N°29 – Octobre 2016 - Institut Supérieur de ... · Rapport de la commission d'enquête de...

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B. CRISP 2016/29 CRISP – Centre de Recherche de l’Institut Supérieur de Préparation GROUPE ISP© – 18 rue de Varenne, 75007 Paris – 01.42.22.30.60 – www.prepa-isp.fr Actualités, réflexions et controverses dans le domaine des sciences juridiques et humaines Clefs et vecteurs de réussite aux concours préparés par l’ISP. L’article du mois Sommaire L’édito p. 3 L’article du mois p. 4 L’actualité p. 6 N°29 – Octobre 2016 Rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les attentats de 2015 À la suite des attentats perpétrés à Paris et à Saint-Denis en 2015, une commission d’enquête parlementaire sur les moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme, présidée par M. Georges Fenech, a été instituée le 7 janvier 2015 par l’Assemblée nationale. Le mardi 5 juillet 2016, après cinq mois de travaux, et l’audition de près de 190 personnes durant plus de 150 heures, la commission d’enquête a adopté 39 propositions visant en particulier à remédier aux failles constatées, en particulier en ce qui concerne le manque de dialogue entre les différents services du renseignement français apparus comme évidents lors des actes terroristes. Un rapport de plus de 300 pages a été rendu public le 18 juillet 2016. Par Valentine HABERMAN et Philippe MAZET

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Actualités, réflexions et controverses dans le domainedessciencesjuridiquesethumainesClefset vecteursde réussiteauxconcourspréparésparl’ISP.L’articledumois

SommaireL’édito p.3L’articledumois p.4L’actualité p.6

N°29 – Octobre 2016

Rapport de la commission d'enquête de l'Assembléenationalesurlesattentatsde2015ÀlasuitedesattentatsperpétrésàParisetàSaint-Denisen2015,unecommission d’enquête parlementaire sur les moyens mis en œuvrepar l’État pour lutter contre le terrorisme, présidée par M. GeorgesFenech,aétéinstituéele7janvier2015parl’Assembléenationale.Le mardi 5 juillet 2016, après cinqmois de travaux, et l’audition deprès de 190 personnes durant plus de 150 heures, la commissiond’enquête a adopté 39 propositions visant en particulier à remédierauxfaillesconstatées,enparticulierencequiconcernelemanquededialogue entre les différents services du renseignement françaisapparuscommeévidentslorsdesactesterroristes.Unrapportdeplusde300pagesaétérendupublicle18juillet2016.

ParValentineHABERMANetPhilippeMAZET

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[email protected]é[email protected]é[email protected]éscientifiqueJacobBERREBIjacob.berrebi@prepa-isp.frMatthieuTHAURYmatthieu.thaury@prepa-isp.frDirectriceGénéraleISPJulieHABERMANjulie.haberman@prepa-isp.frGroupeISPInstitutSupérieurdePréparation18ruedeVarenne75007PARIS01.42.22.30.60http://www.prepa-isp.frRCSParis331302877

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«Lagloired’unbonavocatconsisteàgagnerdemauvaisprocès.»BalzacLenouvelexamend’avocat,désormaisnational,est enfin acté !!! En effet, la réforme a étépubliée au journal officiel le 18 octobre 2016.D’une part, le décret du 17 octobre 2016 amodifié les conditions d’accès aux centresrégionaux de formation professionnelled’avocats ; d’autre part, l’arrêté du 17 octobre2016 a fixé le programme et les modalités del’examen (pour une présentation vidéo de laréforme,suivezcelien).Autitredescertitudes,l’arrêtéfixelecalendrierdes épreuves pour les années à venir. Lesinscriptions sont ouvertes jusqu’au 31décembre de chaque année ; les épreuvesécritesd’admissibilitésedéroulerontàcompterdu1erseptembreetlesépreuvesd’admission,àpartir du 2 novembre de chaque année. Laproclamation des résultats se fera quant à ellele 1er décembre pour tous les IEJ. Ensuite,l’épreuve devient nationale avec un sujetunique pour chaque matière pour tous lesrécipiendaires. Les matières sont désormaisconnues. La note de synthèse est l’épreuve auplus fort coefficient (coeff. 3). Le droit desobligations, qui est maintenu, est affecté d’uncoefficient 2. Il en va demêmepour l’épreuvejuridique sous forme de cas pratique à choisirparmiunelistedesixmatières(droitcivil ;droitdes affaires ; droit social ; droit pénal ; droitadministratif et droit international eteuropéen).Enfinestaffectéed’uncoefficient2,l’épreuvedeprocédure,quiestconditionnéeauchoix de l’épreuve juridique. Pour êtreadmissibles, les candidatsdoiventavoirobtenuune moyenne au moins égale à 10 sur 20 àl’ensemble des épreuves écrites. Les épreuvesorales d’admission comprennent un exposé dequinze minutes, après une préparation d’une

heure, suivid’un entretiende trenteminutes avecle jury, sur unsujet relatif àla protectiondes libertés etdes droits fondamentaux ; ainsi qu’uneinterrogationenlangueanglaise.Au titre des incertitudes, le type d’épreuve dedroit des obligations n’est pas indiqué. Il estseulementmentionnéqu’il yaurauneépreuvededroitdesobligations, resteàsavoir le type:cas pratique, commentaire d’arrêt, d’article oudissertation. Ensuite, le contenu précis duprogramme de certaines matières restemystérieux,commeendroitdelafamille,quinesemble pas inclure le droit des personnes ; ouinfini comme en droit pénal, quimentionne ledroitpénalspécial.Àn’enpasdouter,l’absenced’un programme plus détaillé suscitera desrecours. Enfin, il est instauré une commissionqui a un double rôle. D’une part, elle doitélaborer les sujets des épreuvesd’admissibilitéet,d’autrepart, elledoit assurerune« missiond’harmonisation des critères de correction deces épreuves ». Cette dernière mission sembleopaque,etn’aquepourobjectifd’instaurerunnumerusclaususdéguisé.Espérons que les premiers candidatsn’essuieront pas les plâtres de cette premièrecuvée.

L’édito

L’éd

ito

FranckTOURETEnseignantdeDroitcivil

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Rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur lesattentatsde2015À la suite des attentats perpétrés à Paris et àSaint-Denisen2015,unecommissiond’enquêteparlementairesur lesmoyensmisenœuvreparl’État pour lutter contre le terrorisme, présidéepar M. Georges Fenech, a été instituée le 7janvier2015parl’Assembléenationale.Le mardi 5 juillet 2016, après cinq mois detravaux, et l’auditiondeprèsde190personnesdurant plus de 150 heures, la commissiond’enquête a adopté 39 propositions visant enparticulier à remédier aux failles constatées, enparticulier en ce qui concerne le manque dedialogue entre les différents services durenseignement français apparus commeévidentslorsdesactesterroristes.Unrapportdeplusde300pagesaétérendupublicle18juillet2016.La première partie du rapport retrace lachronologiedesattaqueset la seconde traite laréponsedel’Étatfrançaisaprès lesattaques,enabordant l’adaptation des forces d’interventionet la prise en charge des victimes et de leursfamilles. Ensuite, la troisième partie concerneplusparticulièrement l’organisationdesservicesdu renseignement. Quant aux deux derniersvolets du rapport, elles traitent respectivementsur la « réponse pénale adaptée à la menaceterroriste » et sur les voies et moyens pourrenforcerlaprotectionduterritoire.Le rapport de la commission d’enquête débuteainsi par un retour dans le détail sur les faits,s’appuyant sur un grand nombre detémoignages de personnes qui ont vécu cesattaques au plus près : victimes, policiers oumédecins.Ensuite la commission s’estappliquéeàévaluerlacapacitédesforcesdesécuritéetdesserviceschargésdelapriseenchargedesvictimes.Pource faire, elle analyse leur évolution depuis les

premiersattentats ainsique lespropositionsdela commissionpour améliorerlesréponsesdelapartdel’Étatpourl’avenir.Lespropositionsformuléesàcetitreconcernentdes points techniques, comme l’augmentationdu nombre de cartouches tirées chaque annéepar le personnel de la police et de lagendarmerienationalesdanslecadredeséancesd’entraînement au tir (proposition n°1) oul’accroissement des effectifs de l’unité decoordination des forces d’intervention(propositionn°2).Concernant la prise en charge des victimes, lapropositionn°8soumetleprojetd’organiserparexemple une campagne nationale d’initiationaux gestes qui sauvent en cas d’attaquesterroristes. La proposition n°11 entend étendrel’aidejuridictionnelleàlaphasetransactionnelledevant le fonds de garantie, ce qui permettraitaux « victimes de voir leurs frais d’avocats prisenchargeparl’autoritéjudiciaire. ».Par ailleurs la commission d’enquête entendengager une réflexion sur le traitementmédiatique d’une attaque terroriste (faisantréférenceauxplaintesportéesparlesvictimesàl’encontre de BFM). En conséquence lapropositionn°3inviteàdéterminerprécisémentle rôle et les obligations des journalistes et desréseaux sociaux dans un contexte de cettenature.Lapropositionn°4avancel’idéedecréerune infraction de « diffusion sur tout supportd’une information susceptible de causer unpréjudice à toute personne présente sur le lieud’unattentat. »

L’articledumois

ValentineHABERMANÉtudiantePhilippeMAZETEnseignantdeCulturegénérale

L’articledumois

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La commissiond’enquête s’estparticulièrementintéressée à une refonte du système derenseignement français dans la mesure oùl’UnitédeCoordinationdelalutteAntiterroriste(UCLAT) censée assurer la coordination del’ensemble des services chargés de la lutteantiterroriste en France ne s’est pas révélésuffisamment efficace. De ce fait 8 des 39recommandations retenues par les députésconcernent cette question. La proposition 18,qui apparaît comme la mesure phare de cettecommission propose la création d’une agencenationale de lutte antiterroriste rattachéedirectement à Matignon (selon le souhait durapporteurde lacommissionM.Pietrasanta)ouà l’Élysée (selon les vœux de son présidentM.Fenech). Ce nouveau système s’inspirerait d’unsystème à l’américaine mis en place après lesattentatsdu11 septembre2001. Il impliqueraitdonc(c’estl’objetdelaproposition20)qu’ilyaitun « grand patron de l’antiterrorisme enFrance »,l’équivalentd’unJamesClapper,actuelDirecteur du renseignement national des États-Unis.Dans le même esprit, la commission préconise(proposition n°19) la création d’une nouvelledirection générale du renseignement territorial(DGRT) qui aurait commemission de suivre deprès les mouvements contestataires violentsdontentreautres,ceuxliésàl’islamismeradical.LaDGRT,seraitplacéeauxcôtésde laDirectiongénéraledelaSécuritéintérieure(DGSI)etdelaDirection générale de la Sécurité extérieure(DGSE).En ce qui concerne la procédure pénale, lacommission invite, par sa proposition n°22, àinterdire, pour les personnes condamnées pourdes actes terroristes la réduction de peineprévue par l’article 721 du Code de procédurepénale.Un autre point abordé par commissiond’enquête traite de la protection du territoire.En matière de nouvelles technologies, elleestime nécessaire de renforcer lesinvestissements enmatièrede vidéoprotectionetentreautres lescamérassur lavoiepublique(proposition26).

L’attaquequiatouchéNicele14juillet2016nefait que renforcer l’actualité de cespréconisations.

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L’exigence d’un fait actif de la chose sur lefondement du principe général deresponsabilitédufaitdeschosesCiv.2e,9juin2016,pourvoin°15-17.958Sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1erduCode civil, la responsabilité du gardiendelachoseestsubordonnéeàlaconditionquelavictimeait rapporté lapreuveque la choseaété, en quelque manière, et ne fût-ce quepourpartie,l’instrumentdudommage.Telesten substance le principe rappelé par la Courde cassation dans le présent arrêt rendu parsadeuxièmeformationcivile,le9juin2016.L’espèce est commune : à l’occasion d’unesortiecyclisteengroupe,uncyclisteheurtedel’épauleunautre,quifaitchuteruntroisième.Blessé, ce dernier assigne celui qui l’a faittomber. Ce dernier assigne en garantie lecyclistequi l’aheurtéà l’épaule.Les jugesdufond écartent la responsabilité du derniervisé ;dèslors,seloneux,qu’iln’yapaseudecontact entre son vélo et celui de la victime.Une telle conception restrictive du fait de lachose était promise à censure, de sorte quel’on ne s’étonnera pas de la cassationprononcéesur le fondementde l’article1384alinéa 4 du Code civil. En effet, les hautsconseillers affirment que la cause du heurtentre levélode lavictimeetceluiducyclisteétait un contact entre les épaules de cedernieretcellesdel’autrecycliste.Dèslors,levélo de l’autre cycliste a été, ne fût-ce quepour partie, l’instrument du dommage. Onconstatedoncuneconceptionextensivedelanotionde faitactifde la chose,qui renvoieàuneappréciationlargedelacausalité,quel’onnepeutmanquerderapprocherdelathéoriedel’équivalencedesconditions.

Unrappeldel’exigenced’unpréjudicedirectCiv.2e,19mai2016,pourvoin°11-22.684Ilestconstantquelepréjudicen’estréparablequ’à la condition qu’il soit certain, direct etpersonnel et légitime. Bien que ces troisconditions soient traditionnelles, elles sontconstamment étayées par le juge. Tel est lecasenl’espècenotammentdupointdevuedel’exigence d’un préjudice direct. Enl’occurrence, une personne subit un accidentde voiture, ce qui entraîne l’applicationde laloi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter. Aprèsindemnisation et à l’occasion du recourssubrogatoire formé par la Caisse primaired’assurance maladie, le contentieux secristallise sur le préjudice réparable de lavictime. En effet, la victime est lamère d’unenfanthandicapé,quiétait logéchezelle.Parsuite de l’accident, sa mère ne pouvant pluss’enoccuper, l’enfant a été accueilli en foyerd’accueil spécialisé, ce qui a occasionné desfrais. La cour d’appel avait exclu leremboursementdecesfraisconsidérantqu’ilsn’étaient pas directement la conséquence del’accident. La Cour de cassation va dans lemêmesens:« neconstituentpasunpréjudiceconsécutif à l’accident dont sa mère a étévictime, les frais d’hébergement et de soinsd’une personne qui, en raison de sonhandicap, doit être accueillie en foyerd’accueilmédicalisé,peuimportantqu’elleait,avantl’accident,étéhébergéeparsamère,cedont il résulte que c’est à bon droit que lacour d’appel a rejeté le recours subrogatoireformé par la CPAM au titre des prestationsexposées pour la prise en charge de cethébergement ». Si la solution apparaît sévèrea priori, elle semble logique au vu del’exigence traditionnelle d’un préjudice directet personnel. Implicitement, elle rappelle lesdifficultés, d’une part, relative à la notion depréjudiceparricochetet,d’autrepart,aulienintimeentrel’exigenced’unliencausaletd’unpréjudicedirect.

