CO-PORTEUR·E·S Transitions démographiques et territoires ...
Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...
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École doctorale «Économie, Organisations, Société »
Thèse pour obtenir le grade de DOCTEUR Discipline : Démographie
présentée par
LAHIOUEL Ridha
Mutations démographiques et emploi : le
cas des étudiants du Sud-Est tunisien.
THÈSE dirigée par Madame le Professeur
Maria Eugenia COSIO-ZAVALA
2014
À mes parents qui m’ont encouragé durant toutes ces années,
aucune dédicace ne saurait exprimer mon amour éternel,
mon respect et ma considération pour leurs sacrifices.
À mon épouse Ghada,
pour sa patience, son soutien et pour tous les sacrifices
À mes enfants Yaacoub, Anas et Bara’a,
je leur dis que sur la terre ils sont mon paradis
À tous les membres de ma famille.
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Remerciements
Tout d’abord et particulièrement, Madame le Professeur COSIO-ZAVALA
Maria Eugenia, pour la qualité de son encadrement ainsi pour la confiance
qu’elle nous a accordée dès le début de nos recherches. Nous lui sommes
reconnaissants pour les apports constructifs, les conseils méthodologiques
qu’elle nous a transmis pendant la réalisation de cette recherche ainsi que pour
sa disponibilité.
Nos remerciements vont également à Monsieur BEN BRAHIM Ali pour les
conseils, les idées et les apports méthodologiques.
Par ailleurs, nous souhaitons exprimer toute notre gratitude aux étudiants
qui ont accepté de répondre à notre enquête, ainsi qu’aux personnes qui ont
participé à la réalisation de terrain.
Nous remercions aussi toutes les personnes qui m’ont aidé dans
l’accomplissement des différentes phases de ma recherche. Nous ne pouvons
les citer toutes au risque d’en oublier certaines dont l’apport était remarquable.
Glossaire
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Glossaire
Battal : Chômeur, péjoratif : oisif
Ezzhar : La chance.
Gaada fi-dar : femme au foyer.
Harraga : littéralement «brûleurs des frontières », ce sont les émigrés clandestins.
Hchouma : La honte, le mépris.
Khidima : femme de ménage (nounou).
Khidma : le travail.
Khotba : fiançailles
Laktef : Rapport relationnel, « Piston », favoritisme.
Medersa : École religieuse.
Mouadhaf : Fonctionnaire, personne qui travaille dans le secteur public ou dans de
grands établissements semi-étatiques.
Mrama : travaux de bâtiment, mramaji : ouvrier du bâtiment, maçon.
Orf : Mariage coutumier.
Rachwa : corruption (pot de vin).
ACRONYMES
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ACRONYMES
ANETI : Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant.
ATCT : Agence Tunisienne de Coopération Technique.
ATFD : Association Tunisienne des Femmes Démocrates.
ATFP : Agence tunisienne de la Formation professionnelle.
BCT : Banque Centrale de Tunisie.
BIT : Bureau International du Travail.
BTP : Brevet de Technicien professionnel.
BTS : Brevet de Technicien supérieur.
CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle.
CEF : Contrat Emploi Formation.
CFP : Certificat de Formation professionnelle.
CNFCE: Chambre Nationale des Femmes Chefs d’Entreprise.
CNFCPP : Centre national de la Formation continue et de la Promotion professionnelle.
CNS : Conseil National de la Statistique.
CREDIF : Centre de Recherches, d'Etudes, de Documentation et d'Informations sur la Femme.
CSP : Code de Statut Personnel.
DGCF : Direction Générale du Contrôle Fiscal.
EMF : Enquête Mondiale sur la Fécondité.
ENE : Enquête Nationale sur l'Emploi.
EPC : Enquête sur la prévalence de la contraceptive.
ETF : Enquête Tunisienne sur la Fécondité.
ETPC : Enquête Tunisienne sur la prévalence de la contraceptive.
FIAP : Fonds d’Insertion et d’Adaptation professionnelle.
FNE : Fonds National de l'Emploi (Fonds 21-21).
FNS : Fonds national de Solidarité.
FONAPRA : Le Fonds National de Promotion de l’Artisanat et des Petits Métiers.
FOPRODI : Fonds de la Promotion de la Décentralisation industrielle. FOPROLOS: Fonds de
Promotion du Logement pour Salariés.
FOSDA : Fonds spécial pour le Développement de l’Agriculture.
FRONA: Fonds de Roulement de l'Office National de l'Artisanat.
FSN : Fonds de Solidarité Nationale (Fonds 26-26).
ACRONYMES
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GTZ : Coopération Technique Allemande.
INS : Institut National de la Statistique.
MAFF : Ministère des Affaires de la Femme et de la Famille.
NAT : Nomenclature d'Activité Tunisienne.
OCDE : Organisation pour la Coopération et le Développement économique
ODS : Office de développement du Sud.
OIT : Organisation Internationale du Travail.
ONEQ : Observatoire National de l’Emploi et des Qualifications.
ONFP : Office national de la famille et de la population.
ONPFP : Office National de Planning Familial et de la population.
OTE : Office des Tunisiens à l'Etranger.
PAE : Politiques actives de l’Emploi.
PCP : Prise en Charge par l’État de la contribution Patronale.
PDES : Plans des Développements Economiques et Sociaux.
PDUI : Programme de Développement Urbain Intégré.
PRD : Programme de Développement Rural.
PRDI : Programme de Développement Rural Intégré.
RGPH : Recensement Général de la population et de l'Habitat.
RNE : Répertoire National des Entreprises.
SIVP : Stage d'Initiation à la Vie Professionnelle.
SNS : Système National de la Statistique.
TFP : Taxe de Formation Professionnelle.
Table des matières
7
Table des matières
Glossaire ........................................................................................................................................... 4 ACRONYMES ................................................................................................................................. 5 Table des matières .............................................................................................................................. 7 Introduction .................................................................................................................................... 11 Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ................................... 19 1 Sources de données .......................................................................................................................................... 19
1.1 Présentation de différentes sources de données ...............................................................................19
1.2 Évaluation de la qualité des données .................................................................................................22 2 Insertion professionnelle en Tunisie ............................................................................................................. 27
2.1 Instruction et son effet sur le chômage ..............................................................................................28
2.1.1 Chômage des intellectuels ...............................................................................................................29
2.1.2 Insertion des diplômés du supérieur ...............................................................................................31
2.1.2.1 Insertion des diplômés selon le sexe ............................................................................................34
2.1.2.2 Insertion des diplômés selon la région de résidence ...................................................................35
2.1.2.3 Insertion des diplômés selon leur milieu social ...........................................................................36
2.1.2.4 Insertion des diplômés selon le diplôme .....................................................................................37
2.1.3 L’attente des diplômés tunisiens .....................................................................................................38
2.2 Conséquences du chômage : Quel impact sur la démographie? .......................................................41
2.2.1 Insertion professionnelle et fécondité .............................................................................................41
2.2.1.1 Activité féminine en Tunisie ........................................................................................................41
2.2.1.2 Évolution de l’activité féminine selon l’âge .................................................................................42
2.2.1.3 Nuptialité et fécondité ..................................................................................................................43
2.2.2 Mobilité internationale ....................................................................................................................44
2.2.2.1 Mobilité internationale des étudiants tunisiens ..........................................................................44 Conclusion ........................................................................................................................................................ 46 PREMIÈRE PARTIE : ÉLÉMENTS DE CONTEXTE SOCIO-DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE .............. 49 Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ........................................... 51 Introduction ....................................................................................................................................................... 51 I.1 Politiques démographiques en Tunisie ...................................................................................................... 52 I. 2 Structure et dynamique de la population tunisienne ..................................................................................... 57
I. 2.1 Évolution de la population .............................................................................................................57
I. 2.2 Structure de la population ..............................................................................................................58
I. 2.2.1 Structure par âge de la population ..............................................................................................58
I. 2.2.3 Évolution future de la structure par âge à l’horizon de 2029 .....................................................61
I. 2.2.4 Structure par sexe de la population .............................................................................................64
I. 2.3 Transition démographique en Tunisie ...........................................................................................65
I. 2.4 Espérance de vie à la naissance en Tunisie .....................................................................................66 I.3 Caractéristiques matrimoniales de la population tunisienne .......................................................................... 68
I. 3.1 Tradition et nuptialité .....................................................................................................................69
I. 3.2 Population selon l’état matrimonial et le milieu ............................................................................70
I. 3.3 État matrimonial selon l’âge et le sexe ............................................................................................71
I. 3.4 Évolution des taux de célibat ..........................................................................................................73
I. 3.5 Évolution de l’âge moyen de premier mariage ...............................................................................74
I. 3.6 L’état matrimonial selon le niveau d’instruction ...........................................................................76 I. 4 Transition de la fécondité en Tunisie ........................................................................................................... 78
I. 4.1 Taux brut de natalité .......................................................................................................................78
Table des matières
8
I. 4.2 Taux de fécondité selon l’âge ..........................................................................................................79
I. 4.3 Indice synthétique de fécondité ......................................................................................................80
I. 4.4 Liens entre l’éducation et la fécondité ............................................................................................81 I. 5. Évolution et structure des ménages .............................................................................................................. 82 Conclusion ......................................................................................................................................................... 84 Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ......................................................................... 87 Introduction ....................................................................................................................................................... 87 II. 1 La migration interne .................................................................................................................................. 89
II. 1.1 Migration interne selon le sexe ......................................................................................................90
II. 1.2 Migration interne selon l’âge .........................................................................................................91
II. 1.3 Migration interne selon le niveau d’instruction ...........................................................................92
II. 1.4 La migration interne selon la cause principale .............................................................................93 II. 2 L’émigration externe ................................................................................................................................... 94
II. 2.1 Migration internationale des Tunisiens selon l’âge ......................................................................97
II. 2.2 Migration internationale des Tunisiens selon le sexe ...................................................................98
II. 2.3 Migration internationale des Tunisiens selon la raison principale ..............................................98
II. 2.4 Mobilité internationale des étudiants du supérieur .................................................................. 100
II. 2.5 Migration clandestine ................................................................................................................. 102 Conclusion ....................................................................................................................................................... 103 Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ..................................................................................... 105 III. 1 Le développement du système éducatif en Tunisie.................................................................................... 105 III. 2 Système scolaire en Tunisie ..................................................................................................................... 106
III. 2.1 L’enseignement de base ............................................................................................................. 107
III. 2.2 L’enseignement secondaire ....................................................................................................... 109
III. 2.3 Efficacité de l’enseignement primaire et secondaire ................................................................ 110
III. 2.4 Formation professionnelle ........................................................................................................ 110
III. 2.5 L’enseignement supérieur ......................................................................................................... 112
III. 2.5.1 Politiques et réformes en matière de l’éducation supérieure en Tunisie ............................. 113
III. 2.5.2 Évolution et caractéristiques de l’enseignement supérieur en Tunisie ................................. 114
III. 2.5.2.1 Répartition des étudiants selon le sexe ............................................................................... 116
III. 2.5.2.2 Répartition des étudiants selon la filière d’études ............................................................. 118
III. 2.5.3 Les diplômés du supérieur ..................................................................................................... 119 III. 3 Efficacité du système éducatif tunisien .................................................................................................... 121 Conclusion ....................................................................................................................................................... 122 Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ................................................ 125 Introduction ..................................................................................................................................................... 125 IV.1 Politiques de l’emploi en Tunisie .............................................................................................................. 125
IV.1.1 Fondement des politiques de l’emploi ....................................................................................... 125
IV.1.2 Évolution de l'effectif des bénéficiaires de la politique active de l'emploi ................................ 129
IV.1.3 les acquis des politiques de l'emploi en Tunisie ........................................................................ 131
IV.1.4 Les limites des politiques de l'emploi en Tunisie ...................................................................... 132 IV.2 Structure et évolution de la population active ........................................................................................... 133
IV.2.1 La population active ................................................................................................................... 133
IV.2.1.1 Population active selon le sexe ................................................................................................ 134
IV.2.1.2 Taux brut d’activité .................................................................................................................. 135
IV.2.1.3 Population active selon l’âge ................................................................................................... 135
IV.2.1.4 Population active selon le niveau d’instruction...................................................................... 137
IV.2.2 Population active occupée .......................................................................................................... 138
IV.2.2.1 Évolution de la population active occupée ............................................................................. 138
Table des matières
9
IV.2.2.2 Population active occupée par sexe ......................................................................................... 139
IV.2.2.3 Population active occupée par âge .......................................................................................... 139
IV.2.2.4 Population active occupée selon le niveau d’instruction ....................................................... 140
IV.2.2.5 Population active occupée selon la branche d’activité ........................................................... 141
IV.2.2.6 Population active occupée selon le statut dans la profession ................................................. 143
IV.2.3 Évolution de la demande d'emploi ............................................................................................ 145
IV.2.4 Évolution des créations d'emploi ............................................................................................... 147
IV.2.5 Population active non occupée .................................................................................................. 148
IV.2.5.1Population au chômage ............................................................................................................ 149
IV.2.5.1.1 Taux chômage par sexe ......................................................................................................... 150
IV.2.5.1.2 Évolution du taux de chômage selon le groupe d’âge ......................................................... 152
IV.2.5.1.3 Chômage selon le niveau d’instruction ............................................................................... 153
IV.2.5.1.4 Chômage selon la région de résidence ................................................................................ 154
IV.2.5.1.5 Durée de chômage ................................................................................................................ 158
IV.2.5.2 Chômage des diplômés du supérieur ...................................................................................... 160
IV.2.5.2.1 Évolution du taux de chômage des diplômés selon le sexe ................................................. 161
IV.2.5.2.2 Chômage selon le diplôme ................................................................................................... 162
IV.2.5.2.3 Causes du chômage des diplômés en Tunisie ..................................................................... 163 Conclusion ....................................................................................................................................................... 167 DEUXIÈME PARTIE : ÉTUDE EMPIRIQUE, PERCEPTIONS D’AVENIR PROFESSIONNEL CHEZ LES ÉTUDIANTS DU SUPÉRIEUR DU SUD-EST TUNISIEN ....................................................................... 171 Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ............................................... 173 V.1 L’enquête : présentation du travail ............................................................................................................ 173 V.1.1 Préfiguration de l’échantillon : .................................................................................................... 173 V.1.2 Méthode d’investigation : l’opportunité du recours au questionnaire ...................................... 174 V.1.3 Le terrain d’enquête : difficultés et avantages ............................................................................. 176 V.2 Aspects démographiques ............................................................................................................................ 177 V.2.1 Répartition des étudiants enquêtés selon le sexe ........................................................................ 177 V.2.2 Répartition des enquêtés selon l’âge ........................................................................................... 177 V.3 Temporalité et projet éducatif .................................................................................................................... 178 V.3.1 Caractéristiques éducatives .......................................................................................................... 179 V.3.1.1 Répartition selon l’âge au baccalauréat .................................................................................... 179 V.3.1.2 Répartition selon la nature de baccalauréats ........................................................................... 179 V.3.1.3 Répartition selon l’année d’inscription ................................................................................... 180 V.3.1.4 Répartition de la population estudiantine selon la formation suivie ..................................... 181 V.3.2 Existe-t-il un lien entre établissement et motivation à la formation ? ........................................ 183 V.3.3 Durée des études envisagées ........................................................................................................ 186 V.3.4 Économie et subvention des études ............................................................................................ 187 V.3.5 Méritocratie scolaire et autoévaluation de la formation ............................................................. 188 V.4 La provenance géographique et sociale des étudiants .................................................................................. 189 V.4.1 Origines géographique des étudiants .......................................................................................... 189 V.4.2 Giron familial : migration, profil parental et progénitures ........................................................ 191 V.4.2.1 Catégorie socioprofessionnelle (CSP) des parents ................................................................... 191 V.4.2.2 Niveau d’instruction des parents .............................................................................................. 192 V.4.2.3 Taille de la fratrie ...................................................................................................................... 193 Conclusion ....................................................................................................................................................... 193 Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ............................................................... 195 VI.1 Motif de la recherche d’emploi ................................................................................................................. 195 VI.2 Insertion professionnelle ........................................................................................................................... 196 VI.2.1 Perception de la période de chômage ........................................................................................ 198 VI.2.1.1 Durée de chômage selon l’établissement ................................................................................ 199 VI.2.1.2 Durée moyenne de chômage selon les CSP des parents ........................................................ 201
Table des matières
10
VI.2.2 Perception du travail selon le salaire .......................................................................................... 202 VI.2.2.1 Salaire de réserve ..................................................................................................................... 203 VI.2.2.2 Salaire souhaité selon le sexe, secteur de travail et le type de la formation ........................... 204 VI.2.3 Déterminants du poste de travail ............................................................................................... 204 VI.2.4 Comment le marché de travail est-il segmenté aux yeux de ces jeunes ? .................................. 206 VI.2.5 Les obstacles à l’emploi............................................................................................................... 208 VI.2.6 Les clés de l’accès à l’emploi ....................................................................................................... 210 VI.2.6.1 Le concours, premier sésame pour l’emploi ........................................................................... 210 VI.2.6.2 Stages et insertion professionnels ........................................................................................... 212 VI.2.6.3 Le clientélisme et la corruption versus l’égalité de chances ! ................................................. 213 VI.3 Le travail des femmes ........................................................................................................................... 213 VI.3.1 Regards des étudiants vis-à-vis du travail des femmes ................................................................ 213 VI.3.2 Domaine d’activité des femmes.................................................................................................. 215 VI.4 Les pratiques discriminatoires aux yeux des étudiants ............................................................................... 216 VI.4.1 La discrimination dans l’accès au travail ................................................................................... 216 VI.4.2 Ségrégation au détriment des femmes ....................................................................................... 217 VI.5 Acteurs dans le choix professionnel des étudiants ...................................................................................... 218 VI.6 L’information sur le marché de travail est-elle transparente aux yeux des jeunes ? ..................................... 219 VI.7 Comment ces jeunes jugent-ils leur avenir professionnel ? .......................................................................... 221 VI.8 Articulation entre temporalités démographiques et professionnelles ........................................................... 222 Conclusion ....................................................................................................................................................... 224 Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale .................................... 227 VII.1 État matrimonial et nuptialité ............................................................................................................... 227 VII.1.1 Le choix du conjoint ................................................................................................................. 231 VII.1.2 Âge au mariage selon la perception des étudiants.................................................................... 233 VII.1.3 Vers quelle structure familiale ? ................................................................................................ 235 VII.2 Fécondité ................................................................................................................................................ 236 VII.2.1 Nombre d’enfants : entre souhaits et représentations sociales ................................................ 237 VII.2.2 Sexe de l’enfant ......................................................................................................................... 238 VII.2.3 Pour ou contre le congé parental ? ........................................................................................... 240 VII.2.4 Travail et enfants: duel ou duo ? ............................................................................................... 241 VII.2.5 Connaissance de la contraception ............................................................................................ 242 VII.3 Perception de la mobilité internationale par les étudiants enquêtés ......................................................... 243 VII.3.1 Mobilité selon les causes ........................................................................................................... 244 VII.3.2 L’établissement de formation détermine peu ou prou la mobilité .......................................... 246 VII.3.4 Les catégories socioprofessionnelles des parents et la mobilité ............................................... 248 VII.3.5 Perception de mobilité selon le lieu de résidence de la famille ............................................... 249 VII.3.6 Mobilité internationale pour les études ................................................................................... 249 VII.3.6.1 Partir, mais où ? ...................................................................................................................... 250 VII.3.6.2 Par quels moyens de subsistance ? ......................................................................................... 251 Conclusion ....................................................................................................................................................... 251 Conclusion Générale .................................................................................................................. 253 Bibliographie ................................................................................................................................. 262 Annexes ........................................................................................................................................ 274 Liste des tableaux ........................................................................................................................... 296 Liste des graphiques ........................................................................................................................ 301 Liste des cartes ............................................................................................................................... 304
Introduction _________________________________________________________________________
11
Introduction
Des règles, des lois, des conventions et autres traités garantissent les droits des
individus et aident à la cohésion et au progrès social tant au plan national
qu’international.
La Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 stipule en son article
13 alinéas 1 et 2 « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa
résidence à l'intérieur d'un État. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y
compris le sien, et de revenir dans son pays ». Cet article reconnaît la possibilité pour les
individus de migrer selon leurs besoins ou impératifs du moment. Ce droit est
fondamental et ne peut être entravé. Aussi les citoyens peuvent-ils se déplacer à
l’intérieur de leurs propres pays ou en sortir. Malheureusement, aujourd’hui ce droit
connaît des difficultés quant à son effectivité.
Dans l’article 16 de la même déclaration aux alinéas 1 et 3 il est stipulé : « À
partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la
nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des
droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. La
famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la
société et de l'État. » Ici, l’homme et la femme en s’unissant librement contribuent
naturellement à la formation de la famille et partant de la société. La famille, en tant
qu’élément de base, participe fondamentalement à la configuration sociale.
Pour subvenir à leurs besoins, les individus occupent des emplois en fonction de leurs
qualifications ou aptitudes et en tirent des revenus. La Déclaration universelle des droits
de l’homme stipule que : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son
travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le
chômage »1.
En Tunisie le droit à la libre circulation des citoyens est reconnu. Le pays de par
sa position géographique avancée au Nord du continent africain demeure une terre
d’émigration et de transit pour les migrants non tunisiens. La constitution dispose
“qu’aucun citoyen ne peut être banni du territoire ni empêché d’y retourner (article 11).
1 Ibid, article 23, alinéas 1.
Introduction _________________________________________________________________________
12
Elle garantit la liberté pour tout citoyen de circuler à l’intérieur du territoire et d’en
sortir”2.
S’agissant du travail, la loi n°66 date du 5 juillet 1993 stipule qu’il ne peut y avoir
de discrimination entre homme et femme au regard de l’application des dispositions du
code de travail3.
Le droit à l’éducation, quant à lui, est garanti par la constitution tunisienne. Ce droit était
au départ arbitraire de la situation économique de la famille (c’est-à-dire l’accès à l’école
dépendait beaucoup de la situation financière de la famille de l’élève), puis ont été
instaurées l’obligation et la gratuité d’éducation des élèves à partir de l’âge de six ans et
jusqu'à l’âge de seize ans au minimum. En outre, une convention sur le droit à
l’éducation a été ratifiée pour encourager la promotion des différentes formes
d’enseignement secondaire et pour ouvrir l’enseignement supérieur à tous les élèves
tunisiens conformément au principe de démocratisation de l’enseignement4.
Ces mesures prises par l’État donnent divers résultats. Effectivement, et en ce qui
concerne l’éducation, on a enregistré une amélioration du niveau d’instruction et une
baisse du nombre des analphabètes (le taux d’alphabétisation des adultes avoisine les
77,6 %5 en 2008, alors que le taux net de scolarisation à l’école primaire est de 99 %6).
Cet investissement dans le domaine de l’éducation accroit le capital humain du pays et le
place parmi les meilleurs pays en la matière au Maghreb en particulier et en Afrique en
général.
L’économie tunisienne est à forte utilisation du facteur travail, contrairement aux pays
industrialisés et pétroliers. Or, depuis des décennies, ce capital humain qui est censé être
formé pour soutenir la croissance du pays connaît une mauvaise gestion. En effet, le
« malaise » que connaît la société tunisienne est caractérisé par un nombre important des
diplômés des instituts universitaires qui se retrouvent “ face au mur” (selon l’expression
de beaucoup de jeunes), car cette tranche d’âge est la plus touchée par le chômage.
Les difficultés d’insertion de ces jeunes sur le marché de l’emploi les poussent à
chercher d’autres alternatives comme la migration vers l’étranger, très remarquable ces
dernières années.
2 République tunisienne : Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 1993-1994 les droits de l’Hommes en Tunisie, p. 149. 3 Ibid., p. 61. 4 Ibid., p. 79. 5 Selon les statistiques de l’UNESCO. 6 Selon les statistiques du Ministère de l’Éducation et de la Formation.
Introduction _________________________________________________________________________
13
En Tunisie, le nombre de diplômés du supérieur ne cesse d’augmenter d’une
année à une autre et leur intégration au marché de travail constitue une tâche lourde et
difficile à réaliser jusqu'à maintenant. En conséquence, leur chômage est devenu un des
faits marquants de la société tunisienne.
Si le droit au travail est bien reconnu pour chacun, il faut cependant reconnaître
que la situation économique n’est pas toujours favorable.
En effet, quoiqu’ayant un taux de croissance économique assez élevé, la Tunisie
enregistre un taux de chômage aussi élevé (14,1 % en 20077) car il n’y a pas
suffisamment d’emplois.
La Banque Mondiale souligne qu’entre 1994 et 2001, l’emploi non agricole a connu une
croissance de 2,6 % contre 4,4 % entre 1989 et 1994, tandis que dans le secteur agricole,
la main-d’œuvre a augmenté de 20 % 8 entre 1993 et 2002.
De 2001 à 2007 environ 532 400 emplois ont été créés (tous secteurs compris), soit une
création annuelle moyenne de 76 0009 emplois contre 59 000 emplois entre 1990 et
2000. Cependant cela ne suffit pas à endiguer le chômage puisque des nombres très
importants de nouveaux actifs arrivent sur le marché du travail tous les ans.
Encore faut-il noter qu’une des caractéristiques de ces nouveaux arrivants sur le
marché de l’emploi est leur niveau d’instruction élevé. En effet, chaque année des
milliers de nouveaux diplômés de l’enseignement supérieur représentent une charge
supplémentaire pour le marché de l’emploi qui souffre déjà d’un déséquilibre entre
l’offre et la demande.
Cette situation aggravée par le chômage des diplômés de l’enseignement supérieur
entraînera une mobilité des personnes actives du Sud, du Centre et du Nord-Ouest vers
les régions qui offrent davantage d’emplois, notamment le Nord et la région de la côte
Est, ou vers l’étranger. Les flux migratoires sont remarquables et sont de plus en plus
importants.
Aussi, pour fuir le chômage, les jeunes diplômés utilisent deux palliatifs:
- l’allongement des études universitaires en continuant leur scolarisation ou en
multipliant les cursus.
7 Taux de chômage en 2007, selon estimations de l’INS, enquête nationale population et emploi de 2007. 8 Institut de La Méditerranée. (Décembre 2005). Profil pays Tunisie. Coordinateurs Femise, p. 15. 9 Cf. ZAIBI, F. (18 février 2008). Evolution du marché de l’emploi en Tunisie. Direction Générale de l’Observatoire National de l'Emploi et des Qualifications: Ministère de l’Emploi et de l'Insertion Professionnelle des Jeunes, p. 6.
Introduction _________________________________________________________________________
14
- l’émigration des étudiants avec motif initial et légal de poursuivre les études à
l’étranger. Ceci leur permet d’échapper au chômage. Une fois installés à l’étranger, ces
jeunes se trouvent (dans la plupart des cas) face à plusieurs difficultés, ce qui les pousse
à abandonner leurs études, à travailler et à séjourner illégalement à l’étranger. Ils
travaillent souvent dans des secteurs d’activités loin de leurs cursus universitaires. Ces
jeunes peuvent refuser un tel emploi en Tunisie pour plusieurs considérations, la plus
importante étant la représentation sociale. En effet, être diplômé du supérieur et travailler
comme agent de nettoyage ou autre métier ne demandant pas même un moindre niveau
d’instruction est mal vu par la société. Cependant, et comme à l’étranger les
représentations sociales ne sont pas les mêmes qu’en Tunisie, ces jeunes acceptent
d’occuper ce type d’emploi pour gagner leur vie.
L’allongement de la durée de scolarisation, qu’elle soit volontaire (avoir plus de
diplômes) ou non volontaire (refus de chômage), a un effet direct sur l’âge au mariage
(qui a augmenté aussi pour cette catégorie de population) et par conséquent sur la
fécondité. En Tunisie, les naissances en dehors du mariage étant prohibées, la baisse de
la durée de vie féconde chez les femmes aura des conséquences sur le nombre d’enfants
mis au monde.
Les projections démographiques10 faites par l'Institut national de la statistique en
2007 indiquent que la population tunisienne augmentera en 2024 d'environ 21,5 %11, et
vieillira en raison de l'augmentation de l'espérance de vie12. Ce vieillissement de la
population et le décollage des pyramides des âges (passage d’une pyramide des âges en
forme de parasol inversé13 vers une pyramide des âges en forme de pagode14) ne font que
mettre en cause les politiques de planification familiale et de protection sociale
entreprises par la Tunisie. Cette situation démographique entraîne des changements
profonds sur le marché de l'emploi et même sur les projets professionnels. En fait, la part
10 INS. (Juin 2007). Projections de la population tunisienne 2004-2034. Tunis: Institut National de Statistique. 11 Selon l’hypothèse moyenne Projections de la population tunisienne : baisse moyenne de fécondité, la population tunisienne était de 9932,4 milles habitants en 2004 et atteindra 12 074,6 habitants en 2024. P130. Soit un accroissement annuel moyen de 0,98 % sur cette période. 12 Selon l’hypothèse moyenne des projections de la population tunisienne : l’espérance de vie à la naissance passera de 73,4 ans en 2004 à 78,9 ans en 2024. 13 Ce type de pyramide à une base large ce qui signifie que la population y est très jeune, et le taux de natalité reste élevé. 14 Ce type de pyramide a une base moins large, ce qui signifie que le taux de natalité a commencé à baisser, et elle s’étire vers le haut, ce qui signifie que l’espérance de vie augmente.
Introduction _________________________________________________________________________
15
des seniors15 continue à augmenter plus rapidement que la population active16, et plus
leur part augmente, plus l’écart entre l’offre et la demande de l’emploi se creuse.
La situation actuelle et les perspectives démographiques de l'INS laissent penser
que des transformations doivent être apportées au marché du travail en Tunisie et que
des mesures et actions doivent être mises en œuvre en faveur des diplômés du supérieur
en particulier.
De lors, en fondant notre étude sur ces données, notre question centrale s’énonce comme
suit :
Quelles sont les interactions entre la transition démographique et l’emploi en
Tunisie et quel avenir professionnel y a-t-il pour les diplômés du supérieur?
De cette question découlent plusieurs questions secondaires :
La politique de l’emploi en Tunisie est-elle aussi efficace pour résoudre les écarts entre
l’offre et la demande d’emploi des diplômés du supérieur? Permet-elle une répartition
équitable de l’emploi dans les régions?
Comment s’expliquent les écarts entre l’activité masculine et l’activité féminine?
Les flux migratoires vers l’étranger jouent-ils toujours le rôle de soupape de sécurité
pour l’économie tunisienne?
Notre première hypothèse postule que : les difficultés de l’insertion
professionnelle des diplômés ajournent leur entrée en couple, entrainant des
conséquences sur la fécondité.
La deuxième hypothèse : En Tunisie, en l’absence de perspectives
professionnelles, la suréducation et la mobilité géographique (migration) restent des
alternatives possibles pour les jeunes diplômés afin de fuir le chômage.
Dans les paragraphes suivants, nous présenterons l'aspect méthodologique de la
recherche et la logique selon laquelle nous avons réalisé ce projet de recherche.
Méthode d’analyse
Pour ce qui concerne les méthodes adaptées et pour répondre aux questions de
notre recherche, nous allons opter pour une démarche qui combine l'approche
quantitative et l’approche qualitative en exploitant les données fournies par les sources
d'observation citées dans le premier chapitre. Nous nous appuierons en particulier sur les
15 Selon l’hypothèse moyenne des projections de la population tunisienne : la part de la population 60 ans et plus se doublera entre 2004 et 2034, passant de 9,5 % à 19,8 %, p. 24. 16 Selon l’hypothèse moyenne, la part de la population active passera de 63,8 % en 2004 à 66 % en 2014 date à laquelle elle commence baisser pour atteindre 62,3 % en 2034, p. 24
Introduction _________________________________________________________________________
16
données de notre propre enquête effectuée auprès des étudiants du supérieur inscrits dans
une université de la région Sud-Est et traitante la perception de l’avenir des futurs
diplômés du supérieur. Ceci nous permettra de mieux comprendre l’interaction probable
entre l’emploi et les phénomènes démographiques.
Nos analyses empiriques se basent sur diverses techniques d’analyse statistique
aussi bien au niveau univarié, bivarié et multivarié.
L’analyse univariée permet la description de la distribution des variables prises
isolément. Nous utilisons la méthode tabulaire à ce stade de notre étude.
Cependant, afin d’approfondir notre étude, nous ferons des analyses bivariées et
multivariées selon les situations.
Dans l’analyse bivariée, les variables sont traitées deux à deux. Il s’agit de
mettre en rapport chaque variable dépendante (par exemple la motivation par
mobilité internationale) et chacune des variables démographiques (le sexe, la
formation suivie, la catégorie socioprofessionnelle des parents, etc.)
Le test du khi-deux de Pearson s'applique lorsqu'on souhaite démontrer
l'indépendance ou la dépendance de deux variables qualitatives. Nous concluons à
l’existence de relation ou d’association significative entre deux variables lorsque
la probabilité obtenue après application du test du khi-deux est inférieure à 5 %.
La principale insuffisance du khi-deux est qu’en cas d’existence de relation, ce
test ne permet pas de préciser le sens de la relation.
L’analyse multivariée nous permet de mettre en évidence un ensemble de
corrélations ou d’identifier les variables les plus importantes ou les plus
déterminantes dans l’occurrence du phénomène étudié. Elle consiste en la prise
en compte simultanée de plusieurs variables.
On distingue notamment l’analyse des correspondances multiples (ACM) et la régression
logistique. L’ACM est une technique factorielle d’analyse des données. La régression
logistique est une méthode qui permet de mesurer la force de l’association entre une
variable dépendante et des variables prédictives. Une variable dépendante Y
dichotomique est expliquée par un ensemble de variables qualitatives ou quantitatives
(X1, X2, X3,…, Xp).
Organisation de la thèse
La thèse sera structurée en neuf chapitres, regroupés en deux parties :
Introduction _________________________________________________________________________
17
Dans le chapitre préliminaire, et avant de développer la recherche, nous ferons un
rappel des différentes sources de données. Ainsi qu’une revue de littérature dans laquelle
nous exposons les études qui nous ont inspirées dans cette recherche.
- La première partie, composée de quatre chapitres : où nous exposons les défis
que posent les changements démographiques pour le marché de l'emploi. En outre, et sur
la base des données de l'Institut National de Statistique (INS), nous examinons les
tendances générales de l'évolution future de la main d'œuvre et son impact sur les
variables démographiques.
Ceci nous permet de voir dans un premier temps (chapitre 1) l’évolution des données
relatives à la nuptialité, fécondité et les structures familiales. Nous rappelons les
politiques démographiques appropriées notamment la promotion de la femme, la
planification familiale, etc.
Le chapitre 2 porte sur l’étude de la composante migratoire et de son interférence avec le
marché de l’emploi, avec une concentration sur la mobilité internationale des étudiants
du supérieur.
Dans le chapitre 3 et toujours dans une approche d’interaction avec le marché de
l’emploi, nous faisons le point sur le système éducatif en Tunisie : son évolution, son
efficacité…
Dans le dernier chapitre de cette partie (chapitre 4), nous esquissons les principaux
axes des politiques d’emploi et l’évolution de la population active et ces
composantes.
- La deuxième partie comporte trois chapitres, dans laquelle nous présentons
l’apport de notre recherche, sera constituée de trois chapitres. Ceci se fera à travers
l’exploitation des données de notre enquête de terrain qui aborde la perception de
l’avenir chez les futurs diplômés du supérieur dans la région du Sud-Est tunisien.
Dans un premier chapitre (chapitre 5), nous présentons l’enquête: son objectif,
son organisation, son déroulement les limites et les difficultés rencontrées.
Le sixième chapitre sera consacré à la présentation des résultats de l’enquête.
On parlera entre autres des caractéristiques sociodémographiques des enquêtés, leur
vie familiale, leurs cursus scolaires.
Introduction _________________________________________________________________________
18
Enfin dans le septième chapitre, nous évoquerons la perception des personnes
interrogées en matière d’emploi. Il s’agit d'évaluer les enjeux de l’avenir d’emploi
sur leurs comportements démographiques (entre autres l’entrée en couple, la
fécondité).
Finalement, nous espérons que ce travail enrichira l'action de l’État en matière
d’insertion des jeunes diplômés dans les prochains programmes sociaux et
contribuera à la résolution des problèmes du chômage.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
19
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre
théorique de l’étude
Dans la première section de ce chapitre, nous présenterons les sources des
données utilisées pour l’étude et nous insisterons particulièrement sur la qualité des
données. Puis, dans la deuxième section, nous abordons la démarche théorique de
l’insertion professionnelle en Tunisie.
1 Sources de données
« Toute science repose sur l’observation, sur la collecte de données
nouvelles ou le rassemblement de données disponibles. La démographie
n’échappe pas à la règle : il n’est pas de démographie sans chiffres ni de
chiffres sans systèmes d’informations, sans sources de données ni méthodes
de collecte »17.
1.1 Présentation de différentes sources de données
Depuis l'indépendance, l'appareil statistique tunisien a connu un important
progrès. En effet, les efforts déployés par la Tunisie pour améliorer la qualité des
données statistiques, fournies par l'état civil et les enquêtes, ont permis au pays de se
positionner parmi les pays relativement développés dans ce domaine.
Comme dans la majorité des pays du monde, les sources de données
démographiques de base en Tunisie sont les registres de l'état civil, les recensements et
les enquêtes.
L’état civil : une source en nette amélioration, qui réussit à combler progressivement
les lacunes observées avant, et même quelques années après l’indépendance. Ces lacunes
étaient principalement liées aux sous-enregistrements. Aujourd’hui, on assiste à un taux
de couverture proche de 100 % et une exhaustivité totale à partir de 1975 de
l’enregistrement des naissances18.
17 TABUTIN, D. (2006). Les systèmes de collecte des données en démographie. Dans G. CASELLI, G. WUNSCH, & J. VALLIN, Observation, méthodes auxiliaires, enseignement et recherche (pp. 13-64). Paris: Institut national d'études démographiques, p. 13. 18 ITCEQ. (2011). Le profil démographique de la Tunisie. Tunis: République Tunisienne, Institut Tunisien de la Compétitivité et des Études Quantitatives, p. 10.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
20
Pour ce qui concerne les décès déclarés, leur taux de couverture en 2011 est autour de
85 %19. En effet, la déclaration des décès dans la société tunisienne reste encore
déficiente, notamment, quand il s’agit de la mortalité infantile et de celle du milieu rural.
Les recensements généraux de la population : ils représentent aussi un fournisseur
d’une grande partie des données.
« Le recensement est un diagnostic qui a pour objectif de
découvrir les maux dont souffre le corps social et de permettre à
l’État d’administrer les remèdes adéquats » le Président de la
République tunisienne, Bourguiba, le 2 mai 1966.20
La Tunisie connait son premier recensement en 1921. Ensuite depuis l'indépendance
(1956) jusqu'à nos jours, il y en a eu cinq autres, à savoir ceux de 1966, 1975, 1984,
1994 et 2004.
Au fil de ces différents recensements, les concepts démographiques utilisés par les
chargés de l’opération ont connu des changements, surtout ceux qui sont liés à la
population active.
L'enquête par sondage : c'est la troisième source d'observation en Tunisie. Elle occupe
une place de plus en plus importante dans l'appareil statistique du pays.
Les enquêtes sont principalement effectuées par l'Institut National de Statistique qui tient
le monopole statistique en Tunisie. Il organise régulièrement plusieurs enquêtes par
sondage telles que l'enquête sur la population et l'emploi réalisée depuis 1976 et plus
récemment celle d'avril 2011 qui a touché 43 000 ménages21.
Première en son genre, l’Enquête Tunisienne sur la Fécondité (ETF) a été
organisée en 1978 par l'Office National de Planning Familial et de la Population
(ONPFP), dans le cadre de l'Enquête mondiale sur la Fécondité (EMF).
Depuis lors, six autres enquêtes identiques ont été réalisées (1983,1988, 1994, 2001,
2006 et 2010).
Ces enquêtes ont permis d'avoir des données statistiques sur l’évolution des principaux
indicateurs démographiques : nuptialité, fécondité, mortalité infantile et sur la santé de la
mère et de l’enfant.
19 Ibid., p. 11. 20 Cf. GASTINEAU, B. (2001, mai). Thèse de Doctorat en démographie. La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement. Nanterre: Université Paris X Nanterre, p. 47. 21 INS, enquête population emploi 2011, décembre 2012, 43 000 ménages repartis sur 1700 îlots questionnés entre 8 avril et 30 juin 2011. 207p
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
21
Il faut signaler qu’outre ces trois sources classiques, d'autres organismes à
caractère public permettent la collecte et la diffusion d’autres données statistiques. Ces
organismes fournissent des données moins importantes que les trois sources citées
précédemment, mais elles sont d’une richesse non négligeable. Il s’agit de :
- L’Agence Nationale de l’Emploi et du Travail Indépendant (ANETI)
(représentée par des bureaux de placement) : elle publie mensuellement les statistiques
du marché de travail et donne l'évolution de l'offre et de la demande de l'emploi.
- L’Observatoire National de l’Emploi et des Qualifications (ONEQ) : sa mission
est d'examiner le fonctionnement du marché de travail, d’évaluer les différents
programmes de la politique de l’emploi. Cet organisme se charge également de la
réalisation des enquêtes sectorielles trimestrielles, telle que l’Enquête trimestrielle dans
le secteur de l’hôtellerie et l’Enquête trimestrielle sur le secteur textile. Par ailleurs,
l’ONEQ a instauré un Système d’Information sur les diplômés de l’enseignement
supérieur.
- Le Répertoire National des Entreprises (RNE) : il occupe une place importante
dans le système statistique tunisien. Il s'agit d'un organisme de coopération qui permet
l'échange des données entre l’INS et la Direction Générale du Contrôle Fiscal (DGCF)
(pour tout ce qui concerne les entreprises) d’une part et d’autre part entre l’INS et la
Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) pour tout ce qui est relatif aux salariés.
- L'Office de Développement du Sud : c’est un établissement public fondé en
1994 et travaillant sous la tutelle du ministère du Développement et de la Coopération
internationale. Parmi ses missions, le recueil des informations utiles pour réaliser des
études permettant la définition des politiques de développement de chaque
gouvernorat22 .
- L'Institut des Régions Arides de Médenine (IRA) : créé en 1976, il est placé
sous la tutelle de la direction du ministère de l'Agriculture et de ressources hydrauliques.
Parmi les missions de cet organisme, il y a la réalisation d’études et de projets de
développement dans le Sud tunisien23.
- L'Office des Tunisiens à l'Étranger (OTE) : il fournit des données relatives à la
population tunisienne résidente à l’étranger.
22 Selon le Site Internet de l’Office de Développement du Sud : www.ods.nat.tn. 23 Selon le Site Internet de l’Institut des régions Arides de Médenine : www.ira.rnrt.tn
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
22
Pour conclure, l'appareil statistique tunisien a connu un progrès significatif. Au
début de sa mise en service, les réalisations étaient de mauvaise qualité en raison des
lacunes liées aux sous-enregistrements des événements de l'état civil, aux doubles
comptes et aux omissions. De plus, la couverture n’était pas exhaustive surtout dans le
milieu rural, sans oublier des erreurs dans les recensements et les enquêtes. Or, au fil des
années les performances sont améliorées.
L’INS fait des efforts pour s’adapter aux normes mondiales. En effet, il
entreprend depuis plusieurs années d’importants travaux pour réviser et améliorer ses
méthodes statistiques afin de suivre les évolutions et les mutations de l’économie et de la
société tunisienne. En outre, il adapte ses méthodes aux normes et standards
internationaux en matière statistique. D’ailleurs, les travaux de révision ont porté sur
plusieurs domaines, dont celui de la comptabilité nationale et les statistiques de
l’emploi24.
Depuis deux décennies, la Tunisie connaît un progrès remarquable en matière de sources
d'observations. La volonté politique sur ce plan s'est traduite par la fondation en avril
1999 du Système National de la Statistique (SNS) avec comme principal organe le
Conseil National de la Statistique (CNS). En 2001, le nombre de statisticiens opérant
dans cette structure était de 79725, ce qui ne correspond pas aux normes européennes26.
1.2 Évaluation de la qualité des données
Il est important de signaler que l’appareil statistique en Tunisie a fait l’objet de
plusieurs débats, principalement après la révolution de « jasmin »27. Celle-ci a révélé
plusieurs réalités et les secrets commencent à être dévoilés au compte-gouttes, y compris
sur le système statistique, de plus en plus critiqué.
En effet, après un saut considérable au début des années 2000 en matière de la
diversification de l’information statistique, le système statistique tunisien avait une
mainmise sur des informations que l’ancien régime considérait comme gênantes et
préoccupantes pour la population. Certains chercheurs parlent de « l’instrumentalisation
24 African Manager. (12 mars 2010). Tunisie : L'INS présente ses nouvelles méthodes et normes statistiques. http://www.turess.com/fr/africanmanagerfr/126892. 25 FERCHIOU, R. (octobre 2001). La Reforme Du Systeme Statistique Tunisien. Conseil National de La Statistique. 26 Selon la norme européenne 15 statisticiens pour 100 000 habitants, en Tunisie 8 statisticiens pour 100 000 habitants. 27 La révolution populaire de janvier 2011.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
23
des chiffres, de manipulation des données, d’occultation des réalités, dont le pays avait
été victime28».
Selon l’Institut arabe des chefs d’entreprise « Le pouvoir a toujours réfuté
catégoriquement l’idée d’une indépendance administrative de l’appareil statistique [vis-
à-vis] des instances ministérielles »29, une stratégie longtemps optée par le pouvoir
tunisien pour polir son image.
Encore, d’après d’autres critiques « Les statistiques nationales doivent authentifier les
discours de propagande officielle et non pas refléter la réalité en toute objectivité »30.
Pendant toute cette période, depuis l’aube de l’indépendance jusqu’à la veille de la
révolution, l’information statistique était politisée et perdait peu à peu sa crédibilité. En
conséquence, c’est qu’il y avait « Un système national de statistique souffrant de
problèmes de crédibilité et de fiabilité engendrés par les nombreuses années d’ingérence
politique et d’absence d’autonomie et de transparence de la part des institutions
nationales statiques »31.
Bien que la Tunisie dispose d’un appareil statistique qui suit les normes
internationales, il reste à signaler que les données sur l'activité économique et sociale
sont parfois soumises à des erreurs dépassant celles liées au double compte et à
l'omission. Ces erreurs sont souvent liées au mauvais traitement de l'information soit par
l'agent recenseur ou bien par la personne recensée en saisissant mal la question. D’autre
part, et d’une manière volontaire, par des pressions du pouvoir politique, l’information
statistique concernant les enquêtes sociales et économiques en Tunisie, surtout celles
évoquant le chômage, n’a cessé d’être secrète : elle a toujours été cachée pour la
population. Elle est considérée comme un sujet tabou. Les données sont stockées dans
les boites d’archives des autorités nationales et subissent des transformations parfois
radicales pour satisfaire le pouvoir politique, convaincre et calmer la population. La
révolution tunisienne a bouleversé cette pression exercée par le pouvoir politique sur
28 AYARI, C. (03 septembre 2011). Tunisie : Le développement régional et l'arnaque statistique sous Ben Ali. http://www.turess.com/fr/wmc/109835. 29 Iace Online. (11 Mars 2011). Tunisie. Information statistique et tentation de contrôle de l’Etat, Centre tunisien de veille et d’intelligence économique (Ctvié) dépendant de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (Iace)http://www.kapitalis.com/economie/3021-tunisie-information-statistique-et-tentation-de-controle-de-letat.html. 30 Ibid. 31 ZARGOUNI, H. (11 juillet 2011). L’indice du bonheur chez le Tunisien. http://www.kapitalis.com/tribune/4818-lindice-du-bonheur-chez-le-tunisien.html.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
24
l’appareil statistique et la censure n’a plus de place, les chiffres réels doivent être révélés
et rendus publics.
Dans ce sens, Hassen BOUBAKRI estime que les statistiques officielles tunisiennes (et
surtout celles de l’INS) sont extrêmement discrètes quant à l’information relative au
sous-emploi.
Il ajoute que « … les données officielles sur l’emploi et le chômage souffrent de
plusieurs zones d’ombre, d’imprécisions qui, malgré tout, n’arrivent pas à cacher les
faiblesses, la fragilité, voire la dégradation du marché de l’emploi tunisien »32. Il ajoute
qu’une bonne partie du chômage réel et du sous-emploi restent «invisibles», parlant de
chômage « déguisé », et que les politiques actives de l’emploi (PAE) peuvent aussi le
favoriser et le dissimuler.
Il met en évidence quatre facteurs pour expliquer cette situation (qualité de données
traitant le chômage).
(1) Les méthodes ou les bases de calcul, erronées ou inadaptées des créations
d’emploi.
(2) L’inadaptation et l’inadéquation des catégories de chômeurs adoptées par les
agences et les Organismes gouvernementaux (INS, ANETI, ONEQ) avec l’évolution des
catégories de l’emploi, du sous-emploi, du travail précaire et du chômage, pour le calcul
du nombre de chômeurs.
(3) Il existe d’autres difficultés liées à l’identification des différentes catégories
de chômeurs, et surtout à leur évolution dans le temps, selon l’âge, selon le contexte
institutionnel et socioéconomique, ou encore selon le niveau d’instruction.
(4) les organismes officiels tunisiens ne prennent pas en compte, donc n’intègrent
pas, dans leurs statistiques les différentes catégories de sous-emploi.
D’autre part, parler de sous-emploi, c’est évoquer le secteur informel, qui se
définit comme la “ partie du marché du travail des pays en développement qui absorbe
un nombre important de demandeurs d’emploi et de chômeurs, pour la plupart engagés
dans des activités indépendantes ou de très petites unités de production. Celles-ci
partagent un certain nombre de caractéristiques: capital modeste, peu de main-d’œuvre
qualifiée, accès limité aux marchés organisés et à la technologie; revenus faibles et
32 BOUBAKRI, H. (2010). Tunisie Migration, marché du travail et développement. Suisse: Organisation internationale du Travail (Institut international d'études sociales) Projet de Recherche : Faire des Migrations Un Facteur de Développement: Une Étude sur L'Afrique du Nord et L'Afrique de L'Ouest, p. 13.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
25
irréguliers, conditions de travail médiocres; elles échappent aux statistiques officielles
et aux réglementations publiques et sont, presque toujours, en marge des systèmes
officiels de protection sociale et de protection des travailleurs ” (BIT, 1991).33
Dans le cas de la Tunisie, le secteur informel est défini par les critères relatifs au
statut juridique de l’unité, à la taille de l’entreprise (nombre de salariés) et à la tenue
d’une comptabilité de l’entreprise. Ainsi, sont considérées comme des entreprises
informelles celles gérées par des personnes physiques ou employant moins de 6 salariés
ou encore celles n’ayant pas de comptabilité.
En Tunisie, les microentreprises du secteur informel34 agissent au vu et au su de tout le
monde. Il existe un secteur informel ou non structurel qui est loin d’être négligeable
puisqu’il représente 26,2 % du total des emplois (BOUBAKRI, 2010).
L’emploi dans ce secteur est considéré, d’une part comme une stratégie de survie pour
les plus vulnérables et les non qualifiés, en l'absence d'autres choix. D’autre part, comme
un remède à l'excédent de population active, en fournissant des biens et des services aux
groupes à faibles revenus ou aux populations qualifiées en chômage. Ce secteur joue
aussi un rôle d'insertion des migrants et un rôle d'accueil des agents économiques exclus
du secteur public (BENAROUS, 2001).
33 Bureau International Du Travail. (mars 2000). Emploi et protection sociale dans le secteur informel. Genève, p. 1. 34 DUCHENE, G., & SEGHIR, S. Le développement du secteur informel en Tunisie : Une politique de libéralisation en trompe-l’œil, p. 5. Dans cet article le secteur informel est défini comme : étant l'ensemble des activités irrégulières, dont l'exercice illégal, constitue une fuite devant les normes fiscales, la législation du travail et le droit commercial. Autrement dit, cela correspond à des activités interdites par la loi ou des activités légales en elles-mêmes, mais exercées par des personnes non autorisées à le faire. Il s'agit en définitive de produire des biens et services par des entités illégales. Cependant, il peut également s’agir d'activités légales assurées par des personnes autorisées à le faire, mais qui possèdent des caractéristiques permettant de les classer dans le secteur informel. Ces caractéristiques concernent: le non-paiement de l'impôt sur le revenu, de la TVA et des autres taxes et impôts, le non-versement des cotisations sociales, et la non-soumission à certaines procédures administratives.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
26
L’analyse de l’information statistique relative à la population active en Tunisie n’est pas
aisée. D’une part, à cause de la qualité des données, puisque jusqu’à très récemment, les
données statistiques sur l’emploi en Tunisie ne pouvaient pas faire l’objet de critiques ou
de discussions, on ne peut pas les mettre en cause. Étant donné que l’accès aux données
brutes constituait un « délit » sous l’ancien régime. D’autre part, le manque de données
crédibles sur le fonctionnement du secteur informel nous oblige à traiter les données
avec prudence et beaucoup de réserve.
Dans notre travail, nous utilisons également d’autres sources de données. Il s’agit
en particulier de celles provenant des organisations mondiales telles que l’UNESCO,
pour faire des comparaisons avec d’autres pays.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
27
2 Insertion professionnelle en Tunisie
« Le défi immédiat pour la Tunisie est de mettre sa
jeunesse au travail » (Jacques VALLIN, février 2008) 35.
En Tunisie, la pression démographique associée à une demande nettement supérieure
à l’offre de travail pousse de plus en plus les pouvoirs en place à décrypter la relation
complexe qui lie la population au développement. Dans ce sens, Hassen MZALI, estime que
« la situation du marché de l'emploi constitue la principale préoccupation du planificateur,
mais aussi, et de manière paradoxale, le principal échec de la stratégie du développement en
Tunisie36. »
La relation entre population et emploi dans le contexte tunisien a intéressé quelques
démographes, sociologues et économistes, qui lui ont consacré une place non négligeable
dans leurs recherches. Quelques travaux ont abordé ce sujet, en isolant à chaque fois les
différents phénomènes démographiques et en étudiant leur impact sur l’emploi.
Dans les paragraphes qui suivent, nous présentons la synthèse des principaux travaux en vue
d’en apprendre un peu plus sur le contexte tunisien.
Mongi BEN FERJANI et Ali BEN BRAHIM37 montrent qu’il est évident que les
afflux exceptionnels des demandeurs d’emploi durant les dernières décennies sont, en grande
partie, à l’origine du problème du chômage en Tunisie. Dans les différentes études
sociodémographiques, les chercheurs avaient toujours tendance à étudier la question de
l’emploi en rapport avec des facteurs susceptibles d’être déterminants, comme le genre, la
nuptialité, la fécondité, l’instruction et la migration.
Dans notre travail empirique, l’attention sera focalisée sur la population des futurs
diplômés de supérieur, dont le nombre ne cesse d’augmenter depuis quelques années, avec
des difficultés d’insertion sur le marché de l’emploi. Effectivement, en Tunisie « le chômage
reste un problème important parmi les nouveaux diplômés universitaires38 », ce qui
représente un défi pour les autorités du pays. La plupart des familles tunisiennes ayant
beaucoup investi dans l’instruction de leurs enfants, pour qu’ils aient un emploi décent, sont
35 Interrogé par H.J, http://www.gnet.tn/temps-fort/la-tunisie-doit-assurer-le-plein-emploi/id-menu-325.html. 36 MZALI, H. (1997). Marché du travail, migrations internes et internationales en Tunisie. Revue Région et Développement n° 6, p. 33. 37 BEN FERJANI , M., & BEN BRAHIM, A. (2001). Évolutions démographiques en Tunisie et impact sur le marché de l’emploi et les politiques des Ressources humaines. Tunis: Fédération méditerranéenne des Ressources humaines. 38 Ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes et la Banque mondiale.(2008) Dynamique de l’emploi et de la formation parmi les diplômés universitaires Volume1: Rapport sur l’insertion des diplômés de l’année 2004. 39p.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
28
affectées par le chômage de ceux-ci. De plus un marché du travail cloisonné et complexe
(des taux de chômage de plus en plus importants, comme nous pouvons l’observer dans le
tableau 1), ne fait que réduire l’espoir de ces familles. Dans ce sens, HAFAÏEDH estime que
« le chômage des diplômés du supérieur n’est plus assimilable à quelques « ‘ratés’ de la
croissance ou un accident touchant exclusivement la périphérie », mais menace aujourd’hui
les régulations sociales, contribuant à déstabiliser des représentations bien établies
(l’ascension sociale par le diplôme) 39. »
Tableau 1: Évolution de taux de chômage des diplômés du supérieur40(en %)
1984 1994 1999 2004 2006 2008 2010 2011
Taux de chômage 2,3 3,8 8,6 10,2 17,5 21,6 22,9 29,2
Effectifs 1 600 6 300 21 100 40 700 71 200 113 800 139 000 202 300
Source : Recensement général de la population et de l’habitat (1984, 1994, 2004) / Enquête nationale sur l’Emploi (1999, 2006, 2008, 2010, 2011), INS.
2.1 Instruction et son effet sur le chômage
Dans la majorité des études traitant l’interaction entre emploi et niveau d’instruction,
on s’est focalisé plus sur le lien entre le chômage et l’éducation. Dans le paragraphe qui suit,
nous présentons quelques travaux sur ce sujet en général et par la suite nous mettons l’accent
sur la Tunisie.
Dans son article sur la théorie du capital humain, Véronique SIMONNET estime que
« l’éducation et la formation sont considérées comme des investissements que l’individu
effectue rationnellement afin de constituer un capital productif inséparable de sa personne,
les connaissances acquises procurent à l’individu une source durable de revenus lorsqu’elles
sont utilisées dans le cadre de ses activités professionnelles. L’acquisition du capital humain
contribue, en effet, à accroitre les compétences de l’individu et ainsi sa productivité
marginale41 ». Les travaux de LAING, PALIVOS, WANG (1995) et plus récemment BURDETT
et SMITH (2002) sont importants dans ce domaine. Ces auteurs ont mis l’accent sur
l’existence d’un « cercle vertueux entre éducation et emploi : tout d’abord, lorsque les
perspectives d’emploi des travailleurs sont favorables, cela encourage leur investissement
éducatif. En retour, la présence d’une main-d’œuvre fortement éduquée favorise les 39 HAFAÏEDH, A. (2000). Trajectoires de chômeurs diplômés en Tunisie: L'attente, l'ailleurs et la conversion. Dans V. GEISSER, Diplômés Magrébins d'ici d'ailleurs trajectoires sociales et itinéraires migratoires (pp. 122-136). Paris: CNRS ÉDITIONS, p. 122. 40 Le taux de chômage de 2011 montre une hausse d’environ sept points par rapport à 2010, cette grande évolution peut être expliquée aussi par le changement de la qualité des données fournies par l’INS suite à la libération de l’appareil statistique après la révolution du 14 janvier 2011. 41Cf. BOUSNINA, A. (2013). Le Chômage des diplômés en Tunisie. Paris: L'Harmattan, p. 132.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
29
créations d’emploi42 ». Olivier CHARLOT (2005) estime que l’éducation des travailleurs est
l’un des principaux facteurs déterminants de l’employabilité.
DEVINE et KIEFER démontrent l’existence d’un effet positif de l’éducation sur les taux de
sortie du chômage en supposant que l’éducation affecte le taux d’entrée au chômage43.
D’autres chercheurs montrent l’évidence d’un effet important de l’éducation sur le risque du
licenciement ou l’incidence des épisodes de chômage44. Pour GIVORD et MAURIN (2003),
« les travailleurs français les plus diplômés ont 2 à 3 fois moins de chance de perdre leur
emploi en comparaison avec des travailleurs qui se situent en bas de l’échelle des
diplômes45».
En l'occurrence, notre enquête s’intéresse aux diplômés du supérieur. À ce titre, nous ferons
un état des lieux du système scolaire en général et plus spécifiquement nous décrypterons le
monde universitaire. Nous essayerons de mieux comprendre si le chômage des étudiants du
supérieur provient d’une déficience dans le système d’enseignement, de la conjoncture
économique ou des deux à la fois.
2.1.1 Chômage des intellectuels
Le système scolaire en Tunisie a connu plusieurs mutations ces dernières décennies. Il
s’agit d’une part d’une volonté d’adaptation au contexte mondial. « La résorption de ces
dysfonctionnements et le souci de faire de l’enseignement un des facteurs clés de la réussite
de la mise à niveau de l’économie, rendue plus qu’impérative suite à la signature par la
Tunisie d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne et son adhésion à
l’Organisation mondiale du Commerce, ont conduit à adopter une vaste réforme du système
éducatif46 ».
Il s’agit d’autre part de résoudre le problème d’insertion des diplômés du supérieur.
En effet, « la Tunisie a dépassé l’ère de pénurie de cadres qualifiés où tout produit de
l’université était inséré automatiquement dans le circuit économique. […] Le souci de
l’employabilité implique une nouvelle définition des objectifs et des moyens de la
42 CHARLOT, O. (2005). Éducation et chômage dans les modèles d’appariement : une revue de littérature. Dans Économie et prévision (pp. 73-103). La Documentation française. 43 Cf. Ibid. 44 Ibid,. Ainsi que les contributions de Nickell (1979) pour le Royaume-Uni, Ashenfelter et Ham (1979) ou Mincer (1991) pour les États-Unis, ou Givord et Maurin (2003) pour la France. 45 Ibid. 46 YOUZBACHI, M. (2001). Les politiques d'éducation. Dans J. VALLIN, & T. LOCOH, Population et développement en Tunisie, la métamorphose (pp. 367-378). Tunis: CERES Éditions.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
30
formation47. » Le ministre de l’Enseignement supérieur estime que l’employabilité doit
désormais constituer l’axe premier qui oriente tout travail de la réforme de l’enseignement
supérieur.
Aujourd’hui, la situation économique a beaucoup changé et « la nouvelle donne
nationale et mondiale agit aussi sur l’université qui est soumise comme l’ensemble de la
société à la logique de l’efficience48 ». De plus, le système scolaire connaît depuis quelques
années des problèmes qui le mettent en cause. En effet, l’arrivée des jeunes sur le marché de
l’emploi, sans beaucoup d’espoir de trouver un emploi et sans compétence concrète, nous
pousse à dire qu’il est temps de revoir le système éducatif dans son intégralité.
En Tunisie, l’absence d’une articulation entre l’enseignement général et la formation
professionnelle, associée à des considérations sociales défavorisant les étudiants qui suivent
une formation professionnelle par rapport à leurs collègues de l’enseignement général,
explique la réticence à la formation professionnelle. Pour remédier à cette situation, il est
impératif de « convaincre les étudiants de s’orienter suffisamment tôt vers la formation
professionnelle, [ce qui] revient à réduire le coût global de l’investissement en capital
humain, mais aussi le coût de fonctionnement du dispositif institutionnel qui lui est dédié ; de
quoi améliorer l’efficacité interne et externe du système national des ressources
humaines49. »
D’autre part l’enseignement en Tunisie est majoritairement public et gratuit, ce qui
représente des charges lourdes pour les autorités, surtout lorsque l’efficacité et le rendement
sont critiques. Dans ce sens YOUZBACHI Moncef affirme que « le système d’éducation a
continuellement souffert de sa faible efficacité surtout interne, il connaît des taux de
redoublement et d’abandon assez élevés qui se traduisent par la mobilisation de ressources
humaines et financières importantes et engendrent des surcoûts à financer50. »
Ces dernières décennies, la situation des diplômés en Tunisie s’oppose à l’idée selon
laquelle l'investissement dans l'éducation se justifie dans la théorie du capital humain par la
47 TARHOUNI, F. (2000). Le développement de l’éducation en Tunisie entre 1996-2000. Tunis: Republique Tunisienne, Ministère de l’Éducation, p. 80. 48 Ibid. 49 HALLEB, A., & BEN SEDRINE, S. (mars 2006). Caractéristiques du Marché du Travail en Tunisie, Politiques de Développement des Ressources Humaines et Politiques d’Emploi. Situation en 2005. Étude réalisée avec l’appui de GTZ (Coopération Technique Allemande), p. 78. 50 YOUZBACHI, M. (2001). Les politiques d'éducation. Dans J. VALLIN, & T. LOCOH, Population et développement en Tunisie, la métamorphose (pp. 367-378). Tunis: CERES Éditions.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
31
perception d'une prime salariale et/ou un risque de chômage plus faible51. En effet,
l’allongement de la durée de scolarisation des étudiants est en partie dû à une situation de
refus du chômage, et non pas seulement à l’espérance d’avoir une bonne rémunération par la
suite.
2.1.2 Insertion des diplômés du supérieur
Quelle est la place actuelle de la méritocratie scolaire
dans des sociétés qui ont tendance à reconnaître
beaucoup plus facilement les mérites d’un joueur de
football ou d’un chanteur que ceux d’un universitaire ou
d’un homme de sciences ? (TAHER Hani, 1997)52
En Tunisie, lorsqu’on parle du chômage et des niveaux d’instruction, on s’intéresse
particulièrement au chômage des diplômés du supérieur, car cette catégorie d’actifs a
considérablement augmenté ces dernières années. Également, l’évolution du taux de
chômage par niveau d’instruction montre que ce taux tend à baisser pour tous les niveaux à
l’exception du niveau supérieur, comme le confirme le tableau 2 :
Tableau 2: Évolution du taux de chômage selon le niveau d’instruction53
en (%) 1994 2004 2010 2011
Néant 17,6 13,8 5,7 8,0
Primaire 18,3 15,1 9,2 12,4
Secondaire 13,1 14,1 13,7 20,6
Supérieur 3,8 10,2 22,9 29,6
Total (en millier) 378,4 432,9 491,8 704,9
Source : Recensement général de la Population et de l’Habitat (1994, 2004) / Enquête nationale sur l’Emploi (2010,2011), INS.
Ce constat nous poussera, dans la partie empirique, à cibler cette population. Les efforts
déployés par la Tunisie pour augmenter le taux d’instruction de sa population ont eu des
51 BEN HALIMA, M., KOCOGLU, Y., & BEN HALIMA, B. (2012). Le problème de l'insertion professionnelle des diplômés universitaires en Tunisie: le rôle de l'accès aux emplois publics et privés. Dans P. LOROT, Maghreb-Machrek N° 211: Éducation et insertion professionnelle en Méditerranée (pp. 39-54). Paris: Choiseul. 52 Cf. HAFAÏEDH, A. (2000). Trajectoires de chômeurs diplômes en Tunisie: l'attente, l'ailleurs et la conversion. Dans V. GEISSER, Diplômé Magrébins d'ici D'ailleurs Trajectoires sociales et Itinéraires migratoires (pp. 122-136). Paris: CNRS ÉDITIONS. 53 Les chiffres de 2011 sont établis après la révolution, soit après la révision des statistiques tunisiennes, ce qui se traduit par une hausse de taux de chômage à tous les niveaux.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
32
conséquences très significatives sur le marché de l’emploi. Selon Françoise BENHAMOU
(2011) : « les données sur l’éducation attestent la singularité tunisienne. Paradoxalement,
c’est une source de conflits pour ceux qui bénéficient de l’infrastructure éducative, mais qui
ne peuvent valoriser le niveau de diplôme obtenu sur le marché de l’emploi54. »
Or, sur le terrain, les difficultés de l’insertion professionnelle et le chômage représentent un
fait qui embarrasse les autorités, les chercheurs et les familles. En outre, la politique
entreprise par la Tunisie pour réduire le taux de chômage n’a eu que des conséquences
dramatiques sur l’insertion des diplômés, en allongeant la durée de scolarisation des jeunes.
