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JURISPRUDENCE 219 No 2781. - de commerce de Bruxelles. - 12 janvier 1927. (Soc. an. X... cf Y ... ). Société anonyme. - 1. Souscription d'actions. - Libération des actions souscrites.- Poursuites en recouvrement.- Qualité de souscripteur contestée.- Indivisibilité de la compétenèe et du fond.- Compétence. II. Procuration pour souscrire. - Acte sous seings privés. - Capacité du mandant.- Femme mariée. I. Les tribunaux de commerce sont compétents pour condamner à faire un versement sur une action de société anonyme. La dénégation de la qualité d'associé est un simple incident dont le tribunal de commerce dÔit connaUre puisqu'il doit vérifier sa compé- tence, laquelle apparaît, en pareil cas, liée au fond. Par la qualité visée à l'art. 38 de la loi dtt 25 mars '1876, il faut entendre non point une condition j'ltrillique qui, résultant d'un acte volontaire limite ses effets à une sphère jnl"idique propre it cet acte, uuiis une condition juridique qui, fût-elle le résultat d'un acte volontaire, est de nature à exercer son influence snr de nombre'lises relations j'ltridiques même étrangères an dit acte, qui est susceptible de modifier le statut juri- dique d'une personne et pour autant même que cette modification résulte de dispositions du Code civîl. Il. La date n'est pas une condition de validité d'un acte sous seing privé. L'art. 1326 ne s'applique pas aux actes sozts seing privé constatant 1tne convenl'ion synallagmatzque telle que la souscription ll'actions ; il ne s'applique donc pas it la procuration pour souscrire. Il incombe it la personne actuellement capable qui prétend qu'un acte a été accompli 1iar elle alors qu'elle était incapable, de prozll'er que l'acte a été accompli it cette époque. Dans un acte sous seing privé rien ne s'oppose à ce que la rédaction ne s'accomplisse que postérieurement à la signature. Revu le jugement enreg·istré du 1er décembre t 926, par lequel, en présence de ht prétention de la défenderesse de ne condure que sur la compétence, le tribunal faisant droit aux conclusions de la rlemandet·esse, joint l'incident au fond et ordonné à la défenderesse de conclure à toutes fins ; Quant à la compétence ; Attendu que la demande a pour objet de faire condamner la défenderesse à .effec- tuer divers versements sur actions souscrites ; · Attendu que la défenderesse dénie avoir souscrit les actions en vPrtu rtesquelles elle est poursuivie et décline de ce chef la compétence du tribunal de conunet·ce; Attendu que seuls les tribunaux de conunrrce sont compétents pour condamner à faire un versement sur une action de société anonyme puisqu'eux seuls sont compétents pour connaître des contestations entre associés pour raison d'une société de commerce (loi du 25 mars ,l876, article 12, 2°); Attendu qu'une action pal'eille devant nécessairement être pOI'lée devant le tribu- nal de commet·ce, la déuég·ation de la qualité d'associé apparaît cumme un simple incident dans le développement de ceLte actic'n ; que certes la décision à rendre sur cet incident doit exercer son influence sur la compétence ; que s'il appert que la

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JURISPRUDENCE 219

No 2781. - T~ibunal de commerce de Bruxelles. - 12 janvier 1927. (Soc. an. X ... cf Y ... ).

Société anonyme. - 1. Souscription d'actions. - Libération des actions souscrites.- Poursuites en recouvrement.- Qualité de souscripteur contestée.- Indivisibilité de la compétenèe et du fond.- Compétence.

II. Procuration pour souscrire. - Acte sous seings privés. - Capacité du mandant.- Femme mariée.

I. Les tribunaux de commerce sont compétents pour condamner à faire un versement sur une action de société anonyme. La dénégation de la qualité d'associé est un simple incident dont le tribunal de commerce dÔit connaUre puisqu'il doit vérifier sa compé­tence, laquelle apparaît, en pareil cas, liée au fond.

Par la qualité visée à l'art. 38 de la loi dtt 25 mars '1876, il faut entendre non point une condition j'ltrillique qui, résultant d'un acte volontaire limite ses effets à une sphère jnl"idique propre it cet acte, uuiis une condition juridique qui, fût-elle le résultat d'un acte volontaire, est de nature à exercer son influence snr de nombre'lises relations j'ltridiques même étrangères an dit acte, qui est susceptible de modifier le statut juri­dique d'une personne et pour autant même que cette modification résulte de dispositions du Code civîl.

Il. La date n'est pas une condition de validité d'un acte sous seing privé. L'art. 1326 ne s'applique pas aux actes sozts seing privé constatant 1tne convenl'ion

synallagmatzque telle que la souscription ll'actions ; il ne s'applique donc pas it la procuration pour souscrire.

Il incombe it la personne actuellement capable qui prétend qu'un acte a été accompli 1iar elle alors qu'elle était incapable, de prozll'er que l'acte a été accompli it cette époque.

Dans un acte sous seing privé rien ne s'oppose à ce que la rédaction ne s'accomplisse que postérieurement à la signature.

Revu le jugement enreg·istré du 1er décembre t 926, par lequel, en présence de ht prétention de la défenderesse de ne condure que sur la compétence, le tribunal faisant droit aux conclusions de la rlemandet·esse, a· joint l'incident au fond et ordonné à la défenderesse de conclure à toutes fins ;

Quant à la compétence ; Attendu que la demande a pour objet de faire condamner la défenderesse à .effec­

tuer divers versements sur actions souscrites ; · Attendu que la défenderesse dénie avoir souscrit les actions en vPrtu rtesquelles

elle est poursuivie et décline de ce chef la compétence du tribunal de conunet·ce; Attendu que seuls les tribunaux de conunrrce sont compétents pour condamner

à faire un versement sur une action de société anonyme puisqu'eux seuls sont compétents pour connaître des contestations entre associés pour raison d'une société de commerce (loi du 25 mars ,l876, article 12, 2°);

Attendu qu'une action pal'eille devant nécessairement être pOI'lée devant le tribu­nal de commet·ce, la déuég·ation de la qualité d'associé apparaît cumme un simple incident dans le développement de ceLte actic'n ; que certes la décision à rendre sur cet incident doit exercer son influence sur la compétence ; que s'il appert que la

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défenderesse n'a pas souscl'it l'action en vertu de laquelle elle est pomsuivie, il en résulte que la défenderesse n'est pas associée et que le tribunal devra se déelarer iucompéteut, puisqu'il appai'aitJ;a que la contestation n'est pas entre associés, qu'en pareil c~s la compétence est liée au fond ; que le tri1mual doit, en principe, connaitre de l'incident puisqu'il doit vérifier sa compétence ; qu'il échet uniquement de rechercher si la connaissance de l'incident n'est pas soustraite au tribunat de commerce par une disposition spéciale de la loi ;

Attendu que l'article 38 de la loi du 25 mars ,J 876 dispose que le jug-e compétent pour statuer sur la demande principale connaîtra de tous les incidents et devoii·s d'instruction auxquels donne lieu cette demande!; toutefois les jug-rs de paix et les tribunaux de commerce ne pomront connaître dfs inscriptions de faux, des ques­tions d'état, ni des contestations de qualité;

Attendu que la première règ·le consacrée par cette disposition concerne l'instruc­tion de litige aufond par un juge compétent, mais que cette règle doit, pour les motifs qui l'ont fait adopter, s'appliquer ég·alement au ju~re lorsqu'il s'agit pour lui de vérifier non le fond de la cause, mais sa compétence ;

Attendu que par qualité visée en la susdite disposition, il faut entend1·e non point une condition juridique qui, résultant d'nil acte volontaire, limite ses effets à une sphère juridique propre à cet acte, mais une condition juridique qui, HU-elle le t•ésultat d'un acte volontaire, est de nature à exe1·cer son iuflueùce sur de nom­breuses relatioqs juridiques mêmes étrangèt·es au dit acte, qui est susceptible de modifier gravement le statut juridique d'une pei'SOJHJe et pour autant même que cetle modification résulte de dispositions du Code civil (qualité de femme commune en biens et d'héritier, de légataire, non la qualité de commerçant) (Voir Rev. prat. des Soo., observations sous Civil Bruxelles, '18 février 1925, 1925, p. 97. -DE PAEPE, Études S1l'/' la 001npétenoe, I, p. 336, no 7, et p. 361, 11° H) ;·

Attendu que le tribunal doit donc, au point de vue de sa compétence, rechercher si la défenderesse est actionnaire de la société demandet·esse ; qu'il ne peut se déclarer incompétent par cela seul que .la défende1·essè dénie de l'èti'e (Commerce Bruxelles, 13 Jùars H) W. Rev. zwat. des Soo., 1921, p. VH);

Attendu que la défetideresse reconnaît qu'à l'assemblée g·éné:·ale de la socié.té demand~resse du LO novembre J92J, à laquelle il a été décidé de porter le capital social à six millions, le sieur Van Dieren a comparu pour elle en vertu d'une pro­curation sous seing privé (emeg·istré à Bruxelles, HI, le 16 novembre 1921, vol. 13, F. 33, c. 10, au droit de cinq francs par le Receveùr (s.) Van Swieten) portant qu'elle lui avait donné mandat de souscrire 180 actions nouvelles, mais prétend que cètte procuration est nulle: to parce qu'e~lle n'est pas datée; 2° parce qu~ sa sig·nature n'e:st pas précédée des mols « lu et approuvé ll ou << hon pour pouvoir n, ainsi que l'exig·e l'article ·W26 du Code civil ; 3° parce qu'au moment où elle a déli­vré cette procuration son mari était encore en vie et que partant elle était incapable ; 4° qu'enfin, elle aurait donné sa sig-natme en blanc et qu'il y aurait eu abus de blanc seing ;

A !.tendu qu'il est constant et non dénié que la. procuration dont s'agH porte : << fait à ... le ... 1921 (sig·né) B. De Nay er;

Attendu que la date n'est pas une condition de validité de l'acte sous seing privé ;

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JURISPRUDENCE 221

que lorsqu'un acte sous seing· p1·ivé n'est pas :daté, la preuve de sa date n'est point faite par l'acte lui-même, vis-à-vis de celui qui en est le souscripteur, mais que l'absence de date laisse entière la validité de l'acte ;

Attendu que les prescriptions de l'article 1326 du Code civil ne concernent pas les actes sous seing· privé. constatant une convenlion synallag·matique. ( rass. fr.~

3 mai 1886, P. fr. 1886, 1. 873;- LAURENT, XIX, no 240); Attendu que la souscription d'action d'une société anonyme constitue une con­

vention synallag·matique ; Attendu que la souscription n'exigeant pas l'observation des formalités de l'article

1326, la procuralion donnée aux fins de souscrire ne les exig·e pas non plus; la procuration contient· vfrtuellement l'acte 11om· l'accomplissement duquel ~;>Ile est donnée ; dès l'instant où elle revêt les formes requises pour l'accomplissement de cet acte, elle est elle-même valable ;

Attendu que la capacité est la règle, l'incapacité l'exception ; que c'est à la per­sonne actuellement capable qui prétend qu'un acte a été accompli par elle alors qu'elle était incapable qu'il incombe de prouver que l'acte a été accompli à cette époque ;

Attendu que la défenderesse ne prouve pas que la rédaction de l'acte a Pu lieu après la signature ; qu'au surplus, dans un acte sous seing privé, rien ne s'oppose à ce que la rédaction ne s'accomplisse que postérieurement à la signature (Cass. BO mars 1893,-Pas., 1893, I, no 49);

Attendu que la défenderesse ne prouve pas qu'il a été abusé de sa signature; Attendu qu'il résulte de ces considérations que la défenderesse doit être tenue

connue ayant souscrit les actions dont s'ag·it au procès et qu'elle est associée ; que dès lors le tribunal est compétent pour connaître de la demande;

Au fond: Attendu que la défenderesse s'est refusée à conclure au fond ; Attendu qu'il résulte des coi1sidérations ci-avant développées quant à la compé­

tence, que la demande est fondée ; Par ces motifs,

Le tribunal écartant toutes fins et conclusions autres ou contr·aires ; Quant à la compétence : Statuant contradictoirement, se déclare compétent << ratione materiae » pour con­

naître de la demande ; .An fmid : statuant sur le profit du défaut. faute ·de conclusions prononcé à

charg·e de la défenderesse à l'audience du i er décembre 1926, la condamne provi­sionnellement à payer à la demanderesse :

'1° la somme de 4.500 fr. exigible depuis le 16 juilfet '1923; 2° la somnie de 4. 500 fr. exig·ible depuis le 31 aoùt 192:3 ; 3° la somme de 4.500 fr. exigible depuis le H décembre 1923; 4° les intérêts conventionnels sur ces t1·ois sommes au taux de 5 °/o l'an, drpuis

leur exig-ibilité ; La condamne en outre aux dépens taxés à ce jour ù 86,35 fr. ; _ Réserve à la demanderesse tous droits aux dommages-intérêts postulés dans l'as­

signation;

N'0 2781

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Commet l'huissier . Osseel pour sig·nifier le présent jugement à la défenderesse défaillante.

Observations. - I. Le jugement ci-dessus, fol'tement motivé, cor1sacre entièremeut l'opinion défendue dans cette Revue (voir les référ·ences citées daus la note d'obseevations sous le jugement du Trib. de comm. d'Anvel·s Ju 27 juillet 1926, ci-dessus reproduit 11° 2780).

Nous saisissons l'occasion de .ce commentaire pour revenir sue l'an~ notation teop br·èvP., insuffisante et, en vér·ité, supet'ficielle dont a- été aecompaguée la publication~ dans notre fascicule d'avril 1927 (Revue, n'' 2751) d'un jugement du Tr;ibunal de commerce de Gand (Fe ch.) du 19 jau vier· 1927.

Il s~y agissait d'un litige entre une société et un souscripteur cl'actious à qui était réclamé le versement de libér·ation de 50 °/o de sa souscr·iption. Ce sonscr·ipteur avait èxcipé de l'incompétence d'attt·ibu­tion de la jnl'idiction consulaiee, par les motifs qu'en droit la souscrip­tion d'actions d\me société ne constitue pas, en ella-même, un acte de commerce et qu~en fait., elle était ét.rangèt•e au commerce qu'il exerçait et constituait un simple placement de fonds. Le Tribunal de commer·ce de Gand avait admis celte exception et, le sriîvaut sur le terr·ain où le texte, d'ailleurs fort concis du jugem(:'nt, cil'conscrivait le

of

champ du débat (non commercialité de la sousct·iption d'actions)~ nous 1' a vous commenté en ces te J'mes : " Décision conforme à la jurispru­dence constante ".

P0ur· être exact, il mu·ait fallu écriee·: " argumentation confm•me à la jm·ispr!1dence cbnstante ". Mais il eüt convenu d'ajouter que cette ar·gmneu t.atiou s'agi_ tait~ en 1 'espèce, à côté de la question de campé­tcnce en litige ct laissait celle-ci entièeement en dehors de ses prises.

Eu l'éalité, la décision d~ incompétence était, en cette espèce, non tondée, par·ce que ereonémen t motivée.

Il irnpor·te peu, en effet, pone apprécier la compétence de la jur·idic­tion consulait·e à connaîtt•e d'un litige nyant pour objet, de la part d'une so~iété. le recouvrement elu montant de la libéeation d'une sousCI'iption d'actions, que cette sousct·iption soit, en soi, et même en fait llll acte non commercial.

Tel n'Pst pas, en ce cas, le fondement de l'exception d~incompétence; la nature de l'obligation qui est à la base de t'action en recouvrement est alors clwsé inùifférente. Ce qu'il faut prendre en considération, c ·est la qualité d~s parties en cause et ce, en raison de la disposition

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impérative de l'ad, 12, 2°, de la loi du 25 mars 1876, sur la compétence. Cet article attribue à la juridiction consulair·e la connaissance des " contestations enti'e associés pour raison d'une société de comme1·ce,. La poursuite en eecouvrement du montant d'une sousc1·iption contre l'associé sm1scriptem' J'entee dans cette définition. Le 'reibunal de com­merce de Gand, tout en ayant apprécié justement la nature en soi de l'obligation du souscripteur pom'suivi~ s'est mépeis~ à notJ'e avis, en se déclarant incompétent sur ce seul motif sans tenie compte de la règle pariculière d'attribution de la cause à la juridiction consulaire en raison de la qualité d'associés des-parties et du caractè1·e social de lem' contestation.

II. Les divers points résolus par le jugement en cette seconde partie n'appellent point de commentaire spéciaL

F. P.

No 2782. - Cour d'appel do Bruxelles (6e ch.). - 21 janvier 1927. MM. Michielssens, prés. ; Coppyn, avocat g-én. ; - Mtres Geysen (du Barreau d'An­vers) cf Albert Devèze, Leroi et Marquet, q. q. (ee dernier du Barreau d'Anvers).

(Ernemànn cf Berre et consorts et Vanden Berghe et consorts).

Société commerciale. - I. Liquidation de plus de 6 mois - Faillite. II. Demande de faillite par un créancier unique. - Recevabilité. -

Ébranlement du crédit. III. Société en comm~ndite simple. - F~illite de la société. - Faillite

des commandités. IV. Société en nom collectif déguisée. - FaHlite de la société. -

Faillite des associés solidairement responsables.

I. Une société commerciale en liquidation reste commerçante aussi longtemps que sa liqttidation n'est pas entièrement terminée et elle peut toujours être déclarée en faillite.

Il. La loi sur les faillites ne fait pas dépendre le prononcé de la ftüllite du nombre plus ou moins grand des créanciers, à supposer, quod non, qu'un créancier unique ne puisse provoquer une déclaration lle faillite.

L.e crédit d'un débiteur se trottve ébranlé lorsque, de son propre aveu, il est dans l'impossibilité actuelle de prélever dans sa caisse ou de se Jn'ocure1' par son crédit les fonds nécessaires a1l paiement de ses dettes. ·C'est au jour dujugement déclaratif qu'il faut se reporter pour apprécier l'état de

faillite de la société et de ses associés indéfiniment responsables. III. La déclaration de faillite d'·une 'société en commandite simple entraî1w- nécessai­

rement celle de l'associé indéfiniment 'responsable sans qu'il y aU lieu de reclzercher s'il était ou non encore commerçant à ttn autre titre, ni s'il s'occupait encore, en fait, de la gestion des affaires sociales.

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IV. La forme de société en commandite simple ne peut être opposée aux tiers si elle est contraire à la réalité des faits, notamment si elle 1·ecouvre une société en nom col­lectif déguisée.

La déclaration de faillite ll'une société en nom collectif entrainc: ipso facto celle des associés soUel airement responsable3.

Attendu que les causes inscl'ites sous les nos 14587 et 16030 sont connexes et qu'il y a lieu de les joindre ;

I. - Quant it l'appel formé par la société en commandite simple A. Ernemann et Cie, en liquidation :

AtLendu que la société appelante ne peut échapper à la faillite en prétendant que son activité ayant eessé à pat·tir de sa mise en liquidation, elle n'était plus cmu­merçante depuis plus de 6 mois au moment de la demande en déclaration de faillite ;

Attendu, en effet, qu'une société commerciale en liquidation reste commerçante aussi longtemps que s:I liquidation n'est pas entièrement· terminée, et que la défense faite par les articles 437 et 442 combinés de la loi du i 8 avril 1851, de déclarer eu faillite celui qui, de}luis plus de 6 mols, a cessé d'exercer son com­merce, ne }leut tt·ouver son application ù l'égard d'une société commerciale dont la liquidation est laissée en souffrance durant ce la}lS de temps (Cass. 5 mai 1911, Pas., I, p. 23a) ;

Qu'en l'espèce, la société appelante n'a été dissoute que le u. novembre 1923, soit moius de 6 mois avant le jugement dont appel ;

Attendu qu'ilti'est _nullement démontré que les consorts Berré, en avançant à la société appelante des capitaux très importants, se seraient comportés vis·à-vis d'elle, non comme des prêteurs, mais comme de véritables assodés teuus en cette <.Jualilé de partieiper aux pertes que la société a subies, ni qu'ils aient_ jamais }H'is ou entendu pt•endre une part quelconque à l'activité de la société ; que les droits qu'ils prétendent exercer contre elle constituent de simples- eréances qui, à défaut de remboursement, les t•endent recevables ù twnrsuivre. en qualité de créanciers, la faillite de leur débitrice ;

Attendu qu'il est CJnslant que la ~ociété appelante doit, depuis des années, aux consorts Berré, des sommes considérables qui n'ont été remboursées qu'en lt·ès faible partie et avec. beaucoull de p,eine; que, malgré leurs réclamations t•épétées, ils n'ont p:1 obtenit· payement Liu solde ou d'acomptes plus importauts ;

At tendu qu'il est sans relevance que les consorts Ber ré soient les seuls ct·éanciers actuellement connus de la société appelante ; que la loi sur les faillites ue fait pas dépendre l'application de l'at·ticlc 437 du nombt•e plus ou moins gTaud des cr~an­ciers, et qu'à supposer, quoll non, qu'un créan.cier unique ue puisse provoquer une déclaration de faillite, il échet de remarquer <1ue, dans l'espèce, les' consorts Berré sont au nombre de trois et sont créanciers de la société, non pas indivisément, mais séparément et personnellement en raison d'engagements distincts pris par la société vis-à-vis de chacun d'eux;

Attendu que. vainement encore, la société appelante soutieut que s'il lui était loisible de poursuivre sa liquidation et de fairé rentt•et' les sommes qui lui sont dues par des tiers, son actif lui pÙmettr,tit de faire face à ces obligations; qu'elle

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t1este- en défaut de l'établir'; mals qu'en fût-il ainsi,· encore· le faù ne serait-il pas concluanî; qu'on· ne pèht, en êffet, opposer à ml passif immédiatement exig·ible tin actif non liquide et dont la réalisation demeure p1•oblématique ;

Attendu qu'on ne })eut s'arrêter davantage au fait allégué par la société appelante que <<la réalité et l'im~portance des montants- revenanl ':nix .consorts Berré n'est pas étaJJli jusqu'ores >> ; q-u'en effet les· créances sur lèsquèlles les consorts Berré se foudent pom· poursuivre. la déclaration de f~lillitè de' leur débiteur sont pour hi· ' plupart exigibles et liquides e'tdûment établies par les éléments du dossier; '

Attendu qu'il suit de ià ·que l'état de cessation de paienÙmt .de la société appe­lante ne saurait être sérieusement' contesté; qu'il est en mêmè temps démoiltré que son crédit se t1·ouve ébranlé pni~que, de son propre aven, elle est dans l'impossibi­lîté actuelle de prélever' dâris sa caisse ou de se procurer par son crédit les fonds nécessaires au payemènt de ses dettes ; · .

Attendu qtie l'absènée ~invoquée de tout acte de protêt à charg·e de la société appelante est sans relevance,· la p1~euve de la cessatiou de payemellt et de l'ébranle-ment du crédit résultant d'autres élémeiltS dééisifs ; . . .

Attendu que· c'est donc à bon droit et par des motifs que la Cour adorite, qùe le premier jug·e a déclaré la société appelante en état de faillite et a fixé la date de la cessation des 1)ayemeùt.s au 5. octobre ·1923 ; ' .

