La Cosa Nostra n'est pas morte

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109 La Mafia italo-américaine est-elle morte ? Actualité et leçons sur un cliché criminologique tenace Jean-François GAYRAUD Dans le grand cimetière des idées reçues sur le crime organisé, l’annonce récurrente de « la mort de la Mafia italo-américaine » occupe une place de choix. Certes, aucun phénomène social n’est immortel : tout périt un jour ou l’autre, les organisations criminelles comme les institutions et les hommes. Cependant, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Afin de se convaincre de la vitalité des Familles mafieuses américaines, un simple tour d’horizon, non exhaustif évidemment, de la chronique judiciaire 2007/ 2008 est riche d’enseignements. D’autant que quelques surprises, souvent passées inaperçues, apparaissent. Is the Italian-American Mafia Dead? Updates and Lessons of a Tenacious Criminological Cliché In the cemetery of organized crime commonplaces, the recurring obituary of the Italian-American mafia stands out. It is true that no social phenomenon is immortal: all perish one day or another, criminal organizations like all other human institutions. However, it is not yet the occasion to raise glasses in a toast to its demise. In order to be convinced of the vitality of the American mafia families, a simple perusal of the 2007/2008 legal chronicles is instructive. All the more so as several surprises, hardly noticed anymore, begin to appear. Jean-François Gayraud Docteur en droit, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’Institut de criminologie de Paris. Après l’École nationale supérieure de police (ENSP/Saint-Cyr-au-Mont-d’Or), il a passé dix-sept ans à la direction de la Surveillance du territoire (DST). Commissaire divisionnaire, il est actuellement chargé de mission à l’INHES. Il est l’auteur d’articles traitant de violence politique et sociale, ainsi que d’ouvrages parus aux Presses universitaires de France et aux Éditions Odile Jacob, en particulier : Le monde des mafias. Géopolitique du crime organisé (2005). © Gettyimages

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La Mafia italo-américaineest-elle morte ?Actualité et leçons sur un cliché criminologique tenace

Jean-François GAYRAUD

Dans le grand cimetière des idées reçues sur le crimeorganisé, l’annonce récurrente de « la mort de la Mafiaitalo-américaine » occupe une place de choix. Certes,aucun phénomène social n’est immortel : tout périt unjour ou l’autre, les organisations criminelles comme lesinstitutions et les hommes. Cependant, il y a encore loin dela coupe aux lèvres. Afin de se convaincre de la vitalité desFamilles mafieuses américaines, un simple tour d’horizon,non exhaustif évidemment, de la chronique judiciaire 2007/2008 est riche d’enseignements. D’autant que quelquessurprises, souvent passées inaperçues, apparaissent.

Is the Italian-American Mafia Dead? Updates and Lessons of a Tenacious Criminological Cliché

In the cemetery of organized crime commonplaces, the recurring obituary of the Italian-American mafia standsout. It is true that no social phenomenon is immortal: all perish one day or another, criminal organizations like allother human institutions. However, it is not yet the occasion to raise glasses in a toast to its demise. In order tobe convinced of the vitality of the American mafia families, a simple perusal of the 2007/2008 legal chronicles isinstructive. All the more so as several surprises, hardly noticed anymore, begin to appear.

Jean-François Gayraud

Docteur en droit, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’Institut de criminologie de Paris. Aprèsl’École nationale supérieure de police (ENSP/Saint-Cyr-au-Mont-d’Or), il a passé dix-sept ans à la direction de laSurveillance du territoire (DST). Commissaire divisionnaire, il est actuellement chargé de mission à l’INHES. Il estl’auteur d’articles traitant de violence politique et sociale, ainsi que d’ouvrages parus aux Presses universitaires deFrance et aux Éditions Odile Jacob, en particulier : Le monde des mafias. Géopolitique du crime organisé (2005).

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ans le grand cimetière des idées reçues surle crime organisé, l’annonce récurrente de« la mort de la Mafia italo-américaine »occupe une place de choix 1. Ainsi, la tona-lité dominante des analyses sur la Mafiaressemble souvent au titre évocateur de ce

livre publié en 2006 : Is the Mafia still a force in America ?[Gale] Le sous-entendu est clair : la fin approche.

Certes, les Familles 2 de la Mafia italo-américainesouffrent depuis les années 1980 et 1990. Après un sièclede quasi-léthargie, l’État fédéral américain s’est finalementréveillé dans les années 1970 - à la mort en réalité dudirecteur du Federal Bureau of Investigation (FBI), JohnEdgar Hoover (1972) - et a commencé à mener unerépression vigoureuse, essentiellement à New York d’ailleurs,aidée en cela par de nouveaux outils : la loi antiracketdite RICO (Racketeer Influenced and Corrupted OrganizationsAct, 1970) et l’utilisation de repentis.

Afin de se convaincre de la vitalité des Famillesmafieuses américaines, un simple tour d’horizon, nonexhaustif évidemment, de la chronique judiciaire 2007/2008 est riche d’enseignements. D’autant que quelquessurprises, souvent passées inaperçues, apparaissent.

Un prétendu moribondqui bouge encore…

L’exemple de Seattle

Les ouvrages sur l’histoire de la Mafia sont formels. Iln’existe aucune trace documentée d’une Famille de CosaNostra à Seattle (État de Washington), et ce depuis leXIXe siècle. D’ailleurs, le crime organisé semble globalementmoins présent dans l’État de Washington, (nord-est desÉtats-Unis) qu’ailleurs sur le continent nord-américain.Pourtant, une opération judiciaire menée au début del’été 2008 amène à reconsidérer cette certitude. Une Taskforce du FBI, de l’IRS (Internal Revenu Service, fisc) et dela police criminelle de Seattle lance ainsi, en juin 2008,des perquisitions dans l’empire des clubs de strip-teasede Frank Colacurcio Sr (90 ans) et de son fils Frank

Colacurcio Jr. Sont visés : quatre de leurs clubs, un à Seattle(Rick’s), trois en banlieue (Sugar’s à Shoreline, Honey’s àEverett, et Fox à Tacoma), ainsi que leur société derecrutement de danseuses et quartier général (Talents West àSeattle), et dans deux de leurs appartements. Les Colacurciopère et fils sont suspectés de racket, blanchiment etfraude fiscale. Leurs clubs sont soupçonnés d’abriter unvaste réseau de prostitution. Pendant les trois années qu’adurée l’enquête, les forces de l’ordre ont mobilisé degrands moyens : des informateurs, des équipes de surveil-lance et des officiers agissant sous couverture (undercover),dont l’un ayant pu se faire embaucher comme managerd’un des clubs.

Les « danseuses » des clubs de strip-tease ne se contentaientpas de danser. Devant payer une taxe pour pouvoir exercerleur art corporel, elles étaient également « incitées » à seprostituer dans les VIP rooms des clubs. Les danseuses setransformaient ainsi en sex workers, les clubs touchant unpourcentage sur chaque prestation sexuelle. Ces quatreclubs, employant plusieurs centaines de personnes,étaient très lucratifs : de janvier 2006 à avril 2007, ils ontainsi généré un chiffre d’affaires de 15, 2 millions dedollars. Le seul Rick’s a rapporté, pour 2006 et 2007, 10,3millions de dollars. Certes, dira-t-on, voilà une simpleassociation criminelle, à base familiale, dirigée par desItalo-Américains. Peut-être, encore que le chef de la policede Seattle, Gil Kerlikowske, parle à cette occasion de :« l’enquête la plus significative de l’histoire de son service, et ceà propos d’une organisation qui a nui à la ville. Il n’est pasquestion ici de morale, mais de violence, de crime organisé et deprostitution organisée » 3 ! D’autant que les enquêteurs ontrouvert depuis peu cinq dossiers criminels d’homicidesremontant aux années 1970/1980 dont ils soupçonnent,sans preuve jusqu’à présent, Frank Colacurcio Sr. d’enêtre le commanditaire.

L’opération judiciaire de l’été 2008 est l’occasion d’uneplongée dans l’histoire criminelle de Seattle. On découvreainsi qu’une Famille mafieuse aurait été fondée au XXe

siècle par deux hommes : Giovanni Rossellini et WilliamColacurcio. William Colacurcio est un immigrant sicilienqui, si l’on en croit la presse locale en 1996, était déjàdans sa Sicile natale un membre avéré de la Mafia (sici-lienne) 4. Il aurait été arrêté en 1926 pour trafic de drogue.

(1) De son vrai nom : Cosa Nostra : Notre Chose…(2) La Mafia italo-américaine est une société secrète dont les membres, tous d’origine italo-américaine, sont choisis puis initiés lors

d’une cérémonie formelle. Au plan national, la Mafia se présente sous la forme d’une confédération de groupes criminels appelés« Familles ». La « Famille » est une construction calquée de manière allégorique sur la famille naturelle/biologique. Il y a en tout20/25 Familles aux États-Unis - plus deux au Canada - situées principalement sur la côte Est. Chaque Famille est dirigée par un chef(boss), un sous-chef (under boss) et un conseiller ; des « capitaines » dirigent des « dizaines » regroupant les « soldats ». Les mafieuxinitiés (made members) travaillent, à l’extérieur de la Famille, avec des « associés ».

(3) Cité in : Mike Carter, «Federal prosecutors seek to seize Colacurcio strip-club empire», The Seattle Times, 2 juin 2008.(4) Rick Anderson, «The Stripper King. The story of Frank Colacurcio, the Bellevue boy who built a notorious nightlife empire», SeattleWeekly, 10 juillet 1996.

