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u P. 6 LE DOSSIER PLACE AU PEUPLE P. 41 COMMUNISME EN QUESTION ENTRETIEN AVEC DIDIER DAENINCKX, ÉCRIVAIN P. 31 COMBAT D’IDÉES POLAR ET POLITIQUE P. 5 REGARD AFGHANISTAN ZENDAGI ! N°11 OCT NOV 2011 REVUE POLITIQUE MENSUELLE DU PCF

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u P.6 LE DOSSIER

PLACE AUPEUPLE

P.41 COMMUNISME EN QUESTION

ENTRETIEN AVEC DIDIER DAENINCKX, ÉCRIVAIN

P.31 COMBAT D’IDÉES

POLAR ET POLITIQUEP.5 REGARD

AFGHANISTAN ZENDAGI !

N°11OCTNOV2011

REVUEPOLITIQUEMENSUELLE

DU PCF

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LA REVUE DU PROJET - OCT-NOV 2011

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Nous disposons d'une édition La Revue du Projet publiée et recommandée parla rédaction de Mediapart. Nous vous invitons à participer à cette collaborationen réagissant, en commentant et en diffusant largement les contributions quenous mettons en ligne. http://blogs.mediapart.fr/edition/la-revue-du-projet

Note : Pour tout commentaire concernant cette édition, vous pouvez nous contacter à l'adressesuivante : [email protected]

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SOMMAIRE4 FORUM DES LECTEURS/LECTRICES

5 REGARDAnne Bourvic Afghanistan-Zendagi par Oriane Zerah

6 u29 LE DOSSIERPLACE AU PEUPLEGuillaume Quashie-Vauclin Place au peuple !Résolument !

Nicole Borvo Cohen-Seat Institutions  : la rupture nécessaire

Raymond Huard La République, un enjeu séculaire

François Auguste Révolution citoyenne, révolution participative  !

Jean-Michel Brun Démocratie participative,éléments d’une expérience locale.

Jean-Jacques Goblot Démocratie participative ?

Jean-Jacques Paris Pour une républiquecitoyenne et solidaire

Jean-Louis Le Moing Outre-mer  : le développement dans la responsabilité

Olivier Dartigolles La démocratie comme réponse à la crise européenne

Anicet Le Pors Éloge contradictoire de l’État de droit

Jean-Pierre Brard Intérêts particuliers contre intérêt général, éviter que ne meurela démocratie

Rémi Lefebvre Le parti socialiste dissous dansles institutions de la Ve République

Bernard Vasseur La démocratie anesthésiée.

Marie-George Buffet Pourquoi faut-il une nou-velle constitution  ?

Fabienne Haloui Droit de vote des résidentsétrangers  : un enjeu démocratique  !

Jean-Marc Coppola Redessinons la démocratieterritoriale

Laurence Cohen Société égalitaire ou sociétéd’ordre sexué  ?

Jean-François Téaldi Pas d’alternative àgauche sans démocratisation des médias

Éric Corbeaux Droits nouveaux contre capitalisme financier.

L’humain d’abord ! Une constitution démocra-tique des lieux de travail aux institutions

30 COMBAT D’ IDÉESGérard Sreiff : Polar et politique 

32 SONDAGES :L’idéologie des militants socialistes

33 NOTES DE SECTEURSanté Une politique de santé répondant aux besoins humains Existrans Trans  : là aussi l’humain d’abordPeine de mort 30e anniversaire de l’abolitionde la peine de mort

36 REVUE DES MÉDIASAlain Vermeersch Sarkozy a-t-il déjà perdu la présidentielle  ?

38 CRITIQUESCoordonnées par Marine Roussillon• François Ruffin, La guerre des classes• Slavoj Ziek, Vivre la fin des temps• Samuel Zarka, Art contemporain  : le concept.• Jean-Pierre Cotten, Entre théorie et pratique• La Revue des Livres

40 COMMUNISME EN QUESTIONEntretien avec Didier Daeninckx, écrivain

42 HISTOIREHélène Cilière Quelle place des femmes dans le christianisme ancien  ?

44 SCIENCESOlivier Gebuhrer Mathématiques  : de quelquesenjeux politiques actuels

46 CONTACTS / RESPONSABLESDES SECTEURS

décrochage face aux transformations du travail et du sala-riat.[...]Allons-nous aider le salariat à dépasser le capitalisme, à libérerles potentialités des forces productives entravées que celui-cia développées alors qu’il faut relever le défi d’un développe-ment durable de l’émancipation humaine et pas seulementun développement humain durable ?Avons-nous une chance d’y parvenir avec dans l’organisationcommuniste de multiples collectifs et structures s’intéressantisolément à une partie seulement des enjeux du travail, ou àune partie seulement du salariat et que rien aujourd’hui nenourrit en profondeur la réflexion et l’activité des commu-nistes sur et à partir du concept central de forces productives ?

FRANCIS VELAIN, SYNDICALISTE, INGÉNIEUR

Les ouvriers et l’avenirMerci pour votre numéro consacré à « La classe ouvrière :fantôme de la gauche », sujet toujours difficile à traiter. Mercià Pierre Laurent d’avoir sur la grande scène de la fête de l’Hu-manité appelé à la fierté des ouvriers tout en cherchant unearticulation avec celle des catégories ingénieurs, des ensei-gnants, des cadres et des techniciens. Voilà qui peut redonnerà voir de la pertinence à la perspective communiste.[...] Pendant de longues décennies, les communistes ont su arti-culer une vision transformatrice et émancipatrice de l’aveniret la prise en compte du niveau réel de développement desforces productives et du salariat. Mais à un moment, nous avonsfaibli dans notre capacité à travailler cette articulation : sansdoute au tournant du milieu des années 60. Notre ancrage idéo-logique, notre stratégie politique et notre enracinement dansle salariat se sont affaiblis sur le fond. Au tournant des années80, les évènements historiques en France et dans le monde ontété considérés comme les causes de l’affaiblissement du projetcommuniste. Ils étaient d’abord les conséquences de notre

FORUM DES LECTEURS

Femmes Hommes

Parce que prendre conscience d'un problème, c'estdéjà un premier pas vers sa résolution, nouspublions ce mois-ci, et publierons désormaischaque mois, un diagramme indiquant le pourcen-tage d'hommes et de femmes s'exprimant dans larevue.

Part de femmes et part d'hommes s'exprimant dans ce numéro.

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OCT-NOV 2011 - LA REVUE DU PROJET

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PATRICE BESSAC, RESPONSABLE DU PROJET

ÉDITO

LA TERREUR

N ous vivons une époque où lesdirigeants des grandesdémocraties, les principaux

éditorialistes, les responsableséconomiques regardent les peuplesavec terreur.

Quoi que l’on pense de SilvioBerlusconi, les manchettes desjournaux annonçant son départ aunom de la volonté des marchés sontd’une légèreté incroyable au regardde l’esprit démocratique. L’accueilfait au chef du gouvernement grecau G20 par la France, l’Allemagne,les États-Unis est une insulte insup-portable. Je ne parle même pas dela perspective d’un référendum quia suscité des commentaires chezles bien-pensants dont le fond étaitun mépris désormais établi,normalisé du fait démocratique.

Sous nos yeux, une des grandesidées du Conseil national de laRésistance se trouve validée ànouveau par l’expérience : il n’y apas d’État démocratique sans lamaîtrise publique et démocratiquedes grandes féodalités écono-miques, financières, bancaires,industrielles.

La France est désormais engagéedans un scénario à la grecque. Ledeuxième plan de rigueur du planFillon a provoqué la hausse destaux d’intérêts de notre dettepublique. Le spread avec l’Alle-magne n’a jamais été aussi grand.Nous sommes devant l’injonctioncontradictoire des marchés : ilsveulent à la fois la rigueur et larelance de l’activité. Ils n’aurontni l’un, ni l’autre. Les dix annéesde douleur que promet AngelaMerkel se solderont à la fois parun appauvrissement des États et

par un appauvrissement de l’ac-tivité économique.

La prédominance de l’Allemagnedans le débat européen, et des paysémergés dans le débat mondial nedurera pas. Les pays créditeurs surle plan du commerce extérieur ontbesoin des pays débiteurs. Lesystème est profondément instabled’un point de vue commercial,industriel, écologique et social. Enréalité, la restructuration capita-liste commence à peine.

Cette réalité rend encore plus déri-soire les gesticulations visant àretrouver l’équilibre du système.Le non-dit du débat public actuel-lement en cours en France est quele soi-disant équilibre précédent aprovoqué le déséquilibre actuel. Etainsi, car il faut appeler les chosespar leurs nom, concentrer sur lesfinances publiques l’essentiel dudébat présidentiel est une puregesticulation. L’issue est dans uneréforme-révolution profonde desconditions actuelles de production,de commerce et donc de finance-ment intégrant le triple enjeu dudéveloppement social contre ledéveloppement financier, du déve-loppement écologique contre laliberté commerciale, du dévelop-pement mondial contre les poli-tiques de compétitivité.

La complexité du monde estaujourd’hui un prétexte pourenfermer toute alternative dans lebinarisme. Fermer les frontières,les ouvrir, sortir de l’euro, y rester,gouvernement mondial, pouvoirdes nations. Le discours du capitalenferme toute alternative dansl’impossibilité de gouverner lemonde.

Et pourtant. Cet enfermement nerésiste pas à l’examen précis. Il estpossible pour le premier espacecommercial du monde, l’Europe,de renégocier la fiscalité desgrandes entreprises multinatio-nales qui accèdent à nos marchés.Il est possible pour un pays commela France de réorienter sa politiqueagricole dans le sens de sa souve-raineté alimentaire, de la rémuné-ration des producteurs, d’une agri-culture plus écologique sans sedéfaire de la totalité de ses enga-gements internationaux. Au fond,contre l’enfermement binaire, toutou rien, nous devons montrer quel’engagement conflictuel et intel-ligent de notre pays dans le sensd’une nouvelle organisation écono-mique est possible. Le cas de l’Al-lemagne notamment avec la placede la machine-outil et du soutienbancaire aux innovations indus-trielles montre que les politiquesnationales ont un poids bien réelà travers notamment le systèmefinancier, d’éducation ou derecherche universitaire.

Ces mots maladroits, et qui serontcritiqués pour leur imprécision,visent un but : personne ne senourrit d’idée généreuses, sauf ceuxqui sont déjà bien nourris et quipeuvent s’offrir le luxe de la charité.Entrer dans le débat des possibles,de la crédibilité des transforma-tions que nous proposons, c’estrépondre à la seule question quifait véritablement obstacleaujourd’hui dans les têtes : est-ilpossible de faire autrement ? n

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LA REVUE DU PROJET - OCT-NOV 2011

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FORUM DES LECTEURS

Démocratie participativeEn réponse aux propositions d’Alain Obadia concernant des «  procédures de déci-sion novatrice » et de Jacky Hénin relatives aux « nouvelles formes d’appropriationet d’échanges  », un lecteur soumet deux suggestions concrètes  :- Sur 35 heures par semaine, il y aurait 32 heures de travail effectif, et 3 heures departicipation citoyenne (obligatoire pour tous), avec l'obligation pour les entre-prises de créer un emploi par tranche de 12 salariés (exemple : 50 salariés ==> 4emplois crées). Il définit le contenu de ces 3 heures....- Les conventions de citoyens, permettraient de discuter et de prioriser les diversespropositions de priorité de recherche, en s'appropriant certains outils de prospec-tive et en confrontant les points de vue contradictoires de différents responsablesscientifiques, politiques, économiques et associatifs. n JEAN-PIERRE ISRAËL

Crise de la productionLa substitution du besoin et du désir par la quantité de valeur inverse les rapportssociaux et l’inversion des rapports sociaux entraîne l’inversion de la représentationque nous nous faisons de la réalité. [...] Mais une société ne se répare ni ne se rem-place comme un moteur. Elle est une construction continue parce qu’elle est «  uneconstruction biologique  » et «  une construction pensante  ». La crise n’est pas«  financière ». C’est une crise de production. [...] Une réflexion pour une nouvelleorganisation du travail, une cohérence entre la personne et l’activité globale de pro-duction doit passer par une réflexion sur l’artisanat. Il ne s’agit pas de nier l’indus-trialisation et sa forme informatisée mais de lui donner une qualité nouvelle dansce rapport entre l’homme et la nature, l’artisanat étant un «  modèle  » instructif. n

PIERRE ASSANTE

Une visée civilisationnelleLe problème de la politisation de la classe populaire tient moins de la disparition desrepères politiques que de la disparition d'un idéal porté par le discours politique. Lepragmatisme qui prévaut maintenant depuis la fin des années 80, et qui a conduit audésastre de la gauche, a conduit à l'abandon de la revendication à la vie. Or la vie nese résume pas à l'acceptation d'un sort plus ou moins heureux qui conduit la majo-rité des individus à gagner un presque droit à faire de leur vie ce qu'ils ont envie, àattendre la retraite comme une levée d'écrou, à avoir les moyens de sesoigner...Cette absence d'humanité, d'acceptation même par la gauche d'un écono-misme reléguant l'homme à une variable d'ajustement, a renforcé l'idée d'un fata-lisme face aux inégalités. Car le travail comme moyen de gagner son droit à la vie estun principe d'aliénation. De fait, la nature du travail, ce qu'il recouvre comme réalitéplus ou moins nauséabonde ou remplie de bienfaits est intimement lié à un détermi-nisme social, à la réussite intellectuelle, au mérite. Tous ces aspects renvoient à uneéquité posant l'inégalité comme quelque chose de naturel. La visée "civilisation-nelle" doit donc primer sur la stratégie de gestion à court terme si on veut, il me sem-ble, donner de l'espoir aux gens et donc les amener à revendiquer, à lutter et donc àse politiser. Il est donc urgent de repenser le travail comme un investissement socialqui se situe au-delà du droit et non comme un moyen d'acheter des droits. n

PHILIPPE MISRAHI

Negawatt/NégatepAmar Bellal stigmatise à justetitre les perspectivesinquiétantes pour notrecivilisation de la dispartionprogressive du pétrole (...) La situation est angoissante,nous avons peu de tempspour réagir et éviter que cetécroulement ne se fasse dansun chaos économique etsocial extrême. (...) Lesmédias font beaucoup debruit autour du scénario« Négawatt » qui envisage de sortir de cette économiecarbonée mais en rejetantl'énergie nucléaire. Pourdonner de la crédibilité à cescénario ses promoteurs sontobligés de miser sur uneréduction des consommationsd'un facteur 3 d'ici 2050 avecdans l'immédiat un recoursaccru au gaz naturel. N'est-cepas tout simplement avecl'explosion des coûts del'énergie que cela entraîneraità terme, institutionnaliser lechaos économique, social,environnemental qu'ilfaudrait éviter ? Moins connuest le scénario « Négatep »établi par l'association« Sauvons le climat » quicible bien la tonned'équivalent pétrole qui doitêtre en ligne de mire et nonpas la consommationénergétique en général.Négatep fait une placeimportante aux économiesd'énergie, au nucléaire et auxénergies renouvelables. Ils'agit d'une approche réalistequi mise sur une stabilisationdes consommationsénergétiques et permetd'aboutir au facteur 4 deréduction de nos émissionsd'ici 2050 au moindre coûtpour la société.

JYG

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REGARD

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Quelles étaient mes perspectives de voyage quanden cette lumineuse matinée d’avril j’embarquais àl’aéroport d’Islamabad  à destination de Kabul ? A

quelle espèce de réalité allais-je être confrontée, moi quim’étais fait un devoir de concrétiser enfin ce rêve d’Afgha-nistan ?J’avais en tête de photographier la vie, la vie malgré tout,la vie malgré la guerre, malgré le chaos. Cette vie je l’ai vue guerroyer farouchement, et j’ai tentéau travers de quelques images de la représenter.Les jeux de lumière sur les collines, les rayons de soleilirradiant les murs ocre des maisons en pisée, les pre-mières silhouettes enturbannées, celles drapées d’azur.J’étais à Kabul, à Hérat, à Mazar-e-Sharif. J’étais enAfghanistan….Combien de fois me le suis-je répété comme pour m’enconvaincre ?

ORIANE ZERAH

Pour sa deuxième exposition, Oriane Zerah a posé sonobjectif en Afghanistan. Elle y a photographié des rues,des boutiques, des hommes au travail, des jeux d'en-fants : des images aussi simples qu'un couple riant, desautos tamponneuses, une fête foraine. Mais surtout,   cesont des images fortes qui clament la vie du peupleafghan... malgré tout.

Depuis plus de dix ans, Oriane Zerah partage son tempsentre l'Inde, le Pakistan et la France, au fil de ses voyages.Cette jeune femme, répétitrice de Jean-PierreLéaud   avant d'entrer au Théâtre du Soleil, s'est décou-vert une passion et un talent incontestable pour la photo-graphie. Plus que le simple récit de sa vie nomade — unevie à laquelle elle s'adonne en parcourant inlassablementles régions de France, du sous-continent indien et duMoyen-Orient — la photographie d'Oriane Zerah est untémoignage sensible et vrai. Ces images s'attachent àpeindre les hommes, les femmes et les enfants qu'ellecroise sur la route ; avec justesse et pudeur, mais aussiavec un engagement et une sincérité troublante. Ellesrévèlent les atmosphères, les moments de vie, le quoti-dien des pays qu'elle traverse.

ANNE BOURVIC

Afghanistan Zendagi !

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LE DOSSIER

PAR GUILLAUME QUASHIE-VAUCLIN

Ah on en aura soupé de la bellescience politique avec ses roidesmodèles géométriques où démo-

cratie et capitalisme sont indéfectible-ment unis dans d’invincibles cercles !« Où il n’est point de capitalisme, il n’estpoint de démocratie ; où il n’est point dedémocratie, il n’est point de capitalisme ;où il y a démocratie, il y a capitalisme ;où il y a capitalisme, il y a démocratie »,etc. Ad libitum. Sans compter, passés lesmanuels et les doctes dictionnaires, lesrégurgitations quotidiennes des rumi-nants médiatiques : matin, midi et soir.Tous ces masques idéologiques volenten éclats sous nos yeux ! « La Grèce doitêtre dépecée » disent nos modernesCaton. Et n’allez pas nous parler de cedont nous vous parlions sans cesse :démocratie, vote, liberté… Une loi supé-rieure l’exige – sans doute venue dequelque mont $ina€ – : la loi du marché.Rarissimes dans l’Histoire sont lesmoments où pareils aveux sont formulésavec autant de netteté. Il n’est plus néces-saire de lire un tract du Parti commu-niste ou de savants ouvrages critiquespour comprendre enfin que le capita-lisme va « contre la démocratie » (selonla belle formule de Thomas Coutrot). Lesdiscours sur l’idéal démocratique– comme l’idéal européen – n’étaient quedes masques pour la rapacité sans limitedes marchés. Faut-il égorger un peuplede tyrannique façon pour se repaître deson sang, adieu veaux, vaches, cochons,masques et dithyrambes : sus au peuple,sus aux peuples !

Bien sûr, nos ruminants improvisent desrégurgitations de substitution et s’es-saient au masque du tragédien :« Sauvons ! Sauvons le triple A ! Ou l’Apo-calypse surviendra ! Ah ! Ah ! Ah ! » Maisqui ne voit que c’est précisement le tripleA l’Apocalypse : la négation de la démo-cratie et la saignée des peuples ! Cesnouveaux voiles encore diaphanescachent bien mal la face hideuse d’uncapital aux abois…La remise en selle de la démocratisationtous azimuts de la France, de l’Europeet du monde n’en est que plus urgente.À la « désémancipation » (DomenicoLosurdo) qui nous est imposée, n’est-ilpas urgent d’opposer une démocratisa-tion émancipatrice ?Démocratisation politique bien sûr. Carde quelle démocratie parle-t-on lorsquedes décisions majeures sont prises pardes hommes – et quelques femmes –politiques contre la ferme et large volontépopulaire, du traité de Lisbonne à laréforme des retraites ? Certes, cesmessieurs – et ces quelques dames – ontété élus à un moment donné par unepartie de la population, majeure, denationalité française, inscrite sur les listesélectorales, exprimant un vote mais cette« compétition légalement organisée pourl’exercice du pouvoir » entre différentsprétendants qui, une fois élus, font toutce qu’ils désirent, résume-t-elle la démo-cratie ? C’en est la définition pour biendes libéraux ; c’en est même « l’essence »pour Raymond Aron. Et pour nous ?Pensons-nous également que la formulede Schumpeter soit indépassable : « Lepeuple ne commande pas, il choisit ses

chefs » ? La question paraîtra rhétoriquemais elle appelle réponse fournie etrigoureuse, élaborée et discutée,traversée et trempée du débat populaire.Mais la démocratisation que nous visonsne se borne pas à la seule sphère poli-tique. Jusqu’à quand tolèrerons-nousque quelques actionnaires guidés par lafolle boussole du profit mènent l’éco-nomie de notre monde ? Jusqu’à quellecatastrophe sociale, économique, écolo-gique, humaine, anthropologique ? Lacrise actuelle du capitalisme, en cequ’elle révèle la totale et criminelleincurie des financiers pour gérer laproduction et les échanges, redonnetoute sa force à cette question crucialede la démocratie sociale et économique.En ces temps historiques d’apocalypse(1)

du capitalisme comme système fronta-lement ennemi de la souveraineté popu-laire, la question démocratique est entrain de prendre une tournure toutenouvelle pour des millions de personnesétonnées de sentir sur leur épaule nuela poudre grise des masques pulvérisésqu’on avait cru inamovibles réalités. En ces temps historiques donc, il estdécidément décisif de remettre sur lemétier et sur la place publique la ques-tion de la démocratie, pouvoir du peuple,pour le peuple et par le peuple. C’est ceà quoi entend bien contribuer ce dossierdouble de La Revue du Projet. Place aupeuple ! Résolument ! n

1) Apocalypse non plus au sens chrétien, maisau simple sens grec cette fois, c’est-à-dire de« révélation », αποκαλυπτω voulant diredévoiler, démasquer, révéler.

Place au peuple

LA REVUE DU PROJET - OCT-NOV 2011

PLACE AU PEUPLE ! RÉSOLUMENT !

ÉDITO

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> SUITEPAGE 8

PAR NICOLE BORVO COHEN-SEAT*

Le 25 septembre, un événement consi-dérable est venu bousculer la scèneinstitutionnelle. Pour la première fois

dans l’histoire de la Ve République, lagauche est devenue majoritaire au Sénat.Ce résultat longtemps improbable estsignificatif de la fracture qui ne cesse des’élargir entre les élites politiques et lescitoyens, voire leurs représentants lesplus proches. En effet, le vote des grandsélecteurs, pour l’essentiel des maires etconseillers municipaux, a reflété ce quepensent nos concitoyens.

UN POUVOIR ACCAPARÉ Ce désaveu s’est traduit, au fil des années,par l’abstention, les votes « refuge », dansles enquêtes d’opinion à répétition. Il tient évidemment aux politiquesmenées contre les intérêts populaires.De ce point de vue, crise sociale et crisedémocratique sont étroitement liées. A partir des années 80, au fur et à mesureque le consensus droite/social-démo-cratie sur le libéralisme rendait possiblela destruction du socle social et démo-cratique issu de 1945, les citoyens ont eule sentiment de perdre prise sur les choix.Ce phénomène n’est pas propre à laFrance : partout, la mondialisation capi-taliste confisque leurs pouvoirs au profitdes actionnaires.

Les gouvernements assument leurimpuissance au regard des choix écono-miques et financiers, et s’inscrivent dansune logique de confiscation du pouvoiraux mains de quelques-uns. Cetteconcentration des pouvoirs a été accruepar l’évolution institutionnelle depuis1958 : quinquennat, inversion du calen-drier électoral, réforme constitutionnellede juillet 2008. S’y ajoute la pratique deN. Sarkozy. Depuis 2007, nous avons enquelque sorte une « monarchie élective »,avec un chef de l’État doté de pouvoirsconsidérables et tout à la fois chef del’exécutif, de la majorité et du parti majo-ritaire de la majorité.

Il est temps d’en finir avec une répu-blique où le pouvoir est accaparé parune oligarchie politique et économique,

et dans laquelle les citoyens assistentimpuissants aux dérives.

CRÉER UN NOUVEL ESSOR DÉMOCRATIQUELa question est donc posée de créer lesconditions d’un nouvel essor démocra-tique nécessaire pour rétablir la souve-raineté populaire et la confiance descitoyens dans la politique, nécessaire à lamise en œuvre de politiques répondantaux aspirations populaires.Concernant le PCF, c’est un chemine-ment de longue date qui l’a amené àchercher une réponse à une double ques-tion : quelle organisation des pouvoirspour rendre possible une transforma-tion révolutionnaire de la société ?Comment garantir que ce mouvementtransformateur ne puisse plus jamais seretourner contre l’idéal qu’il prétendporter ? Nous avons formulé des propo-sitions concrètes en 2001(1) et en 2005(2)

notamment, lesquelles constituenttoujours de réelles avancées. Pour nous,l’enjeu d’une refondation de l’édificerépublicain ne peut être un nouveaupartage des pouvoirs entre ceux qui lesont déjà, mais de donner plus de droitset de pouvoirs aux individus dans la citéet dans l’entreprise : autrement dit, unedémocratie participative. Il est déjà unecondition indispensable : une construc-tion citoyenne de ce processus derupture. Sauf à être illusoire, il ne peutqu’être le fruit d’un débat démocratiqueintense, d’une participation populaireeffective, avec le support d’une assem-blée constituante et d’un référendum.

UNE CONSTITUTION DÉMOCRATIQUENous proposons que les libertés indivi-duelles et collectives et les droits sociauxsoient garantis par leur inscription dansla Constitution. Les lois sécuritairesdoivent être abrogées et les libertéspubliques rétablies.

Le parlement, et notamment l’Assem-blée nationale, doit être revalorisé sur labase d’une séparation des pouvoirsréelle. Il doit avoir la primauté surl’exécutif. Toutes les dispositions qui fontobstacle à sa souveraineté – article 40,ordonnances… – doivent disparaître.La fonction du président de la Répu-

blique doit être circonscrite à celle degarant du fonctionnement démocratiquedes institutions, et ses pouvoirs actuelsexercés par le premier ministre et legouvernement, responsables devant leparlement. Cela permet d’envisager lafin de son élection au suffrage universeldirect.

La Constitution doit garantir l’indépen-dance de la justice à l’égard de l’exécutif,comme celle des médias à l’égard dupouvoir et de l’argent. Le contrôle deconstitutionnalité doit devenir le faitd’une instance pluraliste et être acces-sible aux citoyens. Censé représenter lepeuple dans sa diversité, le parlementdoit être à son image. Ceci implique d’af-firmer la primauté de la citoyenneté surl’expertise, la déprofessionnalisation etla « dé-notabilisation » de la « fonction »politique. Ce qui suppose des mesuresprécises : citoyenneté de résidence,scrutin proportionnel, statut de l’élu,limitation en nombre et en durée desmandats pour permettre une rotationplus fréquente et donc plus démocra-tique de l’exercice des responsabilitésélectives.

DES POUVOIRS CITOYENS DANS LA CITÉ ET L’ENTREPRISEL’initiative citoyenne doit être effectiveà tous les échelons territoriaux, jusqu’àl’initiative législative, par des conseils decirconscription, des formes diverses d’or-ganisation. De ce point de vue, un Sénattransformé pourrait devenir une caissede résonance de l’initiative des citoyens,du mouvement social et des collectivitéslocales.

Aujourd’hui, dans l’entreprise, le capitaldétient seul le pouvoir. Il faut un chan-gement du statut des grandes entre-prises publiques et privées qui permetteun pouvoir partagé entre les détenteursdes capitaux, les salariés et les représen-tants élus des citoyens. Dans toutes lesentreprises, les droits des salariés sur leschoix de gestion doivent être accrus etgarantis.

UNE DÉCENTRALISATION DÉMOCRATIQUELa décentralisation doit faire des bondsen avant, au rebours de la réforme descollectivités territoriales de N. Sarkozy.Celle-ci doit être abrogée pour unenouvelle réforme guidée par troisgrands principes. L’État doit assurerl’égalité des citoyens sur l’ensemble duterritoire (péréquation financière,droits…), avec le concours des grands

INSTITUTIONS : LA RUPTURE NÉCESSAIREL’enjeu d’une refondation de l’édifice républicain est de donnerplus de droits et de pouvoirs aux individus dans la cité et dans l’entreprise : autrement dit, une démocratie participative.

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LA REVUE DU PROJET - OCT-NOV 2011

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LE DOSSIER Place au peuple

SUITE DE LAPAGE 7 >

PAR RAYMOND HUARD*

De ce fait, la République a été un enjeuséculaire pour lequel on a combattu,souffert parfois, quand elle était

absente. Et une fois réapparue, le désir dela perfectionner a toujours été vivace cequi entretient le débat politique.

LA PREMIÈRE RÉPUBLIQUE Elle est née en septembre 1792 à la suitede l’insurrection parisienne du 10 aoûtqui a renversé le roi Louis XVI maintenuau pouvoir dans les premières annéesde la Révolution. Au moment où laFrance en guerre est menacée d’inva-sion, la royauté apparaît complice desenvahisseurs, hostile aux acquis de l’èrenouvelle. Imposée par le peuple parisien aidé par des contingents deprovince, la première République,d’abord provisoire est mise en place àpartir de juin 1793 et son action vise nonseulement à repousser l’ennemi exté-rieur, mais à construire une démocratieélargie, reconnaissant des droits sociaux,et promouvant par un enseignement demasse, les valeurs républicaines. Elleaffronte de dures oppositions qu’ellejugule par une « Terreur » légale. Aprèsla chute, le 27 juillet 1794, du comité desalut public dirigé par MaximilienRobespierre, elle revêt un caractère plusbourgeois et son contenu démocratiqueest rogné. Elle est anéantie de fait par lecoup d’Etat opéré par le général Bona-parte les 9 et 10 novembre 1799 (18Brumaire an VIII), mais subsiste formel-lement jusqu’au passage à l’Empire en1802. Son souvenir a profondément

marqué la pensée et l’action politiquependant tout le XIXe siècle et c’est de sachute qu’on peut dater la naissanceencore très embryonnaire d’un « partirépublicain ».