II. - Quant à l'apz1el formé par A. E1·nemann : Attendu que la déclaration de faillite de la société entraîne nécessairement celle

de A. Ernemann, l'associé commandité indéfiniment responsable, sans· qu'il y ait lieu de rechercher s'il était ou no.n encore conüüerçant à un autre titre, ni s'il s'oc­cupait encore, eti fait, de la g·estion des affaii·es sociales ;

III. Qùant à l'appel formé par tes consorts Betré : Attendu que c'.est àu jour du j\}g-ement déclaratif qu'il faut se reporter pour

apprécier l'état de faillite; qu'à cette date (5 avriLf924) Antoine Vanden Berg·he était eneore en vie et que Edoua1·d Vanden Berg·he était décédé deptlis moins de SÎX IllOiS ; que leur déces ne fait . donc pas ObStade à leur déèlaration en· faillite, même d'otlice;

Attendu qu'il est constant qu' eil 19 23, seule année où un bilan fut dressé, les bénéfices réalisés par la soCiété furent répartis de manière à assurer -à Ernemann (commandité), à Antoine Vanden Berghe (conimanditaire) et à Edouard Vanden Berg·he (étranger à la société) une part exactenient ég·ale; qu',alol·s qn'elle avait pri­mitivement pour' objet « toutes opérations de banque ou de commission n, la société ne tal'da pas a modifier son activité en s;occmpant ·principalement de constructions d'immeubles sou.s la surveiltance>d'Antoine Vand~n Berg·he, awhitecte; que, d'autre part, Edouard Van den Berg'lie~se charg·ea de procurer à la société les capitaux indis­pensables à la marche des .aff<lires ·sociafes en les empruntant aux consorts Berré, auxquels il donna en même temps sa gara·ntie pei•sonnelle pour le cas où la société IÎlanquerait à ses obligations; que le 7 juin 1923, avec Eme,uann, il se fit rPmettre, par la veuve Berré, à titre de prêt et pour la société A. E1·neman'n et Cie, qui s'em­pressa deles réaliser, des cédules hypothécaires de-la Banque Nationale Arg-entine d'une valeur nominale de 20.000 pesos, cédules qui, disait-il, devaient << séjourner dans nos caisses» ; qu'il s'est personnellement occupé de la liquidation officieuse

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de la société avant sa mise en liquidation régulière ; qu'il était en possession des livres sociaux, lesquels passèrent, à sa mort, aux mains de son frère Antoine ; que c'est ce dernier qui se çhar~rea pour la société du recouvrement des créances du payement des dettes ;

Attendu que ces faits établissent l'existence entre Ernemann et les frères Vanden Berghe, d'une étroite et constante collaboration à la g·estion des affaires sociales à laquelle ils s'étaient intéressés par parts ég·ales;

Qu'ils démontrent en même temps que la société en commandite simple A. Ernemann et Cie était, sinon dès l'origine, du moins peu de temps après sa constitu­tion, devenue une société en nom collectif dég·uisée ;

Attendu que la forme de soci'été en commandite simple sous laquelle elle agissait ne peut être opposée aux tiers du moment où elle est contraire à la réalité des faits ; que les consorts Bel'l'é sont donc fondés à considérer la dite société comme une société en nom collectif, malgTé l'absence de toute publication légale et à se prévaloir de toutes les conséquences juridiques qui en découlent ;

Attendu qu'une fois admis que la dite société constitue une société en nom collec­tif, sa mise en faillite entraîne, ipso facto, celle de tous les associés solidairement responsables ; que c'est donc à tort que le premier juge a rejeté la demande de déclaration en état de faillite d'Antoine et d'Edouard Vanden Berg·he; ·

Attendu que Me Marquet, curateur aux faillites A. Ernemann et Cie, déclare s'en référer à justice ;

Attendu que les consorts Berré ne s'opposent pas· à la mise hors de cause que sollicite la demoiselle Filmé, mais sous toutes réserves quant à la validité de sa renonciation à la succession de fen Mme veuve Vanden Berghe ; -qu'il y a lieu, sous les lllêmes réserves, de mettre hors de cause en raison de- h~ur renonciation à la succession de leur auteur, les consorts Antoine Vandèn Berg·he, à l'exception de la veuve Antoine Vanden Berghe qui n'y conclut pas;

Par ces motifs, La Cour, entendu M. l'avocat g·énéral Coppyn en son avis conforme, donné·en

audience publique; statuant dans la mesure où le jug·ement est attaqué et écartant toutes conclusions non expressémént admises, joint les causes inscJ•ites sous les nos 14587 et 16030 ;

Donne acte à Me Devos de ce qu'il déclare se constituer, au nom des consorts Vanden Berghe et de la dame veuve Antoine Vanden Berg·he, en remplacement de son confrère Me Moreau, décédé ;

Donne acte à Me Duquesne de ce qu'il déclare se constituer pour la demoiselle Mathilde Filmé, assig·née en reprise d'instance ; met la dite demoiselle Filmé et les consorts Antoine Vanden Berg·he, à l'exception de la veuve Antoine Vanden Berghe, hors de cause et sans frais, mais sous toutes réserves quant à la validité de leur renonciation à la succession de leurs auteurs ;

Statuant sur l'appel des parties Demeuse, déclare les appelants sans gTiefs·; met leur appel au néant et confirme, quant à ce, le jug·ement dont appel ;

Statuant sur l'appel des parties Dries, met le jugement dont appel au néant, en tant qu'il a rejeté les demandes de déclaration de faillite d'Antoine Vanden Berg·he et d'Edouard Vanden Berg·he;

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jlfRtSPRÜDENdE 227

:Emendant quant à ce, déclare ceux-ci en état de faillite ; fixe 1 a date de la cessa• ti on des payements au 5 octobre f 923 ; dit que les mesures ordonnées au dispositif du ju~rement dont appel sous les nos 2, 3, 5, 6, 7, seront appliquées aux faillites d'Autoine Vanden Berghe ·et d'Edouard Vanden Berg·he;

Ordonne que la déclaration des créances aura lieu pour celles-ci aYant le 10 févr. 1927 ; confirme le jug·ement dont appel pour le surplus et condamne les parties de Me Demeuse aux dépens d'appel.

Observations. - Voir le rio 2783 ci-après et l'étude doctrinale consécutive (Revue, ll0 2784).

No 2783. - Cour d'appel de Bruxelles (lie ch.). - 6 avril 1927.

(Bréchon et El·ias cf Me Jacobs~ q. q., curateur à la fa'illUe Bréchon et Elias).

Société en nom collectif.- I. Liquidation de plus de 6 mois.- Faillite-. II. Associé en nom collectif. - Abstention d'acte commercial pendant la .Jiquida.tion. - Inopérance. - Faillite de l'associé entraînée par celle de la société. ·

I. Une société en nom collectif en liquidation conserve son caractère commercial jw:qtt' à la clôture de celle-ci et pettt, dès lors, être l'objet des mesnres de mise en fa'illite co1l­servatrices et protectrices de,ç droits des créanciers:

Il. Les associés d'une société ·en nom collectif conse1"vent au même tUre qu'elle, leur qualité de commerçant jusqzt'à la clôture de la liquidation et sont susceptibles, dès lors, comme elle, d'être mis en faillite.

Attendu que les causes nos 19298 et Hi445 sont. connexes et qu'il y a lieu de les joindre ;

Attendu qu'Elias a été d'office déclaré en faillite, par jugement du Tribunal de commerce de Bruxelles, en date du 1er mai 1926,· suite à la déclaration de faillite prononcée le jour même de la société en nom collectif Bréchon et Elias, dont Elias était un des associés, el, que, sur opposition d'Elias, le dit jug·ement fut maintenu sous la date du 23 octobre 1926 ;

Attendu qu'à tort Elias soutient 'que la société en nom collectif Bréchon et Elias, dissoute et mise en liquidation depuis le 29 avril1925, ne pouvait plus être mise en faillite, plus de 6lnois s'étant écoulés depuis sa mise en liquidalion; que les sociétés, en effet, en liquidation conservent lem· caractère comnwrcial jusqu'à la clôture de celle-ci et peuvent, dès lors, être l'objet des mesures de mise en faillite conserva­trices et l))'Ote.3trices des droits des créanciers ;

Attendu que c'est également à to1·t qu'Elias conteste le droit au tribunal de le déclarer personnellement en faillite, s'étant abstenu, depuis plus de 6 mois, de posei· quelque acte commercial personnel ; qu'il est solidaire, en effet, de tous les eng-ag·ements de la société en nom collectif dont il faisait partie ; qu'il conserve,

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bOCTRIN~

au même titre qu'elle, sa qualité de commerçant jusqu'à la clôture de la· .liquidation et qu'il est susceptible, dès lors, comme elle, d'être mis en faillite;

(Le reste sans intérêt). · Par ces motifs,

La Cour, entendu en son avis conforme, en audience publique, M. l'avocat g·éné­ral Sartini-van de Kerkhove ; joignant les causes ; rejetant toutes conclusions con­traires, reçoit l'appel d'Elias, en tant qu'il vise sa faillite personnelle ; reçoit les appels d'Elias et de Bréchon, en tant qu'ils visent la mise en faillite de la société Bréchon et Elias et, statuant à eet égard, dit pour droit que la société Bréchon et Elias ainsi qu'Elias lui-même pouvaient être mis en faillite, bien que la dissolution de la société et sa mise en liquidation remontassent au 29 avril f 92!) ; mais, avant de statuer plus avant et de se prononcer notamment sur l'état de cessation de payement et l'ébranlement de crédit des débiteurs dont s'ag'it, dit que les divers éléments rapportés aux débats ainsi que tous autres éléments utiles seront examinés par le sieur· Arttiau, avenue de Cortenberg, 22, à Bruxelles, que la Cour désigne en qualité d'arbitre-rapporteur.

Observations. - Voir l'arrêt reproduit ci-avant (Remte, no 2782) et l'étude doctrinale ci-après (no 2784). ·

No 2784. - De la déclaration de faillite des sociétés commerciales de personnes, prononcée pendant leur liquidation et de la failli.te consécutive de leurs associés solidaires ou indéfiniment responsables.

Les deux arrêts rapportés ci-dessus (nos 2782 et 2783) fixent de la manière la plus nette la jurisprudence de la Cour d'appel de Bruxelles sur des questions qui font, depuis de nombreuses années, !"objet d'une­controverse plusieurs fois tranchée par la Cour de cassation et inces­samment renouvelée.

Notre éminent prédécesseur CoRBIAU notait déjà dans les premières années de la publication de la Remte pratique cles sociétés, cet état d'instabilité, ou plutôt d'inquiétude, de la jurisprudence concernant l'interprétation de l'article 153 des lois coordonnées sur les sociétés en combinaison avec les articles 437 et 442 de la loi du 18 avril 1851 sur les faillites (Remte, 1911, no 2172 et les nombreuses références citées, notamment l'étude doctrinale publiée en 1903, sous le no 1479).

La question est de savoir si une société commerciale de per·sonnes en liquidation peut encore être déclarée jn faillite, plus de six mois après qu'elle a été dissoute; 1

N° 2784'

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DOCTRINE 229

La Cour de cassation trancha d'abord par l'affirmative la contra .. verse surgie sur ce point, par ce motif que l'achèvement ou accom­plissement final des affaires sociales en com's, qui constitue l'un des objets . de la liquidation, participe' par continuation nécessaire .. du cat·actère commercial attaché aux dites affair.es dès leur entreprise originaire et qu'en conséquence, même· pendant cette liquidation, la société comme1'ciale reste un .être moral commerçant (Pas., 1885, I, 91).

La controverse, ainsi refoulée de sa première position, recommença en se retranchant sur une seconde. Elle distingua entre les liquida­tions ; elle fit observer que, s'il y a des liquidations qui se trouvent devant une exploitation à continuer, devant des opérations commer­ciales à ·parachever, il en est d'autres dont l'objet se limite exclusive­ment aux pures et simples opérations de liquidation proprement dites: mobilisation de l'actif, apurement du passif et répartition du solde restant net entre les divers intéressés. Aux premières seules s'appli­quait, disait-on, la jurisprudence de la Cour de cassation ; quant aux secondes, argumentant a contrario de cette même jurisprudence, on prétendait que la liquidation sensu stricto ne comportant point d~acte commercial, la société perdait, dès sa dissolution prononcée, son caractère commercial ; la qualité de commerçante ·que lui avait imprimée l'exercice du commerce venait à lui manquer par l'arrêt de ce. commerce; dès lors, après l'expiration du sixième mois écoulé depuis sa dissolution, elle devait échapper à la faillite.

Plusieurs jugements et arrêts se prononcèrent en ce sens. Un arrêt de la Cour de cassation du 5 mai 1911 (Revue, 1911, no 2172) con.­damna cette interprétation en décidant que " s'il résulte de cet article qu'une société commerciale dissoute ne peut plus,· sauf dans le cas exceptionnel prévu par l'art. 115 (art. 157 actuel), se livrer à des entreprises nouvelles et ne subsiste plus que pour liquider ses opéra .. tions en cours, il en résulte aussi qu'elle conserve son caractère pri­mitif de société de commerce pendant toute la durée de sa liquidation, sans que la persistance. de ce caractère soit subordonnée à aucune condition ; qu'il importe donc peu que ses liquidateU:rs restent inactifs, J1lême dm'ânt plus de six. mois ; que leur inaction ne :porte atteinte ni à son existence hi à sa nature; que les actes de liquidation ne sont que le complément final des opérations sociales commencées; que la loieonsidère que la société, aussi longtemps qu'elle n~est pas entière ..

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230 DOCTRINE

ment liqüidée, ne cesse pas d'être commerçante 'quelles que soient les périodes plus ou moins longues· qui séparent les opérations .successivŒ à accomplir par ses liquidateurs ". La· Cotir ajoutait que=.sic:sa liq1Iida­tion est laissée en souffrance pendailt plus de six mois, " son com­merce n'est alors qu'interrompù et non pas abandonné "·

Cette décision tranchait la nouvelle conti·over'se dans le seris de la thèse défendue par le regretté CORBIAU (Revue,-no 1479, 1903, p. 311).

Il y avait eu pourtant encore des dissidences (cfr. Comm. Liége, 4janvier 1912, Revue, 1913, nu 2300). M. RESTEAU, dans son traité paru eil 1913, cite le Tribunal de commerce de Bruxelles comme per­sistant aussi dans ses enements antérieurs (Les sociétés anonymes devant la loi belge, no 1786, p. 380).

Il semble pmirtant aujOurd'hui bien acquis que l'opinjon confor·me_ à la jurisprudence de la Cour suprême, a rallié défiultivement la majo­rité sinon la totalité des suffrages (cfr. Con~m. Verviers, 9 décembre 1922, Rev·ue, 1922, no 2482). . '

Les deux arrêts ei-dessus en apportent 'une confir~mation dont la netteté ne laisse rien à désirer.

Le bon sens et la logiqüe indiquent, du reste, que si le législatem' a institué cette fiction que les sociétés commerciales dissoutes sont rép~ttées exister pour le·ur liq~tidation, ce ne peut être avec la volonté de leur attribuer~ dès lem' dissolution, une nature nouvelle, différente de la nature cmi:nnerciale dont il avait fait une condition de leur pei'­son'nalité distincte, donc de lenr existence juridique même. La loi sus-· pend les effets naturels de ·la dissolution en prolongeant fictivement, pour la liquidation, l'existence sociale à htquelle la dissolution est venue mettr-e fin. Donc elle laisse ou fait subsister le car·actère com­mercial de la société dissoute. S'il n'y avait plus de caractère com­mercial, il n'y aur·ait. plus d'être juridique distinct, il n'y aurait plus de société.

II.-Beaucoup plus délicate est la question de savoir si la per·sistance du caractère commercial de la société pour sa liquidation entr'aîne comme conséquence, dans les sociétés de personnes, que l'associé indé­finiment responsable pourra lui-même êti·e déclar'é en faillite plus de -6 mois après la dissolution de la société.

La raison de trancher le doute pâr 1 'affirmative serait une raison de logique : la société commm~ciale étant réputée exister jusqu'à achè­vement de sa liquidation,.l'associé indéfiniment responsable reste lui ..

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DOCTRINE 231

même commeeçant par l'effet de la persistance de sa qualité d~associé. Mais la subsistance de la société pour sa liquidation est une fiction

.légale, tout le monde est d'accord sur ce point; faut-il pousser la dialectique de la fiction jusqu'au point d'identifier, dans ses effets, l'associé indéfiniment responsable avec la société? CoRBIAU ne le pensait pas et il a pris parti contre cette opinion. avec sa vivacité de conviction habituelle, dans une étude docteinale de cette Remte (1903, no 1479).

Toute fiction, dit-il, en résumé, est de droit étroit. Celle de la per­sistance de la person~alité juridique de la société commerciale après sa dissolution a pour finalité, donc pour limite, les nécessités de la liquidation, avec les exigences consécutives de la sauvegarde des droits des tiers. Mais sans plus. Or, pour qt!e ce but soit atteint, il faut, mais aussi il suffit, que la société conserve sa personnalité; il n'est pas nécessa-ire qu'à cette personnalité sociale la personne individuelle de 1' associé reste identifiée, comme elle l'y était peiidant l'existence active de la société.

En effet; toutes les obligation~s de garantiede l'associé envers lli société peuvent s'accomplir sans qu'il soit besoin, à cette .fin, qu'il garde fictivement la qualité de commerçant, en dépit de sa volonté contraire, manifestée par la dissolution même de la société.

Cette manifestation de volonté est la plus énergique que l'associé puisse imaginer pour marquer sa résolution d'abdiquer la qualité de commerçant; c'est aussi le seul moyen légal qu'il-ait de s'en dépouiller.

D'autre part, la liquidation d'une société n'est point par elle-même une opération commerciale ; le fût-elle, il faudrait encore observer que c'est la société qui !;effectue par l'organe de ses liquidateurs et non par la personne de ses associés comme tels. Ceux-ci ne peuvent plus être que passifs à partir de la mise en liquidation qu'ils ont voulue. Néanmoins on continuerait de les traiter en " commerçants malgré eux ", nonobstant le principe fcmdamental de la liberté des professions. Et l'on se fonderait sur cette perpétuation d'une fiction répudiée par l'intéressé pour l'w;;sujettir, à ce titre, aux prescriptions rigoureuses et impératives des art. 437 et 442 de la loi sur les faillites !

I,l nous semble que cette argumentation ne laisse pas d'être sérieuse. Elle n'a pourtant pas fixé la jurisprudence.

Il y a un quart de siècle, la Cour de Bruxelles (5e ch.) avait statué deux fois, coup sur GOUp, dans le sens de l'opinio'n de CORBIAU

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332 DOCTRINE

(27 février 190~. Revûe, 1903, p. 82, no 1410 ~ et 2 juillet ;1903, Revûe, 1903, p. 223, ilo 1450); le inotif déterminant' de ces décisions a été que les àctes de la liquidation ne constituent pas 1 'exercice d'ùn commerce et dès lors " ne peuvent plus constitw r pùlll' les associés l'exercice habituel dè la profession dè commerçant ".

A présent, conp sur cdùp, deux chambt'es de la mênie Coue se pro­noncent dans le sens de la persistance autoinatique de la qu'alité de commerçant dans le chef de l'associé indéfiniment responsable, par le seul fait de s·a solidarité légale avecles eügagemènts de l'être moral. · · La Cotir n'invoque d'autre motif de sa Jm·isprudence actuelle que la solid.at~ité qui unit l'associé à la soc.iét)é. .

. Ce motif, à la vérité, pttraît. assez faible. En droit strict, l'associé.n'est_pas uni à la société par 1111 engage­

melit solidaire r)ur etsitnple ; il.n'est pas le co-engagé de la société. Celle-ci jouit, par la volonté Ii1êmc ·de la loi~ de la distii1ction de patrimoiüe, de la persomiàlité jüridique ; cettè peesonnalité est censée s'interposer entre les tiers et Fassocié d'une manière effective, à 'pl'euve que le tiers nè yeli.t obtenir de condàmnation à charge de l'a~~ socié à raison d'.ènga-gements de lasociété sans .avoir d'::1bord ou, au .moins en mêi11e temps; obtenu jugement à charge de la société (lois cooed., art 164,- ancien. 122). Le système de la loi belge est donc de ·c-onsidérer, en réalité, les associés en no·a1 collèctif et', plus géllé­ralen1ent, les associés indéfiniment responsables comme des ·garànts .des engagements sociaux, coinme des cautiolls tenues . vis-à-vis des tiei·s soliclairemeilt avec la société, de même gue tenues solidaire­ment entre elles. ·

C'est clone dans les règles elu caütionnement cmnbinéés avec celles ·qui régissent la ë1ualité d.e commerçant qu'il faut chercher le principe de la solütion de la question actuellement pendante. ·

Cette question, quelle est-elle ? Elle est exactement de sa,roir si l'associé,~ cautio11 solidaire de la

société commerciale de pet'sonnes a, de par son engagement de caütion solidaire,, la quàlit'é de commerçant aussi bien après la dissolution et pendant la liquidation de là société qu'avant cette disso}utüm.

Que l'associé ,en nom collectif ou indéfiniment responsable ait la qualité de commerçant pendant l'existence de Ja société, cela n'est pas douteux. Mais potw quelle I'aison exacte ? Il n'est 1:>as inutilede le préciser, car il est de principe, en droit, que le cautionnement est de

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DOCTRINE 233

soi, un_ acte civil ; même le cautionnement solidaire consenti· pae un non commerçant à l'occasibn d'nue dette conime't~cia1e d'un commer­çant constitue, en principe, une obligrution civile (Bruxelles. 7 avt•il 1880, Fas.~ 1880, II, 381); le;caütionnement solidaire devient com­mercial seulement·dans le .cas où .la cauti01Î a un intérêt personnel · dans racte. cotnmet·cial auquel elle est intervenue (Cass. fe., 21 mai 1906, P. fr., ÙW6, I, 433). _ Cette hypothèse de fait est pr·écisément celle où s'est placé Fassocié en nom collectif ou indéfiniment responsable : il a, pendant l'existence de la société commerciale de pet·sonnes qu'il a formée, un intérêt personnel aux eng_agements sociaux qu'il couvre solidairenient vis-à­vis des tiet's. Son engagement d'associé est donc commercial, bien qu'il ne doive se réaliser que sous la forme d'une garantie - en }Win­cipe civile - des obligations sociales envers les tiers,

Mais, d~autJ'e part, il ne suffit pas de faire un acte commercial pour acquérü· la qualité de cominerçant . cette qualité requiert la pt·ofession habituelle d'actes de commerce (Loi 15 décembre 1872, art. pr). Dans le cas de 1' associé e~1 nom collectif et de l'associé iüdé­tiniment resvonsal>le, la condition de " profession habituelle " est réa­lisée, car leur gat'antie solidaire s'attache à tous les actes· de la société qui n'en fait, pi1r hypothèse, qne de commerciaux.

Ils sont devenus associés à cette fin même. Ils sont donc commet'­çants par le fait qu'ils devif>nneut membres solidairement respon­sables d'une société commerciale de personnes.

La s_ituation est-elle la même à parth· du moment où la société est dissoute ? Les actes que fait alors la société ·restent évidemment com­met·ciaux en vertu de l'art. l er de la loi de Ü37:?, dernier alinéa ; ils émanent, eu e.ffet, d'un êtt'e jm·idique commerçant que la loi répute sùbsister, et l'on ne peut dir·e qu'ils aient une cause étt·angere au com­merce. Mais dans le chef des associés, l'acte èommercial qui doit s_er.., v ir, par sa répétition professionnelle. et habituelle, à fixer la qualité de con11nerçant, consiste, nous 1'avor1s dit, dans la garimtie solidaiee des engagements sociaux. Est-ce que, à partit· de la dissolution de la société,.oli pe,ut diee que les associés font encore "lem· profession habi­tuelle " de cette garantie ?

J'entends biel1 qu'il~ l'ont faH jusqne-là, mais manifestement,ils ne le feeont plus désormais ; c'est pPécisément pour ne> plus le faire, et pom' qu'on le saçhe, qu'ils· dissolvent là société et la ·mettent en Iiqui .. dation.

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234 DOCTRINE

J'entends bien aussi qu'ils demeurent justiciables, pendant tout le coues de la liquidation et pour tout ce qui la concerne, de la juridic­tion commm·ciale.

Mais ce n'est pas pai'Ce qu'ils seraient actuellement commerçants, c'est paece que les engag·ements dont ils continu~nt à r~pondre, soit les engagements de la société, soit les engagements de sa liquidation, étaient et sont en soi des engagements commeeciaux dans lesquels ils ont ou gal'dent un intérêt personnel, circonstance qui rend commer­ciale aussi lem~ garantie solidaire.

E~1 résumé donc~ la dissolution de la société met fin nécessaieement et par définition, non pas, sans doute, à la garantie solidaire des enga­gements clé la société et de sa liquidation, mais à la tJ1··ofession habi­t~telle de cette gaeant.ie. Donc elle met fin à la qualité de commerçant. à l'exercice elu commerce clans le chef des associés.

Par suite, lorsqu'il s'est écoulé plus de six mois depuis lors, -il nous parait évident que les associés doivent être libérés du risque de la déclaration de faillite.

Hormis les cas de fraude, évidemment. Cette exception n'est peut-.être pas inutile à formuler. Car l'expé­

rience judiciaire est là pour enseigner que l'un des moyens employés par des associés en nom collectif ou des associés indéfiniment respon­sables pour,échapper individuellement au risque d'étl'e entraînés dans

1

la faillite de la société, est de dissoudre celle-ci, puis d'en mener· la liquidation (qui souvent leur est stàtutairement confiée) de manière à masquer, pendant le délai fatidique de six mois, l'état d'ébranlement elu crédit de la société, ou de leurrer pendant ce temps les créanciers sociaux de promesses frustratoires, appuyées d'une représentation exagérée des détriments à craindre d'une déclaration de faillite.

Cette tactique dilatoire trouve, plus souvent· que de raison, quelque appui auprès de certains tribunaux de commerce, indulgents aux " embarras de trésorerie " de leur corps électoral et rétifs à y recon­naître les caea?tères (parfois, il est vrai, facilement discutables) de l'ébranlenwnt d~t crédit.

Quand alors la liquidation a été dùment traînée en longueur à la faveur de ces artifices, promesses, aternioiements et circonstances juridictionnelles favorables et que le cap !les six mois eévolus depuis· la dissolution. de la société a été doublé, un beau matin le liquidateur va déposer son bilan, ou bien se laisse attraire en décl;aration de faillite

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JURISPRUDENCE

sans offrir de résistance. ILrendJes .. armes, c··est-à~dire la caisse vide c~et :ëàdeJa]Jlaew:au Cut'ateur.,_ Celui-ci a bien toujours son recmirs à exercer sur les biens des associfs solidaires et indéfiniment respon­sables.