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La succession des « Pères fondateurs » de cet embryon deMafia expatriée est apparemment houleuse, un conflitsurgissant entre deux clans rivaux menés l’un par John« Handsome Johnny » Carbone et l’autre par Frank « BigFrank » Colacurcio Sr, le fils de William Colacurcio.John « Handsome Johnny » Carbone tombe à la fin desannées 1960, condamné avec des complices à vingt ans deprison pour racket. Libéré en 1997, il meurt chez luid’une crise cardiaque.

Frank Colacurcio Sr a, quant à lui, une plus longuehistoire criminelle : pendant plus de 70 ans, des générationsde policiers locaux (police de Seattle, bureau du sheriff) etd’agents fédéraux (FBI et IRS) vont tenter de le confondre.Dans les années 2000, les Colacurcio père et fils défraientla chronique locale avec un scandale politico financiersurnommé par la presse le Strippergate. Qu’en est-il ? En2003, une enquête conjointe du FBI, de la police de Seattleet du sheriff du comté de King apporte la preuve de« contributions secrètes » en faveur de trois candidats à lamairie de Seattle. Apparemment, les prétendants à la mairieétaient « sollicités » pour faciliter l’expansion du parkingdu Rick’s. Mais, comme le dira Tim Burgess, un adjointau maire et membre pendant 12 ans de la City Ethics andElections Commission de la ville : «Ce n’est que la pointe émergéede l’iceberg. L’industrie du strip-tease dans ce pays est fondée surun modèle de corruption, de blanchiment d’argent, de violencephysique et de prostitution, et c’est vrai aussi à l’Ouest, dansl’État de Washington. Le sujet n’est pas celui de la danse dénudéeou de la liberté d’expression. Il est question d’une entreprisecriminelle qui opère dans notre région depuis des décennies » 5.

Le plus inquiétant semble en effet se trouver à un autreniveau. Les Colacurcio auraient bénéficié pendant desdécennies de la « bienveillance » d’un avocat, un tempsélu gouverneur de l’État : Albert D. Rosellini. Ce que l’in-téressé a toujours nié vigoureusement. Les soupçons sefirent par exemple pressants durant le Strippergate.Cependant, l’essentiel est ailleurs, comme ce bref aperçuhistorique le suggère. Officiellement, les Colacurcio etleurs associés et complices ne forment qu’une sorte dehome grown organized crime (crime organisé local). Il semblepourtant qu’une véritable Famille de la Mafia, donc uneentité formelle, au-delà des seuls liens du sang, se soitanciennement implantée puis développée à Seattle, loinde l’attention générale concentrée généralement sur l’ac-tivité des Familles de la côte est et de Chicago. UneFamille comprenant probablement entre cent et deuxcents membres initiés et associés, dont les métastases

iraient de l’État de Washington (Seattle, comtés de King etPierce), aux États de l’Oregon, d’Arizona, du Texas, duNevada (Las Vegas), jusqu’à Vancouver, en Colombiebritannique (Canada). Une implantation durable et profondedonc, passée presque inaperçue jusqu’à présent.

Les Gambino et les autres

Au tournant du XXIe siècle, avec l’arrestation puis ledécès en prison (2002) de son boss emblématique JohnGotti, la plupart des observateurs ont considéré la FamilleGambino (État de New York 6) au bord de l’agonie. Peupariaient sur sa survie criminelle. Cette famille étaitprésumée morte et enterrée, payant ainsi la flamboyancedangereuse de John Gotti. Il est vrai que les dégâts opéréspar le témoignage devant la justice fédérale du repentiSammy « The Bull » Gravano, ex-underboss de la Famille,furent alors considérables. Son témoignage envoya JohnGotti et des dizaines d’autres mafieux en prison. Pourtant,les « affaires », une fois réorganisées et reprises en main, sesont apparemment poursuivies, comme si de rien n’était.La chronologie montre même que, durant les assautsjudiciaires de la période Gotti, la Famille poursuivait savie criminelle :

En février 2008, lors d’une opération dite Old Bridge,les polices américaines et italiennes lancent un raidconjoint contre diverses Familles de la Mafia sicilienneen Sicile – à Brancaccio, Pagliarelli, Villagrazia - et contrela Famille Gambino à New York et dans le New Jersey.En tout, environ quatre-vingts personnes sont interpelléesdes deux côtés de l’Atlantique, dont environ soixante auxÉtats-Unis. On découvre, à cette occasion, que la FamilleGambino, avec en particulier sa figure montante Francesco« Frank/Franky Boy » Cali, et diverses Familles de Sicilesous l’autorité du capi di tutti capi Salvatore Lo Piccolo,le successeur de Bernardo Provenzano (arrêté en 2006),avaient su renouer les liens anciens (Old Bridge) et lucratifsde la Pizza connection (héroïne) des années 1980 – que l’onavait pourtant décrite après l’opération comme définiti-vement défunte !-, mettant sur pied un complexe traficinternational de drogue : en l’occurrence, de la cocaïneachetée au Venezuela. Avec ces arrestations massives dansla Mafia de New York, l’opération la plus importantedepuis vingt ans, c’est en fait toute la hiérarchie supé-rieure de la Famille Gambino qui se trouve décimée :John « Jackie the Nose » d’Amico, Domenico Cefalu (sous-chef), Joseph « Jo Jo » Corozzo, Giovanni Inzerillo, etc.

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(5) Paul Shukovsky, «Police and feds raid Colacurcio strip clubs», Seattle P.I., 3 juin 2008.(6) L’État et la ville de New York abritent cinq Familles mafieuses dont les racines remontent au XIXe siècle pour leurs prémices et aux

années 1920-30 pour leur configuration actuelle : Lucchese, Colombo, Genovese, Bonanno et Gambino. Ces cinq Familles, aveccelle de Chicago, surnommée The Outfit, dominent la scène mafieuse nord-américaine, y compris canadienne.

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À partir de 2003-2004, les polices américaines, italienneset canadiennes avaient en effet commencé à observer desvoyages transatlantiques et des réunions, aux États-Uniset au Canada, impliquant des mafieux des deux continents ;autant de signes de la revitalisation de liens historiques.Détail important dans cet univers clanique et méfiantpar nature ; un mariage a semble-t-il facilité le rappro-chement des mafieux des deux continents : celui de Frank« Franky Boy » Cali avec Rosaria Inzerillo. Cette femmeest issue de la grande famille mafieuse sicilienne desInzerillo, dont les partisans, brutalement défaits dans lesannées 1970/80 par les « Corléonais » (Toto Riina, BernardoProvenzano, etc.), avaient dû s’exiler en Amérique ; dumoins ceux ayant pu échapper aux massacres. Frank Caliest aussi le beau-frère de Pietro « Tall Pete » Inzerillo,restaurateur et surtout « soldat » de la Famille Gambino.Frank Cali a ainsi joué le rôle d’ambassadeur entre lesFamilles américaines et siciliennes. Un autre personnagea facilité les rapprochements transatlantiques : GiovanniInzerillo, fils du boss sicilien « Totuccio » Inzerilloassassiné par les « Corléonais » 7, né à New York en 1972,retourna en Sicile en 2000 pour s’établir officiellementdans la banlieue de Palerme comme entrepreneur deconstruction. On perçoit l’ironie de la situation : lesInzerillo et leurs partisans, en s’exilant aux États-Unis enpleine guerre de Familles siciliennes vont, par effet dedispersion, jeter les bases d’une revitalisation tant desGambino que de liens criminels transatlantiques 8. Encorefallait-il que le chef de la Mafia sicilienne approuve une telleévolution. La reconstruction de ces liens transatlantiquesest initiée et autorisée par la politique de pacification deCosa Nostra de Sicile entamée par Bernardo Provenzano.Le successeur de Toto Riina, plus « politique » que sonprédécesseur, autorise en effet les mafieux vaincus et exilés(« les fugitifs ») aux États-Unis à revenir en Sicile et àréintégrer les rangs de l’organisation. Rentrés au pays, cesmafieux siciliens, désormais surnommés les « Américains »,se réinvestissent alors dans le trafic et le blanchiment del’argent de la drogue, en s’appuyant sur les « cousins »américains de la Famille Gambino. Et Frank Cali prit encharge la supervision du blanchiment de l’argent des« cousins » siciliens, par exemple dans l’immobilier.

Les Familles mafieuses de New York se sont toujoursenrichies en contrôlant le secteur du BTP : ciment, transport,construction, pose des fenêtres, etc. Quelques opérationsjudiciaires retentissantes dans les années 1980 et 1990avaient laissé espérer la fin de cette mainmise. Et ce

contrôle était presque total. Les cinq Familles de NewYork avaient alors réussi à cartelliser tout le secteur dubéton à leur profit, provoquant des surcoûts conséquents.Ne parlait-on pas, alors, du « club du béton » à propos decette véritable direction par la Mafia du BTP à New York ?Et la Famille Gambino – en particulier Sammy « TheBull » Gravano - se trouvait au cœur de ce racket fortlucratif. On affirmait cette époque révolue et, pourtant,on apprend en février 2008 que rien n’a vraiment changé.