LA SECONDE RÉPUBLIQUE Près de cinquante ans après le 18Brumaire la seconde République naît le24 février 1848, encore une fois à la suited’une insurrection parisienne et ouvrièrequi met fin à une longue séquence derégimes monarchiques (Empire : 1802-1815 ; Restauration :1815-1830 ; Monar-chie de Juillet : 1830-1848). C’est unegrande aspiration à la démocratie poli-tique (instauration du suffrage universelseulement masculin), à une prise encompte des besoins du monde du travailnotamment urbain, qui, dans une atmo-sphère romantique, sous-tend les débutsde cette république, constitutionnaliséele 4 novembre 1848, Mais la France desnotables et la France rurale contrôlentbien vite le nouveau régime, mettent finà la pression ouvrière (journées de juin1848), et s’engagent dans une politiquede limitation des libertés nouvellementconquises. Elles favorisent ainsi l’ascen-sion d’un neveu de Napoléon, Louis-Napoléon Bonaparte, élu président dela République en décembre 1848 et quiétrangle celle-ci par un coup d’état mili-taire en décembre 1851 avant de se faireproclamer empereur sous le nom deNapoléon III. Le spectre du coup d’Etathantera désormais les républicains.Ceux-ci, pourchassés et proscrits, se réor-ganisent cependant et deviennentbientôt la principale force d’opposition.

Ayant cherché une issue à ses difficultésdans une guerre extérieure qui se révé-lera catastrophique, le régime impérials’écroule sans violence le 4 septembre1870 et à nouveau la république estproclamée.

LA TROISIÈME RÉPUBLIQUECette IIIe République mettra cinq ans àse consolider. Elle est au départ menacéepar les monarchistes, les anciens bona-partistes, mais elle conquiert l’adhésiondu pays et durera 70 ans jusqu’en 1940.Il lui revient d’avoir mis en œuvre dura-blement les principes républicains ceque n’avaient pu faire ses devancières :les libertés fondamentales de presse etde réunion dès 1881, d’association(1901), le droit syndical (1884) la laïcitéde l’école (1881-1886) puis la séparationde l’Église et de l’État (1905). Régimeparlementaire, elle repose sur la prépon-dérance des assemblées et entretient uncontact étroit avec le pays grâce aux éluslocaux. Pourtant la majorité parlemen-taire, républicaine modérée puis radi-cale, inquiète devant les progrès dumonde ouvrier révélés par la Communede Paris (1871), tarde à mettre en placeune politique sociale. Il faudra une fortepression populaire pour que desconquêtes sociales soient obtenues tanten 1919 qu’en 1936. A la veille de ladeuxième guerre, en 1939 seul un largeappui des classes populaires et ouvrièrespouvait empêcher la France de résisterà la vague fascisante qui touche l’Eu-rope. Or c’est une voie inverse quesuivent les gouvernants de l’époque quiaprès la défaite en 1940, cèdent auxfactieux de droite. La IIIe République estsabordée au profit du maréchal Pétain(juillet 1940).

LA QUATRIÈME RÉPUBLIQUELes excès du régime de Vichy dirigé parPétain, la lutte héroïque des résistants

LA RÉPUBLIQUE : UN ENJEU SÉCULAIRE

services publics et des agents publicsterritoriaux. Proximité et subsidiaritédu bas vers le haut (décisions prises auplus près des besoins qu’elles visent àsatisfaire) doivent devenir la règle. Lescollectivités territoriales doiventretrouver leur autonomie.

L’EUROPE AUSSI Il est urgent de rétablir le respect deschoix démocratiques nationaux parrapport aux décisions européennes etd’agir pour la démocratisation des insti-

tutions européennes elles-mêmes.Notre pays doit s’affranchir du traité deLisbonne.

Le programme partagé du Front degauche s’engage globalement sur cesorientations. La gauche ne peut pas secouler dans le moule institutionnelactuel. Le basculement du Sénat à gaucheet les élections de 2012 doivent être l’oc-casion d’aboutir enfin à des changementsdémocratiques. Or, on voit bien que leParti socialiste peine à convaincre dans

ce domaine. Et les primaires participentde la présidentialisation et du bipartisme.À l’inverse, le Front de gauche a fait lechoix de la rupture institutionnelle. Cechoix, il le portera résolument dans lesmois à venir. n1) 2001 : Pour une démocratisation perma-nente de la République ;

2) 2005 : Une VIe République démocratique etsolidaire

*Nicole Borvo Cohen-Seat est sénatrice, res-ponsable du secteur institutions, démocratie,justice du PCF.

Comparée à d’autres pays d’Europe, la France présente une particula-rité notable, c’est d’avoir connu cinq régimes républicains de carac-tère différent qui ont marqué profondément son histoire.

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en France même, et à l’étranger sous laconduite du général de Gaulle, le rôledécisif de la classe ouvrière dans cecombat rendaient inévitable en 1944l’avènement d’une nouvelle république,la IVe, mais cette fois à contenu socialavancé. Malgré des résistances, la consti-tution de la IVe République en 1946 etles principales réformes de la Libéra-tion, (vote des femmes, Sécurité sociale)mettent en œuvre au moins partielle-ment cette aspiration. Régime parle-mentaire, la IVe République a relevé lepays épuisé par la guerre. Mais unenouvelle fois, elle a évolué de la gauchevers la droite. La coupure du monde enblocs, les conflits de la décolonisation(Indochine puis Algérie) ont miné lerégime. En mai 1958, une émeute à Algerle menace gravement et permet le retourau pouvoir du général de Gaulle quiimpose un changement de constitution.

LA CINQUIÈME RÉPUBLIQUELa Ve République présente cette origi-nalité de s’être imposée non contre unrégime autoritaire, mais contre une autrerépublique jugée trop démocratique. Sesfondateurs ont voulu renforcer lepouvoir exécutif au détriment du Parle-ment et, en rétablissant le scrutin majo-ritaire, ils ont affaibli l’expression de ladiversité politique dans les assemblées.Dominée d’abord par la personnalité dugénéral De Gaulle, la Ve République aconnu à partir de 1969 un fonctionne-ment plus régulier, mais l’instaurationde l’élection du président au suffrageuniversel en 1962 a contribué à renforcerencore l’exécutif déjà prépondérant.Contre la droite jusque-là dominante,l’alternance politique a pu être cepen-dant réalisée d’abord entre 1981 et 1995,puis entre 1997 et 2002. Le texte consti-tutionnel de 1958 et la législation ont

enregistré un certain nombre de muta-tions de caractère international, socialou de mœurs intervenues depuis ledébut du régime : fin de la dominationcoloniale, aliénations de souverainetéliées à la construction européenne, droit de vote à 18 ans, abolition de la peine de mort, parité homme/femme(proclamée plus que réalisée).

En tant que forme politique, La répu-blique n’admet qu’une seule légitimité,celle que donne périodiquement l’ex-pression du suffrage, mais elle peutprésenter des contenus divers, réaction-naires ou progressistes. Il est donctoujours nécessaire de rechercher lesmoyens de la rendre plus authentiqueet plus populaire. n

*Raymond Huard est historien, professeurémerite à l’université de Montpellier.

PAR FRANÇOIS AUGUSTE*

On sait que nous ne mettons pas tousles mêmes choses derrière lesmêmes mots. C'est vrai de la

démocratie participative. La démocratieparticipative, c'est la construction d'unnouveau système de représentation quiassocie élus et citoyens, organisés ou pas,dans les processus de décisions, en amontet en aval, du local au national, et aumondial. Dit autrement, il s'agit d'unenouvelle articulation entre une démo-cratie représentative elle-même démo-cratisée, et une démocratie participativequi permet dans des formes très diverses,l'irruption directe des citoyens dans lesprocessus décisionnaires, dans une coéla-boration, un partenariat. C'est le partagedes pouvoirs.

Nous sommes depuis une bonnedécennie, voire plus, dans une criseprofonde, mondiale, de la démocratiereprésentative et des systèmes politiquesd'alternance. L'élection présidentielle de2002 en a été en France, une expressionspectaculaire. Cette crise s'est brutale-ment accélérée et étendue, mondialiséeen lien avec la crise financière de 2008.Celle-ci a provoqué une prise deconscience de la réalité et de l'ampleur

des inégalités et aussi du rôle des gouver-nements dans ce système. Avec la nouvellephase de cette crise, cette prise deconscience s'est transformée en explo-sions sociales, en véritable lame de fondqui touche le monde entier, des paysarabes aux indignés d'Europe et aumouvement qui dénonce les 1% des plusriches aux USA, en passant par le Chili etIsraël.

LA CRISE POLITIQUEOn parle, à juste titre, de la crise finan-cière du capitalisme, de sa crise systé-mique. Dans la crise systémique, il y a lacrise politique. On en parle moins et pour-tant, elle est désormais spectaculaire. Etelle est décisive pour construire une alter-native au capitalisme en crise. Car la lamede fond actuelle met en cause à la fois ladictature des marchés financiers, lesinégalités qu'elle engendre, et les gouver-nements qui s'en accommodent.

Tous ces mouvements n'ont pas encoretrouvé la solution politique alternative,cela se saurait. Mais ils la cherchent, ilsla veulent, ils sont disponibles pour cela.Ils sont sans doute, eux aussi, à larecherche d'un nouveau système dereprésentation politique dans lequel ilsaient toute leur place. Être capable de

construire cette offre politique, cenouveau système, cette révolution parti-cipative est, à mon avis, l'enjeu centraldes mois, des années, des décennies àvenir pour construire une société débar-rassée du capitalisme, un développementfondé sur l'humain d'abord.

Des peuples, des pays, des collectifshumains ont commencé à apporter desréponses à cet enjeu primordial. Il y a biensûr les processus en cours en Amériquelatine. Il y a les révolutions arabes quidoivent (presque) tout inventer. Il y a l'Islande... dont on parle peu. Et pourtant,c'est un peuple courageux, qui a refusé àdeux reprises, par référendum, derembourser les banques qui ont mis àgenou leur pays dans une frénésie d'ultralibéralisme, qui ont dégagé leurgouvernement de droite et qui sont entrain de construire une nouvelle consti-tution dans un processus citoyen inédit.Une assemblée constituante de citoyensélabore un projet, en utilisant Internetpour associer des milliers de citoyens, quisera soumis au gouvernement. Le projetainsi élaboré est franchement à gauche :propriété commune des ressources natu-relles, lutte contre les inégalités, droitshumains et sociaux, coopération inter-nationale, etc. Le pouvoir politique va-t-

RÉVOLUTION CITOYENNE, RÉVOLUTION PARTICIPATIVE !Je plaide pour nous approprier le concept de démocratie participative, pour en faire un projet de transfor-mation sociale et politique, le fondement de la VIe République.

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LE DOSSIER

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Place au peuple

il accepter tout ou partie de ce projet ? Lesoumettre à référendum ? Va-t-t il être misen débat dans tout le pays ? À suivre...

UNE NOUVELLE RÉPUBLIQUELa nouvelle République que nous voulons(VIe? Ire?) devra clairement être en ruptureavec l'actuelle, défigurée par la dérivehyper-centraliste et personnalisée dupouvoir sarkoziste, et être en phase avecles aspirations montantes à une démo-cratie moderne, sociale et participative.Deux changements fondamentaux lacaractérisent :- réhabiliter le rôle et la place des élus pardes réformes radicalement démocra-tiques de la démocratie représentative :statut de l'élu, proportionnelle et paritéà toutes les élections, primauté du parle-ment, suppression de l'élection du Prési-dent de la République au suffrageuniversel, non cumul des mandats.- inscrire la démocratie sociale et parti-cipative comme un principe fondamentalde la Constitution. Voilà une belle règled'or ! Il faudra ensuite décliner ce principe enlois donnant des droits nouveaux aux sala-riés sur leurs lieux de travail, aux citoyensà tous les échelons de décision, en multi-pliant les lieux, les formes, les outils, lesmoyens de la démocratie participative.

LES LEÇONS DES EXPÉRIENCESLes premières leçons des expériences quenous avons dans des collectivités territo-riales amènent quelques remarques. Nous

sommes bien dans un processus qui, bienqu'urgent à démarrer, s'inscrit dans ladurée, qui va demander beaucoup demoyens, d'exigence, de formation, d'ap-prentissage commun de dialogue,d'écoute, de partage. Dans cette exigence,il faudra non seulement apprendre àcoélaborer les décisions, mais aussis'obliger à en tenir compte vraiment, àappliquer ces décisions prises encommun et même à associer les citoyensconcernés à leur mise en œuvre.

Tout ne pourra pas être organisé par lesinstitutions même si beaucoup dépendrade leur volonté et de leurs initiatives. Ilfaut admettre et reconnaître une partd'initiative citoyenne autonome, savoirl'accepter et l'intégrer dans les décisions.Il n'y a pas une seule forme, un alpha etoméga de la participation. Il y a besoinde diversifier ses formes : tirage au sortd'ateliers citoyens qui planchent sur desthématiques et soumettent leurs conclu-sions aux élus, en débattant avec eux.Information et association du plus grandnombre à ces avis citoyens, pour les enri-chir. Réunions publiques, référendumsd'initiative locale, droit à l'initiativecitoyenne d'élaboration des lois, tout estbon pour que l'objectif soit la participa-tion la plus large possible, une participa-tion populaire.Le programme populaire partagé, quitrace les grandes lignes d'une VIe Répu-blique, propose d'engager dès 2012 unprocessus constituant, avec une assem-

blée constituante qui impulsera un« grand débat public réunissant citoyens,organisations sociales et politiques, quisous des formes encore à définir (assem-blées populaires, États généraux, forumscitoyens...) relayé par les médias, devrapermettre au peuple lui-même de s'enapproprier les enjeux. Ce projet seraensuite soumis à un référendum ».

Pour donner le ton et l'envie, le désir des'engager dans cette révolution partici-pative, il nous faut mener une campagneélectorale qui la préfigure. C'est le but desassemblées citoyennes que nous propo-sons de construire comme l'outil d'ap-propriation populaire de la campagne. Des assemblées ouvertes, qui travaillenten ateliers, qui donnent la parole auxcitoyens, organisés ou pas, et aux partisdu Front de gauche à égalité, qui permet-tent aux citoyens de participer aux déci-sions de la campagne et à la campagneelle-même. Renouons avec la formidable campagnedu référendum victorieux de 2005 contrele TCE. Place au peuple !Redonnons-lui confiance, en lui-mêmeet dans la politique. Si le Front de gaucheréussit cela, il donne crédit à son projetde VIe République et il bousculera tousles scénarii préécrits de l'élection prési-dentielle et des élections législatives. n

*François Auguste est conseiller régionalRhône-Alpes et président du Conseil natio-nal du PCF.

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DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE, ÉLÉMENTS D’UNE EXPÉRIENCE LOCALEFace à la délégation de pouvoir montent des exigences multiplesde participation, de nouveaux modes de représentation àconstruire, bref de démocratie réelle.

PAR JEAN-MICHEL BRUN*

Dans « Le 18 brumaire de Louis Bona-parte », Marx décrit la structurationen France, depuis le Moyen Âge, du

pouvoir exécutif, « sa gigantesque orga-nisation bureaucratique et militaire, sonimposante machinerie étatique [...]. Toutintérêt commun fut détaché de la société,placé en face d’elle comme intérêt supé-rieur, général, arraché à l’activité auto-nome des membres de la société et priscomme objet de l’activité gouvernemen-tale, depuis le pont et la mairie d’école,jusqu’aux chemins de fer et à l’Univer-sité de la France ». En effet, cette désap-propriation des citoyens de leurs propresaffaires vient de loin. Bien que contre-carrée de luttes sociales et politiquespour gagner de la démocratie (droit devote, droit syndical, droit de vote desfemmes…), c’est cette logique fonda-mentale de délégation de pouvoir,renforcée par les mécanismes de la Ve

République, qui imprègne toute lasociété, y compris ceux qui la contes-tent. Et nous communistes en sommesd’autant moins épargnés de par notreconception passée du parti guide.

Cette conception délégataire marque enprofondeur les collectivités locales : lespratiques archi dominantes sont —aumieux — d’informer et de débattre avecles habitants sur des projets largementficelés, qui conduisent généralement àtrois positions possibles : le pour, lecontre ou le plus souvent, l’indifférence.Or, c’est cette conception même qui està bout de souffle, avec la crise profondede la politique, dont témoignent tauxd’abstention croissants, décrochage descouches populaires, des jeunes, ouzapping électoral… On en connaît lesraisons : image de la politique dégradéepar les promesses non tenues, le clien-télisme, le cumul des mandats…, parl’expérience que son avis n’est pas prisen compte (Cf. TCE), et encore plusfondamentalement, par l’intériorisationpar les citoyens que le suffrage universeln’est plus un moyen efficace pouraméliorer sa vie, par l’intériorisation del’impuissance supposée du politique àchanger la donne.Quand par exemple des équipes muni-

cipales sont élues par à peine 1/4 desinscrits, la faute n’en incombe-t-ellequ’aux « gens » ? Surtout quand tant designes indiquent que cette crise de lareprésentation politique ne signifie nidépolitisation massive, ni désintérêt pourla chose publique. Face à la délégationde pouvoir montent des exigences multi-ples de participation, de nouveauxmodes de représentation à construire,bref de démocratie réelle.

MORSANG-SUR-ORGE, UNE EXPÉRIENCECONCRÈTE ET SINGULIÈRE Ce sont ces questions qui ont amenél’équipe municipale conduite par Marjolaine Rauze à repenser le rapportaux citoyens, leur rapport et leur accèsau pouvoir, leurs moyens d’accès aux décisions et à entamer une démarche dedémocratie participative. Quatorze ansd’expériences, de tâtonnements, deremises en questions, qui loin de consti-tuer un modèle, sont pour autant richesd’enseignements. En voici quelquesgrandes étapes.

En 98 sont créés des Comités de quar-tiers (CQ), sur les secteurs des 8 écolesde la ville. Tout le quartier est invité, iln’y a ni présidence, ni bureau, ni sujettabou. Comme l’objectif est de mettreles citoyens en situation de codécision,chacun dispose de 400 000 F (qui devien-dront 70 000 €) pour décider d’investis-sements utiles au quartier : voirie,aménagements de sécurité aux abordsdes écoles, embellissement... Très viteles habitants décident aussi d’initiativesde convivialité : sorties culturelles, repasde voisinage...

En 2001, la préparation du Budget se faitavec cinq « ateliers citoyens d’élabora-tion budgétaire », traitant des champsd’action municipale et composés decitoyens, d’élus et des services munici-paux. Seize citoyens volontaires consti-tuent un « Observatoire des engage-ments ».

En 2003, pour approfondir la démarchede budget « 100% participatif » et mieuxlier CQ et ateliers citoyens, ces dernierss’émancipent des secteurs budgétaireset de leur cadre annuel et évoluent

comme espaces d’élaboration et de déci-sion thématiques. Ainsi un Atelier« Théâtre, quel projet ? » planche de 2004à 2008 sur la renaissance du théâtre muni-cipal et oriente son projet culturel versles habitants. Un atelier « Accueil despersonnes âgées », né de la réflexion d’unCQ, impulse une bataille de longuehaleine pour la construction d’un EHPAD,jusqu’à manifester au ministère de laSanté pour exiger les financements d’unéquipement qui va ouvrir début 2012. Unatelier « Finances communales » dispa-raîtra avec le temps, tout comme l’Ob-servatoire des engagements, ces ques-tions étant traitées transversalement dansles ateliers et CQ. Un atelier « Quelsmoyens pour la tranquillité des Morsain-tois ? » animé par une trentaine d’habi-tants travaille pendant un an sur les ques-tions de sécurité et de tranquillité, leschoix gouvernementaux d’abandonnerla police de proximité, jusqu’à organiserune consultation où deux tiers des 4 000votants repoussent l’idée d’une policemunicipale demandée par la droite.

Face à l’essoufflement de certains CQ,notamment du fait des difficultés decertains élus – y compris communistes –à se remettre en cause et à faciliter leurprise en main par les citoyens, unerencontre des CQ se tient en 2006. 200personnes y participent, confrontentleurs expériences, interrogent la crise dela politique, bousculent les élus... Elle débouche sur deux décisionsmajeures :• aller vers une auto-organisation desCQ, préparés et animés par des citoyens ;• relancer des ateliers citoyens, permet-tant de travailler des objectifs de court,moyen et long terme, dans leurs dimen-sions du local au global. Ainsi des ateliers« Cadre de vie et environnement » et « Lehandicap, ça nous concerne tous », dontles décisions sont intégrées au fur et àmesure dans les budgets. Ainsi desateliers « Eau » qui anime la bataille vis-à-vis de l’agglomération pour un retouren régie publique, « Enfance » qui réunis-sant parents, professionnels et élusbataille en lien avec « Pas de bébé à laconsigne » contre les orientations de laCAF, ou « Tram-train » qui permet auxhabitants d’exiger d’être associés auprojet de liaison Massy-Evry. Ou encorecelui qui, à l’occasion de la constructionde la nouvelle cuisine centrale permetaux parents, aux élus et aux agents muni-

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LE DOSSIERSUITE DE LA

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Place au peuple

cipaux de travailler ensemble à améliorerles repas des enfants.Nous essayons que cette démarche irrigueprogressivement les pratiques avec, parexemple, un conseiller municipal déléguéaux locataires et à leurs associations, pourles aider à s’organiser collectivement faceaux bailleurs, ou encore une réunion régu-lière de l’ensemble des membres desconseils d’école au sein d’une commis-sion Vie scolaire, permettant de débattrede tous les sujets liés à l’école, de déciderdes travaux prioritaires dans les écoles oud’organiser la mobilisation contre lesfermetures de classes.

Fin 2010, une nouvelle rencontrecitoyenne avec plus de 200 participantsa travaillé sur deux thèmes, préparés etanimés par des habitants, une demi-journée d’échanges sur notre démarcheparticipative et comment on poursuitcette auto-organisation des CQ, d’où sortl’idée d’une coordination souple entreeux, d’autant plus nécessaire que lacompétence voirie est désormais trans-férée à l’agglomération ; une demi-journée sur l’élaboration du prochainPlan local d’urbanisme. Plutôt que dela confier classiquement à un bureaud’étude, elle est animée par les habitants,à travers des « ballades urbaines » danschaque quartier permettant d’identifier« ce qu’on aime », « ce qu’on n’aime pas »et « ce qu’on voudrait voir évoluer »,comme base pour se projeter sur la villede Morsang dans 15 ans. La décision estprise de constituer un « Conseil locald’élaboration du PLU », fort de près de90 personnes, qui restitue ses réflexionsaux habitants pour mieux les enrichir.

QUELQUES ENSEIGNEMENTS...On le voit, c’est un processus qui n’estjamais achevé, qui nécessite d’inventersans cesse de nouveaux espaces, denouveaux outils. Un processus qui repo-sitionne le rôle des citoyens, des servicesmunicipaux et des élus : redonner lepouvoir aux citoyens n’en enlève ni auxservices (leur expertise se nourrit decelle des habitants et inversement), niaux élus, qui ne sont pas « neutres », ontun point de vue, des informations etdes analyses nécessaires à la réflexionde tous. Nombre d’élus, y compris àMorsang, rechignent à cet « inconfortde l’inattendu ». Cela nécessite de cher-cher tous les moyens d’une coélabora-tion, d’une codécision et d’une coéva-luation des politiques publiques, àrebours des pratiques séculaires dedélégation de pouvoir. C’est une

DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE ?PAR JEAN-JACQUES GOBLOT*

“La notion même de démocratieparticipative, si largementvulgarisée depuis quelques

années, mérite à mon avis un examencritique. Car ici reparaît la questionmajeure […]  : la démocratie se définit-elle d’abord et essentiellement commeune procédure de dévolution du pou-voir (le peuple choisit ses gouver-nants), ou désigne-t-elle effectivementle détenteur du pouvoir (c’est le peu-ple qui gouverne)  ? Selon la premièreconception, très largement dominanteaujourd’hui, le peuple ne peut exercerle pouvoir que pour s’en dessaisir aus-sitôt au bénéfice de la classe politique,de sorte que la démocratie est essen-tiellement représentative. Dès lors, sil’on parle malgré tout de démocratieparticipative, on n’entend point par làque tous les citoyens sont effective-ment parties prenantes aux décisionsconcernant la collectivité  : on a en vuequelque chose de bien plus limité, àsavoir un ensemble de procédures deconsultation, utilisées le plus souventdans un cadre local (on parle alors de«  démocratie de proximité  ») et desti-nées à donner aux citoyens, pour ainsidire, voix au chapitre en les associantaux décisions proposées par leursélus, voire en leur accordant, dans cer-taines limites, un pouvoir de co-déci-sion. Nul doute que de telles procé-dures peuvent, dans bien des cas,jouer un rôle très positif pour amélio-rer les relations entre les citoyens etleurs représentants et pour faire vivreune démocratie locale plus authen-tique  ; mais pour ceux qui s’impliquentdans des démarches de ce genre, iln’est pas si facile de se comporter envéritables décideurs, même à suppo-ser qu’on leur en offre concrètementla possibilité  : le poids des habitudesaidant, ils n’ont que trop tendance à secantonner dans un rôle de plaignantou de simple témoin. Enfin, il faut bienreconnaître que la participationcitoyenne est conçue le plus souventcomme un dispositif subalterne, dontl’usage et les modalités sont laissés àla discrétion des pouvoirs en place, etqui ne met nullement en cause leschoix du prince – je veux dire les choixcruciaux ayant trait aux fonctions

«  régaliennes  » de l’État.Si au contraire on veut réellementparler d’un gouvernement du peuple,l’essence même de la démocratieréside dans le fait que tous lescitoyens ont part aux décisions quiintéressent la collectivité, non pointseulement pour approuver ou pourdésapprouver celles qu’on leur sou-met, mais pour les élaborer eux-mêmes et en contrôler la mise enœuvre. Dès lors, la spécification intro-duite par l’épithète devient en quelquesorte superflue  : toute démocratie estnécessairement «  participative  » – cequi ne l’empêche point de recourir,autant que nécessaire, à la médiation«  représentative  ». Tel est le sens qu’ilfaut donner, me semble-t-il, à la défini-tion que proposait Robespierre  : «  Ladémocratie est un état où le peuplesouverain, guidé par des lois qui sontson ouvrage, fait par lui-même tout cequ’il peut bien faire, et par des délé-gués tout ce qu’il ne peut faire lui-même.  » (Discours du 17 pluviôse an II)Robespierre n’était pas le seul, à cetteépoque, à écarter la conception pure-ment représentative que défendaitdéjà Sieyès  : n’oublions pas que laDéclaration des droits de l’homme de1789, en son article 6, reconnaissait àtous les citoyens le droit de concourir àla formation de la loi «  personnelle-ment ou par leurs représentants  », etque la Constitution de 1793 prévoyait lapossibilité pour les électeurs, réunisdans les assemblées primaires, de seprononcer sur les lois votées par leCorps législatif, et même sur un projetde révision de constitution (articles 58,59, 60, 115). Aujourd’hui, de telles dis-positions peuvent nous paraîtreétranges  : une tradition vieille de deuxsiècles nous a dès longtemps habituésà la domination sans partage desformes délégataires de la démocratie  ;quant aux formes dans lesquelles lepeuple userait du pouvoir de faire parlui-même tout ce qu’il peut bien faire,pouvons-nous seulement les définir  ?En tout cas, nous n’en avons quasimentaucune expérience pratique, et il estclair qu’en ce domaine beaucoup dechoses restent à inventer.”n

*Jean-Jacques Goblot (1931-2009) « Réflexions sur la démocratie » (2008), inEssais de critique marxiste. Histoire, esthé-tique, politique, La Dispute, 2011 avec l’ai-mable autorisation de la maison d’édition.

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démarche exigeante, qui demande dutemps, de l’engagement, qui nécessitede donner envie, confiance, d’êtreattentif aux discrets, aux femmes, auxjeunes, à ceux qui ne viennent pas oune parlent pas facilement...

Au fond, nous cherchons à travailler, ànotre petit niveau, au passage d’une légitimité délégataire (« les élus sont issusdu suffrage universel et donc sont là pourdécider ») à une légitimité citoyenne : cesont les habitants, et pas seulement tous

les six ans, qui en dernier ressort déci-dent, les élus aidant à créer les conditionspour y parvenir. N’est-ce pas la mêmequestion qui est posée aux organisationspolitiques et à notre propre parti, à savoirpermettre aux citoyen-ne-s d’être acteursde la politique, à égalité ? C’est aussi ceque nous essayons de faire vivre dansnotre pratique politique de communistesà Morsang, depuis au moins la campagnedes cantonales et régionales de 2004. Nousl’avons poursuivi avec la campagne duréférendum, avec un collectif antilibéral,

et depuis les élections européennes – etavec un succès grandissant – avec uncollectif Front de gauche, très largementouvert aux citoyens non membres d’unparti. La convergence entre les pratiques politiques municipales et la démarchepolitique plus large initiée par les commu-nistes se révèle d’une richesse insoup-çonnée. n

*Jean-Michel Brun est maire-adjoint deMorsang-sur-Orge (91) et animateur de lasection du PCF.

PAR JEAN-JACQUES PARIS*

Faut-il rappeler le rôle primordial quetiennent les collectivités locales et lesservices publics qu’elles ont déve-

loppés sans relâche, pour répondre autantque possible aux besoins individuels etcollectifs croissants, qu’il s’agisse de mobi-lité, de social, d’éducatif, de culturel, desportif, etc. Leurs investissements partici-pent pleinement à l’activité des entrepriseset de l’économie en général, source d’em-plois, de revenus, et de croissance. Lesattaques frontales qu’elles subissenttendent à les phagocyter, les privantprogressivement des marges de manœuvrenécessaires pour jouer pleinement leurrôle. Leur libre administration est ainsimise en cause par l’encadrement régressifde leurs recettes. S’y ajoutent les injonc-tions du gouvernement pour affaiblir eteffacer les communes, la démocratie localeet de proximité. Il s’agit en fait de retaillerles territoires à la mesure des exigencesfinancières des opérateurs privés.

ABROGER LA RÉFORME DE 2010 DES COLLECTIVITÉS Le projet des élus communistes et répu-blicains consiste tout au contraire à conso-lider le couple commune/départementpour garder ces leviers indispensables à laportée des citoyens et faciliter ainsi leurintervention sur le territoire où ils habi-tent, où ils travaillent, où ils vivent, où seconcentrent toutes les questions, oùpeuvent se nouer les coopérations multi-ples pour y répondre dans l’intérêt général.

À un autre niveau la région doit conserverun rôle majeur, en partenariat avec l’Étatqui doit affirmer son rôle de garant del’équilibre entre les territoires et de l’éga-lité des citoyens. Dotée des moyens néces-saires, la région doit jouer un rôle écono-mique et d’aménagement du territoirestimulant pour l’innovation industrielle ettechnologique ; les fonds régionaux pourl’emploi doivent servir de levier pourorienter l’argent vers un développementutile aux populations. Nous faisons nôtrele pacte pour un nouvel essor des servicespublics, pour développer leur champs etaugmenter la place des représentants dupeuple et des salariés pour garantir unegestion dans le sens de l’efficacité sociale.Une nouvelle phase de décentralisationdans une démarche constituante doitdéboucher sur l’institution d’une VIe Répu-blique, déprésidentialisée et démocratisée.Le partage des pouvoirs et des responsa-bilités doit être le moteur d’un essor consi-dérable de la participation citoyenne.

