armée, se précipitent f et leurs tourbillons rava­gent les campagnes.

David n'emploie pas tant de mots : Dixit et stetii spiritus procellie ; et exaltati sunt fluctus

ejus*

Dieu parle9 et le veut de la tempête est debout, les flots se sont soolevés.

Limage est plus vive, plus hardie, plus sublime.

Virgile met-il les mers en mouvement : Insequifar cumulo prœruptus aquœ mms.

Bi summo in flucîm pendent; his nnda dehiscens Terram inter fluctus apêrit ; furit œstus arenis*

Une montagne Mquiite élève ses vagues escarpées : les uns soot sospeodns sur la cime des flots; Fonde s'ouvre et montre aux antres la terre entre les mers : le sable f jrieux. bouillonne.

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300 POÉSIE LYRIQUE David ici est plus poète encore :

Ascendunt usque adcœlos, et descendant usque ad abyssos*

Les navigateurs moulent aux cieuxf descendent aux abîmes.

Quelle rapide opposition dans montei et descendre !

Virgile, au milieu du bouleversement de la tempête, fait entendre les cris des guer­riers, et le sifflement des cordages.

Insêquitur clamorqm virum stridorque rudmtwm.

Ce vers est d'une harmonie imitative par­faite. Mais si le psalmiste s'écrie :

Anima êorum in malts tabescebat^

Leur âme se dissout parmi tant de maux!

c'est une harmonie supérieure à celle de Vir­gile: l'une flatte l'oreille par l'arrangement des mots et des sons, l'autre déchire lame par l'image et la pensée de la plus cruelle de toutes les situations.

Le discours d'Enée au milieu de Forage, celui de Neptune aux vents, toute la fin de cette tempête sont d'un grand poète ; mais ces paroles sont d'un poète inspiré :

El clamaverunl ad Dominum cùm tribularentur, ei de ne-cessilatibus eorum eduxit eos.

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Bans leur inforlunef ils crient vers le Seigneur, et le Sei­gneur les sauve de leur détresse.

Nous admirons l'attitude impassible que le lyrique romain prête à son juste sur les ruines même du monde. Cette immobilité de la vertu dans l'ébranlement général, produit un ma­gnifique contraste :

Si fractus illabaimr orbis f • Impavidum ferient ruinœ.

David avait tracé ce dramatique tableau .plus de huit siècles avant Horace et il l'avait rendu avec une concision plus énergique encore :

Non timebimus dum turbabiiur terra.

Les anciens peignent quelquefois à grands traits la puissance du roi de l'Olympe. Ainsi Pindare a di t , 2€ Pythique :

.©eoç onrav rxl &mo*s<r-

cii Tsxpep dtvueTar

©eoç, 8 xai içtepoevTa

«16TQV xfye, xai OaXaacaï»

QV irôcpa(X£i&€Tat

^gl^Iva, xai 6<|/içpova>v TIV* «kstp^e PpQTwv : é-ripoiai Se xuooç âyvfpaov ipaptôcoxe.

Dieu dispose de tout à son gré : il atteint l'aigle aux ailes rapides, il de?ance le dauphin dans les mers, il fourbe l'orgueil des mortels ambitieux, et comble les au­tres d'une gloire impérissable.

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Combien le psalmiste est plus concis et plus sublime ! Dixit, et facta sunt ;— mandant t

et creata sunt.Ce brusque rapprochement du principe en apparence le plus faible, une pa­role, et de l'œuvre en réalité la plus merveil­leuse , la formation de l'univers, n'est-il pas tout ensemble pittoresque et sublime?

Enfin, dans les plus beaux vers de Virgile, montrons non seulement le courroux de Ju­piter, mais celui de tous les dieux arrachant à Fenvi les fondements de Troie :

Hepionns muros9 magnoqiie emota tridenti Fundamenta qualit tolumque à sedîbus urbem Eruit. Hic Juno Scaeas sœvMsima portas Prima tenet, sociumque furens à nayibus agmen Ferro accincta yocat. . . . Jâm SEoamas arces Tritonla ( respice ) Pallas losedit nimbo effolgens et Gorgone sœvâ ; Ipse Pater Banals anioios ysresque secondas Sofficit ; ipse Deos in Dardana suscitât arma.

(Eneid.lib.lL y. 610).

Neptune, de son trident redoutable, en ébranle les fondements, e t fait trembler Pergame sor ses bases pro­fondes. Ailleurs, Fimplacable JIJîIOII tonne aux portes de Scée9 et, le fer à la maio , appelle an carnage les Grecs complices-dé ses fureurs. Plus loin, sur ces.tours qui chan­cellent, c'est Pallas entourée d'un nuage de feu, et se­couant l'horrible Gorgone. Jupiter lui-mèai^ nourrit Faudace des Grecs et les remplit d'une -force inconnue ;

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DES HÉBREUX. 309

lui-même il soulève k s Pieux contre les phalanges phrygiennes.

Peut-on comparer «Jette peinture à celle que le roi-prophète nous fait de la grandeur et de la puissance du Dieu qui Fa délivré des mains de SaûL Que de force et d'éclat dans le morceau entier !

Commota est et çontremuit terra : fundamenla mon-tiiiiii cooturbata suât et commota sont, qooaiaoi iratos est eis.

âsceiîtilt foïîîiis îo ira ejus : et ignis à facie ejus eiarsit : carbones succeosi tout ab eo.

Inclina vit cœios et descendit : et tsaligosnb pedibus ejus. Et asceodit super eherabim et-vola'fit: volavit super

pensas ventorum. Et posoit teoebras latîbulum mum , in eircuitu ejos

taberoaculom ejus: tenebro*a àcfiiâ in oufelbos- aeris. PrœfuSgoreiûeouspectu ejus ntibefrtransierirat, grando

et carbones ignis. Et intonuit de cœlo Dominas f et Allisaiuiiif dedil yo-

cem s «a ta : grando et carbones ignia. Et îïîîsil sagittas suas, et 4i§sipavit eos : fulgura mulli-

plicavit-et conturbavil eos. Et apparuerant foules aqnarumf et -révéla ta sont

fundamenta orbis terrarum. Ab increpatione tuâf Dominef ab inspirations spiriltis

irse tu». Misit de summot et aecepil me : et assunipsit me de

aquis multis. etc.

Nous â¥Oos donné page t e ô lu Irftdeelkî littérale de ce morceau s

iioas joignons ici la tncloelioo en fers qe*ee a faite L. Racine.

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304 . POÉSIE LY1IQUE

Quel bruit affreux se fait entendre. Nos montagnes ?ont s'écrouler, Et les rochers prêts à se fendref

Menacent de nous accabler! Le bruit redouble : tout s9ébranle ; C'est la terre entière qui tremble : Toutes les mers sont en fureur. Dans la nature consternée, Et de son désordre étonnée, Qui répand ainsi la terreur?

Son maître est irrité contre elle ; De ses yeux partent les éclairs : Du courroux dont il étincelle Les feux s'allument dans les airs. Il descend ,... un épais nuage S'ouvre, et s'étend sur son passage. Le ciel s'abaisse défaut lui La troupe des anges l'escorte, El son char, que le vent emporte, A les Chérubins pour appui.

Des ténèbres majestueuses Qui le cachent à nos regard*, Que de flammes impétueuses -Percent le sein de toutes parts! Il a fait rouler son tonnerre ; La voix du ciel parle à la terre * Mes ennemis sont renversés: La grêle et les carreaux écrasent,

• La foudre et les éclairs embrasent Ceux que la crainte a dispersés.

Quels coups redoutables entrouvrent Le sein de là terre et des mers /

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DES HEB1EUX. 30Ô

Vaste abîme où nos yeux; découvrent Les fondements de l'univers. Seigneur, dans cette heure dernière Ma foi t'adresse sa prière ; Et si tu daignes m'écouter, Que la aaipre se confonde ; Sur moi les ruines du monde Tomberont sans m'époofanter,

L. RâGIMB.

Quelle supériorité clans les idées, dans les expressions! quelle rapidité! Inclinant cœ-los, et descendit : et caligo sub pedibus ejus. Il a abaissé les deux ; il est 'descendu; un nuage obscur est sous ses pieds. Et nscendït super cherubimf et volant : volant super pen-nas ventorum. Et il est monté sur les chéru­bins, et il a pris son vol; il a volé sur les ailes des vents Et plus bas, quelle énergie et quelle profondeur\.Apparuerunt fontes aqua-rum, et reçelata sunt fundamenta orbis ter-rarum. Les sources des eaux ont paru, et les fondements du vaste corps de la terre ont été découverts. Voilà bien le sublime de pensées et d'expressions; et ce que le psalmiste ajoute est encore au-dessus : ce Parce que vous les avez menacés, Seigneur\ etc. » Ab increpatione tuâ9

Domine % ab inspirations spiritâs irœ tuœ. 20

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306 POÉSIE LYRIQUE

Neptune frappe de son trident3 Pal las arrache Jes fondements de Troie : ce n'est pas là le Dieu de David. La terre Fa entendu menacer; elle a senti le souffle de sa colère : il n'en faut pas davantage, et l'univers ébranlé se montre dans un état de terreur et de soumission; il semble attendre en silence que l'Eternel détruise tout, comme il a fait tout d'un signe de sa volonté.

Peut-on décrire un orage avec plus de force et des couleurs plus sombres et plus vraies que le fait David dans son psaume XXVIII? Il cher­che, comme nous l'avons déjà di t , à rassurer son peuple que les terribles effets de l'ouragan avaient effrayé, et il Finvite à venir daos le temple du Seigneur lui rendre ses hommages.

1. Afferte Domino, filii Dei; afferte Domino, filios arielom.

2. Afferte Domino gloriam et honorem ; afferte Domina gloriam nomini ejus; adora le Dominum in alrio sanclo ejus.

3. Vox Domini super aquas, De y s ma jes ta lis intootiil : Dominus super aqoas militas.

4* Yox Domini in virliile* vo* Domini.in magnïfi-eenlia.

5, Yox Domini confringentis cedrosî et eonfringet Do­minos cedros Libani.

6. Et eomminueteas tanqiiam viiulum Libani ; et di-leclus quemaduiodnm fi il as unicornium.

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DES HÉB1E0X. 307

7. Vos Domiai intercidealis flamraam igois. 8. Yox Domioi conçu tien tis desertum : et eomniovebit

Dominas desertum Cades. 9. Vos Domiai praeparantis cervos, et revelabit'con­

densa : et la teoiplo ejos omnes diceat gloriant. 10. Dominos diluvium îobabitare facit, et sedebit Do­

minos rex ia aetcrnum. 11. Dominos virtulem populo soo dabit : Dominos be-

aedicet populo suo in pace.

Voir la traduction littérale page 130.

Images do Très-Haut, princes, dieux de la terre, Qu'il instruit dans la paix et qu'il forme à la guerre, Appreoei aux mortels à respecter ses lois ; Et que le peuple saint, conduit par voire exemple,

Adore dans son temple' Le Dieu maître des rois.

La gloire de son nom fît toute votre gloire. •Que pouvaient, sans l'aven du Dieu de la victoire, Le lèle de vos cœurs, l'effort de votre bras? Yenez, reconnaisses, pleins d amour et de .crainte,

Dans sa majeslé sainte, L'arbitre des Etats.

Quelle éclatante vois dans les airs répandue Fait frémir de respect cette mer suspendue, Qu'une invisible main soutient du haut des deux? C'est la vois du Seigneur; les abîmes l'entendent t

Et les ondes suspendent Leurs flots impétueux.

Lâche intrépidité, constance de l'impie, Pourras-lu soutenir celte voix eooeinie5

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308 POÉSIE LYRIQUE

Que fait tonner sur toi le Dieu de majesté* Tandis que l'innocent, rempli de confiance,

Même dans sa puissance, Adore sabonlé?

Quels tourbillons affreux suivent sa vois terrible ! Quels cris! quels sifflements ! quelle tempête horrible I Les cèdres du Liban volent en mille éclats : Quels efforts redoublés ébranlent leurs racines

Jusqu'aux voûtes voisines Des portes du trépas 1

Liban, et voust Sion, fameui par cent miracles9

Monts chéris, où le ciel nous rendait des oracles, Vos sommets chancelants s'éloignent de mes yeux ; Vous fuyez Telle on voit la licorne tremblante

Fuir Fapproche sanglante Du lion furieux.

Quels nuages, percés d'éclairs épouvantables. Annoncent cette voix aux déserts effroyables, Où Jacob opprimé fuyait son ennemi ? Quelle pâle clarté, plus triste que les ombres f

Luit dans ces antres sombres ? Cadès en a frémi !

Les échos, alarmés dans leur retraite obscure, Répondent à sa voix par un affreux murmure; Les monstres des forêts en avortent d'effroi : Et l'impie, alarmé de sa perte infaillible,

Voudrait du Dieu terrible Avoir suivi la loi.

Vains remords! Dieu paraît, la gloire l'environne ..-.. Quel déluge de feux s'élance de son trône 1

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DES HÉB1EUX. 309

La terre est embrasée, et le ciel s'est enfui : Là Dature ébranlée, interdite, éperdue,

 ses pieds confondue, Ne voit d'être que lu!.

Mais le juste, brillant d'une splendeur nouvelle, Retrouve avec transport cet objet de son cèle, Terrible en sa fureurf prodigue en ses bienfaits : De son bonheur immense il partage les charmes,

Et goûte sans alarmes Une éternelle paix.

OLIVIER.

Il faut avoir entendu gronder le tonnerre dans les montagnes de la Judée, il faut avoir entendu ses éclats rouler et se prolonger de vallée en vallée avec une. majesté formidable* ' pour saisir tout le naturel des images où David parle du tonnerre comme de la voix de l'Eternel. Je croirais être vrai, en ajoutant que l'idée du Dieu terrible dans les chants du roi-prophète est née du sombre et effrayant spectacle des orages au milieu des montagnes de la Judée. C'est-à-dire qu'il en est de la poé­sie de David comme de toute poésie locale. On ne sent tout le prix de ses images, toute la vérité de ses couleurs, toute la profondeur de ses allusions; on ne comprend, en un mot, toutes ses beautés ^ qu'au sein des acci­dents qui jadis ont environné l'intelligence

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de son auteur. On aurait besoin, pour goû­ter toutes les richesses de cette poésie, de l'étudier sous le ciel qui l'a vue naître, parce que si elle est de tous les lieux par les senti­ments et les vérités qu'elle exprime, elle n'est que de la Judée par les teintes qui la co­lorent.

A ce trait de ruine et de destruction, vou­lez-vous que David fasse succéder un tableau de puissance et de grandeur, entendez-le décrivant l'origine des choses dans le beau psaume cm ; on dirait que ce peintre sublime a également été initié aux mystères des splen­deurs du ciel et à toutes les merveilles de la création. Non, il n'est pas possible de rien trouver, non seulement d'aussi pittoresque, d'aussi animé comme peinture, mais encore d'aussi vrai et d'aussi frappant comme poé­sie. L'auteur, après avoir invité toutes les créatures à louer Dieu, et s'être excité lui-même à le bénir, fait une belle énumération des ouvrages du Seigneur. C'est une descrip­tion brillante et poétique des différentes par­ties qui composent l'univers; toutes les beautés de la philosophie naturelle et divine y sont magnifiquement établies. C'est aussi un ta-

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DES HÉBREUX. 311

bleau sublime de la sagesse, du pouvoir de la Providence et de la bonté de Dieu qui écla­tent dans toutes ses créatures : on pourrait donc intituler ce psaume la Création.

t . BenediCf anima mea, Domino ; Domine, Deus meus, magûificatiis est yehementer.

2. Confessionem et decorem iodtiisli$ amietus laoîîiie sicut yestimento.

3. Exteodens cœlum sicut'peUem : qoi tegis aquis sti-periora ejos,

4. Qoi pools nobem ascensum tuum : qoi ambula* su­per pennas veotorum.

5. Qoi faeis aogelos toos spiritus : el ministros tuos igoem ureotem.

6. Qoi fundasti lerram super stabilitalem spam : non ioelinabitor in secolum seculi.

7. Abyssos, sicut vestimentum, amietus ejos: super montes slabunt aquœ.

8. Ab increpatione tuâ fogïent : à voce lonilrui loi for-midabunt

9. Ascendunt montes , et descendont campi, in locum quem foodasti eis,

10. Terminom posoisli* qoem non tranîgredientur : neque convertenlur operire lerram.

11. Qui eniittis fontes in eooyallibus : îater médium montium pertrausibunt aqoœ,

12.Potabont onmes bestiag agri : e%peetabunt onagri in sili suâ.

13. Soper eâ folocrescœli habilabunl : de medio pelra-rum dabont voces.

14. Rigaos montes de superioribus lois; de fruoluope-rum tuorum satiabitor terra.

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312 ' POÉSIE LY1IQUE

15. Produeeiis fœnum.jumentis, et herbam servituli ho-lïlillliïB.

16. Ut edoeas paoem de lerrâ f et ifinum lœtificet cor honrinis.

17. Ut eibilaret faciem la oleo»et panïs cor bomiais coofirmet.

18. Satorabuntur ligna campi , et cejlri Libani quat plantai t : illic passeras nidificabunt.

19. Herodli domus dox est eorum ; montes excelsi eer-¥is ; petra réfugiera faeriaacïïs.

20. Fecit laiiâiii in iempora : sol eogno?it occasum

• 21. Posuisti lenebras, et facta est- BOX : ta ipsâ pér i ras- . sîbunt oui Q as bestiœ silvœ.

22* Catuli leonum rugientes ut rapiant, et quœraDl à Deo escam sibi.

23. Orlus est sol9 et eoogregâli sont ;, et m cubilibos sois eollocabunlur.

2A*.Exibit IIOIîIO ad opus suom9 et ad operationem suam usque ad vesperom.

25. Qiiàai magoificata sont opéra tua., Domine I omela in sapientiâ fecisti : implela est terra possessions tuâ.

26* Hoc mare magnum, et spatiosum maoibus : illic reptiliaf quorum noo est numéros.

27. Aoimalîa pusilla cuui wagnis : illic na¥©s pertrao-sibunt.

28. Draeo iste queni formasti ad illudendum et: omnîa à te expeclaat, ot des illis escam in tain pore»

29. Dante te illis, colligent : aperiente le manura tuam, omnia implebuoter bonitate.

30. Aferiente autem te faciem , turbabuntor : aoferes

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DES HÉBREUX. 313

spiritum eorum, et deficieot, et in puiverem suum rever-

tenlur.

31. Emïtles spiritum tuum ? et creabontor; et renova-

bis faciem terrœ.

32. Sit gloria Domini inseeuiam : lœlabilur Dominus in

operibus sois.

33. Qui respicit terrain, et faciteam tremere : qui tan-git moules et famigaot.

34. Cantabo Domino in vitâ meâ : psallam Deo meo,

quamdiu soin.

35. Jucuodum sit ei eloquium mmm ; ego vcrô delec-

labor in Domino. 36. Deficiant peccatores à lerrâ et iniqui, ila ul non

sinl: besedic , anima mea, Domino. Inspire-moi de saints cantiques, Mon âme ; bénis Se Seigneur ; Quels concerts assez magnifiques, Quels hymnes lui rendront honneur! L'éclat pompeux de ses ouvrages, Depuis la naissance des âges f

Fait l'élonnemenl des mortels : Les feux célestes le couronnent, Et les flammes qui l'environnent Sont ses vêtements éternels.

Ainsi qu'un pavillon tissu dfor et de soie, Le vaste azur des deux sous sa main se déploie , Il peuple les déserts d'astres étineelants ; Les eaux autour de lui demeurent suspendues;

Il foule aux pieds les nues, Ei marche sur les veols.

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314 POÉSIE LYRIQUE

Fait-il entendre sa parole f

Les cieux croulent, la mer gémit, La foudre part , l'aquilon vole, La terre en silence frémit. Du seuil des portes éternelles, Des légions d'esprits fidèles A sa voii s'élancent dans l'air : Un zèle dévorant les guide, Et leur essor est plus rapide Que le feu brûlant de l'éclair.

Il remplit du chaos les abîmes.funèbres ; lî affermit fa terre et chassa les ténèbres ; Les eaux couvraient au loin les rochers et les monts: Mais au bruit de sa voix les ondes se troublèrent.

Et soudain s'écoulèrent Dans leurs gouffres profonds.

Les bornes qu'il leur a prescrites Sauront toujours les resserrer ; Son doigt a tracé les limites Où leur fureur doit eipirer, La mer, dans l'excès de sa rage 9

Se roule en vain sur le rivage Qu'elle épouvante de son bruit ; Un grain de sable la divise, L'onde écume 9 le flot se brise, Reconnaît son maîlre, et s'enfuit.

La terre ici s'élève en de hautes montagnes ; Ailleurs elle s'abaisse en de vastes campagnes ; Les valions émaillés sont remplis de ruisseaux ; Et des fleuves divers fonde fraîche et bruyante

Eteiot la soif ardenle Des plus nombreux troupeaux.

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Sur le roclier le plus sauvage , Daos les forêls f dans les déserts, Le cri des oiseaux, leur ramage Béûit le Dieu de l'univers»* Sur les montagnes solitaires Il répand les eaux salutaires Des torrents cachés dans les deux , Et dans les plaises arrosées 11 fait par d'utiles rosées Germer des fruits délicieux. '

Les troupeaux dans les prés vont chercher leur pâture, L'homme dans les sillons cueille sa nourriture ?

L'olivier l'enrichit des flots de sa liqueur : Le pampre coloré fait couler sur sa table

Ce nectar délectable. Charme et soutien du cœur.

Le souverain de la nature A prévenu tous nos besoins, Et#Ia plus faible créature Est l'objet de ses tendres soins. Il verse également la sève Et dans le chêne qui s'élève, Et dans les humbles arbrisseau % : Du cèdre voisin delà nue, La cime orgueilleuse et touffue Sert de base au nid des oiseaux.

Le daim léger, le cerf et le chevreuil agile S'ouvrent *ur les rochers une route -facile ; Pour eux seuls de ces bois Dieu forma l'épaisseur, Et les trous tortueux de ce gravier aride

Pour Fanimal timide Qui nourrit le chasseur.

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Le globe éclatant 9 qui dans l'ombre Roule an sein des deux étoiles. Brilla pour nous marquer le nombre . Des ans, des mois renouvelés. L'astre du jour dès sa naissance Se plaça dans le cercle immense Que Dieu lui-même a?ail décrit ; Fidèle aux lois de sa carrière?

Il retire et rend la lumière Dans Tordre qui lui fut prescrit.

La nuit fient à son tour : c'est Je temps du silence i De ses antres fangeux la bête alors s'élance , Et de ses cris aigus élonos le pasteur ; Far leurs rugissements les lionceaux demandent

L'aliment qu'ils attendent Des mains du Créateur.

Mais quand l'aurore renaissante Peint les airs de ses premiers feux 9

Ils s'enfoncent, pleins d'épouvante, Dans leurs repaires ténébreux. Effroi de ranimai sauvage, Du Dieu vivant brillante Image, L'homme paraît quand le jour luit : Sous ses lois la terre est captive, Il y commande, il la cultive • Jusqu'au règne obscur de la nuit.

Seigneur, être parfait, que tes œuvres sont bellesI Tu fais servir l'accord qui les unit entre elles Au bien de l'univers, au bonheur des humains ; Partout je vois empreint le sceau de ta sagesse.

Et tu répands sans cesse Tes dons à pleines mains.

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DES HÉBREUX. 317 Tu fis ces gouffres effroyables, Noir empire des vastes mers ; Leurs abîmes impénétrables Sont peuplés d'animaux, divers. Ton souffle assembla lès orages, Les aquilons dont les ravages Font régner la mort sur les eaux ; Et tu dis : « Ces mers déchaînées ' « Verront leurs ondes étonnées « Porter d'innombrables vaisseaux.

Là des monstres marins, dans leur course pesante, Ouvrent des flots émus la surface écumante : Ils semblent se jouer des vagues en courroux : Quand de Thorrible faim les tourments les dévorent,

C'est toi seul qu'ils implorent, El tu les nourris tous.

Privés de tes regards célestes, Tous les êtres tombent détruits, Et vont mêler leurs tristes restes Au limon qui les a produits : Mais par des semences de vie Que ton souffle seul multiplie, Tu répares les coups' du temps ;

• Et la terre toujours peuplée-, De sa fange renouvelée -Yoit renaître ses habitants.

Dieu des jours, Dieu des temps, triomphe d'âge en âge5

Jouis de ta grandeur, jouis de ton ouvrage : Tu regardes la 'terre f elle tremble d'effroi ; Tu frappes la montagne , et sa cime enflammée

Dans des flots de fumée S'abîme devant toi.

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Que le jour commence à paraître, Ou qu'il s'éteigne dans les mers, Mon Créateur, mon divin maître Sera l'objet de mes concerts. Trop heureux si dans sa clémence Il écoute avec complaisance ' Les chants que je forme pour lui ! Fidèle à marcher dans sa voie,' En lui seul je mettrai ma joie t

Mon espérance et mon appui.

