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Notes du mont Royal Cette œuvre est hébergée sur « No- tes du mont Royal » dans le cadre d’un exposé gratuit sur la littérature. SOURCE DES IMAGES Google Livres www.notesdumontroyal.com

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Notes du mont Royal

Cette œuvre est hébergée sur « No­tes du mont Royal » dans le cadre d’un

exposé gratuit sur la littérature.SOURCE DES IMAGES

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POÉSIES HOMÉRIQUEÎS

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ODYSSÉE

ET

POÉSIES HOMÉBIQUES

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PAR". -TVPOGIMPIIIB DE FIICIIN IHIDOT FRÈRES. RUE nom, 56.

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ODYSSÉE

POÉSIES HOMÉBIQUES

PAR DUGAS MONT BELhll-IIBRE DE L’ACADÉIIH DIS INSCRIPTIONS

ET BELLES- LETTRES

TROISIÈME ÉDITION

PARIS,LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES,

IIPBIIEURS DE L’INSTITUT,

un acon. 56.1856.

Le! [lu-nil! du lmduelion M de reproduction sont renflés.

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r. mon

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’L’ODYSSÉE.

CHÀNT PREMIER.

ASSEMBLÉE DES DIEUX. - EXHORTATIONDE MINERVE A TÉLÉMAQUE.

4

Muse, redispmoi les malheurs de cet homme fertile en strata-gèmes qui longtemps erra sur la terre après avoir détruit les,remparts sacrés d’llion, qui visita les villes, et connut l’espritd’un grand nombre d’hommes; qui sur mer souffrit dans sonâme bien des douleurs pour obtenir son propresalut et le retour deses compagnons; mais il ne put les sauver, malgré ses efforts: ilspérirent par leurs propres attentats. Les insensés! ils mangèrentles troupeaux du Soleil, et ce dieu les priva du jour du retour.Déesse, fille de Jupiter, dis-nous une partie de ces aventures.

Déjà tous les guerriers échappés aux horreurs du carnageétaient rentrés dans leurs foyers, après avoir évité les périls de

la mer et des combats. Un seul, désireux du retour et de sonépouse, fut retenu par l’auguste nymphe Calypso, qui, dans sesgrottes profondes, désirait qu’il devînt son époux. Mais lorsque

dans le cours des années arriva le temps marqué par les dieuxpour son retour dans lthaque, ’où ce héros , quoiqu’au milieu

de ses amis, devait rencontrer dlinévitables dangers, tous lesimmortels prirent pitié de lui, hors Neptune; il resta toujourscourroucé contre le divin Ulysse, jusqu’à ce que ce héros parvint

dans sa patrie. --Cependant Neptune s’était rendu chez les Éthiopiens, habi-

tant des terres lointaines, les Éthiopiens qui, placés auxbornesdu monde, sont séparés en deux ruions, rune tournée au cou-chant, l’autre au lever du soleil, ou, parmi les hécatombes detaureaux et de jeunes brebis, Neptune assistait avec joie a leurs

couvasse. - l

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2 L’ODYSSÊE.festins; les autres divinités, étant rassemblées dans le palais deJupiter, roi de l’Olympe, le père des dieux et des hommes, le

, premier de tous, fait entendre sa voix; alors il rappelait dans sapensée -Égisthe, que venait d’immoler le fils d’Agamemnon, l’il-

lustre 0res’œ; en se ressouvenant de ce prince, il adresse cesparoles aux immortels :

a Hélas! les hommes accusent sans cesse les dieux; ils disentque c’est de nous que viennent les maux, et pourtant clest parleurs propres attentats que, malgré le destin, ils souffrent tantde douleurs. Ainsi maintenant Égisthe slest uni, malgré le des-tin, a l’épouse d’Atride, et même il a tué ce héros qui revenait

d’llion, quoique Égisthe sût l’affreuse mort dont il périrait; puis-

que nous-mèmes, pour la lui prédire, avons envoyé Mercureluidonner avis de ne point immoler Agamemnon, et de ne points’unir a la femme de ce héros; car 0reste devait en tirer ven-geance, lorsque ayant atteint la jeunesse il désirerait rentrer dansson héritage. Ainsi parla Mercure; mais ces sages conseils nepersuadèrent point rame dIÉgisthe z il expie aujourd’hui tous

ses crimes accumulés. » ’La divine Minerve répond aussitôt : .a Fils de Saturne, mon père, le plus puissant des dieux, oui,

sans doute, cet homme a péri d’une mort justement méritée.

Périsse ainsi tout autre mortel coupable de tels forfaits! Maismon cœur est dévoré de chagrins en pensant au valeureuxUlysse, à cet infortuné, qui depuis longtemps, loin de ses amis ,souffre diaméres douleurs dans une île lointaine, située au milieude la mer; c’est dans cette île, couverte de forêts, qu’habite une

déesse, la fille du prudent Atlas, qui connaît tous les abîmes de

la mer, et qui soutient les hautes colonnes appuis de la terreet des cieux. Oui, sa fille retient ce héros malheureux et gémis-sant, elle le flatte sans cesse par de douces et de trompeuses pa-roles, pour lui faire oublier lthaquç; mais Ulysse, dont l’uniquedésir est de revoir la fumée s’élever de la terre natale,"voudrait

mourir. Quoi! votre cœur ne se laissera-HI point fléchir, roi del’Olympe? quoi donc! Ulysse près des vaisseaux argiens , etdans les vastœ champs d’llion, a-t-il jamais négligé vos sacrifices 2’

Pourquoi donc êtes-vous maintenant si fort irrité contre lui,

grand Jupiter? n ’

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C Il A N T I . - 3a Ma fille, s’écrie le dieu qui rassemble les nuages, quelle pa-

role s’est échappée de vos lèvres? Comment pourrais-je oublier

jamais le divin Ulysse, qui surpasse tous les hommes par sa pru-dence, et qui toujours offrit les plus pompeux sacrifices auximmortels habitants de l’Olympe? Mais le puissant Neptune esttoujours courroucé a cause du Cyclope qu’Ulysse a privé de la

vue, le divin Polyphéme, qui, par sa force immense, surpassetous les Cyclopæ. Ce fut la nymphe Thoosa, la fille de Phorcys,prince de la mer, qui, s’étant unie à Neptune dans ses grottesprofondes, donna le jour a Polyphéme. Depuis lors Neptune n’apas fait périr Ulysse, mais il le laisse errer loin de la patrie. Noustous ici présents, consultons-nous donc sur ce retour, et sur lesmoyens de l’accomplir : Neptune calmera sa colère; car, malgrénous, il ne pourra s’opposer seul a la volonté de tous lesimo

mortels. n I a.« Mon père, le plus puissant des immortels, lui répond Mi.

nerve, s’ilest agréable aux dieux fortunés que le prudent Ulysseretourne en sa maison, envoyons le messager Mercure dans l’îled’Ogygie, pour déclarer aussth à la belle nymphe que notreimmuable résolution sur le retour du valeureux Ulysse est qu’ilrevienne dans sa. patrie. Moi, je me rendrai dans lthaque pourencourager son fils, et je mettrai la force dans son sein, pourqu’il convoque l’assemblée des Grecs, et qu’il interdise sa maison

a tous les prétendants , eux qui sans relâche égorgent ses nom-breux troupeaux de bœufs et de brebis. Ensuite je veux l’en-voyer à Sparte, et dans la sablonneuse Pylos, pour qu’il s’in-forme, par quelque ouï-dire, du retour de son père, et qu’ilobtienne une bannerenemmée parmi les hommes. n

Ayant ainsi. parlé, la déesse attachea ses pieœ de superbes etd’immortels brodequins d’or, qui la portent sur les ondes et sur

la terre immense aussi vite que le souffle des vents, Puis ellesaisit la longue lance dont la pointe est acérée, arme forte, ter-rible, etprompteja renverser les bataillons des héros contre quis’irrite la tille d’un dieu puisant. Elle part en s’élançaut dessommets e l’Olympe, et s’arrête au milieu du peuple d’1thaquu,

devant le vestibule d’Ulysse, sur le seuil de la cour; la déesse.sous les traits de l’étranger Mentés, roi des Taphiens, tient en samain la lance étincelante. Elle trouve d’abord les audacieux pré.-

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A L’ODYSiSÉE.tendants; ils s’amusaient à jouer aux des devant les portes,couchés sur-des peaux de bœufs qu’eux-mêmes avaient égorgés:

’ des hérauts, des serviteurs diligents s’empressaient les uns demêler le vin et l’eau dans les urnes, les autres, avec des épongesaux pores nombreux, lavaient les tables, les plaçaient devant lesprétendants, et divisaient les viandes en morceaux.

Le beau Télémaque est le premier qui voit la déesse : assisparmi les prétendants, son cœur est consumé de chagrins, son-geant dans son esprit que si son valeureux père revenait, ilmettrait en fuite, dans Ses demeures, la foule des prétendants,

’ ressaisirait ses honneurs, et gouvernerait à, son gré ses riches

V

domaines. Telles étaient les pensées de Télémaque au milieu des

prétendants, lorsqu’il aperçoit Minerve. Il va droit au portique,et s’indigne au fond de l’âme qu’un étranger soit resté si long;

temps a la porte; il s’approche de la déesse, lui prend la maindroite, reçoit, la lance d’airain, et lui dit aussitôt ces paroles :

a Salut, étranger, vous serez. accueilli par nous; puis quandvous aurez pris quelque nourriture, vous direz ce qu’il vous

faut. » LEn parlant. ainsi, le héros s’avance le premier, et Minerve lesuit. Lorsqu’ils sont entrés dans le palais, Télémaque po’se la

lance contre une haute colonne, et place cette arme dans le meu-ble brillant où se trouvaient rangées les nombreuses lances duvaillant Ulysse; il conduit la déesse vers un trône qu’il recouvred’un beau tissu de lin orné de riches broderies ;’ au-dessous était

une escabelle pour’reposer ses pieds. Lui-même se plaœ prèsd’elle sur un siégé élégant, loin des prétendants, craignant que

son hôte, importuné par le bruit, ne soit-troublé dans son repas,en se mêlant à ces audacieux; et d’ailleurs iltvoulait questionnerl’étranger sur le retour d’Ulysse. Alors une servante, portantune belle aiguière d’or,’verse l’eau qu’elle contient dans un bas-

sin d’argent , pour qu’ils lavent leurs mains; puis elle place de-vant eux,une table polie. L’intendante du palais y d’mose lepain et des mets nombreux, en y joignant ceux qui sent en ré-

’ serve; un autre serviteur apporte des plats chargés de toutesespèces de viandes, et leur présente des coupes d’or; un hérau

s’empresse de verser le vin. "Bientôt les fiers amants de Pénélope entrent dans la salle du

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CHANT I. . srepas, et s’asseyant enlierai-e sur des trônes et sardes sièges;des hérauts répandent 12516 sur les mains des convives, les 1er-vantes préaptentlc pain dans des corbeilles, des jeunes gensremplissent les coupes de vin, et les dûment à tous les con-

A x-ivls en faisant les libations. lis étendent alors les mains vers lesmets qulon leur a servis et préparés. Quand les prètehnts 01apaisé la faim et la soif, ils ne songent plus qu’à se livrer auxdoux plaisirs du chant et de la danse; ce sont les ornements d’unfestin. Un héraut remet une lyre magnifique entre les mains dePhémius, qui ne chante que par force au milieu des prétendants;bientôt par ses accords il prélude à des chants mélodieux. Ence moment Télémaque adresse la parole à Minerve, et se penchevers la tète de la déesse, pour que les assistants ne puissent pas

l’entandre : , v I« Cher étranger, dit-il , ne serez-vous point offensé de mes

discours? Oui , tel est tunique soin de ces hommes, la lyre, lechant; et cela leur œt facile, eux qui dévorent impunément unhéritage étranger, llhéritage d’un héros dont peut-être mainte-

nant les ossements blanchis, gisant sur la terre, pourrissent à lapluie, ou peut-être sont roulés par les vagues au fond de la mer.Siîls le voyaientirevenir dans Ithaque , comme tous aimeraient

t mieux i e rapides à la course que chargés d’or et de vêtements!Mais maintenant Ulysse a péri d’une mort déplorable; pour nous

il n’est plus diaspoir, quand même un voyageur nous diraitqu’Ulysse doit bientôt revenir z le jour du retour est à jamperdu. Cependant, dites-moi ce que je vous demande, parlez-moifranchement : qui donc êtes-vous? de quelle nation? quelle estvotre ville? quels sont vos parents? isur que] navire gâtes-vousarrivéîcomment les matelots vous ont-ils conduit dans Ithaque?queIie est leur patrie? car ce n’est pas à pied, je crois, que vousavez pu venir en ces lieux. Dites-moi les choses avec vérité, pourque je-les sache bien. Venez-vous ici pour la première fois? onbien êtes-vous un hôte paternel? car de nombreux étrangerssont venus dans nos demeures, et mon père était bienveillantpour les hommes. n

« Oui, lui répondit Minerve , je vous raconterai tout avec dè-tail. Je mlhonore d’être Montes, le fils du sage Anchialus, et je .règne sur les Taphiens, qui se plaisent à manier la rame. Mainte-

a.

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p

a L’ 0 n v s s E u.nant, j’arrive. ici sur un de mes vaisseaux avec mes compagnons,et, sillonnant la vaste mer, je vais àüanfisc , chez des peuplesétrangers, chercher deil’airain et porter du fer étincelant. mlaissé mon navire à quelque distance de la ville, dans le port deRhéithron, au pied du mont Néius, ombragé de forêts. Ïsnm glotüons depuis longtemps d’être les uns aux autres sbotes de famille, et vous l’apprendrez si, pour l’interroger, vousallez auprés’du vieux Lacets z on dit qu’il ne vient plus a laville, mais qu’a l’écart, accablé de maux, il vit aux champs avec

une vieille servanteuni lui présente la nourriture et le breuvage,lorsque, les membres brisés de fatigue, il a parcouru péniblementses vignes fécondes. Aujourd’hui j’aborde en cette ’île, parce

qu’on me disait que votre père était au milieu de son peuple;mais sans dôute les dieux l’égarent encore dans sa route. Non,Ulysse n’a point encore disparu de la terre, il est retenu plein devie sur la vaste mer, dans uneile huitaine; peut-être des hommescruels l’ont fait captif, des sauvages l’arrêtent malgré ses désirs.

Toutefois, je vous prédirai ce que les dieux ont placé dans monâme , et je crois que ces choses s’accompliront, quoique je ne soispas un devin, ni même un savant augure ; Ulysse ne sera paslongtemps loin de sa patrie.’Lors même qu’il aurait des liens de r

fer, il trouvera le moyen de revenir, car il est Yertilenenr strata- .génies. Mais vous aussi, parlez avec simérité; dites-mùi si vraii’

ment vous êtes le fils d’Ulysse : certes, par votre tète et vos beaux .yeux, vous ressemblez parfaitement à ce héros; Tel que je suis ,pnous nous sommes souvent trouvés ensemble avant qu’il s’em-

barquàt pour llion, où sur leurs navires voguèrent les plus illus-tres des Argiens. Depuis lors Ulysse et moi nous ne nous sommes,

point vus. u v » . , 4« Étranger, je vous répondrai sans détour, reprend Téléma-que; ma mère m’a dit que j’étais le fils d’Ulysse : pour moi, je ne

le sais pas , car nul ne connaît que] est son père. Ah! plgt auxdieux que j’eusse été le fils d’un homme fortune que la vieilIOSsc

atteint au milieu de ses richesses; mais maintenant le héros qui,dit-on, m’a donné le jour est le plus malheureux des mortels.Voilà ce que vous m’avez demandé.) i ’

La déesse Minerve lui répond en ces termes -.

«Non, les dieux n’ont point voulu que votre race parvint’0

à

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CHANT l. 7sans nom à la postérité , puisque , tel que vous voila , Fénelon:vous adonné le jour. Mais dites-moi, parlez avec vérité, quelest ce festin? quelle est cette foule? que! besoin en avez-vous ?.Est-ce une fête , une noce? car ce n’est point un de ces’repas ou

cha apporte un tribut. Ces audacieux me paraissent mangerdans vos demeures pour vous insulter; tout homme sage venanten ces lieux s’indignerait en voyant ces nombreux outrages. n

(c Étranger, lui répond le prudent Télémaque, puisque vous

miintei’rogez, et que vous vous enquérez sur ces choses, appre-nez que cette ’maison devait être opulente et considérée , tantque le maître aurait vécu parmi ses peuples; mais les dieux,méditant de’druels desseins, en décidèrent autrement, et firentqu’Ulysse fut le plus ignoré des hommes. Aussi je pleurerais

oins sa perte sÏil fût mort avec ses compagnons parmi le peupledes Troyens, ou dans les bras de ses amis, aprèsfiavoir terminela guae. Tous les Grecsaurajent élevé sans doute une tomb.-à ce héros, et c’eût été pour son fils une grande gloire dans l’a-venir. mais aujourd’htfi les Harpyes l’ont enlevé honteusement;

il est mort ignoré,.sans honneur, ne me laissant que la douleuret les larmes: Ce nlest pas sur lui seul que je pleure, et les dieuxm’ont aussi préparé de cruelles douleurs. Tous les princes quirègnent sur les îles voisines, Dulichium, Samé, la verte Za-cynthe, ceux même qui se sont emparés du pouvoir dans l’aprclthaque, désirent épouser ma mère, et ravagent ma maison. Pè-nélope , sans refuser absolument ce funeste mariage, ne peut se.rèsclfllre à l’accomplir;mux cependant me ruinent en dévorant,mon héritage; bientôt ils me perdront moi-même. n

a Grands dieux! siécrie Minerve indignée , combien vousmanque Ulysse absent, lui qui de sa main frapperait. les auda-cieux prétendants. si, venant à cette heure, il s’arrêtait sous les

portiques de sa demeure, avec. son casque, son bouclier,.et (leurjavelots, tel q ’i gîtait quand pour la première fois je le visbuvant et se réjouissant dans notre maison, alors qu’il arrivaitdlÉphyre d’algues llus, fils de’Merméris. Ulysse, sur un léger

navire, était allé chez ce prince lui demander un poison mortel ,pour imprégner ses flèches, d’airain. lins le ,requa, craignantd’offenser les dieux immortels; mais mon père lui donna ce quîldésirait, tant il chérissait ce héros. Tel qu’Ulysc était alors, que

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9

8 L’O D Y S S É E .ne se mêle-tril aux*prétendants! Pour eux tous, quelle mortprompte! quelles noces amères! Mais il est incertain , et ceschoses repOsent sur les genoux des dieux, si ce héros doit revenir

ou non par se venger dans son palais. Vous cependant je vousengage a voir,comment vouschasserez les prétendants de tedemeure. Prêtez-moi donc une oreille attentive , et recuei lezavec soin mes paroles : Demain réunissez dans l’assemblée les

plus illustres des Grecs; portez à tous la parole, en prenant lesdieux à témoin; puis ordonnez au prétendants de retourner dansleurs domaines. Pour votre mère, si son désir estgde se marier ,

qu’elle se rende auprès de son père,homme puissant; ses pa-rents conclurontison mariage, et lui fierontde nombreux pré«sents de noces, dignes diune fille aussi chérie. Je veux vous donnerencore un sage conseil, laissez-vous persuader. Équipez upvaisseau de vingt rameurs, que ce soit le meilleur, et partez pourvous informer de votre père absent depuis longues annæ,’soitque quelque mortel vous en instruise,.soit que vous entendiez-une voix envoyée par Jupiter ,r voix qu? surtout apporte auxhommes une grande renommée. D’abord allez à Pylos, et vousinterrogerez l’illustre Nestor; puis à Sparte , auprèsædu blondMénélas; c’est lui qui de tous les Grecs est arrivé le dernier. Sivous apprenez qu’Ulysse respire encore , et qu’il doive revenir,vous l’attendrez, malgré vos peines , durant une année entière;si vous apprenez au contraire qu’il a péri,*s*il nlexiste plus, vous ireviendrez dans votre patrie, vous éleverez une tombe en son

V honneur, vous célébrerez , comme il coûjent, de pompeuses fuinérailles, et vous donnerez un époux à’votre mère. Quand vous

aurez accompli ces devoirs,vsongez au fond de votre âme commentdans votre palaisgvous immolerez les prétendants , soit par me.

. soit a force ouverte. il ne faut plus vous livrer à de puérils Jeux,puisque vous n’êtes plus un enfant. N’avez-vous pas apprisquelle gloire parmi tous les hommes s*est sa] i Oreste en im-

Îmolant l’infâme et parricide Égisthe, qui tua Ti tistre père de ce

hères? Mon ami, je vous vois grand et beau , me fort aussi ,pour qu’on parle bien de vous dans les siècles futurs. Moi ce-pendant je retourno vers mon navire, près de mes compagnons ,

i qui sans doute s’impatientent en m’attendant. Pour vous, songez

a ce que je vous ai dit, et mettez à profit mes conseils. a

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CRAN! 1. I 9- « Étranger, reprend aussitôt le piudent Télémaque, dans

votre sagesse vous m’avez-adressé des paroles argiles , comme un

père à son fils , et je ne les oublierai jamais. Ce daht demeu-rez e’ncore,;uoique désireux de partir, afin de rendre un bainet de réjoui votre cœur; puis vous emporterez sur vo navireun présent (gisons comblera de joie , présent honorab a et ma-gnifique , qu ra pour vous un gage de mon souvenir 5 car telssont les dans que des hôtes chéris offrentà leurs hôtes. fi

a Ne me retenez pas plus longtemps , répond iaædéesse, je suis

impatient de continuer ma route. Quant empressent que votrecœur vous engage à m*offrir., vous me le donnerezlqlnnd je re-v rai, pour que je remporte dans ma demeure , eLj’aœepte-rai ce don précieux (vous en obtiendrez un en retour qui sera

digne de vous. a, ’ ne ’En achevant ces mots, Minerve s’échappe , et si vole commeun oiseau qui se perd dans la.nue-; elle remplit. erfSeçe et decourage le cœur du héros, et lui rappelle son père plus encorequ’auparavant : alors Télémaque , réfléchissant dans sa pensée,

est saisi de crainte, car-il a faconnu que c’était un dieu. Sou-dain le noble héros retourne auprès des amants de sa mère.

Au’milieu d’eux chantait un illustre chaman, et tous tus lesilence étaient assis en l’écoutant; il redisait le retour des Grecs,retour funeste , que loin d’Ilion leur avait imposé la déesse

Pallas, l . V aCepen t, retirée dans un appartement supérieurq la pru-dente’Pe e ope, fillevd’Icare , recueille en son âme ces chants di-vins; aussitot elle descend l’escalier élevé du palais ;-elle n’est

point seule», deux servantes l’accompagnent. Quand la plis ne?hle des feu; est arrivée auprès des prétendants , elle sin-etcsur le se e la portecaolide, ayant un léger voile qui couvreson visage; les deux suivantes se tiénnent à ses cotés. Alors ,leâveux baignés de larmes, elle parle en ces mots au chfie

d’ivm.’ 4 I Î A i« Phémius; vous connaissez beaucoup dlautres’ récits, doux,charrues l hymne, les travaux des dieux et desjéros quecé-lèbrent 135 nteurs; ainsi donc, venez chanter anomie cesactions mémorables, tandis que les prétendants boivenî le vin.

en silence; mais cessez ce triste. chant , qui toujours dag mon

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in - . L’ODYSSÉE.. sein brise mon cœur de regrets, car C’est moi surtout qujop-’

presse une douleur inconsolable. Oui je regrette une tète sichère, ,50th sans cesse a ce héros dont la gloire a retentidans toute la Grèce , et jusqu’au milieu-d’Argosr n r

« Ma mère , reprend aussitôt Télémaque , pourfloi refuser ace chantre aimable de nous charmer comme son esprit l’inspire?ce ne sait point les chanteurs qui sont cause de nos maux, maisJupiter, qui distribue ses dons aux ingénieux mortelscomme il-lui plaît. Il ne faut donc point reprocher à Phémius de chanterla triste destinée des Grecs : la chanson qu’admirent davantageles hommes , c’est celle qui toujours est la plus nouvelle aux au-diteurs. Il faut accoutumer votre âme à les entendre; UlySSe,dans la ville de Troie, n’ai pas seul perdu le jour du retour, biend’autres héros ont péri comme lui. Retournez donc à ’votre de-

meure, reprenez vos travaux aécoutumés, la toile et le fuseau , .puis commandez a vos femmes ide hâter-leur ouvrage; le soin’dc

la parole appartient a tous les hommes, et. surtout a moi, carc’est a moi que la puissance est donnée dans ce palais. a ’

Alors , frappée d’admiration , Pénélope retourne à sa demeur i;

(elle garde en son cœur les sages’paroles de son fils; puis étantremontée aux appartements supérieurs avec les femmes qui lasorvent, elle pleure Ulysse, son époux; jusqu’à ce que Minerverépande un doux sommeil sur ses paupières.

Cependant les prétendants remplissaient de tumulte le palaisombragé; tons désiraient partager la couche de la reine. AlorsTélémaque S’avaiicc , et leur adrcho ces paroles : ’

a Prétcndants de ma mère , hommes remplis d’audace , réjouis-

sons-nous en prenant le repas, et que le tumulte cesse; il est bondécanter un tel chanteur, qui pansa voix est égal aux dieux.Demain des l’aurore nous nous réunirons tous dans l’asscmÂblée, pour que je vous déclare ouvertement l’ordre d’abandon--

nemce palais; songez à d’autres festins , consumez vos richesses,

en vous traitant tour à tour dans vos propres maisons; Maiss’il voussemble meilleur et plus profitable de dévorer impuné-ment l’héritage d’un seul homme, continuez; moi, j’implorerai

les dieux immortels, afin que Jupiter vous rétribuësclon vosœuvres; puisiez-vous alors périr sans vengeance dans ces

démettes!) * v

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a

9 . CHANT I. ’ h ilTous, à. ces mots, compriment leurs lèvres de dépit, et s’é-

tonnent que Télémaque ose parler avec tantld’assuranre. Alorsle fils d’Eupithée , Antinoüs , s’écrie , et lui dit : I ’

« Sans doute , Télémaque [on sont les dieux qui t’inspirent de

nous traiter avec tant dè hauteur et de nous parler avec tantd’assurance. Ah! puisse le fils de Saturne m jamais t’établir roidans-l’île d’lthaque; ce qui pourtant par ta naissanceestl ton

droit paternel. n ’ ,Le sage ïélémaque lui répond à l’instant :

- a Antinoüs, t’indigieras-tu de ce. que je vais telline? Sansdoute , Jupiter me raccordant, j’accepterais volontiers d’être

roi. Penses-tu que parmi les hommes ce soit un don si funeste?Non”: ce n’est point un malheur de régner; aussitôt les demeures

d’un roi se remplissent de richesses, et luiemème est combled’honneurs. Cependant il est un grand nembre de princes dansIthaque , des jeunes gens et des vieillards; l’un-d’eux peut obte-nir la puissance , puisqùe Ulysse n’existe plus; maisdu moins jeserai le roi de mon palais, et des Serviteurs que le divin Ulysse

a conquis pour moi. n i 1Eurymaque, fils de Polybe, reprend à son tour, et lui dit :« Télémaque, ces ichoseslreposent sur les genoux des dieux:

nous ignorons que] est celui des Grecs qui régnera dans l’île d’l-

maque; pour toi, pessède tes richesses , etrègne sur tes palais.Il n’est aucun homme qui, par violence et malgré toi, veuilleravir tes biens, tant que dans lthaquc il restera des habitants.Mais, ami, je veux te questionner sur l’étranger : d’où vient

cet ho me? de que] pays s’honore-t-il de tirer origine? quelssont s parents, sa patrie? Est-il venu t’annoncer le retourde ton père, ou bien arrive-t-il en ces lieux pour réclamerune dette? Gomme il s’est échappé subitement, sans attendrequ’on l’ait reconnu! Cependant il n’a pas la mine d’un misé-

rable. n i pa Hélas [Eurymaque , répond le fils d’Ulysse, on ne peut pluscompter sur le retour de mon père: si quelqu’un venait m’enapporter la nouvelle", je n’jj croirais pas , et je n’attache mêmeplus aucune valeur aux prophéties que recherche ma mère, lors-qu’elle appelle le devin dans notre palais. Cet homme, mon hôtepaternel, est de-ITaphos; il ’s’honore’d’étr’e Montes, le fils du

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12 L’ODYSSËE. .sage Anchialds, et règne sur les Taphiens, qui se plaisent àmanier la rame; »

Ainsi parla Télémaque, et pourtant dans sapensée il avaitreconnu la déesse. Les prétendants continuèrent à goûter lesdélices du chant et de la danse; ils restèrent jusqu’à ce que vintle soir. La nuit mûre arlïve , qù’ils’étaient encore a se réjouir.

Alors Chenu d’eux retourne dans sa demeuré pour se livrer ausommeil. Télémaque se retire aussi dans le vaste appartementqui lui tut construit dans la belle enceinte de la cour, en un lieud’où l’on pouvait tout découvrir; et c’est la qu’il va chercher le

repos, roulant dans sa pensée une foule dei’desseins. A côté deTélémaque, Euryclée portait des flambeaux éclatants, la sageEuryclée , fille d’Ops, issu lui-mémé de Pisénor, elle que [inerte

acheta jadis de ses propres richesses, et quoiqu’elle. fût encore Idans sa première jeunessefil donna vingt taureaux pour l’ob-tenir; il l’honora dans son palais comme une chaste épouse, et Ajamais ne partagea sa, couche; il redoutait la colère de la reine?

- En ce moment elle porte des flambeaux éclatants auprès de Té-lémaque; de toutes les servantes c’est elle" qui l’aimait le plus ,

parce qu’elle l’avait élevé quand il était encore enfant. Elle ou-

vre les portes de la chambre solidement construite; Télémaques’assied sur le, lit, et quitte sa molle tunique; il la remet auxmains de cette femnîe prudente. Çelle-ci plie» avec soin’ le vête-

ment, le suspend à la cheville près du lit, et se hâte de artirde la chambre; elle retire la porte par l’anneau d’argent, puiselle abaisse le levier en tirant la courroie..Là durant la nuit

entière Télémaque, recouvert de la fine toison des brebis, ré-fléchit en lui-même au’ voyage que lui conseilla Minervef’ïa

. .

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CHANT 11.. u4

.1 CHANr n. L.. ’ .’ . - l. ,ASSEMBLÉE DES lTHAClENS. En), A A

DÉPART DE TÉLÉMAQUE. N». «A

Dès que brille la fille du matin, l’Aurore aux doigts de rose, lenoble fils d’Ulysse abandonne sa couche , et revêt ses habits; il ,

, suspend à ses épaules un glaive acéré,l puis attache à ses pieds de

riches brodequins; alors il s’éloigne de sa chambre , et paraîtsemblable aux dieux. Bientôt après il commande aux hérauts, àla voix sonore, de convoquer pour l’assemblée les Grecs, auxlongs cheveux; les hérauts appellent, les citoyens , qui se ras-semblent promptement. Quand ils sont arrivés, et que tous sontréunis; Iélémaque se rend aussi dans l’assemblée, en tenant une

lance d’airain ;: des chiens vigilants suivent ses pas-,autour delui Minerve répand une grâce divine. Tout le peuple contempleavec admiration le jeune héros qui s’avance; il se plaœ sur lesiège de son père, et’les vieillards se rangent devant lui. D’abordau milieu d’eux le héros Égyptius parla le premier; il était.courbé par la vieillesse,’et savait beaucoup de choses. L’un de ses

fils monta sur un large navire pour accompagner le divin Ulysseauxwrivages d’Ilion, le vaillant Antiphus; c’est lui que le cruelCyclope égorgea dans son antre profond, et dont il fit son dernierrepas. Egyptiusavait encore trois enfants; l’un d’eux, Eurynome,se mêlait à la troupe des prétendants, et les deux autres culti-vaient assidûment les champs paternels. L’infortuné vieillard nepouvait Oublier son fils absent, et, les yeux baignés de larmes , il

parle ainsi dans l’assemblée : . ... -a Écoutez-moi maintenant: peuple d’l’thaque, écoutez ce que

je vais dire. Ni notre assemblée ni le conseil n’ont eu lieu depuisqu’Ulysse s’est embarqué sur ses larges navires. Qui donc nousa rassemblés aujourd’hui? Quelle importante affaire est-il sur-venu, soit à l’un de nos jeunes gens , soit à ceux qui sont plusavancés en a é ? uel u’un aurait»il revu la nouvelle du retour

S q .’ - 2

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14 L’OD’YSSÉE.de l’armée , et veut-ilnous faire connaître ce qu’il a su le pre-

mier? ou veut-il nous instruire et parler dans l’assemblée" dequelque autre intérêt publie? c’est; je pense, un homme de bien,je lui suis favorable; puisse. Jupiter aeœmplir heureusement cequ’il a conçu danssa pensée! a -

ll dit; le fils d’Ulysse seréjouit de ce présage, et ne reste pasplus longtemps assis, impatient de haranguer. -ll s’avance aumilieu de l’assemblée, et, prenant le sceptre que lui remet le.hé-

raut Pisénor, fertile en sages conseils, il répond au vieillard en ’

ces mots: . .a Vieillard , il n’est pas loin cet homme (vous lereconnaîtrezaussth vous-même) qui rassemble aujourd’hui le peuple. c’est

moi surtout qu’appræse la douleur. Je n’ai po’mt reçu la nou-velle du retour de l’armée; je vous en informerai,’si je l’apprends

le premier; je ne veux pas non plus vqus instruire ni parler dansl’assemblée de quelque autre intérêt public; mais il s’agit de ma

propre détresse, car un double malheur est tombé sur ma mai-son : d’abord j’ai perdu le valeureux Ulysse, qui jadis régnait sur

vous comme un père plein de douceur; mais maintenant j’é-prouve-un plus grand désastre, qui bientôt détruira tous mesdomaines, et consumera mon héritage tout entier. Les préten-dants , fils des hemmes qui sont ici les plus puissants, sollicitent

.ma mère ,’ qui ne veut pas y consentir ; ils. refusent même de serendre dansla maison de son père Icare, afin qu’il donne unedota sa fille, et l’accorde a celui qu’elle désire et qui lui plaît da-

vantage. Eux cependant passent leurs journées entières dans nosdemeures; ils égorgent mes bœufs, mes brebis, les chèvres lesplus grasses, s’abandonnent a la joie des festins , et boivent levin impunément; mes nombreuses richesses sont leur proie, car iln’est point ici de héros qui, tel qu’Ulysse, puisse écarter la ruine

de ma maison. Tel que je suis , je ne puis me défendre; un jourje leur serai terrible, quoique je "ne, sois pas instruit à la guerre : ,comme je les repousserais si j’en avais la force! De tels excès ne

k peuvent plus se tolérer, etma maison périt sans honneur. Ci- Itoyens d’lthaque, manifestez votre indignation , redoutez les ro-proches des peuples voisins qui nous entourent; craignez un re-tour de la colère des dieux , irrités de ces crimes. J’implm-erai

..lupiter, j’implorerai Thémis , qui réunit et disperse les assem-

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cumul]. 0 l5blées des hommes-Réprim cela, mes amis, et laissez-moi moli-vrer seul à ma douleur prÜf , de. Si jamais mon père , le valeu4reux Ulysse, malveillant pour les Grecs, les accabla de maux,malveillants a. votre tour, vengezàvous , rendez-moi tous cesmauk , en excitant ces audacieux. Certœ, il me serait préférablequflous-mémes mangeassiez mes provisions et mes troupeaux ,car alors le jour viendrait bientôt ou je serais dédommagé ; sans

«toute la ville jegous adresserais mes prières, et volisais ’mes richesses, jusqu’à ce que vélie me les &ssiez

ues. Mais aujourd’hui vous accablez mon âme de dou-

. 3 i nul dédommagement. » , »i Ainsiparlé Télémaque irrité; puis il jette son sceptre à terre

en répandant des larmes; tout le peuple est ému de compassion.Les prétendants gardent tous le silence. aucun dieux n’ose luirépondre par de dures paroles. Le seul Antinoüs se lève, et lui

réplique encesmo’œ: . I i. V A la Télémaque , harangueur téméraire , jeune audacieux , pour-

quoi tenir un ldiscoursen nous outrageant? Tu veux doncnous couvrir blâme. Toutefois, les prétendants ne sont pas lacause de tes maux; c’est ta mére’, elle qui sonnait toutes lesruses. Déjà trois années sont passées, la quatrième va s’accom-

plir, depuis qu’elle cherche à tromper Pesprit des Grecs. Elle flattenotre espoir , et a- fait des promesses à chacun de nous, en en-voyant des messages; mais son esprit conçoit d’autres desseins.Voici le nouveau stratagème qu’elle a conçu dans sa penséei as-SSse dans ses demeures, elle ourdit une grande toile ; tissu délicat,’et d’une grandeur immense; puis elle nous a dit : ,Jeunes gensqui prétendez à ma main,.-pu.isque Ulysse a péri. différez monmariage, malgré vos désirs, jusqu’à ce que j’aie terminé ce voile *

funèbre, que je destine au; héros Laerte (puissent mes travauxn’être pas entièrement perdus! ) , lorsqu’il subira les dures lois

de la mort; de peur que quelque femme parmi le peuple desGrecs ne s’indigne contre moi s’il-reposaitisans linceul, celui qui

I posséda de si grandes richesses. Ainsi- parlait Pénélope; nos âmes-

généreusesse laissèrent persuader. cependant, durant le’ jour .

ü baillait a cette grande toile, mais la nuit, à la NewÈ elle, détruisait son ouvrage. Ainsi, pendant trois an-

nées, elle cacha par ruse et persuada les Grecs; mais quand

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in A lL’ODYSSÉE.les heures dans leur cours amenèrent lia quatrième année. unefemme bien instruite. nous avertit, et nous trouvâmes Pénélopedéfaisant cette belle. toile. Al’ors , quoiqu’elle ne voulût pas, elle

l’acbeva par force. Maintenant, Télémaque, voici ce queles préten-dants te déclarent; afin que tu le saches bienîau fond de ton aine,

l et que tous les Grecs le sachent aussi. Renvoieta mère, ordonne-lui d’épouser celui que désignera son père ,. ou celui qui lui

plaira. Mais si longtemps encore elle. fatigue les filsd -en savant les conseils que lui donnaaMinerve, quidans les beaux ouvrages, les penséesprudentes et lescomme jamais’ndus ne l’avons ouï direà nos ancêtres d ilArgiennes qui vécurent autrefois, Alcmène, Tyro, l’élégante My-

cène , car aucune d’elles ne conçut des pensées semblables acelles de Pénélope; si, dis-je; elle persiste dans un tel dessein ,elle ne conçoit pas une sage pensée , caries prétendants dévore».

ront ton héritage, et consumeront tes richesses tant que Péné-lope conservera la pensée que lesldieux ont mise en son âme.Peut-être en obtiendra-telle une grande gloire, mais elle te feraregretter la perte de tes biens; et nous ne retournerons point à lnos champs, ni ailleurs, qu’elle n’ait épousé celui des Grecs

qu’elle voudra. n a . v -Le prudent Télémaque répondit aussitôt:

a Antinoüs , non, jamais contre son désir je n’éloignerai de ce

palais celle qui me donna le jour et qui me nourrit; mon père apéri dans une terre étrangère, ou bien il vit encore; il me seraitpénible de donner un grand. dédommagement à son père Icare, si .c’est moi qui veux renvoyer ma mère. Je serais aussi pmi parmon père; un dieu même ajouterait d’autres châtiments, parceque Pénélope invoquerait les Furies vengeresses en quittant, cette ,

demeure; l’indignation des hommes pèserait sur moi. Non, ja-mais je ne prononcerai cette parole. Si votre âme s’en indigné ,

eh bien, sortez de mon palais, songez à d’autres festins, consu-mez vos richesses , en vous traitant tour a tour dans vos pr0presmaisons. Mais s’il vous semble meilleuret plus profitable de dé-

. . vorer impunément l’héritage d’un seul homme , continuez; moi,

j’imlorerai les dieux immortels, afin que Jupiter vous- selon vos œuvres, et que vous périssiez sans vengeance’u sein e

ces demeures. a . ’ " .

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calmir Il. . J 17Ainsi parla-Télémaque. Aussitofle puissant Jupiter, en fa-veuride ce héros, fait voler dans. aigles du sommet floréals la .

montagne. Tous deux pendant quelque temps volentfavec lesouffle des vents a «se Rua de l’autre-en étendant les ailes; m.lorsqu’ils sont arrivés tau-demis de l’illustre assemblée, ils vo-

lent en cercle en gîtant lem ailes épaisses , et promenant leursregards sur la té des prétendants, ils leur prédisaient la mort;enfin , avec leurs ongles, s’étant déchiré les flancs et le est, ces

oiseauxs’envolent à droite,nen traversant les demeures et laville des Itliaciens. Tous les assistants admirent les aigles, qu’ilsont vus (fileurs propres yeux; alors ils méditent en leur. me surce qui doit s’accomplir. En ce moment s’avance le fils de Mastor,le me: Halitherse; il remporte sur tous ceux de son âge dans

l’art de - connaître les augures et de prédire l’avenir; plein de

bienveillance. pour les Grecs, il adresse ce discours a l’assemblée:

s Citoyens dïlthaque, écoutez maintenant ce que je vais vousdire; c’est surtout aux prétendantsiqu’en prédisant ici j’adresse

ces paroles. Un grand malheur les menace, car Ulysse ne serapas longtemps éloigné de ses amis; mais déjà près de ces lie ilfait naître pour tous ces prétendants la mort et le carnagélfætmême il arrivera malheure plusieurs autres, qui demeurent danslthaque. Avant ce temps, voyons comment noûs réprimerons cesinsensés. Ah! qu’eux-mêmes cessent leurs crimes; c’est le parti

qui pour eux est le plus sage. Je ne suis point un devin sans ex-périence, mais un savant augure. J’affirme que’tout s’est ac-

compli pour le roi comme je le lui prédis jadis , lorsque les Grecss’embarquèrent pour mon, et qu’avec eux partit le prudentUlysse: j’annonçai qu’il souffrirait bien des maux, qu’il perdrait

tous ses compagnons, et qu’inconnu dotons, à la vingtième* année, il reviendrait dans ses foyers. C’est maintenant que tout

va’ s’aécomplir. n I V -a Vieillard, lui répond Eurymaque, fils de Polybe, retourne

en ta maison annoncer l’avenir à tes enfants, de peur que plustard ils n’éprouvent quelque malheur; bien mieux que toi, j’ex-pliquerài ces présages. Un grandnombre d’oiseaux volent dansles airs a la clarté du soleil, mais tous ne sont pas des augures.Certainement Ulysse a péri loin de sa patrie. Plut aux dieux.que tu fusses mort avec lui! tu ne viendrais pas ainsi faire de

i 2e s .

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le « L’OD’YSSEE. kthalles pétunions ni ranimerancore le courroux de Télémaque,

désirant pour ta famille le présent qu’il voudra bien te donner.Mais je le déclare, et cela s’accomplira :,si tu continues, ins-tfit en vieilles ruses, à vouloir irriter ce jeune prince par tes jparoles, sa destinée d’abord n’én.sera que plus funeste; il nepourra jamais, aidé de tes prédictions , accomplir ses desseins;puis à toi-même, a vieillard, nous infligerons un châtimentque tu subiras en gémissant dans ton âme : la douteur t’ensera terrible. Voici donc ce que je conseille a Télémaque :avant tout qu’il ordonne à sa mère de retourner dans la maison

paternelle; la ses parents concluront son mariage,.feront de.nombreuxepréseuts de noce dignes d’une fille aussi chérie. Je ne

crois pas gué. jusque alors les Grecs cessant une poursuitepbs-tinée; aucun d’eux ne redoute personne, pas même Télémaque , I

bien qu’il soit un habile discoureur. Nous n’avons, ô vieillard ,

nul souci de tes prédictions que tu nous annonces en vain,ctnous t’en haïssons davantage. oui; les possessionsd’Ulysse se-ront indignement’ravagées, rien ne sera dans l’ordre , tant quePénélope fatiguera les Grecs en différant sonmariage ; pour nous,raflant sans, cesse dans l’attente , nous lutterons à cause de. sa

vertu, et même nous ne rechercherons point. les autres femmesvqu’ilscrait avantaæux alchacnn de nous de prendre pour épouses. »

Alors le prudent Télémaque fait entendre ces paroles :a Eurymaque , et vous tous qui prétendez à l’hymen de ma

mère, je ne vous supplierai pas davantage, et ne parlerai plusdans l’assemblée : les dieux et tous les Grecs connaissent suffi-

samment ces choses; mais accordez-moi du moins un navire etvingt rameurs qui me conduiront de tous côtés suries mers. Jeveux aller à. Sparte, et dans la sablonneuse Pylos, m’informer -du retour de mon père, absent depuis tant d’années, soit quequelque mortel m’en instruise, soit que j’entende une voix en;voyée par Jupiter, voix qui surtout apporte auxhommes unegrande renommée. Si j’apprends qu’Ulysse’respirc encore, qu’il

doive revenir, je l’attendrai, malgré mes peines, durant une an-née entière; si j’apprends au contraire qu’il a péri, s’il n’existe

plus, je reviendrai dans ma patrie pour élever une tombe en son. honneur, célébrer comme il convient de pompeuscslunéraillcs ,

et donner un époux a ma mère. a

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CHANT Il. a 19»Aprés avoir ainsi parlé, Télémaque va reprendre sa plaça,Alors, au milieu des Grecs, selève Mentor, compagnon du va-leureux Ulysse; quand ce héros monta dans son navire, il luiconfia le soin de sa maison , le chargea d’obéir au vieux Laerte ,

et de surveillertous Ses biens. Mentor, bienveillant pour lesGrecs, fait entendre ce discours dans l’assemblée :

a Citoyens d’lthaque, écoutez maintenant ce que. je .vais dire.

Ah! que aucun des rois honorés du sceptre ne soit plusni juste ni clément, qu’il ne conçoive plus en son âme de noblespensées, mais qu’il soit toujours cruel et n’accomplissc que-des ac-

tiens impies. Ainsi nul ne se ressouvient d’Ulysse. nul parmi sespeuples, qu’il gouverna comme un père pleinde’douceur. Je n’ac-cuse point lestiers prétendants de commettre ces actes de violenceméchamment ourdis dans En: âme; ils risquent leur propre vieen dévorant avec audace la maison d’Ulysse, qu’ils disent ne de;

voir plus revenir. Maintenant c’est centre le peuple que je suisindigné : comme tous restent assis en silence! Vous ne com-

’ primez pas même par vos discours cette faible troupe de préten-

dants, quoique vous soyez plus nombreux. n . .Soudain Léocrite, fils d’Événor, seléve, etluirépond en ces mots :

a attenter, homme téméraire, faible insensé , qu’oses-tu direpour exciter le peuple à nous réprimer? Certes, il serait difficile,

même à des hommes nombreux, de nous combattre au milieu desfestins. Si même, revenant en ces lieux, Ulysse, le roi d’ltharque, désirait chasser de cette demeure les prétendants valeu-

reux pendant qu’ils prennent leurs repas dans son palais, sonépouse ne se réjouirait pas de ce retour, quoiqu’eile le désireavec ardeur; mais ici même il recevrait une honteuse mort, s’ilvoulait attaquer un aussi grand nombre d’ennemis : va, tuparles sans raison. Cependant’,’peuples, séparez-vous, et que

chacun retombe asse travaux; llalitherse et Mentor s’occu pe-ront du départ’de Télémaque, eu’x les anciens compagnons de.

son père. Toutefois, je le pense, il restera longtemps encore;c’est dans lthaque qu’il apprendra des nouvelles, et jamais iln’entrepréndra ce. voyage. a - .

Il dit, et rompt aussth l’assemblée. Les assistants se sépa-rent,,et chacun rentre dans sa demeure; les prétendants retour-

rient au palaisdu divin Ulysse. - -

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20 g L’ODYSSEE.Télémaque alors s’éloigne , et, ’Se rendant sur le rivage de la

mer, après avoir lavé ses mains dans l’onde blanchissante, iladresse cetteprière à Minerve: v V .

« Exaucez-i’noi , déesse, qui parûtes hier dans nos demeures ,

en m’ordonnant de franchir les mers sur un navire; pour m’in-former du retour de mon père, absent depuis tant d’années; lesGrecs apportent des délais a toutes ces choses, mais surtout lesprétendants, dont l’audace coupable n’a plus de frein. n

Ainsi priait Télémaque. Minerve s’approche du héros, en

prenant la voix et les traits de Mentor; alors elle lui dit ces pa-

roles rapides :. - , ’a Télémaque, vous ne manquerez plus à l’avenir de prudence

ni de valeur. Si vous avez le male courage de votre père, quia toujoursaccomplit ses actes et ses promesses ,I ce voyage ne sera

ni vain ni sans effet. Mais si vous n’êtes point le digne fils de ce

héros et de Pénélope, je ne pense pasque vous terminiez ce quevous avez résolu. Peu d’enfants ressemblentà leurs péræ; pour

la plupart ils sont pires, et rarement meilleurs que leurs an-cêtres. Cependant, comme a l’avenir vous ne manquerez ni deprudence ni de valeur, si la sagesse d’Ulysse ne vous a pointabandonné , mon espoir est que vous accomplirez vos travaux.Ainsi donc méprisez aujourd’hui les résolutions etgles projetschs

prétendants insensés, qui mont ni raison ni justice; ils igne-rent la mort qui les menace de près et la funeste destinée qui1es perdra tous le même jour. Le voyage que vous avez résolune sera pas longtemps différé. Moi-même, l’ancien ami de votre

père , je préparerai le navire, et je vous accompagnerai dans ceI voyage. Mais vous, retournez au palais ,- mêlez-vous a la foule

des prétendants; préparez les provisions dela’route, renfermez-

les dans des vases, le vin dans des urnes, et la fleur de farine.’ la moellepde l’homme, dans des outres épaisses; je réuniraipar.

la ville des compagnons de bonne volonté Plusieurs navires sontdans la ville d’Ithaque, des neufs et des vieux; j’examineraicêlui de tous qui me paraîtra le» meilleur, et des que nous l’au-rons équipé , nous le lancerons sur la vaste mer. »

Ainsi parla Minerve , la tille de Jupiter. Télémaque ne s’arrête

pas longtemps après avoir entendu la voix de la déesse, et se rendau alais le cœur consumé de chagrins; illy trouve les fiers

, p i , . .’ . 9

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CRAN-T Il. 21prétendants: enlevant la peau des chèvres et rôtissant des porcsdans repeinte des cours. lintinoüs s’approchant de Télémqucen in, lui prend la’niain , le nomme , et lui dit ces mots :

a Télémaque, orateur sublime, héros valeureux ,*ne forme. rplus dans. ton sein aucun a’utre projePfuneste, soit en action ,soit en parole, mais mangeons et buvons ensembleibm en?»paravant. Les Grecs acherom de préparer pour toi tout j qu’ilte faut, un navire et d’habiles rameurs, afin que’tu te rendespromptement dans la divine Pylos, ou tu. pourras entÆÈdre par-

- 1er de ton illustre père. n - w ’a Antinoüs’, répond aussitôt le sagekTélémaque , il ne me con-

; vient plus de manger, malgré moi, avec vous, hommes auda-cieux, rfl de me livrer tranquillement à la joie. N’est-ce pas z

que jusqu’à ce jourvous ayez dévoré mais nombreusæ riclÆ: ,

. tant que je n’étais encore qu’un enfant? Mais à présent que je

suis homme, que je me’suis instruit en écoutant d’autres con-seils , et que mon courage s’est fortifié dans mon sein , je tenteraitout pour attirer sur vous une affreuse destinée, soit que je merende a Pylos, soit que je reste en ces lieux au milieu du peuple.Mais je partirai plutôt (le voyage que j’annonce ne sera pas vain)sur un vaisseau de passage, car je ne possède ni navire ni ra--meurs; c’estlà du moinsce qui vous parait être le plus profitable. n

1l dit, et,i;etire aussitôt sa main de la main d’Antinoüs; lesprétendantsébntinuent à préparer le repas dans. le palais. Cepen-dant ils outrageaient. Télémaque par de mordantes paroles; l’un

de ces jeunes audacieux disait avec ironie : i ’ jli de; pas , Iélémaque médite notre mort; il émanera

quelqnfi de la sablonneuse Pylos Ou de Sparte; c’estV le plus, R de ses vœux. Peut-être ventril tr aussi dûsÉphirefl’ ’ e æntrée , pour en rapportâmes ns mortels ,

et les jetan dansnos coupes , nous livrer tous au trépas. pa Qui’sait, disaitun autre de ces jeunes insolents, s’il ne pé-

riræpas avec son navire; loin de ses amis , après avoir erré lon-teüips comme Ulysse? rs pour: nous que] surcroît de. peines!

Il nous fauer diviser ses fichasses , sa mère dans gce avec (époux qu’elle aura choisi. n ’ I i 3’

’ C’est ainsi qu’ils parlaient. Cependant Télémaque descend dans I

le haut et vaste cellier de son père, où, reposaient l’or et l’airain

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22 A L’OpYSSÉE. .amoncelés, des habits dans des coffres , et de l’huile parfumée

on la furent placés des tonneaux d’un vin vieuxet Mutable, contenant un breuvage pur et divin, et rangésen ordre-Ale long’de la muraille : c’était pour Ulysse, si jamaîs il

revenait dans sa maison,,-après avoiraéprouvé de nombreux mal-heurs. A l’entrée étaient de grandes portes à deux battants étroi-

tement unis; une intendante du palais veillait nuit et jour danscette flâneuse , et gardait tous ces trésors avec un esprit remplide prudence; c’était Euryclée , fille d’Ops, issu de Pysénor. Té-

lémaque l’appelle dans le cellier, et lui parle en ces mots :« Nourrice, puisez dans des urnes un vin délectable, le meil-

leur après celui que vous gardez en attendant le divin Ulysse,si toutefois ce hères malheureux , échappant aux destinées de lamort, arrive un jour dans sa patrie. Remplissez de «abreuvagedouze vases, que vous refermerez tous avec leurs couvercles.Déposez la farine dans des outres bien consues; mettez-y vingtmesures de cette farine que la meule a broyée. seule, sachezmon projet, et disposez avec soin toutes ces provisions; ce, soirje les prendrai, lorsque ma mère montera dans ses apparte-ments élevéspour retrouver sa couche. Car je vaisà Sparte etdans la sablonneuse Pylos , pour m’informer par quelque ouï-

dire du retour de mon père. n F r .Il dit. Aussitôt la nourrice Euryclée se mit a pleurer, et, tout ’

on larmes, elle fait entendre ces paroles : ’ V ’a Pourquoi, mon cher fils, un semblable dessein est-il entré

dans votre pensée? D’où vient que vous voulez parcourir denombreuses contrées, vous enfant unique et chéri? Loin de sapatrie, le divin Ulysse est mort chez quelque peupleigngré. Dès -quevous serez parti, ces méchants vous dresseront des embû-ches pour vomi faire. périr; ils se partageront tous vos biens.Restez ici, demeurez au milieu des vôtres; il ne vous faut pasaffronter les périls de la mer et d’un voyage lointain. n H

« Rassurez-vous, chère nourrice, lui répond Télémaque; je n’ai

point formé cette résolution sans la volonté d’un-dieu. Toutefois,

jurez de ne rien apprendre à ma mère avant le onzième oule douziémËjour, à moins qu’elle nefüésire me voir et qu’elle

n’ait appris mon départ : je craindrais qu’en pleurant ellejne

perdît sa beauté. a l

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CHANT Il. ’13Il parlait ainsi. La vieille Euryclée jure par le grand serment -

des dieux. Quand elle a juré; qu’elle a terminé le serment, elle

sehâte de lui. puiser du vin dans les Urnes, et de déposer lufarine dans des outresbien bousues. Ensuite Télémaque refourra.»ou palais se mêler à la foule des prétendants.-

Minerve cependant imagine un nouveau moyen; sans. les Ahm de Télémaque elle parcourt la villede touæsparts, adressela. parole à chaque homme qu’elle rencontra et les en ge à serendre vers le soir Sur le. vaisseau rapide. Puiselle demande unnavire au fils illustre de Phronius, Noénlon, qui l’accorde vo-

lontiers. . . ’ i ’Alors le soleil se couche , et toutes ’les rues sont enveloppéesI dans l’ombre; Minerve lance le navire à lamer; et dépose dans

I cite chacun d’eux.

tu

l’intérieurwus les agrès que portent les vaisseaux de long cours.Elle se place à l’extrémité du port; autour d’elle se rasæmblent

en foule les valeureux compagnons du voyage, et la déesse ex-

Minerve, ayant conçu d’autres pensées, se rend au palais d’U- ,

lysse; elle répand le doux sommeil sur les yeux des prétendants;qu’elle trouble tandis qu’ils buvaient, et les Coupes tombent deleurs mains. Ils se hâtent, en traversant la ville, d’aller cher-cher le repos; ils n’attendent pas davantage, parçe que lesommeil avait appesanti leurs paupières. Aussitôt Minerve , ap-pelant Télémaque hors de ses riches demeures, et semblable a

Mentor par la taille et la voix: ’n Télémaque, lui dit-elle, vos jeunes ’compagnons , assis sur

les bancs des rameurs, attendent vos ordres; allons, et ne dif--ferons. pas plus longtemps le voyage. » ,

A ces mots Minerve précède rapidenient Télémaque; le héros

suit les pas de la déesse. Quandlls sont arrivés près du navire,ils trouventqsur le rivage leurs généreux compagnons, à la longuechevelure. Alors le valeureux Télémaque leur parle en ces mots :

«*llzltons:nous, mes amis, apportons les provisions; elles sontdéjàloutes rassemblées dans lepalais; ma mère ne sait rien, ni

les femmes qui laserveht; une seule est instruite de mon des-

» 1 ’ .Il dit; et précède ses compagnons; œuxvci s’empressent deleisuivre. Ils portent’toutes les provisiOns, et les dépOSent dans la

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24 L’ODYSSËE. n V- vaisseau, comme l’avaitordbnné le fils chéri d’Ulysse.-Télémaque

monte dans le navire, mais Minerve le précède et s’assied vers lapoupe; Télémaque se place à côté de la déesse. On idélieiles ca-

bles, et les rameurs, montant à leur tout, se rangent sur lesbancs. Aussitôt Minerve leur envoie un vent favorable, l’impé-

’ .tugux Zéphyr, qui bondit sur la mer ténébreuse. Télémaque,

.excitant ses compagnons, leur ordonne de disposer les aigrefins 4obéissent à sa voix. Aussitôt ils élèvent le mat, le placent dansle cieux qui lui sert’debase, et l’assujettissent avec des cordœ ;.

plus ils déploient les blanches voiles que retiennent de fortescourroies. Bientôt le vent souffle au milieu de la voile; la vagueazurée retentit autour de. la carène du. navire, qui s’avance; ilvole sur les flots, en sillonnant la plaine-liquide. Après avoirattaché les agrès du navire , ils remplissent des coupes de vin;ils font des libationsaux dieux immortels, mais surtout à lapuissante fille de Jupiter. Ainsi duranttoute la nuit et tout lejour suivant le vaisseau poursuit sa routé. . - .

s

L I C H A NT Il l .

AVENTURES A PYLOSÇ

Le soleil, abandonnant le sein éclatant des mers; s’élevait’ dans le ciel à la voûte d’airain pour éclairer les dieux et les hom-

mes lsur la terre féconde;c’est alors qu’ils arrivèrent à Pylos, villesuperbe du roi Nélée. En ce moment les peuples offraient sur le

rivage un sacrifice deltaureaux ’noirs a Neptune, au); cheveuxazurés. La s’élevaient neuf sièges; sur chacun étaient cinq cents

convives, et chaque groupe avait immolé neuf taureaux. Aprèsavoir goûté les entrailles des victimes , ils brûlaient les cuisses en

’ ’I’honneur, de la divinité , lorsque les lthaciens entraient dans le

. I port, pliaient les voiles du vaisseau, l’attachaient au rivage, etdescendaient a terre. Télémaque sort aussi du navire, et Minervele précède. La déesse, commençant l’entretien, lui parle en ces

’ mots z ’ A ’ I - -

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CHANT l". - 25’ a Télémaque,’ il ne vous faut plus être timide enaucunemanière, puisque vous venez de traverser les mers pour vous in-former de votre père, pour savoir que] pays le retient enœre etî el est son destin. Allez doue maintenant droit au guerrierester; sachons quelle pensée il renferme en son seimlmplorez-le

j m qu’il parle sincèrement; ce héros ne vous dira pointim men-songe’, car il est surtout remplf’de prudence. » v s ’

a OMentor, reprend aussitôt le jeune Télémaque , commentl’aborderai-jef-èt comment oserai-je l’implorer? Je n’ai point

encore l’expérience des habiles discours ; nia-jeune homme éprouve

toujours quelque pudeur à questionner un vieillard. )! p I(g Télémaqueurépbnd’la puissante Minerv , vous trouverez

en’votre âme une partie de ce qu’il faut dire, dieu vous sug-gérera le reste; car ’œ n’est point, je pense, contre le gré desimmortels que vous reçûtesde jour et que vous fûtes élevé. »

En parlant ainsi Pallas s’avance rapidement; Télémaque. suitles pas de la déesse. Bientôt ils arrivent dans l’assemblée où les ’

i citoyens de Pylos étaient assis. La se trouvait Nestor avec ses en-

fants; auprès d’eux leurs compagnons, préparant le repas,perçaient les viandes et les faisaient rôtir. Dès qu’ils aperçoivent

les étrangers , ils accourent en foule po, leur prendre la main etles engager à s’asseoir. Le premier de tous , Pisistrate, fils deNestor, s’approche déses botes, les prend par la main, et sur des

peaux moelleuses, qui couvrent le sable du rivage, il leur donneplace au repas , entre son père et son frère Thrasymède; ensuiteil leur présente une part ,des victimes, et verse le vin dans une 4coupe d’or; plein de respect, il adresse ce discours à Minerve, fille

du puissant Jupiter : I.« Étranger, implorez avec nous le dieu Neptune, puisque vous

vous trouvez au moment des sacrifices, en arrivant ici. Quandvous aurez, comme il est juste, fait les libations et que vous aurezprié, remettez a Ce jeune héros la coupe remplie de vin , pour.qu’.a

son tour il fasse des libations; car je pense qu’il veut aus’si prier- les immortels : tous les hommes ont besoin de l’assistance des

dieux. Toutefois; votre compagnon estle plus jeune, il de monâge; voilà pourquoi c’est à vous le premier que je présente cette

coupe d’or. u -. r IIl dit, et lui remet entre les mains la-coupepleine d’un’vin dé-

s s

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2e n " L’ODYSSÉE.licieuix; Minerve se réjouit de la" conduite de ce, héros prudent etsage , parce qu’il lui présente d’abord la coupe des libations.

Aussitôt elle implore en ces mots le dieu Neptune: . 1,«Route nos vœux , puissant Neptune ,’ ne refuse pas à x

qui te prieitt’d’achever leurs travaux. Avant tout, comble" egloire Nestor. et enfants; puis sois aussi favorable à tous leshabitants de Pylos, en retourne cette illustre hécatombe, Faisencore que Télémaque et moi nous retournions dans lthaque. iaprès avoir accompli le dessein qui nous conduisit en ces lieux

sur un léger navires» ù ’ ’ I ’Minerve ayant ainsi prié, termine elle-même les libations;

puis elle regret’à Télémaque la belle coupe arrondie. Le’lîls chéri

d’Ulysse a son tour implore la divinité, Quand les viandes sontrôties, on les retire, on distribue les parts aux convives. quisavourent les mets succulents. DE qu’ils ont cassé la faimet la Soif , le vieux guerrier Nestor, le premier de tous, fait en-

- tendreces paroles z. . .r

«’11 est bien maintenant d’intamger nos hôtes, de s’informer

de leur sort, puisqu’ils se sont rassasiés par une abondante nour-riture : Étrangers, qui donc êtes-vous? d’où venez-musa travers

1 les plaines humides? Est-9e pour une alfaiœ’,ou parcourez-vous

’ les mers sans dessein, comme des pirates-qui naviguent en ex-pqsant leur vie et portant le ravage chez les autres nations? n

Le sage Télémaque lui répondit’en se rassurant; car Minerve

plaça la force dans l’âme-du jeune héros, pour qu’il s’informàt

de son père absent, et qu’il obtînt une bonne renommée parmi

les hommes : l l i ’ "r « 0 Nestor, fils de Nélée! vous la grande gloire des Grecs, vous

demandez d’où nous venons; je vous le raconterai. Nous arri-vons de la ville d’lthaque, située au pied du mont Néius; c’est

d’unpintérét particulier et non public que je veux vous entreto-nir. Je viens peur m’enquérir de la glorieuse destinée de monpère , le noble et valeureux Ulysse, qui, dit-on , en combattantavec vous a renversé la ville des Troyens. Pour tous les autresguerriersqui combattirentau siège d’ifion, nous savons où chacuna péri d’une. mort affreuse; mais le fils de Saturne nous cachele trépas d’Ul’ysse z’ nul jusqu’à ce jour n’a pu nous dire où re

héros a ’pe’n’ ;. s’il est mort sur lelcontinent par la main de ses’en-

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nemis, ou dans la mer par les flots d’Amplntrilc. l’embrasseaujourd’hui vos genoux pour que vous me racontiez sa fin de-plorable, si vous l’avez vue. du vos propres yeux ou si vousl’an apprise de quelque voyageur; sa mère l’enfanta malheu-regf: Soit respect, soit pitié, ne me flattez pas; dites-moi toutce que Vous savez. Je vous en supplie, si jamais mon par), Invaillant Ulysse, vous aida de ses conseils et de son bras au inilivudu peuple troyen , ou vous , Grecs , avez souffert tant de maux ,gardez-m’en aujourd’hui le souvenir, et dites-moi la vérité. n

a Ami, lui répond le vieux guerrier Nestor, vous YUllCZ de rup-peler à ma pensée tous les maux que supportèrent contre ce peu»ple, avec tant d’énergie, les valeureux enfants des Grecs, ct ceux

qui sur leurs navires parcoururent la vaste mer pour le butin, oules menait Achille, et ceux qui combattaient autour de la ci-tadelle du grand roi Priam; c’est la que furent immolés nos chefsles plus illustres: la périt l’impétueux Ajax , Achille, et Pa-trocle, semblable au; dieux par sa pruderies; la périt aussimon fils, à la fois irréprochable et vaillant, Antiloquc, Mgr-r ala course et brave dans les combats. Mais nous éprouvâmes biend’autres malheurs encore: qui ,pparmi les faibles’mortels , pour-rait les raconter tous ?.Siupcndant cinq et six années vous restiezen ces lieux, ce temps ne suffirait pas" pour apprendre tout cequ’ont souffert les héros de la Grèce; avant la fin de mon récit.

vous languiriez de retourner dans votre patrie. Neuf ans entiers119.15 n’avons cessé d’attaquer les Troyens par toutes sortes de

ruses; à peine alors le fils de Saturne y mit un terme. nulne voulut jamais lutter en prudence avec le divin Ulysse, parcequ’il l’emportait de beaucoup par toutes sortes de ruses, votrenoble père, si vraiment vous êtes son fils. Je suis frappé de sur-prise en vous regardant : toutes vos paroles sont semblables anasiennes ;”on me croirait pas qu’un jeune homme pût avoir unlangagmsi conforme à celui de ce héros. La , tant qu’a duré laguéas, jamais Ulysse et moi n’avons en dans l’assemblée (Jeux

avis différents, ni dans le conseil; maisfinous n’avions qu’un:-

mêmc pensée, et par notre esprit, parians agis, pleins de sa-gcsse, nous proposions toujours conqui devait état! le plus avahtih

gaur aux Arme. ApréQqUe nous eûmes renversé la superbeville de Prie-mi, quand nous montamcsffians nos navires, un

CHANT lll. 27.A).

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’ . au h -r ’ ’L’ODYSSÉE.

dieu dispersa les Grecs , et des lors Jupiter médita dans sa penséeun funeste retourgaux Argiens,’ parce que tous ne furent paségalement prudents et justes; pl ’ Mdestinée funeste, par la colère te e la puissante Minmve ,x

ème éprouvèrent une i

qui fit naître une vive querelleË: reiles AtridesÎ Tous peut, Ïsans prudence, et contre l’ordre accoutumé, convoquant’glëis-

sommée après le coucher du soleil les fils des Grecs s’y rendi-rent l’esprit troublé par le vin), les deux chefs exposent pourque] motif ils ont rassemblé l’armée. La Ménélas engage les

Grecs à songer au retour sur le vaste dos de la mer; mais Aga-memno fuse absolument d’y consentir; son avis est de retenir vencore risoldatslet d’immoler les hécatombes sacrées, afin

l d’apaiser le violent courroux de Minerve ;l’insensé ne savait pas

qu’il ne la fléchirait jamais: l’esprit des dieux immortels nechange point si facilement. Aussitôt les deux frères s’attaquent-tour a tour parfiles paroles injurieuses; tous les Grecs se lèventa grand bruit; ils étaient partagés en deux avis différents. Nouspassons ainsi la nuit, agitant les uns contre les autres des pro-jets funestosi’car Jupiter méditait pour nous le comble du mal-heur. Dès l’aurore quelques-uns lancent à la mordeurs vais-seaux , y renferment les richesses et les femmes aux belles cein-tures. Unelmoitié de l’armée reste auprès d’Agamemnon, pasteur

des peuples; nous , l’autre moitié , nous étant embarqués , nous

partons; nos vaisseaux voguent rapidement, un dieu devantnous aplanissait la surface des mers. Arrivés à Ténédps , nousoffrons aux dieux des sacrifices, impatients de revoir nos foyers ;mais Ju iter ne nous accorde point encore le retour, et le cruelallumëvpmlr la seconde fois la discorde. Alors quelques-uns de vnos guerriers, retournant vers llion , montèrent sur leursllargesvaisseaux , conduitspar Ulysse, roi sage et prudent, tous desi-rant de nouveau plaire au puissant Agamemnon. Moi cependant,avec les vaisseauxrqui m’avaient suivi, je continuai mon (inflige,

prévoyant bien qu’un dieu méditait de grands maux; avec-Mous

partit aussi le valeufqfifilsdgTyde’e, en excitant ses «râpa-gnons. Vars le soir Ménëlas nous rejoignit, dans l’île de L os.

ou nous délibéfiqns sur notre long voyage, incertains si nousdevions naviguer air-dessus de l’âpreaàhio, en émulant l’île de

Psyrie, et la laissant à notre gauche , ou naviguer au-dessous de’ i O.

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CHANT 1H. . 29Chie, près du promontoig: élevé de Mimas. Nous suppliâmes Ju-

piterge nous faire voir un prodige; ce dieu nous le montra ,lpuisnolis ordonna de tenir le milieu de la mît, où se trciîive l’île

Eubée , afin promptéflent au péril. Alors il s’élève un

vent frais; et mentîmes, sillonnant l’hu A” . plaine, arrivent aGéreste pendant la nuit. C’est lawîque pour-Neptune nouê’pla-

Qâr l’autel plusieurs cuisses de taureaux après avoir par-couru’la vaste mer. Ce fut le mtrieme jour que les compagnons

,dp-Diomèiîe entrèrent dans Argos; moi, je dirigé! ma course vers

Pylos, et le vent favorable qu’un dieu nous avait envoyé nede Souffler. Ainsi , mon Cher enfant, je suis venu sans rien

WWrÊ ;.je n’ai pu savoir quels sont parmi les Grecs ceux quipérirentfet ceux qui furent sauvés. Mais tout ce que j’ai’ recueilli

depuis que je suis dans mon palais , je vous l’apprendrai, commeil est juste, et je novons cacherai. rien. On dit que les bravesTheæaliens sont, revenus helîîeusenient dans leur patrie , soufflaconduite du valeureux fils d’Achille ion arihonce aussi l’heureux

rebur dàïiloctéte, le noble fils de Pœan. Idoméne’ea ramené

dans laIÇre tous ceux de ses compagnons échappés aux dangersdes.combats; aucun d’eux ne fut englouti dans les flots de lamer. Sans doute, quoique éloigné,’vous avez entendu parlerd’Agamemnon, comment il vint dans sa patrie, et commentEgisthe le fit périr d’une mort affreuse. Mais ce prince luiwmême,a subi la peine due à son crime. Heureux le héros quilaisse après son trépas un fils plein de vaillance! Tel Orestcs’est vengé du traître Égisthe, l’assassin de son illustre père.

De même, ô mon ami (je vous vois grand et fort), soyez’ ussiplein de courage, pour que l’on parle bien (le vous da les

futurs. » i l l n Aa Nestor, fils de Nelée, vous la gloire des Grecs, lui répond lejeun’e Télémaque, oui , c’est avec "fistice qu’Orestc s’est venge;

les Grecs célébreront sa gloire et lesîsiécles a venir en seront ins-

truits. Ah! quarrai-je aussi la force de punir! les prétendants deleur insolente: audace, eux qui, lii’outrageant , commettent d’0-

dieux attentats. Mais les dieux ne me fileront point une sem-blahle destinée, non plus qu’a mon père, et mainlenant il mefaut tout supporter. »» î V ’ ’ v V- a Anxiyreprend-aussitôt le vénérable Nestor (ce que’vous;

, . , . a. .

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’30 ’ W ,L’QDYSSEE.

. venez de dire me rappelle ms malheurs )., on raconte, en effet ,V que de nombreux prétendants, sous prétexteid’epouser. votre

mère, vous accablent du) me 11x, dans vos propres demeures. Maisdites-moi si vous arez succombe sans résistance, ou si les peu-ples vous haïssent-en cédant à la voix un (lieu. Qui sait pour-

tant si, revenant dans sa patrie, Ulysse ne les punira pas de leurviolence, soit quîl combatte seul , cubien amadous le Grecs

p réunis? Si Minerve voulait avejrnpour vous l’aftœtion Qu’elle

’ . portait autrefoiC’au vaillant Ulysse dans les champs moyeux?

I

les Grecs ont souffert tant de maux (nqn, jamais je n’ai vu esdieux protéger ouvertement .un héros comma Minerve ouverte-

.’ ca votre père). sans doute, si, cette déesse’.;voulait.’elièrir, ’et dans son lcœur avoir les mêmes yins, .chËpun

a çieux oublierait bieth le mariage, » . .s u O vieillard, lui répond Télèma ne, jelne pensiepasquecetw

[oie ,s’aecomplisse: vous m’ai-rincez trop de bonheuy j’en’s is saisi dasurpriæ; je n’espère pas que ces choses; enrayent,

même aveeda volonté des dieux. » i - a; li x.Minerve, l’interrompantàalorsïreprend en ces mot’: .5 4« Télémaque: ah! quelle parole s’est échappée de vos lèvres!

i LUI] dieu , quand il le veut, sauve nisémeïun mortel, quoiqu’ilsoit éloigne. Pour moi, j’aimerais mieux, âpres avoir éprouvémiÎlei douleurs , revenir dans ma patrie , et voir cnfin- le jour du

retour, que de trouver la mortau sein de mes foyers , après unheureux voyage, pommei’Agamemnon, qui vient depérir par la

i perfidie dlÉgisthe et d’une odieuse épouse: La mort est le seul

mal eur dont les duaux ne’peuveâsauver lingères qu’ils chéris-r’ se. A uand ledestin a marqué, -nstant du sommeil éternel. n

a Cher Mentor, reprend alors le prudent Télémaque, Iun tel entretien, malgré nos regrets; il’nlest plus de retour pourUlysse,"mais les dieux immùtels ont résolu son trépas et a fu- lfiesta destinée. Maintenant, Je veux adresser dlautre’s questions

à à NestOr, qui l’emporte sur tous par sa justice et par sa pru-dence; il a , dit»oh,irégné sur trois’génératiuns d’hommes, aussi

son aspect me parait celui d’un immortel. Fils de Nélée, dites-inoi la vérité: commenta succombé le puissentAgamemnon? ou,Ménélas était-il alors? Comment a prépare ce trépas le perfide

Égisthe, car il a fait périr un héros bien plus vaillant que lui]?

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cri-An lll. . andEst-ce que Ménelas était loin d’Argos, errant parmi des peuple.»

et en Fbsence a-t-elle encouragé cet assassin? n- le on enfaim répond le vénérable Nestor, je vouâ dirai lavérité-input ce que vous présumez est en effet arrivé. Sans doute,"si le blond Ménélas, àj son retour d’Ilion , eût trouvé dans lopa-laîs plus - Égisthe encore vivant , jamais on n’eût élevé du,

- mais à ceHPaîtreyaprès sa mort, mais les chiens et les vautours-auraieiit dévoré son corps étendu dans les champs loin d’ÀrgOs;

i les’femmes des Grecs ne l’auraientpas pleuré, car il communia

d forfait. Nous, sur les rivages troyens nous, soutenions demœux’cougiats ; mais Égisthe, tranquille au sein de la fertileArgos, séduisait par ses paroles l’épouse d’Agamemnon. La noble

Clytemnestre refusa longtemps de consentir à ce forfait, car sonâme était ’ve ueuse ; d’ailleurs, prés d’elle était un chantre divin

. auqu VAt ’ e,.en,partant’pourllion, avait expressémentrecom-mandéide garder son épouse. Mais lorsque la destinée des dieuxeut érrèt’é qu’É ’ e soumettrait cette femme, alors transpor-

tant le chanteur s une ile déserte , il l’y l’é’issa pour être le.

repas et la proie des oiseaux ;« puis, au gré de leurs désirs mu-,’ii emmena Clytemnestre dans sa maison, brûla les cuisses

mireuses des victimes sur les saints autelsdes dieux, suspenditun grand nombre d’offrandes ,.des vêtements et de l’or, accom-plissant ainsi n dessein criminel, ce que son cœur n’osait espé-rer. Gependarïnous voguions ensemble, loin d’Ilion, Ménélas et

moi, qui fûmes toujours amis l’un de l’autre. Lorsque nous abor-

. dames a Surnom , promontoire sacré des Athéniens , le brillantApollon me de ses flèches le pilote de Ménélas, qui, dans sesîmains, tenait le, ’ uvernail du vaisseau , Phrontis, fils d’Onétcr,

et le plus habile hommes à diriger un navire quand fondentles Ménélas , quoique impatient de continuer sonvoyage,,s’arréte en ces lieux poùr ensevelir son compagnon et . ,célébreriles funérailles; mais ce héros , s’étant remis en mer sur

ses larges navires, était près de doubler la haute montagnedes Male’ens, quand Jupiter résolut de lui rendre le voyagedifficile, et fit retentir le souffle des vents sur les vagues. émues ,masses énormes comme des montagnes. Alors Jupiter dispersant

’ lcs’vaisseaux de Ménélas, pousse les uns vers la Crète, arl’endroit

qu’habitent les Cydoniens sur les rives du Jardanus. A l’extré-

1

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. , A h’, mité de Gortyne’lestiune roche élevée , d’unes rfaœ unie uii

s’avnn u sein de. mer profane; la batèle-enfin onuviolen es flots à l gauche du promontoire de Pheste, un petit

Hacher arrête de grandes vagues. c’est surjette plage que vintTéèbouer la flotte, et’les hommes n’échappèrent gulavec page

fila mort, mais les flots brisèrent les nayirœ contrites (ans;- cependant 8m vaisseaux furent poussés vers les rivages de l’É-

I gypte paplesvents et par les ondes. La Mépélas, ramassant; de t. For et des biens en abondance errait avec ses navires parmi des

perm-étrangerskcehfut pendant ce 10 voyage qu’Érem ’t de deuil iaÎm’aisen endmmolant p ide; le’peuple fut

soumis à ses lois. Durant sept ans il régna sur l’opulentetMy::cènes; maisipour Son malheur, à la huitième année,.0reste ar-

’. riva ÏdËAthènesi; et tua le parricide, le traître limbe, qui lui- Imême avait tué le père de ce’héros. 0reste, après l’avoir immolé,

prépara pourîes Argiens le repas funèbre’d’une odieuse mère etde l’infâme Égiflaejc’est. en ce moment Q’mVa levaiilaiît

’Ménélasi avec beaucoup de richesses, autant qu’en pouvaient-

ses naviresJ’our vous , ô mon ami, d’errez pas longtempsloin de votre patrie, en abandonnant vos trésors, et laissant Mvos demeures ces hommes remplis d’une telle audace; de pèur’qu’ils ne se partagent vos biens pour les dévorer, et que vous

, n’ayez faitpun voyage inutile. Toutefois, je vous Ünseille et voush engagé à vous rendre auprès de Ménélas; qui tout récemment

vient de quitter des peuples étrangers,- d’où sans doute nespé-

- rerait plus revenir celui qulen ces lieux auraient dérouté "lesv tempêtes à travers une si vaste mer, et d’où les oise’ûix ne pour-

raient revenir en une année, tant cette routeiest longue et pé-rilleuse. Partez donc maintenant avec votre navire et vos compa-

" gnons. Si vous désirez voyager par terre, vous aurei un char etdes coursiers; près de vous, mes fils seront vosiguides jusquedansla divine Lacèdémone ,’où règne le blond Ménelas. Implorez-

le pourvqu’il parle sincèrement; ce héros ne mentira point, car il

n est surtout rempli de prudence. w I .3 Commenil achevait ce discours, le soleil se couche , et bientôtarrivent lesiténèbres. Alors la déesse Minerve leur parle en ces

mots: 1 ’ I v ,’ I .a ,0 vieillard, tout ce que vous dites est selon la justice ; main-

À 3, . voussure; ’ ’

, .

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CHANT "1,. ’ . 83’dénc coupez les langues des victimes, versez’ le vin dansles lampe! , afin qu’après avoir fait les libations en l’honneur deNeptune et des autres immortels , nous allions goûter Je sommeil ;vc’est l’heure du repos. Déjà la lumière s’est cachée dans l’ombre;

il ne convient pas de rester plus longtemps assis au sacrifice des’ dieux, il faut rentrer. )) n .

Ainsi parle la fille de Jupiter ;v tous obéissent a sa voix. Aussi-tôt des hérauts leur versent l’eau sur les mains; de jeunes servi- ’m mugissent les coupes de, vin , et les distribuent à tous les

’ Vifis; ilsijettkent’lesîlangues dans le feu, puis se levant ilsf0 lesjibations, Quand .ils ont achevé ces libations, et bu selonleurSd ’ , Minerve et le beau Télémaque se disposent à retour-

ners ’ r navirefmaisNestor les retient, en leur adressant

w paroles :, . ’ l sv a Jupiter et tous les dieux immortels me préservent devous aisser aller loin de moi oucher’jdans votre navire, «commesi je n’étais qtümi pauvrenidâigent qui n’a dans sa demeure ni

ma nui couvertures pour son service, ou pour offrir une.Æœ use à ses hôtes. Je possède des manteaux et de.

- belles Non , sans don , jamais le fils chéri d’un” , tel. Ulysse ne couchera, ta que je’vivrai, sur le tillac

,,mvire; pu’ .ïJI’èS moi mesæfants seront laissés dans ces

rififi uricuüir Qui; étr ger qui se présentera devant

« Cher nard, lui reperça Minerve, vous parlez toujours *avec sagesse; a: bien que Télémaque se rendeha vos désirs,

i -. s. ’ e il." eônvepable. Que ce hérogdonc vous suive

i l fr.- demeures;moi, je re esurlevaisseauLcoâgnons, et donn à chacunfies or-

d, ni r, - ’ die-Séné le plus âgé; les autres, qui’ nous ontsuivispar ami o tous du même âge i le valeu-’ s J’irais donflnfintenant au navire , min desI reproreje pâmai pourjgçays des vaillants Caucénes, ou je dois

réclamer aune dette qui n’est pas nouvelle ni faible valeur;. vous", pui ue’vous iéœvez ce jeune hér ns votre mai- .faim p .ir avec uncharetJ’un de vos fils;tdonnez-luicou v ’ coursiers qui sont les plus forts et les plus rapides. tu

’ leMinervc ; et soudain elle. s’envole sous la forme

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si ’ .L’ODYSSÉE.d’un aigle; la crainte s’empare de tousles assistants. Le vieillardadmire le prodige qui vient d’éclater à ses yeux ; alors il prend la

main de Télémaque, le nomme, etlui parle en ces mots :« O mon ami, je ne. pense pas que ’volus soyez désormais un

homme sans force et sans courage, puisque, si jeune encore, lesimmortels sont vos guides. De tous 185 habitants de l’Olympo, cene peut être que la fille de Jupiter, la puissante Minerve, ellequi,parmi les Argiens honorait surtout votrevaleureux père.Déesse, soyez-nous propice, daignez combler de gloire moi, 1m35enfants, et ma vertueuse épouse;’j’immoleral pourvous me é-nisse au large front, enclore indomptée, et qu’aucun homme n’a

mise sous le joug; oui, je veux vous l’immoler, après avoir en- .itouréd’orsescomesnaissantes.» , i * Î . g

Telle hit sa prière; Minerve l’exauça. Le vieux guerrier Nesth

précède ses fils et ses gendres, et retourne dans ses sugerbespalais. Quand lissent parvenus dans les opulentes demeures duroi,. tous se placent en ordre sur troncs egsur des sièges.Alors 10 vieillard prépare pour chaque assistant. une ce ’rem-

. plie d’un vin puriqui vieillit durant onze années, raque ’intqu-dante’avait puisé dans l’urne qu’elle venait d’ouvrir. Sitôt que

fNestoren a rempli la coupé, iladresse sesvoèux) Minerv et’ répand les’prémices en l’hoæeur de cetteifille de Jupiter, m e

de 1’ ’ . * . v - " , ’ A.i A ’ Quand les libations sont achevées, et q’ii’ils ont 536m leurs

désirs, ils vont se livrer au Sommeil , chacuh.dans sa demeure.Cependant Nestor fait dresser pour Télémaqïiehle fils chéri d’U- I

lysse, un lit moelleux placé sous le portique; il veut queprfldu. I héros repose Pis’istgate, chef des peuples, etle seul desçnfïnts de

’ Nestoi’qui, dans le palais, n’eût pa re d’épouse. Le vieillard .

se retire enfin dans l’appartement le glus secret destin vaste paÂlais; il s’endort sur le. lit qu’aiàit préparé la reineson épouse.

Le lendemain, des que brille l’aurore, l’augu’qæ’Nçfiôr n-

donne sa couche. Il sort du palais, et s’assied’sur des pierres po-lies, qui, blan et frottées d’huile, étaient devant lcs«portesélevées, et sur uelles s’aséeyait jadis le roi gelée-qui par saprudence était semblable aux dieux. Mais, déj vaincu par l’in-

eiLorable destin, il était descendu dans les demeures de Pluton;c’est la que, tenant son sceptre, s’assiedlc vieux guerrier Nestor,

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O

(murin, v I” 35le rempart des Grecs. Autour de lui se rassemblent ses fils, quitous ont aussi quitté leurs couches, Échéphron, Stratios, Persée,Arèto’s et Thrasymède, le sixième est Pisistrate; ilsconduisenteux-mêmes le beau Télémaque; et le font «placer auprès du, vieil-

lard, qui leur adresse ces paroles : ’« limez-vous, ô mes enfants, de satisfaire à mes désirs, je veux

offrir un sacrifice expiatoire a la première des déesses, Minerve, ’qui m’est apparue pendant le sacrifice offert à Neptune. Quel’un de. "vous aille aux champs, afin que le pasteur des bœufsnous amène promptement une génisse en ces lieux ;’ qu’un autre

se rende sur le vaisseau de Télémaque, et qu’il amène ici tous lescompagnons de cerprince, qu’il n’en laisse que deux seulement;

qu’un autre, enfin, appelle ici l’orfèvre Laercée, pour entourerd’or les cornes delà, génisse. Mes autres enfants resteront auprès

de moi; dites aux serviteurs du palais de préparer un splen-dide festin, d’apporter les sièges, le bois et l’onde limpide. n

Ainsi parle Nestor; tous exécutent ses ordres : la génisse ar-rive des champs, et les compagnons de Télémaque du rapide na-vire;- arrive aussi l’ouvrier habile, tenant dans ses mains tousles instruments de son art, le marteau, l’enclume’et les tenaillesfaites avec soin qui lui servent à travailler l’or; enfin Minervevient elle-même, désirant assister au sacrifice. Le noble vieil- 1lard donne l’or; l’ouvrier, l’adaptant avec soin; le place’aux a

cornes de la génisse, afin que la déesse se réjouit en voyant cetteoffrande. Stratios et le divin Échéphron conduisaient la génissepar les cornes. Arétos,’ venant de la salle, portait Peau dans unvase richement ciselé, de l’autre main il portait l’orge sacrée dans

une corbeille. Lefort Thrasyméde, debout, muait en ses mains lahache tranchante,prétlà frapper la lgénisse. Persée tenait lacoupe où l’on reCueillera le sang. :Le vieux guerrier Nestor cOm -mence à répandre l’eau du sacrifice et l’orge sacrée; puis, adres-

sant de nombreuses prières) Minerve, il jette dans le feu- le poil I

de la tète. 1 Il . . .Lorsqu’ils ont prié, qu’ils ont répandu l’orge sacrée, le fils de ’

Nestor, le fort! Thrasymède, frappe en s’approchant; la hachetranche les nerfs (luron : la force abandonne la génisse; les fillesdeiNestor, les. femmes de ses fils, et sachaste épouse Eurydice,l’aînée des filles de Clymène, poussent un cri religieux. On s’ef-

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’36 - f , -L’0DYSSÉE. Ime ensuite de soulever de terre l’animal expirant, et. Pisistrate,

’ chef des peuples, l’égorge aussitôt..Quand le sang a cessé de cou-

ler, et que la vie abandonne la victime, on enlève les boyaux; ilsdétachent les cuisses, selon l’usage, et les recouvrent de deuxcouches de graisse, sur lesquelles on place des lambeaux palpi-tants. Le vieillard brûle lesCuisses sur des éclats de bois qu’il

arrose de vin; près de lui de jeunes garçonstieunent en leursmains des broches ,à cinq pointes. Sitôt que les cuisses sont con;sumées, que les assistants ont goûté les entrailles, ils divisent en

morceaux les restes de la victime, qu’ils percent avec des bro-ches, et qu’ils fontrotir en tenant dans les mains ces broches

acérées. . i ,1 . ’Durant ces apprêts, Télémaque est conduit au bain par la

belle Polycaste, la plusijeune des filles de Nestor. Quand elle l’abaigné, qu’elle l’a parfumé d’essence, elle couvre d’une tunique

et d’un riche manteau le héros; qui s’éloigne du bain, et paraît

dans sa démarche semblable aux immortels.’ll s’avance, et vas’asseoir auprès de Nestor, pasteur des peuples. AI Dès que les viandes sont rôties, on les retire-du foyer, et tous

- s’asseyent pour prendre le repas; alors des: hommes vigoureuxse lèvent et .versent le -vin dans des coupes d’or. Lorsque lesconvives ont chassé la faim et la soif, le vieui Nestor dit a ses fils :

« Mes enfants, hâtez-vous d’amener pour Télémaque les cour-

siers à la belle crinière et de les.atteler au char, afin qu’il ac-

complisse son voyage. » - . ’ AIl dit; ceux-ci s’empressent d’obéir aux ordres qu’ils viennent

d’entendre. Aussitôt ils attellent au char les coursiers rapides.L’intendante du palais y dépose le pain, le vin, et toutes lesprovisions destinées à la nourriture des rois enfants de Jupiter.Télémaque monte dans le char étincelant; le fils de Nestor, Pisis-

trate, se place à ses cotés, prend les rênes dans ses mains, et du’ fouet frappe -les chevaux. Ils s’élancent sans efforts dans la

plaine, en quittant la haute ville de Pylos; durant tout le jourv chaque coursier de son côté agite le joug qui les rassemble.

Le soleil se couchait, ettoutes les rues étaient dans l’ombre, ’lorsquüls arrivèrent à Phère, dans le palais de Dioclée, fils d’Or-siloque, issu lui-même d’Alphée. C’est la qu’ils reposent toute la

nuit, et ce. héros leur offrit les dons de l’hospitalité. - -

, V

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en". 1v. - 37te lendemain, des que parait latine au matin, l’Aui-ore auxdoigts de rose, ils attellent les coursiers, montent sur le charmagnifique, et s’éloignent du palais à travers le portique reten-tissant. Pisistrate frappe les chevaux; ils s’élancent sans efforts.

Les deux héros traversent des plaines fertiles; bientôt ils arri-vent au terme du voyage, tant les ceux-siens les emportent avecrapidité. Le soleil se couchait et toutes les rues étaient dans

l’ombre. r , t t . iCHANT ’ 1v.

AVENTURES A LACÉDÉMONE.

q , ,Alors Télémaqueet Pisistrate arrivent dans la- vallée profondeoù s’élève la vaste Lacédémone, et se dirigent vers la demeure

. de l’illustre Ménélas. lis le trouvent donnant-un festin dans son

’5”:5;pnlais à de nombreux amis pour le mariage de son fils et celui.i 4 de sa fille. irréprochable. Il envoyait cette jeune princesse au

filsdu valeureux Achille; car jadis, dans les plaines de Troie, ilavait promis, juré même à ce héros de lui donner sa fille; lesdieux leur permettaient d’accomplir ce’mariagé. Ménélas avec

ses chars et ses [coursiers la fit conduire dansla capitale desThessaliens , sur lesquels régnait le. fils dîAchille.LCe prince unis-

sait aussi la fille du Spartiate Alector à mu fils, le valeureuxMégapenthe; qu’il eutldans sa vieillesse d’une femme esclave;car les dieux n’accordèrent point d’enfant "a son épouse Hélène ,

après qu’elle eut donné le jour à son aimable fille Hermione,

belle comme la blonde Vénus. -Ainsi dans ces-superbes demeures les voisins et les amis de l’il4

lustre Ménélas s’abandonnent à la joie des festins; près d’eux

un chanteur’diviu chantait. en s’accompagnant de 1333m3; etdeux sauteurs habiles, tandis qu’il marque la cadence, tour-noyaient au sein’de l’assemblée. . ’ . v . I

C’est en ce moment que Télémaque et le fils de Nestor arré-

tant leurs coursiers devant les portiques du palais. Le puissantËtèonéeÏ diligent serviteur de l’illustresMénèlas, est le premier

rouisses ’ a ’ v 54 s ,O

e

i

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sa . .7 -L’0DYSSÉE. pqui les aperçoitïSoudain il» accourut porter cette nouvelle aupasteur des peuples , .et, debout prèstde Son maître, il lait eu-

tendrecesparoles: A. , - ” la Noble Ménélas, voici deux étrangers, deux hérosiquihme

paraissent issus du grand Jupiter. Dites-moi si nous devonsl dételer leurs rapides coursiers-(ou les envoyer à quelque autre

citoyen, pour qu’il les accueille avec amitié, n . . -A «Jusqu’ace jour, lui répond Ménélas indigné, tu ne fus’ja- ’

mais dépourvu de sens , Éteonèe , fils de Boèthoüs; mais à cette i

heure, comme un enfant ,xtu tiens des discours insensés. Nous-’ . mêmes pourtantvne sommes venus en ces lieuxqu’après avoir

reçu les nombreux présents de l’hospitalité chez les peuples’étrangers. Puisse Jupiter à l’avenir nous préserver du malheur! ICependant délie les coursiers de ces hôtes , et conduis-lesici pourqu’ils participent à nos festins. » ’ ’ I , i

’ il dit ;- Étéonée sort à l’instant, appelle les autres serviteurs,

et leur commande de le suivre. Ils s’empressent d’ôter le joug

aux coursiers baignés de sueur; ils les attachent dans lesétables des chevaux , et leur apportent-.del’épeauüe qu’ils mé-

lent’ aVec de Page blanche; ensuite ils. inclinent le char contran la muraille éclatante; enfin ils introduisent les étrangers dans

Ie,palais. Télémaque et Pisistrate sont frappés d’admiration à

la vue de cette demeure d’un roi puissant. .Comme resplendit;la clarté de la lune ou du soleil, ainsi brillaient les palaisélevésdu vaillant Ménèlas. Lorsque les deux héros ont satis-h

V fait leurs yeux. en contemplant cette magnificence. ils entrent* dans des baignoires’brillantes pour s’y laver. Des captives lesbaignent, les oignent d’huile, et leur donnent des tuniquesmoelleuses et. de richesmanteaux; puis ils vont s’asseoir surdes siéges,-,près du fils d’Atrée- Aussitôt une servante s’a-

vance avec une aiguière. d’or, adverse l’eau dans un bassind’argent, pour ’qu’ils lavent leurs mains, et place devant euxune table soigneusement polie. L’intendante du palais y dépœe

’ le pain et des mets nombreux , en y joignant ceux qui sont enréSCrve; un autre serviteur apporte dm plats chargèsde touteespèce de viandes, et leur présente des Coupes d’or. 1 v

Cependant Ménélas, tendant la main a ses hôtes, leur parle

en ces mots: é ’ .’ . k p. i

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CHANT 1v. 39Preûe’àquelque nourriture et livrez-vous a la joie; quand

vous aimez terminé ce repas , nous vous demanderons quel rangvous tenez parmi les hommes. Non, vos parents. ne sont point ’d’une origine inconnue, mais sans doute vous êtes de rois .

’ puissants, décorés du sceptre; ce ne. sont point des citoyensobscurs donnèrent le jour à des héros tels que vous. n

r Il dit, et leur offre de sa main ’le’large dos d’un bœuf rôti

qu’on avait placé devant lui , cOmme la part la plus honorable.Les ’ jeunes princes portent les mains vers les mets qui leursont présentés. Quand ils ont chassé la faim et la soif , Télé-maque dit au fils deNestor,’ en se penchant vers lui pour n’être

pas entendu des autres convives :- . -’1 a Vois, ô’Pisistmte, ami cher à mon cœur, comme resplendit

l’éclat de; l’airain dans cevpaIais magnifique , comme brillent -l’or, l’ambre ,, l’argent et l’ivoire. Telle est sans doute la demeure’

de ’Jupiter Olympien. Quelles grandes et nombreuses-richesses!

en les voyant je reste frappé de surprise. n IMénélas, qui les entendit s’entretenir ainsi , leur adresse aus-

sitôt ces-paroles t . ’ A . ’-« Chers enfants, nul rie-peut se comparer à Jupiter; ses de-

meures et sestrésors sont immortels ; parmi les hommes il.en estplusieurs quime surpassent en richesses , d’autres aussi me sont.mférieurs. J’ai sonftert’de grands maux ,j’ai longtemps erré sur

-mes navires, et’ne suisarrivé qu’après la, huitième année; dans

mes courses lointaines j’ai parcouru Cypre , la Phénicie; j’aivisité les Égyptiens; les vÊthiopiens, les habitants de Sidon, lesÉrembes, et. la Libye, où les agneaux naissent avec des cornes.Les brebisy portent trois fois dans unau. Jamais en ce pays lemaître d’un’champ, ou même le berger, ne manque ni de fro-’

nuage, ni de la chair des troupeaux; ni d’un lait plein de dou- Iceur; duranttoute l’année les brebis en donnent avec abondance,Mais tandis qu’occupe d’amasser de grandes richesses, ferraisdans ces contrées , un traitre assassinait honteusement mon frèreen secret, par la perfidie d’une épouse funeste; aussi je ne goûté

plus aucune joie à posséder tous ces biens. Quels que soient vosparents, ilsont du vous parler de mes malheurs , car j’ai Souf-iert bien ’des maux; j’ai détruitvun royaume habité par des peu-

ples nombreuxnet renfermant d’immenses trésors. plût aux dieux

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4o . poursuis. A Vque ’j’habitaæe aujourd’hui ce palais avec la troisième partie i

seulement de mes richesses, et qu’ils fussent encore pleins de"vie ceux qui périrent dans les plaines d’llion. loin de la fertile

- Argos. Je pleure, je gémis sur tous ces’guerfiers (souvent, retiré

dans le fond de. ces demeures , me. plais à nourrir la douleurdans mon âme v; souvent aussi je mets un terme’à mes regrets,car l’homme est bientôt rassasié de tristesse); mais, malgré mespeines, tous ensemble m’ont coulé moins de larmes qu’un Seul

dont le souvenir me rend odieux le sommeil et la nourriture,4m nul parmi les Grecs ne s’est montré brave comme Ulysses’est montré brave et patient. Mais, hélas! il lui fut réservé de,supporter bien des douleurs,’et je devais-à mon tour éprouver un

inconsolable chagrinl parce iqu’il est depuis longtemps absent;’ je ne sais même s’il vit encore ou s’il a péri. Tous lessiens le

pleurent maintenant, et le vieux Laerte,- et la prudente Péné-lope, et Télémadue, qu’il a. laissé bien jeune encore dans son

palais. » A - . N p a I -I Il ditïcepdiscours réveille tous les regrets de..Télémaque etson désir de revoir Ulysse. Deslarmes-tombent’ de ses yeux enentendant parler de son père , et de ses deux mains prenant sonimanbeau de pourpre, il se couvre le visage. Ménélas. le reconnaît ;N

alors dans son âme il balance, incertain s’il laisSera Télémaqueserlivrer au souvenir de sen père, ou s’il doit l’inferroger d’abord

et lui parler en détail. I . n ’ A i ilTandis, que Ménèlas hésite au fond de son cœur, Hélène sort

deisa chambre, superbe et parfumée, Semblable à Diane qui porteun arc d’or; Adraste lui présente un siégé élégant; Alcippc porto

un tapis d’une laine moelleuse; Phylo porte une corbeille d’ar-ïgent , qu’Hélène reçut d’Alcandre, l’épouse de Polybe, habitant

de Thèbes ,v ville d’Égypte, où ,’ dans son palais, se trouvaiéntn

de grandes richesses; Polybe donna deux. baignoires d’argent ,deux vtrépieds, dix talents d’or a Ménélas-. De son côté, l’épouse

de Polybe voulut aussi qu’Hélènereçût des présents magni-liques y elle offrit à cette princesse une quenouille d’or avec unecorbeille ronde en argent, et dont les bords-extérieurs étaientenrichis d’or"; En ce moment la suivante Phylo porte la corbeilleremplie de pelotons déjà filés , et sur laquelle est étendue la que-nouille entourée d’une laine-violette. ’lléléne se place sur le siège,

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u

l dera’repousse’r le malheur. y)

CHANT 1v. 41ou» se trouve une estrade pour-reposer ses pieds, etlse hâte d’in-

terroger son époux en ces mots : . . jn Savons-nous , ô divin Ménèlas, quels sont les hôtes arrivés

aujourd’hui dans notre palais? Me trompé-je, ou bien samit-ce

la 9 Mon cœur m’invite a parler. Non , jamais aucunhomme, aucune femme (j’en’ suis frappée d’étonnement) ne m’a

paru ressembler a ses parents comme cet étranger a l’aird’étrele fils d’Ulysse, Télémaque, lui que son père laissa jeune encore .

dans sa maison, lorsque les Grecs, a cause de moi, malheureuse,porteront chez les Troyens une lamentable guerre. li I

a Chère épouse, reprend aussitbt Ménélas, la même pensée

m’oœupait en ce moment ;p oui, ce sont bien la les pieds d’Ulysse,

ce sont ses mains,- le leu de ses yeux, sa tète, et même la cheve-lure dont elle est surmontée. D’ailleurs, lorsque, dans mes dis-cours j’ai rappelé le souvenir d’Ulysse et datons les. maux qu’il

a soutiens pour moi, ce je ne prince a répandu des larmes amé-res, et de son manteau de urpre il s’est Couvert le visage. n

Aussitôt le fils de Nestor, Pisistrate, fait entendre ces paroles z;a Ménélas, (ils de Jupiter, chef des peuples,gil est vrai, ce.

héros est le fils d’Ulysse, comme vous le dites; mais Télémaque

est modeste : il a craint danstson âme, en venant ici pour la -première Sois, de nus interrompre par de vains discours, vous

’ dont la voix nouscharmecomme œlle d’une divinité. Mon père,

le vieux guerrier Nestor, avoulu que je fusseïle’eompagnon de

ce prince, qui désirait vous voir pour obtenir de vous quelquesconseils ou quelques secours. Hélas! l’enfant dont le père ost.absent éprouve de grands maux dans sa propre maison, lorsqu’iln’a pas d’autres protecteurs : tel est aujourd’hui Télémaque; son

père est absent, et nul parmi les citoyens d’lthaque ne veut l’ais

a Grands dieux! s’écrie à l’instant Ménélas, il est donc venu

dans ma maison le fils. déca héros qui livra pour ma cause descombats’si’ terribles, lui qu’à son retour je comptais honorer et

chérir musi’quetous les autres Argiens, si le puissant Jupiternons eût permis de revenir à travers les flots sur nos vaisseaurapides. Alors j’aurais fonde pour lui dans Argos une ville, etj’aurais construit un palais, pour qu’il amenât dïlthaquc se.trésors,’son fils et ses peuples; ou bien j’aurais assigné d’autres

Æ.

a

-

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n- ’L’ODYSSÉE. 0demeures aux citoyens d*’une ville entière, parmi toutes cellasqui Sont soumises à mon empire. [à du moins nous serions tou-jours restes ensemble; rien ne nous aurait empêches de nousaimer et de nous réjouir, jusquîà ce que le nuage à! lai mort ,nous eût enveloppes. Mais un dieu, sans doute jaloux d’un tel.avenir, alvoulu qulUlysse fût seul malheureux et privé» de revoir

sapatrie.» A W ., . ’ 3il dit, et ce discours réveille la douleuridans toutes les âmes.Hélène. issue de Jupiter, pleurait abondamment; Télémaque etMenélaspleu’raient de même, et le fils de Nestor ne resta point

sans répandre des larmes. Il rappelait dans sa Antiloque, .héros irréprochable, que tua le fils vaillant de l’Aurore. Plein du. ’

souvenir de son frère, Pisistra’œ parle en ces mois :l

a Fils d’Atrée, souvent le vieux Nestor mla dit que vous étiez le

plus prudent des hommes, quand nous par-liens de vous dans n03demeures, et que nousIdiscourionsepsemble. Aujourd’hui, s’ilest possible, cédez âmes "avis; je ne puis me plaire a voir couler

V des pleurs au milieu d’un-festin. Quand’l’aurore brillera dans les

cieux, je ne m’opposerai’ point à ce qu’on pleure ceux que lal mort a moissonnésl [49.8.4301 hommage que nous plissions offrir-

a ceux qui ne sont plus est de couper notre chevelure et de repen-dre des larmes. rai moivmôme perdu mon frère, qui n’était pas le

moins vaillant des Grecs. Ménélas, vous evezdû le connaître;moi, je ne l*ai jamais vu; mais on dit qu’Antiloque l’emportaitsur tous les autres par sa vitesse à la course et sa vaillance dans.

