NDL : enraciné.es, déterminé.es, mobilisé.es...Agha. Il a étudié à l’université pour...

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Ici et maintenant 12 Organe de presse de la Confédération Nationale du Travail DÉCEMBRE 2015 NDL : enraciné.es, déterminé.es, mobilisé.es ! uite à l'annonce publiée le 23 octobre par le gouvernement d'un nouvel appel d'offre pour la construction d'un aéroport à No- tre-Dame-des-Landes, nous rappelons notre détermination à empêcher toute tentative de démarrage des travaux ou d'expulsion de la ZAD. Il nous apparaît par ailleurs nécessaire de mettre en avant l'hypocrisie flagrante du gouvernement quant à ses préoc- cupations environnementales à la veille de la COP 21. Le gouvernement trahit ses engagements L'appel d'offre lancé quant aux tra- vaux de la desserte aéroportuaire est un signe de plus de sa volonté de passer en force et de trahir ses enga- gements publics de 2014 à ne pas « débuter les travaux avant l'épuise- ment de tous les recours juridiques actuellement déposés». Cet épuisement était censé inclure l'ensemble des ap- pels et pas seulement le passage en premier instance. Ces appels lancé par les associations, notamment concernant la loi sur l'eau et les ques- tions environnementales, n'ont tou- jours pas été jugés. Cette nouvelle annonce s'ajoute à la reprise des pro- cédures d'expropriation et d'expulsion des locataires et paysans « historiques », ainsi qu'à sa campagne d'attaque mé- diatique contre le mouvement anti- aéroport et les habitants de la ZAD. En route vers la COP 21 Dans ce contexte nous lançons une série de nouvelles mobilisations avec l'ensemble du mouvement anti-aéro- port : occupants, paysans, associations, comités de soutien... Nous organisons, entre autre , un convoi en tracteurs et vélos qui partira de ND des Landes le 21 novembre pour se rendre à Paris lors de la COP21, sommet intergouvernemental sur le ré- chauffement climatique. Nous viendrons y dénoncer l’hypocrisie L'État recrute des entreprises. Les zadistes rameutent leurs soutiens. S flagrante entre, d’une part, la volonté affichée à ce moment là par le gouver- nement, de lutter contre le réchauffe- ment climatique, et d’autre part, la menace de revenir quelques semaines plus tard pour expulser la ZAD, détruire plus de 1600 ha de terres agricoles, de zones humides et d'habitats pour y construire un nouvel aéroport. Occuper la ZAD, toujours plus. En attendant, l'occupation de la ZAD continue, les centaines d'hectares remis collectivement en cultures, ainsi que la soixantaine d'habitats, fermes, mai- sons, logis auto-construits s'envisagent sur le long terme, pour les quelques deux cents personnes qui vivent sur la ZAD ainsi que pour leur nombreux soutiens dans la région. Nous résisterons ensemble dans toute notre diversité, sur les terres de ND des Landes et bien au-delà, face à toute tentative d'attaque de la ZAD et de démarrage des travaux. Nous l'avons déjà fait face à l'opération César en 2012. Nous sommes aujourd'hui plus fort.es encore grâce à l'énergie accu-

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Ici et maintenant

12 Organe de presse de la Confédération Nationale du Travail DÉCEMBRE 2015

NDL : enraciné.es, déterminé.es, mobilisé.es !

uite à l'annonce publiée le 23octobre par le gouvernementd'un nouvel appel d'offre pour

la construction d'un aéroport à No-tre-Dame-des-Landes, nous rappelonsnotre détermination à empêcher toutetentative de démarrage des travauxou d'expulsion de la ZAD. Il nousapparaît par ailleurs nécessaire demettre en avant l'hypocrisie flagrantedu gouvernement quant à ses préoc-cupations environnementales à laveille de la COP 21.

� Le gouvernement trahit sesengagementsL'appel d'offre lancé quant aux tra-

vaux de la desserte aéroportuaire estun signe de plus de sa volonté depasser en force et de trahir ses enga-gements publics de 2014 à ne pas« débuter les travaux avant l'épuise-ment de tous les recours juridiques

actuellement déposés». Cet épuisementétait censé inclure l'ensemble des ap-pels et pas seulement le passage enpremier instance. Ces appels lancépar les associations, notammentconcernant la loi sur l'eau et les ques-tions environnementales, n'ont tou-jours pas été jugés. Cette nouvelleannonce s'ajoute à la reprise des pro-cédures d'expropriation et d'expulsiondes locataires et paysans « historiques »,ainsi qu'à sa campagne d'attaque mé-diatique contre le mouvement anti-aéroport et les habitants de la ZAD.

� En route vers la COP 21Dans ce contexte nous lançons une

série de nouvelles mobilisations avecl'ensemble du mouvement anti-aéro-port : occupants, paysans, associations,comités de soutien... Nous organisons,entre autre , un convoi en tracteurset vélos qui partira de ND des Landes

le 21 novembre pour se rendreà Paris lors de la COP21, sommetintergouvernemental sur le ré-chauffement climatique. Nousviendrons y dénoncer l’hypocrisie

L'État recrute des entreprises. Les zadistes rameutent leurs soutiens.

S flagrante entre, d’une part, la volontéaffichée à ce moment là par le gouver-nement, de lutter contre le réchauffe-ment climatique, et d’autre part, lamenace de revenir quelques semainesplus tard pour expulser la ZAD, détruireplus de 1600 ha de terres agricoles, dezones humides et d'habitats pour yconstruire un nouvel aéroport.

� Occuper la ZAD, toujours plus.En attendant, l'occupation de la ZAD

continue, les centaines d'hectares remiscollectivement en cultures, ainsi quela soixantaine d'habitats, fermes, mai-sons, logis auto-construits s'envisagentsur le long terme, pour les quelquesdeux cents personnes qui vivent sur laZAD ainsi que pour leur nombreuxsoutiens dans la région.Nous résisterons ensemble dans toute

notre diversité, sur les terres de NDdes Landes et bien au-delà, face àtoute tentative d'attaque de la ZAD etde démarrage des travaux. Nous l'avonsdéjà fait face à l'opération César en2012. Nous sommes aujourd'hui plusfort.es encore grâce à l'énergie accu-

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CNTCONFÉDÉRATION NATIONALE DU TRAVAIL

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5, place des charrons - 57000 Metz06 52 17 93 54

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CNT – 33, rue des Vignoles – 75020 ParisMèl : [email protected]

Nouvelle occupation à Notre-Dame-des-Landes. Objectif : bocaux du bocage.

ne nouvelle maisondésaffectée a étéréoccupée par lemouvement d'op-

position à l'aéroport et sonmonde à ND des Landes. Unedes réponses aux menaces d'éva-cuation et aux coups de mentonsdu Premier Ministre qui veutexpulser les occupants de cettezone de bocage près de Nanteset démarrer les travaux arrếtysdepuis l'Opération césar en oc-tobre 2012. Le 10 octobre dernier, au lieu ditla Noé Verte, sur la commune deGrandchamp- des-Fontaines (Loire-Atlantique), une centaine de mili-tant.es ont investi une maison dé-sertée depuis quatre ans et détenuepar Vinci dans le périmètre de laZAD, à l'est de la zone, peu occupéepar le mouvement jusqu'à présent.Le «kyste» cher à Manuel Vallss'étend, la resistance prend racine.Le but de cette occupation : créerune conserverie autogérée ouverteà toutes les personnes souhaitanttransformer leurs légumes et s'en-gager dans l'autoproduction, latransformation et la consommationalimentaire hors des réseaux mar-chands. Soupes ou bocaux de cham-pignons, châtaignes, compotes,confitures forment les premièresdenrées produites. Les cultures ma-raîchères et de plantes médicinalesautour de la maison, l'usage d'unautoclave professionnel vont dé-velopper l'activité.

