N5833070_PDF_1_-1DM Dictionnaire Universel de Commerce Par Jacques Savary Des Bruslons t. 1 1726
N0110843_PDF_1_-1DM
-
Upload
davide-crippa -
Category
Documents
-
view
46 -
download
1
Transcript of N0110843_PDF_1_-1DM
-
La logique de Leibniz :d'aprs des documents
indits / par LouisCouturat,...
Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France
-
Couturat, Louis (1868-1914). La logique de Leibniz : d'aprs des documents indits / par Louis Couturat,.... 1901.
1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitslabors ou de fourniture de service.
Cliquer ici pour accder aux tarifs et la licence
2/ Les contenus de Gallica sont la proprit de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code gnral de la proprit des personnes publiques.
3/ Quelques contenus sont soumis un rgime de rutilisation particulier. Il s'agit :
*des reproductions de documents protgs par un droit d'auteur appartenant un tiers. Ces documents ne peuvent tre rutiliss, sauf dans le cadre de la copie prive, sansl'autorisation pralable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservs dans les bibliothques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signals par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invit s'informer auprs de ces bibliothques de leurs conditions de rutilisation.
4/ Gallica constitue une base de donnes, dont la BnF est le producteur, protge au sens des articles L341-1 et suivants du code de la proprit intellectuelle.
5/ Les prsentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont rgies par la loi franaise. En cas de rutilisation prvue dans un autre pays, il appartient chaque utilisateurde vrifier la conformit de son projet avec le droit de ce pays.
6/ L'utilisateur s'engage respecter les prsentes conditions d'utilisation ainsi que la lgislation en vigueur, notamment en matire de proprit intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prvue par la loi du 17 juillet 1978.
7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute dfinition, contacter [email protected].
-
LA
DE LEIBNIZ
-
A LA MME LIBRAIRIE
DU MME AUTEUR:
De Platonicis mythis, thse latine (puis).
De l'Infini mathmatique, 1 vol. grand in-8. 12 Ir.
EN PRPARATION
Opuscules et fragments indits de Leibniz.
La Logique algorithmique.
Coulommicrs. Imp. I'all UKODAKD. 1:11-1001.
-
LA
LOGIQUE DE LEIBNIZ
D'APRES DES DOCUMENTS INEDITS
\\vj>y
PAR
Louis COUTURATC II A 11 G0 COCUS A I. U N I V K II S I TA DE TOULOUSE
Cum Deus calculat.fit nnindus.
PhiL, VII, 191.
PARIS
FLIX ALCAN, DITEURANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIRE ET Ci,,
108, BOULEVARD S AlftT-UE ItM AIN, 108
1901Tous droits rservs.
-
AEMILE BOUTROUX
PUOF.K.SSjCpl( DE L'UNIVERSIT DE PARIS
V -i>m ' JlKMItKE DE L'INSTITUT
Hommage respectueux et reconnaissant.
-
A G E
La Logique de Leibniz est assurment la partie de son
systme qui a t le plus nglige par les historiens de la
philosophie et des mathmatiques. Les philosophes, sduits
bon droit par sa mtaphysique, n'ont accord que peu
d'attention v ses doctrines purement logiques, et n'ontgure
tudi son projet d'une Caractristique universelle, sans
doute cause de la forme mathmatique qu'il revtait.
D'autre part, les mathmaticiens ont surtout vu dans
Leibniz l'inventeur du Calcul diffrentiel et intgral, et ne
se sont pas occups de ses thories gnrales sur la valeur
et la porte de la mthode mathmatique, ni de ses essais
d'application de l'Algbre la Logique, qu'ils considraient
ddaigneusement comme de la mtaphysique. Il en est
rsulte que ni les uns ni les autres n'ont pleinement com-
pris les principes du systme, et n'ont pu remonter jusqu'
la source d'o dcoulent v la fois le Calcul infinitsimal et
la Monadolotjie.
lls ont, il est vrai, pour excuse que les opuscules de
Leibniz relatifs il la Logique n'ont t publis que tardive-
1. Nous adoptons l'orthographe Lkibniz, conforme il la signature habi-
tuelle du philosophe (cf. Klopp, IX, il).
-
VIII PRFACE
ment et trs incompltement, et qu'aujourd'hui encore ils
sont disperss dans diverses ditions partielles et fragmen-
taires, notamment dans les deux ditions o Gerhardt a si
malencontreusement distribu les OEucres -n i a Ihma tiqueset les OEuvres philosophiques*; comme si l'on pouvait
dcouper en tranches l'oeuvre d'un savant encyclopdique,dont la philosophie tait nourrie de l'lude de toutes les
sciences, et a inspir en retour toutes ses dcouvertes
scientifiques. S'il y a un penseur que l'on ne puisse ddou-
bler ainsi impunment, c'est bien celui qui disait Ma)Mtaphysique est toute mathmatique ou encore Les
Mathmaticiens ont autant besoin d'estre philosophes queles philosophes d'estiv Mathmaticiens 3 Cette divi-
sion artificielle et arhitraire opre entre des uvres con-
temporaines qui se pntrent et s'clairent mutuellement
v eu pour rsultat de dissimuler l'unit du systme et d'en
cacher les vritables principes. Ainsi l'absurde et dplo-rable scission des lettres et des sciences ne com-
promet pas seulement l'avenir de la philosopliie elle fausse
son histoire et rend son pass inintelligible, en l'isolant des
spculations scientifiques o elle a toujours pris racine. On
1. Il y a dans les uvres philosophiques des lettres ou mme des opus-cules d'un contenu mathmatique, comme la Letlre ci Makbranche du4 aot J079 {Phil., I, 342) et le '1'cntamcn Anagogicum (phil., VII, 270;class dans les manuscrits Math., VII, Et en revanclie, il y a dansles uvres mathmatiques une foule de lettres et de fragments d'un grandintrt philosophique, notamment la correspondance avec Tschirnhaus,et plusieurs opuscules sur la philosophie ou la logique des mathma-tiques (v. Chap. VI, 7; Chap. IX, 4).2. Lettre ciVUospital, 27 dc. 1094 (Math., 11,258).3. Lettre ciMakbranche, la!?3 mars 1099 (Phil., I, 3-JO).Cf. Lettrc ti la
princesse Sophie, d2 juin 1700 (cite p. 202, note 1). Leibniz disait lui-mme de sa correspondance avec Arnauld, qu'il projetait de publier Il y aura un mlange curieux de penses philosophiques et Mathma-tiques qui auront peut estre quelquefois la grace de la nouveaut. Lettre Basnage dc Buauval, 3/13 janv. 1096, P. S. (l'hil., IV, 499).
-
PRFACE IX
comprend aisment que la philosophie de Leibniz aitd en
ptir plus que toute autre, et, dans cette philosophie,la
Logique, prcisment parce qu'elle est le centreet le lien
de ses spculations mtaphysiques et de ses inventions
mathmatiques i.
Non seulement les ditions de Leibniz sont incompltes
et unilatrales mais les uvres logiques y ont t parti-
culirement ngliges. Sans doute RASPE, puis Eudmaxn et
enfin Gerhardt nous ont fait tour v tour l'aumne de quel-
ques fragments; mais pour un qu'ils ont publi, ils en ont
laiss de ct vinyl autres aussi importants et aussi
aclievs, sinon davantage, et, ce qui est le plus incroyable,
presque tous les fragments dats. On ne peut expliquer une
telle ngligence que par le fait que les diteurs d Leibniz,
n'ont rien compris ces fragments et n'ont pu en appr-
cier la valeur. Aussi avons-nous d, pour complter notre
travail, prendre connaissance des manuscrits conservs il
la Bibliothque de Hanovre, et en extraire les fragments
les.plus intressants, que nous publierons bientt 8. Nous
1. L'troite connexion qui existe entre le Calcul infinitsimal et la
mtaphysique de Leibniz est affirme expressment et nettement dfinie
clans la Lettre ci Fardella du 3/13 sept. 101)0 Portasse non inutile erit,
ut nonnihil in prfalione operis Lui de nostra hac analysi infi-
niti, ex intimo philosophie fonte derivata, qua matllesis ipsa ultra hac-
tenus consuetas notiones, id est ultra imaginahilia, sese attollit, cluibus
pne solis liactenus et analysis immergebanlur. Et nova
inventa malhemalica partim lueem accipient a nostris pliilosoplicmatibus,
partim rursus ipsis autoritalem dabunt. (Gvolefcnd, p. 210.) N'est-ce
pas un crime que de sparer ce qui dans la pense de Leibniz tait si
intimement uni?
2. Nous ne voulons pas attendre cette occasion pour tmoigner toute
notre reconnaissance il M. Liard, directeur de l'Enseignement suprieur,
qui, en nous chargeant cet effet d'une mission en Allemagne, nous a
permis de mener bien ce double travail; il. M. le conseiller Bodemann,
bibliothcaire en chef de Hanovre, qui nous a libralement ouvert letrsor dont il a la garde; et M. Vacca, assistant de mathmatiques, ill'Universit de Turin, qui nous en a montr le chemin.
-
x PRFACE
croyions n'avoir plus qu' glaner aprs tant d'diteurs; or
nous avons rapport une moisson si riche de documents
nouveaux, que nous avons t oblig de refondre entire-
ment notre livre et de rcrire certains Chapitres en totalit'.
Toutefois, ces documents, si considrables qu'ils soient
par leur nombre, leur tendue et leur intrt, ne nous ont
nullement oblig de modifier notre plan ni mme de corriger
nos conjectures chronologiques; ils n'ont fait que combler
des lacunes et confirmer notre interprtation. Ils ont sur-
tout apport un supplment de preuves il la conclusion
essentielle de notre travail, v savoir que la mtaphysique
de Leibniz repose uniquement sur les principes de sa
Logique, et en procde tout entire 2.
Cette conclusion, que les uvres dj publies suffisaient
justifier, se trouve corrobore entre autres par un admi-
rable fragment indit o Leibniz a rsum en quatre pages
toute sa mtaphysique en la dduisant du principes de
raison, qu^il formule rigoureusement comme suit Dans
toute proposition vraie, universelle ou singulire, nces-
saire ou contingente, le prdicat est contenu dans le sujet;
en d'autres termes, toute vrit est rductible une propo-
sition identi.(luc, et doit pouvoir se dmontrer ct priori par
l'analyse de ses termes,. De la Leibniz dduit d'abord le
principes de symtrie et le principes des indiscernables,
puis une suite de consquences mtaphysiques il n'y a pas
de dnominations purement extrinsques; la notion com-
1. Notamment le Chap. III (la' Langue universelle) et le Chap. VIII (le
Calcul logique).2. C'est il la mme conclusion qu'est arriv M. Russell, par une inter-
prtation toute diffrente d'ailleurs, dans sa Critical Exposition of the Phi-
losophy of Leibniz (Cambridge, 1900).3. Phil., VIII, 0-7. Voir les extraits cits Chap. VI, 17, notamment
p. 208, note 1.