Mais on sait ce qu'en vaut l"aune : les six mois ont été employés par eux à une liquidation, beaucoup plus active- que la _liquidation sociale, de.leue avoir particuliee saisissable. Le curateur ne peut plus que dresser, de ce côté, procès-verbal de carence et les ex-associés! échappés à la faillite individuelle. n'ont plus qu'à attendre la clôture de la faillite sociale, pour se retrouver en état de recommencer leurs tom's de bateleurs.

Le moyen d'empêcher cet escamotage de la faillite sous le couvert de liquidations de complaisance, serait. d'une part, pour les créanciers intéressés de se montee!' plus vigilants dans la surveillauce de leurs débiteurs (sociétés et associés) et plus intr·ansigermts dans l'adhésion à des liquidations amiables ; d'autre part, pour certAins tribunaux de se montrer moins indulgents en favetlr des sociétés commerciales de personnes assignées en déc lai'ation de faillite, surtout lorsque ces soéiétés se sont déji' mises en liquidation et qu'il apparaît que la liqui­dation. confiée on non aux associés, n ·a pas été menée avec activité.

Enfin 1~ législateur devrait se convaincre de l'opportunité d'amen­dé-., les dispositions des aPticles 487 et 442 C. co. en stipulant; par analogie à ce qui se fait en matière de sursis (art. 613) " qu'en cas de faillite d'une société prononcée au· cours de sa liquidation, l'époque _de cessatjon de payement, par dérogation à l'art. 442, remontera, de plein droit an jour de .la dissolution de la société ".

Fer·nand PASSELECQ.

No 2785. - Tribunal de commerce de Liége. 2 novembre 1926. MM. Vivario, vice- prés. ; Robert Ring let, référ. ;

Mtres Tart, M. Waversin et Grafé, avocats.

(Société Belpol cf Skttpiewski).

Société commerciale. - 1. Compétence territoriale (art. 44, loi du 25 mars 1876).- Contestation entre une société et un de ses membres agissant comme tiers.

11. Compétence d'attribution. - Demande de paiement d'un solde de compte comprenant des dettes civiles et commerciales. - Compétence du tribunal civil.

N• 8'785 -

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236 JURISPRUDENCE

I. L'art. 44 de la loi clzt 25 mars 1876, qui défère att juge du liezt oit la société a son principal établissement les contestations entre associés, n'est applicable que si la contestation est née entre la soc'iété et un des associés ayant agi en cette qualité.

II. Le juge civil est compétent poul' connaitre d'une action en, paiement elu solde d'wz relevé de compte comptenant des dettes en parties civiles et en parties C011l11te1'ciales.

Dans le droit : Attendu que l'action tend à obtenir le paiement d'une somme de 42.411,36 fr.

représentant le solde d'un compte prétendùment approuvé pai·.le défendeur.; Attendu que celui-ci excipe de l'incompétence ratione loci du Tribunal de com­

merce de Liég·e sous prétexte qu'il suait associé de la demanderesse et que seul le juge du lieu où la Société a son principal établissement', c'est-à-dire Varsovie,· serait compétent pour com1aîlre du litig·e ;

Attendu qu'aux termes de l'art. 44 de la loi du 25 mars 1876, les contestations entre associés doivent être portées devant le juge du lieu où la Société a son prin ci~ pal établissement ;

Attendu que le législateur n'a entendu réserver la compétence au juge du domicile de la Société que pour autant qne la contestation soit née entre la dite Société et l'un des associés ayant agi en cette qualilé ; qu'il y a lieu d'appliquer les principes du droit commun lol'Sque le différend est né' à l'occasion d'obligations contractées par l'associé en qualité de tiers et non en exécution du conh;at d'association qui le lierait vis-.à-vis de la Société· démanderesse ;

Attendu qu'en suite d'une décision du Conseil d'administration en date du 20 octobrè 1922, la succursale de Belg'iqile, dont la direction avait été confiée au

· défendeur, fut supprimée de commun accord avec ce dernier; .qu'il fut convenu à cette date que le défendeur continuerait ses relations avec la société, non plus en qualité de représentant g·énéral, lui-même s'eng-ageant à ne faire ses achats qu'à la société demanderesse en ce qui concerne les bois de Polog·ne et la demanderesse prenant ~is-à-vis de lui l'eng·ag·ement de ne rien vendre en Belg'ique ou en Hollande sans passer par l'intermédiaire du défendeur ;

Attendu que cette convention verbale constitue, à proprement parler, un mono­pole plutôt qu'un contrat èe représentation; que ce monopole aurait puêtre confié aussi bien à un tiers. qu'au sieur Skupiewski; qu'il importe peu, dès lors, que ce dernier ait rempli à la société les foncti.ons d'administrateur ou qu'il ait été associé ; que le monopole ne lui fut pas coùcédé en cette qualité et que les contestations ayant pour objet, comme en respèce, ie paiement de bois vendus en vertù ne cette con­vention, ne peuvent être considérées connue existant entre la société et l'un de ses associés agissant comme tel ; que l'art. 44 de la loi du 25 mars 1876, n'est pas applicable ;

Attendu, surabondamment, que l'art. 52 de la dite loi règle la compétence en ce qui concerne les différends nés entre Bel~·es et étrangers ou entre étrang·ers; que cet article autorise le demandeur à assigner devant les tribunaux du royaume l'étrang·er qui a, en Belgique, un domicile ou une résidence;

Attendu qu'en l'espèce, ~e défendeur est domicilié à Liége ; que le jug-e de .c~ lieu est compétent pour connaître du litige ;

Attendu que le défendeur déciare -renoncer à l'èxception d'inçompéten_ee 1'atione

- N° 2785

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JURISPRUDENCE 237'

mafe1'iœ qU 1il soulève dans les motifs de ses conclusions; que .la demanderesse reconnaH le hien fondé de éette exception et sollicite du tribunal im jug·ement d'incompétence ; .

Attendu qu'aux termes de l'art. 170 du Code de procédure civile, si le tribunal était incompétent à raison de la matière, il sera tenu, même en l'absence de toute demanâe des parties, de renvoyer d'office devant qui de droit; qu'il en résulte que la demanderesse, comme le défendeur, peut opposer cette exceptioil à tous moments;

Attendu que l'action tend à obtenir le paiement d'un relevé de compte; que le fait que les sommes dues ont été reprises g·lobalement dans un état collectif, n'enlève pas à chacune de~ sommes prises séparément son caractère civil ou. commercial;

Attendu que la demanderesse réclame notamment une somme de 20.000 fr: restant due à l'occasion de la liquidation de la succursâle de Liége ;. que cette contPstation se meut entre la société d'une part et le directeur-gérant <:fe celte ·dernière ag'issant 'en cette qualité ; qu'en liquidant la situation existant entre lui et la société pour le compte de laquelle il était charg·é de faire des opérations en Belgique, le défendeur n'a nullement posé un acte réputé commercial par la loi ; qu'en ce qui concerne cette pal'tie de la réclamation, le Tribunal de commerce est incompétent pour en connaître ;

Attendu que l'extrait de compte dont le paiement est réclamé constitue dans l'esprit des parties, un tout indivisible; qu'à supposer même que le tribunal soit compétent pour statuer sur la somme réclamée, diminuée des 20.000 fr. dont ques­tion ci-dessus, encore est-il que le juge civil serait seul compétent pour connaître de l'action lorsqu'il est reconnu que celle-ci est complexe et a un caractère à la fois civil et commercial; qu'elle ne peut être soumise à une-juridiction d'exception;

Par ces motifs, . Le Tribunal donne acte au défendeur de ce qu'il évalue le litige à plus de

100.000 fr. ; ce fait, sans avoir éga1·d à toutes conclusions contraires, se déclare incompétent ratione materiœ pour connaître du litige; renvoie les parties à se pour­voir devant la juridiction compétente; _condamne la demanderesse aux dépens.

Observations. -Voici encore une décision où, pour apprécier sa compétence, qui était cont~stée, le -Tribunal a dû 'vérifier un point du fond du litige : à savoir si l'obligation, objet du procès, était née dans le chef du demandeur en sa qÙalité d'associé ou en une autre qualité (Cfe. Revue, nos 2778, 2779, 2780 et 2781).

La décision rendue est, du reste, strictement conforme aux pres­Ct'iptions légales tant en ce qui concerne la compétence territoriale (~rt. 44, loi du 25 mars 1876) qu'en ce qui concerne Tart. 13 de la même loi.

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238 JURISPRUDENCE

No 2786. -Cour d'appel de Liége (7e ch.). ~ 5 octobre 1926. M. Fasbender, prés. ; Mtre Guillot, avocat.

(Be1%·am,l cf Société Boztille).

Société commerciale.- Interrogatoire sur faits et articles. - Admi· nistrateurs et agents de société.

L'interrogatoire sur faits et articles d'une personne qui n'est pas partie à la ca1tse ni à titre personnel, ni qualitate qua, ne pent être ordonné.

Cette règle s'applique même aux administrateurs et agents de société dont on sollici· ferait l'interrogatoire sur des faits à _eux personnels.

Vu la requête ... ; . 1

Ouï en son rapport M. le conseiller Horion à c~ commis ; Attendu que l'exposant, appelant en sa cause cpntre la société anonyme « Scie1·ie

Bouille frères » en liquidation, demande que soit interrog·é sur faits et articles M. Ernest Van Creybeek, rep1·ésentant de commerce, domicilié à Glons, ex-directeur de la dite société ;

Attendu que le dit M. Van Creybeek n'est pas partie au procès, .ni comme repré­sentant de la société intimée, ni à titre personnel ;

Attendu, dès lors, qu'aux termes de l'article 32~ du Code de procédure civile, son interro~ratciire sm' faits et articles ne peut être ordonné ;

Attendu, en effet, que la condition d'être partie en cause s'appliqué même aux adminisirateurs ou agents de sociétés dont on sollicite 1 'intel'l'og·atoire à ce titre sur des faits qui leur sont personnels (voyez en ce sens CARRÉ et CHAUVEAU, Q. 1265 in fine; Panel. B., vo «Interrogatoire sur faUs et àrticles »,no 233, etc.);

Par ces motifs, La Cour dit n'y avoir lieu d'ordonner 1'interrog·atoire sollicité.

Observations. - '~ n n'y a pas de véeitable interrogatoil'e sur faits et aeticles possible entre les établissements publics " : tellè est la con­clusion que les Pandectes Belges donnent à leur commentaire del ~art. 336 C. Pr. ci v. et que confirme l''ar·rêt ci· dessus reproduit.

En effet, s'il faut, en vertu de l'art. 324, être partie en cause pour être passible de la procédure d'interrogatoire. ceux des administl'a­tem's et agents d'une société n'ayant. pas qualité pour rep1·ésenter la société en justice, n'ont aucun motif q'être présents à la cause, dans un procès qui lui est fait, pae bypothèse, en tant que collectivité seu­lement.

Et si des administl·ateurs ou agents sont attraits personnellement en nn procès fait à la société, ils seront passibles alors de l'inter'­rogatoire, mais à titre persml.nel et lem·s réponses ne poul'ront enga­ger qt~'eux-mêmes, non la société.

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JURISPRUDENCE

. L'art. 3_36 organise cependant l'interrogatoire sur faits et articles des collectivités : edicté pour les établissements publics~ on admet qu'il s'applique par identité de motifs aux sociétés commer·ciales.

Pour ces collectivités, et tout en restant dans le cercle du principe général de l'art. 324 quant à la nécessité pour tout interrogé d'être pe:--sonnellement présent à la cause, l'art. 336 règle la pi'océdure de mani~re que la collectivité puiss~ être régulièrement engagée par les réponses qui seraient faites en son nom, selon délibération préalable de ses organes statutaires, par un mandatairA spécialement désigné à cet effet : c'est la première partie de l'art 336. Cette procédure res­pecte la règle stipulant que " l'interrogatoire ne peut être ordonné que vis-a-vis d'une personne ayant la libre disposition de la chose qui fait l'objet de la contestation à propos de laquelle a lieu l'interrogatoire " (DALL07., Réf. yo Interrogatoire S~tr faits et articles nos 8, 9, Il ; -GARSONN,ET, t. II, p. 423).

L'article autorise en outre - et ceci est une exception à la con­dition de la personnalité de l'intérêt litigieux - l'interrogatoire des adnünistrateurs et agents de la collectivité " sur des faits qui leur seront p13rsonnels ". Mais les administrateurs et agents dont parle l'article 336 in fine sont ceux dont il parle dans sa première partie, c'est-à-dire les administrateurs et agents qualifiés pour représenter la collectivité en justice, donc les administi·atèurs et agents jJrésents ès q~tctlités a~t p1·ocès. De plus~ le législateur réduit l'efficacité probante des réponses qu'ils donneront sur ces faits à eux personnels : ces réponses n'auront que la valeur de simples renseignements auxquels le juge accordera " tels égards que de raison ".

Nous renvoyons, a propos de cette question délicate de procédure, à notre commentaire de la sentence du Conseil de prud'hommes d'appel de Bruxelles du 16 février 1924 (Revue, 1925, 11° 2624). Cfe aussi : RESTEAU, Les sociétés anonymes, t. II, no 864.

No 2787. - Tribunal correction~:~el de Verviers. - 2 avril1926. M. Cadiat, vice~prés. ; Mtres Maris cf Collignon, avocats.

(Depireux cf Lambert et consorts). Société commerciale. - Apports. - Evaluation frauduleuse. - Bilan.

-Faux. - Instruction criminelle. - Citation directe. - Demande reconventionnelle. - Non -recevabilité.

L'action publiqtte ne peut être mise en mouvement pal' la voie de la citation directe

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que si elle a poul' o~jet la 1'ép1'ession de cont1'aventions ou de délits non déférés· à la Cout d'assises. ' . ' r

La demande 1'econventionnellè n'est qzt'ltn incident de l'action principale et n'est pas J'ecevable en l'absence de celle-ci.

Attendu que les faits reprochés aux cités dans l'exploit de· citation et précisés encure par la partie poursuivante dans ses conclusions additionnelles, sont : 1 o d'avoir frauduleusement évalué lrs apports sociaux dans l'acte constitutif ; 2° d'avoir répété frauduleusement ces évaluations dans deux bilans successifs ;

Attendu que le premier· fait mr.t évidemment en jeu l'application des art. 196 et 197 du Code pénal (Cass. 23 octobre 1905 et 5 octobre 1903, Pas., 1906, 1, 31 et 1904, 1, 23; Liég·e, '14 février 192l et 22 juillet '1y22; J. de L., ·1921, p. 209, et 1922, p. 227); ' t . '

Que les deux autres.faits d'évaluation frauduleu;se sont expressément visés pat~ les articles 182, 183 des lois coordonnées sur les sociétés qui punissent le faux cc par altération de faits que les bilans ont pour objet de recevoir et de constater n

(Panel. belges, yo Bilan, nos 27 et suivants); Attendu que tous ces articles de la loi pénale prévoient l'application d'une peine

criminelle, la réclusion ; que la citation vise en réalité la répression de faits l!Ualifiés crimes par la loi ;

Attendu_ que l'action publique 1ie peut être mise en mouvement par la voie de la citation directe que si elle a pour objet la répression de eontraventions ou de délits non déférés à la Cour d'assises; qu'en l'espèce, la citation tend à entreprendre une procédure absolument illégale et inexistante ; qu'elle doit donc être considérée comme nulle de ce·chef aussi bien au point de vue de l'action publique qu'à celui de l'action civile ;

Vu l'art. 194 du Code d'instruction ct•iminelle ; Par ces motifs,

Le Tribunal, J'ejetant toutes autres conclusions plus· amples ou contraires, dit la citation nulle et de nul effet ; renvoie les cités des poursuites sans frais ; délaisse les frais à charg·e de la partie poursuivante- Depireux, ceux . de la partie publique liquidés à !) fr.

Quant à l'action J'econvent'lonnelle formulée par les cités: Attendu que l'action originaire étant déclarée non recevable, la dema11de recon­

ventionnelle qui n'en constitue un incident que dans le cas où il existe une demande , principale, ne saurait, celle.-ci venant à, disparaître, être poursuivie et jug·ée · (Bmxelles, 25 avril f89l, Pas., !893, III, p. 2t3) ;

Que d'ailleurs, en tout état de cause, la partie civile a pu, sans dol ni faute, se méprendre sur I'étendl)e de ses droits;

Par ces motifs, Le Tribunal-dit l'action reconventioimelle non l'ecevable ef en touteas mal fondée,

en déboute les cités et les condamne aux frais de leur action rec;,onventionneHe,

_Observations. - Voir l'arrêt ci-après reproduit (no 2788}.

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jùRiSPRUDËNCÈ

No 27811. - Cour d'appel de Liége (5e ch. correctionnelle). -30 juin 1926.

M. Dupret, cons. ff. prés.;- 1\'Jtres Moris et Collignon, avocats.

(Deplreux et M-P. cf Lambert et Consorts)

Société commerciale. - Apports. -Évaluation frauduleuse. -.Citation directe. -Incrimination de faux. - Incompétence du tribunal cor­rectionnel.

L'incrimination clans uné citation directe !( cl'évalttation frauduleuse faite dans » l'acte constitutif d'une sociiJté 11 en 1'elevrtnt (( la fausse évaluation des apports et 11 l'exagération voulue et calculèe de leur consistance, faite sciemment dans le but de 11 tromper les t'iers J>, saisissent le juge du crime de faux, lequel échappe à défaut d'une ordonnance de cm'1'ectionnalisation) it la compétence du tribunal correctionnel.

Attendu que, par ses conclusions additionnelles prises en p·emière instance et reproduites devant la Cour, la partie civile répète qu'elle se plaint. comme en la citation di1·ecte, d'évaluation frauduleuse faite dans l'acte constitutif de la société e restée la même dans les deux bilans publiés ~

Attendu qu'en qualifiant ainsi le fait, la citation ainsi que les conclusions relèvent la faussè évaluation des apports et l'exag·éralion voulue Pt calculée de leur consis­tance, faite sciemment dans le but de tromper les tiers, de sorte que, d'a près la partie civile, l'apport est fictif et inexblant, tout au moins en partie;

Attendu que le Tribunal, puis la- Cour, par l'effet de l'appel, ont été saisis par la citation directe de la connaissance de faîts qui, ainsi présentés, constiluent le crime de faux et entraînent l'application de l'article -Hl6 du Code pénal;

Attendu que le T!'ibunal conectionnel saisi de l'appréciation de faits qualifiés crimEs par la loi, sans qu'il soit intm·venu une ordonnance de corJ'ectionnalisa~ion,

n'était pas qualifié pour connaître du fond de ceux-ci; que la partie civile n'est donc pas fondéa, ainsi qu'elle le fait spécialement en ses conclusions additionnelles, à prétendt•e qu'il y a lieu d'écarter des débats tout ce qui constituerait le crime de faux pour ne retenit· que ce qui ne serait, à soli seris, que le délit d'escroquerie ;

Par ces motifs, · Et ceux non conti;aires des premiet·s jug-es, la Cour, écartant toutes conclusions

·aUtt'eS OU contraires COnfirme le jugement dont appel.

Observations. - Ces décisions(nos · 2787 et 2788) sont strictement conformes aux règles de rinstruction criminelle. L'action civile pat' voie de citation directe est ouvel'te à toute personne lésée, seulement en matière de contravention et de délit (C. Instr. crim., art. 145 et 162). Lorsque le fait dommageable est qualifié cvime par la loi," la personne lâsée Ile peut mettre l'action publique en mouvement que par voie de plainte avec ou sans constitution de partie civile (C. Instt~.

crim., art. 63).

N• 2788

J6

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No 2789. - Cour d'appel de Bruxelles (ll'e ch.). - 26 janvier 1927. 1\'IM. Bara. prés.; Janssens, prem. avoc. g·én~; Mtres Stinglhamber et Ferrier, avocats.

(Penen cf Antoine et consorts).

Société anonyme.- Liquidateur.- Contestation entre associés et liqui­dateur. - Compétence

Les t't'ibltnaux de commerce sont compétents ponr toutes contestations entre associés et liqnidatmt1'S ; · un liqnidatem· n'est en réalité que l' administ1'ateûr d'une société dissoute et le continuateur de la personne de cette soC'iété.

Attendu que l'instance dirig·ée par les intimés contre l'appelant tendait à obtenir de ce dernier la restitution de certaines sommes ainsi que de certains objets mQbi­liers qu'il aurait prétendument retenus sans droit, en sa qualité de liquidateur de la société en nom collectif G. Antoine et fils ;

Attendu qu'à tort le premier juge s'est déclaré compétent pour connaître de la dite demande :

Qu'il est, en effet, de jurisprudence constante que l'art. t 2, § 2 de la loi du 25 mars 1876, attribuant compétence aux tribunaux de commerce pour toutes con­testations entre associés ou entre administrateurs de société et associés, pour raison d'une société de commerce, s'applique ég·alement aux contestations existant entre associés et liquidateurs ;

Qu'un liquidateur n'est en réalité que l'administrateur d'une société dissoute et le continuateur de la personne de cette société ;

Attendu, au surplus, que l'appelant a été désig·né en qualité de liquidateur par jug·ement du Tribunal de commerce de Bruxelles, en date du 20 juillet 1922;

Que le présent litige porte ég·alement sur les honoraires qui lui sont dus en cette qualité en laquelle il a été du reste assigné ; 1

Que la taxation des dits honoraires fait l'objet !d'une instance actuellement pen-dante devant le même Tribunal ; 1

Attendu que, dans ces conditions, il est de l'intérêt d'une bonne justice que la cause soit renvoyée devant le dit Tribunal, mieux à même que tout autre d'apprécier la façon dont l'appelant s'est acquitté de la mission qui lui fut confiée et d'évaluer les honoraires qui lui sont dus;

Par ces motifs, La Cour, écartant toutes fins et conclusions autt·es, ouï, en son avis conforme

donné en audience publique, M. Janssens, premier avocat g·énéral, reçoit l'appel ; et y faisant droit, dit pour droit que le premier juge était incompétent pour statuer sur la demande dil•igée cont1·e l'appelant par les intimés ; en conséquence, met le jugement attaqué à néant ; émendant, renvoie les parties à se pourvoir comme de droit devant le Tribunal de commerce de Bruxelles ; condamne les intimés aux dépens des deux instances.

Observations. - La Cour de Bruxelles dans l'arrêt ci-dessus a raison de déclarer la jurisprudence constante en ce qui concerne la

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JURISPRUDENCE 243

Compétence des tribunaux consulaires pour juger le~ contestations entre associés et liqnidatem's, lo.rsqu'il s'ag·it de contestatious surgies au cours de la liquidation et oü les liquidateurs sont entrepris en leur qualité d'organes de_ la société.

Mais nous ne pouvons nous l'allier à l'arrêt lorsqu'il représente comme de jur'ispi'udeiice constante la compétence de ces tribunaux pour apprécier toute demande didgée par un associé contre un liqui­dateur même après la clôture de la liquidation et même lorsque l'ac­tion est dirigée contr-e le liquidateur personneUemen t. Il y a, en effet, sur ce point, une controverse très ancienne dans la jurisprudence et dans la doctrine.

Quant à celle-ci, voir ce qu'en dit RESTEAU (Les sociétés cmnmer­ciales, 11°8 2002, 2003 et 2004) et quant. à la jul'isprudence consulter la Revue (1912, nos 2243 et 2244).

Noti·e éminent prédécesseue CoRBIAU a toujours défendu cette dou­ble thèse :

P Que l'art. 12, 2o de la loi sur la compétence est d'interprétation stricte et ne peüt être étendu des aclnûnistndeurs aux liquiclate~trs,

si désirable qne l'on pût ti'Ouver cette extension en théorie juridique ; 2o Que les liqui,dateurs des sociétés commerciales dissoutes, lors­

qu' ils sont assignés non comme représentants de l'être moral et pour compte de celui-ci, mais pris à partie en leur nom propl'e et personnel, pour répondre in di viduëllement d'actes accomplis au cours et en exé­cution de leur mission~ sout justiciables des tribunaux civils (Cfr·. Remte, 1910, no 2093 et renvois).