Ce nouveau lieu de résistance etd'expérimentation s'ajoute à la qua-

rantaine de maisons et de ca-banes déjà occupées et auxdeux cents hectares cultivéssur la ZAD de Notre-Damedes-Landes. Déjà investies dansles associations nantaises au-

Mettons Vinci en boîte !

U

Attention, groupe ultra violent !

La CNT appelle à la vigilance et àla détermination face à ce petitnombre d'individus ultra violents,Premier ministre, présidents dedépartement et de région, candi-dats en campagne, préfet, concessionnaire Ford présidantl'association des pro-aéroport...Autant de personnages préten-dant, au nom de l'intérêt supérieurdu capitalisme, expulser de la ZADses habitant.es et ses paysan.nesqui ont la légitimité de l'usage dela terre, de son occupation et dela résistance à un projet autori-taire dévastateur. Un projet notam-ment néfaste envers l'agricultureet ses potentialités alimentairespour nourrir l'agglomération.

tour de la question politique del'approvisionnement et de l'ali-mentation, la douzaine de per-sonnes engagées dans ce projet deconserverie entend par ailleurs ren-forcer les liens et les échanges avecl'agglomération nantaise. Elles dé-noncent du même coup la politiquede terreur mise en place par lescollectivités locales vis à vis desassociations et acteurs engagéesdans la lutte contre l'aéroport etson monde.

La CNT appuie cette initiative so-ciale, alimentaire et politique mon-trant que la ZAD, Zone à Défendre,est aussi une Zone d'autonomiedéfinitive.

CNT Interco Nantes

mulée par le mouvement dans la ré-gion et ailleurs, et le soutien de plusde 200 comités locaux.La multiplication actuelle des résis-

tances face à des projets aussi inutilesque nuisibles nous conforte dans lefait qu'un grand mouvement s'estouvert face à l'aménagement mar-chand du territoire, à la privatisationdu vivant, ou encore à la disparitiondes terres agricoles. Ce mouvementporteur d'un immense espoir, laisseaugurer de la possibilité d'autres ma-nières de vivre, d'habiter, de travailleret de cultiver. Elles sont déjà à l'œuvreet ne se laisseront pas écraser.

Des habitant.es de la ZADde Notre-Dame-des-Landes

Zone A defendre - http://zad.nadir.org/

Ps : Nous souhaitons bien du courageà toutes les entreprises gagnantes del'appel d'offre.

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INTERNATIONAL

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e suis un Libanais de31 ans qui n’en peutplus», confie EzzatAgha. Il a étudié àl’université pour de-

venir ingénieur en mécanique ets'est engagé activement dans plusieursorganisations, l'Association libanaisepour des élections démocratiques,et l'Association scoute libanaise no-tamment.J'ai rencontré Ezz en février 2013

lors d'un voyage au Liban. Il nous ahébergés avec mon amie pendantplus de 8 jours. Longues soirées àdiscuter de la vie, de son pays et dunôtre autour de bouteilles de pinardde la Bekaa... Depuis, il est mêmevenu nous voir en France ! Noussommes toujours restés en contact.C'est grâce à lui que j'ai pu constaterqu'il se passait quelque chose au Li-ban, même si je ne comprenais pasgrand chose, ses messages étant engénéral en arabe. Les médias françaisont peu parlé du mouvement yous-tink et j'espère que cette petite in-

terview par e-mail permettra de mieuxcomprendre le comment du pour-quoi de ces manifestations.

J.B.

� Qu'est-ce qui se passeaujourd'hui au Liban ? Ezz : En gros depuis la guerre civile

au Liban dans les années 80, nousles Libanais avons été «gouvernés»par les mêmes personnes appelées«Zaims», qui sont en fait devenusgénéraux après avoir pris part à laguerre civile, et ils demeurent jusqu’àaujourd’hui les «Zaim» de chaquegroupe communautaire. «Zaim» estun mot d’argot libanais qui résumece qu’ils sont : des leaders d’une dessectes libanaises qui tirent profitd’un système de «donnant-donnant»,également connu sous le nom de«système de faveur» clientéliste : engros tu rends un service à des genset ils te sont redevables.Dans les années passées, nous, le

peuple libanais, avons été privés denotre droit de vote pour deux élec-

LibanLe mouvement youstink libanais

« J

Deux temps, trois mouvementsAperçu des principales coalitionset de leurs collaborateurs .

Alliance du 8 Mars : Soutenu parles Syriens et le gouvernement ira-nien. C’est grosso modo le frontde résistance face à l’occupationisraélienne au Sud Liban.Alliance du 14 Mars : Soutenupar l’Arabie Saoudite et les États-Unis, anti-coalition irano-syrienne,bien que la plupart de ses membresaient été soutenus par le régimesyrien pendant la guerre civile li-banaise (ce sont eux qui accusentle régime syrien d’avoir tué le dé-puté Rafik Hariri en 2005).«Mouvement Civil» du 22 août :Les nouveaux sheriffs de la ville !Composé de citoyens libanais fa-tigués du système de sectes cor-rompues. Eux n’ont pas de soutiendans le gouvernement ou de l’étran-ger. Ils se sont montés pour pro-tester contre le système sectaireen 2011, ce qu’ils ont toujoursfait depuis, mais n’ont gagné enpopularité que récemment suite àla «Crise des ordures». Ces gensne forment pas un parti politique,ne sont pas dirigés par un «Zaim»,n’ont pas de représentant au gou-vernement ni au parlement. Ilsprotestent contre l’inefficacité dugouvernement, et demandent plusde transparence et de rendre descomptes.

Ces trois mouvements mélangenttoutes les dénominations reli-gieuses. Cependant, si le 8 Marsest à majorité musulmane chiite,le 14 Mars à majorité sunnite, lemouvement citoyen est strictementcivil et ne brandit d’autre drapeauque le drapeau libanais, en appelleà un État non-sectaire [autrementdit laïc, ndt] et la séparation del’Église et de l’État.

Un problème d'ordures affronte la classe politique corrompue.

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Le SI, c’est quoi ?Depuis de nombreuses années, la CNTtravaille en solidarité avec des structuressyndicales et associatives se revendiquantde la lutte des classes et de l’émancipa-tion. Cette solidarité est prise en chargepar le Secrétariat International, composéd’adhérents de toute la confédérationet représenté par des mandaté-e-s, dé-signés par le congrès confédéral tousles deux ans.

Le développement des relations inter-nationales reste d’abord un travail debase, mené par les syndicats et les mi-litant.es eux/elles-mêmes. Le SecrétariatInternational apporte les conditionsnécessaires pour que ces relations puis-sent se renforcer ; il ne s’agit en aucuncas de définir une tendance politiquequelconque, mais de devenir l’expres-sion de la solidarité internationale detous les syndicats de la CNT.

SOLIDARITE INTERNATIONALE

La solidarité internationale telle qu’en-visagée par la CNT ne prend pas laforme d’un soutien de type «humani-taire» : nous sollicitons autant noscontacts dans les luttes syndicales quenous menons qu’ils le font pour leurspropres luttes.

Cette solidarité passe également parune veille permanente des événementsliés aux droits sociaux des travailleurs.seset à la qualité de vie de chacun dansles pays dans lesquels nous avons despartenaires.