Trop longtemps les pécheurs ont lassé sa justice ; Que l'enfer les dévore, et que leur nom périsse; Que Dieu verse la paix dans le fond de mon cœur ; Qu'il pénètre mes sens, que son zèle m'enflamme ,

Et qu'à jamais mon âme Bénisse le Seigneur.

LE FRANC DE POMPIGNAM.

Quelle variété de détails, quelle rapidité, quelle animation, quelle vie dans ces diffé­rents tableaux ! Ne croit-on pas tout voir se passer sous ses yeux ? Ces diverses scènes du jour et de la nuit où Fliomme et les animaux domestiques e! sauvages jouent leur rôle; cet assemblage d'images frappantes et véri­tables , rendues avec autant d énergie que de concision, nous prouvent évidemment qu'il y a aussi loin du style de la Bible à tout autre style, que de l'esprit de Dieu à l'esprit

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de l'homme. C'est là le jugement de tous les temps et de tous les peuples : aussi nulle production de l'esprit humain n'a obtenu comme le livre des Saintes Ecritures les suf­frages constants de tout l'univers. Les psau­mes, en particulier, en sont une preuve irré­fragable. Après avoir été répétés dans de lointains pays qui furent leur patrie et dans des siècles qui sont bien loin de nous; après avoir été chantés par mille générations israé-lïtes sous les voûtes des deux temples de Jé­rusalem; après avoir passé sur les lèvres de tout ce que le christianisme a produit de fidèles, sur'tous les points du monde, pen­dant son existence dix-huit fois séculaire; après avoir fait l'aliment, la consolation, l'appui, le bonheur, l'étude et l'admiration des plus sublimes génies et des âmes les plus héroïques ou les plus pures dont s'honore le passé; après avoir été non seulement traduits dans toutes les langues connues, mais encore commentés, annotés, exaltés par plus de treize cents auteurs, au nombre desquels figurent plusieurs de ces noms consacrés par la gloire et vénérés par les peuples, ils retentissent encore à trois mille ans de leur naissance dans

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les cathédrales dés cités, comme dans- l'église des villages^ et sont redits par le riche com­me par le pauvre, par le savant comme par l'ignorant, aux quatre coins de l'univers, partout ou il y a des sociétés : connaissez-vous un poème qui soit entré aussi profon­dément et aussi universellement dans l'âme et la mémoire des humains? ' Et s'il est vrai, comme on nen saurait douter, que nulle autre inspiration lyrique n'a joui par le passé dune popularité si glorieuse, n'est-ce pas une éclatante preuve que nul poète n'a mieux parlé que David le langage du cœur ?

POÉSIE LYRIQUE DES GRECS.

La poésie lyrique,'dans les temps anciens, ne fut pas représentée par la seule nation hé­braïque. Quelques siècles après que la harpe d'Israël eut fait entendre de grands, de su­blimes accords, la muse des Grecs préluda à de'mélodieux accents, et donna naissance à la poésie la plus capable de captiver l'oreille et le cœur. Ces deux peuples se partagent donc

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DES GRECS. 321

les éléments de toute inspiration, l'une sacrée et l'autre profane. Au premier les volontés et les lois du Très-Haut, l'héritage des traditions primitives conservé avec la fidélité la plus re­ligieuse; les splendeurs du ciel et le néant de l'humaine faiblesse, Dieu et l'homme. Au se­cond , la nature extérieure et ses charmes in* finis, les harmonies du monde matériel et ses plus suaves mystères , expliqués comme ils étaient sentis, avec une expression enthou-siaste et habile à personnifier, la vie sensuelle, en un mot, avec ses jouissances et ses plaisirs: à l'un, par conséquent, une poésie dont toutes le? proportions se groupent dans une même tendance, l'unité de Dieu, la sainteté de sa doctrine; à l'autre, une poésie universelle, ne reconnaissant aucune pensée dominante, chan­tant également les vertus et les vices, et fai­sant des cieux une reproduction fidèle de la terre,

Egalement fiers et polis, savants et guer­riers, passionnés pour la gloire et pour le plaisir, avec un goût exquis pour les arts, des organes propres à apprécier ce qui est beau dans tous les genres et à le reproduire, les Grecs devaient nécessairement devenir unena-

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tion éminemment poétique. Le climat, le sol, la religion, la langue, tout se réunissait pour développer en eux ces émotions vives et pro­fondes , qui* sont déjà de la poésie, avant d'en avoir revêtu l'expression. Doués d'ailleurs d'une imagination vive et brillante, d'une sen­sibilité prompte à recevoir les impressions les plus diverses, ils durent adopter dans leur poésie toutes les formes, toutes les idées, et tour à tour faire résonner sur les cordes de leur lyre toutes les émotions et tous les senti­ments. Les images que nous allons chercher à grands frais dans une mythologie étrangère, ils les trouvaient sans efforts au-dedans d'eux-mêmes, dans les objets qui frappaient leurs sens, et, pour ainsi dire, dans l'air qu'ils res­piraient. Pour eux, la nature entière était ani­mée, déifiée; ils voyaient sous des formes vi­vantes et sensibles les êtres dont notre imagi­nation ne reçoit qu'une impression vague et confuse, et, comme nous l'avons déjà dit, pour eux tout était Dieu, là ou nous trouvons à peine une image.

Fille hautaine et indépendante, inspirée par l'amour de la gloire et de la liberté, la poésie des Grecs dut naturellement "être noble,

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DES GfiECS. 323

grande, hardie comme Finspiration d'où elle tirait son origine : ajoutez à cela qu'elle appelle les rhythmes les plus suaves et les mieux ca­dencés à Faide de son enthousiasme et de ses impressions ; qu'elle profite avec art des sons harmonieux de la plus harmonieuse des lan­gues, quelle sait en doubler la puissance par une prosodie qui devient une seconde musique et peut, plus que toute autre, peindre avec des couleurs éclatantes les plus grandes passions de l'homme, la colère, l'amour, la vengeance, le courage impétueux et la prudence habile; qu'en un mot, elle porte avec elle la force ex­térieure, la virilité gracieuse, les formes sou­ples et élégantes, tous les éléments du beau. Me nous étonnons donc plus que cette poésie ait été a?ssez éloquente avecTyrtée pour armer des peuples et enfanter des- victoires, assez gracieuse avec Anacr-éon pour léguer son nom comme un modèle au«: générations à venir, assez hardie et bondissante dans son allure pour enflammer, avec Pindare, les athlètes du désir du triomphe, et célébrer dignement la gloire des immortels.

Mais, comme toutes les productions du génie de l'homme, la poésie des Grecs eut son

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3*24 POÉSIE LYRIQUE

commencement Morale et religieuse d'abord, elle se voua aux louanges des dieux. Ses chants sacrés accoutumèrent peu à peu les Grecs de­mi-sauvages à révérer la Divinité, et les dé­pouillèrent insensiblement de leur rudesse. Aussi, n'est-ce pas comme poètes seulement qu'il faut considérer Linus, Eumolpe, Musée, Orphée et tous les premiers hommes de la Grèce dont les œuvres se sont perdues, et qui furent moins des bardes, que les fondateurs delà société et les régulateurs des coutumes de leur siècle. Le langage informe et discord de leurs poésies ne reçut sans doute que plus tard, et par l'influence de la musique et de la danse auxquelles on Fappliqua, une forme rhythmique et harmonieuse. L'expression, la pensée et même l'esprit de ces compositions primitives étaient, selon toute apparence, fort altérés déjà même au temps où les rhapsodes les répandaient dans toutes les contrées de la Grèce, Il paraît que plus tard il se forma à cette école mystérieuse'des poètes qui surpas­sèrent leurs maîtres. Les invocations à la Na­ture et à Dieu, qui nous sont parvenues sous le nom d'Orphée, furent peut-être l'œuvre de quelqu'un de ses disciples; et le nom dfOr-

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DES GRECS. 325

phiiquesj donné à ces chants, n'exprime, sans doute, que la forme mystique dans laquelle ils furent primitivement conçus par Orphée lui-même.

Quoi qu'il en soit, Orphée fut le premier, ou Fun des premiers qui fit servir la poésie lyrique à l'embellissement des cérémonies re­ligieuses , qu'il emprunta aux Egyptiens pour les porter dans la Grèce. Ce fut lui qui insti­tua les mystères de Bacchus et de Cérès-Eleu-sine, à l'imitation de ceux d'Isis et d'Osiris, et qui, de son nom, furent appelés Orphiques.

Nous avons encore quelques fragments des hymnes que Fon y chantait probablement : ils sont remarquables surtout en ce qu'ils renfer­ment les idées les plus hautes et les plus pures sur l'unité d'un Dieu et sur tous les attributs de son essence, sans aucun mélange de poly­théisme. En voici un que Suidas nous a con­servé.

IIEPi 8E0T.

Eïç ^% IGT aÛToyev7)V evoç exyova iravra TeTexrea.

Êv o œùxQÏç aÙToç wepiv forerai* oùSe r%ç GCùTOV

EiçQfdœ Ovimov , «JTOç iïl ye iravraç ôpatai.

OUTOç £' e$ ayaôoïo xaxôv 6VV)TOI<II jtôoxii,

Kai TOXep.ov xpuôevTôe, xai œkym JaxpooevTa*

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326 POÉSIE LYMQUE

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Wap.aT0ç? exçeeiyei de itupoç «rlXœç îçiyswÎTa*

AùTOç 5' au pystv audiç èir' oùpsevàv iaTifpQiTOl

Xpuffl» sivldpovcpy yaivi d' iico Ttowl piênxs ,

Xeïpa de de£iTep^v ewi Teppaffiv Axiavotb

ÊXTexaxev, ôplwv de Tpépei (îaGiç evdo8i 8UJA(O,

Oôds çepeiv dovarai xpaTepov jjivoç. Eç& de TtavTcuç

AùTOç èicoupavtoç, xal ewl x^ovl iravTst TEIEWTO ,

ÀpX' v «JTOç îjyav «pe xai pciov tfdè Teletrnsv >

àçloyoçapxaiwvj àç ùdpoyer/lç di£ra£ev,

Èx Qeoôev yvwpxiffiXaëtoV x a m di7cXaxa SiffjÂÔv»

JLXXCôç où 8S(MTOV de X£yeiv.

DtEtJ.

11 est on Dieu , principe et origine de son être ; qoi seiil a tout créé, et remplit tout de sa Jpréseoce* L'œil d'un mortel ne peut le voir, et loi, de son regard, em­brasse tout ce qui existe. C'est lui qui t pour tirer le

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du mal9 envoie aux hommes de terribles épreuves, la guerre sanglante, la douleur et les larmes .... Il n'y a point d'autre Dieu que lui.

Pour comprendre facilement lous ses attributs, il fau­drait , ê mon fils! l'avoir contemplé dans le eial, avant qu'il descendit sur la terre. Mais , quoique je ne puisse moi-même le voir, j.e vais ie le dépeindre, en suivant ici-bas ses traces et les œuvres divines de sa puissante main. La nue qui l'environne me dérobe le reste ; d'ailleurs, au-dessus, du séjour de l'homme, s'élèvent dix eieux;..* et quel autre mortel pourrait y découvrir le souverain de l'univers, si ce n'est le fils unique sorti de l'antique nation des Cbaldéens : il connaissait le cours des astres, et tes lois qui font tourner régulièrement le monde autour de noire terre, comme autour de son centre.

C'est ce grand Bleu qui fait souffler les vents au sein de l'atmosphère et sur la sprface des eaux : c'est lui qui eniamme l'éclair, précurseur resplendissant de la fou­dre. Il siège sur un trône d'or dans les profondeurs du ciel; la terre disparaît au loin sous ses pieds; e t , îors-qu'il étend sa main jusqu'aux extrémités de l'Océan, les montagnes tremblent sur leurs bases ébranlées, et leurs masses ne peuvent supporter le poids de sa puissance. Tout, sur la terre, se fait par la volonté de cet unique maître des c i tu i , qui esta la fois le commencement, le milieu et la fin de toutes choses.

Voilà ce que nous apprennent du Tout-Puissant les dires des anciens ; c'est aussi la description que nous en donne le sauvé des eaux, qui reçut de Dieu même la loi basée sur deux préceptes. Il n'est permis'à personne d'en parler autrement.

Suidas^ en citant ce fragment y assure qu'Or-

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328 POÉSIE LYRIQUE '

phée avait lu les livres de Moïse, et en avait tiré tout ce qu'il enseignait sur la nature di­vine. On a contesté cette assertion : il est clair pourtant qu'on retrouve dans ce morceau, non seulement les idées, mais encore les expres­sions des Livres Saints, de beaucoup anté­rieurs aux écrits d'Orphée, Il y a plus: le poète grec y désigne même Moïse, par l'épithète ùjpQyeviffc, engendré de V eau t c'est-à-dire, sauvé des eaux. Et pourquoi voudrait-on qu'Orphée et les premiers poètes de la Grèce n'eussent pas eu connaissance des écrits de Moïse ? Ces poètes étaient des sages, coçoC, des philosophes s'adonnant également à la culture de la poésie et à la pratique de la vertu. Leur but était de policer les peuples au milieu desquels ils vi­vaient. Pour atteindre ce but si louable, ils visitaient les nations connues par la sagesse de leurs lois, et en rapportaient ces semences pré­cieuses de civilisation qu'ils implantaient avec, fruit chez leurs concitoyens barbares. Or, Linus, Orphée, Eumolpe, avaient parcouru l'Egypte et l'Orient; ils avaient fréquenté les sages de la Chaldée et de l'Inde, recueilli tout ce que ces peuples croyaient de la Di¥inité , le culte et les différentes cérémonies par les-

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quelles ils lui rendaient hommage, etc. Et Ion voudrait qu'au milieu de tant de travaux , de tant de courses, de tant de recherches, les fon­dateurs de la société grecque n'eussent pas même entendu citer le nom de Moïse, qu'ils eussent ignoré les écrits du législateur d'Is­raël , et négligé de recueillir danà ces pages à la fois si rationnelles, si sages et si sublimes, les récits que Fhistorîen sacré y a consignés sur la naissance du monde, la formation et la chute de l'homme, l'origine des sociétés, la nature et les attributs du Créateur! Non, cela n'est pas possible, et il faut être aveuglé par les préjugés ou par quelque chose de plus en­core, pour soutenir un sentiment que combat­tent également le bon sens et la simple raison. Quel est, par exemple, l'homme tant soit peu érudit, qui se soit adonné à la lecture de la Bible et d'Homère, et qui n'ait reconnu dans

' le prince des poètes grecs une foule de pensées, de sentences et de préceptes moraux, disons plus, de tournures et d'expressions copiées >pour ainsi dire littéralement dans les Saintes Ecritures ? C'est là ce que soutiennent entre mille autres saint Justin (in Parœnetico ), Clé­ment d'Alexandrie (Strom. 1.), Eusèbe ( in

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Chronico), Agellius, liv. 17, c. 21, Sealiger et Vossius (de Poet. Grœc. c. 2 . ) , St-Jérôme (Epist. ,84, ad Magnum), Boganus, dans son Humérus Ê6paî£<M, et le savant Jacques Duportde Cambridge, dans son Homen Gno-mologim.

Quant à Orphée, qui est regardé comme le père de la théologie païenne, il dut, en qualité de philosophe et de théologien, chercher, plus que tout autre, h se perfectionner dans cette science ; et, comme il vivait environ trois siè­cles après Moïse, il est difficile de ne pas croire que durant le séjour qu'il fit en Egypte, il n'ait emprunté aux livres de Moïse, qui devaient y être fort connus, une partie de leurs vérités dogmatiques et. morales.

Orphée n'eut point de disciple plus célèbre que Musée,.qui marcha sur les traces de son maître, et présida aux mystères d'Eleusischez les Athéniens- Ses ouvrages, qui étaient en-grand nombre, avaient pour titre : Préceptes à mon fik Eumolpe; Hymnes;- Oracles; Guerre des Titans* Aucun de ces ouvrages n'est parvenu jusqu'à nous-Virgile place Musée dans les Champs-Elysées à la tête des poètes pieux, dont les chants ont été dignes d'Apol-

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Ion, et qui ont consacré leur vie à la culture des beaux-arts.

Musœum ante omnes : médium nam plurima tttrba HIIIîC habet, alqueluimeris eistaolem sospîcil allis*

( £N«ID. lib. vi.)

Dans les âges héroïques, les combats (1) de la poésie lyrique étaient admis, comme ceux de la gymnastique, aux prix quJon distribuait en divers endroits de la Grèce; et ces poésies étaient ordinairement improvisées sous l'in­fluence des affections rapides que faisaient naître l'étendue et la magnificence du théâtre, Faffluence et l'enthousiasme dès spectateurs. Mais Apollon et Bacchus, qui, à raison de la double ivresse dont ils échauffaient le génie des poètes, avaient un droit particulier à leurs hommages, étaient aussi l'objet le plus habi­tuel de ces hymnes sacrés; et de même que dans les jeux pythiques les joueurs de flûte qui se disputaient le prix de leur art , devaient par des modulations variées, exprimer successive­ment les diverses circonstances qui avaient précédé, accompagné et suivi la victoire dfA-

(l)Le prix des jeux lyriques était un taureau;'celui des jeux dithyrambiques était un trépied; ce qui prouve que les anciens estimaient plus le dithyrambe que l'ode.

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pollon sur le serpent Python, il est probable que dans les compositions en l'honneur de Bacchus, l'imagination des poètes s'attachait à rendre,avec l'éclat et la variété dont ce sujet élait susceptible, les courses rapides et les brillantes conquêtes de Bacchus, et à jeter sur ce récit un intérêt progressif et en quelque sorte théâtral. Aussi l'hymne héroïque et le dithyrambe donnèrent naturellement nais­sance à la poésie dramatique.

Ce fut surtout dans le dithyrambe que se perpétua l'ardeur poétique qui avait inspiré les premiers chantres-de la Grèce. Né parmi les fêtes grossières et les désordres nocturnes du culte de Bacchus, il porta d'abord et retint toujours le caractère de sa licencieuse origine. Des hommes que le fanatisme et le plaisir rem­plissaient d'une double ivresse, s'assemblaient la nuit, et préludaient à ces fêtes par des sa­crifices et des libations. A ces hommages suc­cédaient bientôt des scènes plus animées et plus bruyantes. On voyait de paisibles adora­teurs de la Divinité se transformer peu à peu en de tumultueux convives; des flots de vin étaient versés à la ronde; la joie, avec la li­queur bachique, circulait de rang en rang; on

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DES GRECS- 533

composait des chants, on formait des concerts. Au milieu de ces orgies, le son des instru­ments, rendu plus éclatant par le silence de la nuit et le retentissement des échos, Faction rapide des danses circulaires, les vapeurs eni­vrantes du vin, tout devait ébranler l'imagi­nation; la présence même du dieu auquel on attribuait de si puissants effets, ajoutait encore à cette fureur sacrée un nouveau degré, d'exal­tation. C'était alors qu'un poète, saisissant sa lyre, dirigeait par. des accords improvisés les mouvements irréguliers de la troupe joyeuse; ses chants, accueillis au sortir de sa bouche avec l'enthousiasme qui les avait produits, étaient aussitôt répétés par des chœurs en délire.

Telle fut l'origine du dithyrambe. Bientôt, avec le culte de Bacchus, ce genre de poésie se répandit par toute la Grèce; chaque ville eut ses poètes dithyrambiques. Les Latins, peuples moins voluptueux et plus moral que les Grecs, firent peu de cas de cette espèce de poésie lyrique, quoique cependant les vers galUambiques chantés par les prêtres de Cy-bèle, se rapprochassent beaucoup du dithy­rambe. Il n'en a pas été de même'chez les

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Italiens; cette nation pleine de feu et de gaîté, a cultivé le dithyrambe avec autant d'ardeur et presque autant de succès que les Grecs. Udeno Nlsieli sfest vanté de l'avoir introduit le premier dans sa langue; mais longtemps avant cet auteur, Marini et Chiabrera avaient composé des dithyrambes. On trouve même un exemple de ce genre de poésie dans le chœur des ÈacchaMês (1), par lequel Ange

(1) En faveur des amateurs de la littérature Malienne 9

noos citerons ce morceau, qui est un chef-d'œufte d* naturel etdegaîlé.

Ogouo segua Bâcco te

îlacco , fiacco s evnè

Ghs tap i bet«r f -ehi vool hmer.

Vegoa à Le¥erf vegoa qui

Yoi Ifabuliste comme beirere

Gli é éel fin© tacof per i i .

Lascia à bever prima à me

Ognyo segua t e , Baceo, le.

Io ko 19t@ grà il mm -corne :

Dammi un po il baltachio, ia qua

Qtiesto moala gin întonm

F/1 c t rve lb à spusci ?à.

Ogoua corra in qaa e in là

Corne vede y fare à m e ,

Ogoua s€gia Baeeofe.

lo mi raorô già di soono,

SOQ , io ebria f © s i , o ici ?

Slar | iê r i t t i «' piè i » s pourn».

" Voi siete ebri , cSt* io Jo ao.

OgnuQ faccia corn* io fo

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Politien a terminé la fable d'Orphée. Ainsi improvisé au milieu des transports et de toutes les extravagances qui sont la suite de l'ivresse, le dithyrambe grec ne connaissait point en­core de règles. Mais peu à peu il se perfec­tionna, "et ceux qui le cultivèrent y ajoutèrent de nouvelles beautés, sans en dénaturer le ca­ractère. Si nous nous en rapportons aux scho-liastes de Pindare, la poésie dithyrambique, au temps d'Archiloque, était déjà parvenue à un degré sensible de perfection. Ce poète l'a­vait purgée de toutes les folies dont elle était accompagnée à sa naissance. Arion de Mé-thymne, qui vivait vers la xxxvin€ Olympiade, et Stésichore, essayèrent de donner au dithy­rambe la forme de Fode; ils le coupèrent en strophes, antistrophes et épodes; mais celte innovation fut rejetée par le plus grand nombre des poètes, qui la regardèrent comme

Ogniiii succi, corne fe Ogaua segut Bacco te

OgnuB gridi f Bacco-, Bacco , E pur cacci del YÎn giù Poieoa stjôïiî fareai fiacco Be¥i î o s e lu e lu. lo non posso bullar pi à Ognuo gridi evoè Ogauo segoa Bacco t e , Bacco, Bacco evoè.

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contraire à la nature du dithyrambe. En effet, c'était soumettre ce genre de poésie à des lois qui l'empêchaient de remplir le véritable ob­jet de son imitation; c'était le priver de la va­riété , de l'espèce de désordre et de toutes les libertés dont il avait besoin pour exprimer les mouvements d'une danse vive, animée, pétu­lante, pour laquelle il était fait, et dont il était inséparable.

Le dithyrambe reprit donc son ancienne forme; mais quoiqu'il fût devenu plus libre, quant au vers et au rhy thme, il n'eut toutefois que le degré de hardiesse et de désordre qui convenait à son caractère. Il est vrai que bien­tôt après, les poètes dithyrambiques se propo­sant seulement d'imiter les fureurs de l'ivresse, brisèrent toutes les règles, portèrent l'audace jusqu'à l'excès, et firent passer dans leurs com­positions toute l'indécence et la. folie qui ac­compagnaient les fêtes de Bacchus. Ce fut au temps deTéleste, que commença cette corrup­tion : Pratinas* PhiloxènefCinésîas,Timothée, Cléomène et Ion suivirent l'exemple de ce poète. Toute la Grèce vit avec autant de sur­prise que d'indignation les formes, les tour­nures et les expressions les plus audacieuses,

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les plus obscures, les plus extraordinaires, s'introduire dans la poésie. Insensibles aux traits dont les perça (1) Aristophane ( les Oi­seaux , v. 1383.), les poètes dithyrambiques n'en devinrent que plus hardis. La licence fut portée au point que, pour désigner un homme qui n'avait pas le sens commun, on disait qu'il avait moins de jugement et de raison qu'un faiseur de dithyrambes. De là encore l'origine de ce proverbe : Cela s'entend moins qu'un Mthyinmbe. On peut consulter sur ce point Aristote , Denis d'Halicarnasse , Athénée, Suidas, etc.

C'est pour n'avoir pas observé les différents états par où a passé le dithyrambe, que quel­ques écrivains ont pensé que ce genre de poésie comportait toutes les extravagances dont peut s'aviser une imagination déréglée et fréné­tique.

(i) Ce poêle s'en raille encore dans la Paix% Y. 83i. On demande an vigneron ce qu'il voit dans lts airs. Rien y

diMl. I l JM4 1C0U

Et pourquoi faire? SuviXrYOVT* àvaêoXà; irorcaiAtvai

Ta; tv&asptavsptwixfay; TWOêç.