En finir avec le cumul des mandats, enlimiter le renouvellement, respecter laparité, introduire sous des formes appro-priées la proportionnelle dans toutes lesélections afin d’avoir une représentationfidèle du corps électoral. Créer desnouveaux domaines d’intervention popu-laire à tous les niveaux, y compris par voiede référendum. Améliorer les conditionsd’exercice des élu(e)s en leur garantissantles moyens de participer et les protégerface à leurs employeurs sont des donnéesindispensables pour redonner à la démo-

cratie des animateurs nombreux et déterminés.

Il est en fait décisif d’instituer un rapportrégulier entre les élus et les électeurs. Lacréation de conseils de territoires pourraity contribuer. Citoyens, élus, représentantssyndicaux, des partis et des associationss’y retrouveraient régulièrement pourévaluer le travail accompli et envisager desprojets d’avenir. En clair, la politique doitdevenir pour un nombre beaucoup plusimportant de citoyennes et citoyens unedes dimensions courantes de la vie socialene prenant qu’exceptionnellement et pourune durée déterminée le caractère d’uneactivité à plein temps. Le Front de Gauchedoit permettre de mieux l’expérimenter etde le faire vivre.

PLEINS POUVOIRS AUX CITOYENSIl ne suffit pas d’apporter des adaptationsà la marge, c’est la démocratie qui doit faireun bond qualitatif indispensable, plusouverte sur la société, plus ouverte sur lemonde, et surtout plus stimulante pour l’in-tervention des citoyens. Des États générauxpour une nouvelle république permettrontun débat pluraliste et déboucheront surune assemblée constituante. La nouvelleconstitution ainsi élaborée sera soumise àréférendum. La démocratisation de nosinstitutions nationales devra s’accompa-gner d’une action résolue de la France pourune modification radicale des institutionsqui régissent le monde et l’Europe. Parexemple les pouvoirs du parlement euro-péen doivent être renforcés. Il doit contrôler

POUR UNE RÉPUBLIQUE CITOYENNE ET SOLIDAIRELes attaques frontales que subissent les collectivités locales les privent progressivement des marges demanœuvres nécessaires pour jouer pleinement leur rôle. Le projet des élus communistes et républicainsconsiste tout au contraire à consolider le couple commune/département pour garder ces leviers indispensa-bles à la portée des citoyens et faciliter ainsi leur intervention sur le territoire

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Place au peuple

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LE DOSSIERl’exécutif et la Banque centrale européenne.Les coopérations avec les parlements natio-naux doivent se développer.Il faut démocratiser, débureaucratiser,déprésidentialiser les institutions à tousles niveaux en associant toujours mieuxles citoyens et en assurant une transpa-rence des choix et des raisons qui y mènent,comme leur évaluation. Cela passe par ledéveloppement des droits et des garan-ties statutaires des fonctionnaires qui sontles meilleurs remparts contre les modesde « gestion privés » et les plus sûrs pointsd’appui pour faciliter le contrôle descitoyens.

La démocratisation c’est aussi reconnaîtreau citoyen et aux collectivités locales despouvoirs d’initiative, de débat public, decontrôle et d’évaluation de l’applicationdes lois. Les collectivités territorialesdoivent disposer des moyens nécessairespour mettre les espaces, les outils, lespersonnels et la formation au service dela participation des citoyens. Pour yparvenir les collectivités territorialesdoivent avoir un droit à l’expérimentation,elles le feront sous des formes diversifiéeslaissées à leur appréciation. Pour déve-lopper les droits, l’intervention des acteurssociaux et des citoyens il est nécessaired’instaurer des droits nouveaux pour lessalariés dans les entreprises, celui parexemple de suspendre un plan de restruc-turation pour permettre l’élaboration desolutions alternatives.

De plus, le droit à la citoyenneté ne doitpas être fondé exclusivement sur la natio-nalité. Doit être reconnu citoyen celui quichoisit de vivre sur le sol français et quidoit ainsi pouvoir exercer son droit de vote.

LIBRE ADMINISTRATION ET AUTONOMIEFINANCIÈRE DES COLLECTIVITÉS LOCALESUne collectivité doit pouvoir prendre encharge toute activité demandée par lapopulation qui réside sur son territoire.Les décisions seront ainsi prises au plusprès des besoins qu’elles visent à satisfaire,et donc des citoyens qu’elles concernentavec leur concours. Une collectivité plusétendue assurera la cohérence et la soli-darité sur son territoire évitant ainsi lesinégalités territoriales, et prendra en chargeles activités que les collectivités localesmoins étendues ne peuvent assumer.

L’autonomie des collectivités locales etleur coopération, piliers de la décentrali-sation, doivent permettre de résister à lalogique de concurrence entre territoires.L’intercommunalité doit pouvoir

prolonger l’action communale en seconcentrant sur les seules actions d’in-térêt communautaire. La création desstructures intercommunales relève de laresponsabilité exclusive des élus et descitoyens. Le principe d’autonomie finan-cière des collectivités locales doit êtregaranti. C’est aux instances démocratiquesde chaque collectivité de décider avec lescitoyens des richesses à prélever sur sonterritoire et de l’utilisation qui en est faite.

Cependant le principe d’autonomie fiscaleest ambiguë : le désengagement quasi-complet de l’État revient à imposer, commeseul élément de lutte contre les inégalités,des péréquations horizontales entre collec-tivités. Il est impératif d’avoir un cadrenational de la fiscalité tout comme unmécanisme de péréquation vertical pourapporter des financements solidaires auxcollectivités les plus démunies et bannirla concurrence entre territoires. Lesressources des collectivités locales doiventêtre repensées pour leur permettre d’as-surer leurs missions et parvenir aux objec-tifs qu’elles se sont démocratiquementdonnées.

Ainsi les dotations de l’État doivent êtreaméliorées, la fiscalité profondémentremaniée vers plus de progressivité et lefinancement et le crédit réorientés vers les

dépenses utiles. La fiscalité doit être trans-formée vers plus de justice et d’efficacité,en prenant en compte réellement lesrevenus et l’utilisation réelle des habita-tions. La contribution des entreprises doitêtre bonifiée en intégrant dans l’assietteles actifs financiers, le bilan réel en matièred’emplois et des salaires, de formation etd’investissements productifs. Dans le cadred’une réforme globale du crédit et de labanque, un pôle financier public doit êtremis en œuvre par la mise en réseau desinstitutions financières publiques et semipubliques mais aussi banques mutualisteset coopératives, et articulé avec desbanques commerciales privées. Le pôlepublic permettra le financement du déve-loppement local et de l’emploi, il œuvreraà des coopérations avec les banques desautres pays de l’Union européenne et devras’appuyer sur une banque centrale euro-péenne dotée de nouvelles prérogativessous contrôle du parlement européen.

Nous aurons l’occasion de porter cespropositions au débat dans les prochainessemaines, en particulier au sein des étatsgénéraux des élus locaux au Sénat, et dansles ateliers législatifs du front de gauche.n

*Jean-Jacques Paris est secrétaire généralde l’Association nationale des élus com-munistes et républicains.

OUTRE-MER : LE DÉVELOPPEMENT DANSLA RESPONSABILITÉ Une reconnaissance de l'ensemble de valeurs culturelles des popula-tions issues de l'esclavage est un des éléments de la dynamique popu-laire, de la prise en main de son destin par le peuple lui-même.

PAR JEAN-LOUIS LE MOING*

Les cinq départements (DOM) et lesautre collectivités d'outre-mer (COM)cumulent – avec quelques variations

selon les régions concernées – deux àtrois fois plus de chômeurs que la métro-pole, jusqu'à six fois plus d'allocatairesdu RMI, des prix des denrées de premièrenécessité insupportables, une pauvretémassive, une jeunesse sévèrementfrappée par l'insuffisance de débouchésen matière d'emploi... À Mayotte,quelques mois après la départementali-sation imposée à marche forcée parSarkozy, des mouvements contre la viechère marquent l'actualité. La Nouvelle-Calédonie connaît, quant à elle, une situa-

tion sociale des plus tendues sur fondd'évolution institutionnelle.

Les mouvements sociaux dans les DOMportent l'exigence d'une remise en causeprofonde du mode de développementdes territoires d’outre-mer, du dépas-sement de la situation de dépendancedans laquelle ils ont été placés. L'outre-mer a un urgent besoin d'outilsnouveaux de développement. Le statutpolitique des Dom, tout droit issu de ladépartementalisation, a certes générédes progrès – chèrement acquis par lesluttes des populations, souvent mêmeau prix du sang – mais il est aujourd'huià bout de souffle. Il doit évoluer sansattendre.

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UN DÉVELOPPEMENT ENDOGÈNEPour lutter contre la dépendance absolueaux transferts sociaux, il faut favoriser ledéveloppement endogène. C'est la seulevoie permettant de sortir progressive-ment du « tout transfert de marchan-dises » – un véritable couloir de consom-mation – entre la métropole et les Dom.Cela implique une politique de substi-tution à cette dépendance dans laproduction agricole et industrielle. Celaappelle aussi la possibilité de nouer desaccords commerciaux et d'échange etdes coopérations régionales. Il faut demême travailler à la reconnaissance et àla transmission de l'histoire et de l'iden-tité des populations, et extirper les relents

colonialistes et les discriminationsraciales qui perdurent. Cette reconnais-sance de l'ensemble de valeurs cultu-relles des populations issues de l'escla-vage est un des éléments de la dynamiquepopulaire, de la prise en main de sondestin par le peuple lui-même.

Il est impératif de travailler la questionde l'accession aux postes de responsabi-lités de la population issue des territoiresconcernés, de favoriser la diffusion de laculture issue du métissage et de l'histoiresingulière de chaque territoire. Lescommunistes proposent de faire évoluerles institutions pour permettre aux ultra-marins de formuler et mettre en œuvre

eux-mêmes leurs projets de développe-ment. Aucun modèle ne peut prévaloiren ce domaine, comme le montrent lavariété de situation et le niveau très diversd'exigence des populations et desnombreux mouvements politiques. Ilreste que sous toutes les latitudes, entoutes circonstances, les communistessoutiennent tout processus visant à déve-lopper la responsabilité et la maîtrise parles populations concernées des ques-tions liées à leur devenir. La responsabi-lité est une question de justice, de respect,mais aussi d'efficacité. n

*Jean-Louis Le Moing est délégué nationaloutre-mer du PCF.

LA DÉMOCRATIE COMME RÉPONSE À LA CRISE EUROPÉENNEL'alignement de Nicolas Sarkozyderrière les positions de laChancelière Merkel, accompagnéd'un matraquage médiatique sur le« modèle allemand » , vise à prépa-rer l'opinion publique à plus d'austé-rité et à moins de souveraineté.

PAR OLIVIER DARTIGOLLES*

De sommet en sommet, la crise del'Union européenne s'est dange-reusement aggravée. Ce processus

infernal vient de connaître un nouvelépisode, peu glorieux, lors du dernierConseil européen. Après une nuit entièrede négociations entre chiens et loups,avec les rapaces des marchés financiersinvités à la table des discussions, les diri-geants européens ont décidé d'unsoutien massif aux banques et d'unenouvelle saignée pour les peuples. Quelleaudace !

Les caractéristiques anti-démocratiquesdes régressions en cours, dissimuléesderrières les expressions de « gouver-nance économique », de « saut fédéral »,viennent d'éclater au grand jour avec levent de panique provoqué par la déci-sion du gouvernement Papandréou deconsulter le peuple grec. Pour les diri-geants européens, les marchés finan-ciers et les agences de notation, lespeuples n'ont pas à être consultés. Poureux, la cure d'austérité, les pertes desouveraineté et la mise sous tutelle ne

se discutent pas. Cette modification enprofondeur de la construction euro-péenne telle que nous l'avons connuene date pas d'aujourd'hui. La fuite enavant des derniers mois se traduit par ledurcissement de l'opposition frontaleentre les pressions des marchés finan-ciers et l’intervention des peuples. « L'Eu-rope allemande » qui se dessine est doncà la fois une cure d'hyper-austérité et unprocessus ultra-centraliste et autoritaire.Dans son inénarrable Discours sur l'Étatde l'Union, le 28 septembre dernier,M.Barroso a proposé « d'aller plus loin »dans la voie d'une « intégration » permet-tant de « réaliser pleinement les objec-tifs convenus à Maastricht », une inté-gration que « pas seulement lesfédéralistes réclament, mais aussi lesmarchés ». Plusieurs dirigeants euro-péens jugent, les uns près les autres, qu'ily a aujourd'hui urgence à modifier lestraités européens après n'avoir cessé derappeler au cours des 20 dernièresannées que cela était tout simplementimpossible. La modification vise àpouvoir contrôler et surveiller les budgetsdes États, allant jusqu'à permettre desmodifications en cours d'exercice enpassant par dessus les parlements et lesgouvernements nationaux. Une misesous tutelle pure et simple qu’un anciencommissaire européen italien, MarioMonti, pourtant lui-même très libéral,n’a pas hésité à comparer à celle que,sous le fascisme des années 20, dans sonpays, le « podestat » était chargé d’exercerdans chaque ville à la place des organesdémocratiques.

DÉFENDRE LA PROMOTION DES DROITS DÉMOCRATIQUESAvec le refus de l'austérité, la mise encause de la toute-puissance des marchésfinanciers, il nous faut donc défendre àl'échelle européenne la promotion desdroits démocratiques. Avec quellespropositions ?En juillet dernier, le Parti de la gaucheeuropéenne, réagissant au rapport Duffsur le « manque de légitimité populaire »des institutions européennes, a avancéune série de propositions précises.

• La création de véritables pouvoirs d’in-tervention des citoyens et des salariéseuropéens. Cela pourrait commencer parune simplification de la procédure d'Ini-tiative citoyenne européenne qui est,aujourd'hui, parsemée d'obstacles ; et uneréelle prise en compte des revendicationsdes syndicats de travailleurs et des ONG.

• L'organisation de débats publics euro-péens aboutissant à la consultation despeuples sur les grands enjeux qui lesconcernent, par référendum partout oùles lois fondamentales le permettent.

• La garantie institutionnelle de la paritéaux niveaux national et européen.

• La garantie institutionnelle de la repré-sentation des minorités.

• La clarification des rôles des différentesinstitutions afin d'obtenir une réelleséparation des pouvoirs.

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LE DOSSIER Place au peuple

SUITE DE LAPAGE 15 > • Le renforcement des pouvoirs du

parlement européen par rapport à ceuxde la commission européenne et desinstances de « gouvernance intergou-vernementale », à commencer par laremise en cause du monopole d'initia-tive législative aujourd'hui accordé àBruxelles.

• Le renforcement du rôle des parle-ments nationaux pour contrôler etparticiper aux décisions concernantl'UE au niveau national.

• La coopération des institutions euro-péennes avec les parlements natio-naux dont les modes d'électionsdoivent tendre vers plus de proportion-nelle, afin de mieux représenter l'en-semble des citoyens et pour ne pasdéformer leurs choix.

• Les dénis de démocratie comme lepassage en force du traité de Lisbonneaprès le rejet massif du traité constitu-tionnel européen par les peuples fran-çais et néerlandais ne doivent pas sereproduire.

• La mise sous tutelle des politiqueséconomiques et budgétaires nationalespar la « Troïka » (UE/FMI/BCE) doitcesser. Les peuples européens sontsouverains, ils doivent pourvoir éliredes représentants dans leurs parle-ments nationaux qui ne soient paspieds et poings liés par une gouver-nance européenne autoritaire.

L'enjeu européen sera au centre de lacampagne pour l'élection présidentielleet les élections législatives de 2012. Avecle Front de gauche, nous proposons d'enfinir avec le traité de Lisbonne que nosconcitoyens, avec d'autres, ont rejetéalors que la droite et la majorité du PSl'approuvaient, pour répondre à l'ur-gence sociale, résoudre la catastropheécologique et régler la crise démocra-tique et construire une autre Europe.Seul un changement radical peut sauverl'Europe. L'Union européenne est faceà un choix d'orientation majeur : ou lafuite en avant dans l'austérité fondéesur l'ultralibéralisme et un fédéralismeautoritaire, ou sa refondation sur desbases sociales et démocratiques, libé-rées de l'emprise des marchés finan-ciers et des banques. n

*Olivier Dartigolles est porte-parole duPCF, responsable aux questions euro-péennes.

ÉLOGE CONTRADICTOIRE DE L’ÉTAT DE DROITLe mouvement ouvrier a traditionnellement marqué une distance avecla notion d’État de droit. L’État ne pouvait être que l’instrument insti-tutionnel de la classe au pouvoir. Par voie de conséquence le droitne pouvait être que la formalisation juridique de cette domination.

PAR ANICET LE PORS*

L ’État de droit cumulait donc cettedouble réserve et si des normesfavorables aux libertés individuelles

ou publiques parvenaient à s’inscriredans le système juridique, ce ne pouvaitêtre que le résultat des luttes sociales :le fait précédait nécessairement le droit,aucune autonomie, du droit, fût-ellepartielle ne lui était reconnue.

Pour autant le droit n’était pas ignoréet comptait d’éminents praticiens ausein du mouvement ouvrier. Desavocats talentueux et militants comp-tèrent parmi les plus grands. Les minis-tres communistes des participationsgouvernementales successives nepurent ignorer l’importance des lois,décrets et circulaires qu’ils produisirent(je pense notamment au statut généraldes fonctionnaires de la loi du 19octobre 1946 élaboré sous la directionde Maurice Thorez avec le concoursactif de la CGT). Certains dirigeants duPCF s’impliquèrent activement dans ledébat sur la constitution de la IVe Répu-blique. Mais ces témoignages ne contre-disent pas la méfiance générale à l’égardd’un droit réputé essentiellement bourgeois. Pour avoir partagé cette idéegénérale, puis l’avoir contestée et testéedans la pratique, il me sembleaujourd’hui possible de placer le débatsur un terrain plus objectif et d’yconduire une réflexion plus rationnelle.

LES INSTITUTIONS, SIÈGE DE CONTRADICTIONSLa République française ne reconnais-sant aucune transcendance, la souve-raineté nationale et populaire doitdisposer d’une loi suprême, d’uneconstitution. Le contrôle de constitu-tionnalité des lois fait problème carquelle instance peut prétendre s’érigeren juge de la loi, expression de la volontégénérale? Ce rôle est dévolu dans laconstitution de la Ve République auConseil constitutionnel, organeéminemment politique que j’ai souventdéfini comme « une instance politiqueen forme juridictionnelle » dont on

pouvait fortement douter de l’objecti-vité. D’autant plus qu’il s’est lui-mêmedoté en 1971 d’un véritable pouvoirconstituant que la constitution ne luiavait pas reconnu, en élargissant sonchamp de référence au préambule dela constitution de 1946 et à la Déclara-tion des droits de l’homme et du citoyende 1789, ce qui renforçait son pouvoirdiscrétionnaire. Il y avait donc tout lieude craindre une interprétation trèspartisane du nouveau « bloc de consti-tutionnalité ». Or, la pratique a montréque les décisions rendues appelaientune appréciation plus complexe : en denombreuses circonstances, le Conseilconstitutionnel a joué un rôleconstructif dans la défense des libertés.L’introduction de la possibilité (trèscontrôlée) donnée au citoyen de saisirle conseil d’une question prioritaire deconstitutionnalité (QPC) a constituéune avancée démocratique limitée maisréelle : la première décision prise surune QPC a ainsi permis de reconnaîtrele bien fondé de la demande des ancienscombattants de l’outre-mer à toucherune pension complète. Pour autant laquestion du contrôle de constitution-nalité des lois reste entière et appelleune réponse plus satisfaisante que celleactuellement en vigueur. Cette ques-tion devrait trouver sa réponse dans lecadre d’un projet constitutionnel globaldu type de celui qui avait été retenu parle PCF en 1989 pour marquer le bicen-tenaire de la Révolution française.

L’INTÉRÊT GÉNÉRAL, FONDEMENT DU SERVICE PUBLIC ET DU DROIT ADMINISTRATIFIl n’est pas contestable que l’État est uninstrument de domination, voire deviolence, aux mains des forces sociales,économiques et politiques dominantes.Mais il n’est pas que cela. Lorsque, à lafin du XIIIe siècle, Philippe le Bel créele Conseil d’État du Roi, il entendaffirmer que les contentieux impliquantles autorités royales et, plus générale-ment, les affaires du royaume, nesauraient être traités par les tribunauxordinaires ; que le « bien commun » (quideviendra plus tard l’intérêt général)

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LA REVUE DU PROJET - OCT-NOV 2011

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est une catégorie éminente qui dominetoutes les autres. Certes, le Conseild’État a connu plusieurs versions aucours des siècles suivants : il s’inscritdans son acception actuelle en l’an VIII,puis est redéfini en 1872, mais il gardedurant toute cette période ses deuxcaractéristiques fondamentales : d’unepart, il est l’instance supérieure de lajuridiction administrative (la Cour decassation étant son pendant dansl’ordre judiciaire), d’autre part, il est leconseil de l’État dans son travail légis-latif et réglementaire. Ce rôle du Conseild’État ne va pas sans une certaine ambi-guïté puisqu’il est, par ses doubles fonc-tions, à la fois juge et partie (ce que nemanquent pas de lui reprocher les auto-rités de l’Union européenne). De fait,de de Gaulle à Sarkozy, le pouvoirexécutif a eu tendance à considérer quela fonction de conseil devrait se traduireen allégeance, ce qui a entraîné parfoisune réaction d’indépendance de lahaute juridiction sans effacer toujoursune certaine propension à ne pasmécontenter le gouvernement. Danssa fonction contentieuse également, lajurisprudence du Conseil d’État n’estpas immuable : elle est imprégnée parles mouvements d’ensemble de lasociété. Ainsi, à titre d’exemple, elle apu considérer en 1985 que l’enseigne-ment des écoles de musique ne rele-vant pas d’un intérêt général ne pouvaitdonner lieu à une différenciation destarifs d’adhésion en fonction desrevenus des parents, pour changercomplètement de solution dix ans plustard. Il reste que c’est dans le cadre dela fabrication de cette jurisprudenceadministrative et du droit administratifplus généralement qu’ont été forgés etexplicités avec des avancées et des

reculs, le concept de service public, leprincipe d’égalité, celui de laïcité, lemodèle d’intégration basé sur le droitdu sol, etc. Il s’agit là des fondementsde l’identité nationale française et denotre conception de la citoyenneté.

« AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS »Le droit évolue ainsi sous l’effet demultiples influences qui sont celles quifaçonnent la citoyenneté aujourd’huidans un contexte de crise. En vertu dela séparation des pouvoirs – quand bienmême on pourra soutenir que celle-ciest bien imparfaite – la justice est rendue« au nom du peuple français » commele mentionnent en exergue toutes lesdécisions de justice. Le juge des diffé-rentes juridictions est chargé d’appli-quer le droit, mais il le fait à travers uneappréciation qui contient une partinévitable de subjectivité.

Juge à la Cour nationale du droit d’asile(CNDA), la plus importante juridictionadministrative nationale par le nombred’affaires traitées, je peux témoigner dela dialectique qui forge l’intime convic-tion du juge. Le droit d’asile est régi parla Convention de Genève de 1951 et lesdispositions du livre VII du Code de l’en-trée, du séjour des étrangers et du droitd’asile (CESEDA). Dans ce cadre, troisquestions se posent au juge pour seprononcer sur une demande d’asile.Premièrement, doit-il se contenter d’ap-pliquer sèchement le droit positif ourendre la justice ? Ce n’est pas la mêmechose et la réponse ne sera pas la mêmeselon que l’on se place principalementsur l’un ou l’autre terrain. Deuxième-ment, le demandeur d’asile doit-ilapporter la preuve de sa crainte depersécution ? Selon la force de l’exigence

d’une preuve qui n’est demandée paraucun texte la réponse sera très variable.Troisièmement, une contradiction dansla demande d’asile, voire un mensongeavéré, invalident-ils la demande ? Ceserait ne tenir aucun compte des condi-tions politiques, ethniques, religieuses,voire psychologiques dans lesquelles setrouve le demandeur. On voit bien quedes réponses apportées découleront dessolutions très différentes. Il y a doncsans doute de bons et de mauvais juges.Mais on retiendra comme hautementsignificatif de la conception françaisedu droit d’asile (hautement proclamédans la constitution de 1793 et mêmedans le Préambule de la constitution de1946 repris par l’actuelle constitution)le fait que la France est le premier paysde destination des demandeurs d’asileen Europe (le deuxième des pays indus-trialisés dans le monde après les ÉtatsUnis), que le taux de reconnaissance dustatut de réfugié (de l’ordre de 30 %) y estrelativement élevé. Cela résulte des actionscombinées de magistrats, d’universitaires,d’avocats, d’associations et d’une traditionqui perdure malgré le contexte défavorabledu pouvoir sarkozyste.Bref, pour touts ces raisons, en matièred’État de droit il faut se garder de toutevision simpliste. n

*Anicet Le Pors, ancien ministre, conseil-ler d’État et président de section à la Cournationale du droit d’asile.

Projet constitutionnel du PCF, l’Humanité,18 décembre 1989.A. Le Pors, La citoyenneté, coll. Que sais-je ? (4° éd.), PUF, 2011.A. Le Pors, Le droit d’asile, Que sais-je ? (4°éd.), PUF, 2011 ainsi que Juge de l’asile,Michel Houdiard éditeur, 2010.http://anicetlepors.blog.lemonde.fr

INTÉRÊTS PARTICULIERS CONTRE INTÉRÊT GÉNÉRAL, ÉVITERQUE NE MEURE LA DÉMOCRATIE ?Le développement de l’influence des intérêts privés sur la décisionpublique est une illustration de la grave crise que connaît notre systèmereprésentatif, tout à la fois sa cause et la conséquence de celle-ci.

PAR JEAN-PIERRE BRARD*

La loi québécoise assimile le lobbyingà l’ensemble des « communicationsorales ou écrites avec un titulaire de

la charge publique en vue d’influencerou susceptibles d’influencer la prise de

décision ». En tant que parlementaire, jesuis, chaque jour, destinataire de dizainesde courriels, de lettres et d’appels quipourraient se rattacher à cette définition.Chaque jour, associations sectorielles,groupements professionnels, organismespublics et privés attirent mon attention,

comme celle de mes collègues, sur tel outel point des projets et propositions deloi en discussion dans l’Hémicycle.Chacun des « communicants » y défendla vision de ses commanditaires, son inter-prétation, ses intérêts catégoriels et, leplus souvent, souhaite établir un contactdirect avec le législateur que je suis. J’ai,personnellement, pour règle de ne jamaisaccepter de rendez-vous que je n’auraimoi-même sollicités, à moins que ces > SUITE

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LA REVUE DU PROJET - OCT-NOV 2011

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LE DOSSIER Place au peuple

rencontres ne se fassent à plusieurs parle-mentaires et soient l’occasion d’un véri-table échange de vues et non une simpleentreprise de promotion d’intérêts secto-riels (par exemple syndicats ou médecinsdu travail)

LA SAUVEGARDE DE L’INTÉRÊT GÉNÉRALCes conditions réunies, ces échangespermettent de confronter et de mûrir nosarguments, nourrissant notre réflexionde législateurs en prévision de nos débatsdans les commissions et à la tribune del’Assemblée. Ils peuvent, alors, apporterun éclairage utile - bien qu’orienté - surtel ou tel sujet de société soumis, souventdans l’urgence, à la discussion de parle-mentaires qui ne peuvent évidemmentpas être spécialistes de tout. A l’élu quiparticipe à ces échanges de faire la partdes choses et de séparer le bon grain del’ivraie. Les véritables problèmes surgis-sent lorsque ces groupes d’intérêts semuent en groupes de pression et lorsquecertains élus, oubliant toute distancecritique, reprennent à leur compte et inextenso (négligeant sciemment les guil-lemets) la défense de ces intérêts parti-culiers au mépris de l’intérêt général ; etce, sans que cela implique nécessaire-ment une quelconque corruption. Il suffitpour s’en convaincre de lire le journal offi-ciel, les questions écrites au gouverne-ment qui sont exactement identiquesd’un parlementaire à l’autre, parfois ponc-tuation comprise ! L’absence, en Franceen général et au Palais Bourbon en parti-culier, d’une réglementation véritable-ment contraignante en la matière et d’unedéfinition claire peut inciter certains àrester flous quant aux éléments qui ontconduit à leur prise de position au nomdu peuple français.

L’action des groupes d’intérêts en Franceest une réalité de fait. Nier cette réalitéalimenterait dangereusement la suspi-cion du peuple sur l’ensemble de sesreprésentants. La limite à ne pas franchir,celle qui s’impose naturellement, c’estcelle de l’intérêt général. La boussole enla matière, nous a été donnée par Jean-Jacques Rousseau : « […] quand il se faitdes brigues, des associations particulièresaux dépens de la grande, la volonté dechacune de ces associations devient géné-rale par rapport à ses membres et parti-culière par rapport à l’Etat. […] Il importedonc pour bien avoir l’énoncé de lavolonté générale qu’il n’y ait pas desociétés partielles dans l’Etat » (in LeContrat social). A travers les siècles, lescorps intermédiaires opérant au sein de

l’Etat, demeurent bel et bien des obsta-cles à l’expression de la souveraineté indi-visible du peuple. L’enjeu aujourd’hui est,ni plus ni moins, celui de la démocratieet de la sauvegarde de l’intérêt généralconfronté à un mode de gestion desaffaires publiques faisant la part belle auxintérêts privés et qui connaît, ces dernièresannées, une croissance inquiétante.

EXEMPLES DE PRIVATISATION PROGRESSIVEDE LA DÉCISION PUBLIQUE Ce développement de l’influence des inté-rêts privés sur la décision publique estune illustration de la grave crise queconnaît notre système représentatif, toutà la fois sa cause et la conséquence decelle-ci. Réponse négative à la technici-sation croissante du politique et à lasurproduction législative imposée parl’exécutif, ce développement est aussi lesigne inquiétant d’une privatisationprogressive de la décision publiqueconduite aux bénéfices de groupes d’in-térêts et au détriment du peuple. Il signaleun affaiblissement de l’Etat républicainet de ses institutions et laisse à penser àla société civile que la démocratie repré-sentative ne représente plus, désormais,que ceux qui, par leur position privilégiéeau carrefour du monde politique et dumonde économique, sont en capacitéd’influencer l’élaboration des normes etla décision des pouvoirs publics. Ilcontribue enfin à décrédibiliser l’activitédélibérative des citoyens et de leurs repré-sentants et fragilise jusqu’à l’idée mêmed’intérêt général, de démocratie et de res publica.

