Non à toute nouvelle hausse de la CSG! - … · la même déclaration, la ministre a donn ......

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> A la Une >>> INFORMATIONS OUVRIÈRES N 0 264 SEMAINE DU 15 AU 21 AOÛT 2013 2 “Il ne s’agit évidemment pas d’engager une réforme brutale qui, du jour au lendemain, modifierait les perspectives pour les Français” Marisol Touraine Depuis des semaines, pour préparer sa contre-réforme des retraites, le gouvernement distille les petites phrases. Après Marisol Touraine, Ayrault nous parle de « pénibilité ». Rétablissons la réalité. Non à toute nouvelle hausse de la CSG ! Les craintes du gouvernement Informations ouvrières avait, à la mi-juillet, salué l’annonce par la ministre Marisol Touraine du report de la fermeture des urgences de l’Hôtel-Dieu, prévue initialement le 4 novembre. Une information parue dans la presse, fin juillet, éclaire sous un jour complé- mentaire cette décision. Le quotidien Libération (28 juillet) écrit : « C’est simple, Marisol Touraine ne veut pas de vagues. Les consignes de Matignon sont catégoriques : en septembre, il y a le dossier des retraites. Et aucune polémique secondaire ne doit le polluer. » Rien ne doit « polluer » le dossier des retraites ? Faut-il que le gouver- nement soit, au-delà des appa- rences, particulièrement inquiet. La préoccupation première du gouvernement est bien en effet de savoir comment seront perçues ses annonces sur les retraites, qui devraient être connues les 26 ou 27 août, et comment sera saisie la journée de grève et de manifestations du 10 septembre appelée par la CGT, FO, la FSU et Solidaires. Car le gouvernement sait ce qui s’est passé début juillet au Portugal, où le gouvernement a dû reculer devant la grève des enseignants. Les déclarations soufflant le chaud et le froid sur le degré de croissance de Moscovici ce week-end n’ont pas d’autre but que de brouiller les pistes. Mais pour tous les militants attachés à refuser tout nouveau recul sur les retraites, ces informa- tions sur les motifs de la décision de la ministre Marisol Touraine sonnent comme un encouragement à agir dans l’unité pour le succès du 10 septembre. Car rien n’est joué. Daniel Shapira J eudi 1 er août, la mi- nistre Marisol Tou- raine a déclaré, à propos de la future réforme des retraites : « J’entends certains Français qui se disent : “J’avais prévu de partir à la retraite, est-ce que les conditions de retraite pour moi vont être boulever- sées ?” Il ne s’agit évidemment pas d’en- gager une réforme brutale qui, du jour au lendemain, modifierait les perspectives pour les Français. » « Pas une réforme brutale » ? Mais, dans la même déclaration, la ministre a donné crédit à l’hypothèse d’une future aug- mentation de la CSG, en indiquant que c’était une « option qui a assurément une forte cohérence ». « Pas brutale », une nouvelle hausse de la CSG ? Rappelons que la CSG touche, à 90 %, les salariés et les retraités. Le quotidien patronal Les Echos (12 août) titre en « une » : « CSG : l’exécutif hésite sur l’ampleur de la hausse. » On lit dans cet article bien informé : « L’augmentation de la CSG semble désor- mais presque acquise au sein de l’exécutif pour financer la réforme des retraites. Mais l’ampleur de la hausse fait encore débat. C’est que, au-delà des régimes de retraite, le gouvernement pourrait être tenté d’utiliser la hausse de la CSG pour renflouer d’autres déficits, notamment ceux de l’assurance maladie et de la branche famille (…). Or 0,1 point de plus de CSG rapporte 1,2 milliard d’euros. Une hausse pouvant aller jusqu’à 0,5 point est à l’étude. » Et, plus loin, l’article précise qu’outre une augmentation de la CSG, « d’autres financements sont prévus : mise à contri- bution des retraités — via notamment la fiscalisation de la bonification de pension de 10 % pour les parents de trois enfants ou plus. » Et M me Touraine ose dire qu’il ne s’agirait « pas d’engager une réforme brutale » ! De qui se moque-t-elle ? Les salariés, les retraités, sont déjà ponc- tionnés de toutes parts : hausse de l’élec- tricité et du gaz, des produits de consommation courante, des transports, etc. Dans une situation de blocage des salaires depuis maintenant des années. Et M me Touraine ne s’en tient pas là. Puisque selon la dépêche AFP qui rend compte de sa déclaration du 1 er août : « Elle a répété, sans précisions, que le gou- vernement allongerait la durée de cotisa- tion. » Résumons ce qui, pour la ministre, n’est « pas une réforme brutale » : hausse de la CSG, donc nouvelle baisse du pouvoir d’achat ; autres prélèvements sur les retraités ; nouvel allongement de la durée de cotisation pour pouvoir bénéfi- cier d’une retraite à taux plein… En fait, la formule de M me Touraine n’a qu’un objectif : permettre à ses soutiens de pouvoir dire que « ça aurait pu être pire ». Mais aucun travailleur, aucun retraité, aucun militant ne saurait être dupe : ce que prépare le gouvernement est bien une nouvelle contre-réforme, donc inac- ceptable. Raison de plus pour tout mettre en œuvre pour aider à assurer le succès de la journée de grève et de manifestations du 10 septembre. D. S. “Cosmétique”… ou systémique ? L’Humanité (6 août) publie un article inti- tulé « Quid de la pénibilité ? » On y lit : « Les syndicats craignent depuis le début une réforme cosmétique et restrictive de la pénibilité. » On ne sait pas bien quelles sont les sources de L’Humanité concernant ces prises de position syndicales. Mais, en tout cas, le quotidien du PCF se les appro- prie et les fait donc siennes. « Cosmétiques », les propositions sur la pénibilité ? Mais, selon les informations parues dans la presse, « le gouvernement réfléchirait à la création d’un compte pénibilité qu’abonderaient les employeurs à hau- teur de 2 milliards d’euros (…). Une somme qui irait aux bénéficiaires sous forme de “points” cumulés sur des “comptes pénibilité” gérés par un fonds spécial au profit des salariés concernés. Ces points leur permettraient de rache- ter des trimestres pour partir plus tôt (deux ans au maximum), de bénéficier d’une formation ou d’être à un temps partiel en fin de carrière avec compen- sation salariale » (Le Parisien, 6 août 2013). En clair, il s’agirait, sous couvert de lutte contre la pénibilité, d’introduire l’idée d’un système par points, c’est-à-dire un pas vers la réforme systémique appelée de leurs vœux par le Medef et la CFDT. « Cosmétique » ? Non, plutôt systémiques, les propositions sur la pénibilité. Photo AFP Photo DR

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“Il ne s’agitévidemmentpasd’engagerune réformebrutale qui,du jour aulendemain,modifieraitlesperspectivespour lesFrançais”

Marisol Touraine

Depuis des semaines, pour préparer sa contre-réforme des retraites, le gouvernement distille les petites phrases. Après Marisol Touraine,Ayrault nous parle de « pénibilité ». Rétablissons la réalité.

Non à toute nouvelle hausse de la CSG !

Les craintes du gouvernement

Informations ouvrières avait, à la mi-juillet, salué l’annonce par la ministre Marisol Touraine du report de la fermeture des urgences de l’Hôtel-Dieu, prévue initialement le 4 novembre. Une information parue dans la presse, fin juillet, éclaire sous un jour complé-mentaire cette décision. Le quotidien Libération (28 juillet)écrit : « C’est simple, Marisol Touraine ne veut pas de vagues. Les consignes de Matignon sont catégoriques : en septembre, il y a le dossier des retraites. Et aucune polémique secondaire ne doit le polluer. »Rien ne doit « polluer » le dossierdes retraites ? Faut-il que le gouver-nement soit, au-delà des appa-rences, particulièrement inquiet. La préoccupation première du gouvernement est bien en effetde savoir comment seront perçuesses annonces sur les retraites, qui devraient être connues les 26 ou 27 août, et comment serasaisie la journée de grève et de manifestations du 10 septembre appelée par la CGT, FO, la FSU et Solidaires. Car le gouvernement sait ce qui s’estpassé début juillet au Portugal, où le gouvernement a dû reculerdevant la grève des enseignants. Les déclarations soufflant le chaudet le froid sur le degré de croissancede Moscovici ce week-end n’ont pasd’autre but que de brouiller les pistes.Mais pour tous les militants attachés à refuser tout nouveaurecul sur les retraites, ces informa-tions sur les motifs de la décision de la ministre Marisol Touraine sonnent comme un encouragementà agir dans l’unité pour le succès du 10 septembre. Car rien n’est joué.

Daniel Shapira

Jeudi 1er août, la mi-nistre Marisol Tou-raine a déclaré, àpropos de la futureréforme des retraites :« J ’entends certainsFrançais qui se disent :“J’avais prévu de partir

à la retraite, est-ce que les conditions deretraite pour moi vont être boulever-sées ?” Il ne s’agit évidemment pas d’en-gager une réforme brutale qui, du jour aulendemain, modifierait les perspectivespour les Français. »« Pas une réforme brutale » ? Mais, dansla même déclaration, la ministre a donnécrédit à l’hypothèse d’une future aug-mentation de la CSG, en indiquant quec’était une « option qui a assurément uneforte cohérence ». « Pas brutale », une nouvelle hausse de laCSG ? Rappelons que la CSG touche, à 90 %, les salariés et les retraités. Le quotidien patronal Les Echos (12 août)titre en « une » : « CSG : l’exécutif hésitesur l’ampleur de la hausse. »On lit dans cet article bien informé :« L’augmentation de la CSG semble désor-mais presque acquise au sein de l’exécutifpour financer la réforme des retraites.Mais l’ampleur de la hausse fait encoredébat. C’est que, au-delà des régimes deretraite, le gouvernement pourrait êtretenté d’utiliser la hausse de la CSG pourrenflouer d’autres déficits, notammentceux de l’assurance maladie et de labranche famille (…). Or 0,1 point de plus de CSG rapporte 1,2 milliard d’euros. Une hausse pouvantaller jusqu’à 0,5 point est à l’étude. » Et,plus loin, l’article précise qu’outre une

augmentation de la CSG, « d’autresfinancements sont prévus : mise à contri-bution des retraités — via notamment lafiscalisation de la bonification de pensionde 10 % pour les parents de trois enfantsou plus. »Et Mme Touraine ose dire qu’il ne s’agirait« pas d’engager une réforme brutale » !De qui se moque-t-elle ? Les salariés, les retraités, sont déjà ponc-tionnés de toutes parts : hausse de l’élec-tricité et du gaz, des produits deconsommation courante, des transports,etc. Dans une situation de blocage dessalaires depuis maintenant des années.Et Mme Touraine ne s’en tient pas là.Puisque selon la dépêche AFP qui rendcompte de sa déclaration du 1er août :« Elle a répété, sans précisions, que le gou-vernement allongerait la durée de cotisa-tion. »Résumons ce qui, pour la ministre, n’est« pas une réforme brutale » : hausse de laCSG, donc nouvelle baisse du pouvoird’achat ; autres prélèvements sur lesretraités ; nouvel allongement de ladurée de cotisation pour pouvoir bénéfi-cier d’une retraite à taux plein…En fait, la formule de Mme Touraine n’aqu’un objectif : permettre à ses soutiensde pouvoir dire que « ça aurait pu êtrepire ». Mais aucun travailleur, aucun retraité,aucun militant ne saurait être dupe : ceque prépare le gouvernement est bienune nouvelle contre-réforme, donc inac-ceptable. Raison de plus pour tout mettre enœuvre pour aider à assurer le succès de lajournée de grève et de manifestations du10 septembre. D. S. �

“Cosmétique”… ou systémique ?L’Humanité (6 août) publie un article inti-tulé « Quid de la pénibilité ? » On y lit :« Les syndicats craignent depuis le débutune réforme cosmétique et restrictive dela pénibilité. » On ne sait pas bien quelles sont lessources de L’Humanité concernant cesprises de position syndicales. Mais, entout cas, le quotidien du PCF se les appro-prie et les fait donc siennes. « Cosmétiques », les propositions sur lapénibilité ? Mais, selon les informations parues dansla presse, « le gouvernement réfléchiraità la création d’un compte pénibilitéqu’abonderaient les employeurs à hau-teur de 2 milliards d’euros (…). Une somme qui irait aux bénéficiairessous forme de “points” cumulés sur des“comptes pénibilité” gérés par un fondsspécial au profit des salariés concernés.Ces points leur permettraient de rache-ter des trimestres pour partir plus tôt(deux ans au maximum), de bénéficierd’une formation ou d’être à un tempspartiel en fin de carrière avec compen-sation salariale » (Le Parisien, 6 août2013).En clair, il s’agirait, sous couvert de luttecontre la pénibilité, d’introduire l’idéed’un système par points, c’est-à-dire unpas vers la réforme systémique appeléede leurs vœux par le Medef et la CFDT. « Cosmétique » ? Non, plutôt systémiques, les propositionssur la pénibilité.