-
PRFACE XI
plte d'une substance individuelle enveloppe tous ses pr-
dicats passs, prsents et futurs, et par suite l'univers entier,
avec tous ses tats successifs; toutes les substances cres
ne sont que des expressions diverses d'un mme univers:
une substance individuelle exerce sur toutes les autres une
action physique, mais non une action mtaphysique, d'o
suit l'hypothse de l'harmonie prtablie; il n'y a pas de,
.vide ni d'atomes; toute parcelle de matire est actuellement
divise v l'infini; il n'y a dans les corps aucune figure
actuelle dtermine; l'espace, le temps et le mouvement ne
sont que des phnomnes vrais; la. substance des corps_est
une forme analogue l'Ame; enfin, aucune substance
ne peut nnttre ni prir naturellement. Comme on le voit,
ce sont toutes les thses essentielles de la Mon ado lof/ ie qui
drivent de ce seul principe de raison, dont le sens exact
et prcis est celui-ci Toute vrit est analytique. En
consquence, tout dans le monde doit tre intelligible et
dmontrable logiquement par de purs concepts, et la seul
mthode des sciences est la dduction. C'est ce qu'on peut
appeler le postulat de l'universelle intelligibilit. La philo-
sophie de Leibniz apparat ainsi comme l'expression la plus
complte et la plus systmatique du rationalisme intellec-
tualiste il y a accord parfait entre la pense et les choses,
entre la nature et l'esprit; la ralit est entirement pn-trable il la raison, parce qu'elle est pntre de raison.
Pour caractriser cette mtaphysique d'un seul mot, c'est
un pan logis/ne l.
Ce mot suffit il indiquer la place capitale que la Logique
1. Cette interprtation nous parat propre il clairer les rapports deLeibniz et de Kant. Celui-ci s'oppose radicalement son prdcesseur ensoutenant l'existence des jugements synthtiques ci priori.
-
XII PRFACE
doit occuper dans le systme de Leibniz. Cette conclusion
n'tait de notre part ni cherche ni mme prvue c'est sans
le vouloir et presque malgr nous que nous y avons abouti.
Nous nous proposions simplement d'tudier en Leibniz le
prcurseur de la Logique algorithmique moderne, d'ana-
lyser son Calcul logique et son Calcul gomtrique, et de
reconstituer ride de sa Caractristique universelle. Mais,
quand nous avons voulu remonter aux principes philoso-
phiques de ces thories, nous avons aperu, d'une part,
qu'elles procdaient de la conception originale que Leibniz
se faisait de la Mathmatique universelle, et de son inven-
tion juvnile de la Combinatoire; d'autre part, qu'elles se
rattachaient troitement ses essais de Langue universelle.
ainsi qu' son grand projet d'Encyclopdie dmonstrative
qui l'occupa toute sa vie; enfin, qu'il dduisait toutes ses
thses philosophiques des principes de sa Science gn-
rale , c'est--dire de sa Mthodologie. C'est ainsi que nous
avons t amen dcouvrir que sa Logique tait, non seu-
lement le cur et l'me de son systme, mais le centre
de son activit intellectuelle et la source de toutes ses inven-
tions, et il reconnatre en elle le foyer obscur, ou du moins
cach, d'o jaillirent tant de lumineuses fulgurations .
-
AVERTISSEMENT
Nous croyons devoir donner ici quelques indications sur la
disposition matrielle de notre ouvrage. L'tat de dispersion et
de dsordre o se trouve prsentement l'uvre immense et
multiple de Leibniz, morcele et dmembre entre lant d'di-
tions fragmentaires, fait qu'il est difficile, sinon impossible,
un seul lravailleur de rassembler et d'avoir sous la main tous
les textes ncessaires l'tude approfondie d'une partie quel-
conque du systme Nous avons donc pens tre utile aux
tudiants, et mme quelques-uns de leurs matres, en prodi-
guant les citations et les rfrences, de manire faire de notre
livre un recueil de textes qui pt suppler en quelque mesure
l'absence de telle ou telle dition 2. De plus, les citations per-mettent des rapprochements instructifs ou curieux entre des
textes analogues ou contemporains qui se trouvent souvent
spars dans une mme dition ou dans plusieurs. Quant aux
rfrences, nous les avons multiplies, dans l'espoir de rem-
1. Nous n'y avons russi nous-mme que grce aux ressources con-
jointes de la Sorbonne, de l'cole Normale et de la bibliothque Victor
Cousin, ressources qui ne se trouvent runies qu' l'aris.
2. Voir il lat fin du volume nos Abrviations bibliographiques. En rgle
gnrale, nous avons renvoy de prfrence aux ditions les plus rcentes;
par suite, nous n'avons cit les ditions Dutcns, Erdmann, etc., que pourles textes qui manquent aux ditions ultrieures. Toutefois, nous avons
cit paralllement, lorsqu'il y avait lieu, les trois ditions Gerhardt
[Math., Phil. et Briefwechsel).
-
XIV AVERTISSEMENT
dier, sur quelques points au moins, au manque si regrettabled'Index dans les ditions Gerhardt. Elles pourront servir de
guide ceux qui voudront vrifier notre interprtation, en dve-
lopper et complter quelques parties, ou tudier certaines ques-tions accessoires que nous avons d laisser de ct Nous
avons trait dans les Appendices quelques-unes de ces questions
connexes qui se rattachaient notre sujet sans toutefois entrer
dans notre plan. Nous avons renvoy la fin du volume, dans
les Note.s, les documents qui se trouvaient cits en divers
endroits du livre, ou qui par leur tendue ne pouvaient trouver
place dans les notes courantes. Enfin, comme toutes nos cita-
tions des uvres philosophiques se rfrent l'dition Ger-
hardl', il nous a paru utile, pour permettre de les retrouver
aisment et srement dans l'dition Erdmann, de dresser une
table de correspondance entre les deux ditions, qui n'existe
encore nulle part notre connaissance. En un mot, ayant
prouv par nous-mme combien les ditions prsentes de
Leibniz rendent l'tude incommode et pnible, nous nous
sommes efforc d'pargner au lecteur de longues et fastidieuses
recherches, souvent striles et toujours hasardeuses, et de le
faire profiler le plus possible du rsultat des ntres. Nous
serions amplement rcompens de nos peines, si notre ouvrage
pouvait faciliter d'autres l'tude de la philosophie de Leibniz,
attirer l'attention des chercheurs sur son uvre si vaste et si
mal connue, et susciter d'autres travaux qui contribuent
augmenter sa gloire et restaurer sa pense.
1. Voir par exemple les notes sur les travaux philologiques de Leibniz
(p. 05, 1); sur les machines logiques (p. i((i, 2); sur les dialogues com-
poss par Leibniz (p. 130, a); sur l'Algbre de Descaries (p. 1 il, 2); sur
l'argument ontologique (p. l'JJ, 3); sur le principe de continuit (p. 2'A'A, 4);sur la machine arithmtique (p. 20", 4); etc. Pour les notes relatives it
tel ou tel auteur, consulter V Index des noms propres.2 Sauf pour les Nouveaux Essais, la Thodicc et la Monadoloiic; nous
avons prfr renvoyer aux divisions intrinsques de ces ouvrages, parce
qu'il y en a de nombreuses ditions classiques, par exemhle l'dition
Janet (2 vol. in-8; 2c dition, Paris, Alcan, 11)00).
-
Coutuhat. Lojjic[uo de Leibniz, 1
LA
LOGIQUE DE LEIBNIZ
CHAPITRE I
LA SYI.LOCISTIQUE
1. tlvant d'tudier les vues originales de Leibniz sur la
Logique, il convient de rechercher d'abord ce qu'il pensait de
la Logique traditionnelle d'AmsTOTE et des Scolastiques, et en
particulier de la thorie du syllogisme. Il professa toujours pour
celle-ci une grande admiration
Je tiens que l'invention de la forme des syllogismes est une
des plus helles de l'esprit humain, et mme des plus considra-
hles. C'est une espce de mathmatique universelle', dont
l'importance n'est pas assez connue; et l'on peut dire qu'un art
d'infaillibilit y est contenu, pourvu qu'on sache et qu'on puisse
s'en bien servir, ce qui n'est pas toujours permis 2.
La meilleure preuve de la valeur que Leibniz reconnaissait
1. remarquer cette expression, qui se Irouve l'cptOe plus loin par'Phi-lalllie ( (i), cL que nous comprendrons mieux plus tard (Voir Chap. Il,
1, elChap. VU, $14).2. Nouveaux Essais, IV, xvh, 4 (1704). Cf. Lettre lioch du i;i juillet 1715
(Phil., VU, 481); Lettre au P. tlcs Bosses du 2 mai 1710 {PhiL, Il, 402);Letlrc ci Lang du juin 1710 (Note XVIII) Lettre ci Eler du 10 mai 1710
(Note XVII).
-
2 CHAPITRE 1
la Logique formelle, et notamment au syllogisme, consiste
dans le fait qu'il l'employa avec succs dans sa controverse avec
Denis Papin touchant la Dynamique 1. Ils poussrent l'argu-
mentation jusqu'au 12" ou 13 syllogisme, aprs quoi ils tom-
brent d'accord, tandis qu'auparavant ils ne russissaient pas
s'entendre 2.
Mais ce culte de la forme logique et son admiration pour la
thorie du syllogisme n'empchaient pas Leibniz de considrer
l'oeuvre d'Aristote comme imparfaite, et de vouloir la corriger
et la complter, l'exemple des Scolastiques eux-mmes. Vers
la fin de sa vie, il crivait ces lignes, qui rsument sa proprethorie
La Logique de Syllogismes est vritablement dmonstra-
tive, tout comme l'Arithmtique ou la Gomtrie. J'ay demontr
dans ma jeunesse, non seulement qu'il y a vritablement quatre
figures, ce qui est ais 3, mais aussi que chaque Figure a six
modes utiles, et n'en sauroit avoir ny plus ny moins au lieu
qu'ordinairement on n'en donne que quatre la premire et
la seconde, et cinq la quatrime 4.2. La dmonstration laquelle Leibniz faisait ainsi allusion
se trouve dans sa Disserlalio de Arle combinaloria*, compose
1. De Icgibus nalurw et vel'a xstimutione virium molricum contra Carte-
siunos, responsio ad raliones a Dn Il. menue Junuarii proxhno in Aclis hisce.
propositas. (Actcc Eruditorum, 1091; Math., VI, 204-11.) On trouve dans les
manuscrits de Leibniz plusieurs documents relatifs il ce dbat Phil., II,8 a Abrg rle la dispute en forme que j'ay e2ce avec Olons. Papilz sur l'es-
time de la force depuis le premier jusqu'au 13. syllogisme (indit.);
Phil., Il, 8 b le morceau puhli par Geruardt en Appendice il l'article
des Acta (lath., VI, 21 1-5); Math., IX, 7 Synopsis controversi circa lef)i-timant virium motricium ssstimalioncm cxcerplu a Dn. Papino, de la main de
Papin, avec celle note de Leibniz In hac synopsi status controverskc
cl ulrinque prolalm relaliones milli non videnlur salis recle exposilio
(Bodemann, p. 00, 301).2. Lettre Gabriel Wagner, 1006 {Phil., VII, ii-22).3. Voir l'Appendice I.
4. Lettre Bourguet du 22 mars 1714 (Phil., III, 509). Cf. Lp.llre Koch
du 2 sept. 1708 Invcni olim eu jusque liguv modos bonos sex nec plures.aul paucioresesse posse (Phil., VII, r78), et Lettre ci Gabriet Wagner, 1090
{Phil., VII, r>l!i).
-
LA SYLLOGISTIQUE 3
de 19 ans (en 1666), ce qui montre que, d'un bout
l'autre de sa carrire, son opinion n'a pas vari sur ce sujet.