Ainsi le montre l’affaire Schiavone Construction Co.(Secaucus, New Jersey). Cette société, fondée dans lesannées 1950, est une des plus importantes dans le secteurde la construction à New York et aux alentours. Elleapparaît impliquée dans une série de schémas criminelsconstitués de pots-de-vin, commissions et sociétés fictives(front societies), destinés à enrichir des membres et associésdes Familles Genovese et Gambino de New York. AnthonyDelvescovo, directeur des constructions de tunnels pour lasociété Schiavone Construction Co. est inculpé en compagniede plusieurs autres cadres d’entreprises du secteur de laconstruction. Ainsi, Anthony Delvescovo, décrit par laJustice comme un « associé » de la Famille Gambino,Nicholas Calvo salarié de Nacimera Industries et « associé »de la Famille Genovese, et Michael King, un syndicaliste,sont accusés d’avoir racketté pendant trois ans un cocon-tractant : Joseph Vollaro, propriétaire entre autre de lasociété Andrews Trucking. La société Schiavone ConstructionCo n’est pas une entreprise ordinaire puisqu’elle a obtenudes dizaines de contrats publics, dont trois en cours avecla ville de New York, représentant des travaux d’un montantde plus d’1 milliard de dollars : tunnels sous l’eau, extensionde ligne de métro, etc. Un contrat public du départementde la protection de l’environnement de la ville de NewYork, le Croton project, semble avoir tout particulièrementattiré l’attention des enquêteurs : un projet de filtrationd’eau dans le Bronx dont Schiavone Construction Co assurel’excavation et qui a vu curieusement ses délais d’exécutionet surtout son coût grimper de 660 millions à presque3 milliards de dollars.

Pendant deux ans, au début des années 2000, l’agent duFBI Joaquin Garcia, alias Jack Falcone, fut infiltré aucontact des Gambino. Au point même de se trouver àdeux doigts d’être initié dans cette Famille (made man) !Qu’apprend-on à la lecture de ses mémoires ? [2008].D’abord que « pas une goutte de béton n’est déversée dans laville [New York], pas un clou n’est enfoncé dans un mur, sans

(7) Les « Corléonais » assassinèrent aussi le frère de Giovanni, Giuseppe, âgé de 14 ans. Quand Toto Riina donna l’ordre d’exécutiondes Inzerillo, ses instructions furent claires : « Il ne devra même pas rester les pépins des Inzerillo ».

(8) Sur ce mécanisme géopolitique de « dispersion », lire : Jean-François Gayraud, Le monde des mafias, géopolitique du crime organisé,Odile Jacob, 2005, puis 2008.

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que la Mafia n’en n’ait le contrôle ….et n’en profite » [op.cit.]. ÀNew York, le ciment est surnommé « l’or italien » (Italiangold). Le BTP est une des sources de revenus préférées desmafieux : « C’est un corollaire à la première loi de la graviténew yorkaise : dans la région de New York, tout ce qui doit monterou descendre, ne peut voir le jour qu’après le paiement des gangsters(wiseguys : affranchis) » [op.cit.]. Il y a ainsi un « impôtmafieux » (Mafia tax ou Mob tax) de 2 % sur tout ce quise construit, et qui rapporte plus de 10 millions de dollarspar an à la Famille Gambino.

L’univers des Gambino est aussi celui du racket, l’acti-vité de base de toute entité criminelle à assise territoriale.Source de revenus réguliers et faciles (dimension écono-mique), l’extorsion de fonds est également un marqueurterritorial unique (dimension politico symbolique). Enmars 2007, deux membres de la Famille Gambino, le« capitaine » Salvatore « Fat Sal » Scala (64 ans) et le « soldat »Thomas « Monk » Sassano (61 ans), sont déclarés coupablede racket contre un club de strip-tease de Manhattan (NewYork), le VIP Club. Chaque mois, ils extorquaient au clubdes milliers de dollars en cash et en soirées arrosées nonpayées. Ils avaient également placé des « amis » dans desemplois fictifs (bogus jobs) dans le club. Préjudice global :2,5 millions de dollars. Le « capitaine » Salvatore « FatSal » Scala est aussi reconnu coupable d’évasion fiscalepour ne pas avoir déclaré de revenus entre 1998 et 2001,et pour avoir caché son argent sous de fausses identitésdans diverses banques. Les avocats de deux mafieux onttenté d’expliquer, qu’en réalité, leurs clients étaient desimples investisseurs dans le VIP Club.

La Famille de Chicago

Un observateur distrait pourrait le croire tant l’Outfit– « l’instrument » comme elle se surnomme elle-même –défraie peu la chronique judiciaire. D’où l’équation com-mune mais fausse : statistiquement invisible donc morte !Et, quand l’Outfit apparaît devant les tribunaux, c’estsouvent à l’occasion de procès de vieux mafieux, ce quidonne lieu aux sempiternelles évocations sur le déclin decette Famille. Tel fut le cas, en juin 2007, avec le procèsdit des « secrets de famille » durant lequel on vit défilercinq légendes de l’Outfit âgées de 62 à 78 ans : Joey « TheClown » Lombardo 9, James Marcello, Frank Calabrese,Paul Schiro et Anthony Doyle, tous accusés de « crimesbrutaux », principalement des homicides et du racket.

Le crépuscule, donc ? La réalité est tout autre. CetteFamille est probablement la plus puissante et la plus ruséedu continent nord-américain, ainsi que l’a si bien décritl’écrivain Gus Russo dans son ouvrage fondamental : TheOutfit [2001]. C’est aussi une des moins visibles, ce qui n’estpas l’un des moindres paradoxes quand on se souvient quel’un des gangsters les plus célèbres du XXe siècle est issude ses rangs : Al Capone. Après ce fâcheux épisode quia démontré les dangers de la surexposition médiatique,la Famille de Chicago a, depuis, pratiqué une politiqued’immersion profonde qui lui a permis, hier commeaujourd’hui, de s’infiltrer profondément dans le big business,les syndicats et la politique. Comment in concreto a-t-ellepu passer ainsi sous le radar judiciaire ? Il semble quecette Famille ait fait le choix stratégique de s’éloigner desmarchés trop « chauds » (hot deals) d’un point de vuejudiciaire, politique et médiatique, ceux attirant une forteréprobation sociale et donc des risques pénaux réels.Ainsi, par calcul, cette Famille s’est tenue à distance dutrafic de drogues et des crimes de rue (prostitution, etc.),alors même que ces marchés criminels sont potentiellementtrès lucratifs. Ces activités ont donc été récupérées pardes gangs ethniques, noirs et hispaniques surtout, la nature(criminelle) ayant horreur du vide. De ce fait, les forcesde police se concentrent plus sur ces gangsters de rue quesur les mafieux. En empêchant ses « soldats » de céder àla tentation d’activités criminelles lucratives, mais troprisquées, l’Outfit a, par là même, démontré sa forte disci-pline interne. La Famille de Chicago a ainsi développéses investissements dans les marchés légitimes et la hautesociété (upperworld). Ce qui explique pourquoi la ville deChicago est certainement la plus corrompue des États-Unis, avec la Nouvelle-Orléans, et ce depuis des décennies.On ne compte plus en effet les policiers, les juges et surtoutles conseillers municipaux compromis. L’Outfit a acquisau fil des générations une influence politique, économiqueet sociale indéniable. À retenir, tant l’État de l’Illinois faitémerger de politiciens d’envergure nationale.

Cependant, l’Outfit n’a évidemment pas quitté l’under-world : le racket syndical, la captation de marchés publicsou le jeu illégal demeurent ses sources majeures de revenuscriminels. L’Outfit a toujours gagné beaucoup d’argentavec le jeu et ne supporte donc pas la concurrence sur sonterrain de prédilection. Selon la Justice, la seule activité desjeux électroniques (video gaming machines) lui rapporterait13 millions de dollars par an. À l’été 2008, deux bikers(motards) appartenant au club des Outlaws, Mark Polchan(41 ans) et Samuel Volpendesto (84 ans), sont interpellés,

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(9) Ce surnom de « clown » n’a pas pour origine un caractère enjoué, mais une anecdote toute judiciaire : Joey Lombardo fut arrêtédans les années 1980 alors qu’il revenait chercher ses lectures préférées, des comic books.

(10) Un « Chapitre » est un club dans le vocabulaire des bikers.

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soupçonnés d’avoir détruit, en février 2003, au moyend’une bombe, et ce pour le compte de la Mafia, leslocaux de la société C&S Coin Operated amusements. Cettesociété était spécialisée dans les machines de jeux électro-niques et faisait de l’ombre à l’Outfit. Le club des Outlawsest de longue date suspecté de liens avec la Mafia – à Chicagocomme d’ailleurs ses autres « chapitres » 10 ailleurs auxÉtats-Unis - et Mark Polchan est identifié comme un« associé » de l’Outfit. Les deux bikers ont, semble-t-il, agià l’instigation de John « Johnny Apes » Monteleone, unmafieux de l’Outfit basé dans la banlieue de Chicago, àCicero. Dans cette ville de banlieue, Samuel Volpendestoa dirigé, dans les années 1990, un club de strip-tease et deprostitution. Suspectant un jour un de ses employésd’être un informateur du FBI, il le roue de coups avecune batte de baseball et le laisse semi-inconscient. Lorsdes perquisitions provoquées par cette affaire, les agentsfédéraux trouveront dans son club vingt-deux grenades àmain et des explosifs. Quant à Mark Polchan, il est connupour ses manœuvres d’intimidation contre les témoinsou pour des faits de corruption de policiers.