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Lettre aux premiers inscrits au meeting POI du 28 septembre 2013 (extraits)

Les organisations syndicalesCGT, FO, FSU, Solidaires auniveau interprofessionnel se sontréunies le 8 juillet dernier sur lesquestions des retraites, de l’em-ploi, des salaires, de l’avenir desservices publics (…).Les organisations syndicales ontdéjà largement fait part de leuranalyse sur le rapport Moreau etdes mesures qu’elles ne sauraientaccepter : tout allongement de ladurée de cotisation, l’oppositionpublic-privé, la sous-indexationdes pensions et des salaires por-tés aux comptes (…).Le financement des retraitesnécessite de construire des alter-natives par l’apport de res-sources nouvelles, tout parti-culièrement en améliorant lepouvoir d’achat des salariés et encréant des emplois. Il est urgentd’augmenter l’ensemble dessalaires, du privé comme dupublic, ce qui impose d’en finiravec le gel du point d’indice et derevaloriser réellement le SMIC(…).Pour changer de cap et faire faceà la situation, il faut rompre avecles politiques d’austérité.Les organisations syndicalesCGT, FO, FSU, Solidaires au

niveau interprofessionnel appel-lent à une journée nationaled’action interprofessionnelleavec grèves et manifestations le10 septembre 2013 pour ne paslaisser les propositions du Medeffaire la loi et pour imposerd’autres choix au gouvernement(…).Les organisations syndicalesCGT, FO, FSU, Solidaires, duministère de l’Ecologie, du Déve-loppement durable et de l’Ener-gie (MEDDE) et du ministère del’Egalité des territoires et duLogement (MET) s’inscriventdans cet appel (…).Aussi, dans le prolongement del’appel des organisations syndi-cale CGT, FO, FSU, Solidaires auniveau interprofessionnel, lesorganisations syndicale CGT, FO,FSU, Solidaires du MEDDE et duMETL appellent l’ensemble despersonnels à être en grève et àparticiper aux manifestations du10 septembre prochain sur laquestion des retraites, mais aussisur les salaires, l’emploi et à s’op-poser aux politiques d’austéritéqui grèvent les budgets et moyensdes ministères du MEDDE et duMETL.

Montreuil, le 17 juillet 2013

éA six semaines des élections

allemandes, Peer Steinbrück,candidat du Parti social-démocrate, s’est livré à uneviolente charge contre la

chancelière Merkel accusée... de manquerde ferveur vis-à-vis de l’Union européenne.Qui a alors pris la défense d’Angela Merkel ?Gregor Gysi, chef du groupe parlementairede Die Linke (1), revendiquant pour Merkelcomme pour lui-même et toutes les régionsd’Allemagne une « une aspiration à l’inté-gration européenne tout aussi forte ».

C’est ainsi qu’au-delà des polémiques defaçade, se forge en Allemagne la « grandecoalition » de fait, des ex-dirigeants (PC) d’Al-lemagne de l’Est à la droite chrétienne-démo-crate, en passant par les dirigeants de lasocial-démocratie, avec pour ciment l’allé-geance à l’Union européenne et ses diktatsanti-ouvriers.

En France, pas de grande coalition de cetype. Mais un consensus pour considérerqu’une réforme des retraites est indispen-sable : exigence partagée par tous, de la droiteet l’extrême droite au Parti socialiste (touscourants confondus), jusqu’au Parti com-muniste français, dont le porte-parole, Dar-tigolles, vient d’appeler le gouvernement àdécider « une réforme de gauche ».

Rien ne justifie la moindre remise en causedes régimes de retraite, ou la moindre aug-mentation de la CSG ou des cotisations, rien…sinon la soumission aux exigences de l’Unioneuropéenne, c’est-à-dire du capital financier,qui prétend faire payer le prix de sa proprecrise à la classe ouvrière.

Et tout cela pour quoi ? Ce 12 août, la presse publie les « bons résul-

tats des grandes sociétés mondiales ». Le Mondese réjouit : « Les stigmates de la crise de 2008-2009 s’effacent ; les profits sont en hausse de12 % en moyenne pour 2 600 entreprises impor-tantes. »

En France, les quatre entreprises du CAC40 dont les bénéfices ont le plus progressé aupremier semestre 2013 sont le Crédit agricole(+ 217 %, 1,16 milliard d’euros de bénéfices),Safran (+47 %, 470 millions), Capgemini (+ 31 %, 176 millions) et EADS (+ 31 %, 759 millions.

Mais il y a un « petit détail » que la pressene mentionne pas : dans l’année écoulée, leCrédit agricole a supprimé plus de mille quatrecents emplois ; Safran et Capgemini ont misen route des plans de milliers de suppressionsd’emplois, et, selon le Financial Times, EADSprépare un plan de suppressions d’emplois.

En pleine récession, alors que le chômageet la misère s’étendent dans tout le pays, s’en-gager dans un « débat sur les retraites », c’estmettre le doigt dans un engrenage, celui desgrandes coalitions et autres consensus exigéspar l’Union européenne. Avec, à la clé, lescontre-réformes des retraites, les attaquescontre la classe ouvrière au seul service durenflouement des banques et de l’augmen-tation en flèche des profits, sur la base de ladestruction de centaines de milliers d’em-plois et des conquêtes ouvrières.

Dans cet engrenage, le mouvement ouvrierne saurait s’engager, sous peine de renoncerà son indépendance. C’est tout l’enjeu de lajournée du 10 septembre appelée par les confé-dérations CGT et CGT-FO (avec la FSU et Soli-daires) contre la réforme des retraites dugouvernement.

Pour l’indépendance du mouvementouvrier, pour l’unité de la classe ouvrière etde ses organisations contre toutes les contre-réformes, pour l’arrêt des plans de licencie-ments, pour la liquidation des institutions del’Union européenne et de la Ve République :ces mots d’ordre sont au centre de la prépa-ration du meeting du POI du 28 septembre.

(1) Issu de la fusion du Parti communiste et du grou-pement de Lafontaine (ex-ministre SPD), lié au Frontde gauche en France.

ÉDITORIAL

Grande coalitionet consensus

Daniel GlucksteinSecrétaire national du POI

INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 264 SEMAINE DU 15 AU 21 AOÛT 20133

De bien curieuses revendications

Si le gouvernement tente de camoufler la brutalité desmesures en préparation, c’est dans le but d’endormir l’opi-nion publique et, surtout, d’amadouer les organisations syn-

dicales, de les amener à participer à la « concertation ». Le gouvernement sait que l’appel lancé par les confédérationssyndicales FO et CGT, rejointes par la FSU et Solidaires, à une jour-née interprofessionnelle de grèves et de manifestations, le 10 septembre, répond à une attente, celle de millions de tra-vailleurs qui veulent bloquer le projet de contre-réforme du gou-vernement sur les retraites. Bien évidemment, bloquer cettecontre-réforme passe par la réalisation de l’unité des travailleurset de leurs organisations sur les mots d’ordre clairs : on ne touchepas à nos retraites, ni au régime général ni aux régimes particu-liers et spéciaux, non à quelque mesure que ce soit, aucune remi-se en cause, aucune augmentation de la CSG ! Dans le respect desprérogatives des organisations, les adhérents du POI agissent etagiront pour aider à la réalisation de cette unité.

Pour autant, force est de constater que des obstacles sont dresséssur cette voie, en particulier par la multiplication d’appels et d’ini-tiatives à engager un « débat pour une bonne réforme desretraites ». Voie dangereuse, car elle accrédite l’idée qu’une ré-forme serait nécessaire, à laquelle les organisations ouvrièresdevraient contribuer, et fait diversion par rapport au combat pourl’unité nécessaire.Jusqu’à quel point la volonté d’unité sur les mots d’ordre clairs derejet de la réforme du gouvernement parviendra-t-elle à s’impo-ser le 10 septembre ? La force du mouvement imposera-t-elle unrecul au gouvernement ? Nul ne peut le prévoir. Ce qui est certain,c’est que les adhérents du Parti ouvrier indépendant, au coude àcoude avec les travailleurs et militants de toutes tendances, etdans le respect des prérogatives des organisations, feront toutpour avancer dans ce sens.

Le 12 août 2013,le secrétariat permanent du POI

Grèves et manifestations du 10 septembre

Appels unitaires d’organisations syndicalescontre la “réforme” des retraites

DES APPELS UNITAIRES ET DES MANIFESTATIONS DANS TOUT LE PAYS POUR LE 10 SEPTEMBRE

Alpes-Maritimes : appel com-mun CGT, FO, SUD et FSU. Ras-semblement à Nice.Aude :manifestation unitaireCGT, FO, FSU et Solidaires àCarcassonne.Cher : appel et accord intersyn-dical CGT, FO, FSU.Gard : tract commun CGT, FO,Solidaires et FSU.Hérault :manifestation unitaireCGT, FO, FSU et Solidaires. Loire-Atlantique : communi-qué intersyndical CGT, FO, FSU,Solidaires appelant à une jour-née de grève le 10 septembre.Loiret : déclaration communeCGT, FO, FSU, Solidaires.Mayenne : appel CGT, FO, FSU,Solidaires pour une manifesta-tion à Laval.Moselle : appel CGT, FO, FSU,Solidaires.Pyrénées-Orientales : appelintersyndical à la grève. Meetingintersyndical départemental le5 septembre.Haute-Savoie : appel communCGT, FO, FSU, Solidaires.Vendée : appel commun CGT,FO, FSU, SUD.Essonne : appel unitaire CGT,FO, FSU, Solidaires.

Appel unitaire des unions locales d’Alès(Gard) CGT, CGT-FO, Solidaires, FSU…

RETRAITES : STOP AU PILLAGE,NON À LA RÉGRESSION !Les organisations syndicales CGT,FO, Solidaires, FSU… refusent toutallongement de la durée de cotisa-tion, la mise en opposition des sala-riés du public avec ceux du privé, lasous-indexation des pensions et dessalaires, mesures déjà annoncéespar le gouvernement (…).Les richesses existent ; le finance-ment des retraites est possible, toutparticulièrement en améliorant lepouvoir d’achat des salariés et encréant des emplois. Il est urgentd’augmenter l’ensemble dessalaires, du privé comme du public,ce qui impose d’en finir avec le geldu point d’indice et de revaloriser leSmic.(…) Pour changer de cap et faireface à la situation, il faut rompreavec les politiques d’austérité, misesen œuvre en France comme danstoute l’Europe, et impulsées par leFMI, la BCE et la Commission euro-péenne. Pour ne pas laisser les pro-positions du Medef et les patronsfaire la loi, nous devons imposerd’autres choix au gouvernement.Toutes et tous en grève ! Manifesta-tion le 10 septembre 2013, 10 h 30,sous-préfecture d’Alès.

Communiqué des fédérations syndicales CGT, FO, FSU, Solidaires du MEDDE et du METL (ex-ministère de l’Equipement)

APPEL À LA GRÈVE ET AUX MANIFESTATIONS DU 10 SEPTEMBRE 2013

Un appel, lancé par l’Unef, d’un collectif intitulé « Laretraite, une affaire de jeunes », circule actuelle-ment un peu partout. Dix-huit organisations en

sont partie prenante, dont notamment le Mouvementdes jeunes socialistes, ainsi que les Jeunes écologistes,c’est-à-dire deux organisations politiques membres dela majorité gouvernementale. Trois revendications y sont mises en avant : « — la validation des années de formation dans le cal-cul des retraites ;— la prise en compte des périodes d’apprentissage, destages, et leur réglementation, afin qu’ils ne constituentpas des emplois déguisés ;— la prise en compte des périodes d’inactivités forcées,périodes où les jeunes cotisent de manière inégale. »

Tout cela au nom d’une formule : « Il ne peut y avoirde réforme au nom des jeunes sans les jeunes. »Le but de cet appel est donc d’être partie prenante del’élaboration de la future réforme des retraites. Maisque peuvent signifier ces trois revendications « jeunes »,s’il n’est pas dit au préalable : « Non à tout nouvel allon-gement de la durée de cotisation » ?Que la réforme en préparation pourrait être acceptéesi, pour « atténuer » ce futur allongement, les annéesde formation étaient prises en compte ? Et financéespar qui ? Par l’Etat ? Ce serait une fiscalisation à peinedéguisée des retraites. A tout le moins, cet appel comporte de graves ambi-guïtés qui n’aident pas à unir la jeunesse à la classeouvrière.

Cela fait plusieurs mois que lasituation est très tendue à l’hôpi-tal. Peux-tu résumer ?En avril, la direction a annoncé unplan d’austérité, mis au point à lademande de l’agence régionale desanté (ARS), au nom de « la situationde crise » et « du déficit budgétaire ».Menace de suppression de lits et deservices, suppression de remplace-ments et passage aux douze heures,tout y passait. Les personnels se sont aussitôt réunisen assemblée générale à l’appel de laCGT, SUD et FO. Certains voulaientnous entraîner sur le terrain de lamauvaise gestion de la direction del’hôpital, mais, sur proposition de laCGT, neuf cents collègues ont reprisune pétition, remise à l’ARS et auministère, réclamant le retrait du pland’austérité, précisant : « Ce n’est pas ànous de payer le déficit. » Les collèguesont dit : « Aujourd’hui, on nousdemande cela, demain ce sera quoi ? »« C’est comme dans les usines, où ondemande aux salariés d’accepter lessuppressions de postes ou la baisse dessalaires pour “sauver l’usine” ! »Le directeur a annoncé qu’il y avaitune rallonge budgétaire de l’ARS,mais « pas suffisamment pour ne pasprendre des mesures d’économie »,notamment cet été. Des revendica-tions ont été obtenues et toutes lesmesures ont été suspendues, « dansl’attente du nouveau budget del’ARS ». Nous avons donc été reçus à notredemande en juin par la délégationterritoriale du Val-de-Marne de l’ARS,avec des élus.