FORMES D’ACTIONS

* Signature de textes collectifs engageantla solidarité envers l’organisationdemandeuse * Rassemblements de solidarité* Rencontres formelles avec ces orga-nisations ou collectifs, en France ouailleurs, afin de nouer des contacts etde nous former mutuellement* Association au projet général d’uneorganisation ou association* Missions sur le terrain pour établirde nouveaux contacts, maintenir lesanciens, connaître la réalité du terrain,apporter notre soutien et nous formersur d’autres formes de lutte* Rencontres de branches. Lorsquenous recevons ou envoyons une de-mande de solidarité, nous nous effor-çons de mettre en contact les branchesd’industrie équivalentes (éducation,santé, BTP etc.)

COMPOSITION DU S.I.

Le Secrétariat International est diviséen groupes de travail (ou GT) recouvrantdes régions plus ou moins étenduesdu globe : Palestine, Afrique, Amé-riques, Océanie & Europe.Pour visualiser ce travail, vous pouvezconsulter le site du Secrétariat Interna-tional

http://www.cnt-f.org/international

Confédération Nationale du Travail Secrétariat International

33, rue des Vignoles 75020 Paris

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tions parlementaires consécutives, etsommes restés sans président pendantplus de 500 jours ; sans parler desproblèmes qui émergent à chaquefois qu’un gouvernement doit êtrereformé car l’ancien n’était plus«conforme à la constitution» ouqu’un nouveau président est élu parle parlement.

� Comment a démarré lemouvement? Un problème est apparu il y a envi-

ron 4 mois* lié à la gestion des dé-chets. Une décharge du Mont Liban[Principale montagne au centre duLiban] a été fermée de force suiteaux protestations des riverains. En1997, une crise similaire avait été ré-solue par l’ouverture de cette déchargequi ne devait être qu’une solutiontemporaire d’urgence, pour quelquesmois. Ça a duré jusqu’en 2015. Privéesde destination, les ordures de Bey-routh, de sa banlieue et du Mont Li-ban ont commencé à s’entasser. Legouvernement n’a pas fait rouvrircette décharge de force parce qu’unmembre du parlement, président du«Parti Socialiste Progressiste» et leaderdes Druzes du Mont Liban, WalidJonblat, a des intérêts là bas.Les manifestations citoyennes ont

commencé autour d’un groupe appelé#YouStink («#TuPues») avec environ26 personnes. Aux manifs suivantes,ils étaient 60, puis 1500, puis 6000,puis 150000 Libanais, femmes,hommes, enfants, familles, séniorsde toutes les origines de la société li-banaise, dans tout le centre de Bey-routh (autour de la place Riad Al

Solh et de la place des Martyrs).

� Comment t'impliques-tu dansles manifs ? En tant que scout, le patriotisme

est l’une de nos vertus, c’est l’unedes raisons principales de mon in-vestissement dans le mouvement ci-toyen. Je participe à toutes les manifsen tant que citoyen libanais où monexpérience et ma connaissance despremiers secours peuvent être utiles.

� Qu'attendez-vous de cemouvement ?On m'a posé cette question à plu-

sieurs reprises et j'ai remarqué quema réponse avait changé par rapportau début du mouvement...Mon père m'a demandé : « Qu'est-

ce que vous espérez faire ? Changerla société libanaise ? » Ma réponse aété que la différence entre nous etles autres pays arabes, c'est que nousn'avons jamais vécu de révolutioncivile pour demander l'accès à nosdroits en tant que peuple, ça a tou-jours été fait par des leaders religieuxou une quelconque secte où de toutefaçon c'était pour leurs propres bé-néfices. Ce que je veux moi, c'estplanter les graines de nos droits ci-viques, de responsabilité et de senscitoyen dans les consciences collec-tives au Liban.Et maintenant, qu'est-ce que j'at-

tends ? Que le gouvernement libanaissoit responsable de ses actes devantle peuple. J'attends d'être libre d'exer-cer mon droit d'élire mes représen-tants au parlement. J'attends de vivredans un pays où chacun est traité de

Faits marquants, principales dates : Chronologie des évènements et des manifs :http://lebanonrevolts.com/how-it-all-started Tu pues, le site : http://www.youstink.org/

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INTERNATIONAL

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manière égale devant la loi. J'attendsde vivre dans un pays où mon droitde manifester n'est pas piétiné. J'at-tends de pouvoir me doucher quandje veux, regarder la télé quand jeveux, conduire sur une route gou-dronnée, randonner où je veux, vivreoù je veux... J'attends de vivre dansun pays que je peux considérer mien,et pas celui d'une bande de privilégiéscachés, possédés et contrôlés par desbourgeois incompétents qui ne serendent pas compte qu'ils sont desfonctionnaires d'État... C'est ça quej'espère maintenant. Je m'attendsaussi à ce que le chemin soit trèslong, que les 40 dernières annéesvont prendre du temps à être sur-montées.

� Comment réagit legouvernement ?Le 22 août, il y avait bien 10 000

manifestants dans le centre de Bey-routh. Nous avons commencé à dé-filer de la place Riad Al Solh vers laplace des Martyrs, puis direction leboulevard Al Nahar. Ces rues etplaces sont toutes coupées par deplus petites rues qui peuvent amenerà la place Nejme où siège le parle-ment. Ces petites rues sont toutesbarricadées de portails blindés, mursen ciment, fils barbelés etc., par lapolice et avec le soutien de l'arméelibanaise, pour nous empêcher d'en-trer place Nejme.La manif s'est arrêtée à chaque

point d'entrée en chantant des slogansanti-corruption. À l'un de ces arrêts,un soldat a sorti son arme et a tiréplusieurs salves en l'air pour disperserles manifestants, ce qui fut le premierincident où l'armée a utilisé la forcecontre nous. On était révoltés, noschants se sont emplis de rage parcequ'après cette réaction des militaires,on ne s'est pas dispersé. Ils ont alorscommencé à utiliser des gaz lacry-mogènes, puis des balles en caout-

chouc et des canons à eau alorsqu'on battait en retraite pour se ras-sembler et défiler de nouveau. Cefut une longue nuit, du genre quiarrive désormais à chaque manif.L'armée considère chaque manif

comme une menace, alors que nousle faisons de manière pacifique, engénéral par des sit-in, peu importel'endroit. Ils nous repoussent avecleurs boucliers anti-émeute, nousfrappent avec leurs matraques sur latête. Quand on se fait attraper, onest traîné par terre, et violemmenttabassé même une fois dans les com-missariats. Les violences policièresne sont plus une légende pour nous...(http://hummusforthought.com/2015/08/23/what-happened-on-saturday-the-22nd-of-august/)

� Comment ne pas êtrerécupéré par des partispolitiques ou des mouvementsreligieux ?Plusieurs fois, des leaders de partis

politiques ont déclaré aux infos qu'ilssoutenaient notre cause comme mou-vement populaire. Notre réponse atoujours été : «Si vous voulez noussoutenir, vous pouvez démissionnerde votre place au gouvernement etvous serez plus que bienvenu.e ànous rejoindre en tant que citoyen.ne

libanais.» Nous pensons que le pro-blème n'est pas avec tel ou tel parti,mais tous, sans exception. Toute laclasse politique est corrompue. Toutle système. On ne fait pas de dis-tinction entre un membre du parle-ment et un autre, entre un parti po-litique ou un autre.

� Le mouvement you stinks'est internationalisé cesderniers temps. Attendez-vousun soutien de l'étranger ? Non, on n'attend rien. La seule

aide qu'on reçoit vient des expatriéslibanais ou dans le pays qui se sententreprésentés par ce mouvement. Lerapport financier sur le site de yous-tink explique d'où viennent les fonds.