Les Familles du Canada

Moins connues que leurs consœurs des États-Unis, lesdeux Familles de la Mafia résidentes au Canada – celle deMontréal dite Rizzuto (État du Québec) et celle de Toronto-Hamilton dite Caruana-Cuntrera (État de l’Ontario) – seportent plutôt bien. La Famille de Montréal, sous la di-rection des Rizzuto, a ainsi acquis au fil des ans une puis-sance financière considérable, grâce en grande partie auxprofits mirifiques issus du trafic international de ladrogue, comme le raconte l’ouvrage de Lee Lamothe etAdrian Humphreys au titre évocateur : The Sixth Family 11.Certes, les Justices canadienne et américaine ont su porterdes coups importants à cet empire criminel. Ainsi, en mai2007, Vito Rizzuto était condamné par un juge fédéral deNew York à dix ans de prison et 250 000 dollars d’amendepour un triple meurtre commis en 1981 pour le compte dela Famille Bonanno 12. Une peine modeste due à l’ententelégale intervenue entre le procureur fédéral de New Yorket l’avocat du mafieux (procédure dite du plaider-coupableou plea bargaining). La Justice américaine est si conciliante

que le juge a accepté que Vito Rizzuto purge sa peinedans une prison proche de la frontière canadienne 13.Comme le dit un de ses deux fils, Leonardo : « C’est trèsimportant pour ses cinq petits-enfants, ses enfants et sa femme » 14.En condamnant Vito Rizzuto à verser une forte amende,le juge fédéral n’a manifestement pas cru les déclarationsdu mafieux concernant sa situation financière. Le gangsterse serait très endetté auprès de membres de sa familleafin de pouvoir payer ses frais d’avocat. Il ne posséderaitni maison, ni carte de crédit, ni compte bancaire. Ses seulsactifs viendraient de sa société de construction Renda. Cequi, formellement, est certainement vrai puisque, en généraldans la Mafia, les actifs sont juridiquement détenus pardes tiers, souvent des familiers. Le juge fédéral, manifes-tement bon enfant, accepte au final des versements partranches de 25 000 dollars.

Pourtant, la richesse de Nicolo Rizzuto, le père, et deson fils Vito est bien réelle. La vaste enquête de la policecanadienne dite « Colisée » (2006) a ainsi montré l’ampleuret la complexité de leur organisation criminelle. Ellecomprendrait environ 600 personnes, essentiellement descriminels, mais aussi des hommes d’affaires et des poli-ticiens. Durant l’opération « Colisée », 73 personnes sontinterpellées, dont Nicolo Rizzuto, 90 perquisitions sontmenées, et 1 000 chefs d’inculpation délivrés. Que découvre-t-on alors ? Au-delà du trafic international de la drogue- 800 kg de cocaïne et 40 kg de marijuana saisis, le clanRizzuto se livre également au blanchiment de l’argentsale, aux paris sportifs, au vol de marchandises, aux prêtsusuraires, à la fraude fiscale, aux appels d’offres truquésde marché, à la fraude fiscale, aux meurtres, etc. Et letraditionnel racket de protection (pizzo) n’a pas disparu, aucontraire. Il est même généralisé auprès des commerçantset des hommes d’affaires de la communauté italienne,sans que la menace ne soit nécessaire pour faire rentrer« l’impôt ». L’infiltration des Rizzuto semble profondedans le secteur de la construction, au Canada et en Italie.La police italienne aimerait bien ainsi poser quelquesquestions à Nicolo et Vito Rizzuto à propos du projet deconstruction du pont de Messine entre la Calabre et laSicile. En association avec la ’Ndrangheta et la Mafiasicilienne, les Rizzuto père et fils étaient apparemmentprêts à investir 8 milliards de dollars dans ce vaste chantier !

(11) Lee Lamothe et Adrian Humphreys dans The Sixth Family, The Collapse of the New York Mafia and the Rise of Vito Rizzuto, Wiley,2006. La « sixième » Famille donc, et ce par référence aux cinq Familles de New York : Lucchese, Gambino, Colombo, Bonnanoet Genovese.

(12) Ce triple homicide est décrit dans le film Donnie Brasco, avec Johnny Depp et Al Pacino.(13) En l’occurrence, la prison de Ray Brook, au nord de l’État de New York, qui est en effet l’établissement pénitentiaire américain le

plus proche de Montréal. C’est aussi une prison dite de medium security !(14) Cité in: «Vito Rizzuto écope de 10 ans», La Presse (Montréal), 26 mai 2007 ; et aussi : «Judge hands Rizzuto 10 years», National

Post, 26 mai 2007.

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L’autre Famille Canadienne, celle des Caruana-Cuntrera(Toronto) est tout aussi florissante, et ce grâce aussi au traficinternational de drogue, en particulier via le Venezuela.Les Familles de Montréal et de Toronto fonctionnent enbonne intelligence : ni rivales ni concurrentes, elles viventdans une réelle pax mafiosa, sachant même s’entraider àl’occasion. Cela s’appelle certainement la maturité…

La routine syndicale :même les bus scolaires

L’infiltration des Familles de la Mafia dans nombrede marchés privés et publics a souvent emprunté la voiedes syndicats. Quoi de plus facile pour contrôler, parasiteret finalement racketter des marchés publics ou privés qued’investir au préalable les syndicats professionnels : bâtiment,habillement, etc. Un syndicat en « odeur de Mafia » peutdéclencher des grèves d’intimidation, offrir des emploisfictifs, détourner l’argent des fonds de pension, etc. Car,comme le montre l’ouvrage du professeur James J. Jacobs :Mobsters, Unions, and Feds The Mafia and the American LaborMovement [2006], s’il existe une particularité du syndica-lisme américain, elle réside bien dans cette contaminationrécurrente et ancienne des syndicats par la pègre (mob).Apparemment, à New York, un secteur avait été jusque-làpréservé : les transports publics. La désillusion est grandequand, en juin 2008, Salvatore « Hotdogs » Battaglia(61 ans), ex-président de la Local 1 181 (section) de laAmalgamated Transit Union de 2002 à 2006, est condamnéà cinquante-sept mois de prison pour extorsion, aprèsavoir plaidé coupable ; il doit aussi payer une amende de50 000 dollars et en restituer 180 000 autres aux victimes.Ce syndicaliste est identifié par la Justice fédérale comme un« associé » de la Famille Genovese. Il a extorqué des dizainesde milliers de dollars aux propriétaires de trois sociétés debus sous contrats avec le service de l’éducation (Departmentof education) de la ville de New York. Le New York Times,citant des autorités officielles fédérales, avance le chiffre de2,7 millions de dollars 15. Salvatore « Hotdogs » Battagliaagissait sous la direction de Matthew « Matty the Horse »Ianniello, le « capitaine » et boss par intérim (acting boss 16)de la Famille Genovese. Que faisaient-ils ensemble ? Lesyndicaliste recevait, par exemple, de l’argent du chefmafieux afin de ne pas syndiquer certaines compagniesde bus sous contrat avec la ville ; en retour, le boss touchait

de l’argent (racket) de la part de l’entreprise ainsi exemptede syndicalistes. La fonction de président de la Local 1 181était bien rémunérée : 199 000 dollars par an. La Local 1 181représente les 15 000 conducteurs de bus travaillant pourles sociétés sous contrats municipaux. Selon la justicefédérale, l’emprise de la Famille Genovese sur cette Localremonte en réalité aux années 1980. Salvatore « Hotdogs »Battaglia est le 3e officiel en fonction de la Local 1 181 àêtre inculpé par la Justice. En 2006, il y eut ainsi Julius« Spike » Bernstein, secrétaire et trésorier (racket, jeuxclandestins, vol, obstruction à la Justice) pour ses quaranteans d’association avec les Genovese et de carrière syndicale.Julius « Spike » Bernstein était souvent vu en compagniede Matthew « Matty the Horse », l’acting boss de la FamilleGenovese. Il plaide coupable en 2006 et meurt en 2008à 86 ans. Ou encore en 2006, Ann Chiarovano, employéepar le syndicat depuis plus de quarante ans, et directeurdu fonds de pension et de sécurité sociale (obstruction àla Justice). Un mois avant la condamnation de Salvatore« Hotdogs » Battaglia, la Justice avait déjà poursuivi quatreemployés municipaux du département de l’éducation dela ville de New York, pour avoir touché des pots-de-vinafin d’offrir un traitement indulgent à certaines compagniesde bus : inspections myopes, etc.

L’infiltration mafieuse des syndicats est si ancienne etsi profonde que le législateur permet la mise sous tutelle(trusteeship) par un juge des sections (Locals) les plusatteintes 17. C’est ainsi ce qui est arrivé en janvier 2007 àla Laborer’s Local 394 de la ville d’Elizabeth dans le NewJersey. Pourquoi ? Cette section syndicale est de facto sous lecontrôle de la Famille du New Jersey, dite DeCavalcante 18,depuis des générations. La tutelle imposée par la Justicese prolongera aussi longtemps que les faits de corruptionet de mauvaise gestion dureront. La Famille DeCaval-cante a toujours considéré ce syndicat comme une « vacheà lait » (cash cow) lui fournissant : emplois fictifs, occa-sions multiples de racket, marchés captifs dans le secteurde la construction, embauches préférentielles pour les« amis », etc. Les dirigeants des entreprises refusant lesconditions imposées par le syndicat et ses mafieuxétaient alors menacés, et devaient subir des grèves « spon-tanées ». Ce qu’exprimera fort bien un des cadres de cetteFamille : « Pas un clou ne perforait un mur sans que nous netouchions notre part » 19. En 2004, une commission d’en-quête de l’État du New Jersey dénombrait quinze à vingt

Jean-François GAYRAUD La Mafia italo-américaine est-elle morte ?