DroitdesobligationsJacobBERREBI

EnseignantdeDroitprivé

L’actualité

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L’obligationdesécuritéetl’accrobrancheCiv.1re,6avril2016,pourvoin°15-16.364Alors que la pérennité de l’obligation desécurité en matière contractuelle estdouteuse à l’aune de l’avant-projet deréforme de la responsabilité civile –rappelons,eneffet,quel’article1233alinéa2projeté dispose que « le dommage corporelest réparé sur le fondement des règles de laresponsabilitéextracontractuelle,alorsmêmequ’ilseraitcauséàl’occasiondel’exécutionducontrat » –, elle demeure l’objet d’uneactualité intense devant les prétoires (sansêtre exhaustif, et pour les arrêts les plusrécents,V.Civ.2e,22octobre2015,obligationde sécurité de l’exploitant d’un « lasergame » ; Civ. 1re, 25 novembre 2015,obligation de sécurité de l’exploitant d’unparking ; Civ. 1re, 17 février 2016, obligationde sécurité de l’hôtelier). C’est dans leprolongement de cette litanie prétoriennedébutée avec le célèbre arrêt de la chambreciviledelaCourdecassationdu21novembre1911, relatif à l’obligation de sécurité derésultatdutransporteurdepersonnes,quesesitue la présente décision de la premièrechambrecivileendatedu6avril2016.La seule originalité de l’espèce se découvredans les faits et l’activité de loisirs en cause,lorsqu’un individu se blesse grièvement àl’occasion de l’utilisation d’une tyrolienned’un parcours acrobatique dans les arbres –bref,oncomprendà l’occasiond’unparcoursd’accrobranches. La victime agit contrel’association exploitante. Le fondement del’action ne fait guère de doute puisque c’estnouéuncontratentre leparticipantblesséetcette association. C’est ainsi que sur lefondement de l’ancien article 1147 du Codecivil, laCourdecassationconfirmelasolutionrendue en appel, laquelle soulignaitl’existence d’une obligation de sécurité à lacharge de l’association qui s’entend d’uneobligation de moyens considérant laparticipation active de la victime à l’activité.Les juges du fond confortés par la Hautejuridiction n’en avaient pas moins relevé laresponsabilitédel’association,quin’apasmisen œuvre tous les moyens pour assurer lasécurité des participants (matériels et

protections inadéquates, non-conformité del’installationauxnormesdesécurité).

FixationdupointdedépartdudélaidetroisansenmatièrederévisiontriennaleCiv. 3e, 8 septembre 2016, pourvoi n° 15-17.485A l’issue du bail commercial, le preneur peuten demander le renouvellement. En cas desilence du bailleur, une jurisprudenceconstanteprévoitquelebailleurestréputéenavoiracceptéleprincipe(pouruneapplicationdecequiapparaîtuneexceptionauprincipe«silence ne vaut pas acceptation », V. Civ. 3e,19décembre2012).Lesfaitsdel’espècesontexactement ceux-ci : le preneur formule unedemande de renouvellement demeurée sansréponsedesorteque lebailestrenouvelé, le1er avril 2007. Quelque temps plus tard, lebailleur avait demandé, en application dustatut des baux commerciaux disposés auxarticles L. 145-1 et suivants, que le loyer derenouvellement soit fixé à la valeur locative.Ainsi fixé, le nouveau loyer était devenuexigible,le23juin2008.Par suite, un litige survient entre les parties,s’agissant de la première révision triennalelégale du bail renouvelé. Précisément, laquestion portait sur l’indice à prendre enconsidération pour calculer le loyer révisé. Ace titre, ladatede la révision joueune réelleimportance. Les juges du droit devaient ainsirépondreàlaquestionsuivante:àquelledatedoit être fixée lepointdedépart dudélai detroisansouvrantdroità larévision légale,ensuited’unrenouvellementdebail.Pour rappel, l’article L. 145-38 du Code decommerce, lequeldispose, inlimine,que«Lademandeenrévisionnepeutêtreforméequetrois ans aumoins après la date d’entrée enjouissance du locataire ou après le point dedépart du bail renouvelé ». Approuvant lasolutiondéjàavancéeparlesjugesdufond,la

DroitdesaffairesJacobBERREBI

EnseignantdeDroitprivé

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Courdecassationdécideenapplicationdecetexteque lepointdedépartdudélaidetroisans se situe à la date de renouvellement dubail, nonobstant le report de la dated’exigibilitéduloyerderenouvellement.Prescription de l’action en fixation du loyerdu bail commercial après requalification dubaildérogatoireCiv.3e,7juillet2016,pourvoin°15-19.485Comme souvent s’agissant des décisionsrendues par la Cour de cassation enmatièrede loyer du bail commercial, le présent arrêtest important d’un point de vue pratique.L’affirmation est d’autant corroborée quel’arrêt rendu par la troisième chambre civileendatedu7juillet2016vientdonnerréponseàunequestioncouranteetpourtantjusque-làinéditedevantleshautsprétoires.Laquestionétaitdouble:d’uncôté,quelleestlaprescriptionapplicableàl’actionenfixationdu loyer du bail commercial aprèsrequalification du bail dérogatoire ? Del’autre,quelestlepointdedépartduditdélaideprescription ?Concernant la première interrogation,rappelons que l’article L. 145-5 du Code decommerce prévoit la possibilité de concluredes baux dérogatoires à la condition que laduréetotalen’excèdepastroisans (deuxansavant la réformepratiquéepar la loiPineldu18 juin2014).Encasdedépassement, cequiconstitue l’hypothèse qui nous intéresse ici,l’alinéa2decetexteprévoit«Si,àl’expirationde cette durée, et au plus tard à l’issue d’undélai d’un mois à compter de l’échéance lepreneur reste et est laissé en possession, ils’opèreunnouveaubaildont l’effetest réglépar » le statut des baux commerciaux et lesarticles L. 145-1 et suivants du Code decommerce. Encore, il convient de soulignerque l’articleL.145-60dumêmecodedisposeque«Touteslesactionsexercéesenvertuduprésent chapitre se prescrivent par deux ans».LacombinaisondecesdeuxdispositionsestopéréeparlaCourdecassationpouraffirmerque l’action en fixation du loyer du bailcommercialquifaitsuiteàunbaildérogatoireestsoumiseàlaprescriptionbiennale.Concernant la seconde interrogation,à savoirle point de départ du délai de cette

prescriptionque l’onsaitdésormaisbiennale,deux options s’opposaient : soit le fairedébuter à la date à laquelle naît le bailcommercial, soit à la date de demanded’application du statut formée par l’une oul’autredesparties.Autrementdit, lepointdedépartdudélai se situe-t-il aumomentoù ledroitnaîtouaumomentoù sonbénéficeestrevendiqué par voie d’action. En applicationdes règles traditionnelles de la procédurecivile(parex.,Civ.1re,9 juillet2009), laCourrégulatriceoptepourlasecondepossibilité:lepoint de départ de la prescription de l’actiondu bailleur se situe à la date à laquelle l’unedes parties a revendiqué l’application dustatut.De l’absence de loyauté du dirigeant socialjustifiant sa révocation sans indemnitéd’évictionCom.5juillet2016,pourvoin°14-23.904L’administrateur-directeur général d’uneimportante société est révoqué pour fautegrave. Il assigne la société en règlement del’indemnité de révocation promise dans soncontratdemandat.Poursadéfense,lasociétéfait valoir que conventionnellement, cetteindemnitén’estpasdueencasdefautegravedudirigeantetaffirmequ’unetellefauteestàl’origine de la révocation. Autrement dit, ledébatsecristalliseautourdelacaractérisationd’une faute grave de l’administrateur-directeurgénéralàl’occasiondesonmandat.Enl’espèce,lesjugesdufondontrelevéqueledirigeant social, d’un côté, a manifestépubliquement un doute profond sur lesperspectivesdelasociétéetlaviabilitédesonmodèle économique et, de l’autre, acommuniqué directement avec desinvestisseurspotentielscréantuneoppositionentrelasociétéetsonprincipalactionnaireetmettant en danger le financement del’entreprise. Par suite, la cour d’appel adébouté l’ancien dirigeant social de sademandedeversementdel’indemnité.Saisie sur pourvoi de l’ancien mandataire, laCourdecassationseprononcedans lemêmesensquelesconseillersd’appel:lafautegravede l’administrateur-directeur général estcaractériséedèslors,d’uncôté,quelecontratdemandatsocialdisposaitexpressémentque

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le dirigeant s’engage à « promouvoir etdévelopperl’activitédelasociétéenexerçantses fonctionsavecdiscernement,attentionetloyautéetenveillantàservirlesintérêtsdelasociété»etde l’autre, que le comportementen l’occurrence de l’administrateur-directeurgénéral était contraire à l’intérêt social etconstitutif d’une déloyauté à l’égard de lasociété elle-même et de son principalactionnaire. Par suite, il est logique deconsidérer que ce comportement rendaitimpossiblesonmaintiendanssesfonctionsetconstituaitunefautegrave.La difficile réunion des conditions de ladissolution pour mésentente d’une sociétéégalitaireCiv.3e,2juin2016,pourvoin°15-14.707L’article 1844-7, 5° du Code civil prévoitl’hypothèsedeladissolutionpourmésententeentre associés, que l’on sait source d’uncontentieuxtoujoursabondant.Ladissolutionpourmésententenepeutêtreprononcéeparle juge que lorsque deux conditions sontcumulativement réunies : une mésententeentre associés s’analysant en une disparitionde l’affectio societatis et une paralysie dufonctionnementsocial.La présente décision ne présente aucuneoriginalitéenrappelantcettedoubleexigence.Cependant, l’intérêtdel’arrêtdemeureréelàl’aune des faits de l’espèce : une sociétéégalitaire (SCI) est constituée entre deuxassociéesquisontégalementco-gérantes (onne rappellera jamais assez combien laconstitution de ce type de structure est peupertinente notamment sur la durée).Quelques années plus tard, l’une desgérantes-associés contracte au nom de lasociété un prêt en vue de l’acquisition d’unbien immobilier. L’autre associé soutenantqu’elle ignore tout de l’opération et estdésormais exclue de la gestion de la SCI,demande sa dissolution. Rapidement ladisparition de l’affectio societatis estconstatée, mais le contentieux se cristallisesur la question de la paralysie dufonctionnement social. Les juges du fond,approuvés ensuite par la Cour de cassation,affirment que cette seconde condition n’estpas remplie. Différents indices corroborent

cette carence : l’absence de diligences del’associé-gérantequiseplaintdesonexclusionde la gestion et demande la dissolution, lapermanence de l’activité sociale et desbénéfices, la bonne santé financière de lasociété et le respect de ses obligations danslesrelationsaveclestiers.L’arrêt ne se limite pas à témoigner del’exigence du cumul des conditions. Le soinprisparlaHautejuridictionderépéterchacundesélémentsdefaitprisenconsidérationparla cour d’appel appelle deux observationssupplémentaires : d’une part, la Cour decassationserévèleparticulièrementexigeantequant à la preuve de chacune de cesconditions,rappelantquelaparalysieestbienun élément distinct de la mésentente et nesaurait en découler nécessairement ; d’autrepart, une telle exigence de la Cour decassation nous renvoie à une réflexion plusgénérale : sans recenser toute lajurisprudence en la matière, l’on peut àl’appui de la présente décision, affirmer queles hypothèses de rejet de demande dedissolutionpourmésentente se font toujoursplusnombreuses(Civ.3e,3juin2009 ;Civ.3e,6septembre2011),mêmeencasdesociétéségalitairesalorsmêmequ’ils’agitd’unterreaude prédilection pour la mise en œuvre del’article 1844-7, 5°. Il faut y voir une volontéprononcée des juges (particulièrement de latroisième chambre civile de la Cour decassation ?!) de préserver les sociétés, lespersonnesmorales,ycomprisaudétrimentdelavolontédesassociés(V.déjàCiv.3e,20juin2012).De l’importance de la rédaction de l’objetsocialetdesonextinctionCom.30mars2016,pourvoin°14-13.729Les statuts d’une société commercialeprévoient que l’objet social est relatif àl’acquisition et l’exploitation d’un fonds decommercedetypesupermarchéétantpréciséspécifiquement son adresse. Quelque temps,la société exploite effectivement ce fonds decommerce dans des locaux commerciauxeffectivementsituésàcetteadresseavantquene lui soit délivré un congé avec refus derenouvellementdubail.Parailleurs,lasociétéexploite en tant que locataire-gérant une

