N°9 Les Feuillets de Nomenculture

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NUMÉRO 5 MARS 2012 GRATUIT Dossier L’ART DU CONTE PAGE 16 À l’honneur RAYMOND DEPARDON PAGE 12 Exposition La collection Netter PAGE 15 NOMENCULTURE ACTUALITÉ CULTURELLE FEUILLETS LES DE

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N°9 - Juillet 2012 Les Feuillets de Nomenculture installent un rapport direct à l'actualité culturelle mensuelle, par des points de vue originaux et personnels.

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NUMÉRO 5 MARS 2012 GRATUIT

DossierL’ART DU CONTEPAGE 16

À l’honneur RAYMOND DEPARDON PAGE 12

Exposition La collection Netter PAGE 15

NOMENCULTUREACTUALITÉ CULTURELLE

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IAL Fondateur :

Hubert Camus

Directeur de la publication et Rédacteur en chef : Jean-Baptiste Colas-Gillot

Maquettiste : Coriolan Verchezer

Illustrations (dont la couverture) :Bérangère Pétrault

Responsable Arts Vivants :Laura Madar

Responsable Cinéma :Simon Bracquemart

Comité de rédaction :

Simon BracquemartCarla Campos CascalesHubert CamusJean-Baptiste Colas-GillotMarianne KnechtCamille LafranceLaura MadarBérangère Pétrault

Constantin de Vergennes

ISSN : 2115-7324

Bonjour à toutes et à tous,

Ce numéro est le dernier numéro avant la pause estival bien méritée des Feuillets. Je vous remercie pour votre fidélité. Nous avons tiré toutes les leçons et les enseignements de ces derniers mois, afin de faire

évoluer notre publication en un projet encore plus ambitieux et toujours plus abouti. Je vous promets, à la rentrée, beaucoup de changement et de surprises. Il y aura de nouvelles catégories, une refonte du format et une intéraction prépondérante avec vous, lecteurs.

Rien ne sera laissé au hasard, mais je ne vous en dis pas plus tout de suite.

Je vous remercie une nouvelle fois et vous souhaite de

très belles vacances – dans tous les cas, de très beaux mois de juillet et d’août.

Jean-Baptiste Colas-Gillot

ÉDITORIAL

Nous recherchons de nouveaux rédacteurs. Contactez-nous à

[email protected]

www.nomenculture.fr

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LITTÉRATURELe Monde,

Hors-série JJ RousseauRaymon Depardon, Paroles

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ARTS VIVANTSLe Plaisir

CINÉMAFILMS

Un bonheur n’arrive jamais seulLes Femmes du bus 678

FaustThe Amazing Spider-man

Sur la routeJournal de France

RÉALISATEUR À L’HONNEUR : RAYMOND DEPARDON

EXPOSITIONSEugène Atget, musée CarnavaletLa Collection Netter, Pinacothèque

DOSSIER : L’ART DU CONTEFilm : La science des rêvesFilm : Trois couleurs

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SOMMAIRE

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Le hors-série du Monde Jean-Jacques Rousseau le subversif est un beau livre carré, orné d'aussi belles images. Il y a les portraits qu'on a vus partout ; plus original, on trouve plusieurs pages de manuscrits ; mieux : les illustrations de Marion Brosse sont pleines de vie, agréables mélanges de gravures anciennes et de collages modernes.

Au niveau des textes, on regrettera - à quelques exceptions près - la profusion d'extraits, qu'ils soient de Rousseau, issus de "débats" (Voltaire, Diderot...) ou qu'il s'agisse d'hommages. En somme il n'y a presque rien d'original dans ce hors-série à la superbe maquette. La diversité offre l'avantage non négligeable à ce numéro qu'elle permet d'embrasser de nombreuses problématiques rousseauistes, mais il y avait un sous-titre qui accompagnait le nom du citoyen de Genève : "le subversif". Cette approche aurait dû être bien justifiée, mais elle n'a simplement pas été exploitée.

On pourrait presque se demander pourquoi Le Monde a consacré son hors-série à Rousseau, mais la réponse nous est donnée par Tanguy L'Aminot lui-même, dès les premières lignes de son avant-propos : "Le goût des chiffres ronds et le culte des grands hommes nous conduisent cette année à fêter Jean-Jacques Rousseau." Face à de tels arguments, nous ne pouvons que nous incliner.