Vous êtes donc allé à l’ARS…Elle nous a répondu : « L’hôpital arecruté des agents pour les nouvellesunités, c’est votre problème ; vousdeviez rentrer dans votre budget. Nousne sommes pas en mesure de donnerplus. » Sur la fermeture des unités cetété, elle a ajouté : « Nous nesommes pas là pour gérer cela. C’est

l’affaire de la gouvernance de l’hôpi-tal. De toute façon, l’été, c’est pluscreux… il y a pire. »Par ailleurs, des inspecteurs de l’Ins-pection des affaires sociales (IGAS)ont été missionnés pour aboutir, ont-ils dit, à « des recommandations ».Les revendications des personnels neles intéressent pas. « Nous sommes làpour parvenir à une gouvernanceapaisée… » Pour nous, il n’y avait qu’une façond’apaiser le climat à l’hôpital, c’étaitde satisfaire les revendications despersonnels ! Il n’y a pas eu la fermeture de lits et deservices. Cependant, trois servicesdevaient fermer pendant quinze joursou trois semaines cet été. Ce n’étaitpas nouveau, hélas ! Mais, le 17 juillet,est arrivée la note 206, qui a provo-

qué, le 30 juillet, une nouvelle assem-blée générale de plus de deux centsagents, à l’appel de la CGT, SUD, FO etaussi la CFDT, ce qui est assez rare.Un 30 juillet, c’est très important…

Que contient la note 206 ?Elle supprime le recours aux heuressupplémentaires pour rémunérer lescollègues qui assurent des remplace-ments et elle supprime les vacations,car, sinon, « on va sortir des budgets ».Tout le monde a dit : c’est impossible.Un infirmier de nuit a expliqué que ladirection a annulé le planning établien mars. Les collègues doivent, du jour au len-demain, changer leurs congés et leursrepos. Dans un service, un jeune infir-mier s’est retrouvé tout seul dans uneunité, alors qu’il faut au moins deux

infirmiers et une aide-soignante. Unecollègue a été appelée pour rentrerdeux jours avant la fin de ses congés.Les plannings sont déjà d’ordinaire àflux tendu, et, au moindre souci,congé de maladie ou autre, tout s’en-raie. L’assemblée générale a voté à l’unani-mité une journée de grève. En négo-ciation, la direction n’a pas vouluretirer sa note, mais, « dès qu’il y a unsouci, on voit au cas par cas ».

Le 6 août, vous avez tenu unenouvelle assemblée générale etvous étiez encore très nombreux...Le communiqué intersyndical résu-me bien le problème : « Puisque ladirection ne veut rien entendre, ce serala grève ! (…) Après avoir fait le pointet débattu sur les conséquences dans

les services de la dégradation brutale etparfois catastrophique des conditionsde travail induite par l’application dela note 206, l’assemblée du personnel avoté la grève, qui semble être le seulmoyen de se faire entendre par unedirection inféodée à l’ARS et au minis-tère. La date de cette grève a été arrêtée au20 août prochain. Une prochaineassemblée, fixée au mardi 13 août,débattra de ses modalités. Ce n’est niaux agents ni aux patients de payer lesdéficits ! La direction doit retirer lanote 206 ! Tous en grève le 20 août. »Les responsables, ce sont l’ARS et leministère, il faudra y aller. L’ARS ditqu’il faut renflouer le budget deshôpitaux du Sud francilien, que c’estun budget global. Tout cela pourfinancer le fiasco du partenariatpublic-privé de l’hôpital d’Evry !Pour moi, la santé est un droit, cen’est pas un déficit, si déficit il y a !C’est la preuve de la civilisation d’unesociété. On ne veut pas être des gar-diens, on veut pouvoir soigner.Des jeunes sont venus discuter de lagrève. C’est rare d’être si nombreux àse réunir, à discuter pendant unepériode aussi creuse.Personnellement, j’ai insisté sur lanécessité d’organiser les choses. Legouvernement attaque sur tous lesfronts, la santé, les retraites, tout. Ilfaut penser à construire notre résis-tance. On n’est pas seuls, la populationentière vit la même chose.

Propos recueillis par Nicole FISHER �

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Hôpitaux publicsHôpital Paul-Guiraud, à Villejuif

A nouveau, les personnels se dressent contre le plan d’austéritéInterview de Patricia, déléguée CGT à l’hôpital Paul-Guiraud

Jean-Charles Marquiset

P ar cette annonce, le Fondsmonétaire international vou-drait-il préserver les intérêts

du peuple et des travailleurs ? Certes,non. Car, par « hausses d’impôts », ilfaut comprendre, en premier lieu,l’imposition des entreprises et desmultinationales.Avec une croissance atone, lesexperts s’inquiètent de la baisse de laconsommation, qui pourrait pesersur une relance économique et, àterme, provoquer une explosionsociale en France, comme cela a étéle cas, ces dernières mois, en Grèce,en Espagne et au Portugal.Que propose le FMI ? Des « réformesstructurelles » pour réduire les défi-cits publics, plutôt que de poursuivrel’augmentation des prélèvements fis-caux.

Le gouvernement et son représentantau FMI obtempèrent immédiatement.« Les autorités françaises ont claire-ment exprimé leur ferme volonté depoursuivre un ajustement budgétaireaxé essentiellement sur la réduction desdépenses et de mettre en œuvre lesréformes structurelles pour renforcer lacompétitivité. »Pour le gouvernement, « le pilier cen-tral de notre plan de rééquilibrage àmoyen terme reste l’ajustement struc-turel ». Et d’expliciter : « Il en est ainsinon seulement pour l’administrationcentrale ou le gel des dépenses (...), maisaussi pour les administrations deSécurité sociale, où, par exemple, laprogression des dépenses de santé doitêtre fermement maîtrisée (...). »Y aura-t-il une réforme « douce » desretraites ? Le gouvernement partage« l’avis des services du FMI qui estimentque la réforme des retraites sera un élé-

ment clé de cette stratégie ». Cet objec-tif sera-t-il atteignable, alors que lesorganisations CGT et FO, rejointes parla FSU et Solidaires, ont d’ores et déjàappelé à une journée de grève et demanifestations le 10 septembre contre« la réforme des retraites » ?

LES RÉMUNÉRATIONS DANS LE COLLIMATEURLe gouvernement, décidément enverve, s’en prend également de façonclaire et nette aux rémunérations.« Donner une plus grande souplesseaux entreprises pour s’adapter auxconditions économiques (...). Nombrede décisions seront désormais prises auniveau des entreprises, notammentpour ce qui concerne des réductionstemporaires de salaires et des heures detravail en cas de ralentissement de l’ac-tivité, ce qui permettra aux entreprisesde mieux s’adapter à l’évolution écono-

mique (...). Deux nouvelles réformessont aussi prévues, qui devraientcontribuer à assouplir encore le marchédu travail et à accroître le taux d’activi-té : les partenaires sociaux débattentactuellement d’une réforme du systèmed’assurance chômage, qui devrait ren-forcer les mesures actives contre le chô-mage, mais aussi de la réforme du sys-tème de retraite, qui devrait contribuerà accroître les incitations à travaillerplus longtemps (...). »N’oubliant pas les collectivités locales,la réponse du gouvernement au FMIénumère les mesures de destructiondes communes prévues par la loi« métropoles » et l’acte III de la décen-tralisation. « Une loi est actuellementdébattue au Parlement sur la rationali-sation des compétences entre les diffé-rents niveaux de l’administration lo-cale. Certains pouvoirs seront trans-férés au niveau considéré le plus effi-

cace pour chaque politique, et un diri-geant sera clairement désigné pour uncertain nombre de domaines de l’ac-tion publique. La loi conférera notam-ment des pouvoirs renforcés au niveaumétropolitain, l’objectif étant de créerdes institutions solides couvrant cha-cune des grandes zones urbaines, demanière à remédier aux carences insti-tutionnelles et à l’absence de coordina-tion entre les municipalités fragmen-tées, sans pour autant ajouter de nou-velles strates administratives au niveaulocal. Voir par exemple les mesures spé-cifiques concernant les futures métro-poles de Paris, Lyon et Marseille. »Là encore, le gouvernement devrafaire face à la résistance des élus, qui,partout en France, agissent pour lapréservation de la libre administrationcommunale, garante de la démocra-tie, contre toutes les formes d’inter-communalité forcée. �

La France devrait renoncer aux hausses d’impôts prévues... ? La réalité du rapport du FMI

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Services publics

Le directeur général des Finances publiquesinvite les maires à préférer le privé !

> L’actualité politique et sociale <INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 264 SEMAINE DU 15 AU 21 AOÛT 2013

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Eclairage

Une administration laminée par les suppressions de postes, remettant en cause la libre administration des communes

L a direction générale desFinances publiques (DGFiP)est l’administration, propor-

tionnellement, la plus touchée parles suppressions d’emplois. Sur unedécennie, de 2002 à 2012, les effectifsde la DGFiP ont été réduits, horspostes vacants, de plus de 15 % , soit25 000 destructionsd’emplois. Du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012, cesont plus de onze milleemplois nets qui ont étésupprimés, avec, enparticulier pour la caté-gorie C, une amputa-tion de plus de qua-torze mille emplois. Et le gouvernementannonce 2 634 suppres-sions d’emplois pour leministère des Financesen 2014, ce qui signifieque la DGFiP devraitcontribuer à hauteur deplus de 2 000 emplois.La DGFiP subit, depuis de nom-breuses années, des restructurations

souvent accompagnées de suppres-sions de services, de fusions de ser-vices et de fermetures de trésoreries. Dans cette logique de régressionbudgétaire, il s’agit d’adapter lesmoyens aux besoins de la collecti-vité, le directeur général proposedonc d’en accepter le rationnement.

Son vade-mecum insistesur l’impossibilité totaled’augmenter les moyensdes trésoreries pourassurer un service derecouvrement digne dece nom...Le directeur général vamême plus loin, puis-qu’il écrit que la collecti-vité doit être informéeque toute décision deré-internalisation se sol-dera par une dégrada-tion (et c’est un euphé-misme) de la qualité dutravail accompli par lesagents de la DGFiP. Or

le positionnement du comptablepar rapport à l’ordonnateur estbasé sur la compétence, l’indé-

pendance, l’impartialité et la con-fiance.Il n’a pas à juger de la légalité desactes des collectivités, ce qui est dela compétence du préfet, ni de leuropportunité, ce qui serait une déci-sion politique sur les choix opérés. Les demandes de la directiongénérale sont de nature à mettre àmal l’impartialité du comptable etla confiance avec l’ordonnateur. Et,au-delà, c’est revenir de fait surl’interdiction d’apprécier l’oppor-tunité des actes d’une collectivité(article L.1617-2 du Code généraldes collectivités locales) en direc-tion du comptable public, qui, s’il ydéroge, est passible de la Cour dediscipline budgétaire. Si le comptable ne peut pas im-poser ses choix à l’élu, le fait d’es-sayer de le faire changer d’avis,pour des raisons qui n’ont pas pourfinalité de conseiller au mieux lacollectivité, remet en cause ladéontologie qui doit être celle detout comptable dans son rôle deconseil.

Correspondant Finances publiques

Les deux principaux syndicats desFinances publiques (CGT Financespubliques et Solidaires Financespubliques) ont publié chacun untract alertant les élus et les agentsde la Direction générale des financespubliques (DGFiP) sur le contenud’une circulaire du directeur géné-ral, en date du 3 juin 2013, ayantpour objet « la concertation avec lescollectivités locales pour maîtriserl’augmentation des charges de laDGFiP découlant de la ré-interna-lisation de la gestion de certains ser-vices locaux ». Nous portons à laconnaissance de nos lecteurs cetteincroyable affaire.

L a Direction générale desfinances publiques (DGFiP),issue de la fusion des Impôts

et du Trésor public en 2008, est uneadministration qui remplit unefonction essentielle pour la démo-cratie, la République et ses trente-six mille communes : celle decomptable public des collectivitéslocales, des établissements publicset des établissements hospitalierspublics. Ainsi, lorsque vous réglez votre fac-ture d’eau, de cantine de vosenfants ou tout autre règlementd’un service public géré directe-ment par une collectivité locale, unétablissement public ou un hôpitalpublic, vous libellez votre chèque àl’ordre du « Trésor public ».

LE RÔLE DU COMPTABLE PUBLICLe rôle d’un comptable publicd’une collectivité locale est de tenirla comptabilité, de contrôler et depayer les dépenses, de contrôler etde recouvrer les recettes, de remplirune mission de conseil. Concrètement, l’Etat met gra-cieusement à la disposition, no-tamment des communes, sonréseau de trésoreries, récemment

renommées « centres des financespubliques ». Les collectivités locales ordonnentles dépenses, mais ne les réalisentpas. L’Etat républicain a instauré laséparation de l’ordonnateur (celuiqui décidé la dépense) et ducomptable (celui qui la réalise)pour garantir une utilisation desfonds publics conformément à leurobjet afin d’éviter leur détourne-ment. Les collectivités locales assurent,entre autres, des missions de ser-vice public. C’est le cas pour lesordures ménagères, l’assainisse-ment et surtout l’eau.Elles peuvent, dans le cadre d’unedélégation de service public, don-ner la gestion de ces services à desorganismes privés, dont la rému-nération est substantiellement liéeaux résultats de l’exploitation duservice.

“UNE ODE À LA GESTION EXTERNALISÉE”,C’EST-À-DIRE À LA PRIVATISATIONMais elles peuvent aussi assurercette mission de service public, eninterne, sans passer par le privé. Etcela ne plaît pas au directeur géné-ral des Finances publiques.