L’actualité nous fournit, hélas, denombreux exemples de cette crise de ladémocratie. Ces exemples soulignentl’ampleur de la servitude du pouvoirsarkozyste vis-à-vis de ses soutiens et deses « clients ». Ainsi le 7 septembre dernier,lors de l’examen du projet de loi definances rectificative, flairant le piège duMEDEF, je dénonçai dans l’Hémicycle,les amendements du député Jean-MichelFourgous qui, depuis, se sont avérés avoirété écrits par deux cadres de la Fédéra-tion française des sociétés d’assurances…De même que le MEDEF, la Scientologie(la secte américaine) semble disposer, aucœur de l’appareil étatique, de puissantssoutiens capables de modifier des dispo-sitions législatives et de protéger l’orga-nisation sectaire contre sa dissolution.Plus grave encore, la récente affaire Servieret les tentatives réussies du laboratoirepharmaceutique d’imposer ses vues auxparlementaires et aux organismes insti-

tutionnels de veille sanitaire au méprisde la santé publique nous alertent sur lesdangers concrets d’un lobbying unique-ment motivé par l’appât du gain. Ilsmettent également au grand jour, le travailde sape réalisé dans l’ombre par les« représentants d’intérêts », auprès des élus.

DES GARDE-FOUSUne récente étude le confirme, « lenombre d’organisations figurant sur leregistre des représentants d’intérêts (124)mis en place en octobre 2009 par l’As-semblée nationale est largement inférieurau nombre des acteurs auditionnés (4635) par les parlementaires » (in Etude surl’influence à l’Assemblée nationale, Trans-parence International France et Regardscitoyens, mars 2011). Cette étude nouspermet de constater que les dispositionsencadrant et définissant les « représen-tants d’intérêts » semblent clairementinadaptées car les contacts entrelobbyistes professionnels et décideurspolitiques apparaissent passer par desvoies constituées hors du champ régle-mentaire propre à l’Assemblée. Nonpublics, ces contacts sans être toutefoisillégaux contournent les quelques dispo-sitions du règlement qui leur sont consa-crées. Les articles 23 et 26 ne font ainsique réglementer l’accès des « représen-tants d’intérêts » au Palais Bourbon. Cequi se passe hors des murs de l’Assem-blée est, en revanche, passé sous silence.On le voit, les garde-fous de l’intérêtgénéral sont bien limités. Seul l’article 79encadre l’engagement des députés enfaveur des intérêts particuliers en leurinterdisant « d’adhérer à une associationou à un groupement de défense d’inté-rêts particuliers (…) ou de souscrire àl’égard de ceux-ci des engagements concer-nant sa propre activité parlementaire »

Contrairement à ceux qui, à droite,souhaitent installer le lobbying au cœurde la démocratie, et revendiquent ouver-tement les bienfaits de la privatisationdes étapes « information » et « réflexion »du processus décisionnel public (cf. leRapport d’information sur le lobbyingprésenté en 2008, par Jean-Paul Charié),je suis pour bouter les lobbies hors de nosinstitutions et pour encadrer strictementles relations entre les élus et les personnesmorales ou physiques dont l’activitéprofessionnelle consiste à représenter desintérêts particuliers dès lors que cescontacts ne sont pas publics. A cette fin,j’ai déposé deux propositions de loi visantà assurer l’indépendance de la fonction

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publique et des élus vis-à-vis des intérêtsprivés. Toutefois, ces dispositions, bienqu’utiles, ne peuvent suffire. Car leproblème fondamental est celui de laconnivence, la porosité, entre un certainmonde politique et celui des affaires. C’estcette collusion d’intérêts entre membred’une même classe qui fait la force de l’oli-garchie. La communauté de vie au seinde mêmes quartiers, les parcours univer-sitaires communs, les mariages « endo-games », les postes-clefs au sein desgrandes entreprises privées et publiquesdétenus et échangés « entre-soi », lesréunions de clubs, les parties de golf, lesvernissages… L’oligarchie s'affirmecomme une classe consciente d'elle-même et de ses intérêts qu’elle protège

en exerçant un « contrôle » de tous lesinstants sur les membres de ses réseaux.Comme le dénoncent fort justement lesPinçons-Charlot, « chacun multiplie sonpouvoir par le pouvoir des autres,augmentant d'autant la puissance de l'en-semble ». La nuit du Fouquet’s, le soir del’élection de Nicolas Sarkozy, a marquéle triomphe public de cette connivenceentre toutes les composantes de la classedominante : grands patrons, politiqueset show-biz (connivence que l’on retrouvedans la scandaleuse affaire Tapie). Elle asymbolisé la fin de l’intérêt généralcomme but de l’action publique.

Si l’on veut mettre fin à ce lobbying detous les instants d’une classe au bénéfice

d’elle-même, il nous faut prendreconscience de nous-mêmes, de la forcede notre solidarité. Il nous faut, commel’oligarchie, défendre nos intérêts, ceuxde notre classe et nous organiser pourabolir définitivement les privilèges dequelques centaines de familles qui déci-dent, à la place du peuple du sort de laFrance. Créer des barrières pour que nemeure pas la démocratie ne suffira proba-blement pas. Il en va du système politiquecomme du système économique et finan-cier, il faut rompre et non l’accompagner.Décidément, nous avons besoin de la VIe

République. n

*Jean-Pierre Brard est député de Seine-Saint-Denis.

LE PARTI SOCIALISTE DISSOUS DANS LES INSTITUTIONS DE LA Ve RÉPUBLIQUE ?

PAR RÉMI LEFEBVRE*

Le socialisme a, au cours de sonhistoire, longtemps cultivé une formed’extériorité à l’égard du système

politique et des règles du jeu de la démo-cratie représentative. La SFIO est un partide classes, issu de la matrice marxiste, àvocation révolutionnaire qui cherche àmettre en cause non seulement lesystème économique et social mais aussipolitique et institutionnel (même si sapratique de fait fut très tôt réformiste).Léon Blum distingue dans les années1930 conquête et exercice du pouvoir.Dans la culture socialiste (parlementaireet centré sur le collectif ) a longtempsperduré une méfiance à l’égard de l’élec-toralisme, du pouvoir et tout particuliè-rement du pouvoir personnel. L’élusocialiste tire avant tout son pouvoir dumandat que le parti lui a confié et nonde ses caractéristiques personnelles oude son capital politique individuel. Lessocialistes récusent la personnalisationdu pouvoir politique. Longtemps hostilesaux institutions de la Ve République et àleur logique présidentialiste, les socia-listes les ont aujourd’hui pleinementacceptées et intériorisées jusque dansleur fonctionnement interne. Devenuparti de gouvernement dominant àgauche, le PS est pleinement intégré dansle système politique français. Deux

évènements récents en témoignent :l’adoption des primaires ouvertes quiconsacre la présidentialisation du partiet la conquête du Sénat, produit d’uneimplantation locale sans précédenthistorique. Le PS est devenu un parti denotables qui joue pleinement le jeu prési-dentiel.

LES PRIMAIRES, CONSÉCRATION DE LAPRÉSIDENTIALISATION Les socialistes ont longtemps été hostilesà l’élection présidentielle, marque del’affirmation d’un pouvoir personnel.Guy Mollet a cherché dans les années1960 à démonétiser l’élection présiden-tielle au suffrage universel direct. Fran-çois Mitterrand, critique à l’égard desinstitutions (il est l’auteur du Coup d’étatpermanent, réquisitoire contre le prési-dentialisme) adopte une autre stratégie.Comprenant la centralité de cettenouvelle règle du jeu, il en fait un levierde l’union de la gauche et la met aucentre de sa stratégie de conquête dupouvoir. Mais les logiques d’opinion sontencore tempérées par le poids du parti.Alors que les sondages sont plus favora-bles à Michel Rocard, François Mitter-rand est désigné candidat en 1981.

Loin de remettre en cause le pouvoirprésidentiel, François Mitterrand leconsacre à partir de 1981. Le jeu partisan

se présidentialise fortement après 1988 :le trophée présidentiel structure laconcurrence interne et tend à surdéter-miner l’ensemble des enjeux intra-parti-sans. L’équilibre partisan se présiden-tialise. Les courants deviennent des« écuries » présidentielles, autour deLaurent Fabius, Lionel Jospin, MichelRocard notamment, et plus générale-ment des machines à répartir des postes(des sections aux ministères). Pourautant, la maîtrise du parti sur laquelleest centrée la lutte entre courants esttoujours pensée comme un enjeu prési-dentiel essentiel assurant la candida-ture. Les courants structurent toujoursle jeu interne, même s’il apparaît large-ment désidéologisé. Revenus au pouvoiren 1997, les socialistes renforcent lalogique présidentielle (adoption duquinquennat et inversion du calendrierprésidentiel).

L’élection présidentielle est devenuel’alpha et l’omega du système politique.La vie démocratique s’organise autourde la conquête du trophée présidentielqui structure les stratégies personnelles,les fonctionnements organisationnels,les cadrages médiatiques. Les socialistesont largement contribué à ce phéno-mène. L’adoption en 2008 du principedes primaires ouvertes consacre cettepersonnalisation du débat public. Le

Longtemps hostiles aux institutions de la Ve République et à leur logique présidentialiste, les socialistes lesont aujourd’hui pleinement acceptées et intériorisées jusque dans leur fonctionnement interne.

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SUITE DE LAPAGE 19 > « fait présidentiel », jugé intangible, est

avalisé par les socialistes comme l’ho-rizon indépassable de la démocratie, àl’instar de l’économie de marché. Enalignant le fonctionnement interne surles règles du jeu institutionnel, le PS s’in-terdit de tempérer la logique présiden-tialiste qui est comme redoublée. A l’élec-tion présidentielle les socialistes ontajouté un scrutin de présélection quirenforce ses effets. La présidence de laRépublique est plus que jamais le Graaldes dirigeants socialistes. Il surdéter-mine les logiques de la concurrenceinterne. Comme en témoigne le projetvoté en mai 2011, les socialistes ontprogressivement abandonné toutelecture critique des institutions qui« pensent » désormais à leur place (l’ex-pression est de Paul Alliès). En organi-sant les primaires et en légitimant cettepersonnalisation, le PS rend improbable,s’il retrouve le pouvoir, une transforma-tion de l’institution présidentielle.Comment remettre en cause la centra-lité d’un pouvoir que l’on a pleinementintériorisé dans son fonctionnementorganisationnel ? L’idée que le candidatfait l’élection prend le pas sur la construc-

tion idéologique d’une offre politique.La temporalité des primaires est celled’un rassemblement ponctuel autourd’un candidat. Ce modèle politique s’op-pose à une vision du parti commeconstruction d’un point de vue collectif,adossée à une vision du monde, visantà inscrire les valeurs de gauche durable-ment dans la société. A une rhétoriquepartisane de la mobilisation et de laconviction se substitue une esthétiquede la séduction où domine la mise enavant du style personnel. L’évolutionn’est certes pas nouvelle mais lesprimaires, nouveau feuilleton « démo-cratique », ne font que la renforcer.

LE PS, PARTI D’ÉLUS LOCAUX Si le parti socialiste remporte l’électionprésidentielle de 2012, il s’appuiera surune étendue de pouvoirs sans précédentsur le plan historique. La conquête duSénat en 2011 est le produit de dix ansde victoires locales aux élections muni-cipales, régionales et cantonales. Le PSest majoritaire dans la France urbaine,il dirige la quasi-totalité des conseilsrégionaux et 60% des conseils généraux.Seules trois grandes villes échappent à

sa domination locale (Marseille,Bordeaux et Nice). Le PS est devenu unemachine électorale performante sur leplan local, où les intérêts des profession-nels de la politique sont devenus domi-nants. Depuis 2002, la gauche se trouve dansune situation paradoxale. Affaiblie natio-nalement, écartée de la sphère dupouvoir central, elle n’a jamais autantprospéré localement. Le PS et les Vertsont accru de manière considérable leursnombres d’élus dont les pouvoirs ont étérenforcés avec la décentralisation. La« logique des élections intermédiaires »qui pénalise aujourd’hui les gouverne-ments de droite en place profite à lagauche. En rééquilibrant localement lepartage du pouvoir, elle assure une rentede situation aux partis de gauche quifont ainsi vivre des milliers de profes-sionnels de la politique dont les logiquesde carrière pèsent en retour sur les stra-tégies partisanes. La gauche se structureainsi de plus en plus par rapport à cettespécificité française institutionnelle : lenombre considérable de mandats élec-tifs liés à l’empilement des collectivitéslocales. C’est d’ailleurs ce marché des

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LA DÉMOCRATIE ANESTHÉSIÉEL’ébauche d’un nouveau visage du politique se met progressivement enplace et prépare tranquillement, sans bruit, en douceur, l’entrée dans unâge post-démocratique. Autrement dit, parlons clair : un despotismed’un genre nouveau.

PAR BERNARD VASSEUR*

L e constat ne fait guère de doute telle-ment les faits sont accablants : ladémocratie va mal aujourd’hui en

France. Les plumes les plus autoriséeset les plus diverses s’accordent à luitrouver un air désenchanté. On la ditatteinte d’une maladie de langueur quene parviennent pas (pas encore ?) àranimer la musique de la « démocratieparticipative » et celle de la « démocratiebloggeuse ». Et chacun de commencerpar souligner le nombre élevé desabstentionnistes lors des consultationsélectorales : de très loin le premier« parti » de France, notamment dans lesmilieux populaires, et cela de manièredésormais durable. On évoque aussi celuides non-inscrits sur les listes électorales,en particulier chez les jeunes. Et beau-coup d’accabler une société soit-disantrepue dans son confort et à l’horizonborné par son individualisme. Discoursmoralisateur, bien connu et bien-

pensant, qui s’épuise à stigmatiser cequ’il prend pour un désintérêt coupable.D’autres évoquent encore bien dessymptômes de cette atonie en cherchantses causes dans les institutions et lescomportements qu’elles autorisent ouperpétuent, dans la « vie politique ». Onpourrait citer bien des exemples mis surla table du « débat démocratique ». Àcommencer par le « présidentialisme »de la Constitution et la lecture person-nelle qu’en fait le locataire de l’Élysée,qui polarisent le pouvoir et son exercicesur la toute-puissance du « sommet » del’État, en dévitalisant toutes ses autresbranches et en les stérilisant dans lecommentaire incessant des faits et gestesdu « monarque ». On a aussi parlé d’unevéritable « crise de la représen tation » titred’un bel ouvrage de Daniel Bougnoux,quand les élus du peuple censés le repré-senter sont massivement perçus commepossédant un pouvoir dont ils font ceque bon leur semble : « On sait ce quevalent les promesses des campagnes

électorales ! » Ou encore, l’impasse duscrutin majoritaire : quand 51% des voixsuffisent pour l’emporter sur 49% et àrégner comme si l’on avait fait 100% !Quand, devant un si faible écart, c’est« la communication » qui fait gagner etla qualité du projet qui fait perdre. Oubien toujours, le piège du cumul desmandats et des indemnités, qui trans-forme la politique en « carrière agréable »,fabrique les « poids lourds » et les éter-nise, fige les conditions de « visibilité »et de notoriété, assied les notables, taritles vocations, stimule la « délégation depouvoir » et l’éloignement des citoyensqui, dans ces conditions, ne se sententplus « motivés » par la chose publique.On cite encore la stérilité du carriérisme,quand l’exercice du pouvoir est ressenticomme un moyen de bien gagner sa viequi vous dispense de la contrainte d’unvrai travail, au sens où tout le mondel’entend : « tu parles de la France, maistu songes surtout à retrouver ton siège » !Il y a aussi les soupçons de la corruptionou des « arrangements entre amis » :quand l’actualité montre qu’ils neseraient pas aussi infondés ni aussi raresqu’on le dit. Ou encore l’inefficacité desalternances : quand passé « l’état degrâce » initial, la désillusion s’installe et

postes électoraux que Nicolas Sarkozycherche à tarir avec la réforme des collec-tivités locales. La création du mandat de« conseiller territorial » doit permettrede réduire le nombre de postes deconseillers régionaux et cantonaux de6000 à 3500.

Jamais le PS n’a compté autant d’élus.Mais le pouvoir local pour quoi faire aujuste? Ces bases locales n’apparaissentpas aujourd’hui comme des leviers depolitisation. Les contours du « socia-lisme municipal » apparaissentaujourd’hui particulièrement flous. Lelocal, pourtant doté de marges demanœuvre réelles avec la décentralisa-tion, malgré le désengagement de l’Etat,n’apparaît plus comme un levier detransformation sociale (comme ce fut lecas dans les années 70). On se défend de« faire de la politique » au niveau local,pensé comme relevant essentiellementde la gestion. Le programme socialistemunicipal de 2007 n’était qu’une vaguedéclaration de principes qui n’inspiraque secondairement les candidats

locaux. L’apolitisme tient souvent lieude projet dans le discours d’élus qui cher-chent avant tout à conforter leur implan-tation et répugnent à tout marquagepartisan trop net de leur action. La dépo-litisation du discours local n’est au totalque l’envers de la notabilisation du parti.La « proximité » tient lieu de projet.

La professionnalisation du PS ne renvoiepas à ses seuls élus. Elle « travaille » aussile militantisme. Les intérêts profession-nels et militants se confondent souvent.De nombreux militants dépendent trèsdirectement (professionnellement laplupart du temps) des élus en raison dela transformation de la fonction publiquelocale, de la multiplication des struc-tures de cabinet à tous les niveaux descollectivités locales et des structuresdépendant du parti. La place numériqueet stratégique occupée par les profes-sionnels de la politique dans le PS, crois-sante depuis une vingtaine d’années ena bouleversé progressivement l’éco-nomie interne et l’économie morale. Lesintérêts électoraux sont devenus prépon-

dérants à tous les niveaux du parti, cequi cantonne les tâches d’élaborationprogrammatique et le travail militant leplus quotidien (en dehors des phases demobilisation électorale) au plus bas del’échelle des pratiques. Le PS se rétractesur ses réseaux d’élus alors que sedécomposent ses liens avec le mondedu travail, les catégories populaires, lesenseignants, les intellectuels, les asso-ciations, les syndicats… De plus en plusreplié sur ses jeux et enjeux propres, lePS est devenu un entre soi de profession-nels de la politique en apesanteur sociale.Présidentialisation de l’organisation etprofessionnalisation des élus ont donctransformé en profondeur le parti socia-liste qui ne se pense plus comme un outilde transformation sociale. n

Rémi Lefebvre Les primaires socialistes. Lafin du parti militant, Raisons d’agir, 2011. Rémi Lefebvre, Frédéric Sawicki, La sociétédes socialistes, Éditions du Croquant, 2006.

*Rémi Lefebvre est professeur de sciencepolitique à l’université de Lille 2.

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POURQUOI FAUT-IL UNE NOUVELLECONSTITUTION ?Une constitution, c'est le texte qui organise les relations entre lesdifférentes forces politiques et dans lequel le peuple inscrit un cer-tain nombre de principes, droits et devoirs

PAR MARIE-GEORGE BUFFET*

L’ abstention est aujourd'hui lapremière force politique dans lesmilieux populaires. L'idée que le

politique ne peut plus rien a gagné duterrain, conduisant des milliers depersonnes à s'abstenir de toute actionpolitique, voire même de toute revendi-cation. Dans le même temps, les causesprofondes comme les conséquencesmajeures de la crise économique actuelle

le prouvent clairement : nous avonsbesoin de plus de démocratie pour mettreun terme à la tyrannie des marchés finan-ciers et bâtir une autre société. L'élabo-ration d'une nouvelle constitution consti-tuerait un point d'appui en ce sens.Une constitution, c'est d'abord le textequi organise les relations entre les diffé-rentes forces politiques. Or cette organi-sation prive actuellement le peuple dupouvoir. D'un côté l'hyper-présidentia-lisation du régime de la Ve république a

la morosité gagne, semble-t-il, inéluc-tablement. Et quelle différence clairedemeure entre les politiques mises enœuvre, quand droite et gauche ne s’op-posent plus que sur des « valeurs » etpartagent la religion commune du« réalisme » et du « pragmatisme » quiles prépare à justifier leur capitulationen rase campagne et l’abandon de leursengagements les plus solennels ? Enfin,last but not least, le sentiment de« compter pour du beurre » : quand, parexemple, le « non » à la Constitutioneuropéenne, en 2005, croit entrer par laporte du referendum, mais est chassépar la fenêtre du passage en force parle-mentaire ! Autant de traits, remarquons-le, qui portent tous sur la « profession-nalisation » de la vie politique et laséparation qu’elle consolide entre« gouvernants » et « gouvernés ».Torpeur, impuissance, inertie, etc. Lediagnostic parait assuré : « le systèmedémocratique est bloqué » et le pouvoirconfisqué, puisqu’il n’en découle plus.Reste pourtant la question de fond : ceblocage n’est-il issu que de la lenteanémie de pratiques séculaires d’unedémocratie que tout le monde vénère,d’une « vieille dame » qui est notre éten-dard glorieux et qu’il suffirait de rajeunirun peu ? Ou, au contraire, est-il le résultatde l’anesthésie programmée d’unedémocratie qui ne fait plus l’affaire enhaut lieu ? Quelque chose commel’ébauche d’un nouveau visage du poli-tique se mettant progressivement enplace et préparant tranquillement, sansbruit, en douceur, l’entrée dans un âgepost-démocratique. Autrement dit,parlons clair : un despotisme d’un genrenouveau.Despotisme ? À peine lâché, le mot feranaturellement frémir d’indignation. Carévoquer le despotisme aujourd’hui, c’estconvoquer de sombres souvenirs et detristes passions : l’arbitraire délirant d’unfantoche, le parlement dissous, la loisuspendue, les libertés supprimées, lapresse bâillonnée, l’armée aux carre-fours, les prisons et les stades remplisd’opposants, etc. Une violence aveugleet brutale qui se déchaîne sans rime niraison et fige la société dans la peur.Quelque chose comme l’Amérique latined’il y a quarante ans, avec son cortègede dictateurs : Pinochet, Videla, Noriega,etc. Un mal qui, certes, continue deronger le monde en profondeur, mêmesi quelques-uns viennent de tomber avecfracas en Tunisie et en Égypte, mais quia, en tout cas, disparu d’Europe il y alongtemps, avec la mort de Franco, la

chute de Salazar et des colonels grecs.Un cancer que « l’Occident », irrépres-siblement gagné par la démocratie et legoût de la liberté, se plaît à conjuguerdésormais au passé. Et s’il est un spectrequi a bien fini de hanter « notre » monde– sinon « le monde » tout court dans sonensemble – c’est bien celui du despo-tisme. Franchement, qui s’en plaindrait ?Dès lors parler de despotisme à proposd’une société comme la nôtre paraîtratenir de la plus évidente mauvaise foi,voire de la farce de mauvais goût, et nemériter que haussement d’épaules ougigantesque éclat de rire : « Allons doncsoyez sérieux ! Nous n’avons jamais étéaussi libres ! Mieux : nous ne noussommes jamais sentis aussi libres de nosmouvements et libérés de tout ! D’ail-leurs, que faites-vous du suffrageuniversel qui s’exprime lors de consul-tations électorales régulières et plura-listes ? La démocratie est plus que jamaisnotre drapeau et notre mot d’ordre impé-rieux ! »Objections véritables qui paraissent « lebon sens même » et dont la pertinencesemblerait devoir conduire à tenir celivre pour une insupportable et inutileprovocation. À moins que !... A moinsque le despotisme dont il va être ques-tion soit tout différent de ce que l’onconçoit habituellement dans ce terme.Rien qui ne corresponde aux figuresantiques, et désormais obsolètes cheznous, du « tyran », du « dictateur » ou du« despote », telles que l’histoire nous lesa transmises. Mais bel et bien un

nouveau type de pouvoir. Un despotismequi flirte avec son contraire : un despo-tisme « cool », tout aussi « efficace », maisplus insidieux et plus doux que son loin-tain prédécesseur. Risquons le mot dèsà présent : un « despotisme démocra-tique ».On rétorquera sans doute : « Absurde !Balivernes ! Contradiction dans lestermes ! ». Et pourtant c’est bien de celaqu’il s’agit. Pour s’en convaincre, il faudrasortir de la politique stricto sensu (avecses institutions, ses pouvoirs et sesacteurs), aller voir dans ses « bas-fonds »et sur ses marges : dans tout ce quifaçonne les comportements et condi-tionne les modes de vie, à commencerpar le travail et la manière dont il esttraité aujourd’hui.Mais peut-être nous croira-t-on plusvolontiers si l’on veut bien considérerque l’idée de nouveau visage du poli-tique, de « despotisme démocratique »n’est pas tout à fait nouvelle. Elle a étéformulée pour la première fois par unéminent penseur, Alexis de Tocqueville,unanimement reconnu, admiré et tenupour « raisonnable », au point qu’on leclasse couramment aujourd’hui parmiles pères fondateurs du libéralisme clas-sique. n

Bernard Vasseur est philosopheLa Démocratie anesthésiée. Essai sur lenouveau visage du politique, Éditions del’atelier, 2011.Introduction publiée avec l’aimableautorisation de l’éditeur.

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aggravé la perte de pouvoirs du parle-ment et, de l'autre, les règles électoralescontribuent à la formation d'une véri-table oligarchie politico-financièresouvent dénoncée par les médias et trèspeu représentative de la population. Lasituation de l'Assemblée nationale illustreassez bien cette idée. Sans parler desconnivences entre certains député-e-s etles milieux financiers, un simple regardsur sa composition est éloquent. Sur 577député-e-s, elle ne compte plus un seulouvrier, seulement 6 employés du secteurprivé et 1 fonctionnaire de catégorie C.Elle compte en revanche 76 fonction-naires de catégorie A et supérieure, 47cadres supérieurs du privé, 42 médecinset pharmaciens et 26 professeurs d'uni-versité. 300 député-e-s ont plus de 60 anset seulement 17 % sont des femmes.

LE PEUPLE PRIVÉ DU POUVOIRLe pouvoir d'initiative des député-e-s est,pour ainsi dire, nul. L'article 40 de laconstitution leur interdit en effet dedéposer une proposition de loi ou unamendement qui aurait pour consé-quence d'augmenter une charge publiqueou de diminuer les recettes publiques.Cela signifie concrètement que lesdéputé-e-s communistes n'ont pas ledroit de mettre en débat, en séance, lacréation d'un service public du logementou de l'eau. Cet article a même servi àrefuser la formation des policiers à l'ac-cueil des femmes victimes de violenceset la mise en place d'un observatoire deces violences ! Le temps de parole desdéputé-e-s est compté. Lors de la dernièrerévision constitutionnelle, il a été instituéun « temps programmé ». Ainsi, lesdéputé-e-s CRPG ont disposé de moinsde 8h pour présenter leurs propositionslors de la réforme des retraites, alorsmême que ces idées étaient majoritairesdans le pays. Comme l'urgence avait étédéclarée, il n'y a eu en outre qu'une seulelecture, au lieu de deux en général, confis-quant encore davantage leur parole. Cettevolonté de couper court aux débats setrouve poussée à l'extrême dans l'examendu budget, qui constitue pourtant enthéorie le cœur de l'activité parlemen-taire. Non seulement il n'est en réalité paspossible de le modifier, mais en outre, lesdéputé-e-s CRPG n'ont pu disposer aumieux que d'une quinzaine de minutespar politique publique !

Nous sommes donc très loin de la défi-nition de la démocratie comme exerciceeffectif du pouvoir par le peuple. La consti-tution actuelle organise un régime où les

parlementaires disposent d'un pouvoird'expression réduit et de la possibilitéd'infléchir les décisions gouvernemen-tales seulement à la marge. Évoquerl'exercice direct du pouvoir dans notreconstitution conduirait à noircir consi-dérablement le tableau. L'exemple duréférendum sur le Traité constitutionnelrésume très bien la situation : lorsque lepeuple dit « non », des démarches sontentreprises pour obtenir le « oui » attendu.Il apparaît donc logique de revendiquerune nouvelle constitution pour permettreau peuple d'exercer de manière effectiveson pouvoir.

DES PRINCIPES, DES DROITS ET DES DEVOIRSUne constitution est aussi le texte danslequel le peuple inscrit un certain nombrede principes, droits et devoirs dont ilestime qu'ils doivent s'imposer à toutesles lois. Ces principes tracent les grandeslignes du type de société que l'on souhaiteconstruire à plus ou moins long terme.Avec la Déclaration des droits de l'Hommeet du citoyen, la France a été l'un despremiers pays à s'engager dans cette voie.Mais, aujourd'hui, force est de constaterque les déclarations de droits qui se sontsuccédées et parfois superposées répon-dent imparfaitement aux besoins popu-laires.

L'exemple de la participation des travail-leurs à la gestion des entreprises, sujetqui est au cœur des solutions à la criseactuelle, mérite un développement parti-culier. Historiquement, son inscriptiondans la constitution date de 1946, périodeoù les forces progressistes ont jugé néces-saire de rompre radicalement avec l'oli-garchie politico-financière des annéesd'avant guerre, qui avait réprimé les mani-festations ouvrières et confié très majo-ritairement les pleins pouvoirs à Pétain. Ce principe n'est pour l'heure toujourspas appliqué. À chaque fois que lesdéputé-e-s communistes avancent despropositions législatives concrètes poursa mise en œuvre, ils sont accusés de sacri-lège car ils remettent en cause le droit depropriété tel que défini dans la déclara-tion des droits de 1789, à savoir un droit« inviolable et sacré ». Mais à cette époque,déjà, cette définition faisait débat. Commele rappelle l'historien Jacques Godechot,elle a été imposée par des nobles et desbourgeois qui étaient tous propriétairestandis que pour d'autres, comme Robes-pierre, le droit de propriété est « borné,comme tous les autres, par l'obligationde respecter les droits d'autrui. »

Cet exemple, tout comme celui du droitau travail également inscrit dans la consti-tution en 1946, montre deux choses. Enpremier lieu, le droit reflète des rapportsde force politiques et idéologiques. Ensecond lieu, il constitue un point d'appuipour infléchir sur ces rapports. Aussi, l'ins-cription dans la constitution de l'égalité« dans tous des domaines » entre leshommes et les femmes en 1946 acontribué, grâce à des années de durscombats des femmes pour la rendre effec-tive, à celle de la parité en politique en1999 et dans l'accès aux responsabilitésprofessionnelles en 2008. Cela a permisdes avancées concrètes, même si l'éga-lité pleine et entière reste encore àconquérir. Il apparaît donc logique et utilede revendiquer la révision de la liste desdroits fondamentaux, en veillant à la clartéet à la normativité des règles édictées.L'élaboration de nouveaux rapports poli-tiques comme l'édiction de nouveauxdroits ne peuvent résulter que de lavolonté populaire. Aussi, la question dela méthode est posée avec force.