22

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Le dithyrambe, dont au commencement l'ob­jet se bornait à célébrer la naissance de Bac-chus, embrassa peu de temps après toutes les actions de ce dieu ; cette liberté même ne suf­fit pas au caractère inquiet et hardi des poètes; ils se servirent du dithyrambe pour chanter, non-seulement les divinités, mais encore les héros et les simples mortels.

Quant au caractère propre de cette espèce 'de poésie lyrique, Tzetzèsa très-bien observé que les poètes dithyrambiques ne différaient des poètes lyriques proprement dits, qu'en ce que les premiers étaient plus hardis et plus élevés dans le style et dans le sujet. Cette observation indique parfaitement le vrai ca­ractère du dithyrambe. Ce genre demande encore plps de sublimité dans l'invention que Fode; il -faut que le poète présente toujours des choses neuves, inattendues, grandes et merveilleuses, comme s'il était dans un com­merce intime avec les dieux, et qu'ils lui ins­pirassent sur-le-champ tout ce qu'il annonce. Des mouvements rapides et variés, des images fréquentes et vives, des idées fortes et frap­pantes, un style animé, impétueux, bruyant, excessivement métaphorique; plein de mots

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DÉS 6ËÉCS. 339

imagiiiés, et tellement réunis^ qu'ils offrent presque à la fois une foulé de tableaux? voilà les qualités essentielles et caractéristiques du dithyrambe. Nous avons à regretter qu'aucun monument de ce genre ne soit paftenu des Grecs jusqu'à nous.

Il est aisé de sentir que nôtre versification timide et monotone, qui, à part la mesure et la rime, n'a presque point de formes capables de l'élever au-dessus de la prose, ne nous a pas permis de mettre souvent en action un genre de poésie, dont toutes les parties doivent por­ter le caractère de l'étit hoàftiasmë.

Quelques-uns de nos poètes français, J.-B. Rousseau , entre autres, ont cependant réussi dans ce genre de poésie. La cantate en l'hon­neur de Bâteebus mmm donnera une idée assez exacte de ce c|iîe' le dithyrambe dut! élite chez les Grecs.

C'est toi, divin Éàcchus 9 dont je chante la gloire f Nymphes, faites silence 9 écoules mm concerts.

Qu'un aulrë apprenne à ^univers Diïfier vainqueur d'Hector la glorieuse" nistoire!

Qu'il ressuscite, dans ses vers, Des enfants de élopV^bdiëuse mémoire !... Puissant Dieu derraftftdk^digii^dbîetdèiiotfvœuK f

C'est à toi seul' qm je me livre.

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310 POÉSIE LYRIQUE

De pampres, de festons couronnant mes çhevenx , -En tout lieu je prétends te suif re. C'est pour toi seul que je veux vivre Parmi les festins et les jeux.

Des dons les plus rares Tu combles les deux, C'est loi qui prépares Le nectar des Dieux.

La céleste troupe Dans ce jus vanté Boit à pleine coupe L'immortalité*

Du ie r Polypbême Tu domptes les sens, Et Phébus lui-même Te doit ses accents.

Profanes, fuyes de cei lieux ; Je cède aux mouvements que ce grand jour m'inspire. Fidèles sectateurs du plus charmant des dieux ?

Ordonnes le festin, .apportes-moi ma lyre : Célébrons entre nous un jour si glorieux. Mais parmi les transports d'un aimable délire Eloignons loin d'ici ce bruit séditieux

Qu'une aveugle vapeur attire. Laissons aux Scytbes inhumains

Mêler dans leurs banquets le meurtre et le carnage. Les dards du Centaure sauvage

Ne doivent point souiller nos innocentes mains.

Bannissons l'affreuse BeUone , :'• De l'innocence .des repas ; .. . . .

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DES GRECS. 341

' Les Satyres, Bacchus et Faune Détestent f horreur des combats.

Malheur aux mortels sanguinaires Qui, par de tragiques forfaits, Ensanglantent les doux mystères D'un dieu qui préside à la paix.

Bannissons l'affreuse Bellone, etc.

Yeut-on que je fasse la guerre ? Soivei-moif mes amis , accoures , combattez. Remplissons cette coupe, entourons-nous de lierre; Bacchantes, prêtes-moi vos thyrses redoutés... Que d'athlètes soumis! que de rivaux par terre ! 0 fils de Jupiter 1 nous ressentons enfin

Ton assistance souveraine. Je ne vois que buveurs étendus sur l'arène

Qui nagent dans des flots de vin.

Triomphe, victoire, Honneur à Bacchus, Publions sa gloire ; Triomphe f victoire ,

' Buvons aux vaincus.

Bruyantes trompettes, Secondes nos voix ;

- Sonnes leur défaite ; Bruyantes trompettes, Chantez nos exploits.

Triomphe f victoire, Honneur à Bacchus ! Publions sa gloire ; Triomphe t victoire, Buvons aux vaincus.

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342 POÉSIE LYRIQUE

Parmi les dithyrambes les plus .célèbres de nos poètes, nous citerons encore celui de De-lille sur l'immortalité de l'âme, quelques mes-séniennes de C. de Lavigne, et la poésie sacrée de Lamartine. Mais revenons à la ppésie ly­rique des Grpcs.

Les aventures de Baçchus inspirèrent le di­thyrambe, chapts 'de louanges en F^onpeur du Dieu; et le cortège deBaechus, les F^unesf

les Sylvains et- les Satyres, donnèrent nais­sance à l'art dramatique ? qui ne fut dans le principe qu'un poème lyrique, dont les chœurs composaient la plus grande partie. Bientôt le but moral delà tragédie grecque et l'admission de plusieurs personnages sur la scène, don­nèrent au chœur un caractère particulier. D'a­bord unique^ puis principal acteur, il finit en­fin par n'être plus qu'accessoire. C'était comme un spectateur idéal, placé entre la pièce et les assistants, et qui transmettait à ceux-ci les im­pressions qu'il recevait directement lui-même. Le chœur était donc le véritable personnage moral de la pièce; c'est dans sa bouche que le poète plaçait presque toutes les moralités de son sujet. Il se composait ordinairement de vieillards dont les passions étaient étouffées

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DES GRECS. 343

par Page, ou déjeunes vierges,dont lame n'é­tait pas encore flétrie par le vice ; les uns et les autres étaient doués du calme nécessaire-au rôle qu'ils étaient appelés à remplir.

Ils se partageaient en deux moitiés, ou deux demi-chœurs %txopwv, dont chacun avait son orateur, nommé choryphée, aapvçafoç (de xopuçrf, tête). Las deux, sections réunies étaient diri­gées par un chef commun, nommé chorége, Xopuydç. Lorsque le chœur prenait, part au dia­logue, c'était par Fintermédiaire du chorége ou des choryphées : la partie proprement ly­rique du chœur était chantée par tous ses membres et accompagnée des instruments» Comme toutes les. odes, les chants du chœur se divisaient ordinairement en strophes, anti­strophes et épodes; parfois ils n'avaient lieu que dans les intervalles des pièces; souvent aussi ils se mêlaient à Faction pendant tout le temps que durait la pièce, et devenaient partie intégrante et principale de cette action, comme dans les Suppliantes, et les Euménides dfEs-. chyle, etc.

Les trois grands tragiques, Eschyle, Sopho­cle et Euripide^ présentent dans la plupart des chœurs de leurs pièces de véritables chefs-

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d'oeuvre de poésie lyrique, La plus belle scène peut-être du théâtre grec, celle du second acte des Coëphores d'Eschyle, est un'dialogue entre Electre et le chœur de femmes qui rac­compagnent au tombeau d'Agamemnon. La tragédie des Sept-Chefs du même poète offre également dans son premier acte des beautés lyriques d'un effet admirable. .La ville'aux sept portes est attaquée à la . fois par sept guerriers du parti de Polynice. Un espion vient en toute hâte annoncer que l'armée en­nemie approche. Etéocle sort pour donner les ordres nécessaires, et, sur son chemin, rencontre les filles thébaines qui, effrayées des malheurs de la patrie, se couvrent de leurs voiles, embrassent les statues des dieux, et leur adressent des prières plaintives au milieu des cris, des larmes et des gémisse­ments. Il est impossible de concevoir une scène plus naturelle et plus touchante. Cet acte est terminé par un chœur, divisé en strophes et en antistrophes, d'une poésie si forte et si lamentable^ que Ton croit entendre l'approche de l'ennemi, et que l'on s'attend à toutes les catastrophes, à toutes les hor­reurs qui sont la suite d'un siège meurtrier.

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DES GMCS; 315

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346 POÉSIE LYRIQUE

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DES G U C S . 347

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iv fofttoiç f opeiTai. A(xcdfôcc $è xaivomffAOveç vfai Tlif^oveç eùvav aquAaXwTOv etvîpôç eÛTuxoOvToç, àç Suff|Aevo3ç ftirepT^pou.

ÊXwiç îan vuxxepov TIXO; pleîv ,

nayxlstiiwv i>y4«* WppoO^v.

LE CHOEUB.

(5fr. I.) Ifc*éis ; puis M cffiW m F # . calme? la cfiiote qui l'agite. Twjws pàWRte * TO* Fl# e * H*06

d* l'ennemi tuteur ** m mn*, f M t e h te«e»r-dan» p w âne; ainsi fai MbmtbQ *mmsi**ei lwMtjtPtç ipptète

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348 POÉSIE LYRIQUE

d'un faible nid, craint le dragon pour ses petits* Uo peuple entier, une armée nombreuse s'avance contre nos rem­parts. Que de?iendrai-je ? Une grêle de pierres tombe de toutes parts sur nos soldats. Enfants de Jupiter, ô dieux, défendez par tous les moyens possibles la fille et le peuple de Cadmus !

(JniisL I.) En quelle contrée plus chère irez-vous ha­biter, si vous livrez à l'ennemi ce pays fertile et les eaux de Bïrcé, la plus salubre des sources, dont les filles de Thétis et le dieu qui environne la terre, font présent aux mortels ? Divinités tutélaires de celte ville, envoyez au dehors le lâche et pernicieux effroi, et rehaussez la gloire "des Thébains ; écoulez nos lamentables accents'! sauvez-nous, sauvez Thèbes et soyez-y fixés à jamais 1

(Str. II.) Quoi! Thèbes, cette ville antique devenue la proie de Cépée, consumée par la flamme,'disparaîtrait de la terre I Les dieux la livreraient sans honneur aux rava­ges de l'Achéen . . . Ces mères, ah ! ciel ! . . . et ces vierges, les cheveux et les voiles arrachés, seraient traî­nées comme de vils troupeaux en esclavage . . . et dans ces murs déserts retentiraient les cris des captives déso­lées ! Quelle image I j'en frémis !

(Jnitst. IL) Jeunes vierges, tendres fleurs, quel sort déplorable! Cueillies avant le temps sur le sol qui vous a vues naître, pour être transplantées en une terre odieuse l ... Oui, le trépas est mille fois préférable à ces maux ... Hélas l hélas I à combien de calamités n'est pas en proie une viEe prise d'assaut l L'esclavage, le meurtre, les flammes la désolent ; la fumée la couvre et 'la noircit ;

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DES GRECS. 349 partout Mars destructeur souffle la rage, et souille la pudeur..

(Str. III.) Partout des rugissements... le filet de la mort a tout enveloppé ... L'homme est égorgé par l'homme.... L'enfant massacré pousse des cris inarticulés sur la mam-melle ensanglanté qui l'allaite... La rapine, compagne du ravage . . . . Les soldats se montrant leur butin , sV nimant au pillage, appelant leurs compagnons 9 sans vouloir ni partager, ni céder ; comment peindre ce tableau?

{Jntist. III.) À chaque pas, les rues sont jonchées de fruits de toute espèce .... Familles désolées , à vos yeux tous les dons de la terre dispersés, roulent dans la fange. De jeunes filles, qu'un autre sort attendait, sont forcées de partager servilement la couche d'un soldat heureux 9

d'un ennemi triomphant. Âh ! que la nuit de la mort me préserve de voir un spectacle si déplorable I

Nous pourrions encore citer -comme un chef-d'œuvre presque tout le cinquième acte de Y Àgamemnon du même tragique. Le poète y a rassemblé les beautés les plus grandes, les effets les-plus, déchirants. Des scènes ad­mirables s'y succèdent sans interruption en­tre le chœur et la prophétesse Cassandre, et font de ce "morceau vraiment lyrique un des plus remarquable de l'antiquité.

Sophocle et Euripide furent contempo­rains , et balancèrent tous deux les suffrages

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360 * POÉSIE LY1ÏQUE

des Athéniens par lears tragédies également admirables, quoique d'une marche et d'un goût bien différents. Sophocle était grand, élevé y sublime ; Euripide, au contraire, était tendre et touchant; Sophocle peignit les hofniflés comme ils devraient être i c'est-à-dire, tertaetix et bons; Euripide les? peignit tels qu'ils sont, avec leurs Qualités et ïeintë défauts. Le premier étonnait l'esprit, lé se­cond gagnait les cœurs. Tels parmi nous,-. GoriieiUe et Racine,' ont suspendu l'admira­tion générale # r#i*n par sa noble fierté et par sott hëùrtettsd hârtlfeâMv l'autre par ftoff âimap Me douceur et iôti style insinuant.

Sophocle excelle particulièrement dans les* images; son esquisse est si naturelle et si exac­te!, ses*fignreff' contrastent si heureusement en-senrbiej* et sont si Me» groupées,* ses- eonfeufs-si vivë^et si naturelles f que ce n'est pas sans* rai-sôwqoe les Môderrtes'l'ont appelé lé Raphaël deTawcierone tragédie, éloge que l'antiquité- (1) en* é'autre* ternes avait déjà confirmé par é'écfetân«s4éfw»ignagesvSa' tragédie ê'OEdipe roi est reitaFqikable ifans^s>chûetifs;<k!vert#

(1) Cicer. Lib. Y. De finit, bon. et mal. § ÏH. Lôogïn s Tfmte èù, suMiMe.

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DES GRECS. 351

et la morale en forment le fond principal Celle à'OEdipe à Colone renferme des chœurs dont les sujets sont tantôt pittoresques et riants, tantôt sombres et lugubres. Citons-en deux exemples :

OEdipe, chassé de ses Etats, cherche, sous la conduite de sa fille Antigone, un tombeau dans un pays étranger. Il arrive à Colone, ville de FAttique, dont les habitants refusent de le recevoir, OEdipe ne leur demande que quelques moments jusqu'à ee qu'il ait parlé à Thésée, roi d'Athènes; il leur assure que, s'ils ne lui refusent pas cette grâce, lés dieux les en recompenseront par de grands avan­tages. Thésée arrive, et satisfait deê réponses d'OEdipe, il lui permet de se fixer à Colone. Alors les Coloniates, qui forment le chœur, consolent le malheureux prince de son exil par les éloges du pays qu'il adopte pour patrie.

XOP02.

Eùiintou, Çsvt f Tourne x**?*« ( 2« *'• ) uo'j s r à xp«u<rr& jiç, faa'jXa ,

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TOV Gtvâtt' àvlxouaa xxaahv , x*i ràv sê&rov Ôsoû

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DES GRECS. 363 À $* c tmprrp.eç ixn&qV akia. ^ip-

01 itapairrGu.iva iràaST&

CH01TÎR»

[Sir. I.) Les Dieux,6 étranger, YOUS ont conduit dans le séjour le plus délicieux de l'Afrique , à Coloae, qui doit à Neptune les superbes cour­siers qu'on y admire. Cest-là que s dans les Talions verdoyants, où jamais l'on n'éprouva les rigueurs de l'hiver, le rossignol fait retentir de toutes parts ses mélodieux accents ; les vents n'y font point sentir leur bruyante haleine; et les rayons ardents du soleil y sont interceptés par des arbrei chargés de fruits et par d'épais feuillages, que partout marient ensemble de longs festons de lierre. C'est ici que le riant Bacchus et tes joyeuses compagnes ont à jamais fixé leur séjour.

(ÂntisL I.) Le narcisse y étale en tout temps, à côté du safran doré, son calice ©dorant; aimables fleurs, qui servirent jadis de couronne aux grandes Déesses. Le Géphise, par mille canaux divers, promène ses eaux limpides à travers de gras pâturages, et porte ainsi la fécondité à nos cam­pagnes. Lieux charmants, où le chœur des Muses vient souvent former le brillant cortège de la belle Vénus.

(Sir, II.) Maïs ce qui contribue surtout a la gloire de ces lieux enchan* leurs, c'est qu'ils produisent sans culture et sans soins cet arbre précieux que l'on ne trouve ni dans les vastes plaines de l'Asie, ni dans la grande île de Pélops , l 'olivier, la force des athlètes, la terreur des ennemis » et le prix des vainqueurs. Personne , ni jeune , ni vieux , n'a droit de toucher à cet arbre consacré à Minerve, et qui est pour nous le garant de ses faveurs et de sa protection : d'un œil attentif, cette Déesse f ainsi que le puissant Jupiter, veillent sans cesse à sa conservation.

(JntisL IL) Nous ne devons également pas taire la gloire qui rejaillit sur toute l'Afrique, par la faveur insigne de Neptune ; ce dieu a daigné ac­corder à Athènes les chevaux, les écuyers et la marine qui lui ont procuré de si magnifiques triomphes. 0 fils de Saturne , puissant dieu des mers, oui, c'est a vous que Ses Athéniens sont redevables de l'honneur d'avoir les premiers su dompter les coursiers, et se servir habilement de la rame pour voguer sur l'onde avec la vitesse des Néréides.

Polynice qui est venu à Colooe pour ob­tenir d'OEdipe le pardon des indignes trai-

23

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354 POÉSIE LYRIQUE

tements qu'il loi a fait subir, s'éloigne- de cette ville chargé des imprécations de son père. Au même instant le tonnerre fait en­tendre ses éclats prolongés. Les Coloniates craignent que ce ne soit un présage de quel­que malheur qu'OEdipe leur attire. Mais OEdipe, en homme inspiré, regarde ce bruit comme un augure de sa mort prochaine; il presse ses filles et le chœur d'avertir promp-tement Thésée. Le tonnerre continue, et ses coups redoublés répandent une terreur reli­gieuse dans le cœur des vieillards :

XOPOZ.

TRicLTuài vêo'ôsv ^>Js p.ci ( 2 a ' . )

vs« f)apÛ7rcT{i.a xoieà wap' àXao5 £évou,

tt xt |i.oîpa \uh Myxdvu*

MOCHJV fàp où^èv à|ics>p.a ai[XGVuv

iyjù eppacrat.

Ôpœ, opâ xaÛT* àf l

Xpovo;, eirei y.h IrÊpa ,

rk $i wap' rip>ftp aSfliç eajÇov avw-

Êxroirev at0^p , « Zeu !

fôs p,«Xa pi^aç Ipeure-r&t (A. a ' . )

XTÙuro; àcpaxoç o$t *ye SïoëoXeç* tç fr âxpav

£et{A'farî)Xdi xparo; ço'Sav.

ÊtnTjÇa #up.ov. Oupavia ^àp àorpair'/i

çX^yei JMXIV.

Tt p.àv à ^ a c t TêXGç ;

âs^ta £* • où f%2 œXw#

àçoppuî ITOT', où* aveu iup-tpepiç.

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BIS G1ECS. 355 ÉaliaS ( s . p \ )

i &û fAÔX' au8iç àpçtffTarat &tai;pu<Jioç 5TG6©;.

IXao; y «S ^atp,«v , tXaoç 9 st rt «yâ uATipi TU^X^VIIç à<pey èç çipcav.

Èvataioo $i OUVTUXOUU »

p j ^ aXasTGV av^p' tfùv s

ZEU av« s CIGI çCôVô.

feu f iw l (A.p*.) îw irai, ftâ0i s Pal' * IIT* ôbcp&v

lui "paXo¥ IvaXtâ* IIsstitâ»vi© Osa Tti-pfsavetç pGÛfluTov Icmav «yt cdv , t*&u,

«al -f tkmç iwaÇteî 9

£ucaiav x*Pt¥ ««p3<*Xs*v ? iwtf»v. Siriusev » aiW, &> "vaÇ.

cmau».

(Sir. I.) Quel nouveau surcroît de douleur pour nous d'avoir été té­moins des cruelles imprécations de ce père infortunécontre son fils! Non» ne devons cependant pas les blâmer, de peur que la volonté des Dieui s'y soit conforme ; car on m peut aecwer leur conseil d'injustice : mais le temps f le temps seul, ce grand maître t nous fera connaître la vérité. Jusqu'à présent toutes les prédictions cl "OEdipe ne se sont que trop vé­rifiées : il y a tout lieu de présumer que celles-ci ne sont pas moins ins­pirées par les Dieux... Qufentesds-je?.., le tonnerre gronde !

(ântist. I.) Mais voilà que Jupiter, à coups redoublésl fait retentir son tonnerre. Mous sentons que la frayeur se saisit do nous ; nos cheveux se hérissent, nos esprits se glacent d'effroi. Hélas ! les éclairs se multiplient de toutes parts... Quelle sera l'issue d'un si terrible fracas? C'est là, oui c'est là ce qui nous pénétre de la plus cruelle inquiétude ; car jamais ce présage ne se manifeste en vain ; il annonce toujours quelque nouvel événement. 0 cieui I ô Jupiter !

(Sir, 11.) HélasI hélas! le bruit déchirant du tonnerre vient pénétrer jusqu'au siège de notre âme. Soyez-nous de nouveau propicesf A Dieux ! Oui 9 soyez-nous propices, si ce présage» encore incertain, regarde notre patrie : plaise eux ci eu s qu'il nous soit favorable! Nous vous conjurons,

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366 POÉSIE LYRIQUE. puissant Jupiter, de ne pas tourner à notre déiâfanîage l'accueil que nous avons fait à cet infortuné.

[Antist. IL) 0 prince chéri,é Thésée, accourezf accoure*. Venez, dis-je, et quittez tout, quand même vous seriez occupé sur quelque promontoire à consacrer une pierre quadrangulajre propre aux sacrifices qu'on offre à Neptune , le dieu des mers. Précipitez ¥OS pas pour recueillir avec nous, arec nos concitoyens et nos amis, la juste reconnaissance de la protection accordée à cet étranger,

Thésée étant arrivé, OEdlpe lui déclare qu'il Ya mourir, et le prie de l'accompagner dans l'endroit où la terre doit lui ouvrir son sein. Tout aveugle qu'il est# le fils de Laïus s'offre à y conduire le roi d'Athènes. Thésée y consent; ils partent, et le chœur resté seul fait entendre ces lugubres accents :

XOPOI.

Et 8f'|xiç loxi p.ot rœv àçavîi Otbv » (2.)

aeal al Xiralç at€CÇti¥ ,

Ivvu^îoiv avttf,

Âî&cmu f ÀïSttvfiû s

XtwôfAaî piriT* frriirova, fA-wx*

Çévov I-paravûsat

l&opcô xàv icarptwffii *C«TCô

vuepwv TùJùWL jcal Sru^tov S'op.ov.

IleXXôv -yàp àv aeal p.ax«v

icif)(i.aTov bcvouficvttv y

iraXtv ffi $aifi.uv $ucatoç auÇoi,

fi xQoviat ^8a* t s ^ p ë T* wtvmxw (A. )

ÔUpèç, h h wéXaicrt

çaat iroXu(É9TGtç

lùvâaOou, xwÇaarfai *•

IÇ àvrpav s à$apoiTQv

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DES GRECS. 367

Xop; aîiv avenir

Sv f & Taç ftat xal Taprâpou,

xaTtûx©îxai ^v *aô&p5> ftâvai èpp.câp.£via vipripaç TW Çivu vExp&v irXaxa;.

2t rot lanXiiaîtcô TOV atfvuirrcv.

CHOEUR.

(Sir.) S'il nous est permis de YOUS adresser des prières, à Proserpine I reine du sombre empire t et à vous, à Platon ! qui régnez sur les mânes $

ROSS YOUS conjurons d'accorder à cet étranger de passer par une mort do a ce et tranquille au commun séjour des morts, sur Ses bords du Sîjx, Qu'un Dieujosîeet bienfaisant, ô malheureux OEdipe9 YOUS fasse enfin éprouYer ses fâYeort y après tant de calamités que YOUS ne YOUS éîiei point attirées.

(Ântist,) Terribles Euménidess et toi, fils de la Terre et du Tarîare , qui y do fond de ton antre , jettes la terreur aux portes des Enfers, in­domptable chien à trois télés, comme on f appelle de toutes parts, daigne faYorablement accueillir cet étranger au moment où il se présentera dans le ténébreux séjour. Et toi, mort, sommeil éternel , sois-lui aussi faYorable î

L'abbé Delille a traduit ou imité une par­tie de cette scène si touchante.

OEBIPB, à ses filles

« Chères compagnes de mes peines f

Mes filles, hâtei-irous; et dans ce même Instant , Faites Yenir le roi d'Athènes.