Le 3 juin dernier, M. Bruno Bézarda fait publier une circulaire sur laré-internalisation de certains ser-vices locaux avec un « vade-mecumde négociation entre les serviceslocaux de la DGFiP et un organismesouhaitant ré-internaliser la gestiond’un service public ».Cette circulaire est agrémentéed’une note manuscrite, qui en ditlong sur les objectifs directionnelsen la matière, à l’heure de la mo-dernisation de l’action publique(MAP), de l’acte III de la décentrali-sation et du gel des dotations del’Etat dans les trois années à venir. La CGT commente la démarche duDGFiP : « Le haut fonctionnaire selivre à une ode à la gestion externa-lisée, toute volonté de ré-internali-sation devant être l’occasion pour lecomptable public de faire valoir desarguments “étayés” permettant à lacollectivité de prendre “le tempssuffisant de la réflexion” et “d’exa-miner toute contre-proposition”ou mesure alternative à la réinté-gration dans la gestion locale.Il s’agit aussi de sensibiliser l’élu(e)aux contraintes budgétaires pesantsur la DGFiP et les moyens limitésdu comptable public qui en résul-tent. »Pour la CGT, « cette circulaire s’ins-crit donc pleinement dans la volon-té d’abandon de missions de laDGFiP, dont la démarche straté-gique est la parfaite illustration.Avec la modernisation de l’actionpublique et la “démarche straté-gique”, Bercy apporte la preuve qu’ildemeure bel et bien le cœur et lebras armé du libéralisme écono-mique (…). Dans l’immédiat, laCGT Finances publiques exige dudirecteur général que la circulairedu 3 juin 2013 soit annulée ! »Et Solidaires de conclure : « II en vade la démocratie et de la libertépour les habitants d’une communede faire des choix de service publicqui ne soient pas ceux dictés par laloi du marché. » �

SNETProduction d’électricité

Résultat de la grève :la garantie statutaire de l’emploi est confirmée

Clarisse Delalondre

L a grève du 4 juillet, à l’appeldes fédérations CGT et FO,n’a pas empêché le plan de

restructuration de la Société natio-nale d’électricité et de thermique(SNET), filiale du groupe allemandE.ON, mais a permis de préserver lagarantie statutaire de l’emploi pourle personnel de la SNET et pour lesagents au statut des industries élec-triques et gazières (IEG).En effet, à l’issue de la grève, unaccord a été signé, début juillet.Indépendamment du jugementd’ensemble qu’on peut porter surcet accord (signé par les fédérationsCGT et CGC, et pas par FO ), il restequ’il y est notamment écrit : « Lespouvoirs publics veilleront à l’appli-cation du présent protocole et à faci-liter la mobilité entre les entreprisesdu secteur, conformément aux dis-

positions et garanties conférées auxagents par le statut des IEG et con-firmées par les pratiques depuis1946 qui s’appl ique à la SNET comme aux autres entreprises de labranche, y compris pour les salariésqui n’auraient pas trouvé de solu-t ions de rec las sement après l e 31 décembre 2015 » (souligné parnous — NDLR).Une chose est donc certaine : la réfé-rence au statut du personnel des IEGest préservée et la garantie statutairede l’emploi est confirmée, non seu-lement à la SNET, mais égalementpour tout le personnel dans les IEG.Cela ne retire pas le projet de réorga-nisation de la SNET et la fermetureannoncée de centrales thermiques,mais le précédent que les em-ployeurs voulaient introduire dansle statut pour remettre en cause lagarantie statutaire de l’emploi dansles IEG n’a pas pu avoir lieu. �

Repères

La SNET, une société privatisée issue des Charbonnages de France� La Société nationale d’électricité et dethermique (SNET) est une société deproduction d’électricité, pour une gran-de part à partir de centrales thermiquesà charbon, issue des Charbonnages deFrance.

� Elle a été transformée en société anonymeen 2001 et complètement privatisée en 2009,lors du rachat par E.ON, mais le personnelbénéficie toujours du statut national dupersonnel des industries électriques etgazières (IEG).

� Remettant en cause la rentabilité decinq des sept unités de productiond’électricité de la SNET, en septembre2011, E.ON avait présenté, lors d’uncomité central d’entreprise (CCE), sonprojet de fermeture pure et simple descentrales à charbon sur les sites deEmile-Huchet (Moselle), Hornaing(Nord), Lucy (Saône-et-Loire) et Gar-danne (Bouches-du-Rhône).

� Ce projet était accompagné d’un plan social,menaçant 535 emplois sur les 850 d’E.ON enFrance. Depuis lors, les salariés et leursorganisations syndicales se battent contre

les menaces de fermeture des unités deproduction et contre le plan social

� En juin 2013, la justice juge le « plan de sau-vegarde de l’emploi » (PSE), présenté par laSNET-E.ON, comme irrégulier et interditla poursuite de toute procédure « inhé-rente ».

� La SNET-E.ON fait fi des décisions de la jus-tice française et menace d’appliquer l’ac-cord national interprofessionnel (ANI), du11 janvier 2013 (accord Medef-CFDT-CGC-CFTC transposé en loi par le gouver-nement), si toutes les organisations syn-dicales ne valident pas un accord repre-nant la totalité des mesures du PSE, jugépourtant irrégulier. Devant ce chantage, lebras de fer s’engage.

� L’intersyndicale FO-CGT fait voter desdéclarations et des motions, lance unepétition dans le pays, qui recueille plus de 20 000 signatures en une semaine,interpelle les pouvoirs publics, notam-ment François Hollande, et appelle àl’arrêt de travail et aux rassemblementsle 4 juillet.

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“Sur une décennie, de 2002 à 2012, les effectifs de la DGFiP ont été réduits, hors postes vacants, de plus de 15 %,soit 25 000destructionsd’emplois. Et ça continue...”

La centrale thermique d'Hornaing, propriété de la SNET.

Le directeur général des Financespubliques, Bruno Bézard.

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François Forgue

Les résultats des élections du 31 juilletont été dénoncés par le gouverne-ment américain et par ceux desanciennes puissances coloniales occi-dentales, alors qu’ils se sont félicités,par exemple, des dernières électionsau Mali, pays occupé par des troupesétrangères…

Il semble bien que, pour lesgrandes puissances de ce monde,les élections — en particulier si

elles se déroulent dans des paysnaguère colonisés et qui ont arrachéleur indépendance par une guerrerévolutionnaire — sont jugées« démocratiques », répondant aux« critères de crédibilité », ou, aucontraire, « fabriquées », « illégi-times », selon leurs résultats. Ainsi, lesrécentes élections qui ont eu lieu auZimbabwe (qui fut une colonie bri-tannique, sous le nom de Rhodésie —voir encadré) ont donné la majorité auprésident Robert Mugabe et à sonparti, le ZANU-PF, qui est historique-ment le parti du combat pour l’indé-pendance. Une majorité confortable(un peu plus de 60 % des suffrages),mais qui n’a rien d’un score de paysdominé par un parti unique, puisquel’opposition représentée par le Mou-vement démocratique pour le chan-gement (MDC), conduit par MorganTsangirai, remporte près de 40 % dessuffrages.

SANCTIONS ÉCONOMIQUESOCCIDENTALES DEPUIS DIX ANSLes observateurs internationaux, depays africains limitrophes regroupésdans la Conférence de coordinationdu développement de l’Afrique aus-trale (dont certains gouvernementsont manifesté une forte hostilité aurégime de Robert Mugabe), n’ont pasconstaté d’irrégularités à même deremettre en cause les résultats duscrutin ni de violence. Il est vrai que legouvernement du Zimbabwe avaitrefusé la présence d’observateurs del’Union européenne, qui s’acharnedepuis plus de dix ans à étranglerl’économie du pays. Les porte-parole des Etats occiden-taux, à commencer par les Etats-Uniset la Grande-Bretagne, l’anciennepuissance colonisatrice, ont dénoncéla fraude et l’intimidation. C’est ainsique John Kerry, secrétaire d’Etat dugouvernement Obama, a déclaré que« les Etats-Unis ne considéraient pasque les résultats annoncés consti-tuaient une expression crédible de lavolonté du peuple du Zimbabwe ».Le Parti socialiste d’Azanie (SOPA,Afrique du Sud), qui participe auxactivités de l’Entente internationaledes travailleurs et des peuples, n’a-t-ilpas eu raison, face à ces déclarations,de rappeler : « Nous proclamons : basles pattes devant le Zimbabwe ! LeZimbabwe n’est plus une colonie. C’estle pays d’un peuple libre, il ne doit yavoir aucune intervention étrangère. »

“NOTRE TERRE,NOTRE SOUVERAINETÉ”Sur quoi, en fait, se sont jouées lesélections au Zimbabwe ? Dans les ras-semblements du parti de RobertMugabe, pendant la campagne élec-torale, les banderoles proclamaient :« Notre terre, notre souveraineté. »Avant l’indépendance, l’essentiel desterres cultivables du Zimbabwe

appartenaient à des propriétairesblancs. Cette situation s’est largementperpétuée après que l’indépendancepolitique a été obtenue. Tant que cefut le cas, les « manquements à ladémocratie » attribués à Mugabe et àson parti ne dérangeaient personne. Apartir du moment où une véritableréforme agraire a été entreprise et oùceux qui détenaient la terre commehéritage du pillage colonial ont étéexpropriés, tout a changé. Le régimede Mugabe est devenu l’objet d’at-taques de plus en plus violentes, demenaces d’intervention armée et desanctions économiques visant àasphyxier le pays. Ces dernièresmesures ont été mises en place, enparticulier, à partir des années 2000.En même temps, une vaste campagneassurait que les résultats de la réformeagraire étaient désastreux. Il n’est passans intérêt à ce sujet de noter qu’unjournaliste indépendant sud-africain,Dali Tambo (fils de l’un des princi-paux leaders historiques de l’ANC,Oliver Tambo), qui s’est rendu auZimbabwe, constate au contraire quela réforme a permis, en une dizained’années, un développement de laproduction et une diversification del’agriculture et que la paysannerienoire est profondément attachée à cequ’elle considère comme uneconquête majeure. Il n’est nul besoin de s’identifier aurégime de Robert Mugabe et de sonparti, ni à leurs positions politiques,pour constater que cette question aété au cœur des récentes élections.

LES CAPITAUX ÉTRANGERS LIMITÉS À 49 % DANS CHAQUE ENTREPRISEL’autre question majeure est celle dela politique dite « d’indigénisation ».Cette politique, menée depuis 2007,vise les entreprises appartenant à desétrangers et qui valent au moins cinqcent mille dollars, en particulier lesmines, qui doivent céder une partiede leur capital afin qu’aucune entre-prise étrangère ne dispose de plus de49 % du capital, 51 % étant en toutétat de cause entre les mains de l’Etat(par le biais d’un fonds souverain) oude propriétaires zimbabwéens. C’est cette règle du 51/49 qui adéchaîné de nouvelles et virulentesattaques contre le Zimbabwe. C’estcette politique que Mugabe s’estengagé à poursuivre et à approfondir.C’est cette même politique qui a été

dénoncée par le chef de l’oppositioncomme décourageant les investisse-ments. On comprend « l’émotion démocra-tique » manifestée par les porte-pa-role des grandes puissances im-périalistes. On comprend aussi qu’enAfrique du Sud, ces élections au Zim-babwe soient au premier plan despréoccupations politiques les plusimmédiates. Le président de l’Afriquedu Sud, Jacob Zuma, s’est senti obligéde prendre ses distances à l’égard del’un de ses conseillers qui avait atta-qué le président Mugabe. Il demeureque la question de la terre — qui, enAfrique du Sud, est toujours détenuepar les propriétaires blancs quil’avaient accaparée au temps del’apartheid — est une question brû-lante. �

> L’actualité internationale >>>INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 264 SEMAINE DU 15 AU 21 AOÛT 20138

Grèce

Obama demande la poursuitedes “réformes structurelles”En jeu : un plan de 15 000 licenciements dans la fonction publique.

REPÈRES

� Le Zimbabwe est entouré parl’Afrique du Sud et le Botswana àl’ouest, le Mozambique à l’est et laZambie au nord.

� Population : 12 millions d’habi-tants.

� Le Zimbabwe devient une colo-nie britannique à partir de la findu XIXe siècle, sous le nom deRhodésie, en hommage au colo-nialiste britannique Cecil Rhodes.

� En 1965, les colons blancs pro-clament « l’indépendance » de laRhodésie pour protéger leur domi-nation. La lutte pour l’émancipa-tion aboutira à la chute de cerégime. Le Zimbabwe est consti-tué en Etat indépendant en 1980.

� En 2000, commencent les pre-mières expropriations des proprié-taires ruraux blancs.

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Manifestation des enseignants grecs du secondaire avec leur syndicat OLME,en juillet 2013.

Zimbabwe

Réforme agraire et “indigénisation” de l’économie au cœur des dernières élections

“J e fais confiance au Pre-mier ministre Samarasp o u r p o u r s u i v r e c e s

réformes structurelles », a déclaréObama, recevant , l e 8 août , àWashington, celui qui apparaîtaujourd’hui comme le chef de l’undes gouvernements les plus affaibliset isolés que la Grèce ait connusdepuis la fin de la sinistre dictaturedes colonels, en 1973. Ajoutant que les Etats-Unis veulent« faire en sorte que les Grecs voientune lumière au bout du tunnel », leprésident américain exprimait à safaçon l’inquiétude partagée par tousles « grands de ce monde » sur la via-bilité du gouvernement Samaras,qui comprend le parti de droiteNouvelle Démocratie et le parti« socialiste » Pasok.