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(15) «Reports says mobsters controlled bus union», New York Times, 7 septembre 2007.(16) Acting boss : catégorie qualifiant le cadre d’une Famille ayant en charge les activités courantes quand le boss en titre est emprisonné

et est donc empêché momentanément d’exercer son pouvoir direct.(17) Sur le dispositif légal, on lira avec profit : James J. Jacobs, Mobsters, Unions, and Feds, The Mafia and the American Labor

Movement, New York University Press, 2006.(18) Famille qui a inspiré les Sopranos.(19) Cité in : «Married to mob, Union is whacked. Ruling ousts leaders of Elizabeth local», Star Ledger, 30 janvier 2007.

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individus, membres ou « associés » de cette Famillemafieuse, comme faisant parti de la Local 394. Faut-ilpréciser d’ailleurs qu’aucun d’entre eux n’y travaillait réel-lement (emplois fictifs : no show job) ? La Local 394 est-elleun cas isolé, un exemple aberrant et non significatif ?Non : dans un passé récent, elle est la seconde dans leNew Jersey. En 2005, la Local 734 de la ville de RochellePark avait connu le même sort et pour les mêmes raisonsde contamination mafieuse avérée.

Les déchets et ordures,un grand classique toujours à la mode

La Mafia et les ordures ! C’est une longue histoire,jamais démentie. Peu de secteurs économiques, du moinssur la côte est des États-Unis, et sauf peut-être le BTP,sont autant contaminés par la présence mafieuse. Il suffitde se baisser pour en trouver les traces. Ainsi, en mars2007, Richard Caccavale (48 ans), de Stormville (État deNew York), plaide coupable de racket dans une vasteenquête fédérale portant sur l’influence de la Mafia dansl’industrie des ordures (trash industry) dans les États duConnecticut et de New York. Operation manager de lasociété Automated Waste Disposal, Richard Caccavaleadmet devant la Justice avoir participé à la cartellisationdu secteur. Les entreprises du secteur s’entendaient pourne pas se faire trop de concurrence entre elles sur les prixface aux consommateurs, et pour les proposer toujoursgonflés. Quand une entreprise ne comprenait pas, RichardCaccavale savait alors la rappeler à l’ordre, avec un appeltéléphonique aussi inquiétant que celui-ci cité en Justice :« […] do yourself a favor for your health, don’t […] go this way.Do the right thing » 20. Mais Richard Caccavale n’est quel’un des vingt-neuf mis en cause. On trouve aussi JosephSantopietro, un ancien maire de la ville de Waterbury, etconsultant dans une société de déchets et ordures. Et,surtout, le boss de la Famille Genovese, Matthew « Mattythe Horse » Ianniello qui, dans ce dossier, a plaidé cou-pable de racket et évasion fiscale. Le vieux boss de 86 ansa certes admis avoir participé à ce schéma de fraude avecdes complices, mais pas d’appartenir à la Mafia.

Les marchés boursiers et Wall Street

Les mafieux savent faire de l’argent partout, y comprisdans le monde sophistiqué des marchés financiers. Enattendant de peut-être découvrir leur trace dans quelquesopérations criminelles en marge de la crise des subprimes,reconnaissons que les décennies 1990 et 2000 leur ontapporté beaucoup de satisfaction à la bourse de New York.

Ainsi, en novembre 2007, la Justice fédérale de Brooklyn(New York) condamnait Craig Marino (37 ans) à dix ansde prison et à 100 000 dollars d’amende pour sa partici-pation à une vaste et lucrative escroquerie boursière sousle contrôle de la Famille Colombo. Les gains sont estimésà environ 20 millions de dollars. La manipulation descours de bourse s’est étendue sur une dizaine d’années(1994-2005). Craig Marino n’était que l’un des dix associésou membres des Familles Colombo, Lucchese et Bonnanoqui ont organisé ces escroqueries. Comment faisaient-ils ?Ils avaient réussi à prendre le contrôle d’une douzaine defirmes de courtages situées principalement à Manhattan(New York). Ils lançaient alors un schéma classique despéculation boursière, dit pump and dump, consistantd’abord à faire monter fictivement, par des tiers contraintsou naïfs, le cours de bourse de certaines actions, puis à lesrevendre à leur pic.

Le jeu clandestin :une inépuisable vache à lait (cash cow)

Les jeux clandestins rapportent toujours autant d’argentliquide, si l’on en juge par les sommes révélées lors dequelques opérations et procès judiciaires. En mai 2007,Andrew Merola (40 ans), un « soldat » de la FamilleGambino est arrêté dans la New Jersey où il réside, et cedans le cadre d’une opération judiciaire de grande enver-gure (Family Ties) dont il est la cible centrale : en tout 25arrestations, 200 policiers mobilisés appartenant à douzeagences différentes dont le FBI, et vingt perquisitions.Officiellement, Andrew Merola tire ses revenus de deuxsyndicats : la Local 825 de l’International Union of OperatingEngineers (à Springfiefd) et la Local 1 153 du Laborer’sInternational Union of North America (Newark). Cette activitésyndicale permet bien sûr divers rackets. Ainsi, avec unmembre de la Famille Lucchese, Martin Tacetta, AndrewMerola a voulu extorquer 20 000 dollars à une entreprisede BTP qui ne souhaitait pas embaucher d’ouvrierssyndiqués de la Local 825. Surtout, le « soldat » de laFamille Gambino dirigeait une opération vaste et sophis-tiquée de jeu illégal avec deux complices, Ralph Cicalese(un ancien policier) et Kyle Ragusa (tout juste sortide prison pour meurtre), en utilisant un site internet,Topbettors.com, offrant des services de jeux à l’étranger,dans un centre off-shore. Via ce site, il était possible deparier sur des événements sportifs et de pratiquer desjeux de casinos. Le réseau de jeu illégal couvrait la villede New York et l’État du New Jersey. Ralph Cicalese etKyle Ragusa supervisaient une quinzaine de complicesqui, à leur tour, traitaient une centaine de joueurs. Évi-demment, les joueurs endettés se faisaient rappeler à l’ordre

(20) Cité in : «Trash company manager pleads guilty to racketeering conspiracy», Associated Press, 21 mars 2007.

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virilement. Andrew Merola est aussi poursuivi pour :prêts usuraires (loan sharking) puisque les joueurs endettésse voyaient prêter de l’argent à des taux exorbitants ; etpour emplois fictifs (no show job) puisque ses fonctionssyndicales ne correspondaient à aucune activité réelle.

En mars 2007, la police de New York arrête dix gangstersimpliqués dans un vaste réseau de paris sportifs illégaux,tous liés aux Familles Genovese et Lucchese. Ils prenaientenviron 1 000 paris tous les mois représentant un montantannuel de 17,5 millions de dollars. Le responsable del’opération criminelle, Allen Sherman (66 ans), était lié àl’underboss des Genovese, Venero « Benny Eggs » Mangano(85 ans), récemment sorti de prison.

Le Canada n’est pas en reste. En juin 2007, on apprendqu’un underboss, Francesco Del Balso, dirigeait vingt-cinqopérations de jeu illégal à Montréal, Toronto et Ottawaqui, sur une période de onze mois, avaient vu transiteren tout au moins 500 millions de dollars. Francesco DelBasto se vantait même d’un chiffre d’affaires de plus d’unmilliard de dollars. Au Québec, son partenaire LorenzoGiordano (43 ans) s’occupait de paris sportifs sur Internet(World Sport Centre : betwsc.com) et par téléphone ; dans laseule ville de Kahnawake, ce business rapporta 391,9 millionsde dollars canadiens, de décembre 2004 à novembre 2005.En tout, l’estimation approcherait même les 520 millionsde dollars canadiens (333 millions d’euros). Francesco DelBasco aurait réalisé un bénéfice personnel de 17 millionsde dollars. Les joueurs se voyaient accorder des lignes decrédit et des codes d’accès secrets au site internet. Le serveurse trouvait au Belize, puis dans la réserve amérindiennede Kahnawake. Francesco Del Balso et Lorenzo Giordanose plaignaient qu’ils avaient trop d’argent liquide : « le cash,tu ne peux rien en faire ! » 21.