’ les combats. )) V . . i "«Ami, lui répond Ménelas, vous avez dit t’outceque dirait,tout ce que ferait un homme sage et bien plus âgé que vous. Ne.d’un père prudent, vous parlez avec prudence;.0n reconnaîtaisément la postérité, des hommes à qui Jupiter fila d’heureusæ

destinées au jour de leur naissance et de leur mariage; telleestp celle que mamtenantet toujours il n’a cessé d’accorder à Nestor;

il a voulu que votre père, au sein dia-l’abondance, vieillltdans ses

demeures entourelde. fils prudents et braves dans leseombats.p Maintenant-donc suspendons les. pleurs qui viennent de s’échap-par; goûtons de nouveau les charmes duæpas,et qu’on verse l’eau

sur nos mains. Aü-retouride l’aurore Télémaque et moi nous au-

rons encore un elltl’etiellrct nouspourrons discourir ensembles il. -

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CHANT. 1v. i sar Aussitôt Asphalion, l’un des fidèles serviBeurs de Ménélas,

verse Peau sur les mains des convives, qui se hâtent de prendre

les" mets qu’on leur asservis, . . . i ’. Cependant Hélène, la fille de. Jupiter, s*occupe, dlun autre

soin; elle jette aussitôt dans le vin une préparation merveilleusequi suspend les douleurs et la colère, et porte avec ellel’oubli de

tous lesmaux ; icelui-qui dans sa coupe la mêle à son breuvagene verse point de larmes. durant tout un jour; non, lors mêmeque périraient ou son père ou sa mère, lors même que son frèreou sonfils chéri seraient permis par l’airain, et qu’il le verrait de

ses propres yeux. Tel était le remède salutaire que possédait la 4fille de Jupiter, quille reçut de ’I’Êgyptienne Polydamna, l’épouse ’

de Thonis; car c’est dans l’Egypte surtout que la terre féconde

fournit migrand nombre (le-plantes, les unes salutaires, les au-tres mortelles ; en ce pays chaque homme est un médecin habile,parce que tous sont issus de Péon. Quand Hélène eut jeté cettepréparation dans l’urne, elle ordonne qu’on verse le vin, et de

l nouveau fait entendre-ces paroles : - « ’ j .a Illintre Ménélas, étrons, enfants de héros valeureux ( Ju-

piter nous envoie tour à tour et les biens et les’maux; il peuttoutes choses ) , prenez maintenant le repas, et goûtez, assis dans

nos demeures, le charme desdoux entretiens -, car je rapporteraides.ave;nturequui plairont aux convives. Certes, joue pourrairaconter ni rappeler ici tous les combats du valeureux Ulysse;mais aulmoins je’dirai ce que ée héros courageux osa tenter, et

Mû accomplit dans’laville des Troyens, ou vous, Grecs, avezéfifouvé tant de peines; Un jour donc, s*étànt meurtri de coups

honteux, et jetant Sur 83 épaules une.pauvre tunique, commeun vil esclave, il arrive dans la vaste de nos ennemis; ainsidéguisé sous cet habit, entent-pris pour un véritable mendiant,tel qu’il n’en parut jamais sur les vaisseaux des Grecs. ll pénètre

w en cet état dans laiville des Travers. Tous ignoraient que ce fûtUlysse; moi seulevl’ays’ant reconnu; je l’interrogeais, mais parruselil évitai-t; de me répondre. Pourtant, dés que je Vous lavé;

parfume d’essence, et revêtu d’autres habits, je lui jurai, par le

plus terrible dœ serments, de ne point découvrir Ulysse au»Troyens avant qu’il eût regagné les tentes et les navires»; alorsseulement il me dévoila tous. les desseins, des cites. Puis ce héros,

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44 . Il L’oansuE. .ayant inlmolé de son glaive une fouleLd’ennemis,.retourna parmiles Argiens, et leur rapporta de nombreux renseignements. Alorstoutes les Troyennes jetèrent des cris de désespoir; moi cepenwdent je me réjouissais au (and de mon cœur, car déjà tout mondésir. était de retourner dans ma maison, etsans cesse je pleuraissur la faute ou Vénus m’avait’entra-lnée, lorsqu’elle. me conduisit

ici, loin de ma chère patrie, qu’elle me sépara de ma tille, du lit.’ nuptial, et de mon époux , qui ne le cède à personne ni par sa

prudence ni par sa beauté? n ’ ’ I i lV a Oui,’chère épouse, reprend aussitôt Ménélas, tout ce que

, vous dites est vrai,’et vous parlez avec sagesse. J’ai connu’l’espritr

et les conseils d’un grand nombre de héros, et j’ai parcouru denombreuses contrées; mais je n’ai vu jamais mortel d’une .granw

lieur d’âme égalée celle du patient Ulysse. Je dirai surtout ce

que ce héros courageux osa tenter, et ce qu’il accomplit dans lecheval de bois ou nous pénétrâmes, nous, les plus, vaillants des

Grecs, pourporter aux Troyens le carnage et la mort. Hélène,vous vîntes alorsa l’endroit ou nous étions; un dieu, qui sans ’doute’voulait combler de gloire les Troyens, vous inspira cettepensée; le beau’Déiphobe accompagnait vos pas-Trois fois, en les

touchant, vous’fltes le tour de nos larges embûches, et vous ap-pelâtes parleur nom chacundes pins illustres Argierls; (animi-

tla "voix de leurs épouses.’Assis au milieu de nos guerriers, le’ 4 «- , Ulysse et’moi, nous reconnûmes vos paroles. Sou-

r par un mouvement impétueux, Diomède et moi IÏsortir, ou du moins vous perler de l’intérim;a . s arrête et nous retient malgré notre désir.IGrecs’gardent le plus profond silence; leseul

p j ’rait répondre à vos discours; mais Ulysse lui ferme .la bouche de sa .l’orte main, et sauve ainsi toute-l’armée. il leretint jusqu’à ce que la divine Minerve vous eût éloignée. il.

a Noble fils d’Àtrée; Menèlas, chef des peuples; répond le

v jeune Télémaque, ma douleur n’en est’que plus amère; ces a.ploits n’ont puil’arra’cher à la mort : il devait .pfii’rçlors même

qu’il eût porté dans [son sein un cœur de fer. Toutefois, ôMél-’llélas, allonsretl-ouver notre couche. pour qU’all sein durGPOS

nous goûtions les doumurs’du sommeil.» i V 1 vIl dit; aussitôt [l’éléne’commandelil ses captives de préparer

1

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k A CHANT 1va . sesous les portiques deux lits garnis de belles couvertures de pour-pre, moqu de tapis, et par-dessus de tuniques d’une étoffemoelleuse. Aussitétees lemmes sortent du palais W15 desflambeaus; elles se hâtent de préparer les deux couches; unebclLrautconduit les étrangers. Ainsi, pendant toute là-nuit l’illustre

Télémaque et lehms de Nestor dormirent sous les portiques-dupalais; Atride s’était retiré dans l’apparterùent le plus secret de

,sardemeuree’levée, et près de lui reposait Hélène, la plus belle

des femmes. i -w . . ’ l iLe lendemain , des que .llAurore aux doigts de rose eut brillédans les cieux , Ménélas siamoise au sommeil, revêt ses habits ,suspend à ses épaules un glaive tranchant, et chausse à ses piedsde riches brodequins. En s’élbignant de sa chambre, le héros;semblable aux dieux ,. se rend auprès de Télémaque, et lui parle

enœsmots’:m - ’ .k . ia Quel besoin, ô généreux Télémaque ,l vous a conduisit jusque

dans la divine Lacédémone, sur le, vaste des des mers? Séduit-ce-

une affaire publique, ou quelque intérêt particulier? Dites-moi

lavérite.» l . i ". ’r.« Fils (l’urée, .cheî- des peuples, répond aussiwl. le prudentTélémaque, je suis. venu dans l’espoir d’apprendre auprès de

vous quelque nouvelle de mon père. Mes biens sont dissipés , meschamps fertiles sont ravagés; maniaison est remplie d’ennemis,qui dévorent mes nombreux troupeaui de bœufs et de brebis , etqui , pleins d’audace,» prétendent à la main de ma mère. Mainte-

nant donc j’embrasse .vés genoux , pour que vous me racontiez lafin déplorable dÏÜlysse, si vous l’avez Vue de vos propres yeux

ou si,vou’s l’avez apprise de quelques voyageurs; sa mère Pen-fanta malheureux.lSoit respect; soit pitié ,3 ne me flottez pas;dites-moi tout ce que vous savez. Si jamais mon père , le vaillantUlvsse, vous aida de ses conseils et devson bras au milieu du

’ peuple troyen, où vous, Grecs; avez seulYert de grands maux,je vous supplie de m’en garder aujourdlhui le souvenir, dites-moila vérité. » ’ I i V 7

a. Grands. dieux , s’écrie Ménélas En , ils aspireraientà reposer dans la couche d’un homme vaillant, ces lâches insen-sés lDe même lorsqu’une biche a déposé ses jeunes faons encore [à

la mamelle dans le repaire d’unifort lion,lelle parcourt la mon-.

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se I , L’onvssEej. Utagne, et va paître [cavalierbages de la vallée. Alors l’animal ter-rible revient en’sori filtre, et les égorgeljous sans pitié; telUlysse immolera ces jeunes audacieux. Grand Jupiter, Minerve;Apollonhah! que n’est-il encore ce qu’il [ut autrefois dans la.superbe Vlesbos, lorsque, à la suite d’une querelle, rie-levantpourlutierÏ contrel’hilomélide ,4 il terrassa ce guerrieer bras

vigoureux, et combla de joie tousples Grecs! Si tel qu’il étaitalors, Ulysse paraissait à la vue des prétenæhts ,1 pour eux tousquelle mort prompte! quelles noces amères! Quant aux questions,que vous m’adresser, j’y répondrai sans détour, et ne vous

y tromperai pas; je ne vous cèlerai point non plus ce que m’a ditle véridique vieillard: marin ,» je ne vous cacherairienf n i

« Malgré mon ilnpatience de’ retourner dans ma patrie, les.

dieux me. retenaient en Égypte , parce que j’avais négligé de leur.

offrir des hécatombes. Les dieux veulent que toujours euse sou-vienne dé leurs lois, Au milieu de la mer, en fare del’Égypte ,*s’é-lève une ile (on la nomme Phare), éloignée -du;rivage de toute la

distance qu’en un jour franchissent les navires lorsqu’un ventfrais enfle ieurs’voiles; cette lle présente un port spacieux ,vd’où.les vaisseaux peuvent être aisément lancés au mer, après, quÏils

ont puisé lfeau nécessaire au voyage. c’est la que durant vingtjours je fus. retenu par les dieux , et privé des vents favorablesqui sont les guides des navires sur’ le vaste des de. lamer. sansdomino tes nos provisions. et la force de mes compagnons se se-’nt ,1 si l’une des de la mer, touchée de com-v

pu m’avait sauvé, la fille del’illustre Protée, vieillard

me N v (par qui je sentis ranimer mon. courage, lors!qtf ne errer seul loin de mes compagnons-Car eux tous

w les jours allaient pécher autour de l’lle , avecleuna hameçonsrecourbés; la faim dévorait leurs entrailles. Idothée, s’approchant

alors, me parle en ces mots: I’ ’ l .- -«Étranger, ôtes-vous donc sans courage et sans raison ? cédas V

vous volontiers à la mauvaise- fortune? et vous plaisez-vous en

souffrant mille maux à rester longtemps dans cette ile, sanspouvoir trouver un terme à vos peines, lorsque la vie de vos ’

CompagnOnS est prête as’ételndre Ï)! , g .a O’vous, qui sans doute étés une déesse , luirépondis- je aus-

sitôt, mon, ce ufest point volontiers que je reste en ces lieux, -

la

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s.

.* CHANT 1v. - a ’47mais jYaurai sans’doute odieuse .lesîimmortels habitants de l’O-

lympe :ldites-moi donc (les dieux savent tout) quel est celui des ,immortels qui ,m’enchalne, me femelle chemin et me prive duretour; ditesrmoi comment je pourrai naviguer sur la mer pois-

sonneuse.» . ’- , * ’ .«Étranger, repartit la déesse, je vous révélerai tout ce que je , -

sais. Un dieu marin, vieillard véridique, parait souvent sur cette. plage, l’immortel Égyptieri, qui connaît toutes les pro-I.

fondeurs de la mer, et l’onde; serviteurs de Neptune; ondit que’ ce vieillard est mon’père, et qu’il me dorma- le jour. Si par vos

ruses vous pouvez le saisir: il vous enseignera votre’route, lalongueur du voyage, le moyen duretour, et commentlvouspourrez naviguer sur’la mer poissonneuse. Il vous apprendra.même, si vous le désirez, o noble enfant de Jupiter, quels sont les ,biens et les maux survenus dans votre -maisonfdepuis que vousl’avez quittée.pour,tenter un voyage long et silpérilleux. il

a O déesse , m’écriai-je alors, daignez me dire quelles embûches

il faut tendre a ce divin vieillard, de peur qu’il ne prévoie maruse, et ne parvienne. à m’échapper-; sur il est difficile pour un

. faible mortel de dompter un dieu. u. - .« Je vous expliquerai tout avec détail, reprend .ldothêe. Sitôt

que le soleil touche au plus haut des cieux , le vieillard véridiquesort de la mer, au souffle du zéphyr qui le cache en noircissant»la surface des eaux -,.puis ilva se reposer dans’des grottespro-tendes; autour de lui rassemblés dorment les phoques, issus de labelle Halosydne, et tous, sortant du sein desvagues, répandentau loin l’odeur amère des profonds abîmes. c’est la que je vous

conduirai dès quebrillera l’aurore, pour vous placer parmi lesphoques; vous, .cependant , choisissez avec soin trois compa-gnons , les plus braves (misoient sur vos larges navires. Jewais.vous instruire de tous les artifices du vieillard. D’abord il campteses phoques , et lœ examine attentivement ; après les avoir" comp-tés et contemplés, il se couche au milieu d’eux, comme; le pasteur,

au milieu d’untroupeau de brebis. Sitôt que vous le verrez as-

soupi , songez areoueillir toutes vosvforces , tout votre courage,pour pouvoir le retenir,lmalgré son désir de vous échapper.il essayera de devenir tout-ce qu’y rampe sur la terre, de l’eau, ,duÎfeu dévorant Vous cependant restez- ferme, et resserrez-le

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454 r vomissure. » rdavantage. Mais. lorsque lui-même vous interrogera par sesCours, et sera tel qu’il était quand vous lavez vu s’endormir, .alors cossez foute. violence, et déliez le. vieillard, noble héros; -puis demandez-lui quelle divinité s’irritè’contœ vous ,- s’oppose il

votre retour, et comment vous pourrez franchir la mer’pois-

sonneuse. » . J i ’ V.. « En. achevant cesparqles, la déesse Se replonge dans la mer,

Moi; cependant, je me dirigeai vers mes navires rangés sur lesable: dans me marche une foule de pensées obscurcissaient men

i cœur. Quand je fus parvenu sur mon vaisseau , nous préparonsa .leyrepas du’soir; bientôt arrivela nuit, et chacun s’endort sur le

rivage. Le lendemain, au lever de l’Aurore, fille du matin, jeparcourais les bordsde la mer profonde, en adressant aux dieuxde nombreusesprières; je conduisais trois de mes compagnons,

iceux à qui je me’fiais le plus en toute entreprise.’ . ’ ’ .à Cependantldothée, sortie du vaste sein de la mer, apportait .

les dépouilles de quatreiphpques récemment immolés, rusekqu’elle

ourdit contre son père. Elle avait creusé des lits dans le sable ,;ets’était assise en nous attendant. Bientot nous arrivons auprèsd’elle ; la déesse nous fait coucher en ordre, et jette sur chacun denous une peau de phoque. Mais cetteembuscade nous était in-supportable; nous étions suffoqués par l’odeur. qu’exhalent cesphoques nourris dans les abîmes de la mer. Quipourrait supporter,en effet, de reposer près d’un monstre marin? Mais ldothée, peur ’

nous sauver, imagine un puissant remède; elle fait couler dansnos narines .l’ambroisie’ qui répand un doux parfum, et elle dis-

sipe l’odeur du monstre des mers. Durant tout le matinvnous’attendons avec un courage inébranlable; les phoques sortent par.tro de la mer; ils*.se couchent en ordre ’sur le rivagef A midile Vieux Protée sort aussi du.sein des vagues, et trouve lesphdques chargés de graisse; il parcourt leurs rangs, et les compteavec C’est nous qu’il examine les premiers parmi les pho-ques, Sans soupçonner dans son âme aucune embûche; puis’ilse couche lui-même. Soudain nous nous précipitons en criant;nous jetons nos brasautour de lui- Mais le vieillard n’appoiutoubliéson’ art trompeur; il devient d’abord un lion al’épaisse

3rinière, uis tour à tour un dragon , une panthère, un énormesanglier ; tantôt c’est de l’eau froide, tantôt un arbre au feuillage

A .1

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Ë

A ’CHANT 1v. 1,9élevèÇCependant nous tenons lermeçt d’un courage.inébrau-’

lubie. Mais lorsque le vieillard est fafigué, quoique savant en .ruses, il m’interroge, etmeparleen ces mots : I . . i

a Fils d’Atrée,’qu’el dieu t’a donné le conseil deme tendre mal-

gré moi cette’embuche? Que te faut-il? n , . iAinsi parle Protée; moi, je lui repentis aussitôt :a Vous savez, o vieillard (pourquoi le demander par ce dé,-

t.ur’! ),-que depuis longtemps je suis retenu dans cette île,, que je nepuis trouver un terme à mes maux, etqua ma vieseconsume dans mon sein. Djtesmoi donc (les dieux savent tout)quel œt celui des immortels qui m’enchaine, me terme le chemin,

me prive du retour, ais-comment je pourrai franchir la mer pois-

- sonneuse. a .u Vous devez avant tout, me répondit le vieux Protée, offrir à

- Jupiter, ainsi qu’à tous les immortels, de pompeux aurifiais,pour obtenir de retourner dans. votre pallie, en traversant lavaste. mer. Mais votre destinée n’est point de revoir vos amis, nia

de retourner dansivotre riche palais, et votre terre natale, avantque vous ne soyez allé de nouveau sur les eaux du fleuve Égyp-tus, issu devJupiter, pour immoler des hécatombes sacrées aux

dieux immortels, habitants duciel immense; seulement alors lesdieux vous accorderont le retour-quevous désirez. n

a Il dit, et mon cœur. fut brise de’douleur quand je reçusl’ordre de retournervsur la mer ténébreuse jusqu’en; Égypte,

route longue et périlleuse, Cependant j’interroge de nouveau.Protée, et initions ce discours :ï ’ I

u l’accomplirai tout, ô vieillard, ainsi que-vous l’ordonnez. jMais parlez sansiféinte: dites-moi si tous les Grecs sont revenus

sans accident sur leurs navires, tous ceux que nous laissâmes, p. ’Nestor et moi, quand nous partîmes d’Ilion, s’il en est quelqu’un

qui périt sur son navire d’une mort imprévue, ou dans les bras’ de ses amis après avoir terminé laguerre. a

a Je parlais ainsi; Protée me répondit aussitôt-r , z-°! Atrlde, POÙI’QIIOÎ me demander ces choses? ll vous faudrait

ne rien.savoir, et nepoint pénétrer malpensée; car ce ne sera

pas, je pense, sans verser bien des larmes que vous apprendrezmates ces aventures. Plusieursjes Argiens ont péri, mais plus Isieurs ont été sauvés; deux chefs seulement des-valeureux Grecs

. - a

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50 a L’oovssee.sont morts durant le voyage du retour ( vous optimisez ceuxqui succombèrent dans les combats); il en est enrorehun pleinde vie, retenu sur la me mer. Ajax, avec ses navires auxlongues rames, awpèri. Neptune le jéta contre les roches énormesde Gyra, pour le sauver de la mer; sans doute il eût évité letrèpas’LmaAlgré la colère de Minerve, sÎil n’avait pas profère des

paroles pleines diorgueil, qui causèrent sa perte; il disait quemalgré les dieux il échapperait au naufrage. Neptune entenditredisoours tèméraire;-soudain, d’une main vigoureuse, il saisit ison trident, en frappe leproc de Gyra, qu’il divise tout entier;une-moitie reste debout, et l’autre est précipitée dans la mer:

détaitcelle ou diabord A jax s’était assis et qui fut causeJde saperte; ellè l’entraîne dans le vaste abîme de la mer écumeuse.Ainsi périt ce héros, après avoir bu l’onde amère. Votre frère,ô Ménélas, avait évité la mort etps’était échappé sur ses vastes

navires; ce fut l’auguste Junon qui le sauva, Mais lorsqu’il estprès d’arriver vers les hautes montagnes des Maléens, une violente

tenipéte le pousse. à son grand regret, sur la mer poissonneuse.jusqu’àlllextrémité du champ où sont les demeurequulhabitaitThf’este. autrefois, et qu’habitait alors son fils Égisthe. En ce

moment, aux yeux d’Agamenmon brillait un heureux retour,les dieux avaient changé les vents, les vaisseaux entraient dans leport, et, plein de joie, Atr’ide descend sur lajplage, il touche et

baise avec transport le sol de la patrie; des larmes abondantstombent de ses yeux La la vue si douce de la terre natale. Maisd’une retraite cachée il fut aperçu par un espion qu’ences lieuxavait plaçé le perfide.Égisthe;4;ui plui promitune leçompeuse de

deux talents (for. Depuis une année il faisait la garde, de peul:qu’Àgamemnon,,arrivant en secret, nerappelàt son indomptable -valeurs L’espion se hâte d’en porter la nouvelle dans le palais

au pasteur des peuples. A l’instant Êgistlie ourdit une trameodieuseÎ Choisissant parmi son peupleevingt hommes des pluscourageux, il les place en embuscade, et commande qu’on ple-pare un festin splendide. Cependant il va lui-mèméau-devantdÎAgamcmnon avec son char et ses coursiers, .enlhméditant unaffreux Il conduit ce héros , qui neprévoyait pnslla mort,fit l’égorge durant le repas, comme ou immolelun boeuf dansl’é-

nable.,Nul parmilles compagnonsd’Atride n’est épargné,-nucun de

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l-, CHANT 1v. ’ - si

ceux qui le suivirent, ni même aucun des amis d’Égisthe; il les

immola tous dans son palfis. » ’ a . a’Ainsi parla Protée. A ce discours mon âme fut brisée de dou-

leur; je pleurais couché sur le sable, et dans mon cœur je nevoulais plus vivre, ni voir la lumière du soleil. Quand jieus versebien des lames en’ me roulant dans la poussière,’le dieu. marin,vieillard véridique, me parle en ces mots :« une faut-pas, o au d’Atrèe, que vous pleuriez 5ms long-teuips sans mesme, car nous n’y trouverons aucun remède;fitachez de retourner promptement dans votre patrie. Peut-etre rencontrerez-vous Égisthe plein de vie, si toutefois, vousprévenant, preste ne l’a déjà tué; mais du moins vous particu- ,

peliez au repas funèbre. » .1 i j -I a Il dit; à ces mots, le cœur et le courage, malgré mes peines, ’

s’épanouissent dans mon: sein.- Alors" j’adresse a Protée ces pif--

roles rapides I: - . n i ’( a biaintenant jasais la destinée de ces dçunglœrriers; maisnommez-moi le troisième, qui, pleinîde vie, est retenu sur lavaste mer, ou qui peutétre n’existeîplus; je veux le savoir,

quelle que soit ma douleur. n ’a Protée me répondit aussitôt : i i - ’ la C’est le fils de Laerte, qui possède un palais dans uhaqlle; h

je l’ai vu. dans une ne répandre des larmes abondantes, prés de

la nymphe Calypso, qui par-tortue le retient-dans son palais; ilne peut retourner danssa terre natale. Il n’a ni vaisseaux’ni jrameurs pour traverser le,vaste des de lamer. Quant avons,ordiv’m Ménétas, votre destin n’est point de périr dans la fertile

Argos, ni même de connaître la mort; mais les dieux-vous trans-porteront dans le champ élyséen situé vers les confins de la terre-ou se trouve le blond Rha’damanthe; c’est la qu’une vie facile est

accordée aux humains; la vous n’aurez jamais de neige, ni depluies, ni de longs hivers, mais sanscesse l’Océan vous enverra l

les douces haleines du pèphyr qui rafralchit les hommes, parceque vous êtes l’époux d’Hêlène et le gendre de Jupiter lui-meme. »

et En achevant ces mots, le dieu se replonge dans la mer im-merge. Moi, cependant, je retourne vers mes navires, auprès de

Ihies braves compagnons; dans ma marche une foule de penséesobscuréfisaient mothŒur. Lorsque nous fûmes parvenus sur

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sa . l L’ODvssEfi». imon vaisæau, nous préparons le repas du soir; bientôt arrivelaln’uit immortelle, et chacun s’endoË sur le rivage. Le leude: Mmain, au lever de l’Aurore," fille du matin, nous lançons diabordnos vaisseaux àla mer.;’nous,dressons les mâts, et déployonsles voiles. Leslmatelots montent dans le navire, et «se placent surles bancs;- assis en ordre, ils frappent de leurs rames la mer blan-chissanteKDe nouveau, . j’arrête mes navires dans lïÊgyptus,fleuve issu de Jupiter, et j’immole des hécatombes choisies. Après

avoir apaisé lacolèredes dieux; jlèlève une tomboit mon V iAgamemnon, pour que sa gloire soit éternelle. roue ces ,accomplis, je me rembarquai ;,les. immortels .m’accordèrerit nventifavorable, et me reconduisirent rapidement dans ma chèrè’ npatrie. vous, ô Télémaque, restez dans mon palais jusqu’au h

4 onzième ou douzième jour; ensuite je préparerai tout pour votre ’départ, et vous donnerai des présents magnifiques, trois cheàvaux avec un char élégant; je vous donnerai de plus une coupemagnifique, pour qu’enTaisa’nt les libations aux dieux immortels

vous conserviez de moi toujours un doux Souvenir. n ’De prudent Télémaque lui répondit alors : ,* , .

p v « Atride, ne me remuez pas davantage en ces lieux. Ali!resterais volontiers une année entière auprès de vous, sans éprou-ver le désir ni de ma maison ni devines parents; tant j’éprouve

. de charmes en écoutant vos récits et vosrdiscours; mais déjàI mes Içompagnons ’languissent dans "la divine Pylos; vous pen-

dant ce temps me retenez ici. Quant aux présents que vousvoulez me donner, je n’accepte que la coupe; je ne conduiraipointvles Chevaux dans .Ithaque, et’vous les laisse comme l’orne-ment dexces lieux , car vous régnez sur une vaste contrée, ou lelotos et le souchet croissent en abondance, ainsique l’avoine,l’épeautre et l’orge blanche qui s’étend au loin. Dans valaque, il.

nlest point de plaines étenduesini de prairies; ,mai’smce pàtu- .rage de vchèvresm’est plus agréable qu’un pâturage. de cour- p

siers.’ Parmi nos iles qu’entoure la mer, aucune n’est Spacieuseni féconde en prés , [flanque moins que toutes les autres. v n

ll dit; le vaillant Ménélas sourit à ce discours, et, prenant lamain de Télémaque, iï lui parle. en des mots: . I - "g.

cr Oui, mon fils, vous êtes d’un noble sans, comme l’annonce g

la sagesse de vos paroles, .Eli bien, je changerai ces dols i, le le

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cumin 11v. sa* puis aisément. Des présents que renferme mon palais, je vousdonnerai 1e plus rare et le plus précieux : une coupe habilementtravaillée. Elle est tonte d’argent, mais. un or par en couronneles bords; c’est l’ouvrage de une), Je la reçus duçvaillanfiPhédime,- roides Sidoniens, lorsqu’à mon retour il m’accueillitdans sa maison : tel est le présent que je veux vous offrir. n

C’est ainsi que ces deux héros discouraient entre eux; cepen-

dantJes serviteurs s’empressaient dans le palais du roi. "fion;(luisaient les brebis, et portaientlun vin généreux; les épouses,la tête ornée de bandelettes, envoyaient chercher lepain. Ainsichacun s’occupe à préparer le repas dans le palais. i y

Les prétendants, rassemblés devant la maison.d’Ulysse,-s’a-

musaient a lancer le et le javelot sur une belle esplanade,ou déjà souvent ils firent éclater leur insolence. Antinoüs et le Ibel Eurymaque, les deux chefs des prétendants, et les plus il-lustres par leur courage, étaierltpassis à l’écart.,En ce moment lefils de Phronius, Noémon, s’approchant d’eux, interroge Anti-

noüs, et lui dit cesparoles: i A -. A , .. ,« Antinpüs, pouvons-nous ou non présumer quand Télémaque

reviendra. de la sablonneuse Pylos? Il est parti sur mon naviresmaintenant une Besoin, désirant me rendre dans les vastesplaines de l’Élide, où je possède douze jeunes avales et des mu-

lets vigoureux, mon encore domptés; je voudrais en conduire un z

icilpour le p . - * , ’ ’ - -’ -Ainsi parle Noémon; les deux héros au Tond de rame sont

saisis diétonnement; ils ne croyaient pas que Télémaque irait a-Pylos, ville du roi Nélée; mais ils pensaient’que ce héros était

allé dans ses champs pour-voir ses brebis, ou legardien desporcs.’ Enfin le fils d’Eupithée,. Antinoüs, adresse ce discours à

Noémonr. W. p. Î. .4 a. «A ,-I «Dites-moi la vérité, quand est-il. parti? Quels jeunes gensl’ont accumpagnéî Sont-ils citoyens dllthaque, ou des merce-

naires et des eSclaves? Quoi! Télémaque aurait .acc0mpli ce- dessein! Racontez-moi tout avec sincérité, pour que je le sache

bien; est-ce par violenœ, etmalgré vous, quiné a pris vôtre na-vire, ou bien lavez-mus accordé de plein gré quand il vous

. cnafaltlademanchn ., ’n v’s Je liai donné de plein gré, répondit létils’de Phronim; et

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54 . poursuis.qu’eùt laiton autre à ma. place, lorsqu’un héros tel que Télé- l.maq ne m’adressait une prière avec un cœur dévoré dechagrin’s?

ll eût, été difficile de lui refuser sa’demande. Les jeunes gens qui

but suivisont, avec nous; les plus distingués parmi lapeuple.J’ai vu monter aussi dans le vaisseau Mentor comme pilote, oupeutetre un dieu. tout semblable aloi. Je m’en étonne, en effet ;r A

j’ai vu Mentor, hier au lever de l’aurore; cependant lui-mêmeœt rhnté sur lenavire qui partait pour Pylos. » - - 4 .

[Ayant ainsi parlé, Noémon retoùrnedans" la maison de son ’père. Les deux héros restent muets de surprise. Les prétendantsen foule vont s’asseoir, et cessent les jeux. Alors Antinoüs,’pénè-tré de douleur, adresse un’ discours à rassemblée ;. son. seinœt .

rempli d’une sombre colère, et ses yeuxsont. semblables. à la

., flamine étincelante. n . . 1 l"u Grands dieux! s’écrie-HI , le voila,donc ce"grai1d dessein au-

.Gacieusement accompli par Télémaque, . "œ funeste . voyage;

nous disions qulil ne l’exécuteraitpas. Quoi! malgré tant dehéros, un jeune enfant avec témérité en équipantvunlnavire,

et çhoisissant les plus illustres parmi le peuple. Ce. voyage nous. sera- funeste’ dans l’avenir; mais Jupiter l’anéantira lui-même

avec viotence avant qu’iljaitpurdi notreperte. flûtez-vous, p Vdonnez-moi vingt compagnons avec un navire,.afin que je lui

. tende des pièges , et que je l’observeidans le détroit d’lthaque et

’de l’apre Samos z ainsi ce voyage pour son pèrefltournera tout à

’saperte.» -.- U, t m J ,i 4ll dit; les prétendants applaudissent, et donnent des ordres;ensuite ’ils se lèvent et rentrent dans la’demeureld’tllyssej ’

. Çependant Pénélope ,n’ignora pas longtemps les desseins que,dans leurs pensées, avaient formés les’prétendants; elle on fut I

instruite par lehérautMédon, qui connut leursconseil, étant4 hors de la cour; ceux-ci dans l’intérieur ourdissaient (Je-com-

pl’ot. Il se hâte, en traversant le palais, de Pannônœr à Péné-

lope ;i la reine le voyant arriver sur le seuil lui parle en ces mots aa Alléraut, pourquoi les fiers prétendants vous envoient-ile on

ces licuxtt’Est-ce pour Icommander aux esclaves d’Ulysse de sus-

pendre .les travaux ct de préparer le «festin de ces princes?Ah! qulils cossent leurs poursuites , qu’ils ne se rassemblent pl us’ctï qu’ils, prennent’ici leur dernier repas! 0 muséum, réunis

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calmar un a, saenfoule, dévorez les provisionsinombreuses et les richesses du

* prudent Télémaque, n’avez-vous donc point appris de vos pères, *

durant.votre enfance, ce que fut Ulysse pour vos parents, nedisant et ne commettant. aucune injustice, parmi le peuple?Telle est pourtant la coutume des rois, ils haïssent les uns etchérissent les autres: Lui jamais n’usa «rigueurs envers aucun

homme. Mais votre amense montre tout entière par ces actionsodieuses, et maintenant il n’est plus de reconnaissance pour les

. anciens bienfaits-u p ’ ” - "a Grande reine, lui répondit aussitôt le sage Médon , plût aux

dieux que ce fut la le plus grand malheur! Mais les prétendantsméditent un projet plus affreux et plus terrible, que n’accomé

plira pasJupiter; Ils désirent immoler Télémaque avec un feraigu , lorsqu’iLreviendra dans sonpalais; car, polir connaltre ladestinée de son père, il est allé dans la’divine Pylos et dans. la

noble Lacédémone. r P I s i. .v A cette nouvelle . pénélope sent fléchir, ses genoux et défaillir

son cœur; ’elleI’nejpeut’ proférer une seule parole, ses yeux se

remplissent de larmes, et sa douce voix expire sur ses lèvres.’ Après un long silence, elle laisseéchapper ces motsz’ ’ I

a Héraut, pourquoi’ mon fils est-il parti? Télémaque n’avait ’

apas besoind’équiper ses rapides vaisseaux, qui, coursiers de la

mer pour les mortels, franchissent la plaine liquide. Ne veut-ildonc laisser aucun nom parmi les hommes? in I Vv à Hélas! je ne sais,-l:epartit Médon, si quelque divinité lui

suggérasse dessein, ou si de lui-mémeila conçu le projet’d’aller

a Pylos , soit’lpour apprendre le retour de son père , soit de quelle

mortilapériÇ» J ’ f, AEn achevant ces paroles, le héraut s’éloigne dans le palals

d’ÜIysse; Une douleur cruelle s’empare alors de Pénélope , qui

ne peut rester assise sur un siège, quoiqu’elle en ait beaucoupdanssa demeure; elles’asseoit sur le seuil de la chambre en pleug

I rant ayec amertume; autour d’elle’gémissent toutes les femmes. e

l qui la’servent, les: plus jeunes comme les plus âgées. Enfin; atravers ses sanglots , la reine leur adressece discours-ç’. « Écoutez-moi, mes amies; le roi de l’Ol’ympe m’accabla de

douleurs entre toutes les compagnes-de mon âge etilqui’ furent- élevées avec moi; j’ai perdu oct époux, jadis si valeureux , qui se

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’53 i . pousses- -distinguait par tant de! vertus au milieu des enfants de Danaüs;cet hômme’vaillant, dont’la gloire a retenti dansila Grèce en-

tière et jusqu’au sein diArgos; cependant voilà qu’aujourd’hui.les tempêtes enlèvent sanslgloire’ mon enfant chéri loin- de sa

maison; je n’ai point appris son départi Malheureuses, vousn’eûtes point dans la pensée de vénirlm"arracher à ma couche,

’ lorsque dans votre âme vous avez ’su pesitivement que ce jeune. héros allaitlmonter sur un large navire. Ah! si j’eusseentendudire qu’il voulait entreprendre un si long voyage -,-- je l’aurais re-

l v tenu, malgré son impatience de partir, ou’bienil m’aurait laissée

expirante dans ce palais. Toutef5is,que l’une de vous appellepromptement le vieux Dolius, ce fidèle serviteur qui me f ut don-né

par men père quand je vinsien ces lieux, et qui gardemaintenantnotre verger rempli d’arbres; qu’il se rende à l’instant’pnès deLaerte, et l’instruise de toutvce qui m’arrive; peut-être le vieil-

lard concevraat-ilqnelque résolutioR dans sa pensée , et, se pré-sentant devant. le peuple, se plaindra-Ml de deux qui (lésinent

anéantir la postérité du divin Ulysse et la sienne. n 1Alors la nourrice Euryclée fait entendre ces paroles za Maltreste chérie, vous peiniez m’immoler avec un fer cruel, ’

. ou me laisser Idans’ce palais ,gje nervons râtellerai plus le récit dela vérité. J’ai su tout ce voyage, et c’est moi qui, d’après ses ora

dres , lui donnai le pain et’le v’in;.mais il reçut de moi le grand

serment de ne rien vous découvrir avant le douzième jour, àmoins; dit-il, qu’elle ne vous intenoge , ou u’un autre ne l’ins-

truise de mon départ, "de peur qu’en pleurant elle ne flétrisse sont. beau visage. Ainsi dans, à Pénélope; après vous être lavée , après

avoir pris des vêtements purifiés, montez avec vos femmes dansles appartements supérieurs, et priez Minerve , la fille du puis-salit Jupiter; n’enrdolutez point, cetieçléesse préservera votre fils i

de là mort. Mais tramigez pas un vieillardidéjà tant, accablé ’; jene crois pas ,du tout qu’ella race d’Arcésius soit odieuse aux inn-

mortels; quelque jour un Héros viendra, celui qui possède ces- .superbes palais et ces champs fertiles. » i i -’ lh Ainsi parle Euryclée; la reine suspend un instant ses plaintes,et sèche les larmes, qui coulent de ses yeux. Puisgaprès s’êtrelavée, aines avoir pris ses vêtements-purifiés , elle monte avec ses

femmes dans les appartements supérieurs; là, déposant Perse

’ I

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- CHANT 1v. ’57sacrée dans une corbeille, elle ixnplore Minerve en ces mots : ’

a Écoutez-moi ,1 tille du puissant’Jupiter, déesse indomptable.si jamais dans ses demeures le prudent Ulysse fit brûlerie graissedes brebis et des taureaux; gardez-m’en aujourd’huile souvenir,et sauvez mon fils. chéri ; mais rejetez avec horreur les audacieux

prétendants», 1T ..- . .En achevant ce discours,’ elle pousse un cri religieux ; la déesseentendit sa prière, cependant la foule des prétendants remplissaitde tumulte les salles du palais ombragé; plusieurs deces princes

superbes pariaient ainsi :f A 7 . ’« sans doute, la reine que nous tous désirons en mariage fait

les apprêts de ses noces r mais elle ne sait pas la mort préparée a Ï

son-fils.nî ’ -« a ’ ’ fiTels étaient leurs discours; mais ils ignoraient eux-mémes ce

qui leur était préparé Cependant Antinoüs, s’ dressant a ses

compagnons; leur parla-itainsi s L ’ » Î-« Témérairee, réprimez tous ensemble vos discours audacieux,

de que quelqu’un n’aille les rapporter chez. la reine. Maisallons, levons-nous en silence pouraccomplir’ le dessein que dansnotre âme nous avons tous approuvé. n ’. "

n dit; etchoisit vingtzhommes des plus braves. lis serinent-demendre auprèsdu vaisseau, sur le rivage de. la mer. D’abord ilstirent le navire sur les flots; ils y déposent un mat ,v des voileset.passent les dans de" forts’anneaux de cuir,’disposant tout.

’avecsoin; puis ils déploient les blanches voiles. Desserviteurspleins de zèle leurvapportenti da armes. Ils montent emuite- ’dans lenavire, et le conduisent au large du Coté du midi; c’est la:

qu’ils prennent le repasqen attendant que vienne le soir. - p .La prudente Pénélope, retirée dans les appartements supé- .

rieurs, sereposait à jeun, sans aliment et sans buvage, réflé: -classant si son filsirréproçhablevéviterait la mort ou. s’il.suc-.

comberait sous les coups des prétendants. Ainsi se teurmenteun lion au milieu d’une foule: de, çbasseurs, tremblant decrainte lorsque iceux-ci l’entourent d’un cercle de pièges. ce.pendant près dela rein i vrée a tant de peines, arrive le douxsommeil. Ellesszéndort, mine sur sa couche , étreposetses mem- -

bresafraissés. v’ w. h ’ f .’. En ce moment d’autres soins occupent .la*penséc de Minerve-

s

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53’ L’oovs’saz. - p lI

’ Elle forme un) fantôme en tout semblable à la princesse lphthimé,fille du magnanime. Icare, etl’épouse d’Euméle, qui demeurait

dans la ville de Phère. Minerve l’envoya dans le palais du divinUlysse, pour qu’elle fit cesser les gémissements et les larmesamères de la malheureuse’et plaintive Pénélope. Ce fantôme léger

se glisse dans la chambre par l’ouvertureoù passe la courroie quiretient le levier dans l’intérieur,,et, s’appuyant sur la tète de la

reine, elle lui dit ces mots: . .. . ka Donnez-vous, Pénélope, quoique votre àme’soit briséeide

.douleur? Les immortels ne permettent pas que vous pleuriez nique vous soyez triste, parce que votre fils sera bientôt de retour ;il n’est point coupable envers les dieux. n ,-

Pénélope , dormant d’un profond sommeil dans le palais des:songes, lui répond aussitôt: a

v e Pourquoi, me sœur, veneznvous’en ces lieux ?untrefois vous’ ne les fréquentiez jamais, car vous habitez des demeures biens éloignées. Vous me conseillez d’apaiser mon chagrin et les nom- I

breuses douleurs qui dévorent mon âme, depuis que j’ai’perdu

cet époux, jadis si valeureuxàqui se distinguait par tant de vertusentre tous. les enfants de nanans , cet homme vaillant dont la .gloire a retenti dans la’Grèoe entière et jusqu’au sein (fifi-gos;cependant voilà qu’aujourd’hui mon fils bien aimé monte sur

un large navire, quoique sans expérience, et ne connaissantbien encore ni les travaux de la guerre ni les assqplflées publi-

’ ques. Je pleure son absence plus encore que celle d’Ulysse’;Î tremblante, je crains qu’il n’ait beaucoup à soumit , soit parmi

le, peuple qu’il visite , soit au milieu de la mer. De nombreux eu-nemis lui dressent des embûches, et brûlent de l’immoler avant

. qu’il reviennesur la terrenatale. a ’- . a Rassureuomi, reprend le fantôme d’lphthimé, et dans votreâme ne vous livrez pas à? de trop vives craintesn’l’èlémaque’n

pour guide une Compagne telle que tousies hommes désireraientson assistance (elle peutitmit) , c’est la puissante Minerve. cettedéesse «prend aussi pitié de vos douleurs; elle m’envoie mainte v

nant pour [vous dire ces choses. n . ,I - a Ah! s’écrie aussitôt "Pénélope, puisque vous ôtes une déesse,

ou que du moins vous avez entendu la voix de la divinité, dites-. moi qilelquecliose aussi surmon malheureux époux , s’il vitell-

s

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L C H A N T. Y . l g "59coreçet s’il jouit de la lumière du soleil, ou s’il est déjà mort et

descendu dans les demeures de Pluton; n ’ ’ 4Le léger fantôme lui répand auSSitotr .

V (r Je ne puis.rien vous dire sur votre époux , soit qu’il vive ouqu’il soit mort; il serait mal de-proférer’de vaines paroles. 3»

A ces mots , l’image d’lphthimé repasse par la même ouverture

de la porte, et s’évanouit au souille des vents; Aussitôt la filled’lcare s’arrache au sommeil ; son cœur s’épanouit de joie, parce

qu’un songe facile à comprendre est accouru près d’elle durant la

nuit obscure. a Î l e I A -Cependant ,»montés’sdr leur vaisseau ,, les prétendants sillon- Vnant lesnplaines liquides, méditant au fond de l’âme le trépas deTélémque. En pleine mer, enfle lthaque et l’apre Samé, s’élève.

une ne hérissée (le-rochers, quilsevnomme Astéris, etqui n’est

pas grande; elle offre aux navires deux ports favorables. C’est laque les Grecs attendent Télémaque èn lui tendant un piège."

CHANT v.

minime ’D’ULYSSÈ...

L’Aurore avait quitté la couche du beau fithon ,pafin de porter .sa lumière aux immortels ainsi- qu’aux hommes ; les dieuxétaient assis dansjl’assemblée; au milieud’eux est Jupiter; qui

tonne du haut des airs , et dont la force est immense. Minerveleur racontait les nombreuses douleurs d’Ulysse , en les nappe:lant à sa mémoire; car elle veillait sur ce héros, retenu dans les

demeures d’une nymphef le . - v ’a, Jupiter, disait-elle, etvoüs tous, dieux immortels et fortunés,

que désormais aucun des rois honorés du sceptre ne soit plus nijuste ni clément, qu’il ne conçoive plus en son âme de noblespensées, mais qu’il soit toujours cruel et n’accomplisse que des -actions impies. Ainsi nuLne se ressouvient d’Ulysse, nul parmises peuples, qu’il gouverna comme un père plein de,douceur.Mais il est rentermé dans une ile, souffrant des douleurs amères

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en i . L’ODYSSÉE.dans les demeures de la nymphe Calypso, qui le retient parforce auprès d’elle; ce lieras ne peut retourner danssa patrie. Il

, A n’a. près de lui’ ni vaisseaux ni compagnons pour le conduire surle vaste dos de la mer. Cependant voilà que maintenant des en-

;neniis perfides brûlent d’immoler son fils chéri, qui revient dans

’ sa maison; car pour apprendre la dætinèe de son père ce jeune- prince est allé dans la divine Pyloset dans la superbe Laëédé-

moues», . ’ Ü ï l - , A:q 0l ma fille, répond Jupiter, quelle parole s’est éphappée devos’lèvres? Vous-même n’avez-vous pas décidé ’qu’Ulysse’ à son

retour se vengerait de ses-ennemis? Pour Télémaque , c’est vousp qui le conduisez avec soin (vous pouvez tout) , afin qu’il abordeheureusement aux rivages de la patrie ,- et que les prétendantss’en retournent sur leur navire sans avoirexécutè leurs desseins,»

, Ainsi parle Jupiter, puis il donne cet Ordre à Mercure , son fils

chéfi: .- .’ ’ ’ I w r. si Mercure, toi qui fus entoutc occasion mon messager fidèle,va direâ la belle Calypso que me ferme résolutiontouchant leretour du malheureux Ulysse est qu’il parte sans le secoursni

- [des dieux ni des hommes; je veux-que ce héros, après avoirsouffert de grands-maux sur un radeau solide, -.al’rive*le ving-

, tïème jour dans Ia’fertile Schéric , pays des Phèaciens, sont.

presque égaux aux dieux; ces peuples au fond du cœur l’honore-ront comme.une divinité, le conduiront dans sa chère patrie , etlui donneront de l’or, de l’airain et des vêtements en plus grandeabondance qu’UlysSe lui-même nlen eût rapporté’d’llion s’ilTût -

revenu sans dommage , après avoir reçu sa part des-dépouilles.Ainsi sa destinée est de revoir ses amis. et de retourner dans saliante demeure auxj terrespaternelles. » ’ r. ’I il dit; aussitôt le céleste messager s’empresse d’obéir. Il at-

tache à ses pieds deisuperbes, d’immortels brodequins d’or qui le

portent sur les ondes et sur la ferre immense aussi vite que le« souffle des vents. Puis il prend la baguette dont il se sert-pour

fermer à son gré les’yeux des nommes ou les arracher au som-meil; le tenant à la main , le puissant Mercure s’envole densités

airs. D’abord franchissant les montagnes de fiérie, du haut des

cieux il se précipite sur la mer; il effleure les vagues avec rapi-dité, semblablea cet oiseau nommé-lares, qui,parmi les gouffres

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. CHÀNT vz . onprofonds de la mer orageuse ,..poursuit. les poissons, et plongeailes’épaiæes dans l’onde amère. Tel paraît Mercure penché

sur la surface des me. Lorsqu’il arrive à l’île lointaine , le’dieuquitte. la mer. azurée,’et gagnelé rivage, jusqu’à ce qu’il par-

vienne a l’immense grotte qu’habîtait la nymphe à la belle che- - .vannerie dieu la trouve dans l’intérieur de cette demeure. Un

* grand feu:.brillait;dans le foyer, et par toute l’île s’exhalait lesuave parfum du cèdre et du thuya qui brûlaient, fendusèn éclats;

fi la déesse, au fond de cette grotte, chantant d’une voix mélœdieuse, s’oœupait à tisser une toile avec une navette d’or. Toutalentour s’élevait un bois verdoyant d’amies , de peupliers et de

cyprès. la les oiseaux venaient faire leurs nids, des soupe; leséperviers, et les corneilles marinas à la voix perçante, qui seplaisent aux travaux de la mer. A l’extérieur de cette grotte

’ * sombre une jeune vigne étendait [ses branches chargées degrappes; fontaines parallèles laissaient couler une ondelimpide, d’abord rapprochées entre elles,:Puls se divisant enmille détours. Sur léurs rives s’étendaient de vertes prairies,émaillées d’achesiet de violettes; un dieu même arrivant en ceslieux était à cette vue frappé d’admiration, et goûtait une douce

joie dans son cœur; c’est la que s’arrête étonné le meæager Mer-

cure. Aprës avoir en secret admiré toutes ces læautés, il se-halze ’

d’entrer dans la vaste grotte; en le voyant, Calypso n’ignore pasquel était celui qui se présentait devant elle; jamais les immor- -tels ne’restent inconnus les uns aux autres, quelque (daignéesque soientleurs demeures. Mercure noàtrouva point Ulysserauprèsdab-déesse; [mais ce hères gémissait assis sur le rivage; la.çomme auparavant , rongeant son âme. dans les pleurs, les sou:

a pire et les chagrins, il contemplait la mer orageuse en répandantdes larmes. Cependant calypso, déesse puissanfc,’ après aimaiplace Mercure sur un siège éclatant , l’interroge en ces mâts h: ’

a Pourquoi, Mercure, qui portez une baguette d’or, venez-vous dans nia demeure, divinité vénérable et chérie? Autrefois

vous ne’la fréquentiez pas. Dites-moi ce que vous. avez dans lapensée; mon désir est d’accomplir vos vœux, si je le puis, si dmême leur accomplissementiest possible. Mais suivez-moi d’abord,

afin que je vous offre le repas de l’hospitalité. n l r sN La déesse, en parlant ainsi, place une table, et l’ayant char-.

- r 6nt

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1

m I amuïsses.gée d’ambroisie , elle verse le rouge nectar. Aussth le messagerMercure prend la nourriture et le breuvage. Quand il a terminéce repas au gré de ses’dèsirs, il fait entendre ces paroles : A ’

a Vous me demandez,’déesse,’ pourquoi, moi qui suis un

- - dieu, je viens dans votre ile; je vous répondrai sans détour;vous l’ordonnez: C’est t1 upiter qui m’envoie ici malgré moi; quel

dieu volontiers traverserait une si vaste mer? La ne s’élève au-cune ville où les hommes offrent aux divinités des sacrifices etdes hécatombes choisies. Mais telle est la volonté du puissantJu-piter, que nul parmi les immortels n’ose l’erifreindreni même

la négliger. Il dit que vous retenez près de vous le plusjnfortuné

de tous ces démuni neuf ans entiers c0mbattirent autour dela citadelle de Priam , et qui la dixième année; après avoir. dé-truit la ville; retournèrent dans leur patrie; mais plusieurs de -ces guerriers pendant le retour offensèrent Minerve, et œlle-cisouleva contre eux les tempêtes et lesivàgues mugissantes» Là

rirent même tous les braves compagnons d’Ulysse; lui seul,,1 poussé par les vents et les flots, fut jeté sur ce rivage: C’est ce

héros qu’aujourd’hui Jupiter vous ordonne de renvoyer sans de;lai; car Ulysse ne doit point mourir loin de-Ceuxquile obtinssent;

. sa destinée est de revoir ses amis, et de retourner dans sa belle

* demeureaux terres paternelles. a ’ . lA cet ordre, la belle Calypso. frémit de douleur, et laisse à

l’instant échapper ces mots : I Î , - q« Que vous êtes injustes, dieux jaloux plus que tous les au-

tres! vous. qui toujours enviez aux déesses le bonheur de s’unirouvertementÇàdes hommes et de les choisir pour époux. Ainsi,lorsque Orion fut enlevé par l’Aurore aux doigts de rose, les-dieiix fortunés s’irritèrentlcontre lui jusqu’au moment ou, sur-.venant dans Ortygie, la chaste Diane l’eut percénde ses douces

flèches. Ainsi, lorsque la blonde Cérès aima -Jasion, et que,cédant à ses désirs, elle s’unit d’amour avec lui dans un guéret

que la charrue avait sillonné trois fois, Jupiter les déçouvrit, et

soudain il immola Jasion de sa foudre étincelante. De même au;, jourd’hui, divinités jalouses, vous m’enviez le bonheur de pos-séder un mortel, Cependant c’est moi, qui l’ai sauvé, lorsque seul.

. .il parcourait les débris de son vaisseau , que Jupiter avait brisé

-d’un,c0up de tonnerre, au sein de la mer ténébreuse: La péri;l

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CHANT v, - sa.rent tous les braves compagnons d’Ulyæe; lujseul, par lesvents et les flots , fut jeté sur .ce rivage. Je l’aimai , je le nourris,je lui promis même de lei-rendre immortel, et de llaffranchira jamais de la vieillesseaNÏàis enfin, si telleest la volonté du puis-sant Jupiter, que nul parmi les immortels n’ose l’enfreindre’ni"mème la négliger; qu’Ulysse parte, puisque Jupiter l’excite et

le pousse encone-i sur la mer orageuse. Cependant je ne puisle renvoyer moi-même; car je n’ai ni vaisseaux ni cpmpagnonspour ’le conduire sur le vaste, dos .devla mer; Mais, bienveil-lente; je l’assisteraij de mes conseils, et ne luî’cacherai. pascomment il pourra. parvenir heureusement aux terres de la V

patrie.» , . - I . a , - i« Oui, répond. le céleste messager, hâtez-vous de renvoyerUlysse, évitez la colère de Jupiter, de pour que dans revenir ce

dieu courrouce ne s’indigne contre Vous. n ’Mercure s’éloigne en achevant ces paroles. Llauguste nymphe

se rend auprès du valeureux AUlyssehaprès avoir entendu lesordres de Jupiter; elle trouve ce héros assis sur le rivage; ses

, yeux ne tari’ssaientpàs de larmes :. il consumait sa douce vie (bus . »la tristesse, en soupirant après sonîretour, auquel la nympheneiv’oulaiti pas consentir.- Toutes les nuits, contraint par néces-sité de dormirzdans lai-grotte profonde, il ne voulait pasoe quevoulait la déesse; èt pendant le jour il était assis sur.les’ro-,

chers qui bordent la plage; la rongeant son âme dans les pleurs,lessoupirs et les chagrins, il contemplait la mer orageuse en rè-pandant des larmes. En’eeymoment la déesse puissante .s’ap-proche du guerrier, et lui tient ce discours : "

. a Infertuné; ne pleurez plus en ces lieux , et que votre vie ne .se consume plus dans la tristesse; bienveillante pour vous, jeconsens la vous renvoyer. Ratez-vous, allez*couper les arbresélevés, et constmisez avec le fer un large radeau; sur la partiesupérieure vous fixerez un tillac qui puisse vous porter sur lamer ténébreuse. J’y’deposerai du pain, de l’eau, du vin fortifiant,

pour vousigarantir de la faim; je vous donnerai des vêtements,et je ferai souffler pour vous un vent favorable; afin que vousarriviez heureusement aux terres de la patrie, si toutefois le per-mettent les dieux habitants de llOlympe, qui remportent sur"moi par leur intelligence et leur pouvoir. n ” . ï ’

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64 ’ . . , L’O-DYSËÉEl rElle dit ; leprudent Ulysse frémit déterreur, et répond "a l” 4

tant ces paroles rapides : , , . a ’ , i4 « Ah! sans doute, déesse, vous av z une autrepeusée que. celle de mon départ, vous’qui m’or’ . fluez d’affronter sur au.

simple radeau le profond ’abllne de la mer, ’abfme périlleux’

terrible, que ne peuvent franchir les meilleurs navires, pojoyeusement par le souffle de Jupiter. Non, jamais, malgrévous, je.ne monterai dans un’radeau, si vous ne jurez, bdéesSe,’par un» serment redoutable, que" vous n’avez point résolu ma

perte en me donnant cecqnseil. » n . l. . ’H yAres mots, Calypso «sourit; elle prend la-imaintd’tllysse; le.

.nomme,etluidit:f ’ j. i . ’ :-a Certes, vous êtes bien rusé; bien fertile en ressources, pour

qu’il vous soit venu dans la pensée de proféreinune telle parole?J’en prends donc à témoin la terre, les cieux élevés, et les eaux

souterraines du Styx, serment le plus fort et le plus terrible auxdieux fortunés, je n’ai point résolu d’attirer sur vous quelque ,autre malheur. Maïs je pense et je vous dis caque je meconseil-.lera’is-à moi-même, si j’étais soumise à pareil destin. Mon esprit 1

est sincère, et mon sein ne renferme point un de fer, mais

uncœur compatissant. » . ’ 1 - iAyant ainsi parlé, Calypso se hâte d’abandonner le rivage;

Ulysse suit les pas de cette divinité. Le mortel ’et la déesse arri-’ 4 vent dans l’intérieur de la grotte; la le héros se place sur le’siége

que venait de quitter Mercure; la nymphe place devant. lui touteespèce de mets,» le breuvage et les aliments qui sont. la nour-

u riture des hommes mortels. Elle-même s’asseoit en fade du divin *

Ulysse; ses servantes lui présentent le nectar et l’ambroisie.J’eus les Jeux alors portent les mains vers les mets qu’on leur aservis, .Qllaïnd’ ils ont satisfait la faim lat-la soif; la déesse Calypso I

èommenoe l’entretien, et fait entendre ces paroles ’: t

«Noble fils de Laerte, astucieux Ulysse, voulezvvou’s. doncmaintenant retourner sans délai dans votre chère patrie? Ehbienxsoyez heureux! Mais si vous saviez combien de mauxpvousfera supporter le destin avant d’arriver aux terres paternelles,sans’doute, restantjci près de moi, vous habiteriez’encorecette de-meure, ou vous seriez immortel, quel que. soitlvotroudésir de re-voir l’épouse que ilousmgrettez tous les jours. Cependant je [ne-i

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CHANT v. 65vante de n’être point inférieure à cette femme, ni par la taille, nipar les traits de mon visage; certes il siérait malades mortellesde disputer aux déesses la grâce et la beauté. h "

a Déesse vénérable,.ne vous pas contre moi, répondaussitôt le sage w; je sais parfaitement combien la prudente yPénélope vous , Sinférieure par la taille et par la beauté, car;Pénélope est une femme, et vous une inimortelle’exempte devieillesse. Mais se que je veux, aequo je désire sans cesse, c’estde’rerçtrer dans ma maison, et de voir le jour du retour. SLquelï

que dieu me poursuit encore; sur la mer. profonde, j’endurerai ,tout, mon sein renferme une âme patiente dans les douleurs ; ’ j’ai 4déjà beaucoup ’ souffert, j’ai supporté de nombreux travaux surles-flots et.dans les combats; aces peines ajoutons encore canon-

veau danger. u V ’ .’ - , »A peine eut-il achevé de parler que le soleil se couche, et que

les lénèbrespouvrent la terre; alors Ulysse et Calypso se. retirent aau rondie la grottevobscure, et prèsl’un de l’autre tous les deux-

goûtentleseharmes de l’amour. I . -. V ’ ’ . lLalande t , dès que l’aurore brille dans Essieux, Ulysse

revêt sa. tunique et son-manteau; la nymphe prend une robeéclatante ne blançheur, d’untissu délicat et mon; elle.emloure sa taille d’une belle ceinture d’or, et mél; sur sa tète un

long voile; puis elle-se préparer le départ du héros--magnanime. D’abord elle lui donne une forte hache d’airainà deux tranchants, qu’il peut manier sans efforts ;à cette cognées’adaptait solidement un superbe manche dlolivier ;, elle luidonne encore une Resaiguè h’ polie; puis ellele conduit al’extrémité de me, ou croissaien arbres magnifiquœ, l’aime,

le mien et le pin à le haute chevelure, qui, dessééhés depuis Ilongtemps et brûlés par le soleil, étaient plus propres à nevi-guer, légèremenhvrAprès avoinindiqtmj l’endroit ou èroissaientces arbres élevés, la déesse Calypso retourne dans saademeure.

Alors Ulysse eoupe lesarbres, y et se hâte de terminer son ou-vrage. il en abat vingt, qu’il émonde avec le fer, qu’il polit avec.soin, et qu’il aligne au cordeau; Cependant Calypso, déesse puis-

sante, apporte au héros des tarières; aussitôt il percetoùtes les .poutres, et les réunit entre elles; il les assujettit ensemble avecdes clouset des alevines. Autant qu’un ouvrier habile dans son I

- . * n - 6.

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u

a, - - g L’çDYSSÉE.art (mendia base d’un large vaisseau de transport,autant Ulysse- -donne détendue a sonrlarige radeau. Puis, plaçant lentillac; qu’il i

lait avec de "nombreux madriers, il termine en le recouvrantavec de largesnplanches. Il fait ensuite unImàt, auquel il adapte aune antenne, et façonne en outre un gouvernailjpour sediriger’.ll’l’entoure de toutes parts avec des claies’d’osier qui seront un

rempart contre les dagues, et jette dans le tond une grandequantité de bois. Alors Calypso, dèesse’puissante, apporte des rtoiles destinées à. former les voiles; Ulysse les dispose avec nabi. ’

letè,lpuis il attache lesc’érdages, ceux qui tiennent les voiles »4 pliées, ceux qui les tiennent étendues.’Eniin, a l’aidede leviers x

puissants, il-lance cette barque sur la vaste mer. i a - .l Lckquatrième jour Ulysse eut achevé tout son ouvrage, stylecinquième la belle Calypso lui permit de quitter son ileL aprèsl’avoir revêtu d’habits parfumés et l’avoirjbaigné. Dans le navire

- elle place deux outres, l’une remplie d’un vin délectable, et l’au-

tre, plus grande, remplie d’eau; dans un sac decuirglle ren-ferme les provisions du voyage, c’est la qu’elle mettons lesalia

rnents qui soqtiennent les forces de l’homme ; enfin elle "envoie auq héros un vent doux etpropicc, Ulysse plein de joie abandonneles. voiles a ce vent favorable; Assisprès de la poupe, il se dirige

habilement au moyen du gouvernail; le sommeil n’approche. point de ses paupières, et sans cesse il contemple les Pléiades, le

Bouvier, si lent à se coucher, l’Oursa, qu’on appelle aussi le Cha-riot, qui tourne sur elle-nième en épiant Orion, et la seule de

toutes les constellations qui ne se plonge point dans les flots del’Qçéan. La déesse lui re’commgida de traverser la mer en lais-

’ santcetie constellation a sa gauche, 1l navigue pendantdix-sept ’Jours en traversant la mer, et le dix-huitième,rUlysse-aperçoitau sein des vapeurs les montagnes du pays des Phéedens, dontn’était déjà près; il découvrait Cette ile conime un bouclier sur la

mer ténébreuseu n V . , ’ . ,’ Cependant Ie’puissant Neptuneirevenant (Éthiopie, jetteau

loin ses regards du haut des montagnes de Solyme; il reconnaîtUinSe qui naviguait sur les ondes; la colère s’allume dans sonâme : alors en agitant la tète, il dit au fond de son cœur r 1

« Eh quoi! les dieux ont changé de résolution en faveur .d’Ulyssc, pendant que j’étais au milieu des Éthiopiens; le voila

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CHANT. v, . 07présalan-iver dans le pays des Phéaciens, ou sa destinée est die-diapper’aux- longs malheurs quile poursuivent, Mais auparavant

je veui encorefi’e rassasier lie-maux. n ’ . ,. Bit-achetant ces mais, il rassemble les nuages, bouleverse lesmers, et,-.tenant enlies mains son trident, il excite le souffle-im-pétueux de tous les vents opposés; sous’d’épaisses nuées il eu-

veloppe à la fois et IaIterre et les eaux; une nuitépaisse tombedes cieux. Avec l’Eufls et le Notuss’élancent le violent Zéphyret lel’froid Dorée, soulevant des’vagues énormes. Ulysse alors

sent ses genoux trembler et son-cœur défaillir mil soupire, et dit

en son âme : i ’ y L i ’’ , a. Ah, malheureux que je suis! quels nouveaux tourments

me sont réserves! Je crains bien que la déesse Calypsopne m’ait Idit la-vériü, lorsqu’elle m’a’nnonça que sur lamer, avant diar-

river dans ma patrie, je serais accablésde’maux; c’estmainte-nant quçislaccomplissent toutes ses paroles. «De quels affreuxnuages Jupiter obscurcit les flashs cieux, comme il boulererse lesonaçs! Lester!) de touries vents se précipitentsur la mer. ’Maintenant un amena trépas m’est-assuré. Trois et quatre lois

a fi z anaux les enfants de Danaüs qui succombèrent dans les plaines

r lien en défendant la cause des Atrides l Plut aux dieux que jefusse mort; que j’eusse’ accompli ma destinée en ce jeunot) de,nonihreui Troyens dirigeaient contre moi leurs lancesdlairain,’autour du fils ae Pelée; qui venait d’expirergDu mains mon;j’aurais obtenu des funérailles, et les GrecS m’auraient cémblé de

gloire; aujourd’hui monhdestin est deÏpérir’diune mort hon-

teuse. ,5 à. v * . I . .Comme il ac avait «les mots, une vague encrme fondvsur lui pd’un haut, et; se précipitant avec fureur, fait. tourner le fragile »

esquif. Soudain Ulysse tombe ioinldu radeau, le gouvernailéchappe de ses mains, Un impétueux tourbillon de tousles vents.confondus brise le mât par le milieu; la voile et les antennes:sonteinportées dans lamer; le héros lui-même reste longtempsenseveli sous les eaux; il ne peut slélever au-dessus des vagues«impétueuses, (baril est appesanti par les riches-vêtements que lui I *donna la. déesset EnfinAl surgit. et rejette de sa bouche l’ondeamère qui-coule à longs flots de sa tète. Maisil ne point oublie le V

radeau, malgré sesl’atigues; il- slela’nce au milieu des flots, et le

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sa L’ODYSSÉÈ.saisit; puis il s’assied au milieu pour éviter le trépas. La vagueavec rapidité emporte de tous côtés ce léger, ’f. comme le ivent d’automne, à traversiuncha’mp, emporte .paisses brous- -sailles qui amourachent entre elles, de même les vents emportentde tous cotés sur la mer" le radeau d’myssé; tantet-1e Notusnlelivre a Dorée, qui le rejette au loin, tantôt l’Eurus lÎabandonne

au Zéphyr, qui-le poursuit avec fureur. . . w . .Cependant la fille de Cadmus aperçoit Ulysse, la belle lno, qui

h fut autrefois une mortelle à la voix’lhumailne, sous le nom de» tencothée, maintenant obtient les honneurs des dieu);

dans les flots de la mer. Elle prend pitié du héros, -hallotte.par la;tempête et souffrant mille douleurs; telle qu’un oiseau rapide,

. elle s’élance du sein de la mer, se place sur leradeau d’UlySSe, et

hiiditqesmotszî. I 4 .- si , ’«infortuné, pourquoi le puissant Neptune est-ilainsi cour-i«ronce contiovOŒ,qu-’il vous cause-teneuse maux ?’Cep’endant il

ne vous perdra pas, malgré sa fureur; Faites donc ce que je vaisvous dire; il’me semble que vous n’êtes poinÏsans’prudence;quittez ces habits, etilaissez emporter aux vents votre radeau;vous, nageant de vos deux mains, tachez dïarriver au pays

i Phéaciens, où votre destinée est d’êtresauvé. Entourez aussi;

votre sein de ce voile immortel; vous n’aurez à craindre ni les

ni la mort. Lorsque de vos mains vous aurez tou-ché le rivage, détachez ce voile,let jetez-leLdans’la mer loin du

continent, puis reprenez votre Toute; j: . VEn parlant ainsi; ladéesse lui remet le voile,- et, semblable au

l plongeon,- elle’se précipite au sein de la mer immense alors unenoire vague la dérobe aux yeux. Cependant le; oble et patient ’

ï Ulysse hésite, et, gémissant,.il diton son cœur m, gnanime:

«Malheureux que je suis! peut-être que cette divinité metend un nouveau piégé, lorsqu’elle me conSeille d’abandonner

mon radeau. Je ne puis ml’y résoudre; mes yeux découvrentI encore trop loin de moi la terre cula déesse m’a dit que serait

mon refuge. Voici donc ce’que je ferai, c’est, il rassemble, lemeilleur parti : tant que ces poutres sermt réunies ensemble j’y»resterai toutile temps, et patient je supporterai mes douleurs;mais aussitôt que mon radeau sera brisé par lesvagues, j’aurai

’ recours a la nage : quant à présent, je illimagnie son de mieux. l)

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N CHANT" V. ’ , I 69Tandis qu’il roulait ces pensées, dans son âme, le formidable

Neptune-soulève une vaguejurieuSe, terrible, et la pousse contrele héros.:AinSi que le souffle des vents emporte unmonceau depailles desséchées, qu’il disperse de toutes. parts, de même lesvastes poutres du radeau sont dispersées. Ulysse alors s’élance

sur une de ces poutres, et, la dirigeant comme un coursier, ilquitte les-habitsquerlui donna Calypso. Aussitôt il met le voileautour de son saur, et s’élance tète baissée dans la mer, en éten-

dent les mains et nageantavec ardeur. Cependant; le puissantNeptune le découvre alors ; en agitant la tète, il dit au tond doson’

cœur: i -de Jupiter, et même alors je ne pense pas que tu trouves un

termeàtonmalhenr.» A e . . r -En tacheyankces mots, il frappe ses coursiers à la flottante

crinière; il’se dirige versda ville d’Aigues, on sont placés ses

superbespalais. k’ . I ’ v’ Cependant. Minerve, la fille de J upiter, se livreii d’autres soins à

elle enchaîne la «violence des vents, leurcommande. à tous des’apaiser et. de s’assoupir; mais elle excite le rapide Borde, et,brisfl’impèmositedes flots, jusqu’à ce que le noble Ulysse arrive

parques efle trépas, - ,-. ADurant deux jours et deux nuits entières, Ulysse est ballottésur d’énormes:vagues; et souvent en son cœur il prévoyait lamort. Mais des que l’Aurore à, la belle chevelure amène le troi-sièmeijour, le ventis’apaise, une douce sèrénité’renait sur les -flots; alors, du haut d’une vague élevée, le héros porte mon

ses regards, et près delui découvre leurre- comme aux yeux desesenfants brille l’heureuse convalescence d’un père qui, pendant

sa maladie, souffrit de cruelles douleurs et futfilongtemps affai-bli, parce quîune divinité funeste le poursuivait, comme ils goû-tent une douce joie; lorsque les dieux l’ont enfin seime de ses Imaux; de même à l’heureux Ulysse apparaissent et la terre et’lesË

forêts ll’nage, et de ses pieds il s’efforce de gagner la rive ; mais,lorsQu’il n’en est plus éloigné qu’a la distance de la voix, illen- »

tend un bruifafl’rcux au milieu des 1*9èliers«lelzrmer.’ljcs vagues

. a Qui, maintenant. en proie a des tourmènts nombreux, erre Iau milieu des’flots jusqu’à ce que tu sois parmi ces peuples issus »

parmi les Phéaciens, nautbnniers- habiles, après avoir ,évité. les-

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7o ironiser: l5.énormes se roulentnvec un horrible fracas contre la terre ferme,toute couverte de l’écume des flots; car la n’étaient ni ports pro-

, testeurs des navires, ni rades favorables, et ces bords escarpésj étaient touthérissés de rochers et d’ecueils. Alors Ulysse. sent ses

genoux trembler, son cœur défaillir, et, gémissant, il dit en son

aine magnanime : . . . i ’a Malheur à moilQuand Jupiter m’accorde enfin de voir cetteterre inespérée, et qu’après avoir franchi cet abîme, tout sem-

blait accomplilvoilà qu’aucune issue ne m’apparaît pour sortirde la mer blanchissante; devant moi des éCueils’aigus, tout au:

tour une vague qui retentit avec horreur, et des rocheslissesqui s’étendent au loin; la, mer est profonde, et rien’ou je puisse

assurer mes deux pieds pour m’arracher au malheur. Je crainsen m’avançant qu’un-flot énorme ne me pousse contre cet âpre

I rocher, et cet effort me sera funeste.Si je nage plus avant pourtâcher de trouver quelques plages tranquilles, quelques ports

. favorableS,.je crains que la tempête ne me rejette gémissant aumilieu de la mer’poissonneuse, ou qu’un dieu n’excitepontremoi-du fond des eaux un’de ces monstres nombrequue-nourrit

I Amphitrite; car je sais combienle puissant Neptune est irrité I

contre moi. » . . ’ . V -I ’ Tandis qu’il agite*ces pensées en lui-menie,,une vague énorme.

le pousse contre l’apre rivage. La tout son corps aurait jetémeurtri, et ses os brisés, si la bienveillante Minerve ne se fûtplacée dans Rame du héros; aussitôt Ide ses deux imine il saisit le

rocher, et l’embrasse en empirant jusqu’à ce que l’énme,vague V

soit passée. C’est ainsi qu’il est sauvé; mais langue, revenant’ de nouveau, le*frappe en, se précipitant, et. le jette au loin dans

la mer. Comme aux pieds creux du polype arraché de sa demeures’attachent. de nombreux petits cailloux, de même la pataudes

- mainsvigoureuses d’Ulysse est arrachée par le rocher -, la vague

énorme cache le héros, La, sans doute, malgré le destin, le mal-heureux Ulysse aurait péri-si la puissante Minerve ne l’eût’rem- epli de Alors il élève sa tète au-dessus des flots qui sontpoussés centrale rive, il s’avance à’la nage en regardant la terre, V

polir tacher de trouver quelques plages tranquilles, quelquesI ports favorables. Enfin, a force de nager, il arrive a l’embou-

chured’un fleuve au beurs limpide; il aperçoit une plagclavo-

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CHAN’E V. A , nraide qui n’est point hérissée’de rochers, et qui cependant offre

un abri contre les vents ; des qu’Ulysse a reconnu le fleuve, ill’implore du fond de son cœur, et s’écrie: t .

a Divinité puissante, qui que vous soyez, écoutez-moi; j’ar;rive auprès de vous, que j’ai désirée si vivement, et j’échappe du

sein des mers aux-menaces de Neptune. Oui, sans doute, il doit Iêtre respectable aux dieux immortels l’homme qui touche auterme, après avoir erré longtemps; -c’est ainsi que maintenantj’arrive dans Votre sein; et que j’embrasse vos genoux, après .avoir soblïert bien des maux. Laissez-vous toucher, a roi; jem’bonore d’être’votre suppliant. » A i

il dit; aussitôt le dieu modère son cours, et retient ses flots; ilrépand le calme devant le héros,et le reçoit à l’embouchure du’

fleuve; Ulysse sent faiblir ses genoux et ses bras vigoureux; soncœur est dompté par la mer; tout son corps est enflé; l’ondeamère jaillit abondamment de sa bouche et de ses narines; sansrespirationet sans voix, il tombe en défaillance, tant il est acca-blé de fatigues. Maislorsqu’il commence’à respirer, et que son

courage se fortifie dans son me, il détache de son sein le voile dela déesse, et le jette dans le fleuvee l’onde salée; les flots l’en-

traînent dans leur murs, et bientôt lno le reçoit dans ses mains.v Cependant Ulysse s’éloignant du fleuve s’assied parmi- les ro-

seaux, et baise la terre féconde. Alors en soupirant il dit enson cœur magnanimei , ’ . V

a Malheureux que. je suis! qu’ai-je encore a. souffrir? quelsnouveaux tourments mésont réservés? Si je passe cette nuitterribledans le fleuve, il est a craindre que le givre glacé du ma-lin et la tendre rosée ne domptent mes forces. déjà bien affai-blies par la fatigue; toujours un air froid s’élève du sein desfleuves au retour de l’aurore; si, me dirigeant vers la colline etce béistoufiu, je m’endors sous cet épais taillis, lors même que

je. n’éprouverais ni froid ni fatigue. et que viendrait le douxsommeil, je crains alors d’être la proie et la pâture des bêtes-sau-

vages. )) - ’ , I gIl parlait ainsi; pourtant ce dernier parti lui semble préfè-.rable; il se dirige vers un bois, qu’il trouve près du fleuve , surune. éminence; il se blottit’sous’deux arbrisseaux qui croissaient-

- ensemble ’: l’un était un olivier tranchet l’autrc’un olivier sau-

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u

72 L’ 0 D Y S S É E .vage. Jamais l’humideimpetudsile des vents ne souilla sans Telombrage, jamais’le brillant soleil ne le frappa’de ses rayons, etla pluie n’y pénétra jamais, tant ils étaient touffus et fortementgentrelacés;,le héros se place sous ces arbres1 Alors de ses mains il

se prépare une vaste couche; car en ce lieu se trouvait un grandamas de feuilles, même en telle abondance;qu’ellés auraient pucouvrir deux et trois hommes dans la saison d’hiver, maigre larigueur du froid. A œttevue, le noble et patient Ulysse ressentune douce joie; il se-ccuche au milieu de ces.feuilles, puis il encouvre tout son Comme un. homme,’ à l’extrémité d’un

champ, loin de tout voisinage, cache soigneusement un tisonsous la cendre épaisse pour conserver la semence (lu-feu, qu’il nepourrait rallumer ailleurs , de même Ulysse est caché tout entiersous les feuilles. Minerve alors répand le sommeil sur les yeux

. du héros, et lui ferme la paupière pour le délasser de ses pénibles

fatigues. i - i ’ ’ .

CHANT V1.

A Ï ARRIVÉE pinasse PARMI’LES: PHÉACIENS;

C’est ainsi qu’en ces lieux épais reposait Ulysse, appesanti par

la fatigue et le sômmeil : cependant Minerve arrive dans la villedes Phéaciens; ils habitaient jadis les vastes’plaines d’Hypérèe,

I .près des Cyclopes, hommes violents, qui les accablaient d’ou-. trages, parce qu’ils leur étaient supérieurs en force. Le divin

Nausithoüs engagea donc ses peuples a quitter ce pays, et lesconduisit dans l’île de Schérie, loin de-ces hommes subtils; il

construisit une enceinte pour une ville; bâtit des, maisons, lestemples des dieux, et fithle partage des terres. Mais, déjà vaincupar le destin, il était descendu dans les demeures de’Pluton;

alors régnait Alcinoüs, instruit par les dieux dans de sages con-seils. Ce fut en son palais que descendit la déesse Minerve, mé-

ditant le retour du magnanime Ulysse. D’abord elle pénètre dans x

la chambre magnifique où dormait une jeune vierge que son es-

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r V . * d . v- y.- tueur V]. - x 7::prit et saibea’utéïëdâibht’lüaleûs immortelles, Nausicaa, la

fille ’du’gènéreux Alcinoüs; dans la même chambre, deux sui-

i vanta-3,11m reçurent des Grâces la beauté, se tenaient près de laporte, dont les battants étaient étroitement fermés. Lemme unléger souffle, la déesse s’approche du lit de la jeune vierge; elles’arrête sur saltéte, et lui fait entendre une parole, en lui parais- ’

santsemblable à la fille du pilote -Dymante, compagne du même- âge que la triturasse, et la pluschère à sonvcœur. Minerve, ayant

revêtu-cette image, parle en ces mais: y A , ’ 3a Nausiœa ,Ique votre mère vous a donc enfantée indolente!

vos habits magnifiques restent négligés; cependant approche. l’instant de votre mariage, ou vous devez revêtir de belles pa-rures, et même en offrir à celui qui sera votre époux. C’est parde tels soins que votre bonne renommée s’établirahommæ; votre père et votre mère en seront comblés de joie; Dès

que brillerai’aurore; allons domensemble au lavoir, ou je vousaccompagnerai pour vous aider, afin que toutsoit vite prêt ;,carmaintenant vous ne serez pluslongtemps vierge. Les plus illus-tres parmi le peuplades Phéaciens vous recherchent en mariage,parce que vous êtes aussild’une noble origine. Ainsi donc , de-main, dès le matin, engagez votre noble père à faire préparer les

mules et le chariot pour hansporm vos ceintures, vos voiles etvos superbes manteaux. Il vous est plus convenable d’aller ainsique d’aller à pied; car les lavoirs sont éloignés de la ville. n

Enachevant ces paroles, Minerve remonte dans l’Olympe, ou,dit-on, est l’inébranlahle demeure des dieux; séjour qui n’est ’point agité les vents, qui n’est point inondé par la pluie, où la

j neige’ne tombevjamais,.mais où surtout circuleun air par et se- Irein qu’environne le plus brillant éclat; les dieux.fortunés s’y

rejetassent sans cesse. c’est la quese retire Minerve, après avoir

donné de sages eonseilsà la jeune fille. A ’j sumac que l’aurore parait sur son trône éclatant, elle réveille x A

a belle ’Nausicaa; cependant celle-ci reste toute surprise de ce .. songe. Etle se hamenswitefie traverser le palais-pour en. prévenirv son pèreet sa mère; elle les» trouve retirés dans l’intérieur de

leur appartement. La reine, assise prés du foyer, entourée»des femmes quilla dervent, filait. une laine couleur de pourpre ; .mais Alcinoüs était sur le point de sortir pour se rendre avec les ’ I

roussis: , i ’ 7

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h V s I - - a Il 3*..74 . vL’O’DYSSÉE. .’ plus-illustres princes au Ml , où l’avaicntappelé’ les généreux

. Phëaciens, Alors Nausicaa , s’approchant du roi : A ’V -« a Père chéri, lui dit-elle , ne me ferez-vous point préparer un

chariot magnifique , aux roues arrondies, pour que j’aille laverdans le fleuve les beaux habits, qui sont tout couverts de pous-

I siéra? li convient a vousoméme , lorsque vous assistez au conseil A

avec les premiers citoyens, que vous soyez couvert de vêtementsk d’une grande propreté. D’ailleurs, vous avez’éinq fils dans vos

"palais; deux sont maries, mais les trois plus jeunes ne’le sont Apoint encore , et ceux-ci veulent toujours des habits nouvellement

* lavés , quand ils se rendent dans les chœurs des dames; c’kst Sur

moique reposent tous ces soins. » v ’ i »-L Elle dit; par pudeur,-Nausicaa ne parla point du doux mariagea son père, mais Alcinoüs,,ypénétrant toute la pensée degsa fille,

lui répond en ces mots z, - w -«Non, mon enfant, je ne vmisrefuserai nil mes mules ni rien rautre chose. Allez, mes’serviteursrvous. prépareront un chariotmagnifique aux roues arrondies, et pourvu :d’un’ coffre solide. il

En achevant ces mots; il donne des ordres à ses»servitems;tous s’empressent d’obéir. Les pas sortent le rapide chariotg lesautres conduisent les mules , et les mettent sous le’joug’. Lejeune

fille apporte de la chambre une brillante parure, et la place surle chariot élégant. Sa mêr’e’dépose dans une corbeille desi’metssaà A

voureuJL de toute espèce , et verse le vin dans une outre de peaude chavirent: jouxte site monte dans le chariot, et la reine lui ’d

v donne une essence liquide dans une fiole d’or pour se parfumer .i après le bain avec les femmes qui l’accompagnent. Nausicaa sai- .w sil, alors le fouet et les rênes brillantes, et frappe les mules pour”

les exciter à partir; on entend le bruit de leurs pas ;’sans s’arrêter,

elles s’avancent, emportantles vétements et la princesse, qui n’est

point seule; avec elle sont les femmes qui la servent. ’ ’’Bientot elles arrivent vers le limpide courant du fleuve; c’est

Ï laqu’étaientde larges lavoirs, où coulait avec abondance une

pure, qui peut nettoyer les vêtements même, les plus souillés; .elles détellent lesmules, et les laissent en liberté près du fleuve

. ’rapide brouter les gras pâturages; puis-de leurs mains elles sontout du chariot les vêtements, et les plongent dans l’onde; elleslus ioulent. dans ros profonds réservoirs, Et rivalisent de me

r

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ki

CHANTiVI. l 75 . .pour hâter leurs travaux. Après miroir bien lavés, en avoir

[ôté toutes les souillures, *Mdent sur la plage, en unlieu sec et çduvert de. v les flots de la mer.Après s’être baignées et essence onctueuse ,«.eHes prennent (le repas sur tes” fivfiüfihve, en attendant que

les vêtements sèchentiaux Quand elles ont suffi-samment apaiséileur faim, les suivantes et. la princesse quittentleurs .voiles,.et’jouent à la,paume; au milieu d’elles l’élégante

Nausicaa dirigelles jeux. Ainsi. Diane, en parcourant une mon!teigne, soit le haut Taygète, soit l’Erymanthe, se plaît à lancerles sangliers-et les cerfs rapides; autour (Telle jouent. les nymphesagrestes, filles dutdieutde l’égide, etALatone se réjouit. dans son

cœur, car au-dessus de ces nymphes Diane élève sa tête et son -iront; on Îa redonnait sans peine , "si belles que soient-toutes les, l

- autres; telleùaurmilieu de ses compagnes se distingue’la jeune

vierge. i-Î V. Il f. a « , imais lorsquvelles se disposent à. retourner au palais , ,qu’ellessont près d’attelerlès mules et de plier les vêtements, Minerve; de i

son côté, songepomment Ulyssese réveillera , oomment il pourradécouvrir la belle princesse qui doit le conduire dans la, ville dusPhéaciens. En ce,moment Nausicaa jette’à l’une de ses suivantesla paume légèrevqui s’égare et va tomber dans le rapide courant

i du fleuve: toutes alors poussent un grand’cri. Le divin Ulysse seréveiile à ce bruit, et s’asseya.nte,silî dit en son cœur; -

a Hélas, malheureux! chez quels peuples suis-je arrivéde nou-.veau? Sont-ceîdœ hommes-cruelsgsauvag’es, sans justice, ou

das hommes hospitaliers, dont l’âme respecte les dieux f? Une Voixde femme vient d’arrirerjuSqu’a moi; peuhétre celle des nyin- Iphes , soit qu’elles habitent les sommais élevés desinontagnes, les

. sources de ses fleuves, et les humides prairies. Ou bien suis-jeauprès des’mortels à la "voix humaine? Approchons , ljeptenterai

toutlpourle savoirsû I’ , w ’I . l I .V*Aussitot le divin Ulyssie quitte sa retraite ;.de sa forte main il

rompt une branche chargée’deféuilles, dont, il oeuvre son corpset. voilesa nudité. Le héros s’avance commelle» lion des monta-

gïleS, (111i; se confiant" en salforce, marche trempe de pluie etbattu par Forage; la flamine brille dans ses yeux. Cependaptfl 8Pprécipite Sur les; bœufs , sur les brebis, sur les me de la fini-t.

x

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i

7s U ’ ,L’QDY’ssÉE.’ ei: la faimlïeXciteà fondre sur les troupeauxen pénétrant ldans

leur forte étable; de même, Ulysse se décide à se. mêler acesjeunes filles, quoiqu’il soit. sans vêtement, en la nécessité l’y

seontraint. Il leur apparaît horrible, et souillé par l’onde amère :[aussitôt elles sedjspersent de toutes parts sur les rives’éle’vées. La:

’ fille d’Alcinoüsi reste seule; ce fut Minerve qui ’lui donna Cette"force , et qui l’affranchit de toute crainte; elle s’arrête idoncpour

Ï attendre Ulysse. Cependant le héros hésité s’il embrasseral les

genoux de la jeunerfille, ou, se tenant de loin , s’il la suppliera,par de douces paroles, doit-ü dire le chemin de la ville et de’lui donner des vêtements. Dans sa pensée, il croit préférablede l’implorerpar de douces paroles, en setenant deloln, de .

. peur, s’il embrasse ses genoux, d’imiter cette aimable vierge.i aElevant donc la me, il,prononce ce discours insinuant etflatl

:teur ; - I I . . . .«t Je vous implore , ô reine, que vous soyez déesse’ou mortelle.Si vous êtes l’unedesv divinités qui possèdent le vaste ciel, à

’ votre-figure, votre taille, et votre majesté, je ne puis que vouscomparer à Diane , la fille du grand Jupiter; si vous êtes l’unedes femmes qui vivent s’urla terre, trois fois heureux votrepère

r etlvdtre mère vénérable, trois fois heureux vos frères; sans doute

leur âme est comblée de joie lorsqu’ils vous contemplentsi jeune ’

parcourant les chœurs des danses. Maisplus heureux que tous les I’ autres l’époux qui, vous donnantleriche présent des noces, vous

,conduilra dans sa demeure. Mes jeuxln’aperçurent. jamais riende semblable parmi les mortels, aucun homme, aucunelfemme; je.suis frappé de surpriseen vous voyant. De mémeà Délos, près del’autel d’Apollon ,’ j’ai vu s’élever tout nouvellement une tige de

palmier dans les airs; car jadis je suis allé dans cette ile, un’peuple nombreux, me suivit dans ce voyage, qui devait être polir ,[moi la source des plus’grands malheurs, Mais ainsi qu’à ia vuede ce palmierje restai muet de surprise, car jamais arbre si, ma-jestueux ne s’éleva du sein, de la terre , de même, o jeune femme,rempli pour vousqd’une admiration religieuse, je reste muet! de

’ surprise; j’ai même redouté d’embrasser vos genoux. Cependant,une grande infortune m’accable ; après vingt jours, hier seule-’

- ment j’échappai de la mer ténébreuse; jusque alors je fus emporte

par les .vaguos ethar les tempêtes loin de l’île d’Ogygie; Mainte-

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j CHANT v1. r V 77nant une divinitéine jette surcé rivage, ou je dois peut-être en-core éprouver bien des maux: je ne crois pas qu’ils soient à leur

terme, et les dieux sans doute me préparent encore de nombreuxtourments". Mais, ô reine, prenez pitié de moi, puisqu’au seinidemes.infortunes c’est vous que j’implore la premièrellJç ne con-

nais aucun des hommes qui peuplent ces contrât; mammoi’ le chemin dola ville, et donnez-moi quelqueshinbemxrpourme -

couvrir, si toutefois en venant ici. vous avec apporté les enve-loppes de vos vêtements. Puissent les dieux accomplir tout ce quevous désirez dans votre âme, et vous accorder un époux, une fa-

g - mille oùlrègne lis-bonne harmonie! Il n’est pas de plus doux ,’ de plus grand bonheur que celui d’un homme et d’une femme

qui gouvernent leur maison en se réunissant dans les mêmesils sont le désespoir de leurs envieux et lasioie de leursamis .; eux surtout chtiennent une bonne renommée. a ’" ’

a; Étranger, répondit la belle Nausicaa nous qui ne me seni-blez point un homme criminel ni privé de raison, Jupiter; roi

ide l’Olympe, luioméme distribueilanfortune aux mortels ," soit -aux bons ,’soit aux pervers , atchacun comme il lui plait : ce qu’il

vous envoie, il vous faut le supporter ; mais aujourd’hui, puisquevous abordez dans notre patrie, vous ne manquerez point de vé-’

temènts ni de tous les secours que l’on .doithau suppliant qui seprésente à nous. Je vous enseigner-aile chemin de la ville, et g

A vous diraiile nom de ces peuples. (le-sont les Phéaciens quj.pos- üsèdent œtte ville et’ce pays ; moi, je suis la fille du magnanimeAlcinous ; il reçut d’eux. la puissance et la force. »

[Ainsi parle Nausicaa; puis elle donne cet ordre aux femmes

quil’ontsuivie: ., 1’ 4 . .v . .V.« Arrêtez, ô mes compagnes; pourquoi fuyez-vous à la vue de

cet étranger? Le prendrieznvous pour’l’un daims ennemis? Non,

il n’est aucun mortel, il n’en sera jamais qui vienne dans lepayss des Phéaciens pour y porter la guerre , car nous. sommes chérisdes dieux. Nous habitons ,- séparés datons, au milieu de la merténébreuse, et nul autre peuple n’acdes relations. avec nous.Après avoir. erré longtemps sur la flots, cetiintortuné toucheenfinà ce rivage, et maintenant nous devons en prendrexsoin:c’est de Jupiter que nous viennent tous les étrangers et les pourvrcs; le plus léger don leur est cher. Mes compagnes; offrez à l’é-’

i, , q

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7s o D v s s E E . Vtranger la nourriture et le breuvage; ensuite baignez-1c dans le .fleuve, en unlieu qui soit à l’abri du vent. » I. . r,

Aussitôt elles s’arrêtent, et s’encouragent mutuellement. Alors

elles conduisent Ulysse dans un endroit abrité, comme l’avait.ordonné Nauxsicaa, la fille du magnanime Alcinoüs: elles placentprès de lui des vêtements , une tunique, un manteau; lui don-’ment une essence liquide renfermée dans une fiole d’or, et l’en- ,

gagent ne plonger dans le courant du fleuve. Cependant Ulysse j

leur adresse ces paroles: I » »a Jeunes filles, éloignez-vous pendant que j’ôterai l’écume qui

[couvre mes épaules, et que: je me parfumerai d’essence; depuisbien longtemps l’huile n’a pas coulé sur moncerps..Mais je ne me

laverai point devant vous ;, j’ai honte de paraître ainsi dépouillé

I parmi de jeunes filles. » . ,Il dit; les Phéaciennes s’éloignent et rapportent ce discours a

Nausicaa. Cependant Ulyssellave avec les eaux du fleuveila fange ’que souillait son des etses larges épaules, puis il essuie sur sa tète

- l’écume de la mer. Après avoir lavé tout son corps, et s’être par:fumé d’essence, il prend les habits que lui donna la jeune vierge ;

KMinerve, la fille deçJupiœr, faitiparaltre la taille du héros plus. grande, plus majestueuse , et de sa tète elle laisse descendre sa

chevelure en boucles ondoyantes, semblables à la fleur d’hya- - i. cinthe. [Comme un ouVrier-habile , que Minerve et Vulcain ont

instruit dans tous les secrets de son art, fait ’coulerl’or autour ’de l’argent, et forme un ouvrage gracieux , de même la déesserepand lapgràoe sur la et les, épaules d’rUlys’se. Il s’assied en-

suite, en setenant al’écart sur le rivage de la mer, tout resplen-(lissant de grâces et de beauté; la jeune fille est frappée d’admi-

ration ;’ alors elle adresse ces mots-aux femmes elégantes qui l’ont

suivre; . V * g -. ’« Écoutez-moi,- mes belles compagnes, que je vous dise ma ipensée; non; oe’n’est point sans la volonté de tous lesdieuijaw

bitents de l’Qlympe que œt étranger est venu parmi les noblesPhéaciens. Il m’a paru d’abord, n’être qu’un malheureux, et l

maintenant semblable aux immortels habitant le ciel imlmense. :Plût; aux’dieux qu’il fût tel que ce héros celui que je-

t nommeraimon époux , et que, demeurant en ces lieux, il con-sentit à rester toujours parmi nous! Cependant, jeunes coin-

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enamrvi. , * 79papes, donnez à l’étranger la nourriture et le breuvage. n

Elle dit; toutes s’empressent d’obéir à cet ordre. Elles [flattent

auprès de lui la nourriture et le breuvage. Alors le patient U lysasboit et. mange avec avidité; car depuis longtemps il n’avait pris I

aucune nourriture. ’ r - -Cependant la belle .Nausicaa s’occupe d’autres soins; aprèsavoirpplié les vêtements, elle les place sur le char, et met sous’le

joug les mules aux pieds solides; la jeune tille monte ensuite.’ Cependant elle encourage Ulyse, et lui parle on ces mots:

’ ,u Étranger, levez-vous maintenant, allons à la ville, afin que

javelas conduise dans le palais de mon père, ou, je pense, vousverrez rassemblés les plus illustres de tous les Phéaciens. Mais 7

voici ce queivous avez à faire; vous ne me semblez pas manquer ide prudence : tant que nous parcourons les champs et les tra-vaux des laboureurs , hâtez-vous avec mes-compagnes de suivrele char tralné par les mules; moi, je vous indiquerai le chemin,quand nous serons près d’entrer dans la ville qu’entoure--

une haute muraille, dans cette ville qui des deux cotésun beau port, dont l’entrée est étroite, ou cependant arriventles larges navires, pares qu’ils y trouvent un abri commode;danscette ville ou , tout autour du superbe autel de Neptune ,

ds’élève la place publique construite avec de larges’pierres - du

tailler c’est. la qu’on prépare tous les, agrès des navires, lescordages, les câbles, et qu’on polit les rames. Les Phéaciens ne Is’occupent point à’ façonner des arcs, des carquois, mais ils

fabriquent des mâts ,des rames , et de grands vaisseaux , sur les-quels ils parcourent joyeusement la mer; quand, dis-je, nousapprocherons rie-la ville, évitons la médisance des citoyens,craignons que quelqu’un ne nouslraille en secret (il est-beau-coup d’insolents parmi ce peuple) ;et si quelque-méChant vient ilnous rencontrer; il ne manquera pas de. dire z Quel est cet étran-gerssi grand et. si’beau qui suitNausicaa? Mais où l’a-t-elleeren-contré-l Peut-être c’est celui qui sera son époux. Ou bien c’est

quelque étranger qu’elle amène deson navire. arrivé d’un pays-

lointain,’car4il n’existe pas de peuples voisins do cette île; oupeutétré c’est une divinité descendue’des cieux qui vient à sa

prière, et qu’elle retiendra toujours. il» est heureux’que dans ses

courses elle aittrouvé’cet époux étranger; sans doute une mé- ’

t r

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a, ’ g . ’LfovvssEm.prise le peuplejdes Phèaciens, puisqu’il en est plusieurs, même

des plus illustres, qui la, demandent, en mariage. C’est ainsiqu’ils parleraient, et ces discours me seraientnnisujetvd’op- -probre. Moi-même Je blâmerais œlle qui tiendrait une pareilleconduite; * , us l’àveu de son père et de sa mère, se mêle-ràitviàda sodé avant d’avoir célébré solennelle-mentsôn mariage, Étranger, recueillez mnèmes paroles, pour,

I obtenir bienth de mon père votre départ et votre retour. Vous *

verrez près du chemin. le bois charmant de Minerve, planté dehauts peupliers; là coule une fontaine,*et’tout miton? est uneprairie. C’est lia-que se trouve aussi le champ réservé de monpère, fertile verger. qui n’est éloigné de la ville qu’à la distance

ou laÏvoix peut s’étendre: Assis. en ces lieux; restez-y quelquetemps, jusqu’à ce que nous arrivions à la ville, et. quernoussoyons rendues dans le palais de mon père. vous jugerezque nous sommes arrivées, dirigez-vous aussi vers la ville, etdemandez la maison du magnanime’Alcinoüs.’Elle estffacile à-

oonnaitre, un enfant pourrait vous y conduire; et parmi lesmaisons des autres Phéaciens, il n’en. est point qui soit çompa-rable à la demeure du héros’Alcinous.. Dès que vous aurez atteint

le palais et la cour, traversez aussitôt les appartements pour ar- iriver jusqu’à ma mère; vous la trouverez assise près du foyer a

la lueur de la flammetfilant, app’uvée contre une colonne; deslaines depoürpre d’une admirable beautè’; près d’elle sont as.-

sises les’femmes quilla servent. La s’élève, éclairé parla même

lueur, le trônede mon père; ’surce siège, buvant le vin à pleinecoupe, il se repose assisvcomme une divinité: Ne vous, arrêtez ’

’point a lui, mais de vos mains touchez les genoux de me mère,afinsque vous puissiez voir le jour duIreWur, et que vous goûtiez

’à l’instant une*douce joie, quoique vous savez ’loin- encore de

votrepatrie. Oui, si cette reine vous est bienveillante en sonâme , layezll’espérance de revoir bientôt vos amis , et de retournerdans vos belles demeures, aux terres paternelles. r» ’

JEn achevant ces mots , Nausicaa frappe les mules de son’fouetÏéclatant; soudain elles quittent le rivage du fleuve, et murantlaves rapidité, deileurshpieds elles rasent légèrement la terre, Ce «I.

pendant la jeune vierge retiennes rênes, emménage ses coupsavec adresse, pourkqu’Ulysse et sis femmesvpuissent la suivi-(3j

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CHANT vit. - sipic]. Le soleil se couchait lorsqu’ils arrivèrent aubois sacré deMinerve, où s’assit le noble Ulyæe. *’Aussitôt il adressa cetteprière à la puissante fille’de Jupiter :’ a Écoutezëmoi, fille du dieu de l’égide, déesse invincible.Écoutez ma voix maintenant, ô vous qui ne l’avez point écoutée

lorsque, battu par la tempête, j’étais le jouet du puisant’Nep- ltune. Faites que j’arrive en ami chez les Phéaciens, et qu’ils

aient pitié de moi. n .C’est priait : "auguste Minerve l’exauqa; mais elle-

’ne voulut point parente devant lui, car elle redoutait son onclepaternel; pour. lui, il garda son violent courroux contre le divinUlysse jusqu’au jota où ce héros arriva dans sa patrie;

- CHANT - vu;V» ARRIVÉÈ D’U-LYSSE’CHEZ ALc1N0Üs. Â

- r C’est qu’en ces lieux priait le noble et patient Ulysse; ce-

pendant la jeune fille , sur le chariot que trament de. lottesmules ,arrive à la ville. Lorsqu’elle est parvenue aux superbesdemeures de son père, Nausicaa s’arrête sous les portiques; sesfrèresyaussi beaux que ’lesvdieux , s’empressent autour d’elle;

les unsldétellent les mules du chariot, et les autres portent lesj habits dans l’intérieur du palais. Elle retend dans sa chambre;

une vieille Epirote, la servante Euryméduse, que jadis de largesvaisseaux amenèrent de l’Épire, avait allumé le feu; les Phèa-ciens la choisirent pour etre’la récompense d’Alcinoüs, qui régnait

sur eux trins, et que le peuple écoutait comme un dieu; ce fut’elle qui jadis éleva la belle Nausicaaaians le.palais. Elle alluina le

I feu, puis prépara le du soir. - V -’ En ce momentleyssese lève pour aller à la ville; alors Mi- I’ nerve, amie bienveillante a ce héros, le couvre d’un épais nuager

de peur que quelque Phéacien venant à le rencontrer ne le blesse

par des railleries, et ne le questionne sur ce qu’il est. Lors- lquîïlysse Çst près d’entrer dans,œtte ville charmante , la déesse

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sa h n «renaissais.se présenteàlui sousia ferme d’une jelme’vierge qui portaituue

cruche; elle s’arrête devant Ulysse ,- et le. héros l’interroge ainsi :

la Mon enfant, ne pourriez-vous pas me conduire à la-maisondu héros Alcinoüs, qui règne sur ces peuples? J’arrive ici, mal-heureux étranger, d’un pays bien éloigné;- je ne connais aucun

deshommes qui résident en cette ville, et qui cultivent ces

champs. » I ’ - - . » a, . a Oui, sans doute, vénérable étranger, répond la déesse , je

vous indiquerai la maison que vous me demandez ; Alcinoüs ha-bite auprès de mon irréprochable père; mais gardez toujours lemême silence; moi, je vous montrerai le chemin; ne regardez,n’interrogez pet-Sonne: Nos citoyens ne reçoivent pas volontiers

les étrangers, et ’n’aecueillent pas avec bienveillance ceux, qui

viennentde loin. Les Phéaciens, seconfiant à leurs vaisseaux,. N légers, sillonnent les vastes mers, comme Neptune leur en a

donné la puissance; leurs navires sont rapides comme l’aile ou la

même.» w . s I».Minerve ayant ainsi parlé s’avance rapidement ; le héros suitles pas de la déesse. Les Phéaciens, navigateurs illustres , ne l’a-»

perçurent point lorsqu’au milieu d’eux il traversa la ville. Mi-nerve a la belle chevelure, déesse terrible , ne le permit pas ,’ et,

bipnveillante en son âme ,q elle le couvrit d’undivin nuageiCe-pendant Ulysse regardait avec étonnement le port, les vaisseauxrangés enligne, la place publique où s’assemblaient les chefs, leslongues’et hautes muraillesgarnies de pièux, spectacle admirable

’ La voir. Lorsqu’ils arrivent près des riches palais du roi,*la déesse

’ parleen cesÂmots: l -- ’ * - j ’ i ’«Voilà, vénérable étranger, la maison que vous m’avez or-

donné de vous indiquer; vous trouverez lés princes, enfants deJupiter, rassemblés pour le festin; entrez dans cette demeure, etque votre Anne ne setrouble point : en toute entreprise d’hommeintrépide accomplit mieux, ses desseins, lors même qu’il arrive

d’un payséloigné. D’abord, dans le palais, adressez-veus a lareine , son nom significatif est Arété’; elle est née des mêmes,pa--mais que le héros Alçinoüs. Nausithoüs reçut le jour de. Nép-.

tune et de Péribée, la plus belle des femmes, et la plus jeune des, filles. du magnanime.Eurymédon, qui régna jadis surles superbes

Géants. Mais ce héros anéantit peuple impie dans les guerres

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CHANT vu. saqu’il entreprit, et mourut aussi! Neptune .s’unit donc à Péribèe ,dont il eut Nausithoüs , qui! régna sur les Phéaciens ;’Nausitboüs

lut le père d’Alcinoüs et dethexenor. Ce dernier n’eut point defils Let, jeune époux, il fut frappé dans son palais par les flèchesd’Apollon, nelaissant âpres lui qu’une jeune fille. c’est une;elle qu’Alcinoüs’a choisie pour épouse, et qu’ilhonore nomme

nulle autre femme n’est honorée, sur la terre, parmi toutes œilesqui, soumises a leur-époux, gouvernent leur maison avec sa’-’I gesse. Ainsi cette femnieest comblée d’honneur et par ses enfants; 7

et par Alcinoûs lui-même, et par les peuples, quiln contem-plent Comme une déesse et la saluent de leurs vœux chaque foisqu’elle se promène par la ville. Jamais son esprit n’akmanqué de

prudence; et panda saga pensées» elle terminé les différendsparmi les hommes. Si cette reine vous est bienveillante en son

- âme , ayez espoir de revoir bientôt vos amis et de retourner dans ’vos bellesdemeures, aux terres paternelles. n

Emachevant ces paroles, Minerve s’élance’sur la vaste mer, et

quitte l’aimable Schérie; elle, traverse Marathon, la grande villed’Athènes ,"etse rend dans la forte demeure d’Èrechthéè. Ulysse

cependant s’avanCe vers le superbe palais d’Alcinoüs; le cœur

agile de mille soucis, il s’arrête , avant de franchir le seuil d’aï-rain. Gomme resplendit l’éclat de la lune’et du soleil, ainsi brille la

.maison’élevée du magnanime Alcinoüs’. Les murailles’desdeux

côtés étaient revêtues d’airain depuis la base jusqu’au sommet;

tOut autour régnait une corniche d’azur ; des portes d’or fermaient

l’intérieur de cette forte, demeure ,.et les montants d’argent relie? i i ’

saient sur le seuil d’airainle linteau de ces portes était aussid’argent, et l’anneau d’or, Aux deux côtés paraissent des chiens

d’or- et d’argent ,.qu’avait formés vulcain avec une merveilleuse

industrie, pour garder la maison du magnanime Alcinoüs; ilsétaient immertels et pour toujours exempts de vieillesse. Dans"Intérieur, depuis l’entrée jusqu’aux extrémités de la salle, se

trouvaieptdes sièges affermis lelong de la muraille ; on les avait *recouverts de tapis fins et bien tissés: c’était l’ouvrage des femmes.