Hubert Camus

Hors-série Le Monde, mai-juillet 2012. Une vie, une oeuvre.Jean-Jacques Rousseau Le subversif. 7,90€

Le MondeHors-série : Jean-Jacques Rousseau le subversif

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Paroles prisonnières est composé de photographies aléatoires de couloirs, de salles d'audience, de centrales, du monde des tribunaux français que l'auteur a faites au

gré des commandes, et par ailleurs de dialogues entre prévenus et juges enregistrés

pour les films Délits flagrants et 10e Chambre, instants d'audience que Raymond

Depardon avait réalisés, le premier en 1994 et le second 10 ans plus tard.

Le projet de Paroles prisonnières naît dans l'esprit du photographe lorsqu'il fait une

première incursion dans un commissariat en 1980 pour son film Faits Divers. Il retrouve par la suite des pages de dialogues, coupe ce qui le touche le plus et sauve ce qu'il nomme des paroles oubliées.

Les photographies en noir et blanc accolées au texte produisent la matière brute  : il

n'y a pas de portrait à proprement dit, les protagonistes sont sans visages, anonymes. Les textes parlent d'eux-mêmes, témoignent d'une vérité crue, d'une malchance voire d'une fatalité, d'une détresse humaine évidente de ces «  sans-avenir  » face à l'appareil judiciaire. Certaines photographies peuvent vous faire décrocher un sourire  : comme celle représentant une porte blindée intitulée « 

Dépôt - Quartier-femmes  » et en bas de laquelle on peut voir une boursouflure en forme de poitrine féminine...

Le livre Paroles prisonnières n'a aucunement l'objectif d'être larmoyant, il se contente de délivrer un bout d'humanité.

Camille Lafrance

Raymond DepardonParoles prisonnières

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E Le Plaisir d’après Crébillon filsMise en scène de Éric Gaston-Lorvoire

Éric-Gaston Lorvoire met en scène une pièce tirée du livre de contes libertins

du 18e siècle Tableaux des Moeurs du temps dans les différents âges de la vie de Crébillon fils. Deux jeunes femmes aristocrates dans un boudoir se confient leur vie sexuelle sur un ton enjoué et en rejouent les instants les plus exquis.

Cela dit, un billet pour une telle pièce n'est pas à mettre entre toutes les mains. Enfants et oreilles sensibles s'abstenir. Le public est d'ailleurs plutôt mûr, bien que certains gênés par les propos licencieux et l'intimité physique qu'implique une salle de théâtre rient excessivement pour masquer leur pudeur.

Rien d'indécent donc dans Le Plaisir, même si l'on frôle par moments de dévoiler un sein ou un derrière entier. Le libertinage, c'est du plaisir, de la douceur, de la gaieté. Le texte en transpire et contamine l'auditoire. Les deux actrices principales (délicieuses,

Julie Judd et Fanny Gilles) déclament avec merveille un langage sophistiqué et maintiennent sans temps mort l'intérêt. Ensemble, elles apprivoisent leur corps et au couvent découvrent le plaisir saphique. Elles se rappellent leur mariage, leurs premiers amants, les déceptions, leurs premiers émois... Françoise Pavy est une mère qui éclaire sa fille à propos des aléas / devoirs du mariage, Jean-Marie Galey avec surprise un mari peu contraignant et excentrique et Guillaume Cramoisan un séducteur et beau parleur pour qui on succombe.

L'intimité de la chambre est extrêmement bien reconstituée, et les costumes sélectionnés pour la pièce sont une aide précieuse à l'immersion dans l'univers libertin. En bref, la pièce d'Éric-Gaston Lorvoire est... un vrai délice.

Camille Lafrance

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Un Bonheur n’arrive jamais seulRéalisé par Thierry BinistiC

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Un bonheur n'arrive jamais seul, c'est l'association Gad Elmaleh - Sophie Marceau, la bonne combinaison du couple pour une comédie romantique, à savoir l'humoriste et l'actrice préférés des français, le dossier de presse nous bassinant tellement là-dessus qu'il est impossible de passer à côté d'un tel argument marketing.

On rit sincèrement aux cascades de Sophie Marceau qui a la malheur de perdre l'équilibre assez souvent, aux quelques belles trouvailles des dialogues, au charme de Gad Elmaleh, à l'énergie de Maurice Barthélémy, ou en grande partie grâce au comique slapstick (un genre de comique physique qui implique des actes exagérés, bruyants et violents dépassant souvent les limites du bon sens). L'idée du réalisateur et du scénario était de trouver un bon équilibre entre comédie et romance. La romance, ici, est somme toute assez classique même si elle débute dans les premières minutes du film (contrairement à l'usage qui réunit le couple en fin de séance). Par ailleurs, la part de comique slapstick est assez importante et ajoute un plus à ce qui aurait pu être une énième et simple comédie romantique française.