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station-servicesituéedanslemêmeensembleimmobilier. La délivrance du congé estl’occasionpourl’undesassociésdedemanderla dissolution de la société. Cette demandeprospère devant les juges du fond, qui setrouvent confortésdans cet arrêtpar laCourde cassation. Les hauts conseillers affirmenten effet que « l’objet social statutaire de lasociété était exclusivement cantonné àl’exploitation d’un fonds de commercealimentaireetquel’exploitationd’unestation-service ne pouvait se rattacher à cet objet ;(dès lors) lacourd’appelapuendéduire (…)quelacessationdéfinitivedel’exploitationdufonds de commerce alimentaire avait pourconséquence l’extinction de son objet social,impliquant la dissolution de plein droit de lasociété ». Une telle décision a le mérite derappeler, d’une part, que l’article 1844-7prévoitladissolutiondelasociétédontl’objetsocial est éteint ou devenu impossible, et,d’autre part, que les rédacteurs de statutsdoiventprendregardeàlarédactiondel’objetsocial. Cette étape trop souvent négligée ououbliéeavecletempsconditionnepourtantlefonctionnementetlapérennitédelasociété.Encore une histoire de dol en matière decessiondedroitssociauxCom.30mars2016,pourvoin°14-11.684Onlesaitledroitspécialdessociétés,ledroitspécial de la vente et le droit commun desobligations se superposent en matière decessions de droits sociaux, notamment pourcritiquer la validité de ces opérations. L’arrêtdu30mars2016enestunnouvelexemple.Enl’espèce, les consorts X cèdent leurparticipationdanslasociétéU,àlasociétéN.Or, a posteriori, le cessionnaire, la société Nconstate que le chiffre d’affaires a fortementbaissé et en trouve l’explication dans desélémentsconnusparlescédantsavantmêmelacession.Lecessionnaireagitennullitédelacession affirmant avoir été victime d’un dol,dès lorsque les cédantsne l’ontpas informéd’éléments déterminants de leurconsentement.Lesjugesdufondaccueillentlademande en nullité du cessionnaire. La Courde cassation rejette le pourvoi formé par lescédants:«attenduqu’ayantconstatéquelesconsorts X… avaient, par une haussemassive

des prix de vente, donné une imagetrompeusedesrésultatsatteintsparlasociétécédée au cours des mois ayant précédé lacession,etqu’ilsavaientdissimuléàlasociétéNUMP les informations qu’ils détenaient surl’effondrement prévisible du chiffre d’affairesréalisé avec au moins deux des principauxclients de l’entreprise, la cour d’appel, qui asouverainement retenu que ces élémentsétaient déterminants pour le cessionnaire,lequel n’avait pas été mis en mesured’apprécierlavaleurdelasociétécédéeetsesperspectives de développement et n’auraitpas accepté les mêmes modalitésd’acquisition s’il avait eu connaissance de lasituation exacte de cette société, n’a pasméconnu les conséquences légales de sesconstatations en décidant que les réticencesdolosivesimputablesauxcédantsentraînaientla nullité de la cession ». Cette décisions’inscrit dans un fil jurisprudentiel constantd’utilisation de la théorie des vices duconsentement afin de protéger les intérêtséconomiquesdel’acquéreurdedroitssociaux(pour un ex. enmatièred’erreur, V. Com. 10novembre2015).Find’unecontroverseprétoriennedeplusde10ansenmatièrederesponsabilitéciviledesdirigeantssociauxCiv.3e,10mars2016,pourvoin°14-15.326Il fallait que l’une cède ! Rappelons qu’enmatièrederesponsabilitéciviledesdirigeantssociaux à l’égard des tiers, les différentesformations de la Cour de cassation nes’entendaient pas dans l’hypothèse où ledirigeant social avait commis une infractionpénalesourced’undommageàuntiers.Commençons par resituer les termes de ladivergence:

- pour la chambre criminelle de laHaute juridiction, en cas d’infractionpénale, nul besoin pour le tiers dedémontrer l’existence d’une fauteséparéedesfonctionspourengagerlaresponsabilité civile du dirigeantauteurde l’infraction (par ex. Crim. 7septembre 2004). La chambrecommerciale s’était ralliée à cettepositionjusqu’en2010toutcommela

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première chambre civile jusqu’en2014 ;

- pour la troisième chambre civile, ladémonstration d’une faute séparabledes fonctions était une conditionnécessaire à l’engagement de laresponsabilité du dirigeant social,dans tous les cas – infraction pénaleou non (par ex. Civ. 3e, 4 janvier2006) ;

- après avoir rallié la position de lachambre criminelle, la chambrecommercialeatentéune«médiation» en adoptant une solution à mi-chemin de ces positions antagonistesen décidant que « le gérant d’unesociété à responsabilité limitée quicommet une faute constitutive d’uneinfraction pénale intentionnelle,séparable comme telle de sesfonctions sociales, engage saresponsabilitécivileàl’égarddestiersà qui cette faute a porté préjudice »(Com.28 septembre2010).Malgré lefaible emballement prétorien etdoctrinalpourcettesolutionmédiane,la formation commerciale l’a répétée(Com. 9 décembre 2014). Grand bienlui en a pris, puisqu’elle a réussi àconvaincrelapremièrechambrecivile(Civ. 1re, 3 juin 2015), mais aussi lachambrecriminelle…

En l’espèce,uneSCIconfie laconstructiondeplusieurs biens immobiliers à une SARL,laquelle manque à son obligation légale desouscrire une assurance décennale. Par lasuite, des désordres de construction révélés,la SCI assigne en responsabilité la SARL ainsique son gérant, à titre personnel. Sesdemandes sont entendues par les juges dufond,quiconstatentqueledéfautd’assuranceestuneinfractionpénaleausensduCodedesassurances.Legérantsepourvoitencassationarguant que son abstention ne constitue pasunefauteséparabledesfonctions.Laquestionposée aux juges du droit de la troisièmechambre civile ainsi saisie était donc unenouvelle fois de savoir si la caractérisationd’une infraction pénale suffit à l’engagementdelaresponsabilitéciviled’undirigeantparuntiersou s’il estnécessairepour cedernierdedémontrer l’existence d’une faute séparable

des fonctionsausensde l’arrêtSeusse (Com.20mai 2003), dont on sait les difficultés à lacaractériser.Si la troisième chambre civile de la Courrégulatrice avait maintenu sa position,l’argument du pourvoi aurait étéfavorablement accueilli et l’arrêt d’appelcassé. Surprise ! La troisième chambre civiledécideque:«ayantretenuqueM.X...,gérantde la société Clé du Sud, qui n’avait passouscrit d’assurancedécennale, avait commisune faute intentionnelle, constitutive d’uneinfraction pénale, la cour d’appel en aexactement déduit qu’il avait commis unefaute séparable de ses fonctions sociales etengagé sa responsabilité personnelle ».Autrement dit, la troisième chambre civileopère un revirement de jurisprudence décisifen adoptant la position médiane de lachambre commerciale. Sans abandonnerl’exigence d’une faute séparable desfonctions,elleacceptequecelle-cisedéduisenécessairement de la constatation d’uneinfractionpénale.MesuredelacommercialitéparaccessoireCiv.1re,25février2016,pourvoin°15-10.735Un particulier qui acquiert une installationphotovoltaïque conclut-il un acte decommerce,dèslorsqu’ilrevendunepartiedel’électricitéqu’ilproduit ?Telleestlaquestiontrès ponctuelle posée aux juges. De manièreplusgénérale, laCourdecassationestinvitéeà revenir sur les conditions de lacommercialité par accessoire. Revenonsrapidement sur les faits de l’espèce : unparticulier conclut un contrat de vente etd’installation d’un générateur photovoltaïqueavecunesociétéspécialisée ;l’opérationétantfinancée par un établissement de crédit. Leparticulier assigne ce dernier et la sociétéd’installation devant le juge civil.L’établissement de crédit soulève uneexception d’incompétence au profit du jugecommercial.Lesjugesdufondluifontdroitenconsidérant lecaractèrecommercialde l’acted’achat et d’installation : en effet, cetteacquisitionest l’accessoired’unacteprincipalauquelselivrenotreparticulier:laproductionet la vente d’électricité. Dès lors, selon lesconseillers d’appel, en application de l’article

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L.721-3duCodedecommerce,lequelprévoitnotamment que les tribunaux de commerceconnaissent des contestations relatives auxactes de commerce entre toutes personnes.LaCourdecassationcensureceraisonnementsurlefondementdel’articleL.110-1duCodede commerce. Les hauts conseillersreprochent notamment à la cour d’appel dene pas avoir vérifié si l’installation litigieusen’étaitpasprincipalementdestinéeàunusagepersonnel. L’objectif premier de l’installationn’est pas commercial, mais bien civil enl’espèce, la consommation personnelled’électricité. La vente d’électricité n’est elle-même raisonnablement qu’accessoire. Dèslors, toute la démonstration des conseillersd’appelachoppe.La protection des associés contre lesaugmentations de capital n’est pas sanslimitesCom.2février2016,pourvoin°14-20.241Larégulationdesaugmentationsdecapitalestl’un des enjeux à la fois classiques etmodernes du contentieux des sociétés. Apriori, les augmentations de capital doiventêtre accueillies favorablement en ce qu’ellesbénéficient logiquement à la société, maisaussi participent à la vie économique dessociétés en général. Demeurent qu’elles ontun effet perturbateur sur la géographie ducapital de la société et sur les droits desassociés lorsque tous ne participent pas àl’opération ou lorsqu’ils n’y participent pastous proportionnellement à leur quote-partducapital.Laprotectiondecesassociésestunimpératif du droit des sociétés pour garantirnon seulement le respect de leurs droits etnotamment de leur droit de propriété, maisaussipluslargementpourassurerunesécuritéjuridique nécessaire à la matière. Pour cefaire, le juge emploie divers mécanismes :d’abord,lafraude(Com.16avril2013:fraudeconcernant l’évaluation de la primed’émission ; ensuite, la théorie de l’abus dedroit(Civ.3e,8juillet2015:augmentationdecapital injustifiée caractérisant un abus demajorité) ; enfin, la théorie des vices duconsentement (Com.14 janvier2006 :dolenmatière d’augmentation de capital en cas de

dissimulation des perspectives dedéveloppementsdel’entreprise).Demeure que cet arsenal de protection n’estpas sans limites : il ne saurait servir qu’àcritiquerlesaugmentationsdecapitalportantinjustement préjudice aux associés neparticipantpasàl’opération.Ainsi, laCourdecassation, dans l’arrêt du 27 février 2016,décideque lorsqu’unassociéasouscritàuneaugmentation de capital et signé un pacted’associés mentionnant la répartition ducapitalainsiquelenombredepartsdechaqueassocié sans solliciter d’informations sur lesmodalités de cette opération, il ne sauraitvalablement arguer être la victime d’un dolsansdémontrerques’ilavaiteuconnaissancedes comptes de la société ainsi que dumécanisme de l’augmentation de capital, iln’aurait pas souscrit à celle-ci. Ainsi, la Courrégulatricedécidequeledolinvoquén’estpascaractérisé et la demande en nullité del’augmentationdecapitalnepeutaboutir.

Adoption du divorce sans juge, AN, 12octobre2016L’Assembléenationaleaadoptéle12octobre2016,en lecturedéfinitive, leprojetde loidemodernisationdelajusticedu21esiècle(pourl’étape précédente voir BMA 2016, 27/28 p.9). Ledivorce sans jugeentreraenvigueur le1erjanvier2017.Ilressortdecetextequelesépoux, qui s’entendent sur la rupture dumariage et ses effets, constateront, assistéschacun par un avocat, leur accord dans uneconvention prenant la forme d’un acte soussignatureprivéecontresignéparleursavocats.La convention sera déposée au rang desminutes d’un notaire. Ainsi, le magistratn’interviendra plus, sauf si un enfant mineurdemande son audition par le juge ou si l’undes époux est placé sous un régime deprotection.

Droitdespersonnesetdelafamille

FranckTOURETEnseignantdeDroitprivéL’

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L’absence de contrariété à l’article 8 de laConvention européenne en casd’impossibilité d’établir une filiationconformeàlaréalitébiologiqueCiv.1re,5oct.2016,n°15-25.507Enl’espèce,unefemmeestreconnuedix-neufansaprèssanaissanceparunhomme,qui l’alégitimée par son mariage le jour où il aépousé samère. Ce dernier décède en 2001.Quatreansaprès, la femmeestreconnueparun second homme. Mais, un jugementirrévocable du 20 novembre 2007 déclareirrecevable comme prescrite la contestationde la reconnaissanceforméepar la femmeetsamèreetannuleenconséquencelasecondereconnaissance de paternité. Par acte du 29juillet 2011, la requérante assigne alors lesenfantsdel’auteurdelareconnaissancesurlefondementde l’article327duCodecivilpourquesoitordonnéeuneexpertisebiologiqueetque sa filiation paternelle avec l’auteur de lareconnaissancesoitétablie.Les jugesdufondrejettent ses demandes considérant que lapremière filiation définitivement établie faitobstacle à l’établissementde sa filiationavecl’auteurdelareconnaissance.Ellesepourvoitalorsencassationeninvoquantnotammentledroit à la connaissance de ses origines del’article 8 de la Convention européenne. LaHautejuridictionrelève,enpremier lieu,que,contrairementauxénonciationsdumoyen, lacour d’appel n’avait pas déclaré l’action encontestation de paternité irrecevable commeprescrite,mais avait constaté l’autorité de lachose jugée attachée au jugement du 20novembre2007et,parsuite,l’existenced’unefiliation définitivement établie faisantobstacle, en application de l’article 320 duCode civil, à l’établissement d’une autrefiliationquilacontredirait.Ensuite,laCourdecassation rappelle que si l’impossibilité pourunepersonnedefairereconnaîtresonliendefiliation paternelle constitue une ingérencedans l’exercice du droit au respect de sa vieprivéeet familialegarantipar l’article8de laConventioneuropéennel’obstacleopposéàlarequérante est prévu à l’article 320 du Codecivil et poursuit un but légitime en ce qu’iltend à garantir la stabilité du lien de filiationetàmettre lesenfantsà l’abridesconflitsdefiliations. Enfin, l’arrêt d’appel relevait que la

personne qui avait reconnu la requéranteavait été son père aux yeux de tous jusqu’àson décès en 2001, sans que personne neremetteencausece liende filiationconfortépar la possession d’état ; il ajoutait que lafemme,elle-même,avaitdisposéd’undélaidetrente ans à compter de sa majorité pourcontester la paternité, ce qu’elle n’avait pasfait,etqu’elleavaithéritédecedernieràsondécès.Nouvelle condamnation par la CEDH enmatièredeGPA,CEDH21 juill. 2016, Foulonet Bouvet c. France, req. nos 9063/14 et10410/14Après la condamnation de la France par laCEDH, par les arrêtsMennesson et Labassée(BMA2014,7-8,p.12),laFranceadenouveauétécondamnéeenmatièredegestationpourautrui,pourrefusdetranscriptionàl’étatcivildu lien de filiation biologique d’un enfant nésous gestation pour autrui. En l’espèce, lesrequérants étaient dans l’impossibilitéd’obtenir la reconnaissance en droit françaisduliendefiliationbiologiqueétablientreeuxenInde.Lesautoritésfrançaises,suspectantlerecours à des conventions de GPA illicites,refusaient donc la transcription des actes denaissance indiens. Les requérants seplaignaient d’une violation de leur droit aurespectdeleurvieprivéeetfamilialerésultantdurefusdetranscription.LaCEDHaccueillelegrief de la violation du droit à la vie privée(art. 8 Conv. EDH). En effet, l’acte denaissance mentionnant les deux parentsbiologiques à l’exclusion du parentd’intention.Expertisebiologiqueetintérêtdel’enfantCiv.1re,13juill.2016,no15-22.848LaCourdecassation faitapplicationdanscetarrêt du 13 juillet de l’article 310-3 du Codeciviletrappellequelorsqu’uneactionrelativeàlafiliationestengagée,lafiliationseprouvepar tous moyens, sous réserve de larecevabilitéde l’action.Enpremière instance,l’action en contestation de paternité estaccueillie et l’expertise biologique ordonnée.Enseconde instance, le jugementest infirmé,les juges retenant, d’une part, le caractère

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tardifde l’actionetconsidérant,d’autrepart,l’action engagée comme contraire à l’intérêtsupérieur de l’enfant. La première chambrecivile casse partiellement l’arrêt, au visa desarticles 310-3 et 332, alinéa 2 du Code civil.Ellepréciseque« l’expertisebiologiqueestdedroitenmatièredefiliation,saufs’ilexisteunmotif légitimedenepasyprocéder ».Or,enl’espèce, l’intérêt supérieur de l’enfant nepeutàluiseulconstituerunmotiflégitimederefus d’expertise. Le père biologique ne peutêtre empêché d’établir sa paternité à l’égarddel’enfant.Toutefois,laCourdecassationnefemme pas la porte aux recours à d’autresmotifs, autorisant ainsi les juges du fond àrefuserl’expertisebiologiquesollicitée.