ANTIGONB.

Quel si pressant besoin?

ŒDIPI.

Biens ! quel bruit éclatant Autour de nous se fait entendre l

Dans Féternelle nuit OEdipe va descendre ! Adieu ; la mort m'appelle et le tombeau m'attend.

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. m POÉSIE LYHIQUE

Le CHOEIîBJ chantant :

Mon âme tremblante Frémit de terreur. Des eieui en foreur La foudre brûlante Répand l'épouvante 1 Présages affreux l Le courroux des cieux Menace nos têtes; La vois des tempêtes Est la vois des cieui.

OEDIPE.

Aîi ! mes enfants , il vient l'instant hdrrible , L'inslant inévitable où tout finit pour moi»

Que m'a prédit un oracle infaillible.

ÂHTIGOMS.

Quel signe vous l'annonce ?

ŒDIPE.

Un signe trop sensible D'Athènes au plus tôt faites venir le roi I

Le CHOEUR* cfamtamt* Quels nouveaux éclats de tonnerre Ebranlent le ciel et la terre? Maître des dieux, eiauces-nous ; Si noire pitié secourable, Pour cet infortuné coupable, Peut allumer votre courroux, Ne soyes point inexorable, 0 Dieu vengeur, épargnez-nous! «

Nous citerons dans FHécube dfEaripide?

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DES G1ECS. 359

le chant que font entendre les femmes troyen-nés sur la reine de leur chère llion.

Polyxène n'est plus; le sacrifice est con­sommé. Mais voici pour Hécube un nouveau sujet de douleur. Le plus jeune de ses fils, Polydoref a été assassiné par Polymnestor, roi de Thrace, à la garde duquel Priam l'avait confié. En apprenant ce surcroît de malheur, le chœur fait entendre ces plaintes lamentables :

KOP02

2ù jiiv, & warplç iXiseç? (2. a'.)

Tîov âiropOifraw woXiç oùx en lé%u •

TQîOV ÈIXavwv v£çoç i[ifi <re xp*JWTsi,

Aopi $>f, £op\ wépcxeev,

ÀTO $è areçàvav jcexstpuâti

nupya>v, xara &'at6aXou

K'/sXi * oiîCTpoTôtTôcv xé^puaau

Takaw\ oix I n s'2[A6aTeuaa>.

MedovtjxTioç àXXu'p,sev, (À. a ' . )

Hfxoç ex Seutvwv uicvoç T $ ù ç èV oaorotç

Kt&vaTai, p-olwâtv &*aivo xeà ^opoitouov

&u<ri<5v xôcxeeireeucrseç '

Ilôcnç èv Oôeleepnç êxeiTO,

Naiirav oùx eô' ôptov 8JJUXW

TpoCav foiaî* £p.êeêcom.

Êyw i e irXtfxa(AOV âva^eroiç (2. ^'.)

MiTpatciv ippuôpÇopw,

Xpucecôv IvoiTTpcav

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360 POESIE LY1IQUE

AmGdom axepp.ovaç etç a\3jdçf

È n i â l p w ç &ç iceffoi[&' èç eùvav,

Àvà Se xIXocSoç ep.ol5 TCOXIV.

K.elEtj(j|xse S'rjV XOCT acru Tpot-

oçç TO&' • «Ù icaî&eç Èllavwv, îCOTS Àvf,

IIÔT6, TSIV ilia^oç cxomàv

népffavte;, T^ST* oïxotj; ; •

ASJçTî Ss çllôt [x,ovoirei&oç * (A. fi'.)

Atnoucree, Awplç wç xopa,

2g(Jivàv irpoçi^ouç*

Oùx $VU<J' Aprgpv à TlajJtwv •

JLyop,ai $è , OavovT $o0<y* ôexoixav

Tov ep-ov, aXiov Im TreXayoç '

îloltv T'otinxjxoiroucj^ eirei

No<mp.ov vauç éjcivDce Wô^ôC, xai p.*

ÂTCQ yaç âpicev iliaSoç.

Tcclatv*! âweîirov aXyet,

Tsev Totv Aïoç-xoiîpoiv È^évav xa<Jiv? 1- (É.)

Saîov TE (îouTav aîvowapiv xarapa

âi^ouG*f rnrei p,e yaç

Èx irôCTpwotç aircâlgaev

ÊÇcoxwe T1 oïxwv yscp.oç, où y<%oç, c&V

Àv p i r e wélayoç aXiov àirayayoi waliv,

MvfT6 7TôCTpW0V IXOIT 6Ç OÏXOV !

LE CHOEUR.

(Sir. I.) Désormais, 6 ma patrie, 6 Ilion, tu ne seras plus comptée au nombre des villes immortelles : t&nt est nombreuse et formidable cette nuée de Grecs qui t'a cou­verte de toutes parts, et dont la lance a porté le ravage

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DES GKECS. 361 dans ton sein. Tu as YU raser ta couronne de tours-, et la fumée souiller tes débris d'une tache honteuse et funeste... Malheureuse 1 je n'entrerai plus dans tes murs !

{Jntist. I.) C'est au milieu de la nuit que fut frappé le coup qui m'a perdue, à l'heure qui suit le repas du soir, et lorsqu'un doux sommeil commence à se répandre sur les paupières. Âpres s'être livré aux chants et aux joyeux sacrifices, mon épèux reposait dans la chambre nuptiale, où il avait suspendu son épée formidable. L'infortuné, il ne voyait point la troupe ennemie sortir de ses vaisseaux et se répandre dans la cité d'Ilus.

{Str. II.) Et moi, j'étais occupée à ranger les boucles de ma chevelure sous un bandeau noué sur ma tête avec grâce; je consultais l'image fidèle qu'un miroir d'or réfléchis­sait à mes yeux, avant de me jeter sur ma couche moel­leuse : lorsque soudain un bruit se répand dans la ville, et les remparts de Troie retentissent de ces cris guerriers : «Enfants des Grecs, quand donc enfin renverserez-vous les murs d'Ilion, pour revenir dans vos foyers 1 »

(JnlisL II.) J'abandonne aussitôt ma couche chérie, couverte d'un voile léger, telle qu'une jeune dorïenne : j'embrasse l'autel de Biane que je fatigue en vain de mes prières. Infortunée, mon époux périt sous mes yeux;.... on m'entraîne sur la vaste mer, loin de ma terre natale ; mes tristes regards restent fixés sur cette terre chérie, tandis que le gouvernail détache le vaisseau du rivage et nous sépare à jamais d'Ilion ! . . . Hélas ! je succombai à ma douleur I . . . .

(Epode ) Alors je dévouai à l'éternelle vengeance, Hé­lène, sœur des Dioscures, et le berger du mont Ida , le

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362 POÉSIE LYRIQUE funeste Paris ; Hélène qui m'a fait périr proscrite du Heu de ma naissance 9 qui m'a bannie de ma maison par son hymen^ qui n'est pas un hymen, mais le fléau d'une furie. Puisse le vaste océan refuser de la ramener dans sa pa­trie , puisse-t- elle ne rentrer jamais dans la maison de ses pères I

U Iphigênie en Tauride du même tragique renferme un chœur aussi remarquable par l'ex­pression de la douleur , la délicatesse et la naï­veté du sentiment, que par le pittoresque, la variété et le naturel des tableaux qu'il présente.

Les Grecs assemblés pour le siège de Troie, se voyant retenus à Aulis par les vents con­traires, consultèrent les oracles, qui leur con­seillèrent dfapaiser les Dieux en immolant à Diane, Iphigênie, 'fille d'Agamemnon. Au moment où Galchas, armé du fatal couteau ? allait porter le coup mortel, Iphigênie dispa­rut, et Ton vit à sa place une biche qui fut aussitôt Immolée; c'était Diane qui, touchée de l'innocenced'Iphigénie, lavait soustraite à la mort, et transportée dans la Tauride où elle lui confia le soin de son temple. Dans ce ministère sacré, Iphigênie était obligée de sa­crifier à la Déesse tous les étrangers qui abor­daient en Tauride. Plusieurs infortunés avaient déjà rougi l'autel de leur sang, lorsque Oreste

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BES G1ECS. 363 et Pylade vinrent sur ces bords inhospitaliers. Iphigénïe ayant découvert que Fun d'eux était son frère, se résolut à fuir avec eux, en em­portant la statue de la Déesse. Mais avant de quitter cette terre barbare, elle crut devoir confier son projet aux jeunes esclaves qui l'as­sistaient dans les sacrifices, et les engager à fa­voriser son évasion par leur silence, « Rassu­rez-vous, princesse, lui répondent-elles aussi­tôt; et, libre d'Inquiétude à notreégard, ne son­gez qu'à vous sauver.» Puis, lorsqu'elles voient le vaisseau d'Iphigénie sur le point de s'éloigner du rivage, elles soupirent ces tristes paroles :

XOPOÏ.

Ôpvtç, « wapà ràç wirpivstç ( ï . %\)

TCOVTOU ^ s t p ^ a ; àXxuuv,

eXtpv GtTW às&stç f

on irtfatv aiXtt^tïç àtl p.oX?rat; ,

t'y» 06i ttapa&îXXopat

ipwouç, dwrnpoç 5pvt;f

woôous' ÈXX*VCôV à p p ô u ç ,

iroloSa* IpTifJs.tv X©xtavs

â « a p à Kyv0i©¥ Syêo^ dxû,

çoivueàt 6* àêpôxop,aw »

$«çvav T* iùtp^éx s scat

«yX«**5ç Sfl&Xe"* Upov iXaî-

aç 9 AaxGÛç «diva çiXav ,

Xtpvav #* ukwowmv ô^côp

Kyxvstov 9 Ivla iwxvoç p-eXcd^ô;

Moûciaç ôspaweoet.

A iroXXal otaepûw Xi6a£e;, (A. a' .)

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364 POÉSIE LYRIQUE

Jfoesov, âvixa ifupfuv

oXXup.8vwv ivl vaucrlv fêav

weXepi«v ipexp-olat f xai Xpyx*1»*

Zixxpûaeu Se SV Ip^roXaç

voarov papêapov $X0&v f

Ivla xiç IXa<poxxo'vou

deôtç âpupw&Xov xoupav,

T?at$' À"^ap.Ep.voviav Xarpeûca

pwp.ouç Tt pîXcÔûxaç,

ÇtiXcua' a tav Sïairav-

TOç 3'uç^aCp.ov1 • év fàp àva?i-

xatç où xocpetç ffûvxpofoç âv.

MÊTaêsXXn §uçSaip.Gvta •

Tô •yap p.6r' eùruxtaç xa*oua0ai f

ivaxeîç papùç atov,

Kat ae jxèv, WOTVI', Àp^sîa ( 2 . p ' .

«ttTwovTopo; olxov âÇti •

2upiCc«iv ^* 6 xifspoSrraç

xaXap.Gç oùpeiou lïavoç,

xcâwatç fai0a>Ô£et9

B <Poïêoç i ' o juuèvxiç, f CùV

xsXa$ov iirraxovou Xupaç,

as i$uv a!*ei Xatapàv •

eu a* Àôvjvatcâv êTU '{5V •

Ép i £* aùx©0 XnroQ-

aa s ptiaip poÔioiç i r téraiç ,

àe'pi ^ faxia , «po'xovGi xaxà «pcâ-

pav t uirèp «rroXov IxnnrjTaaoucri iro$a

#aoç àjeuiropiroo.

A<xp.wpov imrofyopov Patviv, ( à . p \ )

Ivi' eùiXiGV ep^exai itup*

oixciuv fr uwep 8aXap,w¥

«rspu-yaç Iv vwrotç ap.oîç

Xiféaifu ôca^ousa.

Xopoîç 5E ffraîiqv , oÔi xal

wapÔlvoç eùS'oxtp.côv •yisACôv s

wapà wo' J tlXÎ990uaa çtXaç

p.axpoç inXtxwv ôiaeouç s

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DES GRECS. 365

Xaira; âSpoitXeoTev fit? i ; eptv opvtjpuva f TroXuirGixtXa «p*-psa «al irXoKœp.ouç ftfptêaXXôpiva , fsvuatv taxta^cv

CDOEUB.

(Sir. I.) Tendre oiseau s qui 9 errant sur les rochers, les fais retentir d@ tes lugubres accents, Alcyon, dont le doux langage est entendu des sages mortels, tu pleures uo époux chéri. Hélas ! mes douleurs sont semblables ans tiennes. Loin de ma chère patrie, je soupire après la compagnie des Grecs. Ah ! qui nie donnera des ailes pour voler vers Diane f déesse de Cynîhie! Quand pourrai-je revoir les palmes de Délos s ces lauriers tou­jours verls, ces oliviers consacrés par les couches de Latoné ! 0 lac dont les eau* sont couvertes de cygnes ! eî vous, cygnes, amis des Muses, ah! quand pourrai-je vous revoir !

{Âniist. I.) Que de larmes ont coulé de mes yeux, quand, après le rea-Yersemenîde ma patrie, je fus enlevée par les vaisseaux ennemis ; quand f

devenue esclave et chèrement achetée, je vins dans ces climats barbares au service de la prétresse, fille d'Âgamemnon ! Nourrie à l'ombre des autels toujours fumants du sang des victimes, qu'ai-je trouvé? un escla­vage éternel Un malheur, qui s'attache à nous dés noire naissance! cesse d'être un malheur; il peut changer de face, et le cœur s'y fait. Mais dans le sein d'une brillante fortune, ciel ! qu'il est dur de devenir mal­heureux! .

(Sh\ 11.)Heureuse Iphfgénie, que ta destinée est différente de la nôtre ! Un vaisseau t'attend au rivage : il va fendre les ondes au son des instru­ments ; Pbébus avec sa lyre, Pan avec ses pipeaux champêtres f vont eux-mêmes adoucir tes ennuis et seconder ton retour en Grèce, Tu me laisses en ces lieux et tu te livres à l'impétuosité des flots... Les voiles sont au vent ; les cordages à Sa poupe dirigent le gouvernail du bâtiment léger pour précipiter son départ!...

(Âniist. IL) Que ne puis-je voler au-dessus des vastes espaces où le so­leil commence et finit sa carrière ! J'arrêterais mon vol sur la maison pa­ternelle. Là, je reverrais ces lieux si chers à mon souvenir, où jeune en­core, et sous les yeux d'une mère, je célébrais un innocent hymen f où seule j'animais l'assemblée, où je disputais à mes compagnes le prix de la beauté, où enfin, voilée avec grâce et la tête parée de riches bijoui, j'étais invitée à disputer ce prix.

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366 POÉSIE LYRIQUE

Parmi nous, le chœur a été banni de la tragédie; cependant il pourrait y produire on très-bel effet, à en juger par l'essai qu'en a fait Racine dans ses tragédies d'Esther et d'Athalie.

Les Grecs avaient une multitude d'odes en Fhonneur des dieux; ils nommaient les unes npo0o&ioe5(wpoç ©Sov)? parce qu'on les chantait pen­dant la pompe des processions religieuses.Dans les Daphnéphoriês (îCéçVIQ, ?op<*»,porter'des lau­riers), fêtes en Fhonneur d'Apollon, les vier­ges béotiennes portaient des branches de laurier, et chantaient des hymnes appelés Daphnéphoriques. A certaines solennités, on portait des trépieds sacrés, et les odes qu'on y chantait, étaient appelées Tripodéphoriques (Tpîttouç, trépied, çép©, porter). A l'occasion de la 2xipa, fête qu'on célébrait à Athènes en Fhonneur de Minerve (et selon Plutarque en Fhonneur de Bacchus et d'Ariane), les enfants des citoyens les plus considérés portaient des branches de vigne en chantant des Oschopho-riques (^%%i branche chargée de raisins, et fopeco). Les PhilétiadeSj étaient des odes en Fhonneur d'Apollon, dieu du jour; les Ou-pingues et les Calabides} en Fhonneur de

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DES GRECS. 36?

Diane; enfin les lobacques, en l'honneur de Bacchus, etc. Mais ces hymnes mystiques dif­féraient des hymnes héroïques proprement dits, en ce que les premiers ne célébraient ordinairement qu'une seule action, une seule fable, tandis que les seconds passaient promp* tement d'un fait à un autre fait, d'un héros à une divinité, d'une divinité à un mortel , de la terre au ciel, dune image à une autre.

On distinguait encore plusieurs espèces de poésie lyrique, en l'honneur des particuliers ; c'était d'abord JEncomion (tyuSjtwv, panégyri­que , louange); puis Epinicion (Im, surf vuwi, victoire), selon que ces chants roulaient sur les vertus ou les victoires des mortels qui en étaient l'objet. Dans les cérémonies du ma­riage, on chantait des Hyméttées et des Ga~ méUes (yaj*«v, se marier); des Harmalies(«ppe? char), accompagnaient le char sur lequel la jeune épouse était conduite dans sa nouvelle ' demeure; auprès du lit nuptial, on entonnait des Epithalames (M, <vers9 OoXapoç, Ut); enfin, le ScflUe célébrait les joies du vin et les plai­sirs de la table. C'était, comme l'indique son nom, (tttoXiéc, courbé\ oblique) un chant irré­gulier opposé au vtfpot fyOïoç, chant régulier.

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368 POÉSIE LYEIQUE

Cette irrégularité, qui consistait dans la li­berté du mètre, tenait à la destination pri­mitive du scolie.

11 nous reste un scolie d'Hybrias de Crète ; c'est l'expression naïve de l'insolence d'un soldat qui se croit le maître de la terre parce qu'il porte une épée :

ËffTt [AOI 7C1O»JTOC5 piyœ îo'pu y-ai Çtçoç,

Kal TO xalov Xaiavfïov 7rpo'ëliQpt ^pwxéç •

TOUTW yip apôj TOUTCO Ûepi Wj

TouTw iraTew TOV i^ùv olvov aie* apirlXciîv,

TQ'JTW ^e^nréxa xex,<Xrj[i.ai* TOI Se -

Mvi TOIJAWVTEÇJ e)(av ^6pu xal TO x-alov \awrtïw

UsevTeç yovu TCITCTTIOTEç ep.ov xuvgovTi

Asa7r6rav, xsti pa^illot piyotv çCOVEOVTI.

« Une laoce , une épée , un bouclier, voilà tous mes

t résors; avec la l ance , Fépée et le bouclier , j 'ai des

champs , des moissons et du vin. J'ai vu des gens pros­

ternés à mes pieds; ils m'appelaient leur souverain 9

leur maî t re ; ils n'avaient point la l ance , Fépée et le

bouclier. »

Les scolies traitaient souvent des sujets plus, graves et ' s élevaient jusqu'à la louange des dieux. Toutefois ils ne cessèrent pas d'être des chants populaires, et l'on continua d'ap­peler ainsi les chansons par lesquelles on égayait les travaux de la vie civile ou dômes-

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DES GMECS, 369

tique: chansons de bergers, de moissonneurs, de bûcherons^ de bateliers, etc., dont Aristo­phane nous a laissé quelques fragments (voy. la PaiXj v. 585 et suivants, 1137 et suivants).

Athénée nous a conservé (livre xv) un sco-lie célèbre d'un certain Callistra te, sur Faction d'Harmodius et d'Aristogiton, assassins du pisistratide Hipparque. Ce scolie eut une si grande vogue qu'il n'y avait guère de banquet où il ne fut chanté ':

Êv pifTOU Xka8\ TO ÇtÇOÇ ÇOpTfcfc»,

fiçirep Âpjio^iQç xÀpiCToyeiTcav,

Ôie TOV Tupavvov XTav£mv,

Icov6p.otJÇ T'ÀÔIQVSù; faowcaTYiv.

#tXT&8* ÂpfAO l' O'J Tl 7TOU Tl9vif3JtStÇ#

NTfferoiç è' êv paxapcav ce f aciv etvai,

ïva iwp iro c&KY); l^tlXeoç,

TuJgfôifîV Te çstciv Aiopf$eff.

Èv p j pTOu xla^i TO ÇCçoç çopiffcco,

Ôçwgp AppLÔ tOÇ * ÀpiCTQyeiTWV,

Ôx ÀOnvaHiç ev Ouciaiç

ÂvXpa Ttîpœvvov IWapjjov exaiV6T7)v.

ÀVi cçûv xléoç foceTat xar aïav ,

#£XT(X6* A p p â t e x'ÀpicToyeiTiûv,

Ô T l TOV TUpÔtVVOV XTaVCTOV

Icovopiuç TS ÀOyfvaç eitonfcaTOV.

Je porterai moû épée couverte de feuilles de myrle

comme firent Harmodius et Arislogitoo, quand ils tuè-

24

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370 POÉSIE LY1ÏQUE

rent le tyran et qu'ils établirent dans ithènei l'égalité des lois.

Cher Harmodius, vous n'êtes point encore mort : on dit que vous êtes dans les iles des bienheureux f où est Achille aus pieds légers, ainsi que Biomède f ce •aillant fils de Tydée.

Je porterai mon épée couverte de feuilles de myrte, comme firent Harmodius el Aristogiton, lorsqu'ils immo­lèrent le tyran Hïpparque au milieu des Panathénées.

Que votre gloire soit éternelle, cher Harmodius f

cher Aristogiton f parce que wous avex lue le tyran et établi dans Athènes l'égalité des lois.

Avant le scolie, avait paru l'élégie, chant de guerre et la plus ancienne forme de poésie lyrique chez les Ioniens. Mais il ne faut pas confondre cette élégie,'" èXeyefe, dont Callinus d'Ephèse est l'inventeur, avec rty&oç, chant de plainte^ qu'on doit à Simonide. Il ne nous reste de ce Callinus qu'un fragment remar­quable par la simplicité du style et l'énergie des pensées. Le poète y excite ses compatrio­tes à combattre vaillamment contre les Ephé-siens :

Mê)f piç T£u xaraxeiffOc ; XOT OXXI(AOV î£ers 6up«ov, m v£ot ; où#' ai jeîaO' âpçnrepiXTiovaç,

{aOai # scràp irélepoç yaïav aicaaav iyti •

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DES GRECS. 371

XOCITIç àicoOvvîCXWV SCFTSCT' âxovTicaTu.

T i ^ i v TC ysep ê<XTt xal œfkam âv^pi, {xa^crÔect

y% rapi, xal 7raC^wv? xoupi$i?]ç T âlo^ou,

^UC(i.EVl0tV * ÔûtVÔtTOÇ ^£ TOT £Gd£Tai , Ô7T7TOT8 3C8V 5yj

Moïjpai e7tixlto<76>a' * a l l a Ttç tôuç ÏTCO

ïy^oç âva<yjrojxevoç, xal ùTC' à<J7u5oç alxi^ov r TOp

Hciscç TO irpôTOV puyv&pivQtj xolep.oy.

Où yap xcoç QavaTov ye çuyeîv «ptppivov CSTIV

avJp' oùS? Y!V irpoyovwv vj ylvoç âGavaTcov.

ïlollsbu &QÏ6T7)Ta çuywy xal ^ouirov axovT&»v

ep^eTott 5 ev & ouup pmpa xCjçev ôavaTOtj.

ÀlV Q J/1V oux I p m ç Stf(/.<o çiXoç, où^g sroôeivoç #

TOV 5 oliyoç «îTevsÊ et xal [xiyaç, $[v TI Traôij*

Aaô yàp ciupravTi 7r6ôoç xaprepo^pavoç av^poç

OvïfcxovTOç Cwwv S', aÇioç 4(i.iGéfc>v.

ftçirgp yap juv irupyov ev oçGalfioïcjiv ôpwaiv •

2p$ei yàp -KoXkm a£ia puvoç ecov.

Poinsinet de Sivry en a donné l'imitation éuivante ;

Langoires-vous toujours dans les bras du repos f

Guerriers? Mars vous appelle ao temple des héros.

Quand tout frémit au loin du bru i i affreux des armes,

La paix semble pour vous avoir encor des charmes!

Armez-vous. Qui de vous guidé par son grand cœur,

Ou mourra le p remie r , ou reviendra vainqueur?

Ce n'est point au mortel que le péril étonne

A cueillir des lauriers que la foudre environne.

Mais je lis dans vos yeux des succès assurés ;

Compagnons, oses vaincre, et vous triompherez.

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372 POÉSIE LYRIQUE lî est doux d'affronter un trépas honorable. Mourir pour la patrie est on sort désirable, L'inéfitable mort sans cesse nous attend 9

Les dieux dans l'avenir en ont caché l'instant; Mais qu'importe la vie à qui voit la victoire? Oublions les dangers dans les bras de la gloire. Ans armes, compagnons Faites briller dans l'air L'appareil éclatant de la flamme et du fer; N'attendez point du ciel une lente assistance 9

La valeur est le bras qui prend notre défense. C'est à notre bras seul à conserver nos jours. Le lâche dans la fuite espère en vain secours; Esclave des terreurs que le brave surmonte, Un vil trépas l'attend dans le lit de la honte ; Mais celui quiy rempli d'une héroïque ardeur, Combat pour sa patrie et retourne vainqueur, Effroi de ses rivaux, il voit à son courage Les peuples empressés rendre un sincère hommage ; Et rival des dieux même* admis à leurs autels, Il emporte avec lui les regrets des mortels.