Les acteurs sont beaux, l'intérieur des immenses appartements inabordable, le rêve du personnage de Gad Elmaleh (à savoir monter une comédie musicale à Broadway) impénétrable. La grande problématique du film est  : s'engager dans une relation amoureuse ou profiter de l'occasion de réaliser son rêve  ? Et la thématique en apparence essentielle mais pourtant très peu crédible  : sont-ils faits pour être ensemble  ? On ne croit effectivement pas trop aux doutes des personnages principaux, la solvabilité de leur histoire n'est pas contestable. Pour le reste, on sent que le réalisateur a tenté d'insérer de multiples thèmes universels sans vraiment réussir à les doser. Ce qui donne une impression finale à la fois d'amusement, bancale et d'incrédulité.

Camille Lafrance

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Les Femmes du bus 678Réalisé par Mohammed Diab

Les femmes du bus 678 sont Fayza, Seba et Nelly. Trois femmes égyptiennes totalement différentes. Le point commun qui les uni n’est pas des plus gais puisqu’il s’agit d’une agression sexuelle et de la lutte contre le machisme omniprésent dans leur pays. Fayza, femme voilée, mère de famille, dans un situation précaire, doit prendre le bus tous les jours pour se rendre sur son lieu de travail. Le bus du Caire est un endroit sale, où proximité et irrespect sont les mots d’ordre. Les hommes ne savent pas refouler leur tentation de toucher les femmes, voilées ou non, qu’ils pensent soumises et donc muettes et faibles. Certains même montent dans un bus dans le seul but de se faire plaisir avec la première femme qui leur tombera littéralement sous la main.Seba est une femme aisée, mariée à un médecin, heureuse, cheveux aux vent et libre, jusqu’au jour où, après la victoire de l’équipe de foot égyptienne, elle se retrouve séparée de son mari par une foule en délire, et plus particulièrement une bande d’hommes qui profitent de cette occasion pour abuser de son corps. Depuis, Seba est seule avec son effroi et sa volonté de contrer cette surpuissance masculine. Elle organise alors des cours de défense pour les femmes qui ont peur. C’est là qu’elle rencontre Fayza, puis Nelly.Nelly est également issue d’une famille aisée. Femme non voilée, au caractère bien trempé, elle est fiancée à un jeune homme promis à une belle carrière. Après s’être fait agresser dans la rue, pour la première fois, elle décide de porter plainte pour coups et blessures, et agression sexuelle. Elle se rend compte que c’est une première en Egypte, et décide de changer la donne en écoutant son coeur, sans se laisser affaiblir par les pressions de son entourage qui lui font face.

Le destin de ces trois femmes se croise et se lie. Chacune à leur manière, elles décident d’humilier ceux qui les humiliaient. Que ce soit de façon anonyme avec une arme, ou avec les mots, le tribunal et les médias, le mouvement d’anti-agression fait parler, les bus se vident, l’inquiétude augmente... Les hommes ne seraient donc plus libres de marcher dans la rue, prendre le bus, en ayant les mains baladeuses et plus si affinité ? Le formidable inspecteur Essam mène l’enquête pour découvrir qui ose troubler cette mascarade. Qui donc remet à leur place par tous les moyens ces hommes honteux et lâches ?

Mohamed Diab réalise ici un beau film, qui parle d’un sujet douloureux et important. On suit ces trois femmes en montage alterné, on rentre dans leur vie, on les écoute, on les connait et on les soutient. Le réalisateur ne tombe pas dans la solidarité féminine, il saisit bien le fossé culturel et social qui les sépare. Sans pathos, mais en restant dans l’effroi, avec parfois certaines touches d’humour données par l’inspecteur qui occupe un rôle magnifique, Les Femmes du bus 678 rappelle particulièrement la douleur des femmes de ces pays, et plus largement celles du monde entier. Nous n’avons pas le droit d’oublier les combats de ces femmes, leurs pertes mais surtout leurs gains.