En décembre 2007, la police criminelle du New Jerseyannonce que, après seize mois d’enquête, deux douzainesde gangsters (wiseguys), dont trois membres de la FamilleLucchese, sont poursuivies dans le cadre d’une affaire dejeux clandestins, blanchiment d’argent et racket portant sur2,2 milliards de dollars. Les autorités judiciaires n’hésitentpas à parler « d’une des plus grandes affaires de jeu illégaljamais découverte ». Les mafieux avaient créé une véritablesalle des marchés du jeu, en liaison directe avec le Costa

Rica. Au-delà du jeu, ils se livraient aussi au trafic dedrogue et de téléphones volés. Les vrais mafieux du NewJersey sont donc bien actifs, loin de l’image décadente deleur représentation télévisuelle des Soprano 22. La branchedu New Jersey de la Famille Lucchese dirigeant l’opérationcomprenait entre autre : Joseph DiNapoli (72 ans),Mathew Madonna (72 ans), et surtout le « capitaine »Ralph Perna (61 ans), responsable de la branche du NewJersey, et ses trois fils Joseph (38 ans), Ralph (35 ans) etJohn (30 ans) 23. L’examen des finances personnelles deJoseph Perna offre un aperçu de la profitabilité d’unecarrière criminelle bien menée : cinq comptes en banquetotalisant 329 000 dollars alimentés entre juillet 2005 etaoût 2007, pour un revenu déclaré avec son épouse de64 000 dollars ; seize propriétés dont une maison valant712 500 dollars ; et des voitures haut de gamme (Jaguar,Mercedes, Cadillac, etc.). À propos de ces masses d’argenttirées principalement des opérations illégales du jeu, lesautorités judiciaires parlent alors « d’un torrent de revenusillicites ».

En mars 2008, le procureur fédéral de New Yorkdemande que Christopher Colombo, fils du boss JoeColombo, appartenant à la mafieuse éponyme desColombo, soit condamné à purger vingt-sept mois deprison pour son implication dans un réseau de jeux clan-destins ayant rapporté 3,6 millions de dollars sur dix ans.

En juin 2008, après vingt mois d’enquête menée parquatorze services de police de trois États (Maryland, NewJersey, Pennsylvanie), débute à Atlantic City (État du NewJersey) un procès mettant en cause vingt-quatre gangsters,apparemment détendus et bronzés selon la presse, accusésd’avoir organisé une opération de paris clandestins, et cesous la direction de la Mafia. Les charges sont lourdes :racket, blanchiment d’argent, association de malfaiteurs,paris clandestins, etc. Les accusés âgés entre 21 et 63 ansforment un Who’s Who des figures montantes de la pègreet des paris sportifs illégaux. L’opération criminelle étaitmenée par Jack Buscemi (50 ans), un des plus gros book-makers de Philadelphie, et Andew Micali (32 ans), deuxgangsters qui rendaient compte de leurs activités à deuxmafieux réputés de la Famille de Philadephie : le « soldat »Anthony Nicodemo (36 ans) et le « capitaine » Michael« Mickey Lance » Lancellotti (45 ans) 24. Le « soldat »

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(21) Cité in : «Suspected Mafia underboss boasts of 1 billion sports betting network», The Gazette/National Post, 6 mars 2007.(22) Cette série de la chaîne HBO montre une Famille de la Mafia du New Jersey en plein chaos, dont le boss, Tony Soprano, tente de

gérer ses angoisses par une cure psychanalytique.(23) Durant l’enquête, un micro clandestin de la police captera même une cérémonie d’initiation ayant eut lieu le 10 novembre 2007

au cours de laquelle John et Joseph Perna furent formellement initiés au sein de la Famille Lucchese, et ce dans la maison fami-liale de Toms River (New Jersey). Une nouvelle preuve que la Mafia est une véritable organisation structurée et formelle. La pre-mière cérémonie enregistrée le fut par le FBI en octobre 1989 : The Ceremony, The Mafia Initiation tapes, 1992.

(24) Il est intéressant de noter que Jack Buscemi est le neveu d’un soldat mafieux « mort en service » en 1993 et qu’il est réputé prochedu conseiller (consigliere) Gaetano Lucibello.

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Anthony Nicodemo dépendait lui-même du boss du Sudde la ville de Philadelphie, Joseph Ligambi. On voit aussiapparaître des « associés » clairement identifiés de laMafia : Steven « Stevie Gongs » Casasanto, William DePena,Domenic Grande et Vincent Procopio. Au quotidien, les« affaires » étaient menées par Andrew Micali qu’unecaméra filmera prenant des paris venant d’un officier depolice opérant sous couverture. Les opérations de parissportifs clandestins (bookmaking), mais aussi de prêts usu-raires (50 % d’intérêts !) et de blanchiment d’argent, setenaient à l’intérieur de la sale de poker du casino BorgataHotel Casino & Spa d’Atlantic City. Les mafieux et leursassociés avaient réussi à recruter pour leurs opérationscriminelles plusieurs cadres et employés dudit casino.Depuis 2006, cette organisation de jeu illégal avait réussià prendre pour environ 22 millions de dollars de paris !Durant le procès, Anthony Nicodemo doit aussi répondred’une accusation d’homicide en 2003 d’un gangster, John« Johnny Gongs » Casasanto (frère de Steven, voir supra),homicide qui lui aurait valu son initiation/promotiondans la Mafia 25.

En juillet 2008, un « capitaine » réputé de la FamilleGambino, Nicholas « Little Nicky » Corozzo (68 ans),plaidait coupable des seules charges de jeux illégaux, lorsd’accusations plus larges menées par le procureur du Queens(New York) pour : extorsion, meurtre et blanchimentd’argent. L’opération de bookmaking admise par Nicholas« Little Nicky » Corozzo partait du quartier du Queens,se prolongeait au Costa Rica, et portait sur des paris pourdes compétitions de sports professionnels, mais aussiamateurs (collèges). Sur deux années, les paris engagés sesont élevés à 10 millions de dollars. Comme le rappellele procureur du Queens, Richard Brown : « Le jeu illégala toujours été la vache à lait (bread-and-butter moneymaker) ducrime organisé, car cette activité génère d’énormes profits quisont ensuite utilisés pour alimenter d’autres formes de criminalitéplus insidieuses ». Le « capitaine » Corozzo est défendu parun avocat qui n’est autre que son neveu, Joseph Corozzo Jr :une vraie « affaire de famille ».

En juillet 2008, la police d’État de Pennsylvanie metfin à l’activité criminelle de Nicholas « Nicky the Hat »Cimino (49 ans), qui était à la tête d’une organisationde jeu illégal et de prêts usuraires - deux activités indis-sociables, les parieurs s’endettant souvent – fonctionnantdepuis 2002 dans le sud de la Pennsylvanie. Aprèscinq ans d’enquête, dix-sept personnes sont interpellées.Ces activités criminelles généraient un chiffre d’affairesd’environ 1 million de dollars par mois. Nicholas « Nicky

the Hat » Cimino employait divers malfrats tels : Gregory« King » Triantafillou (39 ans), Daniel Dietrich (34 ans),Victor « Vic » Novelli (28 ans), Spiro « Bart » Barbalios(34 ans) et Joseph Pizza (59 ans), dont le rôle consistaità recueillir les paris, à payer les gains et à collecter l’argentdes perdants. « Nicky the Hat » Cimino dirigeait égalementun casino clandestin dans la ville de Folsom. Il s’appuyaitsur un cadre de la Famille mafieuse de Philadelphie,Louis « Bent Finger Lou » Monacello (41 ans) dont laprésence s’avérait ponctuellement nécessaire pour récupérerl’argent des perdants et recouvrer les prêts accordés. Enréalité, le rôle de Louis « Bent Finger Lou » Monacello nepouvait évidemment pas se limiter à celui très subalternede « gros bras » (enforcer). Afin de pouvoir exercer sur leterritoire du mafieux, « Nicky the Hat » Cimino payaiten effet une « taxe » mensuelle au mafieux Louis « BentFinger Lou » Monacello. « Nicky the Hat » Cimino blan-chissait ses revenus criminels tirés du jeu et de l’usure eninvestissant dans l’immobilier et en faisant racheter pardes complices – Joseph Pizza, Ralph « Ralphie Head »Abbruzzi (59 ans) et Robert « Bobby Beck » Beck (43 ans)– des tickets de loterie gagnant ; tickets lui permettantd’afficher des ressources légitimes. Le réseau de jeu etparis illégaux s’étendait jusqu’en Californie et via égalementun site Internet off shore. L’organisation se faisait appelerLe Club. Quand Louis « Bent Finger Lou » Monacelloapprend qu’il est sous enquête judiciaire, lui et ses com-plices, il demande alors à son avocat, Gregory Quigley,de rencontrer un des futurs témoins à charge pour le« cadrer ». Gregory Quigley donne alors ses instructionsau témoin : « Tu as six options avant de mentir : oui, non, jene sais pas, je ne m’en souviens pas, le 5e 26, mentir ».

En août 2008, John Caggiano (59 ans), un associé dela Famille Genovese, plaide coupable : il reconnaît dirigerun réseau de jeu illégal dans le Bronx (New York) lui rap-portant 1 500 dollars par semaine, plus 10 000 dollars debonus à noël. Il est condamné en novembre à une peined’un an et demi à quatre ans de prison et à 176 000dollars d’amende. L’opération de surveillance de la policea duré deux ans. En tout, dix personnes ont été inculpées.Il apparaît que John Caggiano agissait sous la directiondu « soldat » de la Famille Genovese Ralph Balsamo.Cette opération de jeu illégal rapportait 1 million dedollars par an.

En août 2008, un juge de l’État de New York autorisela poursuite de l’enquête pesant sur un « soldat » réputéde la Famille Genovese : Joseph « The Eagle » Gatto (64 ans).Il est accusé d’être à la tête d’un réseau international de

(25) Ce qui en argot mafieux se dit : to earn the bones (décrocher son os).(26) Il s’agit du 5e amendement à la constitution des États-Unis qui permet de conserver le silence face aux questions (droit au silence)

et ce, afin de ne pas se trouver en situation de devoir s’incriminer soi-même.