A l'exemple de Callinus^ Tyrtée, dans la seconde guerre de Messénie, ranima par ses élégies Fardeur éteinte des Spartiates, Le temps nous en a conservé plusieurs morceaux pleins d'enthousiasme et de patriotisme. En voici un des plus remarquables :

Ail* Èpsrxl^ôç yàp âvuttfrou yévoç itrvé *

OapaeÎT, oiîww Zeoç mùyêva Xo ov ej^ei.

lô'JÇ © Iç 7Up0p,«^0l»Ç GCOTTlo" OCVTip ^yjT(à$

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DES GRECS. 373

Èj[ôpàv piv <|w)$v 8gp,cvoç? Oavarou 5è (/.elaivaç

Aûyaiciv x'/îpaç qelioio çiXaç.

lexe yàp àç Âpgwç icolu&axpuxo'j f p y ' à p i ^ l a ,

Eu 4 oppjv è&a>iT' apyaleou iroylp,ou "

Rai (xem fguyévxcav xg ^toxôvxwv xe eyevecjôg,

Ù Vfot ap.fOXé'ptoV £ ' 8tÇ XOpOV rfkdQOLTB.

Oï piv yàp xolpScTi, xap' âllviloiai plvovxeç,

Ëç T'aÙTOff e iviv xat irpop,ajfouç ïgvai,

lïaupéxgpoi Ovm'axouai, eaoucxi 5e laov oTcCcrorcti *

Tpe«raavxct>v 8* av^pûv iras' dbc61a>l' apgxTf.

Où£' eîç iv iroxe xauxa Igywv avuaeiov fxaexa,

Ô<rc, av ettff)[pà waôij, yiyvexai âv&pi xaxa.

Àpyaleov yàp omaôe pxxaç pgvov 8<m $ai^8iv

Àv&poç çgtiyovxoç 8-nîm gv frolê'p.ci*.

Aiff^poç £' 8ffxl véxoç xaxaxei'fjievoç ev xovâoei

NWXôV omaO' a i ^ p î ^oupèç elelojiivoç *

A l l a xiç eu otaëàç fAEvéxco icoalv ajxçoxepoicji

STYipi Oeiç iwl y%? X £^ 0^ o^ouat Jstxwv •

M^pO'iç xe xv^pxç xe xaxcn xal c-rfpva xai <5[AOU;

ÀGTCIOOC eùpçiiqç yaaxpl xalo^aj&gvoç •

Ac^ixep^ S'ev j^eipl xivaeffexto a é p t p ^ T y p ç ^

Eive(xci) &è 16çov ^etvov uwâp )çgçal%.

Ép^wv $'o6pi(&a ipya ât5a«ixeaôcii 'w>le{«£etv,

Mu^' exxoç PEIICOV lexaxw acm^ f l^wv»

Al l a Ttç lyyuç iwv aùxo^e^ôv t y ^ " (Aaxpcji

H Çiçei oùxc^cov vfbov av^p* ellxcô.

Rai 7ro5a wàp TTQ^I Oel;, xal è V â<rm£oç â<j7C$' èpgfoaç,

Êv £è l o f ov xe 16çw j xal xuvlviv xuvs?),

Kai ffxgpvov dxgpvw iwrcalvijjtivoç âv$pi ^axécOa),

H ÇiçIOç xciiniv yi Jopu p.axpov i l«v.

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374 POÉSIE LYRIQUE

t^iïç $\ é yujivYJTeç, iiç* àtsm^ùç eeXXoflev alloç

AO'jpSCdt T6 ÇeGTOÏfflV SCXOVTtÇoVTgÇ eç ÔCOTO'JÇ 3

Taici iravoicXiaiç irluuiov icrafiievoi.

Voos êtes la race de rinyincible Hercule ; courage ! Jupiter n'a pas encore détourné de vous ses regards. Bannisses-donc toute crainte f et ne redoutez pas le nombre de vos ennemis. Que chacun de vous tienne son bouclier dressé contre les assaillants; qu'il abjure l'amour de la vie, qu'il chérisse les sentiers obscurs de la mort autant que les rayons du soleil. Mars fait ver­ser beaucoup de larmes f mais vous saves aussi qoels résultats [procure une guerre vaillamment soutenue. Vous avez déjà affronté les périls des combats; car si on vous a vu fuir devant l'ennemi, on vous a vu aussi les poursuivre avec ardeur, ô jeunesjguerriers I Ceux qui osent , serrés les uns contre les autres, épaule con­tre épaule f marcher d'un pas ferme au-devant des pha­langes, meurent en petit nombre et sauvent les soldats qui les suivent. Les guerriers timides perdent coorage et Ton ne saurait dire quels maux sont réservés au lâ­che. C'est une honte cruelle d'être frappé par derrière en fuyant l'ennemi; c'est une honte cruelle qu'un ca­davre gisant dans la poussière et présentant sur le dos une sanglante blessure! Mais qu'il est beau, l'homme qui , un pied en avant 9 se tient ferme à terre ? mord ses lèvres avec ses dents, et sous le contour d'un large bouclier protégeant ses genoux, sa poitrine et ses épau­les, brandit de la main droite sa forle lance, et agile sur sa tête son aigrette redoutable. Imitez les belles actions, apprenez à combattre vaillamment; n'allez pas à l'ombre d'un bouclier, vous tenir loin de la portée des

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DES GRECS. 3J6 Iraits; élancei-fous plutôt, armés de la longue pique ei du glaive, frappes au premier rang, empares-vous d'un ennemi. Pied contre piedf bouclier contre bouclier, aigrette contre aigrette, casque contre casque, poitrine, contre poitrine, lottes avec votre adfersaire; saisissez le pommeau de son glaive et le bout de sa lance. Et vous, soldats de la troupe légère, faites-vous l'un à l'au­tre un abri sous vos boucliers, accables l'ennemi d'une grêle de pierres, et la pique en main , harcelés de près Ici panoplites.

Jusque-là le distique (ftcoç) avait suffi pour composer ces petits poèmes dont le but prin­cipal était de perpétuer des leçons de mo­rale ou des souvenirs de patriotisme, et qui consistaient en de simples sentences, en pro­verbe ingénieux. C'est dans ce rhythme qu'é­crivirent Solon, Théognis, Phocylides, et plusieurs autres.

Mais plus tard ce rhythme fut réservé pour l'élégie, parce qu'il semblait plus propre à peindre les brèves exclamations de la douleur, les plaintes entrecoupées, les soupirs de la tristesse; et avec Simonide de Céos, qui per­fectionna l'hexamètre et le pentamètre, com­mence l'époque de ces poésies élégiaques écri­tes sur un mode particulier. Le temps a enlevé toutes les œuvres grecques composées dans le rhythme affecté à l'élégie, à l'exception de

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376 POÉSIE LYRIQUE

quelques fragments des élégies patriotiques de Callinus d'Ephèse, et deTyrtée^ des chants mélancoliques de Mimnerme, de Phiiétas, de Simonide de Céos, Les élégies de Callimaque d'Alexandrie se sont même perdues, et l'on ne peut juger de la hardiesse de ces compo­sitions, que d'après celles de Properce son imitateur. La beauté des fragments que nous, possédons, éveille de vifs regrets sur la perte de ce qui nous a été enlevé (1);

Bientôt l'élégie prit un ton moins noble : plaintive et languissante, elle amollit le cœur, loin de le relever et de raffermir ; elle chanta l'amour et ses peines.

Mimnerme de Colophon? en Ianie, donna, vers 590 avant J . -C, , le premier exemple de cette innovation; il introduisit même un chan­gement dans le mètre élégiaque, faisant alter­ner entre eux des vers de différentes mesures, comme exprimant mieux les accents entre­coupés de la douleur. La poésie de Mimnerme était harmonieuse et suave, au point qu'on le surnomma Ugystade (de liyk, sonore). Dans le peu de vers que nous avons de ce poète,

(1) "Voyez les fragments restés des clégiaques grecs dans Winterlonipoetœgrœci minores. Caotabr. 1684.

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DES GRECS. 377

on trouve une mélancolie douce et vraie, des plaintes touchantes sur la rapidité de la jeu­nesse, sur les maux et la brièveté de la vie.

Tels furent longtemps chez les Grecs le genre et le caractère de la poésie lyrique. Ce qui nous en reste peut nous faire juger du génie des poètes de cette époque. Leur style est sans recherche, mais plein de force et d'é­nergie ; il réfléchit la vigueur de leur pensée. Le sentiment populaire y anime toujours l'ex­pression ; et si Fharmonie de leurs chants n'est pas toujours celle de Fode, leur poésie, dans son allure hardie et, chez quelques-uns, presque sauvage, annonce déjà les immenses résultats qu'elle prépare.

La poésie erotique, branche de la lyrique, fut cultivée dans cette période avec un succès brillant. Alcman de Sardes, en Lydie, qui florissait 670 ans avant J.-C. en est regardé comme le père. La plupart de ses ouvrages étaient des Parthérdes ou éloges des jeunes filles. Un recueil de chansons d'Alcroan, en six livres^ écrit en dialecte dorique, faisait les délices des anciens. Les Spartiates les chan­taient à table avec les scolies de Terpandre.

Alcée de Mitylène, inventeur du vers alcaï-

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378 POÉSIE LYRIQUE

que, florissait 60 ans après Alcman. Il chanta ses travaux guerriers, ses voyages et les mal­heurs de l'exil. Son style unissait la douceur à la force, la richesse à la précision. Horace Fa souvent imité, quelquefois même il n'a fait que le traduire. Il avait composé des odes, des hymnes, des épigrammes. Tour-à-tour il menaçait les tyrans et les frappait de tout le poids de sa colère :

Âlcei niInaces camœnse. (HOBAGE).

Il célébra aussi les jeux de Vénus et de Cupidon, et la puissance aimable deBacchus. L'abondance et la simplicité splendide de son vers lui firent quelquefois égaler Homère; Horace, d'un seul coup de crayon, nous en a tracé un éloge magnifique :

El le soûanlem pleoius aoreo 9

Alcee, plectro

Le dithyrambe, tantôt enthousiaste et exalté comme l'ode, tantôt amer et menaçant comme la satire, fut le genre où il excella. Aussi Quintilien a-t-il dit de lui : « Bans la partie de ses œuvres ou Alcée attaque les ty­rans, c'est avec raison qu'il mérite qu'on lui attribue un archet d'or. Il a une grande im-

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DES GEECS. 379

portance comme peintre des mœurs; son style est serré, riche et rapide. Il a de la ressem­blance avec Homère, mais il a tort d'abaisser à célébrer les jeux et les amours, un talent créé pour un plus noble emploi. »

Il ne nous reste dfAlcée que quelques frag­ments conservés par Athénée et Suidas; en voici un qui est plein de chaleur et de gaîté :

nîvttjuv • Ti rèv Xu^vov £f£f&evo{Atv ; $«KTUXOC âpépce.

Kd&ff' àm£»ps xtiXt^vatç prYaXaiç ai rk itooaXa.

Ohm -yàp 2ep.lXoç xal àihç moç XaOuw&a

Àvfpcôttotariv i$®x' • ffttt xtpvàç ha. xal £uo

IlXstatç f xax xsçaXîç ^ STtpa T«V irspav xuXtÇ

AôICTCô , £v« wpoç ^uo USS&TOç frpoç Tpiîç à*cp«Tou.

Tt-fy£ ftvsujtovaç ©iv® • Tô -yàp âarrpov mptT&Xrrai

À $' ôpa xaX«wà f m m a $i ^ « uwo xaôfi,aTôç.

NOv xpirs ptflûtnutv, xai rtva wpèç P»!aç «ivtiv "

MuJèv îXXXO çuxEÔoipç «pOTtpôv ^Év^ptov â(tirtX«».

Buvons! pourquoi attendrions-nous la lumière? le jour est si courî ! . .

Hitons-nous de vider cette amphore dans ces grandes coupes. A lions,

videz à plusieurs reprises. Bacchus, le joyeux fils de Jupiter et deSémélé,

a donné le vin aux mortels pour noyer leurs peines dans l 'oubli. E m ­

plisses! . . . emplissez de nouveau jusqu'au bord; que vos libations se

succèdent une fois, deux fois , trois fois, sans aucun mélange d'eau :

inondez vos poumons d'un d o n t nectar. Voici l 'heure où le soleil va

paraître ; la saison est b rû lan te , et la chaleur fait éprouver la soif à la

nature entière. C'est l'instant de nous enivrer ; c'est l'instant de forcer les

plus sobres à boire à longs" trai ts . Amis, plantons, plantons la vigne de

préférence à tout autre arbre.

Contemporaine dfAlcée, Sappho de Lesbos composa des poésies lyriques en neuf livres, des élégies, des hymnes, des épigrammes, des

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380 POÉSIE LYRIQUE

épithalames. Il ne nous reste d elle que quel-ques rares morceaux et des fragments épars dans les œuvres de Denys d'Halicarnasse et dans Y anthologie. Elle a inventé le rhythme appelé de son nom saphique, un mode de ca­dence appelé mixalydien, employé surtout dans les tragédies^ et une sorte de lyre nom­mée peetis, dont Anacréon fit usage après elle. Plutarque compare ses vers aux oracles que prononce la Pythonisse, lorsque le dieu qui s'est emparé d elle parle par sa bouche : ce qui nous reste de Sappho confirme ce jugement et justifie l'admiration de Fantiquité. Après sa mort, les Mityléniens lui rendirent de grands honneurs et firent graver son image sur leurs monnaies. Voici sa belle ode à Vé­nus que nous a conservée Denys d'Halicarnasse dans son livre sur Y arrangement des mots :

nouctXoOpov*, aâàvoLT Àfpo^iTa-,

l i a i âtbç bokoickÔKi, K c i a o p a TS ,

Min p.? etffeeicîi, {x,7$' âvta ic i &a[j,va,

I ïoTvia, 0u[x6v.

kS8k T M # ' H 9 ' , aÏ7co>ca XSêTSûCOTO

Taç 6(/.àç œùèaç âmaa %oKkh

ËxluSÇ , TCOCTpOÇ S 56p.OV \l7TOMJa

Xpucreov, YJXÔSç

A pp.* ÙTO&uÇaGa • Kakol 8i a efyov

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DES GEECS. 881

Ùxhç arpaOol, icepl yaç p,ela(vôtç

Ouxvà SivtmjBÇ %rêf à% èpavw3 ottôe-

poç 8ik pitrew.

Ai Ot S'iÇlXOVTÛ • TU 8\ & pexoapoe,

MeiJiaaaff' «xôavarcd irpo<H07rco?

H p e ' ÔTTI £ ' 7JV TO WI7T0VÔGÊ, Xft>TTb

Atfv te xaliop-p *

KCOTI epuo p.etli<rra ôelw yevécrOai

Mbciv61a 8upic5, Tiva o*' auxe iretÔ&i

Kal ffstynveucjôcv cpilémm s « T(ç <s\ &

Ssanp*, âo\xi)ei ;

Kal yàp ai çeuyei , Tixjf gc**ç o\&>£ei #

Ai 5e $£>pa p i Jexer, a l l a o*<t><m •

Ai il pn f i l e t , rcLfitoç f i l aae i ,

IL* oùx eOéloiaav. »

Èlôe p.01 xstl vùv, £als7tav re luciov

Êx p,epipstv * Saaa xi (jcoi Tellacrai

ôujxoç ipippei, ri leiov , TJ À*' ecùrà

2y(jt.jjiôtpç foao.

immortelle fille de Jupiter, Ténus, toi qui sièges sur un trône resplendissant, et qui sais si bien disposer les ruses de l'amour, je t'en conjure, n'accable point mon cœur sous le poids de l'amertume et du chagrin. Mais plutôt viens ici, comme en ce jour f oà sensible à mes accents, tu quittas le palais de ton père et descendis du haut de l'Olympe au milieu des malheureux mortels. Tes charmants passereaux f agitant leurs ailes rapides , firent en un instant voler ton char dfor au milieu des airs. Dès qu'ils furent arrivés, tu me souris de ta bouche divine; tu me demandas pourquoi je f appelais, quelle

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382 POÉSIE LYRIQUE

était la cause de mes tourments, qui voulais-je enlacer de nouveau dans les filets de mon amour, ou par quels moyens on pourrait calmer la douleur de mon Ame agi­tée: «Qui ose t'outrager, ô Sappho! S'il te luit aujour­d'hui, bientôt il te recherchera ; s'il refuse aujourd'hui tes dons, bientôt il t'en offrira lui-même ; s'il ne t'aime pas aujourd'hui, bientôt il bràlera pour toi, lors même que tu ne le voudrais plus. »

Âh I viens encore a mon aide aujourd'hui ; mets fin à mes cruels tourments ; accomplis tous les vœux de mon cœur, et sois, ô déesse, ma défense et mon soutien.

Arion de Methymne fut le disciple d'Alc-man. Le récit qu'Hérodote fait de sa conser­vation miraculeuse par un dauphin Ta rendu célèbre. On dit qu'il inventa le genre tragi­que , Tpayucoç rpoicoç, simple chant ? sans action; et qu'il donna une forme plus régulière au dithyrambe. Elien nous a conservé deux mor­ceaux d'Arion ; quelques critiques les croient beaucoup plus modernes; maïs nous ne voyons pas sur quelles preuves ils peuvent appuyer une telle assertion.

f ^tcjTe ÔeiSv,

IlovTie., ^pucorpiaiva EoaeiSov,

rawfajr*, 2yxu(JL0v' àv* aXpav

Bpa^iotç irepi oNf ce TCXCOTOI

0r4psç ^opeuoixiiv ev K'm\m7

Koufoicri Hô^ôV

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DES GRECS. . 383

j>i|/,p.affiv eloécpp* âvaicaXXofAevoi ffsi0p.$,

«PpiÇtxoyevEç àx'tôpop.01 omkaxtÇj

4>iXop.oucoi 5el-

cpîveç, fvs&a 8pep,p,oeTfl£ xoupxv

Ny)p7)i o>v ÔêSV ,

Aç iynvoLT ÀpjpiTprrœ •

Ot \L eiç Uilomç yav k l Taivapîav

Àxriv e-rropewaTe,

nla^6p.evov 2txeli)ecjî Ivi it6vTCf> ,

KupTOMTl VcJTOiÇ OJ^OVTCÇ ,

ÂXoxa NupeCaç TClaxàç

TepovT£ç? âcrTtêvi xopov,

€>wxeç $tfXioi

ftç p,' sep* a^iT&oou yloÊÇopoeç vswç

Eiç oIJp.' àlixopcptjpoy

A t p a ç ?pu|/av.

0 le plus puissant des dieux, souverain des oncles f

Neptune, toi qui portes dans tes mains le brillaot trident des mers, et qui environnes la terre de tes eaux : aulour de Coi, au milieu des flots amers bondissent eo chœur des poissons monstrueux, qui, de.leurs nageoires légè­res et rapides, font jaillir les vagues agitées. A tes côtés se pressent des chiens marins, hérissant leur terrible crinière. Je vous y vois aussi, dauphins si sensibles à l'harmonie, 6 humides troupeaux des jeunes Néréides, Illes d'Amphitrite, vous qui m'avez fait aborder aux rives du Ténare , sur la terre de Pélops, J'errais au hasard sur la mer de Sicile, lorsque vous me recules sur voire dos recourbé ; et f sillonnant la plaine liquide , vous m'ou­vrîtes, à travers ses vagues un chemin jusqu'alors inconnu.

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384 POÉSIE tYRIQUE Des hommes perfides, du sein d'un vaisseau -emporté par les ondes, venaient de me précipiter au milieu des flots en furie, et tout étincelants du feu des éclairs.

Stésichore florissait en la XLII olympiade, en même temps que Sapplio et Alcée. Il na­quit à Himère, sous le beau ciel de la Sicile; au moment de sa naissance, un rossignol vint se poser sur son berceau, puis sur sa bouche ou il chanta. Il fut, comme l'annonçait cet ora­cle, un poète mélodieux, et sut réunir l'har-monieet la majesté, Stesichori graves camœnœ. Selon Suidas, ses poésies formaient vingt-six livres; il composa des chants lyrico-épiques, tels qu'une Destruction de Troie et une Ores-tiade. Aussi Quintilien dit-il de ce poète qu'il soutint par la lyre le fardeau de l'épopée, epici carmirds onera lyrâ sustentantem, et que, s'il eût pu retenir l'abondance de son imagination, il aurait été le premier rival d'Homère {Inst. orat.} x, 1).

Stésichore chanta, en dialecte dorique, des hymnes en l'honneur des dieux, et des odes (afoa) en l'honneur des héros. Stobée nous a conservé quelques fragments de ses poésies.

Ibycus de Khegium fut contemporain de Stésichore. Il régnait dans ses poésies une

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DES GRECS. 38Ô •

telle chaleur de sentiment que Suidas rap­pelle epttTO|AavferaToç. Cicéron a dit de lui :

Maxime ourniem Oagrâsse a more rhegiaiim Ibycum âpparet ex scriplis. (Tusc. IV. M.)

11 ne nous en reste que fort peu de chose; mais ces fragments suffisent pour nous faire comprendre quelle était la nature de son style : ses idées sont douces et'suaves, Fexpression pleine de charmes, le vers mélodieux et facile*

Anacréon, dont le nom est resté attaché aux poésies erotiques et gracieuses, naquit à Téos en lonie, Fan 530 avant Jésus-Christ, et mourut à l'âge de 85 ans. S'il est dans l'an­tiquité des poètes plus imposants que lui, il n'en est guère de plus célèbre, puisqu'avec une soixantaine dfodes très-courtes, il a excité l'admiration de tous les siècles.

Non si qoôii olim lusit Anacréon Delevit aetas. ( HôEâci. )

Une grande délicatesse de pinceaux, relevée encore par celle de Fexpression, voilà ce qui caractérise Anacréon. Ses sujets sont légers, mais son coloris est délicieux; ses cadres sont étroits; mais ses tableaux sont charmants, et

35 -

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386 POÉSIE LYRIQUE

sa muse est piquante de gentillesse. Toutefois, si Ton admire en lui le talent, on ne peut que gémir de l'abus qu'il en a fait.

Sa Colombe est un chef-d'œuvre de délica­tesse.

Èpa^Cu ftéXtta,

lïoôev pjjptov TOOOUTCûV,

Êw i^lpoç ôloucia,

Ilveeiç Te xal ^exse^eiç ;

Tiç eïç ; TC uot p.éXei 5e; —

« Ivôtxpitov {Jt* rurepj*6

IIpôç i ra i fa , xpoç BaOïAtav,

Tov, apri.T&v âwavTW

KpastfftTa xal ?tf gqcvvay.

Bfapaxi (*.' r, KuOtffi),

Aaêouaa pxpèv Cfivov.

Ê^lt* SfÀVÔÊ3Cp£OVTl

âiaxovfii TOGaSta •

Kal vuv oiaç éxeîvou

ÈitiffToXàç]xo(uÇa> !

K.aC cpiQffiv eiiôewç pe

ÈXeoOipijv wonfieiv #

Èy& il f xçv a f f \u,

AouX?) pevô irap* aùrco.

Ti yccp p Jet rc&racOat

Ô'piï Tt xaVxaT âypouç,

ILttl JMv£pMlV XftOlÇeiV,

#ecyou<îav aypiév T I ;

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DES GRECS. 387

Tavuv ioiù pièv apxov

Àçapwaaaara J&ifm

Avaxpéovroç auTou,

Iïieiv M [toi Jtôaxri

Tov oïvo* ôv itporavei.

Ilioiïaa $f eb ^op«uffw,

K a t Ae<T1F0T7]¥ èjXOUFl

ntepotai mjyxstltî^w.

Kot(t(ki(t£V7i 8* eirVÙTca

Tco P«xpêtTii) xseôey^w.

Ë^ciç aipoevT • aireXOe #

AaliÇTcpav jt* edqxac,

Avôpû)7re, xai xopc**v?îç. »

Quelle naïveté dans son discours! que de grâces! quel agrément dans Fimage qu'elle présente de sa vie et de celle de son maître, de la douce liberté qui règne chez lui ! Mais ces beautés ne se démontrent point, il faut être né pour les sentir.

Voici la tradpcttoo de cette; ode par M. de' St-Victor.

LA COLOMBE %T LE PASSANT.

LE PASSAIT.

D'où viens-to, Colombe charmante ?

Où vas-tu, traversant les deux?

D'où naît la rosée odorante

Doot ton aile embaume ces lieux ?

Dans ces parfums qui t'a baignée ?

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388 POÉSIE LYRIQUE

Là COLOMBE.