Parmi les applications de l'Art des combinaisons, Leibniz cite
en effet la dtermination du nombre des modes du syllogisme
catgorique'. Pour cela, il suit l'exemple de Joh. IIospimamus,
qui avait publi Baie, en 1560, un opuscule o il trouvait
512 modes en tout, dont 36 concluants. Selon son habitude,
Leibniz se propose de retrouver par lui-mme les conclu-
sions d'IIospinianus, et il se sert de son Art combinatoire
pour construire tous les modes possibles dans un ordre mtho-
dique.Pour chaque proposition, il distingue, avec IIospinianus,
quatre quantits universelle (P), indfinie (I) et
singulire (S) et deux qualits affirmative (A) et ngative (N).PuisTombine sparment les quantits et les qualits trois
trois (la ir" lettre figurant la majeure, la 2e la mineure, et la 3e
la conclusion); chaque combinaison reprsente un mode diff-
rent, soit au point de vue de la quantit, soit au point de vue de
la qualit. Il trouve ainsi 64 (43) combinaisons diffrentes en
quantit, dont 32 seulement sont utiles. Il limine les autres au
moyen des deux rgles classiques nihil
sequilur; et Conclusio nullam ex p?wmissis quaniitale vincil3.
De mme, il trouve 8 (23) combinaisons diffrentes en qualit,dont 3 seulement sont utiles, savoir AAA, NAN, ANN. Les
autres sont exclues par les deux rgles classiques Ex pnris
negalivis lIihil sequilur; Conclusio sequilur parlent in qualitale
deteriorem'. Ensuite il combine les 32 modes quantitatifs et
les 3 modes qualitatifs chacun chacun, de manire en former
1. Usus VF (Phil., IV, ifl; Math., V, 23).2. Intitul Non cs.se tuntum 3fi bonos malosquc catgoriel stjllogismi
moclos, ut Arislolcles cum interpretilnts ilocuisse videtur, sed 312, quorum
quidam, probentur 36, reliqui omtes rejiciantur. Dans Ie Catalogua Inven-
lionum itt Logicis (Phil., VII, Il iv, 'M) Leibniz cile Hospinianus comme
ayanl dnombr les modes absolus du syllogisme.3. Ce sont les rgles VIII et VII (2") de notre Appendice 1.
4. Ce sont les rgles VI et Vil (1) de ['Appendice 1, auxquelles il faudrait
ajouter la rgle V (Ambx affirmantes ncqueunt generarc negantem).
-
4 CHAPITItK 1
96 (32X-3) modes distincts 1. De ces 96 modes il retranche les
8 modes qui rentrent dans le type Frisesmo, et qui ne sont d'au-
cune figurer et il lui reste 88 modes utiles, c'est--dire con-
cluants.
3. Cette multiplication du nombre des modes concluants
vient videmment de ce qu'IIospinianus admettait quatre quan-tits diffrentes au lieu des deux quantits (U et P) distingues
par Aristote et les Scolastiques.En consquence, on doit trouver plusieurs modes concluants
comme espces ou cas particuliers d'un seul des modes tradi-
tionnels par exemple, au seul mode Darii correspondent neufcombinaisons diffrentes (en quantit) UII, USS, UPP; UIS,
USI, UIP, UPI, USP, UPS. En outre, Hospinianus admet
comme modes distincts les modes subalterne, dont la conclu-
sion drive par suballernation de la conclusion des modes uni-
versels Barbari (driv de Barbara), Celaro (de Celarenl),Cesaro (de Csure), Cameslros (de Camestres).
Leibniz approuve ces diverses rformes a; mais il hlme
Hospinianus (avec raison) d'avoir assimil les propositions
singulires aux particulires, et il montre qu'elles quivalent/'au contraire aux universelles, puisque le sujet y est pris dans
la totalit de son extension De mme, les propositions indfi-
nies doivent tre assimiles aux particulires; de sorte queLeibniz n'admet plus en dfinitive que les deux quantits clas-
siques (U et P). Ds lors, les 32 combinaisons de quantits se
rduisent aux 4 suivantes UUU, UUP, UPP, PUP, dont cha-
cune en engendre septautres, quand on y remplace U par S
et P par I; de sorte que chacun de ces modes reprsente huit
modes d'IIospinianus. Ces quatre modes quantitatifs combins
chacun chacun avec les trois modes qualitatifs AAA, ANN,
1. Si l'on combinait les 04 modes quantitatifs avec les 8 modes quali-
tatifs (chacun il chacun), on obtiendrait- les 512 (fi4 x 8) modes imagine
par Hospinianus.2. On verra plus loin pour quelle raison (p. 0-7)..
:j. PhiL, IV, 30; Math., V, 27.
-
LA SYLLOGISTIQUK
NAN, produisent les 12 modes simples gnraux, dont on verra
tout l'heure le tableau.
4. Ces 12 modes simples engendrent en effet 24 modes figurs,
quand on tient compte de la diversit des figures, c'est--dire
de la place du moyen terme dans chacune des prmisses. Ici
Leibniz dfend nergiquement la 4e figure contre ses critiques,
l'exemple de Hobbes, et prouve qu'elle est aussi lgitime
que les autres'. Par exemple dans ce syllogisme
Omne animal est substantia,Omnis homo est animal,
ergo Qiuedam substautia est homo,
le petit terme est subslanlia, donc la mineure est la premire
des deux prmisses et la majeure est la seconde. Or le moyen
terme {animal) est prdicat dans la majeure et sujet dans la
mineure, ce qui caractrise la 4 figure 2. Il remarque d'ailleurs
que, de mme que la 2e figure procde de la lr0 par la conver-
sion de la majeure, et la 3 par la conversion de la mineure, la
4 procde de la lre figure par la conversion de la conclusion
(ce qui entraine la transposition des prmisses). Enfin il rap-
pelle les rgles spciales chaque figure 1 Dans la lrc et dans
la 2, la majeure est toujours universelle; 2 Dans la 1"' et dans
la 3% la mineure est toujours affirmative; 3 Dans la 2% la con-
clusion est toujours ngative, et dans la 3% elle est toujours
particulire; 4" Dans la 4% la conclusion n'est jamais univer-
selle affirmative, la majeure n'est jamais particulire ngative,
et, si la mineure est ngative, la majeure est universelle affir-
1. Quarta figura que bona est ac ipsa prima. [PhiL, IV, ti2;Math., V, 29.) Cf. la Lettre Boitrgnet cite phi haut p 1).
2. Cf. la Lettre li Koch du 2 septembre 1708, cite dans l'Appendice l, el
"qui prouve que Leibniz n'a pas change d'opinion sur ce point. Ajoutonsque7~slil considre l'ordre des prmisses comme indiffrent il l'gard dela dtermination des ligures, il prfre nanmoins l'ordre adopt parHamus et Gassend (o la mineure est avant la majeure, comme dans le
syllogisme ci-dessusf^et il remarque que cet ordre correspond il la. 1'?la-tion de prdication, landismie l'ordre d'Arislote rpond a la considra-tion de la comprhension (Kest dans A n, au lieu de Tout A est H ).Cf. Nouveaux Essais, IV, xvn, g 8>
-
6 CHAPITRE l
mative De ces rgles il rsulte que chaque mode simple n'est
pas concluant dans chaque figure, et que les 12 modes simplesne donnent lieu qu'aux 24 modes figurs contenus dans le
tableau suivant'
Seul le dernier mode simple (IEO) ne donne naissance
aucun mode figur; en effet, il n'a pas de place dans les 3 pre-
1. Pour la justification de ces rgles, voir Appendice I.
2. Nous avons corrig ce tableau d'aprs les indications donnes par
,Leibniz lui-mme dans la note qu'il publia en 1091 dans les Acta Erudi-
torum pour protester contre la rimpression de sa Dissertalion sans son
consentement, etpour corriger en mme temps quelques erreurs (Phil., IV,
p. 103-104). Il remarque qu'il n'y a pas de mode OAO dans la 4 figure,
mais bien un mode AEE, et conclut Adeoque pro Colanto juxla Bocal'do
poni debet Calrent juxta Camc
-
LA SYLL0G1STIQU 1
mires figures, puisque sa majeure est particulire et sa mineure
ngative, et il viole la dernire rgle de la 4" figure;il r.'est
donc d'aucune figureAinsi Leibniz trouve 6 modes concluants dans chacune des
quatre figures; cette symtrie lui plat, et lui parait tre une
marclue de vrit, car, dit-il, la nature est rgulire en toutes
choses; et il trouve cet ordre aussi remarquable que le nombre
des corps (polydres) rguliers 2. Comme il le remarque ail-
leurs 3, elle est obtenue en adjoignant simplement aux modes
universels de chaque figure les modes subalternes correspon-
dants, comme leurs noms l'indiquent suffisamment Barbari,
Celuro, Cesaro, Camestros. Seulement, dans la 4" figure, cette
corrlation est masque par le mauvais choix des noms le
mode subalterne de Calrent (que nous appelons Camelles) est
le mode dnomm Fapesmo (que nous appellerions Camenos)
lieu de Colanto sur la ligne de Docardo il fallait mettre Calrent sur la
ligne de Camestres. C'est ce que nous avons fait, en rtablissant Bocurdo
il sv place. Leibniz corrige une autre erreur, qui, introduite dans la nou-
velle dition, a pass dans celles de Ccrhardt Friscsmo poni dbet sub
figura 0 seu nulla, non sub 4 seu quarta. Nequo enim in ulla figura dari
Il(-)test modus IEO, in que major PA, minor UN et conclusio PN. Nous
avons prfr supprimer la colonne 0, puisqu'elle ne rpond aucune
ligure, et aussi le nom du faux mode Frisemno (cause de l'erreur prc-
dente). Dans une Lettre et l'laccills (16 novembre 1080), Leibniz, a propos
d'IIospinie.nus, est amen dire Ceterum, ut obiler dicam, erraveram
ipse in Wbcllo Artis eombinatori, cum numerum modorum utilium inirem.
Modi enim quartm esse debenl AEE, AAI, EAO, EIO, AEO . {Dutcns, VI,
i, p. 31-32.) 1.1 ouhlic ici le mode Ditabis (il moins que ce. ne soit l'diteur
ou l'imprimeur).1. Cette dmonstration nous parait plus simple et plus probante que
celle que Leibniz donne au moyen d'un exemple, car, comme il le
remarque, les exemples peuvent tre concluants vi tnatcriw, et non vi
formai (l'hit., IV, ;il,; Math., V, a1-32). Il est vrai qu'il donne, Il ce propos,des rgles fort ingnieuses pour trouver des exemples infaillibles, o la
matire ne puisse pas l'aire illusion sur l'invalidit de la forme. C'est il
ces rgles qu'il fait allusion dans les Nouveaux Essais (IV, xvn, j; 4)Ordinairement on se sert des exemples pour justifier les consquences,
mais cela n'est pas toujours assez sr, quoiqu'il y ait un art de choisir
des exemples qui ne se trouveraient point vrais si la consquence n'tait
bonne .
2. Lettre Gabriel Wagner, 1090 (Phil., VII, 318).3. Nouveaux Essais, IV, xvn, 4.
-
8 CHAPITRE 1
tandis que le mode Gelanlo est notre mode Fesapo (ou Fcs-
pamo) l.