’ La s’asseynient les chefs des Phéaciens pour boire etmanger, carils airaient tout en abondance. Sur delarges socles étaient debout de

sans hommes d’or, tenant entre leurs mains des flambeaux allu- I.méslpour éclairer pendant! la nuit la ’ salle» des convives. Giu-

a

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si , L’ODYSSÉE.A quanta femmes esclaves habitaientce palais ; les unes s’occupaient

à broyer sous la meule le blond froment, les autres, assises enordre; ou tissaient la toile, ou filaient la laine , nombreusescomme les feuilles d’un haut peuplier"r de ces étoffes délicatessemblait couler une huile éclatante. Autant les Phéaciens excel-lent a guider sur la mer un léger navire ,’ autant leursfemmes àtisser la toile; Minerve leur donna d’accomplir ces beauic Ouvrages

.et d’avoir de sages pensées. Audelà de la cour, et tout prés des .A portes, estun jardin de quatrearpents 5. de toutes-parts il est ferme

par une enceinte. Là croissent des arbres élevés et verdoyants,les , les grenadiers, les pommiers aux fruits éclatants, lesdouî figuiers et les oliviers toujours verts. fruits de ces arbresne ressent pas pendant toute l’année , ils ne manquent ni l’hiver ,nil’été ; sans cesse anéphyren soufflant faitnaltre lesuns et mûrit

lm, autres. La poire vieillit auprès de la poire , la pomme auprèsde la pomme, le raisin auprès du raisin , et la figue auprès de lafigue. La fut aussi plantée une vigne féconde, dont une partie ,dans une plaine unie et découverte , sèche enrayons du soleil ç

on vendange ses grappes, tandis que les autres sont pressées;plus loin sont encore de jeunes grappes, les unes paraissent enfleur", et les autres connement à noircir. .A l’extrémité du jar- pdin,’ des plates-bandesrégulièressout remplies de diverses plantes

potagères qui fleurissent abondamment; en ces lieux sont, enfin,deux fontaines : l’une serpente a travers tout le jardin, la se?bonde; d’un autre côté, coule a.l’entrée de la cour près du pa-

r v lais élevé; c’estslà que viennent puiser les habitants. Tels étaientles riches présents des dieux dans la demeure d’Alcinoüs.

x A cette vue le ’-noble Ulysse restait immobile d’étonnement.Après avoir dans son âme admiré toutes ces merveilles, il fran-obit rapidement le seuil, et pénètre dans l’intérieur du palais. Il .

ü trouve les’princes et les chefs des Phéaciens faisant avec leurs’- coupes des libations au clairvoyant Mercure; car c’était à lui -

qu’on offrait les derniers sacrifices quand on songeait au som-meil, Le. noble et patient Ulysse traverse la maison,-toujours en-veloppé de l’épais nuage dont l’entoure Minerve , jusqu’à ce .-qu’il fût arrivé’près du puissant Alcmoüs et d’Arétë. De ses deux

I mains alors il embrasse. les genou); de’la reine; aussitôt le divin. nuage s’éloigne de lui. Tous les Phéaciensl dans le palais gardent

I

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V CHANT vu. sale silence en l’apercevant, et le contemplent avec admiration;alorsIUlysse fait entendre ces paroles suppliantes: I . p

a nous , fille du divin Bhexenor, après avoir beaucoup souf-fert, j’arrivesà’ vos.pieds , auprès de votrelépoux et de ces con-

vives finissent les dieux leur donner de vivre heureusement, etpuisse chacun d’eux laissera ses enfants les richesses renferméesdans son palais et les récompenses qu’il a reçues du peuple!

Cependant hâtez mon départ, afin. que je retourne bientôt dansma patrie , parce (me déjadepuis longtemps je supporte, loin de

mes amis, d’amères douleurs. ’n n ’ . ri e En achevant ces mots, le héros va s’asseoir près.du feu sur lacendre du foyer; tous les assistants restent en silence. Enfin au

imilieu’ tdïenxi parle le vieux guerrier Échénus, le plus âgé des

Phèaciens , qui brillait par ses discours , et connaissait beaucoupde choses anciennes. Plein de bienveillance pour ses concitoyens,

il parle ainsi i I ’ - .4 k .« Non, sans doute, Alcinoüs, il, n’est point généreux à vous,

il n’est point convenable de laisser un étranger assis sur la cendre’du foyer; tous les assistants attendent de recevoir vos’ordresÇFaites donc asseoir votre bote sur un siège orné de clous d’ar- .gent; pub ’bommandez à vos hérauts de mêler le vin, afin que

gnous offrions desîlibations’à Jupiter, roi de la foudre, quitoujours

accompagnejes respectables suppliants, et que l’intendante dupalais serveà l’étranger les mets qui sont en réserve. u.

Alcinoüs ayant entendu ces paroles , la main au sageUlysse, le relève du foyer, et le place sur un siège brillant, en dé-plaçant son fils , l’aimable Laodamas, assis a sescotésr, et celui detous ses entrants qu’il aimait le plus. Alors une servante , portantune belle aiguière d’or, versereau qu’elle contient dans un bas-sin d’argent, pour qu’Ulysse lave ses mains; puis elle place de- .vent lei-héros une table polie. L’intendante duipalais y dépose le.

.» pain et des mets nombreux, en ’y’joignan’t ceux qui sont. en ré-

servel Ainsi le nobleet patient Ulysse boit et mange à son gré;le fort Alcinoüs dit alors à l’un de ses hérauts : .

i a Porîtoneüs, mêlez le vindans l’urne, et distribuez-le à tous

dans ce palais, afin que nous offrions des libations à jupiter,roi de laïoudrefqui toujours accompagne les respectables sup-

pliants. ))’ . ,. L r - p , À

a - - . 8

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sa L’ODY 53E a:Il dit; Pontonousmèle le vin délicieux ,’ et distribue les coupes

atolls. Quand ils ont offert les libations, et qu’ils ont-bu selon. leurs désirs, Alcinoüs se lève, et leur ïadresselce discours : 4 I

u Princes et chefs de Phéaciens, écoutez mes paroles, et quç

je vous dise ce que m’inspire mon âme. Maintenant que le repasest terminé, retournez dans vos demeuras goûter le repos ;. maisdemain dés l’aurore nousrasæmblerons les anciens en plus grand,

nombre, nous accum’llerons l’étranger dans ce palais, et nousimmolerons aux dieui de belles victimes; ensuite nousnous’ oc-cuperons du départ, afin que l’étranger, exempt de soins et detriasse-sous notre conduite; bientôt arrive joyeux dans sa "pa-trie , lors même qu’elle serait très-éloignée, que dans le trajet

il n’éprouve aucun dommage , aucun malheur, avant d’avoir at-teint son pays; c’est la qu’il subira dans la suite tout ce que ladestinée et les pesantes fileuses ourdirent avec le fil de sa vie,lorsque l’enfanta sa même. Mais sic’est quelque divinité descendue

du ciel , sans doute que les dieux Conçoivent un autre. desseinpour l’avenir; car toujours, jusqu’g présent, les dieux se sontmontrés manifestement à nous quand nous leur avons immolé

. d’illustres hécatombes, et même ont pris part a nos festins,

assis au milieu de nous. Si jamais quelque voyageur solitairevient a les rencontrer, ils ne se déroberont point à--lui [parce quenous sommes autant rapprochés d’eux que les Œdopes et la, ’ I

race farouchedes Géants. » I -a «’ Alcinoüs , ayez d’autres pensées, reprend «aussitôt Ulysse;

je ne suis point semblable aux immortels habitantles vastescieux , ni par la taille, ni par les traits , mais aux faibles mortels.Bien plus, ceux des hommes que vous savez avoir éprouvé lesplus grandes infortunes. je puis les égaler en souffrances. Oui,je vous raconterais de plus grands malheurs sil vous disais

.tçuspeùxque j’ai soufferts par la volonté dèsndieux. mais per-

mettez que j’achève ce repas, malgré ma ll n’est pas de »plus poignant aiguillon que la faim dévorante, qui par nécessitérappelle son souvenir à - l’homme affligé, portant la douleurlen

son aine. Ainsi moi de même je porte la douleur en mon âme ; ce-. pendant la faim m’ordon’ne-de boire et de manger; elle me fait’ oublier tous lesinaux que j’ai soufferts,.et’me contraint à-me

nourrir. Cependant, hâtez-vous demain ,l au lever de l’aurore, i

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miam: "vu. l ende ramener dans sa patrie un infortuné qui supporta tant demalheurs; ensuite, que la vie m’abandonne quand j’aurai revu j

. mes domaines , mæ serviteurs et mon superbe palais. » 4 .I Il dit; la Phéaciensapplâudissent à ce discours, et conviennentde reconduire. l’étranger qui venait de parler avec tant de sa:gesse. Quand ils ont achevé les libations , et qu’ils ont bu selonleur désir, ils retournent dans leurs demeures pour y goûter lerem. Ulyssaresta seul-dans le palais; prés. de un s’assirent ledivin Alcinoüs et la reine Arête; les servitèurs enlevèrent les ap-préttfiu festin..A-lors la belle Arête commença l’entretien: elle

avait reconnu tel-manteau, la tunique; et, considérant les beaquhabits qu’elle-mémé avait tiSSés avec ses femmes , elle adresse au

héros ces paroles rapides : V i r -a Étranger, je. désire vous interroger la première: qui donc

êtes-vous?*quels peuples venezovous de quitter? qui vous a;donné ces habits ? n’avez-vous pasdit qu’aprèsavoir. erré sur la

mer, vous fûtes jeté sur ce rivage? )) ’Le sage Ulysse lui répond aussitôt; a Il serait difficile, ô reine,

de vous raconter .toutesnmes infortunes, car les, dieux du. ciel Im’ont accablé d’un grand- nombre de maux; cependant je vaisrépondre à ce queevous me demandez. Loin d’ici s’élève au Ami-

lieu de la mer l’île d’Ogygie, qu’habite la fille d’atlas , l’astu4

"rieuse Calypso, déesse redoutable; nul parmi les dieux ni leshommes ne s’unit jamais à cette nymphe, Mais une divinité meconduisit pour être seul son malheureux hôte, après que Jupitereut brisé mon navire en le frappant de sa foudre étincelante ausein de la mer ténébreuse. La périrent tous mes valeureux com- i

pognons; moi cependant, saisissant entre mes bras. la carène demon large navire, je fus pendant neuf jours porté sur les ondes ;la dixième nuit seulement les dieux me poussèrent dansil’lle

. d’Ogygie , qu’habite - la belle Calypso, déesse redoutable; ’elle

m’ai-cueillit avecjbienveillanœ; prit soin de ma vie, et meditqu’elle me rendrait immortel en m’affranchissant à jamais de lavieillesse. Mais dans mon sein elle ne-persuada pas mon âme. Jedemeurai sépt années entières en ces lieux, et sansïcesse j’arro-

saisde mes» larmes les vêtements immortels que m’avait donnés

Calypso. Lorsque la huitième année fut révolue, elle m’ordonna

de tout préparerpour mon départ; soit par un ordre de Jupiter,

) .

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..’

sa, l - L’onYiss’E-a.soit qu’elleseût changé de pensée; elle me renvoya sur un fort

radeau, me donna de nombreux présents , du pain , du vin deli- .cieux, me revêtit de vêtements immortels,.et fit soutflerun vent,

doux et propiçe. Je voguai durant dix-sept jours en traversant la I. mer;et le dix-huitièmeapparnrent à moi les montagnes ombra.

gées de votre pays; la joie pénétrait dans mon cœur infortunes;

x car je devaisvéprouverenéore un grand désastre que me suscitale terrible Neptune : il excita les vents impétueux, me ferma tousles chemins , et bouleVersa la vaste mer; La fureur des vaguesne me permit pas de rester sur mon radeau. Bientôt il fut-irisépar la tempête; moi, cependant; nageant avecreffort, je fendis-l’onde amère, jusqu’au moment cules vents et les flots me

- poussèrent contre vos rivages. Lame-tome j’étais près d’arriver a

terre, une vague nie-jeta Contre un rac énorme, dans un en-droit périlleux; .j’evitai cet écueil,,et je nageai de" nouveaujusqu’a’ce que. je parvins près du fleuve, ou s’offrit à ma vue

un lieu favorableLentièrement dégagé de’rochers, et cepen-dant a l’abri des vents. Je tombai sur la plage en recueillant

- mes forces; bientôt la nuit arrivaïm’éloignant alors du fleuve,je me couchai sous: des arbrisseaux, et me couvris d’un grandamas de feuilles; un dieu fit coulendans mon sein le plus pro-fond sommeilJà, caché sous ces feuilles, bien que mon coeurfût’dévoré d’inquiétudes, je dormis toute la nuit et’le,lend,e-

main jusqu’au milieu du jour; le soleil était près de terminerez:

A course lorsque le doux sommeil m’abandonna. Ce fut alors quejfapérçus lessuivaiites de votre fille, jouant sur le rivage; cetteprincesse au milieu d’elles paraissait comme une divinité. J’im-

plorai son secours: elle cependant. ne manqua point de cet espritde sagesse qu’on n’espère pas rencontrer dans un age aussi ten-

dre, car toujourszles jeunes gens manquent derprudence.’ Ellem’offrit du pain en abondance , un vin fortifiant, et, m’ayant faitbaigner dans le fleuve, elle me donna cés habits. Telles sentinesaventures ;’malgré mon chagrin, je les ai racontées sans dégur-

sement. )) - , ’ V -- A. * a Étranger, reprit Alciuoüs, me fille n’a point-accompli toutce qu’elle devait, puisque elle-même avecses femmes ne vousa pas

" j conduit dans ma maison: c’est elle Cependant que vous avez im-

I plorée la première. n . - » I , ’

x

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I un". V11. 39«Héros puissant, ne blairiez point a cause de moi votre filleir- -reprochable; répond le sage Ulysse; elle minait ordonné de la ’

suivre avec ses’femmes, je ne mais voulu , par respectpour cette princesse, de peur que votre colère. ne s’allumat en me

voyant; car nous sommes soupçonneux, faibles humains qui

rampons sur la terre. » ü, v«Étranger, lui. dit Alcinoüs, non, dans mon sein mon cœur nes’irrite pas ainsi sans motif; le mieux ce sont toutes les choses Ijustes, Ah! veuille le grand Jupiter, Minerve,’Apollon, qu’unhomme tél que vous êtes, pensant comme je pense moi-même,épouse ma fille; et soit appelé mon gendre , en demeurant ici! jevous donnerais un palais, de grandes richesses, si vous vouliez

rester avec nous; mais aucun des Phéaciens novons retiendramalgré vos désirs : un tel dessein serait odieux à J upiterl Demain I

. donc, sachez-le bien, j’ordonnerai tout pour le départ ;.’ juSqu’à’

ce moment goûtez en paix les douceurs du sommeil. Puis les.i nautoniers sillonneront la mer tranquille, pour vous conduire

dans votre patrie et dans votre palais , quel que soit [endroit ouvous désiriez arriver, tût-il même’au delà de l’Eubée, pays que

disent être fort éloigné ceux de nos concitoyens qui l’ont vu,lorsqu’ils accompagnèrent le blond .Rhadamanthe se rendantauprèsïde Tityus, fils de la Terre. c’est la qu’ils arrivèrent , sans 1

fatigue; ils firent ce voyage en un jour, et revinrent ensuite chezceux . Vous-même verrez comme sont excellents mes vaisseaux ,IetAmès- jeunesmatelots habiles à frapper la mer avec la rame. n

A ces mots, Ulysse, transporté de joie, s’écrie en implorant

les dieux ’: e À 4 I.« Grand Jupiter, puisse Alcinoüs accomplir tout ce qu’il vientde dire! Sans doute alors sur la terre féconde il aurait une gloireimmortelle, et moi. je retournerais enfin dans ma patrie. » Il C’estain’si que ces deux héros discouraient ensemble; cepen-

dant la belle Arête commande à ses femmes de dresser un litsous le portique, d’y placer de beaux matelas de pourpre , par-

. dessus des tapis et des tuniques moelleuses pour se couvrir. Elles.sortent de la salleen portant des flambeau; Après avoir dressé

. promptement -cette-couche moelleuse, elles se tiennent devantUlysse , et l’aveüissent (en ces mots z - ’- a Venez dormir, étranger; votre lit est prêt. » .7 1

. . . a:

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’90 i Il L’ODYSSI’SE. -Elles disent; et trouver une couche parait doux. au bénis.

i Ainsi lei noble etpatient Ulysse slandort dans le lit superbe sous leportique retentissant. Alcinoüs seretire aussi dans l’appartement

le plus reculé, du palais, et la reine son épouse, ayant préparé

sa couche, repose auprès de lui. v f

CHANT vin.

LUTTE D’UL-YSSE CONTRE- LES PHÉACIENSV. -

y

le-ïort Alcinoüs sort de sa couche; de son côte se lève aussi leraleureux Ulysse, fils de Jupiter. Le roi marche le pœmieerour’se rendre à l’assemblée qui devait se tenir près des vaiàseauig. i

Quand ils sont arrivés, tous deux s’asseyant l’un près de Paula-e I

p sur des pierres polies. Cependant la puissante Minerve partou-rait laville sous la figure d’un des hérauts d’Alcinbüs’j et, tou-

jours occupée du retour d’Ulysse,’ elle adresse cesparoleskà ceux

quielle rencontre : . . A y A ü« Hàtez-vôus, princes et chefs des Phéaciens, de vous rendrai!

l’assemblèetpour apprendre quel est cet étrangement nouvclmlèment arrivé dans le palais d’Alcinoüs, aprèstavoir suries ,flots, et qui par sa taille est semblable aux immortels. u Ï

En parlant ainsi, la délassé excite l’intérêt et le désir des Phén-

ciens. Bientôt toutes les places, tous les sièges; sont remplisd’hommes ràs’scmhlés; et chacun contemple avec admiration le.noble fils de Laerœ. Minerve répand une grâce divine sur là tète,

sur les épaules du héros, et le fait paraître plus grand et plus.fort,pburqulil soit cher aukahéaciens, qu’il leur soit’respectahle

i et terrible, et qu’il triomphe dans les jeux pu ces peuples doi-vent éprouver la vigueur d’Ulysse. Quand tous les citoyens sontréunis, Alcinoüs fait entendre ces mots au sein de l’assemblée :

« Écoutez:moi, princeset chefs des Phéaciens, pour; que jevçius dise ce que m’inspire mon cœur. Je ne sais iquel est cetétranger, égaré dans sa route, et s’il vient -dans*mon palais,

Dès que l’Aurore, laifille du matin, eut brillé "dans les cieux, * .

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CHANT. Vin. i 9laprès avoir quitté les peuples, ou de l’aurore ou du Couchant;

mais il nous demande de le reconduire, et nous supplie des:Isurer son retour. Soyons ce que nous avonslété jusqu’à-présent,

et songeons à le reconduire. Jamais aucun étranger venu dans. ima maison n’eutllongtemp’s a gémir parmi nous dans l’attente

de son. départ. Mais allons, lancez à la mer le meilleur de nos,yvaisseauxr choisissez parmi le peuple cinquante-deux jeunesgens,vet les plus habiles; Tousattachez les rames sur lesbancsdu navire;.ensuite , venant dans mon palais, hâtez-vous de pré-parer le repas, je veux en offrir un splendide à tous.jC’est aux Êplus jeunes que je confie ces soins; pour velu, princes décorésdu sceptre, g venez dans-mes riches demeuresL afin que nous yrecevions l’étranger avec amitié; qu’aucun de vous ne me rel vfuse; cependant appelez le chartre divin, Démodocus, auquelun dieu donna la voix pour nous charmer, touteslès fois que. -Çson aine le porte’à chanter. n ’ v ’ e

En achevant ces: mots, Alcinoüs s’avance vers son palais,les"princes,décorès du sceptre suivent ses pas;tun1 héraut vaÎchercher le divinlchanteuiri. Cinquanterdeux jeunes gens choisisse’rendent, comme le roi llordonna, surie rivage de la mer.Quandils sont arrivés près du rivage, ils lancent le noir naviresur les vagues profondes ;« ils placent le mât avec les voiles, pas-sent les ramés dans les"anneauxi de cuir, disposent tout avecsoin, etldèploizent les voileseclatantes de blancheur; puis ilsconduisent le navire du côté du midi, vers la haute mer; ils sebaient ensime de se rendre dans le veste palais du sage Alci-noüs. Les cours, les portiques, et l’intérieur dè la maison sontremplis d’hommes rassemblésïles jeunes gens et les vieillards y

sont en foule. Alors Alcinous immole douze brebis, huit porcsaùx’ldents éclatantes, et deux bœufs aux pieds vigoureux: Bien-tôt on dépouille les victimes, "on les divise en morceaux, et l’on .

préparefiun festin splendide. - i n ’ i A -’ Eure moment arrive un héraut conduisant le divin chanteur

que une Muse, qui lui dispensa le bien et le mal; ellele priva des yeux, mais elle lui donna devmélodieux accents. »Pontonoüs’le fait asseoir sur un siège enrichi de clous d’argent,

au milieu des convives. etllappuie contre une haute colonne; il gsuspend, au moyen d’une cheville, la lyreimièlodieusc au-dessus

n V

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92 . I L’ODYSSÉE.de la tète de Démodocus, et le héraut lui montre comment ilpourra l’a prendrelavec la main; puis tout auprès il place une

f,corbeille, une belle table, avec une coupe remplie de vin, pour -.que Démodocus boive" au gré de ses désirs. Alors tous les con-vives portent les mains-vers les mets qu’on leur a servis; Quand *ils ont apaisé la faim et la soif, la Muse inspire à Démodocus decélébrer les faits éclatants des héros, et de redire un chant dontla renommée était déjà montée jusque dans les cieux! la que:

’ relle d’Ulysse et d’Achille, fils de Pelée, qui se disputèrent’avec

d’aigres paroles durant le superbe repas-des dieux; le roi deshommes, Agamemnon, se réjouissait dansvson âme que les chefsÏdes Argiens fussent divisés. c’est ainsi’due, luiprédisant l’a-

venir, àvait parlé le brillant Apollon dans la divine Pytho, lors- A Il que ce prince franchit le seuil de pierre pour consulter Port-101e;

’ alors se préparait pour les Grecs et les Troyens le commencement ,v des maux qu’ils devaient éprouver par la volonté du grand Ju-

rpiter. 1 . 1 ’ V v r r sa Tels étaient les chants de l’illustre Démodocus; cependantUlysse, de ses deux mains’prénant son manteau de pourpre, en .couvrait sa tète et cachait son beau visage ;w il avait bontedevantles Phéaciens de laisser couler les larmes de ses yeux. Lorsque le

. chantresuspendait ses accents, leshéros séchait ses pleurs, dé-couvrait sa tête, et, remplissant une large coupe, il faisait des alibations aux dieux. Mais lorsqu’il recommençait, et que leschefs des Rhéacîe’ns l’engageaie’ntà chanter, parce qu’ils étaient

- charmés de ses paroles, alors Ulysse de nouveau pleurait en cou-vrant sa tête, Il déroba la vue de ses larmes à tous les Phéaciens;le seul Alcinoüs le vit et s’en aperçut, car, étant assis p’rèsdu

l héros, il l’entendit pousser de. profonds soupirs. Aussitôth s’a-

dressewà tous les convives, et leur dit : ’ *a Écoutez-moi, princes et chefs des Phéaciens :nbus avons

. assez longtemps goûté les plaisirs duirlepaslet de la lyre, cetteaimable compagne des festins; sortons maintenant pour nousessayer à toutes sortes de jeux, et que l’étranger, de retbur danssa maison, rationna a sesamis combien nous surpassons tous lesautres peuples dans les exercices du pugilat, de lalutœ, ldu’saut N

r etde la course. ». f v . k iÇ A ces mots , il sortie premier de’la salle, et tous les convives

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a

CHANT vin. . sasuivent ses pas. cumul suspend à la cheville la lyre hala.manieuse, prend-la main de Démodocus, et lelconduit hors du

. palais; il le mènepar la même routequ’avaient prise les plus il-lustres Phéaciens pour. aller admirer les jeux. Bientôt ils arrivent

sur une place publique; les citoyens par suivaient enfoule, et dans le nombne plusieurs étaient jeunes et vaillants.La paraissaient Amnéos,,Ocyale, Élatrée, Nautée, Prylnnée, An-

chiale, Eretmée, Pontée, Prorée, Thoon, Anabésine, Amphiale,

fils de Polynée issu de Tectonis ; puis Euryale, semblable au ter-rible Mars, et Naubolide, ’qul pansa taille et sa beauté l’emportait

sur tous les Phéaciéns après l’irréprochable Laodamas. La se trou-

vaientaussi les trois fils d’Alcinolls : Laodamas, llalius, etle divin.Clyitonée. D’abord ils slavancent pour disputer de ,vitesse la lacourse. Depuis la borne s’étendait uneJongue carrière; à l’ins-

tant tous slelancent à la fois, en: faisant voler la poussière. leplus pmmptà la course fut le .valeqreuxCly’œnée. Autant quedes mules traçantnn sillon devancent les beaufs, autant ce héros.

en courant le premier, arrive prés du peuple; tous ses rivauxsont dépassés, Ensuite ils s’essayent au terrible combat de lalutte: Euryale l’emporte sur. les plus vaillants. Amphiale fut le Eplus léger à sautez-Élatrée le plus habile a lancer le disque; aupugilat ce rut Laodamas, fils vaillant d’Alcinoüs. Lorsque tous

eurent’pn’s plaisir à ces jeux, Laodamas sladresse a ses compa-

gnons, et ,leurdit: » h . V p i* a blaserais, demandons à l’étranger-s’il sait, s’il est instruit

dans qudque-jeu : il n’est point d’unextérieur méprisable; ses ’

jambes, ses cuisses, ses bras, son cou nerveux, annoncent unemale vigueur; même il ne manque point de jeunesse; mais peut.étreest-il brisé par ses nombreux travaux. Je n’en connais pas

de plus pénibles une ceuxïde la mer pour affaiblir un homine ,

quelque fort qu’il soit. n . 1 ’a Làodamas, le discours quetu viens de tenir-est très-œnvem

nable, reprend aussitôt .Euryale. Toi-même, va donc maintenant

inviter l’étranger; porte-lui la parole. n l- A peine le noble filsldlAlcinoüs a-t-il entendu ces mots; qu’ils’avance au milieu de l’assemblée, et dit" au héros : a i L

a Vénez aussi, vénérable étranger, vous essayer a des jeun.s’il en est-que vous connaissiez; mais il me semble que vous les

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04 mouvasse.saluez tous. Non, il n’est pas déplus. grande-gloire pour unhomme, quel qu’il soit, que de s’exercer et des pieds et desinainsQ- I

Allons, essayez, et bannissez la tristesse de votre âme. Votrevoyage ne longtemps différé, déjà le navire est à, flot,et les Compagnons sont tout prêts. n ’ ’ -

Alors le sage Ulysse lui répond en ces mots z i , .«’Laodamas, pourquoi m’inviter à vos plaisirs, comme-pour

me railler? Les douleurs bien plus’que les jeux reinplissent-lapensée, d’un malheureux qui jusqu’à ce jour a beaucoup souffertethsupporte bien des peines; maintenant, dans votre assemblée,

p désireux du retour, jasais assis pour supplier Alcinoüs et tout

vlepeuple.» il I V .Alors Euryale, en lui répondant, l’outrage publiquement en"

u Étranger, non sans doute tu n’es point semblable à’l’bomme

habile dans ces combats nombreux parmi les héros, mais à pl’homme’ assis sur les bancs d’un navire, comme un chef de ces

nautoniers qui’s’occupent de leurs trafics, registre de cargaison,inspecteur des vivres et des produits de leurs rapines : va, tun’as point l’air d’un athlète, a fi A - V . I I r- Ulysse, regardant Euryale avec indignation : - . -

. « Étranger, lui dituil, vous ne parlez pas avec sagesse; vousme paraissez être un homme insenséjNon, les dieux n’accordent

point leurs faveurs a tous. les mortels ; la beauté, la sagesse etl’éloquence. Tel est inférieur’en beauté, maisun (Hem-pair le

" charrue des discours, orne sa figure; on se. plait à le regarder ; ilparle sans se troubler avec une douce pudeur, et triompheparmiles hommes assemblés; quand il marche par la*ville,i on le con-sidère connue un dieu; Tel autre, au contraire, est par sa beautésemblable aux immortels; maisautour de lui la grâce des pa-roles n”est point répandue. Ainsi, vous étés d’une beauté si par.

laite, qu’un dieu même ne serait pas autrement; mais votre es.-

prit est Vous m’avez. blessé le cœur en parlant sansaucune mesure; nbn, je ne suis point inhabile aux combats,comme vous l’avez dit, et je pense avoiréüté jadis. aux premiers

rangs,» lorsque, dans ma jeunesse, je me confiais à laforœ deutonbras. Maintenant je suis la proiede l’infortune et des douleurs ;j’ai supporte de nombreux travaux, soit en combattant des cul,

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CHANT vnI I , usfrémis, soit en traversant les.vagnes orageuses. Cependant, quoi-’que- j’aie souffert bien des maux .;j’eSSayerai les jeux car votre

parole est mordante, et. vos discours m’ent excité. p . ’ ,Il dit,’et, sans quitter son manteau, le héros saisit un disque

plus grand, plus. épais et plus pesant encore que celui dont lesPhéaciens, s’étaient servis entre aux. llle fait tourner, et le jette

- d’une main vigoureuse; la pierre gronde; les Phéaciens, navi-gateurs illustres, au jet de la pierre se couchent parterre. Le ldisquewole au delà de toutes les marques, en s’échappant sanseffort de la main du héros ; Minerve, sous la figure d’un mortel,place un gne à l’endroitqlle le disque a touohé ; puis elle s’écrie : .

a Étranger, un aveugle en tâtonnant distinguerait votre mar-que; elle n’est. point confondue dans lla.fonle, mais elle est enavant de beaucoup. Rassurez-vous sur ce combat; aucun des. .Phéaciens ne pourra la dépasser ni même l’atteindre; » -

A oesmots, lesage Ulysse st rempli de joie, heureux de trouverdans l’assemblée un juge favorable. Alors, d’une voix plus douce,

il dit aux Phéaciens : i - ” va Atteignez ce but , jeunes gens; bientot; je l’espère , je. pourrai lancer un second disque tout aussi fort et même plus pe-

sant. Mais si lémur-age excite quelqu’un de vous , allons, Îqu’il”vienne, et, puisque vous m’avez enflammé de colère,-qu’jl ses,

salve au pugilat," a la lutte, à la course :i je ne redoute aucun des .Phéaciens, excepté le seul Laodamas. Il est mon hôte; et que!bôme combattrait celui qui l’accueille en ami! Ce ne peut êtrequ’imméchant, un insenÆ, relui qui dispute à son hôte le prixdes jeux chez un peuple étranger; . il anéantit tout ce qu’il pos-

sède. Quantlaux autres, je n’en refuse ni n’en redoute aucun;mais je veux connaltre leur force et l’essayeren présence de tous.Certes je ne suis point un- lâche, même au milieu des plus vailolants; je sais manier avec’dextérite l’arc étincelant,:et le premier

.. je frapperais un héros en jetant un trait dans la foule des en-A nemis ,Ï quand méthode nombreux compagnons seraient a mon

me, prêts à lancer leurs fléchas. Le seul Philoctete l’emportaitsur moi par son arc au milieu du peuple troyen, lorsque les Grecslançaient’dasflèches; mais je crois l’emporter aujourd’hui. sur

mugies hemmœqui, sur la terre, se nourrissent de blé. Pour-*I tant je ne voudrais, point le disputer- aux r héros, des premiers ,

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96 h * L’ODYSSÉE. ’ lages, tels que fut Hercule ou l’Éclialien Enryie , eux qui lut-tèrent au combat de rare avec les iminor’tels. Aussi le fier-sium

- mourut-il bientôt, et n’atteignit pas la vieillesse dans son palais;Apollon irrité l’immola, parce qulEuryœ avait osé le provoquerau combat de Parc. Avec mon javelot je frappe un but qu’un

, autre n’atteint pas avec saint-èche. Toutefois à la course je crain-drais que quelque Phéaçien netme’devançat; carr je viens d’être

’ misérablement meurtri par des vogues nombreuses ;. je suis reste

longtemps mus nourriture quand la tempête eut submergé monnavire; mes membres sont brisés de fatigue. -» r

in dit, et tous les assistantsgardentle silence; le seul Moi?

nolis reprend en ces mots :. p s 7à , a Étranger, vos discours ne peuvent nous déplaire; vousa’vez

- voulu montrer quelle force vous est échue enrpartage, indignéque cet homme se soit levé dans ressemelée pourvous outrager;,nul ici ne conteste votre valeur, durmoins quiconque sait dufond de l’âme parler avec justice. Mais écoutez, et recueillez main-

tenant mes paroles, afinqu’un jour, lorsque,.dans.votre palais.vous mangerez auprès de votre femme et deivosjenfants, et. vousressouvenant de notre vertu , vous disiez-à quelque héros quelsfurent les devoirs’que nous atoujours imposés Jupiter depuis le

3 A temps de posemètres; Nous.ne sommes point habiles au combatdu ceste et de la lutte. mais nous sommes rapides à la course, etnous excellons à diriger les vaisseaux; nous aimons les festins ,le son de la lyre, les chœurs des danses, les parures nouvelles,les bains chauds et les plaisirs de l’amour. Allons,- jeunes dan-seursspliéaciens, vous’tous les plus habiles, exécutez les jeu: ,afin que l’étranger, de retour chez lui, puisse dire à ses amiscombien nous remportons sur tous les autres dans la navigaflion, la course, lesidanse’s etlenchant. Ratez-vous d’apporter à

Démodocus la lyre mélodieuse qui sans doute est resteeîdans

» mon palais. in V "k l n ; .Ainsi parla le "divin Alcinoüs; aussitôt un héraut s’éloignepour apporter de la demeure du roi la lyre brillante;- Alors se

. lèvent neuf chefs choisis par le peuple, qui disposent tout pourles jeux; ils aplanissent le sol. où slexecuteront les danses, etdonnent plus d’espace à la superbe arène.,Le héraut. revient.s’a’pproche’et remet la lyre àDémodbcus z celui-ci se place dans

x

in

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CHANT VIH. 97le milieu de l’assemblée. Autour de lui de jeunes hemmespa-

missent debout, tous à la fleur de l’âge ,1 et les mieux exercés à

ces jeux; bientôt de leurs ils frappent l’arène aplanie.Ulysse contemple avec surprise la brillante rapidité de ces mon;ïvements,.et son âme est saisie d’admiration. ’ . .p Demodocus, en s’accompagnant avec sailyre, chantait ’lesamours deMars et de la belle Vénus; il dit d’abord comment iils s’unirent en secret dans le palais de Vulcain. Mai-adonnades présente nombreux , et déshonora le lit etfla couche du roiVulcain;.mais celui-ci hit averti par le Soleil, qui les vit tous les

deux unis d’amour: Lorsque Vulcain entendit cette affreuse- nouvelle, il vole à saforge, en méditant une profonde ven-’ geance. Il place sur, le billot une énorme enclume, et forge des

liens indestructibles, indissolubles, pour qu’ils subsistent iné-branlablement. Quand il a préparé ces piégés, plein de colèrecontre Mars , ilse rend’dans la chanlbre où fut placée sa couche; ’

de toutesparts, autour des pieds de cette couche, il ajuste cesliens;,et nombreux illes attache’aux lambris supérieurs, comme ’les fils légers de lîaraîgnée : nul ne pouvait les apercevoir, pas

même aucun des dieux, tant ils étaientlplacés avec adresse.Après avoir ainsi disposé tous ces piégés autour dela couche, ilfeint d’aller à Lemnos,Vville sliperbe, et de toutes ses contréescelle qu’il chérissait le plus. Mars, qui n’exerçait point une vaine.

surveillance, s’aperçut que le boiteux Vulcain s’éloignait, et serend dans-les demeures de cette illustre divinité brûlant d’amour

I pour la belle Cytbéxee.’ Elle venait de quitter son père, le puis-*sent Jupiter, et se reposait à l’écart; aussitôt Mars pénètre dans i

lepalais, prendla main de Vénus, et lui dit ces mots y x* a Venei sur cette couche, o divinité chérie, et nous dormirons

ensemble: Vulcain n’est plus en ces lieux, il est allé dans Lemme,

parmi les Sintiens au barbare langage. n . I I’ lIl dit; ce deux repos parut plein de charmes à la déesse. Tous

les deux mentent sur la couche nuptiale, et bientôt autourd’eux se répandent les liens trompeurs forgés par l’industlieux

Vulcain : leurs membres ne peuvent ni se mouvoir; ni Se -dé-*gager. Ils reconnaissent alors que pour-eux il n’est plus de fuite.Cependant Vulcain arrive auprès d’eux, étant revenu sur sespas, avant dîétme’allé dans le pays de Lemme: car le .Soleil,

. v 9l

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les W r ’L’oovsslîs.l observateur attentif, l’avait prévenu. VulQaiîl se rendra sa de-

meure; le cœur dévoré de chagrins; il s’arrête sous les pertitîuos,

et la plus violente celère s’empare de*lui; s’adressant alors à.flous les dieux, il sîècrie d’une voix formidable: . . p

.g’Puissant Jupiter, vous tous, dieux immortels; accourci,afin de voir des-’actiôns infâmes et intolérables; parce que je

v suis boiteux, la fille de Jupiter, Vénus, me méprise,.et s’unit au

farouche Mars, parce-qu’il est beau, rapide; la; course, tandisque moi je suis sans forces. Pourtant la cause n’en estipoiiltil

moi, mais à’ mes parents; plût aux dieux qu’ils ne m’eussent

pas donné le jour! Regardez comme ils sont unis d’amour surma couche nuptiale; à cette. vue, je reste accablé de tristesseCertes , je’ne pense pas qu’ils restent ainsi, même un instant,quelle que soit leur’ardeu’r; bientôt ils ne voudront. plus dormirensemble : mais’ces liens, ces ruses les arrêteront jusqu’aurjohurourle père de Venusme rendra tous’les présents que’je luidonnai pour obtenir cette indigne épouse; sa filleest belle sansdoute, mais elle est sans pucieur. n ’ I ’, l Ainsi parle Vulcain; tous les immortels alorsqse rassemblentj dans ses brillants palais; bientôt arrive Neptune, soutien de laterre, arrivent aussi ’levbienveillant MercureIet le puissant

ï Apollon; mais les déesses parpudeur restent dans leurs de-meures. Les dieux, source de toutes nos félicites, s’arrêtentsous

les portiques; un rire inextinguible éclate au scinde la troupeimmortelle, lorsqu’ils aperçoivent les.ruses" de Vulcain... Tous

’ - disaient entre eux -: .f « Non, les méchantes actions ne prospèrent jamais E- la len-

- teur a vaincu larapiditè. Voilà qu’aujourd’hui le pesant Vulcain

a saisi Mars, le plus vite de tous les habitants de l’Olympe, et ,quoique boiteux, il triomphe par ses artifices ;’ Mars doit payer

la dette; de son crime. » n r , , h l , a . Lc’est ainsi qu’ils discouraient entre eux; alors Apollon adresse l

à Mercure ces paroles : .. . - . .Je Mercure, filerie Jupiter, vous le dispensateur de tous les* A biens, voudriez-vous, ainsi renfermé dans d’étroitsliens, re-

poSer surcette couche auprès de la blonde Vénus? » ’

I«L Oui, »sans.dout’e, puissant Apollon, répond le. message:céleste, que je sois enchaîné dans des liens trois fois plus forts;

. il

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I CHANT un; j 199dieu; , et vomi, déesses,,.soyez-en tous les témoins, je consensvolontiers (dormir près de, la blonde. Vénus. n -.

Il dit; et le rire éclate de nouveau parmi les dieuxhinlmortels.Le seul Neptune ne selivre point à la joie; sans mon suppliel’illustre ouvrier vulcain de délivrer ledieu Mars, et lui dit ces,

mots rapides; - . ’c Déliv’r’ez-le, moi, je garantis que Mars. comme vous ledésirez, payera la. deus réclamée avec justice, en présence de

’tousîles immortels. n- . , - , Û i .*a Formidable Neptune , reprend’l’indilstrieux Vulcain, ne me,

donnez point de tels ordrœ. C’est’une méchante caution que de prépondre pour des méchants; Comment pourrai-je vous con-

. traindre, même en présenœldes immortels, si Mars en fuyant .s’affranchi’ssait’à la fois dosa dette et de ses liens? la i

(i .0 Vulcain, interrompt Neptune, si Mars s’enfuit’et refuse

sa dette, c’est moi-même qui l’acquitterai. a» . .Vulcain répondit aussitôt z. - I - - a lu Il ne serait ni juste ni convenable de refuser ta promesse. »En disant ces mots, le dieu rompt les liens. Les deux amants.

après que’cette chaule, quoique" si forte, eut été brisée,’s’é-.

chappent aussitôt : Mars s’élance vers les contrées de la Thrnœ .l

et Vénus, la déesse des ris. s’envole à Cvpre, dans la ville de’Paphos; la s’élève un champ réservé pour elle avec, un autel

chargé de parfums; la les Grâces s’empressent de la baigner, etde répandre sur ladéesse une huile’divine, qui n’est a l’usage

que des dieux immortels;’puis elles la revetentde superbesbabits,’parure admirable a voir. ’ ’

Ainsi chantait l’illustre Démodoéus; Ulysse se réjouissait dans

son cœur en l’écoutant, et de même tous les Phéaciens, naviga-

teurs habiles. q . 1 ’ ’ l eCependant .Alcinoüs engage-[labos et Laodamas à danser»

seuls, parce que mil ne pouvait lutter avec eux. Alors ils pren-lient en leurs mains un superbe ballon. couleur de pourpre,qu’avait fait [ingénieux Polybe; l’un des deux, se renversanten arrière, le jette jusqu’aux Sombres nuages; l’autre, s’élancent

avec légèreté, l’atteint, et le renvoie sans effort avant que de.ses pieds. il ait touché la terre. Après s’être exerces à lancer le

haillon dans les.airs,-ils dansent en effleurant le sol, et font"

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ioo . , vomissez.f mille tours variés ; les jeunes gens, debout dans le cirque, applau-i dissent avec transport; un grand bruit s’élève de toutes-parts.

Alors Ulysse adresse au roi ces paroles : -t a Puissant Alcinoüs, et le plulellustre parmi tous ces peuples, .vous m’avia promis les plus merveilleux danseurs, et c’était à

’ juste titre; je suis, en les voyant, saisi d’admiration. n-i. Il dit : le héros Alcinoüs éprouve une douce joie; puis il parle

’ en ces mots ans navigateurs .plléaciens : V ’ ’a Écoutez nies conseils, princes et chefs des Phèaciens : cet

étranger me semble être un’hommo rempli de sagesse. allons,offrons-lui lesndons de, l’hospitalité comme il convient. Douzechefs illustres gouvernent le peuple , moi je suis le treizième; eh-

bien, que chacun de nous lui donne un manteau superbe, unetunique et de’plus un talent d’un or éprouvé; rassemblonspromptement ici toutes ces richesses, afin qu’après les avoirreçues l’étranger se rende au repas’du soir, en se réjomæant

dans. son cœur. Pour Euryale, il apaisera notre hôte par desparoles et des prescrits, par le discours qu’il altenu n’était n

point selon l’équité. n ’ . .Il dit; tous applaudissent à ces paroles, et donnent, des

I ordres; chacun envoie ’un héraut pour apporter les présents.Alors Euryale, s’adressant aux-coi, lui parle en ces mots : i

l! Puissant Alcinous, et le plus illustre parmi tous ces peuples.-, j’apaiserai l’étranger comme’vous le commandez ;4je lui donnerai-

ceglaive d’airain, dont la poignée estd’argent, eue fourreau* d’un ivoire nouvellement travaillé; sans doute ce présent sera

- digxledelutn’ -» a. i *Aussitôt Euryale remet entre les mains d’Ulysso un glaive à

la poignée irai-gent, et lui dit z , * - ’, .u Salut, ô vénérable étranger; puisque ’un mot funeste fut

r prononcé, qu’il s’envole sur les ailes de la tempête. Puissent lesdieux, vous donner de revoir votre épouse, votre patrie, aprèsavoir, loin de vos amis, souffert tant de maux! a ’ a j

a Vous aussipcher Euryale, répond Ulysse à l’instant, soyez

heureux, et que les dieu; vous comblent de biens l, Puissiez-,vous n’avoir jamais besoin du glaive. que vous m’avez offert, en

m’apaisant par de douces paroles. n r’ Il dit, et suspend asesépaules le glaive enrichide clous diar-

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CEHAN’E vm. ’ mlgent. le [soleiljerininait sa carrière, lorsque arrivèrentblesïpré-sente; les hérauts les portèrent dans le palais d’Alcinoüs. Ses filsreçoivent ces dons magnifiques, et les placent auprès de leur vé-nérable mère. Cependant le puissàntutlcinoüs précède les’con-vivæ; ils s’asseyent, en entrantgsur des sièges élevés. Alcinoüs

s’adressant alors a la noble Arête : - l " » Ila Chère épousé, dit-il, ordOnnez qu’on apporte un coffre pré-

cieux, le plus beau de tous; vous y placerez une tunique avecun riche manteau. Commandez aussi qu’on mette sur la flammevase d’airain, et faites tiédir l’onde, afin que notre hôte,après s’être baigné, voyant ilestprésents que lui destinent les

.Pbéaciens, se réjouisse pendant le repas, en écoutant une chan-son célèbre; Je veux en outre lui donner aussi ma belle couped’or, afin .queltoujours il se ressouvienne de moi lorsque,rdansson palais, il fera des libations à Jupiter ainsi qu’à tous les

autres dieux. a . ’ .1 . " .j Ainsiparle Alcinoüs inAre’té commande il ses femmes de mettreà l’instant-sur le foyer un large trépied. Celles-ci s’empressent

de placer-sur le. feu le trépied destiné pour le bain ; elles y ver-sent-daleau, puis allument ail-dessous le bois qu’elles ont ras-Iæmblé.. La flamme enveloppe, les flancs du trépied, et l’ondes’échauffe. Cependant Arête, de sa chambre, apporte un coffremagnifique, y’ dépose les riches présents, les habits 9t les talents

d’or que les Phéaciens avaient donnés àl’étranger; elle y place

une riche tunique, un manteau, puis adresse au héros ces’pa-

roles rapides : . . . ,(t Examinez ce ceuvercle, et vous-même fermez-le prompte-ment avec un lien, pour qu’on ne vous dérobe rien pendant le’voyage, lorsque, emporté sur votre navire, î vous goûterez les

douceurs du sommeiL n Ç ’Ulysse, après avoir entendu ces paroles, adapte a l’instant-

le couvercle, et le ferme avec un nœud compliqué qu’autrefoislui fit connaltre’l’ingénieuse Circé. Bientôt après, l’intendante

du palais, pour le laver, le conduit au bain; il s’aperçoit qu’on afait tiédir l’onde, et s’en réjouit, n’en ayant pointifait usage de-

puis qu’il a quitté les demeures de la belle Calypso : mais alors

on avait pour lui les mêmes soins que pour un dieu. Quand les’ A servantes ont baigne le héros, ellesJe parfument d’essences, le

i ’ ’ - ’ ’ . 9.’ .

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m2 4 . L’on’YssEe,’ revêtent d’unetunique etd’un manteau superbe, et lui,’sortant

du bain, se rend au, milieu de; convives. Nausicàa, qui reçutdesdieux la beauté, se tenait debpnt prèsde la porte solide; elle ad-

. mire Ulysse en le voyant, et lui- dit ces! mots rapides : . ia Salut, étranger; quand vous serez dans votre patrie, res.

souvenezovous de moi, car c’est a moi la première. que vousdevez d’avoir conservé la vie.- u ’ - ..

a Nausicaa, fille.du magnanime Alcinoüs, lui rèpônd le sageUlyssempuisse Jupiter, le formidable époux de Junon, me per-

. mettre d’aborder dans marpatrie et de revoir le jour du retour;la sans cesse je vous impTorerai comme une divinité, cari c’est

vous qui m’avez sauvé la vie, jeune vierge. 3) q. -ll dityet’ va s’asseoir sur matrone auprès dTAlcinoüs. Bientôt

on distribue les parts du-festin, et l’on verse le vin dans«les,coupes. Alers un héraut s’approche, en conduisant le chantremélodieux, Démodocus honoré. par les. peuples; il le fait asseoirau milieu des convives, .et’ l’appuie contre une haute colonne.Alors Ulysse dit à ce héraut, après avoir coupe le des du san-glier, entouré d’une graisse délicate, et’dont il restait encore la

plus grande partie : I 1 ne - ’, a Héraut, portez cette viande a Démodocus, pour qu’il la

mange, et dites-lui que je le salue, malgré ma tristesse. De tousles mortels, ces chantres merveilleux sont les plus dignes de ries

I respects et de nos honneurs, parce que c’est une Muse qui leurenseigne ces chants ;- elle aime la tribu des chanteurs. » R q ,

Il dit; le. héraut portant dans ses mains le dos du. sanglier leplace devant Démodocus; celuiuci le reçoit, et s’en réjouit dans

i son cœur. Alors tous les convives étendent les’ mains verdiesmets qu’on leur a servis. Quandils ont apaisé la laim et la’Soif,le prudent Ulysse, se tournant vers Démodocus, lui parle en ces

mots : ’ - . aV a Démodocus, de tous-les hommes’c’est vous que jîhonore le

I plus, car vous fûtes instruit par une Muse, fille de Jupiter, oupar Apollon; vous chantez admirablement le malheureux destin

. des Grecs, ce qu’ils ont entrepris, ce qu’ils ont soulier-t, et toutce qu’ils ont accompli, comme si vous-même en aviez été témoin.

ou si vous l’aviez entendu de quelque autre. Mais a présentchangez vos récits, chantez-nous ce cheval de bois que construif ’

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, ces" vm.’ ’ lessitiÉpéus avec le secours de Minerve, etgue le divin Ulysse con-

duisit dans la citadelle après l’avoir rempli de guerriers qui ren-versèrent Ilion. Si vous nous redites cesçfaits avec exactitude,je proclamerai devant tous les hommes qu’un dieu bienveillan .

vous enseigna ce chant sublime. n ’’ Aussitôt Démodocus, inspiréipar un’"dieu, commence et fait

entendre ses chants, en disant d’abord comment les Grecs s’em-

barquèrent sur leurs solides vaisseau, après avoir livré leurcamp aux flammesymais déjà, sous la conduite du vaillant

» Ulysse, les Argiens étaient au milieu de la place publique, ren-’fermés dans. le cheval; car les Troyens eux-mémos l’avaienttraîné dans la citadelle. c’est la qu’il fut placé; les citoyens d’1:

lion assis tout autour agitaient des avisdivers; le conseil separtageait entre trois partis, ou de rompre? avec le fer les cavitésde cette machine, ou, la tirant sur le sommet, de la précipitersur les rochers, ou bien de permettre qu’elle devint un immenseornement pour apaiser les dieux : c’est cette dernière résolutionqui devait s’accomplir, ’sar le destin d’llion était de périr sitôt

que ses murs recéleraient cet énorme cheval, ou se cachèrent lesplus illustres des Argiens, portant a leurs. ennemis le carnage etla mort. Démodocus ensuite chanta comment les fils des.Grecs,étant sortis du cheval, ravagèrent la ville, après avoir. aban-donné œsfembûches ténébreusele chantait tous les héros ren-versant à l’envi cette cité superbe; mais surtout il chante Ulysse,qui, semblable au dieu Mars, se précipite, avec le divin Ménélas, -contre le palaisde Déiphobe ;,Ulysse qui, soutenant en ces lieuxun combat terrible, vainquit enfinpa’r lesvsoi’ns’ de la valeureuse

Minerve. - . . l . -Tels sont les chants de Démodocus;.a ces souvenirs, ,UlySses’attendrissait’, et de ses yeux laissait couler des larmes sur.sonvisage, Ainsi pleure une femme attachée au’corps de son épouxtombé» devant la ville et. l’armée en repoussant l’heure fatale loin

de ses enfants et de sa patrie; en le voyant palpitant encore et Irespirant a peine, elle l’entoure de ses bras , et pousse des crisaigus ;. derrière elle cependant les ennemis , de leurs lances luifrappant le doslet les épaules, l’entralnant en escla’vage poursupporter le travail et la peine ; dans sa douleur lamentable sesjoues sont amaigries par les larmes; ainsi de ses yeux Ulysse

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au . ’ - LÏQDYSSÉÈ.,laisse couler de: lamentablespleurs: Cependant il dérobe sontrouble à tous les convives ;’ le seul Alcinoüs le vit et s’en aperçut,car, étant assis près du héros , il l’entendit soupirer aved’amer- I

tume. Aussitot il parle en ces mots aux Phéaciens :à Écoutez-moi, princes et chefs des Phéaciens, ’qu’e Démo-

docus suspende les sons de sa lyre harmonieuse; sesichants ne ilplaisent pas égalementià tous. Depuis que le repas est terminé,

- depuis que le chanteur divin a commencé, l’étranger n’a pascessé de soupirerisans doute un profond chagrin s’est emparéde son âme. Que Démodocus cesse donc de chanter, afin’de nousréjouir tous ensemble, les hôtes et l’étranger; c’est la ce qui vaut

le mieux: Car tout est. préparé pour ce héros vénérable, le dè-

part et. les présents que nous lui donnons avec amitié. L’é-tranger, le suppliant est comme un frère pour tout homme à qui

la. plus légère compassion touche le cœur." Mais vous , mainte-

nant, ne me dissimulez point ,l par de trompeuses pensées, ceque je vais vousdemander; ilest bien pour vous de me répondre.Dites-moi de quel nom vous appelaient votre père , votre mère,et ceux qui dans la ville étaient vos proches voisins. Personneparmi les mortels, ni.le lâche, nile vaillant, n’est sans nom aumoment de sa naissance ; mais les parents en donnent, un à tousles enfants qu’ils mettent au jour. Dites-moi quel-est votre pays, -

votre peuple, votre ville ,. afin que de leur propre mouvementun; vaiSSeaux vous y’ conduisent. Les navires phéaciens n’ont -

. pointde pilotes, point de gouvernails, toutes-choses qu’ont lesautres navires; mais ils savent les pensées et les désirs des hom-mes, et .connaissënt les villes et les champs fertiles de tous les ’

’ mortels; ils sillonnent avec rapidité les vagues de la nier, tou-jours enveloppés dans l’ombre et les nuages; ils n’ont aucunecrainte d’éprouver quelque dommage ni de périr. Pourtantvoici. qu’autrefois j’entendis racontera mon père Nausithoiis: qui

(ne disait que Neptune s’irriterait œntrennous, parce que nousétions sans péril les guides de tous les étrangers. Il ajoutaitqu’un de nos vaisseaux à, son retour périrait sur lamer tene-

h breuse , et qu’une haute montagne couvrirait notre ville. C’estainsi qu’il parlait; mais, ce dieu peut accomplir ses desseins , oules laisser sans effet, comme il l’aura décidé dans son’cœur.,Vonscependant, répondez;moi, racontez! avec détail ou. vo’usavezeerré,

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- CHANT 1X. - .195quels hommes vous avez visités; parlez-nous da.ces.peuples etde leurs villes opulentes; ditesmous s’ils étaient cruels, sau-vages, sans justice , ou s’ils-étaient hospitaliers et si leur aunerespèctaitiles dieux. Dites-nous’enfin pourquoi vous pleurez,pourquoi vous gémissez au fond de l’âme , en écoutant la des-i

I tinée malheureuse des Argiens, des enfants de Danaüs et d’1-Vlion. Les dieux ont’ourdi cette destinée, ils-Ont résolu la mort

d’un grand nombre de héros ,’ pour être un chant instructif aux ,

hommes à venir. Auriez-vous perdu devant Ilion quelque procheparent, un gendre valeureux , un beau-père , eux qui nous sontlesplus chers après ceux de notre sang et dia-notre laminez.Auriez-vous vu périr un compagnon généreux et vaillant? car il

’ n’estpas moins? qu’un frère, celui, qui, compagnbn fidèle, est .

i rempli de prudence; »- * ,

CHANT 1x; fiI .. RÉCITSCHEZ ApcINoÜs.’- crampes.

Alors l’ingénieux Ulysse lui rependit ences mots :a Puissant Alcinoüs, et le plusîillustre parmi’tous ces peuples,

. combien il est doux d’entendre un tel chanteur, qui par le charmede;sa voix est égal aux dieux. Non ,fi sans doute, on ne peut, jepense, se proposer de but plus agréable que de voir la joie ré-gner parmi toutim peuple, de voir ces convives écoutant unchanteur dans le palais, tous assis en ordre autour des tableschargées de pains et de viandes, tandis que l’échanson puise le

- vin-dans les urnes et le porte pour remplir les coupes; c’est lace qui dans mon âme me parait le plus beau. Mais puisque votredésir est d’apprendre mes lamentables infortunes, il faut que

je soupire encore en versant des,larmes. Par ou commencer, et,comment terminer ce récit? dieux du ciel m’ont accablé debien des douleurs. Maintenant donc je vous dirai mon nom ,afin que vous leiconnaissiez; car-si j’évito’le jour funeste, jeveux être votre hôte, quoique habitant des demeures lontaines.

t

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L’ODYSSIËIE,Je suis le ülsïde Latium-Ulysse. qui par mes stratagèmes me suis.fait sonnante a tous les hommes, et dont la gloire est montée jus-anaux- bieux. J’habite l’occidentale lthaque; dans cette île estune superbe montagne, le Nérite, couvert d’arbres; tout autour

’ sont des iles norilbrcuses et rapprochées entre elles :VDulichium ,

same, zacyntlie ombragée de forêts; Ithaque, dont le rivages’élève à peine au sein. de la mer, et la plus rapprochée duï’coug

, 7chant"( les autres sont en face del’aurore et du soleil), est cou:verte de rochers; mais-elle nourrit une jeunesse vigoureuse. Jene puis voir un autre lieu qui me soit plus doux que mon pays.xLa nymphe Calypso m’a longtemps retenu dansses grottesvpro-fondes; désirant avec ardeur que je devinsse son époux; de

même l’astucieuse Circé , qui règne dans l’île d’Éa, m’a retenu i

i dans son palais, désirant aussi que je fusse son époux ; maiselles ne persuadèrent-peint mon cœur. Non, rien n’est plus chera l’homme que sa patrie et.ses parents,. quand bien même ilhabiterait une riche demeure dans une terre étrangère, loinde sa famille. Mais, puisque vous le désirez, je vous raconterai .mon retour, avec tous les maux que m’envova Jupiter quand je.

partisde Troie. I s la En quittant Ilion , les vents me portèrent dans leïpays desCiconicns, vers la ville d’lsmare; je ravageai cette ville, et fispérir ses habitants. Ayant enlevé leurs épouses et de nombreuses I

richesses , nous fîmes le partage, et nul nese retira sans avoirune part égale. Je les exhortais à fuir d’un pied rapide; mais lesinsensés ne m’obéirent pas. Là, buvant le vin en abondance, ils’

immolaient sur le rivage de nombreux troupeaux de bœufs et debrebis. Pendant ce temps quelques Ciconiéns s’étant enfuis; ap-

pellent d’autres Ciconiens leurs voisins les plus proches et lesplus vaillants, habitant l’intérieur des terres, sachant sur un -

char combattre leurs ennemis , et les attendre aussi de piedferme. Dès le point du jour ils accourent, aussi nombreux queles feuilles 613195 fleurs dans la saison du printemps; alors la fu-neste destinée de Jupiter s’attache a nous , malheureux, pour.nous faire souffrir bien des maux. Rangés en ordre, ilsnous li»vront le combat devant les navires, et tour à tour nous attaquentde leur lances d’airain. Durant tout le matin, et tant que s’é1 vlève l’astre sacré du jour, nous résistons a nos ennemis, quoique

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, f ou A NT 1x. unI supérieurs en hombre; mais quand le solü décline , et ramènel’heure ou l’on délie lesflbœufs, les Giconiens fondent sur les

36.1805, et les mettent enfaîte. q panne mes vaisseaux perdit

guerriers, les autres échappèrent à: mort. ’l « Nous nous rembarquons,- heureuX négrifier le trépas, mais le

cœur navré d’avoir-perdu nos compagnons. Cependant nos largesnavires ne s’éloignent pas sansque nous ayons appelé irois foisles ’amis infortunés qui périrent sur ce rivage, vaincus par. les Gin

(ioniens. Alors le puissant Jupiter excite contre nous le’ ventDorée, accompagné d’une affreuse-hempêle , et cache sous d’épais

nuages ln’terre effilesiondes; la nuit tout’à coup tombe descieux. Nos vaisseaux sont emportés àu loin sans direction, et les

voiles sont en lambeaux par la violence du vent; nousles déposons dans les navires pour éviterlalmort, et nous diri-geons aussitôt la flotte vers le plus prochain, continent. Pendantdeux jours et deux nuits nous restons sur cette rive , en nousvengeant1 le cœur de douleurs et ’de tourments. Mais lorsquel’AuNreàla belle chevelure eut remarié le troisième jour, nousdreèSOns, les mats, nous déployons les voiles, et’vvremontons dans

les vaisseaux, que guidentlevent et les pilotes. J’espérais enfinarriver heureusement aux terres de la patrie, ’lorsqu’en doublantle capiMalée, Borée atlas rapides courants de la manne repous-sent et m’éloignentide Cythère. h s , - .. . li u Pendant n’eut jours je fusemportérpar les vents congiairesqui la’ mer-poisâemieuse; mais ile’dixième j’abordai dans le pevs

da thages, qui se nourrissent de la fleur d’uneplanto.fions le rivage, et nous puiSons l’eau des fon-

. faines; mes ensuite prennentle repas près des un», vires Quand nous" avons achevé de manger et de boire, je réso-lu faire": mesoompagnons à Ia’ découverte, en choisissantç -. en 1.;llè1misieme les accompagnait était. un

l héritas; I- peuples en ces lieux se nourris- -nient v ; Ceux-ci donc étant partis se mélè-

H c Mm; mais les Lotophages ne méditèrentin J flancs compagnons , et leur donnèrent à goûter du

lotos. Ceux d’entre. eux qui mangeaient le doux fruit du lûtes ne

.voulalem plus Venir rendre compte du message ni retourner.ils dèsiràient, au contraire, rester-permii’les peuples loto-

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me ’ moussant’phages, et pour se nourrir du, lotos ils gantant le retour;

Cependant je les contraignis de remonter en pleurant dans les fia-.vires , et je les attachai sur les bancs des rameurs. remontes cl’instant à mesvautres compagnons de monter sur les vaisseauxlégers, de peur qu’eux-mêmes, en mangeant du lotos, n’oubliçiæ

sent aussi le retour. Ils montent aussitôt,seplacent sur les bancs;et tous assisenordre ils frappent de leurs rames la mer blanchis-

sante: ’ ’ , i . . -n’ Loin de ces lieux nous recommençons à naviguer, le cœur

navré de douleur. Nous arrivâmes ensuite dans le’pays des vio-lents Cyclopes, qui vivent sans lois, et qui, se confiant aux dieuximmortels, ne sèment aucune’plante de leurs mains et ne la-bourent pas; mais là toutes cheses poussent sans être semées nicultivées : la pluie de ’Jupiter fait croître pour oui l’orge, le fro-

ment, et les vignes Nui ,ïchargées degrappesfdonnent un vindélicieux. Ils n’ont. point d’assenfblées, ni pour tenir le conseil

ni pour rendre la justice; mais ils vivent sur les des Amontagnes, dans des grottes profondes ; chacun d’eux- gemmages ’

enfants et son épouse, ne prenantaucun soin lesluns desautres.«.Vis-à-vis du port, nitrop près, ni trop loin du pays des

Cyclope’s, est une lle’de peu d’étaidue, et couverte de forets; lanaissent en foule des chèvres sauvages,-car les pas. des hommesne les mettent point en fuite. Cette ile ’n’estrpoi’nt visitée par les

chasseurs, qui supportent tant de fatigues dans les ’boisen par-courant les sommets des montagnes; elle n’est point habitée par"-des bergers ni par des laboureurs,’mais privée d’hommesyellle v

reste toujours sans semence et sans culture, et neurrit seulement des chèvres bêlantes. Car chez les Cyclopes’il n’estpoint de

navires aux proues de vermillon, chez eux point d’ouvriers quiconstruisent de larges vaisseaux, avec lesquels on accomplitchaque chose et l’on visite les cités des peuples; tels sont lmdesseins nombreux qu’exécutent les hommes en traversant lesmers. Ainsi les Cyclopes auraient pu cultiver cette ne et la rendrehabitable z elle n’est point stérile ,’ et porterait des fruitsen toutesaison. La , sur le rivage de la mer blanchissante, s’étendentïdesprairies humides et touffues; les plants des vignesy seraient sur- vtout d’une longue durée. Elle est d’un facile labourage; on-y re-

cueillerait dans la saison" une moisson abondante, parce (ploie sa

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CHANT 1X. 109est gras et fertile. Cette île possède encore un port commode, onjamais il n’est besoin de cordage, où llon ne jette point l’ancre ,

où nul lien nlattache les navires; et quand ils abordent en ceslieux , ils y restent jusqu’à ce que les nautoniers désirent partiret que les vents viennent à souffler. A llextrémité de ce portcoule une onde limpide , la fontaine est sous une grotte; tout au-tour s’élèventrdes peupliers. C’est la que nous arrivâmes, et

qu’un dieu nous conduisit durant la nuit obscure : nul objet nefrappàitialors notre vue; un épais brouillard enveloppait n05vaisseaux , etvla lune ne brillait pas dans les cieux; elle était ca-chée par les nuages. Aucun dientre nous nlavait découvert cetteîle; même nous n’aperçûmes point les vagues énormes qui se

roulaient sur le rivage , avant que d’être abordés sur nos largesnavires. Dès quÎils sont entrés, nous plions les voiles , puis nousdescendons. sur le bord de lamer, et la nous nous endormons enattendant le retour de l’aurore.

(t Le lendemain, aux premiers rayons du jour, nous parcou-rons cette ile, et nous en sommes ravis d’admiration. Alors lesnymphes, filles du puissant Jupiter, nous envoient les chèvre»;des montagnes pour le repas de mes compagnons. Aussitôt nousapportons de nos vaisseaux les arcs recourbés , les longs javelots ,et, partagés en trois bandes, nous lançons nos traits; bientôtun dieu nous accorde en peu de temps une chasse abondante.Douze vaisseaux m’avaient suivi; chacun d’eux obtint neufobéîmes en partage; mes compagnons en choisirent dix pour moisont; Pendant. tout le jour, jusqu’au coucher du soleil, nous sa-vourons les mets,abondants et le vin délectable, Le vin de nos.navires n’était point épuisé, mais il en restait encore; car nous

en puisâmes une grande quantité dans nos urnes quand nous ra-vageâmes la ville des Giconiens. Cependant nous découvrions àpeirde distancie la.fumée,qni s’élevait dans le pays des Cyclopes ,

et nous entendions leurs voix mêlées aux bêlements des chèvreset des brebis. Quand le soleil eut terminé sa carrière , et que vin-rent les ténèbres du soir, nous nous couchâmes sur le rivage de la

1 mer. Dès le retour de la brillante aurore je rassemble tous les

miens, et leur dis : in Restez en ces lieux,- ô mes compagnons fidèles;,moi cepen-

dant, avec ceux qui montent mon navire, j’irai m’informer quels

confises, 40

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no i , vomisses.sont ces hommes; s’ils sont cruels, sauvages, sans justice. ous’ils’sont hospitaliers, et si leur âme respecte les dieuir. n

«,En achevant ces mots, je monte dans le vaisseau, j’ordonnea mes compagnons de me suivre et de délier les cordages. Aus-

sitôt ilsmontent dans lo navire, se placent sur les bancs, etjoue, assiston ordre, ils frappent de leurs rames la mon blan-chissante. ; Lorsque nous touchons au pays dont lieus étions siprix , nous apercevons à l’extrémité du port, prèsde la magane

grotte élevée, ombragée de lauriers à la reposaient de nombreux"troupeaux de chèvres et de brebis; la cour était fermée par une

enceinte de rochers enfonces dans la terre, par de grands pins etdes chênes à la haute chevelure. c’est la que demeurait un homme

énorme, qui ,, seul, faisait paître au loin ses troupeaux; il nefréquentait point les autres Cyclopœ, mais, toujours à l’écart, ilne connaissait que la violence. C’était un monstre horrible, non

"semblable à l’homme qui se nourrit de blé, mais au sommetboisé des hautes montagnes, il paraissait augdæsm de tous

autres. c . . I,« Je dis à mes compagnons de rester dans le navire pour legarder; seulement, en choisissant douze des plus vaillants, jem’éloignai; je pris cependant une outre de peau de chèvre rem-plie d’un vin délicieux , que me donna Maron, fils d’Évanthée ,

I prêtre d’Apollon , demeurant dans la ville d’lsmare, parce que,pleins de respect, nous le protégeâmes, lui, sa femme et ses

i enfants. Il habitait le bois sacré du brillant Apollon. Il me comblade présents magnifiques; il me donna sept talents d’un orchoisi, puis une coupe toute d’argent, et remplit ensuite douzeurnes d’un vin délectable et pur, breuvage divin. Nul dans samaison , ni ses esclaves , ni ses serviteurs , neconnaissait ce vin ,mais lui seul, sa femme, et l’intendanie du palais. Lorsqu’il bu-vait de cette liqueur délicieuse et colorée , ne remplissant qu’une

coupe, il la versait sur vingt mesures d’eau; du cratère alorss’exhalait un suave et divin parfum; nul ne pouvait résister àce charme. J’emportai donc cette outre pleine, et dans un sac decuir je mis des provisions;.car déjà je pensais au fond de mOncœur que je rencontrerais un homme d’une force immense, un

i cruel, qui ne connaissait ni la justice ni les lois. . ”u Bientôt nous arrivons à son antre; nous ne l’y trouvons

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CHAÉT 1x. mpoint, il avait conduit aux pâturageàses gras troupeaux. Alors,pènétrant’dans la caverne, nous admirons chaquevchose : les pa

niers de jonc étaient chargés de fromages, les chevreaux et lesagneaux remplissaient la bergerie, mais ils étaient séparés dansdifférentes enceintes; d’abord ceux qui naquirent les premiers,puis les moins grands, enfin ceux qui ne venaient que de naltre;tous les vases, ceux qui contenaient le petiHait, les terrines etles bassines où le Cyclope trayait, ses troupeaux ,’ étaient ranges

en ordre. Mes compagnons me suppliaient de prendre quelques fro-mages, et de retourner; ils m’exhortaient d’enlever prompte-ment des, chèvres, des brebis , de les conduire dans le navire, etde franchir-l’onde amère z je ne me laissai point persuader (c’é-

tait pourtant le parti le plus sage), parce que je voulais voir leCyclope , et savoir s’il m’accorderait les dons de l’hospitalité;

mais sa présence ne devait pas être heureuse à mes compagnons.« Ayant alluméele feu , nous faisons les sacrifices, puis ayant

pris quelques fromagœ , nous les mangeons; et, restant assisdans l’intérieur de la caverne, nous attendîmes jusqu’au mo-

l ment où le Cyclope arriva des champs. Il portait un énorme’tar-deau de bois desséché pour’appréter son repas." le jette en dehors de la caverne , et sa chute produisit un grand bruit S épou-vantés, nous fuyons jusqu’au fond de l’antre. Alors il fait entrer

dans cette large grotte ses troupeaux , tous ceux du moins qu’ilveut traire , et laisse les mâles à l’entrée, les boucs et les béliers

restent en dehôrs de la vaste cour. lCependant , pour fermer sademeure il soulève un énorme rocher : vingtrdeux forts chariotsà quatre roues n’auraient pu l’arracher du sol, tant était imà .mense cette pierre qu’il place a l’entrée de la cour. S’étant assis,

il trait avec le plus grand soin ses brebis , ses chèvres bêlantes, et .rend ensuite les agneaux a leurs mères. Puis laissant cailler lamoitie de ce lait, il le dépose dans des corbeilles tressées avec soin,x

et met l’autre moitié dans des vases pour se désaltérer et pourêta-eson repas du soir. Après avoir en toute hâte terminé ces ap- ’

prêts, il allume alors du feu, nous aperçoit, et nous dit :a Étrangers. qui donc êtes-vous? D’où venez-vous a travers les

plaines humides? Est-ce pour votre négoce, ou sans dessein er-rez-vous comme des pirates qui parcourent les. mers en exposantleur vie et portant le ravage chez les étrangers ?. n

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112 . L’ODYSSÉB.a Il dit;,nos cœurs sont brisés, nous frémissons de cette voix

formidable etde cet affreux colosse. Moi cependant je fui réponds

en ces mots z ’ , ’ - .* a Nous sommes des Grecs, qui depuis notre départ d’lliôn,- em-

portés parles vents contraires, avons parcouru la vaste étenduede la mer, et qu’oiqlm désireux de notre patrie, nous arrivons ici dé- Itournés de notre route, et suivant d’autres sentiers ;,ainsi’ l’a vouluJupiter. Nous nous glorifions d’être les soldats d’Again’emnon, ,fils d’At’rée, dont aujourd’hui la gloire est immense. sous la voûte

des cieux , tant estgrande la ville qu’il a renversée et nombreuxles peuples qu’il a vaincus; nous, cependant , venons embrasservos genoux, afin que vous nous donniez le présent d’hospitalité ,

du moins que vous nous accordiez quelque subsistance , commeil est juste de l’offrir aux étrangers. Puissant héros, respectez les

dieux; nous sommes vos suppliants. Jupiter hospitalier est levengeur des suppliants et desi hôtes; il accOmpagne les étrangers

qui sont dignes de respects. n L I ,1 4 -«Telles furent mes paroles; mais lui,sans pitié, me répond

aussitôt : ’ n I I " . - 4a Étranger, tu perds la raison , ou tu .yiens de loin, toi quim’ordo-nnes’de craindre et de respecter les dieux. Les Cyclopes ne

s’inquiètent point "de Jupiter ni de tous les immortels; noussommesplus puissants que les dieux fortunés. Pour éviter le Icourroux de Jupiter, je n’épargnerai nitoi ni tescompagnons, lsi tel n’est point mon désir. Mais dis-moi maintenant ou tu laissas

ton navire; apprends-moi s’il est à l’extrémité de l’île, ou près

d’ici, pour queéje le Sache. » . p ’ ’ . ’ Ia c’est ainsi qu’il me parlait en m’éprouvant; mais je n’ou-

hliai point mes nombreuses ruses : je lui répondis à mon tour

par ces paroles trompeuses : . I c- a Le puissant Neptunea brisé mon navire, en le jetant contreun rocher, au moment ou j’allais toucher le promontoire qui s’é-lève sur les bords de votre ile, et le vent, sur les flots, en adispersé lesjdébris; moi seul avec ces compagnons avons évité le

trépas. » . ’ v Ii .a Je parlais ainsi; le cruel ne répond point à ce discours, mais;s’élançant, il porte ses mains sur mes compagnons, en saisit deux ,

et les écrase contre la pierre commede jeunes faons; leur cor.-

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CHANT 1X. Il;velle coule à terre, elle monde le sol. Alors, divisant les membrespalpitants, il prépare son repas, et mange, semblable au lion desmontagnes, sans laisser aucun vestige ni de la chair, ni des on-trailles, ni des os remplis de moelle. A la vue de ces horriblesforfaits,lnous élevons en pleurant les mains vers Jupiter, et ledésespoir s’empare de nos âmes. Quand le Cyclope a rempli son

vaste corps, en. dévorant la chair humaine, il boiton lait pur,et se couche dans la caverne, étendu parmi ses troupeaux. Moi,cependant, je voulais en mon’cœur magnanime , m’approchantde ce monstre, et tirant le glaive que je portais a mon côté, lefrapper dans le sein, a l’endroit ou les muscles retiennent le foie,et le terrasser de ma main; mais une autre pensée m’arréta. Nouspérissions la d’une mort affreuse; car avec nos bras nous nepouvions enlever l’énorme pierre qu’il avait placée devant la

porte. Nous attendîmes donc en soupirant le retour de la divineAurore.

« Le lendemain, aux premiers rayons du jour, le Cyclope al-.lume du feu, trait ses superbes troupeaux, dispose tout avec»ordre,wet rend ensuiteles’agneauxhà leurs mères; Après. avoir

en grande hâte terminé ces apprêts, saisissant” de nouveau deuxde mæ compagnons, il en fait son repas. Ce repas achevé, lemonstre chasse hors de l’antre ses grasses brebis, en enlevantsans effort la porte immense; puis il la replace, comme il auraitplacé le couvercle d’un carquois. Le, Cyclope. alors , au son d’un

long sifflement, conduit ses grasses brebis sur )la montagne: Moi ,cependantj’étais resté, méditant d’affreux desseins, afin de me

venger, si Minerve m’en accordait la gloire. Voici le parti qui ,dans mon âme, me sembla le meilleur. Le Cyclope au fond del’étable avait placé l’énorme bramihe d’un verdoyant olivier ’,

qu’il avait coupée pour s’en servir quand elle serait’desséchée;

nous la comparions au mat d’un large et pesant navire de vingtrames qui doit un jour sillonner les vastes ondes; telles nous ap-parurent et sa grosseur et sa hauteur. J’en coupe environ troiscoudées, puis je donne cette branche a mes compagnons , et leurcommande de la dégrossir : ceux-ci la rendent très-unie; j’enaiguise aussitôt la pointe, et pour la durcir je la passe a la flammeétincelante. Alors je ladépose avec soin et la caché sous un guano

las de fumier qui fut avec abondance amoncelé dans la bergerie.«o.

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114 L’ODYSSÉE..lardonne ensuite à mes compagnons de tirer au sort ceux quid’entre eux. Oseront avec moi plonger ce pieu dans l’œil V Cy-

clope quand il goûtera le doux sommeil. Lesquatre que lignele sort, moi-même j’aurais voulu les choisir; je faisais le cin-quième avec eux. Vers lestait, il revient conduisant ses brebis àla toison éclatante; il pousse dans l’intérieur ses gras troupeaux ;

ils entrent tous, et le Cyclope n’en laisse aucun en dehors delabour, soit que lui-même enpeût conçu ledessein, soit qu’ür, .dieul’eûit ainsi voulu. Puis, en la soulevant,’il replace la povz E lméfient s’étant assis,’il trait ses brebis, ses chèvres T ’ l

dispose tout avec ordre, et rend ensuite les agneaux a hgmères. Aprèsravoir en grande hâte terminé ces appréts,’saisis-»

sent de nouveau deux de mes compagnons, il en fait’son repüEn ce moment je m’approcfie de lui, tenant dans mes mainshneécuelle de lierre remplie d’un vin délicieux, et je lui dis : *

« Cyclope, tenez, buvez de ce vin, après avoir mangéide lachairbumaine; afin que vous» sachiez quel breuvage j’avais caché

A dans mon navire, je vous en apporte. comme une libation, dansl’espoir que, prenant pitié de moi, vous me renverrez dans mapatrie; vos fl1reur5*n’ontlelles donc point de mesure, insensé?

Qui désormais parmi les hommes voudra venir en ces lieux?Vous agissez contre toute justice. n l a " i

a C’est ainsi que je parlais; lui prend la coupe, et boit; il goûte

un vif plaisir en savourant ce doux breuvage, et m’en demande

une seconde fois :i t k p ’ia Pour moi bienveillant, verse encore, et maintenant dis-moi

tout de suite quelest ton nom, afin que je te donne un présentd’hospitalité qui te réjouisse. La terre féconde produit aux* Cir-

c19pes la vigne et ses belles grappes que fait croître peureux lla pluie devJupiter; mais ce’breuvage est une émanation du nec- t

taret de l’ambroise. » g .«a Il dit; aussimt je lui verse de cette liqueur étincelante; trois

-fois j’en donne au’Cyclope, et trois fois il en boit sans mesure. jCependant aussitôt que le vin s’est emparé de ses esprits, je lui

dis ces douces paroles: I«’ Cyclope, vous me demandez mon nom : je vais vous le dire;mais vous, donner-moi le présent d’hospitalite , comme vousl’avez promis. Mon nom est Personne; c’est Personne que

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CHANT 1X. 115[n’appellent mon père, manière, et tous mes compagnons. )Ia Telles furent mes paroles; mais’lui me répond avec la même

férocité z ’ . r , ’ I’ -a Personne, je te mangerai le. dernier, aprèstes compagnons;

les autrespériront auparavant; tel sera pour toi le présent(l’hospitalité. n

a .En parlant ainsi, le Cyclope tombe étendu sur le dos; sonénorme cou reste incline sur ses épaulass-et’le sommeil, quidompte tout ce qui respire , s’empare de lui; de sa bouche s’é-

chappent le vin et les lambeaux de chair humaine, il les re-jette dans sa pesante ivresse. Alors j’introduis le pieu sous unecendre abondante pour le rendre brûlant; et par mes discoursj’encourage mes compagnons, de peur qu’effrayés ils ne m’aban-

donnent. Sitôt que la branche d’olivier doit être assez échauffée.

et quoique verte, lorsqu’elle brille déjà d’une vive flamme, je

la retire du foyer, et mes compagnons restent autour de moi;sans doute un dieu m’inspire cette audace. Eux cependant, sai-sissant cette branche d’olivier acérée par la pointe, l’enfoncent

. dans l’œil du Cyclope; et moi, m’appuyant sin-dessus , p je la fai-

sais tourner. Ainsi lorsqu’un homme perœavec une tarière lapoutre d’un navire, auldessous de lui, d’autres ouVriers, tirantune courroie des deux côtes, précipitent le mouvement, et l’ins-

trument tourne sans s’arrêter : de même nous faisons tournerla branche embrasée dans l’oeil du Cyclope, et le sang ruisselleautour de ce-pieu. Une ardente vapeur dévore les sourcils et lespaupières, la prunelle est toute consumée;sesracines crient,déchirées par la flamme. Ainsi quand un-forgeron, trempant lefer, car c’est la que réside sa force, plonge dans l’onde glacée

une forte hache, ou bien une doloire; elle frémit a grand bruit;de même siffle son.œil percé parla branche d’olivier. Le Cyclopealors pousse d’affreux hurlements; tout le rocher en retentit;nous fuyons en-tremblant. Il arrache de son œil ce boisidcgout-tant de sang; ensuite de sa main il le rejette loin de lui. Ce-pendant il appelle a grands cris les autres Cyclopes, habitantdans des grottes sur les sommets exposés auvent. Eux enten-dant ces cris. accourent de toutes parts; et, se tenant a: l’entréede la grotte, ils lui. demandent, ce qui l’affliget. ’ n

a Pourquoi, Polyphémc, pousser ainsi de tristes clameurs du-

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a

ne ’ * troussas.rant la nuit et nous arracher ’au sommeil? Quelqu’un parmiles mortels t’aurait-il enlevé ,imalgré toi , tes troupeau? quel-qu’un t’aurait-ildolnpté par ruse ou par violence? n

«’ Polyphéme du fond de son antre répond en ces mots :

a Mes amis, Personne mh dompté par ruse et non par force. na Les Cyclopes lui répondent aussitôt :a Puisque nul homme ne t’outrage dans ta solitude, il n’est

pas possible d’écarter les maux que t’envoie le grand Jupiter;mais adresse tes vœux à ton,pére, le puissant Neptune. »

« A ces mots muables: CyclOpess’éloignent; moi cependant je

riais au fond de mon cœur en voyant comme ils étaient trompéspar ce nom et par ma prudence irréprochable. Alors le Cyclopeen soupirant, et souffrant de vives douleurs, tâtonne avec sesmains, et saisit la pierre qui fermait l’entrée; puis-s’asseyant.devant la porte, il étend ses mains , afin de prendre quiconquevoudrait sléçhapper en se confondant avec les troupeaux n’estainsi qu’il espérait en son âme que fêtais un insensé. Cependantje affligeais à trouver quel serait le meilleur moyen d’arrachercompagnons à la mort, et de léviter moi-même ; j’imaginaismille ruses, mille stratagèmes, car notre vie en dépendait; ungrand danger nous menaçait. Voici, dans ma pensée, le partiqui mesambla préférable. La se trouvaient de gras béliers , à le

paisse toison,igrands, beaux et couverts d’une laine noire; je leslie aveo’les osiers flexibles sur lesquels dormait le Cyclope, mons--tre terrible, habileven cruautés, et je réunis ensemble trois de cesbéliers; celui du milieu portait un homme, et . de chaque côté setenaient les deux autres, qui protégeaient la fuite de mes com-pagnons. Ainsi trois béliers sont destinés à porter un homme;pour moi, comme il restait lapins beau bélier de tous ces trou;peaux,je le saisis par le dos , et me glissant sous souvenue, jem’attache a sa laine; dames deux mains je tenais avec forcecette épaiæe toison, et d’un cœur inébranlable j’y restais Sus-

pendu. Clest ainsi qu’en soupirant nous attendîmes le retour

de la divine Auroreî . ’ w ’ Ia Dès que l’Aurox-e a brillé dans les cieux. les béliers sortent

pour se rendre aux pâturages, et les brebis, que le: Cyclopenlavait pu traire, bêlaient dans l’intérieur de la grotte , car leursmamelles étaient chargées de lait. Le roi de ont antre, tour-

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«un 1x. mm le par de vives douleurs, passe la main sur-le dos deshélas qui s’élevaient sui-dessus des autres; mais l’insensé ne *

soupçonnait pas que sous leur-ventre toulïu mes compagnonsétaient attachés. Enfin, le dernier-de tous, le plus beau bélierdu troupeau, franchit la porte a la fois chargé de son épaissetoison et de moi, qui conçus un dessein plein de prudence.Alors le terrible Polyphéme, le caressant de la main, lui parle en

ces mots : Ja Cher-bélier, pourquoi donc ainsi sors-tu le dernier dama

g grottehfinais auparavant tu ne restais en arrière des brebis;1.-:Î’Ëîflè.’ ’ psi tu paissais les tendres fleurs de la prairie, en mar-

I v u agrandis pas, et le premier tu parvenais aux courants dufleuve”, le premier, enfin, tu te hâtais de rentrer dans l’étable

quand venait le soir; aujourd’hui cependant te voila le dernierde tous. liegretterais-tu l’œil de ton maître? Un vil mortel, aidé

de ses odieux compagnons, m’a privé de. la vue, après avoirdompté mes sans par la force du vin, Personne, qui; je l’espère,n’évitera pas longtemps le trépas.xPuisque tu partages mespeines, que n’es-tu doué de la parole, pour me dire où cet hommese dérobe à ma fureur La l’instant, le crane brisé contre le sol.

sa cervelle serait répandue de toutes parts dans cette caverne;du moins alors mon cœur serait un peu soulagé de tous lesmaux que m’a causés ce misérable Personne. n n

. a En achevant’œs paroles, il pousse le bélier loin dam porte.Quand nous sommes »à.’quelque distanèe de la grotte et de la

cour, le, premier, je-me détache de dessous le bélier, et délie en-

suite mes compagnons. Aussitôt nous choisissons les plus grassesbrebis, atlas chassons devant nous jusqu’à ce que nous soyonsarrivés vers notre vaisseau. Tranquilles enfin, nous apparaissonsà nos amis, nous qui venions d’éviter la mort; mais ils regret-tent les autres en gémissant. Cependant je haleur permets pointde pleurer; alors, faisant signe de l’œil à chacun d’eux, j’ordonne

de conduire promptement ces. superbes troupeaux dans le navire,et de fendre l’onde amère. Ils s’embarquent aussitôt, et se plalcent sur les bancs; puis, assis en ordre , ils frappent de leursrames la mer blanchissante. Quand nous sommes éloignés ,detoute la portée de la voix . j’adresse au Cyclope ces mots outra-

seants : - i . » -

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ne L’onvssen.u 0 Cyclope, non, tu ne devais pas, au fond data-grotte

i obscure, abuser dates forces pour manger les compagnons d’unhomme sans défense; œscforfaits odieux devaient être châtiés,misérable, puisque tu n’as pas craint Ide dévorer des hôtes dans ,

ta demeure’;’voilà pourquoi Jupiter et tous les autres dieux t’ont

puni. n k ’ ( i , ’ ’a c’est ainsi que je parlais; le Cyclope alors, au fond de soncœur, sent redoubler sa rage. Il lanœ un roc énorme qu’il ar-rache de la, montagne; il le jette au’delà même du navire à la

proue azurée; peu s’en fallut qu’il n’effleurât les bords du gou-

vernail; la mer est bouleversée par la chute de ce rocher; lavague émue, refluant avec violence, "repousse mon vaisseau versla terre, et, soulevé par les ondes, il est près-de toucher lerivage. Alors, de mes deux mains saisissant unifort aviron, jem’éloigne du bord; puis, exhortant mes compagnons, je leurcommande, d’un signe de tète, de se courber sur les rames. pour Iéviter le malheur; eux alors en se-baiSSant rament avec effort;Quand nous fûmes en mer deux fois aussi loin, je voulus m’ai-i

r dresserkau Cyclope; mais, autour de moi mes Compagnons ta:

g

chant à l’envi de m’en détourner par des paroles persuasives,

a Malheureux! me disent-ils, pourquoi vouloir irriter encorecet homme cruel? C’est lui qui, lançant’cette masse dans la mer,

a repoussé notre vaisseau vers le rivage , ou nous avons pensémourir. sans doute , s’il entend de nouveau ta voix et tes me-nacras; il va tout à la ibis fracasser nos têtes eues planches dunavire sous le poids d’un énorme rocher; tant irpeut le lancer

avec force. n ’ y 3 ’ .a Ainsi parlent ma compagnons; mais ils ne persuadent point. mon cœur magnanime. Alors dans mon ardeur, je .m’écrie de,

nouveau : i -a Cyclope, si quelquïm parmi les mortels t’informgesur laperte funeste de ton œil, dis qu’il te fut ravi parle fils deLaerte, ’

Ulysse, le destructeur des cites, possédant une maison dans

lthaque. n p .. i t , ’a Je pariais ainsi; lui," gémissant, répondit alors en ces mots r« Grands dieux! le voilà. donc accomplioet oracle qui me fut

autrefois révélé. Jadis en cette ile étaitun devin, homme fortet puissant, .Télémus , fils d’Euryme, qui l’emportait sur tous

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. d z’ CHANT lX.l ” 119

dans la divination, et qui vieillit au milieu des Cyclopesen leurprédisant l’avenir; il m’annonç’a tout ce qui devait s’accomplir

plustard», et me dit que.je perdrais la vue par les mains (l’U-lysse. Aussi m’attendais-je toujours à voir arriver dans mademeure un héros grand , superbe , et revêtu de force; pourtantaujourd’hui c’est un homme petit, faible et misérable qui m’ar-rache l’œil, aprèsnm’avoir dompte par le yin. Reviens donc,

Ulysse, pour que’je t’offreles dons de l’hospitalité, pour que

je supplie Neptune de t’accorder un heureux retour; je suisson fils, il se glorifie d’être mon père; seul, si tel est son désir,

fil me guérira, sans le secours d’aucun autre, ni des dieux for-ni des hommes mortels. »,

"si; dit ,a et moi je lui répondis en ces mots :a Plot aux dieux que l’j’eusse pu, te privant de l’âme et de

la vie, t’envoyer dans le royaume se Pluton , comme il estsûr

que Neptune ne guérira pas ton œil! n .a Telle fut ma réponse; lui cependant implorait Neptune, en

élevant les mains vers les cieux étoilés. I

« Errance-moi, Neptunea la chevelure azurée, toi qui soutiensla terre-,,si vraiment je suis ton fils, et.si tu te glorifies d’êtremon père, accorde-moi que le fils de Laerte ne retourne pasdans sa demeure , Ulysse, le destructeur des cités, qui possèdeune maison dans Ithaque. Si pourtant son destin est de revoir sesamis, de retourner en son riche palais , aux terres de la patrie ,qu’il n’y parvienne que tard, après de grands maux ;rqu’ayantperdu tous ses compagnons, illarrive "surnm navire étranger, etqu’il trouve la ruine dans sa maison. » n

« C’est ainsi qu’il priait; Neptune l’exauça. Alors de nouveau"

le,Cyclope, saisissant une roche plus’grande que la première, lalance, en la faisant tourner dans les airs , pour lui donner toutesa" force. cette massé tombe derrière le navire à la proue’azurêe;

peu s’en faut qu’elle ne-frappe la pointerdu gouvernail. La’ nier

est soulevée par cette chute; les vagues poussent le navireenavant, il est près de toucher au rivage. Lorsque nous eûmesatteint l’lle où mes autres vaisseaux étaient restesçnous trou-

vâmes nos Compagnons assis tout auprès, et qui, gémissant,nous attendaient sans cesse; arrivés en ces lieux ,A nousytironsle navire sur le sable , et descendons sur le rivage dela mer.

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ne vonvssne -Alors on se hâte d’amener du vaisseau les troupeaux du Cyclope». .que nous nous partageons : nul ne s’éloigne de moi sans avoir Îune part égale aux autres. Mes valeureux compagnons , quand ’,les troupeaux Sont partages, me donnent à part un bélier réservé

pour moi seul. Je l’immole aussitôt sur la rive au’fils de Sa-turne, Jupiter aux sombres nuages, qui règne sur tous ’ lesdieux, et je brûlai les cuisses. Il m’accueillit point mon offrande,mais il délibéra comment seraient anéantis mm forts navires etmes compagnons chéris. Pendant tout le jour, jusqu’au coucherdu soleil, nous savourons les mets abondants et le vin délectable.Quand le soleil est couché , quand viennent les ténèbres, nous fnousendormons sur le rivage de la mer. Le 1endemain,.dès (me ibrille l’Aurore, la fille du matin, excitant mes. compagnonsi’eleur ordonne de s’embarquer et de délier les cordages. ils sehâtent de monter sur le navire, se placent sur les bancs , et tousassis en ordre ils frappent de leurs rames la nier blanchissante.

Ainsi nous voguons loin de ces bords, heureux d’échapper autrépas, mais le cœur attriste d’avoir perdu nos compagnonschéris.

l

CHANT X.

AVENTUuEscnnz ÉQLE , CHEZ LES LESTRIGONS IET,CHEZ CIRCÉ.

