Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

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École doctorale «Économie, Organisations, Société » Thèse pour obtenir le grade de DOCTEUR Discipline : Démographie présentée par LAHIOUEL Ridha Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants du Sud-Est tunisien. THÈSE dirigée par Madame le Professeur Maria Eugenia COSIO-ZAVALA 2014

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École doctorale «Économie, Organisations, Société »

Thèse pour obtenir le grade de DOCTEUR Discipline : Démographie

présentée par

LAHIOUEL Ridha

Mutations démographiques et emploi : le

cas des étudiants du Sud-Est tunisien.

THÈSE dirigée par Madame le Professeur

Maria Eugenia COSIO-ZAVALA

2014

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À mes parents qui m’ont encouragé durant toutes ces années,

aucune dédicace ne saurait exprimer mon amour éternel,

mon respect et ma considération pour leurs sacrifices.

À mon épouse Ghada,

pour sa patience, son soutien et pour tous les sacrifices

À mes enfants Yaacoub, Anas et Bara’a,

je leur dis que sur la terre ils sont mon paradis

À tous les membres de ma famille.

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Remerciements

Tout d’abord et particulièrement, Madame le Professeur COSIO-ZAVALA

Maria Eugenia, pour la qualité de son encadrement ainsi pour la confiance

qu’elle nous a accordée dès le début de nos recherches. Nous lui sommes

reconnaissants pour les apports constructifs, les conseils méthodologiques

qu’elle nous a transmis pendant la réalisation de cette recherche ainsi que pour

sa disponibilité.

Nos remerciements vont également à Monsieur BEN BRAHIM Ali pour les

conseils, les idées et les apports méthodologiques.

Par ailleurs, nous souhaitons exprimer toute notre gratitude aux étudiants

qui ont accepté de répondre à notre enquête, ainsi qu’aux personnes qui ont

participé à la réalisation de terrain.

Nous remercions aussi toutes les personnes qui m’ont aidé dans

l’accomplissement des différentes phases de ma recherche. Nous ne pouvons

les citer toutes au risque d’en oublier certaines dont l’apport était remarquable.

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Glossaire

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Glossaire

Battal : Chômeur, péjoratif : oisif

Ezzhar : La chance.

Gaada fi-dar : femme au foyer.

Harraga : littéralement «brûleurs des frontières », ce sont les émigrés clandestins.

Hchouma : La honte, le mépris.

Khidima : femme de ménage (nounou).

Khidma : le travail.

Khotba : fiançailles

Laktef : Rapport relationnel, « Piston », favoritisme.

Medersa : École religieuse.

Mouadhaf : Fonctionnaire, personne qui travaille dans le secteur public ou dans de

grands établissements semi-étatiques.

Mrama : travaux de bâtiment, mramaji : ouvrier du bâtiment, maçon.

Orf : Mariage coutumier.

Rachwa : corruption (pot de vin).

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ACRONYMES

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ACRONYMES

ANETI : Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant.

ATCT : Agence Tunisienne de Coopération Technique.

ATFD : Association Tunisienne des Femmes Démocrates.

ATFP : Agence tunisienne de la Formation professionnelle.

BCT : Banque Centrale de Tunisie.

BIT : Bureau International du Travail.

BTP : Brevet de Technicien professionnel.

BTS : Brevet de Technicien supérieur.

CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle.

CEF : Contrat Emploi Formation.

CFP : Certificat de Formation professionnelle.

CNFCE: Chambre Nationale des Femmes Chefs d’Entreprise.

CNFCPP : Centre national de la Formation continue et de la Promotion professionnelle.

CNS : Conseil National de la Statistique.

CREDIF : Centre de Recherches, d'Etudes, de Documentation et d'Informations sur la Femme.

CSP : Code de Statut Personnel.

DGCF : Direction Générale du Contrôle Fiscal.

EMF : Enquête Mondiale sur la Fécondité.

ENE : Enquête Nationale sur l'Emploi.

EPC : Enquête sur la prévalence de la contraceptive.

ETF : Enquête Tunisienne sur la Fécondité.

ETPC : Enquête Tunisienne sur la prévalence de la contraceptive.

FIAP : Fonds d’Insertion et d’Adaptation professionnelle.

FNE : Fonds National de l'Emploi (Fonds 21-21).

FNS : Fonds national de Solidarité.

FONAPRA : Le Fonds National de Promotion de l’Artisanat et des Petits Métiers.

FOPRODI : Fonds de la Promotion de la Décentralisation industrielle. FOPROLOS: Fonds de

Promotion du Logement pour Salariés.

FOSDA : Fonds spécial pour le Développement de l’Agriculture.

FRONA: Fonds de Roulement de l'Office National de l'Artisanat.

FSN : Fonds de Solidarité Nationale (Fonds 26-26).

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ACRONYMES

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GTZ : Coopération Technique Allemande.

INS : Institut National de la Statistique.

MAFF : Ministère des Affaires de la Femme et de la Famille.

NAT : Nomenclature d'Activité Tunisienne.

OCDE : Organisation pour la Coopération et le Développement économique

ODS : Office de développement du Sud.