L’INQUIÉTUDE DE WASHINGTONAvec la crise qui secoue le gouverne-ment Rajoy dans l’Etat espagnol et lacrise du gouvernement italien, legouvernement grec sera-t-il capablede « tenir » et de mettre en œuvre lesplans toujours plus brutaux de latroïka ? Telle est l’inquiétude expri-mée ce 8 août à Washington, alorsque, au même moment, un nouveaurecord du taux de chômage estannoncé en Grèce. Le 16 juillet dernier, les travailleursont à nouveau répondu massive-ment aux appels à la grève et àmanifester lancés par les confédéra-tions syndicales GSEE et Adedycontre le plan de réduction de quinzemille emplois dans la fonction pu-blique exigé par la troïka. Ils y ontrépondu, bien que nombre de mili-tants aient été amenés à nouveau àcontester les journées d’action sanslendemain des directions confédé-rales (majoritairement liées auPasok). D’autant que le gouvernementSamaras n’a pas été en mesure, jus-qu’à présent, de commencer àmettre en œuvre l’exigence des insti-tutions européennes et du FMI, for-mulée depuis des mois, de se débar-rasser de quinze mille fonction-naires.

Or cette mesure concentre l’essen-tiel de ce qu’Obama, le FMI et laCommission européenne appellentles « réformes structurelles » exigéesde la Grèce. Samaras et son gouver-nement sont donc poussés en pre-mière ligne pour « y aller ».

L’APPEL DU SYNDICAT DES ENSEIGNANTS DU SECONDAIRE OLMEDans l’Education nationale, unappel du syndicat des enseignantsdu secondaire OLME (1) dénonce« la complicité criminelle du gou-vernement grec et de la troïka, avec lacomplicité du ministre, condamnant2 500 enseignants (y compris le prési-dent d’OLME, Themis Kotsifakis) àêtre “suspendus” pendant huit moisavec 75 % de leur salaire, avant leurlicenciement.Dans le même temps, on prépare letransfert de 5 000 enseignants du se-condaire vers le primaire et de 2 000vers l’administration. Tout cela s’a-joute au non-renouvellement des con-trats de 10 000 enseignants con-tractuels (primaire et secondaire) àpartir de septembre (…), en consé-quence de quoi 20 000 lycéens seront,à la rentrée, privés de place en lycéegénéral comme professionnel. »Dans de nombreuses localités, desassemblées se sont tenues, y com-pris en juillet, à l’appel des sectionssyndicales régionales, pour débattredes moyens nécessaires à mettre enœuvre pour obtenir l’annulation dece plan de licenciements des fonc-tionnaires. S’il dispose encore desolides relais dans les sommets dumouvement syndical, le gouverne-ment Samaras-Pasok sait aussi que,en juin, sa décision brutale de fer-mer la radio-télévision publiqueERT avait mis le feu aux poudres,avant qu’il n’ait dû reculer.

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(1) L’appel d’OLME contre le licenciement desenseignants en Grèce a reçu le soutien de nom-breuses organisations syndicales de l’ensei-gnement, en Bulgarie, en Croatie, enGrande-Bretagne, en Ukraine, en Australie,en France (FNEC-FP-FO, SNES-FSU).

1953-2013 : soixante ansd’armistice en Corée(Première partie)

INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 264 SEMAINE DU 15 AU 21 AOÛT 20139

Sam Hayache

Le 27 juillet 2013 a marqué le 60e anniversaire de l’armistice qui amis fin à la guerre de Corée (1950-1953 : 3 millions de morts recenséset des dizaines de milliers de « dis-parus »), mais seulement à titre pro-visoire, car officiellement l’état deguerre n’a jamais cessé. Le surnomde « Pays du matin calme » constitueun paradoxe dans un pays divisé oùles menaces de guerre sont quasi per-manentes depuis soixante ans. Lazone démilitarisée (DMZ, selon l’acro-nyme anglais) qui sépare les deuxCorée n’est-elle pas l’un des endroitsles plus militarisés du monde, où descentaines de milliers de soldats sefont face, avec près de 30 000 soldatsaméricains stationnés en perma-nence en Corée du Sud ?

P our la presse internationale,la République populairedémocratique de Corée est

présentée comme un « royaumeermite », où tout serait figé sous une« dynastie héréditaire », tandis quela République de Corée, au Sud, diri-gée par la fille d’un dictateur assassi-né, serait le berceau d’un « miracleéconomique » que la crise mondialeaurait épargné.La volonté de l’impérialisme améri-cain de « retourner en Asie pour y res-ter » , en exerçant une pressionmilitaire d’encerclement contre laChine à partir la zone pacifique, lacrise mondiale du système capita-liste et la crise de la bureaucratienord-coréenne remettent en causeplus que jamais l’équilibre instablede la situation existant depuis 1953.Les deux articles qui suivent visent àexaminer quelques aspects de cettesituation.

LA CORÉE DU NORD ET L’OUVERTURE ÉCONOMIQUE Loin d’être un « royaume ermite », laCorée du Nord est intégrée au mar-ché mondial — même si le discoursofficiel prétend que le pays se suffi-rait à lui-même si, depuis la faminedes années 1990 (surnommées « ladure marche »), les bureaucratesnord-coréens gardent le secret surles données économiques. En août 1946, près d’un milliond’hectares ont été distribués auxpaysans nord-coréens et plus demille entreprises (90 % de l’écono-mie), appartenant à des Japonais oudes propriétaires ayant « collaboré »avec les Japonais, ont été nationali-sées. La guerre de Corée a détruit lepays. En Corée du Nord, les infra-structures ont été reconstruites enquelques années, dans le cadred’une planification gérée au profitd’une caste bureaucratique sur lemodèle de l’URSS, en interdisantaux masses toute action indépen-dante. Pendant plusieurs décennies,les produits nord-coréens étaientexportés vers l’URSS et les pays del’est de l’Europe et, jusqu’en 1975, leniveau de vie en Corée du Nord étaitsupérieur à celui de la Corée du Sudcomparable à celui du Bangladeshd’aujourd’hui.

VINGT ANS APRÈS “LA DURE MARCHE”La gestion bureaucratique de l’éco-nomie, combinée au démantèle-ment de l’URSS, a de nouveaudétruit l’économie du pays — nou-velle preuve qu’il ne peut y avoir de« socialisme dans un seul demi-pays » : plus de débouchés, plusd’approvisionnement énergétique àprix réduit, plus d’engrais chimiquespour l’agriculture. La famine a rava-gé le pays. Vingt ans après « la duremarche », le pays reste déstabilisé,alternant les périodes de tentatived’ouverture économique en faisantappel à des capitaux étrangers et encréant plusieurs zones économiquesspéciales pour attirer les investis-seurs, avec des périodes de tensionextrême et l’utilisation d’un langagebelliciste dans le but de mobiliser lapopulation contre les menacesd’une invasion militaire. C’est dans ce contexte d’alternancede tension militaire et d’ouvertureéconomique que l’on doit apprécierles récentes initiatives du gouverne-ment nord-coréen pour rouvrir lecomplexe industriel intercoréen deKaesong. Situé en Corée du Nord, toutprès de la frontière avec le Sud, Kae-song a été créé en 2003, par une déci-sion conjointe des deux Etats coréens. Qualifié par les Sud-Coréens de « tic-ket restaurant » de la Corée du Nord,le complexe a été fermé unilatérale-ment par le gouvernement nord-coréen en avril 2013, dans le cadre demesures de rétorsion pour protestercontre des manœuvres militairesconjointes Etats-Unis-Corée du Sud.Au moment de sa fermeture, le com-plexe comptait cent vingt-trois PMEsud-coréennes et employait plus de54 000 Nord-Coréens et plus de 800 Sud-Coréens. Des centaines decamions acheminaient chaque jourles ma-tières premières du Sud vers leNord et rapportaient au retour les pro-

duits manufacturés. Au Sud, 15 000emplois étaient reliés à Kaesong. A Kaesong, les PME sud-coréennesdisposaient d’une main-d’œuvre bonmarché, qualifiée et surtout inorgani-sée. Il n’y avait pas de syndicat, et c’estl’Etat nord-coréen qui percevait lessalaires et en restituait une partie auxintéressés, en complément de distri-butions de produits alimentaires. En2012, les salaires étaient de 160 dol-lars par mois, soit un cinquième dessalaires sud-coréens, et d’un niveauinférieur au salaire officiel chinois.

ENCORE PLUS DE GARANTIESPOUR LES CAPITAUXMalgré les tensions militaires récur-rentes, les profits annuels générés parl’exploitation des travailleurs nord-coréens se chiffraient en millions dedollars, en augmentation de 15 % en2012 par rapport à 2011. La Corée duSud a officiellement demandé que lesmarchandises produites à Kaesongbénéficient sur le marché américaindes droits de douane préférentiels, enapplication de l’accord de libre-échange Etats-Unis-Corée du Sud. Le complexe industriel de Kae-song, qui n’avait jamais cessé defonctionner, a été fermé le 5 avrildernier. Les manœuvres militaires étantprovisoirement terminées, lesautorités nord-coréennes se sontempressées de faire des offres deréouverture du complexe auprèsdes Sud-Coréens , ma i s s i l e s 123 PME menacées de faillite ontrépondu pos i t i vement , en re-vanche, les autorités sud-co-réennes mettent désormais desconditions : elles veulent encoreplus d’ouverture et de garantiespour leurs capitaux.Au 1er août 2013, les négociationspour la réouverture du complexeindustriel sont dans l’impasse.

Japon

Quelles conséquences des négociations sur un traité de libre-échangetranspacifique ?

Jean-Pierre Fitoussi

Le dimanche 21 juillet ont eu lieu auJapon des élections sénatoriales par-tielles qui ont renforcé la positionparlementaire de l’actuel gouverne-ment de Shinzo Abe. Ce dernier, dirigeant du Parti libéral-démocrate — qui s’est toujours situéà la droite de l’échiquier politiquejaponais — est arrivé au pouvoir endécembre 2012, à la suite de la défaitedu parti dit de « centre gauche », leParti démocrate, qui détenait alorsla majorité, mais dont la désastreusegestion avait provoqué la colère del’électorat.

Du 15 au 24 juillet, le Japon aparticipé pour la premièrefois aux négociations sur l’ac-

cord de libre-échange transpacifique(TPP), à Kuala Lumpur (Malaisie).De quoi s’agit-il ? Depuis trois ans, lesEtats-Unis négocient un traité visantà abolir les barrières tarifaires desEtats concernés d’ici à 2015, c’est-à-dire à ouvrir la porte aux multinatio-nales américaines. La Chine, à ce jour,n’en fait pas partie.Déjà, en 2010 et 2011, les gouverne-ments Kan et Noda, contre l’avis deleur parti, le Parti démocrate (centregauche), avaient tenté d’impliquer leJapon dans les négociations du TPP.Mais ils avaient dû y renoncer en rai-son, notamment, de l’opposition desagriculteurs qui avaient manifesté parmilliers à Tokyo (photo).

L’ENTRÉE DU JAPON DANS LE TPPSOUS CONDITIONSC’est pourquoi, compte tenu du faitque les agriculteurs constituent unepartie importante de la base électo-rale du Parti libéral-démocrate (PLD,droite), celui-ci, conduit par ShinzoAbe, lorsqu’il avait remporté les élec-tions législatives du 16 décembre2012, avait présenté un programmefixant des conditions à l’entrée duJapon dans le TPP. Cependant, unefois obtenu l’accord d’Obama enfévrier dernier à Washington, le Pre-mier ministre, Shinzo Abe, a imposéau PLD la participation sans condi-tion du Japon aux cycles de négocia-tions du TPP, avec le soutien de sonpartenaire dans la coalition gouverne-mentale, le Nouveau Komeito. (Lesélecteurs français savent ce qu’il enest d’un président qui, comme candi-dat, a promis de fixer des conditionspour signer un traité !) Concernant en particulier l’agricul-ture, le professeur Yorizumi Watanabe,

ancien négociateur au ministère desAffaires étrangères, a expliqué aujournal Japan Times : « Les agricul-teurs argumentent que le maintien duniveau actuel de rendement est vitalpour assurer à la nation une produc-tion de nourriture qui serait nécessaireen cas d’urgence (…). Ouvrir le riz etd’autres secteurs aux importationsétrangères dévasterait l’économierurale et les communautés agri-coles (…). » « Selon le ministère del’Agriculture, l’âge moyen des agricul-teurs japonais est de 65,9 ans en 2011.La plupart d’entre eux n’ont pas desuccesseurs. Et l’industrie agricole nepèse que 1 % cette année » (JapanTimes, 16 mars 2013).

UN “RÈGLEMENT BIOLOGIQUE“Le ministre suggère donc que le pro-blème de l’emploi de la populationagricole va se régler biologiquement !A la veille du 18e round, Shinzo Abe adonné le contenu de ce qui va se dis-cuter : « D’abord, nous allons ouvrir leJapon et ses marchés, faire tomber lesbarrières à l’investissement et au com-merce dès que possible. Nous allonsdoubler les investissements directs descompagnies étrangères au Japon. Nousdevrions aussi vendre au marchémondial nos produits agricoles, quin’ont jamais été comptés comme unbien d’export. (…) La deuxième poli-tique majeure implique, à travers ladérégulation, la création de “zonesnationales spéciales et stratégiques”,qui sont un premier pas vers une réfor-me structurelle » (Huffington Post, 3 juillet 2013).Face à une attaque d’une telle bruta-lité, rien n’est réglé, car l’oppositionde la majorité de la population seréfracte dans les organisationsouvrières et au-delà. Parmi les orga-nisations syndicales, la confédéra-tion Zenroren, réputée proche duParti communiste japonais (PCJ), aprotesté. La fédération nationale des tra-vailleurs de l’agriculture, des forêts etde la pêche Zenkoku-Nodoranko, affi-liée à la principale confédération syn-dicale Rengo, a publié sur son site uneprotestation. Rengo, comme centralesyndicale majoritaire et liée au Partidémocrate, a rappelé l’exigence deconditions préalables à la participa-tion du Japon. Le Parti social-démocrate et le Particommuniste japonais ont protesté. Lesecrétaire général du Parti démocratea pour sa part demandé à Shinzo Abeque le Japon se retire de la négocia-tion. �

10 novembre 2010 : les manifestants anti-TPP se sont réunis au parc Hibiya,dans le centre de Tokyo.