(( Nous arrivâmes ensuite à l’île d’Éolie; c’est la qu’bahite ,

dans une ile flottante, le. fils d’Hippotas , Éole, cher, aux dieuximmortels. De toutes parts cette ile est environnée d’une fortemuraille d’airain; une roche unie règne tout autour. Près de luisont douze enfants , qui reçurent le jour dans ses palais .: sixfilles et le même nombre deliils,’ à la fleur de l’âge. Éole voulut

que ses filles devinssent’les épouses de sesffils; eux , sans cesseautour de leur père chéri, de leur auguste mère ,’se livrent auxfætins’; devant eux ’sont déposésdes mets en abondance. Pen-

dant le. jour ces demeures exhalent les plus doux parfums, etdans la cour retentissent des sons harmonieux; pendant la nuit,

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courir. mprès de leurs chastes épouses, les fils d’Éole dorment sur des

lits superbes et sur dœ tapis. Bientôt nousentrons dans leurville , et parvenons jusqu’à ces riches palais a Éole durant toutun mois nous accueille avec bienveillance, m’interrogeant avecdétail sur la ville d’Ilion, les navires argiens et "le retour des

Grecs; moi ,.je lui raconte soigneusement toutes mes aventures.Mais quand je lui parle de mon voyage, quand je le supplie deme renvoyer dans ma patrie, celui-ci ne s’y refuse point, et pré-pare ledépart. Il me’donneune outre faite avec la peau d’unbœuf de’neuf ans, dans laquelle il avaitrenfermé le souffle desvents , retentissants; car le fils de Saturne l’arendumaltre desvents pour les apaiser ou les exciter comme il veut. Ce hérosattache cette outre dans notre navire avec une brillanta chalnod’argent ,’ afin qu’aucun des vents ne puisse souffler même un

peu. Seulement il abandonne en ma faveur, l’haleine du Zéphyrpour nousguider ainsi que nos vaisseaux; mais cette pensée nedevait point s’accomplir: l’imprudence dames compagnons causa

notre perte. - i . . .«Pendant neuf ’jOurs upas naviguons sans relâche , et ledixième enfin la jarre paternelle nous apparut ;. déjà nous décou-vrons les leur allumés sur le rivage , tant nous sommés rappro-chés. En ce moment le douxsommeil s’empare de mon corps fa-tigué; car j’avais constamment’dirige le gouvernail du navire ,

ne le confiant a nul autre, pour arriver plus promptement aux Iterres de la patrie. Cependant mes compagnons se mirent a dis-courir entre aux g’et s’imaginèrent que je rapportais dans mon

palais une grande quantité d’or et d’argent, présents d’Éole, fils

du magnanime Hippotas; alors chacun s’adressant à son voisin

lui parlait ainsi: ï ’ n a -a Grands dieux l combien jusqu’à ce jour Ulysse fut chéri , fut5 honoré par tous les hommes dont il visitaiœ contrées l il a raps

porté d’llion læ plus grandes richesses , lors du partage des dé-pouilles ; et nous qui toujours avons accompli les mêmes travaux,nous.rentrons les mains vides dans nos demeures. Maintenantvoila qu’Éole, rempli de bienveillance , lui donne ces présents;inais’hatons-nous, sachons ce que c’est : avoyons combien d’or et

combien d’argent renferme cette outre. a vu C’est ainsi qu’ils parlaient; ce funeste conseil triomphe de

I u

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m n’en Y’SSÉE* mes compagnons; ils délient Poutre, et tous les venis- s’en échap.

pent. Soudain la tempête furieuse rejette au milieu de la mermes compagnons désolés , loin des terres de la patrie; cependantlorsque je suis réveillé, "hésiteen mon cœur magnanime, inca.tain si me précipitant de mon vaisseau je mourrai dans les on-des, ou si-je doissouffrit en silence, attester encore parmi lesvivants. Je supportai mon malheur, j’attends; alors m’envo-

loppant je me couchai dans le navire. Cependant la flotte merepoussée par la violence du vent à l’île d’Éole ; m’es compagnons

gémissaient avec amertume; tv «Nous descendons’à terre, et nous puisons une onde pure;bientôt mes compagnons prennent le repas près-des vaisseaux.Quand nous avons apaisé la faim etla soif, je me rends, suivi

. d’un héraut et d’une compagnon, aux riches palais d’Eole; nous

’ le trouvons assis au festin avec-son épouse et ses enfants; Arrivésà cette demeure , nous nous asseyons sur le seuil de la porte. Lesconvives p frappés d’étonnement, nous adressent aussitôt ces

questions z» " I . . .(g D’où venez-vous donc; Ulysse! Quelle divinité funeste vouspoursuit? Nous avions avec soin préparé votre départ , afin que

vous puissiez retrouver votre patrie, votre maison, et tout ce qui

vous est cher. » , I. s -a C’est ainsi qu’ils parlèrent; moi cependant, le cœur consume

de regretspjeréponds en ces mots): V a« Hélas! mes compagnons imprudents et le perfide sommeil

4 m’ont perdu. Mais vous , amis; secourez-moi; vous en avez le

pouvoir. » . v v i 1 f . «a Ainsi je tâchais de les fléchir par de douces paroles; tous res-

tent muets : leur père seul, fait entendre ce discours :a Puis promptement de cette ne; 0.19 plus des mor-

tels. Il n’est pas juste de secourir et de favoriser le départ d’un

homme en horreur aux dieux Fins, puisque c’est pourêtre l’ennemi des immortels que tu reviens en ces lieux. a

« A" ces’mots, il me renvoie gémissant avec amertume hors de

ses demeures. Nous voguons d’abordloin de cetteileyl’âme ao-. cablée de douleur. La force des matelots est brisée sans le poidsdes rames , et par notre faute toutiretour disparaît à nos yeux.

v a Pendant six’jours entiers nous continuons notre route,- le

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CHANT-li; mseptième jour nous arrivons à la hauteville de Lamas, [stry-gonie aux larges portes, où le berger, revenant du pâturage, lappelleun autre berger, qui s’empresse desortirxalavoix de soncompagnon. En ces lieux un homme vigilant gagnerait undouble salaire s’il menait paître tout à tour les bœufs et lesbrebis ;.car les pâturages du jour etceux de la’nuit sont près dela ville. Nous arrivois à’l’emboudiure d’un-port superbe, qu’en-

toure des deux côtés une roche entai-poe, et ces rivages élevés enface l’un de l’autre s’avancent pour en fermer l’entrée; mais le

passage est étroit : c’est en ces lieux que mes compagnons con-duisent les larges navires. Ils les attachent dans ce port, tousrapprochés entre aux; car jamaiswles flots, ni grands ni petits,.ne sont soulevés dans cette enceinte, n règne toujours une pai-sible Moi, cependant, je’demeureseul en dehors, à Il’extrémité-du port , et j’attache mon navire au rocher avec des

(âmes ; je monte ensuite sur une hauteur, pour connaître le pays.-

Je n’aperçois aucune trace de labourage ni des travaux deshommes, mais seulement je’découvre des tourbillons de fuméequi s’élèvent du sein-de la terre. Alors, ayant résolu d’envoyer

mes compagnons pour s’informer quels étaient les hommes quise nourrisaient de blé dans cette contrée , j’en choisis deux des

plus vaillants , et le troisième était un héraut qui les acoquina-suait. l1s-suivirent une route facile, destinée aux chars qui con-duisaient à-la ville le bois des montagnœ élevées. Près de laville ils rencontrent la fille du m8011 Antipbate, viergem-buste , qui s’en allait puiser del’eau: Celle-ci se donc àla limpide fontaine Artacie; car c’était la qu’on

. .l’eaupour la- ville ; et mes compagnons, s’adressant à «somalienne

fille , lui demandèrent quel était le roi de ces «outrées, sur quels

peuples il régnait ; elle aussitôt leur montre les superbes demeu-res de son père. lis-se rendentau palais, et trouvant-la reine ,qui leur apparalt comme une haute montagne , ils en sont saisisd’horreur. Al’instant elle appelle et fait venir de la place pu-hh’que le terrible .Antiphate, son époux, Qui réservait à mes

compagnons une mortadelle. D’abord il.en saisit un, et leréserve pour son repas ;.-les deux autres s’enfuient enfouie hâte

vers la’flotte. Cependant Antiphatecpousse un cri dans la ville;ausa’tôt les vigoureux’lestrygons s’élancent de toutes parts , en

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m L’ODYSSÉBgrand nombre, non semblables à des hommes, mais à des géants.Ceux-ci du haut des rochers jettent d’énormes pierres; alors dusein de la flotte s’élève un laineux tumulte et d’hommes, expirants

et de navires brisés; ils percent mes compagnons comme desfaibles poissons, et les emportontpour" leurs barbares festins.Tandis qu’ils remplissent de amuse l’intérieur du port, jetire-monglaive,’ et coupe les câbles de mon navire un proueazurée. Soudain excitant les matelots, je leurordonne deles rames pour éviter le malheur. Tous alors rament et secour-bent avec efiort, en redoutant letrépas. Mon seul navire trouveson salut au milieu des mers:lom de ces roches élevées; mais

tous les autres navires périrent dans le port.é Nous recommençons a voguer, le cœur consumé de chagrin,

quoique ayant évité le trépas, d’avoir perdu nos compagnonschéris. Bientôt nous arrivonssà l’île d’Éa; c’est la qu’habite la

blonde Circé, déesse illustre, a la voix mélodieuse, et sœur duprudent Eétès : I’tousrdeux naquirent du’ Soleil , qui donne

la lumière aux hommes , et de Persée; la fille de l’Océan.Portés sur notre vaisseau, nous arrivons en silence vers ceri- »rage, dans un-port commode aux navires : sans doute pn’dieunous conduisait. Nous descendons a terre, et restons,ences lieuxpendant deux jours et deux nuits, le corps accablé de fatiguesetll’ame navrée de douleur. Lersque la brillante Aurore eut ra-.mené le troisième jour, je ’m’arlné d’unjavelot et,d’uli glaive V

aigu ;’ je m’éloigne de mon navire, et monte sur une hauteur,pour savoir si’je découvrirais les ouvrages des hommes, ou sij’entendrais leur-voix. Je m’arrête quand je suis au sommet dela montagne , et j’aperçois la fumée qui dans le palaisdes’élevait de la terre, à travers les arbres touffus de la forêt. Jedélibère au fond de mon âme d’aller a la découverte, afin devoir d’où partcette épaissefllmée; mais leparti quine semblepréférable , c’est de retourner au rivage pour donner le repas à

mes compagnons, et les envoyer ensuitoa la découverte. J’é-’ taisprès d’arriver à mon navire, quand un dieu prend pitié

de moi dans Cette solitude, et me fait rencontrer sur le routo’ uncerf d’une immense grosseur; il sortait’des pâturages de la forêt,et se, dirigeait vers le fleuve pour se désaltérer; il était accablé

par la chaleur du soleil; à peine il s’élance, que je lefrappe dans

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CHANT. x. , nele des , et le. javelot d’airain le traverse tout entier; il tombe surla poussine en gemmant, et sa vie l’abandonne. Aussitôt; cou:rant a un ,. je retire de la blessure l’armed’airain ..que je laisse

étendue sur la terre. Cependant je coupe des osiers flexibles, et, lles ayant tressés, j’en jais une corde longue de trois coudées ,

. pour attacher les pieds de ce cerf énorme. alors , passant matéteentreses jambes, je le porte jusqu’au rivage, en m’appuyantsur mon javelot, parce que je n’aurais pu le perm sur uneépaule ni d’une seule main; cet animal était d’une grandeurimmense. Je le jetai devant le navire; puis réveillant mes com;pagnons, je leur-adresse ces d0uces paroles : v l.

a Non; mes amis , malgré nôs chagrins , nous ne descendronspoint dans les demeures de Pluton avant qu’arrive le jour dudestin. Venez donc; et puisqu’il nous reste encore dans le. na-vire des alimentsetvdu breuvage; songeons a prendre quelquenourriture, ne nousilaissons- point accabler par la faim.- »

u Aussitot tous se hâtent d’obéir à mes ordres; ils se décou-

vrent le visage, et regardent avec étonnement le cerfsur laplage de la mer’inféconde, carcet animal était d’une grandeur

immense. Aprés avoir pris plaisir à le "contempler, ils lavent.leursmains , et préparent le repas. Durant tout le jeunet jusqu’aucoucher du soleil, nous savourons les chairs delicates’et le vindélectable. Quand cet astre a terminé cours , et qu’arriventles ténèbres du soir, nous nous endormons sur le rivage de lamer. Dès que l’Aurore aux doigts de rose brille dans les cieux,je tous mes compagnons; et leur tiens cé discours : .

a Écoutez mes paroles , quoique vous soyezaccablés de tris-

tesse , amis; nous ne savons point ou se trouve le couchant nil’aurore , ni"l’endroit ou le soleil, flambeau des-humains, passesans la terre, ni, les lieux où cet astre se lève; toutefois, voyonspromptement s’il est encore quelque parti salutaire. Moi,- je croisqu’il n’en existe pas; fai découvert, en montant sur cettemon-

tagne escarpée-une ile qu’environnent de toutes parts les. flots dela mer. .Cette ile enliasse,- et vers le milieu jiai vu des tourbillonsde fumèes’élever à travers les arbres touffus de,"la forêt.L n

fi A ces mots, leur âme est frappée de crainte; car ils rap-pellent à leur souvenir et. les funestes cxploits’du LestrygohAniiphabe et les cruautés du terrible Çyclopc l’anthropophage

n. ’

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ne . L’ODYSSÉE.Ils pleurent avec amertume, laissent couler un torrent de. lar-mes; mais les larmes ne sont point une ressource aux infortunés.

« Cependant je les divise en deux troupes, et je donne unchat à chacune d’elles; je commande les uns, le divin Euryloqucles autres; puis aussitôt j’agite les sorts dans un casque d’ai-

rain. Le premier qui parait est celui du magnanime Euryloque:il s’éloigne, et vingt-deux de mes compagnons le suivent en pleuarant; ilslnous laissent sur le rivage, livrés à de tristes gémisse-

- ments. Ils découvrent bientôt, au sein d’un vallon, les solidesdemeures de Circé, bâties en pierres polies sur un tertre élevé.

Tout autour de cette habitation étaient des leups sauvages, etdes lions que la déesse avait charmés, après leur avoir donné desbreuvages’funestes’. Ces animaux ne se précipitèrent point sur

nos coinpa’gnons, mais ils se dressèrent, en agitant leurs queuesd’un air caressant. Ainsi des chiens fidèles flattent leurquand il sort de table, carcelui-ci toujours apperte quelquesrestes pour apaiser leur tain); de némales lions et les loups auxongles vigoureux flattent mes’commgnons. Cependant ceux-cisont effrayés à la vue de ces monstres terribles; ils-s’arrêtent

sous les portiques de la déesse à .la belle chevelure; eux cepen-dant écoutaient Circé, qui dans l’intérieur çhantaitÎd’unje voix

mélodieuse en tissant une toile immense et divine : tels sentiesouvrages superbes, délicats et gracieux des Alors Pontesleur ’adresse ces paroles, Politèsychef des héros, celui de tous mescompagnons que j’honorais le plus et qui m’était le plus cher a

« O mes amis, celle qui dans l’intérieur tisse une longue toilel

déesse ou mortelle, chante délicieusement :tout le palais en’retentait; mais hâlons-nous d’élever la voix. » l

« Il dit; mes compagnons l’appellent à haute voix. Elle accourtjaus’sitôt, franchit les portes brillantes, et les invite; eux tous en-

semble la suivent imprudemment, mais Euryloque resta, soupéçonnant quelque embûche. Circé les introduit, et les fait asseoir,

sur des trônes et.sur des sièges; elle leur prépare du fromage.de tantine d’erge et du miel nouveau dans le vin de.Pganïne;puis elle méieldes charmes funestes, pour qu’ils perdefitientière.

ment le souvenir de la.patrie. ."Après qu’elle leur- a tienne” cebreuvage, ct qu’ils ont bu, soudain;.lès frappant de sa baguette,

i elle les enferme dans l’étable des pourceaux. Ils en ont laitétc,

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CHANT x. 127la voix, les poils, tout le corps, et pourtant leur esprit conservesa force comme, auparavant. Ainsi gémissants, ils sont renfermésdans une étable; Circé leur jette des glands; des faines et lmdu surnommer pour’ toute nourriture, seuls mets queles porcs qui couchent sur la terre. ’ i I i

a Aussitôt Euryloq’ue accourt vers le navirex nous annoncerle funeste destin de nos compagndns. Malgré son désir, iljne. petproférer une parole,- tant son-âme est troublée par une grande. *

’ douleur, Ses yeux sont noyésde larmes, et son âme plongée dansla tristesse. Mais enfin, après que tous nous l’eûmes pressé dequestions, il nous raconte ainsi le malheur de n05 autres com-

pagnons : . , « j - Ia Nous traversions la forêt, dit-il, comme tu l’avais ordonné,

nobleÙlysse; bientôt nous découvrons-au, sein d’un vallon .de

belles demeures bâties en pierres polies sur unvtertre élevé. (Testla qu’en tissant une longue «toile. chantait, d’une voix mélo-

dieuse, soit une déessehsoit une-femme. Me’seompagnonsl’ap-

pellent à haute voix; elle accourt aussitôt, franchit les portesbrillantes, et les invite. Eux tells ensemble la suivent- impru-demment; moi ,* cependant, je restai, soupçonnant quelque em-

bûche, Alors tous sont devenus invisibles, aucun d’eux n’a re-paru; pourtantje suis resté longtemps ales attendre. l) ’ j à

« A ces mots, je suspends à mes épaules un long glaive d*ai-min enrichi de clous dlargent, et je saisis mon arc ; puis je presseEuryloque me conduire par le même. chemin. Alors il se jettea mes geno f , qu’il embrasse, et laisse, ,à-travers des sanglots,

échapper ces paroles : . l ïa Ne m’entraîne point Amaigré’moi danses palais, noble en-

fant de Jupiter, mais laisse-moi sur ce rivage,,car. je sais quetu nlen reviendras jamais, ni ménieaucun autre des compa-gnonsque tu veux y conduire; fuyons donc promptement avecaux, puisquïl nous est encore permis dléchapper au jour fu-

neste. n . I 1 l ’ . , Ia Euryloquè, lui dis-je aussitôt, tu peux rester en ces lieux, .boire et manger dans l’intérieur du "navire; quant à moi,1je -

pars, une. dure né’œssite m’y contraint. n ’ ’ . , -a En achevant des mots, je mléloigne du navire et de la mer.

J’étais prés, en traversant ces vallons sacrés, d’arriver au vaste

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ne L’ODYSSÉE.palais de l’enchanteresse Circé, lorsque Mercure au sceptre dîor,comma j’approchais de la maison, se présente a moisons les

traits dlun jeunehomme a la fleur de Page, brillant de grâce et vde fraîcheur; alors ce dieu me prend la’main, et me tient clé-dis-

cours : . , i f’ V , iu Ah, malheureux! pourquoi t’engager seul dans cesIroutesfinagereuses, sans connaître (se séjour? Tous tes compagnons;

retenus auprès delCiraâ; sont, comme de vils troupeaux, rein- .fermés au fond d’une étable obSèure. Viens-tu pour les. délia

vrer? Mais je ne pense pas .que’tu puisses retourner, et tu res-teras où; sont les autres. Toutefois, écoute, je tlafùanchirai de ces

maux, je te sauverai; tiens, et muni de cette plantesalutaire, vadans le palais de Circé : Ce charme écartera de toi le jour funeste.

Jet’apprendrai tous les pernicieux desseins de Circé. cette déesse

veut te préparer un breuvage, et jeter dans œ mélange des char-mes funestes; mais elle ne pourra te charmer, car la plante sa-lutaire que je te donnerai ne-le’ lui permettra pas. levais t’ins-truire de tout. Lorsque Circé t’aura-touchéde sa baguette, toi ,saisissant soudain le glaive que tu. portesà tancôtè, ,fondsvsur

elle, comme impatient de la frapper; alors, foute tremblante,elle voudra s’unir a ’toi. Tu nil-refuseras point départager. lacouche d’une déesse, afin’qu’elle délivrons amis,etqu’elle te

soit favorable; mais fais-lui jurer par le grand serment des dieuxqu”elle n’ourdira contre toi-même aucun antre mauvais dessein,de pour que t’ayant désarmé, cette enchanteresse pnete rende

faible-et sans courage. a A; i Î. A l« Comme il finissait de parler,IMercure me donne cetteplante. ,

qu’il arrache du. sein de la terre, etm’en fait connaître la nature.Elle était noire par sa ra’cinejmais’ safleur était blanche comme

le lait; les dieux la nomment moly: Sans- doute il est difficile auxhommes de l’arracher, mais toutiestlpossible aux immortels. .

a Mercure alors abandonnepcette île ombragée de forets, etremonte dans le vaste Olympe; moi, je me rends aux demeures *

t de Circé; mon cœur durant ce trajet roule mille pensées. ’ Jem’arrête sous les portiques de la déesse à la belle chevelure; là,

debout, je l’appelle, et la déesse entend ma voix. Elleaccourtaussitôt, franchit les portes brillantes, et m’invite; je-la suis, lecoeur accablé de tristesse. Elle nîintroduit,’ etme fait asseoir Sur

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CHANT X. 129un trône magnifique , orné de clous d’argent; puis elle place uneescabelle sousmes pieds. Alors elle prépare le breuvage dans uneCoupe d’or, afin que je boive; elle y mêleses charmes funestes,en méditant au tond de son âme d’affreux amuseras medonna la coupe ; je bus, mais elle ne me charma point. Alors, mefrappant de sa baguette, elle me dit ces mots : a -

g a Va dans l’étable des pourceaux lariguir avectas autres com-

pagnons. a - " v I la Aussitôt, tirant le glaive aigu que je portée moncôté,’ je

fonds sur la déesse, comme impatient de lavfrapper. SoudainCircé ,.poussantuncri, s’élance, prend mes genoux, et gémis-

sante elle m’adresse aussitôt cesparolæ : t -« Qui donc êtes-vous? Quels peuples venez-vous de quitter?

Quels sont et votre patrie et vos parentsi. L’étonnement mesaisit de ce que’voùs avez bu ces philtres’sans en être charmé.

Nul autrehommejusqu’a ce jour n’a supporté ces charmes , p soit

qu’il les ait bus ou même approchés de ses lèvres. Vousiportez envotre sein un cœur indomptable.’Seriez-vous cet ingénieux UlyssequeMercure m’a de tout temps prédit devoir, sur son léger na-

vire, aborder en cette ile à son retour d’llion? Mais venez, re-mettez le glaive dans le fourreau; partageons la même couche ,et tous les deux réunis par le sommeil et l’amour, ronflons-nous

l’un àflfautre. a * ’ Ï ’ ù ’a Quand elle eut,cessé de parler, je lui réponds lanices mots :a 0 Circé, comment pouvez-vousfm’ordonner de calmer ma

colère? Vous avez, changé mes compagnons en I’pourceaux’beti

maintenant que vous me retenez, perfide, m’engageriez-vous àme rendre dans votre demeure, à partager votre couche, afin

- de me rendre faible et sans courage, après m’avoir désarmé?

Non, je ne veux point partager votre couche, si vous ne jurez ,ôidéesse, par un serinent irrévocable, que vous ne méditerezpoint contre moi quelque mauvais dessein, » . l ,

a: A ces mots, elle jure commis je l’avais demandé. Quand elle

a juré, que le serment est accompli, je consens à partager lacouchemagnitique’ de Circé. i I . . *

. si Cependant quatre nymphes étaient dans ce palais , et la, ser-vaient avec zèle, Elles étaient filles des fontaines, des forêts, etdes fleuves sacrés qui seprécipitent dans la mer. L’une d’elles

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130 L’ODYSSÉE.étend sur des siéges’ de riches tapis demi-1111m, et les recouvre

encore d’un tissu-de lin; une. autre devant les sièges dressedes tables d’argent, sur lesquelles elle place des corbeilles d’or; la

remplitùne urne d’argent d’un vin aussi dqux due le’ miel,fet Histrihue les coupessd’or; la quatrième , l’eau ,puis elle allume p l l d feu sous le large trépied; l” ’éohauf-fait; Lorsque cette u a frémi dans l’airain Sonore , la nympheme place dans la baignoire , puise l’eau chaude dans le trépied,qu’elle mélange agréablement avec la froide, et la répand sur ma

tète etsur mes épaules pour délasser mon corps de la fatigue quil’amblait. Après m’avoir lavé , m’avoir parfume d’essences, elle

me revêt d’une tunique et d’un manteau, me présente un siège,

enrichi de clousld’argent, et pose une escabelle sous mes pieds: ,Cependant une servante apporte une aiguière d’or, verse l’eau

" dans un bassin d’argent pour laver mes mains; puis devant moiplaçant une table polie, l’intendante du palais y. dépose le pain et

les mets nombreux qu’elle tient sous sa garde. La alorsm’invite à manger; mais je n’y trouvais aucun laisir :je’restais v

assis, occupé d’autres soins, et men esprits pr voyait des.

beurs. . - - ’u Circé, me voyant immobile , et refusant de. porter les mainsverslæ mets qu’on m’avait servis , parce que j’étais saisi d’une

douleur profonde ,s’approche aussitôt, et merdit des paroles : .

à Ulysse, pourquoi donc nuisirester en silence, et, vous ron-geant le. cœur, refuser ces aliments et ce breuvage? Soupçonnez:vous quelque embûche nouvelle? Cependant, il se; vous faut plus

craindre, puisque je vous ai juré le serment terrible. » .’ a 0. Circé, lui répondis-jealors , quel homme, s’il .a quelque

sentiment équitable, supporterait de goûter les aliments et lebreuvage avant queses compagnons soientxdèlivréset qu’il lesvoie doses yeux? Si donc; bienveillante, vous m’ordonnez deboire et de. manger, délivrez-les , et que je voie de mes. yeux mœ

compagnons bien n. . » A g. e .a A ces mots , Circé sort-du» palais , en tenantsa baguette à la

main ;. elle ouvre les portes’de l’étable, et "fait sortir mes compa-

gnons, qui paraissent semblables à desnporcs ages de neuf ans.Ils s’arrêtent devant moi; la déesse alors s’approche d’eux , et lesoint tour à tour d’un autre philtre. Alors de leurs menâmes tom-

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CHANT x. laibent ces poils produits par le funeste charme que leur donnacette divinité puissante ; ils redeviennent des hommes plus jeunes

qu’auparavant, et me paraissent plus beaux et plus grands queje ne les vis jamais. Bientôt ils me reconnurent, et chacun d’euxse jeta dans mes bras. Tous laissent échapper un cri de joie, et lepalaisen retentit a grand bruit; la déesse elle-même est touchée

de compassion. Mais, s’approchant de moi, cette divinité me parle

. en cesmote :a Noble fils de Laorte, ingénieux Ulysse, retournez maintenant

vers le rivage dela mer; retirez d’abord votre vaisseau sur lesable, cachai dans les grottes vos richesses et tous vos agrès;puis revenez, et conduisez en ces lieux vos compagnons chéris. ))

a Elle dit, et mon cœur généreux se laisse persuader de serendre vers le rivage de la mer. Près de mon navire je trouvaimes amis , qui soupiraient en versant des larmes abondantes.lorsque (tamises, parquées au d’un champ, voient re-venir dans l’enceinte les troupeaux de vaches rassasiées d’her-

bages , toutes ensemble se précipitent à leur rencontre, aucunebarrière ne peut lœ retenir, et nombreuses elles se promeut en selant autour de leurs Ainsi mes compagnons lorsqu’ilsm’aperçurent fondirent en larmes; dans leur âme il leur semble

I être arrivés déjà dans leur patrie ,l’apre lthaque, ou jadis ils re-

çurent le jour et passèrent leur enfance.,Alors, a travers les sau- -’glots , ils laissent échapper ces paroles: ’ i Ï .

u Oui,,ton retour, nobleUlysse, nous cause autant de joie quesi nous abordions dans lthaque aux mais paternelles. Mais dis-

, nous le sort funeste qu’ont éprouvé nos autres compagnons. »

I C’est ainsi qu’ils’parlaient, et moi je leur répondis par ces

dtmcès paroles : . p V ’ l ’u lirons d’abord le navire sur le sable du rivage, cachons dans

les grottes’nos richesses et tous nos agrès; puis hâtezwous etsuivez-moi tous, afin d’aller revoir nos compagnons, qui mangent

et boivent dam les demeures sacrées de Circé, car ils jouissent

d’uneheureuseabondance.» ’w . t »c C’est que je perlais; aux à l’instant obéirent à mes or.

dres ; le seul Euryloque veut les retenir, et leur fient ce discours :a Ah l malheureux , ou couronnions M quels nouveaux mal;

hem aspirez-vous en pénétrant dans’les demeures de Circé?

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m L’ODYSSÉE.Cette déesse vous changera tous en porcs, en loups, en lions, etnous serons contraintside garder son vaste palais. AinsiïleCyclope vous accabla de maux lorsquenos com ons péné-trèrent dans son antre pour accompagner l’au lysse;c’est par son imprudence qu’ils ont )) ’ : 1’ . e

« C’estainsi qu’il parlait, et ’ ’Ïlalançais w j . . u

si, saisissant mon glaive, je nm, ls pas rouler a": J il laplage, bien qu’il fût mon proche parent; mais tous l compa-gnons m’arrétent à l’envi par ces doum! -"

«illustre enfant de Jupiter, I ’ i’ situle per-mets; qu’il reste en ces lieux, et qu’il garde , toi œpen-dant conduis-nous dans les demeures »la

n Tous , en achevant ces mots, s’éloignent du navire et de laEuryloque lui-même ne resta point, mais il poursuivit;car il fut effrayé de mes menaces terribles. l r

« Pendant ce "temps , Circé dans son palaislavait mes Compa-gnons, et les parfumait d’essences ; puis elle les revétldemanteaux et de tuniques, Nous les trouvâmes qui prenaient lerepas dans le palais. Après s’être reconnus" les uns les autres,ils se racontèrent toutes leurs aventures en versant des larmes ,et le palais était rempli de gémissements. Alors la déesse se placeà mes cotés,etfaitentendrecesmotsl:’ ’œ-

a Fils de Laerte, ingénieux ’Ulysse, mettez un terme a votredeuil inconsolable; je sais tous la maux que vous avez’sup-portés sur la mer poissonneuse , et tout ce que sur la terre vousont. fait souffrir de cruels crincrins. Mais venez , mangez ces ali-ments, buvez ce vin jusqu’à ce que dans votre amevous ayezrecouvré le courage qui ”vous animait lorsque, pour la pre-mière fois , vous abandonnâtes l’âpre Ithaque, votre patrie. Main:

tenant vous étés abattu , vous êtes sans force en songeant à vospénibles voyages; et votre âme ne se livre pas à la joie, parce

que vous avez beaucoup souffert. » . . .a Ainsi parlait la déesse, et notre cœur généreux se. laiæa

persuader. Nous restons en ces lieux durant uneamlée entière ,savourant avec délicœ’l’abond’ance des mets et le vin délicieux.

Mais quand l’année est achevée, que les saisons sont révolues,

et que les moisen se succédant ont terminé ces longues journées,m’es compagnons, me tirant à l’écart :. I a. A . v

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CHANT X, 133a Ulysse, me disent-ils, ressouviens-toi de la patrie, puisque

les destins ont résolu dey sauver et de te’ra’mener dans ton, su-

perbe palais, aux champs paternels. »a Ils parlèrent ainsi; mon cœur généreux se laissa persuader.

Pendant tout ce jour encore, jusqu’au coucher du soleil, nous vsavourons avec délices l’abondance des mets et le vin délicieux;

quand le soleil est couche, que les ténèbres descendent sur laterre, mes compagnons s’endorment au sein du palais om-

bragé. v« Moi cependant, je monte dans les riches appartements deCircé; je la supplie à genoux, et la déesse consent à m’écouter.

Alors’je lui fais entendre ces paroles rapides : v« 0cm, daignez accomplir la promesse que vous m’avez

faite de me renvoyer dans mes foyers ;c’est lamon seul désir, aet celui de mes compagnons, qui sans-cesse affligent moncœur en se lamentant autour de moi lorsque vous êtes absente. n

« Noble fils de Laerte, sage Ulysse, me répond la déesse,vous n’êtes point forcé de rester malgré vous dans mon palais;

maisiil vous faut tenter une route nouvelle, il vous faut des-cendre dans les demeures de Pluton et de la terrible- Proser-pinel, pour consulter l’âme du Thébain Tirésias, ce devinaveugle dont l’intelligence est, dans toute sa force; à lui seul ,quoiqu’il soit mort, Proserpine donne un esprit pour tout con-

naitre; les autres ne sont que des ombres errantes. n . *« A cette affreuse nouvelle, mon âme est brisée de douleur;

étendu sur ma. couche, je pleurais, je ne voulais plus vivreni revoir’ la lumière du soleil. Mais enfin, après m’être agitelongtemps. et m’être rassasié de larmes, je répondis a la déesse

encesmots: l. u .(a O Circé, quim’enseignera cette route? Nul jusqu’à ce jour

ritarriva sur un navireydans les demeures de Pluton. u ’ i« Noble fils de. Laerte, reprend la nymphe divine, ne vous

mettez pas en peine deitrouver un guide pourÏ’votre vaisseau; .dressez le mât, déployez les blanches voiles, et reste;assis;lesouffle de Borée le dirigera pour vous. Lorsque sur votre vais:seau Vous aurez traversé l’Ocean, vous trouverez un, port étroit ,

et le bois de Resarpine, ou croissent les hauts peupliers et lessaules stériles ; vous tirerez votre navire sur ce rivage,- que’baigne

- l ce

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134 I L’ODYSSÉE.’ le profiondOcéan, et vous pénétrerez dans les vastes royaumes

de Pluton.,En ceslieux, dans l’Achéron coule le l’yriphlégéton

et le CQcyte, qui s’échappe des eaux du Styx ; un rocher s’élève

à l’endroit qui réunit’ces fleuves retentissants. Alors, noble héros,

quand vous aurez atteint ces bords, comme je vousl’indique, vouscreuserez un fossé d’une coudée dans tous les sens; autour de cefossé vous ferez des libations à tous les morts, la première avecle lait-et le miel, la seconde avec le vin réjouissant, la troisième,enfin, avec de l’eau, puis vous répandrez au-dessus la blanchefleur de farine. Vous implorerez les ombres légères des morts,en leur promettant, quand vous serez dans lthaque, de leur im-moler une génisse stérile, la plus belle que vous posséderez envotre maison , et de remplir un bûcher d’offrandes précieuses;vous sacrifierez en outre au seul Tirésias un bélier entièrementnoir, qui l’emportera sur tous ceux de vos troupeaux. Aprèsavoir adressé vos prières a la troupe nombreuse des morts, im-molez en ces lieux mêmes un agneau male avec une brebis noire,en les tournant du côté de l’Erèbe, mais vous-même détournez

vos regards, et considérez les courants du. fleuve; c’est là queles âmes des morts arriveront en foule. Alors commandez à voscompagnons d’ouvrir et de brûler les victimes immolées par le

fer cruel, en implorant tous les dieux, le redoutable Pluton, etla terrible Proserpine; cependant, vous alors, tirant le glaiveaiguyque vous portez à votre côté, restez debout et ne permettezpas que les ombres légères des morts s’approchent du sang avantque Tirésias vous ait instruit. Dès que ce devin sera venu, chefdes peuples, il vous dira votre route, la longueur du voyage, etcomment vous accomplirez votre retour, à travers la mer pois-

sonneuse. » . l , . j« A peine la déesse a-t-elle achevé déparler, que paraîtil’Au-

rare sur son trône d’or. Circéme donne de riches vêtements, une

tunique, un manteau; cette nymphe prend a son tour une robeblanche, parure élégante, du tissu le plus, délicat, entoure sesreins d’une belle ceinture d’un et place un voiletsur sa tête.Cependant je parcourais en grande hâte tout le palais, excitantmes compagnons, et, m’adressant à chacun d’eux, je les engage

par ces doums paroles : . . -a "n’est plus temps, eusse livrant au repos, de savourerle

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l . CHANT X. . 135doux sommeil; partons, ç’est l’auguste Circé qui me le con-

seille elleméme, -» e v . -, -a Aussitôt ils s’empressent d’obéir à mes ordres.”Cependant je t

ne ramenai point tous mes compagnons. Elphénor, le. plus jeuned’entre eux, guerrier qui n’était point ivaillant a la’guerre, et

douéde peu de prudence, s’était éloigné de assainis dans les de-meures sacrées de la déesse, et désirant reSpirer la fraîcheur, il

-s’endormit,Àla tête appesantie par le vin; des qu’ilentend le bruit

et le tumulte de ses compagnons, il seréveîlle en sursaut, et dansle trouble de Son esprit, au lieu de retourner pour I prendrelechemin de l’escalier, il se précipite (jutoit; par cette chute lesvertèbres du cou sont rompues, et son âme s’envole dans lesdemeures de Pluton. Quand les autres sont réunis, je leur tiens

ce discours z . j - ’ -a Vous pensez peut-être maintenant rentrer au sein de vos

foyers dans les champs paternels; mais Circé nous indique uneautre route, car nous devons nous rendre dans les royaumesde Pluton et de la terrible Proserpine pour consulter l’âme du

Tbéhain Tirésias. u. " . .. si Aces mots, leur aine est brisée de douleur, ils s’asseyantà terre-en gémissant, et s’arrachent les cheveux; mais tout celan’étaitd’aucun secours a ces infortunés. r *

’a Nous retournons allers près de notre vaisseau, sur. les bordsde la mer, tristes et Versant des larmes, tandis que Circé, qui

nous accompagne jusque auprès du navire, rattache un agneaumale avec. une brebis noire, et puisse dérobe aisément à nos re-gards. Qui pourrait des yeux suivre un dieu malgré lui, quel-

que part’qu’il se dirige? p I ’ -

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ne I V L’ODYSSÉB.

CHANT x15 ï i4

ÎL’EVOCATlON DES MORTS. p

« Lorsque nous sommes arrivés sur le rivageidela mer, nous’ tirons, d’abord le, navire au milieu des flots, nous dressons le

mat, déployons lés voiles sur ce. noir vaisseau; nous y plaçonsles victimes , nous y montons nousmémes, accablés, de tristesseet versant, d’abondantes larmes. Bientôt derrière’le navire sa la

proueazurée, s’élève un vent prOpice qui gonfle nos voiles, com-pagnon favorable eue nous envole Circé ,Vdéesse auguste à lavoix mélodieuse. Ayant ainsi tous les agrès. dans l’inté-

rieur, nous nous asseyons surle vaisseau,lquehdirigeut les ventset le pilote. Durant tout le jour, les voiles déployées, neus fran-chissonsla mer; mais enfin le soleil se couche, et couvre tous les

sentiers. i I I a i ,a Le navire parvint alors’aux bornes du; profond Océan.C’estlà que se trouvent et lalville et le peuple des Cimmériens,

envelbppés de ténèbres et de nuages; jamais le soleil éclatantne les éclaire de fses rayons, ni quand il monte dans la voûteétoilée, ni lorsque du haut des cieux il se précipite vers la terre;mais sans cesse une nuit funeste ’coüvre ces mortels infortunés.

Arrivés en ces lieux, nous tirons le navire sur laipllage , nousdébarquons les victimes, et nous parcourons les .bords de l’O-céan, jusqu’à ce que" nous arriver-1st: l’endroit que nous avait

enseigné la déesse. V ’« Aussitôt Euryloque et Périmede s’emparent des animaux

consacrés; moi,, saisissant l’épée étincelante suspendue à mon

côté, je creuse un fossé d’uneacoudée dans tous les sens ; autourde ce fossé je fais des libations à tous les morts :v la premièreavec le laitet le mie1,,la.seconde avec le vin réjouissantjet latroisième avec de l’eau; je répands au-dessus la blanche fleur de

farine. J’implore ensuite les ombres légères. des morts, en leur

promettant, finaud je serai dans lthaque , de leur immoler une

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CHANT 187génisse stérile, la plus belle que je posséderai dans ma maison,et. de remplir’iun bûcher demandes précieuses; je promets dusacrifier en outre auseul Tirésias un bélier entièrement noir, quil’emportera sur wusceux de mes troupeaux. Après avoir-adressemes prièreset mes vœux à la foule des morts, je prends lesvictimes , les égorge dansgïosse, où coule unsang noir. Sou-dain les âmes des mânes sÆhappent de l’Érèbe; je vois rassem-

blés autour de moi des épouses, des jeunes gens, des vieillardsaccablés dernières, de tendres vierges déplorant leur mort pré-maturée ; plusieurs paraissent blessés par de longues lances , et

portent leur armure ensanglantée; de tous parts , sur les bordsdu fossé, ces mânes voltigent. en foule en poussant de lamenta-

bles cris; à cette vue, la palé crainte sfempare de moi. J’ordonnealors à mes compagnons de brûler, après les avoir dépouillées,les victimes étendues qu’a frappées l’acier cruel, et d’implorer

les dieux, le fort Pluton et la tenableIProserpine; moi-même,reSSaisissant alors l’épée aiguë suspendue à mon côté, je mlas-

sieds, et nepermets pas queles ombres légères des morts, ap-prochent du sang qui vient de couler, ava-ut que Tirésias çm’ait

instruit. - , . , ,«La première âme qui. vint fut celle de mon compagnon El-pénor; il n’était point encore enseveli sous la terre profônde;dansvles demeures de Circé nous aviens laissé son cadavre, privé

dejnos larmes et des derniers honneurs: d’autres soins pressèrentnotre-départ.’ En le voyant je répandis des pleurs, et, le cœurému de pitié, je lui dis ces parolesrapides z . V

«Cher Elpénor, comment es-tu venuidans ces sombres ténè-bres? Tu m’as devancé, quoique étant a pied, et émoi sur un léger

navire. . Ï I ’ ’ w 1 l« Elpénor me répondit en gémissant :. l i . . Ia Noble fils de Laerter ingénieux Ulysse, un destin cruel et

l’excès du vin ont causé ma perte; couché dans le palais deCircé, je ne m’aperçus pas que je devais retourner en arrièrepour reprendre. le large escalier, etla tête la. première je me pré-cipitai ’du toit; les nerfs du cou furent brisés, et mon âme des-

cendit chez.Pluton. Maintenant, je t’implore à genoux, par ,tcsamis absents, par, ton épouse, par le père’ qui nourrit ton ouf

fanon, et par Télémaque enfin, que tutlaissas fils unique dans tul2.

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133 L’o’DYssÉn.maison,’ car je sais que loin-de la demeure. de Pluton tu dois

reconduire ton fort vaisseau dans l’île d’Éa , de retourner en ces

lieux; je te demande, o prince; de te souvenir de moi : quand tut’éloigneras,’ne me laisse pas sans m’avoir accordé des larmes et

. la sépulture, de peur que je n’attire sur toi l’indignation desdieux. Après-avoir consumé mon cadavre avec les armes qui me hsont restées, élève une tombe en mon honneur sur les bords dela mer, pour xapprendre aux siècles à venir le sort d’un malheu:reux; accomplis pour moi toutes ces choses, et plante sur montombeau la rame dont je meservais quand j’étais plein de irien

au milieu de mes compagnons. r . . -- « Ainsi;parlait Elpénoryet je me hâtai de lui répondre :

«’Oui , sans doute , infortuné , je ferai ce que tu , j’ac-

complirai tes vœux. » -- v - , -a Tandis que nous nous adressions ces paroles douloureuses,tous les deux nous-étions assis;. moi d’un tous, tenant mon,glaive sur le sang, et de l’autre-limage de mon compagnon me

racontait ses malheurs. - " I I la Ce fut alors qu’arrive l’âme de ma mère, morte pendant

mon absence, la fille du magnanime Autolycus, Antidée, queje laissai vivante quand je partispour la ville sacrée d’llion.En la voyant, je répandis des pleurs, et mon cœur fut émude pitié; mais je ne permis pas,- malgré mes peines, qu’elle

approchât du sang avant que m’eût’instruit, Enfinarriva l’âme du Thébain Tirésias; portant un "sceptre d’or; il

me, reconnut, et me dit : . I ’ ’ l ’« Illustre nous Laerte, ingénieux Ulysse; pourquoi, mal-

heureux , abandonnant la lumière du soleil, venir ici pour visiterles morts et leur affreux séjour? Mais éloigne-toi de ce-fosse,retire ton glaive, afin que je boive le sang des victimes, et queje te dise latérite.» j ’ . ’ ’

«,A ces mots, je m’éloigne, et.remets mon glaive dansle ’fourreau. QUand il a bu le sang noir, le devin irréprochable

fait entendre ces paroles: A. ’ ’ -. a ’Tu désires un heureux retour, noble Ulysse, mais un dieu tu

le rendra difficile; je ne pense pas-que tu puisses échapper a.Neptune; qui te garde en son (que un profond ressentiment,furieux de ce que tu privas de la vue son fils Chéri.Îl’eurtant

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anNr x1. 139vous arriverez, après avoir souffert bien des maux , si tu veuxréprimer tes désirs et celu- de tes. compagnons, lorsque, échap-

pant aux fureurs de la mer, tu dirigeras ton fort navire dansl’île deî’l’hrinacie; la vousvtrouverez , paissant de gras pâturages,

. les bœufs et les fortes brebis du Soleil, qui voit tout, entendtoutes choses. Si tu que ces troupeaux ne reçoivent aucundommage , tu peux songer au retour, et tous, après avoir souf-fert bien "desmaux , vous parviendrez dans Ithaque; mais si cestroupeaux sont attaqués, je te prédis layette de tonnavire etde tes compagnons; toi seul te sauveras, mais payant perdu lusles tiens, tu n’arrivons qu’avec peine et tardivement sur fininavire étranger. Tu trouveras la ruine dans ta maisons, deshommes, audacieux qui dévorent ton héritage, et désirent s’unir

’ a ta noble épouse , en lui donnant les présents des noces: mais à

. ton rebut tu puniras leur insolence. Toutefois, après avoir danston palais immolé lesaudaoieux prétendants , soit par ruse , soitouvertement avec ton glaive aigu, tu voyageras encore en pre:nant une large rame , jusqu’à ce que tu trouvœm u les quine connaissent point la mer, et quine mangent]! 4 alimentassaisonné par le sel; qui ne connaissent pas nonplus les naviresaux poupes colorées, d’un rouge éclatant, ni les larges rames,ailes Ides’vaisseauque vais te donner un signe certain, et cette

- contrée n’échappera pas a ta vue z c’est lorsqu’un voyageur,s’offrant a toi , te demandera pourquoi tu portes un van sur tesépaules; alors enfonce. ta rame dans la terre, sacrifie d’illustres

victimes à Neptune, un bélier, un sanglier mâle, avec un tau-reau , puis retourne dans ta patrie pour otTrir des hécatombes sa-crées aux immortels habitants de l’Olympe, à tous et dans l’ordre o

de leur. puissance, Longtemps après, uneL mort douce, s’élan-çant des flots de la mer, te ravira " le jour (lu-sein d’une paisiblevieillesse; autour de toiles peuples seront. heureuxJe t’ai dit

I la vérité. 5) Q ’ I Ia Tirésias, lui répondis-je arum-ouatera la sans’dbute 1adestinée que. m’ont filée les dieux eux-mêmes. Cependant dis-moi, parle avecsincérite :j’aperçois llombre de ma mère,’inorte

pendant’que j’étais absent ; elle est assise en silence près du sang,

et, quoique!) présenée de son fils , elle ne saurait ni le. voirIll lui parler. ’Dis’,"ô roi, comment elle pourra me.reconnaîtrc- il

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un L’ÔDYSSEE.«à Tirésias aussitôt repartit en ces mots :, h ’ ’l I« Je’peui te faire une réponse facile, et la déposerai dans

tenseur; celui des morts auquel tu permettras d’approcher dusang te dira la vérité; celui que tu refuseras retournant en ar- l

rière s’éloignera de toi. n i .« Ayant ainsi parlé , l’âme du roi Tirésias s’envole dans la de-

meure de Pluton , après m’avoir instruit des Moi œpen-dant, je reste inébranlable jusqu’au moment où ma mère arriveet boive le sang. noir; à l’instant elle me reconnaît, et gémissante

elle,.m’adresse ces paroles rapides : ’ v. a ’a 0 mon fils, pourquoi pénétrer dans ces obscuresténèbres ,

quoique vivant encore 711 est difficile aux vivants de découvrir .ces contrées. Il a fallu franchir de grands f1euvæ,’des courantsimpétueux, mais surtout l’Océan, qu’on ne peut traverser à’pied

et si l’on n’a pas un fort navire. Arrivez-vous maintenant d’llion

en ces lieux, après avoir erré longtemps avec votre navire et voscompagnons? N’êtes-vous point encore allé dans Ithaque? N’a-vez-vous point encore dans votre palais revu votre fidèle épouse? »

«Ma mère, lui répondis-je aussitôt, une impérieuse nécesité

m’a conduit dans les demeures de Pluton pour consulter l’âme du

Thébain Tirésias. Non , je ne me suis peint encore approché de,l’Achaïe , et n’ai point encore abordé dans ma patrie; mais,-en

proie a de grands malheurs, j’erre sans’cesse, depuis le jour ouj’ai suivi le divin Agamemnon dans Ilion, fertile en coursiers, afinde combattreles Troyens. Mais, dites-moi, parlez-avec sincérité :

quelle destinée vous a soumise a la, mort terrible? Est-ce. unelongue maladie? Ou bien Diane, qui seplalt allancer des traits ,vous a-t-elle percée de ses douces flèches? Parlez-moi de monpère, et du fils que j’ai laissé; dites-moi si mon bien leur appar»tient encore , ou siquelque héros s’en est emparé , pensant queje ne reviendrais jamais: Dites-moi quels sont les sentiments et

" les pensées. de ma noble épouse ; si, restée près de mon fils , elle

conserve soigneusement tous’mes biens ; ou si le plus illustre des

Grecsl’a.prise en mariage. » ’ - . ,-«Telles furent mes questions, et mon auguste mère. me ré-

ponditencesmots: - t. . y’ .a Pénélope, le cœur brisé de douleur, est. restée avec cons-

tance dans votre: palais ; de pénibles nuits et de longs jours la

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CHANT Xi. Mlconsument dans les larmes. Aucun-étranger ne possedc votre belhéritage ;Vtranquille, Télémaque cultive encore v0s domaines , ilassiste aux superbes festins qu’il appartient au roi de préparer;

tous s’empressent de l’inviter. Votre père demeure aux champs,etne vient jamais à la ville ;- il’hla point de lit somptueux ornéde manteaux et de tapis magnifiques; durant l’hiver il dort dansla maison où sont ses serviteurs , étendu sur la cendre auprès dufoyer, et le corps enveloppé de grossiers vêtements; pendantl’été, pendant la riche saison de l’automne», des feuilles amonce-

léæ à terre dans l’endroitlle plus fertile dans vigne forment sa

couche; c’estilà qu’il repose accabléde chagrins, et qu’une dol- aleur profonde s’aœrolt dans son âme, en’pleurant votre Sort; sur "lui pèse la pénible vieillæser C’est ainsi que j’ai péri moi-même ,

et que mon destin s’est accompli; Diane, qui se plaît à lancerdes traits , ne m’a point frappée de ses douces flèches; il ne m’est

point survenu de ces longues maladies qui, dans de cruels tour-ments , ravissent la force a nos membres; mais le regret, l’in-

. quiétude que vous m’inspiriez ; noble Ulysse ,1 et le, souvenir devotre bonté, m’ont seuls privéerde la douce vie. n

(ci-Elle. dit, et moi , l’esprit troublé, je veux l’aine de ma

mère ; trois fois je m’élance, et mon coeur désire-la saisir, troisfois elle s’échappe de mes mains comme une ombre ou comme un

songe. Épreuvant alors dans mon âme une plus vive douleur, je

fais entendre ces paroles rapides : .« Manière, pourquoi ne pas m’attendre quand je désire vous

saisir, afin que dans les demeures de Pluton, vous entourant’demes bras, nous puissions tous les deux nous rassasier de noslarmes Y La célèbre Proserpine ne m’aurait-elleoffert qu’une

vaine image, pour que dans-ma douleur je gémisse enCore davan-

D l ’ . . l l I - ’ p I ,u C’est ainsi que je parlais, et mon auguste, mère me répond.

aussitôt: .I t ’ -a 0 mon enfant, vous le plus infortuné des hommes , Proser-pine, la fille de Jupiter, ne vous a point trompé ; mais telle est ladestinée des humains, lorsqu’ils sont morts; ici les nerfs n’envelop-

. pont plus les chairs ni les os, mais sont détruits par la force puis-sante du feu dévorant, désque la vie abandonne les os délicats;alors l’âme "légère s’envole comme un songe. Mais retournez

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m L’onvssan,promptement a la lumière, et retenez toutes-ces choses, pourdans la suite les raconter a votre épouse. n ’ 1’ v .

«Tels étaient nos mutuels entretiens; ensuite vinrent des,femmes (Proserpine les excitait Ï, toutes celles qui furent lesépouses et leszfilles de héros illustres; elles se rassemblaient enfoule pour boire le sang noir. Moi cependant je réfléchissaiscomment j’interrogerais chacune d’elles. voici le parti qui dansmon esprit me sembla le meilleur z tirant l’épée suspendue à mon

côté, je ne permis pas qu’elles vinssent toutes ensemble boirele sang noir. Elles s’approchèrent donc tour atour, etÎchacuneme raconta son origine; moi, je les interrogeai toutes.

«La première qui s’offrit à ma vue fut la fille d’un père il-

lustre, Tyro, qui disait être issue de l’irréprochable Salmonée ;elle disait aussi qu’elle avait été l’épouse de Créthée, filsd’Éole. Tyro fut éprise d’un fleuve, le divin Énipée,.le plus

beau de tous lestleuves qui coulent sur la terre; souvent ellebaignait dans lés ondes limpides de l’Énipée. Mais Neptune , em- .

pruntant la forme. de ce dieu; se coucha vers l’embouchure dufleuve rapide; alors leflot azuré l’enveloppeVÆ s’arrqndit comme

une montagne; il cache à la fois le dieu des mers et cette faiblemortelle. Neptune alors délie la ceinture virginale, et répand le

sommeil. Quand il eut accompli ses amoureux travaux , il prend

la main de la jeune fille , et lui parle ainsi z .« Femme, sois heureuse de mon amour. Avant l’année révo-

lue tu donneras le jour à deux superbes enfants: jamais’lacouche des immortels ne reste inféconde ;tu lespnourriras et leséleveras avec soin. Maintenant retourne dans ta demeure, gardele silence, ne me nomme point; sache pourtantrque je suis pour

toi le puissant Neptune. n --« ll dit, et se replonge dans le sein des ondes. Tyromit aumonde Pélias et Nélée, qui tous les deux furent les puissants mi-

nistres du grand Jupiter; Pélias, riche en troupeaux, demeuradans le vaste pays d’lolchos; Nélée , dans la; sablonneuse Pylos.Tyro, la reine des femmes , donna d’autres fils a Créthée: bison,

Phérés , et le cavalier Amithaong * i V ’a Après Tyro, je découvris la fille d’Asopns , Antiope, qui sa

glorifiait d’avoir dormi dans les bras Ide Jupiter; elle enfantadeux fils, Amphion et Zétus, qui les premiers’jetèrent les fondée »

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CHANT XI: ’ Milments. de Thèbes aux.sept.p0rtes, et l’enVironnèrent de tours;car ils n’auraient jamais habite la vaste Thèbes sans remparts ,quoique tous deux pleins de force.

«l Je vis ensuite. l’épouse amphitryon; -Alcmène, qui, s’étant,

d’amour à Jupiter, enfanta le valeureux Hercule au cœurde lion; près d’elle était Mègare, issue du magnanime Créon :elle épousa le fils d’Amphitryon, qui fut toujours d’une vigueur

indomptable. ’K Je découvris aussi la mère d’OEdipe, la belle Épicasœ, qui

par ignorance, commit un exécrable forfait, et s’unit à son fils;ce héros, ayant tué son père, épousa sa mère; les dieux révélâ-

rent ce crime aux hommes. Œdipe , souffrant de grands’mauxdans la Sacrilége ville de Thèbes, régna sur les Cadmeens par lacruelle volonté desdieux. Épicaste descendit dans les fortes de-meures dèPluton; elle suspendit une longue corde à la poutreélevée, et périt dans les tourments, laissant après elle au malheu-

reux Œdipe toutes les souffrances qu’exereèrent sur lui les Fu-

ries de sa mère. « V .w ’a Je vis ensuite la belle Chloris’, que porreau beauté jadis

épousa me, qui combla de dons magnifiques cette vierge, laplus jeune des filles d’Amphion, issu d’Iasus, et qui régna puis-samment dans .Orchomène, ville de Minias. Chloris régnait àPylos avec le roi Nélée; et lui donna trois fils. illustres. Nestor,Chromian, et le lier Périciymèiie’. Dans la suite elle enfanta l’il-

lustre Péro,’l’admiration des hommes; et’ que tous les princes

voisins désiraient épouser; mais Nélée ne consentit à raccorderqu’àrœlui qui ravirait des champs de Phylacé les génisses au

large front que retenaitpinjustement le terrible Iphiclus. Un de-vin» irréprochable promit seul d’enlever ces troupeaux; la pè-nible "destinée d’un dieu, de pesants liens et-des pâtres sau-vages le remirent captif; Lorsque les mois et les jours -furentaccomplis , quand l’année fut révolue; et qu’advinrent les heures ,

alors le redoutable lpbiclus délivra le devin , qui lui révéla tousles oracles; ainsi-s’accomplit la volonté de Jupiter;

a Je vis aussi. Léda , réponse de Tyndare, quine adhères eutdeux fils magnanimes, Castor, habile à dompter les coursiers, et’Pollux, plein de force au pugilat. que laterre féconde retint tousdeux vivants; ces héros, même au fond de la terre, sont ho-

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11,4 L’ODYSSÉÈ.norés par’JupitL-r : chaque jour ils vivent et meurent tour atour;

ne obtiennent un honneur égal à celui des dieux. i .u Après Léda, j’aperçus lphimédie, l’épouse d’Aloée, qui,, di-

sait-elle, s’était unie d’amour a Neptune; elle eut deux-fils, qui

ne vécurent pas longtemps z Otus, beau comme un im’ , ,et l’illustre Éphialte; la Terre fertile les nourrit très-grau. . ettrès-beaux, après toutefois l’illustre Orion. Dès Page de neuf ansils avaient neuf coudées de grosseur, et leur taille était de troisfois neuf coudées. Ces héros adressèrent des menaces aux im-mortels, et tentèrent d’exciter dans les cieux les horreurs d’uneguerre impie; ils s’efforcérent de placer le mont Ossa sur V0-lympe, et sur l’Ossa le Pélion chargé de forets, afin d’escalade:-

le ciel. Ils auraient accompli ce projet, s’ils eussent atteint liagede l’adolescence; mais le fils de Jupiter, celui qu’enfaxita; lablonde Latone, les immola tous les deux avant que sous leurstempes fleurit un tendre duvet et que leurs joues fussent cou-

vertes d’une barbe épaisse. f« J’aperçus ensuite Phèdre, Procris, et la fille du sage Minos

la belle Ariane, que Thésée enleva de Crète pour l’emmener-dans la ville sacrée d’Athènes; mais il n’en jouit pas: aupa-ravant Diane la tua’dans l’île de Dia, sur la déposition de

Bacchus. A . i »il Enfin, je vis Maira, Clymène, et l’odieuse Ériphyle, guisa-crifia son’épouxÏ pour de l’or éclatant; Mais je ne pourrais ni

redire ni nommer toutes les épouses et; toutes les filles de hérosqui sÎofl’rirent à ma vue; avant a fin de mon récit , la nuit di-

vine serait dissipée ; imiantenant-voici l’heure de dormir. , soit ici ,*4 Soit dans le navire, avec les compagnons ’qui doivent m’accom-

pagner; costaux dieux puis a vous que je confiemon départ. nAinsi parle Ulysse, et tous gardent un profond silence; ils,

étaient charmes dans les palais ombragés. Alors Àrété.’s’adresg.

sant aux convives, ouvre l’entretien, et leur dit :v u Phéacieas, que vous parait être cet étranger, que vous pa-

raissent et sa figure, et sa taille, et ses sages pensées? Sansdoute a est mon" hôte; mais chacun doit le comblerd’honnem- 2

ne vous hâtez donc point dole renvoyer, et ne refusez pas vosdans a l’infortuné, puisque dans vos demeures vous possédez

de grandes richesses, par la libéralité des dieux. n

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cannai. tuAussitôt le sage vieillard Échénus, le plus âgé des Phèaciens,

leur tientœ discours :w - I ’ l - ’*« O mes amis, sans doute jœ que vient de dire la reine pru-.

demie ne s’éloigne ni de vos intentions ni de votre pensée;méfiez donc à sa voix. Cependant c’est d’Alcinoüs lui-même

que doit venir et l’exemple et le conseil. » vAlcinoûs répondit aussitôt : a Oui, sans doute, cette parole .

s’accomplir-a, tant que pendant ma vie je régnerai sur les na-vigateurs pbéaciens. Que l’étranger, quoique désireux du re-tour, attende néanmoins jusqu’au lever de l’aurore et que jin-cheàve de rassembler les présents. Le. soin du départ appartient.

à tous, mais surtout à moi,puisque je règne en cette contrée. D j

Lesage Ulysse répondit en ces mots : I .«’PuissantI-Alcinoüs, illustre tous cespeuples, si vous

m’engagiez à ræter ici durantfune année entière, vous qui prè-parei mon départ et me comblez. de dons magnifiques, j’y con-

sentirais volontiers, etce qui me serait le plus avantageux, ceserait de retourner dansïmai douce patrie avec les mains plus.remplies de vos bienfaits ;par la je serais plus honoré, plus chéri

marlous ceux qui me verront revenir dans lthaquo. na Noble Ulysse, reprend Alcinoüs, en vous voyant, nousine

supposons :point que vous soyez un imposteur, un fourbe,comme ces nombreux vagabonds que porté la terre, toujourspromptsià débifer des fables sur un pays que personne n’a vu;maisâ vous est le-charme des paroles, et vous concevez de sagespensées; comme un chanteur, vous avez habilement- raconie lestristes infortunes de tous les Grecs, etles vôtres’propres. Cepen-

dant dites-nousji vous n’avez point vu quelques-uns de ces. nobles compagnons’qui vous suivirent au siège de Troie, et qui- la subirent la mort. La inuit est encore bien longue; ce n’est

pointàl’heureoe dormir dans le palais : dites-.moiAOncvos glo-

rieux travaux. Jlattendrais même le.retour. de l’aurore, si vous tconsentiez dans Cette demeure à. nous raconter vos malheurs. n

Le.sage,Ulysse répondit en ces mots :’ Ç. a Puissant moirions, illustre parmi tous ces peuples, il est un

temps pour les longs entretiens, il en est .un’aussi pour le mmen; mais si vous dèsirei m’entendrejje ne m’y refuse point, et

je vous apprendrai (les malheurs plus déplorablnsvenrpre : le I

fouisses. . - a i

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ne [rouvres-En,trépas de mes compagnons qui sont mortsles derniers, et de ceuxqui, sauvés de la guerre. lamentable des Troyens, périrent auretour par les artifices d’une femme o’dièuse. ’ -’ . .

a Dès que la chaste Proserpine eut. disperse de toutes partsles ombres des femmes illustres, arriva l’âme Œsolée d’Agan’mm-

non, fils d’Atrée; autour d’elle étaient rassemblées toutes celles- des guerriers qui succombèrent avec lui dans le palais d’Égisthe.

Atride me reconnaît sitôt qu’il a bu- le sang noir; alors il pleu-

rait amèrement, et,- versant d’abondantes larmes, il me tendait jles-mains , désirant de m’embrasser; mais ’il était sans; force, et

n’avait plus Cette vigueur qui jadis-résidait dans ses membresagiles. Moi-même en le voyant je pleurai;’mon cœur fut touche

-. de compassion, et je me hâtai, de lui dire ces’paroles :a Gloriehx fils d’Atrée, Agamemnon, roides hommes, quelle

destinée ra soumis à la mort terrible a? Neptune t’a-t-il fait périr.

avec tes navires, en excitant le souffle impétueux des tempêtes ?du bien sur la terre des ennemis t’ont-ils frappé quand tu rava-geais leurs bœufs et leurs riches troupeaux de brebis, quandtu combattais leur ville etjravissais leurs épouses? » V l

a Telles furent mes questions; l’ombre d’Agamemnon me

répondit aussitôt : I » ’ ’« Noble fils de Laerte, ingénieux Ulysse, Neptune ne m’a point

fait’pé’rir en excitant le souffle impétueux destempètes, etsur laterre des ennemis ne m’ont peint frappé ; mais Égistlie, qui nié-

’ ditait me perte, m’a donne le trépas, aide de mon infâme épouse,

V on m’invitant’dans son palais, et m’offraiit un festin, il m’a tuét comme un bœuf dansl’établ’e. Ainsi j’ai péri’d’une mort déplo-

rable ;* autour de inOi mes compagnons fuœntïègorges commedes porcs aux dents éclatantes, immolés soit pour les noces d’un

homme opulent, soit pour un repas où chacun apporte son tri-iiut,’soit pour une fête splendide. Tu ,vis tomber jadis un. grand

nombre de héros; morts en combat, singulier, oudans lec tu-multe’des batailles; mais o’estùsurtout en voyant res forfaits que

- tonamc par gémi plus prèfondèment,.lorsqu’au milieu des coi! peset des tables chargées de mets, nous étionsétendus dans le pa-lais, et que le sol était baigne de notre sang. J’éntendis la voix

plaintive de la mon Priam, Cassandre, que la perfide Clytem-mestre immolaità côtés; de mes deux mains me soulevantde

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CHANT. x1 M7terre, près d’expirer, je saisis mon glaive; mais l’odieuse Clytcm-

nestre s’échappe aussitôt, et, quoique je descendisse dans leroyaume de Pluton, elle ne voulut ni fermer mes yeux de samain’ni comprimer mes lèvres. Non, il n’est rien de plus hor-rible, rien de plus méchant qu’une femme qui conçoit dans sa,

pensée de tels forfaits. Ainsi Clytemnestre a commis un crimeexécrable en préparant la mort de l’époux qui l’aima dans sa

jeunesse. Hélas! sans défiance, je pensais rentrer dans mamaison au milieu de mes enfants et de mes serviteurs; mais voilàque cette épouse , instruite aux plus affreux desseins, fait re-jaillir sa propre honte sur toutes les femmes, et même sur la

plus vertueuse. u l . a« Il dit, et moi je répondis aussitôt:« Grands dieu’x! sans doute Jupitera voué des le principe. une

haine violente aux descendants d’Atrée, à cause des perfidiesde leurs épouses. Déjà plusieurs nous avons péri pour le crimed’HélèneDet contre foi , Clytemnestre , pendant ton absentât), t’a

dressé des embûches. » va A peine j’achevais ces paroles, qu’Agamemnon reprend en

ces mots : . i«c’est pourquoi tu ne dois pas être toi-même trop confiantenvers ton épouse; ne lui révèle point tous les secretsque seultu connais : il est des choses qu’il faut dire, d’autres qu’il faut

faire. Mais, Ulysse, tu ne recevras point la mort des mains detondrions; lanfille" d’lcare, la”vertueuse Pénélope, estuairesd’une rare prudence, et dans son cœur elle connaît les sages

conseils. Nous la laissâmes encore jeune épouse quand nouspartîmespour’la guerre"; son enfant était àsa mamelle, faible

I alors, mais maintenant, heureux mortel , sans doute il s’assiedau rang des hommes ;bientôt son père, de retour, ’va le revoir, etlui recevra son, pèrecomme il est convenable.’Mon,épquse n’a

mes-yeux de contempler ainsi mon fils; elle m’afait périr auparavant. Ulysse, je dois te le dire, grave-le dansme. âme; c’est envsecret; et non ouvertement,’qu’il te fautdiriger ton navire aux ,lterres de la patrie; puis ne te confiepointaux femmes; Cependant parle avec. :,.dis-moi simon fils est eut-ora vivant, ou dans Orchomène , Ou dans la sa’-.blonneuse Pylos, oulprès de Ménélas dans la vaste Làcédémoue;

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l

m L’oursst’rz. . .rat sans doute sur la terre le divin Omsk: .n’estpoiut mort. il

’« Atride, ’luirépondis-je, pourquoi me deman’der’ces Choses?

Je ne puis savoir si ton fils 0reste est vivant ou mort; il est malde proférer des paroles vaines; l) " l * , A

«(Ainsi tous deux, en nous livrant a ces douloureux enhe-tiens, nous restons accablés de tristesse et répandons d’abon-

dantes larmes. Va Ensuite arrive l’âme d’Achille, fils de Pelée, celle de Pa-

trocle, celle de l’irréprochablenntiloque, et celle d’Ajax, quiÏ par sa taille et’sa figure l’emportait sur tous les autres Grecs

après l’inéprochahle fils de Pelée. L’âme du rapide me

reconnaît, et, poussant un profond soupir, ce hérosjm’adresæ

ces paroles rapides : .« Divin fils de [natta-ingénieux Ulysse, quel dm plusgrandencore as-tu conçu dans tonïcœur? Gamment las-tu sou-tenu la pensée de pénétrer dans les demeures de Pluton ,, qu’ha-

lutent les ombres , images des hommes quine sont plus? p Ia Il dit, et moi je lui répondis en ces mots -.menine, fils de Pelée , le plus illustre des Grecs , je suis venu

consulter l’oracle de Tirésias , pour qu’il me donnât ses conseils

et me dit comment je reviendrais-dans Ithaque..Je’ ne me suisencore approché de l’Achaïé, et n’ai point encore abordé

dans mil-patrie, mais j’ai, toujours souffert de grands maux:pour toi , noble Achille , nul homme ne fut plus heureux , il n’ensera jamais. Durant ta vie les Argiens t’hoporèrent commel’un des immortels, et maintenant en ces lieu; tuæègnœ sur les

. ombres; non, quoique mort, ne t’afflige pŒnt, Achillé. a .

s Je parlais ainsi; mais lui me répondit en ces mais: 4V «c Nome console’pas de ma mort,.illustre Ulysse; j’aimerais

mieux, .simple cultivateur, servir un homme obscur, qui deposséderait qu’un faible bien, que de régner sur toutes ces Iombres. Cependant, ami, parle-moi de mon généreux 618,, il?prends-moi s’il fut, ou non, le premier dans les batailles; 45’

moi si tu sais quelque chose du-vénérable Pèlée;s’il règne 9"-

core sur les nombreux ’Thessaliens, ou bien s’ils le. méprisentdans Hélas et dans Phthie, parce quesla vieillesse amatit sespieds et ses mains. Je. ne suis plus son défenseurs la dans à,"soleil, tel qucvj’étais lorsque jadis dans la vaste liionj’immolals

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CHANT x1; I 149tout un peuple de guerriers en défendant les Argieris. Si j’étais

encore ainsi, bientôt je serais dans le palais de mon père: la jefer is sanŒ ma force et mes mains invincibles ilions ceux quiPou gent, ou lui refusent ses honneurs. n A

a Je n’ai rien appris , lui répondis-je aussitôt , louchant; le vé-

’4nérable Pelée; mais sur Néoptolème, ton fils, je le dirai la vé-

rité,lcomme tu le demandes : ce fut moi-même gai,.dans unlarge navire, le cônduisis deScyrosiau milieu des valeureuxAchéens. Lorsque , sous les murs de Troie , nous assemblions le .musai], toujours il parlait le premier, et jamais n’errait dans sesdiscours. Il n’est, plieuse , que le sage Nestor et moi qui l’em-portiôns sur lui. Quand nous cOmbattions dansila plaine des ’Troyens , jamais il ne restaifparmi les soldats, ni confondu dans jla foulai; mais, toujours le premier, à nul il ne le cédait en cou-rage ;l seul il renversait de nombreux guerriers au sein de lamêlée sanglante. Je ne pourrais les redire tous ni les nom-mer, tant il immola de héros en défendant lesArgiens. Sache du

’ moins qu’il immola de son fiaive le fils de Thélèphe , l’invinùble

Eurypyle; autour de lui périrent les Cétéens, ses nombreuxcompagnons, venus pour épouser des femmes tmyennes, Euryvpyleeteit le plus beau da guerriers après le divin Memnon.Lorsque les chefs des Argiens’ entrèrent dans le cheval quhvaitconstruit Épéus, ce fut à moi que l’entreprise fut confiée, soit

pour ouvrir ou fermer œtte secrète embuscade; en ce moment lesprinces atlas généraux des enfants de Denaüs essuyaient leurs

larmes, et tous leurs membres tremblaient; mais je ne vis.point pâlir lebea’u 4visage deNéOptolême, et sur ses joues il’ n’essuya pas de pleurs; au» contraire, lui surtout me maniait

de sortir des flancs de œ cheval. et, saisissant. tour. a tour lapoignée du glaive, ou sa lance étincelante, il brûlait. de perlier la

mort aux’Troyens. Enfin, quand nous ravageâmes la superbeville de Priam, après. avoir pris sa pari; du butin, il remontadans sen navire sans aucun mal ;’il ne fut, point frappe. par le ja-velot d’airain, ni perce de près par la lanœ,.’comme sont les

nembreuses blessures qui surviennent dans les combats, car ausein de lamèlée Mars fait; éclatera furie. » , l l

u Telle fut ma réponse; alors l’âme du magnanime Achille se.loigne, et, marchant à grands pas à travers la prairieAs’phodèle,

o l5.

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ne n’ODYssEE.elle se, réjouit de ce que je lui disais, que son fils était palières

vaillant. L - ’ d . . ’L I«’ D’autræ ombres des morts, accablées de tristesœ, s’arrêtant

devant moi, chacune d’elless’iuformait de ses parents. Laguneâme d’Ajax, fils Télamon, se tenait a l’écart, encoré furieuse

Ide ma victoire, 1331306?er je l’emportai sur lui quand, près desv navires, je üsputai les armes d’Achille; court sa vénérable mère

qui les apportai; les enfants des Troyens et la sage Minerve endécidèrent. Plut aux dieux que je. n’eusse point vaincu dans cette

lutte! c’est à cause de ces armes que maintenant la terre con-tient cette auguste tête, cet Ajax,4qui par sa figure et ses ex-ploits l’emporte sur tous les enfants de Dana’üs,’aprés l’irrépro-

.chable fils de Pelée. Alors j’adresse au héros ces douces paroles :a Ajax, fils du valeureux Télamon, ne dois-tu pas après ta

mort oublier ’ la colère que t’inspirérent contre moi ces’armes ’

funestes? Les dieux-nous les ont présentées pour la pertedesMême. Ce fut un grand rempart qui leur fut enlevé;.nous te

, regrettâmes, quand tu mourus, à l’égal d’Acliille, fils de Pelée;

cependant, nul autre fut cause de ces maux que. le seul Ju-piter, rempli d’une haine violente contre l’armée des valeureux,

enfants de Danaüs; c’est sur’toi qu’il a fait peser la destinée.Mais viens, héros, écoute ma voix et mes récits; dmnpteta fureur

,et ton cœur trop superbe. a V r , v2. Je parlais ainsi; mais Ajax ne me répondit point, et s’enfuitdansl’Érèbe avee.la roule des ombres. La sans doute, malgré sacolère, il m’aurait parlé si’je l’avais pressé; mais tout mon désir i

alors était d’observer les âmes des autres morts. , , - ,(la j’aperçus l’illustre fils de Jupiter, Minos, tenant un scep-

tre d’or,- et placé sur un siège; il rendait la justice aux mânes 1

r tous-venaient plaider leur cause devantceroi, les nus assis etles autres debout dans là vaste commue Pluton. . .i a Après lui j’aperçusvl’énorme Orion, poursuivant à travers

la prairie Aspbodèle les monstres qu’il immola jadis sur les mon»

’tagnesfil tenait. encore sa forte massue toute d’airain et tou-

jours’ entière. -" ’ . ,’ a Je vis aussi Titans, glorieux fils de’la Terre, étendu "sur le

seuil; il rouvrait neuf arpents. Deux vautours-a ses côtés. luirongeaient le Joie, en plongeant le bec dans ses entrailles; de ses

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L C H A l . l a lmains il ne pouvait lesrepousseracar il fit violence a .Latone,l’épouse secrète de Jupiter, lorsqu’elle traversait, pour seimdre

a Pytho, leslcampagnes’ riantes de Panope. I -1.Bient0t apres.je découvris Tantele, qui, souffrant d’amères

,douleurspétait debout dans un lac; les eaux touchaient acon.mento’n, et, tourmenté par la soif, il ne pouvait pas boire. Cha-quefois que le vieillardse baisait désirant se désaltérer, l’ondefugitive s’engloutissait aussitotJ Soins ses pieds on n’apercevaitplus qu’un sable noir, que desséChait une divinité; de beaux

t arbres endossas de sa, tète laissaient pendre leurs fruits : desI poirier-indes orangers, des pommiers aux fruits éclatants, dedoux figuiers et des oliviers toujours verts; mais, des que le.vieillard seslevait pour y porter les mains, tout à coup le ventles enlevait jusqu’aux nues ténébreuses. u . . v 4 .

,. j’aperçus Sisyphe, souffrant aussi les plus cruelsW "I . w ’ fieuxbras roulant un énorme rocher;s’ef-

. . 4 ilrpoussait la pierreyers le hautce]; l ’ elle était près d’atteindre le 80m-Mm n Ü vu z laivrepoussait en arrière: alors la pierregeloit dans la plaine. Puis Sisyphe reccm-mençait a pousser la pierre avec effort; la sueur coulait de ses

. membres, une épaisse vapeur s’élevait de sa tète. pa Après Sisyphe, je vis le vigoureux Hercule", ou plutôt son

car ce héros, parmi les immortels, goûtait la joie desfestins, etpour épouse possédait la. brûlante Bébé, fille du grand

Jupiter, et de Junon a la chaussure d’or. Autour de cette imageretentissait le bruit des morts, pareil a,celui,des oiseaux épou-vantés fuyant détentes parts; le. fantôme, semblable a la nuitsombre, portait son arc tout préparé, le trait appuyé sur le nerf,

’ et jetant de farouches regards, comme un homme prêt a lancerune’fiècbe. Autourlde sa poitrine brillait un baudrier terrible,formé d’un tissu d’or; la furent exécutés de merveilleux ou-

vrages, des ours, des sangliers cruels, des lions formidables, descombats,’ des batailles, des carnages, des homicides. L’ouvrier

habile qui mit tout son art à façonner ce travail n’en exécutera’ jamais un semblable, Bientot’llercule me reconnut, me regarde

V attentivement, et pleinlde compassion, il m’adresse ces paroles :«Noble fils de Lacrtc, ingénieux Ulysse, ah, malheureux,I tu

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p!

152 L’ODYSSÉE’.traînes une destinée funeste, comme je la supportai moi-mêmea la dans du soleil. .Moi, fils deÎIupiter; issu de’Saturne, je fusaccablé de maux sans nombre; je fus dompté par un faible mor-tel, squi,m’ordonna.d’aoeomplir des travaux difficiles; il m’en-voya même en ces lieuxipour enlever le chien; il’pensait qu’iln’était pas d’entreprise plus périlleuse. Cependant je saisis lemonstre , et le conduisis hors des demeures de Pluton;«Mercure

et la prudente Minerve avaient guidé mes pas. 5) ’«En achevant ces mots, Hercule disparaît dans le ténébreux

I Lsejouquependant je restais avec constance, pour voir s’il vien-drait encore quelqu’un de ces vaillants héros mortsancienne-ment. Peut-être aurais-je aperçu ceux que je désirais :rThèsée,Pirithoüs, noble race des dieux; mais, avant qu’ils s’offrentàmoi, la. foule des morts se rassemble avec des cris bruyants; lesuis saisi de crainte, redoutant que Proserpine ne m’envoie desenfers la tâte de la Gorgone, monstre terrible. Al’instant, cou-rant vers le vaisseau, j*ordonne à mes compagnons-d’y meuler,et de délier les amarres. Ils s’embarquent aussitôt, et se’placent

sur les bancs. Le navire est ponce par les flotsrapides à traversele fleuve Océan; d’abord il vogue à l’aide des rameurs , ensuite

pomséppar un vent favorable. n v 1’ ï ’

si, * CHANT, ,Xll.LES mannes; SGYLLZA, calmants ...

LES omisses. DU SOLEIL. I

le A’ peine le navire a-t-il quitté les courantsimpétueux de

l’Ocèan, que du. milieu dela vaste mer il arrive de nomma!Idans l’île dlEa; où sont les demeures, les danses de l’aurore "W

finale, et le lever du soleil; parvenus en ces lieux, mes 60m-[135th tirent le vaisseau sur la sable, et se dispersent. sur]?rivage de la nier. La nous reposant, nous attendons. jasa!"l

llaube duyjour. v. - 1., - I - . A 4 , t(t Le lendemain, dès que brille llAurore aux doigts de Tom.x

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CHANT .XIl. 153j’envoie mes compagnons dans le palais de Circé pogr’en rap-

porter le cadavre d’Elpénor. mentait nous abattons les arbres-quia couronnent le lieu le plus élevé du rivage, et, le cœur con- ’sumac regrets, nousensevelissoqp Elpénc en versant d’abon-dantes lamies. Quand les flammes ont consumé son corps et sesarmes, nous-élevons un tombeau surmonté Me colonne, et "plantons une large rame au sommet de * V

a mi . nous accourussions toutes f ,3 cependant, -ayant appris notre retOur des enfers, se hâta d’arriver pournous offrir la nourriture; des suivantes qui raccompagnaientapportèrent le pain, des mets en abondance, et le .vinitinœlant.Debout animilieu d’elles, la’déesse nous tint ce Murs z i

a Ah, malheureux! quoique vous soyez encore’pleins de vie,’ vous êtes descendus’dans lercyaunie de Pluton, et vengeas

doublement la, 19; Ms que les autres hommes ne meurentqu’aime 1 . * ’.. intenant la nourriture, buvez le vin,

- ’ N i j l .. Demain au lever de l’aurore vous cen-. indiquerai la route, et vous tarai

l l’âne par de perfides conseils vous n’éprou-viel’aucnfi ufh- " ata’urlateneetisurlesflets’. pi -

. - a Ainsi parle la déesse, et nous cédons volontiers a ses avis.Durant tout le jour, et jusqu’au coucher du soleil, nous savou-

- rons les ’viandes succulentes et le vin délectable;,quand le soleil"disparaît, et que les ténèbres couvrent-la terre, mes compa-

gnonss’abandonnent au repos près desænarres du navire: Ce-. pendant la (lèse, me prenant par la main, et me tirant a l’écart

loin de tuas les miens,’ m’adresse la panels, et m’interroge sur I

chaque chose; moi, je lui raconte tout en détail. AlorsJ’augusto

Circé m’adresse ces mots; g i v .a Ulysse, il est vrai, toutes ces choses doivent ’s’aceomplir

ainsi; maintenant, écoutez mes conseils, 1m dieu vous en rap-pellera le Souvenir.. D’abord vous rencontrerez-les. Sirènes quiséduisent tous’les hommes lorsqu’ils s’approchent d’elles; mais

celui, qui, poussepar son imprudence, écornera les Sirènes neverra plus danssa’maison son-épouse, ses’enfants assis lisescotés; ils ne jouiront pas de son’retour. Les akènes, couchées

dans une prairie, le séduiront par leurs voix harmonieuses; .autour d’elles sont des amas d’ossements et lcsichairs desséchées

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ne voussés.des hommes qu’elles ont fait périr. Évitei ces bords, et fermez

les oreilles de vos compagnons, en pétrissant unecire molle,pour qu’aucun d’eux ne les entende. ’Vous seul pourrez lesécouter, si vous le désirez; mais dans votre navire ils attache-ront vos pieds et vos mains au mat élevé; la même ils vous char-s ,geront des lien? afin que vous puissiez vous réjouir en écoutant

, les Sirènes. Alors, si us implorez vos compagnons, si vous leur. commandez devon; ’ , ils vous retiendront par deInouvelles

chalnes; f f n .-’a Quand vos matelots auront évité ces rivages, je ne puis vousenseigner précisément que] chemin vous devez suivre, vousprendrez conseil de votre courage; je vous donc l’un, etl’autre écueil. La sont des roches enveloppéesde nuages, autour ’

desquelles grondent les flots courroucés d’Amphitrite ;’ les dieux.

les nomment Errantes. Aucun oiseau ne peut les tranchir, nimême les colombes timides qui portent l’ambroisie au puissant.Jupiter; mais toujours la roche unie enlève l’une d’entre elles.Alors-Jupiter en produit une autre, pour qu’elles soient le mêmenombre. Tœt vaisseau qui s’en approche n’évite point sa perte;au même instant les flotsde’la mer et les tempêtes d’une’fla’mme

dévorante emportent les planches des vaisseaux et les cadavresdes nautoniers. Ungseul navire a franchi ’ce.passage, le’navire

Argo, cher a tous les immortels, ldrsqu’il revenait du pays d’Aé-

tés; il effleura légèrement ces énormes rochers, parce que Junonles lui fit éviter, car Jason était me: a cetteldéesse.

a La sont. deux écueils. L’un de sa pointe aigûë touche aux

vastes cieux, un sombre nuage l’environne; jamaisjl n’est dis-sipé, jamais la sérénité ne brille au sommet de est écueil, ni

. dans l’été ni dans l’automne. Nul homme ne pourrait y monter,et n’en- pourrait descendre, eût-il vingt bras et vingt pieds; car,

cette roche est lisse, .et somme-étre- soigneusement polie. Aumilieu de l’écueil est une caverne obscure, tournée vers Te cou-Ichant,.du coté de l’Erèbe : c’est la qu’il faut diriger votre navire,

noble Ulysse. Un homme jeune qui de son vaisseau lanceraitune flèche n’atteindraitïpas le ’ tondue cette lieuxhabite Scylla, qui pousse d’affreux rugissements; sa voix estcomme celle d’un jeune lion. Elle-même est un, monstre funeste;

’ aucun mortel ne se réjouirait en, la voyant, lors même qu’un dieu

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CHANT xn. 155l’attaqueraitr; Elle a douze griffes terribles, et six cous» d’unelongueur démesurée; à’chacun d’eux est attachée’uue tète elf-

frayante, ou paraît une triple rangée de dents, serrées et nom-breuses, séjour du noir trépas. Le milieu de son corps est plongé

dans la vaste caverne; mais en dehors de cergouffre elle avanceces tètes hideuses, et, les promenant tout à l’entour de l’écueil,’

elle dévore les dauphins, les chiens de mer, parfois elle engloutitles plus énormes des haleines que nourrit par milliers la gémis-sante Amphitrite. ll n’est point de navigateurs qui se vantent Id’avoir évité le monstre; mais de chacune de ses tètes saisissant

e un homme, il l’enlève du large navire.u L’autre écueil, Ulysse, est plus bas, et très-près de l’autre;

il est à la portée du trait. A son sommet sfélèveun figuier chargéde feuillage; au-dessous de ce figuier est la formidable Cha-rybde, engloutissant l’onde noire. Trois fois le jour elle la rejette,et trois fois la dévore avec fracas; redoutez’ d’y lorsqu’elle

engloutit les eaux; nul ne vousÏarracherait au malheur, pasmême le puiSsant Neptune. Rapprochezrvous donc de Scylla; vdirigez votre navire en effleurant l’écueil; il est bien préférable

de regretter six compagnons que de périr tous ensemble. »« Elleidit; et moi je lui répondis en ces mots :

« Déesse, dites-moi la vérité :w puisque j’éviterai la funeste

Charybde, je voudrais combattre l’autre monstre Quand il ut-

. taquera mes compagnons. n I la Ah,,m’alheureux! s’écrie aussitôt cette divinité, les travaux

et les périls de la guerre sont votre unique soin. Quoi! ne cé-derez-vous point aux dieux mêmes? .Scylla. n’est point sujettefàla, mort; c’est un monstre immortel, terrible, affreux, cruel,’et

qu’on ne peut combattre. Là toute force est inutile: le plus surest de fuir. Si vous tardez en vous armant contre cerocher, je

i ’ redoute que, s’élancent de nouveau, Sèylla’n’engloutisse autant ,

de vos compagnons qu’elle a de tètes. Naviguez donc avec vitesse,4 en implorant la mère de Scylla, Crata’is, .Quiirtionna le jourà cefléau terrible pour les mortels; seule elle empêchera le monstre

de s’élancer derrière vous. -u Enfin vous arriverez dans l’île de Thrinacie; la paissent les

nombreuses génisses et les grasses brebis du Soleil,vsept trou-peaux chacun de cinquante génisses, et le mêmenombre de mou-

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156- i L’ODYSSÆE. ’tous à la toison éclatante; ils ne se reproduisentlpoint antre eux,et pourtant; ne diminuent jamais. Des déesses en prennent soin grieur nymphes à la belle ehevelure, Pbaétuse et Lampétie, queconçut du Soleil la divine Nééraw Leur mèregaugusteles nourrit;les éleva, puis les envoya loin [d’elle pour habiter l’île de Thri-

.nacie, leur confiant la garde des brebis paternelles et de ses bœufsau; cornes recourbées. Si vous faites-que ces troupeau; ne ra.çoivent. aucun dommage, vous pouvez songer au retour, ettous, après, avoir s0uffert’bien des maux, vous parviendrez dansltbaque, mais si ces troupeaux sont attaqués, je’voùs prédis. la

perte de votre navire et de vos compagnons; vous seul serezsauvéfie’la mort;-mais vous n’arrivera qu’avec peine et tar-

divement, après avoir-perdu tousvos navires. n’ . 7 . i ’«Elle dit, et bientôt l’Auroreparalt sur un trôned’or. ha

déesse. auguste s’éloigneen traversantson île; et moi, cependant,

me dirigeant vers mob vaisseau, j’ordonne à mes compagnons des’embarquer et de délier les cordages. Ils se hâtent de monterdans le navire, et se placent, sur les bancs; tous assis en.ordre,ils frappent de leurs rames la mer blanchissante, lenavire a lalproue azurée s’élève un vent propiœ, qui gonfle nosvoiles, compagnon favorable que nous envoie Circé, déesse’au-

guste à. la voix mélodieuse. Aussitôt une nous avonstous les agrès dans l’intérieursdu navire, nous nolisasseyonsësur v

le vaisseau, que dirigent les vents et le pilote; alors, malgré madenim, j’adresse à mes compagnons ces paroles :

a; O mes amis, il ne faut pas qu’un ou deux seulement soientinstruits des oracles que m’a dévoilés Circé, déesse illustreyije’

vousile dimidonc, afin quervous sachiezssi nous-périrons, ou si,. pouvant éviter le danger,’notis échapperons aux destinées de’la

mort-.sD’abord Circé nous ordonne d’éviter la voix desdivines

Sirènes et leurs prairies émaillées de fleurs; ce n’est qu’à-moi

qu’elle aumdeide les entendre; mais vous devez m’attacher avec .de fortes chaînes au mat élevé, pour que j’v reste immobile; la

même, vous me chargerez de liens. Si je vous implore, si je vouscomaiande de me délier, vous me retiendrez par de nouvelles

chaîna.» , I i . -. . ’c c’est ainsi que j’entretenais mes compagnons de tout ce que

je savais; cependant le navire arriva promptement à l’île des

I

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’ CHANT x11. * 157Sirènes, car il étaitpousé par un souffle favorable. Mais bientôt

le’vent s’apaise; que calme se répand dans les airs; les flots sont

assoupis par undieu. Les matelots alors, seilevant, plient lesvoiles, et les déposent dans le vaisseau; puis ils s’asseyant prèsdes rames, et l’onde blanchit sous leurs efforts. Moi, cependant,avec mon glaive d’airain je divise en morceaux une grande massede cire, que je-pnesse dans mes mains vigoureuses; la. cire s’a4mollit aus’sitôt, parce que j’y mettais une grande force, et que .

brillait-la lumière du puissantSoleil, fils d’Hypèrion; j’enduis decette cire les araines de tous mes compagnons ranges en ordre.Ensuite ils m’attachent-les pieds et les mains au mât élevé; là

même ils me chargent de liens , et, se rasseyant, ils frappent deleurs rames la mer blanchissante. Quand nous ne sommeséloi-guésque de :la distance où la voix peut s’étendre, poursuivant

notre ,routeavec facilité, notre vaisseaunrapide rapproché durivage ne peut échapper aux-regards des Sirènes; aussitôt elles

tout entendre ce chant mélodieux : , s *A 5 Approche, viens à nous, icélèbre Ulysse’hgrande, gloirepsles

Grecs, même ton navire pour nous écouter. Nul homme n’afranchi ces lieux sans avoir entendu la voix mélodieusevqui s’é-chappent: nos lèvres ; celui qui cède à nos vœux retourne charmédans lsa’ patrie, en connaissant bien plus de choses. Nous savons

tout ce que dans le vaste Ilion les Grecsetles Troyens ont souil-r .fart par la volonté des dieux; nous. savons tout ce qu’il advient

surh’œrreféconde.» Î .’. , I n * .u Ainsi parlèrent les Sirènes . d’une voix mélodieuse; mon

cœur désirait les écouter, et, faisant signe des yeux à mes com- Vpagnons, je leur commandais de madéfier; mais, en se courbant,ils ramaient avec plus d’ardeur. A’llinstant, Euryloqueet Péri-mède se lèvent; me chargent de nouveaux liens, clame resserrentdavantage. Quand nous eûmes .Irancni œs parages, et qu’onn’entmditplus la voixydes Sirènes ni leur chant séducteur,ïmes

compagnons enlevèrent la cire q’ui fermait leurs oreilles, et me

idêgagèrentdemænm. f p a ’. v ,I (A peine. sommesnous à quelque distance de cette île, quej’aperçois une épaisse fumée; des vagues immenses,- et j’entends

"il bruit terrible; les mines échappent aux mains des matelotsépouvantésmt les vagues retentissent de toutes parts ; île vaiS-

- H

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Isa ’ ’ L’ODYSSÉE.’

seau resteimlnobile, car de leurs mains ils n’agitent plus les-lemgues rames. Moi, cependant, en parcourant mon vaisseau, j’en-courageais mes compagnons par des paroles, rassurantes, et je Idisais, en m’adressant à chacun d’en); : A 7 - I

« 0 ..mes amis, nous ne sommes point sans expérience des .

dangers; ce malheur. n’est pas plus grand que celuique nousavons souffert, lorsque le Cyclope,par sa force terrible,’nous’enferma dans sa profonde caverne; cependant, la; par mon cou-rage, mes censeils et ma prudences, nolis fumes sauvés; et sans 4doute, je pense, vousvous en sénvenez. Maintenant donc, cou-..rage, obéissez tous la ma .voix. Jnébranlables sur les bancs; frap-pas de vos rames le vaste sein des mers, et puisse Jupiter. nousaccorder de fuir et d’éviter la mon. Pour étoiflpilote, voici mes

ordres; garde-les dans tondras, puisque tu diriges le gouvernaildu vaisseau : tiens toujours le navire éloignéde cet épais breuil-Ilard et de ces flots mugissants; observe attentivement cet écueil,de pem- que-s’il échappe à ta vue, en t’élançant dans ces pu;rages, tu ne nous précipites dans l’ablme. a

i a Tels étaient mes discours; ils obéissent promptementa mesparoles. Çependant je ne leur parlaisppoint de Scylla, malheurinévitable, dans. la crainteque les matelotsetïrayés n’abandQn-,

immunes-rames pour senéfugier au fond du navire. Mais alorsl moi-même j’oublie les ordres que me donna Circé de -ne.point

m’aimer; je revêts mes armes étincelantes, et dans mes mainsprenant-deux longs javelots, je monte a la proue, vers lapeinte

I du navire; le, j’eèpërais d’abord apercevoir [inflexible Scyllà,

qui devait donner ’la-Omort a mes camarades: mais je ne pus ladécouvrir; et cependant je fatiguai mies yeux à considérer Îde

A toutes autour de cette caverne ténébreuse. ï . f va Nous pénétrons en gémissant dans le détroit; idïu’ne part est I

Scylla, de l’autre la redoutable Charybde, qui dévore avec fracasl’onde amère. Quand elle la rejette, semblable à la cuve placée,sur un large foyer; la mer murmure en bouillonnant; l’écume ns’élance dansles airs juSque sur le sommet élevé de l’un et l’au-.

tre Mais quandlde nouveau le monstreengloutit l’onde’ amère, tout lïintérieur parait bouillonnant; autour du rocher

retentit un bruit terrible; et dans le fond de l’abîme la terre laisseapparaltre une arène bleuâtre: .lzes matelots sont saisis,d’épou-

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CHANT Xi-I. . " A un)vante. Ainsi nous considérions set écueil en redoutant le 3Scylla pendant cetemps enlève du navire six de nies compa-gnbns’, les plus renommés par. la force de leurs bras et leurfmâie

courage. Alors regardant l’endroit du navire ou entrouvraientces infortunés; je les aperçois emportés ’auloin, et-leurs pieds etleurs mains s’agitent au-dessus des ondes; en p imbiiplorant ilsm’appellent tour à tour pour. la dernière ibis, le cœur navré deChagrin. Lorsque, sur un roc élavé, le pêcheur, armé d’un long

roseau; et’préparant un appât trompeur aux faibles habitantsdes eaux, ’ jette dans la mer la corne d’un bœuf sauvage, bientôt

il saisit un poisson qui s’agiteen expirant sur le sable; ainsi sla-gitentien- expirent. mes compagnons emportés contre le rocher.

l Le [nom à l’entrée des cavâmes dévore ces infortunés, qui metendaient encore les mains en ce dééastre horrible. Jamais plusirisa; speçtacle ne s’offrit à mesœgafds èn percement les nom-

breuxècueilsdelamer.’r i .’ - I i . "V.u Après avoir évité les écueils de la terrible Charybde et de

Scylle, nous arrivâmes dans Pile magnifiqneid’im dieu; c’est là

qu’étaient les belles génisses au large front et les nombreusesbrebis du Soleil. Moi-même alors, du milieu de la mer, étantencore sur’moninavire, jlentendis le mugisæmeht de ces génissesdans leur étable; et le bélemntdes moutons. Aussitôt me vientà la pensée le parole du devin aveugle, le Thébain Tiresias, a deCircé, fille d’Éa, qui» me recommandèrent par-dessus tout de,

viter’l’ile du Soleil, bienfaiteur des hommes. Je tins donc ce dis-cours à mes compagnons, le cœur accablé de tristesse : v .

«, Écoute; mes conseils, 0, mes" amis, quels que ’soient vos

malheurs.- Je vous dirai les oracles de Tirèsias et de Circé, filledlÉà’, qui me. recommandèrent par-dessus tout d’éviter l’île du

soleil, bienfaiteur des hommes; par c’est. là, m’ont-m dit, quenous devons éprouver les plus grands maux; dirigez donc le

noirvaisseauloindeœtteile.» I w. il ’ gu A cet ordre, leur âme est brisée de douleur. Soudain Eury-

loque m’adresse ces reproches amers z. p ’

a impitoyable Ulysse, ta force est sains mesure, et tu ne peux lfatiguer tes mmbres; oui, sans doute, tout ton corps d’ai-rain, puisque tu ne permets pas à tes compagnons vaincus parla’fatigu’e et.le sommeil, trabouler sur ce rivage. Du moins dans

1

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,4

un . . amuïsses. ’écuelle nous préparerions le doux repas du soir; mais c’est envain, tu nous ordonnes de naviguer pendant la nuit, et dlerrerloin de cette ile sur la mer ténébreuse. Cependant c’est durantles nuits que s’élèvent les vents orageux, la perte des vaisseau. .Comment éviter la mort, si tout à coup survenait l’impètuosiiéau; veau, du violent Zéphyr et du Notas, aux qui surtoutbri-sont un navire, malgré la volonté des dieux protecte î Ah!plutôt maintenant obéissons à la nuit, et préparons le repas du

soir, en restant sur notre navire; demain, au lever de llauroremettant a la voile, nous naviguerons sur lavasto mer. n. 5

u Ainsi parle Euryloque; tonales antres compagnons applau?dissent. Je reconnus dealers quint) dieu méditait notre perte.

a Euryloque, m’écriai-je aussitôt en lui répondant, tu mecontrains, étant le seul’de mon avis; mais du moins jurez-moitous maintenant par un serment terrible, si vous, rencontrez untroupeau de bœufs, ou bien un grand troupeau de brebis, qu’au-cun de vous , par une imprudence funeste , n’immolera, soit unegénisse, soit une brebis; mais, tranquilles, mangez les profilsions (pendus donna limmortelle Circé. a . Î L

a Tellesifurent mes perdes; eux aussitôt jurèrent comme jel’avais ordonné. Lorsqu’ils eurent promis, qu’ils eurent accompli

ce serment, ils placent le vaisseau dans l’enceinte du port, prèsd’une source d’eau douce; ensuite ils sortent du navire, et pré-parentile repas du soir. Quand ils ont apaisé la faimetila soif,

» [ils pleurent en se ressouvenant des amis qu’avait dévorés Scylla,

qui les arracha du large vaisseau. le doux sommeil vintenfin,tandis outils pleuraient encore. C’étaitla partie de lanuit; les astres déclinaient vers leur couchant, lorsque Jupiter,excitant un vent impétueui aveciune horrible tempête, enve- iloppede nuages et latente eus-mer; la nuitseprécipite duciel.,Le lendemain, des que brille l’Aurore aux doigts de rose, nousmetttms à l’ami notre navire en le tirant dans une grotte pro-fonde z c’est la qu’étaient les belles danses des nymphes, et leurs

sièges; alors layant formé l’assemblée, je parle en ces mots : ,« Amis ,. il reste encore. dans le vaisseau de la ’ nourriture et

du breuvage, absœnonslnous de ces bœufs, de peur d’avoir àsouffrir; car -œ sont les génisses et les grasses brebis d’un dieu

redoutable, du Soleil, qui voit et qui connaît toutes choses. ’

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CHANT *Xl-I.i tu!n Je parlais ainsi ; leur âme se laisse aisément persuader. Du-

rani: un mois entier le Notus infatigable ne cessa de souffler,aucun vent ne s’éleva, si ce n’est l’Eurus et le Notus. Tant que

mes compagnons trouvèrent du pain et du vin, ils s’abstinrentdes troupeaux du Soleil, ne désirant que de vivre; mais quandtoutes les provisions manquèrent dans notre navire, alors, er- -rants. par«n’écpssité, cherchant quelque proie, ils tâchaient de

saisir les oiseaux, ou les poissons avec l’hameçon recourbé; lafaimdévorait leurs entrailles. Moi cependant je parcourais l’in-térieur de me, et j’implorais les dieux, afin que l’un d’eux me

montrant: chemin du retour. Un jour que j’errais ainsi dansl’île, je m’étais éloigné de mes compagnons, et m’étant lavé les

mains dansun asile a l’abri du vent, j’adressais mes prières atous læ.üeu.Mhimnœ de l’Olympe; eux alors. répandirent un

doux sommeil sur mes paupières. En ce moment Euryloquedonne a m’es compagnons œ conseil funeste :

a nia voix, malgré les maux [qui nous accablent; sansdoute toutes les morts sont odieuses aux malheureux humains ,mais succomber à la faim est la plus affreuse mort et la pire des-

.tinée. Venez donc, et parmi les bœufs du Soleil, choisissant lesplus beaux, l sacrifions-les aux immortels habitant les vastescieux. Si nous retournons dans lthaque, notre chère patrie, nous

bâtironsau Soleil un riche temple, dans lequel nous placeronsdes ornements nombreux et magnifiques; mais si cette divinité,courroucée de la perte de ses génisses superbes, veut briser notrenavireret que les autres’dieux yconsentent, j’aime mieux en uninstant’iperdre la vie au milieu des flots, que de périr lentement

en restant dans cette ile déserte. » v«i Ainsi parle Euryloque; tous mes autres compagnons applau-

dissent. Aussitôt, choisissant tout près d’eux les plus belles gé-. pnisses du Soleil ( ces Superbes troupeaux paissaient non loin denotre navirevb ils s’en saisirent, et prièrent les dieux, eucoupantle tendre fermaged’un chêne à la chevelure élevée; car il n’était

plus d’orge blanche dans le vaisseau. Quand ils ont terminé les[MW égorgent les victimes, les dépouillent, coupent lescuisses, les enveloppent de graisse, et deux fois-les recouvrent

a de-lambeaux palpitants; mais comme ils n’ont plus de vin pourfaire les libations sur l’holocauste embrasé, ilsfont rôtir les

. 10.