� Pourquoi ce mouvement est-il si spécial ?Moi ce que je peux dire personnel-

lement, c'est que ça a toujours étéun de mes rêves de me battre pourmon pays et le droit de ses résidents.Et ce qu'on fait, je le dis en toutehonnêteté, est le premier mouvementde toute l'histoire du Liban qui mereprésente moi et beaucoup d'autresLibanais, qui croient en un Libanlaïc et non corrompu. Ce mouvementreprésente l'espoir... L'espoir de pou-voir vivre et gagner sa vie ici sansêtre obligé d'aller dans un autre paysdu Golfe pour l'argent. L'espoir d'unpays où mes enfants pourront avoirune éducation décente. L'espoir d'unpays où je ne serai pas laissé pourmort en étant vieux. L'espoir devivre dans la dignité... Une précision :le mouvement citoyen n'est en rienresponsable de tout ce qui je dis, cen'est que mon opinion personnelle,mon point de vue sur le sujet. �

* Interview réalisée en novembre 2015.

Secte et secteLe mot «secte» utilisé à plu-

sieurs reprises ne doit pas êtrepris dans le sens habituel duterme en français, à savoir unpetit groupe de gens qui idolâ-trent un gourou. Du fait de lamultiplicité religieuse du Liban,«secte» désigne ici une branchereligieuse issue du christia-nisme ou de l’islam principale-ment. Au final c'est quasimentla même chose, à la différenceque les «sectes» dont on parleici sont officielles et fédèrenttoute la société libanaise.

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«Jusqu’à ce que vous mouriez»

Bâillon, violon, criminalisation, répression

lors que nombre de noscamarades et amis palesti-niens sont touché.es de prèspar la répression qui s’abat

ces derniers mois sur le mouvementde résistance à l’occupation, nousavons appris le 21 octobre dernierla mort d’Hashem Azzeh, qui vivaità Al-Khalil, Hébron. Sur cette photoprise en septembre 2010, il est ac-

compagné de son épouse Nasreenet de leurs enfants. Plusieurs céné-tistes ont eu l’occasion de les ren-contrer chez eux, dans la vieilleville, où ils continuaient de résiderenvers et contre tout : derniers ha-bitants palestiniens de cette zone,ils étaient entourés de maisons decolons dont ils devaient affronter laviolence au quotidien. Un article

paru dans le CS de février 2012 dé-crivait leurs difficultés et leur courage.C’est finalement les gaz de l’arméed’occupation qui auront eu raisond’Hashem, mort atroce qui résonnecomme en écho aux propos de sol-dats israéliens rapportés par les ha-bitants du camp de réfugiés d’Aïda, àBethléem : «Nous vous gazerons jusqu’àce que vous mouriez..»

A

Palestine

Espagne

Soutien aux militant.es libertaires arrêté.es en Espagne !epuis le début de l’année,en Espagne, la répression sedurcit contre les mouve-

ments sociaux et de protestation.Entrée en vigueur cet été, la loi« Mordaza » (« du baillon ») a pourbut de réduire les droits de manifes-tation et d’expression.Dans le même temps, une vague

de descentes policières dans les mi-lieux libertaires a mené à de nom-breuses arrestations. Les opérations« Pandora », « Piñata » (ou Pandora2), et ce 28 octobre dernier, l’opéra-tion « Pandora 3 », a ajouté neuf ar-restations arbitraires à une longueliste.Il s’agit de véritables rafles, dans

des squats, des maisons culturelles,des locaux associatifs. Il s’agit decriminaliser une idéologie et de dé-signer comme « ennemis de l’inté-rieur » des militant.es accusé.es de« désobéissance à l’État espagnol »(sic). Dans la tradition des méthodes

franquistes, tout.e opposant.e à l’Étatespagnol est considéré.e comme ter-roriste potentiel.Des cahiers de notes de réunions

ont été saisis, la possession d’un lo-giciel de protection des données, ouune adresse mail en riseup, autantd'éléments considérés comme « sus-pects », de prétextes à multiplier lesattaques visant à étouffer tout mou-vement contestataire, dans un climatd’injustice sociale et économiqueinsupportable.Mais cette politique n’est malheu-

reusement pas une particularité ibé-rique… En France, le même travailde sape se déroule en silence : lescondamnations se multiplient éga-lement envers les militant.es sociauxet syndicaux. Criminalisation despersonnes qui accueillent ou héber-gent des sans-papiers, condamnationde notre camarade Fouad Harjane(CNT) à 40 000 euros pour avoirparticipé à une action anti-CPE, et

récemment mise en garde à vue denotre camarade Nara Cladera (Soli-daires) pour avoir reçu chez elle unfils de militant basque. Sans parlerde nos camarades d’Air Francetraité.es comme des criminel.les etjeté.es dans la tourmente de la justicede classe pour avoir exprimé leur ré-volte contre le cynisme patronal.La CNT 30 soutient les camarades

d’Espagne et de France victimes dela répression d’État et de la crimina-lisation du mouvement social, etdemande la levée immédiate de toutepoursuite et toute sanction à leurencontre.Nous appelons les militant.es à être

solidaires et vigilant.es face au dur-cissement de l’appareil répressif quis’attaque aux mouvements de contes-tation sociale en profitant du prétextede mesures anti-terroristes après lesattentats de janvier.Solidarité internationale !

La CNT 30

D

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18 Organe de presse de la Confédération Nationale du Travail DÉCEMBRE 2015

istoriquement associés aux in-surrections, les canuts sont lesymbole d’une industrie bienparticulière, qui se définit autant

par ses membres que par les lieux danslesquels elle a prospéré : l’industrielyonnaise de la soie, également appelée« la fabrique ».

[…] Du 30 octobre 1831 au 4 mai1834, tous les dimanches, sur huitpages et deux colonnes, paraissait àLyon L’Écho de la fabrique, le premierjournal ouvrier pérenne en France.« Journal industriel » puis « journal in-dustriel et littéraire », 130 numérospour donner la parole aux ouvriers.

« Ce journal manquait à notre po-pulation ouvrière ; il lui fallait unorgane spécial, un défenseur actif deses intérêts matériels, une tribune de

laquelle elle pût hautement proclamerses droits, exposer ses griefs et formulerses vœux ; des hommes généreux etdévoués l’ont élevée cette tribune ; ilsont mis en commun leurs économies ;ils ont emprunté au produit si faibled’un travail cependant si pénible.Quelques hommes philanthropes sontaussi venus en aide à cette noble en-treprise. […] Fidèle à la bannière qu’ila élevée, le journal L’ Écho de la fabriquen’a jamais fait invasion dans le domainede la politique ; il n’a abordé que desquestions de sa compétence ; tous sesefforts ont tendu constamment àl’émancipation de l’industrie. » (Plai-doirie de Me Chanay, avocat du gérantde L’Écho, lors de leur procès pourdiffamation en cour d’appel en mai1833.)

[…] La notion de liberté de la presse,même sous conditions, était alors touterécente. À peine quinze mois avant lepremier numéro de L’Écho, Charles Xpublia une ordonnance déclarant :« La liberté de la presse périodique estsuspendue. » C’est cette ordonnance

qui mit le feu aux poudres et lança laRévolution des Trois Glorieuses. Maisle peuple parisien a beau avoir été vic-torieux dans les rues, c’est à nouveauun roi qui fut proclamé par la Chambredes députés. Louis-Philippe remplaçaitson cousin Charles X et la charteconstitutionnelle du mois d’août 1830mentionnait dès l’article 7 : « Les Fran-çais ont le droit de publier et de faireimprimer leurs opinions en se confor-mant aux lois. La censure ne pourrajamais être rétablie. » En fins analystespolitiques, les ouvriers canuts n’ontpas attendu que ce « jamais » prennefin (à peine cinq années plus tard…)et ils profitèrent de cette accalmie :L’Écho de la fabrique fit son apparition.Mais la presse devait toujours se confor-mer aux lois dites de Serre qui dataientde 1819 et qui imposaient pour unjournal politique un cautionnementde 16 000 francs. L’Écho ne fut doncpas politique, ce qui ne les empêchapas de donner la recette de la poudreà canon en novembre 1832 dans lenuméro anniversaire de l’insurrectiondes canuts…