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Chaque semaine, lisez

INFORMATIONSOUVRIÈRES

> La page quinze <INFORMATIONS OUVRIÈRES NO 264 SEMAINE DU 15 AU 21 AOUT 2013

Il y a 50 ans, le 28 août 1963

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La grande marche des Noirs sur Washington

Par François Forgue

Dès les premières heuresdu matin, le 28 août 1963à Washington s’annon-çait comme une superbejournée d’été. Pourtant,la capitale fédérale amé-ricaine ne présentait pasle visage d’une grande

ville dont la période estivale aurait ralenti lerythme. Au contraire, elle semblait être en étatde siège. Des milliers de policiers qua-drillaient le centre de la ville. Non loin de laville stationnaient 15 000 soldats.Pourquoi ? Parce que ce 28 août était la datede la Marche nationale contre les discrimina-tions et pour l’emploi dont Martin LutherKing et Philip Randolph avaient été les princi-paux initiateurs.Martin Luther King avait été l’un des respon-sables du profond mouvement des Noirsaméricains dans le sud du pays, contre laségrégation et la violence raciste, d’abordexprimé dans le boycott des transportspublics de Montgomery (Alabama) en 1955. A la tête de l’organisation qu’il avait créée (la Southern Christian Leadership Conference– SCLC), il prônait les méthodes de la « résis-tance passive », s’inspirant de celle de Gandhien Inde.La figure de A. Philip Randolph était fort diffé-rente, il avait été l’un des pionniers de la syn-dicalisation des travailleurs noirs. En 1925, ilavait constitué la Brotherhood of Sleeping CarPorters (la Fraternité des porteurs de wagons-lits), métier alors exclusivement réservé auxNoirs qui n’avaient pas d’organisation syndi-cale. Ce fut au terme d’une bataille contre ladirection de la compagnie Pullman que lenouveau syndicat arracha sa reconnaissancelégale. En 1941, il avait menacé le présidentRoosevelt d’une marche des travailleurs noirssur Washington pour arracher la fin des dis-criminations à l’encontre des Noirs dans l’in-dustrie d’armement. A. Philip Randolph étaitvice-président de l’AFL-CIO (1). Avant, il relançal’idée d’une marche natio-nale en relation avec ce quiavait été désigné comme la« campagne des droitsciviques », qui enflammaittous les Etats-Unis, du« Vieux Sud » aux centresindustriels comme les villesde Detroit et Cleveland.Le 28 août 1963, débar-quaient de vingt et untrains spéciaux, de cen-taines d’autobus, le plusgrand nombre de Noirs ras-semblés et organisés à seretrouver dans la capitale. L’affluence dépassales prévisions des organisateurs et, en un flotirrésistible, deux cent cinquante mille mani-festants au moins déferlèrent dans les rues deWashington. « Maintenant », c’était le motclé : « Les mêmes écoles pour tous, mainte-nant ! » « Plus de discrimination, mainte-nant ! »On évalue à plus de 80 % les participants noirsde cette immense manifestation. Cela signifiequ’il y avait aussi plusieurs dizaines de mil-liers de citoyens américains blancs, et parmieux un grand nombre d’ouvriers syndiqués,qui, malgré le refus de la direction confédé-rale de l’AFL-CIO d’appeler à la marche,répondaient à l’appel de plusieurs organisa-

tions syndicales qui y étaient affiliées. Ce futnotamment le cas des ouvriers de l’automo-bile dont le syndicat, l’UAW, avait appelé à lamarche.Tranquille, sûre de son bon droit, la foulemarcha jusqu’au Mémorial où se trouve lastatue du président Lincoln et se rassemblapour entendre les orateurs. Il n’y eut, éma-nant de la manifestation, pas le moindre actede violence. Il n’y eut — ce qui était moins prévisible, cardans tous les Etats-Unis, la police avait réagiavec la plus extrême brutalité aux manifesta-tions pacifiques des Noirs — aucune provoca-tion des forces de police. La marche étaitlégalement autorisée. Le président Kennedyavait d’abord cherché à convaincre des diri-geants noirs d’y renoncer. N’ayant pu y par-venir (« De toute façon, les Noirs sont déjà dans

la rue », lui avait réponduRandolph), il l’avait acceptéen demandant aux respon-sables d’en faire une mani-festation d’appui à la loiqu’il préparait sur les « liber-tés civiques » et qui était loinde répondre aux attentes dela masse des Noirs améri-cains. D’où le décalageentre le mot d’ordre de« Liberté maintenant » quisoude les centaines de mil-liers de manifestants et lesdiscours, qui se situent plussur le terrain de la conquêteprogressive des droits.

D’emblée, la marche sur Washington avaitreçu l’appui de toutes les grandes organisa-tions noires, à commencer par la plus ancien-ne, et traditionnellement la plus modérée, laNAACP, fondée en 1909, mais aussi le CORE(Congress of Racial Egality), constitué en1942, et le SNIC (Comité étudiant de coordi-nation non violente) formé en 1960 lors de lacampagne des « sit-in » (2). Le SNIC prônait lamobilisation de masse et avait choisi la « non-violence » comme tactique, non comme unprincipe universel. Il était le plus radical desmouvements surgis du puissant mouvementde révolte de la population noire.« Une marche passée dans l’histoire », écrivait-on au lendemain de la manifestation. A juste

titre. Car le 28 août est un jalon essentiel dansla lutte des Noirs américains pour leur pleineémancipation — et donc un moment clé dansl’histoire de la lutte des classes aux Etats-Unis.Et ce à double titre. D’abord parce que ce ras-semblement massif, au niveau national, est lepremier résultat de la mobilisation de lapopulation noire à une échelle qui n’avait pasété atteinte depuis la guerre civile (1861-1865)ayant abouti à l’abolition de l’esclavage. Maisaussi parce qu’il annonce de nouveaux com-bats fondés sur une conscience plus précisedes obstacles à surmonter.Des discours prononcés à Washington cejour-là, l’un est passé dans l’histoire : c’estcelui de Martin Luther King. « I had a dream »(« J’ai fait un rêve »). Magnifique exempled’art oratoire, mais, surtout, expression deprofondes aspirations démocratiques. Maiscomment réaliser ce rêve d’une société sansracisme ? Le discours n’avait pas abordé cettequestion, et l’on comprend pourquoi unemilitante noire devait dire : « Nous avonsbesoin de leaders, pas de rêveurs. » Le rêve, on le sait, se fracassa définitivementle 4 avril 1968 quand un tueur assassinaitMartin Luther King, coupable d’être un Noir,un combattant pour les droits des Noirs amé-

ricains, mais aussi d’avoir dénoncé la guerreau Vietnam.Le combat des Noirs pour leur émancipationva se poursuivre en prenant d’autres formes.Ce seront dans les mois qui suivent les tenta-tives de formation d’un parti noir indépen-dant, le Freedom Party. Malcom X appellera àl’organisation pour arracher la « liberté main-tenant » par « tous les moyens à notre disposi-tion ». Ce sera l’heure des Black Panthers querejoindront les étudiants du SNIC. La répression d’Etat se déchaînera, utilisantmoyens légaux et extra-légaux, multipliant lesassassinats et les arrestations. Rien n’arrêterapourtant le combat qui se poursuit encoreaujourd’hui.Un autre discours a marqué la manifestationde 1963, celui que n’a pu prononcer dans sonintégralité le représentant des étudiants, JohnLewis. Les organisateurs, au nom de l’accordpassé avec la Maison-Blanche, le censurèrent.Il a pu dire : « Pour la première fois depuis centans, cette nation prend conscience du fait quesa ségrégation est un mal qu’il faut liquidersous toutes ses formes. » Il ne put dire le reste,qui exprimait pourtant le contenu que vou-laient donner à cette journée les centaines demilliers de manifestants.Nous publions (voir encadré) des extraits despassages censurés, publiés en totalité dans lejournal du Socialist Workers Party (alors l’or-ganisation trotskyste aux Etats-Unis), TheMilitant, le 9 septembre 1963.Certains affirment qu’on est dans une nou-velle époque. Pourtant, en 1955, un garçonnoir de 14 ans, Emmett Till, s’exclamait aupassage d’une femme blanche. On retrouvaquelques jours plus tard son cadavre atroce-ment mutilé. Aujourd’hui, en 2013, un ado-lescent noir, âgé de 17 ans, Trayvon Martin,est abattu sans motif par un vigile. Il n’étaitpas armé, mais, étant jeune et noir, aurait puavoir « de mauvaises intentions ». Le meur-trier a été acquitté. En ce soixantième anni-versaire, rappeler ce que fut la marche du 23 août 1963 n’est pas un acte commémoratif.C’est un appel à l’action. Le discours de JohnLewis reste d’une brûlante actualité. �

(1) L’AFL-CIO est née en 1955 de la fusion de la vieilleAmerican Federation of Labor, fondée sur le syndicalismede métier, et du Congress of Industrial Organizations, nédans les grandes grèves de 1934-1935.(2) Sit-in : occupation par les Noirs de lieux comme lescafés jusqu’alors réservés aux Blancs.

Nous ne savons pas aujourd’hui si les principaux médias – àcommencer par ceux des Etats-Unis – reviendront, à l’occasionde sa date anniversaire, sur cet événement majeur. Une chose est sûre, en revanche : s’ils le font, on n’entendra sur-tout, pour ne pas dire exclusivement, parler que du très célèbre

discours du pasteur Martin Luther King. Ce qui s’est passé cejour-là ne peut pourtant se résumer à ce seul « I had a dream »,ne serait-ce d’ailleurs que parce qu’un autre discours était pré-vu lors du rassemblement ; censuré, il ne put être prononcé.François Forgue raconte.

Le 28 août est un jalonessentiel dans la lutte des Noirs américains pourleur pleine émancipation,et donc un moment clédans l’histoire de la luttedes classes aux Etats-Unis

Extrait du discours que le leader du SNIC (étudiants)devait prononcer lors de la marche sur Washington

“La révolution est proche, et ilnous faut nous libérer deschaînes de l’esclavage politique

et économique. Nous ne pouvons pas êtrepatients, nous ne voulons pas être librespetit à petit. Nous voulons la liberté main-tenant. Nous ne pouvons pas dépendre departis politiques, car démocrates et répu-blicains ont trahi les principes fondamen-taux de la Déclaration d’indépendance.Nous reconnaissons tous le fait que si unchangement radical doit s’opérer dansnotre société sur le plan social, politique etéconomique, c’est le peuple, ce sont lesmasses qui le feront aboutir (…). Nous ne

serons jamais en paix dans nos têtes nidans nos cœurs tant que la justice et laliberté n’existeront pas pour tous.M. Kennedy fait ce qu’il peut pour que larévolution ne se passe pas dans la rue, maisdevant les tribunaux. Ecoutez, vous, M. Kennedy. Ecoutez, vous,les membres du Congrès. Ecoutez, vous,mes concitoyens, les masses noires sont enmarche pour réclamer des emplois, pourréclamer la liberté, et nous devons dire auxpoliticiens qu’il n’y aura pas de répit. Nousne nous arrêterons pas. »

The Militant, le 9 septembre 1963 �

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Dans l’immense rassemblement, de nombreux travailleurs blancs ayant répondu à l’appel de leurs syndicats.

INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 264 SEMAINE DU 15 AU 21 AOÛT 2013

VieillestromperiesChaque année, en août,on ressort des tiroirs le vieux mensonge de Truman. Car, chaqueannée, en août, resurgitl’horrible crime de guerre : Hiroshima-Nagasaki, au moins 200 000 victimes. Truman est ce mépri-sable président desEtats-Unis qui ordonnafroidement le bombar-dement atomique, nonnécessaire militairement.Soixante-huit ans après,les chroniqueurs restentdocilement discrets ;rappelons donc la listedes généraux améri-cains qui confirmèrentce crime : Eisenhower,MacArthur, Leahy,Spaatz (commandantpour le Pacifique),Clarke (renseignement),King, Nimitz (comman-dant en chef de la marine du Pacifique).« Le Japon était déjàbattu et le bombarde-ment était totalementinutile » (Eisenhower).Les vrais historiens s’accordent sur les motifs de Truman :occuper, seul, le Japon,avant l’arrivée de l’URSS, commencerla guerre froide. Il trompa l’opinion parun grossier mensonge :un débarquement — imaginaire — au Japon aurait coûté la vie à 500 000 Améri-cains... La guerre d’Irak — 39 900 combat-tants et au moins 250 000 civils tués, 2,5 millions de réfu-giés — eut comme pré-texte les tonnes d’armeschimiques détenues par Saddam Hussein.Mensonge fabriqué detoutes pièces par la CIAet Bush : « Il n’en possé-dait pas un gramme »(général Colin Powell, 13 mars 2013).La méthode Truman-Bush s’applique désor-mais à la préparation de l’agression de la Syrie. Pour n’êtrepas bernés par leursgouvernements men-teurs, les travailleurs— premières victimes de toutes les guerres —doivent disposer deleurs propres informa-tions, de leur proprejournal. Celui que vous lisez.