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» me L’ODYssEn.chairs en les arrosant avec de l’eau. Dès que la sontconsumées-et qu’ils ont goûté les entrailles, ils div’nent me restes

de la victime, et’les percent avec de longues pommade fier.« En ce moment, le doux sommeil s’échappe dames paupières,

. et je me dirige vers le navire, près du rivage dola mer. Mark. lorsque j’approche du large vaisœau, la demandeur de laminée

se répand autour de moi ; soudain en gémissant je m’adrœse, aux

Idieux immortels: ’ » , Ï ’ i r« Grand’Jupiter, vous mus, dieux fortunés, dont rexismes

est éternelle, pomma perte que vous m’avez plongé dans. ce perfide sommeil, et mes compagnons, restés sur le rivage, ont

commis une horrible, forfait. a : ’ - - " .qlBientot Lampétie, messagère rapide, ïcouverte d’un long

voile, annonce au Soleil que nous avons.immolé’ sesAussitôt, le cœur enflammé de colère , il adire-e, aux dieux ces

paroles : ’V . I’u Puissant Jupiter, vous tous, dieux fortunés dont l’exis-tence est éternelle, punissez les compagnonsfd’Ulyaæ, fils dehuerta, qui, pleins d’audace, ont tué mes génisses, auxquellesjème plaisais, et, quand je ’m’élevais dans les cieux étoilés; et

quand, du haut de lamais céleste, je retournais sur la terre.Si vous ne m’accorder pas une réparation pour la perte demes génisses, je descendrai dans-les demeures de Pluton, et bril-

lerai parmi les morts. in I * ’ . l, a o Soleil, répond aussitôt le formidable Jupiœr,.,œnanaed’éclairer les dieux-et les faibles mortels sur la terraféçonde;

bientôt, le frappant de ma foudre étincelante, je leurvaisseau rapide au milieu de la mer ténébreuse. i» - I4 «c C’est de la belle Calypso que j’ai ententes ces choses; elleL

» même m’a dit les’avoii: apprisesde’Mercnre, le messager des,

dieux. I - i - ’« Quand j’arrivai sur le rivage près de mon vaisseau , facon-

blai. tour- atour mes compagnons des plus violents remettes;mais nous né pouvions plus trouver aucun remède, lis bœufsétaient égorgés. A l’instant les dieux nous montrèrent myaxmprodiges; les peaux rampaient; autour des broches’niugissaientles chairs déja’ rôties et les chairs encore crues , comme si c’était

lavoir: des s I i i i I F ’ ’

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CHANT .XH. 163fla [Pendantsix doum entiers mes compagnons se livrèrent aux

mon choisiæanflos plus belles génisses du» Sommequan Jupiter eut ramené le septième joui-iles vents s’a - "’ ’ t

. et mènent d’exciter la tempête; bientôt nous nousaprès avoir lancé le navire à la mer, puis ayant dressé Je ,nous déployons les blanches voiles. « , - I ’, -..u Lorsque nous sommes à quelque distance de l’île, et l

nous ne découvrez: plus la ferre, mais seulement le Cie "tle’s ondes; le filsüe Saturne enveloppe notre vaisseau. dîun brouilj-

lard épajs; imite la mer est plongéedans les ténèbres. Le navire .nepomsùit pas longtemps sa mute;-tout à coup le bruyant’bé-

. phyr æprécipite en enflant une grande mpête; Pimpétuosité

du vent rompt les. cordages qui des”déux côtes retiennent lefinet; il tombe en arrière, ,et tous’les agrès sont jetés au fond du

vaisseau; le mat en tombant. vers la proue du navire frappelatète du pilote, et par la violence du coup son caneest fracassé;conneau plongeur, il amante du tillac, et sa vie l’aban-

donne. Jupiter au même instant rais-gronderie tonnerre, et lance’ sa foudre sur le’lvaisseau; trappe par les traits de Jupiter, il À

tourbillonne, rempli d’un nuageide soufre;,mes compagnons. tombent du vaisseau. Semblables à des corneilles marines; .au-i tour du navire, ils’sont emportes par les flots; un dieu les prives

jamaîsdu retour. . j j . .’ u Resté seul; ,jeilparcouraisà grands pas. mon vaisseau, lors-411mm to billon brise ses flancs; lesi’vagues emportent la oa-lene,’flie L "enIest arraché; cependanta ce matpendeit une

, longue courroie, dépouille d’un taureau; je réunis aussitôt en-semble le mat et lalcarène (assis sur ces débris, je m’abandonne

aux-vents impétueux. I ’l q Le° l ihyr avait cessé d’exciter la. tempête; bientôt arrive

le rapide otus, qui, portant la douleur dans mon âme, mefait cafaindre d’avoir a lutter encore contre radieuse Charybde,

toutim toute la nuit je suis le jouet des flots; des que le soleilparaît à. l’orient, j’arrive au détroitde Scylla, redoutable écueil,

et de rameuse Charybde. Elleiengloutissait en ce mènent l’ondesalée de la mer; alors m’élançant vers un grand figuier, j’y reste

fortementattachè, commune chauve-sourîmmais’là je n’avaisaucuniappui j’ ni (pour’affermir mespiod’s ni pour .m’élever; les

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me n’amasse.racinés, étaient éloignées, et.de même étaient agende- distance

les branches qui couvraient, de leur ombre l’ablme det. I e. Je restai donc avec constance,- jusqu’à ce que le

rejetât de son sein le mat et la*caréne; ils m’apparais-I se. enfin, et je les attendais avec impatience. A l’heure où le

juge quitte l’assemblée pour prendre le repas du soir,’après avoir ’

l’ les différends d’une jeunesse tumultueuse, Charybdefait reparaître à mes yeux les poutres de mon navire; limitât,

us piedslet les mains étendus, je tombe à grand bruit dans lamer, tout près des larges poutresfet m’asseyant.sur ces débris,

de mes deux mains je rame avec efforts. Le père des etdes hommes ne permit pas en ce moment que Scylla mjaperçùt;car alors. je n’eusse point évité l’affreuse mort. h .

’ a Je fus pendant neuf joins-le jouet des flots; mais a ladixièmefnuît les dieux me poussèrent .. dans l’ile,Ogygie,’où de-meure la belle Calypso, déesse puissantes la’voix’ mélodieuse;

qui m’accueillitetme combla de biens; Mais pourquoi redire. toute cette aventure? Hier;dans ce palais je vous l’ai dite, ainsi

qu’à votre noble épouse; il m’est pénible de revenir sur desévènementsidéjà racontés. n ’ i ’ ’ -

n ’ CHANT xm. * jDÉPART D’ÙLYSSE DU PAYS; pas, refileras,

versos ARRIVÉE DANS unique. A, -

Ainsi parlait Ulysse; tous les convives gardaient. le silence, 1ravis d’admiration dans les palais ombragés. Cependant Alci-noüs, s’adressant au héros, lui dit ces paroles : l --

a Ulysse, puisque vous êtes parvenu’dans me richeau faite élevé, je ne pense pas que votre retour soit plus long-jtemps différé, quels que soient les maux nombreux. que vous.ayez: soufferts. Maintenant c’est à chacun de vous .queje mia-dresse , vous qui dans mon palais venez toujours boire avec moile vin d’honneur,’pour écouter le chanteur divin; des vêtements

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teneur .xm. .165destinés à l’étranger sont renfermés dans ce coffre précieux ,Ï ainsi

-que l’entrevaillé richement et tous les dans que les princes desPhéaciens appontèrent en ces lieux; eh bien , il faut que chacunde nous donne encore a cex’hèros un grand trépied, avec un bas«sin; et tous rassemblés nous serons honoresparjni le peuple : ilserait difficilequ’un seul suffît a de si grandes largesses. n h

Ainsi parle Alchimie; ce langage leur est agréable. Eux ce-. pendant, pour goûter le. repos, retournent dans leur demeure.

Le lexidemain, dès que brille llAurore aux doigts de rose, les- Phéaciens se rendent vers le navire et portent l’airain étincelant;lepuissant.Alcinoüs, se rendant lui-même vers le vaisseau, place

les présentsusous lesbancs des rameurs, afin qu’aucun des ma-telots n’en soit blessé-quand il agitera les rames. Tous ensuite serendent dans le palais du roi pour y préparer le festin. i I, î Alcinoüs en leur honneur immole un bœuf au. fils de Saturne,le grand Jupiter, qui "règne sur tous. Quand les cuisses sont son-sumacs, ils prennent le repas délectable, en se livrantà la joie;au milieu d’eux"lè divin chanteur fait’entenŒe sa voix, Démo-

docu’s honore par ces peuples» Cependant Ulysse tournait sou-L

vent ses regards vers le soleils étincelant, attendant avec im-patience de le voirîcoueheït; car, il était désireux de partir. Ainsi

le laboureur désire ardemment le iepas du soir, lorsque duranttout le jour ses bœufs robustes ont tiré la forte charrue pourtracer le sillon; le coucher du soleil" est pour lui plein de phar-mes, parce qu’alors il se rend au repas du soir; les genoux brisés

de fatigue a de même pour-Ulysse le coucher du soleil serait pleinde charmes] Il se hâte donc de s’adresser aux Phéaciens ;- mais

clest surtout en sage Alcinoüs qu’il parle en ces mots s - .. sa Puissant Alcinoüs, le plus illustrexparmi tous ces peuples,après avoir fait leslibations, renvoyez-moi sans que j’éprouveaucundommage, et vous-même soyez heureux ; déjà tout ce que -

. désirait mon cœurest accompli, les préparatifs du départ et lesriches présents, que les dieux du ciel me rendront favorables;puisséje à mon retour dans mes demeures retrouver mon épouseirréprochable et mes amis-pleins de vie. Vous qui restez en ces

, lieux ,.goùtez le bonheur. près de vos’épouses, de vos jeunes filles

. et de vos enfants; que les dieux veus comblentïde toutes sortes depiœpérités, et qu’aucun malheur ne survienne parmi le muple. n

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les L’ODYSSEE.il dit ; tous les assistants applaudissent, et commandent qu’on ’

dispose le départ de l’étranger, qui venait de parler si convena-hlcment. Alors Allcinoüs donne cet ordre a Sonheraut 3’ j. a Pontonoüs, remplis l’urne profonde, et distribue le vin àtous les convives, afin qu’après avoir fait les libatiom h Jupiter,nous renvoyional’étranger aux terres de la patrie. r -, ’Aussitct-Pontonoüs verse dans l’urne un vin aussi doux que le

miel, et le distribue à chacun des convives; ceux-ci, sans-aban-donner, leurs sièges, offrent des libations à tous. les dieux for-tunes qui possèdent le vaste ciel. Maine divin Ulysse se lève; ilplace dans-les mains d’Arété la coupe profonde, et lui parle en

’ . «Soyez-moi constamment favorable, b reine, jusqu’à ce que

- viennent la vieillesse et la mort, qui sont le partage de tous’leshumains. Je’m’eloigne de ces lieux; mais vous dans cette de- l

meure soyez heureuse par vos peuples, par vos enfants , etpqrvotre époux, le puissantÀAlcinoüs. a i - A -

Enachavant cesmots, il franchit le seuil du palais. SoudainAlcinoüs envoie son héraut, qui précède Ulysse vers le navire surle rivage de la mer. La reine envoie’aussi les femmes qui laser-Î

vent: a l’une elle ordomie de porter un manteau superbe, avecunevtunique; à l’autre elle confie le coffre précieux ; la

portait le painetlevin, v I i.Quand on fut-arrive vers le vaisseaujsur les bards de lamerceux qui devaient accompagner-Ulysse reçoivent les-présentsainsi que la nourriture et le breuvage; ensuite ils étendent surle tillac des tapis etdes couvertures de afin qu’Ileese,vers lapoupe dorme d’un profond sommeil. Le hères lui-mame y monte,

et se couche en silence; alors les matelots se rangent sur les.’ bancs, et détachent le me de la pierre trouée. AuSsa’tot en s’in-

clinant ils frappent la mer avec la rame; en ce moment sur lespaupières d’Ulysse se répand un sommeil profond et paisible,presque semblable ale mort. Le vaisseau part, comme dans la ’lice Quatre coursiers vigoureux s’élancent a la fois sous le fouetqui les presse, et, lalète haute, franchissent l’espace en un im-tant; de même est emportée la poupe du navire, et derrière luiretentissent au l’oin les vagues émues de la mer-agitée. Il fuitd’une course rapide et sûre; l’épervier, le plus vite des oiseaux,

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CHÂNT un. - m1ne pourrait’l’atteindre ;- ainsi s’élance Je navire (in-sillonnant les

flots-de la mer, et portantlunhhéros dont les pensées sont sem-blables aux pensées des dieux , œluilqui dans son âme supporta

de nombreuses douleurs, en’affrontantles-combats des guer-riers,i.les’ inerssamées d’écuells,’ et qui maintenant, plongé dans

unsommeil profond,- oublie tous les maux qu’il a soufferts. lDès que parut l’étoile du matin,.brillante messagèrqde l’Au-

rote, levaisseau qui sillonnait les-ondes approcha- des rivages

de l’île, i r - l n pDans le pays d’ltbaque est le port de Phoreyne, vieillard ma-rin ne sont des rochers escarpés s’avançant des d’eux’côtés du

port : ils abfitent les flots des vents qui viennent de la ïhautemer; à l’intérieur les vaisseaux restent immobiles sans aucuns.liërœplorsqu’ils sont entres dans cette enceinte. A l’extrémité du

port s’élève, un olivier anis treuilles allongées; tout près dc’cet

arbreest un antre agréable et profond, retraite sacrée des Nym-phes qui sont. appelées les Naïades. Là sont des urnesllot desamphores de pierre; les abeilles y viennent dépaser leur miel. Là-sont aussi deÎ grands métiers en marbré’oùïæ Nymphes ourdis-

sent uneloile-éclatante de pourpre, ouvrage, admirable à voir;dans l’intérieur coule Sans cesse une eau «limpide. Cette grotte adeux portes a l’une, qui regarde Dorée, clest l’entrée destinée

aux hommèsr Feutre, en face du Notus, est plus divine à lesmortels ne la franchissent jamais, c’est le clîemin desndieux. ’ ’

Les. Phéaciens pénètrent dans ce peut, qulils connaiSsaientdéjà; ’le’navire s’élance sur lerivage’ jusqu’à la moitié de sa

carène, tant’il estvîèoureuæment poussé par la main destru-meurs. D’aDOrdnles matelots descendante terre, et transpertcnt’

Ulysse hors du navire, avec: les couvertures de lin et les riches .tapis fils déposent sur le plage ce héros, toujours enseveli dansun profond sommeil, et sortent ensuite les richesses qu’à son de:parti lui donnèrent les Phéaciens, par l’inspiration (le la bien--

veillante Minerve. Ils placent Ices présents au pied de l’olivier,loin de la route, de peur que quelque voyageur, venant à passer,ne les enlève avant le réveilfidu héros; et): alors seihùtenth’dc’.

retourner dans leur patrie. Cependant Neptune n’a point oubliéles menaces- (in adressa jadis au divin Ulysse, et cherchant à

sonderllesdesæins de Jupiter: ’ - v n - i

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1M n L’ODYSSÉE.’a Père des dieux, dit-il, désormais je ne serai plus honoré

parmi les immortels, puisque les hommes ne me respectentplus,- même les Phéaciens, qui tirent de moi leur origine. le disais en-

core aujourd’hui qu’Ulysse ne rentrerait dans sa patriequ’en, éprouvant «nombreuses douleurs ;.toutefois,. je ne le privais pas

. aîjamais dlrretour’, car tu l’avais promis d’un signe de ta tête ;.

cependant voilà que les ,Phéacie’ns, conduisant sur la mer ce hérosendormi dans un léger navire, l’ont déposé sur le rivage d’ltha-

’ que; ils l’ont comblé de présents magnifiques, en lui donnantde

-l’airain, de l’or, des habits riehementtissus, et des trésors plus-nor’nhreux quejamais ce héros n’en eût rapporféd’llion, s’il fût

revenu sans aucun dommage, après avoir au sert tiré sa part des.

dépouilles. a I . - . ’pI Le roi dæ sombres nuages-lui répondit aussitôt: .

«- Grands dieux! puissant Neptune, quÏasrtu dit? Non, les- dieux ne te mépriseront jamaisyil serait difficiledete faire in-

jure, toi le plus ancien. et lapins illustre. Mais si l’un des [nor-

tels, par violence, ouse confiant en sa force, ne t’honore’ pas, ilte reste toujours dans l’avenir ia vengeance de ce crime riais:

i donc ce que tu désires et ce qui plait à ton,cœùr.’ u

Le redoutable Neptune répond alors en ces mots : .s a A l’instant même j’accomplirai me volonté, comme tu. le cons

seilles, roi des tempêtes; 6ar j’observe avec soin quel est ton désir,

let jeta vénère. Je veux donc maintenant anéantir dans lamerprofonde le superbe vaisseau des’Phéaciens, qui revient de con-

duire Ulysse; il faut que ces peuples cessentet s’abstiennent dela conduite des voyageurs. Moi, je cacherai leur ville derrière une

haute montagne. u . , . - , A - , ’.n Mon frère, lui dit Jupiter, ce qui dans ma pensée me semble

être en effet préférable, c’est-lorsque tous les Phéaciens sortiront

de la.ville pour voirie-retour de leur vaisseau, de placer près durivage un rocher semblableà ce léger navire; il faut que tous leshommes soient frappés d’étonnement : ainsi tu cacheras leur ville

derrière une haute montagne. l! , l . -[A peine Neptune a-t-il entendu ces paroles qu’il vole dans l’île

de sellerie, qu’habitentles Phêaciens; Ç’est la qu’il.s’anfiête; le

largo vaisseau , poursuivant rapidement. son cours, allait aborderau rivage; Neptune s’approche de ce navire, le change en rocher,

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CHANT qu. .169et rattachais la terre parité profondes racines, en le touchant desa main puissante (ensuite il s’éloigne aussitôt. . .

Cependant les PhéaciensL navigateurs habiles, discouraient* entra eux, frappés Eétonnement. Chacun dit à ’oeluiiqu’il voit

auprèsdelui: . t a . f . ï - I, « Guidons enchaîne ainsi dans1a merœ vaisseau rapide, renétriant dans le port? Il parait être tout entier. n , Ï - ,

v Ainsi parle chacun des Phéaciens; ils ne comprenaient. pascomment détail amomplioeprodi’ge. Alors Alcinoüs fait enten-

dre ce discours : I i i i« Grands dieux! je reconnais tes anciens oracles de mon père,

quivme disait que Neptune is’irriterait contre nous, parce quenous étions les heureux conducteurs de tous les voyageurs. Il

- ajoutait qu’un jour le plus beau vaiSseau des Phéaciens, reve-nant de’çonduire un héros, serait anéanti dans la mer profonde.-

et quiil cacherait notre ville derrière une haute.montagne..Ainsiparlait. le vieillard; cle’st aujourd’hui que toutes)ces Choses sÎaci

.,complissent. Mais écoutez, obéissons tous à ce que je vais dire.

Cessez désormais de reconduire les voyageurs; quel queksoitcetui qui parvienne dans notrei’ville; cependant. immolons aNeptune douze taureaux choisis, pour qu’ir soit touché de com-

passion, et qu*il ne cache pas notre ville derrière une montagne

élevée. n V. l i Av - Il dit; ceux-ci; saisis de Crainte, préparèrent les taureaux.Ainsi les princes etles obels des Phéaeiens imploraient le puis-sant Neptunel en se tenant debout autour de i’autel. Cependantle divin Ulysse se réveille, couché sur le ri’vagelde la patrie,mais il ne la,reconnatt pas, car il en lut longtemps éloigné ;i au-

tour de lui la puissante Minerve, fillefde Jupiter, répand undivin nuage, afin qu’il reste ignoré, qu’elle l’instruise de çha-

que ehose,,et que ni sèn épouse, ni ses concitoyens, ni ses amis.ne le.l reconnaissent avant que les prétendants soient punis deleur insolence. Ainsi tous les objets paraissent au héros sous uneforme étrangère, et les longues routes, et les ports protecteurs,etk’les «rochers élevés , et les arbres chargés de feuillage. Bientôt

il mime, et contemple les champs de la patrie; il soupire pro-. fondément,-et de ses (leu; mains se frappant la, cuisse, il.pr0-

nonce cesparoleScn gémissant : I ’ i . ’L *

s i in

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ne I L’ODYSSÉl-I."in Ah, malheureux! dans la patrie de quels mortels suis-je an»-

rivé? Serment-ce des sauvages cruels et sans justice. ou biensont-ils hospitaliers, et leur âme est-elle pieuse? Où doisèje portertoutes ces richesses?’Moi-1néme où.dois-je l-allèr? Que Lneils’uis-je

reste chez les Phéacie’ns! J’aurais supplié quelque autre de" ces -princes magnanimes qui m’eût chéri comme son hôte, et mÎeût

procuré le retenu, Je ne sais maintenant ou cacher ces trésors , jene puis les lais’ser’ici, de peur qu’ils ne deviennent la proie desétrangers. Ah, grands dieux! ils sont sans justice et sans sagesse, ’

les princes et les chefs des Phéaciens, qui m’ont fait conduiredans une terre’inconnuet Ils me promettaient de, me reconduiredans l’heureuse Ithaque, imais’ils n’ont point accompli leur pro-

;nesseÇ Puisse les punir Jupiter, protecteur des suppliants , quivoit tous les hommes et qui Chatiele, coupable! Toutefois, jecompterai mes richesses, et verraisi les matelots en fuyant n’ont.

rien emporte dans leur navire. » , ; . lEn achevant ces mots", il compte avec Soin les superbes trè-

pieds, les urnes, l’Or, et les vêtements magnifiques. Il n’a rien àregretter; Cependant il arrosait de ses larmes la terre de sa patrie,-en se roulant sur le rivage de la mer bruyante, et gémissant avecamertumeuEn ce moment arrive Minerve sous les traits d’un

’ jeune et beau pasteur de brebis, comme sont les fils des rois,portant sur ses épaules un large manteau, qui l’entoure deuxfois; à ses’piedsdélicats étaient de riches brodequins, et dans

I ses mains un javelot. -Ulysse"se réjouit en levoyant; il marchéà

sa rencontre, et lui dit ces paroles rapides -: ia Ami, puisque c’est vous que je rencontre-le premier en ce

pays, I je vous salue; ne m’abordeszas avec de mauvais desseins,mais sauvez ces richesses, et de même sauvez-moi : je vous im-plôre comme un immortel, et j’embrasse vos genoux. Parlez-moi

sincèrement, afin que je sache la vérité : quel est ce paysL:ce ipeuple? quels hommes habitent res contrées? Suis-je ici dans une

ile fortunée, ou cette plage, baignée par la mer, tient-elle au

fertilercontinënt? u ’ I i i ..« 12a déesse Minerve lui répondit :

v« Étranger, votre ignorance est grande, ou vous venez’ de loin.puisque vous "m’interrogez sur ce paysi’ll n’est point sans r»-

nommée; des peuples nombreux le connaissent, .soitqulilshuë

y

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CHANT XIHJ t7!huent les régions de llàurore et du soleil, en les contrées oppo-sées, au sein des ténèbresucette terre est âpre, et peu favorable

au; çoursiers; cependant elle n*est. point stérile, mais ,n’est pasV d’une grande étendue.’loiz 1è froment et le vin croissent en abon-

’ fiance; Sam cesse elle reçoit la pluie et la.rosée féconde; elle est.

riche en pâturages de bœufs, et de chèvres; enfin de toutesvpartss’élèvent des forêts, dans lesquelles coulent d’aboiidantes fon-

tàînes. Sachez enfin, noble étranger, que le nom d’Ithaque est

parvenu jusque dans la ville de Troie, qu’on dit être fort,éloi-*- , guée l’Achaïe. si

’ A cesmots, le givin Ulysse goûte une douce joie,,heureu7g derevoir les terre paternelle, cot’nme venait de le lui dire Minerve,

’ la fiîle-’d,n. grand Jupiter. Aussitôt il adresse, ces parties ài la

déesse; toutefois, il n’exprime point la vérité , mais il reprend

l’entretien, en conservant toujours deus son sein un, esprit fer-

tilepen ruses f - «v - j, , . la J’ai souvent entendu parler dl-Ithaque dans la. vasteÎGrète ,gui "domine aubin sur la mer;’a jeurdlhui j’arrive avec-toutesces richesses; mais, en avanflrlai le d’aussi nombreuses à mesenfants, je fuis, après avoifïtué le fils ch)èri d’ldoménée; le léger

msiloque qui, dans hum Crète, l’emportait sur tousles hèresperses pieds rapides; je le tuài, perce qu’il voulu J e ravir lesdépouilles troyennes, pour lesquelles j’avais son ’deÏgranides

. douleurs au fond de l’âme, en,affrontant les combats des guer-riers et des mers semées d’écueils. Le sujet de son courroux était

que-jamais, pour plairez: son père, je ne servis sous’ses ordresdansales plaines de Troie, mais que toujours je 7mmbattils à latrifides autres guerriers. Je le frappaitdonc Je ma lance, commeillre’venait des champs, m’étant mis en emb I de avec un de

Ï cœnpaguons; Une nuit sombre régnait d. es cieux,,nulhomme ne nous découvrit; je ne fus point aperçwflnd je leprivai dola Cependant, après l’avoir immole de mon feraigu, je me rendis aussitôt vers un navire; je suppliai les illus-tresPhéniciens, et leur donnai’dlahondantes dépouilles; puis je

leur demandai coud : et de me déposer à Pylos, ou dansla divine filiale, , règnen les Épéens. La violence des,ventsnous a jetés sur oeil bords, malgré les vœux des matelots; ils ne

« cherchaient pointË mc-tromper, Ainsi donc, après avoir long-

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m p L’onvs’snr.’temps erré, nous sommes arrivés ici pendant la nuit; en toutehaie nous sommes entrésdans le port, et, malgré notre besoin de

prendre quelque nourriture, nous ne songeâmes pas à préparerle repas du Soir; tous se couchèrent en sortant duivaisseau.vC’estla qulun doux sommeil s’empara de mes membres fatigués; lesPhéniciens soi-tantines richesses du large navire les déposèrent

sur le sable, près de l’endroit où je Eux alors, se rem-barquant, firent voile pour la populeuse Sidon; moi, cependant,je fus laissé sur le rivage, le lcœur’accablé de n - i

A, ces mots, la déesse sourit, et flatte Ulysse d’une mainlcasressaute; elle parait aussitôt sans les traits dïune femme belle,

majestueuse ,i et savante dans les plus beaux ouvrages; alorssladresânt au- héros, elle fait entendre ces paroles rapides z

a Certes, il serait bien. adroit et bien ingénieux, celui quipourrait te vaincre en toutes sortes de ruses, quandce serait undieu lui-méme.- Homme dissimulé,.fécondÏen ressources,’insa-I

tiablezde stratagèmes , ne devrais-tu pas du moins, auiseindetapatrie, abandonner ces tromperies et ces paroles-détournéesqui te sont chères depuis .ten enflince?rMaisï viens, cessons detels discours , puisque d’un et, l’autre nous connaissons égale-

ment ces subterfuges; car si tu .l’emportes sur tous lesrhommespar tes co ils Ëti tes paroles, de même je suis honorée entretoutes les div nités et par mon esprit et mes inventions; tu n’as -point reconnu la puissante Minerve, fille de Jupiter, moi quitlassiste, qui te garde sans cesse dans tous tes travaux, et qui terendis cher à tous les Phéaciens. Aujourd’hui, je viens encore ’

ici pour concerter un plan avec toi, pour cacher les richesses queles illustres Phéaciens, par mes avis et mon inspiration , bedon-nèrent lors de ton départ, et pour te-dire tout ce quehle destinte réserve, de douleurs dans ton superbe palais; tu les suppor-teras, défit la loi de la nécessité, sans te découvrir à nul homme,

à nulle femme, à personne enfin, puisque tu-viens ici comme unfugitif; mais il. te faut souffrir en silence de nombreuses dou-leurs et supporter les outrages des hommes. )) V

«0 déesse, répond Ulysse, il serait difficile au mortel que A

vous abordez de vous reconnaître, quelle que soit son habi-leté; cari vous pouvez prendre toutes les formes. Oui, je saiscombien vous m’avez-été favorable, tant que nous tous, fils des.

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CHANT XI". 173Grecs , nous combattlmes ,dans’ les champs d’llion. Cependant,lorsque’nous eûmes ravagé la villede Priam, que nous mon-tâmes sur nos vaisseaux ,iet qu’un dieu dispersa les Achéens , je

cessai de vous apercevoir, o fille de Jupiter, et ne vousvis pointentrer. dans mon navire pour éloigner de moi le malheur. Maisportant toujours dans mon sein un cœur brisé de chagrins,j’errpis jusqu’à ce que les dieux me délivrassent de mes maux;il est vrai que naguère, au milieu du peuple fortuné des Phén-

ciens, vous m’avez rassuré par vos paroles, et vousméme m’a-

vez conduit dans leur ville. Maintenant donc je vous le demandea genoux ,’ au nom de votre père (car je neme crois pas arrivédans rillustœ-lthaque’, mais rejeté sur-une terre étrangère; et

c’est, je pennon me raillant que’vous dites ces choses, afin demon esprit), dites-mois’il’est vrai que je sois.enfin dans

ma-chéreipctrie. n. , ne.Iabienveillantet Minerve ,yinterrompant Ulysse, reprend eneesmots’fi- ’ ’ . -’ fi ’ , .

I ’. en , benjoins la même défiance réside en ton sein ; capon-g -

dant, je ne puis t’ahandonner dans l’infortune, puisque tu *montres à la fois éloquent, ingénieux et sage. Tout autre sanshésitera-au retour de ses longs voyages, serait allé dans sa mai-SOn, afin de revoir sa femme et ses enfants; mais pour.toi, tu

. ne veux rien connaître, rien apprendre, ayant (ravoir éprouvéton épouse ,y qui-repose tristement dans sa demeure;,ses nuits: et

ses jours douloureux se consument dans les larmes. Ulysse... jepn’ignorais pas. et-je savais au fond. dama pensée qu’un? l l Itu reviendrais en ces lieux, après avoir perdu tes compagn v ,"mais je ne voulais point combattre Neptune , le frère de monpère ,ANeptun qui dans son âme s’irrita contre toi , furieux de

Il W, : de la vue. Mais viens, (me jetemontrc’ a t que tu sois persuadé. Voici le port de

p h, .. 1’ ’n; à l’extrémité du port s’élève l’olivier

aux feuilles allong’: tout près est un antre agréable et pro-fond,.retraite sacrée des nymphes qui sont appelées Naïades;c’estldans cette vaste grotte que souvent toi-même tu sacrifiasaux nymphes d’illustres hécatombes;’enfin le Nérite est cette -

montagne mihragec de forets. Ë)’ .’ Comme elle achevait ces mots , la décsségdissipc le nuage; tout

. a. .

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m z i L’oDYssEL kle pays apparaît. Le divin Ulysselgoüle une douce joie, et saluantsa’patrîé , il baise la terre féconde. Ensuite il implore. les

nymphes en élevant les-mains- :n a ’ . , al a Nymphes Naïades,’ filles Ide, Jupiter, je nlspéràis plus ’

vous revoir; mainlenantlsoyez favorables a mes humbles prië; "ares; comme jadis ,7 je vous comblerai (leprésmts, si, bienveillante a

pour moi , lapuissante Minerve me. permet Ideyvivre et remplit -de force mon fils, chéri. in I a l I , ’il fleure-toi, .lui dit Minerve: que "de. tels soins ne trou-

bient point ta pensée. Cependant cachons .prornptemæt tes ri-chesses dans leï’fOnd de cet antre, afin qu’elles’tesoient conser-

I rées tout entières; ’ nous ensuite sur le parti” le

plus» convenahle. a ’ , r ’ , ,En parlantnainsi; Minerve pénètre dans la grotte profonde,

et s’empresse Gy chercher un réduit caché»; près d’elleUlyssel

portait toutes les richesses, roman-am solide et les superbesvêtements que lui donnèrent-les Phéaciens. files dépose soi-gneusement; puis la fille deIJupiterv, dieu de l’égide , place une.

pierre devant rentrée; ’ I I- a ; "Alors’tous les deux, assis au pied de’l’olivierisacré, m’ figent

comment ils donneront la mort aux audacieux prétendantsecefut Minerve qui la première ouvrit l’entretien en ces mots; I

a Noble fils de Laerte , ingénieux Ulysse, voyons maintenantcomment tu feras sentir la. force de ton bras à ces audacieux pré-tendants qui depuis trois ans règnent dans ton palais, désirantobtenir ta noble épouse et lui donner les présents des noces.Elle cependant, sans cesse gémissant- après ton retour, les comme

tous despoir, et fait des promesses à chacun d’euxen leur en-voyant des messages; mais son aine a conçu (faunes pensées. »

(s Ah, grands dieux! interrompt Ulysse, comme Agamem-non, fils d’Atrée , je devais denc périr d’une mort affreuse dansmon Palais, Si Vans-même, à déesse , ne m’aviez instruit-deboutavec justice. Mais venez, concertons un plan , afin de les punir ;restezrvous-méme près de moi, me remplissant diun’ courage-in-trépide; comme lorsque nous renversâmes les remparts d’ilion. ’

Mr! puissiez-vous me secourir avec le même zèle , ô Minerve,et je pourrais combattre trois cents guerriers avec vous, déessevénérable, lorsque, ibænveillante pour moi, vous me protégerez. n

s

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CHANT .Xlll. .175a Oui, sans doute, répond la déesse, moi-môme je t’assislfirai;

tu n’échappera-pui ,ma vue, lorsque nous aocbmplironscèstravaux; je pense qu’ils souilleront le sol de leur oervelleet deleur sang , quelquesëuns de ces’fiers prétendants, oui déverent

v ton héritage. Mais viens, une je te rende méconnaissable a tousles hommes; je’ri’derai ta peau délicatelsur tes membres agiles ,

je dépouillerai ta tétede sesblop cheveux, et te couvrirai delambeaux si déchirés , que tout omme en voyant celui qui les

porte suggestionner, l’obscurcirai tes yeux; autrefois si. -beaux; tufparaîtras un pauvre mendiant à tous les prétenAdams, a tOn épouse, ainsi qu’au filslque tu. laissas dans taRends-toi d’abord auprès du pasteur qui prend soin desme; ’ t’est dévoués; qui client ton fils et la prudente René-

j lope.” i trouveras veillant sur à troupeaux ; ceux-ci paissentsur le roçher’du Corbeau, près la fontaine Aréthuse, man-gent le glandnourrissantet boivent l’ondelimpidepour entre-tenir leur graisse succulente. Tu resteras en ces lieux , attentif a it’informer datent , tandis que je me- rendrai dans Sparte , Iféconde en belles femmes, pour appeler Télémaquetton fils chéri,

noble Ulysse ; il s’est rendu dans la vaste Médaillons, auprès de” Ménèlas, pour s’informer, par la voix de la renommée , s’il est

quelque endroit de la terre ou tu respires encore. n 4« Ah! pourquoi, s’écrie Ulysse, ne l’avoir pas instruit, vous qui.

dans votre esprit, savez toutes çhpses? Doit-il donc, errant surla mer infécOnde, souffrir aussi de, nombreux. mailleurs, tandis

que des étrangers’dévorent son héritage? , - se: . ’a Que. son sort ne te donne aucune niquiétude , reprend A si:

sitôt la déesse. ,C’est moi-même qui renvoyai ,vpour qu’il

une grande gloire, en allant à Sparte; il n’éprouve aucune fmais heureux il repose dans le palais d’Atride, où pour lui sontdes biens en abondance. Il est vrai que de jeunes audacieux setiennent en embuscade sur un léger navire, désireux de le tueravant qu’il aborde sur le rivage de la patrie; mais je nacrois

I pas qu’ils accomplissent ce projet : la terre auparavant englolitil’aquelques-uns de ces fiers prétendants qui dévorent ton héritage. u

y’En achevant ces mots, Minerve le frappe d’une baguette; 6m! .

ride la peau délicate d’Ulysse sur ses membres agiles, dé-pouille la tète du héros de ses blonds aïeux; et lui donne

)

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fle L’ODY’SSÉÆ.muïextérieur d’im-vieillhrd’cassâ par Page; elle obsèurqitljes’

veux d’Ulysse, sesyemk- autrefois si beaux ;p elle le revêt ensuite. d’un méchant manteau, d’une mauvaiseltuniquq déchirée set. noircie pan une fumée épaisse; elle recouvre encore-lercorpsdn:- héros (lem gemmeuses d’un cerf-agile; enfin elle «lui donne

un bâton ,flavec une pauvreibesaœitoutg trouée; a’cettebesacependait une corde qui sel-iræ de bandoulière. i ’ Ï 1

p Tous les fdeux s’étant ains1 consultés se: séparent; la déesse .

ensuiœ vin-dans la. divineLacédémone auprès du fils d’Ulysse; i

x

CHANT XIN; ; "ENTRETIENS D’ULYSSE AVEC ÈUMÉEJ.

"x

Alors Ulysse, s’éloignant’du port, suit atravers la .forël; et le

sommet de la collines llàpre sentier indiqué par Minerve pour se ’rendre auprès du,pasteur qui veillait avec soin sur’l’entretien

des serviteurs qu’avait acquis son maître. . t v ’ eIl le trouve assis sous le portique, à l’endroit ondulent bâtis ,i

dans un lieu découvert, les murs élevés de la cour, belle , vaste et.de forme circulaire; ce fut lapasteur’ lui-même qui la contruisitpour les troupeaux durantd’absence dYUlysse; et qui! sans le se-cours nLde sa maîtresse ni, du vieux Letarte , l’entoure de grossespierres et d’une haie d’épines. A l’extérieur slélevait une forte pa-

lissade de pieux serrés, et coupés dans le’cœur du chêne; et dans -

l’intérieur de la cour il fit douze étables rapprochées (entre elles,

ou’couchaient les porcs; dans chacune de ces étables reposaientsur la terre cinquante truies fécondes; les mâles couchaient endehors , mais ils étaient moins nombreux; car les nobles préten- I

dents les diminuaient en lesmangeant dans leurs repas; ainsisansicesse le pasteureleur envoyaitile meilleur de tous ces porcssucculents ;.cependant on en comptait encore trois cent soixante.

La veillaient aussi , semblables à des lions, quatre dogues quenourrissait le chef des pasteurs. En ce momentil ajustait à ses

i pieds une chaussure que lui-mémeiavait taillée dans la peau rou-

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v C H A N T X! V. . i g 177gantée d’un bœuf; les autres bergers, immine ’de trois, s’em-

pressaient à l’envi de réunir les troupeaux; il avait envoyé lequatrième a la ville conduire le porc qu’il était Contraint par né-cessite de livrer aux fiers prétendants, afin qu’après les sacrifices ’

ils savourassent ces viandeddéücatœ. p "- . -Mais ’a l’instantlles chiens à la voix retentissante aperçoivent

Ulysse ;’ ils s’élancent en aboyant avec force; alors le usantd’adresse, s’assied à terre, et le bâton échappe de, sa main. La,

dans sa pro ’ ure, il; allait souffrir un indigne outrage;mais-le gardi 4 .xporcs, s’élançant’ d’un pied rapide, franchitaussitôt le portique, et le cuir tombe dansa main. En criant contreles chiens. il les filasse avec des pierres nombreuses qu’il lance

deto ’;puisilditauhhéros:- i .x a 0 -d, peu s’en est fallu que ces dogues ne vous dé-

chirassent en un instant, et que vous-me couvriez d’opprobrc, VCependant les dieux me donnent assez d’autres sujets de chagrinet d’amertume; sans cesse je gémis, je pleure surun noble mailtre,’et je nourris avec Soin ses troupeaux, pour-qu’ils soientmangés-par d’autres; lui cependant, privé de toute nourriture,

erre misérablement dans quelque ville lointaine, au milieu depeuples inconnus, si toutefois il respire et.s’il voit encore la iclarté du soleil. Mais suivez-moi, venez dans ma cabane, o vieil-lard, afin de vous-ramier de’pain et. de; vin au gré de vos dé-sirs, et que vousme disiez d’oùvvous êtes,’ et quels sont les maux

que vous avez soufferts. » ’ VEn achevant ces paroles, le noble pasteur conduit Ulysse à la

bergerie; et, l’ayant introduit, il répand des branches épaisses;au-dæ’sus il étend.la peau velue d’une chèvre sauvage, et pré-’

pare une ’couchevaste et commode. Ulysse se réjouit d’étrersi

bien reçu; puis il adresse ces paroles au berger : I -. a Que Jupiter, o mon hôte; et les autres dieux vous donnent

ce que vous désirez, puisque vous m’accueillez avec tant de bien-

veillanœi’» . a . » v’i Alors,’*pasteur Eumée, tu répondis en ces mots :

a Non, il ne m’est point permis de mépriser un étranger, quand -

il arriverait plus misérable que’vous; car les étrangers et les ’

pauvres nous viennent de Jupiter. Notre ofi’rande sera faible; ,mais bienveillante z telle est la coutumc’dcs serviteurs; ils sont

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m moussas.,toujaurs craintifs, surtout quand de jeunes maîtres comman-dent, car les dieux enchaînent le retour de, celui qui me chéris-sait, et qui m’eûtdohuèsans doute une maison. un champ, uneriche épouse, tous le biens qu’un mame bienfaisant accorde acelui qui le servit avec zèle, et dont un dieu fait prospérer-les

travaux, comme une divinité fit truCüfier mes peines leschoses que j’ai surveillées : monvmaltrehm’eût comme derichesses, s’il en]; vieilli dans son palais; maisil est mort leur denous; au! plût aux dieux que toute la famille ŒHélène sur péri

jusque dans sa. source, puisqu’elles ravi le jour à tant de héros!Monhmâltreaussi’, pour Phonneur d’Agamemnon, est allé dansles fertiles plaines d’ilion combattre les guerriers troyens. n.

A peine a-t-il achevé ce discours; qu’il relève sa tunique au-tour de sa ceinture, -et court "a l’étable ou les porcs étalent renl

fermés; ilen prend deux, atlas immole aussitôt; il lespasseàla, flamme, puis les divise en morceauxgi et les perce avec des bro-

ches. Après avoir faithrôtiriles-viandes, il les amorales placedevant Ulysse, encore toutes brûlantes autour des broches ; puisil répand "la blanche farine; alors dans une écuelle de lierre pré-parant un vin aussi doux que le miel, il s’assied en face du hé-

ne, et l’exhortaxit il lui parle en ces mots à , A .I a Mangezmaintenant, cher étranger, ces vianda de pondes-

tine’esaux serviteurs; car’lœ prétendants dévorent les porcs les

plus gras, sans redouter la vengeance au fond de leur âme, etsans concevoir aucune pitié. Pourtant les dieux tommes ne ché-rissent pas les actions impies ,1 mais ils honorent laejlistice et lespieux. travaux des baumes. Les ennemis, les pirates qui dévas-tent une fermietrangère, auxquelsJupiter accorde un riche bu- vtin, après avoir rempli leur navire, serembarquent, et retap-nent dans leur patrie; et pour eux-mêmes une crainte terriblede vengeance s’empare de leur âme. Mais peut-être que ces prin-

p ces savent quelque chose sur la mort funeste de mon maître;i sans doute ils ont entendu la voix de quelque diVinité, puisqu’ilsi ln’aspirent a l’hymen qu’a vec violence, et neveulent point refour-

l mer dans leurs champs; tranquilles, ils dévorent insolemmentv ces richesses sansfleqépargncr. Toutes les inuits et tous-les jOurs i

qui nous Viennent «Inciter, ils ne se contentent pas d’immolerune ou meule âcux victimes; mais, buvant. sans mesure;,ils ont

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CHANT iuv. » mépuisé tout .le vin. A mon maître autrefois appartenaient idegrands biens; a nul des-héros,,soit du fertile continent, soit] d’i-thaque elle-même, lussent-ils vingt réunis, dappartonaientatehti

l de richesses : je vais vous ’en faire ledëtail. Douze troupeaux debœufs sur le continent, lautantde,moutohs, autant d’ëtahlesaporcs, autantde pâturages nauplis de chèvres que l’ont paître desétrangers et les pasteurs de ce héros. Dans cette lle sont encoreonzepaturages de chèvres, qui paissenta fautre extrémité durivage; sur elleslgeillent des bergerspleins deaèle.’ Cependantchacun d’eux estïbbligé de porter tous les jours aux prétendants

la chèvre qui dans ses troupeaux lui parait laplus belle. Moi-mémc, qui garde et qui prends soin des porcs, je choisis toujoursj -

leplus baigneur le leur envever. a i A .Ainsi fluait Ramée; mais. Ulysse mangeait avidement les

viandés, et buvait le .vin enlsilence; cependant il méditait lapente des prétendantsf Quand il a terminé levrepas, et pris lanourriture au me doses désirs, Eumée remplissant la coupe dans

laquelle il avait coutume de boire, la présente au héros pleinede vin: celui-cillareçoit, se réjouit dans sonlcœur, et s’empresse

«redresser ce discours au pasteur : - 1I l « Ami, que! est l’homme puissant et fortuné’qui, trémule vous:

le racontez, vous acheta de ses trésors, et qui, m’avez-vous dit,s’est lui-même’pour la gloire d’Agamemnon? Parlez; ilest possifile que j’aie connu ce héros. Jupiter et les dieux immor-

savent seuls si je lne peurrai pas vous annoncer! ravoir vudans mas voyages; car j’ai parcouru bien des contrées. a ’

. Enme’e, chef des pasteurs, répondit en œsmotsfl- I

a. 0 vieillard, aucunivoyageur venant annoncer le retour demon maltre ne pourrrpmuader l’épouse et le filsichérilde cehéros, car vm’étmngas qui réclament notre secours mentent

légèrement, et ne veulent pas dire la vérité. Tout voyageur quivint dans lthaque futintroduit auprès de la reine, et l’ahuszipardevaimsparoles; cependant elle (hmm-jours un accueil bienveil-lant, et .s’informa soigneusement de chaque chose; puis des lar- ,’

mes tombent de ses paupières, comme il convient à toutefemmc. .dont l’époux périt au loin. Vous-même, ô vieillard, peut-être

’ V0315- Êmaginerezlune fable, pour qu’on vous donne une tunique,

un manteaurdr-s vêlements. Mais déjà les chiens et les vautours

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.190 v Liouvssen.doivent avoir enlevé la peau de ses os 5 mon maltrea perdu lavie; ou bien dans la mer les poissonsont mangé-son-cadavre, etses ossements gisent sur la plage, ensevelis sous un monceau desablez Oui, c’est ainsi qu’il a perdu la vie; il ne laisse après lui

due des douleurssà tous sesyamis, et surtout à moi, car je neretrouverai jamais un si bon maître, enhuèltîue lieu que porte

I mes pas; lots même que je retournerais dans la maison de monpère et de me mère, ou d’abord ils me donnèrent le. jour et m’é-

levèreut eux-mêmes. Ce n’est pas sur eux que je pleure le plus,malgré mon désir de les revoir, en retournant dans ma patrie;

. mais le regret d’Ulysse absent m’absorbe tout entier. Cher étran-uger, j’ose a peine proférer surnom, qubiqu’il’ne soit plus aumilieu de-nous, car il me-Iehériæait, et me soignait du fond, de

son cœur; mais je l’appelle mon père, même en son absence. nl« Ami, reprend lelnoble Ulysse, puisque vous niez toute chose,

et que vous dites encore qu’il ne reviendrapas, c’est que votreesprit’futioujours imrédule; toutefois, je ne vous parle point a’u

hasard, mais je l’atteste avec serment, Ulysse reviendra. Quej’obtienne le pnixde cette (heureuses nouvelle, aussth que deretour en ces lieux il rentrera dans son’ palais; alors vous medonnerez une tunique, un manteau , de superbes vêtements.Mais avant ce jour, malgré mes besoins, je ne veuxrienaceeptér.Il m’est odieux à-vl’égal’des portes de l’Eufer l’homme qu,i,,con-

trahit par l’indigence, profère des paroles trompeuses. .Que Ju-piter, le premier des dieux, en soit tèmŒn, et dette table hospi-

Italière, et ce foyer de l’uTéprochable Ulysse où je viens d’arriver :

ioules ces choses s’ammpliront comme je l’annonce. Dansvle vcourant de cette année Ulysse sera de retour en ces lieur; à la’fln de ce mois, ou lès-premiers jours du suivant, Hareviendra danssa maison, et punira quiconque osa mépriser ici son épouse et

son illustre fils. n I i . ’ ’ ïSage Eumée, tu fis entendre cette réponse z - l i

a 0 vieillard, je n’aurai jamais à récompenser cette heureusenouvelle: Ulysse ne reviendra plus dans sa maison. Toutefois, ,buvez’ en paix, livrons-nous à d’autres pensées, cane rappelez

point ces malheurs à ma mémoire; car dans mon sein mon unes’attriste, lorsqu’on retrace le souvenir de mimi-maître. Aban-dormons aussi les serments; œpendant puisse-HI miam-comme

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CHANT x1v.’ ’ i mje le désire, ainsi quePénéIope, et le vieux Laerte, et le divinTélémaque: Aujourd’hui je pleure sur le sort de cet enfant qu’en-’

gendre le. vaillant Ulysse; puisque les dieux relevèrent commeun jeune arbrisseau, j’espérais qu’entre tous les hommes il neserait point inférieur à son pere , chéri par sa taille,et s’orràdmi-

rahle beauté; mais l’un des dieux,,ou peut-être un’des mortels,

a frappé son esprit plein de sagesse : il s’est rendu dans la divinePylos pour avoir des nouvelles de son. père. Cependant voila queles audacieux prétendants luidressent des embûches à son re--tour, afin que sans gloirejelle sont jamais effacée dans’lthaque,je postérité du noble Arcésius. Toutefois,- eessons d’en parler, soit

qu’il ou qu’il échappe a la mort, s’il est protégé par lamain du fils de Saturne. Mais vous, à vieillard, dites vos propresmalheurs ; racontez-moi la vérité, que je l’apprenne. tout entière.

Qui -. donc êtes-vous? que] peuple venez-vous de quitter? ou sontet votre patrie et vos parents? Sur que] navire êtes-vous arrivé? l

quels matelots vous Ont conduit dans Ithaque? quelleest leurnation? car je ne crois pas que ce soit à pied que vous avez pu

venir en ces lieux. n A , i . .* . 9 Oui, répond aussitôt le prudent Ulysse; je vous dirai toutesmes aventures avec sincérité. Si nous avions. encore pour long-temps de la nourriture et du vin délectable,’ pour goûter a loisir.dans cette demeure les douceurs du: festin, tandis que d’autress’oœuperaient-des travaux, je ne pourrais pas aisément suffire,

durant une"année entière, a vous raconter toutes les douleursde mon âme, tant j’en ai supportérpar la volonté des dieux.

’ ’« Je me glorifie d’être né dam-ria vaste Crète, fils d’un homme

opulent; il eut plusieurs autres enfants, qui naquirent et furentselevés. Idanssamaison, issus de sa légitime épouse. La mère quime donna le jour fut une captive achetée à grand prix ;. mais ,Castor, le fils d’Hylax, m’honorait à l’égal de ses enfants légi-

timer; c’est de lui que jeme glorifie d’avoir reçu la naissance, Lui

qui jadis dans la Crète fut respecté comme un dieu parle peu-ple, à eause’de sa félicité, de ses richesses et de ses fils glorieux. 4

Cependant les inflexibles destinées de la mort l’ont emporté dans

le royaume de Pluton; alors ses nobles enfants divisèrent sonhéritage, et le. tirère’nt’au sert; ils ne m’en laissèrent qu’une

faible partie, etme donnèrent une seule maison. J’épousai, grâce

i 5 cormes.- . 46

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m ’ .L’ODY est a;a mu valeur, une femme issue Œlmmmes opulents; car je n’étaispoint un mortel obscur, un déserteur des batailles, Maintenant gj’ai tout perdu; cependant je crois que si vous regardez lechaume, vous reconnaîtrez la moisson; mais une grande adver-sité s’est emparée de moi. Jadis Mars "et Minerve m’accordèrent

la torse et le courage; lorsque pour une embuscade je choisis:sais les plus vaillants, méditant la perte des ennemis, jamais monnoble cœur ne prévojait la mort; mais armé de me lance, je miè-

lançais le premier de tous pour immo er, parmi les guerriers,quiconque osait m’attaquer. Tel je fus à la guerre; le travail deschamps ne me plaisait pas, non plus que les soins domestùjues.qui nourrissent de beauxenfants. Les vaisseaux dira-Îmes m’étaient toujours chers, ainsi que les combats, etles flèches aiguës , qui paraissent à’d’autres’si tristes et si ter-

ribles. voilà calqui me charmait, ce qu’undieu plaçafdans monsoin; car chaque homme 6st entraîné par dæ soins différents:Avant que les Grecs partissent pour Ilion, neuf fois sur. de ra-pides navires je conâuisis des guerriers chez des peuples étran-gers : tout me réussit à souhait. Je prenais d’abord lameilleurepart du butin, et par-le sortr j’en obtenais beaucoup me; ainsi vj’acerus promptement l’opulence de me maison, et je devinsun.citoyen. puissant et considéré parmi les Crétois. Enfin,ilorsque,le

grand Jupiter nous ouvrit petto route fatale, ou tant de lierasont perdu lavie, on nous força, l’illustre ldoménée et moi, de

’ commander les vaisseaux qui se rendaient dans les chahaps d’1-

lion; nul moyen de s’y refuser, la voix du peuple est terrible.La, nous tous, fils des Grecs, combattîmes durant neuf années, etla dixième, après avoir détruitlla ville de Priam, nousirevinmes

sur nos navires au sein de nos foyers; unldieu lesAchéens. Cependant, malheureux, le puissant JupËerzmep’sel’:

vait de grands maux. Forum un mois seulement je restai dansI nia maison; mu réjouissant avec mes enfants, mon épouse che-

rie, et mes nombreux, trésors; mais ensuite mon ardeur mepousse à naviguer vers l’Egypte, en rassemblant des navires etde valeureux çampagnons; jléouipai- donc- neuf vaisseaux, et

mon armée lut’prompmitrèunie. . . àa Durant .oonipagnons Se livrèrent à la joie des

festins ; jeïleur donnai ne. lmmbreuses victimes pour sacrifier aux.

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CHANT XIV. .133dieux, et pour préparer leur repas. Le septième jour, abandon-nant les rivages de la Crète , nous voguons facilement au Soufflevif .et’pur de Borée, comme sur un courant; aucun de nos vais-seaux n’êprouva de dommages, et’nous tous, pleins de vigueur

et de santé, restions assis sur nos navires, que dirigeaient le ventet. les pilotes. Le cinquième jour nous arrivons à l’embouchurede l’Égyptus au large cours; j’arrétai mes vaisseau arrondis

dans le fleuve. La je décide que plusieurs de mes compagnonsresteront, près du rivage pour garder la flotte; j’envoie les autressur les branleurs observer le pays. Eux, cédant a leur audace,emportés par; trop de valeur, ravagent les fertiles campagnes desÉgyptiens , enlèvent les femmes etrles enfants , égorgent tous les

habitants; aussitôt le bruit s’en répandit dans la ville. Les ci- -toyens, attirés par les cris, arrivent au lever de l’aurore; toute laplaine est remplie de fantassins , de cavaliers , et des éclairs del’airain;. Jupiter, qui se plaît a lancer la foudre, répand uneterreur funeste parmi mes compagnons; aucun d’eux ne peutsoutenir le choc’des assaillants; le malheur les’environne detoutes partsiLes-ennemis tuent plusieurs des nôtres avec le tran-chant de l’ejrainails emmenèrent les autres vivants, pour lesforcer aux travaux. Alors Jupiter suggère à mon esprit cettepensée; mais plutôt que ne suis-je mort, que n’ai-jeItorminomon aux rivages mêmes de l’Égypt’us! car une grande ca-lamité, m’était réservée. Aussitôt je dépouille me tête du casque ,

mes épaules du bouclier, et de ma main je rejette la lance. J’ac-

cours devant le ,char du roi, puis je baise ses genoux, en les tenantembrasses; il me conserva la vie , et prit pitié de moi. Me plaçantensuite son char, il me conduit tout baigné de larmes jus-que dans son palais. Cependant plusieurs Égyptiens armés deleurs javelots, s’élançaient contre moi, brûlant de m’arracher la

vie, car ils étaient vivement irrités; mais le roi me garantit, ilredoutait la vengeance de Jupiter hospitalier, qui surtout punitles actions impies. Je restai la pendant sept années; j’acquis des

biens immenses au milieu des Égyptiens; tous me comblèrent deprésents. Mais quand la huitième année est révolue, un Phéni-cien, habile en tromperies, arrive en Égypte; fourbe odieux, quidéjà par ses ruses avait aux hommes attiré bien des maux ,ret ’

homme, séduisant mes esprits, m’engage a me rendrn en l’hé-

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me L’ODYssErz.nicie, où se trouvaient ses palais et ses richesses. Je demeuraiprès de lui durant une année entière; lorsque les mois et les jourslurent accomplis, et que les heures en se succédant amenèrent laun de l’année, le -Pbéuiçien, méditant: de nouveaux mensonges,

m’embarqua sur univaisseau pour :la Lybie, afin, qu’avec lui jeveillasse sur la cargaison; mais c’était pour me vendre en Cescontrées, et pour en retirerun grand prix. Malgni mes soup-çons, je fus contraint de le suivre sur son navire. Poussé parle souffle vif et pur de Dorée , il voguait en. pleine mer à la hau-teur.de la Crète ;- mais Jupiteravait résolu la nm de tous les a

u A peine avons-nous quitte l’île de Crète, lorsque déjà nous

ne découvrons plus la terre, mais seulement le ciel et l’onde,aloi-s le fils de Saturnerépand sur le navire un épais nuage; lamer est plongée dans les ténèbres. En même temps Jupiter. fait

gronder le tonnerre et lance la foudre sur le navire; il est ren-versé tout entier,’et frappé par les traits de Jupiter, il œt rempli

d’un nuage. de soufre; tous les matelots tombent dans la mer.-Semblnhles à des corneilles marines, ils sont emportés par lesflots autour du navire; un dieu les prive a jamais du retour. Ence moment, quoique souffrant de vives douleurs en mon âme,Jupiter place dans mes mains le long mat du navire , pour’quej’évite encore le trépas. Je llembrasse avec force, et suis emportépar les vents déchaînés..J’erre ainsi durant neuf jours, mais à la

dixième nuit, une vague énorme me jette sur le rivage des Thes-protes. Phidon , héros puissant , et roi de ces peuples, menaçai:sans rançon. Ce fut son fils chérir qui le premier, me rencon-trant accablé de fatigue et de froid, me conduisit dans ses foyers ,et de la main me releva, pour que je parvinsse à la maisonrdeson père; ensuite il me donna des vêtements, une tunique avec

un manteau. . ’va C’est en ce pays que j’entendis parler d’Ulysse; Phidon medit qu’il le reçut et llaccueillit avec amitié lorsque ce hérosse disposait à retourner dans sa patrie; il me montra toutes lesrichesses qu’Ulysse avait acquises : de l’airain, de l’or et du

fer "richement travaille. La se trouvait de quoi ’no’urrir une,famille jusqu’à la dixième génération, tant étaienthnomlireur

les trésors rassemblés dans le palais du roi. Ce prince me [dit

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r:

CHANT XIV. i 185encore qu’Ulysso. était allé dentela forêt de Dodone pour écouter J

l’oracle du chêne élevé de Jupiter, et savoir. s’il retournerait, 3

aprèslune si longue absence, dans le pays d’lthaque , ouverte-ment’ou bien en secret. Enfin..le roi Phidon me jura, lorsquenous faisions des libations dans son palais, qu’il’venait d’équiper

un navire, et que déjà les matelots étaient prêts pour ramener .’V’Ulysse dans sa patrie. Pour moi cependant, il me renvoya le pre-

mier; car par occasion un navire’de navigateursthesprotes serendait au riche pays de Dulichium. Il "leur recommanda donc.soigneusement de me conduire auprès du puissant Acaste; maisceux-ci méditèrent contre moi les plus affreux desseins, et jedevais atteindre le comble du malheur, Lorsque notre navireest loin de la terre, ils décident aussitôt de me livrer à l’escla-vage; ils me dépouillent de mon manteau, de ma’tunique, demes vêtements, et ne me laissèrent que ces vils haillons, cette Ltunique déchirée qui frappe maintenant. vos regards. Vers lesoir ils arrivèrent aux champs de l’heureuse Ithaque; alors ilsm’attachent avec de forts cordages dans l’intérieur du navire.eux descendent sur les bords de la mer pour prendre le repas.Cependant les dieux-mêmes brisèrent aisément mes liens; aus-sitôt, couvrant ma tête de ces haillons et me laissant glisser lelong du gouvernail, je m’étends sur les flots, puis de mesdeux mains nageant avec effort, je parviens à m’éloigner de cesperfides. La gagnant le rivage, à l’endroit’où la forêt (le-chênes

avait un épais feuillage, j’y restai caché. 4[.esThespr0tes erraient

de toutes parts, en soupirant avec amertume, car ils virentbientôt qu’il ne leur était pas profitable de rechercher davan-

tage; alors ils se rembarquent de nouveau sur leur navirearrondi. Les dieux mêmes me cachèrent aisément , et me con-duisant, ils m’ont amené, dans l’humble cabaned’ un homme pru-

dent; ainsi mon destin est de vivre encore. n *Tu répondis en ces mots ,v sage Eumée :« Malheureux étranger, combien vous avez touché mon âme

en me racontant avec détail tout ce ’quevvous avez souffert etcombien vous avez erré. Mais je ne crois pas que vous ayez toutdit avec sincérité ;. vous ne m’avez point persuadé quand vous I

avez parlé d’Ulysse. Pourquoi fautril, on l’état où vous êtes ,

mentir si légèrement? Je sais très-bien ce que je dois penser du

’ 10.

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O

me L’ourssEE.retour de mon maître , lui que tous les (lieur ont pris en grandehaine , puisqu’ils-ne Pont pas fait périr au milieu dés,Tnoyens.ou bien entre les bras de ses amis, après avoir. termine laguerre. Du moins alorstous les Grecs auraient construit,unetombe en son honneur, et sonlflls eûtjouî d’une gloire immenseà l’avenir. Mais maintenant les Harpyes l’ont enlevé bouteu-

,sement.j Depuis ce temps, je vis à l’écart au milieu de mes trou-peau: ; je ne vais point à la ville, à moins que la sage Péné-

’lope ne m’engage a m’y rendre, lorsque arrive quelque nouvelle.

Alors tous rassembles interrogent remanger, et ceux qui gémis-sent sur l’absence du héros, et ceux. quise réjouissent en de:vorant son héritage. Mais je ne désire plus m’enquérir de rien ,ni questionnerpersonne, depuis qu’un Étolien m’a trompé par

ses discours; s’étant rendu coupable dlun meurtre , après avoirerré longtemps, il vint dans me demeure ; moi, je l’accueillisavec amitié. Ce voyageur me disait avoir vu dans la Crète , au-près dfldomenée, UlysSe réparant ses vaisseaux, que: les tem-pêtes avaient fracassés ;.il.ajoutait que verste fin de l’été sans

doute, ou du moins pendant Vautmnne; celprinœ reviendrait danssa patrie , ramenant de nombreuses richesses ,v avec ses valeu-reux compagnons. Vous donc, ô vieillard infortuné , puis-qu’un dieu vous a conduit près de moi , ne me trompez paspar des mensonges, ne flattez pas ma douleur; ce n’est pointparde tels moyens’que je vous honorerai, que je vous chérirai rda-

vantage, mais parce (me je respecte Jupiter hospitalier et quej’ai compassion. de veus. a) .

« Certes , reprend Ulysse , votre âme est bien incrédule, puis-qucg’malgré mes serments, jelne vous persuade pas. Eh bien,faisons maintenant un traité; dans’l’avenir les-dieux habitantsde l’Olympe seront nos témoins , à tous les deux 1 si votre maître

revient dans son (palais, vous me donnerez une tunique ,« unmanteau, de riches vêtements, et me renverrez à Dulichium , oùtendent tous mes vœux ; mais si ce prince ne revient pas, commeje vous l’annonce, vous ordonnerez à vos bergers de me préci-

. piter du haut de cette roche élevée, afin-qu’à l’avenir tout voya-

geur tremble de vous tromper. » , . ,Il a Étranger, lui répondit le noble pasteur, .ïobticndrais’unebelle réputation de gloire et de vertu parmi les hommes, mainte-

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y-çnam xw; . 137nant et dans l’avenir, si-tmoi, qui vous reçus dans "me maiSOii,qui vous offris les. dons de l’hospitalité, j’allais vous immoler,

vous arracher la vie,»et puis tranquillement adresser mes, vœuxà Jupiter, le. au de Saturne. Maintenant voici l’heure du repas :bientôt mes bergers vont rentrer, afin que nous préparions’da’ns

cette demeureunléger a, I l ’ - -C’est ainsi qu’ils s’entretenaient ensemble; cependant les

ports et les pasteurs rentraient a la bergerie. Las serviteursrenferment les troupeaux pour dormir dans leur étable ;*bientôts’élève le bruit confus des porcs, (luise pressent sous leur. toit.

,Alors le divinlpaslteur dit à Ses compagnons : *i a Amenez" le plus beau porc pour l’immoleri a l’étranger

voyageur; nous-mêmes participerons à cerepas,nousqui sûuimee .accables de chagrins, et qui nousfatiguons à fanefpalm cestrou- ’peaux; mais d’autres dévorent impunémentle fruitde nos labeurs. »

I En achevant ces paroles, il divise le bois avec le tranchant de ILl’airain;.les bergers amènent un beau porc, âgé, de cinq ans;ils le’placent près du foyer. Eumée n’oubliez point les dieux,car il était doué d’un esprit rempli de’sagesse; et d’abord, cou-

pant’læ soies sur la tète du porc aux dents éclatantes, il les jette -dans le feu; puis il demande àï’tous les immortels que lesage

Ulysse revienne dans sa maison. Sunle’vant alors une branchede chêne, qu’il avait mise a part en coupant le bois , il frappe leporc; l’animal tombe sans vie. Las bergers l’éventrent, etle pas-

senta la flamme; puis ils le dépècentaussitOt. Le pasteur, com-mençant par les membres , enveloppe de toutes’parts ces mor-crus dans une graisse épaisse ; ensuite il jette une partiedansla flamme; en y-répandantJa blanche fleur de farinezll coupel’autre partie en morceaux , les bergersfil’es percent avec desbroches, les iront rôtir soigneusement, et retirent toutes cesviandes; puis ils placentdsur des tables les morceaux rassemblés.Alorerumée se lève pour les distribuer; car la justice règne enson âme. Il en liait-sept portions; il en place une pour lesnym-plies et pour Mercure, fils de Maïa , qu’il implore, et donne les

autres parts à chacun des convives; mais’”il honore Ulysse en lui

rèservmt le large destin sanglier aux dents éclatantes; il com-ble ainsi de joie le cœur de son maltre. Alors le sage Ulysse luiparle en ces mots :

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188 g Li’ODYSSÉE"«’Puissiez-vous. Eumée , être chéri du grand Jupiter comme

de moi-même, ô vous qui, dans l’état ou je Suis, m’honorez par"

voshienfaits! il . j ’ . ’ V 2 ” iNoble chef des" pasteurs, tu répondis en- ces mots: .a Mangez, Étranger malheureux , et réjouissez-vous. de res

dons, tels qu’ils vous sont offerts. Dieu donne et ravit ces biens

selonfsa’volonte; car il peut tout, a , V ’ I , Vw .Il dit ,let sacrifie ami immortels les prémices du repas; aprèsavoir fait les libations d’un vin pur, il remet’la coupe aux tmains du belliqueux Ulysse; celui-ci s’assied devant la portion

qui lui fut destinée, Mésaulius leur.distribue letpain, lui que le lchef des pasteurs avait acquis durant l’absence du roi, sans »

(le secourras Pénélope ni du vieux Laerte; il racheta des Ta-. phiens. et le paya de ses propres richesses. Cependant lasson-

vives étendent les mains vers les mets qu’on leur a, servis. Quand

ils ont chassé la»faim sua soif, Mésaulius enlève le pain flous,abondammentzrassasiés de pain et de viandefvohtïensuite-se’

livrer au sommeil. fi ’ iCependant Survient une nuit froide et ténébreuse; et pen-dant toute cette nuit Jupiter fit pleuvoir; le Zéphyr, toujourscharge de nuages, soufflait avec violence. Ulysse alors s’adresseà ses hôtes,’voulanteprouver si le pasteur lui-donnera son man-teaupour la’nuit, ou s’il engagera quelqu’un- de sesxœmpagnonsà se’depouinei, car. Eumée’avait pris grand soin de lui’; I

« Écoutezvmoi maintenant , Eumée, et vous, sescompagnopsfidèles (peut-être parlerai-je en me glorifiant :le vin fait naître lafolie; il excite le sage lui-même a chanter, a rirevavec délices, il -l’entralne au milieu des danses, et l’engage à proférer des paroles

que peut-être ilueut eté’mieux de ne pas dire. Mais puisque ’les premiers mots sont échappés,- je ne veux plus rien taire. Ah!

v que ne suis-je encore à la flenr’de l’âge, que n’ai-je encore me force

tout entière , comme en cajouriqù nous dressâmes une embus-cade’sous les murs d’llion! Ulysse et Ménélas conduisaient l’en-

treprise; moi, le troisième, je commandais avec eux; ces héroseux-mêmes le décidèrent. Lorsque -nousïsommes arrivés près de ila ville aux remparts élevés, nous pénétrons dans d’épaisses

broussailles autour de la citadelle, et, tapis sous nos armes; nousfestons cachés parmi les joncs d’un marais; bientôt arrive, au

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CHANT xw. msoufflerie Dorée, une nuit affreuse et glaciale; du haut des airsune neige’serréetombait comme du givre ;.nos boucliers étaientcouverts d’un épais (rishi: fous les autres guerriers, enveloppés

de leurs tuniques et de leurs manteaux, dormaient paisiblement,- le bouclier sur l’épaule; moi seul en partant avec mes comme!

gnons j’avais imprudemment laissé mon manteau, ne pensantpas qu’il ferait aussi froid; parti n’ayant que; mon bou-clier et ma tunique. Mais lorsque furent passés les deux tiers dela nuit; et,que les astres déclinaient, m’approchant d’Ulysse, je le

pousse avec le coude, et soudain il prête l’oreille a me voii : .a Noble fils de Laerte, ingénieux Ulysse, lui disais-je, je ne

serai pas longtemps encore au nombre des vivants :ile froid m’ac-cable, car. jetn’ai pointde manteau. C’est un [dieu qui m’a

trompé sans doute en me laissant venir ici couvert d’une simpletuniqùei, et maintenant jen’y vois plus de remède. n

a Je parlais ainsi ; mais Ulysse conçoit aussitôt un dessein dans

son aine; car ce héros savait à la fois conseiller et combattre;aforsa voix basse il me dit desmots i: V .’ « Silence, de peur que quelque autre des Grecs ne t’écoute. in

a Ensuite, appuyant sa tète sur son bras, il nous adresse a

tousœdiscours: ’ü’ - . , 5 -a Écoutez, mes amis, un songe divin m’a frappé durant mon ’

sommeil. Nous-sommes bien éloignés des vaisseaux a que l’un devous aille dire au fils d’Atrée ,I au divin Agamemnon ,’ pasteur des

peuples , qu’il engage un plus grand nombre de guerriers à venir

en ces lieux loin des navires: - I la ’A ces paroles, Thoas, fils d’Andrémon , se lève promptement,

U jette a terre son; manteau de pourpre, et, s’élance vers les vais-seaux; et moi dans le vêtement de cehéros je repose avec joie.Mais bientôt brilla racinée sur son trône d’or.

a Ah! que n’ai-je encore la même jeunesse, q’ue n’ai-je ma

I force tout entière! sans doute l’un de ces bergers me donneraitson manteau dans cette humble demeure, et serait à la fois plein

.de respect et d’amour pour un.vaillant guerrier; mais mainte- -nant ils me méprisent, parœ que de vils lambeaux couvrent

mon 00.115. n . . * . ’’Eumée , ehefdes pasteurs , tu répondis en. ces mots : .u Sans daine, ô vieillard, elle est ingénieuse la fable que vous

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190 - L’ODYSSÉE.venez de raconter, etje vois bien que vous ne proférez jamaisdes paroles inconsidérées; mais vous ne manquera ici mainte-nant ni de vêtements ni de toutes les choses que réclame denous un suppliant étranger; seulement demain des l’aurore vousreprendrez vos pauvres habits. Nous ne possédons pas plusieurs

rmanteauxrhet nous ne pouvons.j)as changer de tunique. Maisquand le (ils d’Ulysse sera deïretour, il. vous donnera lui-mêmeune tunique , un manteau , des vêtements , OUVÔIÎS fera conduiredanslç pays ou vous désirez Vousre’ndrefi n .

.En achevant ces mots , il se lève ,’ et prèsp’du foyer prépare un

lit, sur lequel il étend des peaux de chèvre et de brebis : c’estla que repose Ulysse; enfin Eumée lui donne un ample manteau,dont le pasteur se revêtait quand survenait un hiver rigoureux.

Ainsi dans cette cabane Ulysse goûte le sommeil, et prés delui s’endorment les jeunes bergers; mais il hammam pas auchef des pasteurs de coucher en ces lieux, et de dormir loin deses troupeaux, i1 prend donc ses armes pour s’éloigner de sa de-

meure : Ulysse se réjouit des soins que donneEumée à la bergerie,mêmeen l’absence de son mettre. Le pasteur suspend un glaive

a ses fortes épaules; il revêt une épaisse tunique, impénétrable

A aux vents, et se couvre de la peau velue d’une chèvre sauvage;puis il saisit une lance aiguë ,.l’effroi des chiens et des voleurs."Alors il va se coucher à l’endroit où reposaient ses troupeaux ,

dans une grotte profonde a l’abri du souffle de Borde. .æ

CHANT xv;- annulaient: TÉLÉMAQUE AUPRÈS D’EUMÉE.

. pependant Minerve se rendit dans la vaste Lacédémone pour.. suggérer le retour au- noble fils d’Ulysse et bitter le départ. Elle

trouve Télémaqueet l’illustre fils de Nestor couchés sous le par,

tique du (glorieux Ménélas. Pisistrate était plongé dans un pro-. fond sommeil; mais Télémaque ne pouvaitâgoûter lesdouceurs

du repos, et dans son âme durant toute la nuit la,pensée de

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CHANT xv. unson père le tenait éveillé. La déesse alors slapproclie du héros, et

lui parle en ces mots ;’ i - .u « Télémaque, il ne faut pas rester davantage éloigné de vos

demeures], abandonnant vos richesses, et laissant dans votrepalais ces hommes si pleins d’audace; de peur qu’ils ne dévorent

tout votre héritage, en se partageant vos biens, et’.que vous In’ayez fait un voyage inutile. Engagez donc le vaillant Mènélas

a vous renvoyer promptement, afin de retrouver encore chezvous votre mère irréprochable. Déjà son père et ses frères lapressent d’épouser Eurymaque, lui qui l’emporte sur tous lesprétendants par les plus riches dons , et qui promet’la plus fortedot; craignez que, malgré vous, quelque trésor ne soit enlevéde votre maison. Vous savez quelle est la pensée d’une femme;toujours elle veut augmenter les richesses de celui qu’elle épouse,et ne seressouvient plus ni du mari qu’elle aima dans sa jeunesse, l

. ni de ses premiers enfants], elle ne s’en inquiète plus. Vous , ce-pendant, des votre arrivée confiez vos richesses à celle de vos

. esclaves que vous croirez la plus fidèle, jusqulà ce que les dieuxnions accordent une épouse vertueuse. Je dois vous donner encore

i un sage conseil; gravez-le dans votre âme. Les plus illustresparmiles prétendants ont dressé des embûches dans le détroitd’Ithaque etde la sablonneuse Saine, désireux de vous immoler

avant quepvous arriviez dans votre patrie. Mais je ne crois pas Iqu’ils accomplissent ce projet; la terre auparavant engloutiraquelques-unssde ces fiers prétendants qui dévorent votre.lieri-.tage. Toutefois, dirigez votre vaisseau loin des îles, même en na-.viguant pendant la nuit; la diviniteïqui vous défend et vousprotège fera,souftler pour vous un vent propice. Basque vous’toucljierezsau premier rivage d’Ithaque, envoyez votre navireet vos compagnonsïau port de la ville; mais vous, allez trouverlevchef des pasteurs, qui veille-avec soin sur vos troupeaux,et qui conçoit pour vous des desseins favorables. (Test la quevous passerez la nuit; vous renverrez ensuite annoncer aPénélope que vous êtes plein de vie, et que vous arrivez de

Pylos. » ’ lAyant achevé de parler,lla déesse revole dans l’()lympe-, alors

Télémaque arrache le fils’de Nestor au doux sommeil en le tou-

chant du pied, et lui dit ces mots c v

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m voussés.a Réveille-toi ,- cher Pisistrate, attelle’promptement à notre

char les rapides coursiers, afin de nous. mettre en route. n j ,«Cher Télémaque, répond le fils de .Nestnrnil n’est pas p05-

sible , quoique, nous soyons impatients du départ, de voyager -durant cette nuit obscure; bientôt l’aurore va reparaître. Reste

-donc en ces lieux jus’qu’à ce que Ménélas, fils d’Atrée, apportant

g les présents, les dépose sur le char, et qu’au moment du départil t’adresse de doucespargles. L’étranger sa ressouvient tous lesjours avec joie de l’hôte bienveillant qui le combla d’amitié. a

Ainsi parlait Pisistrate , et bientôt l’Aurore brille sur son trôned’or. Cependant Ménelas se rendit auprès de ces jeunes héros ,Îen

abandonnantsa muche, et s’éloignant dŒéIène à la belle cheve- ’

lare. Sitôt que Télémaque reperçoit, il s’empresse de revêtir une

. tunique éblouissante , et 1e héros jette sur ses épaulés un largemanteau;.puis,’sortant aussitôt,’Télémaque, lefils chéri du di-

vin Ulysse,.s’arréte devant Atride, et lui dit : ’ j Ia 0 Ménélas, enfant de Jupiter et chef dépeuples, renvoyez-

moi maintenant aux terres de la patrie, car tout mon estde retourner dansmes foyers. a . a

le valeureux Ménélas répondit alors : h .u Télémaque, je ne vous garderai pas davantage, puisquevous

désirez le retour; je blame à la fois et l’hôte qui’montre un em-

i pressement sans mesure et l’hôte trop indifférent; de justes égards

sont toujours préférables. ll est également injuste de repousserl’étranger qui ne veut point s’éloigner et d’arrêter qui veut

partir. il faut accueillir l’homme qui Se présente , et-lç renvoyerquand il le désire. Toutefois, restez jusqu’à ce que j’apporte les

jriches présents et que je les dépose sur le char, afin’que vous

I les voyiez de vos propres yeux. Je vais ordonner aux femmes depréparer le repas dans mon palais, où régue’l’abondance. Votre

gloire, l’éclat de votre rang, vos .besomsimème, exigent queI vous participiez à nos i festins avant d’entreprendre une aussi

longue route. Si vous désirez parcourir la Grèce, pénétrer jusque

dans Argos, je vous accompagnerai moi-même en ce voyage ,j’attellerai mes coursiers, et vous conduirai dans les villes qu’ha -

bitent les héros; nul ne vous renverra .sans honneur, chacund’eux-au contraire’vous dOnnem’quelque présent, soit un trépied

’ d’airain, soit un bassin, ou deux mules,ou bien une coupe d’or, »

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q C H Â N T X V . 193id Divin Ménélas , reprend Télémaque , je désire. maintenantretourner dans mes domaines; car empattant je ne laissai’per-

sonne pour prendre soin de mes richesses, etje crains, en cher-chant mon noble père, de succomber moi-même, je crains quede mes demeures quelque trésor précieux ne soit enlevé. n" é. Après. avoir entendu ce discours , Ménélas ordonne à son.épouse, qu’aux femmes qui la serrent, d’aller préparer le

festin dans son palaisyoù règne l’abondance. En.ce moment,Étéonèe, fils de Boéthès, s’arrachent au sommeil, arrive auprèsdu héros, car sa demeure n’était pas éloignée. Ménélas lui com- "

mande auæitOt d’allumer le foyer stade faire rôtir les viandes ; leserviteur; après avoir entendu cet ordre , se hâte d’obéir." Cepen-

dant le roi descend dans une chambre remplie de parfums; iln’est point seul, Hélène et Mégapentbe s’y rendent avec lui. Dés

.qu’ilssont-entrésen ces lieux, où’sont déposés les trésors, Atride

prend une large coupe, et dit «a son fils d’emporter und’argentzllélène s’arrête devant des coffres précieux, qui-renfer-

maient de superbes voiles qu’elleemérne uvait tissus. Cette femme

divine choisit-le plus’grand et le plus riche en broderies, quibrillait comme un astre éclatant; lise trouvait au-dessous desautres. Tous les toistensuite s’empressent de traverser le palais.et dose rendre prés de Télémaque; alors le blond Ménélas lui .

’parleencesmols: A ’ ” I’. la Télémaque , ce retour que désire. votre cœur; puisse l’accom-

plir Jupiter, le formidable époux de Junon .t De tous les dans qui

parmi mes trésors reposenbdans mon palais, je vous donner-aileplus précieux et le plus beau. Je veux. vous donner un cratèresoigneusement travaillé; le fend est tout d’argent, mais un orpur en couronne les bords; c’est un ouvrage de Vulcain; je lereçussdu valeureux Phédime g roi des Sidonîeus , qui dans sa mai-son . m’offrit un asile , lorsque ’je revenais en ces lieux : tel est le

riche présent que je veux vous offflr. a i a ’ * ,Aussitôt le fils entrée lui remet la coupe arrondie ne vigou-

reuledégapenthe place aux pieds du héros le cratère d’argent;

la belle. Hélène s’avance, tenant le voile dans ses mains: ellenomme Télémaque, et lui ’dit ces mots z

a Je veux aussi ,’ mon cher fils, vous donnerai voile, monu-V ment du travail d’llélène , pour qu’à l’heure désirée du mariage

v 47’

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m moussais;vous le donniez a votre épouse; jusque alors;.qu’il repose dansvotre maison , gardé’par votre mère chérie; vous cependant,heureux, de mon souvenir , retournez dansvotre belle demeure

aux champs de lalpatrie. n- I ’ V. Elle dit, et remet le voile aux mains du héros , qui le reçut.

avec joie. Aussitôt le noble’Pisistrate enlève les présents, les ren-

(erlne dans une corbeille, contemple avec admiration toutes cesrichesses. Ménélas conduit ensuite les héros a son palais; tousles deux s’asseyant sur des trônes.’Une servante, portant l’teau

’ dans une belle aiguière (l’or, la verse dans unÎ bassin, pourrqu’ils

lavent leurs mains; puis elle place devant eux une ,table polie.L’intendante du palais y dépoæ le pain et des mets nomhreur ,

en y joignant ceux qui sont en réserve. Le me de Boéthès par-tage les viandes, et distribue les parts; maisç’est le filsde l’il-lustre Ménélasiqur verse le vin. Alors les convives étendent lesmains vers les mets qui leur fluent servis. Quand ils’ont chas!la faim et la soif, Télémaque et Pisistrate attellent les’chevaux.

et montent sur le char Superbe; ils s’éloignent du vestibule et duportique retentissant.- Cependant le blondMénélas, fils entrée,

les accompagnait tenant dans ses mains une coupe d’or’rempliod’un ’vin plus doux quelle miel, afin qu’en partant ils fassent les

. libations; il s’arrête devant les coursiers, et présentant la coupe

à ’ses noies, il leur dit : , . -«Salut , jeunes princes, saluez .auæi, Nestor, pasteur des peu.-

ples; il me fut toujours bienveillant comme un père , tant quesouslesmurs d’llion combattirent les.nfants dés Grecs. n "

Télémaque auséitôt répondit en ces mots :- ’ p« Oui, sans doute, noble enfant de Jupiter, comme’vous l’or-

dounez, nous redirons toutes ’vos paroles en arrivant à Pylos;que ne’puis-je de même , a mon retour dans lthaque, trouvant-Ulysse en sa demeure, lui dire que j’arrive après avoir obtenuvotre amitié tout entière, et que même je rapporte des présents

nombreux et magnifiques. )) * A é UA peine a-t-il achevé de parler, qu’à sa droite s’envole un

aigle, emportant dans ses Serres prie oie blanche d’une énormegrosseur, oiseau domestique qu’il enleva du milieu d’une cour:

’leshonlmeset les femmes le poursuivaient à grands cris; mais,s’approchant toujours à la droite des princes, il passe devantles’

r

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l CHANT xv i 195chevaux; à cette ’vue les deux héros se réjouissent, et l’espé-

ranœ renaît danstousllescœurs. Alors Pisistrate, fils de Nestor, ’

se hâte de parler en ces mots : j * 4 , 4 -a Voyez, noble Ménélas, chef des peuples, si c’est à nous qu’un

dieu montre ce prodige, ou bien à vous-même. l»Il dit; le belliqueux Atride’médite un instant, afin de. ré-,

pondre d’une manière plus convenable. Cependant Hélène le

prévient, et fait entendre ces paroles : - ’’« Écoutez-hlm : je vous prédiraiÏles oracles comme les dieux.

lés ont placés dans men. sein, et comme ils s’accompliront, jepense. De même que cet aigle vient d’enlever une oie engraisséedans une maison , en s’éloignant des montagnes, séjour de sa

é naissance. etde sa prospérité; de même Ulysse, aprèsavoir beau-

coup-souffert et beaucoup erré , reviendra dans sa maison , et’sevengera ; déjà,peut-étre est-il chez lui, déjà peut-être préparât-il

la mort a tous les prétendants; a . i p V ’ "v « Puisse, méprend à l’instant Télémaque, puisse le formidable

Jupiter accomplir cet oracle! et je jure de vous implorer dans mapahiecômmeunedivimté.» Ï A ’. Ç i V

Il dit , et du fouet soudain il frappe ses coursiers; ceux-ci tra-versent rapidementlla ville, et s’élancent dansvla campagne;durant tout le jour ils agitent le joug qui les rassemble; l

Lorsque le soleil disparaît, ét que les ombres couvrent les rou etes , ils-arrivent à Phére, dans la demeure de Dioclée ,1 fils d’Or-

siloque, issu lui-même du fleuve Alphée. C’est enlces lieux queTélémaque et Pisistrate passent la nuit, et qu’ils reçoivent une

généreuse hospitalité. l I . , ’Le lendemain, des que brille l’aurore matinale, ils attellent les ,

coursiers, montent sur le char magnifique, et franchissent leportique retentissant; Télémaque presse du fouet les chevauxrapides, ceux-ci volent sans effort dans la plaine. Bientôt après .ils arrivent à la vaste citadelle de Pylos ; alors Télémaque adresse

ce discours au fils de Nestor : ’a Pisistrate, voudras-tu me promettre d’accomplirce que je

te vais dire? Nousnous honorerons à jamais de reconnaîtrecette hospitalité formée par l’ancienne amitié de nos pères; d’ail-

leurs nous sommes du même âge , et ce voyage même nous réu-niraiplus encore par une douce intimité. No m’éloigne point de .

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a

i 96 L’ O D Y S S E5mon navire, noble enfant de Jupiter, et permets que je m’arrêteici; de peur que le vieillard, désireux de m’accueillir, ne me

h retienne malgré moi dans son palais; il me faut retourner en

toute hâte. » - , l «. pIl dit, et le fils de Nestor réfléchit en son âme nomment’il ac-

complira ce que désire Télémaque. Voici le dessein qui dans sapensée lui semble préférable; ilfdirige ses marxien-1 ver-ale naviresur le rivage de la mer; ensuite il dépose près de-la poupe tousles dons précieux ,’ l’or et les vêtements qu’avaitdonnès Mené-

lash; puis, exhortant Télémaque à partir : V Î .a Hale-toi, lui dit-il, deimontersdans le navire, donne des

ordres à tous tes compagnons, avant que je retourne à la mai-son , pour annoncer œbte nouvelle au vieillard. Car voiciee que .je sais dans le fond de mon cœur :"son âme esttellementrgéné-reuse, qu”il ne te laisserait point partir, etlui-méme viendrait sur

ce rivage pour te solliciter; je ne crois pas que tu partisses sansrecevoir ses dans , peut-être même va-t-il s’irriter avec violence. n

Pisistrate en achevant ces paroles-dirige ses, chevaux à la flot-tante vers la ville de Pylos , et. se rend aussitôt a savie-

Lmeure.’ Cependant, Télémaque excitant ses compagnons lœr

donnecetordre: a . I ia Mesamis, disposez les agrès du vaisseau; mentons-w nous-

mèmes, hâtons-nous de partir. a ., * l . ..A- peine ont-ils entendu ces paroles, qu’ils s’empressent du

bèir. Ils montent dans le navire, et se plaœnt sur les bancs.Télémaque, après avoir terminé les préparatifs, implorait et

faisait un sacrifice à Minerve vers la poupe du navire : alorsdevant lui se présente un homme arrivant d’un pays lointain,et, fuyant la terre d’Argos, pour avoir commis un meurtre.C’était un devin ; il était de la famille et descendant de Mélampe,

- . qui jadis vécut à Pylos, féconde en troupeaux. Comblé derichesses , il habitait parmi les Pyliens un superbe palais; mais

. par-la suite il arriva chez un autre peuple, fuyant Sa patrieet le terrible Nélée, le plus illustre des hommes, qui lui ravitde grands biens, et le retint par violence pendant une année.Durant tout’ce temps Mélampe, dans les demeures. de Puy-Alacus, fut accablé de liens pesants, et soumit dfamères dou-leurs à cause de Néléeret d’une pensée funeste que lui Suggéra

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CHANT xv. (:97Ilimplacable déesse Érinnys. Cependant .Mélampe évita la mort;

il conduisit de Phylace àiPylos les bœufs mugissants , se vengeades cruels traitements du vaillant, Nélée, et mena dans la de-meure de son-frère une jeune épouse. , Lui se retirapChez unpeuple étranger, et vint dans Argos, féconde en coursiers; car ,son destin était d’habiter onces lieux, pour régnerisur les nom-

breux Argisns. c’est la qu’il choisit une épouse, qu’il bâtit un

superbe. palais; et-qu’il eut deux fils vaillants, Antipbate" etMan-tins. Antipbate engendra’le magnanime Giclée; d’Oïclée naquit

Amphiaraüs ’,- sauveur des peuples, lui qu’Apollon et le puissant;Jupiter chérirent avec excès et comblèrent de toutes sortes desoins; mais il n’atteignit point au terme d’une longue vieillesse ,et mourut devant Thèbes,’à cause des «présents qu’aœeptaa’son

épouse. De lui naquirent deux fils,lAlcméon avec Amphiloque.Mantius, l’autre fils de Mélampe, engendra l’olyphide et Glytus;l’Aurore au trône d’or enleva Cl’ytus à cause de sa beauté , pour

qu’il habitât parmi’les immortels. Apollon rendit Polyphide un

devin celâtes, et le, plus habile de tous les mortels depuis letrépas d’Amphiaraüs; Polyphide, irrité contre son père, se retira

’ dans 111W , et résidant en ces lieux , il prédisait l’avenir à

tous les hommes. " ’ 4’ I -(le-fut le fils de ce devin (son noms était Théoclymène) qui

dans ce moment s’approcha de Télémaque; il trouva le hérosfaisant desilibations et priant sur son léger navire; l’étranger,

cadreæant à lui, fait entendre ces paroles : I I ’ ,a Ami, puisque. je vous rencontre offrant un sacrifice en ces

lieux , je vous en conjure par ces holocaustes; et par la divinitéque vous implorez , plus encore par votre tète et celles des corn-pagnons’ qui veus ont suivi , dites-mm la vérité , ne métrom-

pez pas: qui êtes-vous? quelsepeuples venez-vous de quitter?quels contrat votre patrie et vos parents? na É p I :lui répond aussitbt Télémaque , je vous parleraisans suis ne dans lthaque, Ulysse est mon père; dumoins il le fut autrefois, mais maintenant il a péri d’une mortqdép’orable. Cependant je suis venu sur ce navire avec mes coni-

pagnons pour apprendre aujourdihui le sort de mon père absentdepuisilongtemps. » " ’ j v - K ’

Le devin Théoclymène reprend en ces mols :n. -

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.93 L’OD,YSSÉE.. .« Moi de même, j’ai quitte ma patrie pour avoir tué llun de mes

concitoyens; ses frères, ses amis,.dans la fertile Argos, ont unegrande puissance sur les Achéens. Ainsi donc je fuis loin d’euxpour éviter un trépas funeste; mon destin est maintenant .d’errerparmi,’lcs hommes. Mais reœvezémoi sur votre mais , puisque

je vous imploreidans ma fuite, de peur qu’ils ne me tuent ; car

je crois qu’ils me poursuivent. a" , - I ’« Non, sans dents, s’écrie Télémaque, non, je ne vousrepous-

serai point de mon vaisseau,- puisque, vous désirez m’accom-

pagner; suivez-moi, je veux vous accueillir et vous otîrir tout

ce que nous avons. r ’ j , *- . cen finissant ces paroles, il prend la lame de remanger, etladépose sur le.tillac duglarge navire; puis il rainonte dans le vais-seau prèt à sillonner les ondes, et s’assied vers la proue; Théo-clymène se place auprès de lui; les matelots alorsdélient les cor-dages; ’ Télémaque excitant ses compagnons leur commande dedisposer les agrès; eux obéissent en toute. haie. Ilsèlèvent, lemât, le placent dans le largecreux qui lui sert debaseçllassu-jettlssent encore. avec des câbles, et déploient les blanches voiles ’

que ,dæ ’ courroies tiennent étendues.’ La puisantc Mùierveleur envoie un vent favorable, qui’soutfle avec violence du hautdes cieux, afin que le navire sillonne rapidement Peau salée delamer. Ils partent aussth en côtoyant les parages de .Cruneset du

limpide Chalcis. . À I ’ a.. Bientôt le soleil se couche, et les ombres couvrent les routes;le vaisseau côtoie les rivages de Plhéa , poussé par. le souffle de

Jupiter, et passe près de la divine Élide, ou règnent lesÉpèens,

Télémaque dirige ensuite’sa course vers les iles; songeant avecinquiétude s’il évitera la mort, ougslil æra pris panses ennemis.

Pendantce temps, Ulysse et le chef des pasteurs prenaient Iorepas du soir; avec eux soupaient aussi les autres bergers. Lors;qulils ont chassé la faim et la soif J Ulysse leur adresse un disncours pourjéprouver le pasteur, et savoir s’il veut constammentPaccùeillir encore,vlîengager arester,dans sa bergerie; ou bien le

renvoyerà la ville. Il - . « A " . ’« Écoutez-moi, dit-il, cher Euméè, et vous tous ses compa-

s gnons : demain dès l’aurore je désire aller mendier par la ville,alin de ulétrc pointa charge à vous ainsi quia vosbergers. Cc-

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D

CHANT KV. 199pendant conseiller-moi bien, et me donnez en même tempsunsage guide .quime conduise ennces lieux; forcé parla nécessitéd’errerdans la ville,.pei1t-ètre quelqu’un m’accordera-t-ii une

coupe avec un peu de pain. J’irai dans.le palais d’Ulysse, etporterai de ses nopveilesvhàia. sage Pénélope. Je veux;aussilmemêler aux fiers prétendants; peut-être ils me donneront a dlner,;puisqu’ils ont des metsen abondance. A’u milieu d’eux je m’eh-gage à-faire avec zèle et sans, délai tout ce qu’ils désirent. car

je vous le dirai; vous," comprenez. mes paroles, écoulez-moi :parla volonté du manager Mercure, qui donne’de la muscat du

prix aux ouvrages des hommes, nul ne peut me le disputer danslassoit]: domestiqués, pour bien allumer le feu.,.fendre lehoisdæsébhé, couper, faire. rôtir lesyviandes,ou verserile vin; ser-vices que rendant aux fichés les hommes indigents. in -

Généreux limnée, blessé d’un tel discours; tu répondis onces

mots : * l , à a i. a Malheur à moi, cher étrangeri quelle pensée est entrée dans

votre âme? Sans doute vousvdésirez mourir ici, lpuistiue vousvoulez pénétrer dans lai’foule.des- prétendants , dont l’insolence

et l’audace sont montées jusqu’à la voûte des cieux: Tels ne sont

point leurs serviteurs, mais de jeunes hommes couverts de tu:niques et deriches manteaux, dont les cheveux et le beau visage rsont parfumés dlessencles : ce sont eux qui les servent, tandis quele pain, les viandes et le vin surchargent leurs tables magni-fiques. Mais restez ici; nul n’est importuné de votre présence,

ni moi”ni bergers qui m’assistent. Cependant lorsque le filsd’Ulyse sera de retour, il. vous donnera, n’en doutez pas, unetunique , un manteau , tous les vêtements dontlvous avez besoin,et vousrenverra dans le pays oùllvotre désir est de vous rendre. n

u Puisse, Eumée, reprend aussitôt le sage Ulysse, puisse legrand Jupiter vous chérir comme je vous chéris moi-même,puisque vous faites cesser mes courses. errantes let mes affreuxmalheurs! Bien nlest plus pénible aux hommes que la mendicité;pour apaiser la faim dévorante , ils souffrent de cruelles douleurs,et l’inquiétude , la misère, le. chagrin sont le partage Îde celui qui

l’épreuve. Mais aujourdîhui, puisque vous me retenez et quevous m’engage: à rester, dites-moi si la mère d’UlysscI, si son

père, qulcn partant il laissa sur le, seuil,dc la vieillesse, vivent

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. Q209 renaissais.encore, s’ils jouissent de la. lumière du soleil, ou’s’ils sont morts,

et s’ils sont dans les demeures de Piston. n , aLe noble chef des pasteurs réponditen ces mots : g *

p u C et étranger, je vous raconterai-tous ces détails avec vé;’ rite. Laerte respire encore , mais tous les jours il supplie Jupiter

. de priver son corps de la vie au sein de ses demeures; car il pleureavec amertume et sur son fils absent et sur l’épouse qui S’unit à

au dans sa jeunesse, quikpar sa mort l’aocabla dedouleur et le-plongea dans une vieillesse prématurée. Mais elle, succombantau chagrin que lui causa - l’absence de son glorieux fils, a. périd’une mort affreuse. Puisse ne. jamais périr ainsi quiconquem’aime dans ce "séjour et me combla dejbienfâits! Tant qu’ellevécut,1nalgré ses peines, il m’était doux. de causer avec elle etde l’interroger; car telle m’avait élevé près de labelle Ctimène ,

sa fille vertueuse et la plus jeune de ses enfants; elle nous ele-vait ensemble , pt me chérissait presque autant que sa fille. maislorsque tous les deux nous atteignîmes Page heureux de l’adoles-

cence , ses parents lui firent épouser un habitant de Saine, dontils reçurent de grands biens. Alors, me donnant une tunique,un manteau, de beaux vêtements pour me couvrir, etst chaus-sures pour mes pieds, elle mænvoya dans cette campagne; et g

- chaque jour, du, fond de son cœur, elle m’aimait davantage.Maintenant j’ai perdu tous ces biens; mais les dieux fortunes ontfait. prospérer le travail auquel je’me suis consacré; par euxj’ai bu , j’ai mange , j’ai donné même aux pauvres honteux: Pournotre reine- Pénélope , il ne m’est plus permis d’écouter sesdouocs

paroles ni de connaltrc aucune doses actions , car des hommesaudacieux ont précipité la ruine Sur sa maison; et cependant desserviteurs ont grand besoin, de parler a leur maîtresse , de s’in-former de’tout en détail, sur ce qu’il faut boire, manger, et sur

j ce qu’il l’autreporter aux’champs, toutes choses qui comblent

de joie l’âme des serviteurs. n i ’ l«Grands dieux! reprend Ulysse aussitôt, ainsi quoique jeune

encore, Pasteur Eumee, vous fûtes forcé d’errer loin de votrepatrie et de vos, parents. Maisparlez sans détour, et ditesamoi sic’est girelle fut ravagée par des ennemis, la ville populeuse qu’ha-huaient votre, pelte et votre mère-vénérables, ou bien si des pirates.

cruels vous jetèrent dans leur navire, lorsque vous étiez seul

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CHANT KV. . 2Mparmi vos troupeaux’de bœufs et de brebis, et vous vendirent ,au maître de cette demeure, qui donna pour vous obtenir un pria

convenable, Un ’ . l â A - yLe pasteur, chef des bergers, lui répondit en ces mots :n Étranger, puisque vous m’interrogez, et quevous désirez

connaître mm aventures , écoutez en silence; et réjouissez-vous; -buvez le vin en restantlussis à ma côtes. Les nuits sont bien !longues; il estassez de temps pour le repos, il en est aussi pourcens-que charme le plaisir (l’écouter; il ne faut pas vous cou-cher avant l’heure : trop de sommeil est nu’usible. Pour celui dontle désir est de’goûter le sommeil , qu’il se retire ;.demaîn au lever

de l’aurore, après le premier repas, il faudra conduire" auxchamps-les troupeaux delnos mitres; Mais nous, dans cette ca-bane, buvons, régalons-nous, ,et charmons-nous l’un l’autre ausouvenir de nos tristes infortunes; toujours il se complaît à sesdouleurs l’homme qui souffrit beaucoup et fut longtemps errant.Je vous dirai donc mes aventures, puisque vous m’interrogezJet que vous désirez les sonnante. ’ r * ’..-a Il est une ile appelée Syrie , peut-être en avez-vous entendu

parler; elle est au delà d’Ortygie , et c’est la que sont les révolu-

tions du soleil. Elle n’est pas très-grande, mais fertile, riche entroupeaux ’de bœufs et de brebis,lféconde en vignes, et le fro-ment y croit en abondance. La famine ne pénètre point chez cepeuple, ni même aucune autre maladie funeste aux malheureuxhumaine; mais quand nos citoyens vieillisent dans *la ville ,Apollon à l’arc d’argent, arrivant avec Diane, les font périr enles perçant de leurs douces flèches. La sont deux. villes qui separtagentlégalement toutes les richesses de ce pays; c’était surces deux du; que régnait mon père, Ctèsius, fils d’Ormène, et

semblable aux immortels. . ’ ’Autrefoisen cette ile abordèrent des navigateurs phéniciens,

fourbes habiles , apportant sur leur vaisseau mille parures. Dansla maison de mon père était alors une femme phénicienne , belle ,d’une taille élevéenet sachant exécuter de beaui ouvrages. Les

rusés Phéniciens la séduisirent; tandis qu’elle lavait des vêtes

mente près de leur vaisseau , l’un d’eux s’unit d’amour avec elle

dans les bras du sommeil; charmes puissants qui captivent tou-jours l’âme des femmes, même de la plus vertueuSo. Ensuite les,

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x

Q

ne: L’oPYssEtz.andent qui bue était, d’où’ elle venait, Elle

I i la demeure élevéede mon péreîn ’ .