5. Pour rduire les modes des 3 dernires figures ceux de
la 1", conformment la tradition d'Aristote, Leibniz adopteune mthode ingnieuse, qui lui avait t suggre par son
matre Jacob Thomasius, mais dont l'invention remonte
llamus 2. Cette mthode est ce que Leibniz appelle rgression,et ce que nous nommons rduction l'absurde. Elle consiste
prendre pour prmisses d'un nouveau syllogisme l'une des pr-misses du syllogisme donn avec la ngation de sa conclusion,
et en dduire la ngation de l'autre prmisse. C'est bien l en
effet le procd de dmonstration par l'absurde si un syllogismeest concluant, sa conclusion ne peut tre fausse que si l'une
des prmisses au moins est fausse; donc, si l'on admet une des
deux comme vraie, il faut que l'autre soit fausse 3. Leibniz pr-fre cette mthode la mthode classique de rduction (au
moyen de la conversion), parce qu'elle repose sur le principede contradiction et qu'il y a avantage invoquer le moins de
principes possible. Il est vrai que cette mthode de rduction
n'est applicable qu'aux modes de la 2 et de la 3e figures, tandis
que la 4e figure a en outre besoin de la conversion pour se
ramener la 1". Mais il se trouve fort propos que les con-
1. Vers la fin de sa vie, Leibniz parat avoir cherch d'autres noms pourles modes nouveaux, sans doute pour mieux marquer leur indpendance l'gard des modes anciens dans la Ir0 figure, Gabali et Legano dans la
il0, Gaceno et Lesaro; dans la IVO, Cadcmop (Phil., VI, 15).2. Phil., IV, !jo; dlath., V, 33. Ci'. Nouveaux Essais, IV, ir, 1 J'ai
remarque dans ma jeunesse, lorsque j'pluchais ces choses, que tous les
modes de la seconde et troisime ligure se peuvent tirer de la premire
par cette seule mthode. Cf. Phil., VI, l;i; VU, Il iv, 7. Voir son opi-nion sur Ramus logicien (Phll., VII, 07). On lit dans le Catalogtcs Inven-
Uonum in Lor/icis Pelrus Ramus [inveni t] demonstralionem conversionum
suphositis identicis et tiguris, vel aarum figurarum ex prima, suppositisidenticis et conversionibus. (Phil., VU, 1! iv, 32.)
3. Cf. Appendice I, 9; et le fragment intitul Difficidtates Logicse
{Phil., Vil, 212). Le mode de vrification des syllogismes par rgression se
trouve nettement dfini dans un fragment indit qui doit dater de 1679
(Phil., VII, Il Il, 15 verso).4. Moins immdiatement que Leibniz ne le croit.
-
LA SYLLOGISTIQUE 9
versions mmes dont elle a besoin se dmontrent par la figureseconde ou troisime, dmontrables indpendamment des con-versions , et par le principe de contradiction tout seul
En rsum, une fois tablis les quatre modes principaux dela premire figure, on peut dmontrer la suballernalion au
moyen de Darii et Ferio; puis les modes secondaires Barhnriet Celaro au moyen de la subalternation. Des six modes de la
premire figure on dduit alors par rgression les douze modesde la deuxime et de la troisime. On dmontre ensuite les con-versions par des syllogismes de la deuxime et de la troisime
figures; enfin on dduit les modes de la quatrime figure au
moyen de la conversion 2.6. Voyons d'abord comment les suballernations et les con-
versions se dmontrent par des syllogismes, en prenant pourprmisse une proposition identique Tout A est A ou
Quelque A est A 3.La subalternation de l'affirmative se dmontre par Darii
Tout A est B,Quelclue A est A,
donc Quelque A est B.
La subalternation de la ngative se dmontre par Fer in
Nul A n'est B,Quelque A est A,
donc Quelque A n'est pas B4.
1. Leibniz en conclut que la quatrime figure est plus loigne d'undegr que la seconde et la troisime, qui sont de niveau, et galementloignes de la premire; au lieu que la quatrime a hesoin encore de laseconde et de la troisime pour tre dmontre (Nouvcaux Essais, IV,il, 1). Cette conclusion ne s'accorde pas trs bien avec son opinion dela lgitimit de la quatrime figure.2. De formis syllogismorum mathematice deflniendis (Phil., VII, C, 83-84).
Cf. Principia Calculi ralionalis (Phil., VU, 13n, 1), et Dcfinitiones Logicx Notatu dignum est, tam subalternalionem quam conversionem possedemonslrari ope syllogismorum (Phil., VII, 209).3. Conversionem hosse demonstrari peu syllogismum, adjiciendo pro-
positionem idenlicam. De Arte combinatoria (lhil., IV, '>">; Malh. M).4. Il faut remarquer que la subalteruation vaut ce que vaut la prmisse
soi-disant identique Quelque A est A. Or si l'universelle Tout
-
10 CHAPITRE 1
De mme l'universelle affirmative se convertit au moyen de
Darapli, de la 3 figure
Tout A est B,Tout A est A,
donc Quelque B est AI.
L 'universelle ngative se convertit au moyen de Cesare, de la
2 figureNul A n'est B,Tout B est B,
donc Nul B n'est A.
Enfin la particulire affirmative se convertit au moyen de
Dcttisi., de la 3 figureTout A est A,Quelque A est B,
donc Quelque B est A2.
Leibniz essaie mme de convertir par cette mthode la parti-culire ngative, au moyen de Baroco, dit-il
Tout A est A,Quelque A n'est pas B,
donc Quelque B n'est pas A.
Mais en cela il se trompe ce n'est pas l un syllogisme en
Baroco (de la 2 figure), car c'est un syllogisme de la 3e figure,o il n'existe pas de mode AOO, mais bien un mode OAO
(Bocardo). On ne peut pas non plus dmontrer cette conver-
A est 13 n'a pus de porte existentielle, la particulire QuelqueA est 15 en a une, en ce qu'elle implique qu'il y a des A car quelque A est considr comme contradictoire de nul A. Par suite, dire quelqueA est A c'est dire qu'il existe des A, ce qui n'est nullement une propo-sition identique. La particulires contient donc quelque chose de plus quel'universelle correspondante, il savoir ce jugement d'existence, et ne peutpas s'en dduire. Aussi la Logique moderne n'admet-eUe pas la subalter-nation.
1. l'hil., IV, ii; Math., V, 33. Il est vident que cette conversion par-lielle vaut ce que vaut le mode Darapti, que la Logique moderne regardecomme invalide. En effet, la conclusion particulire a une porte existen-tielle que ne possde aucune des prmisses universelles, et partant nepeut pas s'en dduire.
2. Phil., IV, !;5-56; Math., V, 33. Cr. Nouveaux Essais, IV, n, -1.
-
LA SYLLOGISTIQUE Il
sion, comme il le croit, par un syllogisme en Colnnlo, attendu
que ce mode de la 4e figure n'existe pas, comme il l'a reconnu
plus tard En dfinitive, le syllogisme prcdent est tout
simplement faux, ainsi que la conversion qu'il prtend dmon-
trer.La seule conversion valable de la particulire ngative est
celle que Leibniz mentionne aussitt aprs. La proposition
Quelque homme n'est pas savant
quivaut la particulire affirmative
Quelque homme est non-savant ,
qui se convertit simplement en cette autre
Quelque non-savant est homme .
Mais Leibniz croit devoir rejeter les formes indfinies des
propositions, c'est--dire celles dont un terme est ngatif,qu'admettait Jean-Christophe Sturm 2. Il allgue avec raison
que cette distinction porte, non sur la forme, mais sur lamatire des jugements, et par suite ne peut servir de fonde-ment de nouveaux modes du syllogisme. Il rfute de mmel'invention d'un mode Daropli, propos par son matre Tho-masius pour convertir la particulire nbative
Tout-homme est homme,Quelque homme n'est pas savant,
donc Quelque non-savant est homme.
Il remarque en effet que la mineure est en ralit Quelquehomme est non-savant , c'est--dire semblable la conclusion;de sorte que le syllogisme prcdent est en Dalisi, et non en
Baroco, comme il le dit.En revanche, il rduit ailleurs les propositions ngatives la
forme affirmative en leur donnant un prdicat indfini, c'est-
1. Danssa note des Acta Eruditorum de 1091 (Phil., IV, 101).2. CompendiumUniversalium scu Mctaphyticx Euciule (La Ilayc, Adrien
Vlacq, 1600).
-
12 CHAPITRE 1
-dire en faisant porter la ngation sur le prdicat. Il en con-
clut la fausset de l'axiome classique, selon lequel deux pr-misses ngatives n'engendrent aucune conclusion. En effet,soient les deux prmisses ngative
Nullus homo est lapis,Nullus homo est angelus.
Elles se transforment en deux affirmatives
Omnis homo est non-lapis,Omnis homo est non-angelus,
d'o l'on conclut rgulirement (par Dnrnpli)
Quidam non-angelus est non-lapis.
Et ce syllogisme n'a que trois termes {homo, non-angelus,
non-lapis), la diffrence de ceux qu'on obtient en appliquantla mme transformation aux modes ngatifs de la 2U figurecar le moyen terme, tant deux fois prdicat dans ceux-ci, se
ddouble en deux termes, l'un positif et l'autre ngatif 1.Toutes les dductions prcdentes ont en mme temps pour
but de montrer l'utilit des propositions identiques dans le
raisonnement, et de les dfendre contre le reproche d'insigni-fiance et de strilit que leur adressaient les logiciens empi-ristes 2.
7. Nous pouvons maintenant exposer la dduction des
24, modes concluants au moyen de la rgression ou de la rduc-
tion l'absurde. Il s'agit d'abord de dmontrer les quatremods de la lpc figure Barbara, Celarenl, Darii, Ferio. Leibniz
les dduit d'un principe unique qu'il appelle le fondement
du syllogisme et qui quivaut au Diclum de omni et nullo
1. Opuscule indit de Formai Logie;i> comprubatione per linearumductus (Phil., VI1, n tv, 10 verso.) Cette rduction se trouve indiquedans le Calc2cluscomequenliarum d'avril 1071)(Phil.,V, 8, f. 24-27).2. Idcnlicas quoque suum usum habere, nullumquc veritalem utcunque
tenuis esse videatur, plane sterilem esse; imo fundamenla cteterarum inliis contineri mox apparebit. (Phil., VU, 300.) Cf. Nouveaux Essais, IV,
-
LA SVLLOIISTfCHJK 13
d'Aristote. Dans deux opuscules indits, ce principe est formulau point de vue de l'extension. On peut l'noncer commesuit Si le moyen terme est inclus dans le grand terme ouen est exclu, il y inclut ou en exclut le petit terme qu'il contientlui-mme De ce principe on dduit immdiatement les
deux modes affirmatifs Barbara et Darii, d'une part, et lesdeux modes ngatifs Ce/arenl et Ferio, d'autre part. On sait
dj comment de ces modes on dduit la subalternation,et par la subalternation les modes secondaires et
Celaro 2.
Celapos, voici comment les six modes del 1'figure engen-drent, par rgression, autant de modes de la 2" et de la 3".Si l'on prend pour prmisses la majeure de chacun d'eux etla ngation de sa conclusion, on trouve pour conclusion la
ngation de sa mineure; on obtient ainsi les six modes de la2 figure. Si l'on prend pour prmisses la mineure et la nga-tion de la conclusion, on trouve pour conclusion la ngationde la majeure on obtient ainsi les six modes de la 3" figure.L'ensemble de ces 12 rgressions est fort clairement reprsent
par le tableau suivant
1. Kiimlamenluiu syllogislieum hoc est Si loluiri aliquod C eadal.inlra aliquod I), vol si lolum C cadalexlra aliquotl D, 1 un c oliani ni quodinesl ipsi C priore quidem casu cadet intra D, posteriorc vero casu cadetextra D. Et Imc est quocl vulgo voeanl dietum de onini cl, nullo. De
formis syllogismorum. (Phil., VU, C, 813). Ailleurs, Leibniz formule lesdeux axiomes suivants 1. Quicqnid inesl inexislenli, id ipsum ines!2. Quicquid inesl exeluso, id ipsum exclusum est , qu'il illustre par dessrhines linaires (Phil., VU, l iv, 11).