Cette tendance peut être expliquée « par le fait que la demande sur le marché du travail n’a
pas suivi systématiquement les changements structurels d’éducation, et par conséquent les
jeunes plus éduqués en sont les victimes directes55. » L’intervention de l’État pour résoudre
les problèmes de l’emploi en général (tous niveaux d’instruction confondus) n’a fait que
favoriser le chômage des diplômés.
À cet égard, l’INS estime que le nombre de chômeurs ayant un niveau supérieur a
enregistré une hausse très prononcée en passant de 40 700 en 2004 à 217 800 en 201156.
Alors que la demande additionnelle d’emploi pour ces derniers est passée de 39 242 en 2004
à 84 922 en 2011 (tableau 3). Le déphasage entre le nombre de diplômés chômeurs et la
demande additionnelle chez cette catégorie d’actifs confirme l’ampleur de ce problème.
Tableau 3: Évolution de la demande additionnelle pour les diplômés du supérieur
2001 2004 2007 2010 2011
Effectif 20 913 39 242 51 069 56 963 84 922
Source : ANETI.
En Tunisie, avant les années quatre-vingt, l’insertion des diplômés du supérieur était
très facile, voire même automatique, et le chômage des diplômés n’était pas un sujet
d’actualité. En outre, « le problème de l’emploi des diplômés du supérieur ne constituait pas
une préoccupation. Au contraire, on se plaignait davantage d’une pénurie de cadres57. » À
partir des années quatre-vingt, il y a eu un renversement de tendance et la capacité de
54 BENHAMOU, F. (janvier 2011). Beaucoup d'étudiants, peu d'emplois : en Tunisie, l'éducation est frustration. http://blogs.rue89.nouvelobs.com/en-pleine-culture/2011/01/17/beaucoup-detudiants-peu-demplois-en-tunisie-leducation-est-frustration-. 55 Banque mondiale. (Août 2006). Tunisie, note de politique sectorielle sur le financement de l’enseignement supérieur, p. 16. 56 INS, RGPH 2004 et enquête population et emploi 2007, 2010 et 2011. 57 BOUZAIENE, S. (2006-2007). Les problèmes d’insertion professionnelle des diplômés tunisiens de l’Enseignement supérieur : Diagnostics d’une exclusion. Université Lyon 2: Institut d’Études politiques de Lyon, p. 17.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
33
formation a commencé à dépasser celle d’embauche. Ainsi, plusieurs signes de ce
dysfonctionnement sont apparus :
D’une part, l’explosion du nombre des étudiants et la naissance d’un nouveau
phénomène connu sous le nom de « student boom », qui se caractérise par le passage d’une
université dite « université d’élite » à une « université de masse ». D’autre part, dans
l’approche de genre, la forte présence des femmes dans l’université tunisienne, laquelle a
transformé cette université d’un enseignement élitiste et essentiellement réservé aux hommes
à un enseignement mixte et de masse. Le « student boom » peut être expliqué, entre autres,
par l’allongement de la durée de la scolarisation, ainsi que par la prédominance de
l’enseignement supérieur, l’unique perspective proposée aux élèves du secondaire. En plus,
selon A. HALLEB, S. BEN SEDRINE et A. MAHJOUB, avec la quasi-inexistence d’une
articulation entre le niveau secondaire et la formation professionnelle, le système éducatif n’a
pas été adossé au système de formation professionnelle ou à un enseignement postsecondaire
professionnalisé58.
Ce « student boom » a engendré un nombre important de diplômés, qui « vivent
difficilement la transition entre l’école et le monde de travail59 » et qui viennent engorger
chaque année le marché de l’emploi. Cet état de choses favorise l’émergence d’un tout
nouveau champ de recherche et de réflexion, s’intéressant au chômage des diplômés.
Dans cette optique, Habib TOUHAMI, dans son article sur le problème du chômage des
diplômés du supérieur, mentionne que « pour un pays mieux doté naturellement en force de
travail qu’en capital, le niveau du gaspillage du capital humain atteint est devenu
difficilement acceptable. Des flots de diplômés de plus en plus nombreux sortent chaque
année des diverses institutions d’éducation et de formation sans métier véritable, sans
formation réelle et sans beaucoup d’espoir de trouver un emploi60 ».
Tahar LETAIEF AZAÏEZ montre qu’il existe une corrélation positive entre le niveau d’étude et
le taux de chômage. Dans ce sens « les recensements de 1975 et 1984 ont fait ressortir le
caractère de plus en plus jeune et le niveau d’instruction de plus en plus élevé des chômeurs
en Tunisie 61».
58 Cf. BEN SEDRINE, S. (2000). Gagnants et perdants de la transition libérale: L'insertion Professionnelle des diplômés en Tunisie. Dans V. GEISSER, Diplômes Maghrébins d'ici d'ailleurs trajectoires sociales et itinéraires migratoires (pp. 105-121). Paris: CNRS EDITIONS. 59 Zaafrane, H., & Ben Romdhane, H. (2007). Adolescents et jeunes en Tunisie : données et défis. Tunis: Nations Unies, p. 87. 60 TOUHAMI, H. (avril 2012). Le chômage des diplômés du supérieur. Constat, origines, perspectives, p. 1. http://www.etudier.com/dissertations/Chomage-Tunis/364715.html. 61 LETAIEF AZAÏEZ, T. (2000). Changements politiques et emploi (1956-1996)-Histoire et perspectives méditerranéennes. Paris: L'Harmattan, p. 268.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
34
2.1.2.1 Insertion des diplômés selon le sexe
Du point de vue du genre, Habib TOUHAMI parle d’une disparité entre femmes et
hommes diplômés du supérieur en matière d’accès à l’emploi. Il se demande « est-ce la
résultante de considérations familiales, sociales ou culturelles [qui] handicape plus
particulièrement les femmes?62». En Tunisie, on parle de plus en plus d’une population
active féminine plus instruite, mais confrontée à des problèmes d’insertion. Le centre de
recherches, d’études de documentation et d’information sur la femme (CREDIF) affirme que
« Les femmes actives affichent un niveau d’instruction supérieur à celui des hommes »63. En
effet, selon les données de l’INS64, en 2010, 28,9 % de la population active féminine avait un
niveau supérieur contre 14,3 % de la population active masculine. L’arrivée sur le marché de
l’emploi d’une population active féminine ayant un niveau d’instruction supérieur est sans
doute la conséquence d’une présence de plus en plus dominante dans les universités
tunisiennes d’étudiantes (en 2010, 61,2 %65 des étudiants du supérieur étaient des femmes).
L’insertion des diplômés de l’enseignement supérieur est devenue un défi pour le pouvoir
politique et un malaise social pour les familles. Certainement, le nombre de chômeurs du
supérieur ne cesse de croître d’une année à une autre, et leur proportion parmi l’ensemble des
chômeurs en 201066 représente 49 % pour les femmes et 24 % pour les hommes (c’est-à-dire
que la moitié des femmes ayant un niveau supérieur sont au chômage contre un quart pour
les hommes).
Des disparités selon le genre semblent donner une explication à cette situation. Cependant, il
ne faut pas oublier que l’âge, le type de formation et d’autres facteurs agissent sur ces écarts.
Selon NOUR EL HOUDA « avant 25 ans, hommes et femmes connaissent les mêmes difficultés
à se faire recruter […], mais, au-delà de cet âge, les hommes semblent plus privilégiés 67».
Contrairement aux hommes, les femmes ont tendance à accepter les emplois qui ne
correspondent pas à leurs ambitions, et elles ne possèdent pas beaucoup de marge pour leur
choix, car « Les emplois confiés aux diplômées universitaires sont d’un niveau inférieur à ce
62 TOUHAMI Habib, Le chômage des diplômés du supérieur Constat, origines, perspectives, op. cit, p. 4. 63 CRÉDIF. (2002). Femmes et emploi en Tunisie. Ministère des Affaires de la femme et de la famille. 64 La part des étudiants dans la population active totale est calculée à partir données de l’enquête nationale pour l’emploi de 2010. 65 Source : Ministère de l'Enseignement supérieur et de recherche scientifique en 2010/2011 61.2 % des effectifs, contre 38.3 % l’année scolaire 1999-2000 66 Source: INS Enquête nationale Population et emploi de 2010. 67 Cf. BOUZAIENE, S. (2006-2007). Les problèmes d’insertion professionnelle des diplômés tunisiens de l’Enseignement supérieur : Diagnostics d’une exclusion. Université Lyon 2: Institut d’Études politiques de Lyon., p. 24.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
35
à quoi elles aspirent 68». Selon les résultats de l’enquête de l’ONEQ « Si les femmes sont
nettement plus touchées par le chômage que les hommes, ce n’est pas seulement parce qu’à
diplôme égal elles s’insèrent moins bien sur le marché du travail, mais aussi en raison de
l’orientation, dans leur quasi-totalité, vers des diplômes moins demandés par les
entreprises »69. En effet, les femmes choisissent de s’orienter (après le Bac) vers des
spécialités à vocation sociale et ayant des liaisons avec le secteur public, lequel garantit une
certaine sécurité professionnelle recherchée en général par les femmes.
De plus, la manière de chercher du travail diffère entre hommes et femmes, et c’est
une raison de plus de disparités selon le sexe. « Les femmes utiliseraient plus que les hommes
les relations personnelles pour trouver un travail dans le secteur privé, alors que les hommes
recourraient à une démarche plus directe et volontaire (…) l’usage de l’agence tunisienne de
l’emploi serait plutôt l’apanage du sexe masculin ».70
Une autre variable censée expliquer la disparité de chômage entre les deux sexes est
liée à la discrimination à l’embauche. Les diplômées sont de plus en plus dans une position
de faiblesse relative et elles subissent certaines formes de ségrégation, ce qui joue en faveur
de leurs collègues de sexe masculin. Allant du premier contact avec l’employeur à la
négociation de salaire, l’objet de l’inégalité résulte de la nature du contrat, du type d’emploi,
du nombre d’heures de travail et de sa précarité. De plus, la représentation sociale joue un
rôle important dans cette inégalité entre hommes et femmes. « Les hommes jouiraient
d’autres ressources qui n’ont pas été mesurées, mais qui sont valorisées sur le marché 71 ».
Pour conclure, le sexe semble être un déterminant fort de l’employabilité des diplômés. Ce
phénomène sera vérifié dans notre enquête grâce à une multitude de questions ayant une
perspective de genre.
2.1.2.2 Insertion des diplômés selon la région de résidence
Le lieu de résidence est un autre élément explicatif de l’employabilité des diplômés. Habib
TOUHAMI montre que, pour trouver un emploi, il vaut mieux résider à Tunis (au Nord où le
taux de chômage est très proche de celui du niveau national) plutôt qu’à Kébili (au Sud où
68 Ibid, p. 24. 69 ONEQ. Analyse du chômage des diplômés de l’enseignement supérieur : Exploitation des résultats de l’enquête auprès des diplômés de 2004. Observatoire national de l’Emploi et des Qualifications: Ministère de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle des Jeunes, p. 9. 70 BOUZAIENE Sonia. Les problèmes d’insertion professionnelle des diplômés tunisiens de l’Enseignement supérieur : Diagnostics d’une exclusion, op. cit, p. 24. 71 Cf. Ibid, p. 24.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
36
plus du cinquième des chômeurs du Gouvernorat ont un diplôme du supérieur). Ceci est-il
valable pour toutes les régions ?
À l’inverse Sonia BOUZAIENE estime que « Les inégalités liées à l’origine
géographique sont néanmoins difficiles à mettre en lumière. Il semble que le critère
d’origine géographique ne soit pas très pertinent dans l’étude de l’insertion professionnelle
des diplômés, tant ceux-ci concentrent leur recherche d’emploi dans les grands bassins
d’activité économique et administrative, comme Tunis ou les grandes villes du Sahel » 72 et
que « les données comparatives manquent et ne permettent pas de déterminer si deux
individus aux qualifications égales, originaires de zones géographiques différentes, postulant
à un même poste ont oui ou non des chances inégales d’être embauchés73. »
Dans notre enquête nous répondrons à cette question, sous réserve de la qualité des
données recueillies, qui ne couvrent que le Sud-Est tunisien.
2.1.2.3 Insertion des diplômés selon leur milieu social
Le milieu social est un autre élément qui semble agir sur l’employabilité des jeunes, et
principalement l’appartenance sociale des parents. Michel CEZARD montre que « Les jeunes
sont très rarement chômeurs lorsque les parents sont tous les deux cadres ou profession
intermédiaire »74. De plus, « L’intervention des familles est un facteur de différenciation du
processus d’insertion dans un contexte où le niveau de chômage est élevé et où l’emploi rare
est l’objet d’une forte compétition sociale75 ».
En Tunisie, le favoritisme social en matière d’accès à l’emploi est l’un des moteurs de la
révolution de 14 janvier 2011. Certainement, la configuration sociale a favorisé des classes
au détriment d’autres, car si les jeunes issus des milieux pauvres et défavorisés pensent
« Que tu étudies où que tu n’étudies pas, de l’avenir, il n’y en a pas [slogan des
manifestations estudiantines en Tunisie]76 », leurs camarades issus des familles riches ne
possèdent pas la même vision. Pour ceux-ci, l’insertion sur le marché de l’emploi est quasi
automatique et ne nécessite pas le moindre effort de leur part. L’influence de leurs parents
intervient par l’utilisation de réseaux relationnels ou par la corruption. Le recours à la
72 Cf. Ibid., p. 23. 73 Ibid., p. 23. 74 CÉZARD, M. (Novembre-Décembre 1986). Famille, milieu social et risque de chômage. Dans Économie et statistique, N°193-194 (pp. 91-96). http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1986_num_193_1_2521. 75 Sonia BOUZAIENE, 2006-2007, Les problèmes d’insertion professionnelle des diplômés tunisiens de l’Enseignement supérieur : Diagnostics d’une exclusion, op. cit, p. 23. 76 LETAIEF AZAÏEZ, T. (2000). Changements politiques et emploi (1956-1996)-Histoire et perspectives méditerranéennes. Paris: L'Harmattan. p. 221.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
37
subornation est aussi utilisé par un grand public de classe moyenne qui paye des sommes très
importantes contre un poste dans le secteur public.
D’autres chercheurs estiment que le milieu social est moins discriminant que le sexe
et que les réseaux familiaux et personnels sont la plupart du temps au cœur du
fonctionnement du marché du travail, surtout dans des périodes de crise. « Ces réseaux
constitueraient aujourd’hui un ‘’matelas de sécurité’’ dans l’attente d’une amélioration de
leur situation socioprofessionnelle77 ».
L’étude de l’influence du milieu social sur l’insertion des diplômés sera incluse dans
plusieurs questions de notre enquête.
2.1.2.4 Insertion des diplômés selon le diplôme
L’analyse de l’insertion professionnelle selon le type de diplôme (diplômes de
maîtrise, de technicien supérieur, les diplômes d’ingénieur et les autres diplômes) montre le
poids très structurant du diplôme sur les parcours d’insertion des jeunes diplômés. Le risque
d’être au chômage est fortement corrélé au parcours scolaire et à la spécialité choisie. Habib
TOUHAMI confirme que les techniciens supérieurs et les maîtrisards constituent les
catégories les plus touchées par le chômage78. Ils représentent plus de 90 % de la population
des diplômés et leurs taux de chômage sont respectivement de l’ordre de 48 % et 50 %, selon
un rapport du ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle79.
Sur un autre plan, le taux de chômage varie sensiblement selon la spécialité d'étude.
En fait, une analyse économétrique montre que les différences sont plus marquées parmi les
maîtrisards. À titre d’exemple, si la filière « droit » est la plus atteinte par le chômage avec
un taux égal à 68 %, la filière « informatique » est moins touchée avec un taux de chômage
égal à 29 %80.
D’autre part, pour un même parcours, la valeur marchande d’un diplôme peut différer
d’un institut à un autre. Par exemple, « Les diplômés issus des ISET, qui représentent 39,7 %
du total des techniciens supérieurs, sont moins exposés au chômage que les autres provenant
des autres institutions d’enseignement supérieur »81. Et que « les chances d’accès à l’emploi
des jeunes passant par les ISET sont de 50 % supérieures à celle des jeunes ne passant pas
77 GOBE , É., & BEN SEDRINE , S. (2004). Les ingénieurs tunisiens : Dynamiques récentes d’un groupe professionnel. Paris: L’Harmattan, p. 235. 78 TOUHAMI, Habib, le chômage des diplômés du supérieur Constat, origines, perspectives, op.cit., p. 4. 79 Ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes et la Banque mondiale.(2008) Dynamique de l’emploi et de la formation parmi les diplômés universitaires Volume1: Rapport sur l’insertion des diplômés de l’année 2004. Ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes et la Banque mondiale. 80 Ibid., p. 36. 81 Ibid., p. 21.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
38
par les ISET »82. La différence selon la filière d’étude montre une grande difficulté pour les
techniciens en agriculture et agroalimentaire, avec un taux de chômage égal à 71 %, contre
40 % pour les techniciens en santé et services sociaux. Chez les ingénieurs « tantôt la
spécialité comme l’école font une différence », tandis que « les différences entre spécialités
sont à l’avantage des diplômés d’informatique-télécom et dans une moindre mesure des
diplômés de techniques d’ingénierie » 83.
En outre, selon le rapport cité précédemment, « Les diplômés en difficulté sont ceux dont les
débouchés correspondent aux activités les plus touchées par la privatisation et la réforme de
la fonction publique »84. Il peut s’agir des filières de faible employabilité. Les diplômés de
certaines spécialités, notamment en droit, et dans une moindre mesure en économie-gestion
et sciences humaines semblent fortement pénalisés sur le marché du travail85.
L’insertion des diplômés dans le milieu professionnel est un long processus qui prend
des formes très variées en parfaite corrélation avec le parcours, la spécialisation des diplômés
et l’expérience qui est de plus en plus demandée et très difficile à acquérir. Dans ce sens,
BEN SEDRINE pense que « le problème d’insertion devient un cercle vicieux : pour accéder à
l’emploi, il faut de l’expérience professionnelle ; mais pour la justifier, il est nécessaire de
décrocher un emploi. »86
Dans notre enquête, et toujours dans une approche de perception aux yeux des futurs
diplômés, nous tentons de vérifier cette hypothèse (sous réserve de la quantité et de la qualité
des données que nous aurons à notre possession).
2.1.3 L’attente des diplômés tunisiens
En Tunisie, les jeunes étudiants allongent de plus en plus la durée de leurs études en vue
d’obtenir un emploi stable dans le secteur public. À vrai dire, les diplômés en lettres, en
sciences humaines et en sciences fondamentales recherchent un emploi exclusivement dans
le secteur public, tandis que les économistes, les gestionnaires et les ingénieurs se dirigent à
la fois vers les deux secteurs, public et privé ( BEN SEDRINE, 2000).
82 Ibid., p. 36. 83 Ibid., p. 35. 84 BOUZAIENE Sonia, les problèmes d’insertion professionnelle des diplômés tunisiens de l’Enseignement supérieur : Diagnostics d’une exclusion, op.cit., p. 55. 85 Ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes et la Banque mondiale. (2008). Dynamique de l’emploi et de la formation parmi les diplômés universitaires Volume1: Rapport sur l’insertion des diplômés de l’année 2004, p. 36. 86 BEN SEDRINE, S. (2000). Gagnants et perdants de la transition libérale: L'insertion professionnelle des diplômés en Tunisie. Dans V. GEISSER, Diplômes maghrébins d'ici d'ailleurs trajectoires sociales et itinéraires migratoires (pp. 105-121). Paris: CNRS ÉDITIONS, p. 117.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
39
Parmi les autres attentes des diplômés, c’est le salaire qui devrait être supérieur au salaire de
réserve. Selon la théorie de « Job Search », le salaire de réserve correspond à la rémunération
minimum au-dessous duquel la personne refuse de travailler.
Développée par George STIGLER87 dans les années 1960, la théorie de recherche
d’emploi connue aussi par théorie du «Job Search» s’intéresse à la stratégie d'entrée dans la
vie active. Elle explique la période de chômage des individus par la coexistence de deux
périodes : l’une correspond au chômage volontaire (période consacrée à la recherche
d’emploi ou suite à une démission) d'abord, l’autre au chômage involontaire (période suite à
un licenciement et/ou fin de contrats) ensuite.
Cette théorie remet en cause l’hypothèse d’information parfaite de l’analyse
néoclassique. Ainsi, la théorie «Job Search» cherche une explication du chômage volontaire.
Elle précise que le demandeur d’emploi est en même temps le demandeur ou le chercheur
d'informations relatives aux emplois. Réellement, si l'individu n’est pas parfaitement informé
sur les différents emplois disponibles et leur rémunération, il procède à un calcul coût-
avantage lors de sa recherche d'emploi. Il peut être plus avantageux pour lui de prolonger sa
période de chômage, poursuivant ainsi sa recherche afin de se procurer le plus d'information
sur les postes disponibles. Il arbitre entre le coût (perte de revenus pendant qu'il est au
chômage, coûts de recherche, etc.) et le revenu du futur emploi.
Le demandeur d’emploi peut donc espérer obtenir un salaire plus élevé, il reste
volontairement au chômage pour trouver un emploi qui atteint au moins son salaire de
réservation88, correspondant au salaire au-dessous duquel tout emploi sera refusé.
Selon Perrot Anne le salaire de réservation désigne « le niveau de rémunération en dessous
duquel l’agent refuse l’emploi proposé. Le rejet d’un emploi, à un instant donné, a pour
conséquence de prolonger d’une période le chômage subi par l’agent : celui-ci est donc de
nature volontaire, mais il est lié au refus (rationnel) d’accepter un emploi associé à un
salaire trop faible, au regard des opportunités qui peuvent se présenter ultérieurement89.»
Ce salaire de réserve, qui se manifeste par un refus de travail et par la poursuite de
recherche d’emploi, conditionne en quelque sorte la durée du chômage qui va plutôt
dépendre du niveau des allocations chômage (ici, l’indemnité de chômage peut ne pas
87 L’article fondateur de la théorie : « Information in the Labor market ». 88 S. Lippman et J. Mac Call (1976) appellent salaire de réserve ou d'acceptation, le coût de recherche de l'emploi qui égalise les gains marginaux attendus. Il dépend de la distribution des salaires dans l'économie, du degré de stabilité des emplois proposés et de l'impatience de chaque demandeur d'emploi. Lorsque les salaires proposés sont inférieurs au salaire de réserve, les emplois offerts sont refusés, d'où un chômage. 89 PERROT, A. (1992). Les nouvelles théories du marché du travail. Paris: Éditions La Découverte.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
40
encourager les chômeurs à chercher un emploi ni à accepter le premier venu) et/ou de la
richesse personnelle (ici, aussi, le soutien financier par la famille peut avoir des
conséquences sur la période de recherche d’emploi). La durée de chômage est par
conséquent déterminée par la probabilité d’obtenir un emploi au taux de salaire de
réservation considéré. « Sur cette base, le chômage devient une véritable activité de
production ou un véritable investissement ayant son propre rendement! 90»
La théorie de recherche d’emploi a fait l’objet de plusieurs critiques. D’une part
l’allongement de la durée de chômage peut être considéré comme un handicap pour le
demandeur d’emploi. D’autre part, les recruteurs possédant l’information concernant la durée
de chômage de demandeur d’emploi, peuvent analyser une longue période de chômage
comme un signe de non-efficacité productive, car une longue durée du chômage tend à
éloigner le candidat de l’emploi plus que de le rapprocher !
La situation des diplômés sur le marché de travail tunisien montre que ces derniers,
selon cette théorie de «Job Search», peuvent renoncer à des postes en vue de trouver un
meilleur poste qui soit bien rémunéré. Et comme le chômage en Tunisie n’est pas
indemnisé91, c’est la famille qui, dans la plupart des cas, prend en charge financièrement ces
jeunes.
En effet, les jeunes diplômés formulent des exigences concernant leur futur salaire qui doit
être supérieur au SMIG92. Selon le résultat de l’enquête réalisée par BEN SEDRINE93, le
salaire moyen de réserve est supérieur au salaire de marché pour les deux sexes. En 1997, le
salaire du marché pour les diplômés est estimé à environ 1.8 fois le SMIG (pour le régime de
48 heures contre 2 fois pour le régime de 40 heures), alors que le salaire exigé par les
diplômés correspond à 2.3 fois le SMIG (contre 2.7 fois pour le régime de 40 heures).
Selon la même enquête, pour la cohorte 1993, le taux d’adéquation de la formation à
l’emploi est plus grand pour les disciplines des lettres et des sciences humaines (plus de
90 %) que pour les disciplines des sciences techniques par exemple (moins de 60 %).
D’autre part, sur le marché de l’emploi tunisien, la nature de diplôme conditionne l’écart de
salaire entre public et privé, qui « est quasi exclusivement lié aux caractéristiques de
90 GUILLEMIN, H., & MOULE, M. (1993). Le marché de travail : salaires et emploi dans les théories économiques. Paris:
Éditions Eyrolles, p. 113. 91 Jusqu’à 2011, un chômeur diplômé en Tunisie ne reçoit aucune allocation lui permettant de rechercher du travail. Après la révolution de 14 janvier 2011, les diplômés à la recherche d’emploi peuvent avoir une aide d’insertion d’une valeur de 250 dinars (environ 130 euros). 92 SMIG : Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti. 93 BEN SEDRINE, Said, Gagnants et perdants de la transition libérale: L'insertion professionnelle des diplômés en Tunisie, op. cit.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
41
l’insertion des maitrisards qui semble obéir à une logique binaire : emploi avec salaire
« élevé » lorsque le concours est réussi [secteur public] et emploi privé faiblement rémunéré
en cas d’échec. […] Pour les autres diplômes, la distribution des salaires moyens est
légèrement plus élevée dans le privé »94.
Ces différentes attentes des diplômés ainsi que d’autres vont être vérifiées dans notre
enquête.
2.2 Conséquences du chômage : Quel impact sur la démographie?
Pour la plupart des jeunes tunisiens, le chômage conditionne fortement le moment
d’entrée en couple. Par ailleurs, et comme les naissances sont interdites en dehors de
mariage, ce processus agit par conséquent sur les pratiques reproductives en retardant les
naissances. Enfin, le chômage peut entrainer, voire aggraver aussi la mobilité internationale.
2.2.1 Insertion professionnelle et fécondité
Dans les paragraphes qui suivent, nous nous intéressons spécifiquement à l’activité
féminine, car « Les bouleversements observés au niveau de la nuptialité tunisienne au
cours des dernières décennies ont été particulièrement plus marqués chez les femmes que
chez les hommes95 ».
2.2.1.1 Activité féminine en Tunisie
L’activité féminine a intrigué de nombreux chercheurs et leurs contributions à ce sujet
sont remarquables. Dans ce paragraphe, nous allons nous intéresser aux principaux travaux
en la matière. La présence féminine sur le marché de l’emploi est de plus en plus observée
dans la société tunisienne. Abdessalem GOUIDER, considère qu’en Tunisie « l’emploi de la
femme constitue un élément moteur dans l’approche globale de développement96.»
94 BEN HALIMA, M., KOCOGLU, Y., & BEN HALIMA, B. (2012). Le problème de l'insertion professionnelle des diplômés universitaires en Tunisie: le rôle de l'accès aux emplois publics et privés. Dans P. LOROT, Maghreb-Machrek N° 211: Éducation et insertion professionnellle en Méditerranée (pp. 39-54). Paris: Choiseul, p. 50. 95 BEN BRAHIM, A., & FOURATI, H. (2007). Les changements profonds dans le phénomène de mariage en Tunisie : causes et conséquences économiques , sociales et démographiques de la nuptialité en Tunisie. Tunis: ONFP, Journée mondiale de la population, p. 4. 96 GOUIDER , A. (2009). Déterminants de l’activité des femmes sur le marché du travail tunisien et discrimination salariale par genre, p. 2.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
42
2.2.1.2 É ’a ’â
ZAÏBI Fakher97 estime de son côté que le marché de travail en Tunisie enregistre
depuis plusieurs années une hausse rapide du taux global d'activité féminine. Dans son étude,
il montre que ce taux est inversement proportionnel avec l’âge. Il voit que l’augmentation du
célibat a été significativement bénéfique pour l’activité économique féminine.
D’autre part, les taux d’activité des femmes âgées de 25 à 54 ans dépendent en premier lieu
de l’importante baisse de leur taux de fécondité, de l’augmentation du célibat et donc la
tendance à la hausse de l’âge au mariage, du développement du secteur de textile et du
progrès de l’éducation de la femme. En revanche, le comportement des femmes âgées de 15
à 24 ans en matière d'activité économique dépend de la conjoncture économique, de la
scolarisation et de leur état civil.
Sur un autre plan, l'état matrimonial de la femme a un effet sur son comportement
professionnel. En tant que mère elle doit veiller sur sa progéniture (éducation, tâches
domestiques, etc.,) ce qui a des répercussions négatives, presque inéluctables sur sa santé.
Outre la question d’âge, l’affaiblissement physique influe considérablement sa productivité
professionnelle (assiduité, concentration, etc.). Abdessalem DAMMAK et Ridha DAMAK98
vont dans ce sens en montrant que les taux d’activité féminine diminuent régulièrement avec
l’âge, car au fil du temps, les femmes dédient de plus en plus de leur temps et de leurs
disponibilités à leur activité de mère et de femme au foyer.
Pour le cas des étudiantes du supérieur, on assiste à la même tendance, mais avec quelques
années supplémentaires par rapport à la population féminine en général, car la période de
scolarisation s’allonge de plus en plus. Le progrès qu’a connu la société tunisienne en
matière de droit des femmes a progressivement favorisé leur présence sur le marché du
travail. Cette présence est de plus en plus justifiée par un niveau d’éducation en hausse et par
une situation culturelle et sociale favorable.
À propos de l’activité féminine, nous consacrerons une partie importante de notre
questionnaire à la vérification d’éventuelles interactions entre emploi et fécondité. Nous
tenterons de répondre à plusieurs questions, notamment : comment évolue la fécondité des
femmes ayant un niveau d’instruction supérieur ? Y aurait-il un changement des
comportements procréateurs ?
97 ZAÏBI , F. (2002). Hausse du taux d’activité féminin en Tunisie : Quelles sont les raisons ? Tunis: Republique Tunisienne Observatoire National De L’Emploi et des Qualifications, p. 2. 98 DAMMAK, A., & DAMAK, R. (2001). L'emploi et l'activité économique. Dans J. VALLIN, & T. LOCOH, Population et développement en Tunisie: La métamorphose (pp. 379-398). Tunis: Cérès Éditions.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
43
2.2.1.3 Nuptialité et fécondité
« Dans l’ensemble, de tous les changements vécus par
la population tunisienne, voire maghrébine, l’évolution de la
nuptialité est certainement l’une de plus importantes. C’est
l’un des signes les plus évidents de la transition matrimoniale
et de la transition démographique… » (BEN BRAHIM &
FOURATI, 2007)
Pour l’analyse de l’interaction entre fécondité et activité féminine, FARGUES, estime
que « le niveau d'instruction agit sur la fécondité au travers de trois déterminants proches :
l’âge au premier mariage, le recours à la contraception et la durée d'allaitement maternel.
Les deux premiers, qui augmentent avec le niveau d’instruction, l'emportent cependant sur le
troisième, qui a plutôt tendance à diminuer quand le niveau d’instruction s’élève99 ».
Cet auteur montre que l’allongement de la durée de la scolarité des filles, la maîtrise de la
fécondité et la mise en place d’un cadre législatif propice sont les principaux facteurs
favorisant l’intégration des femmes dans la sphère économique. Il ajoute que la proportion
des femmes sur le marché de l’emploi est stable, mais qu’on enregistre tout de même des
inégalités de salaire par rapport aux hommes, et qu’à compétences égales (éducation,
expérience…), les femmes sont encore victimes de discrimination salariale.
Dans le même sens, BEN BRAHIM (2002) parle d’une dépendance entre fécondité et activité
féminine, tout en considérant que la baisse de la fécondité s’explique par l’élévation de l’âge
au premier mariage des femmes et par l’usage de plus en plus important de la contraception.
Cela prouve que les causes profondes des changements des comportements en matière de
fécondité résident dans l’évolution socio-économique et culturelle de la Tunisie.
Plusieurs études et travaux s'appuyant sur le modèle de BONGAARTS « ont montré que le
relèvement de l'âge moyen au premier mariage, qui synthétise le calendrier de plus en plus
tardif, a été parmi les facteurs importants de la réduction de la descendance des femmes en
Tunisie100 ».
99 Cf. MGHARI, M. (1998). Accroissement et structure de la population Fécondité : Niveaux, tendances et déterminants. Dans Ministere De La Prevision économique et du plan, Population et développement (pp. 27-105). Centre D’Études et de Recherches démographiques, p. 37. 100 BEN BRAHIM, A., & FOURATI, H. (2007). Les changements profonds dans le phénomène de mariage en Tunisie : causes et conséquences économiques , sociales et démographiques de la nuptialité en Tunisie. Tunis: ONFP: Journée mondiale de la population, p. 22.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
44
2.2.2 Mobilité internationale
Pour remédier au chômage, les jeunes diplômés peuvent avoir recours à la migration
(pour acquérir plus d’expérience ou juste pour échapper au chômage) comme l’estime
l’économiste Véronique SIMONET : « les individus peuvent améliorer leur productivité par
des actes volontaires d’investissement dans l’éducation ou la santé, ou même encore en
migrant101 ». Cette idée nous conduit au paragraphe suivant qui analyse l’effet de la
migration sur l’emploi. L’émigration demeure-t-elle la seule « solution raisonnable », face à
une situation de désespérance et de frustration irrémédiable ?
Les études sur la mobilité internationale, qui s’intéressent aux personnes migrant vers
d’autres pays, pour des raisons économiques, académiques ou de sécurité ne cessent de se
développer. Les pays d’origine jouent un rôle très important dans le processus de mobilité
internationale, dans les cas où ils la considèrent comme une clef principale pour le progrès
économique de leurs pays, qu’il s’agit d’encourager.
L’une des formes de la mobilité internationale qui se développe de plus en plus ces dernières
décennies est la mobilité internationale des étudiants cherchant plus de connaissances et
d’opportunité professionnelle. Il s’agit du phénomène de la « fuite des cerveaux (matière
grise) » ou encore l’« exode de cerveaux ». Christian LOSSON (2007) expose l’ampleur de
ce phénomène, « ... l'exode des cerveaux se poursuit à un rythme effréné. Haïti, Cap-Vert,
Samoa, Gambie et Somalie ont vu ces dernières années plus de la moitié de leur élite
siphonnée par les pays riches .... « Un transfert inverse de technologie » ... si les plus
touchés restent Haïti (plus de 80 % d'exode) et les pays africains, les pays les moins avancés
asiatiques, avec moins de 5 % de départ, ont su conserver leur élite102».
2.2.2.1 Mobilité internationale des étudiants tunisiens
La mobilité internationale des étudiants tunisiens est un phénomène qui remonte à
l’indépendance. À cette époque, le pays souffrait d’un manque de compétences pour soutenir
la croissance. Le remède à ce problème a été de favoriser la mobilité internationale surtout
vers la France. Depuis lors, le nombre des étudiants tunisiens en mobilité internationale ne
cesse d’augmenter et l’objectif de la mobilité a aussi changé : si au départ cet objectif était la
quête de savoir, il est de plus en plus lié à une difficulté d’insertion sur le marché de l’emploi
101 SIMONNET, V. (2003). Le capital humain. Dans J. ALLOUCHE, Encyclopédie des ressources humaines (pp. 133-144). Paris: Vuibert, p. 133. 102 Cf. BEN CHEIKH, R. (2008). Vers une mobilité internationale enrichie au niveau universitaire: Le cas de la Tunisie et du Québec (mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en administration des affaires). Montréal: Université du Québec à Montréal, p. 17.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
45
tunisien. La volonté politique des autorités tunisiennes pour favoriser la mobilité
internationale des étudiants se concrétise par le dynamisme d’adaptation aux conventions
internationales en la matière et aussi par l’application des reformes touchant à
l’enseignement comme celles du système LMD : licence master doctorat.
Or, si au départ la mobilité internationale des étudiants tunisiens se réalisait pour des
raisons purement académiques, la poursuite d'études dans un autre pays, on assiste de plus en
plus à une situation où des étudiants désirent entamer ce processus de mobilité non pas pour
continuer leurs études, mais pour des raisons économiques. Autrement dit, la plupart de
ceux-ci désirent s’installer à l’étranger alors qu’ils possèdent déjà un diplôme d’études
supérieures et acceptent de suivre une formation sanctionnée par un diplôme égal ou
inférieur à celui déjà acquis.
À vrai dire, à cause d’une insertion trop difficile sur le marché de travail local, la
seule alternative pour ces derniers est « de chercher ailleurs ». Pour ce faire, le moyen le
plus sûr et le plus rapide pour pouvoir quitter le pays est de demander un visa mention
« étudiant » qui leur donne droit à un long séjour et leur garantit un certain nombre de
prestations et de droits. Cette nouvelle donnée sera objectivement traitée dans notre enquête.
Les étudiants universitaires tunisiens possèdent quatre possibilités pour étudier à l'étranger.
La première, et la plus répandue, est la mobilité d’une manière autonome : pour résider à
l’étranger, les étudiants comptent sur leurs propres moyens, ou s’inscrivent dans le cadre d'un
programme d'échange interuniversitaire auquel participent plusieurs universités de différents
pays. Par ailleurs, il existe trois types des programmes : les conventions-cadres, les cotutelles
de thèse prenant en considération les étudiants de 2e et 3e cycle, ou encore le programme
d'échange ERASMUS MUNDUS qui a donné naissance au projet Imageen (International,
Maghreb-Europe Education Network). Or, contrairement aux autres programmes, ce dernier
prend en compte tous les cycles d’études.
La Tunisie est un membre « actif » dans le domaine des échanges universitaires, mais son
action interne reste très limitée. Le nombre des étudiants qui bénéficient de ces programmes
est faible, faute d’informations mises à leur disposition. De plus, « la majorité des étudiants
ignorent l'existence de ces ententes de mobilité et partent plutôt en mobilité
autonome ».103D’autre part, le nombre d’étudiants possédant une bourse d’études octroyée
par l’État tunisien est très faible par rapport à ceux qui sont partis à l’étranger comptant sur
103 Ibid., p. 78.
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
46
leurs propres moyens. Les recherches sur ce sujet (étudier la mobilité internationale des
étudiants tunisiens) sont très limitées en nombre et en contenu. La seule étude à notre
possession est celle de Rym BEN CHEIKH (2008).
Dans notre enquête, nous allons tenter d’élargir le champ de recherche et nous tentons
d’apporter des réponses aux questions suivantes :
- Quels sont les facteurs favorables et défavorables à la mobilité internationale des
étudiants ?
- La mobilité des étudiants est-elle la résultante d’une représentation sociale, d’une
quête de savoir ou d’un problème d’insertion sur le marché de travail local ?
- Qui sont les étudiants les plus motivés par la mobilité internationale ?
D’autres questions en découlent de cette dernière :
- Est-ce qu’il y a un lien entre la formation et la motivation de mobilité ?
- Le niveau scolaire et la catégorie socioprofessionnelle des parents sont-ils des
facteurs encourageant la mobilité internationale des étudiants ?
- La structure de la famille et la taille de la fratrie ont elles des répercussions sur
la motivation des étudiants à la mobilité ?
Pour toutes ces questions, nous nous efforcerons d’apporter des réponses lors de l’analyse de
notre enquête. Il faut signaler tout de même que les données sur la mobilité internationale des
étudiants tunisiens étaient très rares, et même lorsqu’elles existent, elles ne sont pas
suffisamment riches pour être exploitées académiquement. Ainsi, les études précédentes sur
le thème de l’emploi des diplômés de l’enseignement supérieur en Tunisie furent limitées
dans l’espace et dans le temps, car les données n’étaient pas toujours disponibles et parfaites,
en particulier dans notre région d’étude (Sud-Est).
Pour ces raisons, nous tenterons de répondre aux questions de notre recherche sous
réserve de la quantité et de la qualité des données et des informations recueillies pour cet
exercice.
Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons tenté de poser dans un premier temps le problème des
sources de données nécessaires à notre travail. La Tunisie possède un système statistique
relativement performant par rapport à d'autres pays du continent. Néanmoins, les données
collectées et diffusées n’ont pas toujours été le reflet de la réalité sociale et économique du
pays. L’influence du politique impacte négativement la qualité et la diffusion des données.
Depuis la révolution survenue en Tunisie en 2011, les autorités ont entrepris un vaste
Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________
47
mouvement de redressement, de correction des données existantes et surtout d’amélioration
de la collecte des nouvelles données.
Le deuxième volet de ce chapitre est consacré à l’insertion professionnelle en Tunisie. Elle
nous a permis d’observer que la situation socio-économique est marquée par un chômage de
plus en plus important des diplômés de l’enseignement supérieur, notamment des titulaires
de la maîtrise. L’allongement de la durée d’étude, l’absence de mutations du marché de
l’emploi en fonction de celles survenues dans l’éducation et l’arrivée massive de jeunes
diplômés n’ayant pas les habiletés nécessaires pour exercer les emplois disponibles
contribuent aux difficultés et au retard dans l’insertion des jeunes. De plus, l’allongement de
la durée de la scolarité et le retard des premiers mariages et des naissances, les mutations
socioculturelles et la mise en place de textes législatifs pour favoriser l’éducation et
l’émancipation des femmes font augmenter le nombre de jeunes filles nanties de diplômes en
Tunisie. Mais elles doivent encore faire face aux barrières culturelles et à diverses
discriminations au moment d’accéder à l’emploi. Il est apparu l’existence d’une relation
positive entre l’âge des femmes et la baisse de leur taux d’activité. Plus leur âge augmente,
plus la baisse de leur taux d’activité économique s’accroît. Ceci s’expliquerait, selon les
tenants de cette thèse, par le fait que plus les mères gagnent en âge, plus elles auraient
tendance à s’investir dans la sphère domestique, privilégiant de fait les activités familiales au
détriment des activités économiques.
Qu’il s’agisse des femmes ou des hommes, on constate en Tunisie que plus le niveau
d’instruction s’accroît plus les risques de chômage sont importants. Les femmes sont
toutefois plus touchées que les hommes pour des compétences égales.
PREMIÈRE PARTIE : ÉLÉMENTS DE
CONTEXTE SOCIO-DÉMOGRAPHIQUE
ET ÉCONOMIQUE
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
51
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en
Tunisie
Introduction
Dans ce chapitre nous nous proposons d’étudier, au sein de la population tunisienne,
l’ensemble des changements des phénomènes démographiques et matrimoniaux, pour
comprendre par la suite leurs répercussions sur le marché d’emploi.
Au milieu des années 1960, la population tunisienne connait une forte croissance.
Celle-ci a favorisé une pression sur le marché du travail se traduisant par une croissance
considérable de la demande additionnelle annuelle moyenne d’emploi. Dans le souci de
maitriser cette croissance démographique, afin qu’elle ne vienne pas contrarier la
croissance économique, les autorités mettent en place différentes politiques de populations
que nous présenterons. La Tunisie bénéficie d’un bonus démographique incontestable, car
elle a désormais atteint la phase post-transitionnelle au plan démographique, et dispose
d’une main d’œuvre plus qualifiée et massive qu’auparavant.
Dans le contexte tunisien, l’évolution de la population active est due à
l’accroissement rapide de l’activité féminine. Cette situation trouve son explication dans
plusieurs facteurs comme l’augmentation des taux de célibat, car les femmes célibataires
sont dans l’obligation de se prendre en charge financièrement et donc leur présence sur le
marché de l’emploi est indispensable, surtout avec l’évolution des mentalités vis-à-vis au
travail des femmes.
L’analyse de ces transformations au niveau de la population tunisienne en général
nous permettra éventuellement de faire ressortir, dans l’analyse de notre enquête, certaines
caractéristiques spécifiques de la sous-population estudiantine. Nous pourrions apprécier
comment ce bonus démographique pourrait se transformer en dividende démographique et
avoir un impact positif à terme sur la croissance économique.
L’observation de ces différents mouvements démographiques dans ce chapitre est
donc intéressante et pertinente. Nous étudierons successivement la politique
démographique de la Tunisie, la structure et dynamique de la population tunisienne, les
caractéristiques matrimoniales de la population tunisienne, la transition de la fécondité en
Tunisie et l’évolution et les structures des ménages.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
52
I.1 Politiques démographiques en Tunisie
« Nous ne pouvons-nous défendre contre un sentiment d’appréhension
devant la marée humaine qui monte implacablement à une vitesse qui
dépasse de beaucoup celle de l’augmentation des subsistances, car à quoi
servirait l’accroissement de notre production agricole, de nos richesses
minières… si la population doit continuer à s’accroître d’une manière
anarchique et démentielle. Nous n’aurions rien fait, car nous risquons de
nous trouver ramenés malgré tous nos efforts à un niveau inférieur à celui
du point de départ. L’humanité qui par la raison a pu dominer la nature et
vaincre progressivement la maladie, qui a créé l’outil et transformé le
visage du monde, l’humanité est capable de se régenter elle-même et de
maîtriser le rythme devant la procréation ». Bourguiba, Allocution au 3éme
congrès de l’Union Nationale des femmes de Tunisie, 25 décembre 1962.
Depuis l’indépendance, les autorités politiques de la Tunisie prennent conscience de
l'importance de la maîtrise de la démographie dans le processus de développement
économique. La recherche d'un équilibre harmonieux entre les potentiels du pays et sa
masse démographique constitue l'un des objectifs centraux des plans de développement
économique et social en Tunisie. En effet, le pays a conçu une politique de population avec
comme objectif fondamental la maitrise de la croissance démographique, par
l'infléchissement du niveau global de la fécondité jusqu'à ce que la transition
démographique soit achevée. C’est-à-dire le passage d'une fécondité et mortalité élevée à
une fécondité et mortalité basse.
« Si la natalité devait prendre des proportions abusives et se développer
sans frein ni limite, la famille ne pourrait plus accomplir ses devoirs
premiers, les plus simples, c'est-à-dire élever, éduquer et former ses enfants
[...]. Le fait est que la science moderne a découvert le moyen de stériliser la
femme ou l’homme, tout en leur permettant de continuer à remplir leur
devoir conjugal. Car il faut bien faire la distinction entre la mère et
l’épouse. On peut arrêter la première sans porter atteinte à la
seconde ».Bourguiba, discours prononcé à l’occasion de la fête du
Mouled, 14 avril 1973.
Pendant longtemps, la Tunisie était considérée comme un pays pionnier en matière
de régulation des naissances. En adoptant un programme de planification familiale
progressiste, elle s’est vu hisser au premier rang du classement en Afrique et dans le monde
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
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arabe et depuis, les questions démographiques occupent une place de premier ordre dans la
politique économique et sociale du pays. Les progrès enregistrés dans le domaine de la
santé, de l'éducation, de l'emploi, de la couverture sociale et du développement régional en
témoignent.
Pour mieux comprendre l’évolution de la croissance démographique en Tunisie,
nous avons jugé judicieux d’esquisser l'histoire des politiques de population engagées par
l’État (depuis l’indépendance). L’instauration de programme national de planification
familiale en 1966 est considérée comme le fruit d’une volonté politique, qui cherche à
bloquer la croissance démographique et à réduire les disparités entre les milieux ruraux et
urbains.
La planification familiale, ou planning familial, est définie selon l'Office National de
la Famille et de la Population comme étant : « une mesure préventive volontaire prise par
un individu ou un couple pour planifier sa procréation en toute liberté et responsabilité. Il
peut ainsi choisir le moment de la grossesse, le nombre de naissances et les intervalles entre
elles en fonction de ses conditions sanitaires, sociales et économiques ».
Toutefois, l’application du programme de planning familial en Tunisie est passée par
plusieurs phases:
- Le programme expérimental : 1964-1965 : Le gouvernement tunisien signe en 1963 un
accord avec la fondation Ford104 en vue d’instaurer un programme expérimental de
planning familial de deux années, entre 1964 et 1965. Ce programme était confié au
secrétariat d’État de la santé publique. Il comprend des opérations de formation destinées à
fournir les cadres nécessaires, aptes à intervenir auprès de la population.
-Le programme national : 1966-1972 : L’objectif de ce programme national est de rendre
le taux de fécondité global en Tunisie, à la fin du siècle, égal à celui du monde occidental.
En effet, cette phase a inauguré l’ère de l’utilisation massive des méthodes contraceptives.
- Le renforcement du programme : 1973-1983 : cependant, les programmes de planning
familial ont connu certaines limites, se heurtant essentiellement à des obstacles d’ordre
administratif et organisationnel. Pour y remédier, le pouvoir public a opté pour des
solutions adéquates, en commençant par la création de l’Institut National de Planning
Familial et de la Protection Maternelle et Infantile (INPFPMI), en 1971, devenue en 1973
l’Office National du Planning Familial et de la Population (ONPFP).
104 La Fondation Ford a été créée en 1936 par Henri et Edsel FORD. Le but affiché dans les statuts de la fondation était de « recevoir et gérer des fonds pour des objectifs scientifiques, éducatifs et charitables pour le bien public ».
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- La santé maternelle et infantile: 1984-1991105 : Parmi les mesures prises pendant cette
période, on peut citer la tentative de faire reculer l’âge au mariage. Cela a eu un effet sur la
fécondité. En incitant également les mariés à limiter le nombre des naissances, par
l’adoption de la contraception, tous les efforts de planification vont se porter au sein du
couple. En fait, l’objectif majeur est de faire augmenter le taux de prévalence contraceptive
de 27,0 % en 1980 à 40,0 % en 1986.
- La Santé de la reproduction (à partir de 1991) : durant cette période, les priorités du
programme de planification familiale sont de suivre les recommandations internationales,
en adoptant le principe de la santé de la reproduction. Dans ce contexte l’ONPF a fixé
comme projet la promotion des méthodes de contraception et d’espacement (Gastineau,
2001).
Le bilan fait par l’ONPF, concernant l’impact du programme de planning familial
sur les secteurs sociaux, de l’emploi, de l’éducation, de la santé et de l’émancipation de la
femme, est jugé positif comme le montre le passage suivant.
“Nous voilà une trentaine d’années plus tard en 1996, année où l’on peut dire que
cette vision des choses s’est avérée juste et la voie choisie fructueuse : la fécondité
naguère élevée est ramenée à des niveaux non seulement compatibles avec les
moyens du pays, mais fort encourageants pour continuer avec succès la politique
d’émancipation de la femme et de la famille engagée dès l’indépendance. La
croissance de la population qui était jugée explosive par sa rapidité est maîtrisée.
[...] La taille réduite des ménages rencontrée de nos jours contribue grandement à
l’amélioration des conditions de vie de la famille” (ONFP)106.
Au plan juridique, l’État tunisien a mis en œuvre une série de mesures législatives,
servant d’appui pour la réalisation des objectifs envisagés par le programme de
planification familiale, tout en prenant en considération le respect des choix personnels des
individus. À titre d’exemple, les personnes ne sont pas contraintes à limiter le nombre de
naissances, mais elles doivent observer quelques règles impératives, à savoir l’interdiction
de la polygamie ou de donner naissance à des bébés hors de l’institution de mariage. Dans 105 À partir des années 1980, les mesures prises en matière de la population ciblaient la santé maternelle et
infantile. En 1984, l'Office National du Planning Familial et de la Population, placé au départ sous la tutelle du
Ministère de la Famille et de la promotion de la femme, s’est transformé en l'Office National de la Famille et de
la Population (ONFP), placé depuis 1987 sous la tutelle du Ministère de la Santé publique.
106 Cf. GASTINEAU , B., & SANDRON, F. (octobre 2000). La Politique De Planification Familiale En Tunisie (1964-2000). Paris: Centre Français sur La Population et Le Developpement (CEPED) N° 61, p. 31.
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les paragraphes suivants, nous essayons d’analyser les contenus et les étapes de l'expérience
tunisienne en matière des politiques démographiques. Faut-il rappeler peut-être que la
Tunisie est fortement influencée par une culture islamique, encourageant plus au moins une
forte fécondité ? De plus les indépendantistes étaient en faveur d’une politique pro nataliste
afin de disposer à terme de supplétifs pour la lutte armée.
Au lendemain de l’indépendance (1956), la Tunisie a instauré une série de lois et a
mené des réformes, particulièrement en faveur des femmes. En 1956, le père de la nation H.
Bourguiba a fixé l'âge minimum au mariage à 15 ans et 18 ans révolus pour la femme et
l'homme, il a interdit la polygamie. Un an plus tard, il a promulgué une loi réorganisant
l'état civil et instaurant l'obligation de la déclaration des événements démographiques. La
réforme de l'enseignement en 1958 a instauré, irrévocablement, le principe de la parité à
l’école, permettant ainsi l'accès à l'école aux garçons comme aux filles. La constitution de
1959 a renforcé l’égalité homme et femme dans les droits et les devoirs. À la charnière de
1960, le pouvoir politique a opté pour la limitation des naissances, en encourageant le
modèle de la famille à taille réduite107 par la suppression des allocations familiales au-delà
du quatrième enfant.
En 1961, une loi qui datait de la période coloniale française, interdisant les produits
contraceptifs, a été abrogée et ces moyens diffusés, ils sont ainsi devenus accessibles et
soumis au même règlement que les autres produits pharmaceutiques. La loi du 20 février
1964 a révisé l'âge minimum au mariage, en le fixant à 17 ans révolus pour la femme et à
20 ans pour l’homme. En juillet 1965, une loi « controversée » a vu le jour, autorisant
l'avortement dans les trois premiers mois de grossesse pour les femmes déjà mères de cinq
enfants.
Entre 1964 et 1965, l'utilisation de la contraception été faible. La proportion des
femmes ayant utilisé un moyen contraceptif était de l'ordre de 7,0 %108. Cette situation a
nécessité l'application des nouvelles mesures, facilitant un recours plus intensif et plus
simple aux méthodes de contraception. La création en mars 1973 de l'Office National du
Planning Familial et de la Population (ONPFP)109 a constitué la pierre angulaire de ce
programme. À partir de mois de septembre de la même année, l'interruption assistée de la
107 Pour réduire encore plus la fécondité, les allocations ont été limitées aux trois premiers enfants depuis 1988. 108 Source : ONFPF 109 Cet organisme est un établissement public sous tutelle du ministère de la Santé publique ayant pour mission l'exécution de la politique gouvernementale en matière de la population.
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grossesse au-delà du troisième mois est autorisée dans un établissement hospitalier ou dans
une clinique reconnue par un médecin conventionné.
Durant ces périodes, le système de l'état civil a connu des révisions et de
nombreuses enquêtes statistiques ont été menées, permettant de suivre l'efficacité des
mesures prises en vue de la réduction de l'accroissement démographique. Elles ont montré
aussi les conséquences de ces mesures, dont la baisse de la fécondité chez les femmes
citadines et instruites était l’un de ses résultats immédiats, même si elle demeure faible chez
les femmes rurales ou issues de milieux défavorisés.
On peut dire qu’en Tunisie les programmes de planification familiale sont au cœur d’une
politique d’État : « c’est véritablement une politique globale qui s’intéresse aux individus,
aux familles et à la population qui est mise en application »110. Ils ont permis de réduire de
façon drastique la mortalité infantile et maternelle ; ces progrès ont eu, entre autres, pour
conséquences : la baisse de la mortalité générale et l’augmentation de l’espérance de vie à
la naissance. Mais, faut-il rappeler peut-être que : « la réussite de la politique de population
ne peut se justifier qu’avec la consolidation du système de planification du développement
socioéconomique » 111.
110 GASTINEAU , B., & SANDRON, F. (octobre 2000). La Politique De Planification Familiale En Tunisie (1964-2000). Paris: Centre français sur La Population et Le Developpement (CEPED) N° 61, p. 10. 111 COSIO-ZAVALA, M.-E. (1994). Changements de fécondité au Mexique et politiques de population. Paris: L'Harmattan, p. 188.
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I. 2 Structure et dynamique de la population tunisienne
I. 2.1 Évolution de la population
La population tunisienne s’est multipliée par environ 5, entre les années trente et
aujourd’hui112. Pendant cette période, l’évolution a connu trois grandes phases, comme le
montre le graphique 1.
Graphique 1 : Évolution de la population tunisienne entre 1921 et 2011
Source: RGPH (1921, 1945, 1956, 1975, 1984, 1994 et 2004) et Enquête Population Emploi, 2009 et 2011
Première phase (1920-1956) : à cette époque la population a presque doublé. On
peut expliquer cette évolution par les changements qui ont affecté la société tunisienne
après la Deuxième Guerre mondiale. Le recul, voire la disparition définitive des épidémies
et l’amélioration progressive de conditions de vie ont contribué non seulement à la baisse
de la mortalité, mais aussi à la hausse de la natalité, le taux d’accroissement annuel était
aux alentours de 2,0 %113.
Deuxième période (1956-à la fin du régime de Bourguiba, début des années 80).En
ces temps, la population a doublé114, et les raisons principales sont: une natalité qui
demeure encore élevée, accompagnée d’une baisse de la mortalité, notamment de la
112 La population tunisienne est passée de 2 093 mille personnes en 1921 à10 434 mille en juillet 2009. (Données de recensement général de la population 1921 et estimations INS en juillet 2009). 113 INS : Recensement 1936 et 1946, durant cette période le taux d’accroissement annuel moyen était égal à 2,0 %. 114 La population tunisienne est passée de 3783 milles habitants en 1956 à 8 785 mille habitants en 1994.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
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mortalité infantile. Celle-ci a connu une régression considérable, en passant de 100 ‰ en
1975 à 20,0 ‰ en 2004115, due en grande partie à l’amélioration des conditions sanitaires.
Durant la période allant de 1975 à 1980, le taux d’accroissement annuel était de l’ordre de
2,7 %, c’est le taux maximal qu’a connu la Tunisie. Cette hausse s’explique d’abord par le
progrès en matière de santé, puis par la baisse du nombre d’émigrés à la veille de la
fermeture inexorable des frontières européennes.
Troisième phase (1987, date de changement politique à nos jours). Cette période est
marquée par une baisse de taux d’accroissement, passé de 1.96 % en 1990 à 1.08 % en
2004, pour atteindre 1,01 %116 en 2006. Cette baisse est le résultat d’un programme de
planification familiale mis en place par l’État depuis la fin des années soixante.
I. 2.2 Structure de la population
I. 2.2.1 Structure par âge de la population
Jusqu’en 1994, la population de la Tunisie est considérée comme une population
jeune : 11,0 % de la population est âgée de moins de 5 ans et 45,5 % de moins de 20 ans.
Pourtant, la structure par âge de la population tunisienne a connu une légère transformation.
Ceci est dû en grande partie à la baisse des effectifs de naissances depuis les années quatre-
vingt-dix, ce qui explique le rétrécissement de la pyramide des âges au niveau de la tranche
d’âge 0-4 ans. Comme l’on peut observer sur le graphique 2, il y a une baisse des
proportions d’enfants aux bas âges face à une montée de celles des autres groupes d’âge.
Graphique 2 : Structure par âge de la population tunisienne entre 1966 et 2010
Source: RGPH (1966, 1984 et 2004) et Enquête Population Emploi 2010
115 Source : INS, Recensements de 1975 et 2004. 116 INS, enquête population et emploi 2007, p. 9.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
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Ce graphique justifie l’évolution de la structure par âge qui a connu la Tunisie
durant toute cette période. On peut observer, de toute évidence, une montée de la proportion
des personnes adultes (en particulier celle de 15-59 ans, donc la population en âge
d’activité) et une réduction de la proportion des enfants, notamment ceux de moins de 5
ans.
L’évolution de la structure de la population peut être interprétée aussi par le calcul
de l’âge moyen et l’âge médian de la population. L’âge moyen de la population tunisienne
est passé de 24,6 ans à 28,0 ans, entre 1984 et 2004, soit une augmentation de 3,4 années.
Cette tendance s’explique par l’évolution de la structure d’âge de la population sous l’effet
de la baisse de la fécondité, qui a conduit à une réduction de la part des jeunes dans la
population totale. Également, sous l’effet de la baisse de la mortalité, elle a contribué à
l’augmentation de l’espérance de vie, passant de 65,2 ans en 1985 à 74,7ans en 2010117. De
même, l’âge médian est passé de 19,5 ans à 22,4 ans, sur la période 1984-1994 une
augmentation de 2,9 ans a été enregistrée, contre une augmentation supérieure à 3,0 ans
pendant la décennie suivante (1994-2004).
La répartition de la population selon les groupes d'âge, représentée dans les
pyramides des âges suivantes, vient confirmer ce qu'on a dit dans le paragraphe précédent.
Effectivement, on assiste à une baisse relative des effectifs en bas des pyramides contre une
légère hausse aux sommets; quant à la population en âge de travailler, elle reste en
constante augmentation en pourcentage.
L’évolution de la population par tranche d’âge, au cours des vingt dernières années
en Tunisie, illustre le phénomène d’inertie démographique. Les pyramides actuelles ont une
base encore relativement large, malgré le rétrécissement observé pour la tranche d’âge 0-15
ans. Mais la part des personnes âgées de moins de 15 ans ne cesse de diminuer, en passant
de 39,65 % en 1984 à 23,7 % en 2010118.
117 Source : INS, enquête population et emploi 2010. 118 Source : INS, enquête population et emploi 2010.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
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Graphique 3: Évolution des pyramides des âges pour la population tunisienne entre 1966 et
2004 (effectifs en cent mille)
Source : RGPH : 1966, 1975,1994 et 2004.
L'allure des pyramides des âges pour la Tunisie, comme en témoigne le graphique 3,
a connu une transformation, en passant d'une pyramide de type « parasol », caractérisée par
une forte natalité, à une pyramide de type « pagode », caractérisée par une natalité faible.
C'est une caractéristique démographique, semblable à celle de plusieurs pays de monde qui
ont achevé leurs transitions démographiques.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
61
Cette transformation peut être expliquée par plusieurs facteurs, essentiellement la
baisse de la fécondité et le recul de la mortalité. Le premier facteur agit par le bas, en
rétrécissant la base de la pyramide par la diminution du nombre des jeunes. Le second
facteur agit au sommet, grâce aux gains de longévité (augmentation de l’espérance de vie à
la naissance) qui profitent de plus en plus aux personnes âgées.
I. 2.2.3 Évolution future de la structure par âge à l’horizon de 2029
D’après les projections de l’Institut National de Statistique (graphique 4), la
structure par âge de la population tunisienne restera marquée par une réduction du poids des
jeunes de moins de 15 ans (diminuant de 26,8 % à 19,7 % entre 2004 et 2029), alors que la
part de population des 60 ans et plus sera multipliée par 1,9 pendant la même période (il
s’agit du phénomène de « papy-boom»).On assistera ainsi à une baisse de plus en plus
importante du nombre d’enfants d’âge préscolaire et scolaire et à une augmentation du
pourcentage des adultes. L’augmentation de l’âge médian de la population, qui passera au
cours de la période de projection de 25,4 ans au début de la période à 34,5 ans à la fin de la
période, atteste que la Tunisie est réellement engagée sur la voie du vieillissement.
Graphique 4: Projection des pyramides des âges pour la population tunisienne à l’horizon de 2029 (effectifs en cent mille)
Source : Projection INS, 2007.
Selon les différents scénarios119 des projections, le vieillissement de la population
tunisienne est irréversible. La baisse de la fécondité entraîne une réduction de la base de la
pyramide. Ce qui pourrait alléger la charge démographique des jeunes qui pèse sur la
119 Trois scénarios selon l’INS (2007), le premier scénario : (baisse rapide de l’ISF de 0,9 point jusqu’à 2014, puis stabilisation à 1,20 jusqu’à 2029), le deuxième scénario : (baisse modérée de l’ISF de 0,6 point jusqu’à 2014, puis stabilisation à 1,50 jusqu’à 2029), et le Troisième scénario : (baisse lente de l’ISF de 0,3 point jusqu’à 2014, puis stabilisation à 1,80 jusqu’à 2029).
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
62
population active. Cependant, les projections concernant la population mentionnent que le
phénomène du vieillissement va s’accentuer dans les prochaines décennies, comme nous
pouvons le voir dans le tableau 4.
Tableau 4: Évolution de la structure par âges de la population tunisienne à l’horizon de 2029 (en %)
Groupe d’âge 2004 2009 2014 2019 2024 2029
0-4 ans 8,2 8,1 8,0 7,6 6,8 6,0
5-14 ans 18,6 15,8 14,9 14,9 14,6 13,7
15-59 ans 63,7 66,3 66,0 64,5 63,3 62,6
60 ans et plus 9,5 9,8 11,1 13,0 15,3 17,7
Total 100 100 100 100 100 100
Source : INS, RGPH (2004) et Projection INS (2007) Scénario central.
Aussi, en adoptant l’hypothèse moyenne retenue pour le XIe Plan de
développement, entre 2004 et 2029 le taux de dépendance démographique des personnes
âgées augmentera de 15 % à 28 % (c’est-à-dire le nombre de retraités pour 100 actifs
passera de 15 en 2004 à 28 en 2029, comme le montre le graphique 5). Ceci aura des
conséquences sur le financement de la caisse de sécurité sociale. Nous présentons ici le taux
de dépendance démographique des personnes âgées 120 qui se définit comme le rapport
entre le nombre de personnes âgées de 60 ans ou plus par rapport aux autres adultes âgés de
15 à 59 ans. Dans le futur, l’augmentation du taux de dépendance démographique sera le
résultat de la progression du nombre de personnes âgées. Cependant, le nombre d’adultes
en âge de travail devrait rester à peu près stable, stagnant au tour de 63 %. Le taux de
dépendance démographique augmentera essentiellement en raison de la baisse de la
fécondité et de l’allongement de l’espérance de vie. La hausse signalée par cet indicateur a
été enregistrée durant une période économique difficile, caractérisée par la montée en
flèche de la courbe de chômage des jeunes. Un véritable fardeau pour l’État qui risque
d’accroitre le déficit des caisses de sécurité sociale.
120 Le taux de dépendance démographique peut être calculé comme le rapport des personnes de plus de 60 ans et plus à celles entre 15 et 59 ans, appelé aussi ratio de dépendance vieillesse.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
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Graphique 5: Taux de dépendance démographique de la population âgée de 60ans et plus par rapport à celle entre 15 et 59ans
Source : RGPH : 1966, 1975, 1984,1994 et 2004 Projection INS (2007) Scénario central.
D’autre part, le ratio de dépendance démographique121 (nombre d’inactifs rapporté
au nombre d’actifs) a été de 1,08 en 1966, ce qui correspond à 108 inactifs pour 100
travailleurs (la production de ces derniers constitue donc le pouvoir d’achat de 208
individus). Cet indicateur était de l’ordre de 57 inactifs pour 100 travailleurs au cours du
recensement de 2004, et il connait depuis 2010 une tendance à la hausse, l’INS prévoit 65
inactifs pour 100 travailleurs en 2039 (tableau 5).
Tableau 5: Ratio de dépendance démographique en Tunisie entre 1966 et 2039
1966 1984 2004 2010 2019 2024 2029 2034 2039
Ratio de dépendance 1,08 0,87 0,57 0,51 0,55 0,58 0,60 0,63 0,65
Source : RGPH :(1966, 1984 et 2004) Projection INS (2007) Scénario central.