H

L’École normale supérieure de Lyon et le CNRS, via le laboratoire de recherche Triangle, a exhumédes archives lyonnaises le journal L’Écho de la fabrique, publié de 1831 à 1834. Trace passionnantede l’histoire des canuts, cette exhumation a donné lieu à deux ou trois publications qui ne sontmalheureusement pas fondamentalement prévues pour être lues par le public béotien que noussommes. Raphaële Perret, pourtant béotienne de son état (entendez par là et de manière nipéjorative pour les uns, ni pour les unes, ni pour les autres : n’appartenant pas au sérail de larecherche officielle), s’entiche de la lecture de ces publications et surtout des numéros de L’Écho.Une rubrique, en dernière page, retient tout particulièrement son attention : les coups de navette.Et voilà qu’elle décide de nous faire partager son engouement pour cette parole ouvrière et ce demanière tout à fait “tout public” : elle nous propose un livre qui met en avant ces phrases satiriques– que vous retrouvez tout au long de ce numéro du Combat syndicaliste et dont l’orthographe et laponctuation ont été préservés –, accompagnées de textes contextuels et explicatifs à la gouaillevacharde où l’on retrouve à travers le temps ces travailleurs de la soie, leur esprit de révolte et leurcapacité d’organisation.Ci-dessous nous reproduisons un extrait de l’introduction du livre, et tenons-nous le pour dit : Non,Les ouvriers ne seront plus des orangs-outans… !

“On a fait entendre dans un certainmonde, des plaintes contre noscoups de navette.”

CULTURECULTURE

« Les ouvriers ne seront plus des orangs-outans… , paroles ouvrières des canuts», Raphaële Perret Éditions de la CNT-RP, 200 pages, 10 chez votre libraire ou en commande à : Éditions CNT-RP, 33 rue des Vignoles, 75020 Paris (frais de port en supplément).

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[…] Comme attendu, dans L’Échode la fabrique, les canuts trouvaientdes textes purement techniques – modede conditionnement des soies, compte-rendu des brevets d’invention, annoncesdiverses sur du matériel à vendre,notices pratiques sur le commerce,etc. – ainsi que des textes relevant deleur vie quotidienne et sociale : surl’hygiène (ils relayèrent par exempleles instructions sanitaires à suivre pen-dant l’épidémie de choléra), sur la si-tuation des femmes, sur l’instructionpopulaire.

Mais la plus grande place était faite àleurs conditions de vie de travailleurs.

À des textes théoriques sur l’utilisationdes machines dans l’industrie, la re-production des prix courants et les in-terdictions de coalitions pendant lamonarchie de Juillet répondaient deslettres de canuts – et parfois de négo-ciants – « au rédacteur ». Dans cescourriers, transparaissent le plus souventleurs opinions et les abus des négociants.Abus suffisamment nombreux pourqu’une rubrique soit créée sous le nomde « réclamations » : « L’ Écho de la Fa-brique ne manquera jamais de publierde pareils faits ; et quiconque les re-nouvellera, sera signalé sans ménage-ment à l’opinion publique ; car lesécrivains de cette feuille ne garderontjamais le silence sur ceux qui spéculerontsur la misère des ouvriers. Leur tâcheest difficile à cet égard ; mais ils larempliront avec zèle et courage. » Avectellement de zèle et de courage que lejournal établit un « catalogue » des né-gociants qui ne respectaient pas les ju-gements des prud’hommes, ce qui leurvalut d’ailleurs leur premier procès…

Avec le conseil des prud’hommesinstitué en 1806 pour la fabrique lyon-

naise, la notion de droit dans le domainedu travail prenait une tout autre im-portance, et L’Écho rendait comptedans chaque numéro de ses jugements.Ils n’ont cessé par la suite de relayer larevendication d’une jurisprudence fixe.Et comme cette demande resta lettremorte, ils l’établirent eux-mêmes :«Une jurisprudence ainsi fondée, surdes jugements et susceptible d’être in-voquée dans toutes les affaires iden-tiques, liera le conseil envers ses justi-ciables et empêchera l’arbitraire de s’yintroduire.»

Ils ne s’arrêtèrent pas au droit du tra-vail. Ils se penchèrent sur une jurispru-dence pour la location des maisons,sur les procès de cours d’assises, du tri-bunal de police correctionnelle, de lajustice de paix et même sur le domainelégislatif dans son ensemble : «Ne pou-vant, nous, prolétaires, concourir nous-mêmes à la formation de la loi, on netrouvera sans doute pas mauvais quenous jetions un coup d’œil sur la ma-nière dont ceux qui se sont exclusive-ment chargés de la faire pour nous,s’acquittent de ce devoir.»

[…] La «classe prolétaire» dans sonensemble n’était pas pour autant ou-bliée : revendications des ouvriers d’au-tres villes en France et en Angleterre,notices biographiques d’ouvriers d’autresindustries (bijoutiers, menuisiers, etc.)trouvaient leur place dans L’Écho.

Dès le n° 19, L’Écho de la fabriquen’eut plus seulement pour sous-titre«journal industriel» mais «journal in-dustriel et littéraire». C’était certes pouréviter le cautionnement d’une feuillepolitique mais surtout pour informerses lecteurs : une véritable revue de

presse de journaux régionaux, natio-naux et même internationaux ; destextes théoriques, principalement au-tour des idées de Saint-Simon puisde Fourier ; des notices biographiquesd’hommes politiques ; des chansons

populaires, revendicatrices ; des comptes-rendus d’ouvrages ; des « lectures pro-létaires » (« M. Marius Ch...g l’un denos collaborateurs, a promis de nousdonner divers morceaux, ou penséeschoisies, extraits de divers auteurs etnous les insérerons sous ce titre, pourl’instruction des prolétaires qui n’ontpas le temps de lire eux-mêmes. »).[… ] Sans oublier ce qui nous intéresseplus particulièrement : les « coups denavette ».

Présents dès le premier numéro deL’Écho, les «coups de navette» tiraientleur nom d’un geste technique de tis-seur : celui-ci jetait la navette alternati-vement de droite à gauche et de gaucheà droite pour former la trame desétoffes avec le fil qu’elle renfermait.Cette façon de « chasser » la navetteétait subite, rapide, brusque et efficace,tout comme l’était un «coup de navette»de L’Écho. Ces petites phrases acerbes,ces saillies qui se situaient le plussouvent en dernière page, revenaientsur des débats en cours ou sur un abusdes notables de la ville. Rien de telque l’ironie et le sarcasme pour exposerau grand jour les injustices subies parles ouvriers.

«On a fait entendre dans un certain monde,des plaintes contre nos coups de navette.Nous les avons pesées, et même, nous vous ledirons, nous nous en sommes réjouis. Nousne les supprimerons donc pas, peut-être leurdonnerons-nous une plus grande extension.Ils dérident plus d’un front, s’ils en couvrentd’autres de nuages. L’arme du ridicule esttoute puissante en France ; nous immoleronssans pitié sous ses coups tous ceux qui s’y ex-poseront.»

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CULTURECULTURE

Idées de lectures pour mettre sous le sapin rouge et noir.

World), syndicat révolutionnaire au-togestionnaire. Ses chansons sontdevenues des hymnes, interprétéesaujourd’hui encorepar des artistescomme Joan Baez,Bruce Springsteen,Tom Morello (RageAgainst The Ma-chine), excusez dupeu. Et comme onest sympas, on pour-rait même vous en-voyer un livret de chant pour orga-niser des karaokés moins cons ou, sivous êtes plus solitaires, changer unpeu votre récital de douche.