Commeut en 1927~ la Cour d'appel de Bt·uxelles (Fe ch.) peut-elle dire la ,, jurisprudence constQ.nte " quant à l'extension aux Jiquida­tem's de l'art. 12, 2° de la loi sur la compétence~ loesqu'elle-même (2e ch.), il y a 15 ans, décidait; dans les termes les plùs formels et pour les motifs les plus catégot·iques, que ''" l'art. 12, § 2 de la loi du 25

. mars 1876, qui attribue aux tl'ibunanx de commerce la connaissance des contestations entl'e admitlistratem·s et associés pour I'aison d'une société de commerce, n, est pas applicable aux llqnidateur·s dont les fonctions sont essentiellement difrët·entes " (Bt·uxelles~ 28 juin 1911, Remte, 1912, no 2244) et que cet arrêt succédait lui-même, à une semaine d'intervalle, à un arrêt en sens contrait'e de la même Cour (Bruxelles, 7e ch., 21 juin 1911, Revue, 1912,~11° 2343)?

La vérité est que les décisions de jurisprudence rendues depuis

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.244 JURISPRtJ!>ENCE

quelque 50 ·ans sur l'application de l'art. 12, 2° de la loi de 1876, ne sont pas unanimes et que la majorité sont hostiles ·à l'interprétation extensive de cet article parce qu'il est attributifde compétence à une juridiction exceptionnelle.

Point de constance non plus de Ja jurisprudence sur l'attribution aux tribunaux consulaires des actions d'associés dirigées contre des liquidateurs en reddition de comptes, en restitution de livres ou de sommes, en contestation œhonoraires, en responsabilité d'exécution de leur mandat (cfr. Revue, 1910, no 2093 et les renvois).

La doctrine note, en la regrettant, du reste, cette instabilité ( cfr RESTEAU, Les soc. anonymes, ll0

s 2003 et 2004). L;exactitude rétablie sur le fait jurisprudentiel, il resterait à exa ..

miner, au point de vue des principes, la solution à laquelle la Cour de Bruxelles s'est rangée dans l'espèce ci-dessus.

Nous ne pouvons qu'adhérer quant à nous à l'opinion de CoRBIAU et de RESTEAU, tant de fois exprimée et justifiée dans cette Revue qu'il serait superflu d'y revenir :

" Sans doute, écrit RESTEAU (no 2003), il serait désirable que la con­naissance des contestations entre liquidateurs et associés fût attribuée aux tribunaux consulaires pour les motifs qui ont décidé le législateur à soumettre à la juridiction commerciale les contestations entre admi­nistrateurs et associés. Mais il n'appartient pas aux commentateurs de la loi pas plus qu'à ceux qni sont chargés de l'appliquer, d'y insérer tout ce que, d'après eux, elle aurait dù contenir. Ils ne peuvent que signaler l'imperfection de la loi et faire des vœux pour qu'elle soit améliorée ; c'est ce que nous faisons.

" Il en résulte que l'action dirigée par la société contre les liquida­teurs pour leur faire rendre compte (Cass., 23 janvier 1890, Pas., 1890, I, 64), pour les contraindre à restituer les actions sociales et l'encaisse de la société, pour les faire condamner à des dommages-intérêts pour fautes de gestion, pour faire rédt'iire leur compte d'honoraires doit être portée devant les tribunaux civils ·: ..

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JURISPRUDENCE

No 2790. -Cour d'appel de Bruxelles (9 6 ch.). - 10 mai 1927. 1\'I.M. Steyaert, prés. ; CoUard, av. g·én. ;

.1\'Jtres. Aug. Braun et Colette cf Brunet et Bolle, avocats

(Brunschwig cf Caytan et consorts).

245

Société commerciale. - Liquidateurs. -'- Ventes d'immeubles de la société.

1. Interdiction de se porter adjudicataires des biens de la société (C. c, art. 1596). -Droits préexistants des liquidateurs, en qualité d'asso­ciés, dans les biens mis en vente.

II. Ventes immobilières faites sans l'autorisation de l'assemblée géné­rale.- Pas de nullité.- Responsabilité des liquidateurs.

1. L'interdiction faite par l'art. 1596, C. c., aux mandataires de se porter adjudi­cataires des biens qu'ils sont chargés de vendre, s'applique aux liquidateurs des sociétés commerciales ; mais elle ne concerne pas ttn liq1tidateur qui a, comme associé, des droits -préexistants sttr les biens mis en vente.

Les associés, pendant la liqttidation, ne doivent pas être considérés comme des pro­priétaires ihdivis des biens de la soC'iétê; mais, en vertu de l'art. 160 des lois coor­données stt1'les sociêtês, ils ont droit att partage de l'e.vcêdent de l'actif de la liqttidation, lequel doit le1tr être J'emis par les liq1tidate1trs en êtat d'indivision.

Les liqttidate1l1'S peuvent, sans autorisation spéciale, réaliser toutes les valeztrs mob'ilières de la sociêtê; ils peuvent de même 1'êaliser le matêriel immobilisé par des ti­

. nation, en le .vendant sêparément dtt fonds, cette immobilisation fictive cessant par le fait même de la vente.

II. Les art, 156 et 157 des lois coordonnées sm· les sociêtês commerciales ne consacrent pas la nullité des ventes immobilières faites par les liquidateit1'S sans attforisation de l'assemblée généi'ale: ces ·ventes, to1tt en excédant les poztvoirs des liquidateurs obligent néanmoins la société, lellr mandante, si les tiers acheteurs ont ptt et elit croire que ces actes rentraient dans les pozwoirs des liquidateurs.

On ne pe1tt imposer aux tiers l'obligation de vérifier si les liqztidateurs doivent être pou1·vus poitr la vente, d'ttne autorisation de l'assemblée générale.

Les ventes immobilières faites par les liquidateurs sans l'autorisation de l'assemblée générale sont des actes de gestion irrégulière ouvrant, le cas échéant, contre eztx, ttne action en dommages intérêts.

Vu le jugement rendu le 22 juillet 1.924 par le Tribunal de commere de Bruxelles (98 ch.) ;

A. - Sw· l'act'ion dirigée par Brunschwig cont1'e les lièptidateurs Caytan et Bruynseels :

1. « Attendu que la dite action avait premièrement pour objet de faire constater » par le tribunal l'impossibilité pour une assemblée g·énérale de la société en nom » collectif Brunschwig· et Caytan de t•éunir une majorité et de faire dire pour droit

· » qu'à défaut de cette majorité le tribunal avait qualité pour statuer sur toutes les >> mesures à prendre pour la· sauvegarde des intérêts sociaux et le r~spect de la loi » ;

Page 28: No 2781. - de commerce de Bruxelles. - 12 janvier 1927. cfJURISPRUDENCE 221 que lorsqu'un acte sous seing· p1·ivé n'est pas :daté, la preuve de sa date n'est point faite par l'acte

246 JURISPRUDENCE

Attendu que le premier jug·~ a écarté ce chef de demande ; que sans doute, connne il le dit, il aurait pu uniquement constater que jus([u'alors il avait été impossible, pour une assemblée générale de la société,. composée des deux seuls associés

_ Brunschwig· et Caytan, de réunir une mafo}·ité et qu~il ne pouvait pas constater cette impossibilité pour l'avenir, d'abord parce que e'était la prononcer par "Voie dedispo­sition générale, ensuite parce que cette impossibilité pouvait constamment dispa­raitre par un revirement d'opinion qu de volonté de l'm1.des associés ;

1\iais attendu que ce.s considérations sont sans llOrtée dailS le présent Iitig·e ; Qu'il est certain que Brunschwig ne demandait aucune décision eng·ageant l'avenir

et contrait·e an prescrit de l'art 5 du Code civ11; Qu'on ne peut isolèr ie premier chef de la demande de l'appelant èt qu'il faut. le

mettt·e en rapport avec les termes de son assignation (enregistrée) et, notanuneut avec les autres élémeilts du dispositif de celle-ci ; ..

Que, si 1'01-i procède à ce rapprochement qui s'impose, on doit reconnaître que,. lorsque l'appelant demandait au tribunal de formulrr la constatation susdite,· re n'était que pour pl'ovoquer un motif de décider flans l'espèce et pour obtenir « in concreto >> la solution de la contestation aetuellel et précise qu'il lui soumettait, et l'aJ)lWobation des mesures qu'il propo!;ait pour r;emédier à un conflit existant;

Mais que, ·pour d'atitt·es motifs la Cour doit repousser ce chef de demande; Que celui-ci a son point de départ dans un raisonnement erroné ; Que l'appelant suppose que l'assemblée g·énérale avait qualité pour retirer le

mandat dP liquidation conféré at.IX intimés ; Attendu que Caytan était li<IUidateur en vertu des statuts, donc par suite d'une

stipulation' contractuelle, et que Bruynseels avait été nommé à ces fonctions par jugement du tribunal en date du 10 mai 19-17, et passé en force de chose jugée ;

Que dès lors, pour obtenir leur révocation, si l'on s'y croyait fondé, il fallait, non point, emprunter le détour de l'assemblée générale, mais s'adresssr directe111ent au tribunal; ·

II. Attendu que, devant la Cour, l'appelant renonce au second chef de sa demande, pour lequel le premier ju~re s'est déclaré incompétent à raison de la matière, et qui avait pour objet de faire dire qu'étaient nulles certaines vente; d'immeubles sociaux effectuées par les liquidateurs ;

III. Attendu enfin que l'appelant demandait au tribunal « de constater l'impossi­» hilité pour Caytan et Bruynseels de poursuivre eux-mêmes la nullité des ventes » litigieuses devant le jug·e cumpétent au nom de la société, de leur retirer le mandat .»·de liquidateurs et de désig·ner un ou trois liquidateurs avec mission de poursuivre » la nullité des ventes dont il s'ag·it » ;

Attendu que certainement la justice pourrait mettre fin au mandat des intimés s'il était éiabli qu'il y a eu, de leur part, dans l'accomplissement de leur mission, une violation flagTante de la loi ou des. statuts ;

Ce retrait de mandat dériverait, à l'égard de Caytan, de la condition résolutoire tacite inscrite dans l':,lrt. t 184 du Cnde civil, et, à l'ég·ard de Bruynseels du pt•incipe que le tribunal peut, pour de justes motifs, retirer le mandat de confiance qu'il a lui-même conféré ;

Attendu qu'il échet donc d'apprécier les actes incriminés qui, d'après l'appelant, sont les suivants :

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JURISPRUDENCE 247

a) le 26 septembre 1917, à la requête des intimés, agissant comme liquidateurs, l'huissier de Beukelaer, de résidence à Bruxelles, a vendu publiquement., à Assche, des machines et objets mobiliers appartenant à la société et dont la plus grande par­tie (soit pour 39.4l8 fr. sur 45.167 fr.) a été adjug·ée à l'intimé Caytan, par acte enreg-istré 6 rôles, 1. renvoi, à Assche le 27 septembre 1917, vol. 46, Fo 7, case 1, reçu 268 fr., le receveur, signé illisible ;

b) Par acte authentique du notaire Cordemans de Jette-St.-Pierre en date du 26 octobre 1.9'17, l'intimé Bruynseels, ag·issant comme fondé de pouvoirs du collège des liquidateurs composé de lui-même et de l'intimé Caytan, a vendu à ce dernier une pai'celJe de terre avec constructions, ,sise à Assche, cadastrée section F. no 90.Jall, appartenant à la société en liquidation et contiguë à un autre immeuble, étant la propriété de Caytan et cadastré section F, no 90.Jf;

c) Par acte authentique du notaire Dupont de résidence à Bruxelles en date du 4 décembi'e 1917, à la requête de l'intimé Bruynseels, agissant en la qualité susdite, il a été adjug·é publiquement à l'intimé Caytan une partie d'usine enclavée, sise à Assche, cadastrée section F, no 905-2 et 905-13, appartenant à la société et conti­guë à l'immeuble section F, no 905p., propriété de Caytan et déjà mentionnée ci­dessus ;

Attendu que l'appelant soutient que ces ventes ont été faites contrairement aux prescriptions de l'article 1.596 du Code civil et des articles 156 et 1.57 des lois coor­données sur les soeiétés ;

1° Attendu que les intimés lui opposent une fin de non recevoir déduite de ce. qu'en juillet-août 1922, il a touché sa part dans le produit des ventes ;

Mais attendu que l'appelant n'a encaissé cette somme que << sous réserve expresse de tous ses droits contre les liquidateurs n ; qu'il entendait ainsi maintenir d'une façon générale ses droits contre les liquidateurs considérés non seulement à titre personnel, mais ég·alement comme représentants de la société dissoute ;

Qu'on ne peut tenir ces réserves pour inopérantes sous prétexte qu'elles ne ·valaient point contre un acte qui supposait prétendùment la renonciation au droit, objet de ces réserves ;

Qu'en effet, alors qu'il encaissait sa part sous ces réserves expresses, l'appelant se trouvait précisément engag·é devant le Tribunal de première instance dans une procédme, par laquelle il cherchait à faire prononcer la nullité des ventes immobi­lières dont il s'agit et qui a abouti à un jugement rendu par ce tribunal le !) juin 1923;

2° Attendu que l'article 1596 du Code civil dispose que « ne peuvent se rendre adjudicataires> sous peine de nullité, les mandataires des biens qu'ils sont charg·és de vendre n;

Attendu que, sans doute, les liquidateurs sont les mandataires de la société dis­soute;

1\'Iais que, malgré la généralité des termes, il n'y a pas lieu, dans l'espèce, d'ap­pliquer l'article 1596 du C®de civil;

Qu'il est admis que cette disposition ne concel'lle pas le mandataire qui a, sur les biens mis en vente, des droits préexistants qui est, par exemple, dans. l'indivision avec le mandant (voir par analogie : BAUDRY-LACANTINERIE, r. XIX, no 233);

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248 JURISPRUDENCE

Qu'on ne peut dans ce cas défeild1;e au mandataire de sauveg·arder ses droits << en enchérissant, dilt-il rester adjudicataire il;

Que soutenir le contraire serait souvent nuire aux intérêts du mandant, puis­qu'on écarterait ainsi de la vente cr lui qui serait le plus intéressé à acheter;

Attendu, sans doute, qu'il ne faut pas admettre la th~se des intimés qui soutien­nent que, pendantla liquidation, les associés doivent! entre eux, être considérés comme co- propriétaires indivis des biens sociaux; 1

Attendu que la fiction de l'article Hî3 de la loi sur les sociétés a été établie non seulement au profit des tiers, mais entûl'e à l'ég-ard de~ associés entre eux;

Qu'il en résulte que, même pendant la liquidation, l'être moral continue à avoir vis-à-vis des associés, un patrimoine distinct du leur (Cass. 17 mars 1906; Pas., 1906, 1, 249) ;

.!\'lais attendu qu'on ne peut nier qu'en sa qualité de liquidateur assocfé, statutai­rement désigné, Caytan n'eùt, sm les biens vendus, des droi~s préexistants;

Qu'ainsi en vertu de l'ai'ticle 160 de la loi sur les sociétés, les liquidatems devaient remettre aux associés, en état d'indivisi11n, l'excédent de l'actif consistant en immeubles ou· autres hi ens ne se l1l'êtant pas à une répartition et exig·eant une composition ou une attribution de lots ;

Et que, par rapport à cet excédent, les intéressés pouvaient sortir d'indivision comme ils le jug·eaient. opportun;

Attendu d'<lilleurs que les biens en question ont été vendus publiquement et que cel'taines précautions ont été prises pour sauveg·arder les intérêts sociaux ;

3° Attendu que, conune l'appelant l'observe, les ventes dont il s'ag·it ont été faitrs sans l'autorisation de l'assemblée g·énérale prescrite par l'article 15i de la loi sur les sociétés ;

Attendu que cependant, ee qui concerne la vente de machines et des objets mobiliers, aucun reproche ne peut êtl'e fait aux intimés ;

Que les liciuidatems pouvaient sans autorisation spéciale, réaliser toutes les valeurs mobilières de la société ;

Que vainement l'appelant prétend qu'il s'agissait dans l'espèce d'objets immobi­liers par destination industrielle ;

Que cet arg·ument ne peut être retenu en ce qui concerne le matériel placé dans la partie de l'ti~ine appartenant à Caytan, cadastrée section F, no 905p, et donné à bail à la société par acte authentique du notaire Van Halteren de Bruxelles en date du 3l mai 1~07 ; ·

Que cette partie de matériel était placée par la société locataire et non par le pro­priétaire du fonds, ce qui excluait l'immobilisation· par destination ;

Que, relativement au matériel qui se trouvait dans les deux terrains ayant appar-· tet-lU à la société, l'immobilisation fictive pal' destination l~essait par le fait même de la vente, puisque celle-ci avait lieu sér arément du fonds, les objets vendus devant. d'après les conditions de la vente publique, être enlevés dans un très court délai ;

h) Attendu qu'à tort l'app~lant critique l'~cte de vente passé le 26 octobre 1917; Qu'il ne s'agit pas là d'une vente réaliséé par les liquidateurs eux-mêmes; Qu'en vertu de l'acte de bail prémentionné, Caytan avait option sur le terrain

dont il s'agit-;

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JPRISPRUDENCE 249

Que par exploit enreg·istré de l'huissier Van J{elecom de Laeken en date du 26 février 1917, Caytan a levé cette option et que c'est donc à cette date que, par l'acceptation du stipulant, la vente s'est h'ouvée parfaite; que la dissolution de la société n'est survenue que le 31 mars 1917 ;

Que c'est donc la société elle-même qui a vendu l'immeuble à Caytan et que les liquidateurs ne sont intervenus le 26 octobre suivant que pour passer acte authen­tique de vente eu exécution d'un eng·agement contracté par la wciété avant sa lillUi­dation;

c) Attendu que la seule vente qui pourrait être discutée est celle du tenain enclavé, publiquement adjugé à Caytan le 4 décembre 1917 ;

Que ni expressément, ni implicitement, les statuts sociaux ne donnaieut 'alix intimés le dt·oit de vendre le dit immeuble sans autorisation de l'assemblée g·énérale ;

Que d'ailleurs ce tel'l'ain n'a été acquis par _la société que postérieurement à la date de l'acte constitutif et ce par actes autliPiltiques du notaire Hinssen d'Assche en date du 11 mai 19H et du 3 avril- HH4;

:Mais attendu que l'appelànt ne demande la révocation des intimés et la notilina­tion de nouveaux liquidateurs que pour poursuivre la nullité des ventes de,·ant le jug·e compétent ;

Attendu que les articles 156 et -Hl 7 de la loi sur les sociétés ne consacrent pas la nullité des ventes faites san~ autorisation de l'assemblée générale;

Qu'on ne samait d'ailleurs admettre p-:ueille nullité, puisque les ventes failes sans cette autorisation pourraient être consenties au profit de tiers et que,- d'après les pl'iucipes g·énératix qui régissent la matière du mandant, toute société mandante est tenue des actes excédant les pouvoirs de ses liquidateurs mandataires, si les liers ont pu et du croire que ces actes rentraient dans les pouvoirs de ceux-ci;-

Que les tiers acquéreurs éventuels des biens, n'ont pas à s'immiscer dans les opérations liquidatives et qu'on ne peut leur inl.J)QSer l'obligation de vérifiet· si les liqüidateurs doivent être pourvus d'une autorisation de l'assemblée générale ;

Attendu lille la vente immobilière du 4 décembre 1917 ne pourrait être considé­rée tout au plus que connue un acte de g·estion irrég·ulière permettant éventuelle­ment à l'appelant de recourir à l'action en responsabilité qui trouve sa source dans l'article 161 de la loi sur les soeiétés;

Qu'ainsi les droits de l'appelant sont pleinèment sauveg·ardés; Attendu qu'il n'existe donc aucune raison suffisante de révoquer le mandat des

intimés qui, dans les circonstances difficiles où ils se trouvaient, ont, de bonne foi, conduit les opérations de liquidation ;

B. Sur l'action dirigée par les liquidateurs Caytan et Bruynseels contre l'appelant Brunschwig:

Attendu que les comptes de liquidation arrêtés au 15 janvier 1924 et présentés par les intimés, ne sont pas contestés en leur matél'ialité ;

Qu'il y a lieu de les tenir pour justes et bien vérifiés ; Que le rejet de l'action de l'appelant entt'aîne l'accueil de celle des intimés ; Qu'à bon droit le premier jug·e a décidé que son jugement tiendrait lieu d'appro­

bation des comptes et de décharge pour les liquidateurs el a déduit de ses décisions les conséquences utiles ;

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250 J"CRISPRUDENCE

Par ces motifs, La Cour, statnant dans les limit.es de l'appel dont elle est saisie, entendu

1\'1. l'avocat ~rénér;ll CoUard en son avis conforme et r~etant toutes conclusions autres ou contraires :

Déclare l'appelant sans gTiefs, met son appel à néant, confirme en conséquenee le jug·ement a quo en son dispositif et condamne l'appelant aux dépens d'appel.

Observations. - I. Il existe pen. de débisions judiciaires sur des cas de l'espèce litigieuse tr'anchée par l'arrêt ci-dessus. Nous n'avons guère trouvé à en rapprocher qu'un arrêt de la Coue d'appel ~e Liége du 30 juillet 1902 (Remte, 1903, 11° 1434) validant l'apport fait par des liquidateurs à une société dont ils étaient l~s gérants.

L;;t décision rendue par la Cour de Bruxelles traite d'une manier'e plus catégorique que cet arrêt, des principes à suivre dans l'application de l'ar·t. 1596 C. c. aux liquidateurs: le cas qui lui étajt soumis était, en effet, mieux caractérisé en fait.

A notee avis, la solution donnée à la difficulté par la Cotir de Bruxelles ne peut être qu'approuvée: elle nous parait entièrement conforme aux enseignements de la doctrine sur· la nature et l'étendue de l'interdiction faite aux mandataiees par Part. 1596! al. 3, C. c., de se rendre adjndicataÏL'és des biens qu'ils sont chargés de vendre.

Les liquidateurs sont dans la position de mandatairès de la société ; as tombent doue sons l'interdiction portée dans l'art. 1596 c. c.; ils ne peuvent, par conséquent, en principe, se vendre à eux-mêmes, ni rte gré à gré, ni même par adjudication publique. les biens de-la société qu'ils sont chargés de réaliser aux fins de liquidation de celle-ci.

Mais la doctrine et la jurisprudence sont d'accord pour reconnaître, en droit commun, que l'a1't. 1596 ne s'applique pas au cas où le man­dataire chargé de la. vente ~st lui-même intéi•essé en celle-ci (Cfr. Pand. B., yo Mandat, nos 999 et 1005 ; - Rev.prat. lfotarictt belge, 1893! p. 586 : étude deR. PYPERS ; - Rev. de Droit belge, I, 395 : étude de ARl\1. DUPONT : " De l'interdiction pour le mandataire. d'acquérir les biens de son mandant" ; - Panel. B., yo Curatelle, Ctwateur (en général), nos 84 et suiv. ; -LAURENT, t. XXIV, 11° 45).

Lors donc qne le liquidateur est lui-même intéressé à la vente par ses droits préexistants d'associé, il peut concourir aux enchères de l'immeuble de la société qu'il a à vendre pour la liquidation de celle-ci.

La Cour· prend soin de s'-expliquer sur la nature de ces droits pré­existants : il ne s'agit pas d'une indivision, mais du droit indivis que

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JURISPRL'DENCE 2Gl

rassouié est appelé à avoir sur. les biens composant l'excédent dB P;wtif de la liquidation et qni doivent êtru_ .soumis .au J1m~télge en ve1'Ül de l'al~t. 160~ al. 1er~ .-des lois .coorclon-n:ées.

Dans le système de nos lois sm' les sociétés. en effet, les biens de la société dissoute ne sont pas la co-propriété des associés ; ils restent la propriété de l'être moral jusqu'à la~clôture d~ la liquidation. Ces biens doivent, en princitîe, être conservés pour le partage eu nature, à moins que les nécessités rie la liquidation ·ne le permettent point ou que l'assemblée générale n'en ait décidé autremeut. _ Quant aux immeubles, en pal'ticulier, ils ne peuvent être aliénés par les liquida­teurs, en dehors d'une ,dédsion dé l'assemblée générale, que si l'alié­nation en est reconnue nécessait·e pOUl' le payement des dettes socialf's ou si le nomlwe desassociésestaumoinsdesept(loiscoord., art.156). TQut ce qui n'est pas absorbé pai' l'apurement du passif, tombe ainsi en indivision entre les associés, après cet apm'eme11t; et quant à cet excédeiit d'actif, il va de soi qtle les intéressés peuvent sortir d'indivi-sion de la manière qu'ils préfèt•ent.

II. - La Com' a tt·ouvé anssi, dans Pespèce qu'elle avait à juger, l'occasion de s'expliquer sm' la sanction qui s'attache à l'obseevation des presct·iptions des art. 156 et 157 des lois coot'données (nécessité del'autor-isation de l'assemblée géné1·nle pom· les ventrs d'immeubles faites par les UquidateuPs). Des ventes faites sans cette autorisation, lorsqu'elle est légalementrequise, sont-elles nulles ? La difficulté doit encore une fois se résoudre pae les principes généraux du mandat. Les liquidateur·s sont des manoatail·es de la société ; la vente d'immeubles de la société rentre dans leur compétence et capacité ; la loi fait dépendrè cet acte de certaines conditions et autorisations, mais elle prévoit au moins un cas où aucune conditioll extér·ieurement vél'ifiable par les tiers n'est requise (cas où les liq~tidateiws jugent eux-mêmes la vente nécessaire pour payer les dettes sociales). Cela étant, les tier·s n'ont, ne peuvent avoir l'obligation de vérifiet' si les liquidateurs doivent ou non être ponevus d'une autorisation de rassemblée géné­rale: ils ne pourraient, en effet, vérifier ce point sans s'immiscer dans les opérations de la liquidation.