En Tunisie depuis 1984, la structure par âge de la population connait une supériorité
des actifs par rapport aux inactifs, ce qui est appelé «bonus démographique», ou « âge d’or
démographique», ou encore «dividende démographique». Or, cette donnée démographique
est à la fois un défi et une opportunité. L’opportunité est celle de bénéficier d’un taux de
dépendance (nombre d’inactifs pour un actif) relativement faible. Le défi est d’encourager
davantage la création d’emplois qui soit corrélée avec l’accroissement de capital humain
des jeunes à la recherche de leur premier emploi
121 Le ratio de dépendance démographique est fonction de la structure par âge de la population. C’est le rapport du nombre d’individus supposés « dépendre » des autres pour leur vie quotidienne – jeunes et personnes âgées – et le nombre d’individus capables d’assumer cette charge.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
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I. 2.2.4 Structure par sexe de la population
Lors de recensement de 2004, la population de la Tunisie était estimée
à 9 910 872122 personnes, avec un faible sureffectif masculin, soit 50,5 %123 de la
population totale étant de sexe masculin. Le surplus d’hommes est en recul. Cette baisse
progressive continue d’être enregistrée d’un recensement à un autre (comme en témoigne le
tableau 6). La baisse de nombre des hommes par rapport aux femmes est liée
principalement à la migration masculine, essentiellement en quête de travail vers l’étranger.
Tableau 6 : Évolution de la Proportion des hommes entre 1966 et 2010 (en %)
1966 1975 1984 1994 2004 2010
Proportion d’hommes 51,1 50,8 50,9 50,6 50,1 49,9
Source : RGPH :(1966, 1975, 1984,1994 et 2004) et Enquête Population Emploi 2010.
La structure de la population par sexe peut être interprétée à travers le rapport de
masculinité, calculé en rapportant le nombre des hommes à cent femmes. Cet indicateur à la
naissance est naturellement proche de 105 garçons pour 100 filles. Pour les autres âges, il
dépend surtout de la migration et d’une surmortalité masculine ou féminine. En 1984, ce
rapport était de 103,7 hommes pour 100 femmes, alors qu’en 2004 on avait presque autant
d’hommes que de femmes, avec 100,4 hommes pour 100 femmes. À ce stade de la
recherche, nous pouvons poser la question suivante : la baisse de rapport de masculinité sur
la période de 1984 à 2004, la domination numérique progressive des femmes cachait-elle
une disparité entre les groupes d'âge?
Ainsi, le graphique 6 nous décrit l'évolution de rapport de masculinité par groupes d'âge
(nombre d'hommes de chaque groupe d’âge rapporté à 100 femmes du même groupe
d’âge). La répartition du rapport de masculinité selon l’âge montre que, pour la population
en âge d’activité, cet indicateur est inférieur ou égal à l’unité, ce qui peut être dû à
l’émigration masculine. Entre 1984 et 2004, le nombre d’hommes pour cent femmes âgées
de 55 ans et plus a connu une baisse remarquable. Elle peut être expliquée notamment par
l’élévation de l’espérance de vie féminine ou bien le non-retour des émigrés.
122 Source : RGPH 2004. 123 Idem.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
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Graphique 6: Rapport de masculinité selon l’âge en Tunisie entre 1984 et 2004
Source : Rapport calculé à partir de données de l’INS.
I. 2.3 Transition démographique en Tunisie
Il faut mentionner que la Tunisie a entamé la dernière phase de la transition
démographique en moins de 50 ans, contrairement aux pays de l’Europe, où la transition a
duré deux siècles pour certains.
Graphique 7: Transition démographique en Tunisie
Source : Données INS.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
66
Le principe de transition démographique a été énoncé en 1945 par le démographe
anglais Franck NOTESTEIN. Il décrit quatre phases d'évolution dans la croissance
démographique.
La première phase correspond au régime démographique traditionnel, caractérisée par des
taux de natalité et de mortalité élevés, avec une mortalité en baisse. La deuxième phase
correspond à la première étape de la transition démographique, définie par une baisse de
taux de mortalité et de natalité. Lors de la troisième phase, qui correspond à la deuxième
étape de la transition démographique, le taux de natalité continue à baisser alors que le taux
de mortalité se stabilise, à partir des années 90 à environ 6 ‰. La dernière phase
correspond au régime démographique moderne, caractérisée par une natalité et une
mortalité faibles et une croissance faible ou négative.
En Tunisie, la transition démographique était classique parce que la baisse de la natalité a
été postérieure à la baisse de la mortalité et que le contrôle de la fécondité s’est fait en
amont par la nuptialité (comme dans la plupart des pays musulmans, les naissances hors
mariage ne sont pas permises), ensuite par l’utilisation des moyens de contraception.
En somme, la transition démographique en Tunisie a été accompagnée par une
amélioration des conditions de vie des autochtones. Commençant par une transition
épidémiologique sanitaire, avec l’éradication des maladies transmissibles, à savoir le
paludisme, le trachome, la tuberculose, la poliomyélite, le tétanos, la diphtérie, etc.
Authentiquement, « la baisse très rapide de la mortalité générale et infantile grâce au
développement du système de santé publique et de l’infrastructure sanitaire, le
développement économique et la mutation sociale et culturelle qu’a connus le pays durant
les trente années écoulées expliquent en grande partie cette mutation épidémiologique »124.
La transition sociale, économique et culturelle a aussi favorisé ce progrès dans le secteur de
la santé.
I. 2.4 Espérance de vie à la naissance en Tunisie
La mortalité infantile a largement régressé, atteignant 16,8 % en 2010 contre
184,0 ‰ en 1960125. Cette chute de taux de mortalité infantile a un impact direct sur la
mortalité en général. Le taux brut de mortalité a baissé de 19,0 ‰ en 1960 contre un taux
relativement stable 5,7 ‰ actuellement. Cette baisse de la mortalité a affecté directement
124 BEN BRAHIM, A. (2004). Transition des structures par âge et vieillissement en Tunisie.Paris: Seminaires du (CICRED) Committee for International Cooperation in National Research in Demography, p. 5. 125 Source : INS.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
67
l’espérance de vie, qui est passée en cinquante ans (entre 1960 et 2010) de 48,3 à 74,7
ans126 (pour les deux sexes), en partie grâce à l’amélioration des prestations de santé. Par
ailleurs, la disparité entre hommes et femmes en matière d’espérance de vie reste
remarquable (comme nous pouvons l’observer sur le graphique 8). En effet, l’écart entre les
espérances de vie féminine et masculine stagne autour de 4 ans en 2009, contre un an avant
les années soixante-dix. Vraisemblablement, cette différence est liée à une surmortalité
masculine qui s’explique entre autres par les accidents de travail, de la route, et de la
consommation excessive de tabac ou d’alcool. Par contre, la diminution de la mortalité
féminine est due essentiellement à la baisse de la mortalité maternelle127.
Graphique 8 : Espérance de vie à la naissance en Tunisie depuis 1960
Source : INS
L’inégalité devant la mort est incontestablement le résultat synthétique des
inégalités sociales128. Ces inégalités sociales sont en grande partie induites par des
disparités régionales. Cependant, en Tunisie, les disparités de la mortalité par région sont de
plus en plus faibles.
En conclusion des changements démographiques de la population tunisienne, la
projection à l’horizon de 2029 effectuée par l’INS montre qu’au moins 3/5 de la population
seront en âge d’activité. Durant ces temps-là, la population tunisienne va connaitre un
126 Ibid,. 127 BEN BRAHIM, A. (2004). Transition des structures par âge et vieillissement en Tunisie. Paris: SEMINAIRES du (CICRED ) Committee for International Cooperation in National Research in Demography? p. 7. 128 Cf. Office National de la Famille et de La Population. (2009). Les Cercles de la Population et de la Santé de la Reproduction 8e session – 2009 4e table ronde « Projection et perspectives de la population : quel avenir pour la Tunisie ? ». Tunis: ONFP, p. 13.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
68
accroissement du capital humain, et elle va faire face à un défi majeur, celui de la création
d’emplois adéquats, en particulier, pour les diplômés du supérieur.
I.3 Caractéristiques matrimoniales de la population tunisienne
La Tunisie confirme le rôle éminent que peut jouer
l’évolution des comportements matrimoniaux dans la baisse de la
fécondité dans une société où la procréation est inconcevable en
dehors du mariage129.
Parmi les indices qui peuvent confirmer par excellence le développement d’un pays
et montrer le degré de la modernisation de sa société, on peut citer deux indicateurs : le
recul de l’indice de fécondité et la maîtrise démographique. On peut signaler qu’en Tunisie
les réformes appliquées avec rigueur en la matière ont porté leurs fruits. Le pays enregistre
des résultats réjouissants, voire performants, et cela pour ne pas dire les meilleurs en
Maghreb et au Moyen-Orient. Nous l’avons déjà dit, la Tunisie s’est hissée au rang des
pays pionniers grâce à son programme de planning familial, mis en place en 1966. La
question démographique était urgente, elle occupait une place de premier plan dans la
politique de l’État. Le nombre d’enfants par femme est passé de 7,2 dans les années 1966 à
3,4 en 1990.Actuellement, il se situe autour de 2 (au niveau du seuil de remplacement des
générations de 2,05 enfants par femme130). Il devrait encore baisser à 1,75 en 2024, selon
les projections faites par l’INS131.
Dans les paragraphes suivants, nous pouvons procéder à l’étude de l’impact des
politiques familiales sur l’individu et la composition de la famille, de la manière suivante :
d’abord, dans un premier temps, nous essayerons de retracer l’évolution de la population à
l’échelle des individus afin d’évoquer la nuptialité et la fécondité. Puis, dans un deuxième
temps, nous essayerons de voir ce qui joue à l’échelle des ménages, à travers l’examen de
sa structure et sa taille.
129 GASTINEAU, B. (2011). Transition de la fécondité, développement et droits des femmes en Tunisie. Marseille: Laboratoire Population-Environnement-Développement, Unité mixte de Recherche IRD-Université de Provence 151, série Population-Santé Documents de recherche n° 21, p. 6. 130 Selon l’INSEE, le renouvellement des générations est assuré à la naissance si le nombre de filles dans la génération des enfants est égal au nombre de femmes dans la génération des parents. En l'absence de mortalité, 2,05 enfants par femme seraient suffisants pour assurer le remplacement d'une génération (2,05 et non 2, car il naît 105 garçons pour 100 filles). 131 Cf. Office National de La Famille et de La Population. (2009). Les Cercles de la Population et de la Santé de la Reproduction 8e session – 2009 4e table ronde « Projection et perspectives de la population : quel avenir pour la Tunisie ? ». Tunis: ONFP, p. 5.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
69
I. 3.1 Tradition et nuptialité
La situation sociale et culturelle de la Tunisie au XIX° siècle est largement favorable
à une forte fécondité. Les mariages sont précoces, généralisés et le choix des époux revient
aux parents. La conception traditionnelle est celle de l’alliance entre des familles, et non
entre des individus. Les conjointes dépendent fortement de leurs maris (financièrement et
juridiquement). Elles sont restées longtemps confinées dans l’espace privé, même si elles
participent néanmoins à quelques travaux agricoles de l’exploitation familiale. Par-delà les
tâches domestiques, les activités des femmes urbaines relèvent principalement de
l’artisanat : broderie, confection et tissage. Elles n’ont pas accès à l’espace économique,
leurs productions sont commercialisées par les hommes et elles ne disposent ni de revenus
ni de statut professionnel proprement dit. Dans cette organisation sociale, la famille et la
maternité tiennent une place importante dans la vie d’une femme. Une fois qu’elle a fait
preuve de sa fertilité, elle voit son statut social et familial s’améliorer surtout lorsqu’elle
met au monde un garçon, car, « traditionnellement en Tunisie, la préférence est donnée à la
descendance masculine »132. À l’époque, la stérilité est la principale cause de répudiation,
une famille nombreuse constitue en quelque sorte une source de prestige social. C’était une
ère où les familles nombreuses sont valorisées.
Le code du statut personnel, promulgué en 1956, revu et relu quelques années plus
tard, a bouleversé complètement les règles traditionnelles de mariage, en accordant plus de
droits aux femmes. Les unions coutumières « Orf » et les mariages traditionnels ont
progressivement disparu. Les évolutions ne sont pas les mêmes pour la nuptialité masculine
et féminine. En 1966, les hommes se mariaient en moyenne vers 27 ans, les femmes vers 21
ans. À partir de cette date, l’âge au premier mariage a augmenté moins rapidement pour les
hommes que pour celui des femmes. Ceci se confirme par une réduction de l’écart de l’âge
des époux au premier mariage, passant ainsi de 6,1 ans en 1966 à 3,6 ans en 1994. C’est
surtout après 1984, au lendemain de la crise économique, que l’âge au mariage des hommes
a augmenté, tandis que les changements dans le calendrier nuptial des femmes remontent à
1966.
Toutefois, l’ampleur de ces changements, intervenus depuis 1956, nous invite à les
mettre en exergue. Entre 1956 et 1966, une première phase a eu lieu pendant laquelle la
132 GASTINEAU, B. (2011). Transition de la fécondité, développement et droits des femmes en Tunisie. Marseille: Laboratoire Population-Environnement-Développement, Unité mixte de Recherche IRD-Université de Provence 151, série Population-Santé Documents de recherche n° 21, p. 10.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
70
nuptialité des jeunes filles de 15 à19 ans recule fortement sous l’effet du code cité
précédemment. Puis entre 1966 et 1975, le pays a connu une seconde phase, caractérisée
par une baisse considérable de la nuptialité des jeunes entre 19 et 24 ans. Ensuite, entre
1975 et 1980, une autre phase est survenue avec des évolutions moins fortes. Elles sont
devenues signifiantes durant les années 1984-1994, chez les tranches d’âges entre 20 et 34
ans.
I. 3.2 Population selon l’état matrimonial et le milieu
L’évolution de la population selon l’état matrimonial et le sexe, entre 1966 et 2004,
montre une augmentation de poids des célibataires dans la société au détriment des mariés,
passant de 26,3 % à 42,6 %. Elle signifie aussi la transformation structurelle de l’état
matrimonial, plus marquée chez les femmes que chez les hommes. Pour la même période,
la proportion des femmes célibataires a doublé, passant de 18,6 % à 38,0 % ; pour les
hommes, célibataires elle a augmenté aussi, passant de 33,8 % à 47,1 %.
Tableau 7: Répartition selon l’état matrimonial et le sexe entre 1966 et 2004
Célibataire Marié Veuf Divorcé
1966 2004 1966 2004 1966 2004 1966 2004
Masculin (%) 33,8 47,1 63,3 51,4 2,3 1,0 0,6 0,5
Féminin (%) 18,6 38,0 67,6 52,0 12,3 8,5 1,5 1,5
Total
Effectifs
(en milliers) 2 738,5 3 086,1 1 591,6 3 757,1 175,4 349,7 26,2 75,0
% 26,3 42,6 65,4 51,8 7,2 4,8 1,1 0,8
Source : RGPH (1966 et 2004).
Irrévocablement, le comportement de la population vis-à-vis de la nuptialité varie
selon le milieu de résidence.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
71
Tableau 8 : Population de 15 ans et plus selon l'état matrimonial et le milieu de résidence en 1994 (en %)
Célibataire Marié Veuf Divorcé Total
Milieu
communal
(urbain)
Masculin 45,3 53,2 1,0 0,5 100
Féminin 33,8 55,2 9,3 1,7 100
Ensemble 39,6 54,2 5,1 1,1 100
Milieu non
communal
(rural)
Masculin 44,4 54,0 1,3 0,3 100
Féminin 36,2 55,1 7,9 0,8 100
Ensemble 40,3 54,5 4,6 0,6 100
Source : RGPH 1994.
D’après le tableau 8, on peut constater, en 1994, que la proportion des femmes
célibataires en milieu non communal133 est plus élevée que celle du milieu communal (cette
tendance peut être expliquée par l’émigration à l’étranger des hommes en quête de travail).
Par ailleurs, le pourcentage des femmes mariées est pratiquement le même dans les deux
milieux, la proportion des femmes veuves et divorcées est plus importante en milieu
communal qu’en milieu non communal. En revanche, le pourcentage des hommes
célibataires en milieu communal est plus élevé qu’en milieu non communal, par rapport au
pourcentage des mariés. Par ailleurs, les pourcentages des hommes veufs ou divorcés dans
les deux milieux sont plus faibles que chez les femmes et leurs écarts entre milieux sont
négligeables.
I. 3.3 État matrimonial selon l’âge et le sexe
La comparaison de la situation matrimoniale par sexe et âge montre la différence
entre les deux sexes. Comme l’on peut le voir sur le graphique 9, la société tunisienne reste
néanmoins prisonnière de certains stéréotypes relatifs au statut de la femme, même après le
mariage. Car, souvent, une fois mariée, elle devient l’otage des plusieurs contraintes
sociales. En effet, la société ne tolère pas toujours le remariage de la femme suite au décès
de son conjoint ou à un divorce. Ceci explique bel et bien la persistance des proportions
élevées du veuvage et de divorce chez les femmes. Aussi l’espérance de vie chez les
133 Auparavant, on parlait de secteur rural et de secteur urbain, mais depuis l'enquête emploi de 1997, on parle de
milieu non communal (substituant le milieu rural) et de secteur communal (au lieu de milieu urbain). Le milieu
non communal, quant à lui, est l'ensemble des secteurs hors des périmètres communaux. Il englobe la population
vivant dans des agglomérations non érigées en communes et la population éparse vivant à l'état isolé
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
72
femmes, plus élevée par rapport aux hommes, peut être considérée comme un facteur
incontournable dans l’explication de cette différence.
Graphique 9 : État matrimonial selon le sexe et l’âge en 2004
Source :RGPH 2004.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
73
I. 3.4 Évolution des taux de célibat
Depuis le milieu des années soixante, les proportions de célibataires (pour les deux
sexes) n’ont cessé d’augmenter, particulièrement pour les tranches d’âges 20-35 ans. C’est
ainsi que le pourcentage des célibataires, dans le groupe d’âge 30-34ans par exemple, est
passé de 9,9 % en 1966 à 24,6 % en 1994 et à 39 % en 2004, soit une augmentation de
293 % entre 1966 et 2004, comme on peut le voir sur le tableau 9.
Tableau 9: Évolution des taux de célibataires (en %) par groupe d’âge
Année Groupe
d’âge 1966 1975 1984 1994 2004
15 -19 ans 90,3 96,8 96,6 98,5 98.8
20 -24 ans 53,8 68,9 75,4 84,4 90,6
25 -29 ans 24,2 30,0 38,1 54,0 68,3
30 -34 ans 9,9 9,9 13,7 24,6 39,0
35 -39 ans 5,2 4,5 4,8 9,2 17,4
40 – 44 ans 3,5 2,9 2,7 4,7 8,8
45 – 49 ans 2,7 2,3 2,1 2,7 4,9
Ensemble 26,3 35,9 37,9 39,9 42,6
Source: RGPH (1966 à 2004).
L’étude des taux de célibataires selon le sexe, par comparaison des résultats des
recensements de la population, concernant le taux de célibat entre 1984 et 2004, le
Graphique 10 montre que c’est le calendrier de la nuptialité féminine qui a connu le plus de
bouleversements. À titre d’exemple, entre 25 et 29 ans, seulement 24,6 % des femmes en
1984 sont célibataires contre 52,7 % en 2004. Cela indique que les jeunes filles repoussent
aussi de plus en plus l’échéance de leur premier mariage, à tel point qu’en 2004, pour la
tranche d’âge de 30-34 ans, un peu moins du tiers, plus exactement 28,0 % des femmes,
sont encore célibataires. Nous constatons sur le graphique 10 également la montée
remarquable du taux de célibat dans les groupes d’âge 20-24 ans et 25-29 ans.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
74
Graphique 10 : Évolution de taux de célibataires (en %) par sexe et groupe d’âge
Source : INS, RGPH ( 1984,1994 et 2004).
Cette transformation du calendrier de la nuptialité suit la même tendance chez les
hommes que chez les femmes. D’autre part, quelles que soient la tranche d’âge et l’année,
les hommes célibataires sont toujours plus nombreux que les femmes. En outre, on a
remarqué qu’à tout âge, pour chacun de deux sexes, le taux est plus élevé en 1994 qu’en
1984, et en 2004 qu’en 1994 : c’est-à-dire que les personnes repoussent de plus en plus
l’échéance de leur premier mariage.
Le graphique 10 montre l’entrée de plus en plus tardive des femmes dans la vie
conjugale, surtout pour le groupe d’âge 20-29 ans, ce qui peut être le résultat de
l’accroissement du taux de célibat. Cet accroissement est plus important chez les femmes
que chez les hommes, surtout pour le groupe d’âge 20-24ans. Les femmes sont passées
d’un cycle de vie essentiellement consacré au mariage à un nouveau cycle, où l’âge adulte
commence par une période assez longue de célibat.
I. 3.5 Évolution de l’âge moyen de premier mariage
L’étude de la nuptialité nous indique que l’âge moyen au premier mariage pour les
hommes comme pour les femmes n’a cessé d’augmenter, notamment chez les femmes,
passant de 20,9 ans en 1966 à 29,2 ans en 2001.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
75
Tableau 10 : Évolution de l’âge moyen de premier mariage et l’écart d’âge entre époux
Année Hommes Femmes Écart d'âge
1966 27,0 20,9 6,1
1975 27,1 22,6 4,5
1984 28,1 24,3 3,8
1994 30,3 26,6 3,7
2001 32,9 29,2 3,7
Source : INS, RGPH 1966 à1994, ONFP (Enquête tunisienne sur la santé de la famille 2001).
L’écart d’âge entre les époux a connu également une transformation. Il a chuté de
6,1 ans en 1966 pour stagner à 3,7 ans en 2001, comme nous pouvons le voir dans le
tableau 10. Ceci est dû principalement à la hausse de l’âge moyen au premier mariage des
femmes. Dans le monde rural, le déséquilibre matrimonial, causé notamment par
l’émigration des hommes vers les villes et/ou vers l’étranger, explique également la forte
augmentation de l’âge au mariage de femmes.
D’après le tableau 11, l’âge moyen au premier mariage augmente pour les deux
sexes dans le milieu rural et urbain, mais l’écart d’âge baisse d’une manière plus importante
dans le milieu rural que dans le milieu urbain. Ceci est dû principalement comme l’on a
déjà évoqué au déséquilibre dans le marché matrimonial. Le contraste entre un monde
rural, où les femmes se mariaient très jeunes, et un monde urbain où les filles se mariaient
plus tardivement tend à disparaître (Ben Brahim & Fourati, 2007).
Tableau 11 : Évolution de l’âge moyen au premier mariage et de l’écart d’âge entre époux selon le milieu
Année Masculin Féminin Écart d'âge
Urbain Rural Urbain Rural Urbain Rural
1966 28,0 26,2 21,8 20,2 6,2 6,0
1975 28,6 27,0 23,5 22,4 5,1 4,6
1984 28,6 27,3 24,7 23,7 3,9 3,6
1994 30,7 29,3 26,6 26,5 4,1 2,8
2001 33,3 32,2 29,0 29,5 4,3 2,7
Source : INS, RGPH (1966 à1994), ONFP (Enquête tunisienne sur la santé de la famille 2001).
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
76
I. 3.6 L’état matrimonial selon le niveau d’instruction
Le tableau 12 nous indique l’impact de la scolarisation sur la répartition de la
population selon l’état matrimonial. Il confirme que les changements provoqués par la
scolarisation massive, notamment celles des filles, ont joué un rôle très important dans la
transition matrimoniale en Tunisie. L’instruction et la prolongation de la durée des études
font apparaître de nouveaux espoirs et ouvrent la voie à un emploi. De ce fait, ces jeunes
filles retarderont leur entrée en mariage.
Selon l’enquête tunisienne sur la santé de la famille réalisée en 2001, plus des deux
tiers (67,1 %) des filles ayant le niveau secondaire et 58,2 % de celles ayant poursuivi des
études supérieures étaient célibataires au moment de l’enquête.
Tableau 12 : État matrimonial selon le niveau d’instruction et le sexe à l’âge de 15 ans et plus
Masculin Féminin
Célibataire Marié Veuf Divorcé Célibataire Marié Veuf Divorcé
Néant 6,9 86,4 6,2 0,5 13,0 63,8 2,6 1,6
Primaire 39,6 59,6 0,2 0,6 47,3 48,8 2,0 1,9
Secondaire 52,8 46,4 0,3 0,5 67,1 30,1 1,6 1,2
Supérieur 55,0 44,5 0,05 0,45 58,2 39,0 1,6 1,2
Source : Enquête tunisienne sur la santé de la famille 2001.
La prolongation de la durée des études n’est pas l’unique raison du recul de l’âge au
premier mariage. La même enquête de 2001 nous éclaire sur d’autres raisons, de nature
économique et sociodémographique, l’augmentation du coût des frais de mariage étant la
plus importante cause de recul de l’âge au mariage. Suivi en deuxième lieu par l’attente
d’un emploi. La poursuite des études constitue la troisième raison selon l’enquête.
Cependant, ce motif était beaucoup plus évoqué par les filles que chez les garçons.
GASTINEAU estime que « le déséquilibre du marché matrimonial »134(qui veut dire
que le nombre des femmes qui sont disponibles pour se marier est plus important que celui
des hommes à cause de l’émigration de ces derniers ou d’autres contraintes souvent d’ordre
financier) est un déterminant capital de la transition matrimoniale en Tunisie.
134 GASTINEAU, B. (2001, mai). La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement. Nanterre: Thèse pour Doctorat en Démographie, Université Paris X Nanterre, p. 142
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
77
Tableau 13 : Répartition des causes du recul de l’âge au mariage selon le sexe en %
Sexe féminin Sexe masculin
Augmentation des frais de mariage 30,9 33,9
Attente d’un emploi 18,7 21,1
Terminer ses études 17,5 13,3
Difficulté à trouver un logement 12,2 13,1
Difficulté à trouver le bon parti (conjoint) 5,8 5,4
La peur de la responsabilité du mariage 6,2 3,6
Autres causes 8,7 9,3
Source : Enquête tunisienne sur la santé de la famille 2001.
Dans son rapport en 2007135 l’ONFP a conclu que les déterminants du changement de la
nuptialité sont principalement :
Le développement de la scolarisation qui retient de plus en plus de femmes et les
soustrait du marché de la nuptialité ;
les mesures législatives issues du code du statut personnel, promulgué en août
1956, depuis revu, corrigé et consolidé ;
l’insertion de plus en plus importante notamment des jeunes filles sur le marché
du travail rémunéré ;
l’augmentation des coûts des cérémonies du mariage et de mise en place d'un
nouveau couple ;
l’émigration vers les grandes villes, en particulier vers l'étranger. Ce qui a
impliqué des déséquilibres d'effectifs de candidats au mariage ;
la montée de l'individualisme, la peur de l'échec de l'union, la peur d'assumer la
responsabilité familiale, etc. Tant de facteurs qui ont contribué à retarder l'entrée
en union des jeunes candidats au mariage.
Le même rapport estime que les conséquences de ces profonds changements de la
nuptialité sont d’ordre psychosocial et démographique.
135 Ben Brahim, A., & Fourati, H. (2007). Les changements profonds dans le phénomène de mariage en Tunisie : causes et conséquences économiques , sociales et démographiques de la nuptialité en Tunisie. Tunis: ONFP.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
78
L’évolution de l'âge moyen au premier mariage, synthétisée par un calendrier de
plus en plus tardif des femmes tunisiennes dans la vie conjugale et féconde, a
contribué d'une manière décisive au recul de la fécondité et à sa maîtrise.
L’influence du mariage sur la fécondité en Tunisie. Rappelons que cette
institution reste le seul cadre légitime et accepté socialement et culturellement.
En conclusion, en Tunisie, les changements de l’état matrimonial et le recul de l’âge
au mariage sont les résultats de plusieurs éléments ayant contribué à l’évolution du
calendrier de la nuptialité. Citons à titre d’exemple : les mesures législatives, la transition
entre scolarisation, formation et emploi, le chômage et l’émigration des jeunes. L’ensemble
de ces facteurs a eu un impact direct sur le retard de l’âge au premier mariage.
La situation matrimoniale en Tunisie a beaucoup évolué, conséquence de mutations
sociales profondes. On peut évoquer entre autres la scolarité et l’entrée des femmes dans la
sphère économique qui a aussi des effets sur la fécondité, ce que nous allons analyser dans
les paragraphes suivants.
I. 4 Transition de la fécondité en Tunisie
Il faut rappeler que la fécondité en Tunisie est fortement attachée à l’entrée en union. Dans
le même sens, Gastineau estime que « L’étude de nuptialité est indispensable pour l’étude
de fécondité en Tunisie »136. Dans les paragraphes qui suivent, nous allons analyser
l’évolution de la fécondité et ses déterminants.
I. 4.1 Taux brut de natalité
Le graphique 9 montre la baisse de taux brut de natalité, il est passé de 47,0 ‰ en
1967 à 16,8 ‰ en 2004 (cet indicateur est de l’ordre de 19,3 % selon l’INS). Cette baisse
du taux brut de natalité est le résultat de deux facteurs :
Le premier, que l’on peut qualifier de volontaire, se traduit par la politique officielle
conçue par l’État tunisien, visant à réduire le taux d’accroissement de la population par
l’application du planning familial. Ce programme veille à mettre en œuvre les législations
adoptées, telles que la limitation des allocations familiales aux quatre premiers enfants,
l’autorisation de la vente des contraceptifs et la libéralisation de l’avortement.
136 GASTINEAU, B. (2001, mai). La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement. Nanterre: Thèse pour Doctorat en Démographie, Université Paris X Nanterre, p. 214.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
79
L’autre facteur est lié à la structure par âge et sexe de la population tunisienne.
Manifestement, l’arrivée de classes d’âges creuses, conséquence des épidémies de typhus et
de typhoïde qu’a connues la Tunisie auparavant (femmes à l’âge du mariage depuis les
années soixante-dix), a engendré proportionnellement moins de naissances137.
I. 4.2 Taux de fécondité selon l’âge
L’évolution de la structure par âge de la fécondité confirme bel et bien l’état
d’avancement de la transition de la fécondité. Le graphique 11 montre que la baisse de la
fécondité a touché toutes les classes d’âges, avec un décalage de calendriers de naissances
(le groupe d’âge modal tend à la hausse). En 2006, la structure de cette fécondité est
semblable à celle du modèle classique caractérisée par une faible fécondité dans la classe
d’âge de 15-19 ans (6 ‰), suivie par une croissance légèrement rapide pour atteindre un
maximum chez les femmes de 30 à 34 ans (126 ‰) et ensuite une baisse régulière au fur et
à mesure que l’âge de la femme avance.
Graphique 11: Évolution des taux de fécondité générale par groupe d’âge en Tunisie (1966-2006)
Source : INS.
137 SEKLANI, M. (1974). La population de la Tunisie. Tunis: Année mondiale de la population 1974, CICRED, p. 52.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
80
I. 4.3 Indice synthétique de fécondité
On assiste depuis les années soixante à une baisse remarquable de l’indice
synthétique de fécondité138. Cet indice est presque passé au tiers de sa valeur dans la
période allant du début des années soixante jusqu'à 2011(tableau 14).
Pendant le milieu des années 1960, l’indice synthétique de fécondité était de l’ordre
de 7 enfants par femme. Depuis cette date, on assiste à une baisse continue, la fécondité des
femmes tunisiennes venant d’atteindre son niveau le plus bas depuis l’indépendance, juste
au seuil de renouvellement des générations, avec 2 enfants par femme en 2002 (tout juste ce
qu’il faut pour qu’une mère soit, à la génération suivante, remplacée par une fille et une
seule en l’absence de mortalité).
Tableau 14: Évolution de l’indice synthétique de fécondité en Tunisie depuis 1966
Année 1966 1972 1985 1994 1997 2002 2004 2008 2011
Indice synthétique
de fécondité (ISF) 7,2 6,0 4,5 2,9 2,4 2,0 2,1 2,1 2,2
Source : RGPH (1966 à 2004) et Enquête Population Emploi (2008 et 2011).
L’évolution de l’indice synthétique de la fécondité depuis 1966 et jusqu’à 2011, a
connu une baisse remarquable dans toutes les régions. Cette baisse de l’ISF a affecté tous
les gouvernorats du pays, mais d’une manière moins importante les gouvernorats du
Centre-ouest. Ces régions connaissaient des valeurs supérieures à la moyenne nationale
(voir annexe 4). En Tunisie, les comportements féconds sont sur la voie de l’uniformisation
sur l’ensemble du territoire. En effet, avec les progrès de la société tunisienne, les
différentiels de fécondité entre les deux milieux ruraux et urbains se sont considérablement
réduits (SAJOUX BEN SEDDIK, 2002).
138 Appelé aussi indice conjoncturel de fécondité ou encore somme des naissances réduites. Cet indice se définit comme étant le nombre d’enfants mis au monde par une femme durant sa vie
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
81
I. 4.4 Liens entre l’éducation et la fécondité
« De nombreux gouvernements encouragent l’éducation des
femmes non seulement pour promouvoir le développement
économique, mais également pour encourager la limitation des
naissances, augmenter l’usage des moyens contraceptifs modernes et
améliorer la santé des enfants »139.
Bien qu’il n’existe actuellement aucun consensus dans la communauté scientifique
sur les processus exacts par lesquels l’éducation influence les taux de fécondité140, nous
pouvons dire que l’élévation du niveau d’instruction est parmi les facteurs traditionnels
expliquant la baisse de la fécondité. Les femmes instruites se marient plus tard et souhaitent
avoir un nombre limité d’enfants. En cela, elles sont les adeptes par excellence de
l’utilisation des moyens de contraception, beaucoup plus que celles qui ont eu une scolarité
courte et les analphabètes.
En Tunisie, l’Enquête démographique et de Santé de 1988 indique un indice
synthétique de fécondité égal à 5,1 enfants, pour les femmes sans instruction, 3,9 pour
celles ayant eu une éducation primaire et 2,4 pour les femmes ayant poursuivi des études
secondaires ou supérieures. L’influence de l’instruction des femmes se traduit par le retard
de l’âge au mariage pour permettre la poursuite des études. Elle a surtout un impact sur les
mentalités des femmes comme des hommes (SANDRON, 1989).
Restons dans le sillage de travaux de GASTINEAU. L’auteur résume l’effet de la
scolarité des femmes sur leur descendance à deux niveaux, à savoir141 :
- l’effet mécanique, en retardant l’âge d’entrée en union ;
- en modifiant les aspirations des femmes en la matière, les femmes éduquées
souhaiteraient moins d’enfants.
La femme éduquée appréhende mieux l’utilité de la contraception et elle est plus
disposée à l’utiliser d’une manière plus efficace que la femme sans instruction [BULATAO
(1984) et RAYLINN (1966)]142
139 MEASURE Communication. (mai 2000). L’Éducation est-elle le meilleur moyen de contraception ? Washington: Population Reference Bureau, p. 1. 140 Ibid., p. 2. 141 GASTINEAU, B. (2001, mai). La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement. Nanterre: Thèse pour Doctorat en Démographie, Université Paris X Nanterre, p. 90-91. 142 Cf. FRINI, O. (2010). Éducation-fécondité et croissance économique en Tunisie. Cergy-Pontoise: Thèse de doctorat en sciences économiques, p. 93.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
82
En général, l’augmentation du niveau d’instruction justifie la baisse de la fécondité.
Cependant, d’autres facteurs socio-économiques peuvent aussi agir sur la descendance des
femmes. En cela« on ne peut ignorer que le recul de l’âge au mariage et la baisse de la
fécondité peuvent pour certaines femmes être le signe de certaines difficultés : chômage,
difficulté à accéder à un logement indépendant, etc. (BOUAZIZ, 2010)143
».
En conclusion, en Tunisie le processus de la baisse de la fécondité s’est produit en
majorité sous l’effet de facteurs tels que la scolarisation, la pratique contraceptive ou le
recul de l’âge au mariage (AYAD & JEMAI, 2001).
L’impact de la scolarité sur la fécondité fera l’objet d’un module dans notre étude de
cas. Ainsi nous aurons l’occasion de vérifier si le niveau d’instruction, notamment, pour les
étudiants du supérieur, aura des conséquences sur leur fécondité, et comment on peut le
justifier.
I. 5. Évolution et structure des ménages
« Les évolutions de la famille sont une clé intéressante pour
comprendre les évolutions de la nuptialité et de la fécondité. Ces évolutions
sont le résultat d’une double influence : le développement économique et
social (scolarisation, émancipation des femmes…) et la crise économique du
milieu des années 1980. »144
Le ménage est considéré comme l’unité statistique de base dans les opérations de
recensement, il comprend toutes les personnes qui vivent en commun. Le ménage, au sens
du recensement de la population, désigne l'ensemble des personnes qui partagent la même
résidence, sans que ces personnes soient nécessairement unies par des liens de parenté. Un
ménage peut être constitué d'une seule personne et au plus de six personnes vivantes sous
un même toit et qui mangent souvent les repas ensemble. Il peut comprendre zéro, une ou
plusieurs familles145. Dans la notion de ménage, il y a à la fois une notion de communauté
dans le budget et d’unicité d’habitation. Par contre, la notion de famille repose plutôt sur
des liens d’alliance entre parents et conjoints et sur le processus de reproduction qui en
143 GASTINEAU, B. (2011). Transition de la fécondité, développement et droits des femmes en Tunisie. Marseille: Laboratoire Population-Environnement-Développement, Unité mixte de Recherche IRD-Université de Provence 151, série Population-Santé Documents de recherche n° 21.p. 6. 144 GASTINEAU, B. (2001, mai). La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement. Nanterre: Thèse pour Doctorat en Démographie, Université Paris X Nanterre, p. 140. 145 Définition de l’INS.
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
83
découle. C’est donc plutôt un lien conjugal et filial. Une famille est la partie d'un ménage
comprenant au moins une personne.
Tableau 15 : Typologie des familles selon l’INS
1984 2004
Famille complète: il s'agit d'un couple vivant avec leurs enfants célibataires 63,5 % 59,9 %
Couple sans enfant célibataire: il s'agit d'un couple de jeunes mariés, ou un
couple qui a des enfants célibataires sans qu’ils habitent avec les parents, ou
couples avec enfants tous mariés, ou un couple qui n’a jamais eu d’enfants
9,5 % 9,1 %
Femme mariée avec des enfants: un cas de femme mariée habitant avec ses
enfants célibataires, dont le mari peut se trouver à l'étranger ou loin de la maison 2,7 % 2,2 %
Une femme veuve ou divorcée avec enfants célibataires 6,3 % 6,6 %
Un homme veuf ou divorcé avec enfants célibataires 0,9 % 0,7 %
Fratrie vivant ensemble sans père ni mère 1,1 % 1,7 %
Le noyau d'une famille composée d'une seule personne 16,0 % 18,4 %
D'autres cas non déterminés 0,0 % 1,4 %
Nombre des familles en milliers 1581,9 2644,9
Source : RGPH (1984 et 2044).
Il résulte de la comparaison entre 1984 et 2004 que le nombre des familles
complètes a baissé d’environ 4 points, contre la montée des familles composées d’une seule
personne passant de 16,0 % à 18,4 %, avec l’apparition de 1,4 % d’autres cas non
déterminés.
Dans les paragraphes qui suivent, on s’intéresse plus précisément aux ménages,
l’évolution du nombre de ménages est celle que montre le graphique 12 :
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
84
Graphique 12: Évolution du nombre et taille moyenne de ménages entre 1975 et 2008
Source : RGPH (1975, 1984, 1994 et 2004) et Enquête Population Emploi (2005 à 2008)
Le recensement de la population de 2004 a permis de dénombrer 2 185 839
ménages, contre 1 704 185 au recensement de 1994, soit un accroissement annuel moyen de
2,52 %. Cette augmentation de nombre de ménages entre les deux derniers recensements est
accompagnée d’une baisse remarquable de la taille de ménages, qui est de l’ordre de 4,5
personnes en 2004, contre 5,2 personnes en 1994. L’évolution du nombre des ménages est
plus remarquable en milieu urbain qu’en milieu rural. Entre les deux derniers recensements,
le taux d’accroissement annuel moyen est estimé à 3,1 % dans le milieu urbain, contre
1,3 % dans le milieu rural, cette évolution étant aussi plus remarquable sur les côtes et au
Nord-Est (voir annexe 5).
La forte concentration des familles sur les côtes du pays est due principalement à la
nature de ces régions, qui sont généralement des zones d’attraction pour la main-d’œuvre.
Cette même tendance dans les régions du Nord est due aux migrations des chefs de famille
à la quête d’un emploi. Une fois installés, ils peuvent faire venir leurs familles. Cette
situation est aussi remarquable dans la région de Kébili et Tozeur, où des mesures
d’aménagement et d’urbanisation ont été mises en œuvre pendant cette période (1994-
2004), qui touchent principalement la culture des palmiers.
Conclusion
Le chapitre 1 traite des mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie. Il
nous aide à comprendre leurs interactions avec le marché de l’emploi. L’évolution de la
population s’inscrit dans la droite ligne des différentes politiques de population mises en
Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________
85
place par les autorités depuis l’indépendance du pays afin de maîtriser la croissance
démographique.
La population tunisienne est relativement jeune, puisqu’en 2004 les jeunes de moins
de 20 ans représentent 27,7 % de la nation. Cependant la population est engagée sur la voie
du vieillissement. On observe en effet un rétrécissement de la base de la pyramide suite à la
baisse de naissances. L’âge moyen est en augmentation. Les projections de population à
l’horizon 2029 laissent entrevoir une baisse importante de la part des enfants de moins de
15 ans pendant que la part des personnes âgées de 60 ans et plus doublera. Conséquemment
le taux de dépendance démographique augmentera, pendant que le nombre d’adultes en âge
de travailler stagnera autour de 63 %. Le bonus démographique dont bénéficie le pays laisse
entrevoir de probables opportunités de croissance économique.
Sur le plan de la nuptialité, on observe une augmentation de l’âge au mariage aussi
bien chez les hommes que chez les femmes. Les différences de comportement matrimonial
entre le milieu rural et urbain tendent à disparaître. Ainsi l’âge moyen au mariage en milieu
rural s’allonge et avoisine celui du milieu urbain. À l’allongement de la durée des études
qui explique le recul de l’âge au premier mariage, il faut ajouter l’augmentation du coût du
mariage, l’attente d’un emploi ainsi que la poursuite des études pour les filles.
Le recul de l’âge au mariage, bien évidemment des femmes, aura des conséquences
directes sur la fécondité qui continue à baisser en avoisinant le seuil de renouvellement des
générations.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
87
Chapitre : Mouvements migratoires en Tunisie
Introduction
Par rapport aux autres phénomènes démographiques, l’étude de la migration est
sans doute la plus difficile en raison de son caractère renouvelable (DOMENACH &
PICOUET, 1995). Aujourd’hui, le phénomène migratoire a pris des dimensions diverses,
devenant un enjeu politique, économique et social majeur et un moyen de pression de
taille dans les relations entre les États nations. Par ailleurs, la désignation du phénomène,
tantôt par immigration, tantôt, par émigration, reflète l’extrême complexité du fait
migratoire, une migration étant perçue et désignée différemment, selon où on se situe
dans le pays. Véronique PETIT, définit comme « émigré tout individu qui quitte son pays
pour aller vivre dans un autre pays, dans ce nouveau pays il sera considéré comme un
immigré.146 » L’immigration internationale, qu’elle soit légale ou illégale (clandestine)
est devenue, au fil du temps, un élément primordial dans le développement de nombreux
pays. Les hétérogénéités économiques et sociales entre les deux hémisphères du globe
expliquent la direction des flux (PETIT,V. , 2002).
D'après l’approche économique, la migration internationale est pensée en tant
qu’une redistribution du travail. Les travaux de l’économiste classique Adam SMITH et
de certains autres économistes néoclassiques comme HARRIS et TODARO (1970) se sont
focalisés sur cette question, contribuant ainsi au développement de la théorie
néoclassique de la migration. Cette dernière postule que « les pays où le rapport
travail/capital est plus élevé tendent à l’équilibre vers un bas niveau de salaire alors que
les pays où ce rapport est réduit tendent vers des salaires élevés. La différence de salaire
qui en résulte incite les travailleurs des pays à faible salaire à émigrer vers les pays à
haut salaire. En conséquence, l’offre de travail décroit et les salaires montent dans les
pays de départ tandis que l’inverse se produit dans les pays d’arrivée, ce qui devrait
conduire à un nouvel équilibre où les différences de salaire entre pays ne refléteraient
146 PETIT, V. (2000). Les migrations internationales. Dans Y. CHARBIT, La population des pays en développement (pp. 99-129). Paris: Documentation Française.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
88
plus que le coût de la migration. À ce point les migrations internationales cesseraient » 147.
L’approche sociologique de la migration internationale rajoute que la migration
n’est pas toujours volontaire. Fondée par LEE Everett (1966), cette approche montre que
la migration internationale est gouvernée par des facteurs positifs, de nature attractive ou
de rétention (pull factor), et par d’autres, négatifs, de nature répulsive (push factor). Les
premiers sont considérés comme des facteurs d’appel, et les deuxièmes comme des
facteurs de départ148.
La migration internationale a des répercussions sur les structures
démographiques des populations des pays de départ et d’accueil. En effet, l’installation
des migrants internationaux contribue au rajeunissement des populations des pays
d’accueil et provoque en même temps un vieillissement dans le pays d’origine, étant
donné qu’en général l’immigration dans les pays d’accueil fait appel à une main-d’œuvre
jeune et masculine (PETIT.V., 2002). Les nouveaux profils de la migration internationale
sont donc liés aux transitions démographiques.(WIHTOL DE WENDEN, 2013).
La population mondiale compte sept milliards d’habitants. Environ un milliard
d’entre eux sont en situation de mobilité, dont environ les trois quarts (740 millions)
pour une migration interne et le reste (240 millions) pour des migrations internationales.
Le nombre de migrants qui ont traversé les frontières des États a triplé en quarante ans ;
il était de l’ordre de 75 millions au milieu des années 1970 (WIHTOL DE WENDEN, 2013,
p. 3). Cependant, la mobilité humaine s’accroît sans cesse et les inégalités économiques,
politiques, et sociales entre le Nord et le Sud persistent encore. D’un côté, ce sont les
conflits armés et les violations de droits humains, et surtout la situation de l’emploi, qui
continuent à pousser les individus à quitter leurs patries. D’un autre côté, le
développement prodigieux des moyens de transports et de communications a donné à ces
flux migratoires un puissant levier.
Dans notre travail, l’analyse des mouvements migratoires se justifie dans le fait
que, parmi les remèdes au problème d’insertion des jeunes diplômés, c’est l’expatriation
qui est privilégiée. Dans les paragraphes qui suivent, nous nous intéresserons aux deux
147 ZLOTNIK, H. (2003). Théories sur les migrations internationnales. Dans G. V. CASELLI, Les déterminants de la migration. (pp. 55-78). Paris: L'Institut National d'Études Démographiques, p. 56. 148 WIHTOL DE WENDEN, C. (2013). Les nouvelles migrations: Lieux, hommes, politiques. Paris: Ellipses, p. 15.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
89
dimensions, interne et externe de la situation migratoire en Tunisie en général, et à celle
des étudiants du supérieur en particulier.
II. 1 La migration interne
En Tunisie, depuis l’indépendance en 1956, la disparité régionale est une réalité
incontournable. Les populations des régions les plus défavorisées et les plus enclavées,
essentiellement le Sud, Nord-Ouest et du Centre-Ouest, ont été contraintes d’émigrer
vers les régions relativement prospères. C’est un mouvement d’exode rural de masse, qui
s’est dirigé principalement vers les régions du Sahel (la côte) et la capitale. Ces flux
migratoires internes ont modifié en profondeur le paysage socio-économique :
l’urbanisation massive et la destruction de la société rurale en sont les exemples les plus
probants.
Malgré la mise en place des politiques agricoles mutualistes au début des années
1970, visant à accroître l’exploitation agricole en freinant les déplacements des
populations locales, le pays continue de connaître des flux migratoires importants ; ils se
dirigent principalement vers les gouvernorats de Nabeul, Sousse Monastir, Sfax,
Médenine, Gabès et Tunis, villes qui constituent le nerf de l’économie tunisienne.
Ce phénomène s’explique essentiellement par la libéralisation de l’économie et par
les avantages accordés aux investisseurs privés qui se sont installés dans ces régions
littorales. Pendant la période intercensitaire 1994-2004, ces régions demeurent
attractives et enregistrent un solde migratoire positif. Cependant, les régions intérieures
du pays continuent à fournir l’essentiel des contingents, elles enregistrent des soldes
migratoires négatifs et cela depuis 1979 (tableau 16). En fait, ces populations fuient un
milieu contraignant: espace désertique, terre aride, pluviométrie faible.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
90
Tableau 16: Solde de migration interne entre 1979 et 2004
Solde de migration interne
(en mille) 1979-1984 1987-1994 1999-2004
Grand Tunis 45,5 44,8 57,3
Nord-Est -6,5 -0,2 3,4
Nord-Ouest -36,6 -35,9 -42,3
Centre-Est 8,9 18,6 47,7
Centre -Ouest -12,5 -23,9 -53,9
Sud-Est 1,5 -2,7 -2,1
Sud-Ouest 0,7 -3,6 -10,0
Source : Institut National de la Statistique (2008).
On peut parler aussi de l’existence d’une tradition migratoire bien ancrée dans
certaines régions de la Tunisie, notamment dans le Sud-Est149. Autrefois, les
autochtones, des bergers semi-nomades privés d’un espace pastoral, conduisaient leur
bétail vers les pâturages éloignés, voire par-delà la frontière la plus méridionale du pays,
en Tripolitaine, en Libye. Cette mobilité à travers l’espace est d’essence saisonnière, elle
est fortement liée à l’activité agricole. Or, depuis des décennies, l'aspect économique qui
caractérise cette région la plus méridionale du pays est en déclin constant (abolition de
grande transhumance, adoption de réformes agraires, etc.) et la population s’est
majoritairement sédentarisée. Durant la dernière période 1987-2004, cette région
enregistre un solde migratoire négatif, notamment pour les gouvernorats de Tataouine et
Gabès. Pourtant le gouvernorat de Médenine connaît un solde migratoire positif qui est
dû notamment au développement de l’activité touristique, dans les deux stations
balnéaires de Djerba et Zarzis.
II. 1.1 Migration interne selon le sexe
Durant la période allant de 1999 à 2004, la proportion de femmes parmi
l’ensemble des migrants est de l’ordre de 46,6 %150 contre 45,5 % pour la période de
1987 à 1994. Néanmoins, les statistiques fournies par l’INS, lors de l’enquête
nationale sur la population et l’emploi 2011-2012, montrent que 36,5 %151 des
149 Voir à ce propos l’ouvrage de MZABI, H. (1993). La Tunisie du Sud-Est, géographie d’une région fragile, marginale et dépendante. Tunis: Université de Tunis, Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis. 150 Source : Institut National de la Statistique (2008). 151 Cette proportion est fortement influencée par les évènements socio-économiques et surtout sécuritaires suite à la révolution de 14 janvier 2011.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
91
migrants sont des femmes, ces dernières se déplacent moins à cause de l'instabilité
politique et sécuritaire.
L’évolution du rapport de masculinité des migrants (rapport de nombre de migrants
hommes au nombre de migrants femmes) en Tunisie pendant les périodes 1969-1975 et
1999-2004 varie entre 1,24 et 1,15 (tableau 17).On peut avancer divers facteurs pour
expliquer ce quasi-équilibre migratoire entre les deux sexes. En effet, la promulgation du
code du statut personnel152, moment charnière de l’histoire contemporaine tunisienne, a
fait émerger la femme tunisienne comme acteur incontournable dans l’espace public.
Grâce à cette législation progressiste et unique dans le monde arabe, la femme tunisienne
se voit placée à l’égalité avec l’homme. Aussi, la poursuite des études et la recherche
d’un emploi ont augmenté la proportion de femmes dans les flux migratoires. Toutefois,
la migration féminine reste néanmoins involontaire, fortement cadrée par l’institution
familiale. Souvent, la femme quitte son lieu d’origine pour rejoindre son mari là où il est
installé. Il est donc difficile de considérer sa migration comme autonome, car elle
demeure incontestablement à charge d’un individu de sexe masculin.
Tableau 17 : Évolution du rapport de masculinité des migrants, depuis 1969
Période 1969-1975 1975-1980 1980-1984 1987-1994 1999-2004 20011-2012
Rapport
masculinité 1,24 1,12 1,09 1,06 1,15 1,74*
Source : Données de l’INS.
*La hausse de rapport de masculinité des migrants en 2011-2012 est due (comme nous
l’avons évoqué dans le paragraphe précédent) à un faible déplacement de femmes à cause
de l'instabilité politique et sécuritaire.
II. 1.2 Migration interne selon l’âge
Lors du recensement de 2004, l’âge moyen de la population migrante est estimé à
26,2 ans. Il est autour de 26,8 ans pour les hommes et de 25,6 ans pour les femmes. La
distribution par tranche d’âge de la population migrante montre l’importance de la
population âgée entre 15 ans et 39 ans. Cette première tranche d’âge représente 62,2 %
des migrants pendant la période 1999-2004, et demeure en constante augmentation pour
atteindre 69,9 % lors de l’enquête population et emploi de 2011. Les raisons de cette
152 Ce code est constitué de plusieurs lois promulguées en 1956, abolissant la polygamie et garantissant le droit de divorce, et la liberté d’entreprise et a promeut l’instruction, en rendant la scolarité obligatoire.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
92
migration restent principalement les mêmes : recherche de travail, poursuite des études
ou mariage. La deuxième catégorie est constituée par des jeunes de moins de quinze ans
se trouvant dans la contrainte de rejoindre leur famille et leur proportion chute de 38,8 %
à 22,3 % entre les deux périodes 1975-1980 et 1999-2004 ; cette baisse est
particulièrement expliquée par le fléchissement de la fécondité sur la même période. La
dernière catégorie est formée par les personnes âgées de 40 ans et plus, leur proportion
passe de 13,0 % à 15,5 % entre les deux périodes précédemment citées (tableau 18).
Cette répartition selon les groupes d’âge, lors de l’enquête sur la population et
l'emploi de 2011, est marquée par la baisse remarquable de personnes âgées de moins de
15 ans. Cette évolution est la conséquence d’une part d’une situation socio-économique
non favorable au déplacement des familles : instabilité politique et sécuritaire. D’autre
part, elle est due à la baisse du nombre de familles en mouvement. Le pourcentage des
migrants mariés (souvent en mouvement de famille) est de l’ordre de 13,3 % alors qu’il
était 46,3 % lors de la période entre 1999 et 2004.
Tableau 18 : Migration interne par tranche d’âge (en %)
1975-1980 1980-1984 1984-1989 1999-2004
moins de 15 ans 38,8 35,1 38,2 22,3
15-39 ans 48,2 51,8 47,5 62,2
40-59 ans 9,2 10,1 10,1 12,9
60 ans et plus 3,8 3,0 4,2 2,6
Total effectif 208 400 274 860 248 800 426 536
Source : Données de l’INS.
II. 1.3 Migration interne selon le niveau d’instruction
Habituellement, les migrations sont étudiées en termes de niveau d’instruction de la
population. Le tableau suivant confirme que le taux de sortie augmente fortement avec le
niveau d’instruction. Plus les individus ont un niveau d’études élevé, plus ils ont
tendance à migrer, en quête d’un emploi adéquat avec leurs formations. Dans ce sens,
MZALI Hassen estime que « l'acquisition d'un niveau d'instruction plus élevé, dans le
contexte de la valorisation du capital humain, pourrait augmenter sensiblement les
chances de trouver un emploi et pousserait en conséquence les individus à migrer. 153
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
93
Tableau 19: Structures des migrants (10 ans et plus) selon le niveau d’instruction (en %)
Niveau
d’instruction 1984-1989 1999-2004
Néant 21,8 9,3
Primaire 34,9 25,8
Secondaire 33,0 36,4
Supérieur 10,3 28,5
Total 248 800 426 536
Source : INS.
Le tableau précédent montre la hausse du niveau d’instruction des migrants. La part
des migrants possédant un niveau d’instruction supérieur parmi tous les migrants, âgés
de plus de 10 ans, a presque triplé, passant de 10,3 % à 28,5 % entre les deux périodes de
1984-1989 et 1999-2004 (tableau 19).
II. 1.4 La migration interne selon la cause principale
La répartition de la population des migrants selon le motif de départ, comme nous
indique le graphique 13, montre que 42,6 % de ces mouvements sont subis (par exemple
un membre se trouve dans l’obligation de partir avec sa famille). La proportion de
personnes qui sont en déplacement à la recherche d’un travail représente 26,0 % de la
population en mobilité.
153 MZALI , H. (1997). Marché du travail, migrations internes et internationales en Tunisie . Tunis: Revue Région et Développement n° 6. p. 161.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
94
Graphique 13 : Migration intérieure intergouvernorat selon la cause principale (1999-2004)
Sources : INS, RGPH 2004.
II. 2 L’émigration externe
La croissance démographique excessive qu’a connue la
Tunisie au milieu de XXe siècle est le déclencheur de l’émigration
tunisienne vers l’étranger. (RIMANI, 1988)
Jadis considérée comme un pays d’immigration, aujourd’hui la Tunisie s’est
transformée en terre d’émigration, voire de transit pour des migrants essentiellement
d’origines subsahariennes, en quête d’un moment propice pour rejoindre
clandestinement la Rive-Sud du Vieux Continent. En effet, la Tunisie est inscrite dans un
processus migratoire depuis la décennie de l’indépendance, il atteint son apogée à la fin
des années 60. Les Tunisiens vivant à l’étranger sont estimés, selon les statistiques du
ministère des Affaires étrangères à la fin de décembre 2006, à 973 140 ( SLIMANE &
KHLIF, 2009). Même si la migration tunisienne est la plus récente et la plus limitée dans
le temps par rapport à ses voisins maghrébins, notamment l’Algérie, jusqu’à récemment
grande pourvoyeuse de l’émigration, elle reste très importante.
Depuis longtemps, les pouvoirs publics donnent de plus en plus d’importance à la
population tunisienne à l’étranger par la création en 1988 de l'Office des Tunisiens à
l'Étranger154 (OTE). L’OTE a pour mission générale de fournir au gouvernement les
éléments et les données lui permettant de mettre en œuvre une politique d'encadrement et
d'assistance aux Tunisiens résidant à l’étranger. Il intervient socialement par l’écoute des 154 L'Office des Tunisiens à l'Étranger (OTE), créé en juin 1988 (Art.14 loi n° 60-88 du 2 juin 1988).
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
95
préoccupations des Tunisiens résidant à l'étranger ainsi qu’aux membres de leurs
familles restants en Tunisie. L’intervention économique de l’OTE consiste à inciter la
diaspora tunisienne à contribuer davantage au développement du pays, en leur
permettant de bénéficier d’un régime de taxation spécifique.
La Tunisie est aussi membre de l’Organisation Internationale du travail (OIT), depuis
1956. Pourtant, elle demeure, au moins jusqu’à l’avènement de la Révolution (janvier
2011), le seul pays du Maghreb qui n’a pas ratifié la Convention des Nations-Unies sur
les droits des travailleurs migrants. Bien qu’elle l’ait fait pour d’autres conventions, elle
s’est abstenue de ratifier leurs protocoles facultatifs aux droits de l’Homme, ou, dans les
meilleurs des cas, elle les applique avec restrictions. C’est ainsi que la Tunisie a
accumulé des retards dans la présentation périodique des rapports qu’elle est censée
établir et remettre à disposition des instances onusiennes concernées.
La migration tunisienne est en partie la conséquence d’une pression
démographique, survenue après une phase de transition de la population, dont les aspects
les plus saillants sont : l’accroissement accentué de son effectif, dû à un fort taux de
natalité et une chute spectaculaire de la mortalité. Souvent, l’émigration constitue pour
beaucoup de pays à l’instar de la Tunisie une soupape, allégeant considérablement le
taux élevé de chômage. Même si ce mouvement migratoire revêt au début de son
émergence un aspect fortement individuel, puisque cette main d’œuvre est venue
« volontairement » au secours d’une Europe en pleine construction au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale, il devient de plus en plus l’affaire d’État (SMAÏN LAACHER,
2010). Pour mieux contrôler ces flux migratoires, la Tunisie a conclu beaucoup
d’accords avec les pays d’accueil. Une première convention est signée avec la France en
1963, d’autres accords ont été signés avec la République fédérale d’Allemagne en 1965,
la Belgique en 1969, l’Autriche en 1970, la Hollande et la Libye en 1971.
À la fin de l’année 2006, la diaspora tunisienne se concentre principalement en Europe,
qui accueille 83,5 % de l’ensemble de cette population155, dont plus de la moitié vit en
France, 58,5 %. L’Allemagne (8 %) cède sa deuxième place en tant que pays d’accueil
traditionnel de la main d’œuvre tunisienne au profit de l’Italie (13 %)156.
155 Estimé à 973 140 personnes selon l’OTE, environ 10 % de la population tunisienne. 156 SLIMANE , L., & KHLIF, W. (2009). Les compétences tunisiennes à l’étranger : peut-on parler d’une diaspora scientifique ? L’Année du Maghreb dans revues.org: CNRS Éditions, p. 4.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
96
Dans le monde arabe, le volume de la communauté tunisienne est estimé à 129 664157
personnes, dont 90 735 vivent dans les pays de l'Union du Maghreb arabe, en particulier
en Libye. Quant à la migration tunisienne dans les pays du Golfe, elle reste fortement
cadrée par les conventions de coopérations techniques et ne concerne que très peu les
travailleurs. Pour la migration outre-Atlantique, elle est en constante augmentation, plus
de 25 650 Tunisiens y résident.
Tableau 20: Répartition des migrants tunisiens selon les pays d’accueil en 2006
Europe
Monde
arabe
USA et
Canada Asie Afrique Total
Données
éducationnelles
Élèves 135 483 14 088 1 996 215 73 151 577
Étudiants 37 370 1 484 4 203 195 74 43 326
Données
économiques
Actifs 501 684 91 578 17 716 448 1 009 612 435
Dont cadres 27 197 16 112 2 851 221 228 46 609
Dont
Hommes
d’affaires
42 710 13 519 3 121 116 164 59 630
Données
démographiques
Masculin 519 838 85 083 16 969 749 1 068 623 708
Féminin 295 644 44 581 8 681 317 209 349 432
Total 815 483 129 664 25 650 1 066 1 277 973 140
Source: (BEL HAJ ZEKRI, OTE, 2007).
Le tableau 20 est révélateur de plusieurs changements et mutations de la migration
tunisienne. Outre la féminisation des flux migratoires par rapport au nombre de migrants
hommes, on peut signaler les résultats suivants : en dépit d’un départ provisoire et limité
dans le temps et l’espace, la communauté tunisienne en Europe a choisi une installation
définitive dans les pays d’immigration. En effet, les premiers arrivants, travailleurs seuls
et isolés au début, ont été accompagnés plus tard, par leurs familles et se sont
sédentarisés durablement dans les pays de résidence. Au demeurant, cette migration a
changé considérablement, distillant ses effets sur les attitudes et les comportements des
émigrés tunisiens, y compris leurs perceptions démographiques.
157 BEL HAJ ZEKRI, A. (2007). La migration de retour en Tunisie. Étude de cadre législatif, du contexte socioéconomique et des processus de réinsertion des migrants de retour. Italie: Institut universitaire européen, p. 2.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
97
Comme l’indiquent les statistiques déjà avancées, les facteurs culturels jouent un rôle
déterminant dans l’installation des migrants tunisiens en France, à savoir le rapport
historique entre les deux pays : ancien colonisateur, familiarité avec la langue, etc. Cette
main-d’œuvre souvent non qualifiée a occupé des postes subalternes dans l’industrie
(fonderie, mines, etc.,) en tant qu’« O.S.» (ouvrier spécialisé), figure incontournable de
la première ère de l’immigration maghrébine en France. À partir du milieu des années
70, date de la fermeture inexorable des frontières européennes, cette donnée migratoire a
changé radicalement, annonçant des temps nouveaux pour l’émigration maghrébine en
général, et tunisienne en particulier. Le profil type de l’émigré gagne en relief, désormais
instruit et qualifié, surtout avec les arrivées des étudiants qui cherchent à perfectionner
leurs connaissances en Europe.
II. 2.1 Migration internationale des Tunisiens selon l’âge
Faut-il rappeler peut-être que l'immigration tunisienne en Europe est devenue moins
massive et plus qualifiée par rapport à celle en provenance d'autres régions d'Afrique.
Aujourd’hui, on parle d’une « troisième génération de la migration tunisienne » en
France. C’est une diaspora qui se rajeunit. Selon les résultats tirés du RGPH de 2004,
pour la période allant de 1999 à 2004, 75 773 personnes ont quitté le pays dont un peu
plus de la moitié des migrants sont âgés de 15 à 29 ans (55,4 %), et plus du tiers ont
entre 30 et 44 ans (36,1 %), comme le montre le graphique 14.
Graphique 14: Réparation des émigrés tunisiens selon le groupe d’âge entre avril 1999 et avril 2004
Sources : RGPH 2004.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
98
II. 2.2 Migration internationale des Tunisiens selon le sexe
Le décalage entre l’arrivée des hommes et celle des
femmes est observable tout au long de l’histoire de
l’immigration en France[…] La faiblesse de
l’immigration féminine de travail tiendrait donc, d’abord,
à des raisons socioculturelles. (YOUSFI, 2013)
La grande majorité des personnes ayant quitté le territoire est constituée par des
hommes (84,5 %), pour la période (1999-2004), contre 65 % lors de l’enquête nationale
pour l’emploi de 2011. Cette baisse de la proportion d’hommes parmi l’ensemble des
migrants est la conséquence de la participation des femmes, qui se voient la plupart du
temps indirectement impliquées : elles sont invitées à rejoindre, le cas échéant, leurs
époux pour s’occuper exclusivement des tâches ménagères158. Ce changement dans le
profil des migrants, particulièrement pour ceux résidants en France, traduit le passage
d’une immigration de travail, essentiellement masculine, à une politique de
regroupement familial, qui entraîne une féminisation progressive de la population
immigrée (YOUSFI, 2013).
II. 2.3 Migration internationale des Tunisiens selon la raison principale
La Tunisie a fait de l’émigration une politique pour pallier certains problèmes
économiques et sociaux. En effet, l’émigration joue un rôle essentiel dans la régulation
du marché de travail (MZALI, 1997) et allège la pression exercée par les demandeurs
d’emploi. La proportion de migrants en quête de travail dépasse largement celles des
autres émigrés, elle dépasse le ¾ des émigrants (79 %) entre mai 2011 et mai 2012
(tableau 21).
158 YOUSFI, N. (2013). Des Tunisiens dans les Alpes-Maritimes: une histoire locale et nationale de la migration transméditerranéenne (1956-1984). Paris: L'Harmattan, p. 90.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
99
Tableau 21: Répartition des émigrés tunisiens selon la raison principale d’émigration (en %)
Raison principale de l’émigration 1999-2004 2011-2012
Emploi 71,1 79,0
Études 18,0 6,7
Mariage 7,3 6,6
Rejoindre la famille 2,0 1,7
Autres raisons 1,6 6,0
Total 75 773 50 931
Sources : INS.