L’HUMEURde Michel Sérac

ou formation politique qui entend sincèrementcombattre pour l’émancipation des travailleurs.Cela sous leur propre responsabilité.L’hebdomadaire est édité par l’association (loi 1901) Informations ouvrières. Daniel Gluckstein, directeur de la publication.

INFORMATIONS OUVRIÈRESTribune libre de la lutte des classes,hebdomadaire du POI. Dans le cadre de sa tribune libre, Informations ouvrières,fondé par Pierre Lambert, offre la possibilité de s’exprimer librement à tout groupement

• Rédacteur en chef : Lucien Gauthier.• Siège : 87, rue du Faubourg-Saint-Denis, 75010 Paris.• Imprimerie : Rotinfed 2000, Paris.• Tirage : 20 000 exemplaires.• Commission paritaire : 0909 C85 410.• ISSN : 0813 9500.

• Rédaction : Informations ouvrières, 87, rue du Faubourg-Saint-Denis, CS 30016 - 75479, Paris CEDEX 10.Tél. : 01 48 01 89 23. Fax : 01 48 01 89 29.E-mail : [email protected]

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01 48 01 88 41. E-mail : [email protected]• Dépôt légal : à publication.

Lucien Gauthier

En ce milieu du mois d’août, lesviolences, mais aussi les« négociations », se multiplient

tant au Moyen-Orient qu’au Maghreb.Plus de deux ans après la chute deMoubarak et de Ben Ali, la situationdans ces deux régions, loin d’être« stabilisée », comme le souhaiteraitl’impérialisme américain, voit lescontradictions s’approfondir.

EN ÉGYPTELa mobilisation par millions et mil-lions des travailleurs, de la jeunesse,de la population a abouti à la chutedu président Morsi. De nombreusesforces politiques de l’oppositionégyptienne ont soigneusement évitéde dire que le régime en Egypten’était pas constitué par les seulsFrères musulmans, mais par unealliance de ceux-ci avec l’armée.Devant les développements révolu-tionnaires, l’état-major, en liaisonavec l’administration américaine, aévincé Morsi afin de préserver le ré-gime. Depuis des décennies, c’est l’état-major qui dirige le pays et qui enconstitue la principale force poli-tique, économique et juridique. Dans cette situation, une partie de lapopulation qui ne veut pas d’unretour au régime militaire se mobiliseet exige le retour du président Morsi.Face aux risques d’explosion, l’admi-nistration américaine pèse de toutson poids pour que les Frères musul-mans soient réintégrés dans l’espacepolitique égyptien, en vue d’aboutir àla constitution d’un gouvernementd’union nationale en Egypte. Ce paysest en effet un des piliers de la régiondu Moyen-Orient. Une explosion dece pays risquerait d’entraîner uneexplosion générale au Moyen-Orient,déjà marqué par la marche à la dislo-cation.

EN IRAK ET EN SYRIE« L’Etat islamique en Irak », c’est-à-dire la branche irakienne d’al-Qaida,

a revendiqué la vague d’attentats quia fait des dizaines de morts lors de lafête de l’Aïd marquant la fin du rama-dan. Le quotidien Le Monde (13 août)souligne que la branche irakienned’al-Qaida a maintenant étendu soninfluence en Syrie. Le quotidien noteque cette organisation « impose sesméthodes : décapitation d’alaouites,violences anti-chrétiens et mêmeattaque de sujets sunnites jugés troptièdes. Ce fut le cas à Rakka, où l’Etatislamique en Irak a fini par évincer àcoup d’enlèvements et d’assassinatsles autres forces rebelles. »

NÉGOCIATION ENTRE L’ÉTAT D’ISRAËL ET L’AUTORITÉ PALESTINIENNEFace à l’ensemble de ces développe-ments, l’administration américaine apesé de tout son poids pourcontraindre les dirigeants de l’Etatd’Israël à rouvrir les négociationsavec « l’autorité palestinienne ». Celan’est pas sans provoquer de pro-fondes contradictions au sein dugouvernement de l’Etat d’Israël, dontcertains secteurs poussent aucontraire à l’affrontement avec lesPalestiniens. Du côté des Palesti-niens, la participation de dirigeantsde l’Autorité palestinienne à cespseudo-négociations ne rencontrepas l’assentiment de la masse desPalestiniens, qui savent bien parexpérience que rien de positif ne sor-tira pour le peuple palestinien de ces« négociations ».

EN TUNISIEL’assassinat de Brahmi, après celle deChoukri Belaïd, tous deux dirigeantsdu Front populaire, a provoqué unenouvelle vague de manifestations. Lapresse internationale présente cesdéveloppements en Tunisie commeune opposition entre le gouverne-ment islamiste et une oppositionlaïque. Certains groupes en Tunisiefont de même. De nombreux articlesveulent établir un parallèle avec lasituation en Egypte. Mais la réalité estdifférente. La mobilisation révolu-

tionnaire en Tunisie, encadrée etstructurée par la centrale syndicaleUGTT, avait non seulement abouti àchasser Ben Ali, mais aussi à liquiderdes pans entiers du régime de BenAli, à la différence de ce qui s’est pas-sé en Egypte, où l’armée est restée aupouvoir et a préservé le régime. C’estainsi que la mobilisation du peuplede Tunisie a conduit à la convocationd’une Assemblée constituante. Maisla conjugaison de l’action de nom-breux partis, appuyés par les grandespuissances, a dénaturé ces élections,interdisant de facto que soit élue unevéritable Constituante, au profitd’une élection législative qui adébouché sur un gouvernement ras-semblant le parti islamique Ennadha,mais aussi deux partis laïques, l’un dedroite, le Congrès pour la Répu-blique, et l’autre de gauche, Ettakatol.Le résultat de cet accord : le présidentde la République désigné, Marzouki,est le chef du parti du Congrès de laRépublique, le Premier ministre estissu d’Ennadha et le président del’Assemblée constituante est un res-ponsable d’Ettakatol. Pourquoi masquer cette réalité ? Parce que, précisément, cet accord decoalition nationale a permis non seu-lement de préserver les grandesorientations du gouvernement BenAli, mais de les accentuer. Ce gouver-nement de coalition non seulementn’a pas remis en cause l’accord d’as-sociation avec l’Union européenne,mais a franchi un pas supplémentaireen signant un partenariat privilégiéavec elle. Ce gouvernement a acceptétoutes les conditions mises en avantpar le FMI et l’administration améri-caine. Or, précisément, ces accordssont à la base de la destruction del’économie tunisienne qui avait pro-voqué le processus révolutionnaire, ily a deux ans et demi, sur le motd’ordre « du pain de l’eau, pas BenAli ».Devant les développements desmobilisations en Tunisie, les grandespuissances et certains de leurs relaisen Tunisie cherchent à jeter les bases

d’un gouvernement de coalition pluslarge, intégrant d’autres forces poli-tiques aujourd’hui dans l’opposition.C’est ainsi que le président de laConstituante a annoncé le gel de sestravaux comme un geste en directionde l’opposition et a demandé àl’UGTT d’assumer « son rôle histo-rique en parrainant des pourparlers »entre le gouvernement et l’opposi-tion. Selon l’AFP, « après plus de quatreheures de négociations le 12 avril, lechef du parti islamique Ennadha,Ghannouchi, et celui du puissant syn-dicat UGTT, Abassi, n’ont annoncéaucune avancée laissant présager unesortie de la crise provoquée par l’as-sassinat du député Brahmi (…).L’UGTT s’est retrouvée à contrecœurdans le rôle de médiateur entreEnnadha et l’opposition. »Une seule question est soigneuse-ment masquée par les médias inter-nationaux, c’est celle de la souve-raineté du peuple tunisien, qui nepeut être garantie que par la rupturedes liens de subordination à l’impé-rialisme. Cette question est valableen Tunisie, mais aussi en Egypte,comme ailleurs. �

Les grandes puissances, le Moyen-Orient et le Maghreb

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> Été 2013 <INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 264 SEMAINE DU 15 AU 21 AOÛT 2013II

Par S. K. Koza

La bourgeoisie aime camoufler sonsystème d’exploitation et ses for-faits sous les apparences de grandsidéaux. Des tonnes d’articles, d’es-sais, de livres ont donc été écrites

pour expliquer que la colonisation est undevoir des Européens pour l’élévation (1) desraces « inférieures ». Pourtant, au moment où les navigateurseuropéens ont commencé à visiter les côtesafricaines, les sociétés africaines, bien orga-nisées (Informations ouvrières, n° 263) et trèspeuplées (2), n’avaient rien à envier auxsociétés sur les autres continents à la mêmeépoque. « Qui plus est, à la suite de l’abolitionde ce trafic honteux et inhumain qu’était latraite des esclaves, les Africains avaient étécapables de s’adapter à un système écono-mique fondé sur l’exportation de produitsagricoles : huile de palme au Nigeria, ara-chides au Sénégal et en Gambie avant 1880 ;en Gold Coast (actuel Ghana), le cacao a étéréintroduit en 1879 par Tetteh Quashie, reve-nu de Fernando Poo. Toutes ces transforma-tions s’étaient produites en l’absence de toutedomination européenne directe (3). » EnAfrique de l’Est, il y avait un « ensemble d’ac-tivités économiques africaines dont le niveauétait déjà très élevé » (4). C’est dire qu’en rela-tion avec le commerce international, unprocessus de développement d’un capitalis-me endogène était en cours.Par la colonisation, l’impérialisme vacontraindre les peuples africains à se mettreau service du capital étranger, en empêchanttoute bourgeoisie nationale, avec ses intérêtspropres, de se développer. Pour ce faire, il vautiliser deux moyens : la contrainte physiqueet l’impôt.La contrainte physique a permis d’abord d’ar-racher les bonnes terres agricoles aux paysansafricains au profit des colons, particulièrementdans les colonies de peuplement. Parfois, lecolonisateur a cherché à vider le territoire desautochtones, notamment par l’extermination.Le travail forcé, donc non rétribué, a permisde construire à peu de frais des infrastructures(routes, ponts, etc.) pour l’écoulement des pro-duits dont le pays colonisateur avait besoin. Ila aussi permis de fournir à des entreprises colo-niales privées de la main-d’œuvre gratuite.

Enfin, dans certaines régions, la culture desproduits d’exportation (café, cacao, arachide,thé, coton, etc.) n’a pu être imposée que sousla contrainte du fouet (5).L’impôt (per capita, par case, etc.) va agir dela façon suivante : pour trouver la sommenécessaire au paiement de l’impôt, le paysanafricain sera obligé de se mettre aux culturesd’exportation, ou d’accepter un emploi sala-rié, notamment dans les mines. En effet, le travail salarié étant mal payé, et lesconditions de travail déplorables, le paysanafricain, pas plus bête qu’un autre, avait unefâcheuse tendance à préférer exploiter sespropres terres pour son propre compte, notam-ment pour les cultures vivrières dont il avaitbesoin pour nourrir les siens.Dans le même temps, le pouvoir colonial favo-risait les planteurs coloniaux et s’opposait àl’émergence de toute industrie autochtone.De ce fait, les Africains « produisaient des biensqu’ils ne consommaient pas et consommaientdes produits qui venaient d’ailleurs » (6).L’Afrique était un pays de cocagne, nourri desouffrances innommables, où tout était pos-sible pour tous les ratés d’Europe. On partaitaux colonies pour se donner une chance defaire quelque chose de sa vie. Pour les colons,ce système si avantageux devait rester éter-nel. La lutte des classes et des peuples en auradécidé autrement. N’en déplaise à ErnestRenan, le système colonial disparaîtra aussivite qu’il s’était installé. �

(1) C’est ce qu’exprime l’article 4 de la loi n° 2005-158du 23 février 2005, qui reconnaît « le rôle positif de laprésence française outre-mer ». L’évolution du Japon,qui n’a jamais été colonisé, comparée à celle de l’Afrique,dénie tout rôle positif à la colonisation.(2) Sans une population initiale extrêmement nom-breuse, après les fléaux de la traite négrière et de lacolonisation, la population africaine n’aurait-elle pasdisparu ?(3) Albert Adu Boahen, Histoire générale de l’Afrique,tome VII, éditions Unesco, p. 26.(4) Walter Rodney, Histoire générale de l’Afrique, tomeVII, éditions Unesco, p. 363.(5) Ibid., p. 368.(6) Ibid., p. 377.

L’Afrique sous domination coloniale

Repères

� 1904 : pour les priver de leurs terres,génocide des Hereros, en Namibie, par l’Allemagne, avec camps de concentra-tion et utilisation de prisonniers comme cobayes.

� 1914 : Première Guerre mondiale. La défaite de l’Allemagne lui fera perdretoutes ses colonies (Cameroun, Togo,Namibie, Tanganyika, Rwanda, Burundi) au profit des Alliés.

� Vers 1920 : pour donner une formelégale à la violence, la punition du fouetsur ordre de l’employeur est remplacée par une condamnation judiciaire du travailleur à la peine du fouet.

� Vers 1920 : l’impôt per capitaremplace l’impôt sur les « cases », qui était très contesté.

(deuxième partie)

� Eléments d’histoire de l’Afrique (VI) �

Dans le précédent volet de cette série, nous avons vu dans quelles conditions la conquête coloniale de l’Afrique a eu lieu. Dansle présent volet, nous allons voir sous quelles formes la domination coloniale s’est exercée.