A e; ’ -elle , dg de Sidon, .où l’airain amatie;

L de rÆen te, mais des corsaires taphiensm’enlevé t au mame ù je revenais des champs;--m’ayantconduite en ces lieux, ils me vendirent au maltre de ce palais;lui donna pour m’obtenir un prix convenableg» . à ’l «Alors ont; qui s’unit en me a la Phénicienne lui tintée

’ a Voulez-vous maintenant nous suivre dans vos foyers pourrevoir la demeure élevée de votre péreet de votre mère , et les re-voir eux-mêmes? lis existent encore , et vivent dans l’opulence. n

a La Phénicienne répOndit en ces mots : l. a Qu’il en soit ainsi, nautonniers, si toutefois vous m’assurez

avec serment de me ramener dans ma patrie , sans me faire aucun

outrage. n " Il , » f ’ . . . Aa Elle’dit; tous aussth jurèrent ainsi qu’elle l’exigeait.’Aprèsi

qu’ils ont juré , que les serinents sont accomplis; la Phénicienne

reprend en ces termes : I A I .a Maintenant le plus grand silence, et qu’aucun de vous nem’adresse la parole, s’il me rencontre dans les rues, ou près de

la fontaine; de peur qu’epquelqn’un se rendant au ne ledite à mon vieux maître; celui-ci soupçonnant la vérité [mécher-gerait d’odieux liens , et vous livrerait à la mort. Conservez doncmes paroles au fond de votre âme, et hâtez-vous d’acheter les

provisiOns du voyage. Lorsque votre navire contiendra les vivresnéœssaires , qu’aussitot la nouvelle m’en .parvienne dans Je pa-

lais z j’emporterai tout l’or qui sera sous ma main , et. je vous. ledonnerai, ce sera mon naulage. J’élève le fils dolce vaillant hé-

ros, enfant déjà si plein d’intelligence (qu’il peut sortir avecmoi; je le conduirai dans votre navire”: il vous procurera des

I sommes considérables, si vous’ie vendez chez des peuples étran-

gers. n . I . .a Elle dit, et retourne à l’instant dans nos superbes palais; ce"pendant les Phéniciens restant parmi nous durant toute uneannée, trafiquèrent et déposèrent dans ’ leur navire une grande

quantifii- de marchandises; lorsque le vaisseau chargé de sa car-gaisoii’fut’prét pour le départ,.ils envoyèrent un messager, qui

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l

, CHANT XY. , ’ ma vint l’annoncer à la Phénicien’ne.’ Cet homme rusé vint dans le

palais de mon père portant un collier où’l’or était enchâssé dans .

des grains d’ambre; ma vénérable mère et ses servantes tou-chaient ce collier; l’exsonnaient’attentivement, en s’informent du

prix ;* alors le messager fait un signe en secret à la jeune Phéni-sienne. Après avoir fait ce signe, il retourne vers son large na-vire; alorsla Phénicienne me prend par la main, et franchit les

« portes du palais; elle trouve sous le portique les coupes et lestables des convives, ceux qui gouvemaientavec mon père; ils ,s’étaient rendus dans le conseil pourponvoquer l’assemblée du

peuple; elle emporte trois de ces coupes, et lœ cache dans sonsein; moi cependant-je la suivais sans. défiance- Éleutôt le soleil

se couche, et toutes les routes sont dans l’ombre, en marchantavec rapidité nous arrivons au. port magnifique où se trouvait le .navire.des Phéniciens. Soudan: ils s’embarquent, impatients defendre la-plaine liquide, et nous font embarquer avec aux. Ju-piter nous envoie un vent favorable; durant, six jours nous na-viguonsSans relâche; mais lorsque le filsde’ Saturne eut. ramenéte septième jour, Diane , qui se plait à lancer des flèches , frappela Phénicienne; elle retentit en tombant dans le fond du navire,comme une corneille marine; les matelots jettent aussitôt soncadavre pour’étre la pâture des phoques et des poissons; moi jerestai, le cœur accablé’de tristesse. Cependant les ventsyet lesflots nous dirigèrent vers lthaque z c’est là que m’acheta Laerte

avec seS’propres richesses. Ainsi mes yeux ont vu cetteétrangère. » t i - ’ ’

Ulysse , fils de Jupiter, lui réponditen ces mots :

« Eumée, oui dans men sein vous avez ému mon cœur. en. me

racontant toutesces aventures,.et tout: ce que vous avez souf-fert; mais du moins pour. vous Jupiter fiait succéder le bien aumal ,puisque aprèsl’bien des peinesvousétes venu dans la maison

d’un malte bienveillant, qui vous donne abondamment le boireetle mangerzvous menez une vie heureuse, tandis que mbi, ceniest qu’après avoir longtemps erré par de nombreuses villes que

j’arriveenceslieu’xm’ H - Ier 4 - ’C’est ainsi qu’ils discernaient ensemble; ensuite ils allèrent

dormir, non peudantlôngtemps , mais seulement un peu; carbientôt après l’Aurore parut sur son trône, d’or. Cependant lors-

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m L’ODYSISÉENque les compagnons de Télémaque louchent au riîrage , ils déta-

chent les voiles, abaissent aussitôt lia-mat, puis amènent-levais-seau dans le port à force de rames: ils’jetœnt les ancres, qu’ilsattachent avec, des câbles; eûx alors se répandent sur les bords

. de la mer, préparent lampas , et font les libationsl d’un vin pur.Quand ils ont chassé la faim et la soif, le sage Télémaque, par-

lant le premier, leur adresse ces paroles : - ia Mes amis, conduisez le navire près de la ville; moi, pendant -

. cetempe, j’irai visiter les champs et,’les’pasteurs; ce soir, après i

avoir examiné tous les. travaux, je retomnerai près de vous. De-A main, au lever de l’Aurore, je vous offrirai , pour prix du voyage,

un splendide festin chargé de viandesret d’un vin délicieux; » -

. Alors le divin Théoclymène adresse ces motsyau héros : .

a Et moi, mon cher fils, ou dois-je aller? [rai-je dans les de-meuresides habitants de l’apre Ithaque? ou me rendrai-je direc-

v tement dans votre palais, auprès de vôtre mère? n 4a En tout autre moment , répondit Télémaijue, je vous invi-

terais a venir dans ma maison , vous n’auriez pointa désireraisprésents de l’hospitalité; mais ce [parti vous serait funeste. Ainsi ’

je dois mtéloig’nerde vous,.et ma mère ne vous verra pas; barelle ne pariait jamais dansile- palais au mais; des prétendants,mais elle tisse la toile dans les appartementsdes plus élevéslevous indiquerai toutelbis un autre héros, chez qui vous irez , Eu-rymaque, le noble fils de Polybe, que tous les citoyens d’lthaqueregardent comme une divinité; c’est un homme illustre; lui sur-tout. désire épouser ma mère, et jouir dès honneurs d’Ulysse.

mais Jupiter, qui règne dans les airs, sait si même. avant ’ccthyménée un jour funestevne s’accomplira pas pour eux. u

J Comme il achevait ces paroles, à sa droite vole un épervier,rapide messager d’Apollon; dans ses serres cruelles il tient unecolombé, la déehire, et répand les plumes à terre entre le navireet le héros. Alors Théoclymène’, l’appelant ail’écart, lui prend la

-main,etluiparlaencesmota: i 4 I V« Télémaque; ce n’est point sans la volontévdes dieux quetzal:

oiseau vient de voler à notre droite; en le regardant avec atten-tion; je l’ai reconnu pour être un augure. Non, il n’est POÎM

dans lthaque de race plus royale que la4vôtrc, et vous serez ton-

jours les plus puissants. n 1 . - . I

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A "CHANT .xvr. mTélémaque répond aussitôt: . ’ 2 va Plut aux dieux, cher étranger, que cette paroles’acco -

plisse! vousreœvriez ’de moi des présents si nombreux , que

chacun en vous voyant proclamerait votre félicité. » - " -Puis, s’adressanta Pirèe, soucompagnon : , ’a de Clytius, dit-il, c’est toi qui surtout ès le plus

empressé de tous les compagnons qui me suivirent à Pylosù; eh

bien; conduis maintenant l’étranger dans maison pourxl’ac-cueillir et l’honorer jusqu’à calque je’revienne. » .’ r ’

a Cher Télémaque, reprend. à l’instant l’illustre Pirée, lors

même que tu resterais aux champs pendant un long temps, j’au-rai soin «l’étranger, il n’aura point à désirerlesdons del’hos-

1iitalifé. a , I v . I v 4,Comme il achevaitœs mais, il montedans lenavire, et oom-mande à sas compagnons d’y monter après avoir délie les câbles.

lis s’embarquent aussitôt, et se placent sur les bancs. Iélémaùue

attache à ses pieds une balle chaussure, et prend sur le tillac dunavire une forte lance terminée par une pointe d’airain. Alors Iles-matelots gagnent la haute mer, et se dirigent vers la ville,couine l’ordonna le fils chéri d’Ulysse.’ Cependant ce héros s’é;

loigne pantennes grands pas, jusqu’à cet-qu’il arrive dans labergerie où senties nombreux-"surlesquelsveille’lenoble.pasteur plein de zèle pour ses maitres.

z

x .

CHANT XYLÇ

RECONNAISSANCÈ DE TÉLÉM-AQUE et D’ULYSSE.

’Dans la bergerie; Ulysse et. le noble pasteur préparaient lerepasdu lever de l’aurore, et se hâtaient, après. avoir allumé le

feu, d’emoyer aux champs les bergers avec les troupeaux deporcs; cependant les chiens prodiguaient leurs caresses à Télé:maque, et n’aboyaient point à sa rencontre. Ulysse s’aperçoit de

..leur eniprèssement, et le bruit des pas parvient jusqu’à lui. Sou-

dain il adresse ces paroles au chef des pasteurs : r, a Euméé, sans doute que l’un de vos, compagnons arrive en

. « la

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2M L’ODYSSÉE. ’ces lieux, ou du moins quelqu’un de vçtre sunnismes; leschiens n’ont pas aboyé, même ils ont pris un air caressant, et

j’entends le bruit des pas. n i J . - . - ’Il n’avait pas achevé de parler , que déjà son fib chéri parait

sous le portique. Frappé d’étonnement , le pasteur selève; de ses smains. s’échappent les vases qu’il tenait pour préparer le yin. ll

court aŒdeva’nt de son maître, lui baise la tète les yeux et (lesdeux mains; de chéndesJa’rmes coulent de ses joues. Comme unpère tendre embrasse sen fils bien aimé qui revient d’une terre

leintaine après ’dix ans d’absence, unique enfant qu’il obtint

dans sa vieillesse et pour lequel il soumit d’amères douleurs,de même le pastem’ Eumée embrasse le beau Télémaque, l’en-

tourant tout entier , comme si’ce héros échappait à 13 mort; alors-

en pleurant il fait entendre ces paroles rapides -:. - , -,n Enfin vous arrivez, Télémaque, douce lumière demes yeux.

Je n’espérais plus vousirevoir, depuis que sur un navire vousétiez parti pour Pylos. Entres, mon cher fils, que mon anis seréjouisse en vous voyant, puisque nouvellement arrivèsveusvenez dans. cette demeure. Vous ne visitez’pas souvent vos cam-pagines et vos bergers, mais vous restez à la ville; car-c’est ainsiqu’il plait à votre ame’de surveiller la troupe’funeste des pré.

tendants. i) ’ v 7 i 7 ’ ALe prudent Télémaque lui répond en minots : Ï ..« Il en sera comme vous désirez, noble vieillard; c’est à cause

devons que je viens ici, pour vous voir et pour apprendre parvos discours si ma mère est rœtée dans son palais, ou si quel-qu’un des-prétendants l’auraitépousée, tandis-que dans la cou- ,vhe délaissée d’Ulysse l’araignée file sa toile odieuse. a

’ Le chef des pasteurs reprend aussitôt : A .a Oui, Pénélope demeure avec une patience inébranlable dans

sonpalais;’ses nuits et ses jours remplis d’amertume se, cobsu- -

mentdans les larmes. »’ I . ’ .A ces mots, il reçoit la lance d’airain; 1e jeune héros entre et v

’ franchit lestanlldepierre; Comme ils’avançait, son pèreIlesse.

veut-lui céder la place; mais Télémaque le retient-et lui dit ;, .a: Restez assis, vénérable étranger, nous trouverons un autre

siège dans la bergerie;.voicicet homme qui va le » vll dit; Ulysse se rassied; le pasteur s’empresse d’étendre de

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’ CHANT KV]. 207verts branchages, qu’il recouvre avec une peau de brebis; c’est la ’

quereposele fils chéri d’Ulysèe; Eumée apporte ensuite d plateauxchargés de viandes rôties qu’on avait laissées du gag: la veille ;

il se-halie de remplir les corbeilles de pain, et in” jean dans unvase champétre avec un vin plus dolixlqué le miel. Télémaque ce-

, pendant se place en face du divin Ulysse. Tous aussitot portent lesmains vers les metsgqui leur furent servis. Quandils ont la -faim et la soit, Télémaque-adresse ces mots au chef des pasteurs :

I a Vieillard , d’où nous arrive cet étranger? Comment. les ma-tZalbts l’ont-ils conduit dans lthaque? Quelle est leur patrie? Carcen’est pliai: pied, je norois, qu’il a pu venir en ces lieux. a’ « Mon fils, répond Eumée, je.vousdirai tout avec vérité. Cet.étranger se glorifie d’être né danslé vaste pays de Crète; long-temps errant, il parcourut, dit-il, les nombreuses cités des hom-mes ;,un dieu voulut qu’il accomplit ces travaux. Maintenant, I

échappé d’un vaisseau de navigateurs thesprotes, il est ,v’enu4 dans ma bergerie , et je vous’le confie; faites selon vos désirs , il .

s’honore d’être votre suppliant. a v .- I ’ ’n, «r Cher.Eumée, interrompt- à l’instant le sage Télémaque, ce

* que vous-venez dédire me pénètre de chagrin; comment rose--

vrais-je un étranger dans ma demeure? Je suis je11ne encore, et.ne puis me confier a mon bras pour repousçer l’ennemi qui lepremier me ferait outrage; deux résolutions .opposées se parta-gent l’esprit de ma mère , ou de rester avec moi, de prendre soinde ma. maison , en respectant la couchejde son époux et ’saîre-

nOmmée parmi le peuple; ou de suivre parmi les Grecs celul qui,le plus illustre, la conduiradans samaison, et dimnera’la plus

forte dot. Cependant, puisque cet étranger est venu dans votrebergerie , je le, revêtirai d’un manteau ,h d’une tunique et de

riches habits; je veux aussi lui donner une épée à doublegtranchant , des brodequins pour ses pieds , et le ferai conduire

partout où son désir sera de se rendre. Mais , si vous le voulez ,œntinuez à. le traiter, en le retenant dans la bergerie; je vous qenverrai des vêtements et. tout le blé nécessaire a votre nour-

. riture , pour qu’il ne vous Soit point a charge , non plus’qu’a vos

compagnons. Mais je ne permettrai point qu’il se rende aurai-lieu des prétendants; leur violence a franchi toutes les bornes as’ils l’outrageaient, j’en éprouverais une vive douleur. Il est dif-

1

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me L’ODYSSÉE.ticile qu’un’senl homme, bien que vaillant, lutte contré un grand

nombre; ils sont toujours les plus forts. » . 1 . ’ A Aa Ami, reprend aussth le vaillant Ulysse, puisqu’il est juste

que je réponde; certes mon cœur est déchiré en apprenant toutce que vous racontez des iniquités que dans votre maison com-"smettent les prétendants, malgré vous, et tel que vous voilà.Mais dites-moi si vous vous soumettez volontiers, ou si dans laville les peuples vous haïssent en cédant a la voix d’un dieu;dites-moi si vous-accusez des frères :Il’étranger prend confianceénienrsinimitiés, surtout quand s’élève une grande dissension. -

Ah! que ne suis-je aussi jeune que vous, avec le courage quim’anime! que ne suis-je le fils d’Ulysse! que ne suisoje Ulysse

lui-même au retour de ses longs voyages! car il rate encore ,quelque espérance z qu’aussitôtalors un héros étranger abatte

ma tète. si je n’étais la ruine de tous en rentrant dans; le palaisdu fils de Laerte. Mais si j’étais accablé par la foule, moi, restant,-seul, j’aimerais mieux-mourir, immolé dans mes palais, que de

t voir sans cesse ces foi-faitsr odieux, mes hôtes outragés, mes ser-’ j

vantes violées dans mes riches demeures ,-mes vins épuisés, et A

tous mes vivres chaque jour impunément dévorés, sans que ces

l maux aient un terme. a I * ’ -Le prudent Télémaque répondit en cesmots x .«r Cher étranger, je vous parlerai sans détour. Non, mon

peuple ne me voua jamais aucune haine, et je n’accuse point des .frères, qui par leurs inimitiés donnent confiance a l’étranger,surtout quand s’élève une grande dissension. Le grand Jupitern’a jamais fait naltre qu’uu- fils dans’notre famille; Arcésius en-

gendra le seul Laerte, qui au le père du seul Ulysse; moi je suisaussi le seul fils qu’Ulysse ait laissé dans son palais, mais il n’en

a P35 joui. C’est pour cela que maintenant mille ennemis sontdans mes demeures; Tous ces’princâsqui règnent sur les îlesvonsines, Dulichium, Samé, la verte Zac’ynthe, ceux même qui sesont emparés du pouvoir dans l’apre Ithaque, désirent épouser

ma mère , et ravagent ma maison. Pénélope , sans refuser abso.lament ce funeste mariage, ne "peut se résoudre à l’accomplir;

film cependant me ruinent en dévorant mon héritage; bientôt"S m8 90mm moi-nième- Mais ccs’choses reposent sur les

genoux des dieux. . ’ l » .

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CHANT ’xvr. 209a Pour vous,’chér allez,à l’instant auprès de la sage

Pénélope, luiqdire que je suis"bien portant, et’que j’arrive dePylos. Moi je reste ici ;lbatez-v,ous de revenir, et n’annoncez monretour-qu’à. ma mère seulement; qu’aucun autre des Grecs n’en

soit instruit, car plusieurs méditent’contre moi d’affreux des-

» L q . ’ k . ’.a Je comprends, je saisis votre pensée, réplique aussitot lepasteur; vous commandez a quelqu’un d’intelligent. Mais dites-moi, parlez avec vérité: ne devrais-Je pas en mémo-temps an-nonoer votre retour au malheureux Laerte?’ Depuis le départd’Ulysse rplongé dans une grande douleur, il s’occupait cepen-dant des travaux, il buvait et mangeait dans sa maison avec sesserviteurs, lorsqu’il en éprouvait le désir; maintenant, depuisquesur un navire vous .étes- parti pour Pylos, on dit qu’il neveut’plns ni manger ni boire, et qu’il ne regarde plus les tra- ’vaux; mais il reste gémissant dans les larmes et les regrets, ct sa-peaudes’sécbée estcolléeàses os. », 1 ’

a Rien de plus douloureux sans doute, s’écrie Télémaque;

toutefois, laissons-le encore sans nouvelles, quoi qu’il nous*encoûte. Si toute chose succédait au gré des mortels, nous deman-derions d’abord le retour de monpère. Vous donc, après avoirannoncé mon arrivée a Pénélope, revenez aussitôt, sans allér aux

champs trouver le vieux Laerte; mais dites?! ma mère qu’elle sehâte d’envoyer secrètement l’intendante du palais à cette femme

portera’la nouvelle auvieillard. ». . a « k I ’il dit, et presse le départ du pasteur ; celui-ci prend une chaus-

sure, .et’l’attacbant.à ses pieds, il se rend alla ville. CependantEumée, s’éloignant de la bergerie, n’échappe point aux regards

de Minerve; elle arrive près des héros ;«. sa figure est celle d’une

’ femme grande, belle et savante dans les plus beaux ouvrages. -EHe s’arrête devant la porte de, la bergerie, en se découvrant auvaillant Ulysse. Télémaque ne la vit» pas , il n’aperçut rien; carles dieux ne se rendent point visibles à tous. Ui’ySSe et’lcs chiens

la reconnurent; mais ceux-cl n’ahoyèrent point. et, mussant de101185 hurlements, ils restèrent avec crainte dans le fond de l’é-table. La décase alois’faitun signe des yeux; Ulysse l’aperçoitaussitôt: alors loin de la maison il se rend vers le mur élevé de la

cour,-et se tient devant la déesse; Minerve lui parle en ces mots :

* 48,

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me ramasseur« Noble fils de Laerte, ingénieuli Ulysse, maintenant dis lesecret a ton fils; ne lui cacherien, afin qu’après avoir concertétous les deux le trépas et la ruine des prétendants, vous alliezensemble à la ville; moi-même je ne resterai pas longtemps loinde vous, dans-mon impatience de combattre. n, A ces mon," Minerve le touche de sa baguette d’un; d’abord

- elle revétqsa poitrine d’un manteau superbe et d’unetuniqüp;

elle rend à son corps toute sa jeunesse. Aussitôt les traitsvduhéros prennent une teinte brunie, » et ses joues se raffermissent;une barbe bleuâtre’ombrage’ son .menton.- La déesse ayant fait

ces choses s’éloigne de nouveau; eepenùlnt Ulyse rentre dans labergerie. Son fils le contemple avec étonnement ;v tremblant, ildétourne les yeuxyet craignant que ce ne soit un immortel, il

laisse échapper ces paroles : » . L« Étranger, oomme.vous me paraissez différent de ce que vous

étiez tout à l’heure : vous avez d’autres vêtements, et, vos traits

ne sont plus les mêmes. Sans doute vous êtes llun des dieux quirésident dans le vaste Olympe. Mais soyezunous propice, afin quenous vous offrions des agréables et de rièbes présents

d’or; épargnez-nom. D w . q i . Ï j q.a Je ne suispoint un dieu, t. h d le sage Ulysse; pourquoi

me comparer aux imrnœteb? Je suis votre père, pour lequelsoupirant avec ardeur vous,avez souffert bien des maux, en sups

portant les outrages des hommes. » . V .A ces mots il embrasseson fils, etle longue’ses joues laisse

couler ses larmes sur la terré; jusque alors il les avait toujours vcdntenuesÇTélémaque cependant ( il ne pouvait se persuaderque ce fût la son père ). reprenant aussitôt , lui réponŒtpar ces

l paroles : , ’ I - ’ , bi« Non , vous n’êtes point Ulysse , vous Notes point mon père;

mais une divinité me trompe , pour que dans ma douleur je sou-pire’encore davantage; il fiesta pas, un mortel qui parsa volonté

puisse opérer prodiges, à moins qu’un dieu survenant, ne lerende aisément jeune "ou vieux à son gré. Tout a l’heure-encore

vous étiez vieux et couvert de haillons; maintenant vous êtessemblable aux divinités qui résident dans le vaste Olympe, wi I a Télémaque , reprend alors Ulysse, il ne vous convient pas ,puisque votre pire est ici, de témoigner cette grande surprise et

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Caviar m. 211cet étonnement. Croyez qu’il ne viendra point en ces lieux un

autre UlySse; c’est bien moi qui, souffrantde grands maux etlongtemps errant, arrive enfin, après, la vingtième année, auxterres de la patrie. Reconnaissez l’ouvrage de Minerve protée--tfiœ, qui me faitparaltre a son gré (capelle peut tout ), tantôt:comme .un pauvre mendiant, tantôt comme un homme jeuneet revêtu d’habits magnifiques. il est, facile aux. habitants de

ïl’Olympe de glorifier ou de flétrir un faible mortel. Il! lA ces mais. il s’assied; Télémaque tenant son père embrassé

soupirait enlrépandant des pleurs. Pour tous les deux s’élève un

grand dæir de, larmes; ils l’ont éclater des gémissements plus

nombreux que les aigles du leséperviers auxquels des labou- ,-reurs ont ravi leurs petits avant qu’ils pussent voler ; c’est ainsique ailleurs yeux coulent d’abondantes larmes. Sans doute lecoucher du soleil les eût trouvés gémissant encore , si Télémaque

n’avait adressé ces paroles a’son père : ’ ’ 4(( Quels navigateurs, o mon père chéri, vous ont conduit dans

lthaque? Quelle est leur patrie? car Ce n’est pas à piéd , je orois,

que vous êtes venu sur ces bords. a«’ Mon fils, répond le patient Ulysse , je vous raconterai tout

avec-vérité. navigateurs phéaciens m’ont ramené, car ils cou-g

(luisent quiœllque arrive chez eux; ils m’ont fait traverser la:mer sur unde leurs vaisseaux pendant que je dormais,.et m’ontdéposé dans lthaque’; vils m’ont donné des présents magnifiques,

de l’airain, de l’or en abondance, et des habits d’un. riche tissu ;

je les ai déposés dans une grotte par la volonté des’dieux. Main-

tenant j’arrive ici par lesiinspirationns de Minerve, afin que nousconcertions ensemble le trépas, de nos ennemis. Parlezèmoi doncdes prétendants, et donnez-m’en le nombre, afin que je sache ce,que sont ces hommes, et combien ils sont; ensuite délibérant dansmon âme irréprochable, je verrai si nous pourrons les combattre,

nous deux seuls et sans secours, ou si nous devons rechercher,

des étrangers. a . l ,r« 0 mon père, s’écrie aussitôt Télémaque; j’ai souvent entendu

parler de "votre gloire immense, je sais que vous êtes fort parvotre bras et sage dans le conseil; mais vousrvenez de proférerune grande parole, j’en reste frappé d’étonnement : jamais deux

hommes nepourront combattre tant d’ennouiis et de si puissanst

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in L’ODYSSÉE.’[Ces prétendants ne sont pas dix seulement, ni même deux fois

dix,- mais bien davantage; apprenez donc ici quel est leur nom-bre. -De Dulichium sont arrivés cinquante-deux jeunes gens,l’élite de la nation, et [six Serviteurs les accompagnent; de Samé

i sont venus vingt-quatre héros; de Zacynthe on compte vingt filsv des Grecs, et .d’lthaque. elle-même douze des plus vaillants; avec

eux est leIhéraut Médon, un chantre harmonieux, et deux seraviteurs habiles à préparer les festins. Si nous attaquons tous ces

1 hommes réunis dans l’intérieur du palais, je crains pour vousl’amertume et le regret en venant punir leur audace. Réfléchis-sez donc, Ô mon père , et voyez s’il ne serait pasqquelque défen-seur qui nous secourût d’un esprit bienveillant. » I

« Je vais vous répondre, réplique Ulysse aussitôt; vous-mêmeréfléchissez, écoutez-moi; puis voyez si Minerve avec J upifl’ son

père nous niaisent, ou s’il me dant chercher quelque autre se-

cours. a: I i ’ ’ - ra Ah; sans doute, répond Télémaque, ceux que vous nommezsont de puissants défenseurs, ïeux qui dans les cieux élevés re-

posent au sein des nuages , eux qui règnent et sur les hommes clsur les dieux immortels l a ’ l ’ ’, sa Eh bien, dit le héros, ces deux divinités ne resteront paslongtemps éloignéeslde la bataille terrible, lorsqnedans mes pa-lais nous et les prétendants serons livrés a toutes. les fureurs deMars. Cependant, ô mon fils, dès que brillera l’aurore, retourneza la maison, et mêlez-vous aux prétendants. audacieux; pourmoi, le pasteur Eumee me conduira plus tard à la ville Sous la"figure d’un pauvre vieillard couvert de haillons. S’ils m’insultent

dans ma demeure, que votre cœur supporte avec patience tousles outrages que je dois endurer. Lors même qu’ils me traîneraient par les pieds hors du palais; qu’ils m’aCcableraient decoups, contenez-vous en le voyant. Demandez-leur seulement deresSer leurs outrages , en. les calmant par de douces parons; ,maisivous ne les persuaderez pas, car pour eux le jour fatal est.arrivé. Cependant gravez en votre âme ce que je vais vous dire :lorsque MinerveLfertile en sages conseils, m’en inspirera la pan--sec, je vous feraisigne Ide la tête; et vous,.m’ayant aperçu. por-tant aussitôt toutes les armes qui sontidans nos demeures , dé-posez-les au fond dola chambre élevée, toutes sans exception;

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emmi ’va. 213ensuite détournez les soupçons des pleœndantspar des discoursspécieux, et lorsqu’ils vous inteirogeront dans le désir de-pos-séderces’armes, dites-leur : « Je les ai placées loin de la fumée;

elles ne sont déjà plus semblables à celles qu’Ulysse a laissées

quand il partit pour Ilion; mais elles ont perdu leur éclat, tantellesfurent exposées à la vapeur de la flamme. D’ailleurs, le filsde Saturne m’inspire une raison plus forte z je redoute: qu’enbuvant le vin, et prenant entre vous querelle, vous ne vous frap-piez les uns les autres, et ne souilliez par le sans vosfestins etles poursuites du mariage, carie fer attire l’homme. » Telles

seront vos paroles; toutefois, (pour nous, vous laisserez deuxI épées, d’eux javelots et deux boucliers, que nous prendrons-

quand nouscombatpons : alors la déesse Pallas et le bienveillantJupiter. affaibliront nos ennemis. Cependant gravez encore «envotre âme ce que je vais vous dire, si vousétes vraiment mon .fils, si vous êtes de notre sang , que nulvn’apprenne ici qu’Ulysse

est en ces lieux , que Eaerte ne le sache pas,’ni le gardien desporcs, ni l’un des serviteurs, ni même Pénélope; mais ’queseuls,

flous et moi, connaissions la penséedes femmes; Nous éprouVe-rons’ aussi-parmi nos serviteurs celüik’qui dans son âme veus-

respecte et vous craint, et celui, qui pour vous est sans égard, ou

qui vous méprise, tel pourtant que.vous êtes. a 4 .L’illustre filsd’Ulys’se répondit en ces mots : I j -. ..oi- 0 mon père, j’espère que vous connaîtrez, mon cœur; nulle

faiblesse ne s’est emparée de moi, mais peut-étrelce parti ne nousmît-il point avantageux : je vous engage à l’examiner. Nouspartirons beaucoup de temps à parcourir les travaux des champspour éprouver chacun des serviteurs; cependant les ennemis,tranquilles dans nos demeures, dévorent nos richesses avocail-daœ et n’épargnent rien. Je vous engage donc a rechercherles femmes celles. qui nous méprisent et celles qui soutin-nocentes; mais je ne ,voudrais’pas encore éprouver les hommes,en parcourant nos bergeries; nous ferons cela plus tard , s’il est,vrai Vous connaissiez un signe du puissant Jupiter. a . l

-G’est ainsi’que tous les deux s’entretenaient ensemble. Cepen--

dantle vaisseau qui conduisit à Pylos Télémaque et ses com-pagnons s’approchait d’lthaque; des qu’ils sont entres dans leport, ils tirent le navire sur le rivage, codes serviteurs vigilants

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m moussas.enlèvent les agrès, puis ils déposent aussitôt chez Clytius les me-

sente magnifiques. Ils envoient ensuite un héraut dans le palais. d’Ulysse annoncer a la-prudente Pénélope que Télémaqueétait

aux champs, et qu’il avait ordonné de diriger le vaisseau vers laville, de peur que, tremblante en-son âme,l’auguste reine ne

. répandît encore des larmes amères. Le héraut et le pasteur Euniéese rencontrèrent , .portantfltous (leur le même message à l’épouse

dlUlysse. Lorsqulilsarrivèrent dans le palais du roi, le héraut, de-bout, au milieu des suivantes de Pénélope, fit entendre ces paroles :’ « 0 reine, votre fils est arrive. oPuis le chef des pasteurs, s’é- .

tant approché, raconte à Pénélope tout ce que Télémaque lavait

chargé de lui dire. Après avoir exécuté cet ordre, il retourneauprès de ses troupeaux, et s’éloigne des murs du palais.

Cependant les prétendants sont navres de douleur , et. leurâme est rongéeede chagrins; ils sortent des demeures d’Illysse,et prés des murailles élevées de la cour ils s’asseyent .devant les

portes.(Alors, au milieu d’eux, Eurymaque, fils de Polybe; ouvre

l’entretien en cesrnots : "’ * . ï . ’ .i « 0 mœ amis, une grande entreprise vient d’étre accomplie

par Télémaque, c’est be voyage; nous pensions qu’il ne l’action)l

plirait pas. Maintenant il nous faut .donc lancer-un navire, lemeilleur que nous ayons,.réuni1; des Irameurs-aecoutumés à lamer, afin d’avertir nos compagnons de retourner promptemen

dans leurs demeures. a i . I I -A peine il achevait de parler, qu’Amphinome en se retournantvoit un navire entrer dans le port, des matelots pliant les voiles,et dans leurs mains emportant les rames. Alors il s’adresse en

. riant (à ses compagnons, et leur dit: i i . ... la N’envoyons peint de message, les voici dans le pprt; un

dieu sans dentelas aura prévenus, ou peut-être auront-ils (lé-couvert le vaisseau qui passait auprès d’eux; et n’auront-ils pu

L l’atteindre. n . ’, g V . ITous aces mots se lèvent, et se dirigent yers le rivage de lamer; ils retirent aussitôt le navire sur le sable, et des serviteursempressés emportent. les agrès, Tous réunis, ils se forment en

assemblée, et ne permettent à nul autre , ini’ des. jeunes gens nides vieillards, d’y prendre place: alors Antipoüs, fils deupi-

thoe, leur tient ce discours z ’ , . A

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CHANT xvr. , ’ 2.1:,a 0 douleur! ainsi les dieux ont délivré est homme d’un al-

freux péril! Pendant tout le jour, des sentinelles étaient placéessur les sommets élevés , et se suceédaient’tour à tour; de même

au boucher du soleil; jamais nous ne passions la nuit à dormirn sur le rivage, mais sur lamer; dans notre vaisseau rapide nousattendions la divineAurore, dressant des Embllchesà Télémaque,pour le surprendre et l’immoler: c’est un dieu qui l’a reconduitdans sa patrie. Cependant nous ici concertons une mort funeste và Télémaque , et qu’il ne puisse échapper; car je ne pensepas tant qu’il vivra que nos desseins s’accomplisse’nt. (le héros

est déjà plein de sagesse, d’éloquence, et les peuples ne nous sont

nullement favorables. flûtez-vous, avant qu’il convoque les-Grecs dans l’assemblée. Je ne pense pas qu’alors il s’apaise; mais

gardant sa colère, se levant au milieu de tous, il dira que nousvoulions lui donner lamort, et que nous n’avons pas réussi. Lescitoyens en apprenant ces desseins criminels ne les approuverontpas ;’ils nèuspu’niront, nous chasseront de notre patrie. et nousforceront d’aller chez les peuples étrangers. mouchons de’le ’surprendre aux champs, loin de la ville, ou bien à son retour;alors possédant son héritage et ses richesses, nous les partage-

rons également entre nous, et nous laisserons sa mère habiterle palais d’Ulysse avec celui qu’elle épousera. Si’cet avis vous

déplait, si vous voulez qu’il vive, et qu’il des biens pa-tomois, cessons de nous mssembler ici pour dévorerÎà notregré ses richesses, et chacun de nous dans sa demeure recherchera.

le mariage de. Pénélope par ses présents; elle ensuite épouserareluiqui donnera la plus riche dot, ou que le sort aura désigné,» a

il dit; à cette proposition tous gardent un profond silence. Leseul Amphinome se lève pour parler. ’Ilétait filsde’Nisus et petit-fils du prince Arétius ; venu de Dulichinm’, fertile en’blés et riche

en gras pâturages, il était chef des prétendants , etplaisait sur-tout à Pénélope par ses paroles ;g son âme était douée -de nobles

sentiments. Plein de bienveillance pour ses compagnons, il leur

parle en pas mots: ï «’ , . 4 .. ’il Mes amis, je ne-puis vouloir qu’on immole Télémaque :Pil

serait affreux d’exterminer ainsi la race royale ; mais consultonsd’abord la volonté des dieux. Si les arrêts du grand Jupiter nousapprouvent, moi-même j’immolcrai ce héros, féliciterai nième

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me L’ôDYssEs.mugies autres; mais si les dieux nous sont contraires, je vousexhorte à cesser toute. poursuite. l) t .

Ainsi parle Amphinome; ce discours plait aux prétendants.1 Aussitôt ils se lèvent, et se rendent dans le palais d’UÎysse ; quand

ils sont entrés , ils s’asseyent sur destitues magnifiques. .Cependant la sage Pénélope avait résolu de paraître devant

ces hommes remplis d’audace. Elle venait d’apprendre qu’ils mé-

ditaient la mort de son fils dans ses propres demeures; c’était lehéraut Médon qui l’en avait instruite, parce qu’il connaissaitleurs, desseins. - Pénélope traverse donc le palais avec les femmesqui la servent. Quand la plus noble des femmes est arrivée auprèsdes prétendants, elle s’arrête sur le seuil de la porte solide,. ayant

un’léger voile qui couvre son visage;ealors, nommant Antinoüs,

- elle l’acœhle de ces reproches amers : ’ ia Audacieux Antinoüs, vil artisan du crime, c’est en vain

qu’on dit dans le peuple d’lthaque que tu remportes sur tous

ceux de ton age par ta sagesse et par tes paroles : tu n’es. pointtel qu’bnlte suppose. Médhant, pourquoi préparer la mort et letrépas à Télémaque, sans égard pour les hôtes dont Jupiter estle témoin? llest odieux de se«tendre. mutuellement de pièges. Ne

sais-tu pas, que jadis ton père s’est réfugié danses palais, re-doutant la Vengeanœdu peuple? Tous étaient irrités contre lui;parce que , s’étant jouit à des brigands taphiens , il attaqua lesThesprotes, eux qui nous étaient alliés; les citoyens voulaient le

tuer, lui percer le cœur, et dévorer ensuite ses immenses ri«.chesses; mais Ulyæe le garantit, le protégea, quoiqu’ils fussentimpatientsde frapper. Aujourd’hui cependant tu consumes sanshonte l’héritage de ce héros, tu veux épouser salemme, immoler .

son fils , et tu m’accahlæ de tristesse; mais A je t’ordonnc de

cesseretderépfimerlesautres.».A . ’ ’ JEurymaque, fils delPolybe, lui répond ainsi :

la Fille d’lcare, prudente Pénélope, rassurez-vous, que de telles

- craintes ne troublent point votre aine. ll n’estpas un homme , -iln’en ’fut et n’en sera jamais qui porte la main contre votre filsl’élémague tant que,.je vivrai sui-.13 terre et que je verrai lalumière, Ou hien,,je le déçlare,.et mon serment s’accomplira,

soudain un sans noir rougira ma’lance; parce quesouvent le va- ’laineux. Ulysse, me placent surses genoux , mit dans mes mains

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CHANT XVI. 2l?des viandes rôties, et m’offrit un vin délicieux. De tous les hom-mes, Télémaque est celui qui m’est le plus cher: je l’engage

donc âne point redouterla mort de la part des prétendants ; -mais ce quinoas vient des dieux (nul ne peut’l’éviter. » ’C’est ainsi qu’il parlait pour rassurer Pénélope; mais’ce prime

méditait aussi la mort; de Télémaque, La reine, après ce dis-

remonte dans ses appartements magnifiques, .et pleureUlysse, son ,épouir, jusqu’à reflue Minerve répande un doux

sommeilsmisespaupières; l’ . . 7 . ,Vers le soir, les noble pasteur revint auprès d’Ulysse et de l ,

Télémaque; ceux-oi’s’occupaient à préparer le repas du soir; enimmolant un pore âgé d’un an. cependant Minerve, s’étant en!

prochée d’Ulysse; l’avait frappé de sa baguette pour le changer

une seconde foisen’vieillard,et couvrir son corps de lambeauxdéchirés; carenceraignait qu’Eumée ne le reconnût enJe voyant,

n’en portât la nouvelleà la prudente Pénélope , et ne pût gardercelsecret enson âme..En sermonnent Télémaque le premier adressa

. cesrmots au chef des pasteurs : .’ . . *’ .. a! Vous arriviez donc, cher Eumée. Qiœls bruits circulent par -

la rillettes superbes prétendants sont-ils revenus de leucom-buscade? ou bien épient-ils encore mon arrivée à la maison? n

a Jen’ai’pointdû in’enquérir détentes ces choses , répondit .

Eumée, ni faire aucune question en traversant la"ville.. Tout’mon désir était dèccomplir promptement, mon message, ensuite ’

de’revenir Le héraut, messager diligent, envoyé-par vosCompagnons. de voyage m’a rencontré; c’est lui qui le premier adoubla nguvelleà vouémére. Toutefois, voilage que jesais, et ceque j’aiYn’ de mes yeux. A.quelque,distance de la ville, al’endroit

a colline de Mercure, j’ai vu dansnotre port entrer un -ide; beaucoupid’hommes se trouvaient dans ce navire : i

. v gé de boucliers et de haches à fieux tranchants. J’aih"? v ce poüvaitétreles prétendants; mais je ne le pas. »

h A ces mots, Télémaque sourit en jetant les yeux sur son père;

cependant il se dérobe aux, regards du pasteur. I . .l Dès que les apprêts du festin sont achevés, et que les mets sont

Mails prennent, le repas ;. aucun.n’eut à désirer unelpertl ’egale. Après avoir" apaisé. la faùnlletlasoi-f, ils désirent le repos,

et vont goûter les bienfaitsdasommcil. - I .4 a ’ -

’ V rouisses. ’ d , 19

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213 . L’OQYssEE.

A. f Î - -CHIAN.T xvn.

i ( RETOUR DE TÉLÉMAQÙE DANS LA VILLE

il D’ITHAQUE, ’ ’

Le lendemain, des que brille l’Auiore aux doigts de rose , Té-. lemaQue, le fils chéri d’Ulysse; entoure ses pieds de rîchesbrode-

,quins; il saisit une longue lance, que ses mains soulèxIent sans. (Effort, et, près de se rendre a la Ville, il dit au chef des pasteurs :

« Eumée, je vais à la ville, afin que ma mère me revoie;car je nepènsé pas, qu’elle cesse gémissements et seslarmes amères avant dqm’avoir vu; voici maintenanfice que jevous recommande. Vous conduirai ce malbeureur étranger flaville, pour qu’il mendie sa nourriture; là chacun àpourra lui donner le pain etla coupe. Jane puis me charger detousvles hommes, éprouvant moi-même bien desdouleurs en mon

âme; cependant si notre licha s’irritait’de cette MOIutionksacondition en serait pire. Je parle toujours avec’ftanchisé. in h

l a Ami, répond aussth le patient Ulysse;:je ne désire pas, nonplus de rester en ces lieux; pour’un pauma il vaûtlmieuxmen-

idiot à la ville que dans les champs; chacun me donnera selonses désirs. D’ailleurs, je ne suis plus assez jeuneiçiou’r rester dans

cette bergerie et pour obéir à ions les ordres du mal-lire. Maisallez, le pasteur, ainsi que .voirsl’avez ordonné, sera mon guide,

après avoir réchauffé mon corps au foyer et que la chaleur dui soleil se fera sentir. Je ne suis écuvert que de méchants habits;. k craindrais d’être saisi par le froid piquant du matin , car ondit que nous sommes loin de la ville. u . i . .n Ainsi pariait Ulysse". Alors Télémaque norme la bergerie, en

s’éloignant à grands Îpas ; il méditait lé,malheur des prétendants.

i Quand il.est mivé près de sesisuperbes; demeures, il s’arrête,appuie ’sa lance confire une hante colonne,.entre sous le’por-

tique, et franchit le’ seuil de pierra " g iCe fut la nourrice Eurycléoqui la première aperçut Télé-

maque, tandis qu’elle était à; recouvrir moches tapis les

p

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CHANT. x"vu. 219sièges magnifiques. Soudain elle accourt auprès du héros en ver-sautilles lamies; auteur d’elle les autres servantes du valeureuxUlysseentziurent Télémaque, et; le serrant avec transporté, lui

baisent la tété et lesépaules. b l . v . v AArrive, ensuite-de ses richesïappartements lasage Pénélope ,

aussi belle que Dianeou la blonde Vénus (elle jette en pleurant ses

bras. autour de son fils bien aimé , lui baise la tête et les yeux ,et laisseà travers des sanglots échapper ces mots rapides : Ia a Vous voila donc enfin, o Télémaque; madones lumiéreÎ Je

n’espérais plus vous revoir, depuis le jour où,malgrè mon désir,

un vaisseau vous conduisit secrètement à Pylos , pour entendreparlerÏde votre père. Mais hâtez-vous de me dire tout cogite vous

avezyu.» l . . "l é n ’ ’à O ma mère, lui répond. Télémaque , ne renouvelez pas mes

peines, et ne troublez pas mon âme, puisque, enfin j’ai le bon-heur d’échapper à la mort ;- mais entre; dans le bain (prenez vos

habits nouvellement lavés en montant dans les appartementsélevés avec vos femmes, et’promettezvà tous les dieux d’immoler

de solennelles hécatombes, pour que Jupiterlaccompli’ssenl’œuvre.

de la vengeance. Moi ,I je vais me rendre à l’assemblée, où j’ap-

pellerai l’étranger qui m’accompagna quand je revins ici.. Jel’ai renvoyé d’abord avec mes nobles compagnons; mais j’ai re-

commandé toutefois à Pirée de le recevoir dans sa demeure, del’accueillir avec soin, et de l’honorer jusqu’à mon retenu-4», ’

Ainsi parle Télémaque; cette parole n’est point fugitive. pour

Pénélope. Elle entre dans Ira-bain, et prenant ensuite ses habitsnouvellement lavés , elle promet a tous les’dieux d’immoler desolennelles hécatombes pour que Jupiter accomplisse l’œuvre de

la vengeance. i i . IPatient ce temps Télémaque ’s’éloignait. du palais en tenant

sa lance: deux chiens aux pieds rapides suivent ses pas. Mi-ziervesirr lui répand une graœdivi’ne, et tout le peuple ad-mire le héros qui s’avance. Les superbes prétendants l’entou-«rent’; en lui souhaitant mille félicités; mais au fond ils méditent

de mauvais desseins dans leur âme. Télémaque échappe à cettetroupe nombreuse ;.mais, se rapprochant de Mentor; d’Anti’phus»et d’Halitherse, qui dès l’origine furent les compagnons de sonpère, c’est la qu’il s’asSied; ceux-ci l’interrogént sur chaque

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à

220 ’ L’ODYSSÉE.chose. Cependant , llillustre Pirée arrive en guidant lléh’angerpar la ville, et le conduit a l’assemblée; TélémaQue ne reste pas

longtemps loin de sonihote , etse place près de lui. Plrée Mme.alors ces paroles au fils d’Ulysse : ’ f

i .- a Télémaque, ordonne aux femmes de se rendre dans mesnd -meures, afin que je terenvoie les présenta que t’offrir. Ménélas. »

a Cher Pirée ,wlui répond le prudent Télémaque, nous ne sa-

vons quels évérreinentsarriveront. Si les fiers prétendants [lilas-Asassinent en secret dans ma maison, et se divisent les richessespaternelles , il vaut mieux que tu jouisses de ces trésorsgulau-cun. dfentreseux; mais si je dois au- contraire leur donna lamort, heureux alors, tu rapporteras dans mon ces pré-sents qui me comblerontde joie. i» , - ’ i ’

En achevant ces mots, ilvemmèue chez lui son bote infortuné.Dès qu’ils sont parvenus dans les riches demeures d’UlySse, ils

mettent leurs vêtements sur des trônes et sur des sièges; puis ils

se plongent dans les bains magnifiques pour se laverrLes ser-vantes les baignent, les oignent d’huile, les revêtent de manteauxet de tuniques moelleuses, et lorsqu’ilsiont quitte le bain; ils

V vont se reposer sur des sièges. Bientôt une esclave , portant unev- aiguière dlor, verselleau dans un basin d’argent, afin qu’ils’la-

vent leurs mains; enSuite elleplaee devant eux table soi-gneusement polie: L’intendante du palais y déposois pain et

des mets nombreux; en y joignant ceux qui sont en réserve. Pé-nélope était vis-a-vis de fils , non loin de la porte; assise suruusiége, et (filait une laine délicate. Télémaque et l’étranger

portent les mains vers les mets qu’on leur a servis; quand ilsont apaisé la faim et la soif, Pénélope ouvre lientretien, et dit

P * Ü .j ’a Télémaque, je vais remonter dans mes appartements, et mereposer sur cette muche qui m’est devenue si douloureuse, etqui fut sans cesse arrosée de mes larmes, depuis le jour où monépoux partitavec les, Atrides:pour Ilion ; car vous, n’avez pasvoulu me dire, avant llarrlvëe. des prétendants-audacieux danscette maison, ce que NOUS avez appris touchant le retour de

votrepère.» , J r . . -.Le sageet prudent Télémaque lui répondit en ces mots :

«.Ma mère, je vous raconterai tout-avec vérité. Nous sommes

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CHANT. xvu. V . mallés a Pylos auprès (lex Nestor, pasteur des peuples; il mereçut dans ses riches palais, m’accueillitmvec amitié, commeun-père accueille son fils arrivant tout réœmment’d’un paysétranger après une longue absence; c’est ainsi qu’avec bienveil-

lance me reçut Nestor, ainsi que ses nobles enfants.- Cependantil necme dit rien du malheureux Ulysse, n’ayant appris d’aucunmortel si ce héros vivait encore ou s’il avait péri; mais il m’en- ’

voya vers Atride, l’illustre Ménélas,pavec un char magnifique etdes c’est la que je vis Hélène, née danstArgos, ellepour qui les Grecs et les Troyens ont souffert tant de maux , par

’ la volonté des dieux. Aussitôt le valeureux Ménélas me demanda

pour quelle raison j’arrivais dans la divine Lacédémone; moicependant je lui dis toute la vérité. Alors ilme répondit en ces

mots : - v o V ’ . ’a Grands dieux ,ils aspireraient donc à reposer dans la couched’un homme vaillant, ces lâches insensés! De même, lorsqu’une

biche a déposé ses jeunes faons encore a la mamelle dans le repaired’un fort lion, elle parcourt la montagne et va paître les herbagesde la vallée; alors l’animal terrible revient en. son antre, et leségorge tous sans pitié : tel Ulysse immolera ces jeunes audacieux.Grand Jupiter, Minerve , Apollon , ah! que n’est-il entera ce qu’ilfutiautrefois dans, la superbe Lesbos, lorsque ,eà la suite d’une

querelle, se levant pour lutter contre Philomélide , il terrassa ceguerrier d’un bras vigoureux, et combla de joie tous les Grecs.Si tel qu’il était alors , Ulysse paraissait à la vue des prétendants,

pour aux tous quelle mort prompte !- quellesgnoces amères!aux questionnais vous m’adressez, j’y répondrai sans détour,

et ne vous tromperai point: Je ne vous cèlerai pas non plus ceque m’a dit le véridique vieillard de la mer, je ne vous cacherairien. Il m’a dit qu’il avait vu dans une ile écartée’iUlysse souf-

irant d’amères douleurs , v dans les demeures de la nymphe Ca,-lypso, qui le retient par la force; il ne peut retourner dans sapatrie : il n’a ni vaisseaux airameurs pour traverser le vaste des

dola-mer.»’.., Î .lon Telles furent les paroles de l’illustre Ménélas, Ayant accom-pli cespboses, je partis; les immortels m’accordèrent’iin ventfa- .

vorable, et me ramenèrent bientôt’dans me patrie. ».. Ainsi parla Télémaque, et ce récitfit trœsaillir le cœur de Pév I

I ’ ce.

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222 L’ODYSSÉE.néllope. Alors le devin; ressemelle reprend l’entretien; et fait

entendre œs mots : ’ - ’ I ne, s .« Chastei épouse d’Ulysse, fils de Laerte , Ménélas ne connaît

pas clairement ces destinées; écoutez donc mesparoles : je vous’

dirai l’avenir avec certitude, et ne vous caCherai rien. J’en at-teste donc Jupiter, le plus puissant des dieux ,pet cettetable hos-pitalière, et ce foyer de Pirréprochable Ulysse ou je trouve unasile, Ulysse est déjà dans sa patrie. Assisà l’écart, ou peut-être

slavançant en secret, il s’instruit des crimes commis, et’prépareà tous les prétendants unafl’reux trépas. Tel fut.l’dugure que

, jlol’Jservai quand j’étais assis dans le navire, et.je le fis remarquer

à Télémaque. u r ’u Plut aux dieux , cher étranger, s’écrie Pénélope, que cette

parole s’accomplisse! vous éprouveriez à l’instant toute ma re-

connaissance, et je vous comblerais de tant de biens que chacun- en vous voyantpvanterait votre félicité. n . . I

C’est ainsi qu’ils discouraient entre eux. Cependant les pré-tendants-[rassemblés devant le palais d’Ulysse, se plaisaient à

lancer le disque et-le javelot dans une vaste cour où déjà sou-vent ils .flrentïeclatern leur insolence. Lorsque vint l’heure durepas, et ’qu’arrivèrent des champs les brebis-que conduisaientceux qui jusque alors furent chargés .de ces soins, Médon ladressa ces mots; c’était dè’touslles hérauts le plus agréableË

prétendants; et celui qui partageait leurs festins : - ». :5 A«Jeunes princes, c’est assez vous récréer à ces jeux, variai

dans lelpàlais pour yl préparer» les mets; il n’est point indifférent

l de prendre le repas en son-temps. » v A. ’ -liidit; tous a l’instant obéissentvà’sa voix. Lorsqu’ils sont eu-

trésdans les riches demeures, ils déposent leurs tuniques surdes .trdnes et sur des sièges; ils immolent les brebis superbes etles chèvres les plus grasses, immolent aussi les porcs revêtusd’une graisse éclatante; avec un bœuf des troupeaux , et font les ,apprêts du festin. En ce moment Ulysse et le fidèle Euméesedisposaient à quitter les champs pour venir à la ville. Le chef despasteurs adresse d’abord la parole à son hôte , et lui dit :

. « Étranger, puisque. aujourd’hui vous désirez allène la ville,ainsi que l’ordonna mon maître (certainement, j’eusse préféré

vous laisser .ici pour être le gardien «de ces bergeries; mais je

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CHANlTsXVIII. 223respecte .Télémaque , et je crains quœplus tard il ne s’uritecontrè

moi: les menaces des maîtres sont terribles), hâtons-nous main-’ tenant : le jour est sur son déclin; bientôtle froid du soir se fera

sentir. u l 4 I I. . .a Je comprends, je votre pensée, répond le patientUlysse; vous-commandera quelquluu’d’intelligent. Soit, par:tous; vous cependant précédez-moi pendant la route.’Mais sivous avez une branche coupée, donnez-la-moi pour me soule-nir, car vousm’avez dit que le chemin était très-glissant. 3)

, En achevant ces mots, il jette sur ses épaules une pauvre be-sace toute déchirée; une corde lui servait de ceinturon: Euméelui donne le bâton qu’il avait désiré. Tous deux se mettent en

route; les bergers et les chiens restent seuls pour garder la ber-gerie. Ainsi le sage Eumée conduit à la ville son roi, qui s’ap:puyait sur un bâton comme un pauvre et vieux mendiant; soncorps est couvert de méchants habits: p I j

Après avoir longtemps marChé par des sentiersdifflcilœ, ilsarrivent non loin deela ville , vers une belle fontaine jaillissante ,où les citoyens venaient puiser de l’eau, et que construisirentlthacus , Nérite et Polyctor; tout autour s’élevait un bois de peu4

pliais, quise plaisent à croître au sein des; ondes, et la sourceglacéè’de cette fontaine se précipitait du haut d’un rocher; à son

nominal: était l’autel des nymphes , où sacrifiaient tous les voya-

v c’est laque les rencontra le fils de Dglius, Mélanthius,qui conduisaitgdes chèvres , les plus belles des troupeaux, pourle repas des prétendants ; deux autres bergers suivaient ses pas:Sitôt qu’il aperçoit Eumée et l’étranger,-il les accable des plus

violentes injures; il excite le courroux d’Ulysse.:« C’estmaintenant qu’on peut bien dire qu’un méchant con.

duit un méchant : toujours un dieu permet qu’on s’attacheà son

pareil. Où mènes-tu donc cet affamé , sublime gardien des porcs,ce mendiant importun , ce fléau desrepas, lui qui deboutpres-sera de ses épaules les lambris du palais, demandant quelquesrestes, mais non les prix du combat, des femmes et-des bassins?,Encore si tu me le donnais pour garder mabergerie, pour net-vtoyer mes étables, et porter le feuillage Ë mes chevreaux, dumoins alors buvant le petit lait à son gré , ses membres en devien-tiraient Plus robustes. Mais il ne coriliaîtquc les mauvaises ac-

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224 L’OD restations,’ et ne veut pas travailler; errant par la ville, il préfèreassouvir «in: mendiant son ventre insatiable. Teutefois, je te ledéclare, et mes paroles s’accompliront, s’il approche des de-meures d’Ulysse, ’ aussitôt autour de sa tète de nombreuses esca-

belles; lancées par la main de nos princes, meurhiront sesflancs, et dans le palaisil sera trappe de toutes parts. il. g

-ll dit, et. dans sa fureur de son pied il ,l’atteint à la cuisse,mais ne peut le renverser; le héros reste inébranlable En ce mp-ment Ulysse balance en son espritrsi, le frappant de sonbaton,il n’arrachera pas la vie a cet audacieux , ou si’,vl’enlevant du sol,

il ne lui brisera pas la téta coutre la terre. Mais il’supporte cetoutrage, et compfime sa colère. Alors le gardien des porcs jettesur .Mélanthius un regard indigné; puis il prie à haute voix , en

élevant les mains E l , y. v ’a Nymphes. de ces fontaines; o filles de Jupiter, si

Ulysse en votre honneur brûla les cuisses des brebis et des ché-vres et les recouvrit d’une graisse brillante , faites que nos «auxs’accomplissent, que ce prince revienne, et qu’une divinité le

ramène! Comme alors seraient promptement. toutes lesjactances dont tu nous accables avec audace, toi qui sans cesseerres par la ville; cependant de mauvais bergers laissent dépérir

tes troupeaux. a . . ’Mélantbius, le gardien des chèvres , lui répond en ces mots :«grands dieux, comme parle cet iinpudent maline en four-.

’berieslfMais je renverrai sur un navire hors d’Ithaque, pourqu’il me procure une forte rançon. Plut aux dieux" que Télé:

maque aujourd’hui dans son palais par les flèches d’A-pollon, ou tombe soue les coups des prétendants, comme il estvrai qu’Ulysse, loin de ces lieux, a perdu le jour du rotera! n

En achevant ces mots, il s’éloigne ,,lais’se Ulysse et le pasteurs’avançant à petits pas, et bientôt il arrive, aux demeures du roi.Des qu’ilest entré, Mélanthius s’assied parmi les prétendants, en

face d’Eurymaque ; lui surtout le chérissait. Les serviteurs char.-

ses des apprêts lui présentent l’inelpart des viandes, et l’inten-

dante du palais apportant lepain , le place pour qu’il puissel manger. .En cemouîent Ulysse et le divin pasteur approchent, .et s’arrêtent quand ils sont arrivés; autour d’eux serépand le -

son d’une lyre harmonieuse, car Phémius couimencait in chanterJ

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CHANT XVII. - ’ 225pour les prétendants; alors le hem prend la main de son com-

pagnon,etluidit: . .a Ramée, voila sans doute la belle habitation d’Ulysse, elle estfacile a reconnaitre entre prusieurs. Elle a’ plusieurs étages; laeau est entourée de murailles et de créneaux, les portes, me;

ment construites, sont a deux’battante; nul homme ne pomaitl’enleverpde vive force: Jereconnais aussi que dans œ palais plu-sieurs savourent les mets ;,l’odeur des viandes se répand, et dans

l’intérieur retentit la lyre, que les dieux ont faite la compagne

dufeetinniy " ce t.a Vous , avec facilement reconnu ce palais , répond Eumée ,parce que vous n’êtes point un homme sans expérience. Maisvoyons maintenant comment nous exécuterons nos domine. Sivous entrez le premier dans ces riches demeures pour vous mêleraux prétendants, moi je resterai; mais si vous voulez, restez ici,moi je vous précéderai; mais ne tardez’ pas, de pour que quel-

qu’un , vous trouvant ainsi dehors , ne vous frappe ou ne vouschasse. Je vous engage à considérer ce que je propose. n ’

[Je patient Ulysse reprit en ces mots : -3. «Je vous comprends, j’ai’saisi votre vous parlez à A. elqu’un d’intelligent. Entrez le premier, moi je reste en ces

ux. Je ne suis pas sans expérience ni des blessures ni de ladouleur; mon âme estpatientc, carrai déjà supporté de nom-breuses infortunes et sur la mer et dans les combats; que cesmaux soient ajoutés aux maux déjà Il estimpossiblede cacher la faim dévorante ett’uneste, qui procure aux hommesbien des maux; c’est à cause d’elle que sont armés ces-forts na-

vires qui sont à travers la mer inféconde porter la guerre aux

ennemis», I ’ Ac’est qu’ils s’entretenaiènt ensemble. Auprès d’eux un

chien couché lève la tète et dresse les oreilles, Argus , le chien duveinant Ulysse, qu’il, avait élevé lui-menue, mais dont il ne jouit

pas: avant de s’en-servir il partit pour la ville sacrée d’Ilion.

I Autrefois de jeunes chasseurs le conduisaient à la poursuite des.chèvres sauvages , des cerfs et: des lièvres; mais durant l’absencede son maltre il gisait honteusement sur le vil fumier des muleset des bœufs entassé devant les portes, jusqu’à ce que les sur-viteurs dÎUlysse finissent l’enlever pour fumer ses-champs; c’est

p ,

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ne L’onvssns.la que repose étendu le mafieureux Argus, tout couvert d’unevermine qui le ronge. Lorsque prés de lui ce chien aperçoit Ulysse,

il agite sa queue et baisse ses deux oreilles; mais il ne peut allerjusqu’à son maltre. Ulysse à cette vue laisse échapper emsœret

quelques larmes, en dérobant son trouble au pasteur; puis il

parleenœsmots: i . ’ ’ ia Eumée; je m’étonne que cechien reste ainsi couché sur le

fumier, il est d’une grandezbeauté’; toutefois, je ne sais si sa vi-tesse répond à sa forme , ou. s’il est inutile, comme sont les chiens

parasites, ceux que les maîtres nourrissent par une vaine osten- .

timon. n h h ;« Hélas, répond c’est le chiemd’nn héros mort dans des

terres lointaines. Si, pour les exploits et pour la taille, il était telqu’Ulysse le laissa quand il - partit pour les champs troyens,vous admireriez bientôt, en le voyant, sa force et son agilité.

, Nulle proie n’échappait’ï sa vitesse , sitôt qu’il l’avait aperçue

dans les profondeurs de la forêt; car il excellaità,connaltre lestraces. Maintenant il languit accablé de maux; son maltre a périloin de sa patrie; les, femmes, négligentes, n’en prennent aucunsoin. Les servantes des qu’un maître cesse de lem commanderne veulent plus s’acquitter de leurs devoirs. Legrand Jupiterravit a l’homme la moitié de sa vertu quand le jom de l’escla-

vase vient le saisir. a ’ . ’v Après avoir dit ces mots, Eumée entre dans les. riches demeures

d’Ulysse ;. il’va droit a la salle ou se trouvaient les flersipréten-

dants. Cependant Argus sucœmba sous les dures lois de la mort iaussth qu’il ont reconnu son maître, après vingt années.

Télémaque est le premier qui s’aperçoit de l’arrivée du’pasteur

dans le palais; a l’instant il lui fait un signe, et l’appelle à sesl côtés. Ramée, ayant compris , prend pour s’asseoir le siège, ou se

plaçait celui qui préparait les viandes pour le repas des préten-, dents; il porte ce siège auprès de la table, en face de Téléma-

que; c’est la qu’il s’assied; Alors un héraut apporte au pasteur

une,portion des mais, et lui présente le pain, qu’il prend dans une

corbeille. l i ’ ’ Ç « - .Bientôt après Ulysse entre aussi dans le palais, sous la figure

d’un pauvre et vieux mendiant, s’appuyant sur son bâton; ilétaitrevétu de méchants habitsJIl s’assied près de la porte, sur le

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CHANT xvu. unseuil de’fréne, et se place contre le lambrislde cyprès que jadisun, ouvrier habile polit, avec soin , en l’alignant au cordeau. Té-

lémaquealors. appelant Eumée, et prenant du pain dans unecorbeille magnifique et des viandes’au’tant que ses mains en

peccant porter : ’ n ’ v« Tenez,’dit-il , donnez ces mets à l’étranger , et commandez-

lui de solliciter tous les prétendants z la honte n’est pas avan-

tageuse a l’homme indigent. n .Il dit; le pasteur se lève des qu’il a reçu cet ordre , et s’appro-

chant d’Ulysse, il fait’entendre ces paroles z . .a Étranger, Télémaque vous donne ces mets, et vous com-

mande de solliciter tous les prétendants : la honte n’est pas avan-tageuse à l’homme indigent. » i

Le patient Ulysse répondit en ces mots : v " «« Grand Jupiter, faites que Télémaque soit heureux entre tous

les mortels, et que toutes choses s’accomplissent comme son cœur

le désire! » - i ’i’ Alors de mains il prend les mets qu’on lui présente,et les dépose a ses pieds, sur son humble besace. Il mangea tantque .Phémius chanta dans le palais; quand il eut terminé son

V repas, le chantre divin cessa. Les prétendants alors se livrèrent

1

au plus bruyant tumulte dans l’intérieur du palais. Minerve s’é-tant approchée, excite Ulysse, ms de Lael’œ, a solliciter des ali-

ments auprès desiprétendants, pour qu’il recommisse ceux quisont justes et ceux qui.sont criminels; cependant aucun de cesprinces, ne devait échapper à lamort. Le, héros s’avance .doncen

commençant par la droite, les implore chacun en.!particnlier;’etleur tend la main , comme s’il eut été pauvre depuis longtemps.

Ceux-cil, touchésrde pitié; lui donnèrent abondamment, et le re-

gardaient avec surprise; ils se.demandaient uns aux autresque! était cet homme et de quel pays il arrivait. Aussitôt Mélan-thius,lle gardien des chèvres, se lève, et leur dit : ’ A l.

«r prétendants d’une illustre reine, écoutez-moi touchant cetétranger; je l’ai déjà vu. c’est le gardien idesiporcls qui l’a con-

duit en ces lieux; mais je.ne saislpasprècisément de quelle na- I

ticniléevante d’étre issu.» .. l v . , . , .Ainsi parle Mélanthius ;’ alors Antinoüs adresse ces iambes

amères au chef des pasteurs: . ’ . . ï z I .

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’9’

ne l L’ODYSSEE.« Fameux gardien des poncs, pourquoi condime cet homme a

la ville? Nfavonslnous pas une assez grande quantité de pauvres.d’impdrtuns mendiants , vils fléaux de nos repas? Nlest-ce doncrien pour loi que des gensÀrassemblés dévorent ici lesbiens de

ton maître, et devaisëtu donc appeler encore ce,misérable’? i»

Eumée , chef des pasteurs, tu répondis en ces mots : .u Antinous, quoique vous soyez un héros vaillant, vous ne

parlez pas avec sagesse; quel est Pétranger qu’on invite, si cen’est un de ceux qui se livrent à des emplois publics ,Àun devin ,iun médecin de nos maux , un ouvrier habile, oubien un chantre

sublime dont la voix nous enchante? Ce sont les plus illustresdes hommes sur la terre immense; mais nul [l’invite le mendiantqui ne fait que l’importunerl Antinoüs, de tous lesprétendantsvous fûtes toujours leiiplus dur envers les serviteurs d’Ulysse, et

surtout envers moi; mais je n’en conçois aucune crainte, tantque bienveillants pour moi vivront dans ce palais et la prudentePénélope et le généreux Télémaque, » "

n Silence, Eumée, reprit a l’instant Télémaque, ne lui répon-i

dez pas en de si longs discours; Antinoûs a coutume de nousblesser outrageusement par des paroles injurieuses , et même ilexcite les autres. ». i p a.

Puis, se tournant vers ce jeune prince :« I I ,’ «Certes, Antinoüs, ditail, tu prends pour moi les mêmes soinsqu’un père prendrait pour son fils, toi qui par’un tordre absolu

demandes qu’on chasse l’étranger de cette demeure; mais quejamais un dieu n’aœomplisse ce dessein. Rends pour lui donner,

’ je ne te renvierai pas, moiàméme je te le demande; ne redoute .ni’ma mère ni les serviteurs qui sont dans les palais d’Uiysse.Toutefois, je saisbien qu’une telle pensée plest pas en ton âme 5tu désires plutôt manger beaucoup que de donner embatras. »

u Discoureur inâolent, s’écrie Antinoüs ,. jeune audacieux,qu’oSes-tu dire?ISi’ tous les prétendants lui donnaient autant

quelmoi, ce mendiant loin d’ici resterait chez lui trois mois en-

tiers danssamaison. »; , - - . -AIœê’mots; il saisit et montre avecmenaœ une escabellé pla-

cée sous la tablé, et sur laquelle il reposait ses pieds pendant lerepas. Tous les autres prétendants lui donnèrent, et remplirentsabesace de pain’et de viandes. Aussitôt Ulysse sonate de re-

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.ii’

CHANT xvu.’ nehumera sa place pour goûter les mets que lui donnèrent lesGrecs; cependant il s’arrête près d’Antinoils, et’lui tient ce dis"-

cours a a ’ ’ I - Ia Ami, faites-moi quelque don; vous ne me paraissez pas leplus pauvre des Grecs, mais le plus illustre, et vous semblez êtreunroi. Vous devez donc me donner plus de pain que les autres;je célébreraivotre gloire par toute la terre. Moi-même, heureuxautrefois, j’habitais aussi parmi lesshommes un riche palais, et.souvent je comblai de bien le v0yageur, quel qu’il fût, quand il

arrivait pressé par le besoin. Je possédais mille serviteurs ettousles biens échus a ceux qui vivent dansl’abondanceet quel’on nomme fortunés; mais le fils de Saturne a tout détruit ( telle I -fut’sa volonté ); lui qui m’inspire d’aller en Égypte avec des

corsaires Vagabonds, lointain voyage où je devais trouver maperte. ll’arrétai;mes larges navires dansais fleuve Égyptus. Là je

donnai l’ordre à mes braves compagnons de rester dans les vais-

seaux et de les conduire dans le port ;-puis je les envoyai sur leshauteurs observer le pays. Ceux-ci , cédant à leur violence , em-portés par trop de courage, ravagent les fertiles campagnes desÉgyptiens, enlèvent les enfants et les femmes, et les égorgent; lebruit s’en répand aussitôt par-la ville. En entendant’les cris-de

guerre les citoyens accourent en foule, au lever de l’aurore; toutela plaine remplie de fantassins et de cavaliers resplendit deséclairs de l’airain. En ce moment lupiter, qui se plait a lancer la

foudre, met en fuite mes compagnons, "aucun d’eux neau choc; le,malheur les enveloppe de toutes parts. Les ennemistuèrent plusieurs des nôtre’ë avec le fer aigu, saisirent les autres.

vivants,’et les condamnèrent à travaillerpar force. Moi cepen-dant ils me donnèrent à leur hôte, qu’ils rencontrèrent a Cypre,le filsd’lasus, Dmétor, qui. régnait dans cette lle’; c’est de la que

maintenant j’arrive en ces lieux , après.avoir souffert de grands

maux.» ’ pi 5 a i i va Quel dieu, reprit aussitôt’Antinoüs, nous envoya cetîim-portun , l’ennui d’un festinY. Reste tranquille au milieu de lasalle, éloigne-toi de ma table, de peut que tu ne retournes dansCypre et dans l’arrière Égypte; tu n’es qu’un audacieux; un mi- v

semble mendiant. Sollicite-les tous en particulier; ils te» donne- iront sans mesure, parce qu’ils n’ont aucune épargne; aucune

, au

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2ao renaissais.pitiéiies richesses d’autrui : cependant chacun d’eux possède de

grands biens. a . I .Le prudent Ulysse répond en s’éloignant:

« Ah, grands dieux ! votre âme ne répond point a votre beauté.

Sans doute que de votre bien vous ne donneriez pas même ungrain de se] à celui qui vous le demanderait, puisque vous, quimaintenant jouissez des richesses d’un autre, ne voulez pas seu-lement m’accorder un peu de pain. Cependant, il existemets nombreux. a * i . I 1’ A a ’

A ces mots Antinoüs éprouve dans son cœur une plus violentecolère, et, lançant sur Ulysse un regard foudroyant, il fait en-

tendre ces paroles rapides : a ’ . ,« Maintenant, je ne pense pas que tu sortes. heureusement de

ce palais, lorsque tu viens ici nous accabler d’injures. g» .Soudain il saisit une escabelle, et frappe derrière le dos l’é-

paule droite d’Ulysse ; le héros reste immobile comme un rocher,et le coup d’Antinoüs ne peut l’ébranler; mais il secoue la tète en

silence, méditant une vengeance funeste. Il va s’asseoirsur leseuil, et met à ses pieds la besace qu’on vient de remplir; puisil dit a tous les convives; .

« Écoutez-moi,’prétendants d’une reine illustre, afin que je

vous dise ce que m’inspire ma pensée. Nul sans doute n’éprouve

en son cœur aucune peine , aucun chagrin , lorsqu’unvhoriime,combattant en faveur de ses prames richœses’, est blessé pour ses

troupeaux de bœufs ou de brebis; ’Antinoüs me frappe,[parce que je suis tourmenté d’une faim cruelle et funeste,’quiIprocure’aux hommes des maux nobibreux, Si les dieux et lesFuries protègent les pauvres, qu ’Antinoils reçoive la mort avant

d’avoir accompli son-mariage. a , I l I Isi Étranger, mange en silence l -s’écrie.Antinoüs , reste en re-

pos, ou quitte ces lieux, de peur que de jeunesserviteurs, quandtu nous tiens de tels discours, ne te traînent par les pieds et lesmains à travers ce palais et-ne déchirent tout ton corps: n

Il dit; les prétendants eux-mêmes frémissent d’indignmtion;

’ alors l’un de ces jeunes princes laisse échapper. ces mots : ,a Antinoüs, il’n’est’pas bien d’outrager un infortuné voya-

geur,’qui peut-être est une divinité du ciel ’; car souvent les dieux,pariqui tout s’accOmplit , semblables à des hôtes de pays loin-

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e

CHANT XVII. 2.31.tains , parcourent les ailles, afin de connaître la violence ou la;

justice des hommes. » v " . I.Ainsi parlaient tous les prétendants; mais Antinoüs ne sin--quiète point de leurs discours. Télémaque éprouvait en son i

à l vive douleur de ce qu’on avait frappé. son père; œpen-’ laisse pas échapper une seule larme de ses yeux, mais

I , Ta tète en silence, méditant une vengeance funeste.Cependant , lorsque la prudente" Pénélope apprend qu’un

suppliant avait été frappé dans le palais, elle s’écrie au milieu de

ses suivantes-z n v a ’à Pluton ciel, Antinoüs , qu’Apollon à l’arc étincelant t’ait

frappé. toi-même!» ’ , . ’, l’intendante du palais, ajouta ces mots z I .défi?! si nos vœux étaient exaucés , aucun deîces hommes ne ”

rev il: [Aurore sur son trône d’or. .» ’a Oui, chère nourrice , lui répondit Pénélope, tous me sont.

odieux , puisqu’ils ne; méditent que des. forfaits; Antinoüssur-

tout est pour moi semblable’à la noire mort. Un étranger mal-

heureux arrive dans ce palais, enlimplorant les hommes; lapauvreté l’aimable; tous) les aimes le comblent d’aliments, unfont quelques dons, et le seul AntÎROüS4 d’un. coup ’de marche-

pied le frappe par derrièreàl’épaule, droite. n. p ’Tels étaient les discours dePénélope, assise sur se cpuche, au

milieu des" femmes qui la servent ;’ pendant ce temps le divin

Ulysse achevait son repas. Bientôt la reine appelant le chef des Ipasteurs, lui,parle en ces mots :* v ’ ’ - ,

« Allez , Eumée; ordonnez qu’on m’amène remanger, afin que

r je le salue, et que .je lui demande s’il ne sait rien du malheureuxUlysse; ou s’il ne l’a pas vu de ses propres: yeux; il me. semble

avoir fait de longs voyages. n v . . ’’Chef des pasteurs, tu répondis en ces mots : *» 1 .a Grande reine ,l quand tous les Grecs garderaient le ,silende ,

ce que dira cet étranger charmera votre cœur. Je l’ai reçu pen-dant trois nuits et pendant trois jours je l’ai gaifi dans ma ca-

- baie; c’est d’abord près de moi qu’il est venu. quand il s’estéchappe d’un vaisseau; mais’il- n’a pu terminer le récit de son

l infortune. ’ainsi qu’on regarde ïun chanteur qui , jadis-instruit4 par les dieux , redît aux hommes d’aimables récits , ainsi GNU"

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’ a232 L’ODYSSEE;

L - - -" flésire vivement l’écouter, lorsqu’il chante, de même cet étrangerme charmait assis dans mes demeures. il m’a dit qu’il était un

hôte paternel d’Ulysse, et qu’il habitait dans la Crète, ou naquit

Minos. Maintenant il arrive en capeye, après avoir souffert de .grands maux et parcouru plusieurs contrées; il ajoute avoir en-tendu dire qu’Ulyssç,’ de vie, était prés d’îci chez le peuple

des Thesprotes; qu’il rapportait dans sa maison de nombreux

trésors. n - ILa sage Pénélope lui répond aussitôt : , à .a Hafez-vous de l’amenerhafi-n qu’il parle devant moi. Quant

aux autres, qu’ils se réjouissent, ou sous les portiques ou dansl’intérieur du palais, puisque leur aine est livrée a la joie. Leursrichesses restent intactes dans leurs maisons, le vin délectable etle blé, celles même que mangent les serviteurs; eux cependantvenant tous les jours dans notre palais, immolant les bœufs,les

brebis, les chèvres les plus grasses, s’abandonnent aux dé-lices des festins, et boivent impunément un vin délicieux; nosprovisions nombreuses sont consommées, car il n’est point [de

héros qui, tel qu’Ulysse, puisse éloigner la ruine de cette mai-son. Ah! si jamais Ulysse revenait,.s’il arrivait aux terres de l’apatrie, comme, bientôt aidé de son filspil’gchatierait l’insolence

de ces hommes. l) I ’ f ’ ’A peine-a-t-elle achevéqoes paroles, que Télémaque éternue

avec force, et tout le palais en retentit d’un bruit terriblefl’é-

nélope sourit, puis elle adresse au pasteurEumée

rapides : . . I . fa Hâtez-vous donc, amenez ici cet étranger devant moi. NeI voyez-vous pas que mon fils vient d’éterpuer à mesparoles?’ La.

mort n’est; plus douteuse pour les prétendants, pour eux tous;- pas un n’évitera le trépas et le destin. Je le déclare ,. retenez

* . bien mes paroles: si je reconnais que tous les récits de l’étrangersont sincères, je ’lelre’vêtirai d’un manteau ,I d’une tunique et

d’habits magnifiques. » ’ à . V A. ’ lElle dit; le fief des pasteurs s’éloigne après avoir entendu

cette parole; il s’approche d’Ulysse , et lui parle en ces mots:’ ;« Cher étranger. lalmére prudente de Télémaque vous appelle; I

tout son désir est de vous interroger sur Son époux ,ma’lgré les

peines qu’elle endure. Si Pénélopereconnaît que vos récits sont

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CHANT -:xvn. msincèrœ, elle vous revêtira d’une tunique et d’un manteau, don!

vous avez grand besoin; puis en implorant par la ville la pitié(les hommes vous apaiserez votre faim, chacun vous donnera

selon sa volonté. a , . l v v I v 7« Cher Eumée , reprit a l’instant le patient héros, je parleraisincèrement à la fille d’lcare, la prudente Pénélope; car je saisque] est le sort d’Ulysse : tous les deux nous souffrons le même

malheur. Mais je redoute la foule terrible des prétendants , dontl’injustice et la violence s’est élevée jusqu’à la voûte solide des

cieux; car maintenant lorsque cet homme en me frappant dansce palais, moi qui ne faisais aucun mal, m’a causé de si vivesdouleurs, ni Télémaque , ni personne, n’a pu me En-’gagez donc Pénélope a m’attendre dans sa demeure , malgré son

impatience, jusqu’au coucher du soleil; alors elle m’interrogeratouchant le retour .de son époux, en me’faisant asseoir prés dufoyer : car je n’ai que de pauvres habits, vous le savez, puisque

c’est vous que j’implorai le premier. a r .Ainsi parle Ulysse; Eumée s’éloigne après avoir comte

parole; Cependant Pénélope’ditau pasteur qui franchissait le

"seuil z V . * ia ’Quoi! vous ne l’amenez point ,. Eumée? Que pense donc ce

mendiant? Aurait-il quelque crainte ou quelque honte de tra-verser cta-palais? Le’mendiant honteux est funeste a lui- a . n

Chef des pasteurs, tu répondis alors! au L’étranger parle avec sagesSe, et comme parlerait tout autre

qui veut, éviter la» violence des superbes prétendants. il vous en-

gage donc à l’attendre jusqu’au coucher du soleil. Alors il voussera plus. facile à vousvmeme , ô reine , d’interroger seule votre ’

hôte et d’écouter ses récits, n - Aa Non sans doute, ditaussitôt Pénélope, cet homme, quel A

; qu’il soit, n’est’point dépouvu de prudence; car parmi la mor-.tels il n’en est point,zcomme ces audacieux, toujours occupés a

méditer désolâmes. » ’ p v, i ’ lC’est ainsi que parlait Pénélope; le pasteur, après s’être ac-

quitté de son message, revient’au milieu des prétendants. Aus-SÎiÔt il adresée ces paroles a Télémaque, en s’approchant de son

oreille, pour que les autres-ne l’entendent pas z . x I ’a Ami Nje retourne à ma bergerie, pour veiller sur les trou-

’ au.

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au noumène.peaux; votre subsistance et la mienne ; vous ici veillez sur tonuschoses. Songez d’abord a votre propre salut, et tachez en. votreâme qu’il ne veus survienne aucun mal :’ plusieurs Grecsméditent de mauvais desseins ; que Jupiter les anéantisse avant

que nous arrive le malheur. n a 1 .a Tout s’accompliraselon vos désirs , n- vieillard, la: ré-

pondit Télémaque; partez après avoirlgo ’ é; demain (enlever

de l’aurore ramenez ici les victimes sacrées, abandonnez le reste

a mes soins, ainsi qu’aux immortels. n " -Il dit; aussitôt Eumee va s’asseoir sur un. siège magnifique;

quand, il a satisfait la faim et la soifril se dispose à retournerauprès de ses troupeaux, et s’éloigne de la cour et du palais tout

rempli de convives :I ceux-ci salifient aux plËisirs de la dansentdu chant , car la fin du jour était prèsd’arràer. l h

r

CHANT X1Vlll.

- ÇOMBAT, D’ULYSSE ET meus. ”

En ce momentarrive un pauvre de profession , qui mendiaitdans la ville d’lthaque, et, remarquable par son avide glo n-.ne’rie , il mangeait et buvait sans mesure; mais il n’avait ni rocni’eourage: çependant il etait’d’une haute taille. llse nommait

Arnée , c’est le nain qu’a sa misance lui donna sa mère; mais’ tous les jeunes. gens :l’appelerent lins, parce qu’il faisait les

messages (me chaotm lui donnait. Cet homme en arrivant veut- chasser Ulysse du palais , .et’, l’amabl’ant d’outrages; il lui parle

en cosmots-z ’- I I . n ’ :« Fuis de ce portique, vieillard, de par): que tu ne sois sur

traîné par les pieds; ’ne voisvtu. pas fie tous me faut signe ,. et

m’ordoxment de te chasser? Mais fig rougirais enrvéritè. Re-tiré-toi, de peur qu’entre nous il ne s’élève Une quereller et que

nous n’en venions aux mains. î) ’ 1Ulysse, le regardant avec indignation, répondit: en ces I

mots : * ’ . l . J ’

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CHANT. XVIII. 235i «Malheureux, je ne te fais’ni ne te dis aucune injure ,,. etn’envie point ce qu’ont te donne , quels que soient les pulsaisque tu Ceseuil suffit à tous les deux; il ne te faut pas”envier les Biens des autres: tu me parais être un pauvre men-diant commeimoi, mais lesvdieuxldan’s la suite peuvent nousdonner l’opulence. fauterois, ne me menace pas avec tes mains ,de peur, quoique je sois vieux , que je ne souille de sang tu poi-trine et tes lèvres : demain je goûterais ici plus de repos, car jene crois pas que tu revinsses désormais dans les demeures du

fils-de Laerte. » w i ’« Grands dieux! s’écrie lrus tout en courroux, avec quelle volu-bluté parle ce glouton, on dirait une vieille enfumée; mais je4 l’hipablerai de coups, en le frappant avec mes deux mains, et deses mâchoires je ferai pleuvoir ses dents a terre, comme celles jd’un, sanglier ravageant les moissons. Maintenant, prends ta cein-ture,- et que ses héros soient témoins de notre lutte; mais-te

’ battras-tu contre un homme plus jeune que toi? »C’est ainsi que devant les portes élevées , et sur le seuil écla-

tant, ils se disputaient avec aigreur, Le fort Antinoüs est le pre-amie!" qui les aperçoit, et, riant avec délices, il dit aux préten:

dents : I ’ , i . ’ A« 0, ’mæ amis, jamais rien n”est" arrivé de semblable; quel

-plaisir un dieunous envoie dans ce palais! lrus et l’étrangerbrûlent de s’attaqçer l’un l’autre , hâtons-nous de les mettre aux

prises. a v. . , .Il dit; tons se lèvent enjriant, et.se rassemblent autour desdeux mendiants couverts de» haillons. Cependant le fils d’Eupi-thée, Antin’oils, fait entendre ces mots; .* ,« Valeuneux prétendants , écoutez-moi que je vousparle alesventres. des chèvres cuisent sur le feu; nous les avonsaplacéspour le repas du soir,"en les remplissant de graisselet de sang;

- bien! que (fluides deux qui vaincra ,-que celui qui sera leplus-fort, se présente et prenne la portion qu’il désire: désor-mais .il sera toujours admis à nosiestins, et nous ne’peri’net-

trans pas que nul autre viennezmendier ici. 3) ’ 4 h.Il dit, et chacun applaudità ces paroles. Alors le prudent

Ulysse, imaginantunc ruse; leur tient ce disCours : - . aa Princes,’sans’doute il n’est pas juste que contre un homme

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ne L’ODYSSÉEa . 1; ÇI jeune combatte-un vieillard terrassé. par ,l’infortunc; mais un;

faim cruelle m’oblige à recevoir encore de nouvelles blessuiresuggbToutefois, jurez tous, par un inviolable serméfitgænucun devous, pour favoriser injustement lrus, ne mè’Êappera d’une

main pesante et ne me soumettra par force à cetÉhomme. n Î .Tous promettent aussitôt ce que désire Quand ils ont 3??

juré, que les serments sont terminés, le héros Télémaque se lève, j

et parle en ces mots: - z A h U« Étranger, si votre âme et votre noble cœur vous excitent,chassezcet hommeLne redoutez aucun des Grecs ici présents-3 Iil serait attaqué par plusieurs celui qui vous frapperait. C,M Vmoi qui suis votre hôte; ces princes m’approuveront , Antin vainsi qu’Eurymaque, tous deux pleins de prudence. a a s l

Il» dit; tous les prétendants applaudissent. Cependant Ulysses’entoure de ses haillons comme d’une ceinture; il fait paraître ses

cuisses fortes et nerveuses , et laisse voir ses larm épaules: sapoitrine et ses bras vigoureux; Minerve, accourue’près de lui , à;fortifie encore les membres de ce pasteur des peuples. Tous lesprétendants sont frappés d’une grande surprise; ils parlent entre

eux, et se disent les uns aux autres : - . . . ’« Ah! bientôt lrus anéanti ressentira le malheur qu’il s’est at-

tiré.’Quels membres ce vieillard nous découvre de dessous- sœ

haillons! D , ’ * -’ nTels étaient leursdiscours ; cependant l’amehd’lrus était cruel-

lement agitée. Mais des serviteurs lui mettent par force uneceinture, etl’amènent tout tremblant; s’esmembres frissonnent

de crainte; Antinoüs alors l’aimable de reproches , etjlui. dit :a Vil fanfaron, tu ne devrais plus vivre maintenant, ni même

avoir reçu le jour, si; tremblant d’une vive crainte [tu redoutesce vieillard, terrassé par l’infortune qui l’accahle. Mais je’te le dé- jClara, et mes paroles s’accomplirdnt : si cet homme estan vain-queur, s’il est le. plus fort, je te jetterai dans un navire, etje nt’enverraivsur Je continent au prince Échétus, le plus crueldes 1’

’ hommes, qui te coupera le nei, les oreilles avec l’airain tran-chant, t’arrachera les signesde la virilité, et les donnera tout pal:

pitants aux chiens, pour être leur pâture. n I e . I . *A ces menaces’,»une frayeur plus grande agite encore ses mem-. Â

4

lires. Cependant on le conduit au milieu de l’assemblée. les deux

, ’ ’ t l . ’

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a» aussi xvm. 237combattants lèvent leurs mains; alors le vigoureux Ulysse bu- ,flancs en lui-même s’il frappera son adversaire jusqu’à lui, faire

perdre la’vs’recëaul si , l’attaquant avec peu delforcc, il l’étendra

seulement sur’la terre. Dans sa pensée il lui semble préférable de

l’attaquer avec peu de force pour n’être point reconnu par lesGrecs. Tous les deuxfinant les ’bras élevés, lrus le premier frappel’épaule droite d’Ulysse, qui le frappe à son tour dans le cou,non loin de. l’oreille, etlui brise les os. A l’instant labouæhe d’1-

rus est remplie d’un sang noir; il tombe dans la poussière enmugissant, ses dents sont fracassées, et ses pieds s’agittent sur lame. Alors tous les prétendants, les mains Élevées, se mouraient

rire. Cependant Ulysse entraîne lrus par les pieds hors duil, qpalais, jusque dans la cour, auprès des portes, et le laisse appuvé

.2, contre le mur de la cour; puis , lui remettant un bâton entre lesn mainsfiil lui parle en ces mots : -

« Reste la maintenant pour éloigner les chiens et "les porcs, etne prétends plus , toi qui n’es qu’un misérable ,te faire le roides r

étrangers et des pauvres, de peur d’éprouver un malheur plus

terrible encore. n . .En achevant ces mots, il jette sur ses épaules sa besace déchi-rée et toute rapiécée; une corde lui servait de ceinturon. Ensuiteil va se rasseoir sur le seuil; tous ceux qui se trouvaient dans lasalle riaient aux éclats et le félicitaient par ces paroles : ’ t ’

«Étranger, une Jupiter et les dieux immortels faucardent toutce que tu désires, et que ton amesoit comblée de joie, pour avoireupééhé ce glouton de mendier désormais, par larme; car bien-tôt. nous renverrons sur le continent au prince lâchétus, le plus

ttruel des hommes: n - . i . ÏAinsi parlent tous les prétendantsyle divin Ulysse se réjouiti deret heureux présage. Alors Antinoüs appprte au héros le ven- "

tre énorme de la victime tout rempli de graisse et de sang; Am-phinome lui donne, deux pains, qu’il prend dans une corbeille,lui présente une coupe d’or, et lui dit ces mots: r * " iî «-Salut,.yénérahle étrangerçpuissiez-vogs être hennin à l’a-

venir,-bi’en que maintenant vous soyez accablé, de maux hom-

- bPOUX. D j I i A : I t . . V I« Cher Amphinome, répondit Ulysse, vous me paraissez êtreune homme. prudent : tel..qu votre père: rappris autrefois sa

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233 " I L’ODYSSÉE. ’bonne renommée, j’appris que Nisus fut toujours dans Duli:lrhium un prince opulent et généreux; c’est de lui, dit-on, qui?vous êtes né L vous êtes en tout semblâhle à ce héros. c’estpour: cela que je vous parlerai; prêtez-moi doncSZ’Ëntion,,écou-

fez-moi. La terre ne nourrit rien de si faible que l’homme, parmitous les êtres qui respirent et.rampent sur cette même terre. lldit que le mal ne, l’atteindra jamais dans rima, tant que les,dieux lui donnent de la force et une ses membres sont pleins de

. vigueur ; maislorleue les dieux fortunés le livrent aux maths me,c’est malgré’tui’ qu’il se résigne à les supportgî.’ Tel est l’esp rit

des faibles humainsfil est selon le jour que luisions le père deshommes et des dieux. Ainsi moi-même je devais être heuretî; ; vparmi les mortels , et je bien des injustices , entraîné par.ma forœet ma puissance, etplein de confiance en l’appüixie mon 7

père et de mes frères. Que l’homme donc ne soit "us ,qu’il goûtelen silence les bienfaits des dieux, comme ils .accordent. Cependant, jenvois ici les prétendants commetëntide"grandes injustices , dévastant les richesses, et même outrageant

- l’épouse d’un homme qui, je pense, ne sera pas longtemps éloi-

gné de sa patrie et de ses amis, qui même est près, de des lieux.Puisse un dieu vous ramener dans vos demeures, pour que vousne combattiez pas ce héros quand il reviendra dansai patrie. Cen’est pas sans répandre bien du sang qu’aura lieu le lutte entreles prétendants et lui, lorsqu’il reviendra dans’sonpalais. »

Il dit, puis ayant fait les libations, il boit le vindélicieux .etlremet la coupe au chef des peuples. Celui-ci cependant, le ’ rrempli de tristesse, traverse la salle en secouant la tête; soirâmeprésageait le malheur. Il ne put éviter le destin; Minerve l’arrêta, -pour quÎil périt sous les coups et par la; forte lance de Télémaque.

Amphinome allavdonc se rasseoir sur le siégé qu’il venait de

quitter. . - .En ce moment la déesse Minerve inspire à Pénélope , fille d’l-

rare, de se montrer aux prétendants pour exciter encore leursdésirs et pour êtrevhoporée de Sonfils et (165011 éP9uX Plus en’

cors qu’auparavant: Laissant échapper unfldoux sourire, elle.

appelle Erirynome, et lui dit ces mots z I . - v Ia Eurynonîe, mon cœur souhaite, comme jamais il ne m’est

arrivé jusqu’à ce jour, de me. montrer aux prétendants, quoi-

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k l tCHANT XVIII. 239qu’ils me soient odieux; je veux dire à mon "fils une parole quilui sera profitable, de peur qu’il ne se confie entièrement a ceshommes superbes, eux qui parlent bien, mais qui dans’le fond

pensent mal. » ( Y ’L’intendante du palais répondit en ces mots :«Que toutes s’accomplissent, mon enfant, vous

parlez avec sagesse. Allez, dites une parole à yotre fils, ne luicachez rien; après que vous aurez lavé votre corps et parfumévos joues, ne vous présentez point avec un visage baigné delarmes : ilseraitmal de montrer que vouspleurez toujours. Votre ’fils maintenant est dans l’adolescence, «tel que vous demandiez

aux dieIIX’de le voir. » V ’ »La sage Pénélope répondit en ces mots :

a Ewome, vous ne me persuaderez pas; malgré votre solli-e fV cigadëîde laver mon corps, et de me. parfumer d’essences ; desafin; habitants de l’Olympe, m’ont ravi la beauté depuis lejour où mon époux est monté sur son vaisseau. Mais avertissezainsi qu’Autonoé, pour qu’elles m’accompagnentdans le palais; je n’irai point seule au milieu de ces hommes , je

suis retenue par ma pudeur. )i u ÏElle dit; la vieille servante sort aussitôt de la chambre pour

avertir les femmes , et les presser de venir.’ ’Cependant la déesse Minerve conçoit une autre pensée; elle

répand un doux sommeil sur la fille d’lcare. Celle-ci repose éten-

due, et tous ses membres, fatigués, se délassent sur une mollecouche; durant son sommeil, la puissante Pallas lui donne desprésents immOrtels, afin que tous les Grecs l’admirent. D’abordelle lave le beau visage de Pénélope avec l’essence divine dont separfume Cythérée couronnée de fleurs ,. lorsqu’elle’cpri’duît l’ai-

mable chœur des, Grâces; Minerve ensuite la fait paraître plus. Vgrandeetplus forte ; elle la rend plus blanche que l’ivoirevnouïvellement travaillé. Après avoir accompli’œ dessein,- la

puissantese’retire.L I ” * ’’ Bientôt les deux. suivantes arrivent en, parlant à haute voix;

le doux’sommeil s’enfuitlv,’et Pénélope, essuyant son visage avec

sesmains, s’écrie aussitQt: . ’ s L l V. u Hélas, infortunée! un daiix’assoupièsement,m’enveloppait

tout entière; puisse à l’instant mémela chaste Diane ainsi, m’en--

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ne A, L’ODYSSÉE.voyer une douce mort, afin que-je ne me consume pas éternel-lement dans les larmes, en regrettant le noble courage d’un époux

chéri , car il était le plus illustre des Grecs. n ’Pénélope, en achevant ces mots, quitte ses riches appartemenü,

non point seule, deux servantes la suivaient. Quand la plusnoble des femmes est arrivée auprèsdes prétendants, elle s’ar-

rête sur le seuil de la porte solide , ayant un léger voile qui cou-rre son visage; les deux suivantes se tiennent à ses côtés. Alorsles prétendants sentent fléchir leurs genoux, et leurrâme est

A troublée d’amour; tous désirent partager sa couche. Elle cepen-

dant dit à Télémaque, son fils chéri : p« Télémaque, il n’est en vous ni pensées inébranlables ni

prudence; n’étant encore qu’un enfant, votre esprit annonçait

plus de sagesse; mais maintenant que vous et que ’vous avez atteint l’adolescence, lorsque tout p b(lit en voyant votre taille et votre beauté, que vouifies’jeud’un héros vaillant, il n’est en vous ni pensées codWài eprudence. Ah! quel crime vient d’être commis enïegppiais; vousqui souffrez qu’un hôte soit indignement ou e V ÎŒEpÎest-ce

pas ce qui vous arrive maintenant? Lorsqu’un Mààécueillidans ces demeures, éprouve des traitements odiefii,’â’vsus en est

la honte, et la tache en restera parmi les hommes.» ’ va 0 ma mère, lui répondit Télémaque, je ne blâme point votre

courroux ; cependant au fond de mon âme je comprends, je saischaque chose, les bonnes et les mauvaises. Autrefois, il estvrai,je n’étais qu’un enfant; mais aujourd’hui même je ne puis’ tout.

imaginer selon la prudence; Ils m’attaquent Sans cesse , assidusà mes côtés, ceux" qui méditent les crimes, et pour môi ne selévéntpoint de défenseurs. Toutefois, ce n’est pas par la volontédes prétendants qu’est survenue la querelle’d’lrus et de l’étran-

ger; celui-ci seul a triomphé par sa propre ’yigueur. Grand Ju-piter, Minerve, Apollon, que de même maintenant dans nos deomeures les prétendants penchentïleursœtes , et que vaincus , oudans lanceur , ou dans l’intérieur ,.leurs membres soient brisés.

comme est maintenant lrus assis vers les portiques de la cour,qui, laissant retomber sa tête, tel qu’un homme, ivre, ne peut nirester debout sur ses pieds, ni, retournera sa demeure, ou sondésir estde se rendre, car ses’membres sont-sans force.»

L.

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’ÇHANTVXVHI. 21.1Ainsi s’nentretenaient Télémaque et sa mère. Eurymaquc adresse

ces paroles à Pénélope: n - , r ’ .i « Prudente fille d’lcare , si tous les Grecs d’Arg’os, où régna

.hson, vous voyaient, un plus grand nombre de prétendants au il sein de vos demeures partageraient nos festins dès l’aurore".

parce que vous l’emportez surtOute’sles femmes par la beauté,

la taille, et la sagesse de votre esprit. a i r«’Eurymaque, répondit la prudentePénélôpe , les dieux ont

détruit ma, force, ma taille’et ma beauté, lorsque les Grecs s’em-

barquèrent pour llion, et qu’avec eux partit mon époux Ulysse; vsi ce hérosen revenant ici protégeait encore ma vie, j’en aurais

bien plus de gloire et de beauté. Maintenant je languis dans latristesse, , tant sont nombreux les maux dont une divinité m’ac- -

4 cablei millasse partit, abandonnant les tenteslde la patrie,’ " ’ adroite dans la sienne, et me dit : Ï

flouse, je ne pense pas que tous les Grecs reviennenti t d’llion; on dit que les Troyens sont dessguerriers’ 1, à lancer un trait, à diriger une flèche, acon- Ë

,7 ’ïlplaine de rapides coursiers, quizdécident en uninstant lutte d’une batailloisanglante. J’ignore donc siquelque dieu son me sauvero’u me perdre dans les plaines deTroielpmaië, vous, ici veillez. sur tous nos biens. Souvenez-vous,dans ce palais, de mon père, de ma mère, comme maintenant,et plus encore, pendant mon absence; Cependant lorsque vousverrez-que mon fils est adolescent, vous choisirez un époux selonvos désirs , et vouseabandonnerez cette maison. *» C’est ainsi que *parlait Ulysse; maintenant lestemps sont. arrivés. La nuit ap-proche ou ce mariage odieux Va staccomplir peur moi, malheu-reuse, que Jupiter a privée de tout bien, Mais un violent chagrins’est encore emparé de mon âme; mes prétendants n’observent

point l’usage comme jusqufà ce jour z ceux qui désirent obtenir

une femme vertueuse, filleid’un homme-puissant, ceux qui sedispu’œntÎsa main, amènent des bœufs et de grasses brebis pour

offrir un repas aux amis de la prétendue; et lui dorment desuperbes présents; mais ils (ne dévorent pas impunément les

ricbesses d’autrui.- » ’ A - l "Elle dit; Ulysse sourit a Ce discours, parce qu’elle attirait ainsi

les dons des prétendants, et qu’elle flattait leur espoir par de

x n

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I 242 L’ODYSS’ÉE.douces paroles; mais son esprit avait..conçu d’autres. pensées.