Je suis du tendre Aoacréon La messagère fortunée ; Par Vénus je lui fus donnée Pour le payer d'une chanson. A l'enfant que son cœur préfère  Bathyle qui sous ses lois Pourrait ranger toute la terre , Je porte, docile et légère , Le joli billet que tu mis 9

Et c'est là ma tâche ordinaire. Mon maître (admire sa bonté)* Si je remplis bien mon message f

Veut me donner ma liberté ; Mais j'aime mieux mon doux servage. Où serait pour moi l'avantage De m'égarer dans les forêts, De mfabattre sous le feuillage, Trouvant à peine pour tous mets Quelque graine amère et sauYage? Tous les jours, dans d'aimables jeuxy

Des mains d'Anaeréon qui m'aime J'enlève un pain délicieux ; Puis dans sa coupe avec lui-même Je bois d'un vin digne des dieux. Plus vive alors dans ma tendresse, Je fais éclater mes transports, De mes ailes je le caresse. S'il me platt de dormir, je dors Sur sa lyre mélodieuse Tu sais tout ; adieu * laisse-moi ;

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DES GBECS, 389

Passanl, je m'oublie avec toi, Et la corneille estjrooins jaseuse.

DR ST-YICTOB.

Souvent ces chansons ne présentent qu'une scène gracieuse : telle estFiroage du printemps dans rode suivante :

fôe wôç eapoç çav VTOç Xapmç ^68a Ppuotai. fôe %mç scipc OocXaroiiç kfKakmerm yàXtfvu. fôe wôç v^uua xoXu[&6a. Me 7cwç ylpœvoç £&etieu Àf elôç $' fXapj e Tiràv Nef eXôv raiat $OVOUVTOEI*

Ta ëpoxwv 5' eXeifjt ev fpyer Kapicoïai yaîix irpoxuirTei, Keepiroç iXaiaç itpoxuirrei* Bpofuou dTlçexai vau.a° Kaxà f tîllôv , xax à. xlcSvse Kaôel&v ^vôwe xapiréç.

UT PRINTEMPS,

Vois comme au printemps tout sourit : Les Grâces font fleurir la 'rose ; L'air se tait;.le flot s'assoupit, Et sur le sein des mers repose. Dans ce cristal brillant et pur Déjà le cygne plonge et nage, Tandis que Foiseau de passage Fend lentement un ciel d'azur.

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390 POÉSIE LYEIQUE

Du jour plus douce est là lumière ; Les sombres nuages ont fui ; Des trésors qu'enferme la terre Le .germe s'est épanoui. La vigne a repris son ombrage ; L'olivier, son fruit 9 sa fraîcheur : Sur les rameaux , sous le feuillage, Partout naît le fruit ou la fleur.

DE ST-VîCTOB.

Quelquefois c'est un petit récit allégorique.

AÏ MO^GSU TOV ÈpWTôC

ArfioaLaoLi àrsçavowt,

Tw K a l l a irapË&b»cav.

Kal viïv TO KuÔipcia

ZTîTCI, XuTpa çlpotj GÊ ,

AuffaffOaiTÔv EpcoTa.

K&v 1«JCJ*/J 5e liç aùrov ,

OùK e^eict, (Aeve? 5c?

âoulcueiv $6$i&&XTai.

L9AMOV& CâPTIF.

Les chastes sœurs ayant surpris un jour f

Je ne sais où le pauvre Amour , A la Beauté livrèrent en servage Leur prisonnier, dans des liens de fleurs. Or f maintenant, sa mère tout en pleurs

Le cherche, et, pour tirer son enfant d'esclavage * Porte avec elle une honnête rançon.

La pauvre mère! hélas ! sa recherche est bien vainc :

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DES G1ECS. 391

Eût-il sa liberté 9 le petit compagnon Se trou?e bien de sa prison f

Et ne ? eut point quitter sa chaîne. Di ST-YICTOR.

Rien nfest plus ingénieux et en même temps plus délicat que cette fiction. L?Amour, appa­remment, avait dressé des embûches aux Mu­ses. L'ennemi est pris, lié, mis en prison. C'est la Beauté qui est chargée d'en répondre : on veut lui rendre la liberté, il n'en veut plus ; il aime mieux être prisonnier. On sent com­bien il y a de choses vraies, douces et fines dans cette image.

On peut citer la plupart'de ses-odes comme des modèles de grâce', de fraîcheur et de naïveté, maïs spécialement la Rose, VAmour piqué par une abeille, l'Amour mouillé; cette dernière est un chef-d'œuvre de naturel, de délicatesse et de simplicité; la voici avec la traduction en vers français.

MeaovuxiTfotç *oÔ* fipatç,

STpeçgtm '8T Â'pgTOç -4$*)

Kaxk ^etpa-'ojv SocâTOu^

Mtpow«v 8k fukœ mwcm

T ô T Epwç emorafaCç peu

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302 POÉSIE LYRIQUE

« Tïç , eçxjv, ôupseç «paciagi*

K.«TS£ {/.eu ajia&iç ômpouç ; *

Ô è' Ëpc*>ç • « Avotye, fn^i,.

« B p é ç o ç e t p # p i ç < J 6 Q T O I • • .

« B p l p p t i &i, xaaeXinvov

a K a r i vuxra irai&àvYipu. •;

Êleiiaa TauT*âxotfaaç,

Àvà S^eùôù Xtj vov et^aç,

Àv&oÇa • xai Ppécpoç jjtèv-

Ècopw, çépovTa TOÇOV ,

IlTlpuyaç TE xal cpapéxp^v,

Hapà. £' iaTiYiv xaOïÇaç,

nôtlfcpacrre ^àpecç ewxotl

ivlûaluQv, Ix j e ^airyjç

ÀwéâXiëov. ûypov 8 c«*p.

Ô J ' , cirai xpuoç p ô w e *

« #epg5 ç»<ri, X6ipô£^fî)(i,stt

« To&e TOOV , èç- Tl. fAOl vuv

<c BlaëeTôct ^ payeur « veup-rf. ^

. Tavtjei îè., xai p.e T&rrai

MICJOV qirap, aoirap olarpoç..

Àvà $'aXXsTat xa^a^wv,

« Eeve, Relire, cuy^apiQOi *-

« Képaç aëloeéèç {tév £<m,

« 2ù £è xap Jiiiv icovvfaeiç. »

L'AMOUR M0UILL&.

Vers le milieu d'une nuit orageuse

Lorsque déjà s'incline lentement

De Calisto l'étoile pluvieuse ;

Vers l'heure enfin où plus profbndémjeal

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DES G1ECS. 3Û3 Dort des humains la race industrieuse f

L'enfant malin dont la mère est Cypris , Avec grand bruit Tint frapper à ma porte. m Que me veut-on P qui frappe de la sorte? « Qui9 m'éeriai-je, ébranlant mon logis, «c Ose troubler mes songes plein* de charmes? » — « Ouvre-moi vite, ouvre et sois sans alarmes, « Me dit l'Amour ; je suis un pauvre enfant v

« Seul égaré 9 surpris en voyageant « Par la nuit sombre , et mouillé par Forage. » Moi , sur ces mots 9 charitable et peu sage , le prends d9abord pitié du suppliant. Ranimant donc mon feu prêt à s'éteindre, Ma lampe en main, f ouvre :. en effet, je vois Un jeune enfant, beau, charmant, fait à peindre f

Portant un arc, des ailes, un carquois. Près du foyer aussitôt je le place ; Et remarquant qu'un froid mortel le glace, Dans une main je prends ses petits doigts ; Puis doucement | avec l'autre f f essuie Ses blonds cheveux inondés par la pluie. 11 se ranime, et d'un air dégagé : « Voyons, dit-il, cet arc ; par aventure , « Il se pourrait qu'il fût endommagé. » H le saisit, le tend cftiae manière sûre ; Et je me sens frappé d'un trait vainqueur : Du taon cruel moins vive est la blessure. Le méchant rit 9 saute 9 et dfun ton moqueur t

Me dit alors : « Mon cher hûte, courage I « Car tout va bien : mes armes de Forage • N'ont point souffert... Maïs je crains pour ion cœm *«•

Di ST-VICTOII.

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394 POÉSIE LYRIQUE

Cette ode qui jouit justement d'une très-grande célébrité, est devenue plus célèbre en­core parmi nous par limitation qu'en a faite le bon Lafontaine. Nos lecteurs ne nous sau­ront pas mauvais gré de la rapporter ici.

J'étais couché mollement f

Et* contre mon ordinaire9

Je dormais tranquillement 9

Quand un enfant s?en Tint faire A ma porte quelque brui t II.pleuvait fort cette nuit : Le veet? le Froid, et Forage , Contre Fenfant faisait rage. ce Ouvres, dit-il, je suis nu. » Moi , charitable et bonhomme 9

J'OUYre au pauvre morfondu, Et m'enquiers comme II ie nomme. « Je te le dirai tantôt, ce Répartit-il ; car il faut « Qu'auparavant je m'essuie » rallume aussitôt du feu. Il regarde si la pluie N'a point gâté quelque peu Un arc dontjc me méfie. Je mfapproche toutefois, Et de Fenfant prends les doigts, Les réchauffe,; et dans moi-même Je dis : Pourquoi craindre tant! Que peut-il? c'est un enfant ; Ma couardise est extrême D'avoir eu4e moindre effroi.

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' DES GtECS. 39fi Que serait-ce si chm moi J'avais reçu Polyphême ? L'enfant d'un air enjoué 9

Ayant un peu secoué Les pièces de son araitire Et M bloide -chevelure f

Prend un Irait, un trait vainqueur, Qu*il me lance au fond du cœur, « Voilà, dit-îl, pour ta peine. « Souviens-toi'bien de Climéne,

« «Et de i-Amour,, c'est mén mom — « Mh I je vous connais^ lai dis-je , « Ingrat et cmiel garçon ; « Faut-il que qui vous oblige « Soit traité de la feçonl « Amour il.une gfeunbade; Et le petit scélérat Me dit : «-Pauvre camarade, ce Mon arc est en bon état, « Maïs ton cœur 'est bien malade. »

• L A F O C T A I I H .

Mais si l'on veut connaître le véritable ca­ractère de la poésie lyrique chez les Grecs, de cet enthousiasme qui leur semblait inspiré par les Dieux, c'est Pindare qu'il faut lire. Son-gé­nie vigoureux et indépendant ne s'annonce que par des mouvements irréguliers et impétueux. Les Immortels sont-ils l'objet de ses chants, il s'élève, comme un aigle, jusqu'au pied de leurs trônes ; si ce sont des hommes, il se précipite

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306 ' POÉSIE LYRIQUE

dans la lice comme un coursier fougueux : dans les deux, sur la terre, il roule, pour ainsi dire, un torrent d'images sublimes, de métaphores hardies , de pensées fortes, et de maximes étincelantes des lumières de la vérité. Il court, il vole sur les traces de la gloire ; il est tour­menté du besoin de la montrer à sa nation. Quand elle n'éclate pas assez dans les vain­queurs qu'il célèbre, il va la- chercher dans leurs aïeux, dans leur patrie, dans les institu­teurs des jeux, partout où il en reluit des rayons, qu'il a le secret de joindre à ceux dont il couronne ses héros. A leur aspect, il tombe dans un délire que rien ne peut arrêter; il as­simile leur éclat à celui de l'astre du jour (1); il place l'homme qui les a recueillis au faîte du-bonheur (2) ; si cet homme joint la richesse à la beauté, il le place sur le trône même-de Jupiter (3), et, pour le prémunir contre l'or­gueil, il se hâte de lui rappeler que, trevêtu d'un corps mortel, la terre sera bientôt son* dernier vêtement (4).

(1) Pind. Olymp. i, v. 7. (2) Id. Olymp. Y. 157. (3) Id.lsthm. 5,v. 18. (4) Id.Nem.il, v.îa

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DES GRECS. 397

Qu'on ne sfétonne pas d'un langage si ex­traordinaire ; il était conforme à l'esprit du siècle. Les victoires que les Grecs venaient de remporter sur les Perses, les avaient convain­cus de nouveau que rien n'exalte plus les âmes que les témoignages éclatants de l'estime pu­blique, Pindare, profitant de la circonstance, accumulant les expressions les plus énergi­ques, les figures les plus brillantes, semblait emprunter la voix du tonnerre pour dire aux États de la Grèce : Ne laissez point éteindre le, feu divin qui embrase vos cœurs; honorez tous les genres de mérite ; excitez toutes les espèces d'émulation, et n'attendez que des actes de courage de celui qui, vit pour la gloire. Aux Grecs assemblés dans les champs d'Olympie. ou de Delphes, il disait : Les voilà ces athlètes qui, pour obtenir en votre présence quelques feuilles d'olivier, se sont soumis à de si. rudes travaux. Que ne feront-ils pas quand il s'agira ' de venger la patrie ? Et ceux qui assistaient alors aux.brillantes solennités de la Grèce,, qui voyaient un athlète au moment de son. triomphe, qui le suivaient lorsqu'il- rentrait dans la ville où il avait reçu le jour, qui enten­daient retentir autour de lui ces clameurs, ces

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398 POÉSIE LY1IQOE

transports d'admiration et de joie auxquels étaient mêlés, les noms de leurs ancêtres et des Dieux de la patrie, au lieu d'être surpris des écarts et de l'enthousiasme de Pindare, de-vaiea ttrouver sans doute que sa poésie, toute sublime qu'elle est, ne pouvait rendre Fimpresi-sion qu'ils avaient reçue eux-mêmes*

Pindare souvent frappé de ce spectacle aussi touchant que magnifique, partagea- l'i­vresse générale, et, la faisant passer dans ses tableaux, se constitua le panégyriste et le dis­pensateur de la gloire. Par-là tous ses sujets-furent ennoblis, et reçurent un caractère de grandeur et de majesté. Il eut à célébrer des rois illustres et des citoyens obscurs; dam- les uns et dans les autres, ce n'est pas l'homme qu'il envisage, c'est le vainqueur. Sous pré­texte que l'on se dégoûte aisément des éloges dont on- n'est pas l'objet, il ne s'appesantit pas sur les-qualités personnelles; mais comme les vertus- des rois sont des titres de gloire, il; les loue du bien qu'ils ont fait, et leur montre celui qu'ils peuvent faire : a Soyez justes, ajou-cc te-t-il, dans toutes vos actions, vrais dans « toutes vos paroles; songez que des milliers « de témoins ayant les yeux fixés sur vous,

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DES G1ECS. 399 s la moindre erreur qui s'échapperait de votre t bouche acquerrait au loin une funeste im-t portance. »

C'est ainsi que louait Pindare; il ne.prodi­guait point l'encens, il n'accordait pas à tout le monde le droit d'en offrir : « Les louanges « de nos hymnes, disait-il, sont la récom-c pense des belles actions. Tel que l'arbuste, a nourri par la rosée bienfaisante du-ciel, élève ce dans les airs'sa cime verdoyante, ainsi la ce vertu s'accroît par les justes éloges du sage. 31

Eùxkém $' îpycôv. amtva. 0sth. m f t. î.)

AuÇexai 8* apexse • X^w~ paîç lepaeaç &ç ©xe 8h8çw âfe-eei, ooçotç sevSpcâv àepOe&a' ev $ucaibiç xe wpoç yypàv aiôepa.

(Nem. ¥in t ¥. 68.)

Malgré la profondeur de ses pensées et le désordre apparent de son style, ses vers^ dans toutes les occasions, enlèvent les suffrages, et les juges les plus éclairés le placeront toujours au premier rang des poètes lyriques (1).

Citons pour exemple sa première Pythique qui renferme un grand nombre de beautés su-

(i)Horace,Qumtilien, Denis d'HaliettrnasM, Longin,ete*

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400 POÉSIE LYRIQUE

Mimes; la traduction que nous rapportons ici donnera une idée assez fidèle de la manière de Piodare, et du genre lyrique des Grecs en général.

Trésor du dieu de l'harmonie f

Compagne des neuf doctes sœurs, Noble Instrument, qui du génie Secondes les accents vainqueurs! Lyre d'or I ta voix inspirée f

Préside à la pompe sacrée De nos jours les plus solennels; Tu guides les chœurs et la danse , El f allégresse à ta présence En tous lieux sourit aux mortels.

Par toi, la foudre conjurée Eteint ses éternels carreaux; Tes sons domptent dans l'empyrée L'aigle, monarque des oiseaux. Vainement il combat l'ivresse , Qui déjà d'une nuit épaisse A couvert son œil abattu : Ses sens à tes charmes succombent ; Son dos frémit ; ses ailes tombent ; l idort ; tes accents Font vaincu.

Lyre, quand les neuf sœursf quand Apollon leur pèfef

Daignent seconder tes efforts, Les dieux, ces souverains du ciel et de la terre,

Sont subjugués par tes accords.

Marsf l'invincible Mars, reconnaît ta puissance ; Ton charme secret Fa dompté :

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DES GEECS- 401 11 dépose soudain el son casque et sa lance ; -

Et soupire de volupté.

Pour tes accents divins rempli d'antipathie, Seul , l'ennemi des dieux te redoute, et te fuit. Entend-il résonner ta sublime harmonie P En quelque lieu qu'il soit, il s'agite 9 il frémit.

Tel est ce fier Tilan, monstre impie et barbare, Dont l'audace entreprit d'escalader lescieui. Ce superbe Typhon, que dans le noir Tartare Précipita jadis le bras vengeur des dieu*»

Le rivage deCume et la Sicile entière 9

Ecrasent de leur poids ses membres palpitants. L'Etna , dont les frimas couvrent la tête altière 9

Presse sous des rochers ses cent fronts menaçants*

De ses gouffres profonds la montagne brûlante Yomit ? sans s'épuiser* une source de feus. Le jour9 en noirs torrents la lave bouillonnante S'échappe, et roule au loin des tourbillons fumeux»**

Mais sitôt que la nuit étend ses voiles sombres 9

De fleuves eniammés les champs sont tout couverts 9

Et 9 des rocs calcinés les liquides décombres 9

Roulent avec fracas au sein bruyant des mers.

Quel cœur n'a pas frémi d'horreur et d'épouvante f

Au récit des tourments de ce monstre odieux 9

A l'aspect des rochers, couche toujours sanglante f

Où le tien étendu la vengeance des dieux?

Puissé-je f ô Jupiter, ah 1 puissé-je te 'plaire 1... Tu règnes sur l'Etna, tu règnes aux remparts Fondés par ce héros qui de la Grèce entière "Voitson nom applaudi, daos la lice des chars,

26

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402 POÉSIE LYRIQUE Pour toi, jeune eité, de FEtna si voisine, Toi, que ce mont fameux honore de son nom , Tu devras ta splendeur, comme toii origine y

Au puissaot.Hiéron.

Quant le nocher, quittant les bords de sa patrie f

Va, sous des deux lointains, conquérir des trésors; Si les zéphyrs heureux-, rasant Fonde aplanie ,

Secondent ses efforts;

Un doux rayon d'espoir pénètre dans son âme ; Les dieux à son pays le rendront quelque jour ; A Fenvi, sur les flots, et les vents et la rame

Hâteront son retour.

Tes succès sont pour nous un bien plus sûr présage 9

0 cité de FEtna ! combien de tes enfants ?

Fameux par leurs vertus, leurs talents, leur courage f

Triompheront des temps 1

Teille sur ses destins, faille, dieu do Lyoie, Toi qui chéris FEtna, le Parnasse et Dé las ; Et fais que la cité qu'un héros a bâtie,

Soit féconde en héros.

Tu le peux, Apollon. Fort t éloquent ou sage y

Tout homme est îel-bts ce que veulent les dieux. Mos penchants généreux, nos vertus sont l'ouvrage

Des habitants des deux.

Grand prince, ils font donné ks talents , la sagdise » Que nous voyons en toi s'accroître chaque jour9

Et ces mille yerluf que célèbre la Grèce Dana sm hymnes d'amopr.

Pour moi, quand sur mon luth je chante ta victoire, On ne me verra point, trop inhabile archer*

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DES GRECS. 403 Lancer tut trait perde * compromettre ta gloire , Et flétrir ta couronne en ose ni y toucher.

Puissent les vœux qu'au ciel j'adresse De ton auguste front éloigner les malheurs I Puisse du doux plaisir la coupe enchanteresse

Assoupir tes longuet douleurs ! Puisse Técho des temps répéter d'âge en âge Par quels fameux exploits tu signalas ton bras,

Quand f aidé de ton seul courage 9

Tu conqois à la fois uii peuple et des'états..-,;, J. L. VmcRWTi

Pindare sentait son mérite, et il le procla­mait avec une franchise permise au génie. Du reste, le sentiment de sa supériorité le pré­servait de passions haineuses. Tout, en effet i

dans ses vers, respire, la douceur, la bonté, l'innocence des mœurs ; il se plaît à peindre la vertu, l'amitié, les jouissances deThospitalité; il prêche partout la justice, la bienfaisance, le respect et la reconnaissance pour la divi­nité, et cette piété réelle qu'il professait en­vers les Dieux, fut pour lui une source inta­rissable de poésie. Il vécut à l'époque la plus glorieuse de la Grèce ( de 522 à 442 avant Jésus - Christ), circonstance qu'il regardait comme un illustre bienfait des Dieux, et pour laquelle il se rendait à Delphes chaque fois

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404 POÉSIE LYRIQUE

qu'on y célébrait les jeux Pythiques, afin d'y chanter un péan d'actions de grâce.

Les quarante-cinq odes ou chants de vic­toire qui nous restent de lui sont partagées en quatre sections : Olympiques, PytMquesf Isth-miques, Némemnes; mais cette division n'est pas de Pindare'. Le recueil de ses. poésies ren­fermait, dans sa forme primitive, toutes, sortes d'ouvrages, des péans, des dithyrambes, des parthénies, des thrènes^ des prosodes, des hy-porchèmes, des chants de victoire, des chan­sons de table, etc. La collection, telle que nous la possédons aujourd'hui, est d'un gram­mairien , Aristote de Bysance. • L'émule de Pindare était Bacchylide, neveu de Simonide. Ses odes se distinguaient par la profondeur des pensées et par la beauté de la diction. Parmi les fragments qui nous en res­tent, nous citerons son hymne à la Paix ;

TIXTII Se xi QvotToTqiy Eîpavsc (uyocXôe,

nlouxov xai p,eliyl«cîcîwv aoiSav ecvôea,

Aaiiïaîkitùv T iiA (îtojju5v Qeoïaiy aïôetai Pocov.

• Eavâa çloyi p ip ia , xwv eÙTpi^av TE pfXcmv.

rujjivetatwv xe veotç aiïkw xe xai XCSJXOV ptiXei.

Èv Si aiSapoSéxoiai wopiret|tv otiÔstv âpajrvav

laxoi %£kwrai, tyym te Xoyjydxa,

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DES GRECS. 405 Siféiot T à(Afsexe* eùpwç SapvetTeei ' ^«Xicéwv

A* oùxtm aselxtyywv XTOTOç 9

Où^s uuXôcxai (JLiliçpctiv Sirvoç

A%i picçapwv, eejjwç OoXifei xiocp.

2u(tfco<xia>v 4' IpotTwv ppiôovT'etyuiai,

iïai&ueoi Ô'upiûi fXéyovTat.

• La Paix procure aux mortels les plus grands biens : elle leur donne la richesse, et leur inspire les chants les plus doux et les plus harmonieux. Sous ses auspices 9 im flamme étincelante consume , sur' les autels des Dieux 9

des cuisses de bœufs et de brebis à la belle toison. Les exercices du gjmnase, la flûte et les festins font alors tous les charmes de la jeunesse. Bientôt les araignées cou­vrent de toiles épaisses les boucliers d'airain ; la rouille ronge les lances aiguës et les épées à deux tranchants ; Ton n'entend' plus le bruit effrayant des clairons ; le son* meil plus doux que le miel n'est pas arraché de nos pau­pières, et le cœur jouit de la félicité; dans toutes les rues, ce n'est qu'agréables festins, de toutes parts retentissent des hymnes d'allégresse. »

Simonïde de* Céos fut le maître - de Pindare' Ge poète, né 558 avant Jésus-Christ, mérita l'estime des sages, des rois et des grands de son temps, tels que PIttacus, le pisïstratide Hipparque, PausaniaSj roi de Sparte, Hiéron, tyran de Syracuse, Thémistocle, etc. On le regarde comme l'inventeur de l'élégie moderne ou lugubre. Il perfectionna le mètre créé par

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406 POÉSIE LYRIQUE

Cailinus ou par Mimoerme, et lui donna son

nom. Simonide était poète et philosophe. L'heu­

reuse réunion de ces qualités rendit ses talents plus utiles et sa sagesse plus aimable. Son style, plein de douceur, était simple, harmo­nieux , admirable pour le choix et l'arrange­ment des mots.

a Personne, dit Barthélémy, tfa mieux connu Fart sublime et délicieux d'intéresser et d'attendrir; personne n'a peint avec plus de vé­rité la situation et les infortunes qui excitent la pitié. Ce n'est pas lui qu'on entend, ce sont des cris et des sanglots; c'est une famille désolée qui pleure la mort d'un père ou d'un fils. C'est Banaé, c'est une mère tendre qui lutte avec son fils contre la fureur des lo t s ; qui voit mille gouffres ouverts a ses côtés; qui» ressent mille morts dans son cœur; c'est Achille enfin qui sort du fond de la tombe, et qui annonce aux Grecs, 'prêts à quitter les rivages d'IHon, les maux sans nombre que le ciel et la mer leur préparent. »

I l ne-nous reste de Simonide que l'élégie de Danaé, et divers fragments dont le plus re­marquable roule sur la mortalité du genre hu­main , que le poète compare aux feuilles.