La seconde raison principale de la présence des Tunisiens à l’étranger est
scientifique (poursuite des études). L’émigration n’est plus exclusivement de travail :
aujourd’hui, cadres, universitaires et chercheurs se dirigent vers son portail. C’est ainsi
que le niveau d’instruction de la population migrante s’est élevé, comme l’on peut voir
dans le tableau 22.
Tableau 22: Réparation des émigrés tunisiens selon le niveau d’instruction (en %)
1987 2005
Néant 39,9 9,5
Primaire 44,9 24,5
Professionnel 5,0 12,3
Secondaire long 9,8 39,0
Supérieur 0,4 14,7
Source : Résultats des enquêtes OTE 1987 et 2005.
Les données publiées par l’INS, pour la période entre mai 2011 et mai 2012,
évaluent le nombre de migrants à 50 913 dont 16,5 % d’entre eux possèdent un niveau
d’instruction supérieur.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
100
II. 2.4 Mobilité internationale des étudiants du supérieur
« L’émigration n’est plus l’affaire de la seule main d’œuvre manuelle.
Elle devient, de plus en plus, l’affaire de cadres, médecins, universitaires et
chercheurs » (KOUIDRI ,2005)159
Dans le monde, le nombre de migrants qualifiés a augmenté de 70 % en dix ans,
contre 13 % pour les migrants non qualifiés160. Ceci est dû à l’augmentation du niveau
moyen de l’éducation dans les pays en voie de développement. Inéluctablement, le
niveau moyen d’éducation de la population migrante augmente aussi. Cependant, elle
demeure la plus intéressée par les politiques migratoires sélectives adoptées par plusieurs
pays d’accueil, ou encore la situation souvent désastreuse de l’emploi qualifié dans le
marché du travail de pays d’origine (GUBERT, 2009).
La mobilité internationale des étudiants signifie leur déplacement pour poursuivre
leurs études dans un pays étranger. Ce phénomène s’appelle « brain drain »161, il est
devenu très répandu dans le monde. En 2004, on estime leur nombre à 2,5 millions162.
En Tunisie, la mobilité internationale des étudiants découle d’une volonté politique
consistant à promouvoir le développement. À l’aube de l’indépendance, l’État nation est
en pénurie de cadres performants pour le développement de divers secteurs, notamment
le secteur éducatif. Dans cette perspective, un corps enseignant a été formé à l’étranger.
Le retour au pays de cette élite a contribué à ce qu’on appelle «tunisification» de
l’administration. Ce concept signifie la production massive de cadres supérieurs,
nécessaires pour le fonctionnement des institutions étatiques.
Aujourd’hui, cette donne tend à se renverser. Les mobilités des étudiants sont
devenues une quête d’un avenir professionnel meilleur à l’étranger. Ils sont de plus en
plus nombreux à mobiliser des ressources monétaires qui leur permettent de s’installer
dans le pays d’accueil. Cependant, cette mobilité peut revêtir deux formes : autonome ou
conventionnelle. Souvent, les étudiants s’expatrient et poursuivent leurs études par leurs
159 Cf. SLIMANE, L., & KHLIF, W. (2009). Les compétences tunisiennes à l’étranger : peut-on parler d’une diaspora scientifique ? L’Année du Maghreb dans revues.org: CNRS Éditions, p. 4. 160 GUBERT, F. (2009). Enjeux individuels et collectifs de la migration: Le point de vue des pays de départ. Dans A. CHEMIN, & J.-P. GÉLARD, Les migrants Craintes et espoirs (pp. 203-212). Rennes: Presses universitaires de Rennes. 161 La fuite de cerveaux. 162 Source : UNESCO, entre 1999 et 2004, le nombre d’étudiants mobiles dans le monde a progressé de 41 %, passant de 1,75 à 2,5 millions.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
101
propres moyens. Parfois, c’est l’État qui s’en charge, les programmes d’échanges
universitaires en témoignent163.
Quelle que soit la forme de ce mouvement migratoire, autonome ou
conventionnelle, la mobilité internationale des étudiants tunisiens est avant tout une
représentation sociale. Non seulement la poursuite des études dans une université
européenne est une source de prestige social par excellence, mais elle reste une
alternative au chômage endémique.
Évidemment, la migration des compétences tunisiennes trouve sa logique dans la
conjonction de plusieurs facteurs explicatifs, notamment:
- Un chômage des diplômés de l’enseignement supérieur en nette croissance, qui
atteint 29,2 % en 2011 ;
- L’inadéquation entre la politique de l’enseignement et la politique de l’emploi ;
- Le manque des mécanismes démocratiques assurant l’égalité des chances ;
- L’incapacité de l’économie nationale à répondre aux aspirations de ceux qui ont
acquis un haut niveau de qualification.
Les étudiants tunisiens se déploient à travers le monde, ils se répartissent de la
façon suivante : la France demeure leur destination préférée. Leur effectif est d’environ
15000 pour l’année universitaire 2011-2012, ce qui place la Tunisie au quatrième rang
des populations estudiantines étrangères en France164. L’Allemagne accueille aussi un
nombre croissant d’étudiants tunisiens, avec 2660 pour la même période. On estime leur
nombre en Roumanie à 1058 étudiants. L’Ukraine compte 616 étudiants, le Canada 583
étudiants et les États-Unis 301 étudiants.
L’engouement de la population estudiantine tunisienne pour la France s’explique
par les rapports historiques qui lient ce pays à la Tunisie. Le système universitaire est
très influencé par le modèle français : classes préparatoires, réforme LMD (licence,
master, doctorat) et la familiarité avec la langue française. Il offre aussi à ces étudiants
l’opportunité de poursuivre leurs parcours en France.
163 En 2008, trois universités tunisiennes ont participé au programme ERASMUS MUNDUS pour le projet Imageen (Internationale, Maghreb-Europe Education Network), qui permet de bénéficier d'une expérience internationale dans une université étrangère qui sera reconnue par le diplôme décerné par l'université d'attache tunisienne. Imageen vise à renforcer les échanges entre l'Europe et le Maghreb tant au niveau de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, qu'au niveau de la culture et de l'économie. Ce programme permet aux étudiants y participant d'obtenir une bourse de mobilité pour une période bien déterminée. 164 BLAY, D. (Novembre 2011). Fiche Tunisie. Tunis: Ambassade de France, Institut français de Tunisie, p. 3.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
102
II. 2.5 Migration clandestine
L’émigration « clandestine » est une forme migratoire adoptée par les jeunes qui
cherchent à franchir illégalement la frontière, souvent au péril de leur vie. Dans un
ouvrage récent, N. Yousfi définit cette nouvelle figure migratoire ainsi : « L’émigré
clandestin est celui qui « ne recule ni devant la mort, ni devant l’arrestation ni devant
l’emprisonnement. Il se rétracte, cependant, devant un seul défi, celui de gagner sa vie
dans son propre pays »165.
On les appelle en Tunisie et partout au Maghreb les « harraga », au pluriel
comme au singulier, ce qui signifie littéralement « les brûleurs des frontières ». Le
phénomène de la « harraga », apparu au début des années 90, désigne essentiellement le
passage des jeunes des frontières maritimes à bord d’embarcations de fortune pour
rejoindre l’Europe. En dépit de la fermeture hermétique des frontières européennes et de
l’instauration tardive de visa d’entrée dans l’Union européenne, ce phénomène
d’émigration clandestine a pris de l’ampleur. À la veille de la Révolution tunisienne, il
atteint son apogée : plus de 20 000 Tunisiens166 profitent du chaos sécuritaire qui règne
dans le pays au lendemain de la fuite du dictateur et débarquent à Lampedusa, l’île
italienne proche des côtes tunisiennes.
On peut dire que cette forme d’émigration intéresse plutôt les jeunes de sexe
masculin. Même si la proportion de mineurs et de femmes est en constante
augmentation, il faut rappeler qu’elles sont encore rares à tenter l’aventure de
l’émigration clandestine. Donc cette migration clandestine féminine n’est pas
inexistante, mais rare (NASROUI, 2013).
En effet, ce type de voyage initiatique nécessite des compétences migratoires et des
capacités « circulatoires », pour emprunter le terme d’Alain TARRUIS. Mehdi
MABROUK, l’un des pionniers qui ont travaillé sur le sujet des harraga (les brûleurs
des frontières), évoque le sexe, l’âge, le niveau d’instruction et la région d’origine
comme déterminants majeurs de cette émigration167.
La tranche d’âge concernée par ce flux est comprise entre 20 ans et 40 ans, elle est la
plus touchée par le chômage. Selon l’enquête réalisée en 2010 par l’Observatoire 165 YOUSFI, N. (2013). Des Tunisiens dans les Aples-Maritimes: une histoire locale et nationale de la migration transméditerranéenne (1956-1984). Paris: L'Harmattan, p. 25. 166 Selon Libération, on parle de quelques 20.000 mille Tunisiens et 8.000 Libyens, « Europe, la tentation de la forteresse », http://www.liberation.fr/monde/2011/04/26/europe-la-tentation-de-la-forteresse_731479 167 MABROUK, M. (2010). Voiles et sel : culture, foyers et organisation de la migration clandestine en Tunisie. Tunis: Sahar, p. 120-122.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
103
national de la jeunesse sur un échantillon de 10 000 individus âgés de 18 à 29 ans, les
2/3 de ces jeunes ont l’intention de migrer. Parmi eux 13 %, envisagent la migration
clandestine (NASRAOUI, 2013). Le chômage constitue le motif principal de la migration
clandestine, selon cette même enquête, 45,6 % des jeunes impliqués dans ce type
d’émigration sont en situation de chômage168.
Ces migrants sont généralement issus des régions côtières. On peut dire qu’il existe
quatre foyers de l’émigration clandestine : le Nord-Est, le Cap Bon, le sahel (la côte) et
Sud-Est). Le profil type de ces harraga a considérablement changé. Désormais, outre
ceux qui possèdent un niveau faible d’instruction, parfois, des diplômés, voire du
supérieur, se dirigent vers l’émigration clandestine. Cependant, ils restent très
minoritaires, seuls 5,1 %169 des jeunes diplômés du supérieur souhaitent migrer
clandestinement (NASRAOUI, 2013).
Conclusion
Ce deuxième chapitre traite des migrations. Deux composantes constituent ce
phénomène démographique : les migrations internes et les migrations internationales.
Sur le plan des migrations internes, on observe qu’elles ne sont pas nouvelles et
s’accroissent au fur et à mesure que les années passent. Les régions les plus attractives
en termes d’opportunités économiques engrangent des flux migratoires positifs au
détriment des régions économiquement défavorisées. Ainsi le grand Tunis, le Centre-Est
et le Nord-Ouest ont des flux positifs contrairement aux régions du Sud-Est, du
Sud-Ouest, du Centre-Ouest.
Les personnes de sexe masculin sont les plus nombreuses à se déplacer. Mais, avec
l’accroissement du niveau d’éducation des femmes du fait de la scolarisation accrue et
l’adoption de lois en faveur de la promotion des femmes et leur accès à l’emploi et à
l’autonomie, le profil du migrant interne se féminise de plus en plus.
D’une manière générale, les personnes les plus éduquées migrent plus souvent que les
autres. Sur le plan de l’âge, les personnes de la tranche d’âge 15-39 ans sont les plus
nombreuses.
168 NASRAOUI, M. (2013). Le migrant clandestin: Le paradoxe de l'être et de la société. Paris: L'harmattan, p. 154. 169 Ce faible pourcentage peut trouver l’explication dont l’existence d’autres types de migration pour cette catégorie des migrants, vu qu’ils ont plus des chances d’obtenir le visa, surtout pour les disciplines ou des métiers demandés à l’étranger.
Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________
104
Les migrations internationales sont la deuxième composante des migrations en Tunisie.
Ces migrations commencent dès la première décennie des indépendances et atteignent
leur apogée à la fin des années 1960. Elles s’expliquent en partie par la forte croissance
démographique du pays et les taux élevés de chômage qui frappent la population active.
L’Europe et surtout la France accueillent la majorité des migrants tunisiens. Les
personnes âgées de 15 à 29 ans (55,4 %), et de 30 et 44 ans (36,1 %) constituent les plus
importantes parts de la masse des migrants.
L’émigration est constituée, à l’écrasante majorité, par des migrants est de sexe masculin
et a pour cause des raisons socio-économiques. Il n’en demeure pas moins vrai que des
étudiants migrent également afin d’acquérir des compétences et dans l’espoir de
s’insérer plus facilement dans leurs lieux d’immigration.
Quelle que soit sa forme (interne ou externe, légale ou illégale), la mobilité des jeunes en
Tunisie est la résultante d’une situation économique peu favorable à l’emploi, conjuguée
à une expansion démographique caractérisée par l’arrivée massive sur le marché de
l’emploi des jeunes actifs, ainsi qu’aux inégalités économiques entre les pays et le
développement des réseaux migratoires.
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
105
Chapitre : Système éducatif en Tunisie
« L’éducation est l’un des principaux catalyseurs du
développement humain. (…) doit être un moyen de donner aux
enfants comme aux adultes la possibilité de devenir participants
actifs de la transformation des sociétés dans lesquelles ils vivent.
[...] En 1960, l'UNESCO a adopté la convention concernant la
lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement,
qui reconnaissait le rôle crucial de l'éducation pour assurer
l'égalité des chances de tous les groupes raciaux, nationaux ou
ethniques 170 ».
III. 1 Le développement du système éducatif en Tunisie
Depuis l’Indépendance, la Tunisie alloue une part considérable de son budget au
secteur de l’éducation, de l’enseignement et de la formation, avec une enveloppe de 2,9
milliards de Dinars en 2009 pour le ministère de l'Éducation et de la Formation, soit
16,25 % de budget d’État pour la même année (15,28 % pour l’éducation et 0,97 % pour
la formation)171. Le budget consacré à la gestion de l’enseignement supérieur est passé
de 89,7 millions de dinars pour l’année scolaire 1987-1988 à 974,1 millions de dinars
pour 2007-2008172.
Depuis longtemps, de grandes réformes ont été engagées dans ce secteur pour
instruire une économie reposant sur la promotion de l’homme et le progrès social. Parmi
les priorités citées dans le rapport du ministère de l’Éducation, il y a d’abord celle
relative au souci d’égalité des chances, permettant à tous l’accès à l’éducation
fondamentale. Ensuite, il y a la volonté manifeste de voir se constituer, grâce à une
éducation et une formation de qualité, les ressources humaines qui doivent prendre en
charge les problèmes de développement économique et social. La justesse de ces 170 UNESCO. (2001). Conférence mondiale contre le racisme la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Afrique du Sud, p. 9. 171 Ministère de l'Éducation et de la Formation. (année scolaire 2008 – 2009). Statistiques de l’éducation et de la formation. Tunis, p. 11. 172 Ministère de l'Enseignement supérieur. ( avril 2008). Les principaux indicateurs depuis l’Independence (1987-2008). Tunis: Repulique tunisienne, p. 14. Sur la période de vingt ans, le montant alloué pour l’enseignement supérieur était multiplié par dix, soit un accroissement annuel moyen de 12,7 %.
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
106
priorités est attestée par le niveau remarquable des performances scolaires réalisées
depuis l’indépendance ainsi que par les indicateurs de développement humain atteints
durant cette dernière décennie173.
Ceci a permis d’étendre la carte scolaire à toutes les régions du pays et d’installer
les écoles dans toutes les régions, y compris les régions les plus reculées, dites « régions
d’ombres » (ce sont des régions où les habitants possèdent un niveau de vie très modeste
et dans lesquelles les infrastructures sont quasi inexistantes). L’impact direct de ces
réformes a été la réalisation en 2008-2009 d’un taux de scolarisation de 99,2 %174 des
enfants de 6 ans, aussi bien au niveau des garçons que des filles. Il faut noter que ce taux
est plus important chez les filles après 6 ans, par exemple, il est de 90,4 % pour les
garçons du groupe d’âge 6-16 ans contre 92,4 % pour les filles.
III. 2 Système scolaire en Tunisie
L’enseignement en Tunisie s’organise sur trois niveaux d’études, commençant
par l’enseignement de base pendant neuf ans (avant la réforme des années quatre-vingt-
dix il s’appelait éducation primaire d’une durée de 6 ans), puis secondaire (autrefois
d’une durée de 6 ans et uniquement quatre ans, après la réforme), et supérieur
correspondant aux études post baccalauréat.
L’évolution du nombre d’étudiants par cycle d’enseignement, représentée dans le
graphique 15, montre la massification qu’a connue l’enseignement supérieur à partir du
début de ce siècle. L’évolution dans l’enseignement secondaire est aussi spectaculaire,
alors que dans l’enseignement de base les effectifs d’élèves connaissent une baisse sur la
même période.
173 TARHOUNI, F. (2000). Le développement de l’éducation en Tunisie entre 1996-2000. Tunis: Republique Tunisienne, Ministère de l’Éducation, p. 5. 174 Ministère de l'Éducation et de la Formation. (année scolaire 2008–2009). Statistiques de l’éducation et de la formation. Tunis.Republique tunisienne, p. 6.
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
107
Graphique 15 : Évolution du nombre d’étudiants (en millier) par cycle d’études en Tunisie
Source : Selon les données de l’ITCEQ, 2011.
Cette massification des effectifs, scolarisés en secondaire et supérieur, aura certes
des incidences sur la qualité de formation des étudiants, comme le confirme le rapport de
la Banque africaine de développement « la politique du libre accès à l’éducation pour
tous a été promue au détriment de la qualité de l’enseignement »175.
III. 2.1 L’enseignement de base
L’enseignement de base, jadis appelé enseignement primaire, résulte de
l’innovation la plus importante de la réforme du système éducatif de 1991. C’est un
enseignement de 9 ans, obligatoire et gratuit. Il est couronné par un examen national
pour l’obtention du diplôme de fin d’études de l’enseignement de base. Cet
enseignement est organisé en deux cycles d’études complémentaires :
- Le premier cycle : d’une durée de six ans, a pour objectif de faire acquérir à l’élève les
instruments de la connaissance, les mécanismes fondamentaux de l’expression orale et
écrite, de la lecture et du calcul, ainsi que les fondements de son éducation religieuse et
civique176.
- Le second cycle : d’une durée de trois ans, il a pour objectif de consolider la formation
reçue par l’élève au premier cycle et de lui procurer, à travers les différentes matières
enseignées, une formation générale qui renforce ses capacités intellectuelles et
175 Banque africaine de développement. (2012). Tunisie: Défis Économiques et Sociaux post-révolution. Tunis, p. 31. 176 Ministère de l’Éducation. (2000). Le développement de l’éducation en Tunisie entre 1996-2000. Tunis: Republique tunisienne, p. 17.
Primaire
Secondaire
Supérieur
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
108
développe ses aptitudes pratiques afin de lui permettre de poursuivre sa scolarité ou de
s’insérer dans la vie professionnelle en tant que citoyen responsable.
Le graphique 16 montre la baisse du nombre d’élèves du premier cycle de
l’enseignement de base qui passe de 1 326 150 à 1 006 488 élèves entre 1988 à 2009,
soit un quart d’élèves en moins. Cette baisse est le résultat de la maîtrise de la fécondité
et la baisse de l’ISF en Tunisie (comme nous l’avons montré dans le chapitre 1). On note
toutefois une augmentation du nombre d’écoles passant de 3 676 à 4 513 écoles, ce qui
agit directement sur le nombre moyen d’élèves par classe qui baisse de 30,5 à 22,2
élèves177.
Graphique 16 : Évolution du nombre d’élèves et d’enseignants du premier cycle
Source : Ministère de l'Éducation et de la Formation (année scolaire 2008 – 2009).
Cette situation (baisse de nombre moyen d’élèves par classe) doit avoir
normalement des conséquences positives sur la qualité de formation des étudiants, mais
la réalité est loin de justifier une telle affirmation. Car d’après le rapport sur des
évaluations internationales (TIMSS, PISA) de Nations Unies178, la Tunisie montre un
positionnement modeste et une faible progression dans le temps. Une récente étude179
confirme le rang peu honorable de la Tunisie parmi 65 pays concernés par ces études.
177 Ministère de l'Éducation et de la Formation. (année scolaire 2008–2009). Statistiques d’éducation et de la formation. Tunis, p. 8. 178 Zaafrane, H., & Ben Romdhane, H. (2007). Adolescents et jeunes en Tunisie : données et défis. Tunis: Nations Unies, p. 35. 179 «Ce que les élèves de 15 ans savent et ce qu’ils peuvent faire avec ce qu’ils savent» (2012), ce rapport dans le cadre des évaluations internationales(PISA), auprès d’élèves dans 65 pays. Les résultats pour la Tunisie sont affligeants, classés à l’arrière du peloton dans presque toutes les matières. Par exemple pour la performance des élèves en sciences, la Tunisie est classée 61e sur 65. Pour la compréhension de l’écrit, la Tunisie est classée 56e sur 65
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
109
Travailler dans le secteur de l’éducation nationale est le métier préféré des
diplômés titulaires d’une maîtrise. Le nombre de ces derniers ne cesse d’augmenter alors
que le nombre d’élèves connaît une baisse considérable (due à la baisse de la fécondité et
à une croissance démographique bien maîtrisée). L’occurrence de ces deux événements
aggrave depuis quelques années la situation du chômage des jeunes diplômés et constitue
un véritable défi pour le gouvernement tunisien.
III. 2.2 L’enseignement secondaire
Avant les réformes de 1991 qu’a connues l’éducation nationale, l’enseignement
secondaire était ouvert aux élèves terminant la sixième année de l’éducation primaire
avec succès. Aujourd’hui, ce cycle d’enseignement est ouvert aux élèves titulaires du
« diplôme de fin d’études de l’enseignement de base ».
Actuellement, il comporte deux cycles :
Le premier cycle de deux ans commun à tous les élèves a pour objectif de dispenser aux
jeunes une formation générale équilibrée; il leur permet d’acquérir une culture générale.
Le second cycle les rend aptes à maîtriser l’une des branches du savoir. L’enseignement
secondaire est sanctionné par l’examen d’obtention du diplôme du baccalauréat.
Les statistiques de l’enseignement secondaire fournies par le ministère de l’Éducation et
de la Formation dénombrent 485 établissements secondaires pour l’année scolaire 1988-
1989 contre 1325 pour l’année 2008-2009. Le nombre des élèves de ce cycle a plus que
doublé, passant de 186 013 à 475 483 élèves. Ces changements sur la même période ont
affecté le nombre moyen d’élèves par classe qui passe de 32,3 à 26,9 élèves180.
Cette évolution est prometteuse d’une demande de main-d’œuvre pour les
diplômés de l’enseignement supérieur, mais l’inversion de tendance dans les années à
venir (baisse de nombre d’élèves dans ce cycle de formation) constituera un autre défi
pour le gouvernement. Le recrutement des enseignants dans ce secteur d’activité doit
être bien étudié par rapport à l’évolution démographique que connaît le pays.
pour les mathématiques 56e sur 65. http://www.kapitalis.com/societe/19500-education-classement-pisa-les-eleves-tunisiens-derniers-de-la-classe.html 180 Ministère de l'Éducation et de la Formation. (année scolaire 2008–2009). Statistiques d’éducation et de la formation. Tunis, p. 8.
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
110
Quel que soit le cycle d’enseignement (de base ou secondaire), la motivation des
jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, surtout chez les titulaires de diplômes en
lettres, en sciences humaines et en sciences fondamentales, est de chercher des postes
dans l’enseignement secondaire (BEN SEDRINE, 2000). Cette tendance est très répandue
dans la société tunisienne. En vérité, être instituteur ou professeur, c’est avant tout le
moyen le plus sûr pour intégrer la fonction publique, fortement privilégiée par les
diplômés. Si la fonction publique est surveillée de très près et fortement centralisée, les
domaines comme celui de l’éducation publique continuent de recruter prioritairement les
enseignants (BEN SEDRINE, 2009). D’autre part, les personnes qui travaillent dans ce
secteur se distinguent par la représentation sociale, que la société tunisienne leur
attribue. En plus, travailler dans l’éducation nationale c’est être « Mouadhaf 181» ce
qui permet d’avoir plus de garanties, de stabilité et aussi d’être mieux vu par son
entourage.
III. 2.3 Efficacité de l’enseignement primaire et secondaire
Avant la réforme de 1991, le système éducatif tunisien contribuait à la mise à
l’écart des jeunes élèves ne possédant pas de formation suffisante leur permettant
d’affronter le marché de l’emploi. L’objectif de la réforme est d’améliorer le
rendement interne de système éducatif. Depuis, les taux de redoublement ainsi que
les taux d’abandon ont baissé. Cette réforme permet aux jeunes de rester à l’école
jusqu’à l’âge de 15 ans minimum, alors qu’auparavant l’examen de fin de cycle
primaire était un barrage en éliminant beaucoup à partir de la sixième année. Toutes
choses étant égales par ailleurs, l’augmentation des effectifs d’élèves du primaire
continue d’avoir des répercussions directes sur les effectifs du secondaire, et entraîne la
massification de l’enseignement supérieur.
III. 2.4 Formation professionnelle
Le Ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi créé en 1990. La loi
d’orientation relative à la formation professionnelle, décrétée en 1993, a instauré les
bases d’un nouveau système en relation de complémentarité avec le système éducatif et
de partenariat avec le système de production.
181 Fonctionnaire dans la langue arabe.
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
111
La formation professionnelle est organisée essentiellement selon deux axes182 :
La formation professionnelle de base vise à dispenser une formation permettant
d’acquérir les compétences et les connaissances nécessaires à l’exercice d’un métier ou
d’une profession. Cette filière facilite l’intégration des jeunes candidats dans la vie
active, ou à l’accès à une formation dans le cadre du système éducatif.
La formation professionnelle continue a pour but de consolider les connaissances
générales et professionnelles des bénéficiaires, de manière à les adapter à l’évolution des
technologies et des professions, à leur faire acquérir de nouvelles compétences pour
l’exercice d’une nouvelle activité, et à assurer la promotion professionnelle et sociale des
agents.
L’objectif quantitatif de la formation professionnelle est de renforcer les capacités
du système de formation professionnelle, à répondre instantanément aux besoins du
marché de l’emploi, à s’adapter aux mutations que connaît le secteur et à anticiper les
besoins futurs du pays en compétences.
Le Ministère de la Formation professionnelle et de l'Emploi s’est engagé dans un
vaste programme de mise à niveau de la formation professionnelle et de l'emploi
(MANFORME), structuré autour de quatre axes suivants :
- Le renforcement de la participation des entreprises dans la définition de leurs
besoins en compétences ;
- Le renforcement de la qualité, l’adaptabilité de l'offre et ajustement de sa
dimension à la demande identifiée ;
- la mise en œuvre d’une gestion active du marché de l’emploi et de la formation
continue ;
- l'implantation d'une démarche qualité dans chaque phase du processus d'offre et
de demande de formation professionnelle.
En Tunisie, la formation professionnelle s’est développée marginalement. Malgré
les efforts déployés par l’État pour développer ce secteur, les jeunes fréquentant ce type
182 Ministère de l’Éducation. (2000). Le développement de l’éducation en Tunisie entre 1996-2000. Tunis: Republique tunisienne, p. 55.
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
112
d’établissement sont souvent porteurs d’une image défavorable qui émerge dès le début
de leur arrivée dans les institutions de la formation professionnelle. Le rapport de la
Banque africaine de développement affirme l’idée selon laquelle la formation
professionnelle s’inscrit dans la politique de l’emploi et de la lutte contre le chômage,
mais la grande majorité des élèves choisissent de poursuivre leur scolarité dans
l’enseignement général183. Cette situation sociale rend difficile le souhait de certains
jeunes d’intégrer les centres de formation. Souvent, ce choix reste pour eux l’ultime
solution pour échapper au désœuvrement. C’est ainsi que la Banque africaine de
développement a pu postuler dans son rapport que : « le choix de la formation
professionnelle est essentiellement dicté par l’échec dans le cursus scolaire
secondaire »184. Aujourd’hui, le regard de la société vis-à-vis de la formation
professionnelle a changé, de plus en plus de jeunes s’orientent volontairement vers des
filières de formation professionnelle.
Faut-il signaler que le système éducatif tunisien ne permet pas une alternance entre
l’enseignement de base et la formation professionnelle. À titre d’exemple, la réussite à
l’épreuve de la fin de cycle d’enseignement de base ne permet pas un accès à une filière
de la formation professionnelle. Cette dernière est réservée à ceux qui ont échoué à leur
examen.
III. 2.5 L’enseignement supérieur
L’enseignement supérieur est une tradition bien ancrée en Tunisie.
Longtemps, la mosquée de la Zaytouna a constitué un haut lieu de savoir. Les
« medersas»185 aussi ont joué un rôle déterminant dans un enseignement
principalement religieux. La première université tunisienne proprement dite a vu le
jour en 1960. Aujourd’hui, on compte 195186 instituts d’enseignement supérieur. La
résorption des dysfonctionnements et le souci de faire de l’enseignement un des
facteurs clés de la réussite de la mise à niveau de l’économie sont devenus des
objectifs plus qu’impératifs. La signature par la Tunisie d’un accord de libre-échange,
183 Banque africaine de Développement & Organisation de coopération et de développement économiques (2008). Tunisie. Dans Perspectives économiques en Afrique (pp. 635-650), p. 647 184 Ibid., p. 647. 185 Des écoles coraniques. 186 Selon le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique (2013), la Tunisie compte 195 établissements d'enseignement supérieur et de Recherche, dont 24 Instituts Supérieurs d'Eudes Technologiques (ISET).
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
113
avec l’Union européenne, et son adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce
ont conduit à adopter une vaste réforme du système éducatif187. Depuis,
l’enseignement supérieur a connu plusieurs réformes, on citera ici les plus
importantes.
III. 2.5.1 Politiques et réformes en matière de l’éducation supérieure en Tunisie
L’employabilité doit désormais constituer l’axe premier qui
oriente tout travail de la réforme de l’enseignement supérieur. La Tunisie
a dépassé l’ère de pénurie de cadres qualifiés où tout produit de
l’université était inséré automatiquement dans le circuit économique. La
nouvelle donne nationale et mondiale rejaillit aussi sur l’université qui
est soumise comme l’ensemble de la société à la logique de l’efficience,
le souci d’insertion sur le marché de l’emploi implique une nouvelle
définition des objectifs et des moyens de la formation188.
L’université tunisienne a adopté plusieurs réformes et plusieurs ont été
appliquées, apportant aux futurs diplômés une formation adéquate à l’exigence de
marché de travail et en harmonie avec les mutations économiques et sociales. Les
réformes pédagogiques consistent à moduler rapidement les formations aux besoins de
l’économie et de la société, par la flexibilité du système universitaire de manière à suivre
le développement rapide des connaissances et des technologies.
L’instauration des partenariats entreprise-université a pour objectif de mieux préparer les
futurs diplômés au monde du travail. L’établissement d’un véritable trait d’union entre
l’école et l’entreprise permet la création de « pépinières » d’entreprises, lieux de savoir
et de savoir-faire, propices à l’apprentissage de la vie professionnelle des demandeurs
d’emploi.
Dans cette perspective, d’autres initiatives dédiées au développement de secteur
universitaire ont été prises. Citons les plus importantes :
- L’implantation des pôles universitaires dans toutes les régions constitue l’une de
priorités majeures de la décentralisation du secteur d’enseignement supérieur ;
187 YOUZBACHI, M. (2001). Les politiques d'éducation. Dans J. VALLIN, & T. LOCOH, Population et développement en Tunisie, la métamorphose (pp. 367-378). Tunis: CERES Éditions. 188 TARHOUNI, F. (2000). Le développement de l’éducation en Tunisie entre 1996-2000. Tunis: Republique Tunisienne, Ministère de l’Éducation, p. 80.
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
114
- Le financement de programmes de recherche-développement, visant à
améliorer la compétitivité de l’économie tunisienne ;
- Le développement de l’informatique et des moyens modernes de
communication ;
- Le développement de système « d’apprentissage tout le long de la vie ».
III. 2.5.2 Évolution et caractéristiques de l’enseignement supérieur en Tunisie
Le système universitaire tunisien adopte une mission principalement
quantitative (SIINO, 2000). En effet, la Tunisie s’est investie massivement dans
ce secteur, et depuis, le nombre d’établissements supérieurs n’a cessé
d’augmenter, passant ainsi de 59 établissements pendant l’année scolaire 87-88, à
195 établissements en 2011-12. De même, le nombre d’étudiants pour la même
période est passé de 43 787 à 339 619 étudiants, soit une multiplication par huit
en vingt ans.
D’après les projections du Ministère de l’Enseignement supérieur pour l’année
2030189, l’effectif estudiantin a atteint son maximum en 2011 avec 492 560 et baissera à
331 820 en 2029.
Le nombre d’étudiants du supérieur pour cent mille habitants est passé de 573 en
1987 à 3 427 en 2008190. La comparaison mondiale de cette proportion, illustrée dans le
graphique 17, montre la place qu’occupe la Tunisie parmi les autres pays du monde.
Cette proportion est plus importante que celle en France, Italie, et Suisse.
189 Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de la Technologie, (2004). 50 indicateurs de l’enseignement supérieur, de la rechrche Scientifique et de la Technologie. Tunis. p. 6. 190 Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de la Technologie. (2008). Les principaux indicateurs depuis la transition (1987-2008). Tunis: Republique tunisienne, p. 8.
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
115
Graphique 17: Nombres d’étudiants du supérieur pour 100.000 habitants : comparaison internationale (2009)
Source : Données UNESCO
La part des universitaires parmi tous les étudiants en Tunisie ne cesse
d’augmenter d’une année à une autre : en 2010-2011 leur proportion avoisine 14,4 %
contre 2,4 % en 1987-1988191, comme on peut le voir sur le graphique 18.
Graphique 18 : Évolution du nombre d’étudiants du supérieur dans l’enseignement global entre 1987 et 2010
Source : Données du Ministère de l’Enseignement supérieur.
191 Ibid., p. 8. Le nombre d’étudiants du supérieur pour cent mille habitants est passé de 573 en 1987 à 3427 en 2008.
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
116
Comment expliquer cette massification ?
En Tunisie, la massification des effectifs dans l’enseignement supérieur peut trouver son
explication dans plusieurs facteurs tels que:
- La présence massive des filles sur les bancs d’Université.
- La gratuité de l’enseignement en Tunisie a joué un rôle déterminant dans la constitution
d’un effectif de jeunes scolarisés en constante augmentation. (BEN SEDRINE, 2009).
- L’enseignement supérieur demeure l’unique possibilité offerte aux élèves du
secondaire. Car, comme nous l’avons déjà dit, le système ne permet pas d’autre choix, en
l’occurrence, la formation professionnelle ou un enseignement post secondaire
professionnalisé (A. HALLEB, S. BEN SEDRINE et A. MAHJOUB, 1996). L’inefficacité du
rendement interne des facultés peut aussi expliquer l’accroissement des effectifs du
supérieur. Said Ben Sedrine estime que le redoublement dans les facultés a amplifié la
massification de l’enseignement supérieur192.
Quelles que soient les explications qu’on peut donner à ce phénomène, la massification
produit une incertitude sur la valeur des diplômes, les compétences qu’ils certifient,
sur le capital humain dont ils sont censés être la mesure193, ce qui aura, sans aucun
doute, des retombées sur l’insertion professionnelle des diplômés.
Dans les paragraphes suivants nous essayons de cerner les caractéristiques les plus
saillantes de la population estudiantine, notamment, sa répartition par sexe, selon les
régions et par branche d’études.
III. 2.5.2.1 Répartition des étudiants selon le sexe
Comme nous l’avons déjà relaté précédemment, l’effectif des étudiants de
l’enseignement supérieur a connu un accroissement significatif. On enregistre aussi une
augmentation importante du pourcentage de filles dans la population estudiantine. Elles
représentent environ 61 %194 des effectifs en 2010-2011, contre 38,3 % au cours de
192 BEN SEDRINE, S. (2009). La Tunisie. Dans B. LABAKI, Enseignement supérieur et marché de travail dans le monde arabe (pp. 83-117). Beyrouth: Institut français du Proche-Orient (IFOP). 193 FELOUZIS, G. (2008). Des mondes incertains : les universités, les diplômés et l’emploi. Regards croisés sur les relations formation-emploi: La documentation française,p. 144. 194 Pour l’année scolaire 2010-2011, le Ministère d’enseignement supérieur dénombre 346 876 étudiants, dont 212 133 filles.
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
117
l’année scolaire 1999-2000, soit une multiplication de leur effectif par 2,33 en 11 ans,
passant de 90 694 à 212 133 étudiantes.
La comparaison mondiale de la part des étudiantes dans l’enseignement supérieur place
la Tunisie parmi les pays les plus avancés avec plus de filles que de garçons dans les
établissements supérieurs.
Graphique 19: Proportion d’étudiantes dans l’enseignement supérieur : comparaison internationale (2009)
Source : Données UNESCO
En Tunisie, la progression de la scolarité féminine, particulièrement celle des
universitaires, s’explique en partie par les efforts fournis par les pouvoirs publics pour
promouvoir l’enseignement. Les mutations des mentalités dans la société ont aussi
contribué à l’émergence des femmes dans l’espace universitaire. Progressivement,
l’aspect rétrograde de la société traditionnelle a disparu et les barrières érigées contre la
scolarisation de filles s’abolissent d’elles-mêmes. Auparavant, la plupart des familles
n’avaient pas suffisamment de moyens pour financer les études de leur progéniture, et se
trouvaient dans la contrainte de privilégier la scolarisation des garçons au détriment des
filles. Surtout que la société n’admet pas la sortie des filles en dehors du giron familial.
Dans certains milieux ruraux, on percevait d’un mauvais œil le déplacement de la femme
vers les mégapoles en vue de poursuivre ses études. La scolarisation des filles a eu une
influence très significative sur l’évolution des effectifs des étudiants dans les différents
cycles d’enseignement, surtout dans le supérieur.
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
118
Vers une répartition spatiale équitable des établissements universitaires.
La répartition spatiale des établissements universitaires était jusqu’aux années
quatre-vingts, marquée par une disparité : elle tend à suivre le très ancien clivage
littoral-intérieur, entre une Tunisie côtière, urbanisée, alphabétisée et relativement
industrialisée (la Tunisie « utile » du Protectorat), et un arrière-pays à activité
dominante agricole plus déshérité195. Pour remédier à ce problème, l’État a essayé
d’établir un certain rééquilibre entre l’intérieur du pays et le littoral, ainsi la carte des
établissements universitaires s’est élargie.
III. 2.5.2.2 Répartition des étudiants a ’
Avant 1976, l’orientation des étudiants selon la discipline se faisait d’une manière
libre, de telle façon que chaque étudiant pouvait choisir les études qu’il voulait suivre. À
partir de 1997, cette possibilité de libre orientation universitaire est de moins en moins
possible en Tunisie, au moment où le nombre de bacheliers a augmenté. Parmi les
slogans en vogue à l’époque : « un banc à l’université pour chaque bachelier »196, une
promesse qui reste tributaire du bon vouloir de l’État et de sa politique en la matière (à
condition de suivre l’orientation de l’État). Désormais, l’orientation des bacheliers
s’effectue automatiquement et par rapport au nombre de places disponibles dans chaque
établissement, en utilisant « un système de répartition par ordinateur selon la règle de
classement au mérite » (BEN SEDRINE, 1998).
L’examen des données concernant la répartition des étudiants selon la filière
représentée dans le tableau 23 fait apparaître cinq disciplines essentielles de formation, à
savoir : les sciences fondamentales, les sciences humaines, les sciences sociales, les
sciences médicales et les sciences techniques. Une nette préférence pour les filières
sciences sociales et sciences humaines apparaît : la proportion d’étudiants inscrits dans
ces deux disciplines dépasse 55 % pour les années quatre-vingt-dix.
Le secteur des sciences médicales recrute de moins en moins d’étudiants : entre 1980 et
2005, la proportion passe de 16,3 % à 5,8 %. La part des étudiants en sciences
195 SIINO, F. (2000). La construction de système universitaire tunisien flux croisés et importation des
pratiques scientifiques. Dans V. Geisser, Diplômes maghrébins d'ici d'ailleurs trajectoires sociales et itinéraires migratoires (pp. 76-91). Paris: CNRS ÉDITIONS.
196 Un des mots d’ordre de la Tunisie (ministère d’Enseignement supérieur ,2002)
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
119
fondamentales est en relative régression : elle passe de 18,7 % à 11,2 % sur la même
période.
La branche sciences techniques, malgré une légère baisse sur la période de 1990 à 2000,
représente en 2005-2006 environ 27,7 % du total des étudiants contre 16,6 % en 1980-
1981. Cette évolution peut s’expliquer par le fait qu’auparavant le désintérêt pour les
sciences techniques tenait aux images véhiculées valorisant les disciplines classiques au
détriment des disciplines techniques, qui relèveraient plutôt de l’apprentissage (SIINO,
2000).
Tableau 23: Évolution des proportions d’étudiants selon la branche de formation
(en %) 1980-1981 1990-1991 1999-2000 2005-2006
Sciences fondamentales 18,7 13,6 14,7 11,2
Sciences humaines 21,2 34,2 27,9 21,3
Sciences médicales 16,3 10,9 6,5 5,8
Sciences sociales 27,2 28,5 36,0 34,1
Sciences techniques 16,6 12,8 14,8 27,7
Effectifs totaux 31 827 68 535 180 004 321 838
Source : Données du Ministère de l’Enseignement supérieur.
III. 2.5.3 Les diplômés du supérieur
L'augmentation du volume des diplômés repose
sur l’expansion des taux de scolarisation et l'allongement
des études qui additionnent leurs effets parce qu'ils sont
sociologiquement associés dans presque tous les pays197.
Le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur en Tunisie a décuplé sur la
période allant de 1981 à 2005, passant ainsi de 4 946 à 46 644 diplômés, comme en
témoignent les données du tableau 24.
197 PASSERON, J.-C. ( 1982). L'inflation des diplômes : Remarques sur l'usage de quelques concepts analogiques en sociologie. Dans Revue française de sociologie (pp. 551-584.).
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
120
Tableau 24 : Répartition des diplômés de l’enseignement supérieur selon les cycles entre 1981 et 2005
(en %) 1981 1991 2001 2005
Filière courte 36 25 25 40
Filière moyenne 50 60 64 51
Filière longue 14 15 10 9
Effectifs totaux 4 946 5 536 24 543 46 644
Sources : Données de ministère de l’Enseignement supérieur (M.E.S).
L’évolution la plus importante concerne les filières courtes, celles développées
dans les Instituts Supérieurs d’Enseignement Technologique (ISET). Cet engouement
s’explique par la réputation sociale dont jouissent ces filières, considérées comme des
débouchés logiques pour l’emploi. Ce sont en effet des branches courtes de
l’enseignement supérieur qui contribuent à sa massification, tout en réduisant la durée
des études. Concernant le cycle moyen, malgré la baisse récente (2001-2005) la
proportion de diplômés reste majoritaire (51 % en 2005). D’autre part, l’instauration en
2005 de système « LMD » raccourcira la durée d’étude d’un bon nombre d’étudiants,
dans la mesure où il réduira d’une année la période d’étude de la maîtrise (4 ans) par la
licence (3 ans).
La diversification et l’intensification des filières dans l’enseignement supérieur se
sont bien développées ces dernières années en Tunisie, particulièrement dans les filières
courtes, or ce mouvement de diversification n’a pas été accompagné d’une approche qui
réponde aux besoins du marché de l’emploi. La démarche suivie pour l’élaboration des
programmes reste fondée sur une logique disciplinaire (BEN SEDRINE, 2000). Sur le plan
institutionnel, un lien formel est établi entre les établissements de formation et le marché
de l’emploi. Cependant, BEN SEDRINE198 estime que l’absence des liens structurels entre
les établissements d’enseignement supérieur et le marché du travail reste une
caractéristique importante du dysfonctionnement de l’enseignement supérieur, et que la
professionnalisation de l’enseignement supérieur en Tunisie est une mission à construire.
Comme nous l’avons déjà relaté, la massification de l’enseignement supérieur
engendre inéluctablement une expansion du nombre de diplômés, ce qui pourrait avoir
des répercussions négatives sur la valeur des diplômes : Car, l'inflation des diplômes,
198 BEN SEDRINE, S. (2009). La Tunisie. Dans B. Labaki, Enseignement supérieur et marché de travail dans le monde
arabe (pp. 83-117). Beyrouth: Institut français du Proche-Orient (IFOP).
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
121
comme toute inflation, tend à réduire leur valeur (DURU-BELLAT, 2006). Entre le boom
des diplômés et leur problème d’insertion professionnelle, l’Université devra accentuer
la rigueur des sélections afin de réduire les sentiments de frustration éprouvés par les
diplômés qui n’accèdent pas aux emplois qualifiés, ou faire accepter l’idée qu’elle est
dédiée à la vie de l’esprit et qu’elle ne délivre aucun passeport professionnel
(BIENAYME, 1986)199.
III. 3 Efficacité du système éducatif tunisien
Le système scolaire en Tunisie a connu au cours des dernières décennies des
mutations profondes, à la fois au niveau de la réorganisation spatiale et dans le contenu
des formations. Cependant, ses défis restent nombreux. Le rapport de la Banque
mondiale citera les plus importants200.
Encadré 1 : Les défis majeurs du système éducatif en Tunisie, selon le rapport de la
Banque mondiale.201
Faible niveau de compétence : le faible niveau de compétence des élèves du système éducatif
pré-universitaire est relevé à trois niveaux : (i) un nombre croissant de sortants du système sans
diplôme et sans qualification, (ii) un niveau insuffisant d’acquisition des compétences pour les élèves
progressant dans le système, et (iii) une amélioration de l’efficacité interne de l’enseignement
primaire ne relevant pas une réelle progression de la qualité de l’enseignement. Cela se manifeste par
une régression de l’efficacité dans les cycles préparatoires et secondaires. L’amélioration des
compétences des élèves et des performances du système passe par moins de rigidité, plus
d’adaptabilité et une plus grande prise en compte de la diversité des niveaux et des aptitudes des
élèves pour les différents niveaux d’études et de formation.
Articulation entre les différents niveaux d’enseignement : la régulation des flux d’élèves entre les
différents niveaux d’enseignement et de formation obéit à trois considérations majeures : i)
l’effectivité du principe de l’apprentissage tout au long de la vie en offrant des opportunités
d’apprentissage à toutes les tranches d’âge et aux différents niveaux d’éducation, ii) la nécessité de
passerelles entre les différents niveaux d’enseignement et de formation en introduisant des
motivations et en évitant les cursus à horizons fermés, iii) l’importance de la cohérence et des
199 Cf. BEN KAHLA, K. (2000). La « crise » de l'Université tunisienne au crible de la banque mondiale: Analyse critique d'une rhétorique opportuniste. Dans V. GEISSER, Diplômés maghrébins d'ici d'ailleurs: Trajectoires sociales et itinéraires migratoires (pp. 154-175). Paris: CNRS ÉDITIONS, p. 168. 200 ZAAFRANE, H., & BEN ROMDHANE, H. (2007). Adolescents et jeunes en Tunisie : données et défis. Tunis: Nations Unies, p. 40. 201 Texte polycopié, Ibid., pp. 40-41.
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
122
complémentarités entre les programmes des réformes et en matière d’options de développement des
différents niveaux d’éducation et de formation.
Efficacité externe: le système éducatif doit accompagner l’orientation stratégique d’intégration de la
Tunisie dans l’économie mondiale et de son ouverture sur son environnement international. Le choix
de promotion de la société de savoir passe par une amélioration de la compétitivité basée sur la
qualité des ressources humaines sortants des écoles, centres, facultés et instituts. L’employabilité des
diplômés de la formation professionnelle et des universités doit être assurée à travers un mécanisme
performant d’information, doté de facultés de réaction et d’adaptation par rapport aux besoins de
l’économie.
Enseignants et formateurs: les performances des enseignants et des formateurs sont tributaires de
leurs niveaux de formation et du degré de leur motivation. L’amélioration de ces facteurs nécessite
une intervention au niveau de la formation initiale et continue des enseignants et l’amélioration des
facteurs d’incitation et de motivation. Cela suppose le développement d’un système d’évaluation
mesurant les performances et les impacts et détectant les champs d’amélioration.
Gouvernance : la réussite du système éducatif est étroitement tributaire de la qualité de sa
gouvernance. Cela concerne quatre axes majeurs : i) l’adhésion des différents acteurs et bénéficiaires
du système éducatif est une condition essentielle de sa bonne gouvernance. Les priorités des
ménages et des parents et celles du système productif doivent pouvoir émerger et être prises en
compte dans les politiques du secteur. Cette participation des ménages et des agents économiques
doit revêtir un rôle actif et responsable à travers une plus grande implication dans les choix et dans le
suivi, ii) l’amélioration de la gestion des établissements d’enseignement et de formation et de leurs
facultés d’adaptation et de réactivité efficace par rapport aux évolutions de la demande et aux
mutations du marché de travail passe par une plus grande décentralisation et une meilleure
autonomie de gestion, iii) la recevabilité du système d’éducation et de formation envers la société et
envers ses bénéficiaires constitue un élément fondamental d’amélioration de ses performances, de
son impact et de sa gestion, iv) le système de gestion, de pilotage, de suivi et d’évaluation du secteur
de l’éducation et de la formation est le garant de la qualité de réalisation des programmes et de la
mise en place des politiques et des réformes.
Conclusion
En résumé, on peut dire que, ces dernières années, le système scolaire tunisien a
connu des mutations profondes et des défis majeurs qui le mettent parfois en cause.
L’arrivée massive de jeunes diplômés sur le marché de l’emploi, souvent sans aucun
antécédent professionnel et avec aucun espoir de trouver un emploi, nous invite à
repenser le système éducatif tunisien. À présent, ses symptômes anomiques se sont
manifestés au grand jour :
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
123
Le système scolaire souffre de sa faible efficacité, surtout au niveau interne, où le
taux de redoublement et d’abandon sont assez élevés202.
Nous pouvons dire qu’inviter les élèves dès leur jeune âge à s’orienter davantage
vers la formation professionnelle permet de réduire non seulement le coût global de
l’investissement en capital humain, mais aussi le coût de fonctionnement du dispositif
institutionnel. Cela permet d’améliorer l’efficacité interne et externe du système national
des ressources humaines203.
Certes, le boom des étudiants du supérieur et l’explosion du nombre de diplômés204 ont
des répercussions sur l’insertion professionnelle. En Tunisie, d’ailleurs comme dans
plusieurs pays du monde, l’accroissement du nombre de diplômés du supérieur constitue
un défi primordial en matière d’emploi. L’INS estime que le taux de chômage des
diplômés du supérieur a grimpé de 3,8 % en 1994 à 19,3 % en 2007, pour atteindre
33,2 % au cours du dernier trimestre de 2011 (ce que nous exposerons en détail dans le
chapitre consacré à l’emploi). Cependant, cette situation reste fortement préoccupante
pour les étudiants, les familles et le pouvoir politique. C’est pourquoi l’efficacité externe
de l’Université et la qualité de l’enseignement et de la recherche doivent tenir compte de
tous les éléments qui constituent « l’environnement » universitaire205.
202 YOUZBACHI, M. (2001). Les politiques d'éducation. Dans J. VALLIN, & T. LOCOH, Population et développement en Tunisie, la métamorphose (pp. 367-378). Tunis: CERES Éditions. 203 HALLEB, A., & BEN SEDRINE, S. (mars 2006). Caractéristiques du Marché du Travail en Tunisie, Politiques de Développement des Ressources Humaines et Politiques d’Emploi.Situation en 2005. Étude réalisée avec l’appui de GTZ. 204 Le nombre des diplômés du supérieur passé de 4473 l’année 1987à 58 598 l’année 2007, les prévisions du Ministère d’enseignement supérieur estiment cet effectif à 100 000 pour l’année 2015. 205 BEN KAHLA, K. (2000). La « crise » de l'Université tunisienne au crible de la banque mondiale: Analyse critique d'une rhétorique opportuniste. Dans V. GEISSER, Diplômés maghrébins d'ici d'ailleurs: Trajectoires sociales et itinéraires migratoires (pp. 154-175). Paris: CNRS ÉDITIONS, p. 165.
Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________
124
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
125
Chapitre : Caractéristiques et évolution de la
population active
Introduction
La Tunisie, à l’instar de plusieurs autres pays africains, ayant nouvellement acquis leur
indépendance politique, s’attèle à mettre en place les fondements d’une société
économiquement et socialement viable. L’objectif étant d’assurer aux populations un
mieux-être, en mettant chacun à contribution selon ses capacités. Pour ce faire, l’emploi
sera considéré comme l’un des principaux leviers de la politique sociale et économique
en Tunisie. Les autorités élaborent un cadre cohérent qui permet de baliser l’emploi en
Tunisie : la politique de l’emploi.
Dans ce chapitre consacré aux caractéristiques de la population active et son évolution,
nous étudierons dans un premier temps les différentes politiques de l’emploi. En effet, en
fonction de la conjoncture, les autorités revoient la politique de l’emploi afin qu’elle
puisse mieux prendre en compte les nouvelles réalités démographiques, économiques,
éducationnelles, sociales et politiques du pays. Nous mettrons également l’accent sur les
différents fondements de ces politiques, leurs acquis et leurs faiblesses.
Dans un deuxième temps, nous évoquerons les concepts et méthodologies utilisées dans
les différentes enquêtes relatives à l’emploi, ceux-ci évoluant régulièrement afin de
mieux rendre compte de la réalité conjoncturelle et aussi d’être en conformité avec les
normes internationales. Enfin nous analyserons la population active tunisienne au niveau
de sa structure et de ses évolutions passées, présentes et à venir, car la population active
est l’élément central de toute politique de l’emploi.
IV.1 Politiques de l’emploi en Tunisie
IV.1.1 Fondement des politiques de l’emploi
En Tunisie, le premier plan de développement économique et social remonte à
1962-1966. Parmi ses objectifs, nous pouvons citer entre autres la fourniture de
renseignements pratiques et indispensables pour les politiques en matière d'emploi.
Depuis les années soixante, le pays a connu une dizaine de plans (actuellement nous
sommes au 12e plan couvrant la période 2010-2014). Les programmes d’emploi sont des
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
126
traitements du dysfonctionnement du marché de l’emploi206, se complètent et résolvent
les problèmes connus dans les programmes précédents.
On peut distinguer deux phases importantes des politiques d'emploi en Tunisie. La
première correspond aux années soixante, avec un taux de chômage élevé et une
population peu instruite. Les programmes associés à cette politique visaient le domaine
de l'infrastructure et de l'aménagement du territoire. La deuxième phase débute dans les
années soixante-dix, avec des diversifications dans les programmes et les politiques
d'emploi. Elle s’étale sur plusieurs périodes:
* La période couvrant les années soixante-dix et les années quatre-vingt,
marquée par l'élaboration en 1973 du Programme de Développement Rural (PDR),
remplacé en 1984 par le Programme de Développement Rural Intégré (PDRI). Le but de
ce programme était l'amélioration des conditions de vie des populations rurales et
l'accroissement de la production et du revenu. Le bénéficiaire de cet instrument doit être
âgé entre 20 et 55 ans, il doit justifier qu'il est originaire de la zone d'intervention, que
son revenu annuel ne dépasse pas 2500 dinars (environ 1250 euros) et qu'il n'a pas
bénéficié auparavant d’avantages similaires.
Cette période a vu la naissance en 1972 de l'Agence Tunisienne de Coopération
Technique (ATCT), sous la tutelle du ministère du Développement et de la coopération
internationale. Cette agence est équipée d'une structure organisationnelle extensible,
formée d'une direction générale et de services spécialisés d’appui en Tunisie, ainsi que
des représentations à l’étranger. Elle joue aussi un rôle important dans la gestion active
du marché de travail207.
En 1981 fut créé le Fonds national de promotion de l’artisanat et des petits
métiers (FONAPRA), qui a pour objet la promotion du travail indépendant et
l’encouragement à la création des microentreprises dans les domaines de l’artisanat.
Grâce à ce fonds, le promoteur justifiant des qualifications requises et s'engageant à
assumer la responsabilité de gestion de l'entreprise, dont l'investissement ne dépasse pas
50 000 dinars bénéficiera d’avantages tels que la prime d'investissement, allant de 6,0 %
206 HALLEB, A., & BEN SEDRINE, S. (mars 2006). Caractéristiques du Marché du Travail en Tunisie, Politiques de Développement des Ressources Humaines et Politiques d’Emploi.Situation en 2005. Étude réalisée avec l’appui de GTZ, p. 85. 207 Présentation d’ATCT selon le site de l’Agence Tunisienne de Coopération Technique www.tunisie-competences.nat.tn
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
127
à 30,0 % du coût total de l'investissement, l’exonération de la participation patronale au
régime de sécurité sociale durant les cinq premières années et d'autres avantages liés à la
fiscalité et à la TVA. Le crédit bancaire est à rembourser sur sept ans.
La même année est marquée par la fondation du "Contrat Emploi Formation"
(CEF). Il s'agit d'un stage pour les primo-demandeurs d'emploi, s'adressant aux jeunes
ayant abandonné l'enseignement secondaire. L'entreprise qui signe le contrat CEF reçoit
une indemnité de 300 dinars pendant la période de stage et une indemnité d'insertion de
200 dinars est offerte à toute entreprise qui recrute un stagiaire après la fin de son stage.
Les jeunes diplômés, ayant au minimum accompli avec succès le premier cycle
de l'enseignement supérieur, bénéficient depuis 1987 d'un stage d'initiation à la vie
professionnelle (SIVP1). Ce stage permet au bénéficiaire l'octroi d'une bourse, allant de
100 à 250 dinars selon le domaine de spécialité, sans aucune obligation de rémunération
pour l'employeur qui peut encourager le stagiaire par un complément.
La deuxième catégorie (SIVP2) fondée en 1988 s'adresse aux jeunes ayant terminé au
minimum l'enseignement secondaire de base sans qu'ils ne soient titulaires d'un diplôme
supérieur. Pendant le stage, le bénéficiaire perçoit une indemnité variant entre 60 et 80
dinars, dont le montant est fixé par le ministère de l'Emploi et de l'insertion
professionnelle des jeunes selon un barème qui tient en compte du niveau scolaire du
stagiaire. La création durant la même année du Fonds de Roulement de l'Office National
de l'Artisanat (FRONA) permet aux artisans figurant sur la liste établie par
l'administration de bénéficier d'un prêt en espèce d’une valeur maximale de 2 000 dinars,
destiné aux besoins en fonds de roulement et remboursable après quatre ans avec un taux
d'intérêt de 3,0 %.
* la période allant de 1990 à 1993, marquée par la création de nouveaux programmes
tels que:
Le Fonds d'Insertion et d'Adaptation Professionnelles (FIAP) : fondé en 1991, il
permet aux jeunes l'accès au travail par la prise en charge de l'État du coût de la
formation d'adaptation à des postes d'emploi définis par l’employeur, qui doit s'engager à
recruter la personne formée. Ce programme concerne tous les demandeurs d'emploi et
comprend sept instruments :
FIAP A: Cet instrument permet une formation à la carte d'ouvriers spécialisés,
qualifiés et hautement qualifiés au profit des entreprises qui ont un besoin de
main-d’œuvre spécialisée.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
128
FIAP B: Cet instrument vise à diffuser l’esprit d’entreprise et l’esprit de
l’initiative privé auprès des diplômés de l’enseignement supérieur.
FIAP C: Permet aux entreprises de financer le diagnostic de leurs ressources
humaines, par des formations prises en charge à 70,0 % par cet instrument.
FIAP D : Pour satisfaire leurs besoins urgents en qualification, cet instrument
s’adresse aux groupes d'entreprises ayant les mêmes besoins en main-d’œuvre qualifiée.
FIAP E : Il a pour objectif de faciliter la mobilité des demandeurs d’emploi entre
les régions. Cet instrument permet d’avoir une prime d’hébergement ne dépassant pas 15
dinars par jour et ne dépassant pas la période de 3 jours.
FIAP F : Cet instrument permet l’intégration des employés licenciés et ceux qui
ont perdu leur travail. Les bénéficiaires peuvent avoir une prime de formation (200
dinars pour les cadres et 160 dinars pour les autres catégories) pour une période ne
dépassant pas 6 mois.
FIAP G : Cet instrument vise à promouvoir les offres de formation de base dans
le secteur privé par la prise en charge des frais d’inscription dans les programmes de
formation.
Le Programme de Développement Urbain Intégré (PDUI). Créé en 1993, sa
mission est d’aider à la création ou à l'extension des microentreprises dans les quartiers
populaires en milieu urbain. L'action principale de ces programmes est l'amélioration des
conditions de vie de la population par la consolidation de l'infrastructure et des
équipements collectifs et la création d'emplois stables.
* la période couvrant les années 1993 à 1999 : elle se caractérise aussi par la promotion
des microentreprises par l’intermédiaire notamment de la Banque Tunisienne de
Solidarité (BTS), créée en 1997. Celle-ci permet l'accès à un financement dédié aux
promoteurs possédant une qualification, mais qui étaient privés des capitaux nécessaires,
n’ayant pas accès au crédit bancaire classique.
La fondation en 1993 de l’Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant
(ANETI), sous la tutelle du ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi,
dotée d'un site internet (www.emploi.nat.tn) en libre-service, a permis l'accès au système
d'information propre au fonctionnement du marché de l'emploi et de consulter les offres
d’emploi.
L’Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant est un établissement public
à caractère non administratif, doté de la personnalité civile et de l’autonomie
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
129
administrative et financière. Elle a pour principale mission la mise en œuvre de la
politique du gouvernement relative à la promotion de l’emploi
* La période jusqu'en 2005 : la création en 1999 du Fonds National de l'Emploi (FNE),
nommé Fonds 21-21. Il s’approvisionne des contributions volontaires des entreprises, en
proportion de leurs effectifs salariaux. Le programme est censé favoriser une insertion
durable des demandeurs d'emploi par le financement de toutes les opérations
susceptibles de développer la qualification de ces derniers et de favoriser les possibilités
d'emploi notamment par le biais :
• d'activités et de projets pour l'emploi indépendant et la création de petites
entreprises ;
• de programmes permettant l’insertion professionnelle des demandeurs
d'emploi sur le marché du travail au niveau national ou international ;
• d’assistance financière par l'octroi des microcrédits;
• de programmes de formation professionnelle, permettant l'intégration
professionnelle et sociale des demandeurs d'emploi issus des milieux
défavorisés ou peu qualifiés ou peu instruits.
En 2003, dans le cadre de l'encouragement à la création des entreprises, de nouveaux
projets (réalisés par des personnes titulaires de diplômes universitaires, de certificat
d'aptitude professionnelle ou par les diplômés des centres de formation professionnelle)
bénéficient des atouts suivants:
une prime d'investissement de valeur de 6,0 % de coût de l'investissement ;
ua prise en charge par l'État de la cotisation patronale au régime de la sécurité
sociale des salariés durant les trois premières années d'activité ;
exonération pendant les trois premières années d'activités de la Taxe de
Formation Professionnelle (TFP) et de la contribution au Fonds de Promotion du
Logement pour Salariés (FOPROLOS).
IV.1.2 Évolution de l'effectif des bénéficiaires de la politique active de
l'emploi
Le graphique 20 montre l’évolution du nombre de bénéficiaires de la politique
active de l'emploi selon le programme. Elle a plus d'ampleur pour les bénéficiaires du
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
130
programme fond 21-21 que ceux des autres programmes. L'effectif de ces derniers a
triplé entre 2000 et 2005. Pour les bénéficiaires de SIVP1, l'évolution est plus visible
après 2003, tandis que les bénéficiaires des autres dispositifs voient leurs effectifs
stagner sans dépasser les 10 000 bénéficiaires en 2008.
Graphique 20: Nombre de bénéficiaires de la politique active de l’emploi selon le type de programme
Source: Ministère de l'Emploi et de l'insertion professionnelle des jeunes.
La politique active de l’emploi regroupe plusieurs sources financières
correspondant à deux types de fonds à savoir le fonds National de l'Emploi (Fonds
21-21), le fonds de Solidarité Nationale (Fonds 26-26) et les fonds d'emploi. Cette
politique a pu réaliser plusieurs objectifs, et ce malgré la petite enveloppe financière
allouée par l’État pour les programmes de soutien à l'emploi. En 2008, le montant affecté
à ces programmes était de l'ordre de 286 millions dinars tunisiens (soit un accroissement
de 6,7 % par rapport à 2007)208, mais elle reste quand même modeste ; elle ne
représentait que 0,6 % du produit intérieur brut en 2008.
Le tableau 25 montre l'évolution du budget du PAE et sa répartition sur les programmes
spécifiés.
208 Sources: Ministère du développement et de la coopération internationale et de l'emploi et de l'insertion professionnelle des jeunes, commissariat général au développement régional et BCT.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
131
Tableau 25: Évolution des programmes de PAE entre 2005 et 2008 (en million de dinars tunisiens)
2005 2006 2007 2008
Emploi conjoncturel dans le cadre des chantiers
(chantiers nationaux, PRD…) 82,8 81,3 102,6 120,4
Aide à la création et à la consolidation de l'emploi
(FNE, PRDI, FONAPRA… ) 96,3 94,6 119,0 114,9
Programmes d'insertion dans la vie active (SIVP,
FIAP, CEF…) 28,1 37,2 46,3 50,6
Total de PAE (en MDT) 207,2 213,1 267,9 285,9
PIB (en MDT) 37 766 41 408 45 628 50 325
%(PEA/PIB) 0,55 % 0,51 % 0,59 % 0,57 %
Sources: Ministère du développement et de la coopération internationale et de l'emploi et de l'insertion professionnelle des jeunes, commissariat général au développement régional et BCT.
IV.1.3 Les acquis des politiques de l'emploi en Tunisie
La Politique Active de L’Emploi (PAE)209 est un outil qui agit indirectement sur
les causes du chômage, en essayant de trouver une solution pour combler le manque
d'expérience des diplômés, notamment ceux de l'enseignement supérieur et de traiter en
aval le problème de l'employabilité des jeunes, c'est-à-dire la professionnalisation de
l'enseignement supérieur, qui permettrait aux demandeurs d'emploi d'acquérir
l’expérience nécessaire à une insertion réussite dans l'entreprise et l'accomplissement des
tâches demandées par l'employeur.
Elle a contribué à la mise en place d'un instrument d'information permettant au
demandeur d'emploi l'accès aux informations relatives au monde de travail. Cet
instrument expose toutes les potentialités et les contraintes que le candidat peut trouver
au moment de recrutement alors qu’il les ignorait auparavant. Ceci permet aussi au
recruteur de connaître son futur salarié et de minimiser le risque d’engager un diplômé
non productif.
Un acquis important à signaler est la réduction de coût de travail. En effet, les
instruments SIVP, CEF et les allocations salariales permettent de baisser le coût du
recrutement et encouragent ainsi les employeurs à créer des postes supplémentaires et de
209 La Tunisie ne possède pas de régime d’indemnisation du chômage ou de systèmes d’assurance chômage. Elle a plutôt favorisé le développement d’une politique active de l’emploi constituée d’un mélange de mesures structurelles et de mesures conjoncturelles.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
132
pourvoir les postes vacants. Un autre acquis atteint est l'instauration d'une discrimination
positive permettant une facilité d'accès aux personnes handicapées et aux femmes au
marché de travail.