Alors le fils d’Eupithée, Antinoüs, lui répond en ces mots z

- a Fille d’lcare, prudente Pénélope , acceptez les présentsg’ue

chacun des voudra vous apporter ici, car il ne serait pinsbien de refuser ces dons;.mais nous ne retournerons point dansnos domaines, ni nulle autre part, avant que vous n’ayez’épousé

le plus illustre des Grecs. n ’ aAinsi parle Antinoüs; tous approuvent ce dessein. Chaéun

d’eux envoie son héraut pour chercher les présents; celui d’An-

r tinoüs apporte un grand et riche manteau chargé dgbroderies :làsont douze agrafes, toutes d’or, adaptées à leur-saunéaux bienamadis. Celui’d’Eurymaque apporte un richetqhoilier, où l’am-

4 bre est enchâàsé dans l’or, et brillant comme leMleil. Les deux

serviteurs ŒEurvdamas apportent de belles boucles d’oreilles ,soigneusement travaillées; cette parure brille de mill ’Un serviteur revient de chez Pisandre , filsde’ Polyctor; avec Ën?collier, ornement d’une rare beauté. C’est ainsi quetliaéuînfdesl

. Grecs donne-a la reine un superbe présent. Alors Pénélope, laplus belle des femmes, remonte dans ses appartementgsilevés ;’ lesdeux suivantes emportent les dons magnifiques. i

Après son départ; les jeunes princes goûtèrent le charme de, ladanse et du chant; ils restèrent jusqu’à ce que .vint le soir. Lanuit sombre arriva qu’ils se réjouissaient encore. Aussitôt on al-lume trois brasiers dans le palais, afin de l’éclairer; dans ces bra-siers on jette des éclats d’un bois dur, desséché depuislongtemps,

nouvellementldivisé par le fer, et l’on y mêle le feu des torches

enflammées; les servantes du patient Ulysse entretiennent toura tour la lumière. Alors le noble et sage Ulysse leur adresse ces

parolesf. - . 7 V u« servantes d’Ulysse, déca prince abseiît depuis tant damnées,retournez dans les appartementsoi’i s’est retirée l’auguste reine;

pour elle tournezle fuseau , réjouissez son âme en restant assisesdans’sa chambre, ou de vos mains préparez la laine ; je me charge

d’entretenir ici la lumière aces princes. Si’méme ils veulent autendre l,’Aurore,sur son trône d’or, ils ne vaincront pas. ma cons-

tance; je suis patient dans les travaux. n , 1 Ï V . l ja il dit, et toutes lesfemmes se regardent en riant. Çependant

la belle Mélanthp l’injurie avec outrages; fille deIDolius, Pénélope

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CHANT XVlII. 22::l’élcva , la chérit comme serpentant, etJuipdonna des parurespour charmer son "cœur; pourtant dans son ameçlle ne partagea.point la douleur de Pénélope; mais elleîs’ulnit au jeune EurSY-I

i maque, et l’aima. cette femme insulte Ulysse partes paroles

outrageantes : i Il ’ .« Étranger misérable, tu mesqulun vil insensé, toi ,qui refu-

sesld’aller coucher dans une forge, ou dans quelque taverne;mais tu préfères ici discourir avec audace au milieu de ces hérosnombreux, et. dans ton âme tu ne redoutes rien. Est-ce quele vina troublé tagraisonhou ton esprit est-il toujours ainsi? Tu nedébites queîües paroles inconsidérées. Ou serait-ce la joie d’avoir

terrasæ: le lrus? Mais crains qulùn autre plus vaillantqu’lrus ne serîève, et, te frappant la tète de son. bras vigoureux,

ne te renvoie de cette maison; en te souillant de sang. nLe* ’ e Ulysse , lançant sur elle un regard d’indignation; sa.

crie aga; , I .a Înùflidente, je vais a llinstant dire àTelémaque ce que tu

viens de proférer, pour qu’arrivant en ces lieui il mette ton

corps èn’lapbeaux. n - . V . ’ .Il dit, et par ses paroles il remplit de terreur toutœ les ser-

vantes. Elles se dispersent dans le palais , et leurs membres sont ’brisés par la crainte; elles pensaient que vraiment il dirait? touta Télémaque. Cependant Ulysse, à la lueur des brasiers étince-lants, se tient debout en considérant tous ces princes; rouleau fond de son âme mille desseins terribles , quine resteront pas

sans effet. P i i i i lCependant Minerve ne permet pas que les superbes’ prétendants i

cessent leursinsultes cruelles, afin que la douleur pénètre encoredavantage dans l’aine d’Ulysse. infirma-due, fils de Polybe, est

le premier qui cherche à blesser le Cœur du heros; alors pourexçiter le,rire de ses compagnons : i . ’ ’ ’

a Écoutez-moi , dit-il , prétendants d’une illustre reine , que je

vous dise ce que m’inspire mon âme. Ce n’est pas sansll’inter-

vention d’un dieu que"cet homme est venu dansje palais d’il-lysse ; il me parait que féciat des’flambéaux est semblablela celuide s’il-tète , car onn’y voit pas un cheveu, pas un seulen vérité. n

Puis il se tourne vers Ulysse, et lui tientice discours :a Étranger voudrais-tu me servir, si je te prenais a mes gages

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21.4 ’ L’ODYSSÉE.(la récompense serait suffisante ) 1. Poulailler les haies, et plan-

ter de grands arbres aux limites. de mon champ? En outre, je tefournirais une. abondante nourriture, je te revêtirais d’habits, et

je te donnerais des chaussures pour tes pieds. Mais tu neque les mauvaises actions, tu ne veux pas travailler, et lepre-fères mendier parla ville pour assouvir ton ventre insatiable. n

« Eurymaque, lui répond Ulysse, s’il s’élevait entre nous une

lutte de travail dans une prairie, durant la saison du printemps,lorsque viennent les longs jours, que je fusse armé d’une fauxrecourbée, que vous en eussiez une aussi, pomme nous fissionspreuves de travail, tous deux a jeun, jusqu’à i des ténè-bres, l’herbe de mon coté serait toute fane x .bien si desbœufs devaient être dirigés, des bœufs robusüfrouxygrands,tous deux abondamment nourris, de mêmeagë, égaux en force;

et dont la vigueur est tout entière , et s’il existait une dequatre arpents dont le sol dût céder à la charrue, agitaisverriez si je creuserais un profond sillon. Si même aujo ’ lefils de Saturne allumait la guerre, si j’avais un bouclier, deuxjavelots , un casque d’airainqui s’adaptat à mes pas, alorsvous me verriez marcher àla tète des courbattants,’et.vous neparleriez pas pour me reprocher ma voracité. Mais vous-ne savezqu’outrager, et votre. cœur est sans pitié; vous croyez fortet puissanttparce que vous êtes au milieu d’un petit "nombred’hommes sans courage. Si le valeureux Ulysse arrivait, s’il-re-venait aux terres de la patrie, ces portes, quoique vastes, vousseraient étroites dans votre fuite loin du seuil de ce palais, n .

Il dit ; Eurymaque aussitôt éprouve un violent courroux dansson cœur, et jetant sur Ulysse des regards furieux, illaisse échap-I

percesparolesrapides: . - V - .-, a Misérable! je vais a l’instant t’aocabler de maux, toi quiparles avec tant d’audace au milieu de’ces héros munirai: , etquidams son émane redoutes rien; est-ce que. le vin a troublé téraison, ou ton esprit est-il toujours ainsi 7’ Tu ne débites quedœparoles inconsidérées. Ou bien enfin serait-ce la joie d’avoir ter-

rassé’le mendiant 1ms? » i - . IAll’dit; et saisit une longue escabelle; mais Ulysse s’assied aux

pieds d’Amphinome de Dulichium; en redoutant Eurymaque’; ceprince frappe l’échanson a la main droite; aussitôt Al’aiguière

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CHANT van. ’ , 245tombe à terre avec un grand bruit; lui-même en gémissant estrenversé dans la pousière. Alors parmi les prétendants s’élève

unhorrible tumulte au sein du palais ombragé ; tous se disaient l

les uns aux autres : ’ . " va Plut au ciel que cet, étranger. mendiant fûtmort avant devenir en ces lieux! un tel tumulte ne serait’pas survenu. Main-tenant nousnous querellons pour despauvres; la joie des splen-dides festins n’existe plus, c’est le mal qui triomphe. n

Alors. le puissant Télémaque leur adresse ces mots :a Malheureux! vous délirez , vous ne comprimez plus en

votre âme les excès de la bonne chère et du vin; samdoute c’estun dieu qui vous eircite. Cependant, après vous être bien ras:sasiés , allez goûter le sommeil en rentrant dans vos demeures,si c’est la votre désir ; je ne contrains personne. a a n

Tous à ces mots compriment leurs lèvres de dépit, et séton: ’

ment que Télémaque ose parler avec tant d’assurance. CependantAmphinome , illustre fils de Nisus, issu hii-méme-d’Arétés, fait

entendre ce discours au milieu de l’assemblée : ’ -» a 0 mes amis, qu’aucun de nous à ce juste reproche ne s’in-

digne en répliquant par d’aigres paroles; ne frappez point l’é-tranger, ni les serviteurs qui sont dans la maison d’Ulysse.’Mais plutôt que l’échanson nous présente les coupes , afin qq’a- l

près avoir fait les libations , nous allions goûter le reposien ren-trant dans nos demeures; dans ce palais , laissons à Télémaquele soin d’accueillir l’étranger; c’est chez lui qu’il est arrivé. »

-. Il dit, et ce conseil est agréable àtous les prétendants. ,Aus-sitôt Moulius, héraut de Dulichium, mêle le breuvage dans l’urne

(c’était. le serviteur d’Ampbinome); puis il distribue avec sein

les coupes aux convives. Eux cependant, après avoir fait ileslibations aux dieux immortels, boivent le vindélectable. Quandils ont terminé ces libations , et bu le vin au gré de leurs désirs ,

ils vontgoûter le sommeilchacun dans sa demeure; fi

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240 InpngssÉr.

CHANT XIX.-

ENTRETIENS D’ULYSSE ET DE PÉNELoPE: I- ne;, ’ CONNAISSANCE D’UL’YSSE un EUBYCLEË.

Le divin Ulysse était resté dans llintérieur du palais, méditantavec Minerve le trépas des prétendants; aussitôt il adresse à

Télémaque ces paroles rapides z L V I. u Télémaque, il faut placer dans l’intérieur de la chambre 1105

, armes terribles, toutes sans exception; ensuite détournez les.sollpç0ns des prétendants par des discours spécieux , et lors-

qu’ils vous intertogeront dans le désir de posséder ces armes ,. dites-leur : «de les ai placées loin de la Fumée; elles ne sont déjà

Ï plus semblables à celles qu’Ulysse a laissées quand il partit pour" mon; mais elles’ont perdu leur éclat, tant elles furent exposées

a la vapeur de Ja flamme. D’ailleurs un, dieu m’inspire unepensée plus forte: redoutequ’en buvant le vin et prenantentre vous querelle, vous nevous frapfiiezles uns les autres; etne souilliez par le sang vos festins et les poursuites du mariage ;j

I car le fer attire l’homme. l0 1 1 - * . dIl» dit;.Télémai;ue obéit aux ordres de soudière; et soudain

appelant la nourrice Euryclée,’il lui dit z i , 4v a Nourrice, renfermez les femmes de la reine dans leurs ap-

partements, tandis que j’irai déposer dans la chambre les su-perbes armes ,de mon père, que la fumée a ternies dans ce paiais,depuis sa longue absence; jusqu’à ce jour je ne fus qu’un en-fant, maintenant je veux les mettre à part, pourzqu’elles nesoient plus exposées à la vapeur de la flamme. n ni - A

I a Plut au ciel, mon fils, répond la nourrice Enr-yClée, qu’cnfin

voussoyez assez prudent pour prendre soin de votre maison etconserver tous vos biens! Mais dites-moi qui portera devantvous un flambeau? car vous neipermettrez’pas aux servantesdu sortir, elles qui doivent vous éclairer. » av

a Cet étranger m’aidera , reprend le sage Télémaque. Je ne

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" CHANT x1x. 24;veux pas qu’il resteioislif, Celui qui touche a mon boisseau,quoiqu’il vienne de loin. » I ’ V

Ainsi parla lehérbs; cette parole n’est point fugitive pour Eu-ryclée. Elle ferme les portes des appartemerits,habités.Ï,Alors

Ulysse’et son fils se hâtent d’enlever les casques, les boucliers

I arrondis , et les lances aiguës; devant’eux la déesse Pallas , por-tant un flambeau d’or, répandait uneivive lumière. AussthTélémaque, s’adressant au vaillant Ulysse z

a 0-mon père, dit-il, un prodige étonnant frappe mes yeux;. les mursde ce palais , ces superbes lambris, ces poutres de sa-

pin, hautes colonnes, brillent à mes regards comme uneflamme étincelante; sans doutequ’en cetteidemeure est venul’un des dieux qui possèdent le vaste ciel. n w .

a Silence , interrompt le sage Ulysse, retenez vos pensées envotre âme, ne m’interrogez pas; en effet, telle est la coutumedes dieux qui posSédent l’Olympe. Vous cependant, allez goûter

quelquerepos; moi, je reste en ces lieux,.afin d’éprouver lesservantes et,ma mère; elle qui dans sa’douleur m’interrogera

sur chaque chose. » l ’ ’Il dit; alors Télémaque sort du palais, et se rend , à la lueur

des flambeaux,dans la chambre ou jusque alors il avait coutumede coucher quand venait le doux sommeil ; c’est la qu’il s’endort

ct qu’il attend la divine aurore. Ulysse cependant était restédansile palais,.niéditantavec,Minerve le trépas des prétendants.

i "’En ce moment Pénélope quitte ses riches appartements, bellecomme Diane ou la blonde Vénus. Ses flemmes placent devant lefoyer le". siège orné d’argent et d’ivoire où s’asseyant la reine,

meuble que jadis façonna l’ouvrier lcmalius, et sous lequel iladapta pour les pieds une escabelle, qui tenait au siège lui-même,

" et qu’on recouvrait d’unelarge peau de brebis. C’est là que s’as-

sied la sage Pénélope. Alors les servantes arrivent de l’intérieur

du palais. Elles enlèvent’une grande quantité de pain, les tables,et les coupes où burent les fiers prétendants; elles jettent àterre le feu des brasiers (mais elles y remettent beaucoup de bois,pour répandrela lumière et la chaleur. Mélantho cependant,une seconde fois, outrage Ulysse, et lui’dit :

a Étranger, pourquoi te permettre, errant ainsi durant lanuit dans ce palais, d’épier les femmes? Sors d’ici, misérable,

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248 . L’ODYSSÉE.sois satisfait d’avoir pris ton repas, ou soudain, frappé de wtison, tu seras mis dehors. » » - .. Le patient Ulysse, lançant sur elle de Mies regards , lui

répond en ces termes : V ’« Malheureuse! pourquoi me poursuivre ainsi d’une âme ira

rites? Est-ce parœ que je suis malpropre, couvert de méchantshabits, et que je mendie par la ville? Hélas! la nécæsité m’y

contraint. Tels sont en effet les pauvres et les voyageurs infor-tunés. Moi-même, heureux autrefois, j’habitais ainsi parmi leshommes un riche’palais , et souvent je comblais de bien l’étran-

ger, que] qu’il fût, quand il arrivait pressé par le besoin. Jepossédais mille serviteurs et tous’les biens échus à ceux qui vi-vent dans l’abondance et que l’onynon’ime opulents. Ma’w le fils

de Saturnea tout détruit; telle fut sa volonté. Redoute doncaussi, jeune fille, de perdre cet éclat de beauté dont tu paraisornée entre toutes tes compagnes; crains que tu maîtresse irritéene te punisse, ou qu’Ulysse ne revienne; le destin nous laisSeencore quelque espérance. Mais serait-il mortet ne fût-il aucunespoir de retour, son fils est tel que lui par le secours d’Apollon,

Télémaque , auquel pas une femme de ce palais ne pourra dé-rober ses crimes; car il n’est plus aujourd’hui dans l’enfance. n

n en, et pénélope amenât ce discours; alors elle réprimande

la servante, et lui parle en ces mots 1- 4 j ’ ’ ’«i Audacieusenet la plus effrontée de toutes, ton crime ne

m’est point caché, tale payeras de ta tête. Tu savais tout pour-

tant, puisque toi-même as entendu» de ma bouche que i je vou-lais dans mes appartements interroger cet hôte sur le’sort de

- mon époux: car mon âme est profondànant affligée. n « tAyant ainsi parlé, Pénélope donne cet ordre à l’intenüa’nte

du palais : ’ , - ’ ,. «c Eurynome, apportez un siège. et recouvrable d’une peau debrebis , latin qu’assis près de moi l’étranger m’adresse une pa-

role et m’écoute a son tour; je veux l’interroger. n lElle dit; aussth Eurynome apporte un siège élégant, et le

recouvre d’une peau de brebis ; c’est la que s’assied [le patientUlysse. Pénélope alors commença l’entretien, et lui parle en ces

mots : ’ . .«Étranger, je vous demanderaid’abord qui vous étes;-qucl

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x

CHANT» Xix. mpeuple venez-vous de quitter? Quels sont et votre ville-et vos ’

parents? n ’tu Oxeine, lui répondit Ulysse, il n’est pas un seul" homme sur.

toute la terre qui vous fasse aucun reproche; votre gloire s’estélevée jusqu’au vaste ciel ; vous êtes comme un prince irrépro-

chable qui, plein de respect envers les dieux, règne sur des,hommes nombreux et’vaillants, etflistribue la justice; la terre

4 fertile porte l’orge et le blé, les arbressont chargés de fruits, les

troupeaux sont féconds, la mer fournit du poisson en abon-dance; grâce à son règne équitable, les peuples vivent heureuxsous ses lois. Toutefois, maintenant dans votre maison, inter-rogez-moi sur tout autre sujet; ne mè’questionnez pas sur niafamille, ma patrie, parce que vous rempliriez mon âme de doumleurs si je rappelais ces souvenirs; je suis surtout fertile enplaintes Cependant jene doislpoint m’asseoir dans’une maisonétrangère pour y soupirer et verser des larmes , parce qu’il est

mal de gémir sans cesse avec amertume; craignant d’ailleursque vous-môme, ou l’uncde vos servantes, ne s’irrite’contremoi, qu’elle ne dise, en me voyant répandre des pleurs, que mes

esprits sont appesantis par le vin.» p ’La prudente Pénélope répondit en œs mots z - . V«Étranger, les dieux ont détruit. ma force, ma taille, ma

beauté, lorsque les Grecs s’embarquèrent pour llion, et qu’avec

eux partit mon époux Ulysse. Si ce héros, en revenant ici, pro-. tégeait encore ma vie, j’en- aurais bien plus de gloire et de beauté.

Maintenant je languis dans la tristesse, tant sent nombreux les, maux dont une divinité m’accable. Tous les princes qui règnent

sur les iles voisines; Dulichium’, Samé , la verte Zacynthe, ceuxmême qui se sont emparés du pouvoir dans l’apre lthaqùe,malgré moi, désirent m’épouser, et ravagent me maison. Je ne

puis donner mes soins aux étrangers, aux suppliants, ni mêmeaux hérauts qui sont chargés d’un ministère public; mais je re-

grette Ulysse, et mon cœur est censumé de chagrin. Eux cepen-«dant pressent mon’ma’riage; moi j’jhvente mille ruses. D’abord

un dieu m’inspire de faire un vétement funèbre,- et d’ourdir,assise dans mon palais, une grande toile ,tissu délicat, et d’une

grandeur immense ; puis" je’leur ai dit g a Jeunesphommes, mesprétendants , puisque Ulysse a péri, différez mon mariage mal-

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4-250, L’ODYSSEE. .i gré vos désirs, jusqu’à ce que j’aie’acheve ce tissu funèbre que je

destine au héros Laerte’( puissent mes travaux n’être pas enflé.

rament perdus !),, lorsqu’il subira les dures lois de la mort; depeur que queldue femme parmi le peuple des Grecs ne sllndignerontre moi," s’il reposait sans un linceul, celui qui posséda de si

grandes richesses. n c’est ainsi que je parlais; leur’àme 15e laissa. persuaderl Cependant,- durant le jour je travaillais a cette grande

toile, et ila’nuit,,à la lueur des flambeaux, je détruisais mon ou-

vrage. Ainsi, pendant trois années , je me cachai par ruse, et. jepersuadai les Grecs; mais quand les heures dans leur coursamenèrent la quatrième année, que les mois et les journées nom-breuses furent écoulés, avertis par des servantes déhontées etsans pitié, les prétendants, survenant en ces lieux, me surprirent,et me menacèrent dans leurs discours. Ainsi ,’malgrè moi, je fuscontrainte par la. nec-essité d’achever mon ouvrage. Aujourd’hui

je ne puis plus éviter le mariage, je ne vois plus aucun autremoyen ;.,dlailleurs, mes parents me pressent de me marier. Monfils, connaissant son malheur, .voit avec peinequ’on dévore sonhéritage ; car le voilà (maintenant homme capable de gouvernersa maison , et Jupiter Je comble de gloire. Mais vous, dites-moi

lquelleiest votre famille, ’dloù vous êtes; car sans doute vousn’êtes pas ne du vieux chêne ou du rocher. n V.

a Vénérable épouse du fils de Laerte , répond Ulysse, ne, ces-serez-vous point de m’interroger sur ma naissance? Eh bien , je

vous la dirai ; mais vous meIlivrerez a des douleurs plus nom-Ibreuses que celles que jléprouve’ : il deit en être ainsi pour touthomme éloigné de sa patrie depuis aussi longtemps. que "je: le isuis moi-même à présent, après avoir parcouru les nombreuses

cités des hommes et souffert bien des maux. Cependant je vousles.raconte1m , puisque vous mlinterrogez et. le demandez avec

instance. 1 ’ A -’ V« f fi l.u Au milieu dele vaste mer est lerpays de Crète, ne belle etféconde; elle renferme des -hommes innombrables , et quatle-vjngt-dix villes. Divers .làngages y sont confondus; la sont lesAéhéensfles magnanimieskùètois autochthones, les Çydoniens,

ï Doriens divisés en trois tribus, et lespdivins Pélages. Aumilieu decespeuples slelève la "grande villekde.’ Cnœe; c’est Il:

que régna Minos, qui tous les neuf ans eut des entretiens avec

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"CHANT x1x. A auJupiter, Minos, le père ide mon père , le valeureux Deucalion.Oui, c’est à Deucalion que je dois le joun ainsi quildoménée,notre roi;’lui, sur. ses larges vaisseaux , alla dans llion avec lesAtrides; moi, le plus jette, jereçus le nom glorieux d’Éthon ;ldoménée était le prelîier et le plus vaillant. Ce fut en Crelt’quepas Ulysse, et que je lui donnai "les présents de l’hospitalité.

La violence des vents, en Péloignant du cap Malée, le poussa versla Crète, quand il se rendait à Troie; il slarréta sur le fleuveAmnisus, près de la grotte d’llithye, dans un port difficile; cehéros n’échappa qulavec peine a la tempête. Alors il ’slinforma

d’ldoménée en venant a la vilÏe;.car c’était, disait.il, son hôtevénérable et chéri. Mais déjà la dixième ou la. onzième aurore

avait brlllé depuis qulldomènée sur ses forts navires était partipour llion.’ Moi cependant, conduisant’Ulfsse. dans notre palais,

je lui donnai l’hospitalité;je l’aœueillis avec zèle , ayant a la i

maison de nombreuseslprovi’sions; en outre , soit pour lui . soitpour les compagnons qui -le,suivirent, rassemblant des vivresdu dépôt public, je leur donnai de la farine et du vin, afin qulils ’immolassent des bœufs et que chacun pût satisfaire ses désirs.

’ rocs demeurèrent douze jours dans la Crète; ils étaienti par l’impétueux vent de Dorée, qui sur latence. ne per-

" mettait pas qu’on restât debout; uneidivinité terrible l’excitait;enfin le vent tomba le treizième jour, etles Grecs s’éloignère’nt. il

c’est ainsi que dans ses discours Ulysse donnait a des fablesles apparences de la vérité; Pénélope en l’écoutant versait. des

larmes, et son corps s’affaiblissait. Ainsi la neige , amoncelée parle Zéphyr sur les hautes montagnes, fond au sOufflc de l’Eurus :

les fleuves dans leurs cours en sont remplisfde même est baignéde larmes le beau visage, de Pénélope, qui ne cesse de pleurer.son époux. Cependant Ulysse prend pitié dans son âme de sagémissante épouse ; mais. ses yeux restent fixes, comme de lacerne ou du fer, et ses paupières sont immobiles ; par ruse il re-tient ses larmes. Quand Pénélope s’est longtemps rassasiée de

pleurs et de regrets , elle adresse de nouveau la parole au van-j

lant Ulysse: t v I t l.d Étranger, dit elle, je désire maintenant vous éprouver,’êt

savoir s*il est vrai quhvæ ses nobles; compagnons vous ayezreçu moriïépeux dans vos. demeures, comme Vous llannonecz;

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in L’QDYSSÉE. ’J diiesmoi donc quels étaient ses vêlements, quel il était lui-

mèine, et les qui le suivaient. n . i« Grande reine , reprit Ulysse aussitôt, il me sera difficile de

vous le dire , après un si long temps écoulé; voilà déjà vingtannées que se héros aborda dans la Crète; et qu’il a quitté, mafifille. Cependant je vous raconterai tous ces détails -oOmme

imagination me les représente encore. Ulysse avait un largeu de pourpre, d’une étoffe moelleuse; il s’attachait par

l maie d’or et ses deux anneaux; surie devant était une’ riche broderie : c’était un chien qui de sesdeux pieds tenait un

- jeune cerf, et le regardait expiram. Chacun admirait ce travail;où les deux animaux étaient d’or, Le chien regardait le cerf enl’étouffant, et celui-ci, pour, s’échapper, se débattait avec ses

pieds. Autour de son corps j’aperçus aussi sa tunique élégante ,semblable à l’enveloppe délicate de Pognon, telle étaitsa finesse ;

,elle avait l’éclat du seleil, et beaucoup de femmes l’admiraient.

Mais je dois vous le dire , remarquez bien ces paroles; je ne saispas si c’était la le vêtement qn’Ulysse portait à sa maison , ou si

l’un de ses compagnons le lui donna quand il-était sur son na-’vire, ou bien quelque étranger; car Ulysse était chéri d’un grand

nombre , peu de hères parmi. les Grecsle furent autant. Ainsi jelui donnai quand il partit une épée d’airain , un large et superbe

manteau de pourpre , avec une longue tunique; et je le renvoyaicomblé d’honneurs sur son solide navire. Un héraut un peu plusâgé que lui l’aœompagnait; je, vais le dépeindre tel qu’il était :

il avait de larges épaules, la peau basanée, et les cheveux crépus;

son.nom était.Eurybate; Ulysse l’honorait entre tous ses oom-pagnons, parce qu’Eurybatc possédait un esprit plein de sa-- ’

gesse. l) I ’ ’.A peine a-t-il achevé de parler, que Pénélope sent rénaltre 4

plus; vivement Ses douleurs, en reconnaissant les signes une luidécrivait’exactement Ulysse. Quand elle s’est rassasiée d’abon-

dantes larmes, s’adressant encore à l’étranger, elle reprend en

, ces mots : k V - ’ .i -« Étranger, qui jusqu’à camoment ne fûtes qu’un sujet de

compassion, maintenant, dans mes. demeures , vous me devenezun,hÔÎÆ me hie et chéri; carc’est moi-même qui lui donna;

. lés vêtemen que vous ’vene’z de décrire, en les’retirant tout

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C H A NT X! X .plies de la chambre du mariage; jîattachai cette brillante agrafepour être un ornement a’cette parure. Mais, hélas! je ne lerecevrai plus’a son retour dans sa douce patrie. Ce fut sous decruels auspices qu’Ulysse partit dans son large navire pour l’in-

fame et funeste llion. n ’- a Chaste épouse du fils de Laerte, reprend Ulysse aussitôt, nedétruisez point votre beauté, n’affligez point votre âme en pleu-rant votre époux; et cependant je ne puis vous blâmer : toutefemme pleure ainsi celui qui l’épousa quand elle était vierge, etdont elle eut des enfants en s’unissant à lui, surtout quand cetépoux est Ulysse, qu’on dit être égal aux dieux. Mais calmez vos

regrets, et retenez soigneusement. mes paroles; je vous parleraisincèrement, et ne vous cacherai point ce que je sais touchant leretour d’Ulysse, qui prés de ces lieux est plein de vie dans lepays des Thesprotes; il apporte avec lui de nombreux et magni-fiques trésors, qu’il a recueillis dans ses voyages ; mais il a perdu

ses valeureux compagnons et son navire dans la mer profonde,en quittant l’lle de Thrinacie, Jupiter et le Soleil s’irritèrentcontre lui; car ses compagnons tuèrent les bœufs du Soleil. Tous,ont péri, dans les abîmes de la mer ; lui seul, échappant aux vaguessur la’Carène de son vaisseau, fut porté vers le continent, dans

lelpays des Phéaciens, qui tirent leur origine des dieux; sespeuples , de leur plein gré, l’honorèrent comme une divinité, lui

donnèrent’des présents superbes, et voulaient le ramener chezlui sans dommage. Sans doute Ulysse serait depuis longtemps ici;mais dans son âme il a jugé qu’il était préférable d’acquérir en-

core des’richesses, eniparcourant d’autres contrées; votre époux

l’emporte sur tous les hommes par ses nombreux. stratagèmes,nul autre ne peut le lui disputer. Voilà ce que m’a raconté Phei-don, le roi des Thesprotes; il m’a juré, lorsqu’il faisait des liba-

tionsldans son palais, que le navire était sur le rivage, et quemêmeétaient déjà prêts les’compagnons, qui doivent reconduire

Ulysse dans sa patries l’heidon me renvoya le premier; il saisitl’occasion d’un vaisseau thesprote qui faisait voile pour la fertileDulichium; il me montra les nombreuses richesses qu’Ulysse avaitacquises; ellesnourriraient une famille entière jusqu’à la dixièmegénération : tels sont les trésors accumulés pour lui dans le pa-lais du roi. Ce prince me ditqu’Ulysse était allé dans la forêt de

L’onïssea. m

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à L’QPIYSSÉE,Dodo’ne, afin "d’entendre du ch divin à la hante chevaline leConsei Jupiter, etisavoirv ï ’ magma dans sa patrie, agnès

une si "match; À .t camelindonc il plein de vie, il arrivera bientôt en ces lieux, et ne serapas longtemps encore éloigné désesamis et de sa patrie; je vousen ferai le serment solennel. J’en atteste donc d’abord Jupiter, le

fluet-grand et le plus puissant des dieux , et cal-foyer de l’irré-epipehableUlysse, où je trouve un asile; oui, toutes ces chosesWpliront comme je le prédis. Dans le courant de cette an-née,-Ulysse reviendra dansson palais, avant même la fin du mois,

Ou les premiers, jours du mois suivant. nLa prudente Pénélopelui répondit aussitôt :

« Plut aux dieux, cher étranger; que cette parole s’accomplit !.vous éprouveriez bientôt me reconnaissance, ’ et vous. recevriez

de moi tant de biens que chacun en vous voyant vanterait votrefélicite. Mais voici ce que je pense en; mourûme, et ce qui s’aeoqmïphra. Non, Ulysse ne reviendra. jamais dans sa maison , et vousn’obtiendrezpoint le retour, parcejque ceux qui dominent danscette demeure ne sont point tels qu’était Ulysse. pour les étran-gers t que ne l’estpil encore! ), lui qui toujours accueillit les hôtesvénérables et leur procura le retour. Cependant, mes servantes, .latezl’éüanger, et préparez sa couche, avec des couvertures, des imnœaux et des tapis éclatants, afin qu’il puisse, à;l’ahri du

froid, attendre le retour de l’Aurore sur son trône dior. Demainencore vouslle baignerez et.le parfumerez d’essences, afin qu’assisdans le palais il-prenne son repas auprès de Télémaque. Malheur

à.eelui qui , crueljen son âme , oserait l’outrager !i il nfauraplusrien a faire en ces lieux, Quel que soit le muet de son courroux.Comment en effet, cher étranger, reconnaîtriez-vous que je l’em-

porte sur toutes leslfemmespar la sagesse ,et,par ma prudence, sije vous laissais, malpropre etimal vêtu, partager nosfestins dansce palais? Les hommesne vivent que peurd’instanis; celui quifut injuste , et qui conçut de mauvais demains , tous le chargentd’imprécatiens pour l’avenir, durant sa vie entière ;’ tous le mau-

dissent encore quand il est mort; mais celui qui fut irrépro--chable, etqui. conçut dehbonstdesseins ,’ les étrangers lui fondent i

une gloire immense parmi tous les hommes, et plusieurs le di-

.sent.généreux. » i - r Î a

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’ CHANT xix. est».Le patient Ulysse reprend augitôt, etfait entendre ces paroles :a Vénérable épouse du fils de Laerte, les tuniques ’

tapis, me sont odieux depuis le jour ou sur un nav’ jles hautes montagnes de la Crète. Je me doucherai ce jupe- kravant, quand je passais les nuits sans sommeil; car j’ai passébien des nuitssur une couche misérable, et j’attendais patiem-ment le retour de la divine Aurore. Le bain qu’on prépare pourmes pieds ne m’est plus agréable; aucune des femmesquiservent .

dans ce palais ne touchera mes pieds, a moins que ce ne sait unefemme âgée et prudente, et qui dans son âme ait souffert autantde mânx que j’en ai supporté moi-même; alors je,ne m’opposerai

point a ce quelle touche mes pieds. a » -a Étranger, lui TËJOlldjt Pénélope , de tousles houas chéris qui

des pays lointains sont venus dans ce palais ,aucun ne me paruta l ’ sensé que vous; aillé tout ce que vous dites est rempli de

eues. Eh bien, je possède une femme âgée, dont l’esprit est

fertile usages consens, qui jadis nourrit, éleva le malheurequUlysse, et le reçut dans ses mains quand l’enfantasa mère; ellelaven vos pieds, quoiqu’elle soit bien faible. listez-vous donc,sage clés, baignez l’étranger du même, age que Votre maître;telùt rit-élire Ulysse, tels sontses piedsetses mains, car dans

le malheur las hommes vieillissent beaucoup. n IparlB Pénélope; cependant Euryelée cache son visage

p avec ses , et, versant d’abondantes larmes (elle prononce

ces tristes mies : ’ * 3 la Hélas! c’est a muse de vous ,e mon fils , que me voila sans,

force; sans doute plus que tous les hommes Jupiter vous ab-horre, 10 dont l’âme était si pieuse. Jamais nul mortel pour le.maille de ,foudre ne brûla les cuisses de tantde victimes ,l n’of- .frit tant derparfaites hécatombes que vous-même a cette divinité,lui mon: d’atteindre une douce vieillesse et d’élever votreillustre abymais’maintenant je crois que pour vous est entière- ’

mentvperdu le jour du retour. Peutétre les femmes des peuples

insultent ce héros, quand il arrive dansde riches de-meures, nomme toutes ces mpudentes vous ont vouermèm’e in,911W. n’est sans doute pour éviter cet outrage et ces nombreuses

avanies que maintenant vous ne leur permettez pas de vousbaigner. Mais pour moi, ce niesl: pas. contre’mou gré que me v v

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256 i maousse.commande la fille d’lcare, la Mute Pénélope Je laverai vos

l . Il de Pénélbpe talmud. de vous aussi; parce. de mon âme ma pensée a réveillé toutes. mes dou-

le. V , cependant, recueillez la parole que je vais pronon-cer . plusieurs étrangers malheureux sont venus ici, mais je dé- ’clare qu’aucun jamais, hispar sa taille, sa voix, ou sa démarche,ne me parut sisemblable au valeureux Ulysse. a

a O femme, répartit le héros, tous ceux qui nous ont vus l’unet l’autre disent aussi qu’il existe entre nous négritude res-semblance; ainsi vous venez de parler avec prudente. u ’

Il dit; alors la vieille Euryclée. apportant un bassin éclatant

pour lui laver les pieds, y verse en abondance de l’eau froide;ensuite au-dessus elle-répand l’eau chaude. Ulysse, près dufoyer, se tourne a l’instant du côté de l’ombre; car il pense en

lui-mémé qu’Euryçlée en le lavant pourrait découvrir es-sure,«et quektous ses projetsséraient-dévoilés. Cependan elles’approche de son maltre, et lui baigne les pieds; aussitôt. ellereconnalt la blessure que lui fit jadis un sanglieraux dents d’i-voire , lorsqu’il parcourait le mont Parnése avec Autolycuset les

. fils d’Autolycus, le père vaillant de sa mère, lui qui l’e niaitI sur tous leshommespar la ruse etpar leserment; un ’ unième

fui procura ces dons , le dieu Horaire, car il brûlait pour lui lescuisses délectables des chèvres et des agneaux : niaise dieu luifut toujours favorable. Cependant Æutolycus, étant allé visiterle peuple fortuné d’lthaque, trouva’l’ehfant nouveau-né de safille; lanourrice [Surgelés le plaça sur les genoux du hères, lors;

qui] finissait. son.repas; puis elle l’appelle, et lui dit ces mots :f a ’Autolycus, trouvez maintenant un. nom pour m’aimer- a

. l’enfant de votre fille, lui qui fut l’objet de tous gosv’œux, u«Mon gendre, et vous, me fille , répondit Autol’ycus, donnez-

"lui le nom que,je vais vous dire; comme j’arrive’en ces lieuxen étant irrité contre plusieurs. hommes. et plusieurs femmes, surla terre fertile, que son nom significatif ’soit, Ulysse.’ leveuraussi, lorsqu’il atteindra l’adolescence. qu’il vienne dans la vaste

maison maternelle , Sur le mont’Parnèse, ou je, possède desri-i

-, chesses; je lui ferai part de ces biens, et le renverrai comblé de

1919. n j ’ ’ h I K . .I a Aùlsildonc Ulysse partit dans la suite , afin que son. grand-1

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ip . . CHANT x1x; . , ’ 257père lui donnât ces riches présents. hutolycus’et les fils d’Au- a

tolycus, lui serrant les mains, l’accueillirent par de douces pa-roles; AmphithéeJa mère de sa mère, le tenant I " ’, luibaisaitlla tète et les yeux. Cependant le roi oomni Rà 5er"

illustres fils-de préparer le repas; ils obèissserit à cet Ërdrc;- bientot ils amènent un bœuf âgé de cinq ans; ils entourent la

victime, I’écorchent, la dépècent toutientière, et la divisent habi-lement en morceaux , qu’ils percent avec des broches, qifils rô-

tissent avec soin , et dont ils distribuent les parts. Durant tout. lejourçet jusqu’au coucher du soleil, ils prennent le repos; nuln’eut riena désirer de ce festine déliCieux. Lorsque le seleil dis-parut, que vinrent les ténèbres, ils se couchèrent, et goûtèrent

les bienfaits du sommeil. ’ n ’ ’ * . la Le lendemain, des que l’AurOreaux doigts de rose brille dans

les- airs, les filsd’Autolycusgsuivis de leurs chiens, partent-pour

la chasse; le divin filysse partit avec euxglls gravirent la hautemontagnedu Pamèse’; couverte d’une forêt; bientôt ils péné-

trèrent dans les parités où s’engouffrent les vents.’Déjà’ le soleilnaissant éclairait les campaènœ,’ et s’élevait du sein paisible dé

l’Océan. Cependant les chasseurs s’enfoncent dans un vallon;

devant eui les chiens marchaient en cherchant la piste; les filsd’Autolycus étaient en arrière, linais le divin Ulysse se tenait

. près des chiens en agitant sa longue lance. La, dans un boistouffu; gisait un énorme sanglier; jamais à travers cette retraiten’avait soufflé la violence des vents humides, le soleil ne lafrappajamais de ses rayons, et la pluie ne l’avait jamais.kamétrée; tant elle était’épaisse; dans Pintérieur se trouvait un i

vaste amas de feuilles. cependant le bruitformé par lés pas deshommes et des chiens arrive jusqulà lui, lorsque les chasseurs

’ s’avancent; de son repaire il court à leur rencontre. Le, poil de ’

siffle la flamme est dans ses. yeux; en les regardantil sax-râle non loin d’eux..Le premier de tous, Ulysse se précipite,

etid’une main vigoureuk dirige contre lui sa longue lance;impatient de le frapper; mais le sanglier, plus prompt, le blesselin-dessous du genou. D’un côûp’de sa défense, s’élanç’ant obli-

quement, il déchire la peau; mais il n’atteint point jusqu’à l’os"

du héros. Alors Ulysse le frappe heureusement à l’épaule droitr .

et la pointe deïla lancer étincelante lui traverse le corps; il’ 22.

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,58 : y - ténu-sen; ctombe dans" la poussière’en magnant, et sa vie lfabapdonnc.Alors les fils d’Autolycus’s’empressent autour d’Ulysse; ils ban-

dentsowïient la plaie, ils arrêtent le sang noir par un’ea--chanM puis ilseretôument aussitôt dans le palais de leur

pére..Autolycus et ses fils l’ayant guéri de sa blessure, et, luidonnant de superbes présents, se hâtèrent de le renvoyer combléde joierdans sa chère patrie ; le père mère vénérable d’Ulyss’e,

charmés de son retour, .l’interrogenfæur chaque chose, et sur lay blessure qu’il reçut; le héron leur mainte avec détail comment

,l sanglier le frappa de sa dent d’irôire, pendant qu’il chassait

sur le Farnèse avec les fils d’Autolycus. n ’ ï i * iLa vieille Euiy’clee ayant’to’uché cette, blessure en baissant les I

mains, la maronnait, et laisse échapper le pied quelle tenait: lajambe-retombe dans lelbassin; l’airain retentit, et.le vase’est

renversé : toute l’eau coule sur la terre. Cependant la douleur etla joie saisissent en même temps l’ame’d’Euryclée; ses yeux seremplissent de larmes , sa faible voix est’arrétée. Enfin -, portant

la main jusqu’au menton du héros: . . I j .’ . i«Oui, dit-elle, vous êtes Ulysse, mon enfant chéri; mais je

n’ai pu vôns reconnaitre avant d’avoir touché cette blessure, qui

témoigne que vous étes’mon roi. »* a f " fi y’ Elle dit, et jette les yeux sur. Pénélope, voulant l’avenir que

son épouxiest arrivé. Mais celle-ci, .quoiqu’en face, ne l’aperçut . V

pas ,v et ne découvrit rien : Minervedétourna l’esprit dela reine.Ulysse alors se penche versnEüryclée; de la main droite il lui

r ferme la bouche, et de l’autrel’attirant alui : I ’ 1 . Ay c5 Nourrice, dit-il , voulez-vous me perdre? c’est vous qui.

. mlavez nourri du lait de votre sein, et maintenant, ayant souf-fert bien des maux, j’arrivenaprès vingt années dans nia patrie.Nais puisque vous avez’tout découvert, et qu’unldieu déposa-

i mon secret-dans votre âme, silence , nue nul autre ne l’apprenne.en cette demeure. Car, je le déclare ainsi, ma menace s’accom-

, plira z si jamais un dieu dompte so’us’mes coups les prétendants-

audacieux, bien que vous soyez ma nourrice, je ne vous épar- rgnerai pas,,lérsque j’exterminerai dans mon palais”les esclaves

madame, .. p. A si ’. .a 0 mon fils, repartit Euryclée ,’quol discours s’est échappé de .

vos lèvres! Vous savez combien mon.àme est constante , elle est

a?

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ClIA’NT XIX. 259inébranl le : je serai couine la pierre ou le fer.,Mais je doisvous le , gravez ces paroles en votre aine z si Quelque dieudomptérmus vos coups les prétendants audacieux , alors je vousdésignwllles femmes qui vous méprisent et celles qui sont in-

noœntæ. a . . ’ ’-Le sage et patient Ulysse répond ainsi r - .a Nourrice, pourquoi vouloir me les désigner? il" n’en est pas

besoin. Moi-même j’examinerai tout soigneusement, et décou-

’ vriraichacune d’elles ;. vous, retenez vos paroles , et confiez-vous

aux dieux. ü i . -- A fies mots, la vieille Euryclée quitte Ilintérieur de la salle pour

appprter un autre bain; car toute l’eau du premier avait étérépandue. Après avoir lavé les pieds de son maître, et les avoir

parfumés d’une.,huile,onctueuse, Ulysseapproché le siège du

foyer pour 5e réchauffer, et cache lawcicatfice avecsespauvresvêtements.’Alcrs 5 recommençant l’entretien , la prudente, Pené-

lope fait entendre ces paroles : i ’ ’ -I « Étranger,-je désire vous ’l terrogér encore : voici bientôt

l’heur! du repos, l’instant où chacun , malgré ses peinesfgoûtele doux semmeil. Moi, cependant, un dieu m’acçable d’une dou-

" leur sans borne; pendant le ’ jour, triste et gènüssante,.je meplais a Veiller sur mes travaux et ceux de mes servantes dans.œtte maiæn i puis lorsque la nuit arrive, que le sommeil s’em-lpare de toust mortels, étendue sunna couche, mille ansées dé-vorantes déchirent mon triste cœur. Comme la fille de Pandarus,la jeune Aédon, chante avec mélodie au retour du printemps,assise parmi’les feuilles épaisses des arbres, où sans cesse elle re-

vient et laissecouler les’ nombreuses modulations de sa voix , engémissant sur 1:er son enfant etle msieu roi mans, qu’elleimmola par erreur avec un Afer cruel ;-ainsi mon Cœur est agitéparadeur: sentimentsopposés, incertaine si je» resterai préside.mon fils pour lui conserveryintact’tout son héritage, mes riches:ses, mes esclaves, et ce superbe palais , en respectant la planchede mon époux et ma renommée parmi le peuple, ou si je suivrai I

4 celui des Grecs qui, le plus-illustre, me conduira dans sa de-meure , en m’offrant de nombreux présents de noces. Tant que

- monifils n’était qu’un enfant sans enmrienœ, il ne me permet-tait pas de me marier, en abandonnant cettcdnaison; mainte-

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250 L’ODYSSÉE. ,nant-qu’il est grand, ’et qu’il atteint Page de l’ad ce, il

i désire que j’abandonne ces lieux s’affligeant sur ses ’ons,que dévorent les Grecs. Toutefois, expliquezanoi oe’songe;

écoulez. Dansma maison vingt oies mangent le fromentdans de l’eau, je me plais a les considérer; mais, s’élançant de la

montagne, un grand aigle au bec recourbé brise le me de tousces Oiseaux, et les tue; elles gisaient en foule dans le palais;l’aigle remonte triomphant dans les airs. Je pleurais, je gémis-sais, quoique ce fût un songe; les femmes des Grecs fiaientrassemblées autour de mOi , qui me lamentais de caque l’aigleavait tue les oiseaux. Mais bieth aprèscet aigle se plat! surle toit élevé; prenant alors une voix humaine , il me it: .

«(Rassurezovoum tille de l’illustre -lcare; ce n’es point unsonge, mais’un présage certain, l’événement s’accomplira. Ces .

oiseaux sont les prétendants; moi, j’étais l’aigle tout a l’heure.

mais maintenant je suis votre époux, qui viens en ces lieux, etqui donnerai la mort à tous les,préfendants..» . , , . I 1- «(Ai-es mots, le doux sammeil’m’ahandonne. Alors, merdant

avec’attention, jeiris’les’ oies qui becquetaientle frometl dans

un large bassin, conime auparavant, Î, q a, A[A a 0 reine,’lui dit alorsle sage héros, il ne faut point autre-mentr’interpreter yetre songe , puisque c’est Ulysse luimôme qui

vous a dit comment il s’accomplira; le trépas apparaît?! tous lesprétendants, aucun d’eux n’évitera la mort et le Catin. n h

La prudente Pénélope lui répondit en ces mots : , v 1i « Étranger, les’songes sont vains, et leurs paroles incertaines;

ils n’accordent pas aux hommes tout ce qu’ils promettent. Ilexiste deux portes pour les songes légers; l’une est de corne, etl’autre est d’ivoire; ceux qui traversent la porte d’ivoire sont

trompeurs; et n’appOrtent que des paroles qui ne s’accomplis-’ sent pas; ceux ,-au contraire, qui traversent la porte de’corno

prédisent la vérité, Quand ils nous apparaissent. Mais je ne crois

pas que le songe-qui m’a frappée m’arrive de la; ce serait ungrand bonheur pour mon fils et pour moi. Teutefois, je dois vous -le dire , gravez mes paroles dans votrelâmeÂ: yoici bientôt Él’au-

’ rote funeste q’ui,m’éloignera, de la maison (l’Ulysse; mais je vais

leur’proposçr maintenant un combat, celuiidèç piliers de fer

troués, que.re.11erosrdans son palais, alignait au nombre de

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CHANT XIX. 3261douze, comme les. poutres d’un navire; puis se tenant à distance,il les traversait. avec sa flèche. Maintenant je proposerai cecombat ’aux prétendants; ." en est un qui de ses mains tendefacilement l’arc d’Ulysse, passer unttrait dans tous lesdouze piliers de fer, je le suivrai, j’abandonnerai ce palais qui mereçut vierge, palais superbe , rempli d’abondantes provisions;je m’e ressouviendrai, je pense, même dans mes songes. a

à? É use auguste du fils de Laerte, s’écrie Ulysse aussitôt, ne

difiérez point ce combat dans votre demeure; Ulysse sera de re-’ tout en ces lieux avant que cesprinces , en muni t l’arc étin-

celant, piii’ssent tendre le nerf, et traverser avec e flèche les ’pÆers de fer-.9) a i’ ’

a Cher étranger, reprend Pénélope, si vous vouliez me charmerencore en restant assis dans cette chambre, le sommeil n’appro-- .

a i I s de mes yeux. Mais’il n’est pas possiblelquelœ hom- .mes restent toujours sans sommeil; en chaque chose fis (lieuront assigné des bornes, aux hommes sur la terre-féconde. Je’vaisdonc, 1’611]th dans mes appartements élevés, retrouver cettemuche qui m’est devenue odieuse, et que je ne cesse d’arroser deme: larmes’depuis le jour ou mon époux s’embarqua popr l’in-

Ifan’Îe. et funeste ilion. c’est la que je goûterai quêlque repos;

vousflïtranger, couchez en ces lieux , en étendant des pentu; aterre, ou bien mes serviteurs vous dresseront un lit. »

En achevant ces mots , la reine monta dans ses-superbes dr-meures’, non point seule; plusieurs suivantes accompagnent ses y ,pas. Quand Pénélope-est p venue dames appartements supc- .rieurs avachis femmes qui a servent, elle pleure encore Ulysse ,son époux chéri, jusqu’à ce qu’enfin Minerve envoie le doux

sommeil sur ses paupières. ’ v

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262 p L’o DYSS En.

liÇHnNT xx.a ÉVÉNEMENTS QUI PRÉCÉDENT LE TRÉPAS

’ " DES PRÉTENDANTS. j 6 . iCependant Ulysse fla reposer dans le restibule du palais; il

étend à te une peau de bœuf non préparée , et par-dessusbeaucoup de oisons de brebis, que les Greesa’vaient immolées;Eurynoine, quand il est couché, le couvre dluii manteau. C’esflàqu’Ulysse, restant éveillé, réfléchit en lui-même sur le trépas de

A ses ennemis; lesTemmes de la reine, qui jusqu’a ce jourJvaieptcoutume de s’abandonner aux prétendants, sortaient du palais len hissant éclater entre elles une joie et des ris immodérés; Alors 4la colère s’allume dans l’âme du héros; il, délibère en son esprit

s’il doitvà l’instant leur donner la mort, Ou permettre qu’elless’unissent à ces hommes criminels pour la dernière fois; il rugit idans la fondpdesen cœur. De même une lice autour de sesenoqre faibles grondant contre un bomme-inbonnu, désire dam--battre ; tel Ulysse rugit en son âme, indigné de ces forfaits odieux ;

’ mais , se frappant la poitrine, il réprimande son propre cœur en

ces mots : ’ ’ - i - V *« Madère-foi, mon «apr; tu supportas bien pire en ce jour oùle. cruel Cyclope dévora tes bravwcompagn’ôxi’s; tu l’énduras

jusqu’à ce que la prudence t’éloignàt de cet antre, où je pensai

’mOIÏrir. o) v * . A :Il dit, et comprime ainsi les mouvements de son cœur; mais il

persiste inébranlablement dans serrésolution; cependant il semoule dans tous les sans. Ainsi Sur le brasier ardent un hommetourne de tous côtes un ventre d’animal rempli de graisse et desang, qu’il se haie de faire rôtir; de même Ulysse s’agitait en ré-

fléchissant comment il accablerait de son bras les audacieux pré-tendants, lui seul contre plusieurs. En ce moment arrive près. delui Minerve,-q-ui descend des cieux; elle a les traits d’une mor-

- telle; se penchant vers la tête du héros, elle lui faitentendre ces

- paroles : ’ s l ’

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CHANT xx. I A 263’ l’ourquoi veiller sans cesse, ô le plus infortuné de tous lesh es? Songe quenc’œt ici ta maison, ue-dans ce palais est tonépouse, ton enfant, et que chacun: désirerai avoir un tel fils,» ’

U sse lui répondben ces mots : ua i, sans doute, ô déesse, toutes choses’sont ainsi, vous .

parlez avec mais irélléchis comment j’aœahlerai de monbras lî audacieux prétendants, moi seul; tandis qu’eux rem-v i

plissen en fomea’intérieur de palais. D’ailleu n-plus grand

obstacle tourmente encore me pensée a lors k la me que, je lestuerais par votre secours et celui de Jupiter, comment échap-perais-je à. tous les dangers? Clest la, je vous en supplie, ce qu’il

faut confident. a. * - v la insensé, Minerve, chacunse-laisse persuader par son,inférieurgqni ’est, qu’un- simple mortel, et qui ne sait que peu

de choses; tandis que moi je suis une divinité, quisanscesse t’ai.secouru dans tous’tesitravaux. Je te le dirai donc ouvertement:quand même cmqumœ*mmülom de guerriers nous envelop-peraient de toutes parts, impatients de frapper avec le glaive, tul’instant et leurs bœufs et leurs grasses brebis: Que lesommeil donc s’empare de°tes sans ; fil est affreux de rester ainsi ’

toute la huit éveillé. Bientôt tu. verras la (in de tes maux. a

i En achevant ces mots, elle répand le sommeil sur les yeux.d’Ulysse; la déesse auguste était déjà retournée dans ’l’Olympe,

quand le sommeil, chasse les soucis de l’âme, en affaissant nosmembres , isîempare du héros. Cependant sa chaste épouse étaitéveillée; elle planait assise sur sa couche moelleuse. Après s’être

longtenms rassasiée de larmes, la plus noble des femmes adresse.

laDianecetteprière: , . I Aa Diane, déesse vénérable, fille de Jupiter , plût au ciel que,

me frappant dans le sein avec une flèche, vous m’arrachiezl’instant la vie! ou puisse la tempête me saisir, me transporterdans.’les.plaines de l’air, et me précipiter dansnles ablmes du vrapideocéan. Ainsiles tempétes autrefois enlevèrent les filles de

FM; les dieux firent péririleurs parents. Elles furent lais-secs orphelines dans leur palais; .la belle Vénus les nourrit delait. de miel et de vin; Junon leur exorde de l’emporter sur tou-tes lésinâmes par la prudence et la beauté ,’la chasteDiane leur

a donna la taille, et Minerve leurjapprit a faire de magnifiquesou-

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264 L’ODYSSÉE.vrages. I Puis quand Vénus alla dans le vaste Olympe de

p que ces jeunes tilles connussent les douceurs du marias?plorant Jupiter, m de la foudre ( divinité ’qui cannait techose, et qui règle son gré le bonheur ou te malheur’des mor-tels ), alors les Harpyes enlevèrent lés jgunes filles et les’ÎivÊrent

aux Furies terribles pour les servir; (n’amsi m’anéantissent les

habitants de l’Olympe, ou que Diane à la belle calenture mefrappe, afin qwoyant encore Ulysse, même au.sein de la terre, Ije ne charme point la pensée d’un époux inférieur a ce héros.’l.e

malheur est encore supportable lorsqu’on pleure tout le jour, lecœur accablé de tristesse ,-et que pendant la nuit on goûtait:sommeil , car il. fait tout oublier, les biens et les maux, quand ilenveloppenos paupières; mais pour moi, jusque p mes son-ges , une divinité funeste me poursuit. Cette nuit encore présidemoi je voyais un homme tout semblable limon époux , tel qu’ilétait lorsqu’il partit avec son armée; et mon odeur s’abandonnait

a la joie, parce que je ne croyais pas que ce fut un soufi, mais la

réalité. n , I I t tElle dit; bientôt parut l’Aurore sur son trône d’or. CependantUlySse entendit la voix de son épouse gémissante; il réfléth ans:

sitôt, car il lui sembla dans son âme qu’ellevavait. recénnu saprésence. Alors, prenant la couverture et les peaux de brebis quilui servirent" de couche, il les placeisur un’siége dans l’intérieur

dola salle; mais il entraînela peau de bœuf, et la jette hors dupalais; puis il implore Jupiter en élevant les mains z

«(Grand Jupiter, puisque à travers la terreet la mer vous avezvoulu me conduire dans ma patrie, après m’avoir accablédcmaux, faites que l’un des hommes, éveillé dans capelais, dise unbon présage, et que du haut des cieux brille un autre signe de.

Jupiter. i) , Il ’ . . ’ .* Tels furent ses vœux; le dieu bienveillant l’eaauça; soudain il

fait gronder son tonnerre auïsommet de l’Olympe étincelant etdu haut des nuages2 le noble Ulysse s’en réjouit. Dans l’inté-

rieur une femme, occupée à broyer lexgrain, envoie un bon" pré-

sage de la chambre voisine, ou se trouvaient-les meules dlUlysse,pasteur des peuples; autour de ces meules douze femmes travail-laient a moudre la farine d’orge et celle de froment, la moelle de ’l’homme. Toutes les autresdormaient après avoir [moulu le froa

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yuan xx. ’ m5ment; une seule n’avait pas fini son travail; elle était très-faible zalors , s’arrêtant prés de sa meule , elle dit cette parole, présage

pour son maître : n V« Puissant Jupiter, qui régnez sur les dieux et sur les hommes,sans doué qu’en faisant gronder ce tomme du haut des cieuxétoilés, où n’apparaît aucun nuage, vous signalez un prodige

à quelque mortel. Accomplissez maintenant pour moi, malheu-reuse, le vœu que je vais prononcer; puissent en ce jour lesprétendants goûter p01n° la seule et deriiière fois dans le palaisd’Ulysse les charmes du festin. Ils brisent mes membres par depénibles travaux. pour leur moudre la farine; qu’ils prennentaujourd’hui le dernier repas! a A . . ’ 4 I

Elledit; le noble Ulysse se réjouit de ce présage et de la l’ou-

dre de Jupiter; car enfin il espère punir ses ennemis. ’h En cet instant les autres femmes esclaves, accourant de tentes

parts dans’les superbes palais d’Ulysse , allument une viveflamme au sein des foyers. Télémaque sort de sa couche , sem-blable aux dieux, et se’revét (lésas habits; il. suspend un glaiveà ses épaules; il attache à ses pieds une chaussure brillante, et sai-sit une forte lance terminée par une pointe d’airain. ll.s’arréte I

sur le seuil, et, rencontrant Euryclée : » ’a Chère nourrice, dit-il, pour honorer l’étranger, avez-vous

préparé sa coucheet sa nourriture? Ou bien serait-il resté dansce palais sans recevoir aucunsisoins? Car telle est [na mère, - ’malgré sa prudence; elle accueilleinconsidérément le plus obs- ’

cur’des hommes, et renvoie le plus braveæans honneur. »’a mon fils, reprend la sage Euryclée, ne l’accuséz point main;

tenant, elle est innocente. L’étranger, assis dans cette demeure,a bu le vin au gré de ses désirs; il a dit n’avoir pas besoin denourriture; ce fut Pénélope qui l’interrogea. Lorsqu’il se res-

souvint du sommeil et du repos, elle donna l’ordre a ses femmesde dresser un lit; mais lui, comme un homme triste et dévoré de

chagrins , ne voulut point reposer dans une couche et sur destapis, mais il s’est étendu vers le portique, sur une peau ’debœuf; nous l’avons recouvert d’une couverture; » .

Elle dit; Télémaque s’éloigne du palais en tenant sail’ance; des

chiens rapides suiventses pas. Le héros s’avance pour se rendreà l’assemblée des valeureux Grecs. Cependant la vénérable Eury- ,

V .- . w 23 .

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266 L’ODYSSÉE.déc, flllc d’Ops, issu lui-même de Pisénor, commandait aux

servantes : " va Hem-vous, disait-elle, d’arroser, de nettoyer cette demeure,

et sur les sièges élégants étendez des tapis de pourpre; vous

l laverez toutes les tabla avec des éponges, rincez les urnes et lescoupes arrondies; vous, allez puiser l’eau dans la fontaine , ethâtez-mus de l’apporter ici. Les prétendants ne seront pas long-

temps loin de ce palais, mais certainement ils arriveront des lematin; car c’est pour tous un jour de fête. n .I .

Elle dit, et chacune’obéit à cet ordre. Vingt d’entre elles vont

puiser Pour dans la fontaine. profonde ; les autres s’empressent de

tout.préparer dans l’intérieur du palais. .Ensuite arrivent les serviteurs des Grecs; ils fendent le bois

avec soin; les femmes reviennent de la fontaine; après elles vientaussi le pasteur Eumée , conduisant trois porcs, les plus beauxde la bergerie; il les laisse paître en liberté dans la vaste enceinte

des cours], et lui-même adresse au noble Ulysse ces douces pa-

roles : l . -à: Étranger, les Grecs vous considèrent-ils davantage, ou vous

méprisent-ils dans ce palais comme auparavant? ni ,. ’ « Eumée, répond. le patient Ulysse, puissent les dieux punir les

i injures dentées hommes superbes m’ont accablé dans une mai-son étrangère! ils n’ont pas l’ombre de pudeur. n

c’est ainsi qu’ils s’entretenaient ensemble. Auprès d’eux ar-

’ rive Mélanthius, gardien des chèvres, conduisant les plus bellisde ses troupeaux pour le repas des prétendants; deux bergers lesuivaient. Ils les attachent sous le portique retentissant; alorsMélanthius adresse au vaillant Ulysse ces reproches amers :

« Étranger, te voilà donc encore revenu dans ce palais pourimportuner les princes? Ne quitteras-tu jamais cette porte?Certes, je ne pense pas que nous nous séparions avant d’avoiréprouvé nos mains, puisque tu veux toujours mendier insolem-ment ; Cependant il est aæez d’autres repas parmi les Grecs. n, Ainsi» parlait Mélanthius; Ulysse ne répondit point, mais il

secoua la téteen méditant une affreuse vengeance. ,Le troisièmefqui vient après eux est Philètius , chef des ber-

gers, amenant aux prétendants une. génisse stérile et des chèvressuperbes. Philétius et sa suite furent transportés par des nau-

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CHANT xx, p a V ’ 267toiliers qui conduisaient les autres passagers Quand l’un d’eux

’veuait dans [maquer Il attacha ses troupeaux sous le portiqueretentissant; puis, sÎapprochant d’Eumée: i a - ’ a

’ a Pasteur, lui dit-il, quel est cet étranger nouvellement arrivédans notre maison? De. quels peuplas-snonom-Hra’éue issu?Quelle estsa famille et sa patrie? L’infortuné, comme il est sem-blable auvroi notre maître! Oui, sansdoute les. dieux doiventaccabler les simples mortels, puisqu’au rois eux-mêmes ils ré-

serventtant d’infortunes! a I ’ .Il dit, et lui présente la main droite"; puis, s’adressant au he-

ros, il fait entendrecesparo es: ’ " i a aa Salut, vénérable étrangd;puisse la prospérité vous venir

dans la suite! car vous êtes en proie maintenant à bien desmaux. Grand Jupiter, nulle divinité .nlest aussi terrible que vous :vous êtes sans pitié pour les mortels , après leur avoir donné lanaiæance; leurxvie n’est mêlée que de houilles et de douleurs.

En vous voyant, la sueur m’a saisi, mæ yeux se sont remplis delarmes , au souvenir dlUlysse; peut-être lui-même; vin: commevous de méchants habits, erre parmi les hommes, si toutefois ilrespire, si! jouit encore de la lumière. du soleil. Mais si! est déjàmort, et descendu dans les demeures de Pluton, malheur à moide la perth’Ulysse, qui, lorsque je n’étais, qu’unenfant, me

donna le soin de ses génisses dans le pays des Céphaléniens. Ellessont innombrables maintenant, et jamais pour nul homme nefut à fécondela rare des bœufs au large front; cependantde’sétrangle m’obligent à’iconduire ici . peaux pour leursreps ;’ ils méprisent dans son palais le fils d. se, et ne radeu-tent point vengeance, des dieux - tous brûlent de se partager

les richesses leur maître absent. Cependant, je Huile- en niapensée [nille projets divers ; il serait mal saigdoute, tant que lefilstdÏUlysse existe , d’aller chez un autre peuple , et de conduire -ces bœufs à des hommes étrangers; mais il est ennuagea veil-lant sur les troupefux d’autrui, de soufflai Îant «l’outrage-s.

Depuis longtemps j aurais fui chez quelqulun e nos rois les pluspuissants, car tant d’excès ne se. peuvent supporter; mais je

t l lpense encore à mon malheureux mettre, qui reviendra peut-.etrePolir dansson palais la foule des, prétepdants; a. *’ « l’asteur, lui répondit Ulysse, vous ne me paraisscz’ point un

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res . ’ L’oDYssEE.homme vulgaire ni sans intelligence, et me ’quevvotre esprit est dons de sageæe;*je vous le d’ , ,l’atteste par un grand serment :je jure par Jupiter,des dieux , par dette table hospitalière ,et par le foyer l’irré-prochaine Ulysse ou je viens d’arriver, que vous tétant encore ences lieux Ulysse’reviendra dans sa maison; et si tel est votredésir, vous verrez de vos propres. yeux; tous les prétendants, im-molés, eux qui règnent en maîtres dans ce palais. i)

Le chef desipasteurs de bœufs lui répond à l’instant : .«Tint au ciel, cher étrangerL-qlen Jupiter accomplit cette

parole! vous commettriez alors que] est mon courage et la force

de, mon bras. a .- ” æ . . ’Eumée implorait de même tous les dieux pour que le sage,

Ulysse revint enfin dans sa patrie. , I A g hC’est ainsi que tous les trois stentretenaient ensemble. Cepen- »

dant les prétendants méditaient la perte et.la mort de,Télé-maque; mais en ce moment à leur gauche S’èlève un aigle au vol

superbe 351111 tenait une faible colombe. Aussitôt .Amphinome

leur parle en ces mots : ’ ’ r« Mes amis, ce dessein du trépas de Télémaque ne s’aimmplira

pas pour nous; mais songeons au repas. il -Ainsi parle Amphinome ; son discours plait à tousses princes;

Ils entrent dans le palais d’Ulysse, et. jettent leurs manteaux surdes sièges; ils sacrifient ensuite les brebis et les grasses chèvres A

jets-enflent aussi les jeunes porcs et la génisse qui n’a point vporte le joug; ils distribuent les viandes rôties; puis ils mêlentle vin dans les urnes; le pasteur des porcs présente lesPhilétius, chef fies bergers, leur apporte le"pain gus de richescorbeilles, et Mélantbius verse le vin, Tous alo étendent les

mains vers les mefiqu’on leur a préparés.lÇependant Télémaque, songeant à ses ruses, fait asseoiriUlysse

dans la salle magnifique, près du seuil de pierre, après avoirapporté dut-méring un humble siège devant une chétive; table;

c’est la qu’il place la part des viandes, et versant le, vin dansune coupe d’or, il adresse. au noies ces paroles : i ’ Ii « Asseyea-vous maintenant ,au milieu des convives, en bug

vent ce vin; je réprimerai les insultes et les attaques de tous lesprétendants; cette maison n’est point une demeure publique,

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.1 ( CHANT xx..’, A memaïleQ l Will-vase, qui L’acquit pour moi.’POuri vous, pré- ,

fendants Ï nez-vous dei-toute violence et de tout outrage;craignez. e quelque dispute ou quelque querelle ne s’élève

entre nous. n ’Ton, à ces mots, compriment leurs lèvres de’dépit, et :s’é-v

tonnent que Télémaque ose parler avec tant d’assurance. Alorsle fils d’Eupithée, Antinoüs, leur parie en ces mots : I-.«l oique dure, acceptons, Achéens, dette parole de Télé;maque i certes il nous parle avec menace. Jupiter n’a pas permis .l’accomplissement de nos desseins; sans cela nous haussions déjàréprimé dans son palais, bien qu’il soit un orateuréloquent. n

,Ainsi parle Anünæs; mais Télémaque ne s’inquiète point de

ces paroles. Bientô l les hérauts conduisent par la ville Phé- .calombe sacrée des a; les Grecs à la longue chevelure se réu-ihissent dans le bois touffu d’Apollon, qui lance au loin ses traits.

Ceux-ci font rôtir les viandes, les retirent du’foyer, et lesparts étant distribuées, ils. se”livrent à la joie des festins; Lesserviteurs placèrent devant Ulysse une part égale à celle qu’ont aohtenueqles autres; comme-l’ordonna Télémaque, son filsxbien *

(guidant Minerve ne permet pas. que ces jeunes audacieuxcessent leurs Outrages, afin qu’une plus grande ardeur de ven-geanœ pénètre dans l’âme du fils de Laerte. Parmi lespréten-«matait» un homme nourri dans l’iniquité ;,Cté;ippe était son

nom, il habitait un palais dans Saine; se confiant en ses immen- .ses richesses , lui surtout désirait vivement obtenir l’époused’Ulysselabsent. Maintenant il adresse ces mots ’à ses audacieux

’ compagnons : . v , a - lL , t! .Écbutez-moi, valeureux prétendants, afin que je vous parle ;.l’étranger avccraison vient de recevoir une part égale à la notre :

igue serait ni juste ni, convenable de mépriser les hôtes de Télé-maque, quand l’un d’eu’xËrrive dans cette demeure. Mais je I

veux aussi lui donner le fient de llhospitalité, pour qufil.Foffre .soit à celui qui le baignera , soit à quelqueilautre des ser-

viteurs qui sont dans. le palais du divin Ulysse. il:Il dit, et saisissant le pied d’un bonifiai: me d’une corbeille ,e

il lclancc d’unelmaiir vigoureuse; mais Ulysse. l’évitc nen"incli-.

nant la tête. Alors, du fond de son âme; il laisse échappei’zàinvrire

x

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a" r L’o’DvssEe. Aamer; le pied va frapper la muraille élevée. AussitQÇélémaque

menace Ctésippe en ces mots z .a GEMME! de plus heureux pour toi : tu n’as pas atteint A ’

l’étranger, lui-même mime à tes cqups. Autrement, v je t’aurais

percéle sein de malanâ ’ n;,ettoni tintama-riage, aurait ici construitme. Que n" M V demeurene me montre son insolence; maintenant” jé connais. chaque

«chose, le bien et lamai; tandis que jusqu’à (ajour je n’étais

qu’un enfant. Ainsi Îai supporté de Ver mes troupeaux égorgés,

mon vin, mes blés livrés au pillage; car dent difficile qu’unseul homme en réprimeiun grand nombre. Mais allez,- dans votre

i haine vous ne commettrez plus essorâmes ai vous m’im-moler«aveç le fer, je’le voudrais ami, ’ ’ .u’il- vaut mieux

meurir que de voir sans’œsse ces forfai tu, les nous ou-tragés, et les servantes honteusement violéesidans ces riches,

demeures. » v ,, à . ’ll dit; tous à ces mots gardent un profond silence. EnfinAgélaüs. fils de Demàstor, fait entendre ces paroles :

a 0 mes amis , que nul ne s’indigne ni ne réponde par d’ail.gres discours à ces justes reproches; n’entragez donc pl é-tranger et nul autre desserviteurs qui sontda’ns l’a maison dudivin Ulysse. Mais je veux donner un sage conseil a Télémaque ,ainsi qu’à sa mère, et puisset-il leur être agréable a tous ux 2.Tant qu’au fond .de l’âme vous avez conservé l’espoir fie le,

prudent Ulysse reviendrait chez lui, ce n’était pas sans-raisonque les prétendants attendaient et restaient dans cette demeure zc’était en effet départi le meilleur,isi ’ jamais , revenant en ces

lieux , Ulysse de’retour fût rentré dans son palais :mais il estclair maintenant que ce héros ne reviendra pas. ’.l’t’3léiîiaqueF

vousidevez donc représenter à votre mèreïqu’elle doitépouser

le plus illustre des Grecs, celui qui donnera les plus nombreux a. présents; afin que , buvant et lmanëant au gré de vos. désirs ,’ vous possédiez en paix les biens’xpaternels, et "que Pénélope

veille sur la-moison d’un nouvel époux, a ..* Le saga Télémaque répondit aces mots : l . -

a J’en atteste InpiterhÀgélauüs, et les malheurs de mon père ,

qui peut-étirée péri loin d’lthaque", ou peut-litre est encore. et;

i niant, jonc m’oppose point: au mariage de ma mère ; je l’oxhofle

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CHAN’I’ xx. , 271à s’unir amena. que son cœur désire , et j’offre en outre des pré-

sents n ’ .ux. Mais je crains, par une parole rigoureuse,de l’éloigner; malgré. ses vœux , de cette demeure; qu’un dieu

ne le permette jamais. p» , ’ - j A .parle Mque; Minerve alors excite un rire immodéré

parmi les prétendants , ’et trouble leur raisonJls riaient d’un

étrange; ils dévoraient les viandes encore sanglantes; leursyeux se remplissaient de larmes; leur âme prévoyait le malheur.En. ce moment le devin ’l’héoclymène s’écrie dans l’assemblée :

u malheureux! à quels maux êtesàvous C Hic en proie? Lanuit couvre votre tète, vôtre visage et vos genoux. Un’gémisjse-

ment se fait entendre ,àet vos joues sont inondées de larmes; lesang mule sur ces murs, sur ces superbes lambris; le portique .les cours sont remplis d’ombres qui se précipitent dans les ténè-

bres de l’Érébe; le soleil a disparu des cieux ,. un nuage affreux

nous enveloppe. » ’ . 7 . V . rt ’ g ll dit, -etltousxà ce, discours rient-avec joie. Alors Eurymaquc,

fils de Polybe, fait entendre ces paroles : ’« Sans doute il’a perdu la raison , cet étranger nouvellement

arrivé d’un pays lointain. Jeunes serviteurs, faites-le sortir à

l’instant du palais, et conduisez-le sur la place publique , puis-

que lel jour lui paraît semblable à la nuit. a Il va Eurymaq ,- répond, le devin Théoclyméne, je’n’ai pas be-

soin de’ guid I ur m’accompagner; mes yeux , mes oreilles ,nies deux pieds ont encore toute leur force , et mon esprit, tou-jours ferme au dedans de moi, n’est point honteusement dé-gradé; Je, sors volontiers , car. je prévois les malheurs qui vousmenacent, et qu’aucun des prétendants ne pourra fuir, qu’aucunn’évitera,’ aucun de vous qui dans le palais d’Ulyssejen insul-

’ tantles étrangers, tramez d’odieux complots. a ’ , I ’ a ’ .En achevant ces mots , Théoclymène s’éloigne de ces superbe

demain; il se rend auprès de Pires, qui l’accueille avec joie.Alors tous prétendants, se regardant entre eux, s’efforcent deblesser Tél aque, et se moquenten riant de ses hôtes;ainsil’unde cesijeunes audacieux lui disait avec aigreur; . , j

’u Télémaque , nul n’est plus malheureux que toi dans le choix.(irises hôtes f celui que tuÏprotéges’, misérable vagabond, man-

quant de pain et de vin, incapable de travail, sans vigueur, n’est

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2’72 repusse;qu’un. inutile fardeau de la terre; l’autre’ue reparaît ici quepour. prophétiser. Mais cède a mes avis, c’est le parti le plussage : jetons ces étrangers dans un navire, envoyons-les auxSiciliens, pour en avoir une bonne rançon. » ’

c’est ainsi que parlaient les prétendants; Télémaque; ne s’in-

quiète point de ces paroles; mais il regarde son père en secret ,«attendant toujours l’instant de porter les mains sur les préten-

dants audacieux. . I ’ ICependant, assise en face sur un siège magnifique, Pénélope ,

la’fille d’lcare, écoutait attentivement ce que disaient ces princesdans l’intérieur du: palais; Ceux-ci préparaient en riant un agréa- I

ble et splendide festin, après avoir immolé denOmhreuse’s vic-times; toutefois, jamais repas plus funeste ne leur fut réservéque celui qui leur serait bientôt offert par une déesse et par unhéros vaillant; car les premiers ils-avaient machiné de honteux

complotsl 4 II

CHANT. unJEU DE L’ARC. î

Minerve inspire alors à la fille d’lcare,’la pruïénte Pénélope.

deIplacer dans le palais d’Ulysse , pour lŒi-prétendants’, l’arc et

le fer étincelant, jeux qui seront-la première cause de leur tré-pas. Aussitôt elle monte l’escalier le plus élevé du palais, et prendune belle clef d’airain recourbée; à cetteclef était adaptée une

poignée d’ivoire. Elle se rend avec ses femmes dans la chambre laplus reculée, où furent placés les trésors du roi, ’l’airaiii,.;ll:0r,. et

le fer richement travaillé. La reposait’aussi’lîarc flexib , et le.

carquois,’ dans lequel était un grand-nombre de traits nèfles;présent’quç fit au hér0s un bote qui le rencontra ’ de. Lani-

démone ,» le fils d’Euryteglphitrus, égal aux dieux. se trouvè-rent l’un et lîautre en Mcssénie , dans le palais du vaillant 013i-

loquen Ulysse y vint réclamer une dette que toute la nation avaitcontractée cnverslui’; car des théniens enlevèrent dlltha’que ,

dans leurs unitives, trois cents brebis et leurs bergers. ce fut pour

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CHANT XXI. 273ce motif qu’UlysSc, quoique jeune encore, entrepritun longvoyage a i1 fut envoyé. par son père et par les vieillards. lphitusréclamait douze cavales qui lui furent enlevées, etdbuze mulesaccoutumées au travail; mais elles devinrent la cerise de sa mort :étant arrivé chez le fils de J upitæ, le magnanime Hercule ,’ cetartisan des’plus grands travaux, dam-aide tua dans sa maison ,quoi u’il fût son hôte : l’insensé ne redouta ni la vengeance des

dieux, ni la table qu’il i plaça devant Iphitus; dans la suite ill’iminola lui-même, et retint dans son palais les superbes” cavales.

C’est lorsque lphitus était a leur recherche qu’il rencontra le Idivin Ulysse; il ’lui donna l’arc qu’avait porte jadis le grand

Euryte, qui le laissa, quand il mourut, a son fils, dans seshautes’demeures. En retour Ulysse offrit à ce héros un glaiveétincelant, avec une forte lance, origine d’une hospitalité bienveil-

lante ; mais ils ne se reçurent point mutuellement’à leur table : au-paravant le descendant de Jupiter immola le fils d’Euryte , Iphi-tus , égal aux immortels , lui qui donna cet arc. Quand Ulyssepartait sur ses noirs vaisseaux pour quelque guerre , il pe l’em-portait point, il laissait dansson palais cemonument d’un hôte

chéri: mais il s’en servait dans sa patrie. rDès que Pénélope , la plus noble des femmes , est arrivée a la

chambre, elle s’arrête sur le seuil de chêne qu’un ouvrier habile

polit avec soin, et sur lequel il plaça jahdis, en les alignant aucordeau , deux montantsqui soutenaient les portes éclatantes;aussitôtelle détache la courroie de l’anneau, introduit la clef,et semève, en la tournant, les leviers des portes: dues mugissent v acomme: un taureau paissant dans la prairie; ainsi retentissentces portes superbes, qui cèdent aux efforts de la clef, et s’ou- vvrent aussitôt devant la reine. Pénélope monte sur une tabletteélevée; la sont les coffres qui contiennent des vêtements, par-fumés d’essences. Alors, étendant la’ main, elle détache de lacheville l’arc et l’étui brillant qui le renfermait. Alors s’asseyant,

elle-le place spr ses genoux, et faitœclater ses gémissements; puiselle retire de son fini l’arc du r01: Lorsque enfin Pénélope s’est

longtemps rassasiée de larmes amères,"elie retourne a la Salle dufestin auprès des fiers prétendants, en tenant dans ses mainsl’arc flexible, et le carquois , dans lequel était un grand nombre

de traits funestes. tes servantes portaient une corbeille; la se

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a

274 ’ L’ODYSSEE. rtrouvaient le fer et l’airain, les jeux de leur maître. Quand laplus noble des femmes est arrivée auprès des prétendants, elles’arrête sur-le seuil de la porte solide, ayant unlégervoilequi Ucouvre son visage. Deux suivantes se. tiennent il ses côtés. Alors,

s’adressant aux convives , elle leur parle en ces mots : .a Écoutez-moi, princes superbes, vous qui mangeant et buvant

sans cesse ruinez la maison d’un héros absent depuis longtemps;vous ne pouvez plus donner d’autre prétexte a vos brigues, quele désir’de m’épouser et d’avoir une femme.- Approchez donc,prétendants, voici qu’apparaît un nouveau combat. J’apporte le

grand arc du divin Ulysse; celui qui tendra cet arc sans efforts,et qui traversera d’une flèche les douze piliers de fer troués, je le

suivrai loin de ce palais qui me reçut vierge encore, palais su-perbe , rempli d’abondantes provisions; je m’en ressouviendrai ,

je pense, même’dans mes songes. n - . " p .Elle dit, et commande au pasteur Euméé de placer poules

- prétendants l’arc et le fer étincelant; Eumée les reçoit en pleu-

rant, et les place; de son côté, pleurait auæi le pasteur’Plfilétiusen voyant l’arc de son maître. Alors Antirioüs leur adrœe des

reproches amers, et ’s’écr’ie : - - :a Patres grossiers,.qui n’avez que de triviales peinées, misé-

rables , pourquoi verser des pleurs , et les régletsde la reine, elle dont l’âme est plongée dans une profonde dou-leur, parce qu’elle a perdu son époux]? Hais assis, mangez ensilence, ou bien allez pleurer dehors, en nous laissahtl’arc d’u-lysse , combat difficile pour les prétendants; Car, je ne perû pasqu’ils puissent facilement tendre cet arc étincelant. Parmi tousces princes , il n’en est pas un qui soit telqu’était Ulysse jadisj’ai connu ce héros ; il m’en souvient; mais je n’étais encorequ’un

enfant; a» I ’ v .Il parlait car il espérait pouvoir seul tendre la corde, etd’une flèche traverser lespiliers de fer. Cependant lui; le pre-mier, devait recevoir le trait l ides mains de l’irréprochahleUlysse; qu’il avait outragé le palais,.et,oontre lequel il.eircita tous ses compagnons. Alors le vigoureuir Télémaque leur

"parleen’œs’mots; ’l ’. » .’ . Va Ah, grands dieuX! sans doute que Jupiter, le fils de Saturne;

m’a privé de la raison! Ma mère’ chériecons’ent, sa pru-

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CHANT xxr. 275dence, à suivre un autre époux, a s’éloigner de ce palais; et moi,cependant, je ne songe qu’a rire, à me réjouir dans mon âme in-sensée. Approchez donc, prétendants, voici qu’apparaît un nou-

veau combat pour une femme telle qu’il n’en est aucune autredans l’Achaïe, ni dans la divine Pylos, ni dans Argos, ni dansMycènes, ni dans Ithaque, ni même sur le’fertilecontiuent; vous

le savez musquâmes, qu’est-il besoin de louer ma mère? Maisallons, ne différez plus par de vains prétextes, ne refusez pasdavantage de tendre l’arc, et voyons. Je veux moi-même l’es-sayer; si je tends la corde, si je traverse d’une flèche les piliers defer, ma vénérable mère ne quittera pas ce palais, enflm’accablant

de peines , pour suivre un autre époux, lorsque je lui paraîtraidans l’avenir pouvoir accomplir les faits glorieux de mon père. n.

Il dit, et de ses épaules rejette latunique de pourpre, en selevant avec impétuosité; il détache aussi de son épaule le glaive

aigu. D’abord il place les piliers de fer, et, creusant pour chacund’eux un trou profond, il les aligne au cordeau; puis tout autouril tasse la feue; les assistants sont frappés de surprise en voyantcomme il dispose tout avec habileté, lui qui jamais auparavantn’avait vu ces jeux. Alors arrivant sur le seuil de la porte, ils’arrête, et tache de tendre l’arc. Trois fois il agite cette arme, ens’efforçant de la courber; trois fois la vigueur lui manque, quoi-que dans son âme il espérât tendre le nerf et traverser d’uneflèche les piliers de fer. Enfin il était près de tendre l’arc, en l’at-

timnt avec force une quatrième fois, mais Ulysse lui fait signe etle réprime, quoique impatient. Alors Télémaque s’écrie dans l’as-

semblée 2 r v« Ah, grands dieux! je ne serai jamais qu’un homme faible et

sans courage, [ou plutôt je suis encore trop jeûne, et ne puis meconfier à la force de mon bras pour repousser un ennemi, s’ilm’attaquait le premier. Approchez donc, vous qui par votre forceremportez sur moi, tachez de tendre cet arc, et terminons les

jeux. a ’ .Aussitôt Télémaque dépose l’arc à terre en l’appuyant contre

les portes solides du palais; il incline la flèche sur la brillanteextrémité de cet arc, et vas’asseoir a la place qu’il occupait au-

’ panama. Alors AntihOüs , fils d’Eupithee , fait entendre" ces

mots : i l l - ’ .

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276 A L’ODYSSÉE.« amis, levez-"vous en ordre par la droite, en partant de

l’endroit où l’échanson verse le vin. » i ,Ainsi parle Antinoüshet tous approuvent cet avis. D’abord se

lève Liodès, fils d’Ènops, aruspice de ces princes, qui toujoursétait assis à l’écart auprès d’une urne magnifique; tant de crimes

lui paraissaient odieux, et même il s’indignait contre tous les .prétendants; c’est lui qui le premier saisit l’arc et la flèche aiguë.

Arrivé sur le seuil de la porteLil s’arrête, et tâche de tendre l’arc,

mais il ne peut y parvenir; bientôt ses efforts ont fatigué ses.mains faibles et délicates; alors il dit aux prétendants :,

« 0 mes amis, je ne puis tendre la corde; qu’un autre l’essaye

maintenant. Mais sans doute cet arc privera de fla force et dela vie plusieurs hommes vaillants ; en Effet, il vaut mieux mourirque de vivre sans atteindre lebut pour lequel nous nous rassem-blons ici sans cesse, et que nous désirons tous les jours. Cepen-dant aujourd’hui l’un de vous espère en son âme, et souhaitevivement s’unir à Pénélope, l’épouse d’Ulysse; mais après avoir

éprouvé cet arc sans doute il verra qu’il lui faut offrir le présentdes noces et se marier à quelque autre femme de la Grèce..Alors.la reine épousera celui qui donnera la plus riche dot, et qui vien-

dra conduit par son destin. » î .En achevant ces mots, il dépose l’arc en l’appuyant contre -

les portes solides du palais; il incline la flèche sur la brillanteextrémité de cet arc, et a. s’asseoir a la place qu’il avaihaupa-

ravant. Cependant Antinoüs l’accable de reproches, et lui dit :« Liodés, quelle parole terrible et funeste s’est échappée de tes

lèvres! Je m’indigne en écoutant que cet arc privera de la forceet de la vie plusieurs hommes vaillants, parce que tu n’as pu Jecourber. Va, ta mère, en te donnant; le jour, ne t’a’point faitpour manier l’arc et les flèches; mais les illustres prétendants le

tendront bientôt. n ’ e j V i VIl dit, et donne cet ordre a Mélanthius, le gardiendle’s chèvres :«.llâte-toi, Mélanthius, d’allumer lerfeu dans le palais; place

devant lelfoyer un siège recouvert- d’une toison de brebis, et del’intérieur apporte une masse énorme de graisse, afin que nousautres, jeunes princes, l’ayant fait chauffer, et l’ayant frotté decette graisse, nous éprouvions l’arc, et terminions le combat: a

ll dit; aussitotlllélanihius allume un grand feu’, puis illplaco ’

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CHANT XXI. . airo

devant le foyer un siège recouvert avec des peaux de brebis , etde l’intérieur apporte unemasse énorme de graisseulles jaunesprinces, après l’avoir fait chauffer, essayent de nouveau; majsils ,ne peuvent tendre l’arc, et tous manquèrent Mlument déforce.Cependant, Antinoüs persiste encore, ainsi que le noble Eury-maque, les deux chefs dæ prétendants ; ils étaient les plus illustres

par leur valeur. . ’ ’ . , ’"Alors Eumée et Philétius s’éloignent du. palais; avec eux le

divin Ulysse sort aussi de la maison.;Quand tous les trois ontles portes et l’enceinte des cours, le héros adresse auxpasteurs ces douces paroles z a j

« Gardien des génisses, et vous, gardien des porcs, dois-je vous-révéler un secret, ou bien le taire? Mais mon cœur m’excite àvous le dire. Que feriez-vous pour aideriUlysse, s’il revenait ino-pinément , si quelque divinité le ramenait? Serait-ée aux’préien-

- dants ou bien à lui que vous prêterieznsecours? Dites ce que vousinspirent et votre cœur et vos désirs. » j . . .

a Grand Jupiter, s’écrie à l’instant Philétius, puissent mesvœux s’accomplir,r puisse ce héros arriver enfin, et puisse un dieu

Je ramener; vous connaîtriez quels seraient et ma force et mon

bras. i) . IEumée priait aussi tous les dieux pour que le valeureux Ulysse .

revint-dans son palais; Quand œ prince eut reconnu leur esprit ’sincère, il reprend en ces mots, et leur dit : i - p

u Eh bien, il est devant vous; c’est moi qui souffris tant demaux, et qui reviens dans ma patrie après vingt années d’ab-sence. Je reconnais que vous seuls ,. parmi mes serviteurs, avez

. désiré mon retourne n’ai point entendu les autres prier pour

que de nouveau je revinsse dans’ma maison. .Mais je vous diraila vérité, comme elle s’accomplira a si Jupiter m’accorde un jour

de vaincre ces fiers prétendants , je vous donnerai des épouses atousles deux , je vous comblerai de richesses , et vous bâtirai des Imaisons près de la mienne; vous serez toujours pour moi commeles compagnons et lesfrères de Télémaque. Cependant approchez,

je veux vous montrer un signe évident qui me rendra reconnais-sable, et portera la persuasion dans votre aine : C’est la blessure ’

que ’me’fit autrefois un Sanglier, aux dents éclatantes, lorsquei j’allai sur le mont Parnèse avec les fils d’Autolycus; a °

. . p . - a. ,

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i278 ’L’QDYSSEE.En achevant ces paroles, il ouvre les haillons ("qui couvrent la

largewicatrice. Dès qu’ils l’ont aperçue, et quiils ont reconnu lavérité, tous les deux pleurent en jetant les bras autour d’Ülysse.

et baisent avec transport sa tête et ses épaules. Ulysse baise aussileur tète et 19m5 mains. Ils auraient pleuré jusqu’au couder dusoleil, si le héros lui-même n’eût arrête ces larmes. V i V -

« Cessez , dit-il ,. ces pleurs et ces gémissements ,’ pèm’que

quelqu’un ne s’en aperçoive en sortant du palais et ne le disedans l’intérieur. Mais rentrons les uns après les autres, et gpn

point tous ensemble : moi le premier, vous ensuite; que ce signevous suffise, Sans doute que, tous tant qu’ils sont, les fiers pré- V

tendants ne consentiront pas à me donner l’arc et le carguois;mais vous, divin Eumée, portant lfarc à travers la salle, vous leremettrez en mes mains; puis vous direz aux femmes de fermerexactement les portes solides du palais : si quelqu’uneld’ellesen-tend du bruit et des gémissements dans’l’encèinte où se tiennent

les hommes , qu’elle ne sorte point , mais qu’elle reste en’silence

attachée à ses travaux. Pour, vous, Philétius, pvôus- recolli-mande de fermer à la clef les portes de la cour,» ebtd’y mettre

promptement un lien. » A i ’ p - 4Après ce discours, il rentre dans ses superbes demeures; puis

il va slasseoir sur le siégslqu’iil avait auparavant; les deux ser-

viieurs rentrent-ensuite la maison d’Ulysse; -En ce moment, Eurvmaque desesl deux mains maniait l’arc en*

rapprochant dans tous les sans de la flamme du foyer;,mais il ne ’put parvenir à le tendre; il s’indignait en son noble ému; Alors, a

soupirant avec amertume, il s’écrie : . ,u Grands, dieux , quelle douleur pour moi-même et pour tous"

ces princes! Ce n’est pas tant sur ce mariage que je gémis; quoi-que je le regrette; car enfin il est un grand nombre eurasien:mes grecques; soit dans lthaque, soit dans les vines voisines;mais c’est d’être si fort inférieuren force au divin Ulysse , et de

nlavoir pu tendrecet arc; notre hontesera connue de la’posté-

me u v .h x l i ’ ’n e Cher Eurymaque, lui répond Antinoüs, il nien sera pointainsi; tu le sais bienfoi-méme. Mais maintenant on célèbre parmi

le peuple la fête d’Apollon; qui voudrait encore tendrel’arc? Restezïtianquilles maintenant; vœpendaxitlaissùns Élèbèut’

I

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CHANT sur]. I 279tous lespiliers dater ;’je nacrois pas’quo’pereonneiles enlève en

venant dans le palais d’Ulyssé, fils de laminais monnayas.J’échanson distribue les œupes, et faisant des, libations, aban-donnons les arcs murines. Demain , des l’aurore, vous ordon-

, nercz mamans de conduire ici les plus belles chèvres ’l fluoupeanx ,, afin qu’après. avoir offert les tarisses au puissant

lpoilon, nous reprenions cet arc , et terminions le combat. a"Ainsi parle Antinoûs ;V cet avis plana tous. Aussitôt les me

versent l’eau sur les mains des princes, et les jeunes gens rem-plissent les coupes de vin; ils les distribuent a tous en commen-çant par la droite. Ceux-ci font les libations , boivent au gré deleurs désirs, et le prudent Ulysse, toujours méditant son stra-

tagème, leur adresse ces paroles. : I i i ta magnez m’entendre , prétendants d’une reine illwtre, je

lyeux vous dire quelle penséè agite mon sein; j’implore surtout

Eurymaque et le noble Anfinoüs, ,lui qui vient de dineœvecsageSse qu’il fallait maintenant déposer l’arc et s’adresserde ï

dieux; demain donc une" divinité donnera la victoire à celuiqu’elle voudra.’ Cependant donnez-moi cet arc étincelant, pourque j’essaye après vous la force de m5 mains , que je voie si me: .

membres ont encore la vigueur qu’ils avaient jadis, ou si les.voyages et la misère me l’ont déjà ravie. » ; , .

Il dit; les prétendants s’indignent avec fureur , craignait qu’ilne parvienne à tendre est arc superbe. Alors Antinoüsl’aœable

de reproches : p - Qla 0 le plus misérable des bots! tu n’as as l’ambre de raison ;

n’es-tu donc pas satisfait d’avoir tranqui amant pris ton repasau milieu de nous, princes illustres? Tartines-nous privé de nour-riture, et n’astu pas entendu nos animations? Aucun autre mon -

A diant, aucun étranger malmenait ainsi nos encours. un; mmt’a troublé , comnie tous ceux qui le prennent avec excès et qui

ne boivent pas avec mesure. Ainsi dans le palais du magnanimePirithoüs le vin causa tous les malheurs du centaure Euryithn,lorsqu’il vint chez les Lapithes: Sitôt que ses sens furentpl’rappgs

par l’excès du vin, furieux, il commit les plus grands crânes danslesdemeures mêmes dePirith’oüs’; la douleur ’s’enipara des he-

To5, qui le trameronthors des portiques, et’lui coupèrent [le nezet les oreilles avec un glaive cruel. Âlors,-le cœurlrongè de chu-

O

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ne ÇL’ODY’SSEÆ .vses, Euritbyon fut contraint de s’éloigner, après avoir subi la.

pige mica son esprit voilà lierigine de la guerre-entreles Centaures et les lapithes, et ce fut sur lui-môme qu’Eurythion.d’abord attira le malheur en s’abandonnantà i’ivrèsse. De même, v

éwget, je te prédis les plus grands maux, si tu tentes deicour«ber cet arc. Va , tu ne trouveras désormais auam secours parmile uple, et dansvun noir vaisseau nous t’enverrons au princemâtas , lezplus and des hommes ;’ la, "tienne te sauvera. Bois,donc en silence , et ne dispute point avec des bombes plus jeunes

que toi. w r ’ . - . . 7Aussitôt la prudente Pénélopeifait entendre ces paroles :« Antinôiis, ilïn’est ni juste ni convenable d’insulter les nous

i deJélémaque , quand il-en vient un dans cette maison. Pensez-vous que si cet étranger courbe l’arc d’Ulysse , en se confiant à la

force de son bras , il me conduise dans sa maison; et que je de;vienne son épouse? Non, certes, et lui-même ne l’espère’pas enseringuai; que nul donc (rentre vous , qui prenez ici Votre repas . »nes’afflige de cette pensée, parce que rien n’est moins vraisem-

blœe. a v a IEurymaque, le fils de Polybe, lui répondit en ces mots : vtu Fille d’lcare, sage Pénélope , certes nous ne pensons pas que

cet homme vous épouse jamais, cela n’est pas vraisemblable;l mais nous redoutons les vains propos des hommes et des fem-

mes , et nous craignons que quelque misérable parmi les Grecs nedise : « Ah la combien ces hommes sont inférieurs au héros dont

, ils recherchent l’épouse , aux qui n’ont pu tendre l’arc brillant;

cependant un pauvre errant,’ en venant ici, l’a courbé sans ef-fort, et de sa flèche a traversé les piliers de fer. a Tels seraientleurs discours; ils seraientpour nous un éternel opprobre. n l ’.- «Noble Eurymaque ; lui répondPénélope, qu’ils n’espèrent

’ pas être illustres parmi le peuple , ceux qui ruinent avec. audacela maison d’un homme puissant; pourquoi donc vous livrera ceshonfiüx excès? çet étranger est grand et-robuste, et se glorifiedjgâtn’o le me d’un père illustrefiremettezèlui donc Parc étincelant.

afin que nous en jugionsî Je le déclare, et j’accomplirai ma pro-messe : s’il tend cet arc, s’il obtient d’Apollon une telle gloire, je

le revêtirai d’une tunique et d’un «manteau , superbes vêtements;je lui donnerai de plus une lance aiguë , l’effroi des Chiens et des

. a ’ ’ r

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sans mini, I au.voleurs, avec un glaive à deux,tranchants; je lui donnerai pourses pas des brodequins , et le renverrai dans le pays où son ’

désir estde se rendre. )) , i rLe sage Télémaque repartit alors: p« 04 ma mère , quand il s’agit de l’arc , je suis ici le plus puis- 4

sent des Gr ’ ,-je puis le donner ou le refuser à qui me plait, etnon ces princes, soit qu’ils’hahitent dans l’âpre Ithague, ou dans

les iles voisinesxde l’Ëlide, fertile en coursiers ; nul d’entre eux ne

forcera ma volonté, quand même j’exigerais que cette arme futdonnée en. présent a l’étranger. Retournez donc à votre demeure, ’

reprenez vos travaux accoutumés, la toile et le fuseau; comman- ildægàbvqs femm de hâter leur ouvrage, le soin de l’arc regardetous les ho , moi surtout, ’car c’est à moi que-la puissance

appartient dans capelais. » j . v p vAlors Pénélope, frappée d’admiration, retourne à sa demeure;

elle dépose en son,Cœur les sages conseils de son fils. Puis étantremontée dansles appartements supérieurs avec les femmes qui laservent, elle pleure, Ulysse, son époux chéri; jusqu’au moment oule doux somméil,envoyé par Minerve, vient fermer ses paupières.

moment, Eumée prendl’arc superbe pour le porter au .vaill Ulysse; ’ les prétemnts s’agitent en tumulte dans le pa-lais; l’un de ces jeunes audacieux s’écrie : L W - V a

- a Oùiveuxl-tu porter cet arc, vil gardien des porcs, misérableinsensé ? Bientôt, milieu de tes troupea . et loin du, secôursdes hommes, tu se dévæé par les chiens Ï toi-imitées nour- .

ris, si le-puissant Apollon nous est favorable, embus les autresl

dieux immortels. » , . « . .Ainsi parlentlles’prétendantspalots Eumée dépose auméme

endroit l’arc qu’il portait, saisi de crainte, parce que plusieurss’agit’aient en mon dans le palais. Mais a son tour Télémaque

d’une voix terrible lui. dit ces mots : I ,’« Eumée, avancez, et portez Cet arc ;- bientôt vous n’obéircz

plus à tous j craignez que, malgré me jeunessÏe, je ne vous ren-voie aux champs en vous accablant de pierres : ma force l’em-porte sur la votre. Plut aux dieux que sur tous les prétendantsqui sont dans le palaispje puisse aussi l’emporter par la vigueurde mon bras! bientôt je les chasserais honteusement de mes de-

meures; ils ne commettent ici que des crimes. a n

- ’ -- , se.

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232 ronrssne.Il! dit; tous les. prétendants accueillent paroles avec de gran-des risées : ils avaient apaisé’leur violent courrôûx contrfl’élé-

maque. Aussitôt le pasteur traverse la salle , et remet l’arc entreles mains d’Ulysse; puis, appelant’laaiourrice Euryclée, il lui

parle en ces mots za Télémaque vous commande, prudente Euryclée, delfermer

exactement les portes solides du palais; si quelque femme entenddu bruit et des gémissements dans l’enceinte où se tiennent læ

hommes, qu’elle ne sorte point, mais qu’elle reste en silence atta-chée a ses travaux. ))

ll dit; ces paroles restent gravées dans l’âme d’Euryclée. 1fille

se hâte de fermer les portes de ces superbes demeures. in vCependant Philétius sort secrètement dela hison [et reine

aussi les portes de la cour. Sops le portique était uncable de na-vire fait de byblos, Philetius en attache les leviers des portes, etrentre dans l’intérieur; il va se rasèeojr sur le siège qu’il avait

auparavant, en regardant Ulysse. De héros prend l’arc, l’exa-mine avec attention, et le retourne dans tous les sens, de peurque la corne n’eût été rongée par les vers en l’absence du maître.

Alorsl’un des prétendants dit à celui qui se trouvait près (163:1 :

a Sans doute, cet homme est u ahile connaisseur dans;peut-être il en a chez lui de semblable , ou peutét’re désire-Fil en

faire un lui-même; comme dans ses mains il.le manie ide-tous

côtes, ce vagabond artisan de crimes l » iUn autre de ces jeunes présomptueul senau :« Ah! puisse-HI obtenir un heureux destin , sommeil est vrai

qu’il pourra tendre cet arc! n .Ainsi parlaient tousles prétendants; cependant Ulysse; aprèsavoir manié longtemps l’arc immense, et l’avoir règardérdans

ÇOuS’les sens, gamme un homme habile dans l’art de la lyre et du

cha ut tend facilement la corde avec une clef neuve , l en touchantdes deux côtés le boyau d’une jeune brebis, de mêmeUlysse, sansaucun. effort , tend l’arc magnifique. Alors de samain droite saisissant le nerf, il l’épreuve; l’arme rend un son laigu, semblable au cri del’hirondelle. Les prétendants sont saisis

de crainte, et tous changent de couleur. En ce moment Jupitertonne avec fracas pour indiquer un présage; le noble et patientUiysse se réjouit de ce que le ii’ls du prudent Saturne lui montre

r

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cnm’r un". . 233ce prodige Il prend un traitacérè, le seul qui fût restésur latable; le carquois renfermait tous les autres, que bientôt les Grecsdevaient éprouver. Alors, saisissant l’arc parla poignée; il attirela corde avec la flèche, et, toujours assis sur son siégé, visantavec justesse , il lance le trait; sans stégarer il traverse depuis le.premier tous les piliersytrouès, et la pointe d’airain les franchitjusqu’en dehors de la lice; alors’sladressant à son fils : a »

a Télémaque , dit-il, l’hôte assis dans votre palais ne vous est

point un sujet de honte : je n’ai pas manqué le but. et n’ai pas

[fait de longs efforts pour tendre cet arc; ma force est encore toutentière, et sans doute que maintenant les prétendants ne m’ou-

æageront plus en me méprisant. Mais voici l’heure de préparer

- aux Grecs le repas du soir, tandis qu’il est encore jour, puis nousgoûterons les douceurs du chant et de la lyre; ce sont les orne-

ments dlun festina.» - j l - I ’Il dit, et de l’œil lui fait un signe; alors Télémaque,.fils

chéri d’Ulyæe, ceint un glaive aigu ; de sa main il saisit une lance ;

armé de l’airain étincelant, il se tient debout du siège do

son père. l i * r. CHANT xxn.

TRÉPAS DES PRÉTENDANTS.