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DES GRECS, 401

PLAINTES BE BANAE.

Ô xe Xapvouu ev $ai$aX£a «vepaç

Bp£[Ui irvéwv, xivnôeîciaj &è ^ t p a .

AeiptTi fpurev, OST ahmxûwï

Ilapeiaic ri\fjf i TE Hepaeî P«le

4nXav x«pa r e ^ v TO * f ^ f éXOç,

Otov 2^0) WQVQV! et* S* acoxeiç, yaXaOïffvc» T* TjTogi xvciaeeiç ev arepiwi Scàpm, XataeoytffAfq» Se, VOJCTI &ap.irei,

Kuavlcp xe Sv6ç«a * au 4raùa^éav fmpOe xsav xripav fiaOeiav

HapiôVTOç xuptTQç oux cftéyeiç, Oui* âvépu çôoyywv, wopçup£a Keipvoç iv Xavtôi, fFpoç«7cov jcaXo'v • M W TOI &ivdv tôye Seivov $v, KâC X8V ep$¥ (i Ufisbcôv >cicr&v-

f iraj[€ç ooôeç » K&apai, eSSe, (ïf&f oç, EUSSTC* Si" ITQVTOç euSeT« «pipav xajcôv.

MfiTaêouXia Se TIç f aveu), Zeu icarep, ex aeo * S- xi SIQ 6apao&èov ËITQç eS^o^ai, TexvQÇi Suea suyyvwâi p.01. »

Tandis que les vents se déchaînent et que la mer mugit autour de l'arche merveilleuse f Banaé, le cœur glacé d'effroi, serre Persée dans ses bras amoureux, et s'écrie : « 0 mot fils, quels tourments éprouve ta mère! Mais toi, tu dors, cher enfant f appuyé sur le sein qui t'allaite ; tu dors dans cette triste demeure qu'assemblent des clous d'airain 9 au milieu des ténèbres et dé la nuit la plus obscure. Etendue' sur la pourpre, tête charmante, tu

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4dê .. POÉSIE LYRIQUE no l'inquiètes ni du sifflement de l'aquilon 9 ni des lots qui, sans la mouiller, passent au-dessus de ta chefelure. Si du moins tu connaissais la grandeur du péril que tu cours , tu prêterais l'oreille à ma voix... Mais non, dors, cher enfant, et qu'avec toi dorment les ondes, qu'avec toi s'endorment tous nos maux. Âh 1 plutôt que la rigueur du destin change à notre égard! C'est de toi que j'attends cette grâce 9 ô puissant Jupiter ; et si je forme en cela un vœu téméraire, pardonne-le moi en faveur de ton fils. »

La Grèce eut aussi, parmi les femmes, neuf poètes lyriques; ce sont : Sappho, Erinne, Myrtis, Corinne, Télésille, Praxille, Anyté, Nossis et Myro.

Erinne de Téosf regardée comme lesbienne, parce qu'elle fut disciple de Sappho, mourut à Fâge de vingt ans ; et cependant elle se rendit si célèbre, qu'on la comparait à Homère et qu'on Fégalait à sa maîtresse. Outre plusieurs épigrammes, elle composa un grand poème in­titulé : âXaxorn, le. Fuseau, qui ne nous est point parvenu. On lui attribue une ode sur Rome : c'est un des plus beaux morceaux de l'antiquité; d'autres prétendent que cet hymne-est de Melinno de Lesbos :

Xœtpép.oi, Pep.sejôuya-nip Âp^oç.

Xpuuw|juTptt , Âaitypcoy avauroa r

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DES G1ECS. _ 409

Sspov a vautç èVi yaç ÔXup.wov

ÀÎèv aôpauciTOv •

Soi pivot xpecxêeCpa ^e^wxc Moipa

R0$oç ap^xTu pacitl^ov içyaç,

Ôfpa xoipav^ov ajoura xapTOç

Âyep,ovewiç.

25 5* ùTO (F euyXa xpaxepwv Xeira^vwv

Sxgpva yataç xai icoXiaç OaXaaaaç

SçtyyeTai * ®b $' atjçaXéwç xuêspvaç

A<raa Xaôv.

Ilavra- ^è «jçaXXwv i piytcîTOç atwv ,

Rai p.etairlacîff«v jâ&ov allox aXlwç,

Sot p>va irX7)9bcriov oùpov ap^aç

Ou gjLeTaëaXXei.

è yap ex. itavxwv <ri> p.6m xpaxiffrou^

Âv^paç ai^prraç, {juyalonç lo^eueiç,

EucTaxyv ? Aaprrpoç Situç, aveîtfa

Rapwov aw? av^pwv.

« Salut f fille illustre de Mars ! puissante reine dont le front est ceint d'une couronne d'or, Rome qui habites sur la terre un olympe auguste et inébranlable.

 toi seule les deslins ont accordé le sceptre d'un em­pire éternel, pour que ta- force invincible dictât des lois à l'univers.

Tes fers vont enchaîner au loin et la terre et les mers, tandis que, tranquille, tu gouvernes les villes et les peu­ples.

Le temps, qui détruit tout, n'altère point ta puissance r

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410 POÉSIE LYRIQUE la fortune qui se joue .des sceptres, semble respecter les fondements de ton trône.

Seule entre toutes les filles, tu vois chaque année sor­tir de ton sein une foule de grands hommes, de guer­riers magnanimes et de héros ; ainsi la féconde Gérés couvre tous les ans la terre d'épis dorés pour la nourri­ture des mortels. »

Corinne de Thèbes ou de Taoagre vainquit cinq fois le jeune Pindare dans les combats poétiques. Elle composa, en dialecte éolien, un recueil de cinq livres. On cite son Iolas et les Sept devant Thèbest plusieurs Nomes et des Paithénïes. •

Voilà quels furent pendant plusieurs siècles la marche et les progrès de la poésie lyrique chez les Grecs. Les débris plus ou moins con­sidérables qui nous restent de tant de chefs-d'œuvre y nous donnent une juste idée de l'ex­trême perfection à laquelle ils portèrent ce genre de poésie. Mais ou en étaient-ils alors avec leurs péans, leurs dithyrambes et tous leurs hymnes religieux? Quel était, à cette époque f chez ce peuple plus poétique infini­ment que les Italiens, les Espagnols et les Ecos­sais , le caractère de la poésie populaire, si cé­lèbre chez ces derniers?.». Nous nfavons ni les

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DES LATINS. 411

chants de kurs bergers, ni ceux de leurs mois­sonneurs et de leurs bateliers; noua ne con­naissons rien de ces mélodies nationales, dont la Grèce moderne a conservé de si touchants souvenirs; il nous reste du véritable esprit domestique des Grecs à peine quelques chan­sons échappées aux brillants débauchés de riQnie,qui, dans leurs orgies bachiques, ne se doutaient guère qu'ils préparaient à nos savants des sujets d'admiration. Là se bor­nent nos connaissances sur la poésie lyrique des Grecs : elle devait sa naissance aux hymnes d'Orphée et d'Homère ; elle s'étei* gnit avec ceux de Cailimaque, un des éeri-¥ains d'Alexandrie,

POÉSIE LYRIQUE DES LATINS.

Un siècle avant le Christ, il n'existait pas encore de poésie lyrique chez les Romains ; car on ne peut donner ce nom aux hymnes des Saliens et aux vers des Augures, qui n'é­taient que des chants sans rhythme et sans règle, comme le sont ceux de tous les peuples incultes. Malgré l'influence qu'exercèrent sur

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eux les Grecs et. les peuples de l'Italie, six cents ans suffirent à peine aux colons des bords du Tibre, occupés sans cesse à s'y main* tenir par les armes, pour se dépouiller de leur rudesse primitive, et se montrer sensibles aux accents de la poésie.

Ce ne fut que Fan 87 avant J.-C. que ' l'I­talie vit paraître son premier poète lyrique 4

Caïus Valerius Catulus naquit à Vérone, d'où l'un de ses amis, Maolius, le conduisit à Rome. Le jeune poète se lia avec les hommes les plus distingués de son temps, Cicéron* Cornélius Népos, Memmius, etc. H fut le pre­mier qui fit passer les mètres lyriques grecs dans la langue latine, et qui commença à donner un peu de grâce et de légèreté à l'i­diome lourd et âpre des anciens Romains. Catulle mourut dans la 46e annjée de son âge, Fan 40 avant Jésus-Christ.

Dans le recueil de ses ouvrages, il n'y a que-quatre odes proprement dites ; mais le poème intitulé Noces de Thétis et de Pélee7 renferme quelques passages lyriques. <c Dans tous ses vers, soit élégiaques, soit héroïques, dit Guin-guené, on sent l'heureuse imitation des Grecs, Les héllénismes y sont fréquents : les images-,

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les comparaisons, les métaphores sont toutes grecques, et le vers latin, presque naissant encore, y conserve dans les tours, dans les chutes et dans le rhythme, des traces visibles de son origine. 3»

Malgré ses fréquentes imitations, Catulle est, après Lucrèce, le poète latin ou brille le plus d'originalité. Antérieur à Lucrèce, et rude encore dans sa versification, Catulle pa­raît avoir été le poète favori des Romains (Pline, lettre l , p t 16). Sfil manque quelquefois d'élégance et d'harmonie, il a de la chaleur, du sentiment et de la grâce.

Le trait dominant de son génie, c'est le ca­ractère épigrammatique et licencieux. Plu­sieurs de ses compositions, destinées sans doute à de voluptueux festins, au milieu d une société livrée à tous les genres de débauches,, sont d'un révoltant cynisme. Catulle a cherché quelque part à s'excuser de cette licence, en disant qui / suffit que le poète soit chaste,, et qu'il n'est pas nécessaire que ses vers le soient

Nain castum esse cîecet pïom poeiam Ipsum, versicolos nîhîl Hecesse est.

Rien de plus dangereux qu'une pareille

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414 POÉSIE LYRIQUE doctrine, si elle était adoptée; et 'qui ne sait que de telles compositions

Se ressentent des lieux que fréquentait l'aiiLeur? BOHEAU.

L'ironie do ton n'abandonne pas plus sou­vent Catulle que la licence de l'expression. La onzième pièce de ses œuvres, qu'on peut appeler sa première ode, en fournit un exemple frappant. Les .quinze premiers verà ont un élan véritablement lyrique; mais tout d'un coup le poète retombe dans la plaisanterie,

La seconde ode (trente-quatrième pièce), qui porte faussement le titre de Poème sécu­laire, Carmen seculare} a probablement été composée pour la fête qu'on célébrait tous les ans au mois d'août, en l'honneur de Diane,

La troisième ode est l'imitation presque verbale dune ode de Sappho.

La quatrième ode (soixante-unième pièce) est l'Epithalame de Manlius et de Yinie. Ca-tulle, d'un sujet usé, a su faire un ouvrage charmant, parce que le talent rajeunit tout.

Le chef-d'œuvre de Catulle est le poème intitulé les Noces de Thétis et de Pelée. Ce poème tient en même temps du genre épique et du genre lyrique. Catulle paraît y avoir

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réuni deux poèmes tout-à-faits différents,dont l'un célébrait les aventures d'Ariane, et l'autre contenait la description des figures repré­sentées sur le tapis dont était orné le lit nup­tial de Thétis et de Pelée. En effet, les Noces ne sont qu un cadre dans lequel le poète a voulu réunir différentes fables que lui fournis­saient les siècles héroïques de la Grèce. 11 s'étend sur celles qui prêtaient le plus à la poésie, sans les unir autrement entre elles que par le lien léger d'une transition quelconque.

L'épisode d'Ariane en est la partie la plus estimée. Rien de plus touchant que les plaintes de cette princesse.

Siccïne me palriis aveclâin, perâde, ab ©rie, " Perfide, deserto liquisti in lfltore* Tbeseu ? Siceine discedens, negleeto niimiee Divum, Immemor ah! dc¥ota domam perjor» portas? Nullane res potuit eradelis lectere mentis Consilium I tïbi nulîa fait démenti* presto, Immite, ut nostrî velltft mïtescere pectui? Al non hsee qiiondam aoHs promissa dedisli Voce : mihi non hoc miser* sperare jubebas ; Sed connubia lsfta, ma optatos hymeoaeos ; Qu» cùncta aerii discerpuot irrita venlï. Jamjam nulla Yiro juranli foemina credatr... Certe ego te in medio versantem torbîne lelhi Eripui, et potius germanum amitlere cre?if

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416 POÉSIE LYRIQUE Quam tibi fallaci supremo in tempore deessem. Pro quo dïiaceraiîda feris daborf alitibosque Prœda, Beqoe injecta tomulabor mortua terra. Quœoam te geouit soîa sub rupe leœna ?

' Qoodmare conceptum spomantibus esspoit undis? Quœ syrtis, quœ Scylla vorax, quœ vasta Çfaarybdis, Talia qui reddis pro dulci prœmia vita?

Si tibi non cordi fuerant connubia nostra, Saeva quod horrebas prisci prœcepta pareptis» Âtlamen in ¥estras potuisti ducere sede§9

Quœ tibi jueondo famularer serva labore, Gandida permulcens lïquidis vestigia lymphisf

Porpureave tuum consternens Teste cubile.

Sed quid ego ignaris nequicquain conqueror auris Extenuata maloPquœ nullis sensibus auctae. Nec raissas audire queunt5 nec reddere voces. Ille autera prope jam mediis ?ersatur in undis, Nec quisquam apparet vacua mortalis in alga. Sic eiiïiis insultans estremo tempore sœia Fors etiam noslris invidit queslibus aures. Juppiter omnïpotensf otinam nec tempore primo Gnosïa Cecropiœ tetigissent littora puppes ; Indomito nec dira ferens stipendia tauro Perfidus in Cretam religasset na?ita funera ; Nec malus hic, celans dulci crudelia forma Gonsilia9 in noslris requiesset sedibus hospes ! Nam quo me referam ? quali spe perdita niior? Idomeniosoe petam montes? at gurgite lato, Discernens patriam trueulentum dividit œquor; An patris auxilium sperem, quemne ïpsa reliquiy. Respersum juvenem fraterna cœde secuta? Conjugis an fido consolet mens et amore,.

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Quine fugit lentos ineur?ans gnrgite remos ? f rselctrea nullo lRtus, sola insulaf tecto : Née patet egressus, pelagi cingentibus undk. If alla fugœ ratio f nulk spes : omnia muta, Omnia saut déserta : ostentant omnia lethum.

Non tamen ante mihilaogiiescentlomlDa nocte, Née prius a Tesso seceient eorpore seosus, Quam jostâïîî a Divis eiposcam prodita multam, Cœlestûmque fidem postrema compreeer îiora Quare faeta virûm multiples vindipe pœna, Eumenides, quihus anguineo redi&Ra capillo Frons exspirantis prseportat pectàrîs iras, Hue, hue adventale, meas audite querelas, Quas ego, vœ miser» 1 eitremis proferre medullis Cogor inops, ârdens, amenti c»ea forore. * Quse quoniam vere nascuntur pectore abimo, Vos nolite pati nostrum vanescere liictum : Sed quali solam Theseus me mente reliquït, Tali mentCî De», funestet seque, suosque!

Thésée, perfide Thésée, ainsi tu m'arrachais aux champ.* paternels pour ra'abandonner sur ce rivage désert! ainsi, outrageant les dieux par ta fuite, ingrat! tu portes dans ta patrie le parjure qui te condamne ! Quoi I rien n'a pu fléchir tes cruels desseins? Nulle pensée de clémence n'a touché ton coeur barbare? Telles n'étaient point jadis les promesses que je reçus de ta bouche. Tel n'était point' infortunée! l'avenir que tu offrais à mon espoir; mais une union tant désirée, mais un joyeux hymen. Et main­tenant les vents légers dispersent tes promesses menson­gères. Ah! que désormais une femme-ne se fie aux ser­ments d'un homme • Et pourtant, quand la mort t'enveloppait^ de ses tourbillons, je t'ai sauvé, et je me

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418 POÉSIE LYRIQUE suis résolue & sacrifier mon frère?, pi «loi que cte tetoian-quer, perfide 1 à l'heure suprême.. Four prix de ce, se­cours, je suis îitréô â la dent,des animaux saunages,, à la faim des vautours, et mon corps expiré ne recevra point le tribut d'un peu de poussière» Quelle lionne fa donné le jour sur un rocher désert? Quelle mer tfa COQçU et rejeté du sein de ses vagues écumaotes? Quelle Syrtef

quelle Seylk dévorante, quelle Charybde monstrueuse fa fait naître, toi qui paies de ce prix les îours qufou t9a sauvés ?

Si tu te refusais à cette alliance? tremblant sous les lois redoutées de ton vieux père, tu pouvais du moins me conduire dans ta demeure* Heureuse de mon joug, près de toi, j'aurais rempli les devoirs. d'une esclave, répandu Fonde pure sur tes pieds, ou déployé, sur ta couche tes riches tissus de pourpre.

Mais que fals-Ja? égarée par la douleur? je confie ma plainte inutile aux sourds aquilons, qui ne peuvent? insen­sibles, prêter l'oreille ou répondre à, mes gémissements. Lui, cependanty il vogue déjà près du milieu de sa course, et personne tfappartit spr l'a plage solitaire.

Ainsi le sort trop értieî, insultant i mmm heure der­nière, a refusé même d'entendre mes piâiaies. Puissant Jupiter, plût à tKeù que jamais lès fiefs athéniennes n'eussent touché les fliages de faosse I que Jaaaafef un nocher perfide, apportant àtt teu'Hëati fkrotichè Séii tribut sanglant? n'eût jeté l'énër*- sûr nos-bërdsl et que Jattiài» cet hôte cruel? voilant Sous tant de grâces ieb desseins Barbares, n'eût tépbàè ttàii* n#tr# démettre I

Que tenter dérthteftls ! Quel- espoir soutiendra mi mi­sère? Chercherai^* tin âsîlë sur les sommets dé'l'Ida? mais une mer sauvage me sépare de ma patrie par ses abîmes immense». Implorëral-je l'appui de pon père* de

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DES LATINS- 419 mon père que j-'aà abandonné p#f r suivre l'amant baigné du saog de mon frère? Me çopsolerai-je dans l'amour fidèle d9uo époux? Mais il. fuit accusant la lenteur de ses rames.

En ces lieux nulle demeure; ne rivage et une Ile dé­serte ; la mer «'eutironne de tontes patts. Nul moyen, imite espérance de fuir. Tout est muet, tout est désert, tout me menace de la mort Cependant mes yeux ne s'é­teindront point dans l'ombre du Irépns, et la vie ne fuira point de ce corps abattu, sans que je demande aux dieux le juste châtiment de l'ingrat qui me trahît, et que f im­plore Féquité des immortels à mon heure suprême.

Tous done 4mi popfmifet. d§ vos ivpplïeés vengeurs les crimes des humains, vous dont le, front couronné de serpents respire toutes Ina fureurs de. Fâme qu'il révèle9

Euroéaïdes,vene* J| moi,veïief 1 écouteiks,plaintes que la souffrance, hélas 1 arrache aux forces éteintes d'une infor­tunée, sans secours, désespérée, en proie aux transports d'un aveugle.délire. Cea flâtïites$ c'est un cœur ulcéré qui I99 exhale» Nç wffrtl pofaft cpfe fai vengeance échappe à ma douleur trompée ; tpaif fiie l'horreur où Thésée me condamne par son abandon, que ecitte horreur, ô déesses, il Féprouve et la porte aux siens'dans sa demeuré désolée !

Lfcs plus beaux Éiorôeauk de V'jfriàne.de Tfaomàs Corneille ( Acte III , Scène IV, et Acte V) sont imités du poèrae de Catulle.

Noos ne' parions- jias ici des autrefc poésies de Catulle;' elles sont nu nombre' de 'cent dix pièces, et comprennent cinq élégies et une cinquantaine d'épîgraroirôs. Mais il est diffi-

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420 POÉSIE LYirQUE .

cile d'assigner au reste un nom -spécial. Ce sont de petits poèmes en vers iambiques, pha-leuqoes, etc., qui nfont ni l'élan de l'ode, ni la sensibilité de l'élégie.

Le siècle d'Auguste vit encore naître un autre poète lyrique. Titius Septimius, dont il ne nous reste plus rien, paraît avoir heureuse­ment marché sur les traces de Pindare, comme le témoigne ce vers d'Horace : .

Piodacici fontis qui non axpallnit batistes.

HORACE (Quintus Horatius Flaccus) naquît à Vénuse, dans l'Apulie, l'an 63 avant J.-C. Son père, qui n'était qu'un simple affranchi, lui fit étudier à Rome les belles-lettres sous les maîtres les plus célèbres. De Rome, Horace se rendit à Athènes, ou il puisa le goût de la philosophie. C'est là que Brutes le rencontra et l'engagea à le suivre, après lavoir créé tribun des soldats. Un an après eut lieu la bataille de Philippesf où Ho­race jeta son bouclier, et prit la fuite. Dégoûté de la profession des armes, il revint à Rome, et la perte de ses biens, que les triumvirs avaient confisqués, le contraignit de se livrer à la poésie. Ses premiers essais le firent remarquer de Virgile et de Varïus, et ces deux poètes le

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recommandèrent à Mécène, qui le fit connaî­tre d'Auguste. Ce prince l'admit dans sa plus intime familiarité, lui fit rendre le patrimoine de son père, et le'combla de bienfaits, Horace, content de. son sort, s'abandonna à son goût pour les plaisirs, sans jamais se jeter dans la carrière de l'ambition. 11 refusa même l'emploi de secrétaire que lui offrait Auguste, et pré­féra toujours à de 'dangereuses ' dignités, son laborieux repos " sous les bosquets de Tibur, • Ami du calme et de la solitude, il. fuyait souvent de Rome à sa terre,- soit dans le pays des Sabins, soit à Tibur. Là, exempt de soucis et de gêne, badinant avec les Muses et les Grâces, il se livrait à une voluptueuse indo­lence.'Disciple éclairé* d'Epicure, il ne refusait à ses goûts rien de ce qui pouvait se concilier avec l'honneur et le désintéressement. Modeste et'paisible,'il ne lisait- ses vers qu'à quelques amis choisis, et fuyait le fracas des. applaudis­sements. Railleur plutôt que caustique; il riait des folies humaines, sans haïr les fous, et tour­nait assez souvent sur lui-même les traits de sa satire. On loue la candeur avec laquelle il rend justice à tous ses rivaux en poésie,, et sa vive amitié pour Mécène, Varius'et Virgile..

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422 POÉSIE. LTBIQUE •On a reproché. &v$g Aigreur à Horace son

inconstance dansées |i»n'çif^s.'poiirtif|ues, et on loi afait«Biîrt»eiIki^r«éMhrélmloiiâ®--ges-d'Auguste. Rienide-|iliisii^iistp':.-a|iiitdeJa paix, efin'emi:et uriotàne dos -discordes effiles, Horacerdevait.aimer ^agtwtç^et .popvaàt mftii .pas lui Vendre, -maïs liai doatieuhde jusbes'élogeftt Au.reste, .c©|feâKûMîte niêmq>de.«ântimeots tant reprochée mm ipopèl»* les ' lowangps d'Au<-goste mêlées i| cellos.de:Cato% 'la iglorre de l'antique çonstifeutiafi Dèmum.^âéhttfepaÉr le protégé del'ewipereuEj Èeiâdanà. Horace -res­pire la vérité*fobsëice^dfe toute ©ombinaisoit et-atteste sb^Httèrement.aoû.iepio^ie. floral» était -sons 1 jnflneifce de «oh .jaièdle, '*t • il - forait compris z. cette liberté topt'il. avait défendre, il voit <que le retour pWn crt-plusfiosiîl^-vqiie lès Humains, «ai» anoàr esfcé de .lki»èr t ne sofitplqs faite pour die, pwDeqrfilgii'biifc plus la force, -c'est-à-dire Ja vtifonttf de là ^défendre. Il avait -senti tqo'fl sest 'pour les 'peuples des temps d'affaissement 'mord; .qu'ils- se jettent alors, comme canine loi de knature,'dans les liras do repos, *et '-demandent pourtant qu'on charme1 ce repos 'ptfr de bemx rêves, parles souvenirs de l'héroïsme et de la vertu.