Laura MadarP.8

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Avec Faust, le réalisateur russe Alexandre Sokourov achève sa tétralogie sur l’ivresse du pouvoir après Moloch (1999), Taurus (2001), et Le Soleil (2005) traitants respectivement de la vie d’Hitler, de Lénine et d’Hirohito. Quel meilleur personnage que Faust aurait put achever cette oeuvre?

Trois tyrans, personnages éminemment historiques, à qui succède un homme, personnage fictif, prévôt du diable, lui confiant son âme. Le choix de Faust peut paraitre incongru, mais Sokourov, avec celui-ci, fait preuve d’ingéniosité. Après une représentation ‘‘réaliste’’ du rapport des grands dictateurs de ce siècle avec la nature du mal, le réalisateur russe choisit pertinemment de traiter le mythe littéraire traitant de la relation entre un homme et sa soif de pouvoir. Dans le Faust de Sokourov, ce pouvoir est celui qu’il pourra avoir sur Margarete, la jeune femme, rencontrée dans une fabuleuse scène de lavoir, dont il s’est éprit. Faust ne peut la conquérir car dans un geste accompagné par Mephisto-Mauricius, il tue son frère. Dans un même élan de désir pour Magarete, Sokourov mêle avec brio le thème de la tentation qui le poussera à pactiser de son sang avec le diable, et la recherche d’une seconde jeunesse prise à la pièce de Goethe. Faust est un vieux garçon, qui perd son temps à la recherche désespérée de l’emplacement de l’âme dans la dissection de corps négociés avec les croque-mort, obnubilé par la mort et le vide qui l’accompagne. Margarete est une jeune fille insouciante qui découvre l’amour et le désir impossible avec le meurtrier de son frère.

Devant eux, rien d’autre que le vide et le morbide, que le gouffre aquatique irrespirable. Cette sensation d’un amour impossible lié à ce gouffre incommensurable de la mort, le film la porte d’un bout à l’autre grâce à une photographie remarquable. Rarement une image aura été si impressionnante dans ses rapports entre les hautes et basses lumières et aussi ambivalente, fidèle à son sujet. Les noirs sont profonds, les blancs étincelants, le piqué exceptionnel, les détails et les textures d’autant plus présents qu’ils sont le miroir de la vanité omniprésente dans le film. A contrario, les masses corporelles sont floues, informes, représentantes de l’absence de toute humanité, de la suppression du corps au profit de l’âme. (il faut lire le dossier des derniers cahiers du cinéma sur l’étalonnage de Faust pour appréhender le travail d’orfèvre du chef opérateur Bruno Delbonnel). Faust est un film étrange qui puise sa force dans sa dialectique abstraite car Sokourov, en grand réalisateur qu’il est, a comprit que l’indifférence du spectateur face à un film est la pire chose qui puisse exister. Or Faust a cette qualité de ne pas laisser indifférent, il a cette force de fascination ou de provoquer un certain rejet. Mais il a surtout la qualité d’être ouvert à toutes les interprétations possibles de notre part, de provoquer l’interrogation et l’ouverture des possibles. Faust est un chef d’oeuvre tant par son fond que par sa forme, ne reculant devant aucune convention cinématographique, bousculant les repères classiques d’un cinéma parfois trop commun.

Simon Bracquemart

FaustRéalisé par Alexandre Sokourov

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Mission : Impossible - Le Protocole fantômeP.

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S The Amazing Spider-manRéalisé par Marc Webb

Après un violent conflit avec Sam Raimi, réalisateur des trois premiers volets des aventures de Spider-Man, Sony Pictures a décidé de t o u t r e c o m m e n c e r e n proposant un reboot de la série. La relève a été confiée à M a rc We b b e t c ' e s t Andrew Garfield qui a été choisi pour enfiler le costume de l'homme-araignée.

Mai s dès les p remières minutes du film, on s'aperçoit

vite que Marvel n'a pas lâché un tic qui dure pourtant depuis plusieurs films. Pire encore, il est amplifié au point de contaminer quasiment chaque image du métrage. Le tic en question, c'est la démysthification permanente de ses héros. Comme si traiter l'histoire de Peter Parker avec sérieux leur faisait peur. Pourtant, le postulat du film était intriguant : notre jeune héros a été abandonné chez son oncle et sa tante alors que ses parents prenaient la fuite pour échapper à une sérieuse menace. Mais ce fameux passé – vanté par l'(impeccable) appareil promotionnel autour du film –, outre ne servir strictement à rien, est plus ou moins abandonné en cours de route. Et lorsque le tout est saupoudré de vannes et de second degré désarmoçant chaque situation dramatique, on ressent très vite de la frustration.