2. Cf. Nouveaux Essais, IV, xvn, 4 De sorte que les deux modesadditionnels de la premire ligure (Barbari, Celaro) se ilmontrenl. parles deux premiers modes ordinaires de ladite figure (Barbara, Celamnl) avec l'intervention de la suballernation, dmontrable elle-mme parles deux autres modes de la mme ligure (Darii, Ferio).
:t. De formis (Phil., Vil, C, Si). Leibniz dsigne respec-tivcment le pclil, le moyen et le grand terme par les consonnes B, C, D.
Il reprsente chaque proposition par 3 lettres la premire est la voyellequi en indique la quantit et h qualit; la seconde est la consonne quidsigne le sujet; la troisime est celle qui dsigne le prdicat,. On remar-
quera qu'on obtient les modes de la 2C figure dans la colonne de gauche,et ceux de la 3 figure dans celle de droite.
-
14 CHAPITRE 1
Barbara, ACD ABC ABD Barbant. ACD ABC ABD
Regressus ACD OBD Regressus ABC OBD
Ergo OBC Ergo OCD
liaroco. ACD OBD OBC Ihvardo. OBD ABC OCD
Cdarcni. ECD ABC EBD C durent. ECD ABC E13D
Regr. ECD IBD Regr. ABC IBD
Ergo OBC Ergo 1CD
l'eislino. ECD IBD OBC Disamis. IBD ABC ICD
Dftrii. ACD 113C IBD Darii. ACD IBC IBD
Regr. ACD EBD Regr. IBC EBD
Ergo EBC Ergo OCD
Cameslrex. ACD EBD EBC Fcrison. EBD IBC OCD
Ferio. ECD 1BC OBD Fr.rio. ECD IBC OBD
Regr. ICD ABD Regr. IBC ABD
Ergo EBC Ergo ICD
Cesare. ECD ABD EBC Daim. ABD IBC ICD
Bavbari. ACD ABC IBD Barban. ACD ABC IBD
Regr. ACD EBD Regr. ABC EBD
Ergo OBC Ergo OCD
Camexlros. ACD EBD OBC Fdaplon. EBD ABC OCD
Cduro. ECD ABC OBD Cdaro. ECD ABC OBD
Regr. ECD ABD Regr. ABC ABD
Ergo OBC Ergo ICD
Cesaro. ECD ABD OBC Dnrapli. ABD ABC ICD
Quant aux modes de la 4" figure, Leibniz les dmontrait sans
doute suivant la mlhode classique, en les ramenant aux modes
des autres figures au moyen des conversions'.
8. Nous venons de voir comment Leibniz fonde les prin-
cipes du syllogisme sur la considration de l'extension. Mais
il y a d'autres opuscules o il les fonde au contraire sur la
1. Voir les rgles de celle rduction dans l'Appendice I, 8.
-
LA SYLLOGISTIQUE V
considration de la comprhension des concepts. Il dfinit alors
comme suit les rapports d'inclusion entre les termes d'une pro-
position A inclut B signifie que B est universellement
affirm de A, c'est--dire que Tout A est B. De mme, A
exclut B signifie que B est universellement ni de A, c'est-
-dire que Nul A n'est B On voit qu'il conoit ces rapportsd'inclusion et d'exclusion au point de vue de la comprhensiondes concepts. Il importe de remarquer qu' ce point de vue on
ne peut dfinir, directement du moins, que les propositionsuniverselles, attendu que des concepts s'incluent ou s'excluent
dans leur totalit, et qu'il serait absurde de supposer entre eux
une inclusion ou une exclusion pari/elle.Par suite, les propositions particulires ne peuvent se dfini
que comme les ngations des propositions universelles dont
elles sont respectivement les contradictoires ( savoir 0 comme
ngation de A, et I comme ngation de E)2. Il en rsulte queles seuls modes primitifs sont les c-inq modes universels
(Barbara, Cchtrail, Cesarc, Camcs/res, Cmnencs). Leur conclu-
sion tant universelle, leurs prmisses le sont aussi, et par
consquent ils sont uniquement composs de propositions uni-
verselles que l'on peut interprter en comprhension, comme
affirmant des inclusions ou exclusions lolrzles entre les termes.
9. A ces cinq modes universels Leibniz adjoint les cinqmodes particuliers qui en drivent par subaHernation de lit
conclusion (les prmisses restant les mmes), savoir
Barbari, Celaronl, ces(il-0, C'tmestros, Gttmems*.
1. l'hit., \'Il, 208.2. Parlicularis allirnialiva est ngatif) exclusionis, et parlicularis
negaliva est negatio inelusionis (Phil., N'Il, B IV,2(V). CI', l'hil., Vil, 208,nos et 4; PhiL, VII, B iv, :t recto. Ailleurs, Leibniz dfinit les ngativescommengations des affirin al ives, ce qui revient au mme(ilemcntaCaleuli,S 8, avril 16-il,),Phil., 8 1) Gnrales Inqirisiliones (le Anah/si Notionum etVerilatum, 120-121, Ki8li, Phil., N'Il, 28 recto). On peut sans doutedfinir aussi les propositions particulires comme subalternes des propo-si lions universelles, et c'est ce que Leibniz rail pins loin dans le fragmentPhil., VII, B iv, 21).Mais alors on se llace forcment au point de vuede l'extension, puisqu'on prend le sujet dans une partie de son extension.3. Bien entendu, ces modes subalternes ne valent que ce que vaut la
-
iG CIIAPITM I
Puis il transforme par rgression ces dix modes prmissesuniverselles chacun d'eux donne naissance deux autres
modes, suivant qu'on associe sa majeure ou sa mineure la
ngation de sa conclusion pour en dduire la ngation de son
autre prmisse. On obtient ainsi vingt modes drivs, soit
trente modes en tout; mais ils doivent se rduire aux 24 modes
concluants, et par suite 6 d'entre eux doivent se trouver en
double. C'est ce qu'on vrifie en effectuant la double rduction
indique par Leibniz
Barbara engendre Baroco Il et Bocardo Il,2;
Celarenl, Feslimt Il Disamis il,;
Cesare Ferio Dalisi m
Cameslrcsu Baril Foison m\
C amens |V Dimarisw Fresison Il';
Barbari, Cameslrosu Felaplon w\
Celaronl Ccsuno Il Baraplim;
Ccsarou Celaronl Daraptim;Camnsiros Il Barbari Felaplon m;
Camenosw Bamalip w Fesapo
Comme on l'avait prvu, il y a six modes qui figurent deux fois
chacun dans ce tableau 3, savoir les quatre modes subalternes
Barbari et Cameslros, Cesaro et Celaronl, qui s'engendrentmutuellement deux deux; et puis Darapli et Felaplon, dont
HUballiTiiiilion elle-mme, que la Logique moderne regarde comme illgi-time. Leibniz croit la justilier en disant que, si A inclut 13; il ne l'exclut
pas, et que, si A exclut 13, il ne l'inclut pas. Mais cela suppose que A existe
(que son extension n'est pas nulle). C'est l un exemple remarquable des
illusions du langage, qui dguise les paralogismes sous une fausse appa-rence de rigueur et de clart.
1. Pliil., VII, 210. Nous avons range dans la. 2 colonne les modes
qu'on obtient en conservant la majeure, et dans la 3 ceux qu'on obtient
en conservant la mineure du mode correspondant de la lro colonne. Nous
avons mis en indice, au nom de chaque mode, le numro de la figureil laquelle il appartient, pour faciliter les comparaisons.
2. Dans les Nouveaux Essais (IV, n, 1), Leibniz commet une erreur en
appelant Disamis le mode qu'il dduit, par rgression, de Barbara; c'est
en ralit Bocardo.
Plus prcisment dans les 4 premires lignes de la seconde moiti.
-
LA SYLLOGISTIQUI 17
CofTUiiAT. Logique de 2
chacun est engendr par deux des prcdents. On n'obtient donc
en tout que 2!i modes distincts, qui sont les 24 modes concluants
dj trouvs par une autre mthode, raison de six par figure.10. Ce tableau confirme en outre la thse de Leibniz,
savoir que les modes de la 2" et de la 3" figures peuvent tous
se ramener ceux de la lri! par simple rgression, tandis queceux de la !i'' ne peuvent pas s'y ramener sans conversion.
En effet, il faut remarquer qu'il y a rciprocit entre les trois
modes de chaque ligne, c'est--dire que l'un quelconqued'entre eux n'engendre jamais par rgression que les deux
autres'. Or on constate que, dans chaque moiti du tableau,
les quatre premires lignes contiennent chacune un mode de
la un mode de la 2'' et un mode de la 3" figure; tandis quela cinquime ligne est uniquement compose de modes de la
4" figure. On peut donc passer par rgression de l'une quel-
conque des 3 premires figures l'autre, mais on ne peut passortir de la 4e figure par ce seul procd-
Le tableau prcdent suggre encore d'autres remarques.
D'abord, Barbara engendre les deux seuls modes initiale B
(Baroco et Boeardo), qui s'en dduisent en effet, comme on sait,
par la, rduction l'absurde'. Ensuite, les quatre modes uni-
versels en C engendrent chacun un mode en D et un mode
en F. La seconde moiti du tableau ne prsente pas la mme
symtrie. Les quatre modes (principaux) Durnpii, Felaplon,
Bamalip, Fesnpo ne se dduisent d'aucun des modes universels,
mais seulement des modes subalternes Darapli, de Celaronl
ou de Cesaro; Felaplon, de Barbarl ou de enfin
Bamalip et Fesnpo se dduisent de Came nos. Il n'y a donc
aucun lien entre les deux moitis du tableau; et l'on peutobserver que tous les modes de la seconde moiti ont pourcaractre de dduire de prmisses universelles une conclusion
particulire. Or c'est l une dduction dont la Logique moderne
a dcouvert et dmontr l'invalidit 3. D'ailleurs, les modes de la
1. OC le tableau du 7 (p. li).2. Voir Appendice I, Si>.
3. Voir p. 9, noie 4.
-
18 CHAPITRE 1
seconde moiti drivent de ceux de la premire par subalter-
nation or la Logique moderne n'admet ni la subalternation
ni la conversion partielle (qui lui est quivalente, comme on
sait); on ne peut donc pas dduire les modes de la seconde
moiti de ceux de la premire. Ainsi il ne reste comme modes
concluants que les quinze premiers, qui sont ceux dont la
Logique moderne a vrifi la lgitimitSi Leibniz avait suivi et dvelopp l'ide matresse de ses
Definiliones Logicce-, savoir que les propositions particulires
ne font que nier les rapports d'inclusion ou d'exclusion affirms
par les propositious universelles, il se serait aperu qu'on ne
peut pas plus dduire une particulire de deux universelles
qu'une ngative de deux affirmatives'; et alors, au lieu de
complter la liste des modes classiques au moyen des modes
subalternes, il en et au contraire exclu, avec les modes
subalternes, les quatre modes du type UUP qui leur sont qui-
valents, et qui ne sont pas plus valides qu'eux 4.11. D'ailleurs, Leibniz a t bien prs de dcouvrir l'illgi-
timit de ces modes, car il a tout au moins reconnu qu'ilstaient imparfaits B. Les modes subalternes sont imparfaits,selon lui, parce qu'ils concluent moins qu'ils ne pourraient; en
effet, Barbari, Celaro, Cesnro, Cameslros, Camenos ont les
mmes prmisses que Barbara, Celarenl, Csure, Camestres,
Camelles, et en dduisent une conclusion particulire au lieu
d'une universelle". Les modes qui drivent par rgression des
1. On remarquera que les modes illgitimes composent la seconde
tranche liorirontale du tableau prcdemment extrait du De Ante combi-natoria (p. f). C'est qu'en effet cette tranclie correspond au mode quan-titatif UUP, dont la Logique moderne a reconnu l'invalidit.2. Qui se retrouve dans le fragment. indit Phil., Vif, B iv, 3 recto.3. Hgle V (Appendice 1).4. On peut remarquer que ces quatre modes {Durapli, Felapton, Bra-
manlip, Fesapo) sont prcisment ceux o entre la lettre caractristiquep, ceux (lui se dduisent des modes de la lpc figure au moyen'de la conversion partielle, clui est illgitime, comme on l'a vu.
