Nigro, PRATIQUES DE POUVOIR, VIOLENCE REPRÉSENTATIVE

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PRATIQUES DE POUVOIR, VIOLENCE REPRÉSENTATIVE Roberto Nigro Collège international de Philosophie | Rue Descartes 2013/1 - n° 77 pages 1 à 4 ISSN 1144-0821 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2013-1-page-1.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Nigro Roberto, « Pratiques de pouvoir, violence représentative », Rue Descartes, 2013/1 n° 77, p. 1-4. DOI : 10.3917/rdes.077.0001 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Collège international de Philosophie. © Collège international de Philosophie. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 201.212.5.12 - 12/09/2013 16h45. © Collège international de Philosophie Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 201.212.5.12 - 12/09/2013 16h45. © Collège international de Philosophie

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PRATIQUES DE POUVOIR, VIOLENCE REPRÉSENTATIVE Roberto Nigro Collège international de Philosophie | Rue Descartes 2013/1 - n° 77pages 1 à 4

ISSN 1144-0821

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2013-1-page-1.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Nigro Roberto, « Pratiques de pouvoir, violence représentative »,

Rue Descartes, 2013/1 n° 77, p. 1-4. DOI : 10.3917/rdes.077.0001

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Pratiques de pouvoir, violence représentative

À l’origine de ce dossier il y a une recherche menée par différents chercheurs autour duthème de la violence représentative (Repräsentative Gewalt 1). Une des hypothèses sous-jacentesà cette notion est que le pouvoir, pour fonctionner, doit prouver sa propre existence  ;autrement dit, pour qu’il fonctionne, pour qu’il se constitue en tant que pouvoir, il doit êtremis en scène : c’est là que la violence apparaît, puisqu’elle peut être interprétée comme unélément structural de la représentation et du fonctionnement du pouvoir. Du coup d’Étatjusqu’à la manifestation de rue et à la grève de la faim, des révoltes jusqu’aux révolutions, auxémeutes, aux actes de terrorisme, nous sommes confrontés à des phénomènes qui peuventêtre classés comme des démonstrations de pouvoir. Le pouvoir est ce qui donne une image etune forme à la puissance ; mais pour que la puissance s’accomplisse dans le réel il faut l’actionde la représentation. C’est une thèse au cœur de l’œuvre de Louis Marin, qui explique quel’effet de la représentation est de présentifier l’absent, comme si ce qui revenait était le mêmeet parfois mieux, plus intense, plus fort que si c’était le même. Marin écrit : « Le dispositifreprésentatif opère la transformation de la force en puissance, de la force en pouvoir, et celadeux fois, d’une part en modalisant la force en puissance et d’autre part en valorisant lapuissance en état légitime et obligatoire, en la justifiant  2 ». Marin analyse le rôle de lareprésentation à l’âge moderne  ; il décrit un régime de représentation qui est celui de lamodernité, où le pouvoir s’expose dans la représentation de ses signes pour pouvoirs’exercer. D’où l’importance de ses analyses sur le coup d’État et sur la grande théâtralité dela politique baroque. Le dispositif de la représentation rend visible le pouvoir du roi et assurel’obédience et la subordination sans que le souverain ait à recourir toujours à la violencephysique. Les dispositifs de la violence représentative permettent la préservation du pouvoirabsolu. Le pouvoir, tel qu’il a été imaginé à l’âge classique, est l’exercice de la force. Il est lamanifestation visible de la force et de ses effets. Il est ce qui donne forme à la force. Le pouvoir