IV.1.4 Les limites des politiques de l'emploi en Tunisie
En Tunisie, les programmes d’emploi ne sont pas soumis à des évaluations
régulières et rigoureuses (HALLEB & BEN SEDRINE, 2006, 85). Il est donc difficile
d’estimer leur impact sur le marché de l’emploi. Mais il y a une inadéquation entre les
créations d’emploi et la formation professionnelle offerte aux stagiaires. En effet, la
répartition de ces derniers entre les différentes catégories de formation est davantage
imposée par les capacités réelles de formation que par les besoins du marché de travail.
De ce fait, le système actuel de formation professionnelle ne peut pas satisfaire les
besoins de la main-d’œuvre additionnelle. Le nombre de stagiaires de l’ATFP (Agence
Tunisienne de la Formation Professionnelle) a plus que doublé durant la
période 1997-2001, passant de 13 113 en 1997 à 27 564 en 2001 (GHOBENTINI &
REDJEB, 2005, 17), et à 66 145 en 2008 (estimation de l’ATFP). La composante
politique « passive »210 de l’emploi reste marginale. Elle ne correspond pas aux besoins
des travailleurs, notamment ceux qui sont licenciés pour causes économiques
(GHOBENTINI & REDJEB, 2005, 16).
En Tunisie, le système d’aide à l’insertion professionnelle se caractérise par la
présence d’un grand nombre d’intermédiaires dont les missions sont parfois redondantes.
Par ailleurs, des incohérences institutionnelles se traduisent par une duplication des
mécanismes de soutien, voire des incitations contradictoires211.
La mauvaise répartition géographique des intermédiaires (organismes opérant
pour appliquer les différents programmes relatifs à l’insertion professionnelle) constitue
un handicap dans l’accès à l’information chez les jeunes demandeurs d’emploi,
notamment ceux des zones rurales. En effet, la plupart des intermédiaires sont concentrés
dans les zones urbaines alors que le taux de chômage est plus élevé dans les zones
rurales. Dans les régions de l’intérieur et du Sud, l’éloignement des bureaux d’emploi
210 Les politiques passives consistent en l’octroi d’une aide financière conjoncturelle. 211 MATHLOUTHI, Y., & MEZOUAGHI, M. (novembre 2006). L’impact des politiques actives d’emploi sur les diplômés de l’enseignement supérieur : les enseignements de l’expérience tunisienne. L’Association Mohamed Ali de la Culture ouvrière et le Réseau Euromed de Confrontation et d’Études prospectives sur Travail, Innovations et Droits sociaux en collaboration avec La Fondation Friedrich Ebert Et La Commission Europeenne.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
133
des lieux de résidences des demandeurs d’emploi réduit leurs déplacements vers ces
bureaux pour toute demande d’information. Environ 55 % des bureaux d’emploi et du
travail indépendant sont installés dans les gouvernorats du Sahel et du Nord, y compris
le district de Tunis (GHOBENTINI & REDJEB, 2005, 16).
L’interdiction de bureaux privés d’emplois constitue un handicap empêchant les
demandeurs d’emploi d’avoir d’autres organismes publiant des offres d’emploi. La
Tunisie n’a pas ratifié la convention internationale relative aux bureaux privés d’emploi
(GHOBENTINI & REDJEB, 2005, 16).
IV.2 Structure et évolution de la population active
La population active est constituée de toutes les personnes susceptibles de
contribuer à la production des biens et services. Elle est composée des personnes qui
travaillent ou se livrent à une quelconque activité économique (les actifs occupés) et de
ceux qui, au moment du recensement ou de l’enquête emploi, sont à la recherche d’un
emploi (les chômeurs). En Tunisie le profil et l’effectif de la population active sont en
mutation depuis ces deux dernières décennies.
IV.2.1 La population active
La population active (15 ans et plus) atteindrait 69 % de la population totale en
2014, soit 7,5 millions de personnes. Sa croissance annuelle est plus rapide que la
croissance de la population totale (2,18 % contre 1,06 % durant la période 2007-
2012)212.
L’accroissement de la population active peut être expliqué, notamment, par la
réactualisation des définitions relatives à la population active213 , une présence féminine
212 ONEQ. (Novembre 2013). Rapport annuel sur : Le marché du travail en Tunisie. Tunis: Observatoire National de l'Emploi et des Qualifications, p. 21. 213 Nous rappelons que L’Organisation Internationale du Travail (OIT) dicte les définitions relatives au
monde du travail. Or, de nombreux pays ne s’y conforment pas, et c’était le cas de la Tunisie jusqu’en 2004. À
l’occasion du Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2004 en Tunisie, l’INS a décidé de
réviser la méthodologie et les concepts utilisés dans l’enquête sur l’emploi afin d’assurer une meilleure
harmonie avec les méthodes et les concepts du Bureau International du Travail (BIT) en matière d’emploi et
du chômage. «Cette nouvelle méthodologie permet d’appréhender directement la population active occupée, puis la population au
chômage pour finir avec la population économiquement inactive. Quant à la population active totale, elle s’obtient tout simplement
par la somme de la population occupée et de la population au chômage. Par contre, l’ancienne méthodologie, conduite depuis le
milieu des années1970 et jusqu’à l’année 2003, consistait à effectuer une première identification de la population active totale à
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
134
sur le marché d’emploi de plus en plus importante et le fléchissement des migrations
vers l’étranger.
IV.2.1.1 Population active selon le sexe
Cette flambée des taux d’activité féminins n’a pas seulement
bouleversé le cours tranquille des extrapolations économiques, elle a
aussi démoli nos schémas d’analyses, nos concepts de base, nos cadres
habituels de réflexion. (MARUANI, 1985).214
L’évolution de cette population représentée dans le graphique 21 montre que la
population active se féminise. La proportion de femmes dans la population active est
passée de 20,3 % en 1984 à 26,8 % en 2010.
Graphique 21: Répartition de la population active selon le sexe
Source : RGPH (1984 à 2004) et Enquête nationale population et emploi, 1999,2008 et 2010.
Cette présence féminine dans la population active peut être expliquée par le changement
culturel et social qu’a subi la Tunisie. Autrefois responsables des tâches domestiques et
éducatives, les femmes tunisiennes sont de plus en plus présentes et effectives dans le
monde de travail.
travers des questions filtres, puis à définir la population occupée et la population non occupée et en déduire une délimitation
définitive de la population active». AMARI , S. (Décembre 2008). Statistiques de l'emploi 2008. www.info-emploi.tn:
Observatoire National de l’Emploi des Qualifications, p. 5.
214 Maruani, M. (1985). Mais qui a peur du travail des femmes. Paris: Syors , p. 23.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
135
IV.2.1.2 Taux brut d’activité
Le tableau 26 ci-après décrit l’évolution du taux brut d’activité, qui est défini par le
rapport de la population active à la population totale. Il était de l’ordre de 35,6 % en
2008 contre 29,1 % en 1975 pour les deux sexes. Même si ce taux est en nette évolution
chez les femmes (19,5 % en 2008 contre 11,0 % en 1975), il reste très loin de celui des
hommes (le taux d’activité de ces derniers était de 51,9 % en 2008).
Tableau 26 : Évolution du taux brut d’activité entre 1975 et 2008 (en %)
Sexe 1975 1984 1994 2004 2008
Masculin 46,6 48,6 47,7 46,5 51,9
Féminin 11,0 13,3 15,1 14,8 19,5
Ensemble 29,1 30,6 31,6 33,6 35,6
Source: RGPH (1975 ,1984 ,1994 et 2004) et l’Enquête population et emploi 2008.
Taux global d’activité
Le taux global d’activité, défini comme étant le rapport de la population active à la
population en âge d’activité (15 ans et plus), est passé de 47,6 % en 1984 à 46,3 % en
2008.
Cette évolution résulte principalement de l’arrivée massive des femmes sur le marché du
travail. Le taux d’activité de celles-ci est passé de 19,5 % en 1984 à 25,4 % en 2008,
alors que l’activité masculine baisse de 75,0 % à 68,9 % sur la même période.
Tableau 27 : Évolution des taux globaux d’activité (en %)
1984 1994 2004 2005 2008
Hommes 75,0 69,1 67,8 68,6 68,9
Femmes 19,5 24,1 24,2 24,4 25,4
TOTAL 47,6 45,3 45,8 46,3 46,2
Source: RGPH (1984,1994 et 2004) et Enquête population et emploi (2005 et 2008).
IV.2.1.3 Population active selon l’âge
L’activité d’une population est fortement corrélée à l’âge. L’évolution du taux d’activité
par âge entre 1984 et 2008, représentée par le graphique 22, montre bien que les taux
d’activité féminine sur cette période ont nettement augmenté à tous les âges, mais ils
restent tout de même inférieurs aux taux masculins.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
136
Graphique 22: Évolution des taux d’activité par âge selon le sexe entre 1984 et 2008
Incontestablement et d’après le graphique précédent, on peut relever les trois
tranches d’âge suivantes:
Entre 15 et 30 ans, le taux d’activité féminine est en baisse au fil des
années, au même titre que celui des hommes. Il en résulte qu’en 2008, on
a moins de femmes et d’hommes actifs qu’en 1994 et 1984. Ceci peut être
expliqué par une scolarisation de plus en plus longue.
Entre 30 et 60 ans, on a plus de femmes en activité en 2008 qu’en 1984,
mais l’écart entre les différentes courbes se rétrécit au fur et à mesure
qu’on s’approche de la fin de la vie active. Ce qui n’est pas valable pour
les hommes qui connaissent un taux d’activité stable sur cette tranche
d’âge.
Enfin, au-delà de 60 ans, on constate une stagnation des taux d’activité des
femmes, au même moment que ces mêmes taux régressent chez les
hommes au fil des années.
Pour la première tranche d’âge, on constate que le taux d’activité pour les deux sexes
monte jusqu'à l’âge de 30 ans. Ce taux en 2008 est plus bas que celui de 1984 et de 1994.
Ceci est probablement dû à deux raisons:
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
137
L’une relative au changement de la terminologie et de la classification statistique des
actifs et des chômeurs. L’autre est l’augmentation de la durée des études, ce qui retarde
leur rentrée en vie active.
Pour ce qui concerne les personnes âgées de 30 à 60 ans, le taux d’activité des femmes
augmente au fil des années même s’il est en baisse avec l’avancement de l’âge. Or, les
courbes sont superposées chez les hommes, donc on peut affirmer une amélioration de
l’activité féminine en Tunisie face à une stabilité du phénomène chez les hommes.
Pour la dernière tranche d’âge, les taux d’activité des femmes sont quasiment nuls, pour
la simple raison que presque toutes les femmes sont inactives à partir de cet âge. Chez
les hommes, ces taux sont en baisse en raison de modifications apportées au système de
retraite depuis quelques années. Ceci simplifie le départ en retraite anticipée, ce qui
entraîne une augmentation de la proportion d’inactifs à partir de 60 ans, et donc une
baisse de taux d’activité.
Dans le paragraphe qui suit, nous allons nous intéresser à l’évolution de la
population active selon le niveau d’instruction pour observer l’impact du développement
scolaire sur la composition de la population active.
IV.2.1.4 Population active selon le niveau d’instruction
En l’espace de 24 ans, l’évolution du nombre d’actifs selon le niveau
d’instruction a connu un changement considérable comme le montre le graphique 23 ci-
dessous. Effectivement, entre 1984 et 2011 on a constaté que la population active
possédant un niveau supérieur d’études est passée de 3,6 % à 19,5 %. Pour les actifs
analphabètes, leur proportion a baissé (41,8 % en 1984 contre 9,5 % en 2011).
La proportion de personnes ayant un niveau d’instruction primaire a connu une légère
baisse pour atteindre environ 33,1 % en 2011. Les actifs ayant un niveau secondaire ont
vu leur proportion presque doubler, entre 1984 et 2011 : elle est passée de 20,1 % à
37,9 %. Cette évolution en fonction du niveau d’instruction est le fruit des politiques
engagées par l’État depuis l’indépendance, en favorisant l’éducation à travers des
mesures telles que l’obligation de scolarisation des garçons et des filles à partir de l’âge
de 6 ans, et la fixation d’un âge minimum pour quitter l’école à 16 ans.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
138
Graphique 23: Répartition des actifs selon le niveau d’instruction entre 1984 et 20 011
Source : RGPH 1984,1994 et 2004, Enquête nationale population et emploi 2008 et 2011.
En Tunisie, on voit l’émergence d’une population active de plus en plus instruite,
puisqu’en 2011, environ 57,3 % de la population active totale avait un niveau
d’éducation supérieur ou égal au secondaire. Cette proportion est plus importante chez
les femmes que chez les hommes, elle atteint 66,5 % pour celles-ci. La répartition de la
population active selon le niveau d’instruction vient confirmer non seulement le progrès
qu’a connu le pays en matière de l’éducation, mais aussi le développement de la société
tunisienne qui favorise de plus en plus l’intégration des femmes dans la sphère
économique.
IV.2.2 Population active occupée
IV.2.2.1 Évolution de la population active occupée
La définition de la population active occupée est assez explicite215. Celle-ci a fait
l’objet de plusieurs modifications depuis le recensement 2004 traduisant la volonté de
215 Selon l’INS, la population occupée est constituée des individus des deux sexes âgés de 15 ans et plus et qui
ont travaillé au moins un jour, ne serait-ce qu’une heure, durant les sept jours qui précèdent la date de
l’enquête, des militaires du contingent (sous les drapeaux) et des personnes qui n’ont pas travaillé au cours de
la semaine pour des raisons de congé de repos ou de maladie ou d’intempéries notamment pour les personnes
s’adonnant à des activités agricoles ou pour des raisons d’arrêt momentané du travail. Avant 2004, la
population occupée comprend les personnes actives qui ont travaillé au moins une journée au cours de la
semaine de référence précédant le jour de l’enquête. Les journées non travaillées pour cause de congé, de
maladie et d’intempéries sont considérées comme des journées travaillées.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
139
l’INS à suivre les recommandations du BIT en matière la comptabilisation de la
population active et ses composantes.
IV.2.2.2 Population active occupée par sexe
Le tableau 28 présente l’évolution de la population active occupée selon le sexe entre
1984 et 2011. La part des femmes dans l’emploi total demeure faible; elle est de 23,7 %
en 2011 et de 20,7 % en 1984.
Tableau 28 : Évolution de la population des occupés selon le genre
1984 1994 1999 2004 2008 2011
Hommes (en milliers) 1327,5 1681,8 1869,2 2121,4 2336,8 2394,1
Femmes (en milliers) 345,6 504,6 614,7 733,3 818,6 745,7
Femmes (en %) 20,7 23,1 24,7 25,7 25,9 23,7
Source : RGPH (1984, 1994 et 2004) et Enquête nationale population et emploi (1999, 2008 et 2011).
On remarque aussi que la population active occupée représentait 83,6 % de la
population active totale en 1984 contre 81,7 % en 2011. Cette baisse est induite
notamment par la réduction de la proportion des femmes occupées (en 2011, 72,6% des
femmes actives sont au travail, contre 84,1 % en 2008). Les femmes opèrent
principalement dans l’agriculture, les industries manufacturières et les services trouvent
plus des difficultés pour s’insérer sur le marché d’emploi. Les aléas climatiques et
économiques ont bien évidemment des répercussions directes sur l’emploi en particulier
sur l’emploi féminin.
IV.2.2.3 Population active occupée par âge
La composition de la population active occupée par groupes d’âge progresse de la même
façon que la population active totale. Réellement, la part des personnes du groupe d’âge
25-59 ans progresse au détriment des groupes d’âge de moins de 25 ans et de 60 ans et
plus. La baisse remarquable de l’employabilité pour le groupe d’âge de moins de 25 ans
est probablement due à l’allongement de la durée de scolarisation, car les jeunes
consacrent plus de temps aux études ou, notamment, pour échapper au chômage. Pour le
groupe d’âge de 60 ans et plus, la tendance à la baisse peut être expliquée par
l’amélioration des conditions de vie des personnes âgées, ce qui accélère leur départ
précoce en retraite, quittant ainsi le monde du travail.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
140
Graphique 24 : Évolution de la proportion des occupés selon les groupes d’âge (en %)
Source : RGPH (1984 et 1994) et Enquête nationale population et emploi (2005 et 2008).
IV.2.2.4 Population active occupée selon le niveau d’instruction
L’évolution de la population active occupée selon le niveau d’instruction est semblable à
celle de la population active totale. D’après le tableau 29, on constate :
- Un recul spectaculaire de la proportion des analphabètes occupés : elle passe de
42,5 % en 1984 à 11,9 % en 2008.
- Pour les occupés ayant un niveau primaire, la proportion n’a pas beaucoup
changé : elle atteint un pic de 40,7 % en 1999 pour enregistrer par la suite une
légère baisse.
- La proportion des employés avec un niveau secondaire a presque doublé.
- La proportion des employés ayant un niveau d’études supérieur s’est presque
multipliée par quatre entre 1984 et 2008.
Tableau 29 : Évolution de la proportion des occupés selon le niveau d’instruction
1984 1994 1999 2004 2010
Supérieur 4,2 7,4 9,1 12,7 16,2
Secondaire 21,3 30,0 31,1 34,9 37,2
Primaire 32,0 39,4 40,7 37,9 35,6
Néant 42,5 23,2 19,1 14,5 11,1
Sources : RGPH (1984, 1994 et 2004) et Enquête nationale population et emploi (1999 et 2010).
Le tableau 29 montre que depuis quelques années une amélioration des taux
d’occupation en faveur de la population instruite. Malgré le fait que la proportion des
personnes ayant un niveau primaire ou sans niveau a baissé (74,5 % en 1984 à 48,5 % en
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
141
2008), leur présence sur le marché de l’emploi constitue sans aucun doute un handicap
majeur pour les entreprises utilisant la nouvelle technologie, ce qui nécessite des efforts
de remise à niveau et d’adaptation, et donc des coûts supplémentaires pour les
entreprises.
IV.2.2.5 Population active occupée selon la branche d’activité
Dans le paragraphe suivant, nous examinons l’évolution de la population active occupée
par secteur d’activité. De ce fait, nous allons utiliser la nomenclature employée par l’INS
qui distingue les branches de l’agriculture (pêche et forêts), des industries
manufacturières, des bâtiments et travaux publics, des mines et énergies et enfin des
services. En effectifs absolus, les différentes branches d’activité, à l’exception de celle
des mines et des énergies, ont enregistré une hausse des emplois durant la
période 1984-2008, comme on peut le remarquer sur le graphique 25. C’est dans la
branche des services que cette augmentation est plus importante, puisque l’effectif des
emplois a presque triplé en passant de 588 100 à 1 533 100 emplois.
Graphique 25: Évolution du nombre d’occupés par branche d’activité entre 1984 et 2008(en milliers)
Sources : RGPH (1984, 1994 et 2004) et Enquête nationale population et emploi (1999 et 2008).
L’évolution de la participation de chaque secteur d’activité (le tableau 30) montre
que l’emploi agricole ne cesse de baisser (27,3 % de l’emploi total en 1984 contre
17,7 % en 2008). Cette décroissance s’explique par l’amélioration des techniques de
culture et la hausse de la productivité. Le secteur des services quant à lui emploie plus de
personnes : 48,6 % en 2008 contre 35,2 % en 1984. Pour les autres secteurs, leurs
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
142
évolutions sont nettement moins significatives, on ne dépasse guère un point en valeur
relative.
Tableau 30: Répartition des emplois selon la branche d’emploi
En % 1984 1994 1999 2004 2008
Agriculture et pêche 27,3 21,2 20,1 16,2 17,7
Industries manufacturières 19,7 19,6 19,4 19,4 19,1
Mines et Énergies 2,3 1,6 1,3 1,2 1,1
B.T.P 13,5 12 13,8 13,3 12,6
Services 35,2 43,9 45 48,9 48,6
Non déclarés 2 1,6 0,4 1 0,9
Total 1 673,1 2 186,4 2 483,9 2 854,7 3 155,4
Sources : RGPH (1984, 1994, 2004) et Enquête nationale population et emploi (1999, 2008).
La domination continue du secteur des services, qui employait une personne sur
deux en 2008, traduit les changements opérés dans l’économie libérale où l’initiative
privée est encouragée, et elle confirme le rapprochement de l’économie tunisienne du
modèle européen, dans lequel l’emploi se base essentiellement sur les services.
L’analyse du taux d’occupation selon la branche d’activité en Tunisie, dans une
perspective du genre, montre une disparité selon le sexe : chez les hommes, la répartition
des occupés selon le secteur d’activité est restée similaire entre 1984 et 2004 alors que
cette répartition a été bouleversée chez les femmes (graphique 26). En effet, au départ le
secteur offrant plus d’emplois aux femmes était l’industrie manufacturière suivie par
l’agriculture. Ces deux secteurs perdant peu à peu leur essor, un transfert de main-
d’œuvre féminine s’est effectué vers le secteur de l’administration avec 32,7 % en 2004
contre 14,4 % en 1984 et vers le secteur des services avec 14,2 % contre 4,4 %216.
L’administration, surtout dans le secteur public, est de plus en plus la branche d’activité
préférée des Tunisiennes qui sont attirées par l’emploi protégé et ne prennent pas le
risque de se lancer dans le secteur privé. Pour les hommes, l’évolution est moins
importante dans la même période et le transfert se fait du secteur agricole vers celui des
services, qui voit sa part doubler (passant de 14,7 % à 29,0 %).
216 Source : les données sont issues de l’INS.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
143
Graphique 26 : Répartition des occupés selon la branche d’activité et le sexe entre 1984 et 2004
Sources : RGPH 1984 et 2004.
IV.2.2.6 Population active occupée selon le statut dans la profession
Entre 1984 et 2008, la part des salariés en Tunisie a toujours été supérieure à
66,0 % des actifs occupés, celle des chefs d’entreprise et des indépendants à environ
25,0 %, tandis que les aides familiales n’ont jamais dépassé le seuil des 8,0 %. La
répartition de la population occupée selon le statut dans l’emploi montre que, malgré une
tendance soutenue vers le libéralisme économique, le salariat, avec la recherche de la
stabilité dans l’emploi, est plus privilégié que le travail indépendant qui nécessite des
moyens financiers et la prise de risque217.
217 M’BAREK, E. (2005). Évolution de l'emploi en Tunisie. Université de Tunis, p. 31.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
144
Graphique 27: Structure de la population active occupée selon le statut dans la profession
Source : INS.
D’autre part, et dans une perspective du genre, la structure de l’emploi selon le
statut dans la profession est assez stable pour les hommes contrairement aux femmes
(graphique 28). C’est pourquoi le salariat s’est développé pour connaître un saut entre
1984 et 2004 passant de 43,0 % à 79,0 %218, faisant du salariat féminin le statut type des
travailleuses en Tunisie. La libéralisation et la mise en place des nouvelles
réglementations du travail ont fait apparaître un nouveau statut de salariées, divergeant
du salariat traditionnel par sa précarité.
218 Source : INS.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
145
Graphique 28 : Structure de la population active occupée selon le sexe et le statut dans la profession
Sources : INS, RGP 1984 et 2004.
Pour les hommes, l’évolution de la structure selon le statut professionnel est
relativement stable. Le salariat est le profil dominant avec une très légère évolution sur
la même période. Ensuite viennent les indépendants qui voient leur part baisser de
22,0 % à 17,0 %. Enfin, la part des employeurs a doublé, passant de 2,7 % à 6,5 %. Pour
les femmes salariées, leur proportion a augmenté pour passer de 44,0 % à 79,0 %, au
détriment des autres statuts professionnels.
IV.2.3 Évolution de la demande d'emploi
Pour comprendre l’évolution de la demande d’emploi en Tunisie, nous avons eu
recours aux données de l’INS comme on peut le voir sur le graphique 29.
Lors de la première période (1962-1971), la demande additionnelle annuelle moyenne a
atteint 21 700 contre 37 200 pour la seconde période (1972-1981) ; 59 500 pour celle de
1989-1994 ; 71 800 pour la période 1994-1999. C’est seulement entre 2014 et 2019 que
la demande additionnelle commence à baisser pour se situer à 81 800 en moyenne
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
146
annuelle (selon l’hypothèse moyenne de la projection de la population active faite par
l’INS en 2007) et à 62 600 entre 2019 et 2024 selon cette même hypothèse.
Graphique 29: Évolution de la demande additionnelle moyenne annuelle
Source : INS, données selon hypothèse moyenne de projection de la population active.
Cette demande se caractérise par une présence féminine de plus en plus
importante d’une part, et par un niveau d’instruction plus élevé d’autre part. En effet, la
demande féminine d’emploi s’est accrue au fil du temps, pour dépasser la demande
masculine, pour la première fois dans l’histoire du pays, à partir de la période 2009-2014
(selon les projections de l’INS), comme on peut l’observer sur le tableau 31.
Tableau 31 : Évolution de la demande additionnelle moyenne annuelle selon le sexe
2004-2009 2009-2014 2014-2019 2019-2024
Demande masculine 47 700 39 600 27 700 18 600
Demande féminine 40 200 47 800 54 100 44 000
Ensemble 87 900 87 400 81 800 62 600
Source : INS (Hypothèse moyenne de la projection de la population active).
Concernant les caractéristiques éducatives de la demande additionnelle d’emploi,
son évolution au cours des dix dernières années montre une hausse prononcée de la part
de la demande additionnelle de niveau supérieur, qui est passée de 23,1 % en 2001 à
55,2 % en 2007. En 2004 et pour la première fois, les effectifs de demandeurs ayant le
niveau supérieur (34 500) ont dépassé ceux des autres niveaux (32 500), comme nous
pouvons l’observer dans le tableau 32.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
147
Tableau 32: Évolution de la demande additionnelle (15 ans et plus) selon le niveau d’instruction
(en milliers) 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007
Néant, Primaire et Secondaire 57,0 53,6 45,6 32,5 39,6 48,1 39,0
Supérieur 17,1 25,9 34,6 34,5 46,7 43,1 48,1
Ensemble 74,1 79,5 80,2 67,0 86,3 91,2 87,1
Source : INS.
En Tunisie, le nombre moyen de demandeurs d’emploi pour une offre disponible
était environ de 3 en 2004 et de 4 en 2008. Ce nombre diffère en fonction des régions ;
par exemple, pour la région du Sud-Est, on enregistre des valeurs supérieures à la
moyenne nationale, dépassant 10 demandeurs d’emploi pour une offre disponible dans
région de Tataouine.
IV.2.4 Évolution des créations d'emploi
Les créations nettes d’emploi constituent la différence entre créations brutes et
destructions d’emplois. Leurs cumuls enregistrés durant la période (2001-2007) ont
atteint 532 400, soit une moyenne de 76 057 emplois par an. Les créations nettes
d’emplois pour les jeunes ayant un niveau équivalent à celui du supérieur ont
atteint 179 200 (33,6 % de l’ensemble des emplois créés durant la période 2001-2007),
soit une moyenne de 25 600 emplois par an.
Tableau 33 : Évolution des créations nettes d’emploi selon le niveau d'instruction
(en milliers) 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Cumul
2001-07
Moyenne
annuelle
Au plus Secondaire 63 44 62 30 53 53 48 353 50,5
Supérieur 17 19 30 37 21 23 32 179 25,6
Total 80 63 92 67 74 76 80 532 76,1
Source : INS.
Par rapport au niveau d’instruction, l’offre d’emploi pour les jeunes diplômés du
supérieur est nettement inférieure à la demande additionnelle. L’écart entre la demande
additionnelle et les créations nettes d’emplois s’est creusé comme on peut l’observer sur
le graphique 30. Cette situation est due aux flux des diplômés du supérieur arrivant
chaque année sur le marché du travail.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
148
Graphique 30: Évolution des créations nettes d’emploi et des demandes additionnelles d’emploi de diplômés du supérieur (en milliers)
Sources : Données de l’INS.
La répartition de créations nettes d’emploi par branche d’activité montre que la
branche service crée de plus en plus d’emplois et que cette tendance se confirme et se
renforce d’une année à l’autre. Le nombre d’emplois créés pendant la période
intercensitaire 1994-2004 est estimé à 53 400 emplois dont 45 600 dans la branche
service et 18 600 dans l’industrie, alors que dans l’agriculture il y a eu 4 800
suppressions d’emplois (HALLEB & BEN SEDRINE, mars 2006).
IV.2.5 Population active non occupée
Il est important de rappeler qu’en Tunisie, comme dans plusieurs pays du monde,
le chômage est non indemnisé et que les politiques actives de l’emploi constituent le
principal instrument d’intervention de l’État pour venir en aide aux chômeurs, afin de
permettre leur insertion sur le marché de travail. Depuis la révolution de 2011, une prime
symbolique a été accordée aux chômeurs diplômés219.
219 En 2011, le Ministère de la Formation Professionnelle et de l'emploi annonce une prime de 200 dinars ( environ 90 euros) accordée aux chômeurs diplômés du supérieur , outre la déclaration d'une autre subvention attribuée au profit des jeunes qui ont des cas sociaux particuliers et les diplômés des familles nécessiteuses.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
149
IV.2.5.1 Population au chômage
« Le marché de l’emploi ressemble alors à un jeu de chaises
musicales. Il y a plus de danseurs sur la piste. Quand la musique
s’arrête, certains ne trouvent pas des chaises. Nous ne savons pas qui
seront ces infortunés danseurs, mais il est clair qu’un certain nombre
d’entre eux seront mis à l’écart et devront s’arrêter de danser contre leur
gré. De même, quand le nombre d’emplois est inférieur au nombre de
demandeurs d’emploi, certains ne trouvent pas de travail. » 220
Après le recensement de la population et de l’habitat de 2004, la méthodologie de
détermination du nombre de chômeurs a changé pour tenir compte de l’ensemble de la
population âgée de 15 ans et plus au lieu de celle de 18 à 59 ans avant ce recensement.
L’évolution du nombre de chômeurs depuis 1966, comme le décrit le tableau 33, montre
que le chômage ne cesse d’augmenter et que les femmes possèdent de plus en plus de
poids dans cette population de chômeurs. Leur proportion parmi l’ensemble des
chômeurs passe de 5,4 % à 39,9 % entre 1966 et 2011.
Sur le tableau 34, on remarque une grande variation du nombre total de chômeurs entre
2008 et 2011, qui peut être expliquée encore une fois par la problématique de la
crédibilité des données statistiques avant la révolution du 14 janvier 2011.
Tableau 34: Évolution du nombre de chômeurs par sexe, en milliers
1966 1975 1984 1994 2004 2008 2011
Hommes 158,0 147,0 200,0 280,0 292,4 293,2 423,8
Femmes 9,0 25,0 45,0 99,0 140,5 155,2 281,1
Ensemble 167,0 172,0 245,0 379,0 432,9 448,4 704,9
% des femmes 5,4 % 14,5 % 18,4 % 26,1 % 32,6 % 34,6 % 39,9 %
Source : INS, RGPH (1966 à, 2004) et Enquête nationale population et emploi 2008 et 2011.
D’autre part, le taux de chômage par région en Tunisie, entre 2004 et 2008, a
connu une baisse surtout sur la Côte, où il n’a pas dépassé 12,0 % en 2004 à
220 AKERLOF, G., & SHILLER, R. (2009). Les esprits animaux comment les forces psychologiques mènent la finance et l'économie. Paris: Pearson Education France , p. 135.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
150
l’exception du golfe de Gabès. Sur le Nord-Ouest, la baisse est plus modérée, avec un
taux de chômage qui reste supérieur à celui de la moyenne nationale.
Carte 1: Taux de chômage par gouvernorat entre 2004 et 2008
Source : INS, RGPH 2004 et Enquête nationale population et emploi 2008.
IV.2.5.1.1 Taux chômage par sexe
L’évolution du taux de chômage par sexe (tableau 35) montre une forte tendance
à la hausse chez les femmes pour atteindre 18,9 % en 2010 (soit une femme au chômage
parmi cinq actives) contre une stagnation autour de 11 % pour les hommes. Pour
l’ensemble de la population, l’évolution est fortement la résultante du chômage des
femmes. Cette tendance est la conséquence, d’une part, de la mise en place d’un
programme d’ajustement structurel (dans les années quatre-vingt-dix) permettant aux
femmes d’occuper une place non négligeable sur le marché de travail et d’autre part, de
la scolarisation et l’amélioration des conditions de vie et de santé des mères et des
enfants.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
151
Tableau 35: Évolution du taux de chômage par sexe entre 1975 et 2011
en (%) 1975 1984 1994 2004 2008 2010 2011
Hommes 13,4 13,7 15 12,9 11,2 10,9 15,0
Femmes 10,6 11,0 17,2 16,7 15,9 18,9 27,4
Ensemble 12,9 13,1 15,6 13,9 13,4 13,0 18,3
Source : INS, RGPH (1975 à 2004) et Enquête nationale population et emploi 2008 et 2011.
L’analyse spatiale du taux de chômage (carte 2) nous permet d’observer une
stabilité, voire même une tendance à la baisse, chez les hommes dans toutes les régions
contre une tendance à la hausse chez les femmes dans ces régions.
Carte 2: Taux de chômage masculin par gouvernorat entre 2004 et 2008
Source : INS, RGPH 2004 et Enquête nationale population et emploi 2008.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
152
Carte 3: Taux de chômage féminin par gouvernorat entre 2004 et 2008
Source : INS, RGPH 2004 et Enquête nationale population et emploi 2008.
IV.2.5.1.2 É a x ô a ’â
« Le chômage est une fonction fortement inverse
de l’âge. En d’autres termes, le problème du chômage est
essentiellement un problème de jeunes, puisque tout le
monde finissant par trouver du travail après un certain
temps »221.
Le chômage qui touche les jeunes de moins de 25 ans ne cesse d’augmenter pour
passer de 26,3 % en 1975 à 28,4 % en 2008. Pour l’année 2011, on compte 42,3 % des
jeunes de moins de 25 ans au chômage, comme le montre le graphique 31. Cette
situation peut être expliquée notamment par l’incapacité de l’économie tunisienne à
absorber le surplus de jeunes quittant le système éducatif ; et l’inadéquation entre l’offre
(caractéristiques des diplômés et leur formation initiale) et la demande (besoins réels des
entreprises).
221 G. PSACHAROPOULOS, B. C.SANYAL (1982). Enseignement supérieur et emploi: l'expérience de l'IIPE dans cinq pays en developpement. Paris: UNESCO: Institut international de planification de l'éducation, p. 43.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
153
Graphique 31: Taux de chômage selon les groupes d’âge
Source : INS.
Cette tendance peut être expliquée en premier lieu par un effet de structure,
comme nous l’avons vu dans la première partie (structure de la population), ce qui a un
effet direct sur le nombre de chômeurs pour cette tranche d’âge. D’autre part,
l’augmentation du niveau d’instruction fait que les personnes consacrent plus de temps
pour étudier, ce qui engendre une difficulté à trouver un emploi. Cette situation entraîne
une augmentation de l’âge de ces étudiants au moment de l’accès à l’emploi. Un autre
handicap est la réticence des entreprises à recruter des jeunes, notamment les personnes
hautement diplômées. En Tunisie, le chômage frappe de plus en plus une main d’œuvre
jeune manquant d’expérience professionnelle. Il est principalement lié à un problème
d’insertion au premier emploi plus qu’au phénomène de licenciement.
IV.2.5.1.3 C ô a a ’
La population tunisienne au chômage a connu au cours des trois dernières
décennies des changements de ses caractéristiques éducatives. La proportion de
chômeurs selon le niveau d’instruction, comme la montre le tableau 36, ne cesse
d’augmenter pour les personnes ayant un niveau supérieur, passant ainsi de moins de
0,2 % en 1975 à 30,9 % en 2011. En effet, les effectifs de cette catégorie de chômeurs
ont explosé durant les trois dernières décennies, passant de 630 chômeurs en 1975 à
202 300 en 2011, soit une multiplication par 321.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
154
Tableau 36: Répartition des chômeurs selon leurs niveaux d’instruction
(en %) 1975 1984 1994 2004 2008 2011
Néant 41,5 34,4 24,4 12,1 3,6 4,2
Primaire 47,8 45,7 47,8 41,6 30,3 22,4
Secondaire 10,5 19,2 26,2 36,9 40,1 42,5
Supérieur 0,2 0,7 1,6 9,4 26,0 30,9
Source : RGPH (1975, 1984, 1994, 2004) et Enquête nationale population et emploi 2008 et 2011.
L’évolution du taux de chômage par niveau d’instruction montre que la tendance
générale de ce taux est en baisse pour les différents niveaux, sauf pour les niveaux
secondaire et supérieur (graphique 32). En effet, le taux de chômage des jeunes ayant un
niveau supérieur a augmenté d’environ 26 points, passant de 3,8 % en 1994 à 29,2 % en
2011. À partir de 2006, on enregistre une hausse du taux de chômage des personnes
possédant un niveau d’instruction supérieur ou égal au secondaire, due à la transition
démographique d’une part et à la politique d’allongement de la durée de scolarisation
des enfants jusqu’à16 ans (ce qui équivalent à l’âge au secondaire) d’autre part.
Graphique 32: Évolution du taux de chômage selon le niveau d’instruction
Source : RGPH (1984, 1994 et 2004) et Enquête nationale population et emploi 2008 et 2011.
En d’autres termes, les risques de se retrouver au chômage augmentent avec
l’amélioration du niveau d’instruction.
IV.2.5.1.4 Chômage selon la région de résidence
La représentation spatiale du taux de chômage selon le niveau d’instruction
permet de distinguer deux types de régions. D’une part, les régions du Nord-Ouest et
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
155
Centre-Ouest et d’autre part les autres régions du pays. En effet, les régions Nord-Ouest
et Centre-Ouest sont caractérisées par une activité agricole qui ne nécessite pas un
niveau d’instruction élevé. C’est pourquoi les personnes qui sont peu éduquées
s’installent dans ces régions en vue d’obtenir un emploi agricole. On remarque aussi
dans les régions du Nord-Ouest que le taux de chômage est important pour les individus
ayant un niveau d’instruction élevé.
Dans les régions du Sud-Est, du Nord-Est et celles du Sahel, qui sont des régions
industrialisées et touristiques, le type d’emploi nécessite un niveau d’instruction plus
élevé. De ce fait, les personnes qui ont un niveau d’instruction moyen (éducation de base
et secondaire) viennent s’y installer pour travailler.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
156
Carte 4: Taux de chômage selon le sexe et niveau d’instruction (au plus primaire)
Source : enquête population et emploi 2008, INS.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
157
Carte 5: Taux de chômage selon le sexe le et niveau d’instruction (secondaire et supérieur)
Source : enquête population et emploi 2008, INS.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
158
Les résultats de l’enquête population et emploi 2011 confirment l’ampleur du
chômage des personnes ayant un niveau équivalent à celui de l’enseignement
supérieur. L’analyse selon les régions de résidence montre que le taux de chômage de
cette catégorie d’actifs est plus important que celui de la population totale, pour toutes
les régions sans exception.
Ce taux de chômage dépasse le niveau national pour toutes les régions, à l’exception
de la région du Centre-Est et le district de Tunis (21,4 % et 20,7 % contre 29,2 % en
national).
La même tendance est enregistrée pour le taux de chômage des femmes ayant un
niveau d’instruction supérieur, il dépasse 50,0 % dans les régions du Nord-Ouest,
Sud-Ouest, Centre-Ouest et Sud-Est (graphique 33).
Graphique 33: Taux de chômage selon la région
Source : INS, enquête population et emploi 2011.
IV.2.5.1.5 Durée de chômage
Lors de l’enquête population et emploi réalisée par l’INS en 2008, six
personnes sur dix étaient au chômage depuis moins d’un an. Pour cette catégorie, il
s’agit des primo-demandeurs d’emploi, notamment les diplômés du supérieur qui
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
159
arrivent sur le marché de l’emploi et attendent leur insertion. Un quart des chômeurs
attend entre un an et deux ans avant de trouver un emploi tandis que pour près d’un
cinquième des chômeurs le temps d’attente est d’au moins 2 ans. Pour ces deux
catégories, ce sont les signes d’un chômage chronique reflétant la difficulté
d’insertion professionnelle.
Graphique 34: Répartition de la durée de chômage en 2008
Source : Enquête nationale population et emploi 2008, INS.
En Tunisie, la proportion des chômeurs et la durée de chômage entretiennent
une relation inverse. L’arrivée massive des jeunes diplômés du supérieur sur le
marché du travail et la difficulté d’insertion de ces derniers peuvent expliquer la
proportion des personnes au chômage de moins d’un an. D’autre part, l’allongement
de la durée du chômage après l’obtention du diplôme est une situation épouvantable
pour les diplômés du supérieur, et les occasions d’insertion professionnelle se
réduisent à mesure que s’allonge la durée du chômage.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
160
IV.2.5.2 Chômage des diplômés du supérieur
En Tunisie, on observe une distorsion entre la conjoncture économique
défavorable et le nombre de diplômés des universités qui arrivent sur le marché de
l’emploi. Ceux-ci viennent saturer le marché de l’emploi. Ce boom des chômeurs
s’explique par l’insuffisance des créations d’entreprises depuis la fin du siècle
précédent. L’INS estime le taux de chômage des diplômés à 33,6 % en mai 2011.
L’évolution du nombre de diplômés au chômage est plus importante durant la
dernière décennie, grimpant de 40 700 à 202 300 chômeurs diplômés entre 2004 et
2011, soit une croissance de plus de 497 % dans une période de sept ans (tableau 37).
Tableau 37: Évolution du nombre de diplômés au chômage
1975 1984 1994 2004 2006 2008 2011
Effectifs des diplômés en
chômage 630 1 600 6 300 40 700 71 200 113 800 202 300
Source : INS.
Cette situation de chômage est sans doute la résultante de plusieurs facteurs,
notamment :
- La transition démographique marquée par l’arrivée massive des jeunes comme
nous l’avons évoqué précédemment. Les personnes âgées de 15 à 59 ans
représentaient 66,3 % de population en 2010 ;
- la gratuité de l’enseignement supérieur et sa généralisation à toutes les couches
sociales ;
- la facilité de réussite au bac : la moyenne générale de la 4e année de
l’enseignement secondaire compte pour 25,0 % dans le calcul de la moyenne
finale du bac.
La disparité entre les deux sexes au plan du chômage des diplômés du supérieur est
nette : il est de l’ordre de 15,8 % pour les hommes contre 32,9 %222 pour les femmes,
soit deux chômeuses pour un chômeur ayant un diplôme du supérieur.
222 Source : INS, enquête Population Emploi mai 2011.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
161
IV.2.5.2.1 Évolution du taux de chômage des diplômés selon le sexe
« Il est largement vérifié qu’un niveau de
diplôme élevé ne représente pas pour les femmes le
même atout de bon positionnement professionnel que
pour les hommes.»223
Depuis quelques décennies, un nombre très important d’étudiantes diplômées arrive
sur le marché de l’emploi sans beaucoup d’espoir de trouver un travail correspondant
à leur qualification. Cette situation s’explique notamment par la nature de l’emploi
offert. En Tunisie, les femmes diplômées du supérieur sont plus touchées par le
chômage que les hommes. Cette disparité dans le chômage entre les sexes est la
résultante, dans un premier temps, d’un aspect socioculturel de la société tunisienne
vis-à-vis de la participation des femmes dans la sphère économique. L’insertion des
filles dans certaines spécialités est également plus difficile : par exemple dans le
domaine technologique et dans d’autres spécialités considérées spécialement de la
compétence masculine. Le recrutement connaît bel et bien une discrimination par
sexe.
223 Cf. Flahault, E. (2006). L'insertion professionnelle des femmes entre contraintes et stratégies d'adaptation. Rennes: Pur Editions, p. 33.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
162
Graphique 35: Chômage des diplômés du supérieur selon le sexe
Source : INS.
Un autre argument qui peut expliquer cette différence entre les deux sexes : les
femmes sont le plus souvent intéressées par les emplois dans le secteur public, qui est
de loin le principal générateur d’emplois permettant l’absorption de ce flux de
demandeurs d’emploi. Même si on continue de recruter dans ce secteur, ces
embauches auront sans doute des conséquences sur la productivité. À terme, il y a un
risque de gaspillage du capital humain et un engorgement de l’administration
tunisienne.
IV.2.5.2.2 Chômage selon le diplôme
La nature du diplôme est un autre déterminant du chômage, tout
particulièrement pour les diplômés du supérieur. En effet, être diplômé technicien
supérieur est bien diffèrent de l’être comme ingénieur. Les données issues des
enquêtes emplois réalisées par l’INS en 2007 et 2011 montrent la répartition des
chômeurs selon les diplômes:
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
163
Tableau38: Répartition des chômeurs selon les diplômes (en %)
2006 2011
Technicien supérieur et équivalent 35,5 43,1
Licence en sciences humaines 17,4 15,8
Licence en droit, économie et gestion 24,6 15,2
Licence en sciences exactes 15,7 18,2
Autres diplômes 6,8 7,7
Effectifs 71 200 202 300
Source : Enquête nationale population et emploi 2011.
Les techniciens supérieurs sont les plus confrontés au chômage. L’étude
réalisée par le ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi en
collaboration avec la Banque mondiale sur l’insertion professionnelle des diplômés de
l’enseignement supérieur de 2004 montre que la filière «santé et services sociaux» est
la mieux employable : les diplômés de cette filière obtiennent un emploi 18 mois
après de l'obtention du diplôme. Cette filière a enregistré un taux de chômage de
39,7 % contre 71,3 % pour la filière « Agriculture et industrie agro-alimentaire ».
D’un autre côté, les techniciens ayant poursuivi leurs études dans les Institutions
Supérieurs des Études Technologiques (ISET) sont moins touchés par le chômage que
les techniciens qui viennent d’autres institutions de formation avec des taux respectifs
de 45,3 % et 53,3 %.
Pour le cas des titulaires de la maîtrise, le taux de chômage varie aussi
sensiblement selon la spécialité d'études. Il est de l’ordre de 48,7 % selon les résultats
de l’enquête d’étude sur l’insertion professionnelle des diplômés du supérieur de
2004. D’autre part, la filière du droit est la plus touchée par le chômage. Alors que la
spécialité informatique est la moins exposée au chômage. Pour les ingénieurs le taux
de chômage est inférieur à 10,0 %, il est plus important dans les domaines liés à
l’agriculture. Par contre les moins affectés par le chômage sont les ingénieurs en
informatique.
L’écart significatif entre le taux de chômage des titulaires de la maîtrise et
celui des techniciens supérieurs peut être analysé de la façon suivante : après
l’obtention du diplôme, les techniciens supérieurs n’ont pas beaucoup de choix à part
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
164
celui de rentrer dans la vie active. Par contre les titulaires d’une maîtrise ont une autre
alternative, celle de la poursuite des études. D’autres parts, les recrutements dans le
secteur public, ne permettant pas d’absorber une main-d’œuvre de plus en plus
importante provenant de ce type de formation (celle des techniciens supérieurs).
IV.2.5.2.3 Causes du chômage des diplômés en Tunisie
Pour les diplômés du supérieur, le chômage en Tunisie est à la fois structurel224
et frictionnel225. Le premier s’explique par une croissance économique incapable de
créer assez d’emplois hautement qualifiés. Le second s’explique par un manque
d’information, ce qui fait que les diplômés formulent des exigences incompatibles
avec la réalité du marché de l’emploi (BEN SEDRINE, 2009).
Pour expliquer le chômage des diplômés, il faut prendre en compte notamment
des considérations d’ordre économique, social, politique (institutionnel) et
démographique. Dans les paragraphes qui suivent, nous allons voir ces différents
éléments.
Les interprétations économiques :
En science économique, le chômage est interprété comme la résultante d'un
déséquilibre entre l'offre et la demande sur le marché du travail, et la création
d’emplois est le résultat de l’activité économique. En d’autres termes, l’accroissement 224 Le chômage structurel: il découle de l'inadéquation qualitative entre l'offre et la demande de travail et il
est lié aux déséquilibres structurels de l'économie (inadaptation des qualifications, déséquilibres régionaux,
etc.). Le problème d’insertion des diplômés du supérieur est un bon exemple de ce type de chômage. En
effet, les difficultés que rencontrent ces jeunes sur le marché de travail sont notamment dues à une
déqualification par suite d’une inadéquation entre leur formation et l’emploi proposé. 225 Chômage frictionnel, appelé aussi le chômage de mobilité, de prospection ou d’appariement. C’est un chômage
lié au temps moyen normalement nécessaire pour passer d'un emploi à un autre. Il y a toujours un
chômage frictionnel, même en période de plein emploi. Car à tout moment, des individus peuvent quitter
leur emploi pour changer d'entreprise, de poste ou de conditions de travail. Cela peut être d’une manière
volontaire (chômage de ceux qui refusent les emplois offerts, car ils préfèrent chercher un emploi qui leur
convient le mieux) ou involontaire (chômage suite à un licenciement). Ce type de chômage peut être dû
aussi à une mobilité géographique ou à la mobilité entre activité et inactivité (par exemple, pour les
diplômés qui arrivent sur le marché de travail et cherchant un premier emploi, ils ont tendance à accepter
uniquement les postes qui correspondent à leurs ambitions).
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
165
économique est censé favoriser la création d’emplois. En Tunisie cette situation est
difficile, et elle est également influencée par un environnement local et international :
aux retombées de la crise mondiale s’ajoute une croissance tunisienne qui ne permet
pas d’absorber la demande additionnelle226. En effet, la création d’emploi a des
répercussions sur les perspectives économiques futures et le marché de l’emploi,
notamment sur l’insertion professionnelle. Pour les diplômés tunisiens, le problème
de chômage est dû d’une part à l’incapacité de l’économie nationale à créer
suffisamment de travail pour absorber les flux de demandeurs d’emploi. D’autre part,
le changement du rôle de l’État vis-à-vis de l’organisation du marché de travail, suite
à l’application des programmes d’ajustement structurel, favoriserait la persistance du
chômage. En effet, jusqu’à ces dernières décennies l’État jouait le rôle de régulateur
sur le marché du travail. Les changements institutionnels introduits par la
libéralisation économique (envisagés par les programmes d’ajustement structurel) ont
entraîné une stagnation, voire un recul, de l’activité dans le secteur public qui est le
débouché préféré des diplômés, car il leur offre un emploi stable et assure la
promotion sociale.
Le secteur privé quant à lui est composé essentiellement des microentreprises
recrutant une main-d’œuvre qui n’est pas hautement instruite et possédant un
minimum d’expérience pour accomplir des tâches basiques. Les diplômés ne sont pas
toujours les bienvenus dans ces entreprises, car ils ne possèdent pas d’expérience.
La baisse des effectifs dans le secteur public et la réticence de recrutement des
diplômés dans le secteur privé peuvent notamment donner des éléments d’explication
économique du chômage de cette catégorie de personnes.
Les interprétations démographiques :
Le développement du système d’éducation en Tunisie (éducation gratuite et
obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans) a permis la hausse du nombre de diplômés au
226 ITCEQ. (2012)." Le Chômage des jeunes : déterminants et caractéristiques. Tunis: Quantitatives, Institut Tunisien de la Compétitivité et des Études. Selon ce rapport : « Le paradoxe de l’économie tunisienne est, qu’en dépit d’un taux de croissance soutenue (5 %) durant plus d’une décennie, le taux de croissance de l’emploi n’a pas dépassé 2 % et la création annuelle d’emploi s’est limitée seulement à 50 milles emplois, dont seulement une très faible proportion est réservée aux diplômés du supérieur ».
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
166
cours de ces dernières décennies. Le problème d’insertion de ces jeunes dans la
sphère économique peut être expliqué par des éléments d’ordre démographique :
Le chômage des jeunes diplômés est principalement dû à l’augmentation
rapide et massive de leur nombre, toutes choses étant égales par ailleurs. En
effet, le nombre de jeunes arrivants sur le marché du travail chaque année est
beaucoup plus important que la demande additionnelle d’emplois pour cette
catégorie d’actifs ;
la mobilité géographique peut expliquer le problème d’insertion des diplômés.
En effet, le risque de mobilité (régional ou international) est plus important si
la région de résidence est touchée par des taux de chômage élevés. Les jeunes
sont attirés par les régions qui offrent plus d’opportunités de travail, ce qui
aura, sans doute, des conséquences sur la stabilité du marché de l’emploi dans
les régions d’accueil ;
la hausse de l’activité féminine durant ces dernières décennies permet
d’expliquer aussi le problème de chômage en Tunisie, et notamment celui des
diplômés. Le recul de l’âge au mariage et la recherche de l’autonomie
financière peuvent expliquer l’augmentation du nombre des femmes
travailleuses.
Les interprétations socioculturelles :
Depuis plusieurs décennies on assiste en Tunisie à la course au diplôme. En
effet, les changements socioculturels poussent les familles à investir dans la formation
de leurs enfants. Car les représentations sociales des diplômés leur permettent d’avoir
des atouts qu’on ne trouve pas chez les non-diplômés. Mais la réalité est beaucoup
plus contradictoire, car « la « scolarisation de masse » s'est en effet accompagnée
d'une baisse de la valeur sociale des diplômés »227. Cette dévalorisation sociale du
diplôme est induite par le chômage de ses détenteurs.
D’ailleurs, la hausse de l’activité féminine confirme bel et bien l’évolution des
mentalités dans la société tunisienne, suite à l’émancipation des femmes. En effet, le
227 PASSERON, J.-C. ( 1982). L'inflation des diplômes Remarques sur l'usage de quelques concepts analogiques en sociologie. Dans Revue française de sociologie (pp. 551-584.)
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
167
travail des femmes n’est plus considéré comme un sujet tabou et la femme peut
vendre sa force de travail pour venir soutenir son mari.
Les interprétations institutionnelles:
Pour expliquer les causes du chômage des diplômés, les chercheurs ont tendance à
mettre en cause les décalages entre niveaux de formation et niveaux de qualification
requis par les entreprises. Car d’après l’ONU (2001), la Tunisie serait le pays du
continent dans lequel les formations de cycles supérieurs seraient les plus inadaptées
aux besoins des entreprises.
D’autre part, un rapport de l’Institut Tunisien de la Compétitivité et des Études
Quantitatives confirme aussi ce décalage entre le système de formation et le marché
de l’emploi, car « Le chômage des diplômés en Tunisie concerne toutes les filières, les
disciplines et les domaines d’éducation sans exception. Alors que le pays forme de
plus en plus de jeunes, les entreprises évoquent régulièrement le manque de
compétences adéquates des candidats comme frein aux recrutements; c’est parmi les
plus diplômés que le chômage est le plus élevé, ce qui indiquerait que le système
éducatif produit des diplômés qui n’ont pas les compétences requises sur le marché
du travail »228. En effet, la structure de l’économie et sa croissance sont en
contradiction avec l’offre universitaire et les choix éducatifs des jeunes tunisiens, ces
derniers précipitent vers les sciences sociales au lieu de se concentrer sur les
formations technologiques, lesquelles ne connaissent pas la crise.
Conclusion
Le chapitre 4 nous révèle que les autorités tunisiennes ont mis en place diverses
politiques de l’emploi en fonction des réalités et situations économiques,
démographiques, éducationnelles, sociales et politiques du pays. Si la première politique
de l’emploi est élaborée au début des années 1960, c’est davantage dans les années 1970
et surtout à partir des années 1980 que le plan de développement rural intégré sera mis en
place avec pour objectif l’amélioration des conditions de vie des populations en milieu
rural, l’accroissement de la production et du revenu. La politique active de l’emploi
228 ITCEQ. (2012). Le Chômage des jeunes : déterminants et caractéristiques. Tunis: Institut Tunisien de la Compétitivité et des Études Quantitatives, p. 12.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
168
engagée depuis les années 1990 a pu réaliser plusieurs objectifs en agissant
indirectement sur les causes du chômage. Elle permet aux jeunes diplômés de
l’enseignement supérieur d’avoir une première expérience et d’être opérationnels.
La politique de l’emploi présente des limites notamment en ce qui concerne
l’inadéquation entre la formation reçue et les opportunités de travail des entreprises. À
cela s’ajoute la multiplicité redondante d’intermédiaires dans les dispositifs
d’insertion, des incohérences et même des contradictions institutionnelles. La
mauvaise répartition des dispositifs d’insertion ne permet pas une bonne couverture
du territoire.
La population active représente environ 70 % de la population totale, avec une
croissance annuelle supérieure à celle de la population totale. Cette population active
enregistre une poussée féminine (20,3 % en 1984 à 26,8 % en 2010). Elle s’améliore
en termes qualitatifs, puisque la population active de niveau supérieur passe de 3,6 %
à 17 %.
La demande additionnelle annuelle moyenne, après avoir connu une phase de
croissance à partir des années 1960, commence à baisser à partir de 2014. Cette
tendance se poursuivra jusqu’en 2024 selon les projections de l’INS. Cette demande
se féminise davantage et acquiert un niveau d’instruction plus élevé.
L’analyse de la population au chômage montre qu’elle est en croissance significative
puisqu’elle passe de 167 000 à 704 900 entre 1966 et 2011. La proportion de femmes
parmi l’ensemble des chômeurs passe de 5,4 % à 39,9 % sur la même période.
Dans une perspective spatiale, la région côtière enregistre une baisse du chômage
alors qu’au Nord-Ouest la baisse est plus modérée.
En bref, le chômage en Tunisie est d’origine structurelle et frictionnelle. Ainsi des
causes économiques, démographiques, socioculturelles et institutionnelles contribuent
à la situation de chômage dans le pays.
Le chômage en Tunisie touche de plus en plus de jeunes. Il est lié à un problème
d’accès au premier emploi plus qu’à un licenciement. Comme le confirme le rapport
de l’ITCEQ qui estime que « la hausse du chômage, constatée aujourd’hui en
Tunisie, ne semble pas être due essentiellement à une augmentation du nombre de
personnes qui entrent dans le chômage – par exemple, en perdant leur emploi- mais
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
169
plutôt à une difficulté accrue de trouver du travail lorsqu’on est chômeur »229. Ainsi,
pour les diplômés du supérieur, l’allongement de la durée du chômage est un
handicap redoutable, car les opportunités d’emploi se réduisent au fur et à mesure que
la durée du chômage s’allonge (généralement, les entreprises préfèrent recruter les
demandeurs récemment diplômés).
Un chômage féminisé : le chômage des femmes est beaucoup plus important que celui
des hommes.
Un chômage des diplômés : la proportion de diplômés parmi la population en
chômage est très importante (39 % en 2011). Le même rapport explique que le
problème d’insertion des diplômés est principalement dû à l’existence d’une vraie
inadéquation entre les compétences des jeunes et celles que cherchent les entreprises.
229 Ibid., p. 11.
Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________
171
DEUXIÈME PARTIE : ÉTUDE EMPIRIQUE, PERCEPTIONS
D’AVENIR PROFESSIONNEL CHEZ LES ÉTUDIANTS DU SUPÉRIEUR DU SUD-EST TUNISIEN
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
173
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population
enquêtée
V.1 L’enquête : présentation du travail
Notre enquête traite de la perception de l’avenir chez les jeunes étudiants du
supérieur, inscrits dans un établissement situé dans la région Sud-Est tunisienne. Le choix
de cette localité, pour la présente étude, est lié à plusieurs considérations, dont la plus
importante concerne la difficulté de faire un tel travail dans l’ensemble du pays pour des
raisons logistiques.
Par ailleurs, la région du Sud-Est est considérée comme exportatrice de main
d’œuvre vers le reste du pays et vers l’étranger, en raison de son explosion démographique
et un faible potentiel d’emploi. Les flux migratoires au départ de cette zone résultent d’un
chômage structurel pour un grand nombre des diplômés, notamment ces dernières années.
Un autre élément justifiant notre choix est lié à l’aspect traditionnel des liens familiaux
dans cette région. En fait, le caractère conservateur des familles, ajouté à une nuptialité
traditionnelle, les différencient du reste du pays. Souvent, ces spécificités peuvent être une
contrainte pour le travail et le statut des femmes, en particulier pour les futures diplômées,
qui se voient parfois obligées de renoncer à leur statut de femme employée au profit de
celui de mère de famille.
V.1.1 Préfiguration de l’échantillon :
Pour notre enquête, nous avons opté pour la méthode de sondage probabiliste, où
tous les étudiants des établissements du rectorat de Gabès, ciblés par l’enquête, ont la même
probabilité d’être tirés. Ce choix de méthode d’échantillonnage est lié principalement aux
insuffisances des moyens mis à notre disposition, ce qui nous a permis de réduire le coût de
cette opération et de couvrir le maximum de la population mère (les étudiants inscrits dans
l’un des établissements supérieurs de la région du Sud-Est).
L’échantillon sélectionné pour mener cette étude se compose de 387 individus, dont 307
sont originaires du Sud-Est alors que les autres sont des étudiants venant d’autres régions.
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
174
Les individus de la population enquêtée sont inscrits dans 11 instituts supérieurs parmi les
19 localisés dans cette région. Nous avons interrogé 151 étudiants et 236 étudiantes, soit
une représentation féminine de l’ordre de 61 %, ce qui correspond à la moyenne
nationale, alors qu’au niveau du rectorat de Gabès les filles représentent 68 % de
l’ensemble des étudiants230.La répartition par sexe et par établissement de la population
enquêtée est comme suit :
Tableau 39 : Répartition des personnes interrogées selon l’institut et le sexe
Institut Sexe Total
Masculin Féminin
École Nationale d’Ingénieurs de Gabès 15 12 27
Faculté des Sciences de Gabès 30 32 62
Institut Supérieur de Gestion de Gabès 14 31 45
Institut Supérieur des Études appliquées en Humanités de
Médenine
13 28 41
Institut Supérieur des Études juridiques de Gabès 4 11 15
Institut Supérieur des Sciences appliquées et de la Technologie de
Gabès
16 34 50
Institut Supérieur des Sciences et Techniques des eaux de Gabès 11 26 37
Institut Supérieur des Sciences infirmières de Gabès 12 12 24
Institut Supérieur d’Informatique et de Multimédia de Gabès 6 21 27
Institut Supérieur d’Informatique de Médenine 11 11 22
Institut Supérieur des Études technologiques de Djerba 19 18 37
Total 151 236 387
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
V.1.2 Méthode d’investigation : l’opportunité du recours au questionnaire
Le questionnaire utilisé pour faire notre enquête se divise en deux parties.
Dans la première, nous employons la fiche AGEVEN231 (Âge à l’événement, voir annexe 1)
230 Selon les statistiques de rectorat de Gabès, le nombre des étudiants inscrits en 2010-2011 est de l’ordre de 22 472, dont 15 321 étudiantes, soit 68 % des étudiants. 231 Source : D’après Géraldine VIVIER (INED), la fiche Ageven (Âge-événement) combine deux dimensions du recueil rétrospectif de données à savoir : les « événements « (au sens démographique du terme) qui sont advenus
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
175
pour enquêter sur le passé de l’individu. Ceci nous permet de recueillir des informations
relatives au parcours scolaire, aux événements démographiques, à la manière avec laquelle
les étudiants subviennent à leurs besoins et à la mobilité géographiques jusqu’en 2011.
La seconde partie correspond à un questionnaire (voir annexe 2) avec un peu plus de 90
questions et 220 variables réparties sur quatre modules. Ces modules touchent l’avenir
professionnel et son interaction avec les indicateurs démographiques de ces jeunes.
Le premier module enquête sur le projet de formation de ces jeunes. À ce stade, il s’agit de
savoir le degré d’attachement des jeunes aux études qu’ils mènent. Le deuxième module
cherche à connaître l’environnement familial et ses caractéristiques. Le troisième module
porte sur la perception de l’avenir des jeunes interviewés, et durant la période précédant
l’obtention du diplôme. Il s’agit ici de :
- S’interroger sur le projet professionnel des étudiants et voir son interaction avec les
événements démographiques ;
- évaluer l’accessibilité à un futur emploi, car on demande à l’étudiant une auto-évaluation
des formations suivies et une estimation de sa chance à trouver un emploi ;
- chercher à comprendre quels types d’obstacles à l’accès à l’emploi pourraient rencontrer
les futurs jeunes diplômés. Il sera question d’évaluer leurs connaissances du milieu
professionnel, des offres d’emploi, des salaires, de la discrimination salariale, etc. ;
- évoquer le travail des femmes ou comment ces étudiants (de deux sexes) perçoivent la
présence féminine sur le marché de l’emploi et dans quel domaine ;
- aborder l’interaction entre la vie professionnelle et la vie familiale. Il sera question de voir
comment les jeunes perçoivent la relation entre leur future activité et la vie familiale.
- définir la relation entre l’avenir professionnel et la nuptialité (l’âge d’entrée en couple,
choix de conjoint, etc.) ou encore la fécondité (nombre d’enfants désirés, contraception,
etc.).
Toutefois, avant la passation définitive des questionnaires à notre échantillon, nous
avons tenu à les tester auprès d'une dizaine d'étudiants hors échantillon, afin de voir les
réactions et d’apporter des rectifications si nécessaire. La phase du test s'est bien déroulée
et nous avons jugé bon de ne pas apporter de modifications radicales et importantes aux
dans les différents domaines biographiques (mariage, mise en couple, naissance, décès, déménagements, niveaux d’études, emplois…) et les « âges « (ou tout autre repère temporel) auxquels ces événements se sont produits.
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
176
questionnaires, car les répondants ont bien compris le sujet et les questions qui leur ont été
posées.
L’enquête a été réalisée pendant la période allant du 19 avril au 4 mai 2011. Les interviews
ont été réalisées principalement dans les halls ou à l’extérieur des établissements et, dans
certains cas, dans les foyers universitaires. L’entretien s’est déroulé en face à face, avec un
temps moyen de remplissage du questionnaire de dix-sept minutes, bien qu’il paraissait
assez long.
V.1.3 Le terrain d’enquête : difficultés et avantages
Au moment de la passation du questionnaire, nous avons rencontré plusieurs
obstacles qui se sont majoritairement débloqués par la suite de la révolution du 14 janvier
2011232. Ceux-ci étaient d’ordre administratif, contraignant l’avancement de procédure de
collecte.
Comme on l’a évoqué précédemment, enquêter sur l’avenir des jeunes diplômés est un sujet
sensible pour les pouvoirs politiques. Ainsi, la demande d’autorisation administrative pour
réaliser l’enquête était quasi-impossible, car les formalités administratives sont
compliquées (il fallait faire une demande et observer un délai d’attente indéterminable).
Après la révolution de 2011, ce problème n’était plus de la même ampleur et la demande de
l’autorisation et la réponse furent plus rapides.
Il faut signaler que si nous avions eu l’occasion de faire le terrain avant le 14 janvier 2011,
les réponses avancées par les personnes enquêtées n’auraient pas été les mêmes que celles
que nous avons collectées, car les étudiants répondants évoquaient souvent la notion avant
ou après la révolution. Sur le terrain, nous avons ressenti le changement, et la liberté
d’opinion est désormais garantie, car nombreux étaient les étudiants qui ont spontanément
demandé à participer à l’enquête.
En conséquence, le nombre de personnes ayant refusé de répondre au questionnaire était
négligeable: moins de 4 % de la population enquêtée (7 questionnaires ont été refusés et 6
partiellement remplis) dont la cause de refus était principalement due au manque de temps.
232 La révolution tunisienne, du 14 janvier 2011, connue aussi sous le nom « Révolution de la dignité » ou encore « révolution de jasmin » est la première dans le monde arabe. Elle correspond à une révolution démocratique et sociale, née suite à l’explosion de taux de chômage, notamment celui des diplômés.