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paris sportifs clandestins, fonctionnant au profit de quatredes cinq Familles de New York, portant sur des millionsde dollars. Joseph « The Eagle » Gatto contrôle apparem-ment une véritable salle de paris clandestins (wire room)au Costa Rica du nom de Catalina Sports. Plus de quarantepersonnes ont été mises en cause dans ce dossier. Ondécouvre aussi qu’un associé des Genovese, CarmenCicalese, dirigeait une seconde salle de paris au Costa Rica,du nom de DataWagers, qui devait lui rapporter de bellessommes d’argent. Dans les coffres de sa banque, lesenquêteurs ont saisi 680 000 dollars.

Et toujours l’indispensable corruptiondes autorités judiciaires

En juillet 2007, David Gross, un ancien juge du comtéde Nassau (État de New York) plaide coupable d’avoirtenté de blanchir plus de 400 000 dollars pour des membresde la Famille Genovese. S’il savait que l’argent provenaitd’un vol de bijoux, il ignorait en revanche que la trans-action qu’il avait essayé de réaliser se faisait avec un agentdu FBI agissant sous couverture. L’ex-juge devait ensuiteconserver 20 % de la somme blanchie en rétribution. Ilétait prêt à blanchir ensuite 280 000 dollars venant dediamants volés. David Gross fut élu juge pour la premièrefois en 1999 et arrêté en 2005 pour ce crime. Le directeurdu bureau du FBI de New York, Mark Mershon, évoqueà propos de ce dossier : « la plus fieffée trahison de laconfiance publique » qui soit. David Gross était en « affaires »avec Nicholas Gruttadauria, un membre avéré de la FamilleGenovese. On ignore si cette fréquentation de la Mafiaavait commencé alors que le juge était en exercice.

En 2007, les graves accusations de corruption pesantsur l’ex-agent du FBI Lindley DeVecchio se sont précisées.Ce cadre important de la police fédérale est poursuividepuis 2006 pour avoir reçu de l’argent liquide, des bijouxvolés, le paiement de chambres d’hôtels, de l’alcool et

des prostituées de la part du « capitaine » de la FamilleColombo, Gregory Scarpa Sr, et ce en échanges d’infor-mations confidentielles (écoutes, etc.). Lindley DeVecchioaurait ainsi permis aux amis de Gregory Scarpa Sr desécuriser leur situation personnelle en pleine guerremafieuse durant les décennies 1980 et 1990 ; ou encored’apprendre aux mafieux qu’un de leurs clubs était soussurveillance. Les informations fournies auraient mêmeaidé à l’assassinat de rivaux dans la Mafia. Libre souscaution (1 million de dollars), l’ex-agent Lindley DeVecchioa toujours nié, alléguant que le « capitaine » était en faitsa source. Depuis, Gregory Scarpa Sr est mort en prisonalors qu’il purgeait une peine pour racket et meurtre.

Difficile à déraciner

La Mafia italo-américaine est certes probablementmoins dominante aujourd’hui dans la société américaineque durant les années 1950-1960. Qu’en sera-t-il demain ?

Comment les mafieux appellent-ils les traîtres (infor-mateurs et repentis) qui parlent aux autorités judiciaires ?Des « rats » (rats)… Et c’est bien la figure inquiétante decet animal souterrain et adaptatif qui doit inspirer ceuxen charge de l’éradication de Cosa Nostra. Comme le ditRandy Mastro, un ex-procureur fédéral et ex-maireadjoint de la ville de New York, spécialisé dans la lutteanti mafia : « La Cosa Nostra ressemble à une infection derats. Au moment où vous croyez les avoir éradiqués, ils sereproduisent et réapparaissent » 27.

Ainsi, une répression judiciaire molle ou menée parintermittence – sous la seule pression de l’émotion pu-blique – peut paradoxalement renforcer l’organisationcriminelle en l’obligeant à se régénérer.

Jean-François GAYRAUD

Jean-François GAYRAUD La Mafia italo-américaine est-elle morte ?

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(27) Cité in : «Mafia in U.S. down, but not yet out», Reuters, 9 février 2008.

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La longue carrière criminellede Frank Colacurcio Sr :Soixante-dix ans de crime organisé

En 2008, Frank Colacurcio répond à une brève interviewde la presse de Seattle durant laquelle il tient un proposque sa biographie connue ne dément pas : « Ils [la po-lice] enquêtent sur moi depuis ma naissance » 28. Et àchaque fois qu’on lui parlera de « Mafia », il répondra :malarkey (bobard).

1918

Naissance à Bellevue, État de Washington. Aîné d’unefamille de huit ou neuf enfants (selon les sources) dontsept garçons. Commence dans la vie par divers métiers :boucher, employé de ferme, conducteur de camions.

1943

Frank Colacurcio Sr est condamné, pour la premièrefois de sa vie, à deux ans de prison pour des relationssexuelles avec une mineure de 16 ans. Il a 25 ans. Il faitun peu plus d’une année de prison. Son avocat s’appelleAlbert « Al » Rosellini.

1950 (décennie)

Avec ses frères Bill et Samuel « Sam », Frank ColacurcioSr se lance dans le business des machines à cigarettes et desjukebox placés dans les bars et restaurants. Ils ont alors laréputation de tenter d’intimider leurs concurrents par laforce. Ils prêtent aussi de l’argent aux gérants des bars etrestaurants et récupèrent les fonds de commerce quand lesemprunteurs ne peuvent pas payer. Leur société s’appelle :Colacurcio Bros. Amusement Co.

Bill Colacurcio est surnommé le pinball king (roi duflipper) de Seattle et Frank le Jukebox king (roi du jukebox).

1958

Frank Colacurcio Sr ouvre les premiers clubs de strip-teaseà Seattle, dont le Firelite Lounge à l’hôtel Moore. Pour évi-ter l’obstacle de la délivrance des licences d’alcool, FrankColacurcio utilise des « hommes de paille » (front men)comme gérants et propriétaires officiels de ses clubs.

1959

Convocation de Frank Colacurcio Sr devant le Congrès,au Senate Select Committee on Improper Activities in the Laboror Management Field, dite « Commission McClellan ».Cette commission enquête en fait sur le crime organisé.La commission veut avoir des lumières sur l’accusationportée alors contre Frank Colacurcio Sr d’avoir violentéquatre concurrents à Seattle. Il refuse de comparaître. En1957, le jeune Robert F. Kennedy, un des membres lesplus actifs de la commission, avait interrogé en séancepublique un gangster de Portland (État de l’Oregon),James « Big Jim » Elkins. Le gangster de Portland avaitalors qualifié Frank Colacurcio de « racketteur », opérantà Seattle et dans l’État de Washington, et affirmé que cedernier lui avait demandé de l’aide pour ouvrir trois ouquatre maisons closes, ce qu’il aurait refusé.

1960

Le contrôle du marché des pinballs (flippers) et desmachines à sous fait rage à Seattle. Des attentats ont lieudans ce cadre. Pas d’arrestations.

1962

Frank Colacurcio Sr est poursuivi pour provocationd’un mineur à la délinquance.

1971

- La Justice fédérale condamne Frank Colacurcio Srpour racket. Il versait des pots de vins à des policiersde Seattle - et probablement aussi des conseillersmunicipaux – pour qu’ils ferment les yeux sur sesopérations de jeu clandestin illégales dans l’État deWashington. L’État de Washington baigne alors dansune ambiance de grande permissivité.

- Environ à cette période, Frank Colacurcio est observérencontrant à Yakima (État de Washington) Salvatore« Bill » Bonanno, fils du boss Joseph « Joe Bananas »Bonanno, fondateur historique de l’une des cinqFamilles de la Mafia de New York. Apparemment, ilsdiscutent « affaires ». Interrogé par la presse sur cetterencontre, Frank Colacurcio Sr explique qu’il s’étaitrendu à Yakima en famille pour acheter du poivre« mais pas des bananes » 29.

(28) Cité in : Steve Miltich, «The cops vs Colarcurcio, the last round», The Seattle Times, 2 juin2008(29) Steve Miltich, op. cit.

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Encadré 1

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1974

Frank Colacurcio Sr est condamné pour fraude fiscale.Il passe vingt-cinq mois en prison.

1975

L’ombre de Frank Colacurcio Sr va planer sur deuxmeurtres commis cette année-là.

- Durant l’été, un patron de night-club et partenaire enaffaires de Frank Colacurcio Sr du nom de Arsonpropose à Everett « Fritz » Fretland de lui racheter sonbar (The Strand café, à Yakima). Ce dernier refuse. Enaoût, le bar explose et brûle. Arson est suspecté. Le 6septembre, Everett « Fritz » Fretland est retrouvé mortassassiné de cinq balles dans le dos, dans le fond d’unde ses restaurants (The Wagon Wheel). Puis, un ancienportier d’un club de Frank Colacurcio Sr à Seattlereprend The Wagon Wheel. Un certain Gary Isaacs serapoursuivi pour ce meurtre.

- Le 3 novembre, Frank « Sharkey » Hinkley et sa fiancéesont retrouvés assassinés dans leur club de strip-tease,le Bear Cave strip club. Un certain James Braman seraarrêté.