À court terme, il est important de renforcerla place du bon droit dans notre édificeconstitutionnel par des réformes rapidespermettant l'exercice effectif des droits,par exemple en généralisant le scrutinproportionnel ou en créant un véritablestatut de l'élu, ou encore en précisant quele droit au travail implique la mise enœuvre d'une véritable sécurité d'emploiou de formation, que le crédit bancairedoit être géré dans le cadre d'un servicepublic et qu'un service public ne peut êtregéré comme une entreprise privée.

Mais l'enjeu d'une démocratisationprofonde de la société réside aussi dansl'appropriation des leviers du pouvoir partous et toutes, afin que soient rendusinévitables l'application et l'approfon-dissement dans les faits des avancéesobtenues en droit. Les réformes mention-nées ci-dessus et la mise en place d'uneassemblée constituante, associée à l'or-ganisation de débats populaires dans toutle pays, vont dans ce sens. Elles consti-tuent, aussi, un point central duprogramme du Front de gauche pour laprésidentielle. n

Jacques Godechot, Les Constitutions de laFrance depuis 1789, Flammarion, Paris, 1979,p.26 et p.72.

*Marie-George Buffet est députée de Seine-Saint-Denis, responsable du front de gauchedes luttes.

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LA REVUE DU PROJET - OCT-NOV 2011

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LE DOSSIER Place au peuple

DROIT DE VOTE DES RÉSIDENTS ÉTRANGERS : UN ENJEU DÉMOCRATIQUE !Le droit de vote reste un élémentconstitutif fondamental de lacitoyenneté.

PAR FABIENNE HALOUI*

Pour s'assurer le contrôle de sadestinée, le peuple doit rependrele pouvoir : c'est le fil rouge de la

VIe république que porte le Front deGauche à ces élections présidentielleset législatives. Peut on concevoir cetteaffirmation démocratique sans aborderla citoyenneté des résidents étrangersalors que notre constitution assurel'égalité devant la loi de tous lescitoyens sans distinction d'origine, derace ou de religion ?Les étrangers ont acquis au fur et àmesure des années, notamment grâceaux luttes, des droits quasi égaux à ceuxdes nationaux, ils sont responsablesd'associations, délégués syndicaux,représentants de parents d'élèves, élec-teurs pour la désignation des conseilsde prud'hommes : la citoyennetésociale est aujourd'hui un conceptlargement reconnu. Le droit d'associa-tion qui leur a été reconnu en 1982 leurpermet aussi d'adhérer et de militerdans un parti politique ! Mais la citoyen-neté politique s'arrête aux portes del'isoloir pour les étrangers non commu-nautaires de l'Union européenne alorsque l'opinion publique, sondage aprèssondage, semble désormais acquise, à70 %, au droit de vote de tous les rési-dents étrangers !

DROIT À LA DOUBLE CITOYENNETÉ Certes la démocratie délégatairemarque ses limites, nos institutionssont en crise. À l'heure où nombre decitoyens s'interrogent sur la façon dereprendre leur vie en mains, il sembleindispensable de conquérir des droitsnouveaux, la citoyenneté ne pouvantplus se limiter à l'exercice du seul droitde vote. Pour autant, le droit de votereste un élément constitutif fonda-mental de la citoyenneté. Chaque êtrehumain doit être pleinement citoyenlà où il vit, travaille, paie ses impôts.C’est la garantie d’une citoyennetéparticipative, active et d’une construc-tion partagée entre les différents habi-

tants d’un territoire pour vivreensemble, égaux et solidaires. Cetteconception de la citoyenneté de rési-dence était déjà inscrite dans la consti-tution du 24 avril 1793. La reconnais-sance de cette citoyenneté ne peut êtreconditionnée à l’obligation de natura-lisation. Par contre, elle implique dereconnaître un droit à la doublecitoyenneté comme il existe un droit àla double nationalité.

DROIT DE VOTE ET D’ÉLIGIBILITÉ À TOUTES LES ÉLECTIONSLe droit de vote ne saurait être séparédu droit à l’éligibilité. Pour le PCF, il nepeut exister des citoyennetés politiquesà plusieurs niveaux, des citoyennetésprincipales et des citoyennetés secon-daires. Cette conception suppose quenous accordions le droit de vote et d'éli-gibilité aux étrangers à toutes les élec-tions. Au sein de la gauche, cette posi-tion est celle aussi d'EuropeEcologie-les Verts. Par contre, le Partide Gauche et le Parti Socialiste seprononcent pour un droit partiel auxseules élections locales. Depuis 30 ans,le débat porte donc sur les seules élec-tions locales !

En 1981, François Mitterand avaitrenoncé au droit de vote des étrangersqui était une de ses promesses électo-rales. En 2000, la proposition de loiaccordant le droit de vote aux électionslocales aux étrangers non communau-taires fut votée par l'assemblée natio-nale mais Lionel Jospin refusa de l'ins-crire à l'ordre du jour du Sénatmajoritairement à droite. Si en 2001,Nicolas Sarkozy avouait ne pas êtrechoqué par la perspective de voir lesétrangers non communautaires voterpour les scrutins cantonaux et muni-cipaux, la nouvelle proposition de loidéfendue par les députés socialistes etsoutenue par les communistes et lesverts, fut repoussée le 30 mars 2010 par313 députés de la majorité présiden-tielle qui ont ainsi rejeté l'idée dedemander aux Français de seprononcer sur cette question par refe-rendum. Alors que le changement demajorité au sénat permet, à nouveau,de mettre cette question à l'ordre dujour (le 8 décembre) et pourraitconduire en 2012 à l'adoption d'une

loi, la Droite populaire, le 17 octobredernier, suivie par le Front national, ily a quelques jours, a lancé une pétitioncontre le droit de vote et d'éligibilitédes étrangers non communautaires auxélections locales. Une occasion pouralimenter la campagne de stigmatisa-tion des étrangers et entretenir, partemps de crise, le climat xénophobe derejet et de division. Le secrétairenational de l'UMP n'a-t-il pas déclaréque le droit de vote des étrangers rele-vait d'une idéologie servant la dissolu-tion de la patrie !L'injustice ne provient pas des immi-grés mais d'un Gouvernement qui necesse de durcir les mesures contre lesétrangers, que ce soit sur l'acquisitionde la nationalité, le droit d'asile ou lespolitiques d'immigration. C'est aucontraire en accordant la citoyennetéde résidence aux résidents étrangersnon communautaires que la justice etl'égalité des droits progresseront. LaFrance rattraperait ainsi son retard ausein de l'Union Européenne, alors que17 états se sont déjà prononcés sur cettemesure. Lorsque les droits de minoritésprogressent, c'est toute la société quiavance dans la voie de l'émancipation.n

*Fabienne Haloui est responsable du sec-teur Lutte contre le racisme et les discri-minations du PCF.

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SEPTEMBRE 2011 - LA REVUE DU PROJET

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REDESSINONS LA DÉMOCRATIE TERRITORIALE !Il s’agit moins de définir d’en haut la physionomie future des collectivités territoriales dont nousaurions besoin que de la construire par et pour le peuple. C’est une nécessité pour dépasser le capitalisme mais aussi pour répondre aux immenses défis d’une société en mouvement, et d’un peuple qui bouge et qui change.

PAR JEAN-MARC COPPOLA*

Nous arrivons au bout de la Ve Répu-blique. Ses institutions sont para-lysées par l’obsessionnelle réduc-

tion des dépenses publiques, sa viséedémocratique bouchée par les intérêtsde la finance mondialisée. Les agencesde notation, suppôts des marchés finan-ciers, font la pluie et le beau temps, endroit et place des citoyens et des besoinssociaux et environnementaux. Le débatpolitique ne joue plus son rôle deconfrontation des visions, des orienta-tions et des projets, ayant glissé vers leprésidentialisme, la bipolarisation et lespetites phrases sans fond. Les servicespublics tournent a minima, préparantla conquête de pans entiers de l’activitéhumaine, jusque-là épargnés dans lacourse au profit, par le secteur concur-rentiel privé. La porosité entre le milieudes affaires et l’exécutif révèle un pour-rissement du régime par sa tête. Et lesrecords d’abstention révèlent sans appelle rejet par notre peuple du fonctionne-ment actuel de la vie politique.

UNE NOUVELLE RÉPUBLIQUEL’instauration d’une VIe République estaujourd’hui ressentie comme uneexigence, une priorité et une urgencepour une part grandissante de la popu-lation. Confrontée au débat démocra-tique qui s’ouvre en vue des échéancesde 2012, cette nouvelle République devrapasser le cap du slogan pour devenir uneexigence populaire à mettre en œuvre.Elle passera par l’abrogation pure etsimple de la réforme 2010 des collecti-vités. Cet ensemble de textes signel’abandon du pouvoir politique de proxi-mité aux mains d’un État centralisateuret d’une Europe de l’austérité pour lespeuples, qui se complaisent dans la règled’or imposée par les Sarkozy, Merkel,Berlusconi, Papandréou, BCE et FMI. Cequ’ont clairement exprimé les éluslocaux exaspérés en envoyant une majo-rité de gauche au Sénat. Ecartés de toutesles décisions qui influent sur leur vie, lescitoyennes et les citoyens doiventreprendre la main et revenir au centredes choix de société. Un grand débat

public doit être lancé dans tous les quar-tiers et lieux de travail afin de fairemonter les exigences populaires, à tousles échelons du territoire. Ce n’estqu’après cette étape démocratique indis-pensable que pourra être organiséel’élection d’une assemblée constituante,distincte et indépendante de l’Assem-blée nationale, qui aura la charge derédiger la nouvelle Constitution fran-çaise. Constitution intégrant une orga-nisation territoriale qui remet à l’hon-neur une décentralisation compatibleavec l’égalité et la cohésion républicainesainsi que la solidarité nationale, garan-ties par l’Etat. Un Etat émancipé desmarchés financiers. Un Etat de droit mupar l’intérêt général et la régulationsociale. Un Etat qui s’appuie sur une orga-nisation territoriale plus démocratique.

UNE NOUVELLE DÉCENTRALISATIONAinsi une nouvelle décentralisation doitêtre pensée, ni comme une déconcen-tration des superstructures étatiques, nicomme une localisation et régionalisa-tion de collectivités autonomes et fragilesdans un monde de plus en pluscomplexe, mais prenant appui sur descollectivités publiques aux champs decompétence clairement répartis et unrefus catégorique de la mise en concur-rence des territoires comme peut l’in-duire le phénomène de métropolisation.La prise en compte permanente desaspirations et des besoins des habitantsne peut plus reposer sur un systèmeexclusivement délégataire. Autrementdit, de nouvelles formes d’implicationdes citoyens restent à inventer. La géné-ralisation des espaces de participationcitoyenne et des budgets participatifspeut apporter un début de réponse à lanécessaire vivification des pratiquesdémocratiques. Mais celle-ci seraitincomplète sans un large volet denouveaux droits pour les salariés et lescitoyens, dans le sens d’une appropria-tion sociale de l’entreprise. L’élargisse-ment du droit de vote aux étrangersextracommunautaires et des consulta-tions populaires de type référendumaprès débat public sont d’autres mesuresnécessaires au renouveau démocratique.

Contrairement à une certaine propa-gande qui ne vise qu’à réduire les margesde manœuvres de lieux décisionnairesde proximité, l’existence de communes,d’intercommunalités librement consen-ties, de départements et de régions neconstituent pas un millefeuille inefficaceet dispendieux. Un nombre élevé d’éluset d’individus en responsabilité est aucontraire un gage d’élargissement de laparticipation populaire à la vie de la cité.Á condition de définir un statut de l’élu(sécurité professionnelle et matérielle,transparence obligatoire de l’activité,non cumul, renouvellement, parité, révo-cabilité…) et de développer les coopé-rations entre des collectivités dont l’au-tonomie doit être assurée par le maintiendu principe de libre administration.

RÉFORME DE LA FISCALITÉEnfin aucune réorganisation d’unenouvelle République ne sera efficace sansune remise à plat et une réforme globalede la fiscalité faisant davantage contri-buer les actifs matériels et financiers desentreprises et toutes les activités spécu-latives. Nous devrons innover et légiféreren matière de financement public descollectivités et de l’État, pour les protégerdes prédateurs financiers, en recréantdes liens dynamiques et mutuellementavantageux avec des banques véritable-ment coopératives, mutualistes etcitoyennes. Chaque année, un fonds depéréquation, associé non seulement àl’arrêt du désengagement de l’État maisaussi au renforcement de ses dotationscompensatoires, assurerait ainsi desressources pérennes et suffisantes auxcollectivités pour financer leurs actionset répondre aux attentes des popula-tions. Ces attentes portent autant en ellele renforcement, la modernisation et ledéveloppement des services publics deproximité qu’une nouvelle ambitionindustrielle et agricole, favorisant unnouveau mode de développementhumain respectueux du patrimoinesocial et environnemental. n

Jean-Marc Coppola* est vice-président dela Région PACA et responsable du secteurréformes des collectivités locales du PCF.

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LA REVUE DU PROJET - OCT-NOV 2011

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Place au peupleLE DOSSIERSOCIÉTÉ ÉGALITAIRE OU SOCIÉTÉ D’ORDRE SEXUÉ ?La bataille idéologique fait rage, dans une situation de crise systémique, les conquêtes des femmes sontremises en cause au nom du « libre choix ».

PAR LAURENCE COHEN*

En 2011, n’est-il pas paradoxal dedevoir écrire un article justifiantl’importante et incontournable

place des femmes dans la vie des insti-tutions publiques et politiques ?Faut-il rappeler l’héritage de la révolu-tion française et notamment l’article 6de la déclaration des droits de l’hommeet du citoyen de 1789 qui proclame « Tousles citoyens étant égaux aux yeux de laloi sont également admissibles à toutesles dignités, places et emplois publics,selon leurs capacités et sans autredistinction que celles de leurs vertus etde leurs talents ». Ces droits universelssont en réalité des droits essentielle-ment masculins. Et pourtant, certainsphilosophes « des Lumières », commeCondorcet, posent la question desfemmes dans la sphère publique.Olympe de Gouges prête sa voix auxfemmes dans une déclaration des droitsde la femme. D’autres femmes sont dansla rue pour exiger du pain ! Mais la révo-lution les exclut de l’expression forma-lisée, institutionnalisée de la vie poli-tique.

Le conservatisme de la société françaisea maintenu les femmes dans une situa-tion d’infériorité juridique durant desdécennies. Quelques rappels pourmémoire : les filles ne sont accueillies àl’école publique qu’en 1878, ce n’estqu’en 1944 que les femmes ont obtenule droit de vote et d’éligibilité ; jusqu’en1946, les réductions des salaires fémi-nins étaient légalement autorisés ;jusqu’en 1965, les femmes n’avaient pasle droit de travailler sans demander l’au-torisation de leur mari ; jusqu’en 1967,les moyens de contraception médicale,notamment la pilule, étaient interdits ;la dépénalisation (sous conditions) del’IVG, n’a été adoptée définitivementqu’en 1979…Ainsi, outre les différentesformes de pressions culturelles ou reli-gieuses, les institutions républicaines denotre pays joueront un rôle importantdans l’existence et le maintien des domi-nations masculines sur les femmes.Ce sont les luttes des femmes quipermettront qu’elles soient reconnuescomme des citoyennes à part entière !

Mais la bataille idéologique fait rage etdans une situation de crise systémique,les conquêtes des femmes sont remisesen cause au nom du « libre choix ». Parlerde liberté de choix dans une société capi-taliste est un leurre qui peut conduire àdes positions fausses et dangereuses.Pour n’en rester qu’au sujet de la placedes femmes dans les institutions, notrerôle de parti révolutionnaire n’est-il pasde créer les conditions favorisant la prisede pouvoir des femmes ?

On ne peut, en effet, en rester à ce constataccablant : les femmes occupent uneportion congrue dans la sphère politique,même après le vote de la loi sur la paritéle 6 juin 2000. Cette loi qui fait toujoursdébat au sein de la société française,jusque dans nos rangs : « La parité seraitune affaire de quotas, elle institutionna-liserait la différence des sexes, elle obli-gerait les femmes à assumer des respon-sabilités alors qu’elles ne sont pas prêtesou pas capables… Une femme pour unefemme, c’est un non sens. » Il est inté-ressant de noter qu’on ne s’interrogejamais sur les capacités réelles deshommes, elles sont « naturelles».

LA BATAILLE DE LA PARITÉCes blocages, que l’on retrouve dans tousles partis politiques y compris au seindu PCF, ne sont-ils pas dus, pour unepart, au fait que s’attaquer aux pouvoirspolitiques, c’est aussi remettre en causeles comportements individuels, intimesqui touchent la sphère privée ?

Pourtant, au-delà des controversesconcernant la parité, cette loi nous inviteà construire de nouvelles avancéesdémocratiques. La parité n’est pas unefin en soi, il s’agit d’un levier, d’un outilpermettant de remettre en cause l’ex-clusivité du pouvoir masculin et d’ob-tenir la reconnaissance de l’égalité desdroits dans le domaine politique. Maiscette loi doit être modifiée, enrichie pourobtenir enfin le partage des pouvoirs.Les mesures financières ne sont pas suffi-santes, elles sont même inefficaces. Lesgrands partis paient les pénalités, et rienne change sur le fond. Mettons en placeun bilan des candidatures et au-dessousdes 50% de représentation des femmes,

le parti concerné serait frappé par uneinterdiction administrative de concourirà telle ou telle élection. Ainsi, il seraitpénalisé dans la représentation de tousses candidats qu’ils soient hommes oufemmes. N’y aurait-il pas égalementbesoin de mesures coercitives commel’arrêt des modes de scrutins uninomi-naux au profit des scrutins de liste ? Atitre d’exemple, les femmes ne sont que107 femmes députées soit 18,7% à l’as-semblée nationale, alors qu’elles sont48,8% dans les conseils régionaux.

L’exemple de la réforme des collectivitésterritoriales illustre parfaitementcombien le combat contre les discrimi-nations de sexe reste un enjeu démocra-tique. Si cette loi n’est pas abrogée, denombreux conseillers seront suppriméset remplacés par des conseillers territo-riaux siégeant à la fois dans les conseilsgénéraux et les conseils régionaux avecun titulaire et un suppléant. Il y a fort àparier que les titulaires seront deshommes, les suppléantes des femmes,ce que nous venons de vivre auxdernières cantonales ! Les choix descandidatures pour les élections législa-tives de 2012 étant en cours, il nous fautêtre particulièrement attentives à lareprésentation des candidates. Quandon se bat pour la pleine égalité entre lesfemmes et les hommes, on se bat pourfaire évoluer la société tout entière. Ainsi,notre engagement va de pair avec celuien faveur de la proportionnelle, indis-pensable pour sortir du poids de la noto-riété des sortants, permettant un vrairenouvellement, donc plus de femmeset de jeunes. Enfin pour donner un sensnouveau aux institutions il est indispen-sable de permettre aux hommes et auxfemmes de toutes conditions sociales departiciper aux affaires du pays, ce qui néces-site de mettre en place un statut de l’élu. La situation des femmes, leurs conquêtessont un baromètre de la civilisation, à nousde mener le combat ensemble pour faireen sorte que la société fasse un bond enavant en obtenant l’égalité politique. n

*Laurence Cohen est responsable du secteurDroits des femmes/féminisme du PCF.

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LA REVUE DU PROJET - OCT-NOV 2011

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PAS D’ALTERNATIVE À GAUCHE SANSDÉMOCRATISATION DES MÉDIASLe débat à la Fête de L’Humanité,entre les « responsables médias »du Front de Gauche (PCF, PF, GU)et du PS, a montré le fossé sépa-rant les différentes propositions.

PAR JEAN-FRANÇOIS TÉALDI*

A ussi loin que remonte le pouvoirmédiatique, la question de sa démo-cratisation a régulièrement fait l’objet

d’envolées politiques avant chaque élec-tion, tant il est vrai que de l’ORTF àaujourd’hui, de la « télévision voix de laFrance » à la décision de Sarkozy denommer les PDG de l’audiovisuel public,la droite a toujours eu la main mise sur lescontenus des journaux radios ou télévisés.Le pluralisme n’a jamais été respecté et lespositions communistes sont quasimentexclues des reportages. Il en va de mêmepour la presse écrite dominante, où jamaiscomme aujourd’hui, la constitution degroupes multimedias autour de quelquesgrand oligopoles, les attaques contre ladistribution coopérative et la faiblesse desaides aux journaux à faibles ressourcespublicitaires, posent un grave problèmedémocratique. Malheureusement, aprèsla parenthèse de liberté amorcée entre 1981et 1983, la gauche au pouvoir n’a jamaispris les mesures permettant cette démo-cratisation ; le débat à la fête de L’Huma-nité, entre les « responsables médias » duFront de Gauche (PCF, PF, GU) et du PS, amontré le fossé séparant les différentespropositions. Au-delà des luttes des person-nels pour le développement industriel, lesemplois ou les contenus, grèves de plus enplus défensives, la question d’une alterna-tive permettant le respect du pluralismeest posée à l’ensemble de la gauche. En casde victoire législative, la gauche majoritaireau parlement devra sans attendre abrogerla nomination des PDG de l’audiovisuelpublic par le président de la République etinscrire le Droit à l’information et à la culturedans la Constitution, tant pour les médiaspublics que privés.

REDONNER VIE AU PLURALISMELa loi devra renforcer les dispositifs anti-concentration par abaissement des seuilset interdire, pour les groupes financiers,industriels et de services, les situationsde monopole national ou régional ; inter-

dire aux groupes tributaires decommandes de l’Etat de posséder desmédias. Il faudra créer une structure derégulation de la presse écrite. Nousconforterons les principes coopératifsmis en place à la Libération par un soutienaccru au réseau de distribution et devente, l’aide aux journaux à faibleressource publicitaire, l’aide postale etl’aide aux transports. Nous renforceronsle droit d’auteur mis à mal par la loiHadopi et par la Commission euro-péenne. T F 1 ne respectant pas le cahierdes charges, nous relancerons un appeld’offre pour l’exploitation de sa conces-sion. L’AFP conservera son statut.

Pour remplacer un Conseil supérieur del’audiovisuel déliquescent, nous créeronsun Conseil supérieur des Médias quicontrôlera le respect des obligations. Ilélaborera un statut des médias publics,privés et associatifs, en relation avec lessyndicats. Sa composition sera tripartite :parlementaires, professionnels et citoyensdans les représentations qu’ils se donnent(syndicats, associations) ; son président(e)sera élu(e) par le CSM. Il rendra comptede son travail devant les États générauxdes médias et sollicitera le Parlement.Pour assurer la souveraineté populairenous créerons des États généraux desMédias, constitués de professionnels, deparlementaires, de syndicats, d’associa-tions. Les ÉGM pourront interpeller leCSM ou les Conseils d’administration desentreprises du pôle public.

Le droit des salariés et leur représenta-tion dans les Conseils d’Administrationseront accrus dans toutes les entreprises.Dans le secteur public, leur représenta-tion sera portée à 50% ; un collège desusagers sera institué. Les PDG seront éluspar les Conseils d’administration surproposition du CSM et sur un projet d’en-treprise. Dans toutes les entreprises depresse nous permettrons aux rédactionsde s’opposer aux nominations des respon-sables éditoriaux par saisine des Comitésd’entreprises. Les groupes privés decommunication seront imposés en fonc-tion de leur politique de l’emploi en CDIet de leur respect des Conventions collec-tives. Nous donnerons un statut légal auxentités rédactionnelles comme le récla-ment les syndicats de journalistes et légi-féreront pour assurer une étanchéité entreles actionnaires et les rédactions.

Malheureusement force est de constater queles propositions pour la presse, adoptées parle PS, sont très loin de toutes ces mesuresindispensables. Certaines sont même inquié-tantes pour l’audiovisuel public ; rien n’estdit sur les industries, les aides à la presse, lestatut de l’AFP, peu sur l’intervention dessalariés, les concentrations.

Oui c’est bien de ruptures dont le plura-lisme a besoin, du type de celles propo-sées par la commission médias du PCFet que nous allons travailler dans lesprochaines semaines avec nos partenairesdu Front de gauche, afin de les déclineravec les citoyens dans les ateliers législa-tifs du programme partagé. n

*Jean-François Téaldi est responsable dusecteur médias du PCF.

DROITS NOUVEAUX CONTRE CAPITALISMEFINANCIERIl nous faut avoir l'ambition de trois exigences politiques de conquêtede pouvoir : sur les institutions, sur l'argent et sur la gestion desentreprises

PAR ERIC CORBEAUX*

P ierre Laurent, secrétaire nationaldu Parti communiste français décla-rait, lors de la Fête de l'Humanité :

« Nous voulons de nouveaux droits pourles travailleurs, nous voulons despouvoirs pour la gestion des entreprises,

nous voulons la démocratie sociale, carsans elle, la gauche se brisera sur les puis-sances de l'argent ». N'est ce pas l'unedes conditions majeures pour redonnerle pouvoir au peuple sur le terrain stra-tégique des lieux de travail !Quand nous écrivons dans le programmepopulaire partagé que les institutions

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LE DOSSIERSUITE DE LA

PAGE 27 > ont éloigné le pouvoir du peuple, provo-quant une grave crise démocratiquenous expliquons là une des raisons del'abstention. Mais ne faut-il pas souli-gner également l'éloignement des déci-sions stratégiques des entreprises horsdes murs du groupe, à l'échelle mondialeoù de plus en plus les marchés finan-ciers dictent les choix industriels. Enpleine crise du capitalisme structurantune situation sociale catastrophique,pouvons-nous convaincre de placer"l'humain d'abord" sans nous attaqueraux pouvoirs des banques et des action-naires ? Il nous faut avoir l'ambition detrois exigences politiques de conquêtede pouvoir: sur les institutions, sur l'ar-gent et sur la gestion des entreprises.Sinon, point de salut possible pour lagauche qui se fracassera sur les marchésfinanciers. La constitution dispose, enalinéa 8 du préambule de 1946 que « touttravailleur participe par l'intermédiairede ses délégués, à la déterminationcollective des conditions de travail ainsiqu'à la gestion des entreprises ». Cetteparticipation n'est guère effective !

Dans son livret spécifique aux syndiqués,la CGT Renault souligne la double stra-tégie du groupe Renault : opacité et éloi-gnement des décisions stratégiques desinstances et déstructuration des collec-tifs de travail avec une politique d'isole-ment, de concurrence entre les travail-leurs associée à une remise en cause dudroit syndical. Outre les dégâts occa-sionnés sur les conditions de travail, cetterecette connue mais intensifiée enpériode de crise, vise à augmenter le tauxde profit, dans une vision à court terme.L'actualité, avec les conflits à PSA, laFonderie du Poitou, Mittal, Fralib, StillMontataire ou M Real met en lumière

l'enjeu décisif de faire entrer la démo-cratie dans les entreprises pour stopperla course à l'argent roi qui démantèle lesoutils de production sur notre territoire.2 millions d'emplois industriels ont étésupprimés en 30 ans ! C'est une ques-tion politique majeure qui est au cœurdes mouvements sociaux. Les salariésde Montupet, après avoir refusé l'odieuxchantage d'une baisse de salaire contrele maintien de leur emploi, voientaujourd'hui leur entreprise en redresse-ment judiciaire. Demain, c'est unerestructuration complète des usines deculasse qui risque d'arriver, Montupetinvestissant 40 millions d'euros en Indeet en Irlande.

FATALITÉ INDUSTRIELLE OU FATALITÉ FINANCIÈRE? L'État qui participe à la hauteur de 20%au groupe Renault et qui siège au Conseild'Administration, a accepté, il y aquelques années, de vendre la filièreculasse à des financiers misant sur unebaisse des prix par la mise en concur-rence. Cette même logique entraîneaujourd'hui le groupe Montupet à délo-caliser. Nicolas Sarkozy et Carlos Gohnsont donc complices d'une politique quidétruit des emplois mais qui surtout affai-blit la France de ses atouts industriels !Les syndicats des Fonderies du Poitouavec la CGT Renault exigent la reprise dela fonderie par le constructeur automo-bile français qui est son principal client(75% des commandes). Et ils ont raison !

Le Front de gauche des luttes s'emploieà être très présent dans ces conflits trèsdurs de l'industrie qui risque de perdre300 000 emplois ces prochains mois.Derrière un mot d'ordre qui fleurit sur lesfrontons des usines occupées: « Ouvrier

contre Financier » : Quel débat enga-geons-nous pour mettre en perspectiveen amont des casses industrielles, uneproposition majeure du Parti commu-niste français : l'avènement d'une réelledémocratie économique et sociale, grâceà la reconnaissance de droits nouveauxdonnés aux salariés et à leurs représen-tants dans la gestion des entreprises.

Nos députés ont déposé un projet de loiallant dans ce sens. Saisissons nous decette proposition dans les ateliers légis-latifs avec les candidats du Front degauche pour lui donner de la crédibilitéà partir du vécu des salariés, à partir d’unterritoire, à partir de situations concrètes.Ne peut-on pas imaginer également unerencontre nationale de syndicalistes desbanques et de l'industrie sur l'interven-tion des salariés sur les choix stratégiquesde leur entreprise : levier qui pourraitnourrir des convergences autour de l’exi-gence d’un pôle public financier pour ledéveloppement de filières industrielles ?

Placer l'humain et les citoyens d'abord,ce n'est pas limiter notre intervention àla résistance aux marchés financiers maissurtout avoir l'ambition de changer lerapport de force entre le capital et letravail, par la conquête de nouveauxpouvoirs. Ce sera sans conteste le terrainidéologique et politique d'affrontementsen 2012, dans le contexte de crise quenous traversons. À nous de l'occuper pourcontrer le sentiment qui domine, d'im-puissance face aux délocalisations et auxfermetures d'entreprises et qui peutnourrir abstention ou colère noire. n

*Eric Corbeaux est responsable du secteurLuttes sociales et activité politique sur leslieux de travail du PCF.

Réagissez à ce dossiercontactez-nous !