� Pirates des mers sucrées...Et si Joe Hill s'était d'ailleurs appelé

Jojo doté d'une enfance en réalitéépanouie sur les ponts des plus beauxvaisseaux pirates ? Alors nous pour-rions voir dans «Jojo le pirate partagele butin», de Charlotte Dugrand etBruno Bartkowiak, aux éditions Li-bertalia (3), une belle histoire d'ini-tiation pour les petiots (entre 3 et 7ans selon les auteurs, mais les liber-taires étant de vieux enfants, selonles gens réalistes, on peut imaginerque ce livre dépasse les frontièresbourgeoises !), une sorte de moraleanarchiste kropotkinienne illustréeet adaptée pour des âges où la lectureest encore balbutiante. Cher aux en-fants de tous horizons, le thème despirates trouve ici son sens véritableen proposant une fable sur le partageet la solidarité qui pose déjà nombrede questions et débats à l'âge de«l'innocence». Sachez en tous casque l'avenir de l'humanité est entrevos mains : ne pas offrir cet ouvrageaux mômes qui vous entourent, c'estles condamner à une vie de soumis-sion en leur fermant les portes d'uneéducation émancipatrice... et drôle, carrire est le propre du révolutionnaire !

� Pancho Villa gravé dans lepapier

Et puisqu'on en est aux récits exal-tants des aventures de partageux sansscrupules et sans maîtres, que l'artpeut être de révolteen plus d'être beau,comme dirait encorel'ancien, et que, celane gâche rien, onaime parler de nosamis, jetez-vous sur«Pancho Villa. La bataille de Zacatecas»,de Paco Ignacio Taibo II et illustrépar les gravures d’Eko, aux éditionsNada (4). Comme l'annonce l'éditeur,« ce roman graphique fait la chroniqueà la fois drôle et tragique de ce faitd’armes qui a nourri la légende dePancho Villa, l’un des plus célèbreshéros du Mexique contemporain ».Elle est pas plus belle la vie ? (5)

� Chroniques d'un parleur audépart non annoncéUne petite touche de tristesse pour

boucler cette liste non exhaustivepour cracker le capitalisme, commedirait un plus récent (6). Mardi 27octobre dernier, s'est éteint Ayerdhal,l'un des plus prolifiques, géniaux etengagés auteurs de science-fiction etpolar français. Malade depuis plu-sieurs mois (ce qui l'avait conduit àannuler sa participation au festivalde la CNT en mai dernier pour undébat en compagnie de Alain Da-masio notamment (7)), Ayerdhal sedéfinissait volontiers comme com-muniste libertaire, et son engagementpouvait se lire dans chacun de ses li-vres, sans avancer avec de gros sabots,mais avec la fluidité de celui qui saitrythmer ses récits et leur donner unevéritable consistance. Si la plupartde ses écrits sont disponibles auxéditions indépendantes du Diable

ancho Villa, pirates, JoeHill et des bastards...

Comme on est jamais mieux servique par soi-même, commençons parla plus honteuse des autopromos.Outre de magnifiques objets textiles(sweat et T-shirt, comme l'annonçaitle précédent CS), la CNT disposede ses propres éditions. Et, oh miracle,certains de ses titres les plus promet-teurs sont toujours, ou à nouveau,disponibles en librairie (1) ou direc-tement auprès des éditions CNT (2),mais jamais, nom de dieu (s'il existe),sur des plateformes hideuses du typeAmazon ! Conseillons donc objec-tivement le tout-dernier-né, «Les ou-vriers ne seront plus des orangs-outans.Paroles ouvrières des canuts», superbesélection de textes ironiques et poli-tiques issus des coups de navettesdu journal L’Écho de la fabrique desannées 1830. Un véritable bijou deparole ouvrière et de littérature pro-létarienne. Un premier bon moyende s'instruire le sourire aux lèvres.Ajoutez-y une pincée d'analyse his-

torique plus tradi-tionnelle avec la res-sortie en librairie de«Histoire du fascismeaux Etats-Unis», deLarry Portis, agré-mentée d'une nou-velle couverture.Toujours aux States,faites un petit tour

du côté de «Joe Hill. La création d’unecontre-culture ouvrière et révolutionnaireaux États-Unis», de Franklin Rose-mont, qui plonge dans la vie pleinede rebondissements et de révolte dece Suédois immigré, vagabond hobo,travailleur à la petite semaine, membrede l’IWW (Industrial Workers of the

Red & Black Christmas

P

Noël arrive... Bien qu'il s'agisse d'une fête plus que conventionnelle et pleinement intégréedans l'aliénation marchande du capitalisme néolibéral triomphant, les lecteurs du CS offrirontsûrement des cadeaux à leurs proches, comme tout un chacun (preuve s'il en est qu'unanarchosyndicaliste reste un être « normal »...). Voici donc quelques pistes sulfureuses pourfaire que ces cadeaux puissent servir à « instruire pour révolter » comme disait un ancien.

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Vauvert (8), finissons avec un clind'œil affectif : son dernier roman,

«Bastards», est tra-versé de félins justi-ciers, ce qui ne peutque plaire à celles etceux du syndicat duchat ! Et pourconclure sans em-phase, reprenons cesquelques mots de

Diable Vauvert pour annoncer ledécès : «Hélas Ayerdhal n'est plus,lisez ses livres, les écrivains ne meurentjamais.»

Fred, SIPMCS et Anne, STE75

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Là où tu visLà où tu visla la CNTCNT luttelutte

�1 AlsaceUnion régionaleCNTc/o Lucha y FiestaBP 3001767027 Strazbourgcedx109 52 91 12 14 [email protected]

�2 AquitaineSyndicats Gironde36, rue Sanche-de-Pomiers33000 Bordeaux06.95.52.69.71 [email protected] régionauxPTT AquitaineBP 800933704 MérignacCulture Aquitaine36, rue Sanche-de-pomiers33000 Bordeaux

�3 AuvergneUnion locale CNTSalle Poly, place Poly63100 Clermont-Ferrand

�4 BourgogneSyndicat intercorporatifCNT de Saône-et-Loire19 rue du pavé 71290 [email protected] 06 01 22 17 94Syndicats CNT NièvreBP 2558018 Nevers-CourlisSyndicats CNT DijonBP 392, 21011 Dijon

�5 Bretagne et Pays de la LoireUnion régionale CNTBP 304235004 Rennes CEDEX06 34 98 30 [email protected]

�6 Centre259, rue de Bourgogne45000 Orlé[email protected]

�7 Champagne-ArdennesSyndicats CNT MarneBP 900051201 Épernay CEDEX

�8 Franche-ComtéSyndicats CNT Doubsc/o CESL, BP 12125014 Besançon [email protected] intercorporatifCNT JuraBP 98, 39140 Bletterans CC

�9 Île-de-FranceUnion régionale CNT33, rue des Vignoles,75020 Paris01 43 72 95 [email protected]

�10 Languedoc-RoussillonUnion régionale CNTBP 90256, 6 rue d'Arnal30000 Nî[email protected]

�11 LimousinUnion locale Limousin6, rue de Gorre87000 Limoges,[email protected]

�12 LorraineUnion régionale [email protected] CNT Moselle5, place des Charrons,57000 [email protected]

�13 Midi-PyrénnéesUnion régionale CNT18, av. de la Gloire31 500 ToulouseTél. : 09 52 58 35 90

�14 Nord-pas-de-CalaisUnion régionale CNT32, rue d’Arras59000 Lille03 20 56 96 [email protected]

�15 NormandieSyndicats CNT CalvadosBP 0214460 ColombellesSyndicats CNT Seine-MaritimeBP 41176057 Le Havre CEDEXSyndicat CNT [email protected]

�16 PACAUnion régionale CNT-STICS 13 c/o 1000 bâbords30, rue Consolat 13001 Marseille

�17 Pays de la Loirevoir Bretagne

�18 PicardieVoir avec le BC

�19 Poitou-CharentesUnion régionale CNT20, rue Blaise Pascal86000 Poitiers05 49 88 34 08

�20 Rhône-AlpesUnion régionale CNTSalle 15 bisBourse du travail42028 Saint-ÉtienneCEDEX 104 77 25 78 04

Vous trouverez sur le site Internetwww.cnt-f.org toutes les coordonnéespour contacter un syndicat par brancheou par secteur géographique. Voici lesadresses par régions.