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absolu du souverain existe à travers les images qui le représentent. En déplaçant un peu laquestion, on pourrait se demander aussi avec Giorgio Agamben : pourquoi le pouvoir a-t-ilbesoin de la gloire ? Pourquoi cet appareil cérémonial et liturgique qui accompagne le pouvoirdepuis toujours ? Dans son livre Le Règne et la gloire, Agamben montre que le pouvoir modernen’est pas seulement « gouvernement » mais aussi « gloire » et les cérémonies, les liturgies etles acclamations que nous sommes habitués à considérer comme un résidu du passé ne cessentde constituer la base du pouvoir occidental. Mais de ce régime représentatif moderne, où le rapport entre pouvoir, puissance et violences’exprime à l’intérieur d’un cadre bien précis et d’un appareil bien défini, à savoir l’État, noussommes peut-être précisément en train de sortir, car nous nous trouvons face à des dispositifsde pouvoirs décentrés par rapport à la question de l’État. C’est tout l’enjeu de la questionbiopolitique et gouvernementale posée par Foucault. Le concept de« gouvernementalisation » de l’État permet à Foucault d’analyser la manière dont l’État, entant que réalité composite, a pu se constituer à partir d’une série de pratiques degouvernement. L’hypothèse selon laquelle l’État n’était pas autre chose qu’une manière degouverner permet à Foucault de s’éloigner une fois de plus d’une théorie de la souveraineté etd’aborder ainsi l’analyse des arts de gouverner comme pratiques de pouvoir. Que l’État nesoit pas un monstre froid en face de nous, mais une réalité composite et une abstractionmythifiée dont l’importance est beaucoup plus réduite, est ce qui permet à Foucaultd’analyser aussi des événements comme les coups d’État et les formes de théâtralisation dupouvoir à l’âge classique comme autant d’actes inscrits dans des pratiques gouvernementales.Dès l’âge classique cet art gouvernemental implique aussi le souci de gouverner le peuple, derendre impossible la révolte, de se soucier des séditions et des émeutes, de les prévenir.Gouverner le peuple implique une série de calculs, des connaissances, de prise en charge dela possibilité de l’émeute et de la sédition. Le maintien de l’État implique une connaissancedes choses, une connaissance de l’État, de la réalité de l’État lui-même. D’où le rapport quecet art de gouverner instaure avec des sciences émergentes telles que la statistique, ladémographie, l’économie. Ces quelques remarquent qui précèdent ne sauraient en aucun cas rendre compte de larichesse des analyses recueillies dans ce numéro de Rue Descartes, auquel ont contribué deschercheurs et des spécialistes de différents pays. Elles rappellent seulement quelquesquestions et pistes théoriques qui ont servi de base et de point de départ pour un certain

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nombre de recherches publiées ici. Certaines des questions posées jusqu’ici reviennent dansl’analyse que j’ai consacrée ici à la théorie du coup d’État au XVIIe siècle, par exemple (voirR. Nigro « Quelques considérations sur la fonction et la théorie du coup d’État ») ; elles sontaussi au centre des questions posées par Ludger Schwarte (Kunstakademie, Düsseldorf) danssa contribution « Preuves de pouvoir » et reviennent dans l’entretien que j’ai réalisé avecJudith Revel (Université Paris 1). Sur les implications des analyses biopolitiquesfoucaldiennes pour un examen des formes de violences actuelles, incluant les formes duterrorisme et des crimes d’État se concentre Guilherme Castelo Branco (UniversitéFédérale de Rio de Janeiro). Francesca Falk (Université de Fribourg, Suisse) s’interroge surle point de départ de la manifestation politique, sur les modalités de son émergence, sur sesconditions de réalisation. Gabriel Hürlimann (ZHdK, Zurich / Université de Francfort surle Main) porte son attention sur une lecture foucaldienne du Léviathan de Hobbes poursoutenir la thèse selon laquelle un examen attentif de l’argument contractualiste de Hobbesen faveur de la souveraineté absolue permettrait de mettre au jour dans sa pensée une peurde la révolte. Maria Muhle (Merz Akademie, Stuttgart) pose la question des pratiques dureenactment pour essayer de définir une pratique esthético-politique qui échappe à uneopposition entre un mode historique critique fonctionnant à travers des effets dedistanciation et un mode identificatoire et immersif. Robin Celikates (Universitéd’Amsterdam) nous livre des réflexions sur la désobéissance civile ; sujet qui parcourt aussile texte de Thomas Berns (Université libre de Bruxelles), où l’auteur prend en considérationune qualité inhérente à la norme juridique, à savoir le fait qu’elle est fondamentalement unenorme à laquelle il est possible d’obéir ou de désobéir, voire de résister.Je remercie vivement tous les auteurs qui ont contribué à la réussite de cette publication, etl’artiste Rossella Biscotti qui a accepté de donner une de ses photos pour la couverture de cenuméro de la Rue Descartes.Pour son soutien généreux et ses précieuses relectures critiques mes remerciements vontégalement à Mathieu Potte-Bonneville. Pour leur travail de traduction, que soient remerciésici Johanna Probst, Ariane Kiatibian et Cristiano Fagundes.

Roberto NigroZürcher Hochschule der Künste (École des Beaux Arts - Zurich)

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NOTES

1. Le groupe de recherche, dirigé par Ludger Schwarte, était constitué par Francesca Falk,Gabriel Hürlimann et moi-même. Pour mener à bien ce projet nous avons bénéficié d’un finance-ment du Fond national suisse (NFS), pour la période 2009-2012 et du soutien de l’Institut deThéorie de la Zürcher Hochschule der Künste (l’École des Beaux Arts de Zurich), où le projet aété réalisé.2. Louis Marin, Le Portrait du roi, Les Éditions de Minuit, Paris, 1981, p. 11. (Aussi dansId,  « Les pouvoirs et ses représentations » in Politiques de la représentation, Paris, Kimé,2005, p. 74).

Image de couverture : Rossella Biscotti, Le procès. Clés prises de l’Aula Bunker du Foro italico,Rome, 2012.

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