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Place au peuple

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“ UNE CONSTITUTION DÉMOCRATIQUE, DES LIEUX DE TRAVAIL AUX INSTITUTIONS ”

Pour s’assurer le contrôle de sadestinée, le peuple doit reprendrele pouvoir. Nous voulons de

nouvelles institutions pour garantir lasouveraineté populaire, assurer laprimauté de l’intérêt général sur les inté-rêts financiers, permettre une implica-tion populaire continue dans tous les actesde la vie professionnelle, sociale et poli-tique par l’inscription de nouveaux droitspour les citoyen-ne-s et les salarié-e-s.La constitution que nous défendonsmentionnera la reconnaissance desdroits sociaux : droit à l’emploi et autravail, à la santé, au logement, à l’édu-cation, à la protection sociale.Elle renforcera les pouvoirs du citoyenlà où il travaille, en reconnaissant lacitoyenneté d’entreprise : nous instau-rerons des droits nouveaux pour les sala-riés dans l’entreprise et le statut desgrandes entreprises sera redéfini entenant compte de leur responsabilitésociale. Le pouvoir économique ne seraplus entre les mains des seuls action-naires, les salariés et leurs représentantsseront appelés à participer aux choixd’investissement des entreprises entenant compte des priorités socialesécologiques et économiques démocra-tiquement débattues. L’avis favorabledes représentants du personnel ou descomités d’entreprise sera obligatoirepour toutes les décisions stratégiques.Nous instaurerons un droit de vetosuspensif sur les licenciements et l’obli-gation d’examiner les contre-proposi-tions présentées par les syndicats. Dans les entreprises publiques, le droitdes usagers sera reconnu et exercé. Ledroit de grève et de se syndiquer, laliberté d’expression seront confortés.Les comités d’entreprise se verrontreconnus des droits étendus d’expertise,de contrôle, de propositions et de déci-sions. Les délégués syndicaux interen-treprises dans les TPE seront reconnus,nous agirons pour l’extension des droitsdes « comités de groupe » au niveau desgroupes européens. La hiérarchie desnormes sera rétablie (pas d’accord d’en-treprises moins favorables que lesaccords de branche). Une véritablemédecine du travail dotée de moyens deprévention d’analyse et de décision seradéveloppée. Nous mettrons immédiatement en placeune citoyenneté de résidence. Les rési-

dents extracommunautaires bénéficie-ront du droit de vote aux électionslocales.Contre le présidentialisme, nous défen-drons le régime parlementaire et restau-rerons la balance des pouvoirs. Nousvoulons rétablir la primauté de l’Assemblée nationale sur l’exécutif. Lespouvoirs exorbitants du président de larépublique doivent être supprimés dansle cadre d’une redéfinition générale etd’une réduction de ses attributions. Legouvernement sera responsable devantl’Assemblée nationale. Nous propose-rons la suppression du Sénat ou saréforme profonde pour devenir unechambre relais des collectivités localeset des initiatives citoyennes. La propor-tionnelle sera rétablie pour toutes lesélections. La parité sera garantie par laloi, le cumul des mandats strictementlimité en nombre et dans le tempsNous garantirons l'indépendance de lajustice à l'égard du pouvoir exécutif [...]La constitution que nous voulons garan-tira l’indépendance des médias à l’égarddu pouvoir politique et des puissancesde l’argent. Les présidents des chaînespubliques seront nommés par leurconseil d’administration dans lesquelsles représentants du personnel consti-tueront 50% des membres. Nous amélio-rerons les conditions de travail des jour-nalistes pour permettre une informationindépendante, pluraliste et de qualité.Le droit des citoyens à intervenir dansle processus de développement de larecherche sera inscrit dans la constitu-tion. Nous garantirons la création deforums citoyens des sciences et de latechnologie à tous les niveaux territo-riaux, dotés de pouvoir d'enquête, dèslors que les populations concernées enmanifesteront la demande. La compo-sition de ces instances reliées par unréseau national sera représentative detous les acteurs de la vie publique.Travaillant aux côtés des instances derecherche existant dans ces territoires,leur travail, évalué par des scientifiques,donnera lieu à un rapport annuelexaminé par l'Assemblée nationale. Legouvernement sera tenu d'y répondre.Nous créerons un ministère de l'Éduca-tion populaire et des libertés associa-tives. [... ] Nous renforcerons les pouvoirsdes instances regroupant les associa-tions au plan national (CNDA et CPCA)

qui prendront une place prépondérantedans la gestion d'un observatoirenational de la vie associative.

L’IMPLICATION POPULAIRE PERMANENTENous voulons renforcer et amplifier lasouveraineté directe du peuple. Ladémocratie participative sera inscritedans la Constitution et des lois décline-ront ce principe pour donner les moyens,les outils, les espaces, pour sa mise enœuvre. Elle s’appliquera à l’élaborationdes lois, à la mise en œuvre des grandespolitiques publiques et à la gestion descollectivités territoriales, notamment aumoyen de budgets participatifs.Un statut de l’élu(e) dans toutes lescollectivités (communes, départements,régions, assemblées nationale et euro-péenne) sera garanti ainsi qu'un statutdu bénévole.Une nouvelle instance nationale plura-liste chargée du contrôle de constitu-tionnalité sera créée en lieu et place duConseil constitutionnel actuel ; lescitoyens ayant pouvoir de la saisir.Nous créerons de nouveaux domainesd’intervention populaire. Le réfé-rendum, ou toute autre forme de consul-tation populaire directe, pourra êtreinitié par voie de pétition réunissant unpourcentage conséquent de la popula-tion. Tout changement du périmètre desservices publics sera décidé aprèsconsultation du peuple.L'initiative d'une loi sera ouverte auxcitoyennes et aux citoyens, aux organi-sations syndicales et associations.”

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D’ IDÉES

LA REVUE DU PROJET - OCT-NOV 2011

COM

BAT

«Tu peux tout accomplir dans la vie si tu as le courage de le rêver, l’intelligence d’en faire un projet

Par GÉRARD STREIFF

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trop de mise ; le genre s'est imposé commeune forme respectable de créativité, il estreconnu : on estime qu'un livre acheté surquatre est un polar; il n'y a plus de mauvaisgenre, simplement parfois, comme partout,de mauvais auteurs ; le polar était hierlimité à des collections prestigieuses etprécises, aujourd'hui tous les éditeurs s'ymettent. La mode non seulement du polarmais du polar politique est telle qu'on solli-cite volontiers les hommes, les femmespolitiques pour participer à cette entreprise.

Dans la dernière période, c'est le casnotamment du maire (UMP) du Havre etdu conseiller de Juppé, MM. EdouardPhilippe et Gilles Boyer, qui ont écrit  Dansl'ombre, chez JC Lattès, sur les coulissesdes partis de droite ; d'Eva Joly, candidateverte à la présidentielle, auteure de Lesyeux de Lira (Les arènes) sur la corrup-tion, le blanchiment et les trafics d'in-fluences ; de Jean-Louis Debré, Jeux dehaine ( Fayard noir), qui se veut un coupde colère contre «  les petits marquis dela finance  » (!) ; le président du ConseilConstitutionnel en est déjà à son sixième

roman noir. Disons que ces romans parti-cipent d'un air du temps ; ce n'est pas cequi s'écrit de mieux dans le genre maisces titres sont significatifs de la popularitéet de l'efficacité de la littérature policière.

Il est peut-être plus intéressant de noterqu'il existe en France une tradition duroman policier « engagé », terme à la foisdiscrédité et en voie de réhabilitation, unelittérature noire de critique sociale dura-blement installé dans le paysage roma-nesque après 1968, ce qu'on appelle le« néo-polar ». Dès les années cinquante,il y eut quelques précurseurs, et on liraavec bonheur la production de JeanMeckert (1910 / 1995), qui signait aussisous le pseudonyme de de Jean Amila. Ilutilisa le roman noir pour évoquer lesfusillés de 14/18 ( Le boucher des Hurlus ),les dérives militaristes (La lune d'Omaha),le colonialisme (La vierge ou le taureau ).«  Je suis un ouvrier qui a mal tourné  »disait-il. Son œuvre, un temps éclipsé,connaît un nouvel écho ; il est une réfé-rence pour des auteurs comme Daeninckxou Pécherot ; ses livres sont republiés,chez Losfeld ; des travaux universitaireslui sont consacrés ; il a donné le nom à unprix, au festival d'Arras, chaque PremierMai. Après 1968, le polar s'est « gauchisé »,avec de superbes plumes comme Jean-Patrick Manchette (1942/1995), qui déclare(en 1993): «  Le bon roman noir est unroman social, un roman de critique socialequi prend pour anecdotes des histoires decrimes  ». Tout est dit. On relira L'affaireN'gustro, inspirée par le dossier Ben Barka,Nada sur la dérive terroriste d'un certaingauchisme,  La position du tireur couché ...Manchette, donc mais aussi Jean Vautrin,Frédéric H. Fajardie, Thierry Jonquet, Jean-Bernard Pouy, Marc Villard, etc. , auteursde textes radicaux et libérateurs... On citeraencore Didier Daeninckx et Meurtres pourmémoire, en 1984, qui évoque la répres-sion, largement occultée jusque là, de lamanifestation des Algériens à Paris enoctobre 1961, mais il faudrait évoquer toutela production de cet auteur ; Jean-HuguesOppel et French tabloïd (2005), superbe

En ces temps où la politique n'a guère la cote, lepolar politique, lui, semble bien marcher.Paradoxe ? Souvent mieux que le cinéma, leroman « policier » en effet sait coller à la viepublique. Sans doute parce que c'est un genrequi aime montrer les tensions, les coups tordus,en poussant un peu, mais pas trop, la réalité ; quimet d'emblée le lecteur dans une situation decrise et l'amène (l'amuse) à chercher la solution.Sans doute aussi parce que le polar est un genre,en France notamment, qui manie volontiers lacritique sociale. Depuis 1968 notamment.

e roman noir de la poli-tique  » : juste avant l'été, l'hebdo -madaire Le Monde des livres (10 juin 2011)titrait ainsi le dossier qu'il consacrait aupolar. Le « chapo », en Une, de la journa-liste Raphaelle Leyris s'interrogeait : « Lepolar est-il le genre idéal pour explorer laparanoïa politique ? » Et dans l'article, ellenotait : « Comment raconter la politique ?Comment s'en emparer pour faire œuvrede fiction ? (...)  » Par la littérature, esti-mait-elle, «  plus précisément par sabranche polar, la seule à se colleter à laquestion. (…) Comme si le pouvoir et saconquête ne pouvaient être saisis que surle mode de la paranoïa. Comme si le polarétait le seul genre assez décomplexé pourélucider l'intrigue politique. »

On remarquera en passant que la condes-cendance à l'égard de la littérature poli-cière, qui a longtemps prévalu, n'est plus

«L

Polar et politique

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réaliste, et la volonté de voir ce projet mené à bien.» Sidney A. Friedman, économiste américain

mise en scène à la mode polar (avec unclin d'oeil à Ellroy) de la campagne prési-dentielle de 2002 ; Caryl Ferrey et Utu(Série noire) sur la vengeance à la modemaori...

Le néo-polar n'a sans doute plusaujourd'hui la position hégémonique dansla famille du noir qu'il avait dans les années70/80 mais il perdure et s'affirme toujoursavec brio. Pour preuve, L'honorable société(2011) de Dominique Manotti ( et DOA), àla Série noire. Manotti est une grandedame qui a déjà décortiqué aussi bien l'ar-rivisme mitterrandien que l'affairismesarkozyste ( À nos chevaux, Kop). L'hono-rable société part de la mort d'un salariédu CEA (Commissariat à l'énergieatomique) à quelques heures du premiertour de la présidentielle ; s'y croisentbarbouzes et industriels dans un thrillerqui dénonce les liens du pouvoir et du fric.Dans un entretien à la revue L'ours polar,elle présente ainsi son engagement litté-raire : «  J'ai longtemps eu la convictionque je pouvais, que j'allais, participer auchangement de la société dans laquelleje vivais, pour ne pas dire à une révolu-tion. J'étais donc une militante très

engagée, et je concevais mon métier d'his-torienne comme un instrument d'élucida-tion du présent. Aujourd'hui, je n'y croisplus, ou tout au moins pas pour ma géné-ration. Peut-être pour la suivante ? Alorsje cherche à raconter ce que je connaisde cette société dans laquelle je vis, à touthasard. Le roman noir me paraît la formela plus adaptée, et qui me procure le plusgrand plaisir. »

L'actualité continue de fournir un richeterreau aux «  polardeux  », les exemplesfoisonnent : on lira par exemple Sur laroute de Gakona de JP Jody (Seuil), surles tentations militaires d'utiliser le climatà des fins douteuses ou son Chères toxinessur la mafia des firmes pharmaceutiques ;Roger Martin et Jusqu'à ce que mort s'en-suive ( Cherche-midi) sur le racisme dansl'armée américaine ; Lali Walker, Aumalheur des dames, sur l'affairisme pari-sien (Parigramme) ; Antoine Blocier etCamping sauvage  (Krakoen) sur l'exclu-sion, etc.

Les enjeux politiques internationaux sontégalement bien traités : La frontière  dePatrick Bard (Seuil) est une terrifianteplongée dans les marges mexicano-nord-

américaines (2002). La tétralogie La cruci-fixion en jaune de Romain Slocombe surle Japon est remarquable.  Adieu Jéru-salem d'Alexandra Schwartzbrod, un polard'anticipation sur (notamment) le conflitisraélo-palestinien, vient de recevoir le Grand prix de la littérature policière.

Et nous restons ici, de manière tout à faitarbitraire, dans un cadre franco-françaismais ce genre d'investigation est aussitrès présent chez les grands auteurs anglo-saxons, européens (les scandinaves notam-ment), africains, sud américains... Tout sepasse comme si les auteurs de la « noire »,décomplexés comme l'écrit la journalistedu Monde, évoquaient plus facilement etplus librement la société et ses traversque les écrivains de la (littérature)« blanche », même si ces dernières années,le roman « classique » s'ouvre plus large-ment au monde.n

SOIRÉE ÉLECTORALE«  La soirée électorale bat son pleinsur toutes les chaînes de télé. Au rez-de-chaussée du siège du parti deGuérin, un grand buffet a été préparépour les militants. Jambons, fro-mages et vins de pays. Plusieurspostes de télévision retransmettentles débats et les commentaires de dif-férentes chaînes. Au premier étage,Guérin, les membres de sa garde rap-prochée qui ne sont pas sur les pla-teaux de télé et quelques amis choisiscommentent les prestations de tel outel, et boivent du champagne. Sonian'a pas fait d'apparition. Elisa (…)coince Guérin dans l'embrasure d'unefenêtre :« Soubise, c'est nous ?Nous quoi ?Son assassinat.  »

Extraits de L'honorable société  deDominique Manotti, Série Noire,2011.

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D’ IDÉESCO

MBA

T SONDAGES

Page réalisée par GÉRARD STREIFF

POUR LA FRANCE,LA MONDIALISATION

EST

LES ADHÉRENTS ET LA MONDIALISATION

Les idées sociales-démocrates

l Un danger parce qu'elle menaceses entreprises et son modèlesocial : 40%

l Une chance parce qu'elle luiouvre des marchés à l'étranger etla pousse à se moderniser : 22%

l Ni l'une ni l'autre : 33%

l Ne se prononcent pas : 5%

L'altermondialisme

Le courant autogestionnaire

L'humanisme chrétien

Le marxisme

Le libéralisme économique

L e numéro de juin de la Revue Socialistelivre une longue enquête consacrée aux

120 000 adhérents du PS ; il s'agit d'unpublic majoritairement masculin, âgé,diplômé et de moins en moins syndiqué.Interrogés sur leurs références idéolo-giques, les sondés se montrent «  acquisau principe de l'économie de marché maisviscéralement hostiles au libéralisme écono-mique  » dit l'étude, qui montre aussi desmilitants plus «  à gauche  » que les élec-teurs PS : «  les militants sont davantageantilibéraux sur le plan économique etpoussent plus loin le libéralisme culturel ».

L'idéologie des militants socialistesQUELLES SONT POUR VOUS

LES RÉFÉRENCES IDÉOLOGIQUES NÉCESSAIRESÀ L'ORIENTATION DE L'ACTION DU PS ?

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NOTES Chaque mois, des secteurs de travail du PCF produisent des analyses,des propositions, des notes. Cette rubrique publie leurs travaux :ù

SANTÉ

UNE POLITIQUE DE SANTÉRÉPONDANT AUX BESOINSHUMAINS Une volonté clairement affirmée ausein du Front de gauche de rompreavec les politiques actuelles et depromouvoir une vraie alternativeprogressiste concernant la dépen-dance et les centres de santé

POUR UNE ABROGATION DE LA LOI HPST. Après s’être clairement opposée à la loi« Hôpital, patients, santé, territoires »,HPST dite loi Bachelot lors des phasesde projet, notre commission est engagéeavec détermination dans la résistance etl’opposition à sa mise en œuvre un peupartout sur le territoire national. En effet,il n’est pas question d’attendre 2012 pourenvisager une opposition aux mauvaiscoups d’autant que le pouvoir frappe fortet que les dégâts seraient trop impor-tants si nous attendions. En mêmetemps, nous sommes clairement pourune abrogation de cette loi ainsi que desmécanismes actuels de financement desétablissements de santé (T2A et EPRD) ;à noter que le Front de gauche est la seuleforce politique à indiquer clairementcette volonté et cet engagement derompre avec la situation actuelle.

LA « DÉPENDANCE »Nous préférons parler de perte d’auto-nomie. Nous avons collectivementélaboré un positionnement du Pcf quiest devenu depuis celui du programmepopulaire partagé pour le Front deGauche. Il est important de tordre le coupà une campagne médiatique orchestréepar le pouvoir visant à dramatiser laproblématique pour justifier des déci-sions individuelles avec le recours à l’as-suranciel. La perte d’autonomie est unevraie question mais qui peut se gérerpour un pays comme le notre. Nousavons marqué notre opposition à lanotion du « 5e risque » proposée par lepouvoir et le Medef. Cette conceptionest éminemment d’inspiration assuran-cielle et ne correspond pas à notreconception de cette problématique.Nous avons aussi repoussé un nouveaudécoupage de la sécurité sociale quiconduirait à une rupture supplémen-taire de l’unité de la sécurité sociale. Ceserait le cas d’une nouvelle branche qui

aurait en outre un objet actuellementpartiellement couvert par l’assurancemaladie qui serait de fait « siphonnée »par ce nouveau découpage. Au contraire,nous affirmons l’universalité de l’assu-rance maladie, nous voulons la renforceret y intégrer la réponse aux besoins dela perte d’autonomie. Nos propositionss’articulent autour de deux piliers : ledéveloppement du service public et lefinancement à 100% par la sécuritésociale. Bien évidement, cela doit arti-culer prévention, dépistage et prise encharge solidaire avec un droit universelde compensation de la perte d’auto-nomie. La prévention passe par le déve-loppement notamment des vertusprotectrices de l’activité physique ouintellectuelles, de l’intégration sociale,d’une alimentation équilibrée. Celarenvoie aussi au rôle social des personnesprofondément nié dans notre société.La prévention passe aussi par leremboursement à 100 % par l’assurancemaladie des dépenses de santé notam-ment les prothèses dentaires, auditiveset des lunettes. Cela passe aussi parl’amélioration des conditions de travailet le développement de la prévention etdes services de santé au travail.

• En termes d’organisation et de struc-turation : proposition de développe-ment de tous les services publics pourprendre en charge les différents aspectsde la perte d’autonomie (transports,logements, service à la personne, etc.).Une coordination départementale est àprévoir avec un pôle public adossé auconseil général permettant de contrôlerdémocratiquement les orientationsprises sur le terrain en terme de compen-sation de la perte d‘autonomie. Uneconsolidation nationale est indispen-sable pour notamment établir descritères nationaux garantissant la mêmeréponse quels que soient le territoire etle moment de l’année. Il faut une indé-pendance totale et des critères indiscu-tables. Il faut aussi engager une vastepolitique de formation, de profession-nalisation et de création en nombred’emplois qualifiés des services d’aide àla personne, en partenariat avec lemonde associatif en proposant d’inté-grer les personnels à la fonction publiqueterritoriale, ce qui fera de nouvellesressources pour la protection sociale. • En termes de prise en charge et definancements : La prise en charge et sonfinancement doivent relever de la soli-darité nationale à partir des richessescrées par le travail dans les entreprises. > SUITE

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L’humain etl’émancipationhumaine au cœur de ces notes : qu’il s’agisse de la santé, de lareconnaissance des Trans ou de l’abolition de la peine de mort.

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NOTES Chaque mois, des secteurs de travail du PCF produisent des analyses,des propositions, des notes. Cette rubrique publie leurs travaux :

C’est le 100% remboursé par la sécuritésociale à travers l’assurance maladie.C’est aussi le financement de la protec-tion sociale par la cotisation liée au travailet une cotisation supplémentaire sur lesrevenus financiers des entreprises, desbanques et assurances.

CENTRES DE SANTÉ Pour répondre aux défis de la proxi-mité mais aussi aux attentes des professionnels de santé, nous propo-sons de promouvoir les centres desanté comme alternative progressiste.Nous avons édité un numéro spécialdu Globule Rouge info pour synthétisernotre proposition.

Nous publions par Internet tous les mois« Globule Rouge Info » pour faire état del’actualité et des positionnements de lacommission et quatre fois par an « Acœur ouvert » en direction des salariésdu secteur. N’hésitez pas à donner descoordonnées pour le recevoir àl’adresse : [email protected] n

JEAN-LUC GIBELINanimateur de la commission

Santé / Protection sociale

EXISTRANS

TRANS : LÀ AUSSI L’HUMAIND’ABORD !Avancer dans l’émancipation humaineen refusant le formatage et en recon-naissant la multiplicité des cas

L a récente « marche Existrans » le 1er

octobre dernier a – pour un trop brefmoment – braqué quelques projec-

teurs sur la vie difficile des personnestrans. À bien des égards, tout leur estrefusé, chaque pas en avant vers la recon-naissance de ce qu’est chacune d’entreelle, dans sa complexité particulière, tientde l’exploit. Voilà des êtres humains qui,dès leur naissance et l’éveil de leurconscience, se sentent d’un genre diffé-rent de celui qu’on leur a donné lorsqu’ilssont venus au monde, au vu de leurphysique. « Pas normal ! » proclame-t-on dans cette société où la norme n’estque l’expression de l’idéologie domi-nante et l’exigence de formater l’humainpour servir les puissants. Alors, c’estpathologie et psychiatrie, tutelle médi-cale et diktat bureaucratique de l’État,stérilisation forcée ou pas de papiers…et toujours du fric, du fric, du fric.

PÉNALISER LA TRANSPHOBIELe PCF est fier d’être depuis plusieursannées – par le biais d’une propositionde loi de Marie-George Buffet – à l’ini-tiative d’exigences de pénalisation et deluttes contre la transphobie génératricede souffrances, de violences et de meur-trissures ; transphobie dont l’État lui-même donne en quelque sorte l’exempleen corsetant et bâillonnant ces hommeset ces femmes comme je viens de le souli-gner. Mais nous devons aller plus loin.Constatons en premier lieu que la dépsy-chiatrisation annoncée en mai 2010 parla ministre de la Santé de l’époque, Rose-lyne Bachelot, n’a rien changé à la rela-tion entre la personne et les médecinsqui ont à voir avec son dossier. La déci-sion appartient toujours à ces derniers.Unilatéralement, cet arbitraire doit êtrebanni. Il est contraire à la citoyennetéqui appelle la résolution de telsproblèmes. La mise en œuvre de ceconcept – inédit de ce point de vue –pourrait, dans chaque cas, se traduirepar l’installation d’un atelier où, avec lesdifférents médecins ad hoc, la personneconcernée recevrait les moyens deconstruire, assumer et réaliser sa déci-sion dans toutes les dimensions par ellevoulues.

REFONTE DES PROCESSUS ET PRINCIPESJUDICIAIRES ET ADMINISTRATIFSÀ l’évidence, cela suppose des forma-tions universitaires spécialisées et néces-saires, la prise en charge des soins par laSécurité sociale, une totale refonte desprocessus et principes judiciaires etadministratifs – longs et coûteux d’inad-missible façon – concernant l’identitéde genre et ses changements. Certainsaspects évoqués peuvent prendre dutemps ? Raison de plus pour s’y mettreau plus vite et pour l’heure assurer l’accèsaux dispositifs existant à l’étranger avecles prises en charge nécessaires et lareconnaissance juridique et administra-tive immédiate et gratuite dans notrepays, une fois établi le parcours décidé.

ASSURER LA PROTECTION DES MIGRANTSLa France jouerait ainsi un rôle majeurpour en finir avec l’intolérable queconstitue la classification des spécifi-cités trans dans la liste des maladiesinternationales dressée par l’OMS. Patriedes droits humains, elle doit aussi assurerla protection des migrant-e-s trans aulieu de les renvoyer dans leur pays d’ori-gine lorsque la prison, la lapidation ouencore la mort les y attendent.Enfin, aborder cette question, c’est aussi

et surtout souligner la multiplicité descas. Nous l’avons dit : refus du forma-tage. Certains, certaines souhaitent aller« jusqu’au bout » d’un parcours trans etchanger à tous égards de sexe. D’autressouhaitent autre chose et veulent êtrereconnu-e-s d’un autre genre que celuiavec lequel on les a marqués. La notionde « genre social » doit intervenir dansnotre législation ! Là aussi, créer du neufest à l’ordre du jour afin que pour cespersonnes comme pour toutes les autres,ce soit d’abord l’humain qui compte.Avancer ainsi dans l’émancipationhumaine – car c’est bien de cela qu’ils’agit, même si là, le chemin est plusétroit et escarpé que d’autres, donc plusdur à défricher – telle doit être l’ambi-tion des communistes, et l’annonce dela préparation d’une proposition de loipar Marie-George Buffet avec le concoursdes associations concernées va y contri-buer.C’est une exigence de notretemps. n

RICHARD SANCHEZmembre du CN du PCF,

en charge des questions LGBT, Collectif Fier-e-s et révolutionnaires

PEINE DE MORT

30e ANNIVERSAIRE DE L’ABOLITION DE LA PEINE DE MORT1

L’abolition de la peine de mort fait partiedu socle commun des pays européens.Cette sentence inhumaine recule dansle monde, mais le chemin est encorelong vers l’abolition universelle...

Pour ce 30e anniversaire de l’aboli-tion de la peine de mort en France,j’aurais souhaité pouvoir éprouver

plus de bonheur. Mais, le 21 septembre,à 23 h 08 heure locale, aux États-Unis,pris dans un terrible piège judiciaire,Troy Davis, dont la culpabilité était plusque douteuse, a été exécuté par injec-tion létale. Emprisonné durant vingt-deux ans, dont vingt dans le couloir dela mort en Géorgie, il n’aura cessé jusqu’àl’ultime seconde de clamer son inno-cence et d’exiger la justice et la vérité.Ce même 21 septembre, au matin,Alizera Molla Soltani – jeune iranien de17 ans - est mort, pendu à une grue enpublic.Ce 30e anniversaire coïncide aussi de peuavec l’incarcération puis la condamna-

SUITE DE LAPAGE 33 >

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tion à mort de Mumia Abu Jamal, figureemblématique du combat contre lapeine de mort, victime lui aussi d'unemachine judiciaire impitoyable dans unevieille démocratie qui ne se prive pour-tant pas de donner des leçons au monde.Je lui ai rendu visite deux fois dans lecouloir de la mort de la prison deWaynesburg en Pennsylvanie. Je peuxvous assurer que c’est un momentd’émotion intense.

L’ABOLITION DE LA PEINE DE MORT, UN LONG CHEMINEn France, le gouvernement de 1981 aété courageux et je salue ici l’implica-tion personnelle du Président RobertBadinter, alors Garde des Sceaux. Al’époque, alors que l’opinion publiquey était majoritairement opposée, l’abo-lition de la peine de mort a été votée.Depuis lors, le débat public a permis defaire triompher l'idée profondémentprogressiste et humaniste qu'aucunepersonne ne pouvait être légalementprivée de la vie ; l’idée qu’aucune indi-gnité ne pouvait être considérée commedéfinitive ; la conviction qu’en tout étatde cause, la mort d’un être humain nepouvait répondre à la mort d’un autreêtre humain. Aujourd’hui, la majorité del’opinion est opposée à la peine de mort. Je veux rappeler aussi l’engagement indé-fectible contre la peine capitale des parle-mentaires communistes – tout particu-lièrement de mon regretté ami CharlesLederman – et leurs propositions de loipour l’abolition en 1973 et 1979. Le chemin fut long, en France, pourparvenir à la suppression de la peine demort. C’est de longue date que des voixse sont élevées pour son abolition. Ellesviennent du siècle des Lumières. Ce sontcelles de Michel Le Peletier de Saint-Fargeau en 1791, celle de Victor Hugo,de Jean Jaurès, d’autres encore [...]En 1981 même, d’aucuns considéraientque cette réforme pouvait attendre. AuSénat, elle a été adopté par 160 voixcontre 126. Ne nous y trompons pas. Desnostalgiques de la peine de mort conti-nuent encore de se manifester. Depuis1981, on compte une trentaine de propo-sitions de loi émanant de quelquespoignées d’élus français pour la rétablir. Ce fut le cas à l’Assemblée nationale en2004, de celle déposée par quarante-septdéputés UMP en faveur du rétablisse-ment de la peine de mort pour lesauteurs d’actes de terrorisme. En 2006,quarante-neuf sénatrices et sénateursdéposaient une proposition tendant àporter à trente ans la période de sûreté

pour « les crimes les plus odieux ». L’ex-posé des motifs constituait un véritableréquisitoire pour le rétablissement de lapeine de mort, allant jusqu’à affirmerque l’abolition de la peine de mort avaitété décidée « dans l’euphorie d’un étatde grâce qui… péchait par excès d’opti-misme ou par sensibilité à sens unique ».Aujourd’hui, Marine le Pen propose unréférendum pour rétablir la peine capitale ! Nous savons bien que, toujours, l'instrumentalisation des peurs et desdésordres de la société est pain béni pourtous ceux qui ne renoncent pas à la loidu Talion[...]