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« Horace est donc le poète4elome civilisée, de Rdtoe dépouillée-de sa forée et de sa pureté primitive.''Ses «harfts, par-"un «traetère de doueeftr, de îioMe-.jréftigttatiëfi,-dp-'grÔ€e et d'enjouement voluptueux, 'peignent parfaite­ment une :époqtse tni Home voyait -s'éloigner pour toujours ses temps: d'austérité, de 'gloire, mais de troubles, et'se consolider un ordre de choses qui promettait de payer-par Je calme et fàbëndanée• celte orageuse libellé dont elle était à jamais décime. Malgré les formes illu­soires de 4a 'république «MIS 'lesquelles se dé­guisait ie- pttuvoir absolu ifAugnste, il fallait renoncer ara-x cotisais, m tribuns de peuple* afix 'Cowiioes, • à la • placée ^ptfbKque, 'remplacer ces nctfkâ jouissances - par les plaisirs dômes* tiques, aferetifefiiï«>pi%'de*es^ilfe*ix pénates, vivre, goâler la- vie- avec- tous ses 4harmes-et sétcoHferfteri de souvenirs. Tel fut-Horace:-sa poésie est fefcpriês&tofi -léètede *aoo • caractère, de ses .mœurs* *et des 'besoins *de ta société au milieu de laquele il "vécut. - ** Grâce au génie 'de '.cet écrivain, la poésie lyrique chezles Latins se pfeça dès 'son début presque au niveau -descelle des Grecs, et ne fut surpassée que dim les Hébreux^ où l'on trouve

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424 POÉSIE LY1ÏQCE

les plus anciens et les plus beaux modèles ei^ce genre. Transportée .de l'Orient dans la Grèce, qui professait le culte delà beauté, elle fut bril­lante, pompeuse, eut la'majestueuse élégance de la sculpture, et s'associa aux fêtes publiques. Alcée la fit naître fière et armée; appelée par Tyrtée à la défense de la patrie, elle enfanta des héros ;. sur le luth d'Anacr-éon, elle ne chanta que le plaisir, et fut gracieuse comme un printemps de FAttique; consacrée par Pin-dare. aux: jpux- Olympiques, solennités dont l'influence morale.était - iûkiQeifse, elle rede­vint nationale, et eut. alors une sublime per­fection de formes. Admise par Eschyle dans la tragédie, elle y introduisit; SQJQ. caractère patriotique, qu'elle- conserva toujours. Elle déteignit avec l'indépendance (le.la Grèce, pour se réveiller chez les Rpnpains lorsque finissait la liberté de Rome. Ellç prit tous les tons sur la lyre d'Horace, fut tpup-à-toqr- sé­rieuse et enjouéef se consacra à , la sagesse et au plaisir, emprunta.ses sujets à Rome et à la Grèce, à la fable et à l'histoire, et eut pour but principal de plaire et de consoler..

ce C'est dans ses odes surtout qu'Horace est entièrement original comme écrivain^ comme

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versificateur. Catulle avait, il est-.vrai, avant loi, adapté à la langue latine la mesure des vers lyriques de la Grèce ; mais ce ; poète, dont les essais en ce genre ne forent ;paa,heureux, et dont Mégante pureté est-souvent dénuée de force. et d'harmonie, semble avoir • cédé la gloire de l'invention à l'écrivain vraiment créa­teur qui, loin-de montrer* aucune gêne, tous l$s entraves -d'un rhythme encore inconnu, paraît au .contraire-puiser dans les -difficultés mêmes de, ce. rhythme < des beautés] .neuves et' variées. " « Le langage doét Horace se sert semble lui

appartehir en prof>re$én\SOiimettaii£la poésie latine à la 'vivacité des -mètres grées, il .lui donna un nouvel aspect, lui imprima up nouvel essor. Quel, puissant -secours ne> prêtait point le .mouvement-pittoresque'de ma tiuHtfes gra^ eieux'aux penséeà! vives, du poète,, et aux ri-chesses de'cette .langue, qui, à-la fois féconde et concise, gracieuse et ferme, était ; si. digne d'une .nation chez laquelle la rudesse stoïquede Sparte se trouvait, réunie aux grâces'aimables d'Athènes (1)1 »

Cependant malgré les- beautés incontesta-

(f ) Léon Halevy, Préface de la traduction en vers d'Ho­race, 1824.

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426 POÉSIE' IY1IQUE bles-qutaa- admire- dans ses odes» :Horace ne nous parait'pa» miroir tmnpM^ cioifiiiifiPstid^re, k^-rrîèi?e-|«>|tiqiic,-c'sest quïl manque k Mm inspiHrtiwi mt- ptatiment profond 'de la dm» irfté. Hot»àce<é«aItpMtosopfa^ en/tor et fyhèqtttok* {livre 1, n ie M);'et k pM'tesopfek Me -se eonciîie pas Mëê les émo­tions fctte$ et lavehantes. fîoiwee u#$s"Te-pfésèfitfô ces poètes d\me(jgpij&qiie parvenue! dit fe^t'degré' de «farilisàtiMi, tepqtiek,- à force d'éttftfes^ ontArien «tinçn- ce ut est tileessatre à fe: poésie iwirc^^ * t ftïfciftfie, mais qui -«'put pu' t tw?«r d a i » t é ^ le seqrpt de ses ptritsaoïes'-Itisplwitiotis.fjeton do''poète ktfft *a pourtant-de la ii|ajèfCé$'«iafe -cette grandeur, si on le remsrcjoe bien, tient heau-eotip iilusl k hardiesse -'du tapgagc qw% 'lien-tràinëment 'des ânatHNis.- Horace p%st jamais Ëtit <rîen*; il tie remue'l^-'lftmie, i l ^apas de fces sentiments qui ^rennplisseiit l'homme lie piété; ioreifuVtn l'admire le- plus,, un est forcé de arrêter & VéMfgfcfpttfo «t proneftcée^ck son style, à la majesté hardie (de ses paroles. Nous trouvons donc en lui le poète ingénieux d'un siècle poli,.et non le ppète inspiré d'un siècle neuf et plein de Foi.

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BES LATINS. 427

Et • qu'on ne -nous oppose pas -quelques •odes sublimes,. et sqrtotit quelques passages brai­ment admâratiles êe ces '.odes ; nous y voyons encore le caractère de-talent -qui' petit jusqu'à un certain pointae.pasfi» 4e?-inspirations du cœur, cette espèce'de latent-q» v a ^défaut d'é­motions profondes, se nourrit d'images su­perbes et de pensées hardies. Rien n'est plus 'beau sans doute, que Fode fameuse adressée à Drusus, Quglem jmmsptim Jufamtif qtitem (liv. IV, 4), ou lepèètè latin»-voulu nwwrfiefr sur les traces de. -Pinfiare.; mais .p fau|'80fr|ger que cetfe beauté, peut-êtrp inimitable dan» notre langue, tient surtout à cette création d'images vives qui saisissent jet qui étQfinent la pensée, à cette rapidité de tours concis et énergiques qui eqtfa)nei|t l'£»£rit ••«$ ressem­blent le mieux-que possible^ l'ânspifiation. Et si quelquefois le poète romain a de véritables inspirations, il les trouve dans l'aspect des impiétés de sa jHrtriç, cjajis ces images de dé­solation qui s!aCtackent aux -temples ruinés et déserts. Elles Jaidoimênt une éloquence grave et solennelle; par là il 'supplée, en quelque sorte, à ce qu'il y a de naïf et de touchant dans la piété et la foi. Pincfare chante les Dieux;

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428 POÉSIE LYRIQUE

Horace déplore les crimes. La poésie, qui se nourrit de sentiments divers, peut aussi cher­cher des-émotions dans la haine des sacrilèges et des "profanations (HT. III, 6) :

Delkïâ majorant imnierîtusluesf

- Romane$ donec- templa refeéerls. JEiesq.iiô labentes. deorotn et

. Fœda nigro sijnulacra fumo.

Tu subiras, sans le mériter, le châtiment des crime» paternels, ô Romain 1' tant que tu n'auras pas relevé les sanctuaires, les temples qui s'écroulent, et les statues des'dieux que sotnUe une noire fumée- . .

Après ce grave début, it fait un effrayant ta­bleau de la dépravation des mœurs et des im­piétés du siècle, auxquelles il oppose lès mœurs, frugales et guerrières des temps antiques :

Non bis juientus ortar parentibus lafecll œquorsangaine Punico; .

Pyrrhumque et ingentem cecidit ' Antioctaim, Àonibalemque diruia;.

, Sed rusiicorum mascula militum Proies, Sabellis docta ligonibus

Versare glèb&s,'fct sever» • Malris âd arbitrium rmmm

t Poriare fusles, sol obi montium Mutaret timbras, el juga demeret

Bobus fatigatis, amicum -Tempus agens abeunte currw.

Ils n'étaient point nés de tels parents, ces jeunes Ro-

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"• DES LATINS. 429 mains qui rougirent les mers du sang carthaginois, qui domptèrent Pyrrhus, le grand Antiœhus et le terrible Annibal.

Mais c'était une mâle jeunesse, robustes enfants de sol­dais rustiques : habiles à remuer la terre avec le hoyeau saMnf et, dociles à la voix d'une mère rigide, ils rappor­taient le bois coupé dans les forêts quand le soleil, pro­longeant Fombre des montagnes, délivrait du joug les bœufs fatigués, et, fuyant sur son ebarf ramenait Fheure chérie du repos.

Pois 11 finit par une strophe que sa concision remarquable a rendue célèbre :

Damnosa quid non imminuit dies? JElas parentum, pejor avis, tulit

Nos nequiores, mox daturos Progeniem vitiosiorem.

Que n'altère point le temps destructeur?Plus méchants que nos aïeux, nos pères ont enfanté des fils plus coupa­bles, qui donneront le jour à «ne race plus dépravée encore.

Voyez les rapprochements curieux de Poin-sinet de Sivry. Voltaire, qui parodie ce pas­sage dans le Dictionnaire philosophique,* lutté avec plus de bonheur que Lamotte contre son énergique brièveté dans sa 14 e ode.'

Est-il encor des satiriques Qui, du présent toujours blessés, Dans leurs malins panégyriques, Eialtent les siècles passés ;

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4Ï# POÉSIE LTBIQUE Qçi» plui k^Mitaffqiie.rivto* IVun emywt fmx pwfuesf |iwr»p^ret, Dégénérant de leurs aïeux, El four» cpiitfti»p<mUift cp«fiabl€% Soi? i§ d'enfants plu* «ondaniitaMes» lfeiii§6é|: 4m ptaf. seveux î

race est toujours soleniidfë-et imposante» Les horreurs de la guerre lui offrent aussi des ins­pirations poétiques; niais ait tatilieà du sang 'et du carnage, il montre encore les temples pro­fanés: le souvenir- dm< gtierrei civiles-surtout le remplit d'effroi, et en. présence de eesgrands désordres, il s'écrie (Wv..I, 35) :

Mm l km I ckfttrieiw» «I mmlmk pwdét FfntrwMpe. Quid nmàmw^weh^mu&

Mmsf quid Intacta» nrfasll Liquimus? Undè manum juventus

Metw #ornoi. cQotiauM? Quttw Pepçrcitaris?

Hélas 1 npw rougiSSQWS 4e.'B0£ cicatrices^ de nos cri­mes, de nos frères immolé» I Âge exécrable 1 devant

quel forfait avons-nous reculé? Quel crime nous redte-t-il à commettre? De quel objet sacré la cràinle dès dieux a-t-elle détourné le hxm 4s. nos gp^rrl^rs? Qfei autel ont-ils épargné?

Ces images jetées dans la poésie lyrique, sont

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DIS U L i m 431 d'un admirable effet et donnent de la ¥ie anx. ~ tableaux.

La plus belle sans, contredit de toutes les odes d'Horace est Y Apothéose de Romulusf

(liv.'III, 3): JtffttiBi et tance» proposai ? if tu» Non. civiifta arior pfava ju.bMtHtor;

Mon ¥ allai iostanlis tyrami , Mente qualit solda; nefo# Ànster,

Bux inqnieU faribUfat ttadriœ, Née JfalmlMatlb'iiitypiâ Jetis manus :

Si bmMm ffiabatiir orbi* I iBp^ini i ferlent rainas.

Llwtinne justef Fbommé inlexible dans ses principes, est itM€' à k voix séditieuse- if tin peuplé égtriy qui eon-•dlele crime. En vain im'tyran le menace de son regard farouche; en vain fàuster soûlèrè contre lui les flots de l'Adriatique ; la main poissante-de Jupiter s'arme en vain de son tonnerre....; QoeTihtivers srécrbtile autour de lui ; ses débris le frapperont sans Fêbranlër.

Ce tableau de Finébianl^ble fermeté du juste forme l'introduction- la plus naturelle au sujet principal de cette ode. 11 'agissait de dé­tourner Auguste du dessein on il paraissait-être de transporter à Troie k wégede l'empire. Si ce dessein est juste, 1 doitêtre exécuté ; est-il quelque danger qtii puisse arrêter un héros ? C'est ainsi que Pollux et l'intrépide

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432' POÉSIE LYRIQUE

'Hercule ont mérité l'honneur de briller aux demeures célestes; c'est ainsi que le grand Ro-mulus triompha de FAchéron. Mais ce vaillant fils de Mars ne fut admis parmi les Immortels qu'à la condition immuable que Rome ne relè­verait jamais les murs de Troie; et cette con­dition, c'est Juoon? l'implacable Junon qui l'impose. Alors le poète prête à Fépouse de Jupiter cette magnifique prosopopée dans la­quelle Faîtière déesse jure d'exterminer au moment ou elle pardonne,

liioa, Ilion Faillis îoeesitisque jodex

El millier peregriea vertit - In pulverem, ex qoo, destitait Deos

Mercede paetâ Laomedoe9 milii Caslieque daninattim Minervaef

Ciim populo et ciuce fraudaient©. Jam sec Laeœnœ splendet adultéra? Famosos hospes, née Briami domus

Perjura pugnaces 'Achiyos Hectoreis opibos refringit :

Nostrisque deetum seditionibus Bellum resedit. Protinùs et graves

Iras, et inyisum nepotemf

Troïea quem peperit sacerdes, Marti redooabo. Il la ai ego lucidas In ire sedes? ducere aectaris

SoceoSj et adscribi quielîs

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DES LATINS. * 438 Ordinibas pâtiar Deoram.

Dèiïi longos inter sœviat Ilion, Romamqoe postas ; qualibet exules

le parle regnanto beati : M m Priami Parldisque buslo

Insultet àrmentum, ei catolds feras Cèlent inalte ; stét Capîtolium

Fulgéns, triumpliatisque possit Roma ferox dare jura Médis.

Horrenda latè nomén in oltimas Exsténdat oras; quà médius liquor

Secérnit Europen ab Afro, Qui tûmidùs rïgàt arvâ Niios ;

Aarum irrëpértum, et sic meliùs situ m Qùiiin terra celàt^ spëraére forlior,

Qolm cogère horilaiios in asus?

Omné sacrum irapiente dextrâ. Qùicttmqiie iMubdî terminus bbsiitit, Huhc tàngat armîs, liseré gestïens

Qùâ parte debaccheâtor ignés,. Qoâ nèbulœ plùviiqnè rores.

Sëd belSicësïs fataj Quirftibùs Hâc lege dièof ne t nimïèm pli, -

Rèbusqoë fidèhtes, avite Tecta veîinf ireparâre Trôjœ.

Trojœ rënascens alite làgubri Fortiina tfîs'ti clade iterabitur..

fitïcéhte vlctrïcë's caiervas ébnjuge me Jo?is et sorore/

Ter si resurgat mures aheneatf Àuctore Phœbo, ter pereat meïs

Excisns Argif ïs ; ter oxor Capta virum puerosque' ploret.

28'

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4M POÉSIE LYRIQUE Ilion ! Ilion ! un infâme adultère, né pour le malheur

de son pays, et les attraits d'une perfide étrangère, t'ont réduite en cendres 1 Du moment où Laomédon osa frus­trer les dieux du salaire convenu, Troie, son peuple et son roi» forent dévoués à ma vengeance, 'et à celle de la chaste Minerve. — Il n'étale plus sa pompe et sa mollesse, F h ôle trop fameux de l'adultère lacédémonienne ; et la race parjure de Priam n'a plus d'Hector à opposer aux Grecs victorieux. Elle est terminée enfin, cette guerre trop prolongée par nos fatales dissensions.

C'en est assez : je consens à sacrifier mon trop juste res­sentiment, en faveur du dieu Mars; à.lui pardonner ce fils, qu'une mère troyenne m'avait rendu si odieux. Que le brillant Olympe s'ouvre donc devant lui, j'y consens : qu'il vienne y boire le nectar, y prendre son rang parmi nous, pourvu qu'un long espace de mer mugisse entre Ilion et Rome ; que ses enfants portent leur exil et trou­vent le bonheur partout ailleurs, pourvu que les trou» peaux bondissent sur les tombeaux de Priam et de Paris, et que la lionne y cache impunément ses petits ; que le Ca pi tôle brille d'un éternel éclat, et que Eome donne des lois au Mède vaincu ; que la terreur de son nom fran­chisse les mers qui séparent l'Europe de l'Afrique, el par­vienne jusque dans les contrées que le Nil arrose et féconde de ses eaux. Qu'elle mette surtout plus de cou­rage à dédaigner cet or que recèle la terre, et qui devait y rester à jamais enseveli, que d'industrie à l'asservir .à des usages profanes et sacrilèges. Que ses armes victo­rieuses étendent ses conquêtes jusqu'aux bornes du monde, et son empire, des lieux qu'embrasent les feux du.ciel, jusqu'à ceux que désole un hiver éternel. -

Mais je ne présage ces glorieuses destinées aux braves enfants de Romulus qu'à une condition : que jamais une

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DES LATINS. . 435 piété mal entendue, et trop de confiance dans leurs for­ées, ne les porte à relever les murs proscrits de leur ville natale, Relevée sous de funestes auspices, Troie éprouve­rait bientôt un pareil destin : c'est moi qui dirigerais contre elle mes phalanges victorieuses, moi, F épouse et la sœur de Jupiter 1 En vain Apollon lui-même ta cein­drait trois fois d'un mur d'airain : trois fois mes Grecs le renverseraient; et trois fois les veuves troyennes pleu­reraient leurs époux et leurs fils ravis à leur tendresse....

Avec quel orgueil le poète célèbre dans cette-prédiction les. conquêtes et la gloire de sa pa­trie ! Avec quelle adresse il fortifie de toute l'autorité' attachée aux paroles de la déesser

une leçon donnée, en passant, -sur la modéra­tion, si méconnue au siècle de Crassus ! Avec quelle prudence, pour ne pas dévoiler l'em­blème délicat sous lequel il cache des conseils adressés, une seule fois dans sa vie, à l'empe­reur, il impose silence à sa Muse, dès que Ju-non a cessé de parler*

Non hœc joeosœ eopveoiunt lyrœ r Quo9 Musa, tendis? Deslae pervicax

Referre sermones Deorum9 et Magna modis tenuare parvis..

Mais où sfégare ton vol? Muse téméraire? de pareils-sujets 'conviennent-ils à une lyre badine ? Cesse de pro­faner, en essayant de les rapporter, les entretiens des dieux* et d'attenter à leur majesté par la faiblesse de tes accords.

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436 ' POÉSIE LYRIQUE

Cette ode est pour la, sagessç. du despei», un modèle peut-être unique ; mak.ce qu'elle a. de prodigieux, c'est qu'à mesure que le poète ap­proche de son but,, il, semble s'en écarter^ et qu'il a rempli soof objet lpçsqp'o» Le.croit topt-à-fait égaré.

Le Poème séculaire dfîHorace, 'Carmen se-cigare, destiné à être chanté dans les jeux qui se célébraient tous les cent ans, est une prière aux dieux' pour la conservation-de l'empire. Ces jeux, furent d'abord institués pour apai­ser les divinités infernales, lorsque Rome était menacée ou frappée de quelque^ calamité pu­blique. Bans la "suite leur-intention' primitive fut modifiée': on demanda aux-Immortels non seulement de préserver lç peuple des- malheurs qu'il redoutait, mais encore de- lui accorder toutes sortes-*de biens, 'Les divinités célestes furent associées aux puissances du Styx ; le Soleil et la Lune, Apollon: -et Dtane^ dispen­sateurs de l'abondance et àe la salubrité, pri­rent dans ces solennités brillantes la première place, qu'avaient jadis occupée Proserpine, et Piéton. La voix des hérauts annonçait.dans toutes les provinces le retour des jeux séculai­res. Des médailles attestent les lustrations et

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DES LATINS. ' ' 437

les autres usages sacrés qui les précédaient Ils duraient trois jours, Unhyjnneppi^ipalement coesaeré'à Phébusetà sa sœur, était exécuté, le troisième jour,, par cinquante-qpatre; jeunes clioristes^.dans Le temple d'Apollon, bâti sur le mont Palatin,:

Le, poème LyriquetdontnQus narç qequptns», fut composé par l'ordjre d?Augu$te,.,pouv cette dernière paptk de la. fête centenaire, que le prince fit célébrer l'an, de Rome 736> C'était la cinquième foi&que. les. Romain^-assjst^ent à ce spectacle religieux. etnaiaQnalf,diansJequ|el des,. oracles.aneiens i et révérés avtaknt place-, la, condition de. leurs, triomphes.et de leur sou-, verainetésur. les .peuples..

On voit.maintenant combien.d'obligations étaient imposées à Horace,, devepu-l'interptète des-vœux- de • ses. concitoyens. Son %mne devait s'adresser surtout à Apollon çtà Diane. IJccommence, ©t finit1 p*r-ces,deux divinités. Mais lesautr.es Dieux, ne. son? pas oubliés*. Le poète.tropye. aussi.le-mo.yen.de semer. cà,et là. le* louanges d'Auguste9 e t d'appeler, la. faveur de l'Olympe.sur les. lois.conservatrices;pro­mulguées -.par. un; monarque qui.s'était, vit .un* instant, menacé de ne-régner que sur des tom-

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43S " POÉSIE LYRIQUE

beaux. 11 demande enfin aux enfants de Latone les bienfaits qui étaient l'objet principal de rétablissement des jeux, la salubrité de l'air, l'a fertilité de la terre, et l'accroissement du peu­ple romain. Tons ces lieux communs auxquels il était plus ou moins assujetti, tous les détails arides ou il était obligé d'entrer, n'ont point embarrassé sa marche ; et, malgré tant de dïf- • ficultésà surmonter, le poème séculaire est un hymne onctueux et touchant, où la simplicité monotone des formules religieuses est rele¥ée par la noblesse et l'élégance de la poésie. Mais le sublime et l'inspiration lyrique ne s'y font pas sentir. Il n'y a ni ce mouvement, ni* cet en­thousiasme qui doit remuer les peuples, lors­qu'ils parlent à Dieu et qu'ils chantent sa gloire..

Dirons-nous en terminant, qu'Horace pos­sède au suprême degré Fart d'intéresser son-lecteur, qu'il sait ennoblir les objets les plus-insignifiants ; que ses. descriptions, que ses images, que ses comparaisons sont courtes, mais vives, animées, palpitantes ; que son lan­gage est pur, élégant, plein d'urbanité; que sa versification n'est pas moins harmonieuse dans le, rhythme lyrique que celle de Virgile est parfaite dans le mètre héroïqne : c'est ce que

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DES LATINS. " 439

tout le monde sait et répète. Horace est trop connu sous ce rapport pour exiger des redi­tes. Sa gloire littéraire est grande; mais k palme lyrique ne doit être accordée qu'au gé­nie chaste et pieuxf qui chante sous l'inspira­tion de son âme et de la vertu.

Après Horace, la littérature latine est veuve de poètes lyriques. Ce genre de poésie ne pou­vait s'allier avec l'universelle corruption du monde romain.

FIN.

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TABLE.

f Notice sur les jeux Néméens, * . Néméenne I. A Chromius Etnéen , 4 s

IL A Timodème athénien. . . ' . . . . 13 III. A Aristoclide d'Egine \i IV. A Timasarque d'Egine 29 V, Au jeune Pythéas d'Egine. . . . , . - . 41

VI. Au jeune Alcimidas d'Egine . . . . . . . 49 VIL Au jeune Sagène d'Egine 69'

VIII. A Dinîas, ils de Mégaft * I l IX. A Chromius d'Etna , . . 19 X. A Thïée, ils .d'Ulias 89

XL A Aristagoras, ; ils d'Arcésilas 103 Notes des Néméennes . , . . - '. 109 Traduction latine, mot à mot. . . , 17t Etudes sur la poésie lyrique des anciens * * . . . . 193 Poésie lyrique des Hébreux , . . 204 Poésie lyrique des Grecs 320 Poésie lyrique des Latins. . ' . . . , ftif

FIN DE LA TABLE.