Alors oui, visuellement, le film assure (malgré un ratage complet du look du Lézard) et les 15 dernières minutes sont un modèle de lisibilité en terme de scène d'action. Mais cela ne suffit pas à faire oublier que cette nouvelle version de Spider-Man est une avalanche de clichés, d'incohérences et de pistes qui n'aboutissent jamais alors qu'elles sont là, sous nos yeux. Une frustration d'autant plus grande que le matériau de base est en diamant brut, comme l'a pu nous le montrer Sam Raimi. Ne reste plus qu'à espérer de l'audace, afin que Marvel songe enfin à ne plus avoir honte de leur création pour les prochains volets.

Constantin de Vergennes

Wikicommons

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Sal Paradise, apprenti écrivain, et Dean Moriarty, charmeur, beau parleur et tout ce qui s’ensuit. Le premier est à New-York et a soif d’aventure, de découverte, d’idées pour son roman, l’autre est partout, et n’a qu’une envie, apprendre à écrire, à transmettre toutes ses idées géniales sur le papier. Dean est marié à Marylou, belle, très jeune, et très libre, qui ne cache pas son attirance pour Sal. Les trois sont habités par la fureur de vivre et leur entente est immédiatement fusionnelle. Pour fuir l’ennui de la vie qui semble les attendre, Sal, Dean et Marylou se retrouvent sur la route, à la recherche des beautés, secrets et nouveautés du monde qui leur tend les bras, en emmenant avec eux les spectateurs. Nous traversons alors avec eux les paysages magnifiques de l’Amérique du Nord. New-York, Denver, Mexique, autant de lieux pour deux vies inséparables, celles de Sal et Dean.

La réalisation est très belle, et transmet tantôt la chaleur qui se dégage des relations entre les trois jeunes et leurs amis, sur la route, tantôt la tension qu’elles peuvent prendre quand il s’agit de situation difficile, comme celle de Dean avec sa deuxième femme Camille, beaucoup plus froide que Marylou… Certains plans nous subjuguent par leur beauté, d’autres nous déstabilisent par leur côtés libéraux, pour ne pas dire parfois érotiques. Les acteurs sont très bons et révèlent avec brio le génie des mots de Kerouac, à l’image. Tous sont de très bonne compagnie, et je n’ai pas senti le temps passé. Et quand on ne sent pas passer 2h20, c’est bon signe !

Laura Madar

Sur la routeRéalisé par Walter Salles

Journal de FranceRéalisé par Raymon Depardon

En septembre 2010, la Bibliothèque Nationale Française accueillait Raymond Depardon pour une exposition photographique sur le thème et du nom La France, l'occasion pour le reporter cinéaste d'explorer le territoire rural français. Journal de France se veut le «making-of» de l'exposition en revenant sur les impressions du photographe lors de sa tournée. Ses escapades laissent le temps à Claudine Nougaret de trier les innombrables rushes que le reporter garde de chaque voyage. Entre 1960 et aujourd'hui, Raymond Depardon jongle entre l'appareil photo et la caméra ; dès les premières images en super 8, on ressent la sensibilité du reporter, sa proximité avec autrui, son goût du cadre... que l'on retrouve au fil de ses documentaires. A travers les séquences, le spectateur revit ou vit des segments de la mémoire française et internationale. Claudine Nougaret se fait la conteuse de ces images, certaines plus personnelles. De ce Journal de France, elle en fait presque un journal intime, nous offrant ces images comme on feuillette un vieil album.Entre passé et présent, la vie de reporter et celle presque du touriste, le partage s'opère naturellement, comme l'embrayage des pensées.

Marianne Knecht

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La sortie de Journal de France en ce mois de juin permet de mettre aujourd’hui en évidence pour le première fois le travail d’un cinéaste de la réalité, un documentariste, en la personne de Raymond Depardon.

Raymond Depardon est une personnalité presque unique dans le paysage cinématographique actuel, en ce sens qu’il est multimodal, d’abord photographe, mais aussi écrivain, cinéaste, et même artiste vidéo. Sans oublier le couple parfait et presque utopique avec Claudine Nougaret, sa compagne : un homme d’image avec une femme du son (elle est son ingénieur son et sa productrice actuelle). C’est d’ailleurs sa présence à elle qui accomplit le statut de cinéaste de Depardon.