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
177
Dans la suite du texte, nous allons décrire les caractéristiques de la population
interrogée. Cela implique une étude selon l’âge, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle
des parents et d’autres éléments typiques de la famille.
V.2 Aspects démographiques
V.2.1 Répartition des étudiants enquêtés selon le sexe
L’étude de la répartition par sexe des étudiants montre une nette dominance de la
population féminine. Sa proportion est de l’ordre de 60,9 % (cette tendance est quasi-
générale pour tout le pays, puisqu’en 2011 les filles représentaient 61,1 % de la population
estudiantine).
La prédominance de la population de sexe féminin parmi les étudiants peut
s’expliquer par le fait que les filles sont plus nombreuses parmi les bacheliers233 et qu’elles
réussissent mieux dans leurs études. De plus, aujourd’hui les parents acceptent davantage
d’envoyer leurs filles à l’école et à l’université.
Certes, au cours des deux premières décennies qui ont suivi l’indépendance, les autorités
tunisiennes ont accordé aux femmes un statut favorable par le biais d’une reconnaissance de
la plupart de ses droits. L’attribution du droit à l’éducation des femmes a porté ses fruits,
car la normalisation d’une scolarisation souvent avancée des filles est désormais bien
ancrée dans les pratiques familiales.
V.2.2 Répartition des enquêtés selon l’âge
Dans notre échantillon, plus des quatre cinquièmes (88,6 %) des étudiants de la
population interrogée étaient âgés de 20-24 ans, moins d’un dixième (8,8 %) avait 25 ans
ou plus, et seulement moins de trois pour cent (3 %) avaient moins de 19 ans.
L’âge moyen de la population est de 22,1 ans, avec un écart par sexe de l’ordre de 0,5 an,
soit 22,4 ans pour les garçons contre 21,9 ans pour les filles. L’âge médian, qui divise la
population en deux parties égales, est de 22 ans pour les étudiants contre 21ans pour les
étudiantes. Cependant, l’âge modal est de 22 ans chez les étudiants contre 21 ans chez les
étudiantes.
233 Le taux de réussite à la session principale du baccalauréat, juin 2011, est de 52,33 %, soit 65 045 candidats (60,68 % filles et 39,32 % garçons).
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
178
Nous avons pu constater également que, parmi les deux sexes, les étudiantes sont plus
nombreuses à suivre les études que les étudiants avant l’âge 25 ans. En revanche, elles le
sont moins au-delà de cet âge, comme le montre le tableau 40 :
Tableau 40 : Répartition des enquêtées selon le groupe d’âge et le sexe
Étudiants Étudiantes Total
Moins de 20 ans 0,5 % 5,0 % 13
[20 ans; 24 ans] 85,5 % 89,0 % 339
25 ans et plus 14,0 % 6,0 % 35
Total 151 236 387
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
D’autre part, la pyramide des âges de la population montre que les filles sont relativement
plus jeunes que les garçons. En outre, elles sont plus nombreuses à suivre des études entre
20 et 23 ans.
Graphique 36: Pyramide des âges de la population enquêtée234
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Généralement, l’accès à l’université est requis par l’obtention du baccalauréat, c’est
pourquoi l’analyse de l’âge à ce niveau scolaire peut nous être utile.
V.3 Temporalité et projet éducatif 234 Note: Nous signalons que les chiffres entre parenthèses correspondent aux nombres de répondants(n), et ceci dans tous les graphiques qui suivent.
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
179
V.3.1 Caractéristiques éducatives
V.3.1.1 Répartition selon l’âge au baccalauréat
Dans notre population, la plupart des interviewés ont obtenu leur baccalauréat à l’âge de 19
ans. La comparaison entre les deux sexes montre qu’avant cet âge, la proportion des
étudiantes est plus importante que celle des étudiants alors qu’au-delà, ce sont les étudiants
qui sont les plus représentés, comme on peut le remarquer sur le graphique 37. Deux
raisons probables pourraient expliquer ce constat :
La première raison pouvant expliquer cette différence entre les deux sexes est le fait que les
filles dans certaines familles sont contraintes de quitter l’école pour s’occuper du travail
domestique, surtout en cas de redoublement de leur classe. En conséquence, celles-ci
pourraient perdre une partie de leur autonomie (leur marge de liberté serait restreinte et
elles ne pourraient plus, désormais, sortir seules). La seconde raison est qu’entre 20 et
23ans le nombre des filles qui se marient est supérieur à celui des garçons, ce qui explique
leur sous-représentation dans la population totale.
Graphique 37: Proportion d’étudiants selon le sexe et l’âge au baccalauréat
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
V.3.1.2 Répartition selon la nature de baccalauréats
Parmi les 387 étudiants, le graphique 38 montre qu’un peu plus de la moitié ont
obtenu un baccalauréat en sciences ou mathématiques (52 %), suivis des littéraires (15 %),
alors que les proportions des étudiants des quatre autres sections sont comprises entre 10 et
12 %.
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
180
Graphique 38 : Proportion des personnes enquêtés selon la section du baccalauréat
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Comparées à leurs homologues masculins (tableau 41), les étudiantes sont le plus
souvent issues de classes de Sciences (34 %), Mathématiques et Lettres (18 % et 17 %). A
contrario, les étudiants sont le plus souvent issus de la filière Mathématiques (32 %),
Science et Technique (20 % et 15 %). Pour les spécialités Informatique, Économie et
gestion, on a la même tendance pour les deux sexes.
Tableau 41: Répartition des personnes enquêtées selon la section du baccalauréat et le sexe
Étudiantes Étudiants
Économie et Gestion 10 % 10 %
Informatique 11 % 12 %
Lettres 17 % 11 %
Mathématiques 18 % 32 %
Sciences 34 % 20 %
Technique 10 % 15 %
Effectifs 236 151
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
V.3.1.3 Répartition selon l’année d’inscription
La répartition de la population par année d’inscription montre une dominance
relative des étudiants de première année (au moins un tiers des étudiants sont inscrits en
première année). Ceci concerne principalement les nouveaux bacheliers qui viennent de
rejoindre l’université (c’est une tendance générale pour tout le pays).
Effectivement, depuis la mise en œuvre de la nouvelle méthode de calcul de la moyenne au
baccalauréat, qui tient compte de la moyenne annuelle235 du candidat à hauteur de 25 %, le
235 La décision de comptabilisation de la moyenne annuelle dans le calcul de la moyenne du baccalauréat avait été prise en 2001, afin d'obtenir des taux de réussite comparables à ceux de l'étranger et de montrer que la politique éducative du pays est un succès. Le système des 25 % a permis d’élever le taux de réussite au baccalauréat qui passe de 52 % en 2000 à 74,2 % en 2003.
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
181
nombre des bacheliers entrant à l’université tunisienne ne cesse d’augmenter depuis 2001.
D’autre part, les problèmes d’orientation inadéquate, parmi d’autres raisons, peuvent
expliquer le taux de redoublement élevé et donc la forte proportion des inscrits en première
année.
V.3.1.4 Répartition de la population estudiantine selon la formation suivie
L’étape la plus délicate pour le bachelier demeure l’orientation universitaire, qui
dépend de plusieurs critères, notamment la moyenne générale, les notes obtenues, le
nombre de places disponibles et les contraintes géographiques liées à des considérations
économiques et sociales. Certains bacheliers se voient orientés vers d’autres filières contre
leur gré, comme en témoignent les propos de l’étudiant El Hadi :
« Avant d’obtenir mon bac, j’ai rêvé d’être ingénieur en informatique, mais juste après
l’obtention de mon baccalauréat j’ai vu mes rêves s’évaporer, car mon score ne m’a pas
permis d’accéder à cette filière ».
En réalité, nombreux sont les étudiants qui ont été contraints à suivre une formation
ou à rejoindre des établissements qui ne répondent pas à leurs attentes ou à celles de leurs
parents, à l’instar d’Israa « Mes parents ont toujours rêvé que leur fille soit professeur
d’anglais, ils souhaitaient en fait que je ressemble à mon oncle Imad, en suivant son
parcours et exercer le même métier que lui : enseignant au secondaire. J’ai suivi cette
formation pour réaliser ce rêve et pour satisfaire à mes parents, qui m’ont beaucoup
soutenue, même si au fond de moi-même je n’étais pas assez convaincue de cette filière, car
j’aurais préféré être inscrite dans une filière scientifique ».
Ces propos montrent que le choix de la filière d’études ou de l’établissement n’est
pas toujours celui des bacheliers, ce qui pourrait avoir des conséquences sur leur cursus
universitaire et sur leur avenir professionnel. La répartition de la population selon la
formation suivie et la section de baccalauréat montre que la formation qui correspond le
plus au type de baccalauréat est celle des lettres. En effet, ce sont plus de 90 % des
étudiants ayant obtenu un bac lettres qui continuent dans la même orientation après le bac,
car leur formation est moins flexible et ne permet pas d’avoir beaucoup de choix à
l’orientation. En revanche, les étudiants ayant eu le baccalauréat série Mathématiques ou
Sciences expérimentales, ne rencontrent pas beaucoup de difficultés d’orientation et c’est
pourquoi on les trouve présents dans toutes les formations.
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
182
Tableau 42 : Répartition des formations suivies par les enquêtés selon la série du baccalauréat
Type de baccalauréat Sciences Mathématiques Lettres Informatique
Économie
et Gestion Technique
Formation supérieure
Mathématiques et
Sciences 28 % 38 % 2 % 22 % 14 % 15 %
Lettres 2 % 2 % 91 % 2 % 3 % 0 %
Technique 50 % 49 % 2 % 28 % 20 % 55 %
Informatique 10 % 8 % 0 % 44 % 0 % 19 %
Économie et gestion 10 % 2 % 5 % 4 % 63 % 11 %
Ensemble 108 93 58 43 39 46
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
La répartition ci-dessus (tableau 42) correspond-elle toujours aux attentes des
étudiants ou bien s’agit-il d’un problème d’orientation ? C’est ce que nous allons essayer de
vérifier dans les paragraphes qui suivent.
Pour ce faire nous avons choisi d’interroger les bacheliers sur leurs intentions, en posant la
question suivante : Avant d’obtenir votre baccalauréat, aviez- vous envisagé de faire des
études autres que celles que vous poursuivez actuellement ?
Les réponses à cette question révèlent que 59 % des étudiants (226 sur 387) ont envisagé de
se spécialiser dans des études différentes, avec un écart selon le sexe : 64 % pour les
femmes, 52 % pour les hommes. Sur ces 226 étudiants qui voulaient bénéficier d’une autre
formation, 219 (97 %) avaient un autre choix bien précis. À titre d’exemple, 7 % de ces
étudiants ont voulu poursuivre des formations liées directement aux lettres, alors qu’ils sont
aujourd’hui inscrits dans d’autres disciplines.
Les propos d’Iman (étudiante à l’École nationale d’Ingénieurs de Gabès) vont dans ce
sens :
« Au départ j’avais l’intention de faire mes études supérieures en Biologie, mais pour faire
plaisir à mes parents, j’ai accepté de m’orienter vers l’École Nationale d’Ingénieurs ».
Quant à Nizar, il préfère parler plutôt « d’une erreur de remplissage de formulaire
administratif » :
« Je me suis fait piéger en remplissant le formulaire d’orientation, car j’ai coché en
premier lieu la filière incompatible avec mon score, trop juste pour l’avoir. J’aurai dû
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
183
choisir une autre filière qui soit au niveau de mon score, mais je n’ai pas bien compris le
guide de l’orientation ! »
Ce n’est pas le cas de Mohamed, qui a été contraint de suivre une formation contre son gré :
« Mon score ne m’a pas permis d’intégrer la formation d’architecte, c’est pourquoi j’ai
choisi une autre formation.
Pour certains, comme Hajer, leurs choix ont été difficiles :
« J’étais complètement désemparée face à cette multitude de filières : plus que 600 ! Le
choix était trop difficile ! Et le creuset entre le score, les notes obtenues et le souhait
d’intégrer telle ou telle filière est énorme ! Pour cela, j’ai décidé d’imiter mes amis, en
cochant la même case de choix !
D’autres étudiants, comme Ayman par exemple, ont bien réfléchi avant de faire le bon
choix :
« En consultant le guide d’orientation, j’ai ressenti une confusion extrême entre ce
que je désirais et ce que je pourrais suivre comme filière ! Le score, le taux de réussite dans
une telle ou telle filière et les opportunités d’embauche sont au centre de mes réflexions.
Mais grâce au soutien de mon frère, j’ai pu échapper à une mauvaise orientation, même si
ce n’est pas exactement la formation que j’ai souhaité faire à cause de mon score ».
Un autre cas pour conclure, Ridha, qui garde un mauvais souvenir avec ces histoires de
choix, nous a avoué : « Je suis victime d’orientation, car je n’étais pas rationnel dans mon
choix, c’est-à-dire que je n’ai pas pu relativiser mon choix entre ambition et aptitude, faute
d’une information suffisante sur les métiers et les opportunités d’embauche, j’ai ne pas pu
envisager avec lucidité mon avenir professionnel.»
V.3.2 Existe-t-il un lien entre établissement et motivation à la formation ?
L’analyse de degré d’attachement des étudiants aux formations suivies selon l’institut nous
permet de dégager l’ampleur de cette question dans l’univers universitaire en Tunisie.
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
184
Tableau 43 : Répartition selon le sexe et l’institut de formation des étudiants victimes d’une mauvaise orientation
Institut Masculin Féminin
% Total % Total
École Nationale d’Ingénieurs de Gabès 47 % 15 77 % 12
Faculté des Sciences de Gabès 60 % 30 44 % 32
Institut Supérieur de Gestion de Gabès 79 % 14 65 % 31
Institut Supérieur des Études appliquées en Humanités de Médenine 38 % 13 44 % 28
Institut Supérieur des Études juridiques de Gabès 50 % 4 73 % 11
Institut Supérieur des Sciences appliquées et de la Technologie de Gabès 63 % 16 79 % 34
Institut Supérieur des Sciences et Techniques des eaux de Gabès 55 % 11 67 % 26
Institut Supérieur des Sciences infirmières de Gabès 42 % 12 75 % 12
Institut Supérieur d’Informatique et de Multimédia de Gabès 75 % 6 85 % 21
Institut Supérieur d’Informatique de Médenine 36 % 11 60 % 11
Institut Supérieur des Études technologiques de Djerba 42 % 19 44 % 18
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Le test du khi-deux nous permet de confirmer l’existence d’une dépendance (avec
un risque d’erreur inférieur à 1 %) entre l’institut et le degré de rattachement à la formation
suivie. Les filles se montrent moins motivées que les garçons par les formations qui suivent
(à l’exception des celles qui sont inscrites à la faculté des Sciences et l’institut supérieur de
gestion de Gabès). D’un autre côté, les étudiants de l’institut supérieur des Études
appliquées en Humanités de Médenine sont les plus attachés à leurs formations puisque la
majorité d’entre eux ont choisi cette formation et ils sont issus majoritairement de la
branche lettres, par contre ceux qui sont inscrits à l’institut Supérieur d’informatique et de
multimédia de Gabès sont les moins intéressés par leur formation puisqu’ils n’ont pas
forcement choisi cette formation.
Les réponses à la question : Avez-vous des difficultés à comprendre les objectifs de votre
branche d’enseignement ? montrent que chez les deux sexes, un peu plus de la moitié des
étudiants (56 %) déclarent avoir des difficultés pour comprendre les finalités de leurs cursus
universitaires et son efficacité professionnelle (graphique 39). Cette proportion est plus
importante chez les garçons que chez les filles (77 % contre 68 %).
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
185
Graphique 39: Difficulté à comprendre les objectifs de la formation suivie selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Dans ce sens Olfa, étudiante à la faculté de sciences de Gabès, nous dit : « Je ne
comprends pas pourquoi on nous enseigne des matières qui n’ont pas de rapport avec notre
formation !? Je sens qu’on est trop loin de la réalité professionnelle : c’est trop
théorique ! »
Le discours de Salwa va dans le même sens «J’étais surprise par le contenu de ma
formation ! Ce n’était pas du tout ce que j’ai pensé trouver! Je sens une divergence avec
l’opportunité professionnelle. Je suis vraiment déçue et j’ai des inquiétudes pour mon
avenir professionnel ».
En croisant les réponses à la question (avez-vous des difficultés à comprendre les objectifs
de votre branche d’enseignement?) avec la question précédente (avant d’obtenir votre
baccalauréat, aviez- vous envisagé de faire des études autres que celles que vous
poursuivez actuellement ?), dans le graphique 40 on remarque l’effet de la formation suivie
(souvent imposée) sur l’avenir professionnel des étudiants qui estiment ne pas bien
comprendre l’objectif d’une telle formation. La proportion des étudiants qui n’ont pas
choisi la formation effectivement suivie et qui avouent avoir des difficultés pour
comprendre les objectifs de leurs formations est légèrement plus importante par rapport à
l’ensemble des étudiants enquêtés. Ces chiffres sont de l’ordre de 85 % chez les garçons et
81 % pour les filles.
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
186
Graphique 40 : Difficultés à comprendre les objectifs de leur formation par les étudiants déçus suite à une mauvaise orientation, selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Cette question nous a permis de mesurer l’effet d’une mauvaise orientation sur
l’avenir professionnel de ces jeunes. Le croisement de cette question avec la question :
« votre avenir professionnel, ça vous préoccupe ? » révèle que 89 % des étudiants qui
déclarent être préoccupés par leur avenir professionnel sont des victimes d’une orientation
contre leur gré. D’autre part, 64 % d’entre eux se disent inquiets pour leur avenir
professionnel.
V.3.3 Durée des études envisagées
La durée moyenne des études envisagées après le bac ne diffère pas beaucoup entre les
filles et les garçons : respectivement elles sont de l’ordre de 4,8 et 4,5 ans. Sans aucun
doute, l’établissement de formation est un déterminant de la durée d’études envisagées par
les étudiants, mais d’autres variables comme le sexe peuvent aussi être déterminantes. Le
test d’indépendance entre le sexe et le nombre d’années d’études envisagées est rejeté avec
un risque d’erreur inférieur à 1 %, d’où la relation de dépendance entre ces deux variables.
Effectivement, l’exploitation des données de l’enquête montre que les filles sont plus
nombreuses à être motivées pour continuer les études en troisième cycle (graphique 41). Le
test d’indépendance du khi-deux confirme le lien entre le sexe et la motivation de continuer
les études en troisième cycle, avec un risque d’erreur de l’ordre de 2,3 %. Chez une bonne
partie des étudiantes, on entend fréquemment l’expression : « J’arrête les études
uniquement si je me marie ou si je trouve un travail ».
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
187
Graphique 41 : Poursuite des études en troisième cycle selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
V.3.4 Économie et subvention des études
Lors de notre enquête, nous avons demandé aux étudiants comment ils font pour
financer leurs études. Le graphique 42 nous donne une idée sur les moyens de financements
des études pour l’année de l’enquête (2010-2011) :
Graphique 42 : Types de financement des études selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Nous pouvons remarquer ici une forte dépendance financière de ces jeunes vis-à-vis
leurs familles (il s’agit d’un peu plus de la moitié de ces étudiants). Les bourses
universitaires représentent la deuxième ressource pour les étudiants. Il s’agit des étudiants
issus de familles ayant des revenus modestes (pour notre population, 75 % des étudiants ont
des parents appartenant au mieux à la catégorie socioprofessionnelle des ouvriers).
L'aspect le plus attirant du graphique ci-dessus est le pourcentage des étudiants qui
travaillent : 11 % des garçons et 3 % des filles exercent une activité pour financer leurs
études. Si nous cherchons à comprendre les facteurs déterminant ces résultats, on trouve
que, d’après notre enquête, la famille reste le recours par excellence pour le financement
des études des personnes. Cette situation de dépendance envers la famille est souvent un
choix privilégié par les parents qui refusent le travail de leurs enfants, car d’après eux il
n’est pas possible de concilier le travail et les études. Dans ce sens, nous avons eu des
paroles quasiment unanimes chez plusieurs jeunes enquêtés, à titre d’exemple : « Mon père
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
188
refuse que je travaille, chaque fois il me dit : « termine tes études avant, puis on parlera.
On ne peut pas faire les deux en même temps » ».
D’autres justifient leur réticence envers le travail par le fait qu’ils ne trouvent pas
d’opportunités d’emploi correspondantes à leur motivation, surtout par rapport à leur
disponibilité.
Nizar (cité précédemment) déclare : « Je veux bien travailler pour financer mes études,
mais les offres sont souvent dans le domaine du bâtiment « mrama, en dialecte tunisien »,
un travail pénible qui nécessite beaucoup d’efforts et de temps. Il est impossible de
continuer ses études avec un travail pareil ! En plus, ça empêche la conciliation entre le
travail et les études ».
En outre, le résultat de notre enquête montre que plus de 25 % des étudiants, dont la grande
majorité sont des hommes (52 % contre seulement un peu moins d’un pour cent [0,9 %]
pour les filles) avaient déjà travaillé. Cette situation peut avoir des conséquences sur le
processus d’insertion des futurs cadres. En effet, le non-engagement et la quasi-inexistence
de motivation pour la recherche d’un emploi chez les étudiants, ajoutés à une situation
économique difficile engendrant peu d’opportunités d’emploi, sont des facteurs qui agissent
sur l’insertion et sur les perspectives professionnelles de ces derniers.
V.3.5 Méritocratie scolaire et autoévaluation de la formation
Lorsque nous avons demandé une autoévaluation de l’employabilité de ces
étudiants, ces derniers estiment que les formations suivies leur permettront d’être productifs
sur le marché de l’emploi. À peu près 43 % des étudiants estiment qu’ils sont moyennement
formés contre 30 % qui se disent bien formés. La disparité entre les deux sexes est non
significative et l’hypothèse d’indépendance entre le sexe et l’évaluation de la formation est
acceptée, car le risque d’erreur est de l’ordre de 20 %.
Plusieurs étudiants ont montré une certaine ambiguïté quant à l’évaluation de leur
formation en se demandant comment ils peuvent s’en servir sur le marché de l’emploi. Ali
souligne dans ce sens : « Je ne peux pas donner une évaluation de ma formation, celle-ci ne
vaut rien sans une expérience pratique ! »
D’autres disent que même s’ils se sentent bien formés, ils ont du mal à faire le lien entre
leur cursus universitaire et le marché du travail. Loubna, étudiante en technique des eaux,
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
189
confirme : « C’est de l’ironie ! Même si je considère que je suis bien formée, je ne vois pas
quel travail je pourrai exercer après avoir obtenu mon diplôme !? »
Pour mieux comprendre ce phénomène, nous avons formulé deux questions
(Questions P9bis et P9ter), permettant aux étudiants de se prononcer sur l’utilité des
diplômes. Nous avons commencé par leur demander si en Tunisie le diplôme est
indispensable pour réussir sa vie professionnelle. Puis, nous nous sommes interrogés :
« Est-ce que le diplôme est une condition nécessaire et suffisante pour l’insertion
professionnelle ? »
Pour les étudiants, le diplôme est une clé et une condition de base pour la réussite, comme
le montrent les réponses à la première question. Sans surprise, environ 67 % des étudiants
interrogés pensent que le diplôme est indispensable pour la réussite professionnelle.
Pourtant, les réponses à la deuxième question montrent qu’aux yeux des étudiants, le
diplôme est nécessaire, mais insuffisant pour intégrer le monde du travail. 72 % d’entre eux
estiment que le diplôme ne constitue plus une garantie pour le travail.
Sonia (citée précédemment) pense que « La possession d’un diplôme peut augmenter la
chance d’être recruté, car les recruteurs sélectionnent les candidats sur leurs diplômes.
Mais, être diplômé de nos jours n’est plus un gage pour le travail ! Regarde, tu peux
trouver des gens qui n’ont pas des diplômes supérieurs et malgré ça ils occupent des postes
considérables ! C’est le monde à l’envers ! N’est- ce pas ?».
V.4 La provenance géographique et sociale des étudiants
« On ne peut comprendre l’insertion professionnelle d’un
jeune et son cheminement professionnel, sans tenir compte de son
milieu d’origine, ce qui amène à s’interroger sur les phénomènes
de transmission du statut social d’une génération à l’autre »
(DURU-BELLAT et HENRIOT-VAN ZANTEN, 1992)
V.4.1 Origines géographique des étudiants
Généralement, le rendement universitaire des étudiants ainsi que leur avenir
professionnel sont en grande partie définis par leur situation socioéconomique: la classe
sociale des parents, la composition de leurs familles, etc.
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
190
Les étudiants enquêtés inscrits dans un établissement universitaire du Sud-Est sont à 79 %
(307 étudiants) issus de cette région dont 40 % (156 étudiants) venant de Gabès, 30 % (116
étudiants) de Médenine et 9 % (35 étudiants) de Tataouine. Le reste des étudiants viennent
de 12 autres régions du pays, la majorité est originaire de la région de Kébili.
Il reste à vérifier si la tendance de dominance des étudiants locaux, voire régionaux, est due
à un choix de l’étudiant ou aux exigences de système d’orientation sélectif. Pour répondre à
cette question, nous soulignons que de nombreux étudiants ont déclaré être victimes d’une
mauvaise orientation faute de place dans les autres établissements, comme en témoignent
certains étudiants interrogés au cours de cette enquête.
Dans cette perspective, les propos d’Ali ne sont pas tendres, il a usé d’un langage un peu
« cru » : « Je me suis inscrit dans une faculté « poubelle » elle n’a rien à voir avec les
autres universités du pays, nous sommes utilisés comme « des bouche-trous » ».
Dans un autre entretien, Wafa (21 ans) estime qu’« à l’Institut Supérieur des Eudes
Appliquées en Humanités de Médenine, les études et les cours diffèrent beaucoup de ceux
qui sont suivis dans d’autres établissements de la même spécialité. Ici on se sent comme
délaissés, la qualité d’enseignement est médiocre … »
D’autres interviewés évoquent des arguments liés plus à des raisons familiales et
financières. C’est le cas de Zohra (22 ans) étudiante à l’École Nationale d’Ingénieurs de
Gabès : « En fait, j’avais les résultats qui me permettent de poursuivre mes études à Tunis.
Mais vu la situation de mon père (travailleur occasionnel), j’ai jugé judicieux de rester sur
place et de poursuivre mes études à Gabès ».
Pour Sonia (21 ans), étudiante à l’Institut supérieur d’Informatique de Médenine, sa
situation économique était déterminante dans son choix d’orientation :
« …Malheureusement, l’économie de la famille ne me laisse pas le choix ! J’ai été dans
l’obligation de continuer mes études à Médenine. Les faire ailleurs, cela veut dire pour
moi : au revoir les études ».
La taille de la fratrie, souvent conjuguée à une situation économique exsangue, rend aussi
cette mobilité régionale impossible. Ce qui nous montre l’exemple de Halima (23
ans), étudiante à l’Institut Supérieur des Études appliquées en Humanités « Nous sommes
six enfants, dont cinq font des études. Mon père travaille occasionnellement et notre
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
191
situation économique est très difficile. . Quant à moi, la bourse qui m’est attribuée ne me
suffit pas pour vivre ailleurs. . C’est pourquoi j’ai décidé de terminer mes études ici ».
Ces discours, que nous avons pu recueillir lors de notre enquête, témoignent d’un vécu
ordinaire très difficile pour ces étudiants.
V.4.2 Giron familial : migration, profil parental et progénitures
Parmi les 380 répondants à la question : Est-ce que vos parents résident à
l’étranger ? 91 % ont déclaré avoir les parents vivant en Tunisie, contre seulement 9 % des
personnes enquêtées qui ont au moins un des parents résidant à l’étranger.
Ce résultat ne correspond pas du tout à notre hypothèse de départ, dans laquelle nous avons
estimé que notre région d’étude (Sud-Est) est considérée comme un foyer d’émigration,
mais il peut être expliqué par l’aspect hétérogène de notre échantillon. Effectivement,
depuis les années quatre-vingt, les procédures de regroupement familial des immigrés en
France ont favorisé les migrations des familles dont les enfants sont en âge de scolarisation.
En conséquence, l’inscription de ces étudiants dans une université tunisienne peut
probablement nous renseigner sur la sédentarité de leurs parents.
V.4.2.1 Catégorie socioprofessionnelle des parents
À ce stade, nous envisageons de connaître l’environnement familial de l’enquête par
l’étude de quelques caractéristiques de la famille, et plus précisément celle des parents. Au
départ, il faut souligner que les pères des personnes enquêtées sont âgés en moyenne
d’environ 55 ans et les mères de 49 ans (soit un écart d’âge moyen de 6 ans).
Concernant la catégorie socioprofessionnelle des pères, les ouvriers constituent la CSP
dominante (44 %), suivis des cadres (16 %) et des chefs d’entreprise (14 %)
(graphique 43).En ce qui concerne les mères, 89 % d’entre elles sont sans activité, ce qui
confirme le progrès en matière d’activité féminine entre la génération étudiée et celle des
mères.
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
192
Graphique 43: Répartition des étudiants enquêtés selon le sexe et la CSP des parents
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
V.4.2.2 Niveau d’instruction des parents
Le graphique 44 représente la répartition des enquêtés selon le niveau d’instruction
de leurs parents. 61 % des pères des étudiants ont un niveau d’instruction secondaire et
plus, contre 36 % pour les mères. Autrefois, l’éducation des jeunes femmes était très
restreinte et dépendait fortement des choix de la famille, ce qui explique l’importance de
l’analphabétisme chez les plus âgées (22 % pour les femmes contre 12 % pour les
hommes). D’autre part, même si les femmes intégraient l’école, leur scolarisation se
terminait généralement au niveau primaire (42 % des mères des jeunes enquêtés ont un
niveau d’éducation primaire).
Graphique 44 : Répartition des étudiants enquêtés selon le sexe et le niveau d’instruction des parents
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
La divergence entre les mères et les pères en matière de scolarisation est
principalement la conséquence des coutumes de la société tunisienne, qui favorisait la
scolarité des garçons au détriment de celle des filles. Ces dernières avaient le droit à un
minimum d’instruction leur permettant de savoir lire et écrire, puisque le but de
l’instruction des femmes n’était pas de les encourager à travailler après la fin des études,
mais plutôt de les préparer à aider leurs futurs enfants à faire leurs devoirs.
Pour les nouvelles générations, la situation est différente en matière d’instruction, car les
femmes bénéficient dorénavant d’une longue scolarité. La transition du statut de la femme
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
193
tunisienne est le fruit des politiques entreprises par l’État à travers l’obligation et la gratuité
de la scolarisation des filles, au même titre que les garçons, et ce jusqu’à l’âge de 16 ans.
V.4.2.3 Taille de la fratrie
Comme nous l’avons signalé précédemment (Chapitre 3), les femmes tunisiennes
sont de plus en plus instruites. Ainsi, elles entrent en couple plus tardivement et elles sont
plus susceptibles d’avoir recours aux moyens de contraception que les femmes peu ou non
instruites.
Le test du khi-deux appliqué à notre échantillon montre l’existence d’une relation de
dépendance entre le nombre d’enfants des mères des personnes enquêtés et le niveau
scolaire de celles-ci. De manière générale, les femmes les plus instruites ont moins
d’enfants, car l’encouragement de l’éducation des femmes en Tunisie, comme ailleurs, est
en mesure de favoriser la maîtrise de la fécondité et d’accroître l’usage des moyens de
contraception.
L’analyse de la taille de fratrie pourrait nous être utile pour comprendre la structure
familiale et nous informer sur le calendrier et l’intensité de fécondité des mères. En effet,
pour les familles des personnes qui ont répondu à notre enquête, le nombre d’enfants mis au
monde est en moyenne égal à 5 enfants (soient des familles de taille moyenne égale à 7, en
rajoutant les parents). L’intervalle de temps entre l’enfant aîné et le cadet (le plus jeune) est
en moyenne de l’ordre de 12 ans tandis que l’étendue de la fratrie est comprise entre 1 et 13
personnes.
La descendance finale des mères et la durée de leurs vies fécondes vont nous permettre de
faire des comparaisons avec la nouvelle génération, représentée par les jeunes enquêtées,
dans une approche de perception de leur vie familiale.
Conclusion
Les chances de trouver un emploi sont inégales d’un individu à un autre. L’insertion
professionnelle des diplômés du supérieur dépend non seulement de la possession ou non
d’un diplôme, mais également de leurs caractéristiques personnelles (sexe, origine sociale,
etc.).
Les parents des étudiants sont à 44 % des ouvriers, tandis que 16 % sont des cadres et 14 %
des chefs d’entreprises. 61 % des pères des étudiants ont un niveau d’instruction secondaire
Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________
194
et plus, contre 36 % pour les mères. L’étude du lien entre l’institut d’étude et le degré de
rattachement à la formation suivie montre l’existence d’une dépendance entre ces deux
variables. En ce qui concerne l’évaluation de leur formation, 43 % des étudiants estiment
être moyennement formés contre 30 % qui pensent être bien formés. D’autre part, parmi les
étudiants victimes d’une orientation contre leur gré, 89 % se disent préoccupés par leur
avenir professionnel et 64 % d’entre eux se disent inquiets pour leur avenir professionnel.
Les résultats de l’enquête révèlent que le sexe est un déterminant du nombre d’années
d’études envisagé ; les filles allongent plus leurs durées d’étude. Elles sont plus nombreuses
à être motivées pour poursuivre des études de 3e cycle.
Un autre élément qui nous permet de comprendre le problème d’insertion des jeunes
diplômés est le non-engagement dans la recherche d’emploi. La famille constitue le
principal soutien pour les étudiants (52 % des étudiants), car la plupart des parents refusent
que leurs enfants travaillent pour financer leurs études. La bourse vient en deuxième
position. Quelques étudiants - 11 % de garçons et 3 % de filles - travaillent néanmoins pour
financer leurs études. Toutefois 25 % des étudiants ont déjà travaillé.
L’étude des propriétés biographiques de la population enquêtée nous aidera donc dans l’analyse de l’insertion professionnelle, ce qui fera l’objet du chapitre 6.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
195
Chapitre : Perception de la situation professionnelle
VI.1 Motif de la recherche d’emploi
Dans le paragraphe suivant, nous tentons de comprendre pourquoi ces jeunes
voudraient travailler. Le test d’indépendance entre le sexe et les réponses à la question
« Que pensez-vous faire après avoir fini vos études » est rejeté, car le risque d’erreur est
très faible. Donc, pour notre population enquêtée, le sexe joue un rôle déterminant du
motif du travail.
Quant à la raison la plus avancée, par les garçons comme par les filles, elle est de nature
pécuniaire, donc le besoin matériel (60 % contre 51 % respectivement). En second lieu,
les hommes se montrent plus engagés dans la constitution d’une famille en évoquant la
recherche d’emploi (61 % contre 39 % pour les femmes), alors que pour celles-ci, le
travail est un moyen pour sortir et être connues dans la société (26 % contre 18 %). Elles
estiment le travail comme une source d’épanouissement social et d’émancipation.
Les femmes estiment également que travailler est bon pour le moral (50 % contre 24 %
pour les hommes). Dans ce sens, Salwa pense que « le travail permet à la femme d’avoir
son poids dans la société, ce qui aura des conséquences sur sa personnalité ».
Graphique 45: Motifs de la recherche d’emploi selon la perception des étudiants et leur sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Pour mieux comprendre ces résultats, nous avons demandé si ces jeunes
considèrent le travail comme une obligation ou comme un besoin. Ainsi, les résultats
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
196
représentés sur le graphique 46 montrent qu’un quart (25 %) des filles ont tendance à
considérer le travail comme un besoin contre 9 % des garçons.
Pour la modalité « obligation », nous assistons à un renversement des tendances : un peu
plus du quart (28 %) des garçons considèrent qu’ils sont obligés de travailler contre
17 % pour les filles.
Le reste des interrogés considèrent le travail comme étant un besoin et une obligation en
même temps (63 % pour les garçons contre 58 % pour les filles). Le test du khi-deux
confirme l’existence d’une dépendance entre cette variable et le sexe, avec un risque
d’erreur très faible (inférieur à 1 %).
Graphique 46: Perception du travail entre obligation et besoin selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
VI.2 Insertion professionnelle
Après avoir enquêté sur leurs provenances sociales et leurs études, nous essayons
d’observer la perception de l’avenir professionnel chez les personnes interrogées en
posant plusieurs questions. Nous avons commencé par interroger ces jeunes sur leur
projet après la fin des études. La réponse à cette question montre que pour les deux
sexes, l’objectif primordial est d’intégrer le milieu professionnel.
Au deuxième rang, l’objectif cité est celui du mariage pour les filles, de l'émigration
pour les garçons.
De plus, le test d’indépendance entre le sexe et le projet (post études) de ces jeunes est
rejeté, car le risque d’erreur est très faible (inférieur à 1 %). Nous pouvons conclure donc
que le sexe est un déterminant pour le projet des futurs jeunes diplômés du supérieur.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
197
Graphique 47 : Projet des étudiants après les études selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Nous avons par la suite demandé aux étudiants comment ils estiment leur
insertion sur le marché de l’emploi. Ici, nous remarquons qu’un peu plus de la moitié
(56 %) des étudiants estiment affronter des difficultés d’insertion dans le milieu
professionnel. Sur ce plan, la différence entre les filles et les garçons est négligeable
(58 % contre 55 %). Ces résultats confirment bel et bien la difficulté d’insertion des
diplômés des universités tunisiennes, aussi bien pour les filles que pour les garçons, étant
donné qu’au moins un étudiant sur deux montre son inquiétude.
Plusieurs étudiants, comme Ali, estiment qu’il est impossible d’embaucher tous les
diplômés « Il faut accepter la réalité ! L’économie tunisienne ne permet pas d’absorber
ces flux de diplômés qui viennent engorger le marché de l’emploi ».
Les garçons se montrent légèrement plus optimistes que les filles, car un tiers d’entre
eux (33 %) estime qu’il est facile de s’insérer dans le monde professionnel, contre plus
d’un quart (29 %) pour les filles (graphique 48). L’autre résultat qui a attiré notre
attention est qu’environ un sur huit étudiants, ignore son potentiel d’emploi.
Graphique 48: Évaluation d’insertion selon les étudiants selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
En termes de pourcentages, la réponse à la question « quelles sont vos chances de
trouver un emploi ? » confirme cette tendance d’optimisme chez les étudiants qui
estiment avoir plus de chances de s’intégrer que les étudiantes. Mais comme pour la
plupart d’autres questions, les étudiants et les étudiantes se réfèrent à la révolution du 14
janvier 2011. Ainsi, au moment de l’enquête, ils demandent à chaque fois si c’est
d’« avant ou après la révolution» que nous parlons. À cet égard, l’objectivité des
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
198
réponses montre que les étudiants sont conscients de la situation économique du pays et
du faible potentiel d’emploi, car au moins un étudiant sur deux estime qu’il est difficile
de trouver un emploi.
VI.2.1 Perception de la période de chômage
La période d’insertion apparaît de moins en moins comme
un sas entre l’école et l’emploi, car, d’une part les frontières
entre emplois, chômage, formation, etc. se brouillent et d’autre
part la période tend à se structurer (Canals, Michel ,1995)
Dans le questionnaire de l’enquête, nous avons demandé une estimation de la
durée de chômage de ces jeunes une fois qu’ils auraient obtenu leurs diplômes. Il s’agit
de répondre à la question suivante : « D’après vous, combien de temps il vous faut pour
trouver un emploi, une fois vos études terminées ?
Les réponses à cette question, illustrées dans le tableau 44, montrent qu’en fonction du
sexe, les étudiants sont un peu plus nombreux que les étudiantes à estimer une durée de
chômage inférieure à un an (48 % contre 43 % pour les étudiantes). Pour la durée
estimée entre 2 et 5 ans, la tendance se renverse puisque 38 % des filles s’y
reconnaissent contre 33 % des garçons d’où leur pessimisme. Nous remarquons
également que cette question reste floue pour une grande partie des étudiants, puisque
14 % d’entre eux ne peuvent pas prévoir cette durée.
Tableau 44 : Perception de la durée de chômage selon le sexe
Étudiants Étudiantes
Au plus un an 48% 43 %
De 2 à 5 ans 33 % 38 %
Plus de 5 ans 5 % 5 %
Ne sait pas 14 % 14 %
Total 130 201
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
La durée moyenne d’attente avant de décrocher un emploi selon la perception de
ces étudiants est de l’ordre de 2,1 ans (1,9 an pour les étudiants contre 2,2 ans pour les
étudiantes). Cette durée moyenne parait moins courte que la durée réellement observée
chez les anciens diplômés, bien que plusieurs d’entre eux attendent toujours leur
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
199
insertion. En effet, selon l’étude de Stampini et Verdier-Chouchane236 , les diplômés en
Tunisie sont au chômage pendant 28 mois en moyenne.
Concernant ce point, nous pensons que la révolution du 14 janvier 2011 a bouleversé la
situation de telle façon que les étudiants sont plus optimistes, en estimant qu’un jour il y
aura un changement radical vis-à-vis du chômage (facteur déclencheur de cette
révolution).
Les propos de Fakher, étudiant à L’ISET de Djerba, peuvent appuyer cette vision: « Je
suis insoucieux quant à la durée de chômage. La révolution est faite, maintenant les
prochains dirigeants doivent veiller à résoudre le problème du chômage et à trouver
pour nous des emplois qui correspondent à nos ambitions »
VI.2.1.1 Durée de chômage selon l’établissement
La durée de chômage estimée par ces étudiants diffère selon l’établissement (ici,
nous parlons de type de formation: ingénieurs, maitrisards ou autres)237. En effet, 78 %
des étudiants inscrits à l’École Nationale d’Ingénieurs de Gabès pensent attendre moins
d’un an avant de décrocher un premier emploi. Cette proportion est beaucoup plus faible
chez les filles (69 %) que chez les garçons (87 %).Pour les étudiants de l’Institut
supérieur de Gestion de Gabès, ce chiffre est de l’ordre de 28 %. D’autre part, 38 % des
étudiants de cet institut sont dans la confusion et ne savent pas combien de temps il leur
faudrait pour avoir un premier emploi. Cette tendance est semblable à celle des étudiants
de l’ISET de Djerba, où 37 % des étudiants n’ont pas pu estimer combien de temps il
leur faudrait pour s’insérer dans le marché de l’emploi.
236236 Cf. Banque africaine de développement. (2011). Comment lutter contre le chômage des jeunes au Maghreb? Tunis, p. 6. 237 Le rapport sur l’insertion des diplômés de l’année 2004 (Document conjoint du Ministère de l’Emploi et de l'Insertion Professionnelle des Jeunes et de la Banque mondiale) montre que les ingénieurs et les architectes continuent de bénéficier d’une situation plus favorable face au chômage, tandis que chez les maîtrisards et les techniciens supérieurs, la durée moyenne de chômage est de trois ans et demi après l’obtention du diplôme.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
200
Graphique 49 : Perception de la durée de chômage selon le sexe et l’établissement
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Pour d’autres établissements offrant des formations universitaires à caractère non
scientifique, la durée nécessaire pour s’insérer est plus importante selon les estimations
des étudiants. Effectivement, 60 % de ceux-ci prévoient entre 2 et 5 ans de chômage
avant de trouver un emploi (60 % pour les étudiants de l’Institut des Études Juridiques
de Gabès et 59 % pour ceux de l’Institut des Études Appliquées en Humanité de
Médenine).
Le graphique 50 montre que la durée moyenne pour trouver un emploi après la fin
des études dépend, entre autres, de deux facteurs principaux à savoir le sexe et
l’établissement (type et lieu de formation).
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
201
Graphique 50: Perception de la durée moyenne de chômage selon le sexe et l’établissement
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
L’étude de l’effet de la région de résidence sur la durée nécessaire pour accéder à
un premier emploi montre qu’il n’existe pas de dépendance et que le risque de se
tromper est de l’ordre de 38 %. Ici, encore, l’analyse d’une telle relation est délicate à
cause de l’hétérogénéité géographique de notre population (lieu de provenance des
étudiants).
VI.2.1.2 Durée moyenne de chômage selon les CSP des parents
L’évolution de la durée moyenne de chômage estimée par ces étudiants en
fonction de la CSP des parents, représentée dans le tableau 45, montre que la CSP de
la mère a un impact plus remarquable sur l’estimation de la durée de chômage. En
effet, nous pouvons constater que chez les étudiants dont la mère est cadre, la durée
d’attente est de 1,3 an contre 2,3 ans pour ceux dont les mères sont sans activité, soit
une année de plus. Ces résultats nous permettent d’affirmer que la durée moyenne de
chômage évolue de manière négative avec la CSP des parents, car plus les parents ont
une CSP élevée, moins la durée moyenne avant de trouver un emploi est longue.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
202
Tableau 45 : Perception de la durée moyenne de chômage selon la CSP des parents
CSP Père CSP Mère
Patron 1,9 an 1,3 an
Cadre 1,9 an 1,7 an
Ouvrier 2,2 ans 2,0 ans
Sans activité 2,3 ans 2,3 ans
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
En conséquence, si la durée moyenne de chômage estimée par ces étudiants est
moins longue quand les parents sont des cadres ou patrons, c’est probablement en
raison de l’intervention des parents dans le processus d’insertion de leurs enfants.
Ceci peut se manifester notamment par une bonne assistance et dans certains cas, par
la mise à contribution du réseau relationnel. Pour la catégorie socioprofessionnelle
des parents, le test du khi-deux confirme une relation de dépendance entre la durée de
chômage et la CSP du père, avec un risque d’erreur de l’ordre de 1 %. En revanche,
pour les mères, le risque est beaucoup plus important (10 %).
VI.2.2 Perception du travail selon le salaire
Dans le paragraphe suivant, nous allons voir si le salaire est un déterminant
conditionnel dans le futur emploi. Pour cela, nous avons posé aux étudiants la
question suivante « Acceptez-vous de travailler même si le salaire ne correspond pas
à vos ambitions ?».41 % des étudiants déclarent accepter de travailler même si le
salaire ne correspond pas à leurs ambitions.
Sur ce plan, la tendance entre les deux sexes est presque la même : 40 % pour les
étudiants contre 42,5 % pour les étudiantes. Le test du khi-deux élimine toute relation
de dépendance entre le sexe et l’acceptation de travailler même si le travail éventuel
ne correspond pas leurs ambitions, car le risque de commettre une erreur est énorme
(66 %).
Nous avons demandé aux étudiants pourquoi, en dépit d’un salaire faible, ils
accepteraient de travailler quand même. Dans la plupart des cas, ils répondent de la
même façon qu’Ahmed (étudiant, à L’ISG de Gabès) « Je n’ai pas beaucoup de
choix. Soit je travaille, soit la place est cédée à des milliers de candidats qui
attendent ».
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
203
En conséquence, on voit que le spectre du chômage menace ces jeunes et les
pousse à accepter de travailler. En vérité, comme le chômage en Tunisie n’est pas
indemnisé, les jeunes se montrent ouverts à n’importe quelle occasion de
recrutement, même si le travail ne coïncide pas avec leurs ambitions.
L’étude de cette décision (accepter le premier travail quelle que soit sa nature) selon
la CSP des parents montre l’inexistence de dépendance entre ces deux variables, car
le risque d’erreur est important.
VI.2.2.1 Salaire de réserve
Par la suite, nous avons demandé aux étudiants une estimation d’un salaire
minimum au-dessous duquel ils n’accepteraient pas de travailler. La question posée
était « Quel est le salaire minimum au-dessous duquel vous refuseriez de
travailler ? », en d’autres termes, quel est le salaire de réserve de ceux-ci?
Le salaire moyen minimum, calculé à partir des données de notre enquête, est de 530
dinars (soit environ 270 euros) pour les deux sexes. Il est chiffré à 624 dinars pour les
hommes et 452 dinars pour les femmes.
D’autre part, la proportion des garçons estimant avoir un salaire minimum
supérieur à 500 dinars, comme nous le voyons sur le graphique 51, est plus
importante que celle des filles (53 % contre 23 %). Inversement, la proportion des
filles qui estiment avoir un salaire minimum inférieur à 500 dinars est de l’ordre de
77 % contre 47 % des garçons. Le test du khi-deux confirme la dépendance entre le
sexe et la perception du salaire de réserve avec un risque d’erreur inférieur à 1 %.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
204
Graphique 51: Perception du salaire réserve selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
VI.2.2.2 Salaire souhaité selon le sexe, secteur de travail et le type de la formation
Nous avons ensuite intégré une autre question afin de connaître le salaire que ces
étudiants estiment gagner : « quel salaire estimez-vous avoir ? ». Ici, notre but est de
savoir si c’est le salaire qui compte le plus ou c’est plutôt le fait d’occuper un travail. Les
femmes n’ont pas beaucoup d’exigence quant au salaire : elles sont dans la plupart des
cas, les moins payées. Leur salaire moyen est estimé à 467 dinars contre 682 dinars pour
les garçons.
Aux yeux de ces jeunes étudiants, le secteur public paie le mieux : la répartition
des salaires selon le secteur d’emploi montre que dans le public, les salaires sont
remarquablement plus élevés que ceux dans privé. Nous avons enregistré en moyenne
614 dinars pour le secteur public contre 447 dinars pour le privé.
Les salaires varient suivant le niveau de diplôme : selon la perception de nos
interviewés, dans les deux secteurs, les ingénieurs sont nettement mieux rémunérés que
les maîtrisards. À leur tour, ces derniers sont mieux rémunérés que les techniciens
supérieurs. Leurs salaires moyens sont de l’ordre de 805 dinars pour les ingénieurs, 472
dinars pour les maitrisards et 407 dinars pour les techniciens supérieurs.
VI.2.3 Déterminants du poste de travail
Pour mieux comprendre ce passage, nous avons inclus dans le questionnaire,
la question suivante : « Quels sont les critères déterminants pour vos choix du futur
poste ? » D’après les réponses de nos interviewés, représentées sur le graphique 52
qui suit, les critères les plus déterminants dans le choix du futur poste semblent être
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
205
le salaire et la correspondance avec la formation suivie.
Pour ce qui concerne le salaire, c’est un comportement matérialiste si l’on croit à la
théorie du capital humain. Manifestement, la plupart des étudiants cherchent à
décrocher un travail qui paie bien vu qu’ils ont suivi une longue scolarité.
La difficulté de la correspondance de l’emploi avec la formation suivie nous
permet d’imaginer la complexité de l’insertion des étudiants dans le marché de
l’emploi en Tunisie. Effectivement, ces derniers cherchent plutôt des postes qui sont
en grand rapport avec la formation qu’ils ont suivie, ce qui semble un enjeu de taille,
surtout dans un pays marqué par les écarts entre les offres et les demandes d’emploi.
Graphique 52 : Perception des déterminants de l’emploi selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
L’étude des déterminants du poste de travail selon l’institut d’études révèle
que les étudiants suivant des formations demandées sur le marché avancent le salaire
comme premier déterminant de leur futur emploi.
Dans le graphique 53, à titre d’exemple, environ 80 % des futurs ingénieurs pensent
que le salaire est le critère le plus important, alors que pour les autres c’est la
correspondance avec la formation qui compte le plus.
Hajer étudiante en ingénierie informatique rapporte « pour moi, vu la nature
laborieuse de ma formation, le salaire compte beaucoup dans le choix de mon futur
travail ». Le test du khi-deux entre les déterminants de poste travail et l’institut
d’études montre la dépendance entre ces deux variables avec un risque d’erreur faible
(2 % pour la correspondance avec la formation contre 0.3 % pour le salaire).
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
206
Graphique 53 : Déterminants de l’emploi selon l’institut d’étude
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
En revanche, l’étude des déterminants du futur emploi selon la CSP des
parents exclut toute relation de dépendance entre ces deux variables.
VI.2.4 Comment le marché de travail est-il segmenté aux yeux de ces
jeunes ?
La proportion des étudiants qui sont motivés pour travailler dans le secteur
public est de l’ordre de 60 %, les femmes se montrent les plus motivées (67 % contre
48 % pour les hommes). En outre, 19 % des étudiants se disent motivés pour
travailler dans le secteur privé (22 % pour les hommes contre 18 % pour les femmes).
À la base de ces résultats, nous pouvons saisir un autre élément pouvant expliquer le
chômage des étudiantes issues du supérieur. En fait, celles-ci préfèrent travailler dans
le secteur public qui offre de moins en moins d’opportunités de travail (deux filles
sur trois préfèrent y travailler contre presque la moitié des garçons). Ces derniers,
quant à eux, sont plus motivés par la création d’entreprises : plus d’un quart des
étudiants (27 %) veulent prendre cette initiative contre seulement un dixième des
filles (11 %). Donc, à partir du ressenti de ces étudiants, on peut considérer
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
207
« l’entrepreneuriat comme débouché de la scolarisation : palliatif à la crise du
diplôme.238 »
Graphique 54: Perception du futur poste selon le secteur d’emploi et le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Toujours selon notre enquête, après l’obtention de leurs diplômes et s’ils ne
trouvent pas d’emploi, 51 % des étudiants sont pour l’idée de la création de leurs
propres entreprises. Parmi les deux sexes, les garçons sont les plus séduits par cette
piste, avec une proportion de 58 % contre 45 % pour les filles.
Graphique 55 : Proportion des étudiants motivés par la création d’entreprises selon le sexe
Source : Données d'enquête personnelle, 2011.
Pour vérifier si « la création d’entreprises ne constitue pas forcément
l’exemple de volonté et d’autonomie, librement consenties »239, nous avons demandé
aux étudiants quels types d’obstacles risqueraient de les empêcher de créer leurs
propres entreprises ? D’après les résultats, nous pouvons observer (graphique 56) que
les étudiants trouvent que l’insuffisance des moyens financiers est la plus redoutable
entrave à la création d’entreprises, avec un chiffre de 61 %, suivie en second lieu par
la crainte de la concurrence, avec 21 % (ici la proportion des filles est le double de
celle des garçons : 13% contre 26%) ou encore le manque des compétences, avec
17%.
238 DENIEUIL, p. (2005). Femmes et entreprises en Tunisie essai sur les cultures du travail féminin. Paris : L'Harmattan, p. 63. 239 Ibid.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
208
Graphique 56 : Perception des obstacles à la création d’entreprises selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
VI.2.5 Les obstacles à l’emploi
Nous avons voulu savoir quels sont les obstacles qui empêcheraient ces
étudiants d’être insérés rapidement sur le marché de l’emploi. Les résultats montrent
que 48 % des étudiants mettent l’expérience en premier rang, suivie dans un
deuxième temps du manque d’information concernant les offres.
Graphique 57 : Perception des obstacles à l’accès à l’emploi selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
D’après ces étudiants, les obstacles qu’ils peuvent rencontrer quant à l’accès au
premier emploi peuvent être multiples. D’abord, il peut s’agir du manque d’expérience,
selon un étudiant sur deux. Nora, l'une de nos interviewées souligne qu’« au début, je
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
209
pense que nous allons trouver beaucoup de difficultés pour nous insérer dans le marché
de travail, car il nous manque l’expérience. Elle est de plus en plus exigée par
l’employeur alors que nous ne l’avons pas du tout accumulée pendant nos formations
universitaires».
En deuxième lieu, le manque d’information concernant le marché et les offres d’emploi
correspondantes. Selon les propos de la plupart des interrogés, « L’information
concernant le marché et les offres d’emploi est presque indisponible. Pour les concours
de recrutement, par exemple, cette information arrive souvent après la date limite pour
déposer sa candidature ».
D’autres interrogés, en particulier les filles, considèrent l’éloignement du lieu de travail
du lieu de la résidence de la famille comme un vrai obstacle. À cet égard, Naïma
(étudiante à l’ISET de Djerba) rapporte : « … je ne suis pas en mesure de travailler dans
une autre ville, car d’une part mes parents n’accepteraient pas que je sois loin d’eux et
d’autre part ce n’est pas du tout rentable financièrement. Il faudra payer le loyer et le
transport et d’autres frais que je ne pourrais pas assumer ».
La famille peut être aussi un vrai frein pour les jeunes diplômées à travers sa vision
envers certains types d’emplois, considérés peu convenables aux filles. Sur ce plan, le
témoignage de Sonia est expressif : « … mes frères seront contre mon travail dans le
domaine de l’hôtellerie. Ils estiment que ce métier est de caractère masculin. D’autre
part, notre société est très conservatrice, car les femmes doivent respecter certaines
règles. À titre d’exemple, elles doivent retourner à la maison avant le coucher du soleil».
D’autres obstacles à l’insertion de ces jeunes ont été évoqués le jour de notre enquête,
tels que l’existence des rapports relationnels appelés dans la société tunisienne
« laktef »240 ou « piston ». Cela peut rendre difficile l’insertion de ces jeunes, puisqu’on
est à l’égard d’un marché de l’emploi avec des inégalités de chances.
Issam (cité précédemment) affirme que « … les concours sont formels et la liste des
candidats admis est fixée avant le jour de l’examen. Seuls ceux qui ont de “grands
pistons” seront acceptés. Ni la moyenne, ni la mention, ni l’âge ne seront pris en compte
dans l’évaluation, mais plutôt le rapport relationnel et le recours à la corruption
“rachwa”».
240 Terme arabe qui veut dire « les épaules », renvoyant au terme de clientélisme.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
210
VI.2.6 Les clés de l’accès à l’emploi
Nous avons posé ensuite la question suivante : « d’après vous, comment peut-on
décrocher un emploi ? ». Les réponses, comme nous pouvons voir sur le graphique 58,
montrent que les étudiants comptent beaucoup sur les concours (deux tiers des
étudiants). En second lieu, ils considèrent le recours aux réseaux relationnels ainsi que
les stages comme des moyens de grande importance. Ensuite, environ 22% des étudiants
estiment que le recours à l’Agence Nationale d’emploi (l’ANETI) peut être très utile
pour décrocher un poste de travail. Quant aux médias, les étudiants n’ont pas beaucoup
de recours à ces moyens pour obtenir un emploi.
Graphique 58 : Réponses à la question : Comment décrocher un emploi ? Selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
VI.2.6.1 Le concours, premier sésame pour l’emploi
Comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent, la majorité des étudiants
estiment que le fait de trouver un emploi se fait par le biais des concours. Mais cela
suppose d’avoir les informations nécessaires. Pour vérifier à quel niveau ces
informations sont bénéfiques pour ces jeunes, nous avons posé d’autres questions. Nous
avons demandé en premier lieu si ces jeunes ont déjà participé à un concours de
recrutement. En réponse, les étudiants l’ont essayé plus que les étudiantes
(graphique 59).
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
211
Graphique 59: Proportion de participants au concours de recrutement selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Effectivement, 29 % des étudiants ont participé à un concours de recrutement,
alors que 47 % des étudiants n’ont pas eu d’informations sur les circonstances des
concours et sur leurs contenus. Cela nous laisse supposer que la plupart des jeunes
préfèrent attendre l’obtention de diplôme avant de participer à un concours de
recrutement, comme le résume Salwa : « je n’ai pas participé à des concours parce que
je ne pense pas avoir beaucoup de chances avant d’avoir obtenu mon diplôme, surtout
lorsqu’on sait que le marché de l’emploi est engorgé par beaucoup de diplômés ».
En Tunisie, la fonction publique est un secteur qui séduit la majorité des jeunes
diplômés. Pour accéder à ce type d’emploi, le passage par un concours est généralement
obligatoire. Dans les paragraphes qui suivent, nous essayons de savoir si les étudiants
ont l’information nécessaire concernant les concours proposés par la fonction publique.
Nous avons choisi d’interroger les étudiants sur l’accessibilité des concours, autrement
dit pour savoir si les concours sont à la portée de tout le monde. Ici, il s’agit de
l’information relative aux concours, c’est-à-dire la publication, l’affichage, la date et le
lieu de l’examen. Environ deux tiers des étudiants (65%) estiment que les concours sont
difficilement accessibles, que la publication concernant les concours arrive souvent
tardivement et parfois même après la date de l’examen.
Par la suite, nous avons voulu savoir comment les étudiants estiment le degré de
difficulté des concours. À cet égard, 52 % des filles répondent par : « Ne sait pas »
contre 38 % pour les garçons. Ces derniers estiment que les concours sont difficiles
(13 % contre 19 % pour les filles).
Graphique 60 : Perception du degré de difficulté des concours selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
212
VI.2.6.2 Stages et insertion professionnels
Nous avons tenté par la suite de voir l’implication des étudiants dans les stages et
de comprendre leur degré d’utilité dans le cursus professionnel. Ainsi, la première
question était de savoir quels sont les objectifs visés par ces étudiants quant aux stages
(graphique 61). À cet égard, plusieurs étudiants ont avancé comme réponse : découvrir le
milieu professionnel (76 %), suivie de la réponse « valider le diplôme » (37 %) puis par
décrocher un emploi (28 %). Du point de vue du genre, la réponse à cette question
montre que les femmes sont plus nombreuses à dire que les stages servent à valider le
diplôme.
Graphique 61 : Utilité du stage selon les étudiants selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Dans ce sens, Sonia (citée précédemment) confie « Les stages sont, dans la
plupart du temps, formels et leur but est souvent la validation du diplôme. Donc, la
majorité des étudiants acceptent n’importe quelle occasion pour passer leur stage, faute
de temps et sous la pression administrative, rien que pour la validation de leur cursus
universitaire ».
Par la suite, nous avons demandé si ces jeunes veulent faire un stage
(graphique 62). Les réponses montrent que la plupart d’entre eux sont motivés par un
objectif principal de «validation du diplôme » conjuguée à « la découverte du milieu
professionnel ».
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
213
Graphique 62 : L’importance du stage pour les étudiants selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
VI.2.6.3 Le clientélisme et la corruption versus l’égalité de chances !
« Pour faciliter le contact avec le milieu
professionnel il faut mobiliser des réseaux sociaux
familiaux, car, le capital humain ne joue pas
indépendamment d’un certain “capital social”241».
Pour justifier la difficulté d’accès à l’emploi, la plupart des étudiants ont évoqué
une représentation sociale qu’ils peuvent résumer par la propagation de la corruption et
le recours aux réseaux relationnels. Ces pratiques qui touchent le monde du recrutement
sont également fortement présentes dans le processus de sélection et d’admission des
candidats. Iman, étudiante à la faculté des sciences de Gabès, témoigne : « je connais des
diplômés, qui, malgré leur bagage scientifique, ne trouvent pas un travail décent!
Aujourd’hui, ils vendent des fruits et des légumes, car ils n’ont pas la chance de trouver
un emploi, et plus précisément ils n’ont pas donné une commission “Rachwa” pour
avoir un poste ou parce qu’ils n’ont pas de rapport relationnel. Du coup ils n’ont rien
eu ! »
VI.3 Le travail des femmes
Dans la section suivante, nous allons observer l’opinion des étudiants comme
celle des étudiantes, vis-à-vis du travail des femmes.
VI.3.1 Regards des étudiants vis-à-vis du travail des femmes
Les données collectées du travail de terrain montrent qu’environ un quart des
personnes enquêtées (24 %) se déclarent contre le travail des femmes, dont 44 % du sexe
masculin contre 11 % de sexe féminin. Nous avons essayé de comprendre les raisons de
241 DURU-BELLAT, M. (2006). L'inflation scolaire: les désillusions de la méritocratie. Condé-sur-Noireau: Seuil et la République des Idées, p. 32.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
214
ce refus. Parmi ces étudiants qui sont contre le travail des femmes, 55 % estiment que
« la femme doit rester à la maison » avec un léger écart en faveur des hommes (56 %
contre 52 % pour les femmes).
Ici, il s’agit d’un élément de la société du Sud-Est tunisien, où la sortie de la
femme n’est pas toujours bien vue. Les autres motifs du refus de travail des femmes sont
moins évoqués. Ainsi, pour le motif selon lequel le travail des femmes à l’extérieur de la
maison « est un interdit religieux », les femmes sont plus nombreuses que les hommes à
l’avancer (22 % contre 18 %). Pour le motif « refus de la famille », nous avons retenu un
chiffre de 11 %, avec une légère sous-représentation chez les femmes.
Le motif « financièrement, je n’en ai pas besoin » est présent dans les réponses de 26%
des étudiants qui sont contre le travail des femmes (28 % chez les hommes contre 22 %
chez les femmes). Pour le motif « c’est refusé par la société », ce sont uniquement des
hommes qui avancent ce motif. Pour le motif « autre », les étudiants estiment que le rôle
primordial de la femme est de rester à la maison afin de s’occuper de ses enfants.
Dans ce sens Salah, étudiant à l’ISG de Gabès, estime que « le rôle fondamental
de la femme, dans un couple, est de s’occuper de sa maison. Cette tâche est dans la
plupart des cas difficile à réaliser si elle sort pour travailler. Donc, je pense que, pour la
stabilisation dans le couple, la femme a intérêt à ne pas travailler ».
Graphique 63 : Motif de refus du travail de la femme selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
215
D’autres répondants considèrent le travail des femmes comme une cause parmi
d’autres du chômage des hommes. Cette opinion a été formulée par plusieurs étudiants,
dont Issam (étudiant à la faculté de sciences de Gabès) : « La difficulté d’insertion des
diplômés sur le marché de l’emploi est due en premier lieu à l’arrivée massive de
nouveaux diplômés majoritairement de sexe féminin. Donc, je pense que parmi les
causes du chômage des diplômés (de sexe masculin), c’est l’abondance d’une main-
d’œuvre féminine acceptant de travailler même contre une faible rémunération ».
L’étude de l’effet probable de la région de résidence sur cette question montre
l’existence d’une relation de dépendance avec un risque d’erreur de l’ordre de 5 %.
Cependant, la CSP des parents ne nous permet pas de confirmer une relation probable,
car le risque d’erreur est énorme (27 %).
VI.3.2 Domaine d’activité des femmes
Ici, nous allons vérifier si « les femmes restent toujours cantonnées dans des
branches, des métiers, des emplois dits féminins242 ». Quand nous avons posé la question
(P30), « dans quel domaine la femme pourrait-elle travailler ? », les réponses
concernaient le plus souvent les domaines administratifs et éducatifs. Cette tendance est
générale en Tunisie car, d’après l’enquête d’insertion, la proportion des femmes
employées dans ces domaines est respectivement de 28 % et 62 %243.
L’analyse de la perception du domaine d’activité de la femme selon le sexe
montre que les étudiantes, comparées aux étudiants, revendiquent plus de participation,
et c’est pratiquement pour tous les domaines (comme l’on voit sur le graphique 64).
Elles estiment que la vie a beaucoup changé et que la femme peut travailler dans tous les
domaines, comme le souligne Salwa (cité précédemment) : « la femme est capable
d’occuper n’importe quel emploi. Elle est devenue une concurrente de taille, causant de
plus en plus de pression pour l’homme ».
En revanche, les étudiants interrogés (de sexe masculin) estiment qu’il existe des métiers
spécifiques aux femmes, tels que secrétaire, sage-femme ou auxiliaire
familiale « khidima ».