Bureau confédéral5, place des charrons - 57000 Metz

06 52 17 93 54mél : [email protected]

Le cycle des «anartistes»our beaucoup d'entre nous*,il existe un lien logique entreart et anarchie, tout du moins

entre art et révolte. Pourtant, dansle cadre du capitalisme, l’œuvred'art est une marchandise de luxe.Quelles oppositions à ce phéno-mene de captation y a-t-il eu par lepassé ? Quelles pratiques libertairesde l'art se sont-elles mises en placeet quelles peuvent être les tactiquesde subversion et de révolte dans lechamp de l'art ? C'est à ces ques-tions que ce cycle art et anarchies'efforcera de répondre.Une première séance a été consa-

crée aux différentes visions et in-tentions des penseurs de l'anarchie(Proudhon, Bakounine, Pelloutier...)mais aussi Marx et Trotsky concer-nant l'art, tout en maintenant unlien entre ces théories et des pra-tiques artistiques qui leur sontcontemporaines et parfois fusion-nelles. Evocation d'artistes ayant unlien avec l'anarchisme, de Courbetà Dubuffet, en passant par le cou-rant Dada.

* Lancée il y a plusieurs années par la CNT dansun esprit d'éducation populaire et de savoir par-tagés, l'Université populaire de Nantes s'est ou-verte à toutes bonnes volontés.

Un cycle de débats art et anarchie à l'université populaire de Nantes.

Demandez le programme17 novembre 2015: Art en anarchisme15 décembre 2015 : Histoire du bataillon des imprimeurs dans la Commune5 janvier 2016 : Les Surréalistes et l'anarchisme26 janvier 2016 : L'Atelier populaire de Paris en 68 et la pratique de la sérigraphie2 février 2016 : l'Atelier populaire de Nantes dans les années soixante-dix.1er mars 2016 : Échange autour de collectifs artistiques autonomes.

P

1. Les éditions CNT sont diffusées par nosamis de Hobo Diffusion, dont le cataloguepourra sans aucun doute élargir votre champdes possibles en termes d'offrandes subver-sives : www.hobo-diffusion.com2. www.cnt-f.org/editionscnt-rp et [email protected]. www.editionslibertalia.com4. www.nrda-editions.fr5. Rien à voir avec la série télé du même nom.

D'ailleurs, si vous voulez voir un truc vrai (et intel-ligent, ce qui est une option non négligeable) surMarseille, regardez le documentaire « La Fête estfinie », de Nicolas Burlaud : http://lafe-teestfinie.primitivi.org/6. Pour ce qui est de l'ancien et du plus récent,voici les réponses à ses énigmes mal foutues etun peu osées. Il s'agissait de Fernand Pelloutier,pour l'ancien, auteur de plusieurs livres et textessur le syndicalisme, les bourses du travail (dont ilest l'un des principaux fondateurs), l'éducationet l'art. Quand au plus récent, il s'agit de JohnHolloway, universitaire mexicain proche des zap-atistes, dont les principaux ouvrages en françaissont dispos aux éditions Libertalia. Ce qui nouspermet subtilement de glisser au passage queles camarades du comité de soutien aux peu-ples du Chiapas en lutte (alias CSPCL,http://cspcl.ouvaton.org) vendent de l'artisanatzapatiste et organisent en décembre desmarchés solidaires (avec également des associ-ations de solidarité avec la Palestine, les Indiensd'Amérique, etc.). C'est à Paris dimanche 13décembre au local du 33 rue des Vignoles etsamedi 21 au CICP).7.www.youtube.com/watch?v=Lt8U0xCTMSE8. www.facebook.com/Au-Diable-Vauvert-168905876546193/

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22 Organe de presse de la Confédération Nationale du Travail DÉCEMBRE 2015

e désert de la critique : dé-construction et politique est laseconde publication de la col-

lection Versus des éditions L’Échappée.Renaud Garcia est déjà l’auteur d'unethèse sur Pierre Kropotkine, le théoricienrusse de l’anarchisme. Dès son intro-duction, Garcia avertit : la critiquemenée dans ce livre se fera du pointde vue de l’anarchisme social. Cet ou-vrage s’inscrit dans le débat assez vifsur la postmodernité qui anime lemilieu anarchiste depuis une vingtained’années. En effet, après mai 1968,l’émergence de nouvelles formes depensée dite postmodernes, qui remettenten question jusqu’à l’idée même d’unsujet politique révolutionnaire en pro-posant de nouveaux projets mobilisa-teurs incluant des revendications d’épa-nouissement personnel, rentre en conflitavec les exigences d’émancipation etde justice sociale des mouvements ré-volutionnaires dit «traditionnels». Cesnouvelles manières de penser les luttesont influencé certains mouvementspost anarchistes. Le projet poursuivipar Renaud Garcia est de passer aucrible de la critique analytique leconcept de déconstruction du philo-sophe Derrida et du même coup toutun pan de la pensée postmoderne,dont les principaux représentants sontMichel Foucault, Jean François Lyotard,Gilles Deleuze, Félix Guattari.Le concept de déconstruction est, au

départ une technique de lecture philo-

sophique qui doit permettre de dé-composer un texte afin d’y faire appa-raitre les omissions et les sous-entendus.Par extension, la déconstruction aconduit à défaire et à décomposertoutes sortes de structures linguistiques,politiques, culturelles, et philosophiques.Garcia souhaite démontrer les réper-cussions désastreuses de ce type d’ap-proche critique, dite postmoderne, surl’extrême gauche, dans la mesure où,ancrées dans une volonté de « décons-truction » systématique, elles détournentles énergies révolutionnaires et favorisentparadoxalement les évolutions du sys-tème libéral. Pour lui, le motif de ladéconstruction condamne toute ten-tative critique qui chercherait encore àorienter le combat politique et socialen fonction de notions comme la di-gnité humaine, la justice ou la vérité.