Phil., VII, Biv, 2 verso.6. La particulire tait moins que l'universelle, pour Leibniz qui
admettait la suballernation; mais nous savons qu'elle implique quelquechose de plus, il savoir un jugement d'existence.
-
LA SYLLOGISTIQUE 19
modes subalternes (Darapli, Felapton, Bramantip, Fesapo) sont
imparfaits, au contraire, en ce qu'ils supposent plus qu'ils ne
devraient, c'est--dire des prmisses universelles l o une par-
ticulire suffirait justifier la mme conclusion; c'est ce que l'on
constate en comparant Darapli Disamis ou Datisi, I'elccplotz
Bocardo ou Ferison, Bramanlip Dimaris, et Fesapo Fresison.
Les deux imperfections reviennent d'ailleurs au mme, comme
le remarque Leibniz'. Seulement, les modes qu'il dclare
imparfaits, parce qu'ils ont une prmisse trop forte ou une
conclusion trop faible, sont en ralit invalides, parce que les
universelles, n'ayant pas la porte existentielle des particu-
lires, sont cet gard plus faibles que les particulires corres-
pondantes, et non plus fortes, comme il le croyait 2.
12. Voyons maintenant comment Leibniz formule, au point de
vue de la comprhension, les rgles des cinq modes universels3
1" Inclndens inclmlenlis est includens inclusi, c'est--dire:
Si A inclut B, et si B inclut C, A inclut C (c'est le mode Bar-
bara).
2" Includens excludenlis est exchidens exclusi , c'est--
dire Si A inclut B, et si B exclut C, A exclut C {Celarent).
3" Includens excludenlis est cxclusum exclusi , c'est--dire
Si A inclut B, et si B exclut C, C exclut A {C amens). Ce sont
les mmes prmisses que pour Celarent, seulement la conclu-
sion est convertie
4" Exclndens inclusi est excludens includenlis , c'est--dire
Si A exclut B et si C inclut B, A exclut C (Cameslres).
1. Phil., VII, Biv, 2 verso.
2. L'invalidit des quatre modes Durapti, Fclaptotz, Bramantip et Fesapo
a t reconnue pour la premire fois par M. Maccou., qui les justifiait
par l'adjonction d'un jugement d'existence (The Cakuhts o/' Equivalent
Statcmcnts, ap. Procecdinfis o/' the London Mathcmatical Society,t. IX,
13 juin 1878; cf. Symbolical Reasoning, ap. Mind, ri" 17, janv. 1880).
M. WuiTEiiEAD a trouve au contraire qu'ils ont, des prlmisses trop forles,justement parce qu'il implique dans chaque proposition universelle un
jugement d'existence (Urticersal Alijebra, t. I, p. 104. Cambridge, 1898).3. Phil., VII, 209.4. On peut remarquer par lit que Camcncs (de la 4 figure) est plus
voisin de. Celarent' [de la lre) que les modes universels de la 2 figure.
-
20 CHAPITRE I
5" Lxcludens inclnsi est exchisum includentis , c'est--dire
Si A exclut B et si C inclut B, C exclut A (Cesare). Ce sont
les mmes prmisses que pour Cameslres, seulement la conclu-
sion est convertie.
Ces cinq rgles peuvent, comme on voit, se rduire trois,
puisque la 3 et la 5' drivent de la 2e et de la 4C par la conver-
sion simple de la conclusion
1 Si A inclut B et si B inclut C, A inclut C.
2 Si A inclut B et si B exclut C, A et C s'excluent mutuel-
lement.
3 Si A inclut B et si C exclut B, A et C s'excluent mutuel-
lement.
Les deux dernires se rduisent mme une seule, tant
donn que la relation d'exclusion est rciproque'; on peutdire simplement
Si A inclut B et si B et C s'excluent, A et C s'excluent
mutuellement.
Leibniz lui-mme rsume toules ces rgles dans les deux
formules suivantes
I. Le moyen terme (B) inclus dans le sujet (A) y inclut ou
en exclut le prdicat (C) qu'il inclut ou qu'il exclut lui-mmeII. Le moyen terme (B) exclu du sujet (A) en exclut le pr-
dicat (C) qui l'inclut lui-mme 2.
La seconde formule se ramne d'ailleurs la premire parune simple permutation de A et de C. Nous n'avons donc qu'tudier la premire. Or elle se compose de deux parties l'une
est le principe du seul mode affirmatif Barbara Si A con-
tient B et si B contient C, A contient C. Elle est vidente et
toujours valable, que l'on interprte la contenance en
extension ou en comprhension. L'autre, au contraire, qui est
le principe des quatre modes ngatifs Si A contient B et si B
1. Si A exclut B, 13 exclut A (Phil., VII, 208, n 8).2. ce 1. Mdium sub,jeclo inclusum etiam primlicaLum sibi inclusum
(vel exclusum) ci indudi (vol excludi) oslendil. . 2. Mdium sub,jecloexclusum eliam pnedicalum se includens subjeclo excludi ostendil.
(Phil., Vit, 13 iv, 20.) Ce sont les mmes rgles que dans Phil., VII, 209
-
LA SYLLOGISTIQUE 21
exclut C, A exclut C , n'est nullement vidente'; elle est vraie
au point de vue de la comprhension, mais elle est fausse au
point de vue de l'extension. En effet, elle suppose que, si un
concept en exclut un autre (de sa comprhension), il l'exclut de
tout autre concept o lui-mme se trouve contenu (en com-
prhension) autrement dit, que deux concepts qui s'excluent
l'un de l'autre s'excluent mutuellement de la comprhensiond'un troisime, comme s'ils ne pouvaient y coexister. Or une
telle exclusion n'a pas lieu au point de vue de l'extension
deux concepts exclusifs peuvent fort hien faire partie de l'exten-
sion d'un mme troisime.
13. On peut rendre cette diffrence sensible au moyen d'un
schmatisme gomtrique que l'on attribue Euleix2, mais que
l'ife'. 1. l'ig. >.
Leibniz connaissait dj 3. Reprsentons les trois termes du
syllogisme par autant de cercles (intrieurs quand ils s'in-
cluent, extrieurs quand ils s'excluent). Sans doute, le schme
de Barbara sera toujours le mme, que l'on interprte l'inclu-
sion des concepts en extension ou en comprhension l'ordre
des termes sera seulement interverti (Fig. 1 et 2). Mais il n'en
est pas de mme pour le schme de C lurent (qui correspond
1. Bien que Leibniz se dispense de la dmontrer en disant Palet perse (PMI., VII, 209).
2. Parce qu'il l'a employ dans ses Lettres a une Princesse d'Allemagne
(1768), lettres 102-108.
3. Dans l'opuscule de Forma; Logicm comprobatione per linearum
ductus (Phil., VII, B m, 1-14).
-
22 CHAPITRE I
la seconde partie de la rgle). Au point de vue de l'exten-
sion, le petit terme A, contenu dans le moyen B, est exclu du
grand terme C comme B lui-mme, et cela se comprend la
simple inspection de la figure 3. Au point de vue de la com-
prhension, au contraire, le moyen terme B, contenu dans le
petit terme A, en exclut le grand terme C qu'il exclut lui-mme
Fig. 3. Fig. 4.
{Fig. 4). Cela ne ressort certes pas de la figure, et ne peut se
comprendre qu'en imaginant entre les termes B et C une sortede rpulsion, plutt morale que physique, comme si la pr-sence de B dans A bannissait C de ce domaine et lui en inter-disait l'entre. Cette considration d'une participation dyna-mique des concepts est assurment lgitime, mais bien confuseet bien vague; elle ne peut gure aider et guider le raisonne-
ment elle serait plutt propre l'embrouiller et l'garer. Entout cas, on voit qu'elle est rfractaire au schmatisme gom-
trique, et par suite au traitement mathmatique, qui reposetoujours sur quelque intuition'.
1- C'est ce que prouve la Logique algorithmique, qui n'a pu se consti-tuer que le jour o l'on a rduit les concepts il leur extension, c'est--direil des ensembles ou classes d'objets ou d'individus.
-
LA SYLLOfHSTIQUB- 23
14. Quoi qu'il en soit, Leibniz parat avoir constamment
oscill entre les deux points de vue opposs de l'extension et
de la comprhension, et n'avoir jamais opt dfinitivement
pour l'un d'eux. Il semble d'abord prfrer la comprhensionset considrer plutt les ides que les individus , contrai-
rement l'usage des coles 1. Plus tard, il s'mancipe de l'au-
torit d'Aristote; en 1686, il affecte de mettre sur le compted'Aristote la conception suivant laquelle le prdicat est contenu
dans le sujet (de l'universelle affirmative) 2. Il admet que l'on
considre l'espce comme faisant partie du genre, et remarque
que, pour obtenir des schmes gomtriques conformes au
point de vue de l'extension, il suffit de retourner ceux qu'on a
construits au point de vue de la comprhension, et mme seu-
lement les schmes des propositions U. A. et P. N., attendu queceux des propositions U. N. et P. A. sont symtriques, et parsuite ne changent pas En 1690, il oppose trs nettement les
deux mthodes contraires, et parat les considrer comme qui-
valentes 4; mais le lendemain, il regarde implicitement le sujetcomme contenant le prdicat 1. Une seule fois il manifeste une
prfrence dcide pour l'extension c'est dans l'opuscule (non
dat, malheureusement) intitul Mathesis Ralionis, o il consi-
dre constamment les individus qui composent l'extension des
divers termes, et fonde sur cette unique considration toutes
les rgles du syllogisme". En somme, il parat tre rest en
suspens entre les deux points de vue, tout en manifestant une
prdilection marque, mais machinale et presque instinctive,
pour celui de la comprhension car il rpte sans cosse,
comme par habitude, que le prdicat est contenu dans le sujet.
1. Par exemple dans les essais logiques d'avril 1071) (Phil., V, 8 b,
12|V, 8f.).2. Gnrales Inquisiliones. l(i el 1:32 (Phil., VII, C, 22 verso, 29 recto).
Cf. Specimen Geomelrix luciferx (lllath., VII, 261); voir Cluip. Vil, Sil.
3. Ibid., 122, 123 (Phil., VII, C, 28 recto).4. Fragment du le' aot 1090 (Phil., VU, II H, 3 recto).
Fundamenta Calculi Logici, 2 aot 1090, 17 (Phil., VII, C, 97).0. Phil., VI, 14; cf. Phil., VII, B IV, 7.i. Par exemhle Phil., V, 8 b; VII, II iv, l;i; VII, C, 73-Ti, 103. Ailleurs,
-
24 CHAPITRE I
15. On comprend d'autant moins cette tendance que Leibniz
avait toutes sortes de raisons pour prfrer le point de vue de
l'extension, seul conforme aux principes de sa Logique. En
effet," c'est au point de vue de l'extension, comme nous venons
de le dire, qu'il a russi formuler et justifier les rgles du
syllogisme de la manire la plus prcise et la plus complte';
et il ne pouvait pas y russir par une autre mthode. Il voulait
les fonder sur la rgle des termes distribus et non distribus
(c'st--dire gnraux et particuliers) or cette rgle repose sur
la quantification du prdicat vi formai, et par suite sur la con-
sidration de l'extension. Car dire que le prdicat est universel
dans les propositions ngatives et particulier dans les proposi-
tions affirmatives, c'est videmment dire qu'il est pris respec-
tivement dans la totalit ou dans une partie de son extension.