242 MARUANI, M. (1985). Mais qui a peur du travail des femmes? Paris: Syors. 243 (2008). Dynamique de l’emploi et de la formation parmi les diplômés universitaires Volume1: Rapport sur l’insertion des diplômés de l’année 2004. Ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes et la Banque mondiale, p17.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
216
Graphique 64 : Perception du domaine d’activité de la femme selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
VI.4 Les pratiques discriminatoires aux yeux des étudiants
« La ségrégation professionnelle est la tendance des
hommes et des femmes à être employés dans différentes
occupations. C’est un phénomène que l’on trouve partout
dans le monde, dans les pays en voie de développement
comme dans les pays industrialisés.244»
VI.4.1 La discrimination dans l’accès au travail
Pour traiter ce thème, nous avons commencé par la question : « selon vous existe-
t-il des discriminations quant à l’accès à l’emploi ? ». Environ trois quarts (72 %) des
étudiants confirment l’existence de discriminations pour accéder au marché de l’emploi
tunisien. Selon eux, cette discrimination est plus liée aux questions de sexe et de la
région d’appartenance.
244 Perez, S., & Strobel, O. (2000). Éducation et travail: Divorce ou entente cordiale? Paris: L'Harmattan, p. 253.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
217
Graphique 65 : Type de discrimination à l’accès à l’emploi selon la perception des étudiants et le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Pour la discrimination selon le salaire, le pourcentage est de 28 %, mais elle est
indirectement citée par les étudiants lorsqu’ils évoquent la discrimination selon le sexe
(car ils estiment que les filles sont les moins payées). Sur un autre plan et par rapport à
leurs perceptions du salaire, nous pouvons dire que les femmes jouent un rôle important
dans la discrimination salariale à leurs encontre. Plusieurs d’entre elles acceptent de
travailler même si le salaire est inférieur à celui des hommes, ce qui incite l’employeur à
faire appel à la main-d’œuvre féminine.
Pour conclure, les pratiques discriminatoires ne sont pas présentes seulement lors
de l’embauche, elles persistent tout au long de la carrière professionnelle, un processus
dans lequel les femmes sont les plus atteintes.
VI.4.2 Ségrégation au détriment des femmes
À cet égard, nous avons posé la question : « pensez-vous qu’il existe des
discriminations envers les femmes ? ». Deux tiers des étudiants estiment qu’il existe une
discrimination envers les femmes sur le marché de l’emploi. Également, les hommes
pensent qu’il existe une discrimination plutôt positive, car d’après eux, les filles sont
souvent les plus recrutées du fait, d’une part, d’une meilleure présentation et d’une plus
grande attractivité, et, d’autre part, d’exigences salariales plus faibles que les garçons.
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%Sexe
Région
AgeSalaire
Autres
Ensemble (278) Etudiants (105) Etudiantes (173)
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
218
Imad (cité précédemment) souligne dans ce sens « …Moi aussi si j’étais employeur, pour
le même poste je privilégierais une jolie fille par rapport à un garçon, car la présence de
la femme sur le marché de l’emploi n’est plus la mode, mais plutôt une pression exercée
par la concurrence. De plus, les filles acceptent de travailler même avec une faible
rémunération ».
De leur côté, les étudiantes estiment que la ségrégation au détriment des femmes
n’est pas une discrimination salariale, car il y a aussi une ségrégation dans la hiérarchie
(parité), c’est-à-dire que les femmes n’exercent pas dans leur travail autant d’autorité
que leurs homologues de sexe masculin. Sarah, étudiante en économie et gestion, affirme
que « c’est normal que la paie des hommes soit plus importante que celle des femmes,
car ça a toujours été le cas même dans les pays les plus développés, puisque les hommes
ont souvent plus d’autorité et de responsabilité! ».
En conclusion, la plupart des interrogés pensent que les hommes ont d’autres
atouts en leur faveur sur le marché de l’emploi. À propos de cette thématique, les
chercheurs BELHARETH Mustapha et HERGLI Moncef estiment que « les hommes
disposeraient d’autres ressources qui n’ont pas été mesurées, mais qui sont valorisées
sur le marché »245.
VI.5 Acteurs dans le choix professionnel des étudiants
Répondre à cette question « Qui peut vous influencer dans votre choix d’emploi ?», c’est essayer
de savoir si ces jeunes sont libres dans le choix de leur travail ou bien s’il y a des
personnes qui pourraient intervenir et influencer leur décision. Le graphique 66 montre,
d’une part, qu’au moins un tiers d’étudiants (35 %) ne font pas appel à d’autres
personnes dans le choix de leur futur emploi et que d’autre part, les hommes ont
tendance à être plus autonomes que les femmes dans de telles situations (41 % contre
31 %).
Dans cette logique, Issam rapporte : « il n’y a que moi qui décide de mon futur
professionnel, car personne ne peut deviner mes compétences professionnelles. Donc, le
choix du poste, ça concerne moi-même, personne ne doit y intervenir ».
L’intervention des parents dans le choix du futur poste a aussi sa part d’influence pour
les deux sexes. Ainsi, un tiers des étudiants estiment que les parents peuvent aider dans
le choix du futur poste. En effet, plusieurs interrogés pensent comme Imen, étudiante (21
245 Cf. BOUZAIENE Sonia, les problèmes d’insertion professionnelle des diplômés tunisiens de l’Enseignement supérieur : Diagnostics d’une exclusion, op. cit, p. 25.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
219
ans) : « j’ai toujours eu recours à mon père comme conseiller et je le ferai pour le choix
de mon travail ».
Graphique 66 : Les acteurs dans le choix professionnel des jeunes selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
VI.6 L’information sur le marché de travail est-elle transparente
aux yeux des jeunes ?
Dans le processus de l’insertion professionnelle par le biais de la création
d’entreprises, les personnes en question devraient être informées des outils mis en place
par l’État pour encourager ce type d’initiative. Dans notre échantillon, 30 % des
étudiants connaissent au minimum un instrument mis en œuvre par l’État dans cette
stratégie d’emploi. Du point de vue du genre, les hommes semblent être plus informés
que les femmes (34 % contre 28 %).
L’outil le plus connu des interrogés (56%) est le fonds 21-21246. Le moins connu est le
PCP247 (Prise en charge par l’État de la contribution patronale), avec 4 %.
Entre les deux sexes, les proportions sont identiques comme le montre le graphique
suivant :
246 Le Fonds 21-21 est un mécanisme basé sur la solidarité nationale visant à faciliter l’insertion des jeunes et plus généralement tous les demandeurs d’emploi, quels que soient leur âge, leur niveau d’instruction ou leur lieu d’origine et qui trouvent des difficultés à s’insérer dans le marché du travail. 247 Pour tout nouveau recrutement d’un jeune diplômé de l’enseignement supérieur, l’État assume les charges patronales au régime légal de la sécurité sociale pour les salaires versés à ce titre pour une durée de sept ans.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
220
Graphique 67 : Connaissance d’instruments facilitant l’insertion des jeunes selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Par rapport au fonctionnement du marché de travail, nous avons pu relever qu’un
quart des étudiants déclare connaître le montant du salaire minimum, avec un
pourcentage supérieur chez les garçons, mieux informés que les filles (35 % contre
18 %). À cet égard, le manque d’information concernant le salaire minimum peut
aggraver la discrimination salariale par sexe. Comme les femmes sont peu informées,
lors de la négociation du salaire, elles ne sont pas en mesure de « mener la bataille ». De
plus, le test de dépendance du khi-deux confirme l’existence d’un lien entre le sexe et les
réponses sur le salaire minimum (P25).
Ensuite, nous avons demandé aux étudiants s’ils connaissent le nombre d’heures
légales de travail. En réponse à cette question, les étudiants se montrent assez informés
quant à la durée du travail, car environ la moitié des étudiants (48 %) déclarent avoir pris
connaissance de cette norme. Les hommes sont plus informés que les femmes, avec
64 % contre 37 %.
Par la suite, nous avons demandé l’âge maximum d’entrée dans la fonction
publique. Les réponses obtenues montrent qu’un tiers des étudiants connaît l’âge
maximum d’entrée dans la fonction publique, avec toujours des écarts entre les deux
sexes. Effectivement, les hommes sont mieux informés que les femmes (40 % contre
30 %).
Par ailleurs, 54% des étudiants (44% des hommes et 60% des femmes) ignorent où ils
pourraient trouver des offres d’emploi. En outre, seulement 25% des étudiants se sont
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
221
rendus aux bureaux de l’Agence Nationale pour l’emploi, avec une certaine motivation
des hommes par rapport aux femmes (36% contre 19%).
En somme, si la non-transparence et l’insuffisance des informations sur les offres
d’emploi sont les deux difficultés majeures pour les étudiants interrogés, ceux-ci se
montrent un peu négligents (ne prennent pas l’initiative) quant à la recherche d’emploi.
VI.7 Comment ces jeunes jugent-ils leur avenir professionnel ?
En réponse à cette question maîtresse de notre recherche, la majorité des étudiants
(87%) se disent préoccupés par l’avenir. D’ailleurs, un peu plus de la moitié des
étudiants (54 %), estiment que leur avenir professionnel est leur souci principal. En
fonction du sexe, les garçons semblent être plus préoccupés par leur avenir professionnel
que les filles, avec des proportions de 62 % et 50 %.
Graphique 68 : Préoccupation sur l’avenir professionnel selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Environ deux étudiants sur trois (63 %) sont optimistes quant à leur avenir
professionnel. Mieux encore, à cette réponse, les étudiants prétendent que grâce à la
révolution du 14 janvier 2011, ils sont beaucoup plus optimistes.
Graphique 69 : Sentiments vis-à-vis de l’avenir professionnel selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Sur un autre plan, les parents sont considérés comme les plus proches et les plus
privilégiés par les interrogés eux-mêmes quand il s’agit de discussion sur l’avenir
professionnel. Effectivement, 66 % des étudiants préfèrent discuter avec leurs parents,
les amis viennent en second lieu avec 46 %. Puis, les enseignants en troisième rang. La
fratrie est beaucoup moins sollicitée par nos interviewés. Nous rappelons aussi que chez
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
222
les deux sexes, nous avons observé pratiquement la même tendance quand il s’agit de
consulter un confident (graphique 70).
Graphique 70 : Discussion sur l’avenir professionnel selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
VI.8 Articulation entre temporalités démographiques et
professionnelles
L’engagement de couple ne s’articule pas de la même
manière à l’engagement professionnel chez les jeunes hommes et
chez les jeunes femmes, sans qu’on puisse déduire nécessairement
un effet unilatéral du familial sur le professionnel. (Flahault, 2006)
Dans les paragraphes qui suivent, nous tentons de dévoiler l’impact de la vie
professionnelle sur la vie familiale, en demandant aux interviewés d’estimer l’interaction
entre les deux univers. En d’autres termes, il s’agit d’apporter des nouveaux éléments à
la problématique : Famille et travail: duel ou duo ?248
En réponse à cette question, nous avons pu relever qu’environ 43 % des étudiants
estiment qu’on peut concilier travail et vie de famille. La question de la conciliation des
sphères familiale et professionnelle se pose de plus en plus. FUSULIER estime que
« l’articulation de la vie professionnelle avec la vie familiale (APF), dont la réalisation
concrète repose majoritairement encore sur les femmes, est devenue aujourd’hui une
préoccupation des politiques publiques, familiales notamment (…), et que la
248 FUSULIER, B. (2011). Articuler vie professionnelle et vie familiale. Etude de trois groupes professionnels : les infirmières, les policiers et les assistants sociaux IX. Louvain-la-Neuve: Presses Universitaires de Louvain, p. 209.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
223
problématique de l’APF se décline de façons différentes selon les caractéristiques
sociales des individus (genre, revenu, génération, cycle de vie, niveau d’éducation,
situation familiale, valeurs…) 249 ».
Dans notre enquête, nous avons interrogé les étudiants sur cette thématique. En réponse
à cette question, nous avons retenu que les garçons ne s’expriment pas de la même
manière que les filles. À vrai dire, 44,7 % d’entre eux estiment qu’il est difficile pour
une femme de faire l’articulation entre le professionnel et le familial, alors que cette
proportion est beaucoup plus faible chez les filles (18,5 %). L’hypothèse d’indépendance
entre le sexe et cette question est rejetée, car le risque d’erreur est très faible. Les avis
des hommes et des femmes sont différents quant à cette question. Ali (cité
précédemment) nous explique les raisons pour lesquelles il est difficile pour la femme
d’assurer ses fonctions productives et reproductives à la fois : « Qu’une femme sorte
pour travailler, je suis d’accord, mais une femme qui travaille et qui ne donne pas le
temps nécessaire pour son mari et ses enfants peut avoir tôt ou tard des effets sur la
famille, sa stabilité et surtout l’éducation des enfants, car personne ne peut prendre la
place de la mère ».
Les filles estiment qu’elles pourraient trouver un compromis entre le travail et la famille,
par des arrangements avec l’employeur. Sonia (l’une de nos interviewées) estime que
« la femme qui veut travailler sans compromettre sa vie familiale doit être d’accord avec
son employeur pour travailler à mi-temps. Je pense que si le couple a la volonté dans
certains cas, la femme peut concilier entre sa vie familiale et professionnelle ».
Pour comprendre l’interaction entre le professionnel et le familial, nous avons complété
notre investigation par quelques questions supplémentaires, comprises dans le tableau
suivant.
249 Ibid., p. 13-16.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
224
Tableau 46 : Opinions sur l’interaction entre vie professionnelle et familiale selon le sexe
Question Sexe
Pas de
tout
d'accord
Plutôt
d'accord
Tout à fait
d'accord Effectifs
Pour la femme, est-il difficile de concilier
vie familiale et vie professionnelle ?
Garçons 22,7 % 32,7 % 44,7 % 149
Filles 43,3 % 38,2 % 18,5 % 235
La vie professionnelle a-t-elle un effet sur
votre famille ?
Garçons 20,1 % 32,9 % 47,0 % 150
Filles 31,1 % 34,5 % 34,5 % 235
Est-ce qu’une vie familiale heureuse vous
aide dans votre profession ?
Garçons 7,3 % 32,7 % 60,0 % 150
Filles 6,0 % 37,0 % 57,0 % 234
Ne pas travailler pèse sur la famille ?
Garçons 24,0 % 32,7 % 43,3 % 150
Filles 42,3 % 31,6 % 26,1 % 234
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
En réponse à ces questions, environ la moitié des interrogées pensent qu’il est
possible de concilier la vie professionnelle et la vie familiale. D’autre part, environ 60 %
des interrogés pensent que la vie familiale est un facteur d’épanouissement de la vie
professionnelle.
Conclusion
Le sexe se révèle être un déterminant essentiel du projet post études des futurs
diplômés du supérieur. La raison essentielle évoquée est d’ordre pécuniaire quel que soit
le sexe. Les garçons évoquent en second lieu le désir de fonder une famille (61 %) quant
aux jeunes filles, elles trouvent dans l’obtention d’un emploi un moyen de pouvoir sortir
du giron familial (26 %). Pour elles, travailler est bon pour le moral (50 %).
Ces futurs diplômés estiment variablement la durée du chômage qui les guette. Pour une
durée inférieure à un an, nous avons 48 % de garçons et 43 % de filles ; quand la durée
de chômage se situe entre 2 ans et 5 ans, les pourcentages sont de 33 % chez les
étudiants et 38 % pour les étudiantes.
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
225
Cette durée d’attente dépend néanmoins de l’établissement de formation. 78 % des
étudiants de l’école d’ingénieurs de Gabès pensent obtenir un emploi avant un an. Par
contre seuls 28 % des apprenants de l’institut de gestion estiment avoir un emploi avant
un an. Pour les étudiants issus d’établissements offrant une formation universitaire non
scientifique, la durée de chômage estimée avant d’obtenir un emploi varie entre 2 et 5
ans pour 60 % des étudiants.
Les parents des étudiants ayant une bonne CSP (cadre supérieur, patron) ont une
influence sur la perception de durée de chômage, qui devient bien moindre que celle des
autres. Surtout la CSP des mères qui est un déterminant important de l’estimation de la
durée de chômage.
41 % des étudiants sont prêts à travailler même si les conditions salariales ne
correspondent pas à leurs prétentions pécuniaires afin d’éviter un chômage presque
certain.
Le manque d’expérience est la principale barrière qui peut limiter l’accès des étudiants à
l’emploi, viennent ensuite le manque d’information, puis la formation suivie. Les
étudiants comptent sur les concours pour accéder à un premier emploi. L’agence
nationale pour l’emploi se positionne en deuxième rang.
Avec l’arrivée de plus en plus nombreuse des femmes sur le marché de l’emploi, nous
avons voulu savoir si les femmes occupent toujours des emplois dits féminins. Les
résultats obtenus montrent que les emplois éducatifs, ceux de la santé et de
l’administration sont les plus convoités. Cette tendance est conforme à celle de la
population en général.
La majorité des étudiants interrogés (78 %) évoquent des pratiques discriminatoires dans
l’accès à l’emploi. Il s’agit de discriminations liées au sexe et à la région. Et que ces
discriminations persistent tout au long de la vie professionnelle.
Nos résultats indiquent qu’un peu plus d’un étudiant sur trois (35 %) prend de manière
tout à fait autonome sa décision de poste de travail. Par contre un autre tiers des
étudiants a recours à un parent dans le choix du poste de travail.
Les hommes sont plus informés que les femmes en ce qui concerne le niveau de salaire
minimum, la durée de travail, l’âge maximum d’entrée à la fonction publique et les
instruments qui aident à l’insertion professionnelle.
La majorité des étudiants (87 %) se disent préoccupés par l’avenir. D’ailleurs, un
peu plus de la moitié d’entre eux (54 %) estiment que leur avenir professionnel est leur
souci principal. Cette préoccupation est plus accentuée chez les hommes. Toutefois,
Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________
226
deux étudiants sur trois (63 %) sont optimistes quant à leur avenir professionnel. Le
passage de la révolution explique en partie cet optimisme.
Dans l’analyse de l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale,
43 % des étudiants estiment que cette articulation est possible. Nos résultats indiquent
que 44,8 % des hommes pensent qu’il est difficile pour une femme de réussir une telle
coordination. Seules 18,5 % des femmes partagent ce point de vue.
Chez les étudiants du supérieur, ce sont les jeunes filles qui connaissent de mauvaises
conditions d’insertion professionnelle. Ce sont encore elles qui perçoivent le plus mal la
répercussion de la vie professionnelle sur les perspectives temporelles de leur vie de
famille. Pour mieux comprendre l’interaction entre les aspects professionnels et la vie
familiale, nous tenterons, dans le chapitre suivant, d’analyser comment les jeunes
perçoivent leur avenir professionnel tout en tenant compte de son interaction avec les
phénomènes démographiques.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
227
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et
matrimoniale
Au cours de ce chapitre, nous tentons de savoir, à travers les réponses des
étudiants, comment ces deniers prévoient leur avenir du point de vue du comportement
familial (nuptialité, fécondité) et de la mobilité internationale.
VII.1 État matrimonial et nuptialité
« Pour les hommes, le mariage est un atout
contre le chômage, pour les femmes c’est un
handicap » (MARUANI, 1985)
Dans notre questionnaire, nous avons formulé des questions sur la perception de
l’avenir professionnel et son interaction avec l’état matrimonial de ces étudiants. Pour ce
faire, comme dans les deux chapitres précédents, nous avons opté pour une perspective
de genre dans l’étude de la nuptialité. Cela nous permettra, comme l’estime COSIO-
ZAVALA, de prendre en considération «des nouvelles dimensions importantes: les
rapports hommes/femmes dans la vie familiale, les inégalités entre les sexes et entre les
générations, le processus de prise de décisions, d’accès et de contrôle des ressources
économiques, les négociations ou la contrainte, le degré d’autonomie des femmes et des
hommes, les représentations de la féminité et de la masculinité et, par conséquent, de la
maternité et de la paternité, la socialisation pendant l’enfance et la jeunesse, le climat
familial, le respect mutuel, l’entente ou le conflit, le statut des femmes dans la famille et
dans la société.250
Au départ, il faut signaler que, dans la tradition tunisienne, le mariage succède
toujours à des fiançailles « khotba »251. Celles-ci correspondent à une période
promariage dans laquelle les deux futurs mariés et leurs familles se rapprochent et se
connaissent réciproquement. Dans notre population, le nombre de personnes qui sont
250 COSIO-ZAVALA, M. (2009). Analyser la fécondité selon une prespective de genre? L'exemple de l'Amérique latine et du Mexique. Dans J. VALLIN, Du genre et de l'Afrique homage à Thérèse LOCOH (pp. 205-223). Paris: INED, p. 212. 251 Terme arabe signifiant une promesse de mariage. Elle n'engage aucun des deux partenaires tant qu'il n'y a pas eu de signature du contrat légal devant une autorité qui le consigne.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
228
fiancées est de 26 (7 % des interviewés), dont la majorité est des femmes : 24 filles
contre 2 garçons.
Les réponses à la question « quelle est la durée estimée de vos fiançailles ?» nous
ont permis de comprendre la différence entre les deux sexes. Le graphique 74 montre
que les filles sont plus patientes que les garçons !
Graphique 71 : Durée de fiançailles prévue par sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Effectivement, il est important chez les filles d’observer une période d’au moins
un an entre le début des fiançailles et le mariage. Chez les garçons, cette période ne doit
pas dépasser un an pour certains et ce sont même plus de 1/5 (21 %) qui préfèrent se
marier au plus tard 3 mois après leurs fiançailles. Pour mieux comprendre la durée
d’attente avant le mariage chez les personnes enquêtées, nous avons posé une autre
question pour saisir l’importance de la connaissance entre futurs marié(e)s. Les résultats
montrent que les garçons sont plus fermes quant à la connaissance de leur future femme
alors que les filles sont plus ouvertes (graphique 72).
Graphique 72 : L’importance de connaître sa ou son futur conjoint(e)
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Nous avons aussi investigué sur le moment préféré pour le mariage en posant la
question suivante : « Quand désirez-vous vous marier ? ». La proportion la plus
importante est celle des garçons qui choisissent la modalité : « dès que j’aurai trouvé un
emploi ». Ce chiffre est de 53 % contre 23 % des filles. Ces chiffres montrent que la
conjugalité est requise par l’insertion professionnelle chez les garçons. Chez les filles
c’est la fin des études qui détermine le plus le changement de leur situation
matrimoniale ( 32 % contre 7 % pour les garçons). En outre, elles sont très nombreuses à
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
229
dire qu’elles ne savent pas à quel moment elles se mettront en couple ( 15 % contre 7 %
pour leurs homologues de sexe masculin). Pour la modalité « dès que l’occasion se
présente » ( c’est-à-dire dès qu’on aura trouvé la personne qui nous convient), il n’y a
pas beaucoup de différence entre les deux sexes : 30 % pour les filles contre 33 % pour
les garçons. Asma, 20 ans, étudiante à l’institut des humanités de Médenine, se trouve
dans ce rang d’impatients : « Je me marierai dès que « le cavalier de mes rêves » se
présente, je m’en fous des études, car tout le monde est au chômage ».
Quant à Ali, 23 ans étudiant à L’ISET de Djerba, il avoue : « Je compte me marier une
fois que j’aurai senti que je suis capable de subvenir aux besoins de ma famille,
toutefois, cela n’est possible qu‘avec l’obtention d’un emploi stable ». Dans le même
sens, Anis, 25 ans, étudiant à l’institut d’informatique de Médenine, partage la même
conviction. Pour lui « le mariage est « la moitié de la religion [en se référant à un
fameux hadith (parole) du prophète de l’Islam]252, je me marierai le jour où j’aurai
trouvé un emploi stable qui me permette de vivre correctement en famille ».
Graphique 73 : Moment de mariage selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Dans le paragraphe qui suit, nous allons essayer de savoir si les personnes
enquêtées pensent avoir des difficultés financières pour se marier, et si c’est le cas, à qui
ils auront recours. « Pour analyser la nuptialité dans une perspective de genre, on peut
considérer le niveau d’autonomie/pouvoir et/ou les inégalités entre les hommes et les
femmes concernant l’entrée en union, la vie familiale et la dissolution des unions »253.
252 Le Prophète, « qu’Allah le bénisse et lui accorde le salut », dit : « Celui qui se marie, aura la moitié de la religion, alors qu'il craigne Allah pour l'autre moitié. » 253 COSIO-ZAVALA, M. (2009). Analyser la fécondité selon une prespective de genre? L'exemple de l'Amérique latine et du Mexique. Dans J. VALLIN, Du genre et de l'Afrique homage à Thérèse LOCOH (pp. 205-223). Paris: INED, p. 211.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
230
Graphique 74 : Autonomie vis-à-vis des frais de mariage (pourriez-vous supporter seul les coûts du mariage ?) selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Notre but, lors de cette enquête, était de savoir si ces étudiants seront en mesure
d’assumer seuls les coûts de leur mariage. 65 % des personnes déclarent ne pas avoir la
possibilité de contracter leur mariage par leurs propres moyens. En outre, entre les deux
sexes, comme nous pouvons voir sur le graphique 74 ci-dessus, quatre filles sur cinq
déclarent ne pas avoir d’autonomie quant aux frais du mariage, contre un peu moins d’un
garçon sur deux.
Parmi les personnes interrogées, plusieurs d’entre elles avouent pouvoir compter
sur leurs propres moyens pour financer leur mariage, même si elles sont conscientes que
cela retarderait l’âge d’entrée en couple. C’est le cas d’Ali (cité précédemment) qui
estime que « Les frais de mariage sont très chers. Si je dois faire comme les autres, je ne
pense pas pouvoir me marier avant l’âge de 45 ans. En plus, mon père est invalide, ma
mère est sans travail, j’ai trois frères à l’école ! Donc, je ne compterai que sur Dieu et
sur moi-même si je décide de me marier ».
Les filles se montrent moins soucieuses quant aux frais du mariage comme Hajer
(citée précédemment). Pour elle, « ce qui compte le plus, ce n’est pas les frais du
mariage. Le plus important, c’est d’être heureux après le mariage. Bref, les frais du
mariage ne me posent pas de problème, je m’en sortirai ». En définitive, ce sont les
garçons qui se voient plus autonomes, plus capables et plus impliqués que les filles à
pouvoir couvrir les frais d’un éventuel mariage.
Par la suite, pour les personnes qui déclarent avoir des difficultés financières pour
se marier, nous leur avons posé une question complémentaire pour connaitre les moyens
de recours pour financer leurs mariages chez les deux sexes ( graphique 75). Les parents
sont les plus sollicités. En second lieu, ce seraient les autres membres de la famille, et
puis le/la fiancé(e) si sa situation financière le permettait.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
231
Graphique 75 : Moyens de recours pour la couverture des frais du mariage selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
VII.1.1 Le choix du conjoint
Le choix du conjoint repose sur un jeu de contraintes
morphologiques, de dispositions inconscientes et de visées stratégiques.
La société, par sa morphologie et la création de sous-ensembles sociaux,
crée déjà une présélection des individus que l’on est amené à côtoyer
selon son origine sociale. Sans pour autant parler d’absence de liberté, il
semble donc que le choix d’un conjoint est endigué socialement, aussi
bien au niveau individuel qu’au niveau collectif (BOZON, 1991).
À ce stade, nous essayerons d’identifier les critères de choix du futur(e) époux
(se) chez nos interviewés. Comme le montre le graphique 76, pour les filles, la
profession et le niveau d’étude sont les critères les plus déterminants quant au choix du
futur mari. Alors que, pour les garçons, la famille de la future conjointe est très
déterminante. La modalité « autres » est également très représentée chez les garçons.
Celle-ci peut renvoyer à certains critères tels que la moralité, la pudeur de la future
épouse ainsi que le respect du couple et de la belle-famille.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
232
Graphique 76 : Critères de choix de futur(e) époux(se) selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Il nous semble que l’expression d'Alain Girard : « N'importe qui n'épouse pas
n'importe qui »254, s’applique bien pour le cas des étudiantes tunisiennes. À vrai dire,
dans la société tunisienne, le mariage d’une femme avec un homme dont le niveau
d’instruction est inférieur au sien, est mal vu, il est considéré comme « Hchouma »255 la
plupart de temps. Alors que l’inverse (un niveau d’instruction de l’épouse inférieur à
celui de son mari) passe inaperçu.
Cela est bien expliqué par Mariam, l’une de nos interviewées « Il est préférable que la
femme se marie avec quelqu’un qui a au moins le même niveau d’instruction qu’elle.
Sinon, elle fera l’objet d’humiliation par son entourage. Prenant l’exemple d’une
institutrice qui épouse « Mramaji » 256, je ne pense pas qu’elle trouve son bonheur. Par
contre, un professeur peut se marier avec une femme « gaada fi dar »257 sans aucune
contrainte sociale ».
Ainsi, le recul de l’âge au mariage des filles, notamment celles possédant un haut
niveau d’instruction, peut aussi s’expliquer par des exigences concernant les critères de
choix du futur conjoint, qui dépendent des plusieurs considérations dictées par la société.
254 Cf. BOZON, M., & HÉRAN , F. (1988). La découverte du conjoint. II. Les scènes de rencontre dans l'espace social. In: Population, 43e année, n°1, pp. 121-150: http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1988_num_43_1_17014. 255 Ce n’est pas bien ou c'est honteux en dialecte tunisien, la honte 256 Mot d’origine turque qui veut dire : ouvrier du bâtiment. 257 Ne travaille pas ou femme au foyer.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
233
VII.1.2 Âge au mariage selon la perception des étudiants
Lors de notre enquête, nous avons demandé aux étudiants à quel âge ils comptent
se marier. Le taux de réponse était de 95 % (20 étudiants n’ont pas répondu dont une
majorité du sexe masculin : 14 étudiants contre 6 étudiantes). Les indécis (ceux/celles
qui n’ont pas encore fixé un âge approximatif pour se marier) se justifient par le fait que
c’est très difficile d’envisager l’âge précis pour le mariage. Selon eux, cet âge dépendra
essentiellement de la situation économique, comme le déclare Nizar (cité
précédemment) : « Pour moi, je ne pourrai pas vous donner un âge exact, durant lequel
je puisse me marier. Je préfère parler plutôt de moment propice pour le mariage, c’est-
à-dire, le jour où je trouverais une « khidma »258 et la femme qui me conviendrait et qui
correspondrait à mes critères, là je pourrai me marier. Donc la question d’âge ne se
pose pas pour moi. Mon mariage, s’il a lieu, sera après l’embauche, même si c’est à
l’âge de 40 ans. Je ne suis pas trop pressé ».
Comparées aux garçons, les filles se montrent plus pressées à cause du
déséquilibre du marché matrimonial, et elles fixent un âge maximal à ne pas dépasser.
Imen (l’une de nos interviewées) déclare : « Je n’ai pas de réponse exacte, mais il faut
que je me marie au plus tard à 30 ans, car après cet âge je ne suis pas sûre de trouver
un homme. Ce dernier aurait tendance à préférer les jeunes filles. C’est pourquoi je
pense que la question d’âge est plus sensible pour nous les femmes. Au contraire, pour
les hommes l’âge au mariage ne compte pas beaucoup ».
L’âge désiré pour le mariage diffère entre filles et garçons. Pour les filles, cet âge
est compris entre 20 et 30 ans alors que pour les garçons, c’est entre 23 et 40 ans. L’âge
moyen est de 25 ans pour les filles contre 29 ans pour les garçons, soit un écart de 4 ans.
D’autre part, comme nous pouvons l’observer sur le graphique 77, les filles sont plus
nombreuses à envisager leur mariage avant 25 ans (63 % d’entre elles) alors que chez les
garçons, c’est plutôt après cet âge (89 % d’entre eux, dont presque la moitié, après 30
ans).
258 Mot arabe signifie le travail. Du dialecte tunisien, expression populaire qui désigne le travail
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
234
Graphique 77 : Âge désiré au mariage selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Dans les paragraphes qui suivent, nous essayerons de voir le lien entre l’âge
d’entrée en couple et d’autres indicateurs sociodémographiques, notamment le sexe, le
l’âge de l’enquêté, le niveau d’instruction, la CSP des parents, etc. Le test du khi-deux
confirme l’existence d’une relation de dépendance entre le sexe et l’âge au mariage
désiré, avec un risque d’erreur très faible : moins de 1 %. L’analyse de la relation entre
l’âge de l’enquêté et l’âge au mariage désiré confirme l’existence d’une relation de
dépendance, avec un risque d’erreur faible ne dépassant pas le 1 %.
Ces résultats confirment bel et bien le recul de l’âge au mariage et la diminution
de l’écart de cet indicateur entre les deux sexes. Pour notre population, le modèle
matrimonial perçu par ces jeunes étudiants, converge plus vers le modèle occidental,
marqué par un mariage tardif et une réduction de l’écart d’âge entre époux. Nous
pensons que les contraintes liées en premier lieu à la situation économique délicate de
ces étudiants (un accès à l’emploi de plus en plus long et difficile pour les filles comme
pour les garçons), compliquent et ajournent leur entrée en couple.
Il reste à signaler que, dans plusieurs cas, les filles sont touchées d’une manière
indirecte par les difficultés d’embauche des garçons, car, pour elles, on ne peut pas
s’engager avec un conjoint ne possédant pas un travail et des ressources. Les propos de
Noura (l’une de nos interviewées) approuvent ce constat : « je suis fiancée depuis 2008,
mais mon futur mari n’a pas trouvé jusqu’à aujourd’hui un emploi. Nous pensons
contracter notre mariage une fois qu’il aura trouvé un emploi pour pouvoir vivre
dignement. Ce qui compte pour moi, c’est le travail de mon mari. Pour moi, le travail
n’est pas très important: si je trouvais un emploi, je pourrais aider mon mari sinon je
m’occuperais de ma maison et de mes futurs enfants ».
Nous avons par la suite essayé de voir si l’environnement familial peut avoir une
influence sur l’âge d’entrée en couple. L’hypothèse d’indépendance entre l’âge au
mariage et le niveau d’instruction du père est rejetée, ce qui confirme une dépendance
entre la perception de l’âge au mariage et le niveau d’instruction du père, avec un risque
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
235
d’erreur de 2 %. En revanche, concernant le lien entre l’instruction des mères et l’âge au
mariage, le test d’indépendance est accepté, car le risque d’erreur est de l’ordre de 14 %.
Pour les filles, la catégorie socioprofessionnelle de la mère semble être
dépendante de l’âge au mariage avec un risque d’erreur de l’ordre de 3%. Par contre, on
ne peut pas confirmer l’existence d’une relation de dépendance entre l’âge au mariage et
la catégorie socioprofessionnelle du père, car le risque d’erreur est très élevé (32 %).
D’autre part, le lien entre la taille de fratrie et l’âge au mariage désiré par nos
interviewés montre que la dépendance entre ces deux variables peut être maintenue pour
les garçons avec un risque de 9 %, alors que pour les filles, ce risque est de 52 %. Donc,
la taille de la famille peut être considérée comme un déterminant plus ou moins
important de l’âge au mariage pour les garçons.
VII.1.3 Vers quelle structure familiale ?
Le but de la question posée sur l’impact possible de la nuptialité sur la famille
élargie était de savoir si ces jeunes interrogés restent ou quittent la belle-famille après le
mariage? Dans notre population, 61 % des répondants excluent l’idée de cohabiter avec
les parents ou les beaux-parents après le mariage, avec un faible écart entre les deux
sexes (63 % pour hommes contre 59 % pour femmes).
Ainsi, dans plusieurs cas, les filles pensent que c’est le futur mari qui décidera.
Les propos de Sonia (citée précédemment) vont dans ce sens : « Je ne suis pas contre le
fait d’habiter avec la famille de mon mari à condition qu’elle ne se mêle pas à notre vie
privée. Ses parents ont aussi besoin de lui, c’est grâce à leur sacrifice qu’il est devenu
« Rajel »259. Ce qui est sûr et certain, c’est que je ne l’obligerai jamais à quitter ses
parents et aller habiter loin d’eux, sauf dans des cas majeurs qui peuvent mettre en péril
la vie de notre couple ».
Graphique 78 : Cohabitation avec les parents après le mariage selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
259 C’est l'homme qui possède un ensemble de critères et de qualités valorisés par la société.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
236
Le croisement de cette question avec la question de couverture des frais de
mariage montre que 54 % des étudiants (29 parmi 54) estiment vivre avec les parents ou
beaux-parents à cause de moyens financiers. Pour les étudiantes, cette proportion est de
l’ordre de 25 %.
Cette différence entre les deux sexes peut être expliquée par la tradition de la
société tunisienne selon laquelle, après le mariage, les femmes dépendent leurs maris et
non pas l’inverse. D’autre part, l’étude de la décision de cohabiter ou non avec la famille
du mari par rapport à la taille de la fratrie exclut aussi toute relation de dépendance entre
ces deux variables. Par ailleurs, la CSP des parents ou l’appartenance sociale s’avère
aussi non dépendante d’une telle décision.
Pour nos interviewés, la cohabitation n’est pas totalement exclue. Ce qui rejoint
l’idée jugeant qu’ « il n’est pas possible de parler d’une disparition de toutes les formes
de cohabitation, ni des liens qui unissent les membres de la famille élargie, la
cohabitation s’est accommodée de l’évolution sociale en prenant des formes nouvelles
peu contraignantes »260
VII.2 Fécondité
« Un certain niveau d’instruction implique pour une femme une
autre attitude par rapport au travail et a aussi une conséquence directe
sur sa fécondité, par l’intermédiaire des ambitions qu’elle place dans son
enfant, de la relation qu’elle veut avoir avec lui, et du coût que cela
représentera en termes de temps et d’argent » (Oppong et Abu, 1987).261
Nous allons essayer de savoir combien d’enfants ces jeunes estiment avoir
pendant leur vie en couple, ainsi que leurs préférences pour le sexe de l’enfant, car « il
est important de souligner la diversité en termes de descendance des différentes zones.
Ces différences peuvent être appréhendées avec deux indicateurs : le nombre idéal
d’enfants et la préférence pour un sexe »262.
260 NASRAOUI, M. (2003). La vieillesse de la société tunisienne. Paris: L'Harmattan, p. 125. 261 Cf. BEGUY, D. (2007). Emploi féminin et Fécondité en milieu urbain en Afrique Dakar (Sénégal) et Lomé (Togo). Thèse de Doctorat. Nanterre, p. 43. 262 GASTINEAU, B. (2001). La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement. Thèse pour Doctorat en démographie. Nanterre. p228.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
237
VII.2.1 Nombre d’enfants : entre souhaits et représentations sociales
« Les employeurs considèrent en effet qu’une femme mariée
ayant de surcroît des enfants est moins productive du fait de son
absentéisme élevé et de son instabilité (ANKER, 1997) »263
La première question était : « combien d’enfants aimeriez-vous avoir ? ». 365
personnes ont répondu à cette question et 20 d’autres ont répondu « ne sait pas ». Le
nombre moyen d’enfants qu’estiment avoir ces jeunes est de l’ordre de 2,6 enfants pour
les étudiants contre 2,9 enfants pour les étudiantes. Les femmes veulent donc avoir plus
d’enfants que les hommes.
Nous avons par la suite posé la question : « d’après vous, quel est le nombre
d’enfants idéal pour un couple ? ». Ceci nous a permis de voir si les réponses à la
question précédente résultent d’une représentation sociale ou non. L’examen du
graphique 82 sur les réponses aux deux questions nous montre la même tendance (entre
la première réponse et la seconde), ce qui confirme l’influence de la société face à une
telle vision (le nombre d’enfants désiré avoisine le nombre idéal d’enfants). Cependant
le nombre idéal est-il supérieur au nombre souhaité (mettre les moyennes selon le sexe) ?
Graphique 79 : Perception du nombre d’enfants entre souhait et représentation sociale
Source : Données d’enquête personnelle, 2011. 263 Cf. BEGUY, D. (2007). Emploi féminin et Fécondité en milieu urbain en Afrique Dakar (Sénégal) et Lomé (Togo). Thèse de Doctorat. Nanterre, p. 35.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
238
Dans le même contexte, on a choisi d’ajouter une autre question : « Comment
justifiez-vous le nombre idéal d’enfants ? »(graphique 80). Nous avons suggéré trois
modalités de réponses liées à: la santé de la mère, les raisons économiques ou encore les
deux raisons en même temps. Pour les femmes comme pour les hommes, la réponse
majoritaire est que ce sont les deux causes qui agissent mutuellement.
Graphique 80 : Déterminants du nombre d’enfants selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
A ce propos, Sonia (citée précédemment) estime que « Le nombre d’enfants dans
un couple est plus lié à sa situation économique. Moi, personnellement, je pense qu’il ne
faut pas négliger cet aspect, néanmoins la santé de la mère, les conditions de logement,
etc. jouent aussi un rôle déterminant ».
Le discours de Nozha (25 ans), étudiante à l’institut de Gestion de Gabès, va dans le
même sens, elle pense que : « Le nombre d’enfants qu’un couple peut avoir est imposé
par la société et c’est en fonction de la conjoncture économique. Donc, c’est plutôt
l’aspect économique qui peut avoir d’incidence sur la descendance d’un couple ».
VII.2.2 Sexe de l’enfant
Nous allons vérifier si les personnes enquêtés favorisent, comme leurs aînés, les
garçons par rapport aux filles.
Le premier résultat du graphique 81 est que les hommes sont le plus souvent indifférents
quant au sexe du bébé et que les femmes sont plus déterminées face à ce sujet. Le
deuxième résultat, lorsque la préférence pour un sexe de l’enfant est énoncée, est que
nous avons la même tendance pour les étudiantes comme pour les étudiants, puisqu’ils
préfèrent plutôt un garçon qu’une fille pour le premier et le troisième enfant. Quant au
sexe du deuxième enfant, la préférence va pour les filles (36% des étudiantes préfèrent
que le nouveau-né soit de sexe féminin, contre 25% qui le souhaitent de sexe masculin).
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
239
Graphique 81 : Préférence de sexe de l’enfant selon le sexe de l’enquêté
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Donc, du point de vue social, la mentalité n’a pas beaucoup changé puisque les
garçons sont davantage préférés par les hommes et les femmes. Comme nous l’avons
déjà vu dans le chapitre concernant l’évolution de l’état matrimonial et celle du statut des
femmes, ces dernières devraient justifier leur fertilité et la confirmer en mettant au
monde un garçon.
Qui décide le nombre d’enfants ?
« Les femmes occupent une place dans la société qui se définit
par rapport à celle des hommes en termes d’opposition et de
complémentarité et il existe des relations de pouvoir entre les sexes, ainsi
qu’un partage des rôles économiques, sociaux, familiaux et politiques
entre les hommes et les femmes. Dans la cellule conjugale, ces relations
et ce partage ont une influence directe sur la fécondité»264.
Par la suite, nous avons voulu savoir à travers les réponses à une autre question
sur qui déciderait le nombre d’enfants. 47 % des étudiants interrogés déclarent que cette
décision est mutuelle entre les deux partenaires du couple. Or, selon le sexe des
264 COSIO-ZAVALA, M. (1999). Fécondité et statut des femmes dans la famille. Dans D. TABUTIN , C. GOURBIN, G. MASUY-STROOBANT, & B. SCHOUMAKER, Théories, paradigmes et courants explicatifs en démographie (pp. 359-380). Louvin-la-neuve: Academia-Bruylant L'Harmattan, p. 360.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
240
personnes enquêtées, on relève une réalité favorisant l’homme par rapport à la femme
dans les décisions relatives à la question de descendance (graphique 85).
Graphique 82 : Décision concernant le nombre d’enfants selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
La réponse à cette question a révélé une mentalité montrant la dominance
masculine dans le processus décisionnel au sein du couple. Nous pouvons supposer que
les femmes sont relativement marginalisées et peu consultées sur les questions de
fécondité, car elles sont un peu moins de 2 femmes sur dix (18 %) qui pensent avoir le
monopole de décider sur le nombre futur d’enfants contre un peu plus de 4 hommes sur
dix (44 %).
VII.2.3 Pour ou contre le congé parental ?
Le déroulement de la vie active des femmes est conditionné et
rythmé par le déroulement de leur vie familiale. Le moment où interviennent les
événements démographiques : mariage, naissance des enfants, ainsi que les
caractéristiques familiales qu’ils génèrent, le nombre d’enfants ou leur âge
influent sur la continuité de l’activité »265
Nous avons demandé si les enquêtés envisageraient d’arrêter le travail pour
s’occuper des enfants. En réponse à cette question, les femmes se montrent prêtes à être
impliquées dans cette mission plus que les hommes (graphique 83): elles sont 82 % à ne
pas exclure cette alternative contre 56 % pour les hommes qui préfèrent garder cette
alternative pour des causes majeures comme le divorce ou des problèmes de santé de la
conjointe.
265 Barthez, A. (1982). Famille, Travail et Agriculture. Paris: Economica, p. 17.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
241
Graphique 83 : Interruption du travail pour s’occuper des enfants selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
VII.2.4 Travail et enfants: duel ou duo ?
« Pour les femmes, le modèle dominant n’est plus celui du
choix (travailler ou faire des enfants), ni celui de l’alternance
(travailler/ s’arrêter/ travailler), mais celui de cumul : travailler
et même temps avoir des enfants, s’insérer professionnellement et
en même temps avoir une famille. » (MARUANI, 1985)
En réponse à la question, « qui s’occupe des enfants de ces futurs diplômés? », les
filles ont répondu que c’est la famille qui pourrait être probablement sollicitée pour
garder les enfants au cas où les deux parents travailleraient, alors que les garçons ont
répondu que ce sont les conjointes qui seront sollicitées pour garder les enfants (leur
proportion étant de 22 %). D’après nos investigations, les hommes ne se montrent pas
impliqués pour s’occuper des enfants (graphique 87).
Graphique 84 : Points de vue des interrogés sur la garde de leurs futurs enfants selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
242
VII.2.5 Connaissance de la contraception
L’étude de la connaissance contraceptive se justifie par son importance, car en
Tunisie « La fécondité a diminué tout d’abord sous l’effet du recul de la nuptialité puis
sous l’effet de la généralisation des pratiques contraceptives »266. Dans notre enquête,
nous avons essayé de nous intéresser aux moyens de contraception. Pour ce faire, nous
avons formulé trois questions :
Dans la première nous avons demandé aux interrogés : « connaissez-vous les moyens de
contraception ? ».
Le nombre de réponses à cette question était de 381 sur 387 personnes interrogées (soit
un taux de réponse égale à 97 %). Les six personnes qui n’ont pas donné de réponse à
cette question sont de sexe féminin. Nous signalons que, sur le terrain, nous avons
remarqué qu’évoquer ce type de sujet est parfois gênant surtout pour les étudiantes.
Tableau 47 : Connaissance des moyens de contraception selon le sexe
Étudiants Étudiantes
Non 23 % 22 %
Oui 72 % 76 %
Ne sait pas 5 % 2 %
Effectifs 150 231
Source : Données d’enquête personnelle, 2011
Du point de vue du genre, il y a une très grande similitude entre les réponses. En
outre, pour les deux sexes, environ 3 sur 4 interrogés déclarent connaître des moyens de
contraception sans que ce soit un sujet tabou. Cela confirme la transition que connaît la
société tunisienne en matière de connaissance des moyens contraceptifs.
Cependant, ce sujet reste quand même lié à des considérations religieuses, car au
moins un tiers des étudiants estiment que l’utilisation des moyens contraceptifs est
illicite (48 % des étudiants contre 34 % des étudiantes, graphique 88). Ces regards
s’opposent à la vision selon laquelle « l’éducation réduit le fatalisme et l’aliénation
relative à une religion, aux normes et aux traditions, transformant les esprits et les
266 GASTINEAU, B. (2001). La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement, op. cit, p121.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
243
comportements en faveur de la maîtrise de la fécondité [Inkeles (1983) et Appleton
(1996)]267
Graphique 85 : Contraception et religion selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Sur un autre plan, en réponse à la question concernant la cause de l’utilisation des
moyens de contraception, sept étudiantes n’ont pas donné de réponse, ce qui confirme la
sensibilité d’un tel sujet dans la société féminine, mais aussi l’aspect conservateur de
notre société qui n’apprécie pas les relations sexuelles en dehors du mariage. D’autre
part, la proportion des réponses de ceux/celles qui pensent que « l’utilisation des moyens
de contraception a pour but d’éviter d’avoir des enfants » est importante. Enfin, les
hommes sont plus nombreux à avancer le motif « pour éviter les MST », ce qui prouve la
conscience des jeunes tunisiens face à ces sujets.
VII.3 Perception de la mobilité internationale par les étudiants
enquêtés
Depuis l’indépendance, la société tunisienne favorise la migration en général, et
celle des étudiants en particulier. À vrai dire, auparavant la migration avait pour objectif
de continuer les études à l’étranger (suivre souvent des formations qui n’existaient pas
ou étaient inaccessibles en Tunisie). Si cet acte était bien perçu par la société, la
tendance a beaucoup changé, ces dernières décennies et les motifs de la migration des
étudiants convergent plus vers un refus de la réalité nationale, caractérisée par un taux de
chômage très élevé.
Dans les paragraphes qui suivent, nous analysons les résultats de notre enquête
afin de répondre à de nombreuses questions. Qui sont les étudiants qui désirent migrer ?
Quelles sont leurs origines sociales ? Pourquoi projettent-ils de migrer ? Quelle est la
destination la plus privilégiée ? La motivation de migrer chez les femmes est-elle la
même chez les hommes ?
267 Cf. FRINI, O. (2010). Éducation-fécondité et croissance économique en Tunisie. Cergy-Pontoise: Thèse de doctorat en sciences économiques. p. 93.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
244
L’investigation sur le projet de migration auprès des personnes enquêtées a fait l’objet
des trois questions dans notre enquête : Deux questions sont directes : « voulez-vous
partir à l’étranger ? » Et « avez-vous eu l’intention de poursuivre vos études supérieures
à l’étranger ? ». Une autre indirecte : « Que voulez-vous faire après avoir fini les
études ? »
383 sur 387 étudiants ont accepté de répondre à la question : « voulez-vous partir à
l’étranger ? » (soit un taux de réponse égal à 99 %). Cela montre l’importance du sujet
de la migration, qui est devenue un souhait de plus en plus apparent chez les étudiants.
La proportion d’étudiants qui envisagent d'entamer un processus de mobilité
internationale est de l’ordre de 78 % (un peu plus de trois quarts des étudiants projettent
migrer). Cette proportion est plus importante chez les garçons (82 %) que chez les filles
(75 %). Chez les filles, la motivation pour migrer est essentiellement la résultante des
mutations profondes de la société tunisienne et particulièrement de l’émancipation des
femmes. Salwa (étudiante à l’ISG de Gabès) disait à ce propos : « je ne vois plus de
différence entre filles et garçons, la société a beaucoup changé. Les filles ont aussi le
droit de partir à l’étranger »
384 sur 387 étudiants ont répondu à la deuxième question (Avez-vous eu
l’intention de poursuivre des études supérieures à l’étranger ?). Parmi eux, 284 étudiants
(soit 74 %) ont exprimé leur souhait de poursuivre des études à étranger.
Enfin, concernant les projets après la fin des études, seulement 7 % des personnes
enquêtées envisagent de partir à l’étranger. Cela montre que la plupart des interrogés
souhaitent aujourd’hui aller à l’étranger, mais si un jour ils avaient leurs diplômes, ils
n’auraient peut-être plus cette envie de quitter leur pays.
VII.3.1 Mobilité selon les causes
Les étudiants interrogés se déclarent être motivés par la mobilité pour maintes
raisons. En effet, 68 % des étudiants préfèrent migrer pour continuer leurs études, contre
30 % qui estiment que la mobilité internationale leur permettrait d’échapper à un
chômage imminent.
L’analyse de la migration selon l’objectif visé, représentée dans le graphique 89, montre
que la première cause avancée par les étudiants (des deux sexes) est de continuer leurs
études. Cette proportion très importante (68 %) montre que ces étudiants estiment que la
migration avec un tel statut est beaucoup plus facile que les autres types de migrations.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
245
Effectivement, pour s’installer à l’étranger, il vaut mieux demander un visa portant
mention « étudiant » qu’un autre type de visas.
Ali (cité précédemment) estime que « … Partir à l’étranger, c’est plus facile lorsqu’on
est étudiant. Dans ce type de situation, les chances d’avoir le visa sont plus élevées que
dans d’autres cas. Le pire, c’est lorsqu’on n’a pas de ressources ou un métier « Battal » ,
car là, la possibilité d’avoir le visa est très faible. Donc, je pense que si on était motivé
par la mobilité internationale, il faudrait l’envisager avant la fin des études sinon c’est
très difficile, et surtout lorsqu’on ne travaille pas ».
Sur le terrain, les entretiens montrent une certaine ambiguïté, car plusieurs interrogés
prononcent des expressions telles que « J’ai envie de fuir », « Mon premier objectif est
de sortir, après je m’adapte ». Cela dit, répondre par « Continuer les études» en premier
lieu est une réponse et un objectif, mais pas le vrai motif, car il peut cacher un autre but
ultime qui est de quitter le pays. Cette ambition de partir est favorisée par une
représentation sociale, selon laquelle les étudiants installés à l’étranger vivent mieux que
ceux qui demeurent dans le pays.
Salim, étudiant en économie et gestion à Gabès, justifie son ambition de partir par le fait
qu’ « …être étudiants dans une université française, c’est avant tout un prestige social.
Je connais des personnes qui ont obtenu leurs diplômes de maîtrise en Tunisie et ils ont
accepté de s’inscrire dans des niveaux plus bas dans des universités françaises, pour
avoir en fin de compte le même type de diplôme qu’ils avaient déjà obtenu. Or, dans la
majorité des cas, ils abandonnent les études et cherchent à travailler ».
D’autre part, même s’ils ne l’avouent pas, la raison dissimulée dans la poursuite des
études à l’étranger est aussi « la fuite du chômage », comme le reconnaît, Ali :
« Sérieusement, je ne pense pas continuer les études, mais plutôt travailler. Je suis prêt à
exercer tout type d’emploi, même laver les assiettes ».
Pour le deuxième motif expliquant la migration « échapper au chômage », 36 % des
étudiants estiment que la mobilité internationale leur permettrait d’éviter le chômage,
contre 25 % pour les étudiantes. En troisième lieu, les étudiants sont plus nombreux que
les étudiantes à évoquer la réponse « plus d’opportunités » (la raison la moins choisie
parmi celles-ci) alors que chez les femmes, la réponse la plus fréquente est « rejoindre la
famille » (un motif qui vient en cinquième lieu pour les étudiants).
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
246
Enfin, pour les étudiantes, c’est la représentation sociale qui compte et leur choix
est désigné par la réponse « faire comme les autres », tandis que cette dernière raison est
la moins prononcée pour les étudiants (graphique 86).
Graphique 86 : Perception de la mobilité selon les objectifs et le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
VII.3.2 L’établissement de formation détermine peu ou prou la mobilité
L’analyse de la perception de migration selon l’établissement fréquenté montre
que la proportion des étudiants qui déclarent être motivés par l’émigration est de l’ordre
de 66 % chez ceux de l’Institut supérieur de Gestion de Gabès et 91 % chez leurs
camarades de l’Institut supérieur d’Informatique de Médenine. Il s’avère que le lieu et la
nature de l’enseignement universitaire jouent un rôle non négligeable dans la perception
de l’avenir par l’étudiant et de sa mobilité. Effectivement, le graphique 87 nous révèle
que les étudiants des filières techniques sont les plus motivés par l’émigration alors que
ceux des autres branches le sont moins.
En revanche, et comme nous l’avons montré dans la partie consacrée au chômage des
étudiants du supérieur (chapitre 4), la formation suivie est déterminante de l’insertion
professionnelle, car les plus touchés par le chômage sont les étudiants des filières non
techniques. Nous pouvons deviner que ces inégalités d’insertion selon la formation sont
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
247
liées au fait que les étudiants les moins touchés par le chômage ont probablement
échappé aux enquêtes antérieures de l’emploi de l’INS à cause de leur mobilité.
Graphique 87 : Perception de la mobilité selon l’établissement fréquenté selon le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
L’analyse de la motivation de la mobilité selon l’institut fréquenté et le sexe
montre que la plupart des étudiantes des filières techniques, notamment celles inscrites à
l’École Nationale d’Ingénieurs de Gabès et l’Institut Supérieur d’Informatique de
Médenine, montrent une plus grande volonté pour émigrer, ce qu’on peut sans doute
expliquer par la difficulté de leur insertion professionnelle. Cependant, le test du khi-
deux ne confirme pas l’existence d’une relation de dépendance entre la formation et
l’intention d’émigrer chez les filles et si nous croyons à l’existence d’une relation de
dépendance, le risque de commettre d’erreur est de l’ordre de 11 %.
Chez les étudiants de sexe masculin, le test d’indépendance montre l’existence d’une
relation entre la formation et la motivation à la mobilité, avec un risque d’erreur de 5 %.
Pour les étudiants qui ont répondu positivement à cette question, ils sont majoritairement
inscrits à l’Institut des Études Technologiques de Djerba et l’Institut Supérieur
d’Informatique et Multimédia de Gabès. Ces résultats confirment une motivation à la
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
248
mobilité plus importante chez certains étudiants que chez d’autres et peuvent aussi être
expliqués par une possibilité d’intégration plus importante pour les filières techniques
que celle des autres filières, notamment celles de droit et des langues. En outre, le taux
de chômage de ces derniers est important (50 %), comme le prouve le rapport sur
l’insertion des diplômés de l’année 2004268.
Le test d’indépendance du Khi-deux entre la motivation de migrer et la région de
résidence nous révèle une probabilité d’erreur de l’ordre de 98 %, ce qui rend cette
analyse très délicate. Cela est probablement dû à une sous-représentation dans notre
échantillon d’étudiants issus de certaines régions. Pour ces raisons nous n’avons pas
voulu développer davantage ce passage.
VII.3.4 Les catégories socioprofessionnelles des parents et la mobilité
L’analyse de la mobilité en fonction de la catégorie socioprofessionnelle des
parents révèle que les étudiants les plus motivés par la migration sont ceux qui ont une
situation économique moyenne, voire modeste, donc les enfants de pères ouvriers et des
mères sans activité. En revanche, les étudiants dont les pères sont des entrepreneurs, des
cadres ou sans activité, sont moins motivés par la mobilité.
Tableau 48 : Perception de mobilité selon la catégorie socioprofessionnelle et le sexe des parents
Père Mère
Cadre 16% 4%
Patron 15% 2%
Ouvrier 42% 5%
En retraite 8% 1%
Sans activité 9% 81%
Autres 10% 7%
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Le test d’indépendance est loin de confirmer l’existence d’une relation entre la
catégorie socioprofessionnelle de la mère et la motivation à la migration, car le risque
d’erreur est supérieur à 50 %, alors que ce risque est de l’ordre de 5 % pour les pères.
Pour conclure et d’après notre enquête, la motivation à la mobilité dépend plus de la
catégorie socioprofessionnelle du père que de celle de la mère. À cet égard, nous 268 (2008). Dynamique de l’emploi et de la formation parmi les diplômés universitaires Volume1: Rapport sur l’insertion des diplômés de l’année 2004. Ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes et la Banque mondiale, p. 41.
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
249
pouvons voir aussi que les raisons économiques ont plus de poids sur la décision de
mobilité de ces jeunes, car le fait d’appartenir à une famille n’ayant pas des ressources
suffisantes peut favoriser l’intention d’émigration.
Par contre, l’étude de la motivation à la mobilité en fonction du niveau
d’instruction des parents montre un impact puissant du niveau d’instruction de mères. En
effet, le risque d’erreur est inférieur à 1 % quand il s’agit de ces dernières alors qu’il est
de 19 % quand il s’agit des pères.
VII.3.5 Perception de mobilité selon le lieu de résidence de la famille
Dans cette section, nous voulons savoir si la composition de la famille,
notamment la taille de la fratrie, joue un rôle dans la motivation à la migration. Or,
l’hypothèse d’existence d’une relation entre la taille de la famille et la motivation de
migration est rejetée, car le risque d’erreur est de l’ordre de 24 %.
Dans la région du Sud-Est tunisien, la motivation à la migration est souvent
attachée à la résidence des parents. Mais cette tendance pour les étudiants du supérieur
est loin d’être justifiée puisque seulement 8 % des étudiants motivés par la mobilité ont
au moins un parent résidant à l’étranger. De ce fait, il n’est pas évident de dégager une
dépendance entre la résidence des parents et la motivation à la mobilité des étudiants
puisque le risque d’erreur est énorme (64 % de chance de se tromper).
En revanche, la motivation pour la mobilité est vérifiable par la présence à l’étranger
d’un membre de la fratrie, car c’est environ le cas d’un étudiant sur quatre (23 %) qui
désire partir à l’étranger. Admettre une telle relation de dépendance entre l’existence
d’un membre de la fratrie à l’étranger et la motivation de migration, c’est accepter un
risque d’erreur de l’ordre de 7 %. Donc, si nous croyons à une relation entre la
motivation de mobilité et le lieu de résidence familiale, nous devrons la définir par la
présence à l’étranger d’un frère ou d’une sœur plutôt que l’un ou de deux parents.
VII.3.6 Mobilité internationale pour les études
Pour ce qui est de la mobilité pour les études, le nombre des étudiants qui ont
répondu à la question (avez-vous eu l’intention de poursuivre des études supérieures à
l’étranger ?) est de 384 soit (99 % de notre échantillon). Ce taux de réponse reflète
l’importance de ce sujet auprès des étudiants. Un autre enseignement que nous avons pu
tirer est que 73 % des étudiants ont l’intention de poursuivre des études à l’étranger avec
une différence entre les deux sexes (80 % des étudiants et 70 % des étudiantes). D’autre
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
250
part le test du khi-deux affirme l’existence d’une dépendance entre le sexe et la
motivation de continuer les études à l’étranger (un risque d’erreur faible de l’ordre de
2,6 %).
VII.3.6.1 Partir, mais où ?
La France reste la destination préférée pour les étudiants (les deux sexes
confondus) qui souhaitent poursuivre leurs études à l’étranger, suivie en deuxième lieu
des autres pays européens et des États-Unis (graphique 89). Les pays arabes ne sont pas
une destination notable, mais ils attirent tout de même plus d’étudiantes que d’étudiants
tunisiens.
Le choix de la France est sans doute lié à la bonne connaissance de la langue et de la
culture française, à la proximité géographique, et aux liens historiques, mais aussi à la
ressemblance dans l’organisation des études notamment, avec les réformes L.M.D
(Licence Master Doctorat).
Graphique 88 : Perception de la mobilité selon le pays d’accueil et le sexe
Source : Données d’enquête personnelle, 2011.
Le test d’indépendance du Khi-deux montre l’absence d’une liaison entre le sexe
et le pays de destination pour les étudiants désirant étudier à l’étranger. Le risque
France 69%
Pays Arabe
3%
Autres pays
occidentaux
20%
Autres 8%
France 71%
Pays Arabe
6%
Autres pays
occidentaux
19%
Autres 4%
Etudiants 120
Etudiantes 162
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
251
d’erreur étant égal à 33 %, ce qui signifie un rejet d’hypothèse de dépendance entre les
deux variables. Il y a en effet une grande similitude dans les préférences du pays
d’accueil chez les étudiantes et les étudiants.
VII.3.6.2 Par quels moyens de subsistance ?
Pour subvenir à leurs besoins, les étudiants envisageant une mobilité
internationale comptent sur plusieurs moyens pour financer leur séjour à l’étranger. En
réponse à la question « Comment comptez-vous financer vos études à l’étranger?», le
sexe semble être déterminant avec un risque d’erreur très faible (moins de 1 %). Pour ce
financement, les étudiants de sexe masculin compteront en premier lieu travailler à
temps partiel. En deuxième lieu, ils pensent qu’ils peuvent avoir une bourse d’études
octroyée par le gouvernement tunisien ou encore un versement de la part de la famille.
Les étudiantes, quant à elles, elles compteront plus sur le versement familial au premier
rang, puis le travail à temps partiel, suivi des bourses du gouvernement tunisien. D’autre
part, le test de dépendance entre la capacité d’autonomie et le pays d’accueil dans notre
échantillon ne nous permet pas de confirmer qu’il existe une relation entre ces deux
variables.
Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons étudié comment les étudiants prévoient leur avenir
du point de vue démographique : nuptialité, fécondité et mobilité internationale.
Pour les filles, la fin des études et le choix du partenaire adéquat sont les facteurs qui
conditionnent le changement de statut matrimonial. La profession et le niveau d’étude
sont les critères les plus déterminants dans le choix du futur mari. Pour les garçons, c’est
l’emploi qui conditionne l’entrée en couple, la famille de la future conjointe et la
moralité sont également déterminantes.
La relation de dépendance entre l’âge au mariage et la capacité financière pour se marier
n’est pas confirmée pour la population enquêtée quel que soit le sexe.
Les résultats de notre enquête confirment l’existence d’une relation de dépendance entre
le sexe et l’âge au mariage désiré. Ils nous indiquent aussi un lien de dépendance entre la
perception de l’âge au mariage et le niveau d’instruction du père.
Nous remarquons que 61 % des personnes interrogées ne veulent pas cohabiter avec les
parents ou les beaux-parents. Ceci aura des répercussions sur la structure et la
Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________
252
composition des familles, par conséquent la famille tunisienne connaîtra aussi des
transitions.
La fécondité a également été prise en compte dans notre étude. Les jeunes filles veulent
avoir en moyenne 2,9 enfants contre 2,6 pour les garçons. Le sexe de l’enfant ne
constitue pas une véritable préoccupation pour le futur père, conformément aux futures
mères. Toutefois, la naissance d’au moins un garçon est plus appréciée.
3 étudiants sur 4 (74 %) envisagent de partir pour l’étranger. Naguère, ces migrations
internationales avaient pour motifs les études, mais aujourd’hui c’est plus un moyen de
fuir le chômage ambiant. Les étudiants des filières techniques sont plus motivés à migrer
que les autres. Chez les jeunes filles, contrairement aux hommes, il n’y a pas de relation
de dépendance entre la formation et l’intention d’émigrer. Les étudiants dont les parents
sont de conditions moyennes ou modestes sont plus enclins à migrer. La motivation à la
mobilité dépend plus de la catégorie socioprofessionnelle du père que de celle de la
mère. La présence à l’étranger d’un membre de la fratrie est aussi un élément qui motive
à la migration. La France reste la destination privilégiée des étudiants. Les étudiants
envisagent de financer leurs études en travaillant à mi-temps principalement et,
éventuellement, avec une bourse. Les filles comptent davantage sur le soutien familial et
le travail à mi-temps en seconde option.
Conclusion générale ________________________________________________________________________
253
Conclusion générale
La problématique de notre recherche a été la suivante : Quelles sont les
interactions entre la transition démographique et l’emploi en Tunisie et quel avenir
professionnel y a-t-il pour les diplômés du supérieur? L’hypothèse centrale que nous
avons déterminée comme réponse à notre problématique et que nous pensons avoir, au
moins partiellement, validée à travers cette recherche est la suivante : les difficultés de
l’insertion professionnelle des diplômés ajournent leur entrée en couple, entrainant
des conséquences sur la fécondité. La suréducation et la mobilité géographique
(migration) restent des alternatives possibles pour les jeunes diplômés afin de fuir le
chômage.
Nous avons commencé dans la première partie de notre travail par traiter le
contexte socioéconomique et démographique de la Tunisie selon quatre axes d’analyses :
Nous avons dans un premier temps abordé les questions relatives aux
mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie. Il est apparu que la population
tunisienne a connu diverses phases évolutives avec des périodes de croissance. Après la
Seconde Guerre mondiale, la lutte contre les épidémies entraîne une relative baisse de la
mortalité. Concomitamment, les progrès sensibles enregistrés dans la baisse de la
mortalité infantile entraînent une remontée importante de la natalité. Les autorités
comprennent la nécessité de maîtriser cette forte croissance démographique qui risque de
contrarier dangereusement la croissance économique et le bien-être des populations. Des
efforts sont déployés pour contenir la croissance démographique à travers des
programmes de population fondés sur la maîtrise de la fécondité.