L’artiste hésite jeune entre la photographie et le cinéma, c’est le

premier domaine dans lequel il s’investira. Mais son parcourt a toujours été un parcourt doublé, au leica toujours autours du cou s’ajoute sa caméra super 8 ou 16 mm. C’est avec celles-ci qu’il commencera à filmer puis à réaliser de vrais films! Ses premiers pas de réalisateur sont dans la trace du photographe, comme pour donner le mouvement et la fluidité que la photo ne lui apporte pas. Ils sont alors plus des pas d’un amateur que ceux d’un réel réalisateur. Beaucoup de courts-métrage tout au long de ses reportages photo pour la presse, et des longs comme pour revenir dans sa France natale. Sans cesse, tout au long de sa carrière, c’est la force de l’image que Depardon a questionné dans toutes ses formes de captation réaliste (photo et film), leurs forces et ce qu’elles laissaient entrevoir d’information d’abord dans on travail de reporter, d’émotion ensuite dans son travail de cinéaste.

Au début, Depardon conçoit la cinématographie comme un travail complémentaire à la photographie, ne les dissociant pas mais les complétant l’un par rapport à l’autre. Et c’est quand il décida de montrer ce que la photo ne peut montrer qu’il atteignit la reconnaissance auprès de ses pairs cinéastes. Ce fût avec Reporters, revers cinématographique de la photo suivant les photographes de l’agence de presse Gamma (qu’il a lui même créé), et qui reçu en 1981 le césar du meilleur documentaire. Mais c’est alors plus pour son sujet original que pour sa qualité formelle qu’il est reconnu.

Raymond DepardonRéalisateur Français

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P.13La réelle évolution vint avec sa rencontre avec la jeune ingénieur son Claudine Nougaret. Avec elle se forge une relation professionnelle mais aussi sentimentale forte. Ils font alors les films à deux signant leurs oeuvres conjointement ou individuellement, mais toujours en collaboration étroite. L’arrivée de Claudine Nougaret dans la vie de Raymond Depardon accomplit l’artiste en réel cinéaste et apporte une nouvelle dimension artistique à son oeuvre, la dimension sonore. Les cadres serrés permettant au micro portable de la caméra de capter le son s’aèrent et alors le passage d’un cinéma-reportage à un réel cinéma documentaire maitrisé s’opère. Depardon puise alors dans sa qualité photographique du cadre et réalise alors quelques films somptueux et non plus seulement des films qui tiraient leur qualité du seul montage et du seul sujet. À cela s’ajoutant la maitrise technique de sa femme, ses oeuvres s’épanouissent et le photographe de talent trouve son tempo cinématographique.

Depardon a beaucoup voyagé comme reporter photo, et revient sur ses traces de photographes. Il réalise en Afrique, continu de photographier. Depardon a une force énorme, celle de ne pas avoir fait coexisté ses deux arts de prédilection. Plus qu’un traitement différent, il les a fait vivre conjointement, questionnant l’un par rapport à l’autre. Et ce sans jamais créer de conflit entre les deux. La photographie captant un instant donné, le film une situation, ou une parole donnée.

Alors que Depardon s’était forgé l’image d’un voyageur amoureux de l’Afrique et de ses déserts, ou celle d’un cinéaste-journaliste captant le fonctionnement et la vie des grandes institutions (commissariats, hôpitaux, tribunaux...), il a su se renouveler et ainsi atteindre la quintessence de son oeuvre. Ce en retournant non pas sur ses traces de reporter, mais sur celles de sa jeunesse cévenolle. En retournant dans ses Cévennes natales avec Profils Paysans, l’artiste a alors démontré avec brio sa capacité au changement et tout son talent. Il a ainsi signé deux de ses plus belles oeuvres en dressant le portrait d’une France profonde et oubliée : l’exposition photographique La France de Raymond Depardon et le film La Vie Moderne. Aujourd’hui, son dernier fi lm en date se présente comme une autobiographie, rendant compte de l’extraordinaire artiste qu’est Depardon sur la scène audiovisuelle française.