1978

Le 26 janvier, Leroy Grant, un mécanicien, est retrouvémort, assassiné. Plus tard, une certaine Karen L. Martinse constituera prisonnière et déclarera avoir exécuté un« contrat du Milieu », sans donner le nom du comman-ditaire. Là aussi, l’ombre de Frank Colacurcio Sr planerasur ce dossier.

1980 (décennie)

L’empire de clubs de Frank Colacurcio Sr et de sonfils s’étend alors à au moins dix États de l’ouest des États-Unis dont : Washington, Alaska, Arizona, Texas, Oregon,Nouveau Mexique.

Bill Colacurcio est poursuivi pour racket et jeu illégalà la Nouvelle Orléans.

1981

Frank Colacurcio Sr est condamné à quatre ans de prisonpour fraude fiscale par la justice fédérale : il a omis dedéclarer une partie des profits de deux de ses clubs.

1984

Durant l’été, Rex Parsons, un repris de justice etinformateur de la police et du FBI, disparaît. Son corpsest retrouvé le 1er avril, toujours porteur d’une fortesomme d’argent. À l’été, Rex Parsons s’était rendu à Seattlepour négocier un emprunt immobilier avec une caissed’épargne (Savings and Loans). À son hôtel, il a rencontréun associé de Frank Colacurcio Sr, James F. McQuade.

1985

- Frank Colacurcio Sr sort de prison (affaire de fraudefiscale de 1981).

- Lors d’une commission d’enquête parlementaire dansl’État du Nouveau-Mexique, un procureur fédéralaffirme que le groupe criminel de Frank Colacurcio Srregroupe une cinquantaine de membres.

1988

Trois des frères de Frank Colacurcio, Patrick, Daniel etSamuel « Sam », plaident coupable dans des procès fédéraux.Ils sont accusés entre autres d’avoir détourné les profitsde leurs bars topless en Arizona, à Phoenix et Tucson. Àcette date, cette enquête fut la plus importante menée parle bureau du procureur fédéral de l’État d’Arizona.

1991

Frank Colacurcio Sr, avec son fils, est à nouveaucondamné pour fraude fiscale : ils n’avaient pas déclarétous les revenus de deux clubs situés en Alaska. PourFrank Colacurcio Sr, il s’agit de sa 4e condamnation.

1995

Frank Colacurcio Sr est accusé d’avoir harcelé (assault)une jeune femme qu’il interviewait pour un emploi dansl’un de ses clubs.

2003

- Début du scandale dit du Strippergate. Les Colacurciopère (86 ans) et fils sont soupçonnés d’avoir contribuéaux fonds de campagne de trois candidats à la Mairie– Judy Nicastro, Heidi Wills, Jim Compton - de Seattle,pour environ 39 000 dollars via des chèques signéspar des amis, des employés et des collaborateurs, dontcertains ne vivaient pas à Seattle. Parmi eux : l’ex-gouverneur de l’État, Albert Rosellini, ainsi que sonfils John Rosellini, Gil Conte, Marsha Furfaro, Stanley

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et Jeanne Naccarato. Judy Nicastro et Heidi Wills neseront pas réélus. Jim Compton le sera mais démis-sionnera plus tard. Une fois l’affaire rendue publique,les trois conseillers municipaux rembourseront lessommes en cause.

- La même année, Frank Colacurcio Sr est poursuivipour avoir harcelé (assault) une des serveuses du clubRick’s, âgée de 23 ans.

2004

Début de l’enquête officielle sur le Strippergate.

2005

- Les Colacurcio père et fils sont poursuivis dans lecadre du Strippergate.

- Mise en place de la Task force (FBI, police de Seattle,IRS) destinée à neutraliser l’organisation criminellede Frank Colacurcio Sr.

- Frank Colacurcio Sr est condamné à quatre-vingt-dixjours de prison et 2 500 dollars d’amende pour avoirharcelé (assault) une serveuse de 23 ans du Rick’s. Il estincarcéré.

- Enfin, cinq dossiers d’homicides criminels sontrouverts, Frank Colacurcio étant suspecté de les avoircommandités : assassinats de Everett « Fritz » Fretland(1975) ; Frank « Sharkey » Hinkley et sa fiancée (1975) ;Leroy Grant (1978) ; Rex Parsons (1984) - voir supra.

2008

- janvier : les Colacurcio père et fils plaident finalementcoupable dans le procès du Strippergate. Ils acceptent

de payer 75 000 dollars chacun d’amendes civiles etpénales.

- Juin : Raid sur quatre clubs et le quartier général desColarcurcio à Seattle et dans sa banlieue.

Les Colacurcio père et fils sont des « hommes d’affaires »avisés puisque tous deux sont millionnaires en dollars.

Les « associés » et partenaires identifiés de la « Famille »Colacurcio :

- Nicholas « Nick » Furfaro : gérant de clubs ;

- Gilbert Kapuha Pauole Jr : gérant de clubs ;

- Gil Conte : ancien chanteur de club, copropriétairedu club Rick’s et chauffeur de Frank Colacurcio Sr ;

- James F. McQuade : homme d’affaires ;

- Marsha Furaro : manager de Talents West ;

- Stanley Naccarato : restaurateur ;

- Michael Tucci : homme d’affaires ;

- Richard Marzano : vice-président de l’union locale del’ILA (syndicat des dockers) et port commissionner deTacoma ;

- Leroy Christiansen : copropriétaire de clubs desColacurcio, et cousin de Frank Colacurcio Jr ;

- Steve Fueston : copropriétaire de clubs des Colacurcio ;

- David Ebert : copropriétaire de clubs des Colacurcio.

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Encadré 2

Albert « Al » D. Rosellini :ex-gouverneur, avocat et hommed’affaires

Albert Dean Rosellini, né le 2 janvier 1910, à Tacoma(État de Washington), est avocat de profession. Membreimportant du parti démocrate de l’État de Washington,il fut élu sous cette étiquette : d’abord au Parlement(Sénat) de l’État de 1939 à 1947 ; puis, à deux reprises,comme gouverneur, de 1957 à 1965. Il fut le premierItalo-américain élu gouverneur à l’ouest du Mississipi.

Dès 1943, comme avocat, il défend Frank Colacurcio Srdans une affaire de harcèlement (assault). Albert D.Rosellini connaissait bien, semble-t-il, la famille Colacurcio.Frank Colacurcio Sr apporta ensuite une aide substan-tielle durant les diverses campagnes électorales successivesde l’avocat.

Après avoir quitté le poste de gouverneur en 1965 – ilest battu -, Albert D. Rosellini redevient avocat. Il estaussi un consultant politique écouté du parti démocrate,spécialisé dans l’industrie des liqueurs et du divertissement

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(entertainment). Il lève des fonds pour les candidats duparti démocrate.

Il est également le propriétaire d’une station-serviced’essence/lavage de voitures/magasin se trouvant juste àcôté du club de strip-tease Rick’s. Il est propriétaire également :d’une société de courtage (broker company), d’une sociétéde pétrole (Fortune Oil Company Inc.), et d’une société dedistribution de bière (Premium distributors).

En 1972, alors qu’Albert D. Rosellini se présente à nouveauà une élection, sa campagne déraille. Ses liens avec Frank

Colacurcio Sr réapparaissent quand un journal localaffirme que l’avocat a tenté d’aider un proche du gangsterà obtenir une licence de vente d’alcool à Hawaï.

En 2003, c’est le Strippergatte. Il est accusé d’avoirdistribué des fonds de campagne à des candidats à la mairiede Seattle, et ce pour le compte de Frank Colacurcio Sr.L’avocat avait approché les trois candidats aux électionsmis en cause plus tard et même délivré directement descontributions financières à l’un d’eux (Nicastro). Il sortcependant pénalement indemne du Strippergate, sansmême avoir été poursuivi.

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Annexe

Règles Familiales de l’initiation à New YorkEffectifs des Familles de New York,en 2007/2008 :

Règles :

Contrairement à une idée reçue, il n’y a pas de chiffrefixe de membres autorisés par Famille. Cependant, leschiffres sont tout de même relativement stables au fil desans, car l’initiation au sein d’une Famille mafieuse suitdes processus bien établis. À New York, de nouveauxmembres ne peuvent être initiés (made members) qu’enrespectant certaines règles :

- de nouveaux membres sont initiés seulement en rem-placement de membres défunts et, paraît-il, deux enplus à chaque fête de noël ;

- les noms des proposés à l’initiation, ainsi que ceuxdes défunts, circulent dans les autres Familles qui ontdeux semaines pour formuler une éventuelle objection ;

- une Famille ne peut pas remplacer un membre colla-borant avec la Justice (repenti). Il faut pour celaattendre son décès ;

- une Famille ne peut pas remplacer un membre qu’ellea fait assassiner elle-même ;

- les deux parents du futur initié doivent être desang/lignée italien. Il s’agit du retour à une vieillerègle qui avait été abandonnée un temps et qui avaitdonc autorisé l’initiation d’individus n’ayant que lepère de sang italien. Désormais, « la mère est à nou-veau requise ».

Évidemment, il y a parfois des exceptions et des déviancesà ces règles. La société mafieuse n’est pas plus parfaiteque la société légale !

Effectifs (hors associés) :

Famille Lucchese : 75 membres ;Famille Genovese : 250 à 300 membres ;Famille Gambino : 200 à 250 membres ;Famille Colombo : 120 membres ;Famille Bonanno : 110 membres.

Bibliographie

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