Convocation de l’usufruitier aux assembléesgénérales, ne statuant pas sur l’affectationdesbénéficesCiv.3e,15sept.2016,no15-15.172La Haute cour affirme que la cour d’appel aexactement retenu que l’assemblée généraleayant pour objet des décisions collectivesautres que celles qui concernent l’affectationdesbénéficesnesauraitêtreannuléeaumotifqu’une usufruitière de parts sociales n’avaitpas été convoquée pour y participer. Enl’espèce, l’usufruitier de parts sociales d’uneSCI n’a pas été convoqué à une assembléegénérale.L’undesnus-propriétairesaassignéles autres nus-propriétaires en nullité deladiteassemblée.LaCourdecessationrejettelepourvoi formé.Parcetarrêtdeprincipe, laCour de cassation semble dénier la qualitéd’associé à l’usufruitier de parts sociales. Eneffet, selon les termes de l’article 1844 duCode civil, « tout associé a le droit departiciper aux décisions collectives ». La Courdecassationareconnuquecedroitbénéficieà toutassociéqui se trouveprivédedroitdevote:ainsienest-ildunu-propriétairequine

peutpasêtreprivédudroitdeparticiperauxdécisionscollectivesmêmelorsqueledroitdevoteestattribuéàl’usufruitier(Com.4janvier1994, De Gaste, no 91-20.256). En revanche,par convention, le nu-propriétaire ne peutexclure l’usufruitier du vote des décisionsconcernantlesbénéfices,carledroitd’userdela chose et d’en percevoir les fruits est uneprérogative essentielle que l’article 578 duCode civil attache à l’usufruit (Com., 31mars2004, no 03-16.694). Néanmoins, la Cour decassation dans cet arrêt vient considérer quelaconvocationdel’usufruitierauxassembléesqui n’ont pas vocation à statuer surl’affectation des bénéfices n’est pasobligatoire.UsufruitdedroitssociauxetréservesCiv.1re,22juin2016,n°15-19.471La Cour de cassation affirme que si lesbénéficesdistribuésreviennentàl’usufruitier,ceux qui sont mis en réserve constituent unaccroissement de l’actif social dont ladistribution ultérieure profite au nu-propriétaire.Enl’espèce,uneveuvesetrouve,à la suitedudécèsde sonépoux, titulairedel’usufruit de la succession et donc des droitssociaux qui y sont compris, la nue-propriétérevenant à ses enfants. La question se posealorsdesavoirs’ilconvientd’inscrirelesfondsprovenant de la distribution des réserves àl’actifdel’indivisionsuccessoraleoud’enfairebénéficier l’usufruitier. Autrement dit s’agit-ilde fruits revenant à l’usufruitier ou d’unaccroissementducapitaldevantbénéficieraunu-propriétaire ? LaCourde cassationestimeque « si l’usufruitier a droit aux bénéficesdistribués, iln’aaucundroit sur lesbénéficesqui ont été mis en réserve, lesquelsconstituent l’accroissementde l’actif socialetreviennententantquetelaunu-propriétaire,(…) les fondsprovenantde ladistributiondesréserves constituées par la société (…)devaient bénéficier aux seuls nus-propriétaires et figurer à l’actif de l’indivisionsuccessorale ». Selon les termes de l’article582duCodecivil, lesbénéficesdistribuésparune décision de l’assemblée générale, sousformededividendesontenprincipelanaturede fruits et reviennent donc à l’usufruitier(Com. 5 octobre 1999 no 97-17.377).

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Toutefois, les bénéfices affectés aux réservesdeviennentunélémentdel’actifsocialauquelseul le nu-propriétaire a droit. Ainsi, lorsquel’assemblée des associés décide de distribuerundividendeparprélèvementsurlesréserves(art. L232-11 C. com.), il esttraditionnellement considéré comme pris surle capital et doit donc revenir au nu-propriétaire. En effet, ces sommes doiventêtre considérées comme un produit, car leurprélèvement altère la substance des droitssociaux en diminuant l’actif social, paropposition aux fruits qui se détachent desdroitssociauxsansendiminuerlasubstance.

SuppressiondesjugesdeproximitéLoi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016relative aux garanties statutaires, auxobligations déontologiques et aurecrutement des magistrats ainsi qu’auConseilsupérieurdelamagistratureLa loi du 8 août 2016, publiée au Journalofficiel le11août2015supprime les jugesdeproximitéàcompterdu1er juillet2017.Pourrappel, la juridictiondeproximitéaétécrééepar la loi d’orientation et de programmationsur la justice du 9 septembre 2002,modifiéepar une loi organique du 26 février 2003relative à son statut, afin de désengorger lestribunauxd’instance.Lejugedeproximitéestcompétentpourjugerdeslitigescivilsdelaviecouranten’excédantpas4000€.En2008, legroupe de travail présidé par le ProfesseurSergeGuinchardavantenvisagé ladisparitionde la juridiction de proximité et de rattacherles juges de proximité au TGI. Cettepréconisation a été concrétiséedans la loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 et devaitentrer en vigueur le 1er janvier 2013.Toutefois,laloin°2012-1441du24décembre2012 a reporté cette suppression au 1erjanvier 2015. Puis la loi n° 2014-1654 du 29

décembre2014l’aànouveaureportéeau1erjanvier2017, la juridictiondeproximitéétantcependant maintenue jusqu’au 30 juin 2017pour les affaires en cours. Finalement, leprojetdeloidemodernisationdelaJusticeduXXIe siècle, voté le 12 juillet dernier parl’Assemblée nationale, les fait disparaître au1erjuillet2017,avectransfertàcettedatedesaffairesencoursauTI.AutoritédelachosejugéeaupénalsurlecivilCiv.2e,30juin2016,n°14-25.070Selon la Cour de cassation, l’autorité de lachose jugée au pénal s’étend aux motifs quisontlesoutiennécessaireduchefdedispositifprononçant la décision. En l’espèce, unepersonne a tenté de se suicider, à la suited’appels téléphoniques malveillants. Sousl’angle pénal, l’auteur de ces appels estcondamné. Sous l’angle civil, l’action estrejetée au motif que n’est pas rapportée lapreuved’un lien de causalité directe entre latentativedesuicideetlesappelsmalveillants.Cette preuve était pourtant bien acquise,nécessairement et définitivement, dans lesmotifsdeladécisiondecondamnationpénale.Ainsi, la Cour de cassation retient uneviolation de l’article 1351 du Code civil(désormais1355C.civ.).LaCourdecassationne fait qu’appliquer un principe déjà affirmé,selonlequellachosejugéeaupénalaautoritéen matière civile et que la Haute cour visedans ses arrêts sous la formule du « principedel’autoritédelachosejugéeaupénalsurlecivil » (Civ. 1re, 24 oct. 2012, n° 11-20.442).Néanmoins, cet arrêt a lemérite de rappelerque le principe selon lequel l’autorité de lachose jugéeestattachéeauseuldispositifdujugement connaît une limite lorsque lejugement a été prononcé par une juridictionpénale.Autorité de l’ordonnance statuant surexceptiond’incompétenceCiv.2e,23juin2016,n°15-13.483La Cour de cassation affirme que lesordonnances du juge de la mise en étatstatuant sur une exception de procédure ontautorité de la chose jugée en application del’article775duCodedeprocédurecivile.Dans

ProcédurecivileFranckTOURET

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le cadrede cetteespèce, lepropriétaired’unensemble immobilier, voisin de terrains surlesquels une société a été autorisée par lacommune à réaliser un lotissement, faitassigner devant un tribunal de grandeinstance, notamment, la société et lacommune aux fins de les voir condamner àréaliser divers travaux ayant pour objet defaire cesser l’écoulement des eaux sur sapropriété, de réparer les désordres qui ensontrésultés,deconstruireuneclôtureautourd’unterraindesportcontiguàsapropriétéetàcessertouteactivitébruyantesurceterrain.Le juge de la mise en état, par uneordonnance confirmée en appel, a considéréle tribunal incompétent pour connaître desdemandes relatives à l’écoulement des eaux,renvoyant la demanderesse à mieux sepourvoir. Le jugement rendu au fond l’adéclaréeirrecevableentoutessesprétentionsconcernant l’écoulement des eaux et l’adéboutée de ses autres demandes, en raisonde la chose jugée. La décision fut rendue auvisa de l’ordonnance du juge de la mise enétat et de l’arrêt de la cour d’appel ayantconfirmé cette ordonnance. C’est ce qu’ellecontestait devant la Cour de cassation enprétendant que l’autorité la chose jugée n’alieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’unjugement et qui a été tranché dans sondispositif. Toutefois, selon la Cour decassation, la cour d’appel ayant retenu quel’incompétence n’avait pas été prononcée enraisondelaqualitédespartiesmaisdel’objetdu litige et concernait ainsi toutes lespartiesviséesparlesdemandesqu’ellesaientounonsoulevé elles-mêmes l’incompétence de lajuridiction, et que cette décision s’appliquaitquel que soit le moyen soulevé, c’est à bondroit que la cour d’appel a déclaréirrecevables toutes les demandes del’intéresséerelativesàl’écoulementdeseaux.La Cour de cassation opère ainsi unrevirement. En effet, précédemment, elleretenait que la référence de l’article 775 duCodedeprocédurecivileauxordonnancesquistatuent« sur lesexceptionsdeprocédureetsur les incidents mettant fin à l’instance »s’entend des ordonnances qui, par leurseffets, éteignent effectivement l’instance ; desorte que si l’ordonnance n’a pas éteintl’instance, rien ne s’oppose à un nouveau

débatdevantlacour(Civ.2e,13mars2008,n°07-11.384).Or lemotif de l’arrêt de 2016nedistingue pas et vise les ordonnances« statuantsuruneexceptiondeprocédure ».

Le juge d’instruction n’est pas tenu decommuniquer les raisons de la mise enexamenCrim.QPC6avril2016,n°15-85771Au cours d’une information judiciaire,plusieurs statuts peuvent être accordés auxpersonnes concernées par la procédure,témoin, témoin assisté oumis en examen. Sil’existence d’indices graves ou concordantsconditionne la mise en examen, le Code deprocédure pénale n’impose pas au magistratinstructeurd’informerlapersonnedesraisonsayant entraîné le choix du juge. C’estprécisément de cette question qu’ont étésaisis les hauts conseillers par une questionprioritaire de constitutionnalité du 6 avrildernier.Laquestion,quiconcerneplusprécisémentlesarticles 80-1 et 116 du Code de procédurepénale, est formulée en ces termes : enexcluant du champ de la communicationobligatoireàlapersonnemiseenexamen,lesraisons ayant présidé au placement sous cestatut, le législateur porte-t-il atteinte au «principe d’une procédure pénale juste etéquitable garantissant l’équilibre des droitsdes parties ainsi qu’au principe ducontradictoireetauxdroitsdeladéfense ?».LaChambrecriminelledelaCourdecassationrefuse de transmettre la question aux SagesdelarueMontpensier, laconsidérantcommedépourvue du caractère nouveau comme ducaractèresérieux.Les hauts conseillers relèvent tout d’abordl’obligation faite au magistrat instructeurd’informer la personne des faits qui lui sontreprochés et de la qualification juridiqueretenue, lorsqu’il a constaté la présence

ProcédurePénaleMorganeWERNER

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d’indices graves ou concordants justifiant lamise en examen. La présence de l’avocat, lecas échéant, constitue une protectionsupplémentaire des droits de la personne,relevée par la Chambre criminelle de la Courdecassation.Parailleurs,cettedernièresouligneégalementqueladécisiondujuged’instructionpeutfairel’objet d’un recours. En effet, la Chambre del’instruction peut être saisie d’une demanded’annulation de la mise en examen et làencore, deux garanties préservent l’équilibredélicatdelaprocédurepénaleentrepoursuitedes infractions et protection des droits de ladéfense. Ainsi, la décision de la Chambre del’instruction est rendue après un débatcontradictoire portant sur les indices gravesouconcordants.Danscecadre, l’existencedeces indices, mais également leur qualité etleur importance seront discutées. De plus, laChambre de l’instruction doit se prononceraux termes d’un arrêt motivé, lequel devracomprendre les raisons ayant emporté laconviction des juges du second degré. Auterme de cette procédure, la personne miseenexamenestinforméedesindicesgravesouconcordants qui ont fondé le choix dumagistrat, de sorte que tant le principe ducontradictoire que les droits de la défensesontrespectés.C’est donc aux termes d’un raisonnement endeux temps que la Chambre criminelle de laCourdecassationvalidelaprocéduredemiseen examen telle qu’elle est textuellementprévue.Ecoutes téléphoniques et des droits de ladéfenseCrim.6avril2016n°15-86043Laprotectiondesdroitsdeladéfenseimposel’encadrement strict des écoutestéléphoniques réalisées sur les lignes desavocats, qui en sont des acteurs de premierrang. Le législateur a pris le soin d’encadrerpar des dispositions spécifiques ces écoutes.Mais qu’en est-il de la conversation d’unavocat, interceptéesurune lignedont iln’estpas titulaire ? C’est précisément sur cettequestionquelaChambrecriminelledelaCourdecassationaeuàseprononcerdansunarrêtdu6avrildernier.