Simon Bracquemart

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Musée Carnavalet, Paris Avec Madrid, Rotterdam et Sydney, le musée Car navalet accueille l’exposition parisienne d’Eugène Atget (1857-1927). Deux cent trente épreuves réalisées à Paris entre 1898 et 1927 ornent les murs de salles thématiques  : petits métiers, Seine et jardins, les rues, l’album de Man Ray etc. Deux cent trente é p re u v e s , c o m m e a u t a n t d e témoignages de la vie parisienne et d’une époque, quoique les hommes soient rares, ou réduits à des ombres (rappelons que les temps de pose de l’époque n’offraient pas les mêmes possibilités qu’aujourd’hui). On peut re g re t t e r c e p e n d a n t q u e l e s commentaires accompagnant les photographies soient réduits au minimum ; il faut lire les textes muraux p o u r a v o i r d e s c o m p l é m e n t s d’information.

Derrière l’objectif d’Atget le visiteur a accès à une vision transversale, presque de biais, de la ville. L’idée d’avoir intégré un plan de Paris au sein de l’exposition offre bien des choses  : retrouver la construction de la capitale à l’époque et situer des endroits que l’on connaît mais ne peut pas reconnaître sur sépia, tant tout a changé. Et si vous êtes sur place, profitez-en pour visiter les superbes collections permanentes du Musée Carnavalet. Sous le soleil, passer un moment dans les jardins ou marcher jusqu’à la Place des Vosges toute proche est un véritable bonheur.

Hubert Camus

Musée Carnavalet, 23 rue de Sévigné (75003)Du mardi au dimanche de 10h à 18h, jusqu’au 29 juillet3,5 à 7 euro

Bérangère Pétrault

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L’affiche est un portrait de Modigliani, Elvire au col blanc, le nom

sur l’affiche en blanc et en gras, autant d’ ind ices qu i semblent annoncer une rétrospective de Modigliani à l’œil non attentif d’un usager du métropolitain. FAUX.

Cette exposition nous dévoile la collection privée de Jonas Setter, comme cela nous est indiqué en tout petit de l’affiche en haut à gauche.

L’historique de la frénésie d’achat de ce modeste monsieur ne m’intéresse guère. Si je vais au musée c’est pour rencontrer des tableaux. Et cette exposition a le mérite de nous montrer des toiles pas toujours connus du XIX. C’est toujours une joie de voir et de revoir Modigliani, mais

c’est aussi l’occasion de rencontrer Suzane Valdon et son fils Maurice Urillo ; peintre aux yeux pleins de pluie. Mais aussi Kisling, Derain, Thérèse Debain…

La Pinacothèque est une salle affreuse ; dédale aux mille-et-un piétinements et aux nombreux culs de sac bondés. Malgré tout, cette exposition vaut le détour pour

sa diversité esthétique. On y trouve en effet des nus, des paysages, des portraits, des croûtes et des chefs d’œuvre. Ainsi qu’une toile fascinante, L’homme aux masques de Chanterou  ; un homme est entouré des masques de son visage représentant l’ensemble de la gamme des expressions humaines. L’homme nous fixe avec un visage neutre (est-ce un masque ou son visage original ?)  ; il tient dans sa main un

masque jovial. Ce tableau situé à la fin de l’exposition nous retient et c’est avec peine qui nous quittons la bohème pensante et contrastée du XIXème siècle parisien.

Alice Tixier

La Collection Jonas NetterÀ la Pinacothèque de Paris

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Michel Gondry, l’OVNI du 7e art. Après deux longs métrages talentueux et à succès, notamment Eternel Sunchine of the spotless mind qui a remporté plusieurs prix, Gondry nous surprend encore, en 2006, avec La Science des rêves.

Science avec un grand S, parce que Stéphane (avec un grand S aussi) tente, en vain, de «  scientifiser  » ses rêves, tous plus fous les uns que les autres. Expliquer de façon poétique les relations entre les mots subconscient, cerveau, muscle, mouvement, rêve… Voilà le but de ce film dingue du début à la fin.