Par c~mséquent, la vente ne pouera être annulée au clétl'iment du tiei~s acheteur, pour défaut crhabilitation eéguliè1·e du liquidateue ven­dem': la société restera tenue envers l'acheteur, de la vente faite par le liqüidateur, son mandataire, à moins que le tiersacheteur n'ait pas

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252 JURISPRUDENCE

pu ni dù croiee que cet acte ne rentrait pas dans les pouvoirs de celui-ci.

La sanction de la vente accom(llie par le liquidateur en dehors des collditions des art. J 56 et 157 des lois coordonnées~ sera celle qui s'attache à tout acte de gestion irrégulière : la responsabilité du man­dataire envers son mandant, une créance de dommages-intérêts à déterminer d'après l 'éteudue du préjudice.

No 2791.- Cour d'appel de Bruxelles ~4e ch.). - 21 avril 1927. (sur : Tribunal da commerce d'Anve~s. - 16 février 1927).

Mtres Fribourg et Sano, avocats. (De Jleulenaere cf Peiren et consorts).

Société en nom collectif.- Liquidation.- Partage en nature.

Le partage en nature des biens d'une société en nom collectif en liqztidation est de droit, quant il tsf possible.

Le Tribunal de commerce d'Anvers (.l\'11\ftrcs Geurts, prés. ; Goyens, référ.) avait rendu, le 16 février 1927,_le jug·ement sliivant:

Attendu que le demandeur et le premier défendeur ont été associés en nom collec­tif;

Que les deuxième et troisième défendeurs sont liquidateurs de la société dissoute ; Attendu que le demandeur conclut à ce qu'il soit dit pour droit « que les mar­

chandises faisant partie de l'avoir soci:tl ne seront pas vendues mais partagées entre les associés ;

Subsidiairement : Qu'en attendant que les immeubles aient été .réalisés, les mar­chandises ne seront pas vendues ;

Que si la vente des immeubles produit une somme égale ou supérieure au mon­tant du passif, les marchandises seront parlag·ées en nature;

Qu'au cas contraire, les marchandises seront vendues à concurrence des sommes jugées nécessaires pour le payement des dettes et que le solde sera partagé entre les associés ;

Attendu que les liquidateurs se réfèrent à justice ; Attendu que l'a-rt. 160 de la loi sur les sociétés commerciales s'exprime comme

suit: << Après le payement 0u la consignation des sommes nécessaires au payement des

dettes, les liquida~eurs distribueront aux sociétaires les sommes ou valeurs qui peuvent former des répartitions égales ; ils leur remettront les biens qui auraient dû être conservés. pour être partagés )J ;

Attendu que, d'accord avec les deux anciei1s associés, les liquidateurs ont déeidé de vendre les immeubles ;

Attendu que toutes les parties escomptent pour les immeubles un prix de réalisa-tion permettant d'apurer tout le passif ; ·

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JURISPRUDENCE 253

Attendu que ces textes et considérations doivent faire rejeter dans son sens absolu la conclusion principale du demandeur, mais justifiènt sa conèlusion subsidiaire ;

Par ces motifs, Le Tribunal donne acte de ce que le premier défendeur évalue le litig·eà i 00.000 fr.

et rejetant toutes autres conclusions, dit pour droit qu'en attendant que les immeu- . bles aient été réalisés, les marchandises ne seront pas vendues ;

Que si la vente des immeubles produit une somme ég·ale ou supérieure au montant du passif, les marchandises seront partag·ées en nattire ;

Qu'en cas contraire, les marchandises seront vendues à concurrence des sommes jug·ées nécessaires pour le payement des dettes et que le solde sera partagé entre les associés ...

La Cour d'appel de Bruxellès a confirmé ce jugement en ces termes :

Attendu que l'art. 154 de la loi sur les sociétés prévoit expressément que, pour la liquidation des sociétés en nom collectif, si la majorité fixée par cet article pour déterminer le mode de liquidation ne peut être réunie, i1 sera statué par les tribu­naux;

·Attendu qu'il résulte de la combinaison des art. 1 et 2 et 160 de la loi sur les sociétés, 1872, 1873 et 826 du Code civil, que le partag·e en nature est de droit' quand il est possible ;

Attendu qu'aucun des intéressés n'allègue que le partage des immeubles en nature soit possible ; que cette possibilité de partager en nature est, au contraire, affirmée pal' Peiren et n'est pas sérieusement contestée quant aux marchandises; que chacun des deux associés continuant, d'après les conclusions mêmes de l'appelant, à exe1·ce1' un commerce identique à celui qui faisait l'objet de l'association, ils pourront obte­nir de res marchandises un prix de vente plus considérable que n'en pourrait don-. ner une réalisation générale et hâtive ; qu'ainsi le partag·e en nature des marchan­dises est conforme à l'intérêt des deux anciens associés et qu'il a été à bon droit ordonné par le premier jug·e dans la mesure où la situation de la liqtiidation le permettrait ;

Par ces motifs, et ceux du prèmier jug·e, La Cour met l'appel à néant; confirme le jugement a quo, condamne l'appelant

aux dépens.

Observations. - Décision conforme a la· doctrine.presque unanime. \VAUWERl\IANS, Soc. an.' ll0 9.80 ; --: THALLER et PIC, T'raité cles soc. comnzercictles, t. 1, ll0 678 ; - LAURENT, Principes de droit civil, t. XXVI, n° 415 ; - LYON-CAEN et RENAULT, Trctité de droit C011'M1'le1'­

cial, t. II, ll0 423 ; - PARDESSUS, Cours de ûroit conzmercial, t. III, l}08 1082 et s.

Contrà: Sentence arbitrale Anvers, 31 mars 1860 ; Jur·, Anvers, I, p. 103 ; - MAsius, De la liqztidation des sociétés commerciales, B. J., 1892, col. 1573.

Cfr. aussi ci-dessus: Bruxelles, 10 mai 1927 (Remte1 19271 no 2790)~

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254 JURISPRUDENCE

No 2792. - Tribunal de 1re instance de Bruxelles (Référés). -13 janvier 1927.

M. Gilson, prés.

(JI. Eugène Verbrugghen cf Soc. an. la Grande Tonnellerie /{ramer frères).

Société commerciale-privée d'administrateurs -Requête d'un a• tion­nairs. -Conservation de l'avoir social. - Désignation d'un séques­tre. - Référés. - Compétence.

Lorsque les admintstrateurs d'une société commerciale sont dans l'impossibilté li' exercer leur mandat, le président du tribnnal civ'il, siégeant en référé, peut, à la reqnête d'un actionnaire, désigner un séquestre avec mission, sans ]J1'éjzulice aux jJou­voirs des aclministraüurs, d'as_sll1'e1' la con.~ervation de l'avoir social ile la société jus­qu'à ce que l'assemblée générale ait pu prendre les mesures nécessaires.

Nous, Joseph Gilson, président du Tribunal de première instance de Bruxelles; Vu l'assig·nation donnée dans les termes suivants : << Attendu que le requérant est actionnaire de la société assignée, étant proprié­

taire de quatre actions portant les nos 3, 4, 5 et 6 ; n Attendu que la dite société était statutairemet administrée par trois adminislra­

tem·s; que l'un, M. Théodore Steyaert, industriel à Bruxelles, place Sainctelette, 9, est démissionnaire ; que l'autre, M. Jean Duhrucq,, industriel à Molenbeek-Saint­Jean, avenue Jean Duhrucq, 90, est décédé, et que le troisième, M. René Kranwr, administrateur-délég·ué, industriel à Woluwé-Saint-Pierre, avenue de Tervuet·en, 282, est mourant, ne reconnaissant plus personne ;

)) Que cet état de choses laisse la société sans défense et ses intérêts à l'ahan­don; que,notamment, il n'existe plus personne ayant qualité potir assurer la vie sociale dans ce qu'elle a de plus rudimentaire, spécialement pour exercer la sur­veillance, payer les ouvriers, recevoir la correspondance recommandée ou charg·ée, recevoir les chèques et autres valeurs, en créer, assurer la rentrée des factures, recev Jir les ordres ne commande, etc. ; qu'il en l'ésulte un péril qui pourrait se transformer en désastre ; ,

n Attendu que dans ces circonstances il ineombe à la justice de prendre les mesures urg·entes nécessaires, d'autant plus que les formalités et délais à oh~erver pom· compléter le collège des administrateurs ne permettent pas d'envisager, dans un temps suffisamment rapproché, une soluUon

1

par le moyen d'une assemblée g·énérale ; . 1

n Attendu que-l'extrême urgence résulte à l'évidbnce de l'exposé qui précède ; » Entendre nommer à la dite société un administrateur provisoire avec les pou­

voit·s de l'administrateur-délég·ué, aux fins d'assut·er la vie sociale de l'être moral en attendant que l'assemblée g·énérale ait pu se réunir et prend1·e les dispositions qu'exige l'état de choses actuel ; -

n Dépens comme de d t'oit ; n Et vu l'absolue nécessité, entendre dire que l'ordonnance à intervenir sera

exécutoire sur minute et avant l'enreg'istrement n. Ordonnance :

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JURISPifùDENCE 255

Ouï le demandeur, comparaissant en personne, qui a conclu à l'allocation des fins de son assignation ; ·

Attendu qu'assig·nation a été dûment donnée pour la présente audience ; Attendu que les conclusions du demandeur paraissent justes et hien vérifiées ;

qu'il échet d'y faire droit ainsi qu'il sera dit ci-après ; Qu'un retard apporté à la solution poursuivie mettrait en péril les intérêts de la

partie qui la poursuit ; Par ces motifs,

Statuant au provisoire, vu l'urg-ence, tous droits ~tes parties saufs au principal, désig-nons en qualité de séquestre M. L. Bruynseels, g-reffier au Tribunal de com­merce séant à Bruxelles, demeurant rue de Savoie, 56, à Saint-Gilles lez-Bruxelles, lequel aura pour mission, sans préjudice aux pouvoirs des administrateurs, d'assu­ret· la conservation· de l'avoir social de la défenderesse jusqu'à ce que l'assemblée générale ait pu prendre les mesures nécessaires ;

Disons que la présente ordonnance cessera ses effets si l'assemblée n'est pas convoquée dans la huitaine ; ·

Disons que la présente ordonnance sera exécutoire par provision, nonobstant appel;

Commettons l'huissier audiencier Pet·pet, pour signifier l'ordonnance à la défen­dm·esse défaillante ;

Condamnons la défenderesse aux dépens.

Observations. - L'ordonn.ance ci-dessus consacre, une fois de plus, la théorie depuis longtemps exposée et défendue par la présente Remte et pour la première fois paP le regretté Louis AND RÊ dont la remarquable étude : " Action contre une société qui n ~a plus d'admi­nistrateuPs : là résurrection d'une société anonyme " (Revue, 1891, 11° 170) fait toujours autorité.

Si les circonstances font qu'une société anonyme est privée ù3s organes légalement et statutair·ement requis pour qu'elle puisse exté­rioriser son activité, les intérêts concerllant son patrimoine ne doi­vent pas plus que ceux d'un particulier, brusquement rwivé de capa­cité, rester à l'abandon.

Il y a lieu, en pareil cas~ de pPendre des mesures de deux espèces : des mesures conservatoires des biens et intérêts sociaux et des mesures propres à permettPe la reconstitution .régulière des OJ'ganes d'action de la sociÉté paralysée.

Nous avons rappelé· ces règles en commentant un jugement du Tribunal de 1re instance de Malines siégeant consulairement ·du 4 novembre 1925 (Revue, 1926, no -2682) : nous renvoyons à ces observations.

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256 JURiSPRUDENCE

L'espèce dont il s'agissait alors avait été portée devant la juridic~ tion du fond.

Il peut se faire que d,es raisons d'urgence rendent compétente en eette matière la jur·idiction des référés. -

Mais il n'apparait pas, à notre avis, que sa compétence, toute pro­visoiee par définition, puisse s'étendre au delà des mesures conseJ'Va­

to~res. pour édwteP en même tem~s " les ~nesures relatives à la recon~ sbtutwn normale des organes sociaux ". 1 -

Nous pensons qu'à moins de circonstances tout exceptionnelles, difficiles d'ailleurs à imaginer, ce n'est pas devant la juridiction des référés mais devant le teibunal ordinaire qu'il convient de porter une demande tenJan t à faire désigner un administrateur provisoire ayant pour mission de con voqner statutairement et légalement l'assemblée générale aux fins de désignation d'administrateurs et de commissaires.

Dans l'espèce ci-dessus, la juridiction des référ·és a été justement saisie de la demande pnisqtte celle-ci tendait seulement à la désigna­tion d'un séquestre habile à prend1'e les mesures conservatoil~es qne l'urgence de la situation critique de la société comportait évfdemment,­en attendant que l'assemblée générale eùt pu intm'venil'.

Sur les conditions d'intervention de la juridiction des référés en matière de désignation d'un séquestre ponr une société commerciale, voir entre autres : Réfërés commm'ciaux de Br·uxelles~ 6 juillet 1923 (Bevue~ 1924, no 2566); -d'Anvers~ 12 décembt·e 1923 (Revue, 1923, no 2567) ; - de Gand~ .20 décembre 1924 (Revue, 1925, no 2692) ; -de BPuxelles~ 16 fëvrier 1926, (Revue, 1926, no 272~-{) .

.Mais on remat'quera dans !"ordonnance ei-dessus reproduite que la juridiction des référés qui a été saisie et qui a fait droit à la demande est la juridiction civile.

Etait-elle bieri compétente ? Nous ct>oyons devoir répondre négati­vement, en raison de. l'attribution de compétence aux tribunaux ùe . commm'ce faite à l'al't. 12, 2°, de la loi du 26 mars 1876, " des con­testations entre associés ou entt·e administrateul's -et associés pour raison d'une société de commerce ", de la limite posée à la compé­tence de référé elu président du tribunal de première instance, clans l'aet. 11, 2o ("Sue tous les autres cas dont il reconnaît l'urgence; à la condition qu'ils 1·entrent clans la j~t1·idiction civile (les tribunaux de première instance ... ") et de l'attribution corrélative de compétence

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JURISPR tTDEN CË

èxcet)tiorinelle faite par .Pat~t. 12 bis de- la ri1ên1'e ioï, aù pré.sident du tt•ibtmal de commm·ce.

Dans l'espéce actlielle, il y avait a~signation donnée pae un action­naire i:\ la société,, aux fins de ywendt•e Utle mesure d'administeation pt·ovi~oir·e destinée à " assurer la vie sociale de l'être mot•al ", société anonyme : donc cont~station ·entee associés ou entre associés,et admi­nistro~tteurs, pOUl' raison d'nue société de eotùmerce. . L·' tribunal des référés comp&t~mt était, par conséquent,' et à tous égar·cls~ le tr·ibunal des t•éférés commerciaux.

No 2793~ -Tribunal cnrrectionnel de Bruxelles.- 10 décembre 1'926. ~li\f. Bail, 'pré~. ; Verhaeg-hen, subst.

· (A.-d11~inistration des Finfl;tces cf Qu ... et cts.).

Cercles privés.- Débit d'alcool.- Manquements aux statuts.

I. L'assimilation entre les débitants de boissons visés à l'art. 2 de la loi sur le com· merce et le déltil de l'alcool et ceux visés à l'art. 5, § 1e1·, de la loi sur le débit des boissons fermentées ne saurait être accueillie.

Il. Les manquements à l'application-stricte des statuts d'un cercle privé ne sont pas .retenus Z01·~qu 'ils ne. revêtent pas _un caractére tel que les locaux du dit cercl'e doivent hre réputés endroit accessible au public au sens de l'art. 1er~ loi 29 août 1919 sur le commerce et le débit t!e ralcool. "

·Le TribuÙal ; Attendu ·que bleil que rég·ulièrement cité, le 3e prévenu ne comparait pas; Attendu que-la partie poursuivante déclal'e se désister vis-à--vis de F ... ; Attendu que la pomsuite est fondre sur ce que les assig·nés, étant débitants de

boissons à consommatioi1 sm<place ont détenu des boissons spiritueuses dans les parties de lem· établissement autres que les locaux où sont admis les consomma­tetâs ;

Attendu que les termes « débitants de boissons n visés à l'art. 2 de la loi du 29'aoùt 19-19 sür le commerce et Îe débit de l'alcool doivent s'entendre des débitants de boissons débitant dans tous les endt'oils accessibles aü public dont parle l'at't, l er ;

Que l'art. 2 tie constitue que le complément de l'art. tet·, et dans le cadre du dit article. au .point de vue spécial de la détention de boissons spiritueuses pat· les débi­tants de boissons à consommer sur place (voir· Cass. belge, 28 novembre 1922, Pas.';.1923~ 1, 8); ·

Attendu que l'assiinilatioù entt·e les débitants de boisson visés à l'art. 2 de la loi sur le cominerce et le débit de l'alcool, et ceux visés à l'art, 5, §1er, de la loi sur les débits de boissons fermentées ne saurait être accueillie ; . que cette assimilation relative à des lois ayantdes objets distincts constituét·aH uné extension de la portée

1.7

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258 jtJRtSPRUDENC.ln

des termes, débitants de boissons visés à 'l'art. 2, et ce, dans une matière d'interpré· tation restrictive ;

Qu'il se conçoit du reste que les termes << débitants de boissons » aient une sig·nification plus étendue dans l'art. 5, § 1er, de la loi sur les débits de boissons fer!nentées, cette disposition étant relative à la perception d'une taxe d'ouverture des débits de boissons fermentées, perception que le lég·islaleur a pu vouloir rendre exigible dans des cas plus nombreHx ;

Attendu en fait, que si des manquements à l'application stricte des statuts du cerclè << ..... » sont constants, il n'apparaît cependant pas qu'ils revêtent en l'espèce, un caractère tel que les locaux du dit cercle doivent être réputés << endroit acces­sible au public» au sens de l'art. 1er de la loi du 29 août 1919 sur le commerce et le débit de l'alcool ;

Qu'il suit de ces considérations que la prévention n'est pas établie ; Vu l'art. 186 du Code d'instruction criminelle Indiqué par M. le Président; Statuant contradictoi~·ement vis-à·vis des 1er, 2!e, 4e prévenus et du cercle<< ..... »

et par défaut vis-à-vis du 3e prévenu ; 1 · .

Donne acte à la partie poursuivante de son désistement vis-à-vis de F ... ; Acquitte les prévenus et les renvoie des fins de la poursuite sans frais.

Observations.- Voir ci-aprè.s (Revue, no 2794) l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 25 mai 1927, et la note d'observations.

No 2794. - Cour d'appel de Bruxelles (Chambre correctionnelle). -25 mai 1927.

M. Lowet, prés. ; M. CoUard, av. gén. ; Mtres Rebers cf Vandermoesen, avocats. (j}finistère pnbUc et Administration des Finances cf Q1t ... et cts).

Cercles privés. - Débit d'alccool. - Manquements aux statuts. -Fermeture des établissements publics.

I. Si le législateur a imposé 1tne taxe cl'ouvertnre à certains cercles débitant des boissons fermentées, on ne peut pas en décl1lire que ces cercles doivent nécessairement être assimilés à des endroits accessibles au public an sens de l'article 1er, § 1er, de la loi sur l'alcool.

II. On ne pent point prétend1·e qu'1tn cercle. n'est pas 1tn véritable cercle privé, lorsque ses membres, d'aille1t1's peu nmnbrMtx, ont été obligés, selon les statutl:i, de passer par certaines conditions d'admission assez strictes; s·i parfois la direclion à négligé de 1'eJnpUr l'1tne mt l'autre dés formalités statutaires d'admission, ces manque­ments ne peuvent être considérés comme dépouillant l'organisme de son caractère privé s'ils ne sont ni àssez gi·aves ni assez nombreux.

III. Il y a véritablement 1tn cercle privé lorsque l'on peut en mttre constater l'e.xis­tence entre ses membres de liens de condition sociale, de similitude d'exis­te1we, de commltnauté de goûts q1ti impliquent lenr rapprochement dans l'int·imité des locmtx dont on ne peut pas dire qu'ils éta-ient onverts à << toztt venant ».

IV. Lorsq1te la constitution d'un cercle privé .est de beauconp an_tériem·e à .l'A. R. dzt

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, jÜiUSP:Rtrt:>ENCE 259

24 juillet 1926; relatif tt la fe7'·metûre des établisséments publics, il ne saitrait être question d'y voir une fraztde à cet arrêté royal.

Arrêt : Attendu que, St1ivant le procès vei·bal dressé, le 17 mars 1925, les p1·évenus,

dirig·eants du Cercle <i . , • 1> détenaient des boissons spiritueuses dans des locaux dépendant de ce cercle ;

l\'Iais"que, comme l'a sag-ement décidé le premier juge, il n'y a pas lieu de leur fai1·e application de l'article 2 de la loi du 29 août '1919, sur le rég-ime de l'alcool ;

Qu'ils ne peuvent être considérés comme débitants de boissons spiritueuses clans un endroit accessihle au public ;

1. - Atlendu que vainement la partie poursuivante prétend que, pour interpréter les termes l< débitants de boissoiJS à consommer sur 'place >> il faut recomir au texte de l'art. 5, §·ter, de la loi du29août 1919 sm· les débits de boissons fermentées;

Que, sans doute, ces deux lois ont été pl'Omulguées et publiées à la même date, mais qu'elles diffèrent l'une de J'autt·e par leur objet et leur pot·tée, la p1·emière ayant pour but principal de combattre l'alcoolismeet la seconde de soumettre à une taxe d'ouvertme les débits de bdssons fermenrées;

Qu'il se conçoit tt·ès bien que le législateur ait voulu imposer une taxe d'ouver­ture à certains cercles débitant des boissons fermentées (voir art. 8, § 4, de la seconde loi) sans qu'il faille en déduire que ces cercles doivent nécessairement être assimilés à des endroits accessibles au public au sens de l'art. 1er, § '1er, de la loi sur l'alcool ;

IL -Attendu qu'en fait il n'est point prouvé que le cercle « .•. >> n'était pas un véritable cercle privé ; ·

Qu'il résulte, au contraire, de l'instruction faite devaitt la Cour que les membres de ce cr.rcle, d'ailleurs peu nombreux, avaient, selon les statuts, été oblig·és de passer par certaines conditions d'admission assez strictes;

Qne si parfois la direction du cercle a néglig·é, poui; l'admission des membres, de remplir l'une ou l'autre des formalités prescl'ites pat' les règlements, ees manque­ments ne peuvt>nt être considérés ni comme assez nombreux, ni comme assez gt'a\'es ponr dépouillerl'org·anisme de son caractère privé;

Qu'il faut, eu outre, constat• r que certains dirig·eants et ag-cuts du cercle incri­miné se trouvent depuis long-temps mêlés à la vie balnéaire d'Ostende et que le noyau de ce ee1·cle s'est furmé pat' le grOtipement de plusieUJ'S habitués· des villes. d'eaux, qui s'entourèrent de nouveaux membt•es rect·utés dans leur milieu ;

QJ'on peut donc dil'e qne les membt•es du dit cercle étaient unis par des liens de coluJitio'n sociale, de siuiilitude d'existence, de communauté de goûts, qui explicruent leur rapprochement dans l'intimité de locaux dont on ne peut dire qu'ils étaient ouverts à << tout venant '' ; ·

Attendu qu'il n'est pas sans inté1·êt de noter que la Jondation du Cercle <!_ ••• 1>

sous fOJ'me d'association sans but lucratif remonte au 25 jnin 1924, et qu'il s'est ouvert dès le mois de novembre suivant ;

Que sa constitution est donc de beaucoup antél'ieure à l'A. R. du 24 juillet 1926, prescl'ivant la fenneture des établissements publics à une heure du matin et qu'il ne pourrait dès lors être tluestion d'y vok une fraude à cet arrêté royal ;

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.olURlSPRUbENCB

·Attendu que, .pas plus. que- devant le premier juge;· la prévention ·n~est: donc demeurée établie par l'instruction faite devant la Cour ;

Par ces motifs et ceux du premier juge, La Cour, statuant contradictoirement vis-à-vis des 1er, 3e et 4r prévenus, et par

défaut à l'ég·ard du 2e ; Vu les artides 186 et 194 du Code d'instruction criminelle indiqués par M. le

président; Rejetant toutes conclusions· autres ou contraires : Confirme le jugement a quo; Met les frais des deux in~tances à charge de la parUe poursuivante taxés en ce

qui concerne la parlie publique à la somme de 18 fr. 37.