Ce sont précisément deux questions qui ontété transmises aux hauts conseillers portantsurlesarticles100,100-5et100-7duCodedeprocédurepénale.D’unepart,lesdemandeurssoulèvent que l’absence de limite de fondcomme de garantie spécifique protectrice dusecret professionnel des avocats estsusceptible de porter atteinte au droit aurespect de la vie privée, au secret descorrespondances, aux droits de la défenseainsi qu’au droit à un procès équitable(articles 100 et 100-7 du Code de procédurepénale). D’autre part, l’auteur de la questionavance que l’absence de garantie spécifiquepermettant un contrôle préalable à latranscriptiondesconversationstéléphoniquesdes avocats (interceptées sur la ligne d’untiers) est susceptible de porter atteinte auxmêmes droits. (100 et 100-5 du Code deprocédure pénale et la jurisprudence qui s’yrapporte).Les hauts conseillers refusent de transmettrela question prioritaire de constitutionnalité,qu’ilsne considèrentpas sérieuse, auConseilconstitutionnel.Pourcefaire,auxtermesd’unraisonnement en deux temps, la Chambrecriminelle de la Cour de cassation rappelle lerôledu jugequi en saqualitéde gardiendeslibertésindividuellesintervienttantàl’originedelamesurequedans lesuividecelle-ci.Leshauts conseillers rappellent à ce titre qu’ilappartient au juge d’instruction nonseulement d’ordonner la mesure d’écoute,mais aussi d’en assurer le contrôle. Parailleurs, le pouvoir du juge est notammentlimité en la matière par les droits de ladéfense. Dans un second temps, les hautsconseillerssoulignentque latranscriptiondesconversations d’avocat interceptées sur laligne d’un tiers est possible à la seulecondition qu’il existe des indices révélant laparticipation de l’avocat à une infraction. Laprotection est également assurée par lasanction dont est assortie laméconnaissancede cette condition à savoir l’annulation del’actedetranscription.Les hauts conseillers affirment enconséquence qu’il existe suffisamment degarantiesautourdecesécoutespourquesoitassuré le respect des libertés fondamentales,notammentlesdroitsdeladéfenseetledroitauprocèséquitable.

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LaprotectiondusecretdudélibérénesouffreaucunedérogationCrim.25mai201615-84099LaparticularitédelaCourd’Assises,amenéeàjuger les infractions les plus graves selon laclassification tripartite des infractions, estqu’elleassociedesmagistratsprofessionnelsàdes juréspopulaires.Dès lors,desobligationsparticulières sont imposées à ces juges d’unjour, aupremier rangdesquelles se trouve lesecret du délibéré. Dans un arrêt du 29 mai2016, les hauts conseillers ont eu às’interroger sur le point de savoir si laprotection de ce secret peut connaître desexceptions.Les faitsde l’espècesontsimples,un individuayantétéjurélorsd’unesessiond’Assisesestcondamné pour violation du secret dudélibéré sur le fondement de l’article 226-13du Code pénal. Pour mémoire, cet articledisposeque«Larévélationd’uneinformationàcaractèresecretparunepersonnequienestdépositaire soit par état ou par profession,soitenraisond’unefonctionoud’unemissiontemporaire, est punie d’un and’emprisonnement et de 15 000 eurosd’amende ». Il interjette appel du jugement.D’unepart, les conseillers de la Cour d’Appelrefusent d’ordonner le supplémentd’information sollicité et visant à entendrel’ensembledesjurésauxmotifsquelapreuverecherchée présente un caractère illégal.D’autre part, ils confirment la décision depremière instance sur le fond. Le requérantformealorsunpourvoiencassationdiviséendeuxbranches.Ilfaitnotammentvaloirquelepremierobjectifdusermentdesjurésprévuàl’article 304 du Code de procédure pénale,préserve en premier lieu leur libertéd’expression et assure leur impartialité aumoment du jugement. Selon le requérant, laprotection du secret du délibéré n’est que lecorollaire de cette fonction principale. Il endéduit que la divulgation ne saurait êtreinterdite,dèslorsqu’elleviseàdénonceruneatteinte aux exigences fondamentales duserment. La seconde branche du pourvoi faitvaloir un manque d’impartialité desconseillersd’appel.LaChambrecriminelledelaCourdecassationbalaielepourvoiquifaitdusecretdudélibéré

un simple accessoire de la protection de laliberté d’expression du juré et de sonimpartialité.Aucontraire,leshautsconseillersexposent tout d’abord que c’est à bon droitque le supplément d’information qui auraitconduit magistrats et jurés à violer leurserment a été refusé comme étant illégal.Ensuite, ils énoncent qu’« une dérogation àl’obligation de conserver le secret desdélibérations […], ne saurait être admisemêmeàl’occasiondepoursuitepourviolationdu secret du délibéré, sans qu’il soit portéatteinte à l’indépendance des juges,professionnels comme non professionnels,qu’à l’autorité de leurs décisions », affirmantainsilecaractèreabsoludusecretdudélibéré.Enfin,ilsvalidentlamotivationdesconseillersd’appel, relevant l’absence d’atteinte audevoird’impartialité.

Précisions sur le délit de tromperie etl’engagement de la responsabilité pénale delapersonnemoraleCrim.22mars2016,pourvoin°15-82.677Des agents de la direction des servicesvétérinaires du Gard et de la directiondépartementale de la concurrence, de laconsommationetdelarépressiondesfraudeseffectuent un contrôle dans une grandeenseigne de distribution. Ils y découvrentplusieurs emballages de viande fraîchereconditionnés avec des dates deconsommation prorogées. En outre, ilsremarquent que d’autres emballagesmentionnentuneraced’originenonconformeàlaréalité.Lasociétéexploitantlemagasinetson président directeur général sontpoursuivis du chef de tromperie, prévu etréprimé par l’article L 231-1 du Code de laconsommation, lequel dispose qu’est « punid’unemprisonnementdedeuxansauplusetd’une amende de 300 000 euros quiconque,

DroitpénalElizabethHERTRICH

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qu’il soit ou non partie au contrat, auratrompé ou tenté de tromper le contractant,par quelque moyen ou procédé que ce soit,mêmeparl’intermédiaired’untiers:1° Soit sur la nature, l’espèce, l’origine, lesqualités substantielles, la composition ou lateneur en principes utiles de toutesmarchandises ;2° Soit sur la quantité des choses livrées ousur leur identité par la livraison d’unemarchandise autre que la chose déterminéequiafaitl’objetducontrat ;3° Soit sur l’aptitude à l’emploi, les risquesinhérents à l’utilisation du produit, lescontrôleseffectués,lesmodesd’emploioulesprécautionsàprendre.Lemontant de l’amende peut être porté, demanièreproportionnéeauxavantagestirésdumanquement, à 10 % du chiffre d’affairesmoyen annuel, calculé sur les trois dernierschiffresd’affairesannuelsconnusàladatedesfaits».Le Tribunal correctionnel les déclarecoupablesdesfaitsreprochés.Pourconfirmerle jugementrenduetretenir laresponsabilitépénaledelapersonnemorale,laCourd’appel,aprèsavoirrelevéque«latromperiereposaitnon sur une erreur ponctuelle, mais sur uneattitudesystématisée,poursuiviedansunbutlucratif pour la personnemorale, ne prenantaucun compte des contraintes légales etattestée par la multiplication d’incidentsgraves relevés par des contrôles sanitairesréguliers », énonce « qu’en sa qualité dedirigeant de l’entreprise, [ le prévenu ] avaitcompétence pour mettre en œuvre lesmesures de contrôle et de gestion desdenrées rigoureuses et qu’il s’était abstenud’agirencesens,semaintenantdélibérémentdans laméconnaissance de ses obligations ».Lasociétéexploitantlemagasinsepourvoitencassation.Ellerappellequ’envertudel’article121-2 du Code pénal, sa responsabilité nepeut être engagée que si l’infraction a étécommisepoursoncompte,parunorganeouun représentant. Laprévenue soutient que sile préposé du rayon boucherie avait biencommisledélitdetromperie,ilnepouvaitpasêtre considéré comme un représentant de lasociété,detellesortequesaresponsabiliténepouvaitpasêtreengagéeetced’autantplus,quelespremiersetsecondsjugesavaienteux-

mêmescontestélavaliditédeladélégationdepouvoirs consentie à celui-ci. À cet égard, onrappellera que pour être une caused’exonération de la responsabilité pénale, ledélégataire doit disposer de la compétence,de l’autorité et des moyens nécessaires àl’exécution de samission (5 arrêts : Crim. 11mars1993n°90-84.931,n°91-83.655,n°91-80-958, n° 91-80.598, n° 92-80.773). Or, lajurisprudence a déjà jugé que le « simple »préposé ne disposait pas de tels pouvoirs(Crim. 13 octobre 2015, n° 14-84.760) ; forceest donc de constater que l’argument de laprévenueétaitdespluspertinentssurcepointet que le seul salarié ne pouvait être àl’originedel’engagementdesaresponsabilitépénale.En revanche, c’est son second argument quine convainc pas les hauts conseillers. Laprévenue soutenait que le dirigeant de lasociété ne pouvait pas non plus être à lasource de l’engagement de sa responsabilité,carbienqu’étantunorganeau sensde loi, iln’avait pas commis l’infraction de tromperie,et ce, car la caractérisationdudélitnécessite« un acte positif révélant le mensonge de lapersonne à laquelle elle est imputée et lavolontéd’induireuncontractantenerreur».Ilne fait nul doute que cet argument estinopérant puisque l’infraction de tromperiepeut être commise « par quelquemoyen ouprocédéquecesoit,mêmeparl’intermédiaired’un tiers » (L 231-1 du Code laconsommation), ce que ne manque pas derappeler la Chambre criminelle en rejetant lepourvoi de la prévenue, de telle sorte que laresponsabilité de la personnemoralepouvaitêtreengagéeduseulfaitducomportementdesondirigeant,quicommel’avaitrelevélaCourd’appel,«avaitlacompétencepourmettreenœuvre lesmesures de contrôle et de gestiondes denrées rigoureuses, s’est abstenu d’agiren ce sens et s’est délibérément maintenudanslaméconnaissancedesesobligations».Cettedécisions’inscritdans la lignedroitedela jurisprudence, qui considère quel’abstention coupable suffit à caractériser ledélitdetromperie(pourunexemple:Crim.6avril2004,n°03-83.902).

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Des difficultés de qualifier l’infraction demenacesdemort en casde renvoi àun lienhypertexte à une vidéo contenant desmenacesdemortCrim.31mars2016,pourvoin°15-82.417L’incidence d’internet sur la qualification desinfractions continue de susciterd’intéressantes décisions de la Cour decassation comme l’illustre l’arrêt en date du31 mars 2016 rendu par la Chambrecriminelle.Enl’espèce,undirecteurdépartementaldelasécuritépubliqueporteplainteetseconstituepartie civile à la suite de la découverte surinternetd’unevidéolemenaçant,selonlui,demort.L’auteurdusite internetdonnantaccèsau lien permettant le visionnage de laditevidéo est renvoyé devant le Tribunalcorrectionnel du chef demenaces demort àl’encontre d’une personne dépositaire del’autorité publique, infraction prévue etréprimée par l’article 433-3 du Code pénal.Pour confirmer le jugement rendu, la Courd’appel relève que « la vidéo, relative à unemanifestation urbaine, donne à voir desgraffitis exprimant des menaces de mortenvers la partie civile, à raison de sesfonctions,etreprenddanssabandesonoreletexted’undecesgraffitis»,detellesortequele prévenu, auteur du blog dont il estl’administrateur,s’estrenducoupabledudélitde menaces de mort à l’encontre d’undépositairedel’autoritépublique,«encréantsur [ son ] blog un accès facile et direct » àladitevidéo.Mécontent, le prévenu se pourvoit encassation. Son moyen se décompose enquatrebranches.Au soutien de ses prétentions, il argued’unepartdecequ’iln’estpasl’auteurdesmenacesproférées,encequ’iln’afaitquereprendrelecontenu des menaces proférées par autrui ;d’autre part, il précise également ne paspouvoir être le complice de l’infraction, dèslorsqu’uneactionpostérieureàlacommissionde l’infraction principale - en l’espèce,l’affichage du lien hypertexte - ne sauraitconstituer un acte de complicité punissable.La précision n’est pas anodine puisque leprévenuavaitaupréalableétémisenexamenduchefdecomplicitéparaideouassistanceet

fourniture de moyens, avant d’être renvoyéen qualité d’auteur du délit de menaces demort après requalification des faits, tout enétant cité devant le Tribunal correctionnelpour avoir menacé demort la partie civile «par aide ou assistance et fourniture demoyens », ce qui avait pu entretenir laconfusion entre la qualification de complicedemenacesdemort,aveccelled’auteurd’unteldélit.Enoutre, il faitremarquerauxhautsconseillers qu’il ne peut lui être imputé lerégime de responsabilité dite en cascade quiestpropreauxseulesinfractionsdepresse.Parailleurs,leprévenusoutientquel’élémentmoral du délit n’est pas constitué, puisqu’ilressort de la procédure qu’il avait seulementsouhaité provoquer, par le biais de lapublicationsursonblogdelavidéolitigieuse,un débat d’idées, alors que le délit suppose,pour être constitué, que son auteur aitconnaissancedutroublepsychologiquequelamenace peut causer à son destinataire et aitvoulucommettrel’actemalgrétout.Enfin, il rappelle que lorsque la menace estproférée auprès d’un tiers, elle n’estpunissable qu’à la condition que son auteurpouvait penser qu’elle serait transmise, parcet intermédiaire,àsondestinatairefinal.Or,riende laprocédurenepermettait, selon lui,d’affirmerunetellechose.Soucieuse de faire respecter le principed’interprétation stricte de la loi pénale, laChambre criminelle de la Cour de cassationcensure la décision des juges du fond etaffirmeque«lerenvoiparunlienhypertexteà une vidéo contenant desmenaces demortproférées par des tiers n’est pas susceptibledeconstituer,à lui seul, lacommissionpar leprévenu de l’infraction prévue par l’article433-3duCodepénal».Lasolutionestlogiquedès lors que le prévenu n’avait fait que defaciliter la diffusion des menaces de mortcontenuesdanslavidéo,cequel’article433-3duCodepénalneréprimepas.