Un jeune homme mexicain, Stéphane, dont la mère est française, vient de perdre son père, et retourne chez sa mère, qui lui a trouvé un travail de « créateur » de calendrier. Stéphane Miroux est un créateur. Un créateur de rêves, de pensée, d’idées. Un créateur qui se raconte des histoires folles pour compenser sa vie qu’il trouve monotone et sans intérêt. Son moment préféré de la journée, c’est la nuit, quand il dort, et qu’il peut s’adonner à sa passion  : rêver. Il s’invente dans ses rêves, une émission autour du rêve, dont le plateau et les caméra sont en carton. Petits problèmes, ses rêves interfèrent dans sa vie réelle, car Stéphane est somnambule. Ses rêves étant fous, sa vie le devient, s’emballe et le dépasse. Pourquoi ? Parce que la voisine de sa mère, c’est Stéphanie. Et que Stéphanie (avec un grand S, toujours), est pleine d’imagination et de projets. Stéphanie est d’abord étonnée de rencontrer un garçon aussi excentrique, puis charmée par les sentiments de ce garçon qui s’intéresse amoureusement à elle, et enfin apeurée par un Stéphane étrange et parfois glauque. Stéphane est un enfant sensible, et n’arrive pas à comprendre ce qui coince dans la phase de séduction qu’il opère avec Stéphanie. La solution doit donc bien se trouver dans son imagination la plus folle…

La réalisation du film est aussi fou que l’esprit de Stéphane et reflète parfaitement l’univers du rêve. De l’eau en cellophane, des télés en carton, une forêt dans un bateau, des mains géantes… Autant de délires pour un réalisateur délirant, qui a réalisé son propre rêve dans ce film. Projet de longue haleine, puisqu’il s’agit un peu de sa vie, ses histoires, sa folie.

Merci Michel de nous en faire voir de toutes les couleurs, de toutes les formes, de toutes les folies. On espère que le prochain sur ta liste sera aussi fou que le reste, parce qu’attention, tu ne t’attaques pas à un petit film de rien du tout. L’écume des jours c’est important !

Laura Madar

La Science des rêvesRéalisé par Michel Gondry (2006)

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Metteur en scène exceptionnel, Kieslowski est pour moi un conteur moderne. Chacune de ses œuvres vous porte dans l'univers des personnages, avec un langage de l'image et du corps si particulier qu'il participe à la fantaisie des contes traditionnels, tant il nous transporte hors de soi. Il n'y a pourtant ni nain ni licorne, mais une vérité si profonde du monde et des Hommes, qu'elle nous submerge d'émotions comme le voyage le plus épique.

Trois couleurs Bleu. Liberté. (1993)

Juliette Binoche fait le parcours si douloureux d'une femme après la mort de son mari et sa fille. Passé le traumatisme, elle entreprend de rejeter tout élément extérieur pour atténuer la peine. Alors que son mari était un grand compositeur reconnu et admiré, elle rejette jusqu'à sa musique. Cette musique hante le film comme Julie. Par l'usage minutieux de gros plans, Kieslowski nous ouvre les portes de l'esprit de son héroïne. En plus de cette musique, il y a le bleu. La couleur perdure sur toute la durée du long métrage, amenée subtilement par touche de lumière, objet ou décor, renforçant la proximité du personnage. Cette approche parcourt délicieusement l'ensemble de la trilogie.

Trois couleur Blanc. Egalité. (1994)

Karol aime sa femme, elle divorce. Sans ses papiers il fait la manche pour rejoindre sa famille en Pologne et se cache dans une valise le temps du voyage. Après avoir perdu l'amour de sa vie et vécu sa trahison, il n'en peut plus du sentiment d'infériorité, il veut l'égalité, voire plus. Dans cette quête du respect, Kieslowski place une scène magnifique sur le bonheur d'être en vie, tout simplement. A quoi bon parler si ce n'est pas de l'essentiel ? En simulant le meurtre de son ami, Karol lui révèle qu'il ne souhaite pas mourir, que ces problèmes n'en valent pas la peine, et l'ami se relève pour faire face. Si il faut une morale aux contes, celle-ci est celle de ''Blanc''. Karol ira jusqu'à survivre pour être aimer à nouveau de Dominique.

Trois couleur Rouge. Fraternité. (1994)

Valentine est étudiante et modèle. Lui est juge à la retraite. Il espionne ses voisins, elle ne le supporte pas. Un accident les a réuni, à croire qu'on se rencontre toujours par accident. Sans le vouloir ils se voient, sans se voir ils le veulent, et une amitié se forme entre eux. Chez Kieslowski, les liens entre les Hommes semblent tenir à un rien, à un hasard. Pour clôturer sa trilogie, il fait agir le destin, ce truc étrange qui paraît tout diriger et nous unir. Pour moi Trois Couleurs est un conte contemporain, un conte où à la fin tous les personnages se retrouvent et on sait que ça finit bien, que ça continue bien plutôt ; et ça, ça fait du bien.

Marianne Knecht

Trilogie : Trois couleursFilms - Réalisés par Krysztof Kleslowski

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