Eclairage

La justification du colonialisme par certainsintellectuels européens« La régénération des races inférieures ouabâtardies par les races supérieures estdans l’ordre providentiel de l’humanité.L’homme du peuple est presque toujours,chez nous, un noble déclassé, sa lourdemain est bien mieux faite pour manierl’épée que l’outil servile. Plutôt que detravailler, il choisit de se battre, c’est-à-dire qu’il revient à son premier état. Regereimperio populos, voilà notre vocation. Ver-sez cette dévorante activité sur des paysqui, comme la Chine, appellent la conquêteétrangère. Des aventuriers qui troublentla société européenne, faites un versacrum, un essaim comme ceux desFrancs, des Lombards, des Normands, cha-cun sera dans son rôle. La nature a faitune race d’ouvriers, c’est la race chinoise,d’une dextérité de main merveilleuse sanspresque aucun sentiment d’honneur ; gou-vernez-la avec justice, en prélevant d’elle,pour le bienfait d’un tel gouvernement,un ample douaire au profit de la raceconquérante, elle sera satisfaite ; une racede travailleurs de la terre, c’est le nègre ;soyez pour lui bon et humain, et tout seradans l’ordre ; une race de maîtres et desoldats, c’est la race européenne. Rédui-sez cette noble race à travailler dans l’er-gastule comme des nègres et des Chinois,elle se révolte. Tout révolté est, chez nous,plus ou moins, un soldat qui a manquésa vocation, un être fait pour la viehéroïque, et que vous appliquez à unebesogne contraire à sa race, mauvaisouvrier, trop bon soldat. Or la vie quirévolte nos travailleurs rendrait heureuxun Chinois, un fellah, êtres qui ne sontnullement militaires. Que chacun fasse cepour quoi il est fait, et tout ira bien » (1).

(1) Ernest Renan, La Réforme intellectuelle etmorale ; cité par Aimé Césaire, Discours sur lecolonialisme, éditions Présence africaine, p. 7.

Exemple de l’alliance du sabre et du goupillon :instructions de Jules Renquin, ministre belge des Colonies,aux missionnaires du Congo belge (actuelle République démocratique du Congo)

« (...) Le but essentiel de votre missionn’est donc point d’apprendre aux Noirs àconnaître Dieu. Ils le connaissent déjà.(…) Ayant le courage de l’avouer, vousne venez donc pas leur apprendre ce qu’ilssavent déjà. Votre rôle consiste, essentiellement, àfaciliter la tâche aux administratifs et auxindustriels. C’est donc dire que vous interpréterezl’Evangile de la façon qui sert le mieuxnos intérêts dans cette partie du monde.Pour ce faire, vous veillerez entre autresà :1. Désintéresser nos “sauvages” desrichesses matérielles dont regorgent leursol et sous-sol, pour éviter que, s’inté-ressant, ils ne nous fassent une concur-rence meurtrière et rêvent un jour à nousdéloger (…). »

Conditions de vie et de travail du salariéafricain dans les colonies« Les salaires étaient maintenus à unniveau incroyablement bas. Toute ten-dance au relèvement était contrecarrée ;le pouvoir d’achat ne cessait de s’effriter,d’une part, en raison des poussées pério-diques d’inflation, d’autre part, parce queles salaires étaient diminués ou laissés àla traîne par rapport aux prix. Les colons(…) s’entendaient (…) pour maintenir(la main-d’œuvre) dans une conditionsemi-féodale grâce à l’établissement de“carnets de travail” qui limitaient outra-geusement la possibilité de changer d’em-ployeur. Pendant toute cette période, lesemployeurs se sont opposés à la consti-tution d’organisations ouvrières (…). Lestravailleurs n’étaient pas indemnisés encas de maladie, d’incapacité, de chômageou de vieillesse (2). »

(2) Ibid., p. 373.

L’Etat colonial s’opposait à l’émergence

d’une industrie nationale« Ainsi les industries françaises s’oppo-sèrent vigoureusement — et longtempsavec succès — à toute initiative de miseen place d’une industrie de broyage desoléagineux au Sénégal. Au Tanganyika,quelques planteurs de sisal réussirent en1932 à mettre sur pied une corderie ;mais, dès l’apparition de leurs articles surle marché de Londres, les protestationsdes cordiers anglais furent telles que leColonial Office réaffirma explicitement leprincipe selon lequel l’Afrique devait êtremaintenue dans son rôle de productricede matières premières (1). »

(1) Walter Rodney, Histoire générale del’Afrique, tome VII, éditions Unesco, p. 376.

Hereros pendus en 1904. Séchage du cacao.

Champ de thé.

Fèves de cacao.

DR

Photos DR

Par Jean-Jacques Marie

Si le découragement s’empare unmoment de certains rescapés etsurvivants de la révolution russe de1905, le calme provisoire quisemble suivre son écra-

sement est trompeur, car la condi-tion des paysans et la surex-ploitation ouvrière n’ont changé enrien.En 1911, une des famines récur-rentes qui frappent la Russie faitdes dizaines de milliers de mortsdans les campagnes où les paysansrenâclent devant les annuités qu’ilsdoivent payer pour le rachat desterres qui a suivi l’abolition du ser-vage en 1861, et aspirent à mettre lamain sur les grandes propriétés sei-gneuriales.L’année suivante, le monde ouvrierest profondément secoué, à la mi-avril 1912, quand l’armée massacreprès de 300 grévistes de la LenaGold Fields, propriété des Roth-schild, en Sibérie. La colère suscite une vaguede grèves puissantes qui mêlent protestationpolitique et revendications sur les salaires etles conditions de travail. Fin 1912, la Russiecompte 725 000 grévistes, alors qu’ilsn’étaient que 105 000 à la fin de 1911. De sonexil près de Cracovie, Lénine fonde alors àSaint-Pétersbourg un quotidien légal, la Prav-da, « journal ouvrier ». Les numéros suivantsauront des tirages de 20 000 à 40 000 exem-plaires, mais seront accablés d’amendes.Nous avons relaté cet événement l’année der-nière dans notre supplément d’été.La quatrième Douma, dite des Seigneurs etélue en septembre 1912, comporte, malgré la surveillance des opérations électorales parla police et le clergé, fraternellement uniscomme il se doit, treize députés sociaux-dé-mocrates, sept mencheviks et six bolcheviks.Le mécontentement social se conjugue avecune crise politique rampante soulignée parl’affaire Beilis (voir notre encadré ci-contre).L’autoritaire Nicolas II, considérant qu’il esttsar de droit divin par la grâce de Dieu, refusetout dialogue, même avec la majorité monar-chiste de la Douma ; il choisit systématique-

ment ses ministres dans les rangs de labureaucratie d’Etat, incompétente, mais sou-mise. Les cercles d’affaires et la noblesseacceptent mal ces choix systématiques surlesquels ils ne sont jamais consultés, et ils gro-gnent et s’insurgent devant l’influence poli-

tique grandissante du moinepaysan Raspoutine, faux illuminéet vrai intrigant qui manipule latsarine à son gré. Le tsar et sacamarilla sont ainsi isolés dans lessommets mêmes de la bourgeoi-sie. Leur régime ne repose plus enréalité que sur le triple socle étroitdes grands propriétaires fonciers,du corps des officiers et de l’Egliseorthodoxe que le régime financesans limite. Alors que le mouve-ment de grève s’amplifie au prin-temps et au début de l’été 1914, letsar et sa cour optent pour la fuiteen avant : la guerre qui, croient-ils,ressouderait le pays autour du tsar.Fatale illusion : lorsque le trônevacillera en février 1917, la hiérar-chie orthodoxe et le haut état-

major lâcheront le tsar sans état d’âme.L’ancien ministre de l’Intérieur Dournovo,conscient de la fragilité du régime, attire l’at-tention du tsar, dès février 1914, sur les consé-quences d’une guerre à ses yeuxinéluctablement perdue : « Les troubles com-

menceront par l’accusation portée contre legouvernement d’être responsable de tous lesdésastres. Dans les institutions législatives, unevigoureuse campagne s’engagera contre le gou-vernement, suivie par une agitation révolu-tionnaire à travers le pays, avec des sloganssocialistes capables d’éveiller et de rallier lesmasses, d’abord sur le partage des terres, puissur celui de toutes les richesses et de toute lapropriété. L’armée battue (…) et emportée parla vague de la soif paysanne primitive de laterre sera trop démoralisée pour défendre la loiet l’ordre. » Enfin, « les institutions législatives et les partisd’opposition intellectuelle, privés d’autoritéréelle aux yeux du peuple, seront impuissantsà enrayer la vague populaire soulevée par eux-mêmes. » La cour reste sourde à cet avertisse-ment prophétique et assure le présidentfrançais, Raymond Poincaré — qui vient àSaint-Pétersbourg à la mi-juillet 1914 — quela Russie remplira son devoir devant lesbailleurs de fonds français. En contrepartie,par un traité secret signé en avril 1915, lesAlliés promettront au tsar la possession deConstantinople, ville qui n’avait pas été russeune seule seconde de son histoire… mais quigarantirait à la marine russe l’accès à la Médi-terranée.La révolution balaiera ces sanglantes rêveriesimpérialistes et, avec elle, la dynastie desRomanov. �

> Été 2013 <INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 264 SEMAINE DU 15 AU 21 AOÛT 2013

III

La dynastie des Romanov : un tricentenaire gros de tempêtes

Après la révo-lution de 1905,la conditiondes paysans etla surexploita-tion ouvrièren’ont changéen rien.

� Il y a un siècle : 1913, la marche à la guerre �

Le tsar Nicolas II Romanov, son épouse, née princesse

allemande et le tsarévicth Alexis,enfant né hémophile pour cause

de consanguinité…

… et les derniers appuis d’une monarchie déjà en pleine déconfiture,

le jour de la cérémonie.

ÉCLAIRAGE

L’affaire Beilis ébranle le régime impérial

L’Eglise orthodoxe.La haute hiérarchie militaire. Phot

os A

FP

DR La cour impériale.

En mars 1911, on avait découvert, dansune grotte près de Kiev, le cadavred’un adolescent le corps et la tête cri-

blés de quarante-sept petits trous. Lettres ettracts anonymes affirment que le garçon aété égorgé par des juifs, désireux d’em-ployer son sang pour la fabrication du painazyme consommé à Pâques, et crient ven-geance. La police arrête l’artisan juif MendelBeilis, accusé de crime rituel. Le ministère de la Justice soutient l’accusa-tion. Mais la provocation antisémite échoueune première fois. Les avocats se mobi-lisent. Les juges renâclent ; les jurés, pour-

tant bien sélectionnés, aussi. En octobre1912, Beilis est acquitté, mais la policecontinue de dissimuler et protéger les véri-tables assassins de l’enfant.Les avocats de Beilis prétendent mener uneenquête pour les découvrir. Le ministre dela Justice le leur interdit. Mais en mêmetemps que la vague de grèves déferle sur lerégime jusqu’à la guerre, l’accusation com-manditée par la cour se délite complè-tement : l’échec du procès Beilis souligne lafragilité du régime qui se décompose der-rière les flonflons et les cérémonies du tri-centenaire de la dynastie. �

En 1613, à la fin d’une longue périodede l’histoire de la Russie qualifiée de « temps des troubles », MichelRomanov monta sur le trône de l’immense empire. En 1913, son lointain successeur, le tsar Nicolas II, décida d’organiserune grandiose célébration du tricen-tenaire de la dynastie des Romanov. Il en avait bien besoin tant celle-ci était en pleine décadence et déjà en perdition.La bourgeoisie française, qui alimen-tait largement le régime en plaçant à tout-va les fameux emprunts russesauprès des petits porteurs français,jugeait pourtant le régime solide. Elle comptait d’ailleurs sur le « rouleau compresseur » de ses Cosaques lors de la guerre qui s’annonçait déjà avec l’Allemagne.

Après 1905

Le 3 janvier 1905, les ouvriers de l’usine Poutilov, à Saint-Péters-bourg, débrayèrent pour protestercontre le licenciement de quatred’entre eux. L’assemblée des ouvriers,menée par le pope Gapone, organisala grève qui, le 8 janvier, entraîna près de 150 000 ouvriers. Gapone leur proposa de porter solen-nellement au tsar, dans son palaisd’Hiver, une pétition exposant leurs revendications, signée dans l’enthousiasme. Le dimanche 9, le frère de Nicolas II fit mitrailler puis sabrer une foule de plus de 100 000 ouvriers et ouvrières, avec leurs enfants,devant le palais d’Hiver et aux quatrecoins de la capitale. Des centaines de morts jonchèrent le pavé. Ce « Dimanche rouge » ébranla l’em-pire et déboucha sur une grève géné-rale en octobre 1905, qui arracha au tsar quelques concessions comme la création d’une Douma(assemblée) consultative élue.

Vers l’effondrement

Après avoir écrasé la révolution de 1905, la monarchie reprit un moment les choses en main, dissolvant les deux premières Doumas, dont la majorité ne lui convenait pas, et fit pendrequelques centaines de révolution-naires. Les événements qui se succédèrent alors allaientmener à l’effondrement de cette monarchie gangrénée par tous les vices de l’absolutisme et de plus en plus incapable d’éviterl’agonie qui la conduira à 1917.

Repères historiques

� 1905 : première révolution russe.

� 1911 : famine dans tout le pays.

� 1912 : vague de grèves à la suite de la répression à la Lena Gold Fields.

� 1912 : Lénine et les bolchevikspublient le premier numéro de la Pravda.

� 1913 : échec de la provocation antisémite Beilis.

� 1914 : éclatement de la PremièreGuerre mondiale. La Russie alliée avec la France et la Grande-Bretagne.

� 1917 : révolutions de Février et d’Octobre. Le congrès panrusse des soviets prend le pouvoir.