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Droitde lapeine :précisionsur l’applicationdu principe de réduction de la peine aumaximum légal le plus élevé en cas depluralitédepeinesetdepériodesdesûretéCrim. 25 mai 2016, pourvoi n° 15-81.664 etCrim.25mai2016,pourvoin°15-86.024Par deux arrêts, l’un de cassation, l’autre derejet, la Cour de cassation précise lesmodalitésdecalculde laduréede lapériodede sûreté en cas de pluralité de périodes desûretéafférentesàplusieurspeines,lesquellesn’étaient,jusqu’àilyapeudetemps,prévuesparaucuntexte,àl’exceptiond’unecirculairede la direction de l’administrationpénitentiairedu19mars1998 (Circ.n°98-01GA 3, 19 mars 1998) n’ayant aucune valeurnormative.Dans le premier arrêt (Crim. 25 mai 2016,pourvoi n° 15-81.024), un individu estcondamné, d’une part à vingt-huit ans deréclusioncriminellepourassassinat, tentatived’assassinat et destruction de bien d’autruiparunmoyendangereuxpour lespersonnes,d’autre part à vingt-sept ans de réclusioncriminelle pour assassinat et vol. Il présented’abord une requête en confusion de peine,laquelle est rejetée par la Chambre del’instruction. À cette occasion, le procureurgénéralnotifieàl’administrationpénitentiairequecespeinesdoiventêtreexécutéesdanslalimite du maximum légal le plus élevé, soittrenteansderéclusioncriminelle(article132-5 alinéa 3 du Code pénal). Le condamnédemande ensuite à ce que la période desûretésoitenconséquenceramenéeàquinzeans.LeprocureurgénéralsaisitlaChambredel’instructiond’unedifficultéd’exécution.Cettedernièredécidede la fixeràquinzeanset ce au motif que l’article 132-23 du Codepénalquifixelapériodedesûretéàlamoitiéde la peine, lorsque celle-ci est égale ousupérieure à dix ans, en donnant à la Courd’assises la possibilité de la porter aux deuxtiersoudelaréduire,nedistinguepasselonlanature de la peine, qu’elle soit prononcée,confondue ou réduite au maximum légal.Selonelle,puisquelesjugesn’avaientpasusédu pouvoir qui est le leur de porter la duréede la période de sûreté aux deux tiers de lapeine,laduréedelapériodedesûretédevait

être fixée à lamoitié de la peine ramenée àsonmaximumlégal,soitàquinzeans.Le procureur général près la Cour d’appelforme alors un pourvoi en cassation. Au visades articles 132-4, 132-5 et 132-23 du Codepénal, la Chambre criminelle de la Cour decassation casse et annule sans renvoi l’arrêtde la Chambre de l’instruction. Elle énonceque « la réduction de la durée cumulée despeines aumaximum légal de trente ans avaitpour conséquence la réduction de la duréecumuléedespériodesdesûretéaumaximumlégaldevingtans»etpréciseque,danslecasd’espèce, les peines prononcées doivents’exécuterdans la limitedetrenteansetqueles périodes de sûreté assortissant cescondamnations doivent s’exécutercumulativementdanslalimitedevingtans.Dans le second arrêt (Crim. 25 mai 2016,pourvoi n° 15-86.664), un individu estcondamné pour des infractions en concours,d’une part à dix-huit ans de réclusioncriminelle pour notamment importation destupéfiants en bandeorganisée, d’autre part,à vingt-ans de réclusion criminelle pournotamment assassinats et meurtre, chacunedecespeinesétantassortied’unepériodedesûreté fixée aux deux tiers, soit, pour lapremière,douzeans,etpourlaseconde,seizeans et huit mois. Le procureur notifie àl’administration pénitentiaire que ces peinesdoivent être exécutées dans la limite dumaximum légal le plus élevé (article 132-5alinéa 3 du Code pénal), soit trente ans deréclusion criminelle et être assorties d’unepériodedesûretédevingt-deuxans.LecondamnésaisitlaChambredel’instructiond’unincidentd’exécutiondepeine.Ilsoutientqueseuleluidemeureapplicablelapériodedesûretéde seizeansethuitmois. LaChambrede l’instruction ne partage pas cette analyseet fixe à vingt ans la période de sûreté. Elleretient que les deux peines de réclusioncriminelle prononcées étaient assorties,chacune, d’une période de sûreté fixée auxdeux tiers de la peine ; leur durée cumulée,soit quarante-trois ans, excédait lemaximumlégalleplusélevéapplicableenl’espèce,fixéeà trenteans.Elleenconclutque la réductiondes peines à ce maximum entraîne laréductiondelapériodedesûretéassortissant

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la peine ainsi réduite aux deux tiers dumaximumlégal.Le condamné formeunpourvoi en cassation,lequelest rejetépar leshautsconseillers,cesderniers considérant que la Chambre del’instruction a fait une exacte application desarticles132-4,132-5et132-23duCodepénal.Onnoteraquedepuiscesdeuxdécisions,laloin°2016-731du3juin2016aajoutéunnouvelarticle 720-3 dans le Code de procédurepénale,quiconsacrelasolutiondégagéeparlaCour de cassation et permet d’être enconformité avec le principe de légalitécriminelle. Il dispose qu’ « (…) en cas decondamnations en concours comportanttoutes des périodes de sûreté, la périodetotale de sûreté à exécuter est réduite aumaximum des deux tiers de cescondamnations après leur réduction aumaximumlégal(…)».CirculairedepolitiquepénaledeMonsieurlegardedesSceauxCRIM-2016-06/E1/02.06.2016Le ministre de la Justice, Jean-JacquesURVOAS,aprésentéle2juindernier,lesaxesdelapolitiquepénaledugouvernement.S’agissant d’abord des relations entre lachancellerie et les magistrats, le garde desSceauxrappelleleseffortsquiontétéfaitsparle gouvernement afin que les procureursgénéraux et les procureurs de la Républiquene soient plus destinataires d’instructionsindividuelles (loi du n°2013-669 du 25 juillet2013,voirnotamment l’article30duCodedeprocédurepénale).À cet égard, il précise qu’il a relancé leprocessusparlementaireenvued’unerévisionconstitutionnelle, qui prévoit la nominationdesmagistrats du parquet sur avis conformedu Conseil supérieur de la magistrature etl’alignement de leur régime disciplinaire surcelui des magistrats du siège. Le but est depoursuivrelerenforcementdel’indépendanceetdespouvoirsduparquet.Puis, le garde des Sceaux insiste sur lanécessitéimpérieusedeluifaireremonterlesinformations générales et particulières, ce enapplicationdel’article30alinéa4duCodedeprocédure pénale. Cette remontée prend laformedu rapportannuelduministèrepublic,

lequelluipermetdeprendreconnaissancedessituationslocalesetdespratiquesinnovantes.Mais, il prend également la forme d’uneremontée de toutes les procéduressusceptibles de mettre en cause l’institutionjudiciaire. Il s’agit plus précisément desprocédures « présentant une problématiqued’ordre sociétal, un enjeu d’ordre public ouune dimension internationale, ayant unretentissementmédiatiqueimportant,oubienencore révélant une difficulté juridique oud’applicationdelaloipénale».La circulaire dévoile, ensuite, les prioritésd’actions de politique pénale qui seconcentrent sur la protection des personnes.Sont ainsi visés trois types d’infraction, pourlesquelles le ministre détaille le type deréponsepénaleadaptée.Il s’agit en premier lieu des infractions deviolences, notamment celles aux dépens despersonnes vulnérables et des forces del’ordre. Concernant ces infractions, le gardedes Sceaux précise « qu’il convient des’assurer d’une prise en charge des auteurs,adaptéeeteffective,permettantaussid’éviterlaréitération.Aucunagissementavérénedoitrester sans réponse ». En cas de violencesintrafamiliales, le ministre invite à la plusgrande fermetéet réactivité, ilpréciseque laréponse pénale devra être « adaptée à lapersonnalitéde l’auteurcommeà lasituationdelavictime».Surcepoint,ilserapporteauxorientationscontenuesdanslacirculairedu24novembre 2014 portant orientation depolitiquepénaleenmatièredeluttecontrelesviolences au sein du couple et relative audispositifde téléassistancepour laprotectiondespersonnesengravedanger.En second lieu, priorité est donnée auxinfractions liées à la conduite sous l’emprised’un état alcoolique, lesquelles doiventappeler, dès la première commission, unevigilance particulière. Du point de vue de laréponse pénale à apporter, le ministredistinguelecasdesprimo-délinquantsdeceuxdes récidivistes. Pour lespremiers, le recoursaux mesures alternatives aux poursuites etaux réponses simplifiées doit être privilégié.En outre, le garde des Sceaux encourage lecorps judiciaire à faire davantage usage desstages de sensibilisation aux dangers de laconduitesousalcoolousousstupéfiants.Pour

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les seconds, en revanche, c’est la voie dudéferrementquidoitêtreprivilégiée.En dernier lieu, l’accent est mis sur la luttecontreleracisme,l’antisémitismeettouteslesformesdediscriminations. Ils’agitaussibiensdes infractions contre les personnes, qu’àl’égard des biens (attaques ou dégradationsde lieux de culte, etc.). Elles doivent susciteruneréactivitéparticulièredesparquetiers.À l’image de son prédécesseur, le garde desSceaux souligne l’importance d’uneinformation effective des victimes dans lessuites données aux procédures. Cetteinformation peut être facilitée parl’intervention des associations d’aide auxvictimes.Lachancelleriemetégalementaucœurdesapolitique pénale la lutte contre le terrorismeet la prévention de la radicalisation violente.Soucieuxduproblèmedelaradicalisationdesmineurs, le garde des Sceaux invite lesparquetiers à s’interroger sur la pertinenced’une évaluation dans le cadre de laprotection de l’enfance lorsqu’aucuneinfraction pénale n’est caractérisée. Le texteinsistede surcroît sur la lutte contre le crimeorganisé, et plus spécifiquement contre letraficd’armes,letraficdemigrantsetlatraitedes êtres humains. Pour l’ensemble de cesinfractions, il souhaite que soit développé lerecours aux dispositifs de coopérationjudiciaire nationale, européenne etinternationale.Par ailleurs, la lutte contre la délinquanceéconomique et financière tient une place dechoix dans le programme de la chancelleriequi centre son action sur les fraudes auxfinances publiques (fraudes fiscales etsociales)etlacorruption.S’agissantde la lutte contre les atteintes à laprobité,leprojetdeloisurlatransparencedelavieéconomiqueetluttecontrelacorruptionprévoit une refonte du statut et descompétencesduservicecentraldepréventionde la corruption, ainsi qu’un assouplissementdesconditionsdepoursuitedesinfractionsdecorruption et de trafic d’influence d’agentpublic étranger. Le garde des Sceauxencourage le corps judiciaire à avoir recoursaux techniques spéciales d’enquêtes, àprononcerdesmesuresconservatoiresetdespeines de confiscation. Il rappelle que ces

infractionsdoiventdonner lieu,«demanièresystématique, à des investigations sur lepatrimoineet lesressourcesdumisencause,afindeprocéder,lecaséchéant,àdessaisies,puis à des confiscations ». Eu égard à lacomplexité de ces infractions, le ministrepréciseque lacoopérationentre lesparquetslocaux, les juridictions interrégionalesspécialisées et le procureur de la Républiquefinancier, Madame Éliane Houlette, doit sepoursuivre.Enfin, la circulaire présente les principesdirecteurs de la politique pénale dugouvernement, dont « cohérence, lisibilité etindividualisation de la réponse judiciaire »sontlesmotsd’ordre.Leministreaffirmesonattachementàl’égalitédescitoyensdevantlaloi et au respect du principed’individualisation des peines. Il regrette quelanouvellepeinedecontraintepénalenesoitpasplusprononcée,sanspouvoiridentifierlesraisons de cette désaffection. Faisant œuvrede pédagogie, le garde des Sceaux expliqueque cettepeineestparticulièrementadaptée« aux personnes présentant desproblématiques lourdes ou multiples àl’origine de leur passage à l’acte, qu’ellessoient récidivistes ou primo-délinquantes,ainsi qu’en ce qui concerne les violences,notammentintrafamiliales».Paropposition,ilprécise que la peine de sursis avec mise àl’épreuve doit être privilégiée pour « lespersonnesnécessitantun suivi plus formeletdavantage axé sur le contrôle du respect desobligations et interdictions ». Malgré lasuppressiondestribunauxcorrectionnelspourmineurs, la chancellerie tient, en outre, àrappelersonattachementprofondauprincipede spécialisation de la justice des mineurs,lequel doit être guidé par le primat del’éducatif sur le répressif, même lorsqu’unepeineestprononcée.En guise de conclusion, on regrettera que legardedesSceauxn’évoquepaslaquestiondela protection des libertés individuelles, alorsquelesprocéduresdérogatoiressemultiplientet que l’exception se normalise de façoninquiétante. Sur ce point, le ministre secontente simplement de rappeler quel’autoritéjudiciaireresteseulegardiennedelalibertéindividuelleausensdel’article66dela