POUR L’ABOLITION UNIVERSELLE DE LA PEINE DE MORTC’est dans cet esprit que j’avais moi-même défendu, au nom de mon groupe,une proposition de loi « tendant à créerune journée nationale pour l’abolitionuniverselle de la peine de mort ». Elle futadoptée à la quasi-unanimité de notreassemblée le 12 février 2002. Je regrettequ’elle n’ait jamais été portée à l’ordredu jour de l’Assemblée nationale. Néan-moins, je me suis réjouie de l’inscriptionde l’interdiction de la peine de mort dansla Constitution par le Congrès du Parle-ment, le 19 février 2007. Bien plus qu’unsymbole, elle rend l'abolition de la peinecapitale irréversible en France ; elle fermedéfinitivement la porte à son rétablisse-ment, quelles que soient les circons-tances. Et elle donne un signe au monde :celui de la nécessité que soit partoutabolie cette sentence atroce [...]L’abolition de la peine de mort fait partiedu socle commun des pays européens[...,] cette sentence inhumaine reculedans le monde, mais le chemin estencore long vers l’abolition universelle[...]. De 35 États en 1981, nous sommespassés, sur les 193 que compte l’ONU, à138 États ayant aboli la peine de morten droit ou ne la pratiquant plus en fait.Signe que les idées progressent [...]Mais des pays très importants maintien-nent la peine de mort dans leur législa-tion et continuent de pratiquer l’assas-sinat légal : la Chine, l’Arabie Saoudite,l’Iran, le Pakistan, le Japon, les États-Unis… Les autorités chinoises et améri-caines invoquent la même raison : leursopinions publiques y sont favorables !Des femmes et des hommes sontexécutés pour leurs opinions. Neuf paysexécutent encore des homosexuels. Desfemmes sont exécutées par lapidationaprès avoir été violées. En 2010, desmineurs ont été exécutés dans six Etats.Les chiffres sont toujours approximatifs,

mais on peut penser que 20 000personnes attendent leur exécution dansles couloirs de la mort. En 2010, au moins23 États ont procédé à des exécutions etau moins 527 personnes ont été tuéespar leur pays, sans compter la Chine oùleur nombre est probablement effrayant.Pour notre part, nous sommes, partout,solidaires des voix, aussi timides soient-elles parfois, qui combattent la peinecapitale : en Chine, en Arabie Saoudite,aux États-Unis, en Iran, au Pakistan, auJapon […] ou ailleurs [...]Quant à la soi-disant « irrécupérabilité »de certains criminels, en réalité seule lamort est « irrécupérable ». Permettez-moi de citer ici Jean Jaurès, comme l’avaitfait mon ami Charles Lederman : « Sidéchu, si flétri soit-il, il n’est pas un seulindividu qui ne soit susceptible de relè-vement ».Pour les élus de mon groupe, le combatpour l’abolition de la peine de mort estconstitutif de tout engagement pour lalibération des êtres humains de labarbarie et de toutes les formes d'oppression. n

1) Extraits du discours prononcé le 30 sep-tembre 2011 par Nicole Borvo, Nicole BorvoCohen-Séat, sénatrice, présidente dugroupe CRC, à l’occasion de la célébrationdu trentième anniversaire du vote, par leSénat, de la loi abolissant la peine de mort.Depuis, grâce à une mobilisation mondialesans faille, une formidable nouvelle esttombée : Mumia est sorti des couloirs de lamort.

LA MISE À MORT DE HANKSKINNER REPORTÉE MAISRIEN N'EST GAGNÉ"Cette exécution potentielle, quecertains journalistes américainsn'hésitent pas à qualifier, si elle doitavoir lieu, du plus grand scandale del'ère contemporaine de la peine demort aux États-Unis, fera de ce 9novembre peut-être un grand jourpour la justice, ou simplement unedate honteuse de plus dans l'histoirede cette barbarie américaine. Sansavoir de réponse, nous continuonsensemble à croire et à œuvrer pourun avenir meilleur "

Sandrine Ageorges-Skinner, militante abolitionniste, épouse de Hank

Skinner, l'Humanité, 7 nov. 2011

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LA REVUE DU PROJET - OCT-NOV 2011

REVUE DES MÉDIASPar ALAIN VERMEERSCH

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Au lendemain de la défaite de la droite au Sénat, l'ensemble descommentaires posait cette question. Un tour d'horizon des proposde la presse et un aperçu des querelles des droites.

dans un monde en crise. “ La Croixpartage cet avis : « des sénatoriales etune présidentielle ne se ressemblent pas.Ni le mode de scrutin des unes ni lapersonnalisation de l’autre n’autorisentbeaucoup d’extrapolations. Après cettevictoire, la prudence s’impose donc àgauche. » R. Dély écrit dans le NouvelObservateur (27/09) « Pour s’imposer àson camp, N. Sarkozy n’a jamais joué surla corde sensible. Il n’a pas vraimentcherché à séduire les élus de droite ; ils’est imposé à eux parce qu’il s’en est faitcraindre et respecter. Il les a fascinés,galvanisés et, surtout, conduits à lavictoire. Le problème, c’est que la machineà gagner s’est faite boulet. Piégée parl’esprit de la Ve République qui lui interditde songer à changer de cheval si près dubut, il n’est plus qu’un totem devant lequell’UMP se prosterne pour se sauver, ledogme de l’infaillibilité sarkozyenne, cettecroyance quasi-magique dans la capa-cité d’un (sur)homme à vaincre seul,envers et contre tous. Le souci c’est quemême à droite, il n’y a plus guère qu’unindividu à y croire encore. »

C'EST LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS 1958QUE LA DROITE PERD LE SÉNATLa droite constate que Sarkozy avait déjàperdu toutes les élections intermédiairesdepuis 2007 : municipales, européennes,régionales, et maintenant sénatoriales.Une série noire dans une période sombreavec l’affaire Karachi et ses rebondisse-ments désormais quasi quotidiens, lahausse du chômage, la crise budgétaire...Les difficultés s'accumulent et la grogneaussi. Les premiers coups sont partis hiersoir. Le sénateur UMP P. Marini a brisé letabou : poser la question d'un autrecandidat pour l'UMP que Sarkozy, c'estune « question légitime », a-t-il dit. (RFI26/09) Mais elle nie la comparaison avecla présidentielle. « Ça n'a pas de consé-

quences au niveau des électeurs et élec-trices qui vont élire le président de laRépublique », estime ainsi P. Ollier, leministre des Relations avec le Parlement.« Ça a simplement une valeur symbo-lique. Mais je reconnais que ça ne nousfait pas plaisir. Nous avons cru sincère-ment que nous pourrions garder la majo-rité, mais nous ferons avec. C'est vrai quec'est un changement qui, sur le plansymbolique est fort, mais qui n'a pas deconséquences directes pour 2012 » (RMC27/09)Dans le Télégramme de Brest (27/09),H. Couturier constate «  l'enchaîne-ment des élections intermédiairesrégulièrement perdues dessine lescontours d'un vote-sanction constam-ment réitéré par les Français. Plusieursconséquences secondaires peuventen être tirées comme l'inscriptiondésormais impossible de la règle d'orbudgétaire dans la Constitution. Ouencore le parachutage compromis deF. Fillon à Paris. Mais il faut reconnaîtreque la crise demeure l'élément majeurdu trouble des Français auxquels l'ac-tuel président avait promis de « travailler plus pour gagner plus »..De surcroît, malgré la multiplicationdes réformes et son activisme diplo-matique, N. Sarkozy ne donne pastoujours les clés de ce qui se passe.Tant pour la dépendance à l'égard desmarchés que pour les contraintes quipèsent sur la politique dans uneéconomie mondialisée. Entre l'affirma-tion des pays émergents que le libéra-lisme n'effraie pas et les vertus d'unerégulation qui protégerait les salariéssans tuer la production, il y a sans douteune palette d'options et une voie moyenneà trouver. Ainsi, l'élection présidentiellese jouera-t-elle sur la crédibilité. N. Sarkozy,qui ne s'est toujours pas déclaré, ira-t-iljusqu'au bout? »

LA DROITE A PEUR… MAIS SARKOZY IRA À LA BATAILLEEn Une France Soir annonce « A-t-il déjàperdu ? » « Peut-il encore espérer faireun second mandat à l’Elysée ? Si l’on s’entient aux éléments dont on disposeaujourd’hui, la réponse à cette questionest non », affirme le journal. L. Joffrinestime « Il a perdu parce qu'il mérite deperdre. Sa politique de baisse d'impôts etde retrait de l'Etat a débouché sur la crisefinancière que nous connaissons » (RTL27/09). « La droite a peur », constate Libé-ration en Une (27/09). « Sonnée par sadéroute historique aux sénatoriales, l’UMPcherche à enrayer la spirale de la défaiteà sept mois de la présidentielle. » Atten-tion toutefois, prévient Libération, lagauche ne doit pas claironner pour autant: « L’alternance n’est pas acquise en 2012,même si, à droite, c’est la dévastation »G. Courtois, Monde.fr (29/09) le pense « Ilest trop tard pour que la droite imagineun scénario alternatif à une nouvelle candi-dature du président. Cela la mettrait dansune position de faiblesse impensable.  »Mais estime-t-il “ Ces résultats témoignentd'une perte d'autorité du chef de l'Etatsur sa majorité. “ Certes, comme le rappellele directeur de Libération N. Demorand,"l’alternance n’est pas acquise en 2012,même si, à droite, c’est la dévastation".Le Figaro, par la voix de P-H. du Limbert,martèle le même message : "la meilleurefaçon de perdre une élection présiden-tielle, c’est de se persuader qu’on l’a déjàperdue" et "le meilleur défenseur de N.Sarkozy, c’est N. Sarkozy" qui "se doit deréaffirmer le cap s’il ne veut pas que leparti majoritaire entame la campagneprésidentielle avec un moral de vaincu".Et le journal d’appeler à un sursaut : “ lesélecteurs de l’UMP ne lui demandent pasde battre sa coulpe, ils lui demandent dedonner des perspectives et d’expliquerce que peut et ce que doit faire la France

Sarkozy a-t-il déjà perdu la présidentielle ?

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sions dans la perspective de la présiden-tielle et des législatives. — Qu'il s'agissedu débat sur la laïcité ou des consignesde vote pour le second tour des canto-nales, entre « ni FN, ni front républicain »ou « front républicain » — l'attitude àadopter face au parti d'extrême droiteet à ses thématiques favorites suscitedes épisodes récurrents de cacophonieà l'UMP. Cette fois, elles mettent en scèneles plus hauts représentants de la majo-rité, comme F. Fillon, sur fond de défaiteaux cantonales. Dans le même temps, leparti d'extrême droite, donné moribonden 2007 et en 2008, a retrouvé à la faveurdes sondages et de ses résultats électo-raux sa capacité à polariser autour delui le débat politique. Plus confiante quejamais, M. Le Pen prédit ni plus ni moinsune « implosion » à l'UMP, dont elle seveut au moins pour partie à l'origine. « Pour nous, le bénéfice essentiel de l'en-semble de ces débats » sur l'immigra-tion ou l'insécurité, « c'est que ça meten lumière l'absence totale de résultatsdu gouvernement », affirme la prési-dente du FN à l'AFP l'(29/09). Mais cesdébats « mettent également en lumièreles fractures idéologiques au sein del'UMP. » Moi, j'agis comme un révélateur,au sens chimique, de ces fractures »,assure-t-elle. Au-delà des questions destratégie politique, « le FN est en trainde précipiter une crise sur une questionfondamentale : la définition de l'identitéfrançaise telle que doit la concevoir ladroite », estime, auprès de l'AFP, J-Y.Camus, chercheur à l'Iris et spécialistede l'extrême droite. « La droite n'a pascompris ou feint de ne pas comprendreque la définition de l'identité nationaleque donne le Front national est une défi-nition contraire à un peu plus de deuxsiècles de tradition républicaine et quiest fondée sur le contrat », ajoute-t-il, encitant le concept de « préférence natio-nale » défendu par le FN. « L'UMP estdans un étau », poursuit F. Dabi, direc-teur du département opinion publiquede l'Ifop: « d'un côté, les électeurs ducentre ne peuvent pas se reconnaîtredans la séduction de l'extrême droite, etde l'autre, on a une part croissante d'élec-teurs qui sont tentés par le FN ». M. LePen assure que pour les législatives de2012, la marque « Front national » lais-sera la place à un « rassemblement despatriotes de droite et de gauche », dontelle dit ne pas avoir encore décidé quelnom il prendrait. n

LES DISSENSIONS À L'UMPMédiapart (26/09) a mené une enquêteauprès de secrétaires départementauxUMP. Le moral n'est pas au beau fixe. « Àhuit mois de la présidentielle, ils sontinquiets, conscients que la réélection deN. Sarkozy sera « difficile » car il « asuscité des déceptions ». Nommés parla direction nationale, ils en dépendentet leur liberté de parole n'est donc pasfranchement libre. Bernadette Thiébaut,à la tête de la fédération du Bas-Rhin, aune drôle de formule pour le dire : « J'aila parole libre dans la mesure où je suisd'accord (avec la direction de l'UMP).Sinon je m'en vais. ». Marie Aphatie, secré-taire départementale de la fédérationdes Landes et ouvrière : « Copé n'est pasSarkozy ! Ça ne démarre pas. La dernièrefois (en 2006), on avait déjà mis lamachine en marche. On avait des ordresqui venaient d'en haut, des référentspartout (qui faisaient remonter les contri-butions au national), chaque adhérentrecevait une lettre de Sarkozy. On a perdudes adhérents l'année après l'élection.(...) L'erreur a été de supprimer le postede président de l'UMP », tranche-t-elle.« On a connu une sacrée hémorragie,explique le député du Nord ThierryLazaro. On était entre 9.000 et 10.000en 2007, je ne sais pas si on est 3.000aujourd'hui. La pente est difficile àremonter », raconte-t-il. Au Campus UMPde Marseille, début septembre, des mili-tants s'inquiétaient du retard de l'UMPdans la bataille des idées. « Ce projet deLe Maire est inexistant. J'ai été déçu parson discours à Marseille, deux heurespour rien! », déplore Jérôme Dumont(Meuse). « Il a donné quelques grandeslignes, c'est totalement insuffisant, çamanque de souffle », estime Jean-Sébas-tien Vialatte, rappelant que « le projetde l'UMP et celui du candidat sont deuxchoses différentes ». Parmi nos interlo-cuteurs, deux voies apparaissent claire-ment pour 2012. Certains imaginent une« campagne très à droite ». « Sarkozydoit être un président rassembleur »,explique le député du Nord T. Lazaro,mais « la meilleure façon de ne pas trahir,c'est d'être à droite, il ne fera pas croirequ'il est ailleurs ». Pour gagner, répètent-ils, « il faudra un mix des trois fonde-ments: immigration, sécurité, justicesociale ». Par justice sociale, ils enten-dent d'abord « taper sur l'assistanat ».« Le débat sur la laïcité, ça nous a gonflés,les militants sont lassés de cela, raconteJérôme Dumont, de la fédération de laMeuse. On est un département rural, onn'est pas touchés par l'immigration, mais

en revanche de plus en plus de genstouchent le RSA et ne font rien, ça c'estun vrai sujet.» D. Reynié est pessimiste(Le Monde 28/09) «  Le PS est devenuun parti modéré, central, voire centriste.C'est comme ça qu'il peut gagner en2012. Plus un seul candidat sérieux à laprimaire ne conteste la nécessité de luttercontre la dette et les déficits. C'est unerévolution dont la droite n'a pas mesurél'importance ni les conséquences pourelle. Un PS central mord sur les terres del'UMP  ». Selon lui la droite «  est alléed'errance doctrinale en erreurs straté-giques. L'UMP ne peut pas prendre lerisque de subir une saignée sur ses deuxflancs : à gauche victime du PS, à droitevictime du FN. L'autre problème est lerapport au populisme. Le débat sur lalaïcité, la loi sur la burqa, le discours deGrenoble ont été contre-productifs : ilsont créé un malaise au sein de l'électoratmodéré. »

LA DROITE POPULAIRE SE RECOMPOSE« La création d'une carte Vitale biomé-trique pour lutter contre ceux qui frau-dent à la sécurité sociale, la mise en placed'un service civique de la nation pourchaque jeune entre 16 et 18 ans, davan-tage de cours d'Histoire de France àl'école, la suppression de l'aménagementsystématique des peines de prison... Voilàquelques-unes des 12 propositions pour2012 que dévoilera la Droite populaireavant la fin du mois. S'activant jusqu'àprésent uniquement à l'Assemblée, celui-ci va devenir une branche de l'UMP, àlaquelle tous les Français et tous les élus,y compris ceux qui ne sont pas adhé-rents du parti majoritaire, pourrontadhérer. « Nous allons nous ouvrir à tousceux qui se reconnaissent dans une droitesans complexes », annonce T. Mariani..Son seul objectif: la réélection de N.Sarkozy en 2012. Et, pour ses animateurs,celle-ci ne se fera qu'à une condition :l'ancrage à droite du président candidat..Mariani et ses compères n'ont pas oubliéque, si N. Sarkozy est à l'Elysée, c'estparce qu'il a siphonné les voix de J-M.Le Pen. Depuis le début du quinquennat,ils ont vérifié, à l'occasion de chaque élec-tion locale, que l'ouverture à gaucheentreprise par le chef de l'Etat n'avaitjamais rapporté la moindre voix. » (ParisMatch 15/09)

LE FN À L'AFFÛTLa crise qui secoue la majorité est unscénario rêvé pour le Front national, quimise à terme sur une implosion de l'UMPet compte bien tirer profit de ces dissen-

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Chaque mois, des chercheurs, des étudiants vous présentent des ouvrages, des films, des DVD...

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CRITIQUES

LA REVUE DU PROJET - OCT-NOV 2011

Art contemporain : le conceptPUF, 2010

SAMUEL ZARKA

PAR STÉPHANIE LONCLE

Ce livre, dont la lecture est ardue, sepropose d’analyser la façon dont la société capitaliste aengendré, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale(même si le propos remonte parfois à la fin du XIXe siècle)« l’art contemporain », entendu comme une pratique socialespécifique, historiquement datée. C’est donc à la fois uneesthétique, des institutions, une idéologie et un marché quisont décortiqués et mis en relation par l’auteur, dans uneperspective historique. Le raisonnement, parfois difficile àsuivre, emprunte à l’hégélianisme et au(x) marxisme(s), enparticulier celui de Clouscard. La critique des différentesthéories de l’art (sociologie bourdieusienne, théorie desinstitutions, sémiologie…) est radicale, vive et stimulante.Si l’ouvrage s’adresse d’abord à des spécialistes, la biblio-graphie invite à se familiariser avec les questions traitées,d’autant que celles-ci ne manquent pas d’être politiques.Ce livre proclame haut et fort que le temps où l’art passaitpour un espace immanent de liberté doit finir : les artistesne sont pas plus libres en ce monde que les travailleurs etles exploiteurs. À eux donc de penser et d’agir pour s’éman-ciper de l’aliénante illusion qu’ils sont des créateurs libres :ce livre, qui se veut un outil à cette (honorable) fin politique,lance ou relance le combat.

Entre théorie et pratique L’Harmattan, 2011

JEAN-PIERRE COTTEN

PAR JEAN QUÉTIER

Les articles, ou plutôt les « jalons » si l’onen croit le sous-titre de l’ouvrage, rassem-

blés dans ce recueil témoignent d’une pratique de la philo-sophie sans doute trop rare. On pourrait résumer la qualitéde ces textes rédigés entre 1972 et 2007 en évoquant deuxaspects décisifs de l’entreprise de l’auteur. D’abord le soucide la rigueur théorique et de la précision du propos : Jean-Pierre Cotten examine des textes de Marx, d’Engels ou dephilosophes français contemporains sans céder à la facilitérhétorique des lieux communs ou des grandes questionsabstraites, quitte à paraître manquer d’ambition ou de solu-tions. Il préfère identifier des difficultés locales et prendreau sérieux des perspectives que d’autres se sont souventcontentés de mentionner. D’autre part, comme l’indique letitre du livre, la pratique philosophique de Jean-Pierre Cottenparticipe pleinement d’une conception exigeante de lathéorie critique. L’horizon toujours présent du livre, à telpoint qu’il peut parfois faire figure d’obsession, est de saisirà la fois la pensée comme pratique et d’affirmer commevocation de la théorie la mise au jour de ce qui, dans le réel,

en est la négation et l’abolition en devenir. L’auteur puisele matériau de sa réflexion en premier lieu dans l’œuvre deMarx et Engels dans son aspect le moins évident et le plusproblématique. Il choisit d’affronter des textes difficiles,particulièrement ceux qui traitent du communisme, etaboutit le plus souvent sur des interrogations ouvertes enguise de conclusion. En la matière, il ne cache pas la dettequi est la sienne à l’égard de l’œuvre d’André Tosel. Le fildu recueil ouvre largement le champ de l’analyse en seconfrontant à ce qui est devenu l’histoire de la philosophiefrançaise de Merleau-Ponty à Bourdieu, en passant parFoucault et Deleuze. De bout en bout, Entre théorie etpratique est jalonné du souci de donner sens et force à cequi demeure l’enjeu majeur de notre temps : l’appropria-tion collective et la décision démocratique.

La guerre des classes Fayard, 2008

FRANÇOIS RUFFIN

PAR AGNÈS SCHWAB

François Ruffin est journaliste à l’émis-sion « Là bas si j’y suis » sur France Interet au Monde Diplomatique.Son livre nous interpelle, nous commu-nistes, dès les premières pages. C’est

en effectuant des recherches sur internet autour de Marie-Georges Buffet et la luttes des classes qu’il trouve non pasun discours de la secrétaire nationale de l’époque mais lacitation de Warren Buffett, avec deux t, (ce même W. Buffettdont on parle tant ces jours-ci à propos de sa propositionde taxer les riches) : « La lutte des classes existe et c’est lamienne qui est en train de la remporter ». Cette phrase serale déclencheur du livre. Pourquoi le terme de « luttes des classes » a-t-il disparu àgauche ? À partir de cette question, Ruffin décrypte lesformules, le vocabulaire en cours : modernisation = régres-sion, internationalisation = délocalisation… Et il piste leglissement dans les discours des dirigeants socialistes,l’abandon d’un certain vocabulaire : capital…, place audialogue, à la réconciliation… Les extraits de discours etrelevés d’émissions n’ont pas besoin de commentaires telle-ment ces paroles ne répondent pas aux préoccupations,aux révoltes de ceux à qui elles devraient s’adresser. Lessocialistes ne sont plus porteurs du combat des classespopulaires. Ce n’est pas F. Ruffin qui le dit mais les urnes :49% des ouvriers et employés, 42% des non diplômés ontvoté pour S. Royal, 58% des électeurs « qui ont arrêté leursétudes avant 20 ans » ont voté pour N. Sarkozy en 2007.F. Ruffin espère, implore, une réaction. Rien, bien aucontraire ! S. Royal le 6 mai 07, lendemain de la défaite : « Ilva falloir que le PS révise un certain nombre de ces dogmes ».B. Julliard : « Une gauche qui est trop à gauche », « unprogramme élaboré par les plus gauchistes du parti ».Devant tant de renoncement, la charge du journaliste devientterrible, surtout envers Vincent Peillon, le roi du discours

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moderniste dont (selon l’auteur) chaque soumission estconvertie en une preuve d’audace, de courage.Les conséquences, elles, sont exposées dans la quatrièmepartie quand Ruffin revient dans sa région de Picardie oùcette classe ouvrière (car elle existe) perd sa conscience,perd ses repères. Et donc perd ses armes pour se battre. Ilconclut par un vibrant hommage à Jaurès qui disait : « Ceque la vie m’a révélé, ce n’est point l’idée socialiste c’estla nécessité de combat ». Gageons que la problématiquede La guerre des classes restera d’actualité pendant lacampagne de 2012.

Vivre la fin des tempsFlammarion, 2011

SLAVOJ ZIZEK

PAR FLORIAN GULLI

Le fatalisme du pire croit que les chancesd’une transformation sociale s’accroissent

à mesure que les situations se dégradent. S’il n’y a pas derévolution, ce serait parce que nos vies seraient encore tropconfortables. On aime tant les bouleversements radicauxqu’on en vient vite à souhaiter la misère pour tous. Ce livrea le mérite de rappeler que la fin des temps peut se vivre deplusieurs manières dont la plupart n’ont aucune portéepolitique émancipatrice. Zizek évoque, entre autres, deuxmanières d’affronter les tragédies sociales. D’abord le déni,le refus d’accepter la réalité. L’utopie libérale multicultura-liste est le nom de cette réaction qui voit dans l’intoléranceet les préjugés moraux des plus conservateurs les seulescauses de nos maux. Nul péril réel par conséquent, seule-ment des manières archaïques d’appréhender la réaliténouvelle. Cependant, cette négation de la catastropheprésente participe elle-même de la catastrophe. La chasseà l’intolérance produit une société suspicieuse condamnéeà voir le crime partout. N’importe quel discours peut êtreperçu comme du harcèlement dont on cherchera à seprémunir par le droit. Les sociétés libérales, loin de l’am-bition originaire du libéralisme, croulent sous les règleslégales et morales. Une autre réaction typique est la dépres-sion, c’est-à-dire le renoncement et le repli sur soi. Si le« capitalisme du désastre » décrit par Naomi Klein peutconsidérer l’état de choc des populations comme des occa-sions de profits, c’est parce que les blessures traumatiquesproduisent des formes de subjectivités totalement désim-pliquées du monde, incapables de s’y rapporter de manièreactive. Le sujet post-traumatique est le sujet à son niveauzéro, une sorte de maison vide, prête à subir, dans la passi-vité, la fin des temps. Les crises graves n’engendrent pasmécaniquement des mouvements émancipateurs, mais àl’inverse elles ne les empêchent pas. Au déni et à la dépres-sion, Zizek oppose ce mot de Mao : « Tout se trouve en granddésordre sous le ciel, la situation est excellente ».

La Revue des Livres n°1, septembre-octobre 2011.

PAR MARINE ROUSSILLON

Après la Revue internationale des livres et des idées, disparueen 2010, La Revue des livres tente le pari de faire vivre en

France une revue consacrée auxcomptes-rendus d’ouvrages età l’état des lieux de la penséecritique, sur le modèle de la NewYork Review of books. Elle estassortie d’un riche site internet(www.revuedeslivres.fr), d’unesérie de rencontres et d’un sémi-naire de lecture : le dialogue etla collaboration avec les lecteurssont au cœur du projet.Ce premier numéro propose des

recensions d’ouvrages exigeantes, couvrant des domainestrès variés, et cherchant à articuler théorie critique et actionpolitique. Un entretien croisé avec Éric Hazan et BernardMarchand sur « la haine des villes » examine ainsi la construc-tion historique et idéologique d’une représentation de Pariscomme ville dominatrice, et la confronte à la réalité écono-mique : l’Île-de-France produit l’essentiel des richesses dupays et c’est là que se concentrent les classes populaires.L’urbanophobie française apparaît alors comme un moyende « légitimer l’État sur le dos des classes populaires ». Lesrévolutions arabes, l’économie du développement ou l’œuvred’Herbert Marcuse font l’objet de recensions tout aussi fouil-lées et tout aussi utiles à qui veut penser le réel pour le trans-former. Les dernières pages de la revue sont d’ailleurs consa-crées à l’analyse d’« expérimentations politiques ».Au fil des articles, les différents courants de la pensée critiqueentrent en dialogue : marxisme ou post-marxisme, critiquepost-coloniale, études de genre et queer theory. L’un desgrands mérites de la revue est son ouverture sur le monde.Elle permet ainsi aux lecteurs français d’avoir un aperçu desnombreux ouvrages en langue anglaise qui nous restenttrop souvent inaccessibles. Ce numéro propose un portraitde Wang Hui, figure de la nouvelle gauche chinoise : il y a làde quoi nourrir un nouvel internationalisme, qui ne seraitcentré ni sur un continent ni sur un « modèle », mais fondésur l’échange et le débat.Enfin, il faut souligner l’effort de clarté réalisé par les rédac-teurs. Sans rien sacrifier de la complexité des sujets abordés,ils prennent le temps de les rendre accessibleS à un lecteurnovice. Des rubriques à vocation pédagogiques font le pointsur un champ de recherche (ce mois-ci, les science studies),un vocabulaire critique (agency et empowerment), un débat(la querelle du « néo-extractivisme » en Amérique latine).La présentation sobre et la riche iconographie contribuentau plaisir de la lecture.

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COMMUNISME EN QUESTIONENTRETIEN AVEC DIDIER DAENINCKX, ÉCRIVAIN

Guillaume Quashie-Vauclin  : Ce qui estjustement frappant dans Missak, c’est cette sorted’état d'esprit historien qui est le vôtre à certainségards, votre volonté de comprendre et de fairecomprendre qui est Dragère. Sans amener le lecteurà juger de manière trop frontale. Cette démarche,pourtant ancrée dans le code génétique de la disci-pline historique, un certain nombre d’historienss’en écartent paradoxalement aujourd’hui…Comment conciliez-vous donc l’exigence de laméthode historienne et son articulation avec les«  droits imprescriptibles de l’imagination  » (LaSemaine Sainte, Aragon) ?

DD : Pour Missak, cet enjeu a été encoreplus évident que dans mes autres romans.Par l’intermédiaire d’un personnage clai-rement identifié, ma recherche a été celledu vraisemblable. Constatant des « trous» énormes dans la biographie de MissakManouchian, ma volonté a été de recher-cher ses actes à partir d’éléments concretsdatant par exemple de 1938/40 et en tirerdes éléments romanesques vraisembla-bles. Confronté au pacte germano-sovié-tique et apatride, les Allemands ayant euà l’époque une responsabilité majeuredans le génocide arménien, comment va-t-il se comporter ? Si nous n’avons pas detextes, nous savons comment il va agir, ille fera en s’enrôlant dans l’armée fran-çaise dès 1939. Il est ainsi tout sauf dansune position attentiste  ; il est dans unedémarche de lutte contre le nazisme quile pousse à se retrouver instructeur enBretagne. Tout ce parcours est vérifiable.Si ce travail est à base historique, sansque je sois pour autant historien, j’em-prunte effectivement ces techniques d’in-terrogation de la réalité. Mais l’historien,lui, ne s’autorisera jamais à constituer desscènes et à « placer » le personnage. Cetravail s’est accompagné par ailleurs denombreuses découvertes d’archives, avecl’injonction correspondante de ne jamaisexcéder la réalité vérifiée du personnage.Sans pour autant se priver de l’inventionromanesque : cette voie est donc extrê-mement étroite. Aragon avait si bienmontré dans le Cycle du Monde réel sa

capacité à interroger à la fois son époqueet sa relation à son père, préfet de police ;la filiation est donc là, en abîme, elle devientun enjeu essentiel à côté du travail deretranscription historique.

ND  : Envisagez-vous donc la fiction comme unmoyen, si ce n’est d’accéder à la vérité (entre-prise fort risquée et incertaine), mais de la réta-blir lorsque celle-ci pour des raisons parfoisobscures a été bafouée, comme par exemple le17 octobre 1961 ?