Observations. --- Nous avons publié_ dans cette. Revue, 1927, nos2744 et 2745, un jugement du Tribuùal·correctionnel de Bruxelles en date du 26 février 1927 et une étude doctr-inale sl.lr les ra}:ipods que nous estimons exister entre. les cercles privéset les principes générau-:: du dl'oit d'association. Le lectem' voudra bien confronter cette documentation avec le jugement du mème Tribunal en date du 10 décembre 1926 et l'arrêt de confirmation du 25 mai 1927 repro­duits ci.;avant (Revue, nos 2793 et 2794).

I. Toutes les décisions qui viennent d'être citées écartent, a bon dl'Oit selon nous, une assimilation que le fisc VOUlait établir entre les débitants de boissons visés a l'article 2 de la loi sur le commerce et le débit de l'alcool et ceux visés à l'article 5, § re 1

•• de la loi sur les débits de boissons fermentées. Conirile le porte l'arrêt du 25 mai 1927, }1 se conçoit très bien que le législateur ait voulu imposer une taxe d'ouverture à cePtains cercles débitant des boissons fermentées sans qu'il faille en déduire que ces cercles doivent nécessairement être assimilés à des endroits accessibles au public au sens d&. l'article 1er,_ § 1er, de la loi sur l'alcool.

li. Pour la bonne compréhension de la suite de l'aPrêt de la Cour d'appel, il importe de ne point perdre devue que la décision est ren­due avant tout en fait et qu'elle rétlète ce'Ptaines particularités des débats tels que, suivants nos renseignements, ils se sont déroulés devant la Cour.

Sous ces~ réserves, on peut cependa~t dégagm' certains_ principes des motifs des décisions rapportées. La Cour constate que les membres du cercle étaient peu nombreux, qu'en général ils avaient été soumis aux ccoudit:ions d'admission assez strictes prévues par les statuts et que quelques manqüements a ces l1l'escriptions réglementaires ne dépouil-

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JURISPRUDENCE 261

lent pas un organisme de son caractère privé, s'ils ne sont m assez graves ni assez nombreux.

On se tromperait fort à vouloie interpréter ces considérations comme l'énoncé d'un principe sui va nt leqüel un cercle cesserait nécessaire­ment d'êtreprivé parce que ses membres seraient nombreux ou parce que les conditions d'admission seraient assez larges. La Cour prec1se elle-même sa r1ensée lorsqu'elle relève qu'en üdt, le ceecle dont il s'agitn;était pas ouvert à " tout venant "·

. NoUs croyons donc pouvoir conclure, à ce premier point de vue, qu~un cercle peut être considéré comme une réuni_on privée~ lorsque fes personnes qui y sont admises se sont, en général, confot·mées aux prescriptions statutaires existant à cet égard.

III. Faut-il~ de plus, que les associés soient réellement unis pm~ des liens de condition sociale, etc ... ? L'arrêt ne proclame rien de sem­blable. Il constate que, dans !"espèce, il en est ainsi, en fait : " qu'il faut,_ en mttre~ constater ... " porte l'arrêt. D'après ce qui nous a été rapporté, ces termes, d'ailleurs clairs en eux-mêmes, répondent à une considération soulevée au cours des débats : " Si cette condition était requise, aurait~on dit, elle existerait dans le cas actuel ".

IV. La même remarque s'applique nuttcmdis nuttatis aux motifs de l'arrêt relatif à l'absence de traude à l'A. R. du 24 juillet 1926 sur l'heure de fePmetuee des établissements publics. L'arrêt ne dit nulle­mènt que tout cercle privé constitué apt•ès la mise en vigueur de cet arrêté~royal sera plus ou moins présumé n~êtee qulune fraude au dit ari·êté. La Cour constate simplement " qu'il· n'est pas sans intérêt de noter " qu'en l'espèce, à raison de la date de la.constitution du cercle, il ne saurait être question d'y voir une fraude à l'arrêté royal dont il s'agit.

J os. GoEDSEELS!

Avocat près la Cour _d'appel de Bruxelles.

~0 ,~794. ..

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262 LEGISLATION

No 2795. - Loi du 23 juillet 1927 apportant des modifications aux lois sur les droits d'enregistrement et·· de transcription et sur les impôts sur les revenus en matière de sociétés (1).

(Jiloniteur du 30 juillet 1927' no 21 i ).

Art. 1. - Sont réduits des deux liers les droits pro110rtionnr Js d'emeg·islremcnt et de transcription exigibles d'après les loi5 en vig·ueur sur les acles portant fusion, de quelque manière qu'elle s'opère, de sociétés commet'ciales ou de sociétés civiles ayant emprunté ou non la forme des sociétés commerciales et ayant leur principal établissement en Belgique.

Si des sociétés civiles n'ont pas encot'e emprunté les formes des sociétés com­merciales, la décision de fusion sera valable en ce <JUi les concerne, moyenuaut l'adhésion des associés possédant les troisèillquièmes des parts ou intérêts sociaux.

Art. 2. - Les droits continueront à être perçus au taux plein sur les appoNs de biens et capitaux qui seraient faits par des parties autres que les sociétés fusionnées.

Art. 3. -La réduction des droits est subordonnée, en outre, ~~ la doul,le con-· dition :

a) Que l'acte de fusion soit présenté à la formalité de l'enreg-istrement dans les trois ans à dater du jour de la mise en vig·ueur de la loi;

b) Que les sociétés entre lest}nelles intervient la fusion aient été constituées par des actes enreg·istrés avant le jour de la mise en vig·ueur de la loi.

Toutefois, cette seconde condition n'est pas exig·ée à l'égard des sociétés civiles, n'ayant pas emprunté la forme des sociétés commerciales, et dont l'existeuce est établie soit par des aiTêtés de concession, soit par d'autres actes ayant aC<IUis date certaine avant le jour de la mise en vig·ueur de la présente loi.

Art. 4. -L'article Hi, § 2, des lois coordonnées concernant 'les lm pots sur les revenus, est complété comme il suit :

« Toutefois cette taxe ne sera pas appliquée aux sociétés par actions, qui liqui-· deront par fusion, de quelque manière qu'elle opère, av:mt l'expiration de la période de trois ans qui suit le jour de la mise en vigueur de la présente loi. n

Disposition complémentaire. Les articles 44, alinéa 1 cr, et Si, alinéa 1 cr, des lois cooruonnées sur les sociétés

commerciales, seront désormais rédigées comme suit :

( 1) Session 1926-1927. CHA~IBRE DES REPRÉSEi\'TA.l\TS : Document,c; parlementaires. - Exposé des mo tirs et

texte du projet de loi, no 195. Séance du 11 mai 1927. - RapJ10rt. no 279. Séance du 30 juin 1927. 1

Annales parlementaires. - Discussion et adopti1,0it. Séaures des 7 et :3 juillet ·J 927, pp. 2082 et 2244. '

SÉNAT: Documents parlementaires. -Projet de loi, ll0 186. - Rapport., 11° 204, Séance du 14 juillet 1927.

Annales parlementaires. - Discussion et adoption. Séance du i4 juillet 1927, p. 943.

N°- 2795

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LÉGISLATION 263

1 o A l'art. 44 : << L'action au porteur est signée par deux administrateurs au moins. L'une des signatures peut être apposée au moyen d'une griffe. n

2° A l'art. 87 : << L'obligation au porteur est signée par deux administrateurs au moins. L'une des signatures peut être-apposée au moyen d'une gTiffe. n

Rappm·t f'ait au nom de la Commission de la ChambJ'e des Rep1'ésentants pa1' I\L WAUWERi\IANS. (Séance du 30 juin 1927, Doc. no 279).

Messieurs, Le projet de loi qut vous est soumis répond à des nécessités économiques : celles

d'une meilleure organisation du travail, à la réduction des frais g·énéraux et de pro­duction, aux fins d'intensifier la production et de permettre de soutenir la concur­rence, d'organiser l'exportation et forcer les barrières douanières.

Déjà ces nécessités ont amené la conclusion de cartels, d'ententes, d'accords entre sociétés, de trusts industriels.

Ces procédés ont l'inconvénient d'être de durée limitée et dégénèrent parfois en pures combinaisons financières. Ils n'ajoutent rien alors à la force propre de cha­cun des org·anismes.

Il en est autrement des fusions qui concentrent dans une même action non seu­lement la direction des affaires, mais les forces d'exécution et qui exercent leurs effets au gTand jour.

Le projet était attendu. Il apporte un concours très appréciable aux fins de notre reconstitution économique.

1.

La fusion de sociétés peut se réaliser : Soit par leur absorption en une société nouvelle, la constitution de celle-ci entraî­

nant la disparition des sociétés anciennes ; Soit par l'absorption ou annexion par l'une d'entre elles, des autres ou de l'autre

société : une société subsiste, l'autre ou les autres dispapaissent. ~ Multiples sont les modalités, les conventions et conditions particulières, acces­

soires auxquelles la fusion peut être subordonnée dans sa réalisation. Dàns la première hypothèse., s'il s'agit de la constitution d'une société nouvelle,

elle ne pourra généralement se réaliser sans l'apport de capitaux étrang·ers aux sociétés fusionnées et d'associés nouveaux : en effet, la constitution d'une société anonyme requi~rt comme condition d'existence la réunion de sept associés compa­rants - au moins---:- et l'on ne peut guère prévoir le cas de fusion par le concours d'au moins sept sociétés.

Mais qu'il s'agisse d'apports à une société nouvelle ou d'apports à une société ancienne, l'on peut envisager que la fusion ne se réalise pas par l'apport de l'avoir tout entier des sociétés, que l'une ou l'autre en conserve ou en réserve une partie.

Il peut être de l'intérêt d'une société exploitant des établissements en Belgique _ et à l'étranger de fusionner les établissements helg·es et de réaliser les autres, et cette réalisation ne doit pas nécessairement être imposée avant l'acte de fusion.

Ou encore, à raison des droits des créanciers qui forment l'élément passif, la fusion peut exiger comme condition que ce soit ·la société absorbée qui acquitte personnellement son passif en n'apportant' que son aéti( n-et. , · -

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264 'LÉGISLATION

Le projet de loi se borne à stipuler en termes généi;aux que le droit à ta récluc­tion est acquis de quelque manière que la fusion s1o!)èt·e; irsumt qu'il y ailfusion, et celle-ci exige comme. élément essentiel la disparition entière et définitive des sociétés fusionnées, ou tout au moins de toutes$auf ulle-; que Jes sociétés ahsor­héesne subsistent plus que pour leur liquidation. C'est là' le critérium.

Si une des sociétés n'apportait que partie de son a voit• et coütiimait à exercér son activité avec le SUI'plus des capitàUX, il y aurait opération ,d'augÜ.leJÙatiOJl· par apports et non fusion. Il y aura, au contraire, fusion si elle n'a conservé une pat·:ie de son avoir que pour acquittet• son passif.

D'autre part, si la loi autorise toutes les lllQdalités, il ne pourrait y avoir lieu, comme semble le elire l'exposé des motifs, d~exclure celle q'apports nouveaux par des tiers, ·lors de l'opération de fusion. Ce serait- ainsi que nous l'avons inditiUé plus haut- empêcher les fusions par conslitution de soCiété nouvelle hors le cas où le nombre des sociétés fusionnantes serait d ·au moi us se1)t.

1\fais il se comprend que l'on n'accorde pas le bénéfice de la réduction de droits à ces nouveaux capitaux. Il suffit- mais il est nécessaire de prévoir - de déclat·rr que ces capitaux et aJ)ports no1weau:J.; qui appat•aitt·onf à l'acte deVI'ont acquitter lès droits au plein tarif. Cet apport est une disposition étraug-ère à la fusion.

En décider autrement serait ouvrir une large ]Wrte à des combinaisons étrang-ères au but poursuivi, pern1ettrait des abus qu'il faut,écarter.

II. Il semble nécessaire de préciser ici le champ dans lequel s'exercera l'action de

la loi nouvelle. _ « La réduction 'd'impot s'applique à toute fusion de sociétés >>. Nous ajouterous

<( et à la fusion de toutes sociétés >>. L'exposé des motifs, après avoir rappelé le rapport de la Commission nationale

de la Propriété industrielle, réclamant une dimiuuiion des taxes qui grèvent ks sociétés minières, ajou! e avec raison <Ille << ce qui est vrai de la fusion de sociétés minières est ég·alement vrai des autres sociétés commereiales ;>. Il se rallie aux sug-­gestions de M. 'le Ptés\dent du· Comité Cent1·al Industriel qui réclame l'application du régime de faveur i)our toutes les sociétés, quel que s·At leur statut juridique . . Cependant, le texte de l'art. 1er ne prévoit l'a!)l)lication qu'aux << sociétés ci viles

ayant emprunté la forme des sociétés coimnerciales ». Le texte doit être précisé. Il y a lieu de Javoriser le 1·e~n~oupement non seulemeilt1

des sociétés <<-dont l'objet est l'exploitation des mines, minières et carrières, qui'," usant des bénéfices concédés par l'art. 187 de la loi sur les sociétés, ont 1m, sans perdre leur caractère civil, emprunter les formes des sociétés commerciales, mais de tot! tes celles qui seraient en situation de subir eette transfonnation >l., · Il est parmi ces dernières sociétés, non èncore revêtues des formes commerciales et exploitant des concessions qu'il importe précisément de fusion net· a' ec d'autres plus iinpoi·tantes, qui devraient reuoncer au bénéfice de lem fusion, si elles ùevaieuf accomplir au préalable la procédure de transformation en une société anonyme que la fusion ferait bientôt disparaître.

Il y a donc lieu ije prévoir et autoriser la fusion directe._

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LÉGISLATION 265

L'on ne 11erdra pas de vue que déjà la loi du 5 aoùt 1926 a complété l'art. -192 des lois cooi·données sur les sociétés, permettant aux sociétés c-onstituées avant la loi de J 873 de modifier leurs statuts; nouobslant toute disposition cou traire, en sui­vant les règ·les des art. 70 et 71 des lois coordonnées sur_ les sociétés. · Il a été ég:ilPment signalé qu'il existerait encore en Belgique deux ou trois sodé tés charbonnières très anciennes tiUi 11'ont 1ms adopté la forme des sociétés commer­ciales .et dont les statuts n'ont vas été enreg·istrés.

On 1i'aperçoit aucune bonne raison pour ne pa:; faire bénéficier ces sociétés des. faveurs fi3cales éJkLées pal' le p1·ojet de loi. L'adjonction proposée au texte a pour lmt de· place•· c,~s sociélés sur le mème pied que les autres sociétés. de mines qui ont emprunté la forme des sociétés comme1·ciales en les dispens_ant de la condition d'enregistrement tpi serait de nature à les écarter. ·

Sur un autre point encore il importe d'écarter une COI)fusion que· l'exposé des motifs 11oùrrait crée•·. .

.Après avoir fourni le commentaire de l'art. 2, il in~ique que (( les me!;ïui·es nou­velles ne visent que les sociétés par actions )) .

Le pt·oj"t de loi contient deux ordrc·s de dispositions fiscales, les unes du domaine de l'eureiislrement, les autres des co11tributious. Les premières; viséPs par l'a1·t. t.eJ· s'appliquent à toutes les sociétés, parce que l'application des règles de l'enreg'islre­ment ne subit pas de. distinction qu'il s'agisse de sociétés de capitaux ou de per­sonnes. Il en est autrPment en ce qui concerne la législation sur les revenus, le régime étant ici di1lére~1t en ee qui concerne les sociétés par actions

L'obsei'vation contenue dans l'exposé des motifs ne peut s'appliquer qu'en ce qui conceme.les exemptions contenues dans l'art. 2.

Le pl'Ojet de loi s'applique· donc, en ce qui concerne l'enreg-istrement, à toute fusion dt: sociétés. Il n'écarte pas la fusion entt·e sociétés de personnes ou la fusion entre sociétés de nature différente, Je Ile qu'une société en commandite et une société anonyme, ou entre ·sociétés dont l'objet ne se mit pas le même.

Seules sont exclues IPs sociétés non commPrciales, les sociétés civiles (jUi ne pourraient, réelamer le bénéfice de l'art. 187, ~ 1er, des lois COOI'dOiinées modifié, par J'art: 90 de la loi du 14 juin 1926, les sociétés de droit étrang·er et celles con-stituées sous le rég·ime de la lég·islalion de la colonie. ·

Toute opération de fusion est de nature :i entrain er- indépendamment des droits de timbre- la perception de droits de natures différ~utes, savoii' : des droits d'en­rrg-islreinent de l'acte et des di'oifs de lranseriplion.

Les droits d'enregistrement sont actuelle meut perçus au taux de 1,20 }). c. Ceux de transcription au taux de ,1,80 p. c.

IJe projet de loi a pour objet de réduire ce laux à concurrence des deux tiers, soit·de les ramener 1·espectivemeut .à 0,40 et û,60 p. c.

l\'Iais comment faut-il éta:blir la liquidation de ees droits ? Quelle est la matière imposable ?

Le droit dé tmnsci'iption atteint l'acte à raison des menÜons d'ap1wrts en société de biens immeuble,:, (ioi du 30 aoùt 1913, modifiée par celles du 28 aoùt 192L et 2 janvier 1 926). Il a la même cause et le même caractèr~ que celui établi parles lois des 21 ventôse an VII et 18 décembre 1851 sur les actes CQmp()rtant _tran~missio~

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266 LÉGISLATION

entre vifs de biens immeubles. Il est liquidé sur la valeur conventionnelle des immeubles apportés en société, soit sur la somme qui sert de hase au droit d'enre­gistrement. C'est un droit de mutation s'appliquant. à l'immeuble tt·ansmis etl'impo­sant d'après l'échelle des d,roits proportionnels de la loi de frinnire.

Il n'existe aucune difficulté d'application ni aucune raison de modifier actuelle-ment les règ·les de perception en vig·ueur.

Il en est aùtrement en ce qui concerne la liquidation du droit d'enregistrement. Le droit est actuellement liquidé : Au cas de constitution, sur le montant total des apports faits en argent ou autre­

ment, .sans distraction des charg·es ; Au cas de prorogation; sur le capital social, au jour de Ja, prorog·ation augmenté,

le cas échéant, des aJ)ports nouveaux constatés dans l'acte de prorog·ation ; Au cas d'aug·mentation, sur le montant de l'aug·mentation. L'on aperçoit la différence considérable de perception, selon qu'il s'ag·it de con­

stitution ou de prorogation : dans ·le prem:ier cas, le droit est calculé non sur la valeur conventionnelle de l'apport, mais sur l'émolument net fourni à la société et rémunéré par les titres attribués, représentatifs de portion de capital social..

Ils ne seront pas estimés à la valeur libératoire de souscription. La liquidation s'établit sur la valem des biens considérés en eux-mèmes, à leur

valeur effective, sans déduction du passif qui les grève ou qui grève l'apport de la masse indivise. C'est le montant brut et non le montant net.

C'est ailisi que l'apport d'un immeuble d'une valeur de 1 million, gTevé d'une charg·e hyp::~thécaire de 800.000 fr. qui ne peut fournir matière qu'à une attribution de 200.000 fr. en titres, donne lieu à pe1~ception sur la base de 1 million de francs.

Dans le cas de l'apport par une société cl€ son actif et de son passif, c'est sur la totalité de l'actif apJ)Orté que le droit sera calculé, et l'on aperçoit dès lors la charg·e considérable pour les sociétés qui ont constitué, en contractant des emprunts en banque par voie d'obligations ou autrement, des installations, des immobilisations, des stocks, des avoirs de roulement.

Et cette charg·e sera plus lourde s'il faut admettre____:. bien que cette prétention de l'administration paraisse à certains des plus contestables- qu'un montant égal aux échéances encore à venir de loyers, redevances, annuités de concessions, doive contribuer au calcul de cette valeur brute des apports.

Tout autre est la liquidation du droit en matière de proroga-tion :_ici ce n'est plus l'avoir social brut mais net, c'est le montant du capital nominal qui sert de base à. la perception, c'est le montant de la dette de la société vis-à-1'is de ses adionnaires, tel qu'il est constaté au passif dù bilan.

En ce qui concerne les augmentations de capital au cours de l'existence sociale, par des apports nouveaux, ce cas comprenant l'incorporation d'une société par une autre, des controverses ont surg·i dans la doctrine et la jurisprudence à raison de la rédaction de l'art. 4 de la loi du 30 août ,J 913, qui stipule que le droit sera pe1·çu sur le cc montant de l'augmentation n, ce texte. ne

1

.prévoyant plus in te1'1ninis les charges. .

La thèse de l'administration (voir circulaire dul20 septembre 1913) consiste à appliquer aux augmentations de capital la même règ·le que celle adoptée au . cas de

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LEGISLATION 267

conslitution, soit la perception sur l'appor·t, sans distraction des charges. Celte thèse rstaccueillie par le Tribunal rh;il de Liég·e(!l juin 1920, .Tut. de Liége, no 1920, p. 251, Rec. gén., uo !5762) et le T1·ibunal civil de Bl'Uxelles (2-l février 19:n, Journ. prat. de droit fiscal, 1927, p. 79). Elle avail été repoussée par ce dernier· Tribunal le 28 avr·ii 1920; voir c1 L'augmentation du capital dans les sociétés anony­mes et le droit d'emegistremPnt ll ; (même Jonrnal, p. 67, et Recueil, no H:i763).

La question ne laisse pas que r1 'être délicate et il aurait paru désirable non de la résoudre ici en ter·mes g·énéraux par· une interprétation de la loi de -1913, mais de décider sm quelle base il convient de liquider· dans le cas présent, au regard de la malièr·e qui nous est soumise, et twndant la période limitée qui est indiquée, le droit de 1,20 p. c.

Il importe que les sociétés qui sont invil.ées à se fusionner co11nais~ent de façon certaine les conséquences fiscales de l'opération. _ S'il s'agit de constitution d'une société, la perception sera opérée sur les apports bruts sans distraction des charg·es. Cc mode de fusimi est d'une pratique pen cou­rante et il est permis de se soustraire aux charg·es qu'elle entraîne sur la base des biens totaux cumulés par la formule de l'absorption.

Mais il semhlait quP, dans la fusion par l'absorption, l'on aurait dù introdtdre dans la loi une liquidation du droit sur· la base adoptée en matière de proro~ration, soit le montant du capital nominal, ce terme pris dans le sens que lui donne la loi sùl' les sociétés et non de. l'avoir social ( 1) ; c'eùt été la perceplion ~Ut' Ût valeur ct es actions nouvelles.remisrs à la société fusionnée et uue telle hase q'enregistrement serait ainsi en cou;::ordance avec les règles suivies en matière de c~lculs des béné­fices.

Cette base de perception conespond à l'importance réelle du cap~tal nouveau. La raison du projet est de concrntrer des forces économiques par la fusion.

Celles-ci ne se manifestent que dans la. mesure où des actifs eifeciifs viennent se joindre et non des charg·es et des dettes.

C'est l'importance des avoir·s nets, la balance des comptes de chacune des sociétés qui doit être ·eonsidérée.-

La n'otion de percepti'on sm l'apport uel, lorsque la sociélé absorbée prolonge en réalilé son existence antérirure dans la société absor·baute, s'impose au même titre qu'en matière de prorog-ations direétes.

On peut reprendl'e ici- el avec autant de fondement- ce raisonnement qui fit adopter la hase de liquidation en matière de fusion.

Ce <IUi n'est pas log-ique ni juste, c'est de prétendre, lors de la pl'Orog·ation, faire abstraction de tous les acles dt~ la vie sociale qtü out donné naissance à un crédit. An moment où la société se ct constitue n- nous ajouterons ici ct se reconstitue n­on pe1·cevra le droit sur le capital, j'y souscris.

Mais an moment où elle sc p1·orog-rra. on percevrait non sur son capital, ou encor·e sur· son actif uet, mais sur l'actif brut ! Cela est inadmissible, parce que cela Pst iuiquP.

(-1) (Sur l'antithèse entre u capital social n el <c avoir ~ocial )) voir DE HAENE

Rev. prat. des soc., 19H, no 2155).

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268· LEGISLATION

Le gouvernement, saisi de cette sug·~re-·tion, n'a pas cru pouvoir consentir ce qu'il considèt·e- en se basant sur les règles appliquées par l'Administration en matière d'augmentation de capital- comme devant entraîner un dégTèvement au dela de celui 1woposé.

III. La disposition de l'art. 2 est d'un domaine différent : les fusions n'étaient pas

seulement rendues souvent impossibles à raison des frais d'acte,· mais à raison des conséquences qu'elles entraînaient en inatière d'impots sur les revenus.

Aux termes de l'art. Hi, § 2, des lois cooi·données, tout ce qui était attribué à une société fusionnée et dépassait en valeur le capital nominal antérieur devait apparaître comme bénéfice taxable.