Or Leibniz a maintes fois approuv cette rgle, qui sert,
comme il le dit lui-mme, de fondement toutes les rgles des
figures et des modes du syllogisme 2. On peut mme remarquer
Leibniz prfre expressi'incnl la comprhension il l'extension (Phil., VII,
1*II, 70-71).1. Math'em IhUionis (Phil., VI, 14).2. Yollem sciro, quis primus oxcoii Ui veril. observationem de tcrniiuis
dislribulis cl non distribuas, undc rgula, quod terminus non dislri-
hutus in pi'ii'iniss'is nec possit esse dislribulus in concliisioiu;; lam apudArislolclem uulluin hujus rei csl, vu.sligium, ci lainen ex illis rogulis com-
pendiosius quam ex Arislolcleis modi utiles demonstranlur. Lettre
Koek, du 2 septembre 1708 (Phil., Vil, 478).Velini oliuin scirc, quis primus excogitaveit doeli'inam qui'' pr.'i'di-
ealonun quimlilalern ex propositionum qualitalo dedllcil, osteinlilqucoinne [irii;dicatum proposilionis ncgalivfi.esse universale, et omne pni'di-calum proposilionis al'lh'iiiiilivii; (vi foniiii) esse pavUculave, quas consi-
deralio, jain nota qiiibusdam Scholaslicis, insigne demonslranlorum
modorum compendium [inubcl, et lanien, ni fallor, apud Aristolelein
baud exlal. Lettre Koch, du 31 aot 1710 (Phil., VII, 481). 1. Mdius Tcnniims debet.esse universalis in allcrutrv pra;missanun.2. Allerulra pra;niissa dbet esse affirmaliva.3. Terminus parlicularis in.priuniissa est parlicularis in conelusione.
4. Subjccluni propositi. Priudicalum proposilionis affirmative vi formiu est parliculare,
negativa; universale.Ex bis quinquo i'undamcnlis omnia Theorcmata de Figuris el modis
demonstrari possunt. (Mathesis Rationis, Phil., VI, 14, 4 verso.) Enfin
-
LA SYLLOGISTIQUE 25
que, s'il s'est prononc expressment contre la quantification
explicite du prdicat telle que Hamilton devait la proposer plus
tard, c'est prcisment parce que le prdicat se trouve dj
implicitement quantifi vi formai suivant que la proposition est
affirmative ou ngatives 1.16. D'autre part, Leibniz cherchait reprsenter les raison-
nements, en particulier les syllogismes, par des figures gom-
triques et il attachait une grande importance ce schma-
tisme, comme nous le verrons en tudiant sa Caractristique
(Chap. IV). Il n'a pas seulement invent avant Euler les scli-
mes circulaires de tous les modes du syllogisme; il a aussi
invent un systme de schmes linaires encore plus ingnieuxet plus parfait, dont nous allons donner une ide, d'aprs ses
manuscrits indits 2.
On connat le schmatisme linaire qu'il emploie dans les
opuscules logiques dj publis 3. Il consiste, en principe,
figurer les concepts par des segments d'une seule et mme
ligne droite, soit contenus l'un dans l'autre, soit extrieurs tl'un l'autre, soit ayant une partie commune, etc. Seulement,
pour distinguer ces divers segments et marquer leur unit, il
dans l'opuscule le Forain; Logiusn comprobatione pttrlinearum iluclus ,on lit
Patel. i.'tiam liino inventif Tennini dislribuli et non distributi. 1'en-
minus distributivus est idem qui tolulis son universalis; non dktribiditx,qui piirliculai'is scu piirliiilis. Subjectuin est ojusdem qiumLitalis cujuspropsitio. Sud prajdicaluni in omni propositioue afflrmativa est par-tiale seu non distributum, et in onini propositionc negaliva est totale seudislribulum, cum subjecluni vel lottun vel pro parte a loto pnmlicatoexeludatur. Ex hac consideratione Termini disti'ibuli aut non distributiTbeoreniala Iluunt insignia reguliuquo quaj figuris leges prajscribuntmodisque gnrales. (Phil., VII, B tv, 7 recto; cf. 1 recto et KlLeibniz exprime, comme dans les Lettres ciKoch, le dsir de savoir qui ainvent ce principe. (Voir l'application et la justification de ces vues dansl'Appendice J).1. Mathesis Bationis (Phil., VI, 14, 1 recto). Cf. Calculi uniocrsalis Ele-
menta, avril 1079 Omnis homo esl aliquid rationale. (Phil., V, 8,c 13-16.)2. Phil., VI, 15; VII, Il n, 18; VII, 15iv, 1-14; VII, C, 28.3. A savoir dans les fragments XIX et XX de
-
26 CHAPITRE 1
faut employer des accolades, ou hien les dsigner par leurs
points extrmes, ce qui complique l'criture. Leibniz a perfec-tionn ce systme de la manire suivante. Il a spar les
segments auparavant confondus sur la mme droite, et les a
transports sur des droites parallles, perpendiculairement
leur direction; de sorte qu'il suffit de mener par leurs extrmits
des lignes (pointilles) perpendiculaires pour constater leurs
relations d'inclusion ou d'exclusion partielle ou totale.
Ainsi les quatre propositions classiques seront reprsentes
respectivement par les schmes suivants
Fig. 5.
Fig. G.
Fig. 7.
Fig. S.
Leibniz prend certaines prcautions dans le trac de. ces
schmes, afin de ne pas leur faire dire plus que la proposition
correspondante ne comporte. Il remarque que les schmesde l'U.N. et de la P. A. sont symtriques, parce que ces propo-sitions sont simplement convertibles; il a soin au contraire de
rendre dissymtriques ceux de l'U. A. et de la P. N., tant
pour les distinguer des autres que pour empcher qu'on ne
croie ces propositions simplement convertibles l'inspectionde la figure.
Ces schmes possdent sur les schmes circulaires (dits
d'Euler) un avantage que Leibniz ne mentionne pas, mais dont
il avait sans doute conscience quand il les juxtaposait' aux
autres dans les marges de son brouillon c'est que, grce aux
-
LA SYLLOGISTIQUE 2i
lignes pointilles, ils permettent de distinguer les deux parti-culires, affirmative et ngative, ce que ne fait pas le schmes
circulaire ( fig. 9) qui peut reprsenter la fois QuelqueB est C , et Quelque B n'est pas C ; ni le schme circu-
Fig. 9. Fig. 10.
laire {fig. 10) qui peut reprsenter la fois Quelque B n'est
pas C et Tout C est B . Les lignes pointilles marquentle sens exact de la proposition, et dlimitent dans chaque terme
la partie sur laquelle elle porte la proposition est affirmative
quand les lignes pointilles dterminent des segments rels
des deux termes; elle est ngative quand elles passent ct et
en dehors de l'un au moins d'entre eux et tombent pour ainsi
dire dans le vide.
C'tait si bien l l'intention de Leibniz en inventant ces
schmes, qu'il est amen, pour les prciser davantage, doubler
la partie de chaque ligne sur laquelle porte l'affirmation ou la
ngation. Il obtient ainsi les schmes suivants'
Fig. H. Fig. 12. Fig. 13. Fig. H.
Le segment doubl reprsente la partie affecte de chaqueterme, c'est--dire celle qui est expressment incluse ou exclue
par rapport l'autre terme. Il en rsulte qu'un terme est prisuniversellement (ou distribu), quand sa ligne est double tout
i. Phil., VII, B iv, 7.
-
28 CHAPITRE 1
entire; et pris particulirement (ou non distribu), quand sa
ligne n'est double que partiellement. On constate ainsi que le
sujet des universelles est universel, et celui des particulires
particulier; que le prdicat des affirmatives est particulier, et
celui des ngatives universel; enfin, quel'U. A. et la P. N. poss-dent un terme distribu, que l'U. N. en possde deux, et la P. A.
aucun. Bref, on retrouve intuilivement toutes les rgles d'o
Leibniz veut dduire les modes concluants du syllogisme, et
cela, remarquons-le bien, en se plaant constamment au pointde vue de l'extension, et en considrant par exemple le sujet de
l'U. A. comme contenu dans le prdicat.17. Pour composer le schme d'un syllogisme, Leibniz juxta-
pose simplement les schmes des deux prmisses, en mettant
au milieu les segments qui figurent le moyen terme dans chacun
d'eux, et en les faisant concider. Il obtient ainsi un schme
trois lignes, dont les deux extrmes figurent les termes extrmes.
Il joint celles-ci par deux lignes pleines verticales qui figurentla conclusion (pour les distinguer des lignes pointilles qui figu-rent les prmisses). Les segments affects par la conclusion,
c'est--dire compris entre ces deux lignes pleines verticales,
sont ncessairement contenus dans ceux qu'affectent les pr-
misses, c'est--dire que comprennent les lignes pointillesLeibniz souligne ou double le segment affect du petit terme,
afin d'indiquer si la conclusion est universelle ou particulire
(selon que le petit terme est doubl en totalit ou en partie).
Voici, titre d'exemples, les schmes des modes de la l' figure
Fig. 13.Celarenl.
Fig. 16.
-
LA SVLLOGISTFQUK 29
Dari
Fig. 18.
On voit combien ce schmatisme est plus explicite et plus
expressif que celui des cercles dits d'Eulcr Leibniz l'emploie
galement vrifier si tel mode propos est lgitime, ou si tel
syllogisme est concluant. Supposons par exemple qu'il s'agissede savoir si la 4" figure admet un mode AOO. On le construira
ainsi
1. Ce schmatisme apparat, assez informe encore, dans la Mulhesis
Ratioitis (Phil., VI, a, 4 reclo), puis dans lu fragment, Phil., Vil, 15 il, 18,oit Leibniz n'emploie pas les lignes transversales; il indique ks
relations des termes en limilaul les serments correspondants ou en mar-
quant en pointill leurs prolongements possibles, l'ai1 exemple, il repr-sente Barbara comme suit
Fig. 20.
ce qui signifie que)!, contenu dans le moyen terme C, peutlout au
plus lui tre gal, et que 1), au moins gal C, peul se prolongerau
del ( droite). Leibniz prouve le besoin de distinguer plusnettement
par le dessin les termes universels et particuliers. En gnral, un terme
universel est limit de part et d'autre, et un terme particulierest illi-
mit. C"osl dans les Gnrales Inqvisilioncs de 1G8G qu'apparat te double-
ment des traits destin il marquer la partie affecte de chaque terme.
Enfin ce schmatisme se retrouve jusqu' la fin de la vie de Leibniz, dans
un fragment qui date de 171a ou 1710 (Phil., YI, lo,f 7 et 9).