Le recours au planning familial dans les années 1970 et l’édiction de mesures au niveau
de l’augmentation de la durée minimale de scolarisation et de l’âge minimum au premier
mariage entraînent une baisse de la nuptialité et par ricochet la réduction de la natalité.
La base de la pyramide des âges commence à se rétrécir, tandis que l’espérance de vie
continue d’augmenter. À partir des années 2000, la fécondité a beaucoup baissé et l’ISF
est pratiquement égal à celui permettant le renouvellement des générations.
Des mutations sociodémographiques entraînent des changements au niveau
matrimonial : les femmes étant plus éduquées, plus présentes dans la sphère du travail et
Conclusion générale ________________________________________________________________________
254
plus autonomes retardent ainsi leur mise en couple. De plus, l’augmentation des frais du
mariage et le chômage poussent les jeunes à repousser la date de leurs mariages.
Dans un deuxième temps, nous avons abordé les questions relatives aux
migrations en Tunisie. Elles sont en général résultantes des conditions socioéconomiques
difficiles. Les populations du Sud, Centre-Est et du Centre-Ouest se déplacent souvent
vers le grand Tunis et les régions côtières afin de trouver un emploi. Avec l’explosion
des effectifs scolaires et estudiantins et l’allongement de la durée minimale de
scolarisation, le profil du migrant se féminise et rajeunit davantage, même si les hommes
restent les plus nombreux à migrer. La migration internationale n’échappe pas à ces
mutations. La plupart des migrants sont de sexe masculin et pour cause des raisons
socio-économiques. Il n’en demeure pas moins vrai que des étudiants migrent également
afin d’acquérir des compétences et dans l’espoir de s’insérer plus facilement.
Dans un troisième temps, nous avons analysé le système éducatif tunisien,
mis en place depuis la colonisation. Les autorités tunisiennes ont rapidement eu le souci
de doter le pays d’un système éducatif qui reflète les valeurs nationales et qui fournisse
une main-d’œuvre qualifiée, capable de faire fonctionner l’économie et contribuer au
bien-être des populations. Les premières ambitions du système éducatif tunisien étaient
modestes. L’explosion démographique, la gratuité de l’école, l’évolution des mœurs et
les ambitions de croissance économique font rapidement exploser les effectifs d’élèves
puis d’étudiants. Cette augmentation des effectifs dans l’enseignement produit l’arrivée
de nombreuses populations de diplômés sur le marché. L’inadéquation entre les
compétences acquises et les besoins des entreprises explique le nombre de plus en plus
grand des jeunes n’ayant pas d’emploi. Il s’agit davantage de ceux du sexe féminin. Les
mesures prises en vue de réduire le chômage des jeunes primo-arrivants sur le marché de
l’emploi ne portent pas leurs fruits. Les formations suivies ne procurent pas
d’opportunités d’emploi. Le chômage continue d’augmenter. Même si le système
éducatif tunisien a connu des réformes, son efficacité interne et externe reste sujette à
caution.
Dans un quatrième temps, nous avons étudié l’emploi et la politique de
lutte contre le chômage en Tunisie. L’emploi en Tunisie fait l’objet de nombreuses et
diverses politiques et de mise en place dispositifs variés. La croissance démographique
soutenue et les efforts de vulgarisation de la scolarisation vont progressivement
contribuer à la forte augmentation de la demande d’emploi. La conséquence en sera le
Conclusion générale ________________________________________________________________________
255
déséquilibre entre l’offre et la demande d’emploi. Très rapidement, le déficit qui apparaît
devient structurel. Le chômage s’installe désormais de manière quasi permanente. Des
tentatives de résorption de ce chômage sont menées. La multiplication des mesures, des
organismes, des dispositifs d’aide à l’insertion professionnelle n’arrivent pas à faire
baisser la tendance du chômage. Des chevauchements et même des visions parfois
contradictoires des politiques de l’emploi entraînent l’inefficacité des démarches
institutionnelles. La courbe du chômage est à la hausse. Les projections de l’INS
confirment cette tendance à l’horizon 2029. Davantage de personnes jeunes et bien
formées, le plus souvent de sexe féminin, sont au chômage. Il s’agit de primo-arrivants
sur le marché de l’emploi. Ils développent des stratégies de contournement de la
situation du chômage en essayant par exemple de poursuivre leurs études ou de migrer.
Dans la deuxième partie, nous avons présenté les principaux résultats de notre
enquête. En tout premier lieu, nos résultats de recherche confirment, de manière
évidente, la difficulté de l’insertion professionnelle que subissent les diplômés du
supérieur, ainsi que leurs inquiétudes et leurs craintes de l’avenir.
L’analyse de l’insertion professionnelle des étudiants du supérieur montre
l’existence de plusieurs distorsions, qui trouvent leurs causes en amont, par la qualité de
la formation universitaire et en aval, par la situation du marché de l’emploi tunisien.
Au premier plan, le système scolaire en Tunisie connaît une baisse de la qualité des
formations des étudiants et une augmentation de leurs nombres qui, toutes choses étant
égales par ailleurs, génère un accroissement du nombre de diplômés arrivant chaque
année sur le marché de l’emploi. La massification et la démocratisation relative à l’accès
à l’université produisent des qualifications trop générales et théoriques, inadaptées aux
besoins des secteurs productifs.
À la lumière des constats avancés, nous avons tenté de regarder de plus près ce qu’il en
est de la population enquêtée. Nous avons proposé, dans un premier temps, d’apprécier
la qualité de l’enseignement universitaire. Les réponses collectées sur le terrain ont
montré l’existence d’un problème d’orientation universitaire, aggravant davantage la
situation de chômage de ces jeunes. D’après les entretiens, les étudiants ont manifesté
leur réticence envers leurs formations, en s’interrogeant à travers une autoévaluation de
l’utilité de poursuivre leurs parcours universitaires. Ils ont évoqué que le système
éducatif souffre d’un déséquilibre béant entre la formation proposée et celle demandée
Conclusion générale ________________________________________________________________________
256
par le marché de travail. Pour eux le diplôme est la clé de voûte pour l’avenir
professionnel, mais ne constitue plus un précieux sésame pour l’emploi.
Au deuxième plan (situation du marché de l’emploi), l’économie tunisienne ne crée pas
suffisamment d’emplois, pour absorber une main-d’œuvre jeune, et de plus en plus
instruite. La perception de ces étudiants envers leur insertion professionnelle semble être
pessimiste, car ils s’attendent à une période de chômage relativement longue. Des
inégalités liées au sexe, à la formation et à l’origine sociale peuvent expliquer le
problème du chômage. Les filles se montrent moins employables que les garçons, elles
estiment être victimes de discriminations, et vice versa, les garçons les accusant d’être à
l’origine du chômage. Quant aux ingénieurs, ils ont le sentiment d’avoir plus de chance
par rapport aux autres diplômés, notamment issus des branches dites « classiques », pour
décrocher un emploi.
La segmentation peu étudiée du marché du travail, entre secteur public et privé,
peut donner une explication au problème d’insertion de ces jeunes. D’une part, les futurs
diplômés sont plus attirés par le secteur public, lequel offre de moins en moins d’emplois
suite à l’application en 1986 du programme d’ajustement structurel qui a engagé la
Tunisie dans un processus de libéralisation économique. D’autre part, le secteur privé,
dont les besoins ne nécessitent pas une main-d’œuvre hautement qualifiée, n’offre pas
suffisamment d’emplois à cette catégorie d’actifs. Ces futurs diplômés prévoient des
difficultés d’insertion, car leurs formations ne correspondent pas à la demande des
employeurs privés. Ces derniers privilégient le recrutement des jeunes peu formés et
moins onéreux. L’engouement vers le secteur public se justifie par le salaire, souvent
plus élevé, la stabilité, ainsi que la possibilité d’évoluer. Il présente beaucoup
d’avantages, quasi inexistants dans le secteur privé. Les étudiants évoquent aussi
l’existence d’obstacles érigés contre les tentatives de création d’entreprises, les étudiants
disent se heurter à de terribles difficultés, essentiellement financières et avec aucune
perspective d’amélioration à l’horizon. En outre, le manque d’informations fiables et
exhaustives concernant le marché du travail contribue à l’allongement de la période de
recherche d’emploi chez les jeunes. Par ailleurs, le problème d’insertion professionnelle
est dû à d’autres facteurs, à savoir la pratique de la corruption et du clientélisme à grande
échelle dans l’administration tunisienne. Ce fléau persistant dans le pays constitue un
handicap majeur pour les jeunes dans leur ascension sociale, aggravant ainsi non
seulement le sentiment de marginalisation au niveau de travail, mais aussi l’exclusion
Conclusion générale ________________________________________________________________________
257
des projets matrimoniaux et démographiques. Ce que nous présentons dans les
paragraphes suivants :
Souvent, émigrer constitue la seule solution raisonnable offerte aux étudiants de
sexe masculin pour échapper au chômage. À leurs yeux, les opportunités d’emploi sont
plus importantes. De plus, il existe un prestige social accordé volontairement par la
société d’origine à toute personne résidant à l’étranger. Les filles aussi manifestent un
désir de partir sous le prétexte de poursuivre leurs études. Signalons que, d’après
l’enquête, derrière ce motif de la poursuite des études se dissimule le souhait d’émigrer.
D’ailleurs, le visa d’étude est relativement facile à obtenir, ce qui représente en soi une
opportunité. La France reste la destination préférée pour ces jeunes, et cela pour
plusieurs raisons. D’abord, la proximité et la familiarité avec la langue et la culture
française demeurent un facteur déterminant dans cette prise de décision. Puis la
similitude entre les deux systèmes éducatifs, français et tunisien, facilite l’intégration de
cette population dans les institutions universitaires du pays d’accueil. Enfin, l’existence
d’une communauté d’origine (voisinage, fratrie, etc.) installée en France de manière
permanente motive aussi ce choix.
Les résultats de notre enquête montrent aussi l’impact de la difficulté d’insertion
professionnelle sur l’état matrimonial. La perception de l’âge au mariage et du nombre
d’enfants pour un couple dépend de la situation professionnelle de ces jeunes.
Pour les garçons, le moment du mariage est frottement conditionné par l’obtention d’un
emploi, la famille et la moralité sont déterminantes dans le choix de la future conjointe.
Pour les filles, la fin des études et le choix du partenaire adéquat sont les facteurs qui
conditionnent le changement de statut matrimonial, la profession et le niveau d’étude
sont les critères les plus déterminants dans le choix du futur mari.
Les jeunes filles veulent avoir en moyenne 2,9 enfants contre 2,6 pour les garçons. Le
sexe de l’enfant ne constitue pas une véritable préoccupation, toutefois la naissance d’au
moins un garçon est plus appréciée chez les femmes. La structure et la composition de la
famille tunisienne connaîtront aussi des transitions. En effet, 61% des personnes
interrogées ne veulent pas cohabiter avec les parents ou les beaux-parents.
Comme nous l’avons signalé dans les paragraphes précédents, en Tunisie
l’origine du chômage des diplômés réside essentiellement dans le déphasage entre les
formations (investissement en capital humain) et les besoins des entreprises
Conclusion générale ________________________________________________________________________
258
(l’investissement en matière d’emploi). Ces quelques résultats nous amènent d’une
part, à présenter les apports et les limites de notre recherche, d’autre part à proposer
quelques préconisations pratiques.
Apports de la recherche : théoriques et méthodologiques
Cette thèse constitue un premier apport à travers les réponses aux questions de
recherche et un deuxième qui s’articule autour des contributions théorique et
méthodologique. Par rapport au premier niveau théorique, nous plaçons, d’une part,
l’interdisciplinarité nécessaire à l’étude de l’interaction entre l’insertion professionnelle
et les événements démographiques, qui donne une certaine originalité à notre recherche,
d’autre part, les résultats enrichissant les recherches antérieures, qui furent
quasi-inexistantes. Nous considérons également, comme apport, la définition du lien
entre l’insertion professionnelle et les événements démographiques en Tunisie, aussi
bien au niveau théorique qu’empirique.
Les conclusions que nous exposons seront soumises aux limites que nous
développons dans les paragraphes qui suivent.
Limites théoriques et pratiques de la recherche
À l’instar de tout travail de recherche, et malgré les précautions prises, a priori,
pour en assurer la validité, des limites peuvent être mises en évidence.
D’un point de vue pratique, nous pouvons souligner plusieurs limites. La
première concerne l’échantillon et la manière avec laquelle nous avons procédé, ce qui
rend difficile la généralisation des résultats à l’ensemble des étudiants tunisiens, nos
conclusions restent donc limitées à ceux de la région de Sud-Est.
La deuxième limite est liée à l’étude de la perception. Les résultats concernant
l’étude de l’interaction entre le professionnel et les phénomènes démographiques restent
abstraits, car les données collectées ne reflètent pas toujours la réalité.
D’autres limites peuvent être formulées :
* la liberté d’opinion suite à la révolution du 14 janvier a influencé la qualité des
données collectées, car avant la révolution la recherche sur la question de chômage des
diplômés n’était pas permise ainsi que l’accès aux données brutes était impossible;
* certaines informations pouvant être légèrement biaisées à cause de la traduction
entre l’arabe et le français ;
Conclusion générale ________________________________________________________________________
259
* Une autre limite est due au fait qu’il existe très peu d’études concernant ce sujet
et qu’il n’a donc pas été facile de confronter nos résultats à des études déjà existantes ;
* d’autres limites d’ordre méthodologiques concernant l’utilisation de la fiche
Ageven. En effet, nous n’avons pas pu exploiter au maximum les données recueillies
pour réaliser des analyses purement biographiques. Nous nous sommes limités à
l’utiliser à des fins descriptives, par exemple pour le calcul de l’âge moyen au
baccalauréat, etc. ;
* nous n’avons pas pu concrétiser les résultats de l’analyse multidimensionnelle,
car les données que nous avons collectées n’ont pas permis, pour le moment, de réaliser
des régressions, car la significativité du modèle est trop faible (voir annexe 6). Cela
demandera plus de réflexions et fera l’objet d’éventuelles études ultérieures.
Nous sommes tout à fait conscients de ces limites, ce travail n’est pas
parfaitement achevé, il peut faire l’objet d’autres études corollaires.
Perspectives de la recherche
Il serait envisageable de prolonger notre recherche en travaillant sur plusieurs
voies qui consistent, soit à approfondir la problématique sur l’interaction entre l’insertion
professionnelle et les phénomènes démographiques, soit à rebondir sur de nouvelles
problématiques dérivées du sujet de la présente recherche, en étudiant par exemple le
coût social du chômage que subissent les diplômés du supérieur.
La première perspective consiste à poursuivre ce travail en réalisant des études
sur des échantillons qui sont en situation de chômage (diplômés et non étudiants), et
dans d’autres secteurs géographiques, afin de vérifier et d’approfondir certaines
questions évoquées lors de notre recherche et dans le but, notamment, de parvenir à
généraliser nos résultats.
Nous estimons aussi qu’en réalisant une étude sur des échantillons plus vastes,
nous parviendrons à montrer l’impact du développement de système éducatif sur
l’insertion professionnelle.
Recommandations
Il ressort des conclusions de l’enquête et des différentes investigations menées dans
ce travail qu’il faut commencer par résoudre le problème de chômage des diplômés, ce
qui aura des répercussions sur les comportements démographiques et matrimoniaux:
Conclusion générale ________________________________________________________________________
260
réduction de l’âge d’entrée en couple, baisse de coûts liés à la suréducation, réduire la
fuite de cerveaux, etc.
Pour faciliter la transition de l'école à l'emploi, l’intervention sur le chômage de
diplômés nécessite :
L’urgence d’entreprendre des réformes fondamentales de l’enseignement pour une
meilleure adéquation de la formation à l’emploi, ceci peut être mené notamment
par la professionnalisation des formations ; et la maîtrise des effectifs en revoyant,
par exemple, la méthode de calcul de la moyenne du baccalauréat ;
amélioration de la qualité de l’enseignement supérieur à travers le réaménagement
des filières de formation et l’instauration d’une politique de régulation des flux de
diplômés pour rendre impérative l’efficacité interne et externe du système
éducatif ;
étudier la possibilité d’introduire une unité d’enseignement des classes terminales
portant sur les techniques de recherche d’emploi et accorder des coefficients élevés
aux matières les plus demandées sur le marché de travail ;
revoir le système d’orientation universitaire de telle façon que les recrutements se
fassent par rapport aux besoins des entreprises et non uniquement par rapport aux
places disponibles dans les établissements supérieurs ;
sensibiliser les étudiants sur le potentiel et la capacité de l’économie tunisienne, en
mettant à leur disposition l’information sur les créneaux porteurs ;
ne pas laisser l’université comme l’unique alternative offerte aux bacheliers et
encourager les étudiants à s’orienter assez tôt vers les branches professionnelles ;
valoriser les formations professionnelles (dans les différents cycles
d’enseignement) et sensibiliser à leur importance ;
développer chez les futurs diplômés l’esprit d’initiative et promouvoir l’auto
emploi en développant des unités sur la création d’entreprises ;
intensifier et valoriser les stages tout le long de la période de formation en créant
des partenariats avec les entreprises ;
veiller à la transparence et l’accessibilité aux concours de recrutement en
supprimant les barrières qui empêchent la circulation de l’information ;
lutter contre les pratiques qui annihilent l’égalité des chances. En agissant sur la
corruption et le clientélisme ;
Conclusion générale ________________________________________________________________________
261
renforcer l’action du bureau de l’ANETI en instaurant un système de suivi
personnel des diplômés au chômage ;
impliquer les entreprises (des deux secteurs public et privé) dans la définition et le
suivi-évaluation du programme de formation et d’orientation.
* *
*
Bibliographie ________________________________________________________________________
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273
Annexes
Annexe 1 : Fiche AGENEN ________________________________________________________________________
274
Annexe : Fiche AGENEN
Fiche AGENEN le. /..…/2011(Enquêteur : ....................) ID : . / . . / . .
Sexe 1 Homme 2 Femme Région: 1 Gabès 2 Médenine 3 TatOuine 9 Autre ( )
Age Année
Evénements
Démographique
et/ou Matrimonial
Evénements
scolaire
Activités et
Ressources
Lieux de
résidence
Autres
événement
2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 1988 1987 1986 1985 1984 1983 1982 1981 1980 1979 1978 1977 1976 1975
Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________
275
Annexe : Questionnaire
S1- Avant d’obtenir votre baccalauréat, avez-vous envisagé de faire des études autres
que celles que vous poursuivez actuellement ? 0 Non 1 Oui
Si Oui, quelles études aviez-vous envisagé de suivre ? ……………… 9 Ne sait pas
S2- Quel est le nombre d’années d’études que vous souhaiterez atteindre après le baccalauréat ? …..an(s) (1 à 8) 9 Ne Sais pas
S3- Avez-vous des difficultés à comprendre les objectifs de vos enseignements?
0 Jamais 1 Oui 2 Parfois
S4- Voulez-vous partir à l’étranger ? 0 Non 1 Oui
Si Oui pourquoi ?
1 Terminer les études 2 Echapper au chômage
3 Rejoindre la famille 4 Tenter votre chance comme les autres
5 plus d’opportunités 8 Autres …………
S5- Avez-vous eu l’intention de poursuivre des études supérieures à l’étranger ?
0 Non 1 Oui Si Oui, dans quel pays ?
1 France 2 Pays Arabe 3 Autre pays européen 8 Autre……….
Si Oui, Comment comptez-vous financer vos études à l’étranger ?
1 Versement régulier de la famille
2 Travail à temps partiel
3 Prise en charge par des proches à l’étranger.
4 Épargne bancaire
5 Bourse d’étude du gouvernement tunisien
8 Autres……………….
F1- Quelle est l’année de naissance de vos parents ? Père 19 . . Mère 19 .
F2- Est-ce que vos parents résident à l’étranger ?
0 Non 1 Père uniquement
2 Mère uniquement 3 Les deux
F3- Quel est le niveau d’instruction de vos parents ?
Père Mère
1 Néant 1
2 Primaire 2
3 Secondaire 3
4 Supérieur 4
9 Ne sait pas 9
Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________
276
F4- Quelle est la catégorie socioprofessionnelle de vos parents ?
Père Mère
1 Cadre 1
2 Patron 2
3 Ouvrier 3
4 Aide familiale 4
5 A la retraite 5
6 Sans activité 6
9 Ne sait pas 9
F5-Avez-vous des frères et/ou des sœurs ? 0 Non 1 Oui
Si Oui, combien de frères et sœurs avez-vous ? …..frères et ……sœurs.
Quels âges ont l’aîné et le cadet ? Aîné…..ans cadet…..ans
F6- Quelle est leur situation matrimoniale ? (Selon l’âge : de l’aîné au plus jeune)
1 2 3 4 5 6
1 Célibataire
2 Marié
3 Divorcé
4 Veuf
9 Ne sait pas
F7- Quel est le niveau d’instruction de vos frères/sœurs ? 1 2 3 4 5 6
1 Néant
2 Primaire
3 Secondaire
4 Supérieur
9 Ne sait pas
F8- Quelle est la catégorie socioprofessionnelle de vos frères/sœurs ? 1 2 3 4 5 6
1 Cadre
2 Patron
3 Ouvrier
4 Aide familial
5 Etudiant
6 Sans activité
9 Ne sait pas
Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________
277
F9- Certains de vos frères/sœurs résident-ils à l’étranger ? 0 Non 1 Oui
Si Oui, lequel/laquelle et pour quel motif ?
1 2 3 4 5 6
1 Études
2 Vie familiale
3 Travail
9 Ne sait pas
P1- Que pensez-vous faire après avoir fini vos études ?
1 Travailler 2 Migrer 3 Se marier 4 Ne rien faire
8 Autres……… 9 Ne sait pas
P2- Est-ce que vous avez l’intention de poursuivre vos études en troisième cycle ?
0 Non 1 Oui 3 Peut-être 9 Ne sait pas
P3- Pensez-vous que lorsque vous chercherez du travail, vous en trouverez :
1 Très facilement 2 Assez facilement
3 Très difficilement 4 Difficilement 9 Ne sait pas
P4- D’après vous, quelles sont vos chances de trouver un emploi ?
1 Moins de 10% 2 10 à 50%
3 50 à 80% 4 plus de 80% 9 Ne sait pas
P5- D’après vous, combien de temps vous faut-il pour trouver un emploi, une fois vos
études terminées? 1 1 mois 2 1 an
3 2 à 5 ans 4 plus de 5 ans 9 Ne sait pas
P6- Pourquoi chercherez-vous un emploi ?
1 Besoin d’argent pour vivre 2 Fonder une famille
3 Pour être connu et avoir des relations
4 Épanouissement moral 9 Ne sait pas
P7- Le travail est-il pour vous ?
1 Une obligation 2 Un besoin
3 Obligation et besoin 9 Ne sait pas
P8- Pour intégrer le monde du travail, vous vous sentez :
1 Pas de tout formé 2 Moyennement formé
3 Bien formé 4 Très bien formé 9 Ne sait pas
P9- Acceptez-vous de travailler même si le salaire ne correspond pas à vos ambitions ?0
Non 1 Oui
P9bis- Est-ce qu’on peut réussir son avenir professionnel sans diplôme ?
0 Non 1 Oui
Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________
278
P9ter- Pour l’insertion professionnelle, le diplôme est :
0 Nécessaire et satisfaisant 1 Nécessaire et non satisfaisant
P10- Quel est le salaire minimum au-dessous duquel vous refuseriez de travailler ? ….DT
P11- D’après vous, quels sont les obstacles pour trouver un emploi ?
1 Manque d’information concernant les offres
2 Formation 3 Expérience 4 Famille
5 Proximité spatiale 8 autres:…………. 9 Ne sait pas.
P12- Savez-vous où sont diffusées les offres d’emploi ?
0 Non 1 Oui
P13- Avez-vous visité un bureau de l’Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant ANETI ? 0 Non 1 Oui
Si Oui, combien de fois ?....................
P14- D’après vous, comment peut-on décrocher un emploi ?
1 Relations 2 Concours
3 Après un stage 4 Par le biais de l’ANETI
5 Médias 6 De bouche-à-oreille
8 Autre …… 9 Ne sait pas
P15- Avez-vous l’intention de faire un stage ?
0 Non 1 Oui 7 Peut-être 9 Ne sait pas
P16- D’après vous, à quoi servent les stages ?
1 Pour valider le diplôme 8 Autre……..
2 Pour découvrir le milieu professionnel
3 Pour décrocher un emploi 9 Ne sait pas
P17- Selon vous, les concours de recrutement sont facilement accessibles à tout le
monde ?
0 Non 1 Oui 9 Ne sait pas
P18- Avez-vous participé à un concours de recrutement ?
0 Non 1 Oui
P19- Comment estimez-vous le niveau de ces concours ?
1 Facile 2 Moyen 3 Difficile 9 Ne sait pas
P20- Si vous trouvez un travail, acceptez-vous d’arrêter les études avant l’obtention votre diplôme ? 0 Non 1 Oui 7 Peut-être 9 Ne sait pas
P21- Qui peut vous influencer dans votre choix d’emploi ?
0 Personne 1 Conjoint 2 Parents 3 Amis
4 Famille 8 Autre ….………… 9 Ne sait pas
Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________
279
P22- Quels sont les critères déterminant du choix de votre futur poste ?
1 Correspondance avec la formation 2 Salaire
3 Proximité 8 Autre ……… 9 Ne sait pas
P23- D’après vous, combien de temps allez-vous passer dans votre premier poste ?
1 Quelques jours 2 Quelques mois
3 Quelques années 4 En permanence 9 Ne sait pas
P24- Quel salaire mensuel estimez-vous avoir ?
1 Moins de 300 Dinars 2 Entre 300 et 500 Dinars
3 Entre 500 et 800 Dinars 4 Plus de 800 Dinars
9 Ne sait pas
P25- Connaissez-vous le montant du salaire minimum (SMIG) actuel ?
0 Non 1 Oui
P26- Connaissez-vous le nombre d’heures légales de travail ?
0 Non 1 Oui
P27- Connaissez-vous l’âge maximum d’entrée dans la fonction publique ?
0 Non 1 Oui
P28– Quel sont vos préférences pour votre futur emploi ?
1 Secteur public 2 Secteur privé 3 Création d’entreprise
8 Autres………….
P28bis– Existe-il des discriminations quant à l’accès à l’emploi ? 0 Non 1 Oui si Oui, à quel niveau ?
1 Sexe 2 Région 3 Age 4 Salaire 8 Autres………
P29- Que pensez-vous du travail des femmes ?
1 Je suis pour le travail des femmes 2 Je suis contre
Si contre, pourquoi ?
1 La femme doit rester à la maison 2 C’est un interdit religieux
3 Refus de la famille 4 Financièrement, je n’en ai pas besoin
5 C’est rejeté par la société 8 Autre ………9 Ne sait pas
P30- D’après vous, dans quel domaine la femme pourrait-elle travailler ?
1 Partout 2 Industrie 3 Agriculture
4 Administration 5 Enseignement 6 Hôtellerie
8 Autre……… 9 Ne sait pas
P30bis- Existe-il des métiers spéciaux aux femmes ?
0 Non 1 Oui
Si Oui, lesquels ? ............../……………./………….
Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________
280
P30ter- Pensez-vous qu’il existe des discriminations envers les femmes ?
0 Non 1 Oui
Si Oui, quel type de discriminations ?
1 salariale 2 âge 8 autre………9 Ne sait pas
P31- Accepterez-vous de travailler avec votre femme/mari dans le même
établissement ?
0 Non 1 Oui
P32- Si votre femme/mari trouve avant vous un emploi, accepterez-vous d’accomplir les tâches domestiques ? 0 Non 1 Oui
P33- Accepterez-vous de déménager si votre femme/mari trouve un emploi dans une
autre ville ? 0 Non 1 Oui
P34- Accepterez-vous que votre femme/mari parte à l’étranger pour travailler ?
0 Non 1 Oui
Si Non, pourquoi ?
1 Vous ne pouvez pas rester seul(e)
2 Ce n’est pas bon pour les enfants
3 Vous ne pouvez pas assumer la responsabilité
8 Autre………… 9 Ne sait pas
P35- Au cas où vous ne trouviez pas un emploi, auriez-vous l’idée de créer une entreprise ?
0 Non 1 Oui 7 Peut-être 9 Ne sait pas
P36- Quels sont les obstacles qui, d’après vous, peuvent empêcher la création d’une entreprise ?
1 Contraintes financières 2 Contraintes familiales
3 Le manque de compétences 4 La peur de la concurrence
8 Autre ………. 9 Ne sait pas
P37- Connaissez-vous les outils mis en place par l’Etat pour favoriser l’insertion professionnelle ? 0 Non 1 Oui Si Oui, le(s)quel(s) ?
1 CEF 2 SIVP 1 3 SIVP 2 4 PCP
5 Fonds 21- 21 8 Autres………… 9 Ne sait pas
P38- Dans quelle branche d’activité désiriez-vous travailler ?
1 Peu importe 2 Industrie
3 Agriculture 4 Administration
5 Enseignement 8 Autre…………….
9 Ne sait pas
Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________
281
P39- Votre avenir professionnel, ça vous préoccupe ?
0 Non 1 Oui, un peu 2 Oui, beaucoup 9 Ne sait pas
P40- Pour votre avenir professionnel, êtes-vous ?
0 Plutôt inquiet 1 Plutôt optimiste 9 Ne sait pas
P41- Avec qui parlez-vous de votre avenir professionnel ?
1 Enseignants 2 Parents 3 Amis
4 Proches 5 Fratrie 8 Autre …………..
P42- Pour une femme qui travaille, il est difficile de concilier vie professionnelle et vie
familiale. Qu’en pensez-vous ?
1 Pas du tout d’accord 2 Plutôt d’accord 3 Tout à fait d’accord
P43- Un bon travail et un bon salaire font de vous une personne comblée dans votre
famille. Etes-vous :
1 Pas de tout d’accord 2 Plutôt d’accord 3 Tout à fait d’accord
P44- Une vie familiale heureuse vous aide à avoir une vie professionnelle équilibrée.
Etes-vous :
1 Pas de tout d’accord 2 Plutôt D’accord 3 Tout à fait d’accord
P45- Ne pas travailler pèse sur votre famille. Que diriez-vous ?
1 Pas de tout d’accord 2 Plutôt d’accord 3 tout A fait d’accord
P46- Votre famille vous soutien dans une situation de chômage. Comment trouvez-vous
cette situation ?
1 Inappréciable 2 Gênante 3 Acceptable
P47- A quel âge pensez-vous vous marier ?.......ans.
P48- Quand désiriez-vous vous marier ?
1 Dès que l’occasion se présente
2 Dés que j’ai trouver un emploi
3 Immédiatement après la fin des études
9 Ne sait pas
P49- Bien connaître votre futur mari, pour vous ?
1 C’est préférable 2 C’est important 3 Pas important
P50- Pourriez-vous supporter seul les coûts du mariage ? 0 Non 1 Oui
Si Non, à qui auriez-vous recours?
1 Parent 3 Conjoint
2 Famille 4 Prêt 8 Autres
Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________
282
P51- Quels sont les critères déterminants du choix de votre conjoint ?
1 Niveau d’étude 2 Profession 3 Famille
4 Région 5 Elégance 6 Travaille à l’étranger
8 Autres………
P52- Quelle est la durée estimée de vos fiançailles ?
1 Moins de 3mois 2 Un an
3 De 1 et 3 ans 4 Plus de 3 ans
P53- Une fois marié(é), accepterez-vous de rester avec les parents ?
0 Non 1 Oui
P54- Combien d’enfants aimeriez-vous avoir ?
0 Pas d’enfant 1 Un 2 Deux 3 Trois
4 Quatre 5 Cinq ou plus 9 Ne sait pas
P56- D’après vous, quel est le nombre d’enfants idéal pour un couple ?…enfants. P56bis- Comment justifier-vous le nombre idéal d’enfants ?
1 Par la santé de mère 2 Par des raisons économiques
3 Le deux 8 Autres………… 9 Ne sait pas
P57- Qui décide le nombre d’enfants ?
1 Vous 2 Conjoint(e) 3 Le couple4 Mère
5 Père 6 Famille 9 Ne sait pas
P58- Avez-vous des préférences pour les garçons ou pour les filles ?
(1er enfant)1 Indifférent2 Garçon3 Fille
(2eme enfant)1 Indifférent2 Garçon3 Fille
(3eme enfant1 Indifférent2 Garçon3 Fille
P 59- Qui gardera vos enfants ?
1 Vous 2 Conjoint(e) 3 Famille
4 Crèche 5 Nounou 8 Autres……… 9 Ne sait pas
P60- Arrêterez-vous le travail pour vous occuper de vos enfants ?
0 Non 2 Oui totalement 3 Oui temporairement 9 Ne sait pas
P60bis- Arrêterez-vous le travail pendant la maternité de vos enfants?
(1er enfant) 0 Non 1 Oui
(2eme enfant) 0 Non 1 Oui
(3eme enfant) 0 Non 1 Oui
P61 - Connaissez-vous les moyens de contraception ?
0 Non 1 Oui 9 Ne sait pas
Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________
P62- D’après vous, pourquoi les gens utilisent les moyens de contraception ?
1 Éviter les MST 2 Pour ne pas avoir d’enfant
8 Autres ………… 9 Ne sait pas
P63- D’après vous, la contraception est : 1 Illicite 2 Licite 9 Ne sait pas
Informations supplémentaires
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Fin de questionnaire, merci d’avoir répondu à notre enquête.
Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________
Annexe : Présentation de la région du Sud-Est
tunisien
Découpage administratif de la région Sud-Est :
La région couverte par notre étude (Sud-Est) comporte trois gouvernorats, à savoir
Gabès, Médenine et Tataouine.
Le gouvernorat de Gabès occupe une position stratégique en se plaçant aux portes du
grand Sud avec une superficie de 7175 Km² et une côte méditerranéenne s'étendant à 80 km
à L'Est. C’est une zone économiquement très importante comme toute ville donnant sur le
Méditerranéen. Elle se compose de dix délégations et abrite une population de 342 630
habitants en 2004 selon l'institut national de statistique (INS).
Gabès est une ville industrielle très connue par son gisement pétrolier. Elle occupe
une place importante dans le marché d'exportation de produits chimiques. C’est aussi un
pôle artisanal très réputé. Parmi les villes du gouvernorat de Gabès on site Gannouch qui
occupe l'oasis maritime. Elle compte1400 hectares de terres agricoles exploitées tout au long
des quatre saisons et elle est classée parmi les villes les plus urbanisées.
Carte 6 : Découpage administratif du gouvernorat de Gabès
Le gouvernorat de Médenine se situe dans le Jeffara avec une superficie de 8588
Km². Elle est constituée de neuf délégations et avec une population de 447 300 habitants
selon les estimations de l'INS en 2008. Médenine se caractérise par une population nomade
et semi-nomade constituant un foyer d'émigration massif. L'agriculture y représente le
Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________
secteur qui absorbe le plus de main-d'œuvre suivie de l'industrie-manufacture et du secteur
tertiaire.
Carte 7: Découpage administratif du gouvernorat de Médenine
La ville de Tataouine, chef-lieu du troisième gouvernorat, a été fondée en 1912 pour
accueillir les troupes françaises qui avaient pour mission d'assurer la surveillance de tribus
rebelles de cette région. Elle est devenue gouvernorat en début des années quatre-vingt après
avoir été sous la délégation du gouvernorat de Médenine.
Le gouvernorat de Tataouine, délimité par les frontières libyennes à l'Est et les frontières
algériennes à l'Ouest, était connu sous le nom "pays de ksour". Ceux-ci sont des cellules qui
étaient à la base construites côte à côte en plusieurs étages et servant à la fois à l'habitat et le
stockage des céréales. Peu à peu et depuis l'indépendance, ils ont perdu leurs rôles initiaux
pour se transformer à des lieux de réunions et de commerce.
À Tataouine, les maisons sont formées de plusieurs pièces suffisamment éloignées
les unes des autres pour respecter l'intimité familiale. L’élargissement des maisons ne
survient qu’en cas de changement de la situation familiale des occupants, c'est-à-dire qu'une
fois qu’un enfant veut se marier. Dans ce cas, on lui construit une pièce supplémentaire sans
qu’elle soit séparée de la maison des parents.
Actuellement ce paysage commence à perdre progressivement cette particularité sous l'effet
de l'urbanisation moderne qu’a connue ce gouvernorat.
Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________
Carte 8: Découpage administratif du gouvernorat de Tataouine
Densité et répartition spatiale de la population.
La densité d'une population mesure le degré de concentration d'une population par
laquelle elle est déterminée et elle est exprimée par habitant par kilomètre carré (h/km²).
La répartition spatiale de la population tunisienne montre des inégalités entre les différentes
régions : on trouve des villes plus denses que d’autres. Ces inégalités sont en rapport étroit
avec les conditions naturelles et les potentialités économiques de chaque région. En effet, les
régions du Sahel et du Nord-Est sont les plus peuplées en raison des conditions naturelles
favorables ainsi que l’existence d’infrastructures économiques et sociales relativement
développées par rapport aux autres régions. Ces deux régions regroupent la majorité de la
population du pays sur une superficie qui ne représente qu’un sixième (1/6) du territoire
national. En revanche, la partie intérieure du pays est plus désavantagée: bénéficiant de
moins d’investissements et avec des conditions naturelles moins favorables à cause de
l’influence saharienne.
Comparée à l’ensemble du pays, la région du Sud-Est se caractérise par une faible
densité de population même si celle-ci est en léger accroissement (entre les différents
recensements) comme le montre le tableau qui suit.
Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________
Tableau 49: Densité de la population entre 1984 et 2004
Densité
(h/km²) 1984 1994 2004
Gabès 33 43 48
Médenine 32 42 47
Tataouine 3 3 4
Tunisie 45 57 64
Source : INS
Dans cette région, la densité a évolué (en hausse) d'un recensement à un autre, dans
tous les gouvernorats. Si Médenine et Gabès ont une densité pas très loin de la moyenne,
Tataouine reste très loin de la densité au niveau national, avec la moyenne de 4 h/km² en
2004.
L'évolution inadéquate de la densité de la population intergouvernorats au Sud-Est
peut cacher une grande disparité à l’intérieur de ceux-ci. Comme partout, les milieux urbains
sont souvent les plus attractifs. Aussi l’existence des pôles administratifs rend ces milieux de
plus en plus peuplés.
La disparité intragouvernorat est nette puisque les grandes villes et surtout les chefs-
lieux des gouvernorats dits les "wilayas", assurant la majorité des services administratifs,
sont les endroits les plus denses.
La densité de la population de gouvernorat de Gabès a connu une modification entre 1984 et
2004. Avec une superficie de 7175 km² et une densité de population de 48 h/km² en 2004, le
nombre d'habitants par kilomètre carré varie d’une ville à une autre au sein du gouvernorat.
La ville de Gannouch fait exception avec une densité de 1194 h/km², elle se distingue de
toutes les autres villes de Gabès et même celles du Sud-Est qui n'ont guère dépassé le seuil
de 500 h/km². Cette densité spectaculaire est forcément due à la petite superficie de cette
ville: 19 km², qui abrite le grand pôle industriel.de la région. Les localités de Gabès-ouest et
Gabès-est viennent en deuxième position avec 336 h/km², ceci est en raison de l’existence de
plusieurs pôles industriels, administratifs et universitaires.
Dans les autres villes, la densité de la population a connu un accroissement à
l'exception de la ville de Matmata où la variation est négative : 17 h/km² en 1984 contre 5
h/km² en 2004. Les habitants quittent cette ville pour s’installer dans d’autres régions leurs
assurant les moyens de subsistance et un meilleur cadre de vie.
Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________
Carte 9 : Densité de la population de Gabès entre 1984 et 2004.
Le gouvernorat de Médenine, comme on l’a mentionné précédemment, comporte
neuf délégations. La densité de population de Médenine est marquée par une variation moins
importante que celle du gouvernorat de Gabès. En effet, la ville de Djerba avec une
superficie de 494 km², par une densité de 186 h/km² en 1984 et 292 h/km² en 2004, se
distingue par une forte concentration de population notamment dans la délégation de 'Houmt
Essouk'. Au sein de celle-ci, on trouve l'aéroport de 'Djerba Zarzis' et une zone touristique
attirant un nombre de 'Jerbiens' des autres villes qui viennent s'installer pour maximiser
leurs chances de trouver un emploi.
En deuxième place vient la ville de Zarzis, avec une densité assez forte: d’environ 90 h/km²
en 2004. Cette presqu'île se caractérise par des activités agricoles, la pêche et un tourisme en
expansion.
La ville de Médenine qui abrite le siège administratif du gouvernorat se caractérise par une
concentration moyenne de population, tandis que la délégation de Béni Khedach, zone
montagneuse et rurale, se classe parmi les villes de faible densité de population (21h/km²).
En dernier lieu, on trouve la ville de Ben Guerdane qui s’étend sur 60% de la superficie du
gouvernorat avec une densité inférieure à 15 h/km² en 2004.
Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________
Carte 10 : Densité de la population de Médenine entre 1984 et 2004.
Dans le gouvernorat de Tataouine la variation de la densité de population entre 1984
et 2004 est significative uniquement pour l'agglomération de Tataouine où s’est implanté le
siège administratif de la wilaya. Sa densité est passée de 9 h/km² en 1984 à 15 h/km² en
2004.
Pour les autres villes, cette variation est peu significative. Par exemple dans la délégation de
Ghomrassen, région montagneuse et rurale, le nombre d'habitants par kilomètre carré stagne
autour de 28 h/km². Encore dans la délégation de Remada, zone saharienne rurale, l'aspect
rural confirme la très faible densité de population de 0,4 habitant par kilomètre carré en
2004.
Carte 11 : Densité de la population de Tataouine entre 1984 et 2004.
Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________
Répartition spatiale de la population.
Pour l’ensemble de notre région d’étude qui compte au total 909 648 habitants en
2004, la population urbaine est de 643 921 individus soit 70,8 % de la population totale. Ce
qui la place parmi les régions les plus urbanisées du pays, le taux de population urbaine pour
l’ensemble de la Tunisie étant de 64,9% (graphique 89).
Graphique 89 : Évolution de taux d’urbanisation entre 1984 et 2004
Source: RGPH 1984, 1994 et 2004
Cependant, cette proportion élevée de citadins pour la totalité de la région cache de
grandes disparités d’une délégation à l’autre. Comme le montre le graphique 90, les citadins
représentent 100% de la population totale pour les trois délégations de Djerba( à Médenine),
la délégation de Ghannouch( à Gabès) et Dhiba( à Tataouine) ; alors que pour les
délégations de Sidi Makhlouf( à Médenine), Menzel Hbib( à Gabès) et Elsmar( à Tataouine)
la proportion des citadins ne dépasse pas 10%.
Carte 12 : Répartition de taux d’urbanisation selon les délégations en 2004.
Source : RGPH 2004.
Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________
Évolution de la population du Sud-Est tunisien.
La région du Sud-Est qui abrite environ 10% de la population du pays en 2004 a vu sa
population accroître, mais tout de même le rythme de l’évolution reste faible.
En matière de répartition spatiale, on trouve au gouvernorat de Médenine et depuis 1984 une
grande partie de la population du Sud-Est tunisien. Lors du dernier recensement de 2004, ce
gouvernorat abritait au moins 47% des habitants, suivie du gouvernorat de Gabès pour
environ 37% et enfin Tataouine où se concentre 16% de la population.
Pour ce qui concerne la croissance de la population, l'examen du tableau 50, illustrant
la variation de la population du Sud-Est tunisien et ses composantes, montre que cette
évolution a le même rythme dans les trois gouvernorats entre 1984 et 2004. Pour la période
intercensitaire (1994-2004) le gouvernorat de Tataouine connaît le plus faible taux
d’accroissement (0,6 % entre 1994 et 2004).
Cette situation peut s’interpréter par le fait que Tataouine est une zone saharienne et avec
moins de chances de trouver un emploi, ce qui pousse ses habitants à quitter la région pour
s'installer dans les grandes villes. On peut constater facilement que ce taux reste élevé
seulement dans les villes littorales des trois gouvernorats alors qu’il est en baisse dans les
autres villes : plus on s’approche du littoral, plus le taux augmente. Ceci peut montrer que
les villes côtières sont des villes plus attractives si on parle de la migration interne et leurs
populations sont plus fécondes si on parle de natalité.
Tableau 50 : Évolution de la population du Sud-Est et ses composantes de 1984 à 2004.
1984 TAAM 84/94
1994 TAAM 94/04
2004 TAAM 84/04
Gabès 243 630 2,45% 310 272 1,00% 342 630 1,72%
Médenine 300 560 2,52% 385 596 1,15% 432 503 1,84%
Tataouine 100 730 2,99% 135 184 0,60% 143 524 1,79%
Sud-Est 644 920 2,57% 831 052 1,01% 918 657 1,78%
Source : INS, RGPH 1984,1994 et 2004.
Les cartes ci-dessous montrent une disparité de ce taux entre les trois gouvernorats et
les villes du même gouvernorat. On peut constater que ce taux reste élevé seulement
dans les villes littorales des trois gouvernorats alors qu’il est en baisse dans les autres
villes. Plus on s’approche du littoral, plus le taux augmente.
Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________
Carte 13 : Évolution de taux d’accroissement de la population de Gabès.
Carte 14 : Évolution de taux d’accroissement de la population de Médenine.
Carte 15 : Évolution de taux d’accroissement de la population de Tataouine.
Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________
Rapport de masculinité
Au niveau des gouvernorats du Sud-Est, le rapport de masculinité est en légère baisse
depuis 1994. Exception faite pour le gouvernorat de Tataouine où ce rapport est en baisse
continue et atteint même la barre de 88 hommes pour 100 femmes, selon les estimations de
l’INS en 2008. À partir du recensement de la population de 1994, dans la région du Sud-Est,
les femmes sont plus présentes que les hommes qui la quittent vers d’autres espaces.
Le graphique ci-après, présentant le rapport de masculinité par âge en 2004, montre un lien
fort entre cet indicateur et l'âge. Assurément, et dans les trois gouvernorats, le nombre
d’hommes pour 100 femmes entre vingt et soixante ans est inférieur à 100. Ces tranches
d'âges correspondent à la population d'âge actif. En outre, celle-ci est touchée par la
migration.
Graphique 90: Rapport de masculinité selon l’âge en Tunisie et au Sud-Est en 2004
Source : RGPH 2004.
L'autre constat concerne la tranche d'âge de 60 ans et plus. Pour cette catégorie, cet
indicateur dépasse largement 100%, ce qui peut être interprété -à notre avis- par le
phénomène de la migration de retour observée dans la région Sud-Est comparée à
l’ensemble de pays (voir le même graphique). Jadis, pour cette tranche d'âge, les migrations
sont souvent individuelles. C’est-à-dire, autrefois, lorsque l’homme quitte sa ville, il part
sans que sa femme l'accompagne, puis il retourne à la fin de sa vie active, ce qui explique ce
surplus masculin à ces âges.
60
80
100
120
0--4
5--9
10--1
4
15-19
20-24
25-29
30-34
35-39
40-44
45-49
50-54
55-59
60-64
65-69
70-74
75-79
80 +
Gabès Medenine Tataouine Tunisie
Annexe 4: Répartition spatiale de l’indice synthétique de fécondité entre 1966 et 2004 ________________________________________________________________________
Annexe : Répartition spatiale de l’indice synthétique
de fécondité entre 9 et
Annexe 5 : Accroissement annuel moyen du nombre des ménages entre 1994 et 2004 ________________________________________________________________________
Annexe : Accroissement annuel moyen du nombre des
ménages entre 99 et
296
Annexe : Régression logistique
Dans cet exemple nous avons pris comme variable dépendante P40 (Pour votre avenir professionnel vous êtes :0=Plutôt inquiet 1= Plutôt optimiste) ; pour expliquer cette variable nous avons choisis les variable suivantes : S1 : Problème d’orientation (0=non 1=oui). S3 : difficulté de comprendre l’objectif de la formation (0=non 1=oui). S4 : Motivé par la migration (0=non 1=oui). S5 : Finir les études à l’étranger (0=non 1=oui). P1 : Insertion professionnelle (0=Facile 1=difficile). P39 : Préoccupé par l’avenir professionnel (0=non 1=oui). P42 : Pour une femme qui travaille, il est difficile de concilier vie professionnelle et vie familiale (0=pas d’accord 1=d’accord). P43 : Un bon travail et un bon salaire font de vous une personne comblée dans votre famille (0=pas d’accord 1=d’accord). P44 : Une vie familiale heureuse vous aide à avoir une vie professionnelle équilibrée (0=pas d’accord 1=d’accord). P45 Ne pas travailler pèse sur votre famille (0=pas d’accord 1=d’accord). P46 Votre famille vous soutien dans une situation de chômage. Comment trouvez-vous cette situation (0=Gênante1=acceptable). P47 : âge au mariage (0= avant 25ans 1= à partir de 25ans). P48 : Moment du mariage (0 =Trouver un emploi 1=autre ). La mise en œuvre de la régression nous permet d’avoir les résultats suivantes qui sont très faiblement significative pour confirmer la relation entre la variable à expliquer et les variables explicatives.
Récapitulatif de traitement des observations
Observations non pondéréesa N Pourcentage
Observations sélectionnées
Inclus dans l'analyse 359 92,8
Observations manquantes 28 7,2
Total 387 100,0
Observations exclues 0 ,0
Total 387 100,0
a. Si la pondération est activée, reportez-vous au tableau de classement pour connaître
le nombre total d'observations.
Codage de variables dépendantes
Valeur d'origine Valeur interne
0 0
1 1
297
Bloc 0 : bloc de départ
Tableau de classementa,b
Observations Prévisions
P40 Pourcentage
correct 0 1
Etape 0 P40
0 355 0 100,0
1 4 0 ,0
Pourcentage global 98,9
a. La constante est incluse dans le modèle.
b. La valeur de césure est ,500
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 0 Constante -4,486 ,503 79,594 1 ,000 ,011
Variables hors de l'équation
Score ddl Sig.
Etape 0 Variables
P39 ,610 1 ,435
P42 ,561 1 ,454
P43 1,498 1 ,221
P44 ,290 1 ,590
P45 2,296 1 ,130
P46 ,606 1 ,436
P47 3,243 1 ,072
P48 2,023 1 ,155
P3 1,092 1 ,296
S1 ,137 1 ,711
S3 ,065 1 ,799
Statistiques globales 9,718 11 ,556
Block 1 : Méthode = Entrée
Tests de spécification du modèle
Khi-Chi-deux ddl Sig.
Etape 1
Etape 15,287 11 ,170
Bloc 15,287 11 ,170
Modèle 15,287 11 ,170
298
Récapitulatif des modèles
Etape -2log-
vraisemblance
R-deux de Cox
& Snell
R-deux de
Nagelkerke
1 28,644a ,042 ,362
a. L'estimation a été interrompue au numéro d'itération 20
parce que le nombre maximal d'itérations a été atteint. Solution
finale introuvable.
Tableau de classementa
Observations Prévisions
P40 Pourcentage
correct 0 1
Etape 1 P40
0 355 0 100,0
1 4 0 ,0
Pourcentage global 98,9
a. La valeur de césure est ,500
Variables dans l'équation
A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)
Etape 1a
P39 ,572 1,242 ,212 1 ,645 1,771
P42 ,262 1,255 ,044 1 ,835 1,299
P43 16,652 3038,206 ,000 1 ,996 17056837,485
P44 16,293 5956,162 ,000 1 ,998 11905669,577
P45 16,522 2732,349 ,000 1 ,995 14970247,796
P46 -,407 1,150 ,126 1 ,723 ,665
P47 8,499 1272,781 ,000 1 ,995 4909,607
P48 -1,591 1,171 1,846 1 ,174 ,204
P3 -,598 ,596 1,008 1 ,315 ,550
S1 ,572 1,193 ,230 1 ,632 1,771
S3 -,729 1,215 ,360 1 ,549 ,482
Constante -66,892 7658,471 ,000 1 ,993 ,000
a. Variable(s) entrées à l'étape 1 : P39, P42, P43, P44, P45, P46, P47, P48, P3, S1, S3.
299
Liste des tableaux
Tableau 1: Évolution de taux de chômage des diplômés du supérieur(en %) .......................................... 28
Tableau 2: Évolution du taux de chômage selon le niveau d’instruction ................................................ 31
Tableau 3: Évolution de la demande additionnelle pour les diplômés du supérieur ................................ 32
Tableau 4: Évolution de la structure par âges de la population tunisienne à l’horizon de 2029 ........... 62
Tableau 5: Ratio de dépendance démographique en Tunisie entre 1966 et 2039 ................................. 63
Tableau 6 : Évolution de la Proportion des hommes entre 1966 et 2010 (en %) .................................. 64
Tableau 7: Répartition selon l’état matrimonial et le sexe entre 1966 et 2004 ..................................... 70
Tableau 8 : Population de 15 ans et plus selon l'état matrimonial et le milieu de résidence en 1994 .... 71
Tableau 9: Évolution des taux de célibataires (en %) par groupe d’âge .................................................. 73
Tableau 10 : Évolution de l’âge moyen de premier mariage et l’écart d’âge entre époux ......................... 75
Tableau 11 : Évolution de l’âge moyen au premier mariage et de l’écart d’âge entre époux selon le milieu .....75
Tableau 12 : État matrimonial selon le niveau d’instruction et le sexe à l’âge de 15 ans et plus ........... 76
Tableau 13 : Répartition des causes du recul de l’âge au mariage selon le sexe en % ............................. 77
Tableau 14: Évolution de l’indice synthétique de fécondité en Tunisie depuis 1966 ............................. 80
Tableau 15 : Typologie des familles selon l’INS .................................................................................... 83
Tableau 16: Solde de migration interne entre 1979 et 2004 ................................................................ 90
Tableau 17 : Évolution du rapport de masculinité des migrants, depuis 1969 ..................................... 91
Tableau 18 : Migration interne par tranche d’âge (en %) .................................................................... 92
Tableau 19: Structures des migrants (10 ans et plus) selon le niveau d’instruction (en %)..................... 93
Tableau 20: Répartition des migrants tunisiens selon les pays d’accueil en 2006 .................................. 96
Tableau 21: Répartition des émigrés tunisiens selon la raison principale d’émigration (en %) ............... 99
Tableau 22: Réparation des émigrés tunisiens selon le niveau d’instruction (en %) ............................... 99
Tableau 23: Évolution des proportions d’étudiants selon la branche de formation .............................. 119
Tableau 24 : Répartition des diplômés de l’enseignement supérieur selon les cycles entre 1981 et 2005 .. 120
Tableau 25: Évolution des programmes de PAE entre 2005 et 2008 (en million de dinars tunisiens) 131
Tableau 26 : Évolution du taux brut d’activité entre 1975 et 2008 (en %) ...................................... 135
Tableau 27 : Évolution des taux globaux d’activité (en %) ................................................................ 135
Tableau 28 : Évolution de la population des occupés selon le genre ................................................... 139
Tableau 29 : Évolution de la proportion des occupés selon le niveau d’instruction ............................. 140
Tableau 30: Répartition des emplois selon la branche d’emploi .......................................................... 142
Tableau 31 : Évolution de la demande additionnelle moyenne annuelle selon le sexe ......................... 146
Tableau 32: Évolution de la demande additionnelle (15 ans et plus) selon le niveau d’instruction ..... 147
Tableau 33 : Évolution des créations nettes d’emploi selon le niveau d'instruction ............................. 147
300
Tableau 34: Évolution du nombre de chômeurs par sexe, en milliers .................................................. 149
Tableau 35: Évolution du taux de chômage par sexe entre 1975 et 2011 ......................................... 151
Tableau 36: Répartition des chômeurs selon leurs niveaux d’instruction............................................. 154
Tableau 37: Évolution du nombre de diplômés au chômage ............................................................... 160
Tableau38: Répartition des chômeurs selon les diplômes (en %) ......................................................... 163
Tableau 39 : Répartition des personnes interrogées selon l’institut et le sexe ....................................... 174
Tableau 40 : Répartition des enquêtées selon le groupe d’âge et le sexe ............................................... 178
Tableau 41: Répartition des personnes enquêtées selon la section du baccalauréat et le sexe .............. 180
Tableau 42 : Répartition des formations suivies par les enquêtés selon la série du baccalauréat ......... 182
Tableau 43 : Répartition selon le sexe et l’institut de formation des étudiants victimes d’une mauvaise orientation ......................................................................................................................................... 184
Tableau 44 : Perception de la durée de chômage selon le sexe............................................................. 198
Tableau 45 : Perception de la durée moyenne de chômage selon la CSP des parents ........................... 202
Tableau 46 : Opinions sur l’interaction entre vie professionnelle et familiale selon le sexe .................. 224
Tableau 47 : Connaissance des moyens de contraception selon le sexe ................................................ 242
Tableau 48 : Perception de mobilité selon la catégorie socioprofessionnelle et le sexe des parents ........ 248
Tableau 49: Densité de la population entre 1984 et 2004 ............................................................... 287
Tableau 50 : Évolution de la population du Sud-Est et ses composantes de 1984 à 2004. ................ 291
Liste des graphiques
301
Liste des graphiques
Graphique 1 : Évolution de la population tunisienne entre 1921 et 2011 ___________________ 57
Graphique 2 : Structure par âge de la population tunisienne entre 1966 et 2010 ______________ 58
Graphique 3: Évolution des pyramides des âges pour la population tunisienne entre 1966 et 2004 _ 60
Graphique 4: Projection des pyramides des âges pour la population tunisienne à l’horizon de 2029) _ 61
Graphique 5: Taux de dépendance démographique de la population 60ans et plus à celle 15 et 59ans __ 63
Graphique 6: Rapport de masculinité selon l’âge en Tunisie entre 1984 et 2004 ______________ 65
Graphique 7: Transition démographique en Tunisie ___________________________________ 65
Graphique 8 : Espérance de vie à la naissance en Tunisie depuis 1960 _____________________ 67
Graphique 9 : État matrimonial selon le sexe et l’âge en 2004 ___________________________ 72
Graphique 10 : Évolution de taux de célibataires (en %) par sexe et groupe d’âge ______________ 74
Graphique 11: Évolution des taux de fécondité générale par groupe d’âge en Tunisie (1966-2006) __ 79
Graphique 12: Évolution du nombre et taille moyenne de ménages entre 1975 et 2008 __________ 84
Graphique 13 : Migration intérieure intergouvernorat selon la cause principale (1999-2004) ______ 94
Graphique 14: Réparation des émigrés tunisiens selon le groupe d’âge entre avril 1999 et avril 2004 97
Graphique 15 : Évolution du nombre d’étudiants (en millier) par cycle d’études en Tunisie ______ 107
Graphique 16 : Évolution du nombre d’élèves et d’enseignants du premier cycle _______________ 108
Graphique 17: Nombres d’étudiants du supérieur pour 100.000 habitants__________________ 115
Graphique 18 : Évolution du nombre d’étudiants du supérieur dans l’enseignement global _______ 115
Graphique 19: Proportion d’étudiantes dans l’enseignement supérieur: comparaison internationale _ 117
Graphique 20: Nombre de bénéficiaires de la politique active de l’emploi selon le type de programme 130
Graphique 21: Répartition de la population active selon le sexe __________________________ 134
Graphique 22: Évolution des taux d’activité par âge selon le sexe entre 1984 et 2008 __________ 136
Graphique 23: Répartition des actifs selon le niveau d’instruction entre 1984 et 20 011 ________ 138
Graphique 24 : Évolution de la proportion des occupés selon les groupes d’âge (en %) __________ 140
Graphique 25: Évolution du nombre d’occupés par branche d’activité entre 1984 et 2008 ______ 141
Graphique 26 : Répartition des occupés selon la branche d’activité et le sexe entre 1984 et 2004 __ 143
Graphique 27: Structure de la population active occupée selon le statut dans la profession _______ 144
Graphique 28 : Structure de la population active occupée selon le sexe et le statut dans la profession 145
Graphique 29: Évolution de la demande additionnelle moyenne annuelle ___________________ 146
Graphique 30: Évolution des créations nettes d’emploi et des demandes additionnelles d’emploi de diplômés ________________________________________________________________ 148
Graphique 31: Taux de chômage selon les groupes d’âge _______________________________ 153
Graphique 32: Évolution du taux de chômage selon le niveau d’instruction _________________ 154
Graphique 33: Taux de chômage selon la région ____________________________________ 158
Liste des graphiques
302
Graphique 34: Répartition de la durée de chômage en 2008 ____________________________ 159
Graphique 35: Chômage des diplômés du supérieur selon le sexe _________________________ 162
Graphique 36: Pyramide des âges de la population enquêtée ____________________________ 178
Graphique 37: Proportion d’étudiants selon le sexe et l’âge au baccalauréat _________________ 179
Graphique 38 : Proportion des personnes enquêtés selon la section du baccalauréat ____________ 180
Graphique 39: Difficulté à comprendre les objectifs de la formation suivie selon le sexe _________ 185
Graphique 40 : Difficultés à comprendre les objectifs de leur formation par les étudiants déçus suite à une mauvaise orientation, selon le sexe ___________________________________________ 186
Graphique 41 : Poursuite des études en troisième cycle selon le sexe _______________________ 187
Graphique 42 : Types de financement des études selon le sexe ___________________________ 187
Graphique 43: Répartition des étudiants enquêtés selon le sexe et la CSP des parents___________ 192
Graphique 44 : Répartition des étudiants enquêtés selon le sexe et le niveau d’instruction des parents 192
Graphique 45: Motifs de la recherche d’emploi selon la perception des étudiants et leur sexe ______ 195
Graphique 46: Perception du travail entre obligation et besoin selon le sexe _________________ 196
Graphique 47 : Projet des étudiants après les études selon le sexe _________________________ 197
Graphique 48: Évaluation d’insertion selon les étudiants selon le sexe _____________________ 197
Graphique 49 : Perception de la durée de chômage selon le sexe et l’établissement _____________ 200
Graphique 50: Perception de la durée moyenne de chômage selon le sexe et l’établissement _______ 201
Graphique 51: Perception du salaire réserve selon le sexe ______________________________ 204
Graphique 52 : Perception des déterminants de l’emploi selon le sexe ______________________ 205
Graphique 53 : Déterminants de l’emploi selon l’institut d’étude _________________________ 206
Graphique 54: Perception du futur poste selon le secteur d’emploi et le sexe _________________ 207
Graphique 55 : Proportion des étudiants motivés par la création d’entreprises selon le sexe _______ 207
Graphique 56 : Perception des obstacles à la création d’entreprises selon le sexe _______________ 208
Graphique 57 : Perception des obstacles à l’accès à l’emploi selon le sexe ___________________ 208
Graphique 58 : Réponses à la question : Comment décrocher un emploi ? Selon le sexe _________ 210
Graphique 59: Proportion de participants au concours de recrutement selon le sexe ____________ 211
Graphique 60 : Perception du degré de difficulté des concours selon le sexe __________________ 211
Graphique 61 : Utilité du stage selon les étudiants selon le sexe __________________________ 212
Graphique 62 : L’importance du stage pour les étudiants selon le sexe _____________________ 213
Graphique 63 : Motif de refus du travail de la femme selon le sexe _______________________ 214
Graphique 64 : Perception du domaine d’activité de la femme selon le sexe __________________ 216
Graphique 65 : Type de discrimination à l’accès à l’emploi selon les étudiants et le sexe _________ 217
Graphique 66 : Les acteurs dans le choix professionnel des jeunes selon le sexe ________________ 219
Graphique 67 : Connaissance d’instruments facilitant l’insertion des jeunes selon le sexe ________ 220
Graphique 68 : Préoccupation sur l’avenir professionnel selon le sexe ______________________ 221
Liste des graphiques
303
Graphique 69 : Sentiments vis-à-vis de l’avenir professionnel selon le sexe ___________________ 221
Graphique 70 : Discussion sur l’avenir professionnel selon le sexe_________________________ 222
Graphique 71 : Durée de fiançailles prévue par sexe__________________________________ 228
Graphique 72 : L’importance de connaître sa ou son futur conjoint(e) _____________________ 228
Graphique 73 : Moment de mariage selon le sexe ____________________________________ 229
Graphique 74 : Autonomie vis-à-vis des frais de mariage selon le sexe ______________________ 230
Graphique 75 : Moyens de recours pour la couverture des frais du mariage selon le sexe _________ 231
Graphique 76 : Critères de choix de futur(e) époux(se) selon le sexe _______________________ 232
Graphique 77 : Âge désiré au mariage selon le sexe __________________________________ 234
Graphique 78 : Cohabitation avec les parents après le mariage selon le sexe _________________ 235
Graphique 79 : Perception du nombre d’enfants entre souhait et représentation sociale _________ 237
Graphique 80 : Déterminants du nombre d’enfants selon le sexe _________________________ 238
Graphique 81 : Préférence de sexe de l’enfant selon le sexe de l’enquêté _____________________ 239
Graphique 82 : Décision concernant le nombre d’enfants selon le sexe _____________________ 240
Graphique 83 : Interruption du travail pour s’occuper des enfants selon le sexe _______________ 241
Graphique 84 : Points de vue des interrogés sur la garde de leurs futurs enfants selon le sexe ______ 241
Graphique 85 : Contraception et religion selon le sexe ________________________________ 243
Graphique 86 : Perception de la mobilité selon les objectifs et le sexe ______________________ 246
Graphique 87 : Perception de la mobilité selon l’établissement fréquenté selon le sexe ___________ 247
Graphique 88 : Perception de la mobilité selon le pays d’accueil et le sexe ___________________ 250
Graphique 89 : Évolution de taux d’urbanisation entre 1984 et 2004_____________________ 290
Graphique 90: Rapport de masculinité selon l’âge en Tunisie et au Sud-Est en 2004 ___________ 293
Liste des cartes
304
Liste des cartes
Carte 1: Taux de chômage par gouvernorat entre 2004 et 2008 ....................................................... 150
Carte 2: Taux de chômage masculin par gouvernorat entre 2004 et 2008 ........................................ 151
Carte 3: Taux de chômage féminin par gouvernorat entre 2004 et 2008 .......................................... 152
Carte 3: Taux de chômage selon le sexe et niveau d’instruction (au plus primaire) ............................. 156
Carte 4: Taux de chômage selon le sexe le et niveau d’instruction (secondaire et supérieur) ................ 157
Carte 5 : Découpage administratif du gouvernorat de Gabès ............................................................. 284
Carte 6: Découpage administratif du gouvernorat de Médenine ......................................................... 285
Carte 7: Découpage administratif du gouvernorat de Tataouine ........................................................ 286
Carte 9 : Densité de la population de Gabès entre 1984 et 2004. ................................................... 288
Carte 10 : Densité de la population de Médenine entre 1984 et 2004. ............................................. 289
Carte 11 : Densité de la population de Tataouine entre 1984 et 2004. ............................................ 289
Carte 12 : Répartition de taux d’urbanisation selon les délégations en 2004. .................................... 290
Carte 13 : Évolution de taux d’accroissement de la population de Gabès. .......................................... 292
Carte 14 : Évolution de taux d’accroissement de la population de Médenine. .................................... 292
Carte 15 : Évolution de taux d’accroissement de la population de Tataouine. ................................... 292