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Constitutionetassureladirectiondelapolicejudiciaire.Présentation des dispositions de droit pénalgénéral,dedroitpénalspécialetdedroitdelapeineissuesdelaloin°2016-731du3juin2016 renforçant la lutte contre le crimeorganisé,leterrorismeetleurfinancementetaméliorant l’efficacité et les garanties de laprocédurepénaleLors du Conseil des ministres du 3 février2016, le garde des Sceaux, le ministre desFinancesetdescomptespublicsetleministrede l’Intérieur ont présenté conjointement unprojetdeloirenforçantlaluttecontrelecrimeorganisé, leterrorismeet leurfinancementetaméliorant l’efficacité et les garanties de laprocédure pénale. Si l’arsenal juridiquefrançais disposait déjà de dispositionspermettant de lutter contre les actes duterrorisme, les récents évènements ontpoussélelégislateuràintervenirpourprendreen compte des évolutions inquiétantes, quiconcernentd’unepart, lanaturedesactesetle comportement des auteurs, d’autre part,les moyens dont disposent les organisationscriminelles (moyens armés, financiers et decommunication).Résolumentsécuritaire,laréformeopéréeparla loidu3 juin2016viseà renforcede façonpérenne les outils et moyens mis à ladisposition des autorités administratives etjudiciaires, en dehors du cadre juridiquetemporaire de l’état d’urgence. Sont ainsiconsacrés l’autorisation des perquisitions denuit (article 706-90 alinéa 2 du Code deprocédure pénale) et les mécanismes decontrôle administratif ou d’assignation àrésidence des individus présumés avoirséjourné sur le théâtre d’opérationsterroristes (L. 225-1 du Code de la sécuritéintérieure). Elle élargit également le cadrepréventif et la réponse pénale, en initiantplusieursmodificationsdudroitpénalgénéral,dudroitpénalspécialetdudroitdelapeine.Commecelaétaitprévuparleprojetdeloi,laloi du 3 juin 2016met en place un nouveaufait justificatif d’usage des armes par lesagents de la forcepublique. Le chapitre II dutitre II du Code pénal consacré aux causesd’irresponsabilité ou d’atténuation de la

responsabilitéestcomplétéparunarticle122-4-1quidisposeque :«N’estpaspénalementresponsable le fonctionnaire de la policenationale, le militaire de la gendarmerienationale, lemilitairedéployésur leterritoirenational dans le cadre des réquisitionsprévues à l’article L. 1321-1 du Code de ladéfense ou l’agent des douanes qui fait unusage absolument nécessaire et strictementproportionnédesonarmedanslebutexclusifd’empêcher la réitération, dans un tempsrapproché, d’un ou plusieurs meurtres outentatives demeurtre venant d’être commis,lorsque l’agent a des raisons réelles etobjectives d’estimer que cette réitération estprobable au regard des informations dont ildispose au moment où il fait usage de sonarme».La loi du 3 juin 2016 complète par ailleursl’arsenal répressif. Sont ainsi créés deuxnouveaux délits qui visent à lutter contre lapropagandedjihadisteenligne.D’unepart, lenouvel article 421-2-5-1 du Code pénal vientréprimer« le fait d’extraire,de reproduireetde transmettre intentionnellement desdonnéesfaisantl’apologiepubliqued’actesdeterrorisme ou provoquant directement à cesactes afin d’entraver, en connaissance decause, l’efficacité des procédures prévues àl’article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin2004 pour la confiance dans l’économiquenumérique ou l’article 706-23 du Code deprocédure pénale ». Il s’agit des procéduresde retrait ou de blocage judiciaire ouadministratifmisesenœuvre.D’autrepart,unnouvelarticle421-2-5-2vientsanctionner«lefaitdeconsulterhabituellementunservicedecommunication au public en ligne mettant àdispositions des messages, images oureprésentations soit provoquant directementà la commission d’actes de terrorisme, soitfaisantl’apologiedecesacteslorsque,àcettefin, ce service comporte des images oureprésentations montrant la commission detels actes consistant en des atteintesvolontairesàlavie».Letexteprécisequecetarticle n’est « pas applicable lorsque laconsultation est effectuée de bonne foi,résulte de l’exercice normal d’une professionayant pour objet d’informer le public,intervient dans le cadre de recherches

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scientifiques ou est réalisée afin de servir depreuveenjustice».La loi du 3 juin 2016 renforce en outre larépression du trafic d’armes. À cet effet, elledurcit les conditions d’acquisition et dedétentiondesarmes(interdictiondelasimpledétention, sans autorisation, des armes decatégories A ou B - article 222-52 du Codepénal -, incrimination du détenteur légitimed’une arme dès lors que l’intéressé latransporte hors de son domicile sans motiflégitime -article222-54duCodepénal,etc.).Afin de parfaire le dispositif, le législateurprévoit également l’incrimination d’unensemble de comportements, passant de laconstitution ou la reconstitution d’une arme(article 222-59 du Code pénal), à lasuppression, l’altération, la contrefaçon demarquage, ponçons, etc. (articles 222-56 et222-58duCodepénal).Unnouvelarticle222-55duCodepénalpunitégalementdeseptansd’emprisonnement et 100 000 eurosd’amende, « le fait pour une personnehabilitée ou autorisée à pénétrer dans unétablissement scolaire de pénétrer ou de semaintenir dansun tel établissementenétantporteuse d’une arme sans motif légitime ».Concernant ces diverses infractions, la loiprévoit plusieurs peines complémentairespossibles, comme l’interdiction de séjour(222-63 du Code pénal). L’article 222-62 duCode pénal précise que les peinescomplémentairesd’interdictiondedéteniroude porter une arme et celle de confiscationd’une ou de plusieurs armes dont lecondamnéestpropriétaireoudontilalalibredisposition, sont obligatoires en cas decondamnationpourlesinfractionsprévuesenmatière de trafic d’armes. Ce n’est que parune décision spécialement motivée que lajuridiction peut décider de ne pas prononcercespeines,enconsidérationdescirconstancesde l’infraction et de la personnalité de sonauteur.Par ailleurs, la loi crée une incriminationspécifiquepourletraficdesbiensculturelsenprovenance de théâtres d’opérations degroupements terroristes. Un nouvel article322-3-2 vient compléter le Code pénal enréprimant « le fait d’importer, d’exporter, defaire transiter, de transporter, de détenir, devendre, d’acquérir ou d’échanger un bien

culturel présentant un intérêt archéologique,artistique,historiqueouscientifique»dèslorsque sont réunies trois conditions préalables.Enpremier lieu, lebiencultureldoitprovenird’un territoire qui constituait, aumomentdela soustraction du bien, un théâtred’opérations de groupements terroristes. Ensecond lieu, le mis en cause doit avoirconnaissance de l’origine de cettesoustraction. En dernier lieu, il ne doit paspouvoirêtreenmesuredejustifierdel’originelicitedubien.La loi du 3 juin 2016 durcit enfin la réponsepénale à l’égard des personnes en lien avecdesréseauxterroristes.Elle rendplusdifficilel’accèsàunelibérationconditionnellepourlespersonnes condamnées pour des faits deterrorisme ou de trafic d’armes. Ainsi, unnouvel article 730-2-1 du Code de procédurepénale prévoit qu’elle ne peut être accordéequeparletribunaldel’applicationdespeines,quelle que soit la durée de la peine dedétention restant à exécuter et uniquementaprès avis d’une commission chargée deprocéderàuneévaluationpluridisciplinairedeladangerositéde lapersonnecondamnée.Letexte précise que le tribunal de l’applicationdes peines peut s’opposer à la libérationconditionnelle si cette libération estsusceptible de causer un trouble grave àl’ordrepublic.Deplus,enmatièreterroriste,ilest prévu que la Cour d’assises peut, pardécisionspécialeetlorsquelapeineestpuniede la réclusioncriminelleàperpétuité,porterlapériodedesûretéàtrenteans(article421-7duCodepénal).VidéoprotectiondanslesprisonsArrêté du 9 juin 2016 portant création detraitements de données à caractèrepersonnel relatifs à la vidéoprotection decellulesdedétentionAppelé«arrêtéAbdeslam»,encequ’ilviseàencadrer juridiquement la surveillance deSalah Abdeslam, l’un des auteurs présumésdes attentats de Paris et Saint-Denis du 13novembre 2015, cet arrêté du 9 juin 2016ouvre la possibilité de surveiller de façoncontinuecertainsdétenus.Letextedéfinitd’abordlechampd’applicationde cette mesure. Il dispose que la

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vidéoprotection ne peut être mise en placeque pour « les personnes placées sous mainde justice, faisant l’objet d’une mesured’isolement, dont l’évasion ou le suicidepourraient avoir un impact important surl’ordre public eu égard aux circonstancesparticulières à l’origine de leur incarcérationetl’impactdecelles-cisurl’opinionpublique»(article1).L’arrêtéprécisequecestraitementsdedonnéesàcaractèrepersonnelnepeuventconcerner « que les cellules de détentionhébergeant des personnes placées endétention provisoire, faisant l’objet d’unmandatdedépôtcriminel»(article1)etqu’iln’est possible d’y avoir recours que de façonexceptionnelle.L’article 2 de l’arrêté énonce ensuite laprocédure applicable à une telle mesure.Ainsi, la décision de placement sousvidéoprotection est prise à l’issue d’uneprocédurecontradictoireaucoursde laquellele détenu peut produire des observationsécrites et orales. Il peut être assisté d’unavocat.Seul le garde de Sceaux peut décider d’avoirrecours à ce procédé, et ce, par décisionspécialementmotivéepouruneduréedetroismois renouvelables. Toutefois, en casd’urgence, il peut décider du placementprovisoire sous vidéoprotection de lapersonnedétenue,si lamesureest«l’uniquemoyen d’éviter l’évasion ou le suicide del’intéressé » (article 2). Ce placementprovisoirenepeutexcédercinqjours.Àl’issuede ce délai, si aucune décision de placementsousvidéoprotectionn’estprise, ilestmis finàlamesure.L’arrêté encadre enfin les modalités devisionnagedes imagesenregistrées.Ainsi,cesdernières ne peuvent être conservées sursupportnumériquequependantundélaid’unmois (article 4). En outre, trois personnes oucatégoriespeuventavoiraccèsàcesdonnées.Il s’agit d’une part du correspondant localinformatique individuellement désigné etdûment habilité par le chef d’établissement,d’autre part des agents de l’administrationpénitentiaire individuellement désignés etdûmenthabilitéesparlechefd’établissementpour les données visionnées en temps réel,enfin, du chef d’établissement ou sonreprésentant (article 5). Concernant ce

dernier, il peut, s’il existe « des raisonssérieusesdepenserque lapersonnedétenueprésente des risques de passage à l’actesuicidaireoud’évasion» (article4), consulterlesdonnéesdelavidéoprotectionpendantundélai de sept jours à compter del’enregistrement. Passé ce délai, les donnéesnepeuventêtrevisionnéesquedans lecadred’uneenquêtejudiciaireouadministrative.Letexteprécisequ’autermedudélaid’unmois,les données qui n’ont pas fait l’objet d’unetransmissionà la justice sonteffacées (article4).Il convient de relever, qu’au cours de sasaisine dans le cadre d’un appel d’uneordonnance du juge des référés saisi par lebiais d’un référé-liberté formé par le suspectSalah Abdeslam, le Conseil d’État a validé lamise en œuvre de la vidéosurveillance endétention (Ordonnance du 28 juillet 2016,M.B, n° 401800). En se fondant sur lesnouvelles dispositions de la loi du 21 juillet2016 qui permet désormais légalement lamesure de vidéosurveillance (et non plus devidéoprotection réservée aux seuls systèmesde caméras installés sur la voie publique etdans les lieux ouverts au public), le Conseild’Étataestiméquenilesdispositionslégales,ni la mesure individuelle ne portent uneatteinte disproportionnée au droit à la vieprivée.LesjugesdesréférésduConseild’Étatont en effet souligné que la loi encadresuffisamment le dispositif en restreignant lechamp d’application de cette mesure à unnombre limité de personnes, en prévoyantune procédure contradictoire, un réexamenrégulier de la mesure assortie d’un contrôlemédical et un dispositif protégeant l’intimitédelapersonne.Enoutre,ilsontpréciséquelaloi limitel’usagequipeutêtrefaitdesimagesenregistrées et les personnes habilitées à endisposer.Enparticulier,danslecasdususpectSalah Abdeslam, les juges des référés ontrelevé que cette mesure se justifiait par lecontexted’attentatsterroristesenFranceetlaprésomption que le requérant bénéficie dusoutien d’une organisation terroristeinternationale.

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Loin°2016-987du21juillet2016prorogeantl’application de la loi n° 55-385 du 3 avril1955 relative à l’état d’urgence et portantmesures de renforcement de la lutteantiterroristePubliéeauJournalOfficieldu22juillet2016etimmédiatement applicable à compter de sapublication, la loi du 21 juillet 2016 prorogepour la quatrième fois et pour une durée desixmois l’applicationde la loin°55-385du3avril 1995 relative à l’état d’urgence etintroduit dans le Code pénal et le Code deprocédurepénaledesdispositionsnouvelles.Cantonnée à ses seuls aspects de droit pénaletdedroitdelapeine,laloidu21juillet2016durcit sensiblement les dispositifs applicablesenmatièredeluttecontreleterrorisme.Enmatièrededroitpénal toutd’abord, la loimodifie l’article422-4duCodepénal relatifàlapeined’interdictionduterritoirefrançais. Ilrend obligatoire son prononcé par lajuridiction de jugement, soit à titre définitif,soit pour une durée de dix ans au plus, àl’encontredetoutétrangercoupabledel’unedes infractions définies au sein du titre II dulivreIVduCodepénalconsacréauterrorisme.Le deuxième alinéa de l’article précisetoutefois immédiatement que la juridictionpeut,parunedécisionspécialementmotivée,décider de ne pas prononcer ces peines, enconsidérationdescirconstancesdel’infractionet de la personnalité de son auteur. Lesauteurs de la loi ont très certainement vouluéviterunecensuredecettedispositionpar leConseil constitutionnel qui combatvigoureusement toute automaticité de lapeine au regard du nécessaire respect duprincipe d’individualisation de la peine (pourunexemplevoirCons.const.décisionn°2011-218QPCdu3février2012).Outre l’aggravation des peines encourues enmatière d’association de malfaiteurs en lienavec une entreprise terroriste (articles 421-5et 421-6 du Code pénal), la loi du 27 juillet2016 s’est également attachée à créer unnouvel article 706-24-4 au sein du Code deprocédurepénal.Ilprévoitqueladuréetotalede détention provisoire applicable auxmineursâgésde16à18ansestportéeàdeuxanspourl’instructiondudélitd’associationdemalfaiteurs en lien avec une entreprise

terroristeet à trois anspour l’instructiondescrimes terroristes d’atteintes volontaires à lavie, l’intégritédespersonnes,enlèvementsetséquestrations,détournementsdemoyensdetransports, de direction d’une association demalfaiteurs et d’association de malfaiteursaggravée.En matière de droit de la peine ensuite,l’article8delaloidu21juillet2016modifielerégime des peines applicables aux personnescondamnées pour des faits de terrorisme. Lasuspension et le fractionnement des peinesprivativesdeliberté(article720-1duCodedeprocédure pénale), le placement à l’extérieuret la semi-liberté (article 723-1 du Codeprocédurepénale) et les créditsde réductiondepeineautomatique(article721duCodedeprocédure pénale) ne sont plus applicablesaux personnes condamnées pour une ouplusieursinfractionsterroristes(articles421-1à421-6duCodepénal),àl’exclusiondesfaitsdeprovocationetd’apologied’acte terroristeainsi que d’entrave à une procédure deblocage ou de consultation habituelle decontenus provoquant au terrorisme (articles421-2-5 à 421-2-5-2 du Code pénal). Unnouvel article 721-1-1 du Code de procédurepénale prévoit toutefois que ces personnespeuvent bénéficier d’une réductionsupplémentaire de peine dans les conditionsdéfiniesàl’article721-1dumêmecode,c’est-à-dire lorsque le condamné manifeste desefforts sérieux de réadaptation sociale. Letexte donne une illustration de ce qui peutconstituerdeseffortssérieuxderéadaptationsociale : l’obtention d’un examen,l’investissement dans l’apprentissage de lalecture, l’écriture, le calcul, la participation àdes activités culturelles, le suivi d’unethérapie,etc.Enfin, conformément au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, lesdispositions d’application et d’exécution despeines en matière terroriste ne sontapplicables qu’aux condamnationsprononcéespourdes faits commisà compterde l’entrée en vigueur de la loi, sans pouvoirconcerner les personnes actuellementincarcérées en exécution de peine pourterrorisme.