La société ou l'actionnaire pouvait être ail1si imposé, tout en l'ecevant moins. que sa mise primitive. On en arrivait à devoir donner le càractè1·e de bénéfice, en cas de fusiori d'une société constituée avant 1914, à tqut ce qui dépassait la déprécia­tion au serHième du franc.

Une société ayant en réalité consommé une partie de sa substance, était fiscale~ ment en situation bénéficiaire !

Le projet de loi modifie à titre tempül'aire, ou plutot suspen:d cette exigence fiscale. Il n'abot·de à cet .ég·ard que frag·mentairement un pt·oblème dont la solution d'ensemble s'impose et qui préoccupe 1 es économistes, les fiuaneiers et la jurispru­dence. Il s'inspire des considérations qui ont amené cette dernière à reconnaitre et déclarer que le transfert des réserves au capital et à la distributioÙ aux action­nail'es d'actions représentatives de ee transfert ne pouvaient être considérés connne bénéfice taxable (Cass. 6 déc. 1926, Bull. des contrib. no 17).

Il n'y a pas bénéfice à défaut d'une opération créant des richesses ou eng·enctr-~nt un a voir antérieurement inexistant. · 1 _

En matière de fusion, les actionnaires ne recevaient pas - sous la forme d'actions nouvelles, - autre chose que ce qu'ils possédaient déjà. C'est donc à hon droit que le b~néfice - qui est considéré comme seulement ~pparent .c_ d'une fusion opérée dans la p~l'iode de lrois ans qùi va s'ouvrir ne. fournira matiére à aucune taxation. -

Il n'est pas inutile de sig·naler, pour l'application de cette disposition, la doctrine qui enseig·rie qu'au cas de fusion par absorption « la société qui disparaît fait rapport de tout son actif et de tout son passif à la société avec lal1uelle elle se fusionne, moyennant l'attribution d'un . certain noœb1;e d'actions, non pas à la sociélé ancienne qui disparaît conll)lètement pai' suite de sa fusion et qui partant n'a plus de représentants lég-aux; Iiütis aux actionnaires de l'ancienne société indi­viduellement, lesquels font eux-mêmes l'échang·e de leurs titres contre des actions de la société qui subsiste, dans les conditions indiquées » (RESTEAU, no 2l69).

Il va de soi que le faU d'une fusion consommée sans que les actions nouvelles aient été réparties aux aetionnaires anciens, à l'intenention d'une liquidation ; que le fait de la répartition directe de ces actions par la société absorbante ou la société nouvelle ne peut faire obstacle àL'exonération de la taxe mobilière.

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~tÉG!StA 'l'lON

Antérieurement à la~ revisiori de 19f 3;-J'art. 38 (44 · actue!J des lois coordonnées sur les· sociétés permettait de substituer une g-riffe à la seconde· sig·nature dont les actions doivent être revêtues. La loi de -1913 exige actuelleiEent. l'apposition de deux signatures manuscrites. Cependant cette formalilé n'est pas exig·ée en ce qui concerne les titres des emprunts de l'État et des villes. Elle n'a pas été jug·ée nécessaire en ce qui concerne les billets de banque.

La pratique a démontré les graves inconvénients de la disposition nouvelle - pertes de temps et frais considérables - sans. qu'elle apporle aucune garantie supplémentaire.

Les alinéas 2 et 4 de l'article 189, qui avaient été intl'Oduits dans la loi sous l'empire des mêmes considérations qui firent adopter le texte actuel de l'art. 44, ont déjà été abrogés par la loi du 3 aoùt 1924, art. 9.

Les opérations de fusion sont de nature à entraîner naissance ou renouvellement à un très gTand nombre d'actions. Il convient de simplifier les forinalités,. au moment où elles constitueraient une entrave inutile.

' Plusieurs membres ont exprimé le regret de ne trouver dans· le projet qu'une modification à titre provisoire, notamment en ce qui concerne la disposilion de l'art. 2. Ils ont fait observer que, à leur avis, il eût été rationnel, et en tout cas sou­haitable d;en étendre le bénéfice à -toutes les sociétés sans distinction.

Commentaire.- La loi du 23 juillet 1927 a eu pour but de favoriser, gr•âce à la fusion de sociétés industrielles, une meilleure organisation de la fabrication tant au point de vue .de l'extension de la production que de l'abaissement du· prix de revient. Cette nécessité économique se taisait sentir surtout pour les chai'bonnages pour lesquels le groupe-

. ment de concessions était devenu, dans certains cas, indispensable. Mais l'application des principes fiscaux rendait bien souvent llüe pareille opération tJ'OP onéreuse par suite de la perception des droits d'mwegistrement et de transcription d'une part, de la taxe mobilière sur' le revenu, d'autre part.

En ce qui concerne les droits d'enregistrement et de transcription on sait qu'ils sont respectivenient de 1,20 et 1,80 p.c. L'application de ces deoits aboutit au payement de sommes parfois considérables, sur­tout en cas de fusion de sociétés et principalement d~ sociétés minières. En ce cas, en effet, les biens sociaux ayant, au cours des années, par l'accumulation et l'emploi des réserves ou surplus d'amortissements, ou par suite de la plus-value naturelle des biens immeubles~ atteint une valeur tt~ès élevée, il s'ensuit une perception proportionnelle des plus lourdes.

Elle Pest particulièrement pour les sociétés minières dont les

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270 tÊGISLA Tl ON

biens· sont,· pom; la majéure ·partie, imniobilièrs ; ·or~ ces biens ·qui sont~ au cours des années, susceptibles d'une plus-value naturelle par­fois importante, sont atteints à la fois par· le dr·oit d'onregistr·ement et par le dl'oit de transcription.

Quant à la taxe mobilière, l'cu·t. 15, § 2, cies lois coordonnées ,rim­pôt sur le reverm stipule " qu'en cas de partage de l'avoir· social, par· suite de liquidation ou cle toute autre caus8, la taxe mobiliere est basée sur l'ensemble des sommes réparties en espèces, en titre~, on autre~ ment, déduction faite du utpital social réellement libéré restant à rembourser ". Or, une société qui liquide p~t' suite cl' absorption ·OU

qui fusiOI?ne avec unë autr·e société et I'eçoit ~n échange de ses apports des actions cle cette dernière. est censée partaget' son avoir social. L'art. 15, § 2, s'applique donc et la taxe rhoLilierH fbtppe la différence entre le capital réellement libéré restant à rembourser et la valeur des actions rémunératrices des apports ; on déduit toutefois de la blXe·' le total des impôts que la société a payés sur les eéserves comprises dans la susdite valeur. Il est aisé cle se rendre compte cle l'impol'tance du décaissement que peut entr·aîner cet impôt, dont le üwif est très sensiblement plus élevé que celui des droits d'enregistrement et- de transcription.

La loi nouvelle le suppl'ime purement et simplement. Elle réduit, d'autre pal't, au tiers les droits d 'enregisti~emeùt et de tt·anscription dont les tarifs respectifs sont eamenés à 0,40 et 0,60 Ü'. p. c.

Plusieurs conditions sont imposées pae le législatem' pour pouvoir. bénéficier de cette faveul'. Elles se tPouveüt contenues clans Pm·t. ter.

1° Il faut qu'il s'agisse d'une fusion. Celle-ci peut d"ailleurs êtr·e réalisée de n'impoete quelle manièee. soit pm· absot'ption <rune société par l'autrè, soit par voie de ceéation cl'm1e société nouvelle t·éunissant deux ou· plusiem·s sociétés._

2o Qu'il s'agisse exclusivement de sOciétés .. Ainsi, si un particulier intervenait à Facte de fusion et ütisait appo1·t à la société abs01·bante ou a la nouvelle société de biens ou capitaux contre des droits sociaux. l'immunité ne serait plus applicable. C'est ce que déclare f01·mellement l'Exposé des motifs. Le texte de l'article est~ elu reste, à cet égard, tout aussi formel.

3o Que les sociétés soient des sociétés commerc-iales ou des sociétés civiles ayant emprttnté ou susceptibles cl'empntnter la forme des sociétés, commerciales conformément à la loi du 14 juin 19.26.

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· LÉGISLATION 271

Le bénéfice de la loi est assuré aux sociétés civiles n' ayan~ pas encore emprunté la forme des sociétés commerciales, p~ourvu que la décision de fusion directe soit votée à la majoeité des associés possé­dant lès trois cinquièmes des parts· ou intérêts sociaux. Voir le texte de l'art. 1er, alinéa 2.

4° Que les sociétés aient leur principal établissenzent en Belgique. Le législateur ayant envisagé l'intérêt national et la lutte contre la concurrence étrangèee, !"exclusion des sociétés étrangères est justifiée.

5o L'art. 1er situe enfin le bénéfice de la disposition dans des limites de temps et p1~end à cet égard certaines garanties : a) l'acte de fusion devra être présenté à la formalité de l'enregistrement dans les 3 ans du jour où la loi sera obligatoire ; b) les sociétés doivent avoir été constituées par des actes enregistrés ou ayant acquis date certaine avant le jour où la loi sera obligatoire. La loi ne "iJrofite donc qu'aux sociétés actnellement existantes et qui fusionneront dans les 3 ans de la mise en vigueur de la loi. La nécessité de l'enregistrement des actes de constitution et de fusion empêche les fraudes qui .pourraient se produire par l'antidate des actes.

Il est à remarquer qu'il n'y a pas de réduction du deoit de timbt•e des actions nouvelles qui seront créées en suite de la fusion. L'Exposé des motifs fait observer à ce sujet qu'il n'est pas désirable que les actions de sociétés soient soumises à des taxations diffél'entes selon la nature des actes auxquels elles doivent l'existence.

Des dis'positions complémentaires ont apporté des modifications de sin':lplification aux articles 44, alinéa '1er, et 87' alinéa ] el' des lois coordonnées sur_ les sociétés commerciales relatifs aux form~lités de signature des a.ctions et obligations : l'une des deux signatures exigées pourra désormais être apposée au moyen d'une· gdffe. Le rapport de lYI. WAU\VERMANS justifie ces modifications.

On doit regretter que l'intitulé de la loi ne fasse pas mention de ces· dispositions modificatrices d'une loi générale telle que les lois coord~mnées sur les sociétés commerciales. Le soùci de la bonne ordonnance du travail législatif eüt même dù porter le législateur à en faiee l'objet d'une loi spéciale.

M.F.

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JURfSPRUDENOE

No 2796. - Tribunal de co·mmerce de Liége. -.,.-- ·26 janvier 1927. l\'IM. Ft·yns. ju~e, ff. du prés. ; - Groulard, référ. ; -

l\'IIres Waroux et Co'fnesse, avocats.

(Renard et Baland cf Bierna).

1: Société en nom collectif.- Action en justice. -Absence d'acte écrit. - Dafaut de publication. -Action des associés en nom pe1•sonnel. Recevabilité.

II. JEm et pari.~ Opérations de bourse.

1. La fin de non recevoir ·de l'article U, § 3, des lois coordonnées sur l' s sociétés commerciales est opposable à l'action intentée par une société, être moral distinct, mais non à l'action intentée par les associés agissant personnellement et conjointement contre leur débiteur commun.

II. Les opérat'ions à terme et de report n'ont aucun caractère illicite en elles-mêmes. Celui qui oppose l'exception de jeu doit pro111'et que, dès l'origine des opêrations, il était dans l'intention conmnme des parties de faire des opérotions fictives se réglant par différences, sans que 1es titres, objet de la spéculation, soient jamais achetés mt livrés ; il importe peu que, par la suite, la livraison des titres ne snit pas effectuée.

Dans le dt•oit : Attendu que l'actiun tend à faire eondamner le défendeur au payewent d'une

somme de ft·.· 5.049, 85, montant du solde débitem· d'une série d'opérations de bourse transcrites en tête de l'ex11loil d'assig1Jation ; · .

Attendu que le défendeur oppose à celte acrion une fin de non recevoit· basée sur ce que les dema~deurs, étant en soeiété, ne peuvent 'assigner en justice, l'acte de société n'ayant pas été publié au Monité1t1' ;

Attendu que l'action a été intentée au n_om des deinandeurs, agents de chang·e, faisant le commerce sous la firme Renat·d et Baland, ag·ents de change, rue du pont d'Ile, 3.1$ à Liég·e;

Attendu que la fin de non recevoir de l'art. 11, § 3, .des lois coordonnées sm· lrs sociétés commerciales est opposable à l'action_ intentée par Uile société, être moral distinet, mais non pas ù l'action intentée pat' les associés agissant personnellement et conjointement contre leur débiteur commun ;

Attendu qu'il doit en être a f'(Jrtiol'i ainsi lorsqu'on ne se trouve pas en }H'ésence d'une société; CJtl'en l'eSJ)èce, rien n'indique et. le défendeur ne pl'Ouve pas que les demandenrs forment entre eux une soeiété ; .

Attendu que, dans ces conditions, l'action est reeevable ; Attendu que le défendem· oppose encore à l'action l'exception de j~u pr~tendant

qu'étant donné la situation des parties il est cet·tain que l'intention oritinait·e et eommune des colltl'actants a été de liquide~· les· opératiqns ù tet·me pal' des diffé­rences sans avoir jamais voulu faire un contrat !aboutissant ù des livraisous eiïec-tives ; ·

Attendu que les opé1·ations à terme et de report n'ont aucun caractèt·e illicite en elles-mêmes; qu'il faut, pour que l'exceplion de jeu soit accueillie, que celui qui l':ïppose prouve que, dès l'origine des opérations, il était dans l'intention commune

~0 2796.

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JUÏÜSPRUDENCE

des parties de faire des opérations fictives se réglant par des différences, sans. que IPS titres, objet de la spéculation, soient jamais achetés ou livré~ ; ' ·

Altf'ndu que semblable opération ne constituerait pas un jeu encore que, par la suite, la livraison ne soit. pas effectuée .et que tout se termine- par un payement de différences; qu'en efiet, un fait postérieur ne peut modifier une opéralion dont la

· nature s'es_t fixée au moment de la conclusion (V, Code élémentaire des agents de o1m.izge, Goflin 1927, p. 49-50);

Altendp è{u'en l'espèce, le défendeur ne rapporte pas la p1·euve de l'intention comnmne de jeu; qu'il nefait qu'alléguer crrtaine présomption sans pertinence en pr.ésellCe des eléments de la .cause; CJU'en effet, l'opération incriminée est la der­nièt•e d'une série d'opé1·ations au comptant et à terme dont le caractère de licéité n'est pas discutable; qu'il ne 1•essort nullement de cet ensemble d'opérations qu'à l'm~igine .il y avait intention commur1e de_ faire des opérations fictives devant se régler par différences et ne don nan~ jamais le droit au défendeur de lever les litres à l'une ou l'autt·e quinzaine ;

Attendu qu'à défaut de cette pre-qve, le défendeur n'est pas recevable en son exception;

Attendu que la réalité et l'exaêtitude ·du compte n'èst pas contestable en J)ré­sence dès élérherits justificatifs versés aux débats ;

Par ces inotifs, Le TribUnal, l'ejetant toutes conclusions contraires, déclare les demandeurs rece­

vables et fondés en letir action ; condamne le défendeur à leur payer la somme de fr. 5.049, 85 avec les intérêts légaux ,et les.dépens .

. Observations. -- I. Cette décision est conforme à l'opinion défendue en cette Revue (1922~ no 2421)dés avant l'm·rêt de la Coue de cassa~

tion du 17.mai 1923 (Remte, 19?-5, Ii0 2629)·qui a I~ejeté le pourvoi cot1tPe un m·rêt de la 'Cour d'appel de Liége du pr février 1921 (Revtte, 1925~ 11° 26:29), Nous av"ons longuement exposé les éléments de la contL·ovet·se .concer!Jant l'art. 11, § 3, des lois cooedonnées dans une étude doctrinale sut."'~ Vi,~recevabllité de l'aCtion intentée par une· société dorit l'acte constitutif n'a pas reçu )a publicité légale " . . (Revu,e, 1925, no 2634) complétée ensuite vu· une autee (Revue~ 1925, no 'i6l9). -~- 'ioie an-.;si dans le même se11s Comm. Anvet·s, 24

décembre 1925 (Remw, 1926, 11° 27:24), -II: Sur~ Pexception de jeu, voie l'étude doctrinale du regretté

Cl. Deneus (Revue, 1925, no 2597) et les ob.sePvations sous 'rrib. de 'Fe instarice de Beuxelles~ 20 octobre 1926 (Revue, 1926' no 2733).

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274 JURISPRtJDENC~

No 2797. - Cour d'appel de Bruxelles (Ioe ch,). - 9 juillet 1926. 1\'IM. Hulin, prés. et rapp. ; De Vooght, suhst. du proc. gén. ; .Mc G. Leclerq, avocat·

(Compagnie des ·wagons-lits cf Administration des Finances).

Impôts sur les revenus. - Société belge. -Obligations émises à l'étran­ger.

Lorsqu'une socléti belge, établie en Belgiqtœ, émet des obligations en Angleterre, remboursables en Angleterre et non en Belg~que ; que ces obligations ne sont ni t-imbrées ni cotées, ni négociables ; que les coupons n'en sont payables qtt'à Londres sons déduc­tion des taxes anglaises et que toutes les charges de l'emprnnt en question sont po1·tées au débit dn compte des profits et pertes du siège (?e Londres, lequel effectue d'ailleurs des recettes suffisantes ponr acqu·itter ces charges, mais que le p1'oduit des obl'igations est versé dans la caisse sociale en Belgique, la société est passible en Belgique de l'im­pos'it·ion queles art. 14 n) 1, 16 et 2.0 des lois coqrdonnées mettent à sa charge.

La.Cour ; Attendu que la requérante ne comparaît pas ni personne pour elle ; Attendu que le recours se horne à prétendre que l'imposition n'est pas due parce

qu'elle est afférente aux intérêts d'oblig·ations émises exclusivement en Ang·leterre, remboursables en Angleterre et non en Belg·ique, qu'elles ne sont ni timbrées, ni cotées, ni négociables; que les coupons ne sont payables qu'à Londr_es, sous déduc­tion des taxes anglaises, et non en Belgique; et que toutes les charg·es de l'emprunt en question sont portées au débit 'du compte de profits et pertes du sièg·e que la Compagnie des Wagons-lits possède à Londres, lequel effectue d'ailleurs, ·des recettes suffisantes pour acquitter ces charges ;

Attendu que l'article 2, § 1. er, des lois coordonnées le 9 aoùt 1.920, assujettit à l'impôt les revenus de tous les biens immobiliers ou mobiliers, produits ou recueil" lis en Belgique, alors même que le bénéficiaire n'y aurait pas son domicile. ou sa t·ésidence ; .

Que le siège que la requérante possède à Londres ne constitue pas une personne juridique, et n'est qu'un organisme de cette société helge ; ·

Qne celle-ci, il est vrai, exerce son industrie en Belg'ique et à l'étranger, mais les bénéfices sont recueillis et concentrés en Belgique, où son bilan est dressé ;

Que le produit des obligations a, d'ailleurs, été versé dans la caisse sociale en Belg·ique, et sert à alimenter une société belg·e ; qu'il n'est mê1i1e pas exact de. dit·e

. que leur revenu a été produit en Angleterre, puisque les sommes qui seraient employées à cet effet ne sont point distinctes des ressources générales de la sodéte débitrice, lesquelles sont recueillies en Belg'ique. 1

Attendu qu'à tous égards, la requérante est dond passible de l'imposition que les articles 14, 1 o, 16 et 20 des lois coordonnées Ji1ettent à sa charge ; et le recours advient conséquemment sans la moindre base lég·ale ;

Par ces motifs, ne l'avis de M. le substitut du procuï·eur g·énéJ'al DeVoog·ht entendu en audience

publique ; rejetant, comme sans aucune relevance, la demande de preuve forn1ulée

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JURISPRUDENCË 275

· au reèours·; déboute la req~érante de ses fins et conclusions, et la condamne aux frais de son recours.

Observations. - Des motifs de r anêt ci-dessus il ressort ·une con .. fusion entt'e la débition de l'impôt i)ar les bénéficiaires des r•evenus, véeitables rèdevab~es de celui-ci. et la mesuee de perception à la sonr·ce qui oblige toute société, toüt organisme ou tout particulier, qui paye des reveilus~ à reteni1··1e montant de P-impôt et à le verser au Trésor. Dànsl'espècejugée il ne peut s'agit• que de la retenue à la souPee par la société : les l'evenus en cause sont, en effet, les intérêts que la société doit à. ses obligataires ; les véritables redevables de la taxe mobilièee dont il est ici question, sont donc ces derniers~ seuls bénéficiaires de ces t•evenus ; la· société n'est tenue à un versement au fisc qu'en veetu de la mesuré rle perceptio1~ à .let smt1:ce édictée par l'article 20 des lois coordonnées.

Oe, l'argunientation de l'arrêt consiste à dire que les revenus affé­rents aux obligations litigieuses sont taxables~ parce qu'ils doivent être considérés, conforméin'ent à l'article 2 des lois coordonnées, comme produits ou l'JC'ueillis en Belgique. Et c'est là qu'est là confu­sion.

Disons tout d'abord qu'à notre sens il est ·erroné de soutenie que ces I'evonus sont produits en _Belgique. Les revenus litigieux sont

exclusivement les intérêts set·vis at!X obligataires. Or, ces revenus ne sont- payables qu'à l' étrangei' .

. Le fait que ·les profits, revenus ou I'essourc-es quelconques, a~t

m,oyen desquels ces intérêts seront payés, proviennent d'une société belge on ont été produits en Belgique est indifféeent au point de vue de la taxation qui doit atteindre non le débiteuJ' de-c.es intérêts mais les bénéficiaires de ceux-ci. Il faut donc admettre que· ces revenus sont pt·oduits et recueillis à l'étranger. Et s~ils sont encaissés par des éteangers non domiciliés en Belgique, ils sot'tent, dans le chef de ceux-d, du cadt'e de 1' impôt tel qu'il est délimité par l'article 2 des lois coot·données.

Ainsi d'ailleurs l'a déclaré un ai'I'êt de la Cour de cassation de Bel .. gique en date du 19 janvim' 1925, (Revue, 11° 2000) d[ws une affail'e tont-à-fait simiiaiee en c·ause de la Compagnie Asturie1ine des Mines : L'espèce était alot's, l'ela ti ve çwx ÜJtét'êts d'obligations émises par cette société de nationalité belge en France et en _Espàgne et dont les coupons n'étaient payables que dans ces pays.

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: Mais, -nmis l'avons dit, leproblèri1è àré~oudi'e n'est pas la : il gît tou.t entier dans l'interprétation de la portée à donnel' à la mesure cle perception qui astt'eint la société belge à faire en Belgique, au profit çlu Trésor~ les retemtes sur les intérêts qu'elle paye aux· obligataires. Ces retenues sont-elles obligatoires loPs même qu'elles s'appliquent à des revenus que l'article 2 des lois cooi·données n'a pas déclaré frap­pés ? Oui, décide la Cour de cassation, dans l'arrêt ci-dessus cité : " cette nzesTwe cle perception, y est-il dit, pr1:se en v~te cl' atteindre les portetws cl' obligations bénéficiaires et véritables clébitew·s cle "l'impôt, a été imposée à toutes les sociét~s dont le siège social est en Belgiqtte~

sans clisti1tction ni exception ; les termes générattX et absoltts cle la loi ne permettent cl' en exclwre .le revenu rl' aucttne sorte cl' obUgat ions;

Nous renvoy,ous à cet. arrêt et aux obsm'vations que nous avons pré­sentées à son sujet. ~· Il se voit ainsi qu~ le résultat reste, en sotrune, le même que celui

1

qu'a consacré ci-dessus la Cour d'appel de ~J'uxelles, mais pom' des motifs différents, l'article 20 mettant d'ailleurs la société à l'abri de JJecours des porteurs des obligations dont> les intérêts sont ainsi atteints.

:NL F ..

No 2798. - Tribunal correctionnel de Bruxelles (14e ch.). - . 14 avril1927.

MM. Chapel, prés. ; Van de Walle, suhst. ; Mtrcs Tschoffen et Magnctte (Liége), Poirier et Jacqmotte, avocats (Bruxelles).

(Min. public cf N ... et consorts);

Société anonyme. - Assemblée générale ....... Non actionnaires se présen· tant faussement comme propriétaires de titres ou se ·présentant comme mandat,aires de prétendus propriétaires de titres n'ayant pas réellement cette qualité.- Punissabilité.

Sont punissables s1t1' pied des art. 185 et 175 des lois coordonnées sur les sociétés les membres d'un groupement d'agents de elzange ayant constitué un comUé de déf9tzse de porteurs de titres ll'une société anonyme en vue de rece1tillir le pl1ts grand nombre ile titres poss1ble pour prenclte zmrt anx assemblées générales et remettant les titres 'aJïpartè1za1it à lell1'S çUents, èt des mandataires choisis dans leur g1·oupement attx fins d'y vote/' comme s'ils étaient p1iopriétaires lles tit1'es • .