OIT : Organisation Internationale du Travail.

ONEQ : Observatoire National de l’Emploi et des Qualifications.

ONFP : Office national de la famille et de la population.

ONPFP : Office National de Planning Familial et de la population.

OTE : Office des Tunisiens à l'Etranger.

PAE : Politiques actives de l’Emploi.

PCP : Prise en Charge par l’État de la contribution Patronale.

PDES : Plans des Développements Economiques et Sociaux.

PDUI : Programme de Développement Urbain Intégré.

PRD : Programme de Développement Rural.

PRDI : Programme de Développement Rural Intégré.

RGPH : Recensement Général de la population et de l'Habitat.

RNE : Répertoire National des Entreprises.

SIVP : Stage d'Initiation à la Vie Professionnelle.

SNS : Système National de la Statistique.

TFP : Taxe de Formation Professionnelle.

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Table des matières

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Table des matières

Glossaire ........................................................................................................................................... 4 ACRONYMES ................................................................................................................................. 5 Table des matières .............................................................................................................................. 7 Introduction .................................................................................................................................... 11 Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ................................... 19 1 Sources de données .......................................................................................................................................... 19

1.1 Présentation de différentes sources de données ...............................................................................19

1.2 Évaluation de la qualité des données .................................................................................................22 2 Insertion professionnelle en Tunisie ............................................................................................................. 27

2.1 Instruction et son effet sur le chômage ..............................................................................................28

2.1.1 Chômage des intellectuels ...............................................................................................................29

2.1.2 Insertion des diplômés du supérieur ...............................................................................................31

2.1.2.1 Insertion des diplômés selon le sexe ............................................................................................34

2.1.2.2 Insertion des diplômés selon la région de résidence ...................................................................35

2.1.2.3 Insertion des diplômés selon leur milieu social ...........................................................................36

2.1.2.4 Insertion des diplômés selon le diplôme .....................................................................................37

2.1.3 L’attente des diplômés tunisiens .....................................................................................................38

2.2 Conséquences du chômage : Quel impact sur la démographie? .......................................................41

2.2.1 Insertion professionnelle et fécondité .............................................................................................41

2.2.1.1 Activité féminine en Tunisie ........................................................................................................41

2.2.1.2 Évolution de l’activité féminine selon l’âge .................................................................................42

2.2.1.3 Nuptialité et fécondité ..................................................................................................................43

2.2.2 Mobilité internationale ....................................................................................................................44

2.2.2.1 Mobilité internationale des étudiants tunisiens ..........................................................................44 Conclusion ........................................................................................................................................................ 46 PREMIÈRE PARTIE : ÉLÉMENTS DE CONTEXTE SOCIO-DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE .............. 49 Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ........................................... 51 Introduction ....................................................................................................................................................... 51 I.1 Politiques démographiques en Tunisie ...................................................................................................... 52 I. 2 Structure et dynamique de la population tunisienne ..................................................................................... 57

I. 2.1 Évolution de la population .............................................................................................................57

I. 2.2 Structure de la population ..............................................................................................................58

I. 2.2.1 Structure par âge de la population ..............................................................................................58

I. 2.2.3 Évolution future de la structure par âge à l’horizon de 2029 .....................................................61

I. 2.2.4 Structure par sexe de la population .............................................................................................64

I. 2.3 Transition démographique en Tunisie ...........................................................................................65

I. 2.4 Espérance de vie à la naissance en Tunisie .....................................................................................66 I.3 Caractéristiques matrimoniales de la population tunisienne .......................................................................... 68

I. 3.1 Tradition et nuptialité .....................................................................................................................69

I. 3.2 Population selon l’état matrimonial et le milieu ............................................................................70

I. 3.3 État matrimonial selon l’âge et le sexe ............................................................................................71

I. 3.4 Évolution des taux de célibat ..........................................................................................................73

I. 3.5 Évolution de l’âge moyen de premier mariage ...............................................................................74

I. 3.6 L’état matrimonial selon le niveau d’instruction ...........................................................................76 I. 4 Transition de la fécondité en Tunisie ........................................................................................................... 78

I. 4.1 Taux brut de natalité .......................................................................................................................78

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Table des matières

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I. 4.2 Taux de fécondité selon l’âge ..........................................................................................................79

I. 4.3 Indice synthétique de fécondité ......................................................................................................80

I. 4.4 Liens entre l’éducation et la fécondité ............................................................................................81 I. 5. Évolution et structure des ménages .............................................................................................................. 82 Conclusion ......................................................................................................................................................... 84 Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ......................................................................... 87 Introduction ....................................................................................................................................................... 87 II. 1 La migration interne .................................................................................................................................. 89

II. 1.1 Migration interne selon le sexe ......................................................................................................90

II. 1.2 Migration interne selon l’âge .........................................................................................................91

II. 1.3 Migration interne selon le niveau d’instruction ...........................................................................92

II. 1.4 La migration interne selon la cause principale .............................................................................93 II. 2 L’émigration externe ................................................................................................................................... 94

II. 2.1 Migration internationale des Tunisiens selon l’âge ......................................................................97