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Exigenced’uncontactcorporelentrel’auteuretlavictimeencasd’atteintesexuelleCrim. 7 septembre 2016, pourvoi n° 15-83.287L’intérêt de la présente décision est certain,nonqu’elle apporteune solutionnouvelle enmatière d’atteinte sexuelle, mais elle a lemérite de préciser de façon très claire l’unedes conditions d’engagement de laresponsabilité pénale sur le fondement del’article227-25duCodepénal,lequelpunitdecinq ans d’emprisonnement et de 75 000euros d’amende, « le fait par un majeur,d’exercer sans violence, contrainte, menace,ni surprise, une atteinte sexuelle sur lapersonned’unmineurdequinzeans».Les faits de l’espèce sont les suivants. UneCour d’appel, après avoir constaté laprescription de l’action publique concernantdes faits d’attouchements, condamne unindividu du chef d’atteinte sexuelle pours’être, exhibé et masturbé à de multiplesreprises et presque quotidiennement devantsa belle-fille,mineure de quinze ans. La Courprécisequeleprévenuareconnuauprèsdelamère de lamineure ces agissements tout enleur déniant toute connotation sexuelle.L’intéresséformeunpourvoiencassation.Auvisadesarticles227-25et227-26duCodepénal, la Chambre criminelle de la Cour decassation casse et annule l’arrêt d’appel enénonçant«qu’il sedéduitdupremierde cestextes que, pour être constitué, le délitd’atteinte sexuelle, même aggravé par l’unedes circonstances énumérées au second,suppose l’existence d’un contact corporelentre l’auteur et la victime ». Les hautsconseillers ont estiméqu’en statuantpardesmotifsquin’établissentpasqueleprévenuaiteuuncontactcorporelaveclavictime,seuldenatureàcaractériseruneatteintesexuelle, laCourd’appel,quidevaitalorsrecherchersilesagissements qu’elle retenait étaientsusceptibles d’une autre qualification pénale,n’apasdonnédebaselégaleàsadécision.À la lecturedes faits, il sembleeffectivementqu’uneautrequalificationpénalepouvaitêtreenvisagée,cellesdesviolencespsychologiques(article 222-13-3 du Code pénal), dans lamesureoùlefaitdes’êtreexhibéetmasturbéà plusieurs reprises devant la victime a très

certainement entraîné chez elle un chocémotif. En revanche, il apparaît plus difficilederetenirl’existenced’uneexhibitionsexuelle(article 222-32 du Code pénal), dès lors que,pour être caractérisée, l’exhibition doit seréaliser dans un lieu accessible au public.Or,riennepermettaitenl’espècedecaractérisercet élément nécessaire de publicité, puisqueles faits s’étaient réalisés au sein d’un lieuprivé (le domicile familial) et surtout, à l’abridesregards.Liberté d’expression et provocation à ladiscrimination, à la haine raciale ou à laviolenceenverslesmusulmansCrim. 20 septembre 2016, pourvoi n° 15-83070Lors d’une réunion publique dénommée «Assises internationales sur l’islamisation denos pays », un individu tient les propossuivants:«Cen’estpasàdesvoyousquevousavez affaire, c’est à des soldats. Enfin si, cesont bien des voyous, mais ces voyous sontune armée, le bras armé de la conquête. [...]La nocence [notion qui s’assimile à “lanuisance” selon l’intéressé], que ce soit lebruit, que ce soient les déprédations, que cesoientlesoccupationsdehallsd’immeublesetlesexigencesduregardbaisséaupassage,quecesoientlesvols,lesarrachementsdesacsdevieilledame,lesracketsauseindesécoles,lescambriolages, les attaques à main armée, letrafic de drogue, l’ensemble de ce qui estpudiquement appelé désormais le grandbanditisme, ou bien, les formes nouvelles,ultraviolentes, du crime organisé, la nocenceest l’instrument du Grand Remplacement duchangement de peuple, de la contre-colonisation, de la conquête, del’élargissement permanent des zones deterritoiredéjàsoumisauxnéocolonisateurs.Enrendant la vie impossible aux indigènes, lesnouveauxvenuslesforcentàfuir,àévacuerleterrain, c’est ce que les Anglo-Saxonsappellentle“Whiteflight‘,lafuitedesblancs.Oubien,pisencore,àsesoumettresurplace,à s’assimiler à eux, à se convertir à leursmœurs, à leur religion, à leur façon d’habiterlaterreetsesbanlieuesquisontl’avenirdelaterre. [...] Ces colonisateurs qui sans cessereprochent aux indigènes de ne pas les

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accueillir suffisamment, ni assez bien, nesemblent avoir rien de plus pressé, une foisdans laplace,quedese l’assurer toutentièreet,commetouslescolonisateurs,ilsnerêventque d’être entre eux, les indigènes n’étantbons, éventuellement, qu’à faire tournerl’entreprise, à tenir le magasin [...] Lesattaques dont font l’objet les pompiers, lespoliciers et même les médecins dès qu’ilss’aventurent dans les zones déjà soumises lemontrentassez :c’estentermesde ‘territoire‘, de défense du territoire et de conquête duterritoire que se posent les problèmes qu’onréduit quotidiennement à des questions dedélinquance, de lutte contre la délinquance.[...] en de pareilles proportions, la nocencen’est pas un phénomène qu’on peutabandonnerà l’actionpolicièreouà celledestribunaux, dont on connaît d’ailleurs lamollesse, engluée qu’elle est dans un réseaude lois, de règlements, de directiveseuropéennes et même de traitésinternationaux qui laissent la Nation sansdéfenseetquifontdelaCitéunevilleouverte,unesortedeTroie [...] Lesystèmepénal,qu’ilsoit policier ou judiciaire, est impuissant.Chaque fois qu’un indigène est sommé debaisser le regard et de descendre du trottoir,c’estunpeuplusdel’indépendancedupaysetde la liberté du peuple qui est traîné dans lecaniveau».À la requête du ministère public, l’intéresséest cité à comparaître devant le Tribunalcorrectionnel en raison de ces propos. Il estdéclaré coupable du délit de provocationpubliqueàladiscrimination,àlahaineouàlaviolence à l’égard d’une personne ou d’ungroupedepersonnes à raisonde leurorigineou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, unerace ou une religion déterminée (alinéa 8 del’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur laliberté de la presse) et est condamnénotammentàuneamendede4000euros.LaCour d’appel confirme ce jugement enrelevant notamment qu’en s’exprimant ainsi,l’intéressé incite à ‘rejeter lesmusulmans entant qu’envahisseurs supposés donc en tantqu’ennemis amenant insidieusement à unelutte contre l’envahisseur et faisant naîtrechez l’auditeur l’idée de la nécessité d’unelutte para-étatique, compte tenu de

l’incapacité des pouvoirs publics àmettre unterme à cette prétention invasionmusulmane’.Ellerelèveque‘lesproposvisés,qui émanent d’un écrivain qui a préparé sonintervention, constituent une très violentestigmatisation des musulmans et plusgénéralement des personnes issues del’immigration (…)’ et ‘qu’en imputant auximmigrés, visés en tant que formant ungroupe de personnes à raison de leur non-appartenance à la communauté d’originefrançaise, ‘rendant la vie impossible auxindigènes’, des méfaits aussi graves, l’auteursuscite immédiatement chez l’auditeur desréactionsderejet,dediscrimination,voiredehaine ou de violence’. Les juges du fondsoulignentégalementque cette incitationestrenforcéeparlefaitquel’auteurinciteàavoirrecours à des moyens illégaux pour fairecessercette‘invasionmusulmane’.Le condamné se pourvoit en cassation eninvoquant la violation de l’article 10 de laConvention européenne des droits del’hommeetdel’article24alinéa8delaloidu29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Ilsoutient que ces propos ne sont quel’expressiond’unesimpleopinionpolitiquequirelèventdesalibertéd’expressionetqu’ilsnecomportent aucune exhortation ou incitationàladiscrimination,àlahaineouàlaviolence.La Cour de cassation rejette le pourvoi del’intéressé en affirmant que la Cour d’appeln’améconnu aucun des textes invoqués ‘dèslors qu’elle a, à bon droit, déduit d’élémentsextrinsèques aux propos poursuivis, qu’elle asouverainementanalysés,queceux-civisaientl’ensemble des immigrés de religionmusulmane, et qu’elle a exactement retenuque lesdits propos, au prétexte d’un débatlégitime sur les conséquences del’immigrationet laplacede l’islamenFrance,encequ’ilsprésentaienttouslesmembresdugroupe ainsi visé, assimilé au ‘grandbanditisme’etau‘crimeorganisé’,commedesdélinquants colonisant et asservissant laFrance par la violence, et affirmaient quecettesituationnepouvaitêtreabandonnée‘àl’actionpolicièreouàcelledestribunaux’,dèslorsquelesloisetlesinstitutionschargéesdeles faire respecter étaient impuissantes àprotéger ‘l’indépendance du pays’ et ‘laliberté du peuple’, tendaient, tant par leur

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sensqueparleurportéeàprovoquerautruiàladiscrimination,àlahaineouàlaviolence’.Cette décision permet de rappeler que sil’expressionestlibreetprotégée(article11dela Déclaration des droits de l’homme et ducitoyen du 26 août 1789, article 10 de laConvention européenne des droits del’homme),elletrouveunedeses limitesdansle discours de haine. Pour la Cour deStrasbourg, c’est en effet une exception quiest justifiée dans une société démocratiqueafin de protéger la réputation et les droitsd’autrui(pourunexemplevoirCEDH9février2012,Vejdelandetautresc.Suède,requêten°1813/07).Cediscoursdehaineestcaractérisé,selonl’article24delaloide1881surlalibertéde la presse, lorsque les propos tenusinstillentunsentimentderejetàl’égardd’unepersonneoud’ungroupedepersonnestenantà l’un des éléments visés par le texted’incrimination (pour un autre exempleconcernant le rejetdesmusulmansvoirCrim.3 février 2009, pourvoi n° 06-83063) et que,tant par leur sens que par leur portée, ilstendentà inciter lepublicà ladiscrimination,à lahaineouà laviolence,cequiétait lecasenl’espèce.

Le contrôle du juge administratif à l’égarddesperquisitionsadministrativesCE,Avis,6juillet2016,M.E...etautres,M.H...etautres,nos398234,399135Par un avis contentieux en date du 6 juillet2016, le Conseil d’État est venu préciser lesconditions de légalité des perquisitionsadministratives réalisées dans le cadre del’étatd’urgence.Trois raisons justifiaient tout d’abord laformation solennelle employée (Assemblée)pour rendre cette décision : une raisonstatistique bien sûr (3500 perquisitionsadministratives ont eu lieu à ce jour), une

raison fonctionnelle (deux TA avaient saisi leConseil d’État de cette demande d’avis), uneraison jurisprudentielle (la présente solutionvient secombineravec ladécisionduConseilconstitutionnelrenduele19février2016-CC,QPC, 19 février 2016, Ligue des droits del’Homme).L’article L211-2 du CRPA (Code des relationsentre le public et l’administration) pose leprincipe suivant lequel les décisionsadministratives individuelles défavorablesdoivent être motivées, à peine d’illégalité.Toutefois, l’article L211-6 du même codeprévoitquecetteobligationpeutêtreécartéeen cas d’urgence absolue (l’administrépouvantalorsdemanderaposterioriàcequel’administration motive la décision). Laquestion posée était la suivante : l’adoptiondu régimede l’état d’urgencepermet-elle deprésumer (simplement ou de manièreirréfragable) l’urgence permettant ainsid’échapper à l’obligation de motivation ? LeConseil d’État répond par la négative etaffirmequ’il incombeaujugeadministratifaucas par cas et en fonction des circonstancesparticulières de chaque espèce si l’urgenceabsolueétaitcaractérisée.Sans surprise, leConseild’Étataffirmeque lamesure de perquisition administrative étantunemesuredepoliceadministrativegénérale,il exerce un contrôle normal (ie deproportionnalité) sur le bien fondé de lamesure, s’inspirant ici des solutions bienconnues (CE 19 mai 1933 M. Benjamin). Lalégalité de la mesure s’apprécie alors auregard des considérations de fait dontdisposait l’administration au moment où ladécision a été prise (ce qui n’est guèresurprenant dans le contentieux de l’excès depouvoir où traditionnellement le jugeadministratif seplaceau jourde l’édictiondel’acte). Sans surprise également, le Conseild’État affirme que la découverte de faitsjustifiantaposterioriunetelleperquisitionestsansincidencesursonbienfondé.Appliquant la jurisprudence Driancourt (CESect. 26 janvier 1973 Ville de Paris c/Driancourt), le Conseil d’État rappelle qu’unemesure de police administrative illégaleconstitue une faute (simple) de nature àengager la responsabilité de l’administration.Cefaisantestécartéelathèsedel’exigencede

DroitadministratifGrégoryPORTAISEnseignantdeDroit

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la faute lourde fondée sur les difficultésparticulièresd’exécutiond’unetellemesureetinspiréedelajurisprudenceMarabout(CEAss.20 octobre 1972 Ville de Paris c/ M.Marabout).Par ailleurs, quelle que soit la légalité de lamesuredepolice,unrégimederesponsabilitésans faute pour rupture d’égalité devant lescharges publiques trouve à s’appliquer pourles dommages causés aux tiers par laperquisition administrative (dans l’hypothèseoùparexemplelaperquisitionestréaliséeaudomicile d’un ami hébergeant une personnesoupçonnée).

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