-
30 CHAPITRE I
La figure montre que, les prmisses tant vrifies, la con-
clusion peut tre fausse, et par consquent ne rsulte pas des
prmisses.18. Il est fort curieux qu'aprs avoir appliqu ce schma-
tisme, avec un plein succs, tous les modes concluants du syl-
logisme, an point de vue de l'extension, Leibniz essaie, dans le
mme opuscule, de l'appliquer au point de vue de la comprhen-
sion. Il reprsente par exemple l'U. A. par le schme suivant
Fig. 21.
qu'il explique ainsi Homo idem est quod animal talc ,
savoir a rationale . On voit bien qu'il considre ici les com-
prhensions respectives des deux termes, puisqu'il regardeAnimal comme contenu dans Homo, et Homo gal Animal
plus un autre attribut (raliouale) qui complte sa comprhen-sion. Mais il ne russit pas mme traduire ainsi les quatre pro-
positions classiques, encore moins les modes syllogistiques, et
il parat y renoncer. Cet chec est significatif, et prouve que le
point de vue de l'extension seul comporte le schmatisme go-
mtrique.Dans les Gnrales Inquisiliones de 1686, Leibniz suit une
marche inverse: il commence par dfinir les schmes de A, E, I, 0
au point de vue de la comprhension ( 113-121)Ainsi l'U. A. A est B est traduite par le schme
Fig.22.
L'U. N. et la P. A. sont traduites par les schmes symtriques
Fig.2!). Fig. 24.
1. Phil., N'Il, C, 28 recto.
-
LA SYLL0GIST1QUH 31
Enfin la P. N. se traduit par le schme
Fig. 2b.
qui signifie videmment A ne contient pas B (en comprhen-
sion), de mme que celui de l'U. A. signifie A contient B (en
comprhension).Cela fait, Leibniz remarque qu'on peut considrer, inverse-
ment, l'espce comme partie du genre (au point de vue de
l'extension), et qu' ce point de vue le schme de l'U. A. est
inverse du prcdent, savoir
Fig. 20.
Il en est de mme de celui de la P. N., dit-il; et en effet, il
suffit de permuter les lettres A et B dans la lig. 35 pour avoir
la traduction (en extension) de la proposition Quelque A n'est
pas B . Quant aux schmes de l'U. N. et de la P. A., ils ne
changent pas par le retournement, puisqu'ils sont symtriques.Leibniz croit pouvoir conclure que les nouveaux schmes (en
extension) ne diffrent des anciens (en comprhension) que parl'interversion des lignes ( 123)..19. Or, si cela est vrai pour les schmes des propositions,
o ne figurent que deux termes, ce n'est plus vrai des schme
des syllogismes, o entrent trois termes. Sans doute, le schme
de Barbara ne change pas, qu'on l'interprte en extension ou
en comprhension il suffit de permuter les termes extrmes.
Mais le schme de Celarenl, par exemple, n'est plus valable,
mme moyennant cette permutation. En effet, construisons-le
au point de vue de la comprhension
Fig.27.
1. On remarquera que Leibniz double les parties alTecles (comme dans
Phil., Vil, B iv, 7) et en mme temps emploie les segments limits et
pointills (comme aans Phil., VII, B n, 18).
-
32 CHAPITRE I
On voit que, les prmisses tant vrifies, la conclusion
quelque B est D est possible en vertu de la figure, et par
consquent la conclusion (contradictoire) Nul B n'est D ne
rsulte pas de la figure. Cela prouve, encore une fois, que les
rapports de comprhension ne sont pas susceptibles de figura-tion gomtrique comme les rapports d'extension, et qu'il ne
suffit pas de renverser ou d'intervertir ceux-ci pour en tirer
ceux-l. Leibniz s'est donc tromp en croyant que les uns taient
purement et simplement inverses des autres; nous verrons quecette erreur a entach ses essais de Calcul logique et a contri-
hu les faire avorter (Chap. VIII).
Quoi qu'il en soit, il a t constamment tiraill entre deux ten-
dances contraires l'une, provenant de la tradition, qui le
portait considrer surtout les rapports de comprhension;
l'autre, plus conforme son esprit mathmatique, qui l'ame-
nait parfois prfrer la considration de l'extension 1. Or celle-
ci est la seule qui permette de soumettre la Logique au traite-
ment mathmatique, parce que, comme on l'a dj vu, c'est la
seule qui satisfasse aux conditions de l'intuition et de l'imagi-nation 2.
1. C'est ce qui fait, par exemple, qu'il aime mieux ranger les pr-misses du syllogisme dans l'ordre de Ramus (la mineure Ia. premire) qui
correspond il la. considration de l'extension, que dans l'ordre d*Aristte
(la majeure la premire) qui rpond il lit considration de la compr-hcnsiou Je suis de votre opinion. que cet autre arrangement vaut
mieux tout A est B, tout B est C, donc tout A est C. (Noiweawv Essais.
IV, xvn, 4; cf. 8 La manire d'noncer vulgaire regarde plutt les
individus, mais celle d'Aristote a plus d'gard aux ides ou universaux..)2. En effet, pour le dire d'avance, Icv Mathmatique est, selon Leibniz, la
Logique de t'imagination (Phil., VII, 13 vi, 9 Elemenla Nova Matheseos
Vnwersalis; cf. Math., 1, 26, a).
-
Coutuiiat. Logifjuo (le Loil)niz. 3
CHAPITRE II
LA COMBINATOIRE
1. Bien que Leibniz approuve et adopte en somme la
Logique scolastique, tout en la corrigeant et la compltant,on se tromperait du tout au tout si l'on croyait que sa propreLogique n'est qu'un dveloppement ou un perfectionnementde celle d'Aristote. Il nous fait entendre lui-mme le contraire,
lorsque, aprs avoir dcern Auistote, par la bouche de
Thophile, le magnifique loge qu'on a lu plus haut [I, 1], ilse fait adresser par PhUallhelo compliment suivant
CI.Vous paraissez faire l'apologie de la logique vulgaire, mais
je vois bien que ce que vous apportez appartient une logiqueplus sublime, qui la vulgaire n'est que ce que les rudimentsabcdaires sont l'rudition'.
C'est cette logique plus suhlime et non celle d'Aristote
qu'il donne le titre de mathmatique universelle 1. C'estelle que nous avons maintenant tudier et exposer.
Nanmoins, si originale que devait tre la Logique de
Leibniz, l'ide-mre lui en fut suggre par Aristote, commeil le rapporte en plusieurs endroits'. Il n'avait pas encore
1. Nouveaux Essais, IV, xvn, S 7.2. Philallhe. Je commence me former une tout autre ides de la
logique que je n'en avais autrefois. Je la prenais pour un jeu d'colier,et,je vois maintenant, du'il y a comme une mathmatique universelle dela manire .que vous l'entendez. Nouveaux Essais, IV, xvii, S0.
Vita Lcibnilii a se ilwobrevilcr delincala, ap. GumuuEn, Il, Notes, a2,et Klopp, 1, p. xxxvi Guilielmi Pacidii iraiticcet specimina Scienti t/eneralis.
-
34 CHAPITRE II
douze ans qu'il se plongeait avec dlices dans les pines de la
Logique scolastique il se dlectait des livres de Zabarella, de
Rubio et de Fonseca, et il lisait Suarez aussi facilement queles fables Milsiennes ou les romans. Dj avide de nouveaut
et tourment du dsir d'inventer, il jetait sur le papier des
critiques et des projets de rformes; et il avoue qu'il avait
grand plaisir, plus tard, relire les brouillons qu'il avait crits
quatorze ans. C'est cet ge qu'il eut une ide qui devait
tre le germe de toute sa Logique. Il avait remarqu que les
prdicamenls ou catgories d'Aristote servent classer les ftermes simples (ou concepts) dans l'ordre o ils donnent
matire aux propositions. Il se demanda, et demanda son
professeur, pourquoi l'on ne classerait pas de mme les
termes complexes (c'est--dire les propositions) dans l'ordre
o ils donnent matire aux syllogismes, ou gnralement la
dduction. Il ignorait, ajoute-t-il, et ses matres ignoraientsans doute aussi, que c'est prcisment ce que font les Go-
mtres, quand ils rangent leurs thormes dans l'ordre o
ils se dduisent les uns des autres. Ainsi c'tait dj la mthode
mathmatique qui, avant mme qu'il la connt, constituait
son idal logique. Il n'est donc pas tonnant qu'il l'ait prise
plus tard pour modle et pour guide, et qu'il ait conu la
Logique comme une mathmatique universelle .
2. Ses matres, ne pouvant satisfaire ses questions, se
contentaient de lui rpondre qu'un enfant ne doit pas chercher
innover; mais c'est en vain qu'ils prchaient la docilit et
le respect de la tradition cet autodidacte qu n'apprenaitles sciences qu'en les rinventant 1. Aussi continua-tril
ap. Phil., VII, 120 (voir aussi p. 127 pnc adhuc puero tenuia licet,fcunda tamen obtigerunt initia Arlis cujusdam Magnre); Ph.il., VU,
18! 292. Cf. les Elemcnla Rutionis, Phil., VII, B vi, 7 recto Milii adhuc
puero necdum nisi vulgaris Logiez placita noscenti expertique Matheseos
nescio quo instinclu subnata cogilalio est, posse excogitri aaalysin
nolionum, unde combinationc quadam exurgere veritates et quasinumeris stimari possent. Jucundum est vel nuric meminiss quibus
argumentis ulcunque puerilibus ad (an ta; rei suspicionem venerim:
1. Phil., VU, 185.
-
LA COMBINATOIRE 35
mditer son ide d'une classification des jugements; il fut ainsi
amen penser que toutes les vrits peuvent se dduire d'un
petit nombre de vrits simples par l'analyse des notions qui
y entrent, et qu' leur tour toutes les ides peuvent se rduire
par dcomposition un petit nombre d'ides primitives et ind-
finissables. Ds lors, il suffirait de faire le dnombrement
complet de ces ides simples, vritables lments de toute
pense, et de les combiner ensemble pour obtenir progressi-vement toutes les ides complexes par un procd infaillible.
On constituerait ainsi Y Alphabet des penses humaines, et
toutes les notions drives ne seraient que des combinaisons
des notions fondamentales, comme les mots et les phrases du
discours ne sont que les combinaisons, indfiniment varies,
des 25 lettres de l'alpliabet3. C'est dans sa dix-huitime anne que Leibniz parat*avoir
conu ce projet dont l'ide le faisait exulter, dit-il, pucrili
quidem gaudio3 , bien qu'il n'en comprt pas encore toute la
porte. Mais ses mditations ultrieures ne firent que le con-
firmer dans son dessein, en lui en dcouvrant la valeur et la
fcondit. Aussi en fit-il hientl, part au public dans son
De Arte combinaloria, o il montre que l'une des principales
applications de l'Art des combinaisons est la Logique, plus
particulirement la Logique de l'invention 4. On comprend, en
1. Gui studio cum inlcnlius incuinboroni, incidi necessario in liane
contemplationem adunirandam, quod sciliect cxrogilari posset quoddam
Alphabelum cogitalionum humanai'um, et quod lilerarum liujus Alpha-bet! combinationc et vocabulorum ex ipsis factnrum analysi omnia et
inveniri et, dijudicari possent. {Pliil., VII, 18o.) Voir aussi la Lettre li
Tschimham [1079], cite Cluip. IV, g ii (Math., I V, bH2;Briefwcchsel, I V, 40a-0)..2. Lettre ci Oldenhurr/, vers 1070 (Phil., VII, 12). Cf. De Qrjano sive Arte
Magna coaitandi Alpkabetum Cogilationum humanarum est calaloguseorum quiu per se concipiunlur, et quorum combiuatione cfi'lcnu idem
nostnu exurgunt. (Phil., Vil, C, 150 verso.) Alphabetum cogitationunihumanarum est calalogus nolionum primitivarum, seu earum tjuas nullis
definilionibus clariores, reddere possumus. (Phil., VII, C, 160.)3. Phil., VII, 185.
4. Usus X, n iio (Phil., IV, 01 Math., V, 39). Leibniz distingue en effet
l'Analytique (c'est--dire la Logique dmonstrative, ou la syllogistiq