� Inutile, la rebellion ? L’auteur explique que pour cette

pensée dite postmoderne, il ne s’agitplus seulement de critiquer le capitalexploitant la force de travail, la forme-marchandise aliénant la vie quotidienne,ou l’État réprimant l’individu. Il s’agitd’établir un diagnostic plus général,où les résistances s’entrecroisent pourmettre en question quelque chose quel’on pourrait nommer « domination »,mais pas au sens d’un pouvoir verticalqui s’exerce de haut en bas sur les do-minés, mais de manière diffuse et écla-tée. La théorie du pouvoir chez Foucaulténonce que le pouvoir est inhérent àtoute relation humaine, ce qui conduità ne plus distinguer le «pouvoir sur»(pouvoir contrainte) et le «pouvoirde» (pouvoir capacité). Devant unpouvoir anonyme et généralisé sans

L

Le désert de la critique. Déconstruction et politique,Renaud Garcia,L'Échappéecoll. Versus, 2015, 224 p. 15 euros auteur responsable, au sein d’une société

conformée par des relations de pouvoirqui font de tout un chacun un sujet as-sujetti, aussi bien celui qui commandeque celui qui obéit, la rébellion devientinutile. Ainsi les théories issues de lapostmodernité rendent impossible toutprojet d’émancipation révolutionnaire.Garcia rappelle que l’universalisme des

Lumières doit être sévèrement critiqué,notamment avec les figures tutélairesd’Adorno et d’Horkheimer. Cependant,la postmodernité théorique articule sondiscours par un rejet radical de la ratio-nalité des Lumières au nom des effetsd’assujettissements qu’elles véhiculaient.Cette critique des Lumières inauguréepar les courants de la déconstruction, etreproduite souvent telle quelle dans lesmilieux militants contemporains, risquede laisser moins d’outils que ces derniersne le pensent pour critiquer l’ordre deschoses existant, car elle récuse égalementune critique sociale qui puisse servir leplus grand nombre, autour de combatspartageables, susceptibles de tracer undevenir commun. C’est pourquoi l’auteurinvite à nouer un rapport dialectique àcet héritage. Il prend pour exemple lacritique des Lumières par les Indigènesde la République, mouvement marquépar la déconstruction, pour montrer quecette critique sert provisoirement lesbesoins de la cause, mais risque de s’em-pêtrer dans un antagonisme sans voiede sortie par le haut. Il rappelle que touthorizon universaliste n’est pas nécessai-rement synonyme d’écrasement des par-ticularités et de domination. Il y a unhéritage émancipateur à partager, de ladémocratie athénienne à la critique desLumières. Son origine occidentale nedevrait pas conduire à le rejeter purementet simplement.

� L'inspiration zapatisteGarcia propose ensuite de s’appuyer

Déconstruire la déconstruction

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sur le modèle zapatiste, comme sourced’inspiration, pour se déprendre detrois schémas sociaux : la fragmentationabsolue hors de toutes norme com-mune ; le repli identitaire différencia-liste ; l’appel au cadre commun fournipar l’Etat. Pour l’auteur, il s’agit departir de l’expérience primaire du com-mun pour fonder une politique de lacommunauté. Par conséquent, plutôtqu’un universalisme, il propose d’évo-quer un « pluriversalisme » issu d’undialogue difficile mais hautement sou-haitable entre l’unité et la pluralité. Selon Garcia, la vision de la produc-

tivité du pouvoir est la thèse de Foucaultqui a rencontré la plus grande fortune.Selon le philosophe, le caractère diffusdu pouvoir implique de fait la présenced’autant de points de résistance, quipermettent l’application du pouvoir,mais également sa possible réversibilité.En déconstruisant l’opposition, la théo-rie foucaldienne récuse toute critiquede l’ordre politique établi qui prétendraits’effectuer depuis un point de vue ex-térieur. Des motifs critiques tel quel’aliénation, la dépossession, la réificationet la répression ne sauraient plus orga-niser de résistance valable, car toussupposent, selon Foucault, un substrat,une nature, une vie capable de se dé-ployer harmonieusement dans un autresystème social, et empêché de le fairedans ce système-ci. Cette théorie fou-caldienne ouvrait des champs de résis-tances politiques en recomposant lerépertoire des concepts de la critiquesociale.

� Féminisme queerC’est notamment dans le féminisme

queer qu’elles se sont recomposées.Les féministes matérialistes luttaient

principalement chez contre un systèmesymbolique, social et économique. Lasubversion aura désormais plutôt ten-dance à déconstruire des identités dontla stabilité n’est que l’effet de discoursrépétés. C’est sur les traces de la théoriedu pouvoir de Foucault et de la dé-construction par Derrida que la philo-sophe Judith Butler développe la théoriequeer, qui considère que, non seulementle genre est un construit social, maisencore une matrice à partir de laquelleest construit le sexe lui-même. Butlermet en évidence une marge d’inter-vention qui rend possible des pratiquessubversives. Dans cette trajectoire, c’estau drag queen qu’il revient d’exemplifier,sur le mode parodique, la fragilité desgenres et des sexes dominants. Dèslors, la dissémination des imitationsdevient possible, entre autres la circu-lation des masculinités féminines etdes féminités masculines, dans un pro-cessus de déconstruction ludiques desidentités. Garcia constate ici le chan-gement d’horizon politique et laconception toute particulière de l’actionqui en découle. En ramenant l’actionpolitique à la subversion de l’identité,la pensée de la déconstruction a opéréune réorchestration totale de ce quesignifie lutter contre l’injustice sociale.

� Retour à la critique des aliénations Pour autant, Renaud Garcia ne

conteste pas complètement l’apportdu postmodernisme pour la penséecritique, notamment sur le fait deprendre en compte des oppressionsautres qu’économiques. Mais à l’heureoù les théories queer et leur diversrelais dans le post anarchisme donnent,avec un luxe de complexité théorique,

le sentiment que l’idée d’un agir collectifa fait long feu, au profit d’un jeu surles identités, l’auteur plaide pour unretour à un projet commun de luttesociale. Il invite donc à relire desauteurs comme Marcuse, Debord etLefebvre, théoriciens critiques de l’alié-nation, du spectacle et de l’exploitationcomme point de départ d’un renou-vellement de la critique sociale du ca-pitalisme.Loin d’être un pamphlet polémique

supplémentaire, l’ouvrage de RenaudGarcia est un essai critique clair quiréussit à rendre compréhensible lesconcepts philosophiques du postmo-dernisme, parfois abscons. En décons-truisant jusqu’à l’idée même d’un sujetcapable de transformer la société, cesthéories postmodernes ont conduitune partie de la mouvance anarchistedans une impasse révolutionnaire.Considérant que tout projet révolu-tionnaire est forcément totalitaire, dèslors qu’il prétend imposer les formeset les structures que devrait adopterune autre organisation sociale, cesmouvements post anarchistes se bornentà lutter contre les formes de la domi-nation et mettent en place des espaceséphémères afin d’y expérimenter denouveaux modes de vie alternatifs.C’est dans ce contexte que le projetrévolutionnaire émancipateur et auto-géré de réorganisation politique et éco-nomique de la société, porté par lesmilitants anarchosyndicalistes peutcontribuer à résoudre ce débat. À lacondition d’intégrer les apports issusdu féminisme, des mouvements desminorités ethniques et de l’écolo-gisme.

Thierry, STE75

LA CNT C’EST QUOI ?UN SYNDICAT ! Parce que cette forme d’organisation englobe à la fois le champ économique, politique, socialet culturel. Parce qu’elle est directement issue du peuple et qu’elle représente ses intérêts. DE COMBAT ! Parceque les intérêts des travailleur.euses s’opposent radicalement aux intérêts du capitalisme. Parce que les grandesavancées sociales n’ont été arrachées que dans l’action et la mobilisation. AUTOGESTIONNAIRE ! Parce que lesdécisions doivent être prises à la base. Parce que nous appelons à l’auto-organisation des luttes. SOLIDAIRE !Parce que les hiérarchies (salaires, fonctions, statuts) s’opposent à une société égalitaire et autogérée. Parceque seules la réflexion et l’action interprofessionnelles permettent d’éviter le corporatisme. ANTICAPITALISTE !Parce que nous fabriquons toutes les marchandises et assurons tous les services, nous devons les orienter

pour le bien de toute la collectivité et non pour l’ambitiondémesurée de quelques-un.es.C’est pourquoi nous pensons que le syndicalisme doit être porteurd’un projet pour une société plus juste, plus égalitaire, plus libre…Un projet révolutionnaire.

Puisque personne ne travaille à ta place,que personne ne décide à ta place !

Page 13: NDL : enraciné.es, déterminé.es, mobilisé.es...Agha. Il a étudié à l’université pour de-venir ingénieur en mécanique et s'est engagé activement dans plusieurs organisations,

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