Atteildu (en ce qui concerne les 1ei·, 2e, 3e, 4e, oe, 6e, 7e, se, ge, 12e et ioe pré· venus) qu'il est constant, en fait, que les dits prévenus faisaient partie d'un g·roupe­ment d'ag·ents de chang·e ayant constitué un. comité de_ défense des porteurs des

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JURISPRUDENCE 277

titre·s visés à laprévention eti vue de receuillir le plus grand nombre de titres pos-. sihle pour ~p,rendre part aux assemblées ;

Attendu qu'il est sans pet·tinence que les prévenus n'aient pas, en personne; ·commis les faits. qui sont à la hase des poursuites, l'at~t. 185. des lois coordonnées sur les sociétés rendant applicable le livre 1er du Code pénal, sans exception du chapitre VII, à la prévention mise à charg·e des prévenus sur le pied de l'art. 175 des .dites lois (RESTEAU, t. IV, p, 34-9, no 22~~;- WAUWERMANS, p. 628, no 1205);. . Attendu que l'acte de participatiOil requis aux termes de l'art. 66 du Code pénal vour que les prévenus soient punissables, consiste dans leur chef à avoil' remis les tltres,appartenant à leurs clients à des mandataires choisis dans le gToupèment dont

. faisaient parties les prévenus pour en faire un usag-e interdit par la loi et commettre ainsi, par concert de volontés, l'atteinte à la foi publique que la loi a voulu réprimer ;

Attendu, en effet. que par l'art. ·175 des lois coordonnées sur les socié~és cmn-. inerciales le législateur a voulu sauvegarder les droits des actionnaires et les intérêts

des liers en empêchant que la composition des assemblées g·énérales et les résolu­tions qu'on y prend ne soit violées par l'intrusion de personnes ciui ne seraient pas propriétaires d'actions pour lesquelles elles prennent part au .vote (Cass., 4 février '1924; Pas., 192i, p. 190);

Attendu qu'il est sans relevance, d1une part, que tous ou certains membres de l'assemblée fussent au courant de la violation de la règ·le édictée par l'art. 175 des lois sur les sociétés commerciales (Brux., toe ch., 27 octobre 1923; Pas., 1924, II, 102); d'autre part, que ne seraient pas impliqués dans les poursuites les manda­taires ayant assisté à une assemblée en présentant comme propriétaires de titres des personnes qui n'avaient pas cette qualité et en y prenant part au vote (BELTJENs, Code pénal, art. 66, p. 84, no 4 ; p. 88, no 39 ; p. 85, nos tO et H ; NYPELS et SERVAIS, VOl. 1, p. 177, no 8);

Vu les art. 37 et 38 de la loi du 8 juin 1926, 1 de l'arrêté royal du 15 juin 1926, 175 et 185 de l'arrêté royal du 22 juillet 1913, portant coordination des lois sur les sociétés commerciales, 40, 66, 85 du Code pénal, 186 et 194 du Code d'instruct.ion criminelle dont M. le président a indiqué les dispÔsitions.

Par ces motifs, Le Tribunal condamne à une amende de t fr. majorée de 90 décimes (soit 10 fr.).

Observations. - L'art.· 175 des lois cooedonnées sm• les sociétés punit d'amende ceux qui, en se présentant comme propriétaires d'actions ou d'obligations qui ne leur appartiennent pas, ont dans une société constituée sous rempire de la présente loi, pris part au vote dans une assemblée générale d'actionnaires OU d'obligataires, et ce~tX q~ti ont remis les actions mt obligations pmtr en (aire l'usage ci-Cless~ts prémt.

Le délit en question, qu'il s'agisse du vote d'un pseudo-propriétaire ou de la remise des actions pour faire voter un pseudo-propriétaire, est consommé du moment que le vote a eu lieu..

Il ne requiert que le dol général, c'est-à-dire qu'il suffit pour que

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278 JURISPRUDENéE

l'acte soit punissable, que celui qui a rù·is part au vote comme pr·oprié"' taire œactions ou d'obligations ou celui qui a remis les actioJJs ou obli­gation,s pour en tair·e cet usage illicite·, ait su qn~eiles n~étaient pas sa propriété ou que le tiers à qui elles étaient remi§es allait s~en servir pour prendee part au vote con.1me si les actions lui appar·Lenaient e11 propre. La loi belge - à ·la; différence de la Joi française - ne i•equiert donc pas pour la punissabitité le dol spécial~ c~est..:à-:-dir·e, que l'on ait agi clans un dessein de fraude ~u avec l'ültention de nuire.

Il arrive assez fré-quemment à des agents de change ou à des gr·ou­pements de particuliers (membr-es d'un comité· de clét'ense) de se pré­senter à des assemblées et d'y voter au l·ieu et place des véritables propriétaires cl' actions ou d'obligations, sans avoir déposé avec les titres une procm·ation régulière.

Cette pratique est punissable aux termes de Part. 175. Le fait de u~avoir pas soi-même commis Facte réproùvé et répl'imé

par la loi pénale~ ·est Ü11puissant à èxempter l'application de Ja loi pénale, cai' l'art. 185 déclare applicable à l'infraction le chap. VII, livt·e I, du Code pénal~ traitant " de la participation de plusieurs per­sonnes au même cr·ime ou délit " : en remettant les titres à des ruan­datait·es pour voter en la fausse qualité de propiétaires ou au nom des per·sonnes n'ayant pas cette qualité, les antl'urs de la remise con­coureilt, par un conceJ"t cle voloutés~ à l'aUei11te r:unis~ablù il la foi fmblique ..

Ces principes ont été appliqués avec justesse et logique cla.us l'espèce ci-dessus, par le Tribunal corr·ectionnel cle .Bruxelles.

Les prévenus firent valoir l'honnêteté de leurs int(•ntions, le fait que ·tout le monde savait qu'ils n'étaient pas propriétaires des titr'es, le fa:it que leur' intervèntion Ù'avait pas modifié les, decisions pl'ises par l'assemblée.

Mais ces diverses iusta11ces·étaient s<.uis ped,inence~ la loi n'atla­chant pas la pnnissabilité nu fait que les tiel's ou les autres action­naires auraient été, de fait, induits en eJTetw; ni au fait que la par­ticipation de non-aetionnail'es au vote aueait vkié le résultat du sèrn­tin. La rwescdption légale a été établie dans u11 intérêt géuél'al,. pour assurei·, wn toute hypothèse~ la composition sincèr~e de l'assemblée et l'ingénüité sociale qe_ses scr·ntins comme des garanties en soi de la pi·otection des droits des actionnaires et de~ intérêts des tiers. Si elle av:a,it p.ermis de ti·aiter .avec indulg~ncè certains cas- de ". b·uquage "

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JURISPRUDENCE 279

non malhonnêtes et inoffensifs~ elle eût supprimé par le fait même. pour le public toute possibilité de contrôle et de distinction entee les bons et les mauvais, elle aurait ouvert la porte à tous les abus et à la fl·audé.

Sue rimportance attachée pae le législateur à la sincérité de com­position des assemblées générales, voir Cass. belge~ 4 fév.rier 1924~ et la note (Revue, 1924, no 2549).

No 2799. - Tri_bunal de commerce de Liége. - 1er février 1927. lU~I. Francotte, jug·e, prés. tf. ; Char lier, référ. ; ~pres Wigny et Collignon, avocats.

(Rizzo of Van Noppen).

Société en général, ~ Éléments essentiels. - Participation aux béné­fices.- Absence de participation aux pertes.- Pas d'association.

Toute société snppose un apport sujet au:t risques de l'entreprise counnune et nne contribution anx béné~oes oouime aux pertes.

N'est pas associé le gérant d'ml bureau d'exportation réuwnéré à raison d'un, tantième sur les béné~oes réalisés . .

Dans le droit : Attendu quel'action du demandeur telle qu'elle est libellée dans l'exploit intro­

ductif d'instance, tend à obtenir la résiliation; avec dommages-intérêts, de certaine convention verbale d'association qui se serait formée entre parties le 1 !5 aoùt 1.926 ;

Attendu .que pour solutionner le débat il appartient, avant tout, de déterminer la nature de la convention verbale avenue entre pat·ties ; que le demandeur soutient qu'à la date précitée il s'est associé avec le défendeur pour l'exploitation d'un bureau d'exportations industrielles, tandis que le défendeur prétend que hi convention qui est intet·venue entre parties constitue ·un louage de services ;

Attendu que les termes de cette convention verbale sm· lesquels les parties sont d'accord établissent qu'elles n'ont pas eu l'intention de s'associer ; que l'animns societatis fait défaut dans leur accord ; que la convention dispose que le demandeur est eng·agé en qualité de directeur-g·érant du bureau d'exportations créé à Liége par le défendeur; qu'elle attribue, à titre d'appointement, 40 °/o des bénéfices nets et lui g·arantit pendant les 6 premiers mois sur ces bénéfices, un minimum de 6000 fr., payable à t•aison de 1000 fr. par mois, somme qui sera déduite de sa part de 40 °/0 lui revenant dans les bénéfices ; que l'art. 7 fixe à trois ans ·la durée du contrat d'emploi du demandeur ;

Attendu que toute société suppose un apport aux risques de l'entreprise com­mune et une contribution de l'associé_ aux bénéfices comme aux pertes ; . que la convention dont s'ag'it porte hien que le demandeur cèdera au défendeur la totalité de sa clientèle en Italie et recevra un certain pourcentag·e sur les bénéfices, mais ne .stipule aucune participation du demandeur aux pertes pouvant résulter de l'ex•

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280 JURtSPRUDENCE

ploitation du bureau; que si une affairé quelcomjue, ttaitée 11ar le dit lJul'Pau~

entrainait des vertes, le demandeur nepoüvait èfre conlt·aint d'iulene11ir; que ce dernier n'était, en réalité, qu'un simple iutéi·essé dans les bénéfices à réaliser Jlar l'exploitation; qu'il est certain que jam:üs les pa1·ties ll'ont entendu for11~ei' ulle association; mais qu'elles ont toujours voulu contracter un lotiag·e de services ; que la convention litigieuse ne coilstitue clone pas mîe ~association nfais participe de la nature du contrat de louage de servie{'s ;·

Attendu que le caractère. de la convention étant ainsi clélel'millé. il échet de n'ri-fier slle Tribuual est compéteut pour conuail1~e du litige ; · · ·

Attendu qu'il importe tout d'abord d'observer qu'il n'y a pas lièu de tenir compte des qualifications que les parlies ont pu se donner; qn'Hfaüt examiner qu~elle était, eli réalité, la situation du demandeur vis-a-vis du défendem; . .

Attendu qu'il résulte des éléments de la cause et notamment de cette Cfrcolislauce que, suivant la convention d'entre parties, le demandeur ne pouvait tJia,tèl' aucune affaire, ni faire aucune dépense sans l'approbation~ elu défendeur ; que la situation réelle du demandeur à l'égard du défendeur était eelle d'un empl0yé;

Attendu, d'autre part, qu'il est constant que Te traitement du demandem n'est pas supérieur à 24.000 fr. par an ; que le présent litige doit donc être soumis à la jlll'i­diction du Conseil de Prud'hommes ;

Par ces motifs, Le Tribunal, sans avoir égard à toutes conclusio.ns contraires, se déclare incom­

pétent pour connaître du litig·e ; délaisse le demandeur à . se pourvoir connue de droit et le condamne aux dépens.

Observations. -Le jugement ci-dessus est co~oforme aux peiucipls généraux qui sont à la base du conteat de société.

Il peut être difficile pal'f'o·is de disceenei'~ dans la complexité des stipulations d'un contrat., celles qui sont clétenninanles de sa nature et expressives de la volonté des parties: question abando11uén à Pm:bi­trage souverain de la juridiction dn fait. lV~ais il ne peut exister de doute sur les conditions théoriques du contrat de société : ii requiert essentiellement l'int('ntion de contracter un li('n social~ it savoh· la volonté concordante des den x parties de mettre en comnmu quelque chose pour l'exposer·~ ~t clwnces et risques égnlenwnt cou11mms de pro­fit et de perte. C'est l'affectio ou l'animzts societatis.

La participation, non peuL-êtt·c égale quant à la mesure, mais com- -mune quant à rincidence, aux gaü1s et at~x pedes~ en même temr.Js qu'elle est l'une des conditions du cont1·at,l sera souvent - pas ton., joues - l'indice de l'intention de contracter société. Nous disor1s :' 1•us toujom·s ;, : car 011 peut supposer dt s cits oü !~intention do coutr<tcleL' société est cel'taine de part et d'autre, mais où les parties, mapquant à l'obse~·vatiop. de la loi, ont éta~li entre elles le règlement du f'ésul-

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JURISPR l!DENCE 281

. tat des affàii~es sociales de telle sorte que tons les. ga1ns vont c\ l'une d~elle~~ou que rune est exempte de la participation aux peetes. C'çst le cas de la société léonine :. société quant à. l'intention des parties, rn élis -I'éJ)rouvée et feappée de nullité par la -loi (C. c., art. 1832, 1833 et 1855). Il pom'l'a donc êke pr·ùde!it ou même nécessaire pour le. tribt111al, saisi d'une contestation on pris d'un doute sur la nature elu conteat en raison rle rintention des padies de ne pas· admettre pour senle hase de fait de sa d-écision négative, la constatation de l 'affeatr­chisserncnt de rune rles paeties de la conteibution aux pel'tes.' A· ne s~en tenir' qu'a cet indice. poue cléterminet~ si les parties ont entendu foemet{ou non une association, on ri~qnerait de méconnaîtt•e la eaison cl' êt1·e d_e 1 'ad. 1855 et de Gommettt·e une pétition de peincipe.

No 2800. - Tribunal de commerce de Liége. - 19 février 1927. MM .. l\lassart, juge,-ff. de prés.; - J.H. Ro))ert Ring·let, référ. ; - J\'Jires Coart

' et Tschoff~ft, avocats.

(Verhaegen cf Ferlzaegen).

Société.~ Absence d'écrit. -_/Nullité (at>t. 4 lois coordonnées). - Com­mttnauté de fait. - Élém~nts constitutifs de la société. - Employé rétl'ibué dont le nom {\gul'e dans la firme.

L'absence d'écrit est insulfi.sante pour permettre de conclure à l'inexistence d'une société de f'ait alléguée.

A défaut d'éc1·it, les parties commerçantes sont autorisées rt prouver, par tous moyens fTclmis:par l'article 25 lln Code de commerce, l'e:tistcnce de [((; communauté de fait ayant e.ri.~té entre elles.

Le travail ·rémunéré cl'ztn emplo,l}é ne peut ëtre considéré comme un apport it la société. ·

L'insertion d'un nom llan,c; la firme n'est ]las à elle seule une }Jre1we sulfisante de l' e.ristcnce d'une association entre les titulaires. L'usage cl 'une raison sociale dans les ra11parts avec ;les tiers autorise ceu.T-ci à s~ prévaloir de l'associat-ion de fait qui leur est présentée et à de1nanller à c/!acun de ses meinbres l'exécution des engagements Jli'ÏS

par la société, 1nais il n'en est JHts de même des associé.~ qui, en l'absence tle tout écrit, doivent établir d'une façon indubitable que toutes les conditions requises par la loi ont été remplies.

Dans le dt·oit : Attendu que l'action tend à faire dire pour droit qu'm1e . ociété de fait a exislé

entre les sieurs Léonard et Henri Verhaeg·en et à faire prononcet' la dissolution de la dite société ;

Attendu que le défendeur Léonard Verhaegen dénie formellement l'existence de

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282 JURISPRUDENCE

la société et soutient que son frère Henri n'a jamais été eng·agé par lui qu'en qua­lilé d'employé-comptable ;

Attendu que le demandeur Henri Verhaegen a assig·né en même temps la société defait L. et H. Verhaegen qui n'est pas re1irésentée au débat; qu'avant de décider s'il y a lieu oü non de prononcer contre elle une condamnation par défaut, il importe de rechercher si cette défenderesse existe et a pu, dès lors, être attraite en justice ; . Attendu que, eontrairement au prescrit d~ l'article 4 des lois coordonnées sur les sociétés, la société litigieuse n'a fait. l'objet d'aucun acte écrit; que, néanmoins cette nullité ne pourrait opérer entre associés qu'à date1' de la demande tendant à la fàire prononce1', que cette absence d'écrit n'est pas suflisante pour concltue à l'inexistence de la société de fait invoquée par Je .dmilandeur ;

Attendu qu'à défaut d'acte écrit les p;1rties sont autorisées à prouver ·l'existence de la communauté de fait ayant exi_sté entre elles pa_r tons moyens admis par l'arti­cle 25 du Code de commerce, soit par témoins, soit par présomptions ;

Attendu qu'aux termes de l'article '1832 du Code civil, la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ; que l'existence de ce contrat est subordonnée dès lors à deux condilions : mise en commun des av1)0rts de chacun et intention de partager les bénéfices ; cg1'il appartient au demandelll' de· prouver l'existence de ces deux conditions;

Attendq que le 1er mai '1922 le sieur Léonard Verhaeg·en rachetait au sieur Degrelle la partie de son industrie ayant rapport au ch::mtfage central; qu'il conti-­nua à exploiter cette industrie jusqu'en aoùt 1923 ép.oque à laquelle le demandeur abandonna l'emploi qu'il occupait à la Banque Nag·elmackers pour s'occuper plus spécialement de la partie comptahle de l'enti·eprise ; . Attendu qu'il n'est nullement établi, comme l'allègue en plaidoirie le demandeur sans étayer ses affirmations de la moindre preuve, que le sieur Léon_ard Verhaegen n'aurait, à cette époque-, obtenu l'arg·ent nécessaireà l'achat de f'tndustr:ie DegTelle que grâce à l'intermédiaire et aux relations de son frère ; qu'il est, dès ,à présent,

. certain que seul le dit sieur Léonard s'est engagé à payer le prix de la cession et que le sieur Henri n'a fait dans l'affaire aucun appol't en arg·ent;

Attendu qu'il n'est pas plus établi que les pourparlers entre les sieurs DegTelle _ et Lé01iard Vei'haegen auraient été entamés .et négociés pal' le sieur Ht>nri; que cette allég·ation est, dès à présent, controuvée par une attestation verbale du sieur Degrelle aux termes de laquelle celui-ci se serait refusé d'une façon formelle à traiter avec le sieur Henri Verhaegen ; ·

Attendu que le demandeur ne prouve pas que jusqu'en aoùt 1923, il se serait oecupé de la comptabilité de l'affaire, que ce fait serait-il même établi, encore ne constituerait-il pas la preuve de l'association ; -que les quelques services rendus au défendeur par son frère ne peuvent être comparés aux apports du sieur Léonard ; qu'en effet, ce derniei' non seulement avait apporté seul les capitaux nécessaires pour mener à bien l'entreprise mais était seul capable de diri~·er cette entreprise au point de vue technique à raison des connaissances qu'il avait acquises au_ &ei~vice d. e so~1 ancien patron, le sieur DegTelle ;

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JURISPRUDENCE 283

Attendu que les services rendu par le siem Henri Verhae~ren à cette époque pen­dant quelques heures après journée étaient suffjsauunent rémunérés pal' l'espoir qu'il avait d'entrer un jour au service de son frère et de s\y eréer une sHu~tion plus lucrative. que celle qu'il occupait antérieurement ; ·

Attendu qu'il résulte de ces considérations que le. deman'deur n'a fait à la soi­disant association de fait aucun appo1·t ; qu'il ne peut. exister entre les parties de société ; - Attendu qu'en septembre 192 2 les parties avaient résolu de fonder m}e société en noin collectif avec un sieur Lescalier ; qu'à cette occasion, ils jug-èrent utile de con­signer dàns un acte écrit les conditions de cette société et prirent leurs dispositions i)QUr en établir un pt·ojet ; que ce projet resta sm1s suite, le sieur Lescalier n'ayant })as jugé utile de s'occuper de ce genre d'iridustrie ; qu'il ne se concevrait pas que les parties aient, à ce moment, considéré comme indispensable l'accoinplissement des formalités exig·ées par l'art. 4 des lois_ coordo~mées et n'aient pas consig·né par écl'it les clauses et conditions du contrat d'association que le sieur Henri invoque contrè son frère ;

Atlendu qu'en 1923 le demandeur fut occupé chrz le défendeur en qualité de comptable au tl'aitement hebdomadaire de 300fr. ; qu'il ne peut se prévaloir du fait .nu'il mettait à la disposition de son frère ses connai~sa11ces com1)tables pour prouver actuelleiùent l'existe11ce d'une association ; que son travail.était rémunéré et ne peut, dés lors, être considéré comme un àpport à la société ;

Atl.endu que le demandeur se prévaut., e11 outre, de c~ que sur le papier à firme, la vitrine, les prospectus, etc., le défendeur se présentait au public comme faisailt le commerce en commun avec son frère Henri ;

Attendu, sans doute, que l'usage d'une raison sodale dans les rapports avec les tirt•s autorise ceux-ci à se prévaloil· de l'association de fait <lUi leur est présentée et à demander à chacun de ses membi·es l'exécution des eng-ag·ements pris par la société·; mais qu'il n'en est pas de même des assodés, qui en l'absence de tout écrit, doivent établir d'une façon ind ubitabie que toutes les conditions requises par la loi ont été rempHes ; crue le défendent' prut avoir usé de ce moyen soit en vùe rl'augmenter soll crédit soit pour des raisons d'ot·dre personnel que le tribunal n'a pas à examiner ;

Atteri,du que les présomptions invoquées par le deinandeur ne sont pas suffisantes pour conclure à l'rxistence d'une associatiôit ;

Attendu que le fait at·ticulé par le demandem dans son exploit introductif d'in­stance n'est pas libellé en termes suffisamment précis pour permettt·e au défendeur de rapporter la preuve contrail·e qui esl de droit;

Par ces motifs, Le Tribunal donne acte au demandem. de ce qu'il évalue le litig-e à plus de

2.500 f1·. ; ce fait, sans avoir égard à toutes conclusions contraires, dit pour droit qu'aucune association de fait n'a jamais existé ent1·e parties; déclare le demandeur non fondé en son action, l'en déboute et le condamne aux dépens.

Observations. - Les motifs de d1·oit de ce jugement sout confor·mes aux textes législatifs, à la doctrine et à la jurispudence.

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'284 JU.f{ISPRUDENCE

Les lois coordonnées sur les sociétés commerciales ·contiennent des dispositions impér·atives, protection des tier~, quant à Pexistence et à la publicité de récrit constatant la société.

L'absence d'éc1·it entraîne même la nullité de la sodété qui aurait été forniée verhalement entre assoçiés, mais seulement à partül de .la demande pouJ' la faire pr·ononcer (art. 4).

Mais cette disposition est ét1·angère à fa solution de ia difficulté naissant du fait que l'existence même d'une soCiéLé de fait do.nt il n'existe pas d'écrit, est contestée entre ses préter.1dus membres. C'est dans le droit commun (1ue doivent se puiser alors les. éléments de la solution.

La paL'tie qni se prévaut de l 'ex.isteri'ce d .. üne société nonobstant le défaut cl'éc1·it, ne peut évidemment prétendr·e pr·ouver Pexistence d'une société commerciale propr·ement.dite, mais d'une société de fait ou d'une communauté volontair·e.

Cette preuve peut se fair·e entre commerçants pat• toutes les voies autorisées par ·l'art. 25 du Code de commerce.

Encot'e faut-il, si c'est de société que l'on se préva.nt, quel 'on prouve la réunion dans l'espèce de toutes les con di ti ons requises par la loi pom· qu'il y ait contrat de société.

Il faut l'animus societatis des contractants, la mise en commun de qnelque chose~ à risques communs, en vue de profits communs.

Le teavail· d'employé s'il est rémunéré n'appar:ait pas, en fait.~ comme un apport, cae la rén~unération assurée. à la p1·estation J.u tra­vail, en soustrait la valeur à tout risque de perte.

Il n'en serait autrement que si la rémunération appantjssait comme nettement infér·ieure à la valeur de la-prestation fournie : cas d'espèce.

De même, la participation aux bénéfices lie témoigne pas, de soi seule, de l'intention ·de s'associer: elle peut n'être qu'une forme de rémunération aléatoir~. E~lCOre une fois cas d'espèce.

De même le fait de r inser·tion du nom dans la firme, pris isolément, peut n'être pas la preuve certaine de l'inteùtion de s'associer: ce fait peut parfois s'expliquer autrement. Cas d'espèce toujours.

n~une manière générale, on peut dire que, loi'sque les éléments de fait apparents de l'apport soùt réunis, c'est la preuve de l'intention, la preuve de l'affectio societatis qui,.§ei'a déterminante{Cfr. Rev., 1927, 11° 2799).