DD  : C’est dire en effet une partie deséléments de la vérité qui ont été dédai-gnés, mis de côté, rabaissés. Mais aumoment de la production du livre, cetteintention ne préexiste pas. C’est un constata posteriori, possible rétrospectivement.Le plus essentiel demeure pour moi lepoint de vue adopté pour faire en sorted’être au plus près de la réalité. Cette ques-tion du point de vue est résolue de manièredifférente dans Meurtres pour mémoireoù j’entreprends un travail sur troisépoques par un jeu de miroir, tandis quedans Missak, c’est choisir le moment oùon peut débusquer les non-dits quand leschoses ne sont pas encore dites vers1955/56 (Budapest, rapport de Khroucht-chev). On navigue entre le mensongeabsolu et le début des aveux. C’est làqu’Aragon, personnage non central maisimportant de ce roman, écrit son magni-fique poème «  l’Affiche rouge » qui posele problème de la vérité et montre lescontradictions et les tensions du moment,de ce qu’on nous a rabâché, de ce qu’ona pris alors pour vérité [...].Ce qui me passionne dans l’écriture c’estce passé récent qui a encore une chargesur le quotidien. Meurtres pour mémoiren’est ainsi pas écrit n’importe quand  : ilprend forme en 1983 au moment de lamarche des Beurs, quand un mouvementprofond se développe dans notre pays oùune partie de la population discriminéese rend compte qu’elle est discriminéeaussi parce qu’on l’a privé non pas seule-ment de territoires, mais de territoires

Nicolas Dutent  : Si on opère un retourrétrospectif sur votre œuvre, une question quis’impose est de savoir de quelle manière vousavez décidé de permettre et de réussir lasynthèse entre mémoire historique etdémarche romanesque.

Didier Daeninckx : Au départ ce n’est pasune volonté théorique de choisir cettemanière d’interroger l’histoire par le biaisde la fiction. Cela tient vraiment à unparcours personnel. Dans une premièrepériode, le roman m’a permis d’interrogerdes moments de ma propre histoire, etd’élucider certaines interrogations enjetant des hypothèses. Mon premier roman,avant Meurtres pour mémoire (1984),évoquait la construction de la centrale deFessenheim et traitait des enjeux liés aunucléaire dès les années 1970. Il interro-geait par exemple la manière dont unesociété est saisie d’une technique qui peutla conduire à sa destruction.

Je venais d’un milieu extrêmementconfiant dans l’idée de progrès, qui étaitalors considéré comme quelque chosed’obligatoirement positif et libérateur et,d’un seul coup, cet espace était confrontéà quelque chose qui disait le contraire,pointant l’incapacité d’aborder cette inter-rogation environnementale.

Juste derrière j’ai écrit Meurtres pourmémoire, qui questionnait la guerre d’Al-gérie, les répressions, le fossé qui s’étaitcreusé entre des gens qui portaient undiscours et une action indépendantisteset des forces progressistes qui les avaientlâchés. Je m’étais alors inscrit dès 1983dans l’interrogation du silence d’unesociété sur les responsabilités de gensarrivés aux plus hautes instances dupouvoir. Tels Maurice Papon ou Bousqueten embuscade. Il y a dans mes livres d’unepart une critique de l’état de la sociétémais aussi un regard parfois effaré surmon propre camp, une forme de déses-poir raisonné sur ses insuffisances etpetites lâchetés.

L’interrogation de l’histoireà travers la fiction« La vérité vraie est beaucoup plus dynamique que la vérité construite »

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en février 1944 ; nous sommes en octobre2011. Qu’on me montre une seule traduc-tion française, ne serait-ce que d’une ving-taine de ses poèmes ! Le point de départétait donc celui-là : restituer une partie desa parole et de son itinéraire qui n’étaientpas apparents. On s’interroge ainsi peu oupas sur son parcours politique. Comme s’ilétait né avec la carte du PC arménien...J’ai voulu traduire l’histoire d’une prise deconscience qui tient dans la rencontre avecla langue française, ce qui n’est pas banal.Il y avait aussi un flou à résoudre sur laprésence et l’action près de lui du militanttrotskiste de la bande, Manoukian. Il m’afallu voir comment les pièces quisemblaient appartenir à un autre puzzlepouvaient prendre place dans le « puzzleMissak Manouchian ».

Par ailleurs, en décidant que le point devue adopté serait l’inauguration en mars1955 de la rue du Groupe-Manouchian àParis (XXe), j’ai pu aussi bien donner unrôle déterminant au journal L’Humanité(à partir de recherches réalisées à Bobigny,aux archives) ou à Willy Ronis que m’ins-pirer pour une bonne part de Jean-PierreChabrol pour fabriquer et asseoir mespersonnages dans le roman.

Dans ce paysage de nuages, on parvientprogressivement à lever ces mystères, aumilieu de certaines impossibilités toutefois.

Ma méthodologie a ensuite été facilitéepar certains épisodes romanesques commela découverte d’archives personnelles leconcernant. Pour la petite histoire, alorsque je commençais le travail de lecture,j’ai appris qu’une exposition sur la résis-tance arménienne se tenait au muséeJean-Moulin au dessus de la tour Mont-parnasse. Il y a de nombreux documentsde la préfecture de police, de filatures, decomptes rendus et diagrammes établis àl’époque et certaines choses émouvantescomme la Bible sur laquelle Jean Epsteinécrivit le nom de son fils en prenant cefaisant un risque incroyable. Et il y avaitun tableau datant de 1925/27, une huilede très bonne facture représentant M.Manouchian, nu et sportif. Je relève leprénom du peintre et me renseigne natu-rellement sur sa provenance. Après desrecherches, je retrouve la personne ayantprêté le tableau et je tombe sur Katia Guiro-gossian qui se trouve être la nièce de M.Manouchian. Mélinée avait une sœur,Armène, qui est la grand-mère de Katiadont je suis devenu assez proche. Elle m’ap-prend alors qu’elle possède des sanguines,des études, des photos et plusieurs cartons

de documents appartenant à Missak etMélinée, ainsi qu’à Armène passée soussilence dans l’histoire du groupe Manou-chian... Elle me confie qu’elle n’a jamaisosé lire dans le détail tout cela, le poidsde l’Histoire étant trop massif. Croyantêtre engloutie par ce passé, elle medemande si je veux bien lire ce qui se trouvedans ces témoignages divers. C’est essen-tiellement là-dedans que j’ai trouvé et puiséune grande partie de ce qui se trouve dansle livre. Comme le fait de tomber sur l’ori-ginal de la dernière lettre de Manouchianglissé dans la lettre qui porte le nom deMélinée, et dont on s’aperçoit quand on laretourne qu’il est inscrit : « Missak Manou-chian, section allemande de la prison fran-çaise de Frênes.  » Il domine le moindremot qu’il trace : tout est net, calibré. Onsait qu’il s’adresse à l’Histoire.

Quand je repose cette lettre, il y a la sœurde cette lettre, avec une enveloppe et unpapier identiques. L’avant-dernière qu’ilécrivait à Armène, la sœur de Mélinée etdans laquelle il y a le début de «  l’énigmeManoukian » et sa résolution : dans cettelettre – document inédit et authentiqueque personne n’a eu entre les mains hormissa famille, document reproduit pour lapremière fois dans mon roman – il confieà Armène un devoir sacré, celui de prendreen charge et de défendre la mémoire deson ami Dav’tian dit Armenek Manoukian.Le fait que ce soit le seul de ses compa-gnons cité représente une importancecapitale et un enjeu considérable.

GQV  : Ce Dragère enquêteur, curieux et admi-ratif de la figure communiste peut-être exem-plaire de M. Manouchian, n’est-ce pas finalementune certaine projection de l’objet et du contenude votre travail ?

DD  : Il y a de cela. Il y a en germe égale-ment cette interrogation : comment gérerles désillusions ? Considérons néanmoinsqu’il s’agit non pas d’un travail de décons-truction mais d’«  amplification » de lafigure de Manouchian. Un personnagemeurtri mais dont l’image n’est jamaisabîmée. Il est en échec dans tout sonunivers mais il se fortifie sur des adhé-sions et des principes. Il y a ce doublemouvement qui fait que la vérité surManouchian est bien plus enthousiasmanteque ce qui avait été compris ou construit.Cette complexité nous conforte dans l’idéeque la vérité vraie est beaucoup plus dyna-mique que la vérité construite. n

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS DUTENTET GUILLAUME QUASHIE-VAUCLIN

imaginaires notamment. Cette irruption-là, comme le 17 octobre 1961, est centralecar les acteurs de cette nuit-là ne sont pasà considérer en premier lieu comme desvictimes – certains l’ont été et ce, horri-blement – mais j’y vois avant tout uneexigence de dignité et de citoyenneté dontle cœur de Paris est le théâtre (les mani-festants devaient confluer place de l’Étoile)et qui s’exprime dans le défi suivant : « onvous regarde en face comme votre égalet ce territoire, nous avons le droit de lefouler des pieds ». Cette irruption de dignitéest essentielle et traverse le 17 octobre1961. C’est un défi historique majeur, tellu-rique, avec un peuple colonisé qui défieun empire en son sein, au cœur de sa capi-tale. Le travail de mémoire autour du 17octobre 1961 est décisif car il met en lumièrele dépassement en acte du statut devictime ou de colonisé et valorise unepleine phase avec la citoyenneté et l’his-toire.

Quand je travaille, j’utilise mes intuitionsau service de hasards, mais de « hasardsobjectifs  » comme le dit l’ami contradic-toire d’Aragon (André Breton). Dans ceque j’ai envie d’écrire, il y a des choses quiont été disposées dans l’histoire contem-poraine qui me permettent de les aborderet de les mettre en perspective aujourd’hui.

ND  : Votre roman Missak, tout en donnant desclés de lecture et de compréhension nouvelles etprécieuses pour ce qui est du parcours du poètearménien M. Manouchian, opère un retour attendusur la polémique liée à l’Affiche rouge. Avez-vouseu l’intention, consciente ou inconsciente, de fairedécouvrir enfin à un plus grand nombre le destinpour le moins exceptionnel des vingt-troismembres des FTP-MOI de la région parisienne ?

DD : J’ai toujours été fasciné par le person-nage de Missak Manouchian, par tout cequ’il peut dire  ; j’avais des éléments delecture et de rencontres mais j’avais lesentiment que sa statue lui faisait del’ombre. Comme c’est le cas pour certainshéros. Le personnage était trop insuffi-samment exprimé, avec des manquementsénormes. Il y avait aussi les promessesnon tenues, comme sa dernière lettre quifait figure d’icône littéraire et donne nais-sance au poème d’Aragon et à la chansonde Ferré. Dans cette lettre, des choses sontdemandées mais ne sont toujours pastenues. Il demande à ses camaradesd’éditer par exemple ses poèmes. C’était

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HISTOIRE

Quelle place des femmes dans le christianisme ancien ?

Étudier en histoire les femmes comme groupe historique génère souventdes doutes et des remarques, parce qu'encore aujourd'hui, pour certains,ce type d'approche ne peut s'appuyer que sur des questionnements fémi-nistes, donc a priori suspects au regard de l'histoire.

videmment, le poids des enga-gements personnels nécessite d’éluci-der les raisons de ses propres curiosi-tés, puisque chacun évolue dans uncontexte. S'il est possible aujourd'huide s'intéresser à l’histoire des femmes,c'est à la suite des “gender studies”1

qui ont porté et imposé à juste titre lesfemmes comme un nouveau sujetd’étude. Cependant, dans cette histo-riographie du genre, il apparaît quel'histoire des femmes dans les religionsanciennes est truffée de lieux com-muns et de la vision a priori d'une sen-sibilité spécifiquement féminine. Lechristianisme serait en effet attractifparce que «  bon  » pour les femmes,leur offrant des opportunités inaccessi-bles à l'époque dans d’autres mouve-ments d'ordre religieux. L'image d'unJésus libérateur et féministe, en rup-ture avec un judaïsme intrinsèquementarchaïque et androcentrique2, s'est

*HÉLÈNE CILLIÈRES est docteur enhistoire, École pratique des hautesétudes. Auteur de la thèse La place et lestatut des femmes dans les communau-tés chrétiennes des deux premiers sièclesen milieux judéen et gréco-romain.Approche historique comparative dessources antiques, 2008.

imposée dans tout un pan de la littéra-ture féministe chrétienne. Dans les ins-criptions juives anciennes, la prédomi-nance de femmes parmi les prosélytes3

aurait quant à elle pour explication lecaractère plus « simple » de la conver-sion au judaïsme pour les femmespuisqu'il n'y a pas circoncision. Toutceci s'appuie souvent sur des poncifsrécurrents comme celui d'une diffé-rence fondamentale d'attrait pour ledivin/sacré entre femmes et hommesou d'une sensibilité plus accrue desfemmes à la religiosité. On peut d'ail-leurs légitimement s'interroger quant àl'impact d'une telle pensée de la diffé-renciation des genres par essence,et/ou d'une supériorité de l'un, surnotre société dans sa constructionactuelle.

L’ÉCLAIRAGE DE L’HISTOIREEn résumé, si la littérature féministeprésente méthodologiquement peu deliens avec l'histoire, le débat et la dis-cussion à partir de certaines de seshypothèses et conclusions ne doit pasêtre éludé ni refusé. C'est pourquoi, si

É

Par HÉLÈNE CILLIÈRES*

Ou comment faire de l’histoire à partir des Gender Studies.

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l'historien appartient à un présent quiconditionne sa vision et sa lecture dupassé, il ne doit pas céder à un hyper-scepticisme désenchanté qui l'empê-cherait de « faire » de l'histoire. Aucontraire, le point de vue, sans cessemodifié, apporte de nouveaux éclai-rages. Au cœur d'une histoire richeparce que sans cesse renouvelée,l'historien doit participer à la reconsti-tution de réalités passées, commecelle proposée ici pour le sujet quinous intéresse.Au IIe siècle, les femmes exercent desfonctions diverses au sein de certainescommunautés chrétiennes, comme desactivités publiques tels l’enseignementet le baptême. Il est cependant difficilede déceler dans les textes une véritégénérale et globale sur le rôle desfemmes. Le christianisme ancien neconnaît pas d’unité  ; il est organisé encommunautés de culture et d’originesdifférentes, qui produisent et utilisentdes textes différents. C'est seulementau début du IIIe siècle, et notammentchez Tertullien, qu'une évolution estsensible dans les textes que l’on quali-fie aujourd’hui de proto-orthodoxes5.Une tension semble alors exister entrel’opinion de ces auteurs sur la place desfemmes6 et ce que l’on sait du fonction-nement des communautés charisma-tiques7. Dans ces dernières où l'attentede la fin des temps est forte, lesfemmes, notamment prophétesses,semblent, d'après les sources chré-tiennes, particulièrement présentes8.Il me semble en revanche erroné de selimiter à ce constat : le « combat idéo-logique » des auteurs chrétiens entreeux se situe en effet non sur la seulequestion de la place des femmes, maissur le problème majeur de l’inscriptionde la communauté dans la société. Leschristianismes des deux premiers siè-cles n'ont pas encore de véritable orga-nisation sociale globale : quant il s'agitau IIIe siècle de s'inscrire dans le siècle,certaines communautés « proto-ortho-doxes » semblent alors calquer leurfonctionnement sur celui des sociétésenvironnantes, grecques, juives ouromaines (sur le re/mariage et ledivorce surtout, comme conséquencedu recul progressif de la valorisationextrême de la continence sexuelle).Parallèlement à une «  proto-ortho-doxie  » qui chercherait à s’intégrerdans le temps, aboutissant à un phéno-mène de hiérarchisation des fonctionsdans la communauté, d’autres christia-nismes, aux attentes eschatologiques9

et apocalyptiques fortes, présentent unautre fonctionnement interne, où lesfemmes continuent de pratiquer desactivités publiques en lien avec le culteet la gestion de la communauté.

Il faut souligner un phénomène quipose problème : le thème récurrent del'attrait important des femmes vers lesmouvements ésotériques pourraitn'être qu'un lieu commun littéraire, uti-lisé par les auteurs "proto-orthodoxes"pour dénoncer des communautés chré-tiennes qu'ils considèrent comme mar-ginales et contraires à l'orthodoxie. Laquestion de l'adéquation de ce quedisent ces textes proto-orthodoxesavec une quelconque réalité fait encoreaujourd'hui débat.

Plusieurs titres honorifiques et fonc-tions féminines dans les communautéssont toutefois transversaux aux socié-tés antiques : c'est le cas desanciennes10, diaconnesses11 et prophé-tesses. L'originalité des communautéschrétiennes semble résider dans lareconnaissance de l'existence degroupes sociaux féminins spécifiques :celui des « veuves » et celui des« vierges » (jeunes filles non mariées).Cette valorisation du choix de vivresans époux aboutit à leur prise encharge matérielle par la communauté.Dans un contexte défavorable sociale-ment et financièrement, la possibilitéd'échapper à une certaine précaritésociale tout en assumant leur choix devie valorisant la chasteté et la virginitéa pu constituer un attrait réel pour cesfemmes ayant besoin d’assistance maisaussi de reconnaissance.

Peut-on expliquer une présence impor-tante de femmes dans ces communau-tés par la prise en considération desquestions sociales les touchant parti-culièrement ? C'est une piste d'analysequi montre que ces communautés ontpu offrir des possibilités de « rupture »avec des éléments de nature socialedes sociétés environnantes, à desfemmes en recherche d'un autre modede vie et/ou de la possibilité de vivreselon leurs choix.

Cette recherche historique de plusieursannées a sans aucun doute enrichi mapensée et mon action pour le présent.A l'heure où est attaquée l'introductiondans les manuels scolaires des théoriesdu genre, le « salut » politique peutaussi venir du dialogue avec l'histoire.

Sans pour autant trahir ce qui fait del'histoire une « science », il me semblepossible de s'en nourrir pour nos com-bats d'aujourd'hui, pour l'égalité entreles femmes et les hommes et pourl'émancipation. n

1) Ou « études de genre », domaine d'étudetransversal à plusieurs disciplines, ayantémergé dans les années 1970, visant à expli-quer les causes et les effets des discrimina-tions de genre sur les femmes et dans lasociété.

2) Terme non répertorié dans les diction-naires. Signifie « qui se place du côté del'homme, qui a une vision organisée autourde l'homme ».

3) Personnes converties au judaïsme.

4) Notamment dans son Traité de la prescrip-tion contre les hérétiques ou encore dans Surle baptême, 17.

5) « Proto-orthodoxe » au sens d'avant lacanonisation du Nouveau Testament et lamise en place de l'église comme référent del'orthodoxie et de la mise au ban de mouve-ments qualifiés alors d'hétérodoxes, notam-ment à partir du IVe siècle.

6) Sous prétexte d'une « crédulité » et d'une« effronterie » typiques des femmes les ame-nant à croire à toute sorte de superstitions etcroyances hors-normes, ils s'opposent, enreprenant notamment Paul dans l'Épître auxCorinthiens, à l'attribution de ministèresacerdotal et de fonction religieuse auxfemmes.

7) Communautés chrétiennes dont la pra-tique religieuse est caractérisée par uneintense ferveur et une place importanteaccordée aux manifestations de l'Esprit,notamment à travers les prophètes et pro-phétesses.

8) On cite souvent les deux oracles d'unecommunauté montaniste, Maximilla etPrisca, mentionnée par Tertullien, Eusèbe deCésarée et Épiphane de Salamine. On peutaussi faire référence au personnage un peuhors du commun de Thècle dans les Actes deThècle.

9) Relatifs à la fin des temps.

10) Le terme grec de presbutidas peut ren-voyer à un titre honorifique et/ou fonction-nel, sans qu'il soit vraiment possible de tran-cher.

11) Ou « femmes-diacres », sans doute spé-cialisées dans les missions de liaison entreles disciples.

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LA REVUE DU PROJET - OCT-NOV 2011

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SCIENCESLa culture scientifique est un enjeu de société. L’appropriation citoyenne de celle-ci participe de la constructiondu projet communiste. Chaque mois un article éclaire une actualité scientifique et technique. Et nous pensonsavec Rabelais que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

un humain, donc Socrate est mortel  »n’est pas ce que les mathématiciensappellent une preuve, on peut espérerque les mathématiciens ne sont passeuls à penser ainsi. Par contre,déduire du second axiome d’Euclide,«  Par un point extérieur à une droiteon peut mener une et une seule paral-lèle à une droite  »  que la somme desangles d’un triangle est un angle platest un théorème. Mérite ce nom unénoncé et seulement un énoncé dontles hypothèses se vérifient à «  l’œilnu » et dont les conclusions, elles, ne sevoient pas «  à l’œil nu  ». Un théorèmenécessite une preuve  ; le «  théorèmede Schmidt » n’en est pas un. La preuveest–elle donc une exclusivité mathéma-tique  ? Chacun sait les difficultés ren-contrées par tout jeune devant l’intro-duction de «  x  »  ; il est bien regrettablede ne pas expliquer que «  x  » n’estautre que le portrait robot dont touteenquête policière se sert. Les enquêtesjudicaires utilisent donc des outilsmathématiques sans le savoir  ; il nes’agit pas cependant de jouer à MrJourdain. On dira que depuis que lesméthodes judiciaires se sont raffinées,on se serait depuis longtemps aperçuqu’elles en ont besoin. À première vue. Il y a quelques siècles, la «  preuve  » ducrime procédait de l’  «  aveu  » et celui-ci obtenu sous la torture la plusabjecte. La période sombre du MoyenÂge au moins dans de vastes étenduesdu globe ne fit aux mathématiquesaucun emprunt, d’aucune sorte (et ellestombèrent dans un coma profond). Sij’osais, j’écrirais  : aussi fut-elle sombre.

DEUX « HISTOIRES » ACTUELLESUn ghetto est en gros un rassemblementd’êtres humains soumis à un ensemblede contraintes extérieures violentes etcontradictoires. Par exemple se nourriret éventuellement sa famille et être misdans l’incapacité de trouver du travail outoute forme de rétribution pour une

Mathématiques : de quelques enjeux politiques actuels « Je vais vous conter une histoire qui vous glacera de terreur » ; j’empruntecet exergue au long roman Cacao de Jorge Amado dont la première chronique était la « Terre aux Fruits d’or ».

L*OLIVIER GEBUHRER est maître de conférence en mathémathiques

es mathématiques occupentune place singulière dans notre civilisa-tion  ; elles sont partout et on ne les voitpas. La chirurgie est une technologiemathématique et tire son nom de laspécialité médicale bien connue  ; maischacun sait inversement, que l’on nepeut dépister aujourd’hui des tumeursmalignes sans une imagerie médicalesophistiquée dont le soubassement estmathématique, une mathématique quiva quelque peu au-delà de la règle detrois ; la chirurgie elle-même estaujourd’hui de plus en plus souventassistée par ordinateur. L’effort mentaltendant à imaginer ce qui arrive ànotre civilisation si d’un seul coup toutce qui est d’ordre mathématique endisparaissait est trop complexe pourêtre entrepris mais chacun pressentque dans la minute qui suivrait, lemonde que nous connaissons seraitinvivable sur une grande partie de laplanète. On dira qu’il l’est déjà pour desmilliards d’êtres humains pour des rai-sons qui n’ont rien de mathématiquemais qui ont beaucoup à voir avec lesformes du capitalisme actuel. On diraque les mathématiques relèvent del’exactitude et que les enjeux propre-ment politiques ne la traversent pas etqu’inversement, les mathématiquesn’ont rien à apporter au politique. Ettout porte à penser que tout cela estvrai à première vue.

À première vue, le Soleil se meut autour de laTerre, centre de l’Univers. Là où commencent les mathématiques,il y a la preuve. Le fait de dire «  Leshumains sont mortels  ; or Socrate est

activité socialement utile. Par exemplese loger et se voir interdit l’accès aulogement. Par exemple, être conscientde son humanité et se la voir dénier parune étoile jaune. La liste n’est évidem-ment pas épuisée.Devant les spectaculaires évolutionssociétales d’un monde où se développeun capitalisme nouveau, les socio-logues empruntèrent de plus en plusfréquemment l’idée de sociétés fractu-rées  ; le langage de gauche s’y référalui aussi. Or les mathématiques avaientrencontré ce phénomène depuis long-temps et construit des objets totale-ment étranges, sans épaisseur mais aucontenu aussi dense que possible, dis-continus mais sans point isolé etc. Cesobjets étranges furent regardéscomme des curiosités jusqu’au jour oùBenoit Mandelbrojt «  découvrit  » quel’étrangeté en question était une formed’existence de la matière  ; ainsi le flo-con de neige, le dessin de la côte degranit en Bretagne... Ces systèmes quiobéissent tous aux conditions draco-niennes mentionnées ci-dessus s’appel-lent fractals. Mais une lecture attentivedu livre le Choc des civilisations deSamuel Huntington montre sansaucune équivoque possible qu’il s’esttrouvé sur un endroit de la terre des« penseurs » qui comprirent que la pro-priété générale des fractals était … leurautoreproduction. Une fois posé leréseau de contraintes externes men-tionné, le système dynamique créés’autoreproduit indéfiniment sans avoirla possibilité de la moindre évolution  : ilreproduit indéfiniment en son sein lescontraintes qui lui ont donné nais-sance  ; il ne peut pas les dépasser.Créer une société fractalisée pro-voque sa domination complète  ; seséléments ne sont pas isolés mais necommuniquent pas entre eux. Bienentendu , et heureusement, l’histoire,même bégayante de l’espèce humaineassigne une certaine limite au mot

Par OLIVIER GEBUHRER*

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«  indéfiniment »  et au mot « complet »mais une société fractalisée est l’ac-complissement du capital, en tout casde ceux qui le pensent.Un homme politique connu pour sesituer à gauche s’écria dans le Journal Le Monde : «  les mathématiciens quienseignent les techniques sophistiquéespermettant le développement des mar-chés financiers sont coupables de crimescontre l’humanité  !  » L’exclamation res-semble à son auteur qui est un spécia-liste de l’arc ajusté sur de fausses ciblesmais ce qu’il dit correspond à une idéeassez répandue. Les mathématiciensdevraient fermer les enseignements dehaut niveau appelés mathématiquesfinancières et s’occuper d’autre chose. Si donc «  à première vue  », les mathé-matiques sont totalement étrangèresau politique, il ne fait cependant pas dedoute que le capitalisme, ceux qui lepensent, l’implémentent et cherchentavec obsession les moyens de le trans-former pour que rien ne change, s’enservent.

Peut-on imaginer un «  usage » des mathéma-tiques qui au lieu de servir à de nouveauxmodes de domination conduisent à émanciperl’humanité  ? Bien qu’il y ait des aspects relative-ment simples où la réponse est immé-diatement positive, un instant deréflexion montre qu’avant d’en donnerun exemple il faut repenser la ques-tion. Que le capital soit obsédé parl’idée de se «  servir  » de ce que lesmathématiques produisent de plus

sophistiqué voilà une problématiquenormale pour qui a le profit commedéterminant principal. Il n’en est pasdu tout de même s’il s’agit de dévelop-per une autre logique, celle du dévelop-pement des capacités humaines. Lesmathématiques se prêtent mal à l’asservissement quel qu’il soit.Lorsque cependant c’est le cas — et celamériterait un développement en soi —elles engendrent des monstres ce quisomme toute est naturel.Dans un temps éloigné une discussionâpre fit rage dans ce qu’on appelaitalors le mouvement ouvrier sur laquestion de la participation parlemen-taire. Pouvait-on se contenter deconquérir une majorité électorale pourutiliser ensuite les institutions contre ladomination de la bourgeoisie  ? La litté-rature à ce sujet est trop vaste pourêtre rappelée mais la question ici est dumême ordre en dépit de l’apparenceselon laquelle les mathématiquesconstituent sans doute un superbe«  ornement de l’état  » une activité deluxe mais en gros la révolution peuts’en passer – des mathématiques, pasdes mathématiciens —, on a quandmême progressé depuis Lavoisier. Mais là surgit soudain une questionnouvelle et quelque peu intimidante  ;on voit assez ce que veut dire qu’il fautchanger d’institutions et pas se conten-ter de se glisser dans celles qui sontconçues pour perpétuer la dominationdu capital. Qu’il y faille une certainedose d’invention est une chose mais«  changer de mathématiques  » qu’est-

ce à dire  ? Il serait de ma part déplacéde tenter ici une réponse en peu demots. Un exemple en donnera une idéenéanmoins : pour ce faire on usera d’unprocédé utilisé fréquemment par K.Marx , à savoir «  le passage à lalimite  ». Supposons le monde débar-rassé des Agences de notation, del’OMC , de l’OTAN, de la CIA , desBarroso et autres Sarkozy, supposonsun monde dont les armes aient dispa-rues, supposons un monde de librecoopération entre individus libres. N’y aurait-il aucune place dans un telmonde pour des échanges multiples debiens communs et divers, de produc-tions de toute nature, matérielles etimmatérielles ? Et si tel est le cas, n’est-il pas nécessaire de concevoir l’appareilconceptuel qui permet de passer de ladomination des hommes à l’organisa-tion des choses  ? Et cette organisa-tion exclue-t-elle les fluctuations, lehasard  ? Peut-elle se concevoir sansdisposer d’une certaine notion d’effi-cience ? De la matrice constituée parles mathématiques financières sorti-ront d’autres concepts, d’autreschamps d’exploration, d’autres ques-tions frontières et d’autres possibles.Les mathématiques — c’est la grandedifférence entre cette science et lemouvement de la société — permettentde l’intérieur leur propre dépasse-ment  ; ce n’est pas la seule fois dansleur histoire mais ce serait la premièreoù ces mouvements seraient syn-chrones. Hâtons nous. n

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Patrice BessacRepsonsable national du [email protected]

Stéphane Bonnery Formation/Savoirs, é[email protected]

Nicolas Bonnet [email protected]

Hervé Bramy [email protected]

Ian Brossat Sécurité[email protected]

Laurence Cohen Droits des femmes/Féminisme [email protected]

Xavier Compain Agriculture/Pêche [email protected]@pcf.fr

Olivier Dartigolles [email protected]

Yves Dimicoli Economie [email protected]

Jacques Fath Relations internationales, paix et désarmement [email protected]

Olivier Gebhurer Enseignement supérieur et [email protected]

Jean-Luc Gibelin Santé Protection [email protected]

Isabelle De Almeida [email protected]

Fabienne Haloui Lutte contre racisme, antisémitisme et [email protected]

Alain Hayot [email protected] ou [email protected]

Valérie [email protected]

Jean-Louis Le Moing [email protected]

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Gérard Mazet [email protected]

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de rédaction

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ParticeBessac

Responsable de la Revue

Guillaume Quashie-Vauclin

Responsableadjoint

COMITÉ DU PROJET ÉLU AU CONSEIL NATIONAL DU 9 SEPTEMBRE 2010 : Patrice Bessac - responsable ; Patrick Le Hyaric ; Francis WurtzMichel Laurent ; Patrice Cohen-Seat ; Isabelle Lorand ; Laurence Cohen ; Catherine Peyge ; Marine Roussillon ; Nicole Borvo ; Alain Hayot ; Yves DimicoliAlain Obadia ; Daniel Cirera ; André Chassaigne.

L’ÉQUIPE DE LA REVUE

LES RESPONSABLES THÉMATIQUES

Liste publiée dans CommunisteSdu 22 septembre 2010

Marine RoussillonPages critiques

Alain VermeerschRevue des médias

Frédo CoyèreMaquette etgraphisme

Côme SimienHistoire

Anne BourvicRegard