I Alors Ulysse se dépouille de ses haillons; il s’élance sur le seuil

de la porte, en tenant l’arc et le carquôis rempli de flèches; ilrépand à ses pieds ces traits rapides , et dit aux prétendants :

a Cc combat innocent est enfin terminé; maintenant je vais denouveau viser un autre but, que nul homme n’a frappé; je l’at-

teindrai, si toutefois Apollon m’accorde cette gloire! n . lll dit, et lance contre Antinoüs un trait cruel. Ce héros allait

soulever une belle coupe d’or a deux anses; et de ses deux mains

il la Prenait.pour boire le yin; la mainte de la mort ne rèp05aitimm- da’nâ son âme : qui pontait penser qulau milieudc ces con. .

Vives: un homme seul , quelle que fût d’ailleurs sa force, prépa-

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234. - «voussés.- -rait a ce prince un trépas funeste et la sombre destinée? C’est lui

pourtant qu’Ulysse en le visant atteint d’une flèche à la gorgé, etla’poinœ traverse le cou. délicat. Antinoüs tombe renversé? la

coupe échappe de ses mains, et soudainpun jet de sang jaillit de- ses narines; il repousse loin de lui la table, qu’il frappe avec ses

pieds, et les mets se répandent à terre; le pain et les viandes sont- souillés dans la fange. Les prétendants alors dans le palais, voyant

. tomberœ héros, s’élancent de leurs siégea, s’agitent dans la salle

du festin, et des yeux parcourent les, murailles élevées; mais iln’est plus de boucliers, plus de fortes lances qu’ils puissentAlors, accablant Ulysse d’injures , ils s’écrient : j

u Ainsi donc , étranger , tu lances outrageusement des fléchitcontre nos princes ; tu D’assisteras plus désormais a d’autres jeux ,

maintenant ta mort est certaine. Tu viens d’immoler un héros, leplus illustre de tous les jeunes citoyens d’lthaque; ici même les

t vautours dévoreront ton cadavre. n v g . .Ils parlent ainsi, présumant que l’étranger n’avait pas voulu

tuer Antinoüs; mais les insensés ne savaient pas qu’eux. tous

étaient menacés deiagmort. Cependant Ulysse, jetant surauxdes regards foudroyants, s’écrie z i .

a Chiens que vous êtes, vous ne présumiez pas que je revinssejamais de chez le peuple des Troyens, et vous avez ravagé mamaison, vous avez violé sans pudeur mes femmes esclaves, et

’ vous avez convoité l’épouse d’un héros encore vivant, sans crain-

dre les dieux qui possèdent le vaste ciel, sans redouter par lasuite la vengeance des hommes; eh bien, maintenant vous è

tous menacés de la mort! n ’ .. I ’. A ce discours, la pale frayeur s’empare de tous ces princes,

’ct chacun d’eux cherche comment il pourra fuir un horribletrépas. Le seul Eurymaque , répondant au héros, fait entendre

ces paroles : . a« si vraiment vous êtes l’Ithacien Ulysse qui revenez , VOll.Sparlez avec justice, tant les Grecs ont commis de nombreux at-tentats et dans votre palais et dans vos domaines. Mais enfin ilest étendu œlui qui fut la cause de tous ces maux, Antinoüs ;4lui

seul ourdit ces dosseins,, non pas qui] recherchât ni désirât vi-vement le mariage, mais il avait conçu bien d’autres pensées

que Jupiter n’a point accomplies ; il voulait régner sur le peuple

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CHQNT XXII. I285de la belle.ville d’lthaque, et tendant des embûches à votrefils, il voulait l’immoIer. Maintenant c’est a juste titre qu’il estmort; vous cependant épargnez vos peuples; nous, à l’avenir

repavant publiquement nos injures, pour tous les vivres quiruant consommés dans ces demeures, chacun ’de nous cédera.vhgt bœufs , et nous vous donnerons en outre de l’or, de l’ai-rain,’ jusqu’à ce que votre cœur Soit. satisfait; jusque alors il n’est

pas injuste que vous soyez irrité. nUlysse alors , le regardant avec indignation ,, s’écrie aussitôt ;« Eurymaque, non , lors même que vous m’abandonneriez et

ce que’possèdent vos pères , et vos propres richesses , et d’autres

biens encore, je ne retirerai point mon bras du carnage, quetous les prétendants n’aient payé leur audace, Ce qui vous resta?à faires maintenant, c’est de combattre en face, ou de fuir, siFurtive vous veut éviter la mort et le destin; mais je ne pensepas qu’aucun de vous échappe à la mort cruelle. n ’

A œsmots, les prétendants sentent leurs genoux trembler et’ leur cçur défaillir. Cependant Eurymaque’ une seconde fois fait

entendre ces paroles : - 4«’O’mes amis, non ,7 sans doute, ce héros ne reposera point

ses mains invincibles; et maintenant qu’il a pris l’arc et le car- ,quois, du seuil éclatant il nous accablera de flèches, jusqu’à’co

qu’il nous ait tous immolés; mais rappelons notre valeur.’Tirezl.vos glaives, opposez les tables. à ses traits cruels; tous réunis,marchons contre lui; si nous pouvons l’éloigner du seuil desportps,’allons par la ville, et que s’élève aussitôt une grande cla-

meur z bientôt cet homme aura lancé ses flèches pour la der-

nière fois: a. ’ . l , ’Comme il achevait ces mots, il saisit un glaive d’airain à deuxtranchants, et s’élance contre tel héros en poussant un horriblecri; mais à.l’instant Ulysse lançant une flèche lui frappe le sein .au-dessoùs de la mamelle , etle trait pénètre jusque dans le foie:le glaive à l’instant échappe de ses mains, et lui-même ,baignéde sans! tombe renversé près de la table; les mets et, la coulpe ’

arrondie sont répandus à terre; de son front il frappe le sol enrendant la vie; ses deux pieds en s’agitent heurtent son trône;

un nuage couvreses yeuî. l . . - -*Soudain Amphinome’,’ .s’élançant contre le valeureux Ulysse,

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ses L’ODYSSÉE.tire une épée étincelante , et tache de l’éloigner des portes. MaisTélémaquele prévient, et de sa lance d’airain le happant par

derrière, il l’atteint entre les deux épaules, et traverse la poi-trine; Amphinometomhe avec un bruitterribletsou ’ tvahapper la terre. Télémaque s’éloigne aussitôt, et laiæe sa cedans le sein d’Amphinome; il craint, tandis qu’il arrachera cettelongue lance, que l’un des Grecs en s’élançant ne le trame dela pointe de son épée. Il se précipite en courant, arrive bientôt

vers son père; debout près d’Ulysse, il lui dit ces mots ra-

A pides : - - ’ ’ .et Mon père , je vais apporter un bouclier, deux javpluts, avun casque d’airain qui s’adapte a vos tempes, et moi-même jeme revêtirai d’une armure ; j’en veux aussi donner uneau! deuxpasteurs, Eumée et Philétius; il nous vaut mieux être couverts

de nos armes. n çà. a Ratez-vous , ô mon fils, répond Ulysse, tandis qu’il me resteencore des flèches pour me défendre , de peur qu’ils ne m’éloi-

gnent des portes, moi qui suis seul. n ’ . ’ IIl dit; Télémaques’empresse d’obéir aux ordres de sofi père ,

et va dans la chambre où repOsaient les armes Ilprend quatre bouchers, huit javelots, et quatre casques d’ai-rain à l’épaisse crinière; il les emporte , puis retourne vers son

père. Celui-ci d’abord revêt son corps de l’airaln) ensuite les

deux se œuvrent aussi d’une belle armure, et res-tent a côtédu vaillant Ulysse, fécond en ruses.

Ce héros, tant qu’il avait eu des traits pour se défendre, dechaque flèche avait frappé dans le palais l’un desprétendan ; ils

tombaient pressés les uns contre les autres. Mais lorsque les .itsmanquèrent à ce roi valeureux , il inclîne l’arc contre les mu-

railles resplendissantes , et l’appuie sur le montant de la porte;puis il charge ses épaules d’un large bouclier revêtu de quatre

I lames; il couvre sa forte tète d’un casque pesant, managé d’une

crinière et surmonté d’une aigrette; enfin il saisit deux javelots

garnis d’airain. é A r n q;Dansvl’épaisse muraille était une porte secrète; située qui? du ’

seuil élevé. de la salle superbe, elle donnait une sortie dans la rue,et fut construite de planchcs’soli’des. Ulysse ordonne au pasteur

Euméc de garder cet étroit passage, en restant auprès; tsar un

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CHANT un. - . 2s;seul homme pouvait y passer-à la fois. Cependant Agélails adres-saitce conseil aux prétendants, et leur disait: A ’ v

k a 0 mes amis, n’estsil donc ducun de vous qui franchisse laporte secrète pour avertir le peuple, et qu’auséitôt s’élève une

grande clameur ?’Sans doute qu’alorscet homme aurait lancé ses

flèches pour la dernière fuis. »" i ’Mélanthius, le gardien des chèvres, lui répondit aussitôt : I«r Cela n’est pas possible, noble Agélaüs; les vastes portes de» r

la cour sont tropiprès, et la sortie de la rue est difficile :’ un seulhomme, s’il est vaillant, peut aisément la défendre contre nous ,

tous; mais attendez , pour vous protéger j’apporterai les armesde la chambre; c’est la , je le crois , non pas ailleurs, que les ont

dé Ulysse et son illustre fils. » IV En parlant ainsi, Mélanthius monte dans la chambre d’Ulysse

par l’escalier du palais; il prend-douze boucliersydouz’e lances,et douze casques d’airainà l’épaisse crinière ; puis il se hâte de

les porter’aux prétendants. Ulysse sent ses genoux et son cœurdéfaillir, quand il voit les ennemis revêtus de ces armes , et leursmains agiter longues lamées; un terrible labeur apparaît à ses éyeux. Soudain il adresse à Télémaque œsparoles rapides r ’

q (r Télémaque, sans doute dans ce palais l’une des servantesmachine contre nous un combat difficile ou peut-être Mélan-

thiùs. à - - ’ç 0 mon père , lui répondit Télémaque , moi seul j’ai failli .(nul autre n’est coupable), en laissant entr’ouverte la porte de éla chambre; un de leurs espions s’est mentré plus habile. Mais

allez, divin ,Eumée, fermez la porte de la chambre ,, et voyez si.c’est l’une des servantes nous trahit, ou le fils de Dolius,

Mélanthius, lui surtout que je soupçonne. » U *c’est ainsi qu’ils discouraient ensemble. Cependant Mélanthius

de nouveau retourne à la chambre pour en rapporter des armes ;Eumée l’aperçoit’, il s’approche d’Ulysse , et lui dit :

« Noble fils de tacite, cet homme perfide, comme nous l’avions

I Soupçonné. de nouveau retournehàla chambre; dites-moi fran-chement si je dois le tuer dans le cas où je serais le plus fort, ’ou si je dois l’amener ici peur qu’il paye tous les crimes que lui-Lmême a commis dans votre’maison: »

Le sage Ulysse lui répondit aussitôt : -I

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233 ’ L’ODYSSEE.a Télémaque et’moi nous contiendrons les prétendants dans

l’intérieur, quelle que soit leur-vaillance. Vous donc, Eumée etPhilétius, saisissez Mélanthius, liez ses pieds et’sèi mains et jetez-

lc dans la chambre, dont vous fermerez exactement la porte;puis l’entourant’d’un’e double chalne, vous le tirerez le long

d’une haute colonne, et le suspendrez aux solives , afin que , vi-- vantlencore,,il souffre longtemps d’amèrœ douleurs. n ,

il dit ; les pasteurs, ayant entendu cet ordre, obéisæntaussitôtîeils montent dans la chambre , et se dérobent à la vue de Mélan: àthius. Celui-ci dans l’intérieur cherchait de nouvelles armes; 5Eumée et Philétius l’attendent placés aux deux côtés de la, porte.

Lorsque le gardiensdes chèvresest près de franchir le "Î; ’ i; "tant d’une-main un, casque étincelant, de l’autre ’I v » Ï

vieux bouclier, tout couvert de rouille , qu’autrefois ,de sa jeunesse, portait le héros Laerte ;,à cette armure, . gisaitla depuis longtemps, pendait une ’ceurroie déchirée; aussitôtles deux pasteurs s’élancent saisissent Mélanthius, le trament parles cheveux dans l’intérieur de la chambre, et sur le sol le renver-sent gémissant; ils chargent ses’pieds et ses mains d’un lien. fu-

neste , et le serrent avec force, comme Pardonne le fils de Laerte ,le divin et patient Ulysse; enfin , l’entourant d’une doublechalne, ils le tirent le long d’une haute colonne, et le suspendentaux solives. Alors Eumée lui tient ce discours ironique et mor-

dant : -a Maintenant, sans doute, Mélanthius, tu vas passerune nuitheureuse, étendu sur ce lit moelleux, comme il te convient;la tille du matin, loin des flots de l’Océan, remontant sur sontrône d’or, n’échappera pas à tes regards , lorsque tu conduiras

les chèvres aux prétendants pour servir à leurs festins dans ce

palais. ’n 4 . l I iIl dit, et laisse Mélanthius enchatné dans ces terribles liens;les’deux pasteurs s’emparent des.armes, ferment la porte écla-

tante, et retournent auprès du vaillant Ulysse , fertile en ruses.e Pleins d’ardeur, c’est la qu’ils s’arrêtent; sur le Seuil de la porte

sont quatre hères, etdans l’intérieur de la salie une foule deguerriers vaillants. Mais vers les premiers arrive la fille de Ju-piter, Minerve , qui parait avec la voix et la figure de Mentor. Acette vue Ulysse, plein de joie, s’écrie z. , .

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«un un. . des«70 Mentor, viens m’aider en ce combat, et ressouviens-toi .d’un compagnon chéri qui t’a combléde biens; nous sommes I

du même âge. in ’ ’ ’Ainsi parlait Ulysse , quoique présumant bien que c’était Mi-

nerve protectrice. De leur côté, les’prétendants remplissent le:’palaisde leurs menaces; le premier de tous, Agélaüs, fils deiDarnastor, adressait a la déesse de terribles menaces :

1,: «l 0 Mentor, disait-il, qu’Ulysse par ses paroles ne te persuadepoint de lui-prêter secours et de combattre les prétendants.

Telle est notre résolutiùn, elle s’accomplira, j’espère; lorsque

nous aurons immolé le père et le fils, tu périras avec eux, toi«gui dans ce palais accomplirde si grands exploits ;, tude ta tète. Après que nous vous aurons arraché laNie avet’r’lîairain, les richesses que tu possèdes, soit à la ville, soit

aux champs, nous les partagerons comme celles d’ Ulysse; nous -ne permettrons plus a tes fils, a tes filles, de vivre au sein deleurs demeures, ni même à ta noble épouse d’habiter la ville d’1-

thaque. Il A . » VIl dit; Minerve au fond du cœur s’irrite encore davantage, puis

elle adresse au héros ces reproches amers : V ’(à Ulysse, enonltu’ n’as plus cette force tout entière et ce courage

que tu fis éclater jadis, lorsque pour la belle Hélène, issue d’unpére’illustre durant neuf ans entiers , tu combattis sans relâche

les guerriers troyens, lorsque dans cette guerre lamentable tufis périr un. si grand nombre de héros, et que par tes conseils futdétruite la superbe’ville de Priam. Pourquoi donc, maintenantque te voilà revenu dans ta maison , au sein de tes richesses , hé!siter en gémissant dévie montrer brave contre les prétendants ?Viens, ami, reste a mes côtés,’considèrc mes exploits, et tu verras

commelau milieu de ces ennemis Mentor, fils d’Alcime , tait re-

cbrmaîtretes bienfaits. n V v -Ainsi parle Minerve; cependant elle ne fixe pas tout d’un coup

la victoireinCertaine; elle veut éprouver encore la valeur et laforce Soit d’ Ulysse, soit de son généreux fils. La déesse alors s’é-

lance rapidement, et. se repose sur une des poutres élevées de lasalle,’.comme une hirondelle. l »

Cependant le fils de Damastor,’ Agélaüs, encourageait ses com-pagnons, de même qu’Eurynomc , Amphimédon , Démoptolême ,

Cam-sens. l V V ’ 25

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ne k ’ vouvsstz. ,Pisandre-g fils de Polyctor, et Je’vaillant Polybe; eux les plusbraves de tous les prétendants qui vivaient encore, ethui com-

. battaient pour défendre leur vie : l’arc et lœ nombreuses flèchesV ont déjà renversé tous les autres. C’esta’eeux qui reàtent due

parle Agélaüs; a tous il adresse ces paroles z L . .« Amis, bientôt cet homme reposera ses mains invincibles;

déjà s’est enfui Mentor en proférant de vaines menaces; ceux-ci

dans peu quitteront les portes qulils ont occupées les. premiers.Ne lancez pas tous à la fois vos. longs javelots; que six siam-ment dirigent leurs traits, et puisse Jupiternous aœorder de

lrzipper Ulysse; et d’obtenir une grande gloire; Ne vous inquiétez

plus des autres, si celui-là succombe. nIl dit; tous les six impatients lancent leurs javelots, comme

Agelaijls l’ordOnna; mais Minerve rendit tous ces traits inutiles.L’un frappe les lambris du palais, un autre la porte solide; lepesant ’ javelot du, troisième s’enfonce dans le mur. A peineUlysse a-Hl évité les traits des prétendants, que ce héros à son

tour encourage les siens; et leur dit :a Mes amis, je vous exhorte de même aplancer vos trais dans

la foule de ces princes, eux qui brûlent de nous immoler, aprèsnous avoir les premiers accablés d’outragæ". n . r .- Il dit : tous les quatre a la fois lancent leurs traits acérés, en

I h îles dirigeant contre ces princes; Ulysse immole DèmoptolémetTélémaque Euryade, Eumée Êlatus, et le gardien des bœufs tuePisandre nous aussitôt de leurs dents pressent le vaste pavé: Lesautres prétendants se refirent à l’extrémité deilasallé; les quatre

guerriers fondent Sur eux, et retirent les’armes du scandes ca-

davres; . * - -’ ’ , aDe nouveau les prétendants impatients lancent leurs longsja-velots; Minerve rendit inutilesces traits nombreux. L’un trappeles lambris du palais , un autre la porte solide ;. le pesant javelotdu troisième s’enfonce dans le mur. Mais Amphimédou blase Té-

lémaque à la main, et l’airain effleure légèrementla péan, De son

A dard Chésippe rase le bouclier diEumée , quiil blesse anl’èpaule; le

trait vole au loin, et va tomber à terre. Pourtant Télémaque etles pasteurs, toujours réunis autour du valeureux Ulysæ, lancentleurs flèches aiguës dans la foule des prétendants. olympes-

r tracteur descitès, renverse Eurydamas , Télémaque Amphimé-

t

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CHANIÏ un, N i 2m,don, Eumée Polybe; le gardien des bœufsfrappe Ctésippe dans lapoitrine, et, fier de. sa victoire, il lui tient. cadiscours z a

. a Fils de Polytherse, ici n’aimes que l’injure, ne cède plus Va la vanité de parler avec arrogance. mais dirige ta parole versles dieux; ce sont eux (prisent les plus puissants. Reçois à pré-sent ce don d’hospitalité pour le pied de bœuf que tu donnas au

a Ulysse, quand il vint dans son palais flamme un mendiant: al floris-1è gardiendss bœutîsgiilysse s’approche du fils;de

fi q l, " sotie-blessera sa longue lance; Télémaque frappe au i’ u’ le, fils d’Évenor, Léocrite, que l’airain traverse

a * tèntierfllhmbe en avant, et son-front heurte contre la terre. i* ce whig, Minerve du faite. élevé découvre sa redoutable

En able l’âme des prétendants. Ils fuient épouvantes.

u q la salle, comme un troupeau de génisses qu’excite enles piquant unrtaon’ furieux durant laksaiSOII du printemps, lors-que viennent les longs jours’JUlysse et les siens sont comme des

. vautours enserres cruelles, au bec recourbé,.qui du haut’desmontagnes se précipitent sur de. faibles oiseaux; ceux-ci volentpar la plaine dans la crainte. des filets, me les vautours les im-molent en s’élancent, et pour ces oiseau.va n’est ni terse ni re-v

fuge; les hommes se réjouissent de proie. Ainsi les».quatre iguerriers fondent sur les prétendants, et les frappent de toutes lparts; la sans retentit du bruit affreux désarmes fracassés, ettout le soi est inondé de sang. Cependant Liodès se jetterais;pieds-sd’Ulysse, et l’implore ences’mots z - . ’ ’i

.«bUiysse, j’embrasse vos genoux; respectez ma misère, prenez’

pitié de moi; je ne pense pas qu’aucune’femme de ce palais puisse

que jamais je lui fis aucun outrage; souvent même jarretailes prétendants, lorsque l’un d’eux se livrait à de telles vicieux

ces. Mais ils ne m’obéissaient pas, et ne-retirèrent point leursmains de ces crimes; aussi par leurs propres folies ils ’ont péri

d’une mort honteuse. Moi cependant, leur augure’et non leurcomplice, je serai doncavec eux étendu sans vie; il n’est donc,

point de grâce pour les-hommes de bien. n i . I- Ulysse, jetant sur lui des regards lui répondit aus-

sitôt : ’ ï I , r l .I u Puisque tu te vantes d’avoir été leur augure, souvent sans

l doute tu formas des vœux dans ce palais pour que s’éloith de .

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292 . . . L’oansEiz.moi le doux instant du retour, et sans doute tu t’unira mon épouse, pour en obtenir des enfants; non, tu mériteraspoint l’affreux trépas; a t I ’ i I

En achevant ces mots, de sa main vigoureuse Ulysse saisitimglaive ,’ qu’Agélaüs;æ mourant laissa tombera terre; il frappe

Liodès aumilieu du cou; tandis qu’il parlait encore, sa tète roule

dans la. poussière. ’ * oCependant le fils derTherpias, Phémius, chantre mélodieux,o. éviterons mort cruelle, lui qui chantaitpar force au milieu des

prétendants. 11-avait sa lyre tria main,’. et Se tenait près de laporte secrète; il’balançait au fond de son âme ,s’il sortirait dupalais, et s’il irait s’asseoir vers lebel autel du grand Jupiter,protecteur des enclos , sur lequel Laerte et le divin Ulysse brû-

o itèrent les nombreuses cuisses des victimes, ou bien s’il supplieraiteUlyssepen tombant à ses genoux. Dans sa pensée, il croit préfé-rable d’embrasser les genouxydut fils de Laerte. . Il dépose a terresa lyre brillante près d’un large cratère et d’un trône ornédc o

clous d’argent; aiors tombant devant Ulysse ,Ï il lui prend lesgenoux, et fait entendre ces paroles suppliantes: i t o

a Ulysse , j’embrasse vos genoux; respectez ma misère , prenez

pitié de moi ; dans la suite vous éprouveriez une grandediouleursi vous immoliez un chantre mélodieux , moi qui charme à tafoiset lesdieux et les hommes. Je suis mon unique maître , un dieum’inspira mes chants divers ; je puis chanter devant vous commedevant une divinité; ne cherchez donc point à m’oter la vie... Té-

iémaque, votre fils chéri, vous dira que ce ne fut jamais volon-o tiers ni pour monplaisir que je suis venu chanter dans ce palais

durant les festins des prétendants; mais eux, les plusnombreuxet les plusforts, m’y contraignaientpar nécessité. i) - . ’

Ainsi parlait Phémius; le généreux Télémaque entendit cette

prière, et, soudain s’approchant d’Ulysse, il lui dits: v

* a Arrêtez, et de votre glaive n’iml’nolez point cet hommejmioe

cent; sauvez aussi le héraut Médon , qui dans res demeures prittoujours soin de moi, quand j’étaisencore enfant; si toutefois iln’a pas été frappé par Euméeet Philétius, ou s’il ne s’est pas olfert

à vous, quand vous vous élanciez danses palais. 3»iTel fut son discours, qu’entendit le héraut Médon,.rempli de

saignasse; tremblant, il était sous un trône , et s’était enveloppé de

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punirait": ’ la ’29:. la. peaukd’un bœuf, nouvellement immolé, pour éviter la mort.

Aussitôt il sort de dessous le siège, et rejette la peau de bœuf; iltombe devant Télémaque , lui prend les,genouk , et le suppliant, .

. ilditœsmotsrapides: t ’ f, . Ai V à Ami, j’existe encore; suspende; vos. coups; parlez à votre

père, de peur que ce héros vainqueur ne me frappe de son glaived’airain, dans sa colère contre les prétendants, qui dans copulaisde , 4 tvos’richesses’, et qui, malheureux insensés, ne vous

Ç u souriant lui répondit : . » . .L . u I - -v0us, puisque ce jeune héros vous protège clivons

sauve, afin que vous sachiezren votre âme, et que vous disiez’htout autre, combien les vertus sont préférables à l’iniquité. Ainsi

,donc , en sortant du palais, allez vousasseoir a terre; dans la, çour, loin du carnage, vous et le chantre mélodieux, tandis que .

. je m’occuperai dans la maison de ce qui reste a faire. a .Il dit; aussitôt Phémius et Médon sortent du palais, et vont

s’asseoir près de l’autel du grand Jupiter, en regardant de touscôtés; et vconsidérant sans cesse cette scène de carnage. v .I Alors Ulysse parcourt des yeux tous les recoins de la salle, ipour découvrir si quelqu’un de ces prmces’est resté; vivant, en

évitant la noire destinée. Mais il les voit tous étendus en fouledanslesang et dans la poussière : tels sont, sur le vaste rivage!des poissons que les pêcheurs retirèrent de la mer blanchissanteavec un filet alnombreuses mailles; tous répandus sur le sabledésirent les flots de lamer, mais déjà l’ardeur du soleil les a pri-yés de lavie; de même les prétendants sont jonches les uns sur

. autres. Ulysse alors adresse cesimots à Télémaque : . Inu. Télémaque, appelez-moi -la nourrice Eurydée , pour que

’lui donne l’ordre que j’ai résolu dans ni penses. n p I a4 in A l’instant Télémaque obéit à son père; frappant à la porte, il

4 en à la nourrice Eurvclée z

, - a Levez-vous, femme avancée en âge, vous la surveillante de, ,toutes les servantes du palais; venez , mon père vous appelle

"pour vous dire quelque chose. in Ï ’ ’ . v . IAinsi parle Télémaque; Euryelée Vrecueille attentivement ces

paroles; elle ouvre’la porte des riches appartements, et slavanoe;V cependant Télémaque la précède. Elle trouve Ulysse au milieu (de

. l 25., ,

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au L’O DYSSÉE.tous les princes égorgés, et lui-môme tout, couvert de sangÂet de

poussière; (prune uniion qui vient de dévorer un bœuf sauvage :sa gueule et sapoitrine sont ensanglantées; son aspect est ef-froyable; tel paraissait Ulysse, les pieds et les mains souillésdecarnage. Dès qu’Euryclée aperçoit ces cadavres, ces flots de sans;

ellelse prita pousser religieux, à l’aspect de œ grand ex-ploit; mais Ulyssel’arréte, et la modère, quoique impatiente;-

puisilwluiparleencesmots: . ” V, A: 0:.c Nourrice, renfermez votre joie au fondvde l’âme, L

sez pas un cri religieux; il’estimpied’adresser des p. " ’ I u I;

les morts. Ceux-ciment domptés par la justice des dieux , et par ’leurs actes insensés; ils n’honoraient jamais aucundes hommesqui vivent sur la terre, ni le méchant ni le juste, lorsqu’un étran-ger arrivait auprès d’eux: ainsi par leurs propres folies ils Ontd’une mort’honteuserhlais, vous, rapportez-moi quelles sontdans cette demeure les femmes qui me "méprisèrent, et celles qui

sont innocentes...» , ’ a h. I,(,0 mon fils ,- répond Euryclée aussitôt, je vous parlerai sin-

cèrement. Il est cinquante femmesesclaves dans le palais , aux- -quelles nous enseignâmesa travailler, a tisser la laine, à suppor-ter laiservitude’; ,douzed’entre elles se livrèrent a l’informe, etjamais ne me respectèrent, ni. Pénélope elle-même. Pour Télé:

’ - maque, qui vient à peine d’entrer dans l’adolescence, sa mère ne.

’ lui permit pas de commander aux femmes esclaves. Mais allons,montons dans les appartements- supérieurs; j’avertirai (votre

l épouse, qu’un dieu retient dans le sommeil. a . N« Ne la réveillez point, interrompt le prudent Ulysse: man ,

dites aux femmes de venir, elles qui se sont auparavant aban-

V données à tant de crimes. n vAussitôt la vieille Euryclée s’éloigne de la salle des festins pour

avertir les femmes, et les presser d’arriver. Alors le héros appelleauprès de lui Télémaque, et les deux pasteurs auxquels il adresse

ce discours : . . «a Commencez par emporter ces cadavres, et commandez auxfemmes qu’elles nettoient ces trônes superbes’et les tables avec -des éponges imbibées d’eau. Quand vous aurez mis en ordre toute

la maison, conduisant ces esclaves hors du palais, entre le donjon iet la forte enceinte de la cour, frappez-les de vos glaives aigus,

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(ÏHltNT XX.ll.i 295jusqu’à æquo toutes Soient privées de la vie , et quelles perdent i

le souvenir de la volupté qu’elles goûtèrent avec les prétendants, .

auxquels elles s’unirent en secret. a iliait; bientôt toutes les. femmes arrivèrent en foule, poussant

. de lamentables gémissements; et pleurant à chaudes larmes. Dia-bofd elles emportent les cadavres, et les placent sous les por-tiques de la courélevée, en s’aidant leur a tour: Ulyæel’ordonna;

les y œnhnignant lui-mémo: Elles transportent dehors les œda- ’vus, par la nécessité; puis elles nettoient les trônes su-eÛË tables avec des éponges imbibées d’eau. CependantTélémaque, le pasteur des bœufs et celui des porcs avec desracloirs grattent soigneusement le sol: du palais; les femmæ en-lèvent les calures, et les déposent hors des portes. Quand ils ont

- mis enordre touts la maison, conduisant les servantes entre le 4donjon et laîorte enceinte de la cour, ils lesenferment dans un

w étroit espace, d’où ces infortunées ne peuvent échapper; En Cemoment Télémaque fait entendreces paroles: ’ ’ ’ ’

a Qu’elles ne périssent point d’une mort honorable, elles qui L

répandirent l’outrage se: ma me; sur notre mère, et qui dor-

mirent avec ai i . ’Il dit;’ puis attMÎÇgdble d’un navire au sommetld’nne

hauœlcmonne, dudonjon, il le tend a hau-teur pour pieds , ne puisse toucher la terre.Ainsi, lorsque despiveé’iux ailes étendues, ondes colombes, isont prises dans un piège placé sur un buisson , en rentrantdans leur nid, elles trouvent. une horrible couche; ainsi ces ’femmes ont leurs têtes sur la même ligne, et des liens sont au-finir-de leurs nous, pour qu’elles meurent avec honte; elles agi- "

fait un peu les pieds, mais pas longtemps. . . Vi Les.pasteurs entraînent ensuite Mélanthius dans la cour, près

du portique; ils lui tranchent le nez et les oreilles avec un fercruel ï ils arrachent les marques de sa virilité ;v puis ils les jet-

tent palpitantes aux chiens; dans leur colère. ils lui coupent

aussi les pieds et les mains. , l I lEux ensuite; s’étant lové les pieds et les mains, ils entrent

dans le palais d’Ulysse; l’œuvre était accomplie. Le héros alors

dit à la chère nourrice Euryelée z « p ” i i iu Vieille femme, apportez- le soufre, remède des maux, ap-

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296 . a nouasses.portez aussi le feu pourque je purifievle pommas engagezPénélope à venir en ces lieux avec, les femmosiquiiJa servent;

ordonnez en- même temps à toutes les servantes de venir dans le ’

palais. n ’ 1 i’ v A IEuryclée, sa nourrice chérie , lui répond aussitôt : a V v

a Oui, qu’il en soit ainsi, mon enfant, vous parlez avec jus-tice; mais auparavant je veux vous apporter une tunique, un

. manteau , des vêtements,edel peur que vous ne paraissiez dansce palais avec les épaules couvertes de haillons; ce serait indigne

de vous. a) ’ I *Le sage Ulysse reprit en ces mots : ) .,a Apportez d’abord le feu dans cette salle. »Il dit; Euryclée ne résistant plus à cet ordre, apporte le soufre

et le feu; soudain Ulysse purifie la salle, le palais et la cour.Ensuite la vieille nourrice ,Iparcourant la superbe! demeure

d’Ulysse, avertit les femmes, et les presse d’arriver; elles sortent

aussitôt de leurs chambres , en portant un flambeau dans leursmains. Elles entourent.Ulysse, le félicitent, l’embraSSent, baisent

sa «tète et ses épaules, et lui prennent les mains; une douCeenvie de pleurer et de gémir s*empare aussi du mimai dans son

lame, il lès a toutes reconnues. v a .p

CHANT XXIII j

ramâmes RECONNmrULYs’sa.

La vieille Euryclée, transportée d’allégresse,imonte*.auxîàppar-

tomentssuperieurs, pour annoncer àla reine qu’Ulysseétalt dansle palaisissesgenoux ont repris leur vigueur, et ses piedsrvontavecrapidité ; se penchant alors vers la tête de Pénélope, elle lui dite;

« Réveillezsvous , o ma fille chérie, etaque vous voyiei. de vos

yeux celui que vous désirez sans cesse : UlySse est de ; ilest arrivé dans sa maison après une longue absence; il a, me lessuperbes prétendants, qui ravageaient son palais, dévoraient ses

richesses,- et faisaient violence a son fils. n A n

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n , cnanrxxm. v 297, a Chère nourrice, reprend aussitôt la prudente Pénélope , les

dieux,vous-ont rendue folle, eux qui peuvent faire un-insenséd’un homme sage et combler: de prudence un esprit léger; cesont eux qui vous ont frappée, auparavant votre sens était droit.Pourquoi me railler, moi dont l’âme m remplie de chagrins , en.

me diSant des choses si peu vraisemblables, et m’arracher au, doux sommeil qui m’enchalnait en couvrant mes paupières?

Jamais je ne. m’étais si fort endormie depuis le départ d’Ulysse

pour l’infâme et funeste llion. Mais allez, descendez maintenant, . ’

retournez dans la salle des festins. Si parmi les femmes qui m’ap-. .partiennent, quelque autre était venue m’annoncer ces nouvelles

et m’arracher au sommeil, je l’aurais à l’instant rerivoyée avec

outrage; mais votre vieillesse vous protégera. » » .

La nourrice Euryclée répondit : . I . ,. « Non, mon enfant, je ne vous raille point; Ulysse est réelle-

ment deretour,’ il est arrivé dans sa maison, comme je viens devous” l’annoncer; c’est l’étranger que tous ont insultédgns ses

propres demeures. Télémaque savait déjà qu’il était venu , mais

par prudence il cachait. les desseins de son père, afin de" punir.

la.violence de ces hommes audacieux; n . -Ainsi parle Euryclée; Pénélope. se réjouit, et , quittant sa

couche, elle embrasse la vieille nourrice (inversant des larmes;

puis elle lui ditœs mots rapides : . , .a Chère nourrice, parlez sincèrement; et s’il est réellement

arrivé-dans sa maison, ainsi que vous l’annoncez, dites-moicomment il-a porté son’bras sur les infâmes prétendants, lui

’ se trouvant seul, leur: étant rassemblés’en foule dans l’intérieur

du palais. n . l . I * . "»’La,no.urrice Euryclée répondit en ces mots à a ’ u’ A a Je ne l’ai point vu, je ne l’ai point appris, j’ai seulement

entendu les cris des manants; nous, dansl’intérieur de noschambres, étions assises, toutes frappées de crainte , et les portesétaient étroitement fermées; ellesle furent jusqu’à ce quevotre’fils Télémaque vint m’avertir; lui que son pèreenvoya m’appeler.

Alors j’ai trouvé le noble Ulysse debout au milieu descadavres ;.’ étendus autour de lui sur le sol, ils giSaient entassés les uns sur ’ ’

les autres; votre âmese réjouirait en voyant-ce hérosvtout cou-vert deîsang et de poussière , comme un lion. Maintenant tous

1

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m q - moussas.ces corps sont rassemblés sousflles,portiques,"de la cour; votreépoux, qui vient d’allumer un grand feu, purifie avec le sou-

. Ire ses superbes demeures; c’est lui qui m’envoie vous appeler.

Venez donc, et tous les deux livrez votre cœur à la joie, aprèsavoir souffert de hominem-douleurs. Maintenant’votre plisgrand désir est accompli; votre époux vivant revient dans sesfoyers. et vous retrouve dans sa maison avec son fils; quantaux prétendants, qui lui tirent tant de m’ai, il les a touspunb

dansson propre palais? ’ v j .a Chère. nourrice, reprend Pénélope; modérez les transports

de votrejoie. Vous savez combien son retour en ces lieux seraitagréable à tous , mais a moi surtout, ainsi qu’au fils que nousavons engendré: cependant je ne puis croire véritable cette pasrote, comme vous l’annoncez à un dieu sans doute aura-tuélesaudacieux prétendants , irrité de leur insolence et de leurs t’or-faits. lis n’honoraient jamais aucun des hommes qui vivent surla terre, ni le méchant ni le juste , lorsqu’un étranger arrivaitauprès d’eux; ainsi c’est par leurpmpre folie qu’ils ont éprouvé

le malheur; pour Ulyse, il a perdu loin de l’Achaie l’espoir du

retour, il est perdu lui-même. a ’ . .La nourrice Enryclée repartit à l’instant : .a 0 ma fille, quelle parole s’est échappée de vos lèvres! votre

époux est dans sa demeure , assis auprès du foyer, et vous ditesqu’il ne reviendra; jamais; votre aine est toujours incrédule.Mais je vais vous donner une preuve plus certaine encore ,1 c’estla blessure qu’il a reçue d’un sanglier aux dents éclatantes. Je

l’ai reconnue lorsque je lui lavais les pieds; je voulais àl’instantvous en prévenir, mais il me ferma la bouche avec sa main, et,par un esprit’plein de prudence ,À il nome permit pas de parler..Venez dqnchæénélopé, je m’engage avec vous, et si je vous

périr d’une mortqdeplorablne. n. i .I A, p ce, reprend aussitôt larreme, il vous serait

difficile à; tous les desseins des dieux immortels, quoi- A

que voussoyez de beaucoup de choses;.mais rendons ,nous auprès démon fils , afin de voir tous les prétendants im-molés et celui qui. les a tués. » ’ ’ ”

En parlant’ainsi, Pénélope descend des appartements supé-

* rieurs; ellerénéchit en son âme si de loin elle interrogera son .

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.cnsnrr xxul. ” 299époux , du si, s’approchant, ellebaisera sa téta et prendra ses

mains. Quand elle est entrée dans la salle ,’ et qu’elle a franchile seuil de pierre ,elle s’assied visa-vis d’Ulysse, à la. lueur du

loyer, près du mur opposé; ,luivcependant était appuyé contre

une haute colonne, les baissés, attendant si sa vertueuseépouse lui dirait quelque chose , après l’avoir vu de ses propres .

yeux. Mais elle gardait un-profond silence, et son cœur étaitfrappé d’étonnement; tantôt en le considérant en face, elle ciroit

le reconnaitre, tantôt elle ne le reconnaît plus, en voyant lesl vils haillons qui couvrent son corps. Alors Télémaque, surpris,- lui reproche pestilence, et s’écrie : ’ . . . - ,

’ (i 0 ma mère, mère funeste ,Iqui portezfiune âme inflexible,pourquoi vous éloigner de mon père, et, maintenant quevous êtes assise devant lui, ne pas lui dire uneiparole ni vous

’ enquérir de lui? Non, sans doute, aucune autre femme, d’uncœur si patient, ne s’éloigneraitde son époux Qui; longtemps

. ayant supporté bien des maux, reviendrait enfin, après vingt ’années d’absence, aux terres de la patrie; votre cœur est plusdur que la pierre. » K

la f0 mon fils, répondit la prudente Pénélope, mon âme reste

I stupéfaite dans men sein; je ne peux nie lui dire une parole , niI’intenoger, ni même le regarder en face. Pourtant s’il est vrai-

ment Ulysse, et s’il est revenu dans son palais , nous nous re-connaîtrons mieux entre nous; "car il’est des signes que nous

I savons’ à nous deux seuls, et qui sont cachés à tous les autrœ.. »

Le noble et patient Ulysse sourit à ce discours, ets’adressant Aà Télémaque, il lui parle en commets; . - ’ A i

a Télémaque ,«permettez que votre mère m’éprouve dans cette

salle ; bientôt elle me redonnaltra mieux. mais maintenant. parce ,que je suis malpropre, que mon corps est couvert de méchants Ihaillons, elle me méprise , et ne peut pas dire qui je suis. Nous.cependant réfléchissons quel est le parti le meilleur. Celui quiparmi le peuple n’immola qu’un seul homme," auquel ne restent.

pas de nombreux vengeurs, est contraint de fuir, en abandon-nant sa patrie et ses parents ; mais nous a présent nous venonsd’immoler ceux qui furent le rempart de la ville , les plus illus-tres des jeunes hommes dans ’Ithague : c’est sauces choses que-

’ je vousengage à réfléchir"): . . I ir

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aco V AL’oansEEL,« Examinebles vous-même, mon pérecliéri, répond le sage

Télémaque aussitot; car on .dit que votre prudence est illustreparmi les hommes, et nul mortel sur la n’oserait vous ledisputer en sagesse. Nous, pleinsde zèle, nous vous suivrons ,

A et je ne pense pas manquer de courage, tant que je conserveraitoute ma force. »- ’ ’ - f, « Eh bien , reprit Ulysse , je dirai quel parti me semble préfé-

rable. D’abord rendez-vous au bain, revêtez vos tuniques, et ycommandez. aux femmes dans le palais de prendre leur parure; ’ensuite, quele chantre divin, en tenant une lyre mélodieuse, nous Lexcite à former l’aimable chœur des danses ,* afin que chacunen l’entendent du dehors pense qu’on célèbre une noce, soit celuiqui’passe dans le chemin, soit ceux qui demeurent près d’ici; de -’

pour que le bruit du meurtre des prétendants ne se répande parla ville avant que nous soyons arrivés dans nos. fertiles camepagnes; la nous verrons ensuite ce que nous inspirera le roi de

l’Olympe. » V . I -il dit; tous écoutent ces conseils, et s’empressent d’obéir.

D’abord ils se plongent dans le bain, et se revêtent de leurs tu-niques; les femmes prennent leur parure;.le chantre divin sai-sissant la lyre brillante , leur inspire à tous de douces chansonset l’aimable chœur des danses. Bientôt tout le palais retentit des

pas des hommes qui se livrent à la danse , et des femmes auxbelles ceintures. Chacun disait, en écoutant du dehors de ces

demeures : q » ’« Sans doute quelqu’un épouse l’auguste reine; ’l’insensée!

elle n’a pu, jusqu’à ce qu’il fût de retour, garder avec constance

la maison de celui qui l’épouse quand elle était vierge encore. n

c’est ainsi que chacun s’exprimait; mais ils ne savaient pascomment les événements s’étaient accomplis. Cependant lintens

dents Eurynome lave dans le palais le magnanime Ulysse , et leparfume d’essences, puis le revêt d’une tunique et d’un manteau;

’ Minerve alors répand la beauté sur les traits de ce héros, fait

paraltre sa taille plus grande, plus majestueuse, et (le-sa tète Ilaisse descendre sa chevelure en boucles ondoyantes , semblable ala fleur d’hyacinthe. Comme un ouvrierrhabile que Minerve et

Vulcain ont instruit dans tous les secrets de son art, fait coulerx l’or autour de l’argent,et fonde un ouvrage gracieux ;dc même

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l CHANT xka. . sonla déesse répand-lemme sur la tête et les épaules d’Ulyssa Il l

s’éloigne dubain, semblable aux dieux immortels; puis il vareprendre sa place sur le siège qu’il occupait, et,placé vis-à-vis lde son épouse, il lui parle en ces mots E

« Princesse , plus qu’a toutes les faibles mortelles , c’est aivous

que les habitants de l’Olympe donnèrent un cœur insensible;non , sans doute ,jaucune autre femme avec cette constance nes’éloignerait d’un époux qui longtemps ayant supporté bien des

maux reviendrait enfin, après vingtannées d’absence, aux terresde la patrie. Teutefois , ô. nourrice, faites préparer mon lit, pourque je me repose; quanta la reine, soucœur est plus dur que

l’airain. » A i i 1 ,- a Noble héros, lui répondit Pénélope , je ne suis point vaine,

je ne vous. méprise pas, mais je n’admire point outre mesure;’ oui, je me rappelle bien comme vous étiez lorsque vous partîtes

’d’lthaque sur vos navires armés de longues rames. Cependant

bâtez-vous , Euryclée , de préparer cette couchemoelleuse qui-se

trouve maintenant hors de la chambre nuptiale, et que monépoux construisit lui-même; la vous lui dresserei un lit, et pour vfavoriser son sommeil, étendez alu-dessus des peaux ,rdes cou-vertures de laine et de riches tapis. n é - ’ I ’

Elle parlait ainsi pour éprouver Son époux; mais, blessé d’untel discours, il dit aussitôt a Sa chaste épouse : Ï. . I

(ï Reine7 vous avez dit une parole qui me déchire le cœur; que!homme donç a déplacé cette couche? Cette entreprise eût été dif-

ficile, même au mortel le plus habile, a moins qu’une divinité V,survenant en ces lieux ne l’ait a son gré transportée facilementailleurs; il n’est aucun homme vivant, même a la fleur de l’âge ,’

qui l’eut aisément changée de place; dans cette consone artiste- , .

ment travaillée il existe un signe particulier; c’est moi-mêmequi l’ai construite, et nul autre que moi. Dans l’enceinte de la

. cour croissait un olivier-aux feuilles allongées, jeune et vigou-reux ; il s’élevait comme une large colonne. Je bâtis tout autour la ,

chambre nuptiale; j’achevai cet ouvrage avec des pierres étroi-ment unies, et le couvris d’un toit; enfin je plaçai lest-portesépaisses, qui se fermaient étroitement. J’abattis les branches de» ,

l l’olivier; coupant alors le tronc près de la racine, je le polis avecJe fer, et le travaillant seigneusement, Palignant àll 00111935»

. I 26 ’,,

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-, se: I L’ODYSSEE.j’en formai le pied de cette couche ; je le trouai de tous eûtes avecune tarière. C’est sur ce pied que je façonnai le lit, et pour l’a-

’ chever,’ je l’incrustaisd’or, d’argent et d’ivoire; enfin je’tendis

dans l’intérieur des courroies de cuir recouvertes de pourpre.Tel était le travail que je vous décris; je ne sais donc, o reine,si» manouche subsiste encore, ou si quelqu’un l’a transportée

ailleurs, en coupant l’olivier à sa racine; nIl dit; Pénélope sent ses genoux et son cœur défaillir, enre-

oœmaissant les signes que lui décrit Ulysàe avec exactitude ; elle- court à son époux en pleurant, entoure de ses bras le cou duhéros, lui baise la tête, et s’écrie : ’. u Ne vous fâchez pas contremoi , cher Ulysse, veus en foulais

choses le plus-prudent des hommes; les dieux nous ont accablésde chagrins, et nous ont envié le bonheur depasser’notre jeu-nesse l’un près de l’autre, et d’arriver ensemble sur le seuil de la

vieillesse. Cependant maintenant ne vous irritez pas contre moi,11eme blâmez point dene vous avoir’pas embrassé des que je -vous ai vu. Sans cesseje redoutais au fond de mon aine que quel-que vpyageur, venant-en ces lieux , ne me séduisît par ses dis-cours; car il en est plusieurs qui conçoivent de mauvais deSSeins."Jamais Hélène, la fille de Jupiter, ne se fût unie d’amour a L’é-tranger , si cette femme avait su qu’un jour les valeureux fils desGrecs devaient la ramener dans sa patrie. Un dieu permit qu’elleconsommât ce crime honteux; mais elle ne prévit pas d’abord

’ les suites d’un crime déplorable qui fut la première, cause de nos

malheurs. Mais à présent, puisque vous me faites connaître lessignes évidents de notre couche, que nul autre homme n’a jamaisvue, mais seulement vous et moi, puis une seule femme, Actoris,

. que m’a donnée mon père quand je vins en ces lieux , et qui tou-jours garda soigneusement les portes de la chambre nuptiale,vous avez persuadé mon âme, quoiqu’elle soit défiante. n

Elle dit; Ulysse éprouve encore davantage le désir de V8180?des larmes. Il pleure en embrassant sa vertueuse et chaste épouse.Comme une plage amie apparaît à des hommes qui nagent avecmon, et dont Neptune au sein de la mer a brisé le navire par la,violence des vents et des vagues : peu d’entreeux sont échappésien nageant, de la mer blanchissante,et tout leurçorpsestcouvmd’une abondante écume, mais heureux ils touchent enfin a la

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CHA’NT xxm.’ . ses.terre apnée avoir fui le trépas; de même Pénélope est charmée à

la vue de’son époux : elle ne peut arracher ses bras du cou de ce:héros. Sans doute l’Aurore aux» doigts de rose les eût encore

trouvés dans les larmes , si la déesse Minerve n’avait conçu d’au:l très pensées. Elle arrêta la’nuit hyl’horizon, retint l’Aurere sur .

son trône d’or au sein de l’Oeéan, et ne un permit pasdeplacer

sous le joug les chevaux rapides qui portent la lainière aux hom-fmes, lampas et Phaéthon, coursiers qui traînent l’Am-ore. Ge-pendant le noble Ulysse’adresse ces paroles a Pénélope : i

a Chère épouse, nous ne sommes point parvenus au termes denos travaux; il est encore un labeur long et’pénible, et que je .dois accomplir tout entier. Ainsi me le prédit l’âme de Tirésias , ’

- au jour où je pénétrai dans les royaumes de Pluton, tachant deprocurer le rétour a mes compagnons ainsi qu’à’ moi-même. Mais

. venez, Pénélope, allons retrouver notre couche, pour que nous ,

jouissions d’un doux sommeil. a . . on .a Oui, lui répond Pénélope, vous goûterez le repos quand vous

en aurai le désir, puisque enfin les dieux vousout de rel’voir vos riches demeures et les terres de la patrie, Mais aussipuisque vous le. savez , et qu’un dieu vous l’a révélé, dites-mob

quel est œiabeur; et si je dois le connaltre un jour, il vaut mieux. queje l’apprenue a l’instant. a ’ 4 a v I ,v

a ’Infortunée , reprend Ulysse, pourquoi me solliciter devonsdire ces prédictions? Toutefois, je vais vous les raconter, et nevous cacherai rien. Sans doute votre cœur n’en sera pas réjoui; amoi-mémé je ne m’en félicite’pas. Tirésias m’a commandé de par-

courir. de nombreuses cités, en tenant à la main une large rame ,jusqu’à ce que je neuve des peuples qui ne connaissent point’lamer, et qui avantagent aucun aliment assaisonné par le sel ;’ quine pas non plus les navires aux poupes colorées d’un

A rouge éclatant, ni les larges rames, ailes des vaisseaux. Il m’a fait

connaltre un-signe certain, je ne vous le cacherai pas: c’est lors-qu’un;voyageur,s’offrant a moi, me demandera pourquoi je porteun van sur l’épaule; alors il m’a commandé d’enfoncer ma rame

dansia terre, et de sacrifier d’illustres victimes a Neptune, unbélier, un sanglier mais, avec un taureau, .puis de retourner dansma patrie, où j’offrirai des hécatombes saœéœ aux immortels .habitants de l’Olymp’e, atone , et dans l’ordre de leur puissance;

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304 L’ODYSSEE.longtemps après , une mort douce. s’élançaht des flots dela mer,

me ravira le jouir au sein (Tune paisible vieillesse; autour de moiles peuples seront heureux. Il ajouta que ces oracles s’accom-

pliraiemt. r . - I .La prudente Pénélope répondit en ces mots sa Puisque les

dieux vous assurent une heureuse vieillesse, nous devons espérerque vous échapperez encore à ces maux. a ’

c’est ainsi qu’ils discouraient ensemble. Ence moment Eury-nome et la nourrice préparaient la couchenuptiale, qu’elles re-couvrent d’étoffes délicates à la lueur des flambeaux éclatants.

. Cependant lorsqu’en se bâtant elles ont achevé de dresser ce litnmoelleux , la vieille Euryclée retourne dans le palais, et s’aban- qdonne au sommeil; mais Eurynome , l’intendante de la chambrenuptiale, en tenant un flambeau dans ses mains, précède lesépoux, qui se rendent à leur couche. Après, les avoir conduits dans

"la chambre, Eurynome se retire; heureux alors, tous deux re-j.trouvent la place sacrée de l’ancienne couche.

Cependant Télémaque et les pasteurs font cesser les danses, et 4disent aux femmes de cesser; puis ils vont dormiridans le palais

ombragé. . , *, Les deux époux, après avoir goûté les délices de l’amour, se

plaisent aux douces paroles, et s’entretien nent ensemble fla plusnoble des femmes redisait tout ce que dans ce palais elle souffrit,en voyant la troupe audacieuse des prétendants, qui, sous pre-texte de liépouser , égorgeaient les nombreux-troupeaux de bœufset de brebis; de même tout le vin des tonneaux était épuisé. Deson côté, le divin Ulysse racontait en détail tous les maux qu’illit souffrir aux hommes, et tous ceux qu’il eut lui-même à sup-porter. Son épouse était ravie de l’entendre,”et;e sommeil neferma pas sa paupière avant que le héros eût raconté toutes ses

aventures. -. vll commença par dire comment il vainquit les Ciconiens, com-ment il vint ensuite dans le fertile pays des Lotophages’; tout cequlil eut à souffrir du Cyclope , et comment il vengea ses-valeu-reux compagnons, que ce monstre avait dévorés sans pitié; puisil dit son arrivée dans le royaume ’dÎÉole, qui Paccueillit avecbienveillance et prépara son retour. Mais son destin n’était pointencore de revoir sa pairie , et la tempêté, l’enlevant de nouVeau;

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GHANT XXllll. . 305le repoussa gémissant sur la vaste mer; il ajoute comnient ilaborda dans la vaste Lestrygonic, où périront tous "ses vaisseaux

a et ses braves compagnons; il échappa seul avec un navire. Il ditles ruses et les enchantements de Circé; comment il pénétra porté

eurun fort navire dans lesombre royaume de Pluton pour son; ’-sultet- l’âme du Thébain Tirésias, et comment il vit ses anciens

’ amis, la mers qui lui donna le jour et qui prit soin de son en-fance; il raconte qu’il entendit la voix des Sirènes mélodieuses;

qu’il navigua près des roches errantes , entre les gouffres deh Charybde et; de Scylla, terribles écueils que jamais les hommes

n’évitèrent sans accident. il raconte aussi que sæ’compagnons

immOIèrent les bœufs du Soleil; il dit comment le formidable Ju-piter frappa le navire de sa foudre étinœlante. c’est alors quepérirent ensemble tous ses valeureux compagnons; lui seul évitales terribles destinées. Il rappelle comment il parvint dans lflled’Ogygie, qu’habite la nymphe Calypso, qui le retint, désirantqu’il lût son époux dans ses grottes profondes, qui le combla debiens, lui promettant qu’il serait immortel, et qu’il passerait tous.les jours de sa vie exempt de vieillesse; mais rien ne put fléchirson cœur. Il dit, enfin, comment, après bien des peines, il arrivachez les Phéaciens, qui l’accueillirent avec bonté, qui l’honOrèrent , .

comme un immortel , et le renvoyèrent sur un navire aux douces Iterres de la patrie, en lui donnant de l’airain,lde l’or en abon-dance et de riches vêtements. Comme il achevait ces dernières

- paroles, arrive le doux sommeil , Qui calme nos sens en dissipant

les soucis de l’âme. fi h’ ’ cependant la déesse Minerve sehliyre à d’autres soins; quand

elfe pense qu’Ulyssc asuffisamment goûté le repos dans le sein de

z Famour et du sommeil, elle engage la fille du matin,assise sur untrône d’or, a quitter l’Océan pour porter la lumière aux hommes;

Ulyæe abandonne aussth sa couche , et dit à Pénélope :. a Chère épouse, nous i es tous les deux rassasiés de nom-breux malheurs; vous, ic soupirant après mon pénible retour;pour moi, Jupiter et les autres dieux, malgré mon désir, me ra:tinrent par mille traverses loin- de ma patrie. Maintenaptrque

t nous avons tous les deux retrouvé notre aimable couche , veillez ’dans ces demeures sur les richesses - que je possède , afin de rem-placer les troupeaux qu’immolèrent les audacieux prétendants,

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me, i L’ionyssizn.’ »j’en veux ravir un vend nombre. et les Grecs m’en. (bulleront ,daubes encore, jusqu’à ce que toutes mes étables soient rem-plies: Cependant je vais me rendre dans mon champ couvert d’7 -bras , pour voir mon noble pète, qui sur moi gémit amèrement.Quant à vous, ô mon épouse , Quelle que soit votre sagesse , voicice que je vous recommande; car. des que le soleil aura fait unepartie de son cours , il sera question des prétendantsque j’ai tués

dans ce palais : alors montant dans les abpaitements supérieurs,restez avec vos femmes, sans regarder, sans interroger

personne. n - . - , ..-ll dit , et couvre ses épaules d’uneriehe armure; il néveille Té- -

lémaque, le pasteur des bœufs et le-gardien des pores, et leurcommande à tous de prendre, des armes. ceux-ci s’empreæentd’obéir , et se revêtent d’airain; ils f ’ les portas , et s’é-

* loignent damnas ;,Ulysse les 1mm. ne lumière du soleil«éclairaitla terre; Pallas les enveloppe d’un nuage p et les conduit

rapidement hors de la ville. ’ 1 i

CHANT] XXIVÇ

11175 LIBATIONS. ’

Cependant Mercure Cyllénien rassemble les àmœvdes préfêngdents; il tient en ses une bellebaguette d’or, dont il peut àson gré fermer les yeux des hommes, ou les arracher au sommeil:il s’en sert pour conduire les t âmes; celles-ci le suivent avec unléger frémissement. Ainsi dans llmtérieur d’un antre obscur des

chauves-souris s’envolent en frémissant; lorsque rune vient à Sedétacher du haut d’un rocher, car elles se tiennent toutes en-

- semble; de même ces âmes laissant ’ pper un aigre murmure;et le bienveillant Mercure les précède à [vers lesténébreux sien.

tiers. lls’franchissent les courants de l’Oeéan , le rocher de lemcadmies portes du Soleil , et la demeure des Songæ’; bientôt ellesarrivent à la prairie asphodèle , où résident les arnesiqui sont les

ombres. des morts; ’ c V I i . ’Ils trouvèrentl’àme d’Acbille , :lils de Pelée, celleide Patrocle,

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CHANT xxrv. mcelle de l’meprochable Antiloque, etcelle d’Ajax, le plus fort et’le

plus beau des Grecs après le noble fils de Pelée. Tous étaient ras-semblés autour de ce prince. Près d’eux en ce moment arrivait -l’âme thgamemnon , fils d’Atrée, accablée de tristesse ; elle était

accompagnée de tous ceux qui dans le palais d’Égisthe subirentA le trépas avecÎui. La première, l’âme du fils de Pelée, lui tient

a Atride, nous pensions que de tous les héros tuidevais êtretoujours le plus cher au formidable Jupiter, parce que tu, Coni-mandais à dénombrera et vaillants guerriers dans les champstroyens,koù les Grecs ont éprouvé tant de maux. Cependant toi, tl’un des premiers, tu péris victime de cotte destinée funeste que

ne peut-éviter nul mortel qui vient au monde. Ah! plutôt, pourjouir de l’honneur qui tant notre chef, que n’as-tu subi la mon

A parmi lepeuple des Troyens! tous les Grecs t’auraient construitune tombe, et c’eût été dans l’avenir une grande .gloire pour ton

fils; maintenant-ta destinée est de périr d’une mortmîsérable. a

L’âme d’Agamemnon répondit en ces mots : I ’

. a Heureux fils de Pelée, Achille , semblable aux. dieux, toi du ’moins tu succombas devant llion loin d’Argos; autour de toitombèrent’en foule les nobles fils des Greœ et des Troyens com-battant pour ton cadavre; tandis qu’occupent un grand espacetuigisais dans un tourbillon de poussière, ayant oublié ton adreSse

* à condom un char. Nous combattîmes durant tout le jour; sansdoute nous n’eussions pas cessé le combat , si Jupiter ne l’eût ar-

a rété par une horrible tempête. Alors loin dalla guerre nous teportâmes dans un navire, nous te déposâmes sur un lit funèbre, I Iet nous lavâmes ton beau corps avec de l’eau tiède et de l’huile;près de toi les enfants de Banane versaient d’abondantes larmes,’

et coupaient leur chevelure; Alors ta mère , en apprenant cettenouvelle, arrive du sein des flots avec les déesses marines. Sur lamerratèntit un bruit terrible, la crainte s’empare de tous lesAchéens; alors s’élancent, ils allaient monter sur leurs largesvaisseaux , si dans ce moment un héros qui savait beaucouprdechoses anciennes ne leseût retenus z Nestor, dont avait déjà brilléle sage conseil; plein de bienveillance pour les Grecs, il élève la

voix,etleurdit: . zu mon, Argiens, ne fuyez point, fils des Grecs; c’est sa mère

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303 L’ODYSSÉE.’qui vient du sein des flots, avec les déesses marines, pour rendre

les derniers honneurs a sonifils. s I ’a A cesmots, les valeureux Grecs anapendent’leur fuite; au-

tour de toi les filles du vieillard marin gémissent avec amer-.tume, et te couvrent de vêtements immortels. LeSneuf Musestour a tout de leur voix mélodieuse redisent un chant plaintif;on ne voyait aucun des Argiens qui ne versât des larmes. Ainsiles excitait une Muse mélodieuse. Durant dix-sept nuits et pen-

i dant autant de jours nous pleurions tous, dieux immortels et’ faibles humains; lorsque vint la dix-huitième journée. nous dres-

sâmes un bûcher, et tout autour nous in’iniOlàmes un grand nom-bre de» grasses brebis et les bœufs aux cornes recourbées. Ainsi

ton corps fut consumé dans ses vêtements divins, dans unegrande abondance de parfums et de miel plein de douceur; plu-sieurs héros grecs, cavaliers et fantasias, portèrent leurs ar-mures en faisant le tour du bûcher; une grande. clameur retentit.Le lendemain , lorsque la flammelde Vulcain t’eut consumé , nous

recueilllmes tes ossements, Achille, dans un vin par, et dans le’ parfum; ta mère nous fit présent d’une urne d’or, qu’elle disait

, être un don de Bacchus et le travail de l’illustre vulcain. C’esté dans cette urne que reposent tes os, noble Achille, confondus

avec ceux de Patroèle , fils de Ménétius; à part sont les œd’An-

tilo’que, celui de tes oompagnonsque tu chérissais le plus aprèsla mort de Patrocle. Alors, pour couvrir ces restes , la vaillante

. armée des Grecs t’élève un grand tombeau sur le rivage qui do-

mine le vaste Hellespont, pour être un monument visible au loindu milieu, des mers, soit aux hommes denos jours, r soit à ceuxqui naîtront dans l’avenir. Ta mère alors, après avoir demandéle consentement des dieux , dépose dans Ala’lice des prix magni-

, tiques destinés aux plus illustres des Grecs. Tu vis sans douteles funérailles d’un grand nombre de héros, lorsqu’à la mortde

quelque roi les jeunes guerriers s’entourent d’une ceinture pourdisputer le prix des jeux; et ponrtant ton amepaurait été. frap-

ï-pée d’admiration en voyant les prix superbes qu’eqvto’n honneur

A avait déposés une déesse, Thétis aux pieds d’argent; car tou-

jdurs tu fus cher aux immortels.- Ainsi même après ta mort-tonnom ne périra pas, ta gloircgsera toujours éclatante parmi tousles hommes, Achille; tandis quemoi , quel fruit me reviendra-Hi

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, CH . XXI-V . . A :09,diavoir terminé cette guerre mon retour Jupiter m’a fait pérird’un trépas funeste par la maili’d’Égisthe et’d’une infâme épouse. n

. c’est ainsi que ces héros s’entretenaient ensemble. En ce mir

ment arrive auprès-d’eux le message!” Mercure, conduisant les ïâmes des prétendants immolés par Ulysse; à cette vue , la deuxhéros s’avancent avec étonnement. Llàme d’Agamemnon recon-

naît; le fils de Mèlanée, l’illustre Amphimédon; car il fut autre-

fois son hôte, et dans Ithaque il habita le palais de ce prince. Ans;sitôt l’âme d’Atride lui parle en ces mots i i ’ A 4

a Amphimèdon , . qui donc , infortunés , vous a plongés dans la

terre-ténébreuse, vous héros d’élite et tous du même âge? Nul

homme désirant faire un choix ne réunirait dans une ville tantd’hommes vaillants. Neptune vous a-t-il perdus dans vos navires, v i

sen excitant les vents impétueux et les vagues immenses? Surnlecontinent des hommes ennemis vous ont-ils immolés, quand Vousravagiez leurs bœufs et leurs riches troupeaux de brebis? ou se-rait-ce en combattant pour votre ville et pourras femmes? Ré-pondez a mes questions ; je me glorifie d’avoir été votre hôte. Newons souvient-il Mgour où j’ai-rivai dans votre palais avec

- J citer Ulysseà nous suivre sur de larges IA Il eruis un mais toutentier nouspvions

» I V ’ p c’est à peine alors que nous persuadâmes

Ulysse,ledestruetenr descites. n ; " l l’ a Noble Atride, roi des hommes , lui répondit Amphimédon , I

oui, je me ressouviens de toutes ces choses, commewous les rap--pelez; à mon tour je vous raconterai tout avec véritéftouchantle terrible événement de notre mort, tel. qu’il est arrivé. Nousdésirions épouser la femme d’Ulysse , absent depuis longtemps;

mais , sans repousser ce mariage funeste, et sans refuser de l’ac-complir, elle nous préparait la mort et la noire destinée. Elledonc dans son aine une ruse nouvelle; assise dans sesdemeures, elle ourdissait une grande toile, tissu délicat et d’une i

r grandeur immense; puis elle nous dit: a Jeunes hommes, mesprétendants, puisque. Ulysse a péri, différez mon mariage, malgré

vos desirs, jusqu’à ce que Taie achevé ce tissu funèbre que jedestine au héros Laerte (puissent mes travaux n’être pas entiè- irament. perdus l) lorsqulil subira les dures lois de la mort; depeur. que quelque femme partni le peuple des Grecs ne s’indigne-

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310 . VODYIQÆÈE. - Qdans moi, sa mm: sans celui qui de sigrandis fichasse. A: Ainsi parlait Pénélope; nos ainesse,laissèmnt persuader. Cependant durant le jour elle travaillaisà-cette grandetoile; mais la nuit, a la lueur des flambeaux, elledétruisait son ouvrage. Pendant trois années elle se cacha par sesruses, et persuadales Grecs; mais quand les heures dans leurcours amenèrent la quatrième année, que les mois et les. jour-

;péesinombrenses furent écoulées, une femme bien instruite nousavertit , etl.nous trouvâmes Pénélope défaisant cette belle toile,

rAlors, quoiqu’elle ne voulût pas, elle l’acheva par forée. Ellenous moula-a le voile, cette toile immense qu’elle unit brodée-,6l’ayant lavée, elle resplendissait comme le soleil ou la lune. iMais alors lm dieu funeste reconduisit Ulysse a l’extrémité de

son champ, ou le gardien des porcs habitait une maison. c’estla que vint aussi. la fils du divin Ulysse , en arrivant sur son

" vaisseau de la sablonneuse Pylos; tous les deux ayant concertéle trépas des prétendants, se rendirent dans notre ville ce;lèbre.’Ulysso y vint le dernier, Télémaque l’avait précédé: Le L

gardien des porcs conduisit Ulysse revêtu de méchants haillons,

âappuyant sur un bâton, comme un pauvre mendiant, et comme. un vieillard. Son corps étant ainsi couvert de ces tristes haillon,

aucun de nous ne put le reconnaître en cet état,-méme les plusâgés (quand il nous apparut tout à coup; mais nous Passable:mes de coups et d’injures. Ce prince ,7 outragé,- frappé dans son

propre palais, souffrit tout avec une, constance inébranlable;alors la pensée du-puissant Jupiter lui fit enlever avec Téléma- Vque les armas Superbesqu’il déposa dans la chambre nuptiâle,dont il ferma soigneusement les portes; ensuite, par un adroitstratagème, il ordonne a son épouse d’apporter aux prétendants

l’arc avec les piliers de fer, jeux qui pour nous infortunés de-vinrent la cause de notre mort. Aucun de nous ne parvinta

tendre le nerf de cet arc redoutable : nous fûmes trop faibles;mais lorsque Ulysse est prêt a saisir l’arc immense, nous défen-dons avec des paroles menaçantes de lui donner est elfe , quoiqu’il puisse dire: Télémaque seul l’encourageant. l’excite à le

’ 4 prendre. Sitôt qu’illysse le reçoit dans sa main, il tend l’arc

bans effort, et traverse les piliers de for; puis s’élançantsur leseuil, debout, il répand? ses pieds les traits rapides, en jetant

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CHANT XXlV. en, un regard.terrible;,ll frappe le prince ,Antinoüs; bientôt, visant ,enlace, il accable tous! les autres de ses flèches meurtrières : ils -tombent entassés les uns sur les autrési Il était évident quîun’

dieu protégeait Ulysse et les siens. Eux, aussitôt, cédantà leurvaillance, se précipitent dans la salle, et tuent de toutes parts ;’,alors retentit le, bruit affreux dœ crâna fracassés, et le sol estinondé de sang. Agamemnon, c’est ainsi que nous avons perdu

la vie, et maintenant encore nos cadavres sans sépulture sontétendus dans le palais dlUlysse; nos amis dans leurs demeures ne »le saventpas, eux qui, lavant le sang de nos blessures, nous dè-poseraient en pleurant sur le bûcher, car ce sont les honneurs lréservés aux morts. n x - ’ V ..

q Heureux fils de Laerte , Ulysse ,’s”écrie Igamemi ., non ,ptu viens donc par la grande valeur de tonA épouse. C’est ainsi que de nobles pensées furent «madrées à l’ir-

r reprochable Pénélope, la fille d’lcare; c’estainsiqulelle a gardé

le souvenir d’Ulysse, de ce héros qu’elle épousa dans sa jeunesse.

La gloire de sa yertu ne périra jamais ;. les immortels inspirerontaux hommes qui viventsur la haire d’aimables chants en l’hon-

nemj-de la sage Pénélope. Ce n’est point ainsi qu’en agit la fille.

je Tyndare, qui commit un forfait odieux en’ir’nmolant celui qui vl’épouse dans sa jeunesse; des chants lugubres en garderonç la

parmi les hommes; elle a dans llavenir une ra-cheuse à toutes les femmes, même à- cellequi sera.

vertueuse. n » a . ’ . J .C’est ainsi que ces ombres discouraient ensemble, debout dansles royaumes de Pluton, profonds abîmes de la terre. l .A Cependant, buque Ulysse et les siens sont sortis de la ville,

nils se rendent au champ fertile et bien cultivé de Literie, quejadis acquit ce héros, après avoir éprouvé bien des peines. C’est

la qu’étaitla maison de Letarte; tout autour régnait une galerie ,

où mangeaient, se reposaient et dormaient leslserviteurs dont" ilavait- besoin , et qui travaillaient à lui plaire. en. ces lieuxvivait une vieille femme sicilienne, qui prenait grand soin duvieillard dansotas campagnes éloignées de la ville. C’est laqi’i’U- l

lysse s’adressant à ses compagnons ainsi qu’à son fils, leur dit »

ces mais: A l 1 * v ’ l* «h Amis; entrez maintenant dans cette maison ’; préparez pour

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.312 ( L’ODYSSÉ-E. . lrferepas le porc le plus gras du troupeau; moi, je vais essayer an-près de notre père s’il pourra me reconnaître a la première vue ,

ou s’il ne me reconnaitre pas , après une si longue absence. an il dit, et remetaux pasteurs ses armes redoutables. Ceux-dise

I hâtenLd’entrerdans lamaison; cependant Ulysse se rend auverger fertile pour éprouver. son père. En traversant ce vastejardin, il ne trouVe ni Dolius, ni sesfils, ni même aucun des

- serviteurs; ils étaient allés chercher des bûissonspour être laclôture de’ cette enceinte; le vieux Doliuskles’ avait conduits. iltrouve donc son père seul, occupé , dans ce verger fertile, acreuser la terre autour d’uneplante. Laerte était revêtu d’une

pauyre et méchante tunique , toute recousue; ilavait entouréses jambes avec des’bottines de peau rapiécées, redoutant les pi-qûres; et sur ses mains étaient des gants , a cause des buissons;enfin-il avæ’t sur la feta un casque de poil de chèvre, pour com-pléter son deuil. Quand le noble et patient Ulysse aperçut sonpère a’œablé de vieillesse, et nourrissant au fond de son aine unprofond chagrin, il s’arrête sous un haut poirier, et répand’des,

larmes. Alors il balance dans sa pensées’il ira droite lui pourl’embrasser et lui. raconter en détail comment il est arrivé dans .sa patrie , ou bien s’il doit l’interroger et l’épreuver sur chaque

chose. Le parti qui lui semble préférable est d’abord d’éprouver le

i vieillard par des paroles piquantes. Dans ce dessein, le-divinUlysse va droit a son père ;,celui-ci , la tête la v

terre autour d’une plante. Ulysse s’arrête près de Laerte, et

lui ait : a , p .n « 0 vieillard, non, vous n’êtespoint sans expériencepour cul-

tiver ce jardin , et vous en avez grand soin, car il n’est aucuneI plante, ni le figuier, ni la vigne, ni l’olivier, ni le poirier, ni les

planches de jardinage qui manquent d’entretien. Toutefois, jedois vous le dire , ne vous irritez pascontre moi, vous ne prenezaucun soin de vousrmème, mais vous êtes à la fois accable parla triste vieillesse, unebonteuse négligence et le désordre de vosAvêtenlents. ce n’est pointsans douteüà cause de votre’paresse

que votre maître ne vous soigne pas; d’ailleurs", vos traits etvotre taille n’annoncent point un pauvre esclave; au contraire ,vous paraissez être un roi. Vous êtes semblable à l’homme for-Jtuné qui, lorsqu’il. s’est’baigné ,Îqu’ila mangé , se repose molle-

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- I CHANT ’x’xrv. m’ ment ; tel est le juste partage des vieillards. Mais dites-moi,

franchement, de quel maître êtes-vous le serviteur? Pour qui

cultivez-vous ce verger? Apprenez-moi, pour que je le sache, is’il est vrai que je sois arrivé danslthaque, ainsi que vient de mele dire’un homme que j’ai rencontré quand je venais en ceslieux, et’qui s’est montré peu complaisant; il n’a’point voulu

me répondre. ni même écouter mes questions quand je m’in- vformais Simon hôte vivait, et s’il cristait encore,.e0u s’il était

mort et descendu dans lefroyaume de Pluton-Je vous interro-gerai donc,vprétez quelque attention, écoutez moi; jadis dans [ma douce patrie j’accueillis un héros qui vint en notre palais;nul autre de tous les étrangers arrivés des] pays lointains ne me

fut plus cher; [lise glorifiait d’être né dans lthaque, et me disaitque son père était Laertc, fils d’Arcésius. Je l’accueillir: dans ma

maison, errlui prodiguant avec zèle tous les biens qu’elle rien-4fermait; ensuite je lui donnai les présents deil’hospitalité, commeil convient ; je lui donnai sept talents d’or, une coupe toute d’ar-

gent ornée de fleurs sculptées, douze voiles simples, autant de"tapis, autant de manteaux, et le même nombre de tuniques: en

’ outre, quatre belles femmes, habiles aux travaux irréprochables,. et que’luiàmépie’ avait’voulu choisir. » 1

I" .c muge, lui dit son’pére en versant des larines, vous êtesen effet. dans le pays que vous venez de nommer; des hommesn insolents et pervers le gouvernent maintenant. Les nombreuxprésents que vous avez prodigués sont devenus inutiles; mais siIvous aviezfretrouvé-votre hôte encore vivant, au milieu dupeu-ple d’lthaque, il vous eût renvoyé dans votre patrie, après vousavoir offert à son tonr’des présents et cette hospitalité généreùso

que reçoit avec justice celui qui nous; accueillit’le premier. Ce-pendant, dites-moi, racontez avec sincérité : combien s’est-il

zéœulé de temps depuis que vous avez reçu ce héros , votrelhôte

malheureux , mon fils, qui du moins l’était autrefois ? Maintenant,loin de sa patrie et de ses amis, il est poutrêtre au fond des mers,dévoré par les poissons , ou, sur le continent, il est devenu" laproie des bêtes sauvages et des vautours. Sa mère n’a pointpleuré sa mort, après l’avoir enseveli, non plus que son triste

. père, nous qui lui donnâmes le jour; son épouse, la prudente ’Pénélope, n’a pointiv’ersè de larmes sur le lit funèbre de son.

27

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tu: L’ODYSSEE. .eponx,et n’a pu, oommeiloonvient, lui fermer lesyeù, cai- .tel est le tribut qu’on doit nui morts. Toutefois encore, répondezà mes questions, afin que je sache la vérité rafles-moi qui vous

êtes; quels peuples venez-vous de quitta? Quels sont et votre Apatrie et vos parents! ou donc est reste le vaisstmqui vous aconduits, vous et vos généreux compagnons? Êtes-voue musur un navire étranger, et vous ayant déposé sur ce ’«lœ

matelots sont-ils mais? n .- * fi a Je vous donnerai tous œsdétailsïlui répondit U1 ’ asuis’d’Alybante, où j’habite un superbe palais, et annali-

me; issu du roi Polypérnon; mon nom est Épéritus; un dieu,me faisant errer loin de la Sicile, m’a conduit ici’malgréxpoi’;

mon navire est sur le rivage, à quelque distance de la ville.Quant au noble Ulysse, déjà cinq années se sont écoulées depuis

le jour ou ce héros malheureux a quitté ma patrie; comme ilallait partir, des oiseaux favorables volèrentà mongol, charmé -

’ de cet augure , jerhâtai son départ. Lui-même se réjouit en par-tant; il espérait enson cœur que l’hospitaliténous réunirait .encore, et qui] me donnerait de superbes présents. r 1 , l

Il dit; un nuage de douleur obscurcit le front du deses deux mains prenant une poussière aride, il la répand- sur satête blanche en soupirant avec amertume. Cependant Ulysse setrouble en son âme, une vive émotion saisit ses narines en re-gardant son père. Alors il se précipité vers Laerte, le presse dans

sesbras, et s’écrie: p ’ p a if a c’est moi-même, ô mon père , qui suis le fils que vous re-grettez, et qui reviens enfin dans ma patrie, après vingt annéesdiabsenoe. Cessez vos gémissements et votre lamentable deuil. Jevousraœnterai tout,,mais à présent il faut nous hâter; sachezseulement que dans mon palais je viens dlimmoler tous lespré-tendants,»chàtiant ainsi leur insolence et leurs forfaits odieux. n

a Ah! si vous êtes Ulyssotreprend le vieillard à.l’instant, si

.lvrainient vous êtes mon fils qui revientsèn ces lieux; montrez-moi quelque signe certain pour m’en convaincre. » I .

Le prudent Ulysse lui répondit aussitôt : i . I p’« Voyez de vos yeux la blessure que j’ai reçue d’un sanglier

, aux dents éclatantes sur le mont Farnèse, quand jeune rendis( vous et mon auguste mère m’envoyâtes) auprès d’Autolycüs,

.Is

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CHANT xxlv. . 4 mle père chéri de ma mère , afin de recevoir les dons qu’il avaitpromis et juré de m’accorder. Mais je veux vous dire encoretous les arbres que dans cette riche enceinte vous m’avez donnés

. jadis, lorsque je vous en demandais, n’étant encorcqu’un en-fant, et que j’accompagnais vos pas dans ce verger; vous, enparcourant ces allées d’arbres, vous comptiez ainsi ceux que vousm’aviez donnés. Treize poiriers, dix pommiers et quarante figuiers ç

vous me promettiez encore de me donner cinquante rangs devigne, dont chacun était chargé de fruits; la naissent des grap-

pes en, abondance, lorsque les saisons de Jupiter ramènent duhaut du ciel l’instant de la fécondité. n

Le vieillard à ces mots sont ses genoux et son cœur défaillir enreconnaissant les signes certains que donne Ulysse de sa pré-sence, et jette les bras autour de son fils: le noble héros soutientson père, prêt a s’évanouir. Lorsque Laerte a repris ses sens etrassembléses esprits, il s’écrie à son tour, et fait entendre ses

paroles : L . « V(1’ Oui, sans doute, ô puissant Jupiter, oui, dieux immortels ,vous régnez dans l’Olympe, s’il est vrai que les prétendants ont

expié leur insolence. Mais maintenant je redoute au fond de moncœur que les habitants d’lthaque ne fondent ’sur nous , et que detoutes parts ils n’envoient des ambassadeurs aux villes des Cé-

phalléniens. n v 7 ’a Rassurez-vous, lui répondit Ulysse; que cet avenir ne trouble ipoint votre aime. Mais rendons-nous à votre habitationsituée’prés

de ce verger; c’est la que je viens d’envoyer Télémaque avec Eumée 4et -Philétius,- afin qu’a l’instant ils nous préparent le à repas, p» ,

En achevant, ces discours, ils se dirigent vers la maison deLaerte, lorsqu’ils sont entrés dans oesbellës demeures ,Iils trou-vent Télémaque avec le pasteur des bœub et le gardien des chè-

vres coupant les viandes, et mettant le vin dans les urnes;En œ moment l’esclave sicilienne conduit Laerte au bain, le.

parfume d’essences, et le revêt d’une riche tunique; Minerve,s’approchant de lui , demie ’unovforce nouvelle à ce pasteur des

peuples, le fait panure; plus grand et plus majestueux qu’aupa-rêvant. Laertc s’éloigne du bain; àmiils est frappé d’étonnement,

en le voyanta’insi sommable ana dieu-x ; alors il lui dit ces mots ’

rapides. ’ ’

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ne - ’L’onvSsna.« Sans doute, ô mon père, c’est l’un des immortels qui vous

fait paraître si beau de taille et de figure? » ’Le sage vieillard reprend en ces mots :« Jupiter, Minerve, Apollon, c0mme je fus jadis, lorsque, ré-

gnant sur les Céphalleniens, je ravageai Nérice, ville superbe,

située sur le rivage du continent, que nlétais-je hierdemeures , les épaules couvertes de mes armes , pour attaquer etcomme les prétendants! Sous mes coups un grand nombreauraient perdu la vie, et votre âme, omon fils, aurait été comblée

(le joie. )) I ’ iC’est ainsi qu’ils discouraient ensemble. Quand les apprêtssont termines, et que les mets sont préparés, tous s’asseyant enordre sur des sièges et sur des trônes; c’est la qu’ils prennent

le repas. Près d’eux alors arrivent le vieillard Dolius et ses fils,qui revenaient dultravail ;-leur mère, la, vieille Sicilienne, lesavait appelés, elle’qui les nourrit, etequi prodiguait les plustendres soins à Dolius, car il était accablé par l’âge. Sitôt qu’ils

aperçoivent Ulysse, ils le reconnaissent, et dansla ’salle des fes-tins restent immobiles d’étonnement; mais le héros leur adresse

ausiwt’ces douces paroles: A - ï i ’ -"et Vieillard, asseyez-vous à notre table; revenez de votre sur-

prise; depuis longtemps nous étions dans cette demeure, impa-tients de prendre quelque nourriture, en vous attende nttoujours. n.

il dit; aussth Dolius accourt en étendant les bras, baise lmain d’Ulysse, et s’écriant, il, lui parle en ces mots : -

a: Ami, p’uisipre enfin vous nous êtes rendu ,- puisque les im-mortels vous ont ramené contre toute espérance ,4 jouissez d’une

ilangue vie, soyez heureux , et que les dieux vous comblent deS biens. Mais parlez-moi sincèrement, pour que je sache si Pénélope

est instruite de votre retour, ou si nous devons. lui porter cette

nouvelle. n . l . ’ -«g Vieillard, répondit Ulysse, la reine sait mon arrivée; pour-quoi«vous inquiéter de tels soins?» * A ’ - .

je il «me: Demis s’assied sur un siège magnifique.» Alorsses en-fants adressent à leur tour, de respectueuses .paroles’au divin

Ulysse, et lui baisent les mains; puis ils se placent en ordre au-prèsde leur Eux alors prennent le repas dans les demeures

de Laerte. ’ ’ I i

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;. à CHANT un. 1 . I meassumant la Renommée, prompte messagère, en parcourant.

-. la ville de toutes parts; a bientôt annoncé la mort et la funeste4 des prétendants. A cette nouvelle, tous les citoyens-ac-açourent de toutes parts, poussent-des cris , de longs hurlements,

’4’, bi; parviennent devant le palais d’Ulysse; ils enlèvent ’I ’

.K de dessous le portique, et leur donnent la sépultl’sæiè

i . . . . Ak les corps des princes venus des villes voxsmes sont ramentleur patrie par des pêcheurs, qui les emportent sur leurs légers Vnavires.. Cependant les habitants d’lthaque se rassemblait surla place pilblidue, le cœur rongé de tristesse. Lorsque l’assem-blée est formée, qu’ils sont tous réunis, Eupithée seilève au

milieu d’eux’ pour haranguer; il éprouvait un vif chagrin de lamort de son fils AntinOüs , que le premier de tous avait immolé le vvaleureux, (fisse; il S’avanœ en pleurant dans l’asÆmblée, et

tientlcediscoursz- r ’ ,s * a 0 mes amis, cet homme vient de commettre un grand forfaitparmi les Grecleadis il entraîna sur ses navires de nombreux etvaillantsguerriers, et laissa périra la fois les navires et les nom"-

. mes; maintenanLvoilà qu’à son’retonr il immole les plus vaillants

des Céphalléniens. Venez donc; avant qu’il se retire à Pylos, ou" dans la divine Elide que possèdent les Épéens , marchons; autre-

ment, nous éprouverons m opprobreiéternel; notre honte reten-tira jusque dans les. races futures. Si nous ne vengeons pas le

l trépas de nos enfants et de .nosfrères , pour moi désormais la vie

sera sans charma je voudrais à l’instant descendre parmi lesmorts. Mais mon! de peurque nos ennemis ne, nous prévien-nent, en s’éloignant de ces lieux. » ’ I ,

i c’est ainsi qu’il parlait en versant un torrent de larmes; tousles Grecs étaientemus de pitié. Mais alors s’avancent Médon et le

chantre divin, qui sortaient du palais d’Ulysse, et qui venaient des’arracher au sommeil; ils s’arrêtent au milieu de.l’assemblée;

chacun me saisi d’étonnement. Alors le sage Médon fait en-

tendre ces paroles : r r ’ i

I.. a»

«- Écoutez-moi , citoyens. d’lthaque; ce n’est point sans la vo- ,

a Jante des dieux qu’illysse accomplit ces exploits; moigmémeij’aivu l’un des immortels se tenir auprès de ceAhéros : il était entout semblable à Mentor. Tantôt cette-divinité paraissait. devantUlysse en l’encourageant , tantôt troublant les prétendants , elle

. 2". .

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318 L’ODYSSÉE;I les dispersait dans la salle z ils tombaient entassés-les uns sur

les autres. n " i ’ p ,A cesmots, la pale crainte s’empare de tous. Alors le sage Baclitherse, fils-de Mastor, veut aussi parler z lui seul connaissait l’a-

venir et le passe; plein de bienveillance pour le peuple, il,parlaitainsi dans l’assemblée:

q a Écoutez ma voix , habitants d’ltbaque, et que je vous disetoute ma pensée. C’est’à votre injustice, mes amis , que sont dus

tous ces maux; vous n’avez point suivi mes conseils, ni ceux de’1 lMèntor, pasteur- des peuples , et vous n’avez point réprime l’in-

solence de vos enfants; eux dans leur insigne folie ont commis un *grand crime, en dévorant leslrichesses; en outrageant l’épouse

alun homme vaillant a ils pensaient qurll ne reviendrait jamais.Voilà ce qu’il en est résulté; mais obéissez-moi, comme je vous le

conseille : ne marchons point contre Ulysse, de peur que l’un devous ne trouve le mal qu’il slest attiré. n ’ ’ . *

Il dit; plus de la moitie du peuple selève en po i t des cris-tumultueux; les autres demeurent rassemblés sur la plaée pu-blique. Le conseil d’Halitberse ne plait point à leur âme, ils sui-

vent celui dlEupithé-e; soudain ils se couvrent de leur armure;Après avoir autour de leur corps revêtu l’airain étincelant, ils se

rassemblent en grand nombredevant’les murs de la ville. Eu-"pithe’e se met imprudemment à leur tête : il pensait venger le tré-

pas de son fils; mais il ne retournera pointdans ses foyers, et .lui-même en ces lieux recevra la mort. Cependaæt Minerve adresse

Ces paroles a Japiter, le fils de Saturne : q .a O mon père ,l Jupiter , le plus puissant des dieux , répondez a

mes questions: Quel nouveau dessein est cachéfians votre âme?Voulezrvous rallumer la guerre funeste et les tristes discordes;ou cimenter l’alliance entre les deux partis? n . .

(( Ma fille, répond le formidable Jupiter, pourquoi m’interro-

ger et vous enquérir de ces Choses? N’est-ce pas par votre conseilqu’Ulysse , en revenant dans sa. patrie, -s’sst vengé de ses tanner

me; Faites comme vous le désirez ; mais je; vous dirai ce qui mesemble convenable. Puisque enfin Ulyssea-puni les prétendants,qulon immole les victimes, gages des serments, et qu’il règne tou-jours sur ses peuples Nous cependant inspirons Vouin du meurgire des enfants et des frères; que tous se chérissent lcspuns les

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v CHANT xxviv. I N 319autres, comme auparavant; et que reparaissentilalpaix et l’aL ’

bondance.» .- V l w I ï iCes mots ont ranimé l’ardeur de Minerve; elle s’élance avec

rapidité des sommets de l’Olympe. I * ï * pLorsque dans les demeures de Laerte tous se sont rassasiés

d’lule nourriture succulente, le divin Ulysse leur d0nne cet

ordre z” r ’ q , i ka Que l’un de vous en sortant voie si nos ennemis n’approg

chent pas de ces lieux. » . y - . V. Il dit; l’un des fils de Dolius sort aussitôt, comme le com-mande Ulysse; il s’arrête sur le seuil de la porte, et voit tout lepeuple qui s’approche ; soudain s’adressant au vaillant Ulysse , il

”s’écr’ie : j l A .h q Les voilà qui s’approchent; armons-nous promptement. a V,A ces mots , tous se lèvent, et prennent leurs armes z d’abord

quatre guerriers, en comptant Ulysse, et les six enfants de Do-l. lins; Laerte et Dolius se couvrent aussi d’une armure , et, quoi-

que blanchispar Page , ils sont forcés de combattre. Quand ils ont .revêtu leur corps de l’airain étincelant, ils franchissent les portes, .

’s’avancent dans la plaine , Ulysse est à leur tête. V Ï .Près d’eux arrive Minerve, la fille de Jupiter, empruntant les

’ traits et la voix de mentor. Le noble Ulysse se réjouit en la voyant;’ ce héros alors adresse ces mots a Télémaque , son fils chéri :

a Télémaque, aussitôt que vous verrez , en vous y mêlant, le

combat des guerriers où se distinguent les plus braves, ne flétris-sez pas la gloire de vos pères , nous qui par notre force et notrevaleur avons. brillé par toute la terre. » -

Le prudent Télémaque lui répond a l’instant :4

V (r Vous verrez, ô mon père chéri , ’si tel. est votre désir au fond

de votre âme , que je ne flétrirai point la gloire de mes ancêtres,ainsi que, vous le recommandez. s» , ’ . -

A Il dit; Laerte à ce discourséprouve’une vive joie, et s’écrie :

«Quelle sera pour moi cette journée, dieux protecteurs? Etpourtant je me réjouis; mon fils et mon petit-fils. disputent tous

les deux de vaillance. is- i -Alors’la déesse Minerve s’approche duhvieillard , et lui dit 1 n« 0 fils d’Arcésius ,. le plus cher de tous mes compagnons,

adressé ta prière a la vierge aux yeux d’azur, ainsi qu’a Jupiter

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ne L’ODYssEE.son père, puis, en la brandissant, lance ta longue javeline. n-

Elle dit, et Minerve remplit. .Laerte d’une grigris force.’Ce’

héros alors implore la fille du grand-Jupiter, ’Î ’tôt bran-

’dissantsa longue javeline, il là lance, et frappe En ’ a tra-vers le casque étincelant; le trait n’est point arrétâ K in eSttraversé tout entier : Eupithée prime avec fracas, et l’armureretentit autour de lui. Soudain Ulysse et son valeureux fils se

l précipitent sur les premiers rangs; ils frappent tour à tour duglaive et de la lance. Ces deux guerriers les immolaientrtous, etles privaient du retour; si Minerve n’eût fait’entendre sa voix, et

n’eût arrêté tout le peuple. i A. . i , - n -.a Citoyens d’lthaque, s’écrie-telle, cessezune guerre funeste.

et sans plus de sang, séparez-vous à l’instant. n ’ , ’ ilAinsi parle Minerve ,7 la pâle crainte s’empare d’eux , la armes

échappent de leurs mains , tous leurs glaives tombent a terre a lavoix de la déesse;ils fuient vers la ville, désireux de sauver leursjours-Ulysse pousse des cris terribles, et,.rassemblant’ses forces,fond sur eux comme un aigle au vol rapide. En ce moment, J u-piter lance sa foudre étincelante, qui tombe aux pieds de Mi-nerve, fille d’un dieu puissant. Pallas aussitôt se tournevers le

» héros, et lui dit: , L I ya Fils de Laerte , noble et vaillant Ulysse, arrête, fais cesser les

horreurs de la guerre cruelle , de peut que Jupiter ,-le fils de Sa-turne , ne s’irrite contre toi. » . a . . ’

Ainsi parle Minerve; Ulysse obéit à l’instant, et se réjouit. dans

s9n cœur. Bientôt entre les deux partis s’élèvent les gages sa-crés des serments, que place Minerve elle-même, la fille du dieude Pégide, Pallas, semblable a Mentor et par. les traits etpar la

vonx. . e l . 4

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Notes du mont Royal

Une ou plusieurs pages sont omises ici volontairement.

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TABLE DES MATIÈRES.

Pages.ODYSSEE. -- CHANT malien. - Assemblée des Dieux. -- Exhor-

tationdeMlnerveaTélémaque... . . . .. . . . . . . lCHANT Il. - Assemblée des llhaciens. --Départ de Télémaque. I3

CHANT!" -AventuruàPylos. . .. . . . . 24CHANT lV.-Aventuresà Lacédémone. . . . . . . . . . . . . . 37CHANTV.-Leradeaud’Ulysse.. . . . . . . . .. . . . . . . . 59CHANT V]. -Arrivee d’Ulyue parmi les Phéaciens. . v. . l . 72CHANT VIL-Arrivée d’Ulyssechez Alcinoùs. . . . . . . . . . . enCHATT Vlll. -Lutte d’Ulysse contre les Phéaclens. . . . . . . . ouCHANT lX. -Récits chezAlcinoùs. - Cyclopée. . . . . . . . . [onCHANT X. - Aventures chez Éole, chez les Lestrigons et chez

Circé. ..... ..... ..... ..i20CHANT Xl.-L’evocationdesmorls. . . . . . . . . . . . . . . .136CHANT Xll.- Les Sirènes, Scylla, charybde, les génisses du

Soleil...... ..... ..... ..........l52CHANT Xlll. - Départ d’Ulysse du pays des Phéaclens, et son

arrivéedauslihaque...........;...........IMCHANT le. - Entretiens d’Ulysse avec Eumée. . . . . . . . . neCHANT KV. - Arrivée de Télémaque auprès d’Eumée. . . . , . [90CHANT XVI.-Reconnaissance de Télémaque et d’Ulysse. . . . 205CHANT XVll. - Retour de Télémaque dans la ville d’lthaque. . meCHANT XVlll. - Combat d’Ulysse et d’une. . . . . . . . . . . 22eCHANT Xlx. - Entrellens d’Ulysse et de Pénélope. - Recon-

naissance d’Ulysse par Euryclée. . . . . . . . . . . . . . . 240CHANT xx. - Événements qui précédent le trépas des préten-

dents..........-.....................202CHANTXXL-Jeudel’arc............ .272CHANT XXIL-Trépas des prétendants. . . . A . 2:53CHANT XXI". -- Pénélope reconnaît Ulysse. . . . sonCHANT XXlV. - Les libations. . . . . . . ..... . . ..... 306

LA BATRACHOMYOMACHIE. on La Connu Des RATS ET pas

GnENoniLLEs......... ......HYMNES.---HTHNEL--AApollon. . . . . . . . . . . - . . . . . . 335firman.-AMercure......................348Hilelll.--AVénus...................... 363HYINEIV.-ACérB.......................37iiHinNEV.-AVénus ..... ..352HunsVl.-ABacchus...................HvHNleL-AMars............. ........385HYMNEVlll.-ADlane............ ..... .... .ib.HYINEIX.--AVénu9.....................,..38(iHvINBX.-AMinerve..... ..... .............’i’:.llvMNuxl.-A.iunon...... ..... . in.HVMNleL-ACércs...... .. ....387Hume xm. - Alu MèrcdeSDicuii.... I . . . . . . . . .

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ou TABLE DES MATIÈRES.Pages.

Hun XlV.-A Hercule au cœur de Lion. . . . . . . . . . . auBvuuaxv.-AEsculope.....................388HnunXVl.-AuxDloscuru.... . .. ... . .. . . . . .. . ib.BYInszll.-AMercure. . . . . . . . . . . . . . . . ..... ib.HYINEXVHI.-APan.......................389annEXlx.--AVulcaîu................ ...390Hyuuzxx.--AApollon.................. i6.BruneXxl.--ANeptune......................39IHIINEXXII.-AJuplter..................... ib.H1n:XXlIl.-AVesta......... ......... ü.Evuanle.-Aux MusesetàApollon. . . . . . . . . . . .392H1:xxXXV.--ABaœhus. ib.HYMNE XXVI.-Auméme.l?ragmenls . . . . . . . . . . . . . sa:HYINEXXVII.-ADiane..................... ib,HYINEXXVlll.-Amnerve. ..................394BYINEXXIX.-AVeslaetàlercure....... .......395HYINEXXX.--Aln Mèredetoua................ il).HvuunXXXl.-AuSoleiL....... ...... .......396Hum: XXXIL -AlaLune.. .. .. . . .397aux: XXXlll.-Auxmoscum. .. .. . . i0.DIVERS PETITS FORMES. - l. Aux Hamme un NÉoncnos (w

loniedeCyme)..... ...... ................40l".EN nuounmm une LA VILLE DE 0113.. . .. . . .. . . ib.m.Em’mpus DE M1ms........... ib-1V. Goums LEanlnN-rs DE CYIB. . . . . . . . .... ...401V.ComnzTnss-romns.......................ib.VI.ANEPTUNE............. ib.V".ALAVILLBD’ÉRYTHRÉE-.-..........-.....403VIH. Connu LES Nmromzns qui refusèrent de le recevoir

œmmepassager............ ..... .........ib.lx.Aum............................. ib.x.Aummun GLAucus............. ib.nomma: un! Panama 1’58"10». . ..’. . .. .2 . ...4oçKILALAMAIsoNnEsunsu................... ib-Xlll.Lx FOURNEAU. ou Intel-ra àpolier. . .. .. .. . . il).

x1v.L’1nÉswne.xv.AnesP2cusuns.........................406FRAGMENTS ne amans pognas Aminés A nonante. - l. Frag-mentsduMargnès.................. ......409"Jus-m ne LA TuÉBAlnz,poémecyclique. . . . . . . . . il).

(Il. Fumeurs pas Encans. . . ..... . . . ..... . . . 410W. FRAGIEN’IS une Vans Cvrmxusfpoeme attribué par quel-

ques auteurs àSlnsinus. . . . . ..... . . . . .......V. Fumeurs un LA PETITE lune, poème attribué par quel-

ques-unsàbeschès........................4uV]. FuAGum D’UN pour: INTITULÉ : me firmans. . . . . . . ib.VIL FRAGIBNTS au encores. - FRAGIENTS de poèmes in:

connus.,...........,..................4I2

il).

FIN

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. H00-LITTÉBATURE FRANÇAISE.

HISTOIRE ne LA LITTÉRATURE FRANÇAISE, par M. D. n. ni-sard, professeur (l’éloquence latine au Collège de France, ew.,au-teur des Études critiques sur les poëles latins de la décadence.

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- HISTOIRE des révolutions du langage en France. I fort vol. in-8. la

’* 8 frGÉNIN (E). -Des variations du langage français depuis le X11. siècle,par M. F. Génin , professeur a la Faculté des lettres de Strasbourg.

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vains du XVlll" siècle. précédé d’une Vie de Molière, et suivid’une lettre à M. A. Billot; par M. Geniu, professeur à la Facultédes lettres de Strasbourg. t vol. in-8 (Ouvrage couronné par l’Ins-

titut ........................................ 10 fr.PRONONCIATIÛN DE LA LANGUE FRANÇAISE au un SIÈCLE,tant dans le langage soutenu que dans la conversation, d’après lesrègles de la prosodie, celles du Dictionnaire de l’Académie , les loisgrammaticales et celles de l’usage et du goût, par Joseph de Malvin-culai , ancien professeur de l’université. Dédié a l’Académie fran-çaise, et imprimé par autorisation: du roi. a l’imprimerie royale. ’

lfortvol.In-8. ....................... 8fr.PHILARÈTE CHASLES et SAINT-ulnnc-Glnsnom.g-TABLEAUDE LI LITTÉRATURE au XVF siècle. 1 vol. une; p . 8 fr.

LEZAUD (P. L.). PLATON, ARISTOTE. Exposé subs n «le leurdoctrine morale et politique, ou Résumé de Plalou. re ribli-que et les lois. - Idem d’AI-istote. -La morale et la politique;par P. L. Lezaud, 1 vol. iu-ls, format anglais (lie édition).. 3 fr. n,

- CICERON. Morale et politique, ou Résumé et fragments traduits deses œuvres philosophiques. - Les académiques. -- Du souverainbien. - Les ’ilusculanes. .- Des devoirs. -- De la nature des dieux.»-- De la divination. - De la république et des lois, suivis des dia-logues sur l’éloquence. - De l’orateur. .. Brutus. .- L’orateur.-Des académiques, livre l", et du traité de la vieillesse; par P. LI iLezaud. 1 vol. de 500 pag. in-lB, format anglais (2° édition). 3 fr.»

-- RÉSUMÉS PHlLOSOPHlQUES. - Loess. Essai sur l’entendementhumain. -Honnns. De la nature humaine. - Du corps politique.-- La liberté, l’empire. -- ROUSSEAU. Préface de Narcisse. - Dis-cours sur l’inégalité des conditions. -Emile. -HELVVÉTIUS. De j;

l’esprit.1vol. 4l"un "tu. - Etudes historiques. (Moyen âge.) I vol.. . . «.-Études littéraires. (Moyen âge) t vol.. .. . .. . . .. . . . un. . *

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