II. 2.2 Migration internationale des Tunisiens selon le sexe ...................................................................98

II. 2.3 Migration internationale des Tunisiens selon la raison principale ..............................................98

II. 2.4 Mobilité internationale des étudiants du supérieur .................................................................. 100

II. 2.5 Migration clandestine ................................................................................................................. 102 Conclusion ....................................................................................................................................................... 103 Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ..................................................................................... 105 III. 1 Le développement du système éducatif en Tunisie.................................................................................... 105 III. 2 Système scolaire en Tunisie ..................................................................................................................... 106

III. 2.1 L’enseignement de base ............................................................................................................. 107

III. 2.2 L’enseignement secondaire ....................................................................................................... 109

III. 2.3 Efficacité de l’enseignement primaire et secondaire ................................................................ 110

III. 2.4 Formation professionnelle ........................................................................................................ 110

III. 2.5 L’enseignement supérieur ......................................................................................................... 112

III. 2.5.1 Politiques et réformes en matière de l’éducation supérieure en Tunisie ............................. 113

III. 2.5.2 Évolution et caractéristiques de l’enseignement supérieur en Tunisie ................................. 114

III. 2.5.2.1 Répartition des étudiants selon le sexe ............................................................................... 116

III. 2.5.2.2 Répartition des étudiants selon la filière d’études ............................................................. 118

III. 2.5.3 Les diplômés du supérieur ..................................................................................................... 119 III. 3 Efficacité du système éducatif tunisien .................................................................................................... 121 Conclusion ....................................................................................................................................................... 122 Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ................................................ 125 Introduction ..................................................................................................................................................... 125 IV.1 Politiques de l’emploi en Tunisie .............................................................................................................. 125

IV.1.1 Fondement des politiques de l’emploi ....................................................................................... 125

IV.1.2 Évolution de l'effectif des bénéficiaires de la politique active de l'emploi ................................ 129

IV.1.3 les acquis des politiques de l'emploi en Tunisie ........................................................................ 131

IV.1.4 Les limites des politiques de l'emploi en Tunisie ...................................................................... 132 IV.2 Structure et évolution de la population active ........................................................................................... 133

IV.2.1 La population active ................................................................................................................... 133

IV.2.1.1 Population active selon le sexe ................................................................................................ 134

IV.2.1.2 Taux brut d’activité .................................................................................................................. 135

IV.2.1.3 Population active selon l’âge ................................................................................................... 135

IV.2.1.4 Population active selon le niveau d’instruction...................................................................... 137

IV.2.2 Population active occupée .......................................................................................................... 138

IV.2.2.1 Évolution de la population active occupée ............................................................................. 138

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Table des matières

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IV.2.2.2 Population active occupée par sexe ......................................................................................... 139

IV.2.2.3 Population active occupée par âge .......................................................................................... 139

IV.2.2.4 Population active occupée selon le niveau d’instruction ....................................................... 140

IV.2.2.5 Population active occupée selon la branche d’activité ........................................................... 141

IV.2.2.6 Population active occupée selon le statut dans la profession ................................................. 143

IV.2.3 Évolution de la demande d'emploi ............................................................................................ 145

IV.2.4 Évolution des créations d'emploi ............................................................................................... 147

IV.2.5 Population active non occupée .................................................................................................. 148

IV.2.5.1Population au chômage ............................................................................................................ 149

IV.2.5.1.1 Taux chômage par sexe ......................................................................................................... 150

IV.2.5.1.2 Évolution du taux de chômage selon le groupe d’âge ......................................................... 152

IV.2.5.1.3 Chômage selon le niveau d’instruction ............................................................................... 153

IV.2.5.1.4 Chômage selon la région de résidence ................................................................................ 154

IV.2.5.1.5 Durée de chômage ................................................................................................................ 158

IV.2.5.2 Chômage des diplômés du supérieur ...................................................................................... 160

IV.2.5.2.1 Évolution du taux de chômage des diplômés selon le sexe ................................................. 161

IV.2.5.2.2 Chômage selon le diplôme ................................................................................................... 162

IV.2.5.2.3 Causes du chômage des diplômés en Tunisie ..................................................................... 163 Conclusion ....................................................................................................................................................... 167 DEUXIÈME PARTIE : ÉTUDE EMPIRIQUE, PERCEPTIONS D’AVENIR PROFESSIONNEL CHEZ LES ÉTUDIANTS DU SUPÉRIEUR DU SUD-EST TUNISIEN ....................................................................... 171 Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ............................................... 173 V.1 L’enquête : présentation du travail ............................................................................................................ 173 V.1.1 Préfiguration de l’échantillon : .................................................................................................... 173 V.1.2 Méthode d’investigation : l’opportunité du recours au questionnaire ...................................... 174 V.1.3 Le terrain d’enquête : difficultés et avantages ............................................................................. 176 V.2 Aspects démographiques ............................................................................................................................ 177 V.2.1 Répartition des étudiants enquêtés selon le sexe ........................................................................ 177 V.2.2 Répartition des enquêtés selon l’âge ........................................................................................... 177 V.3 Temporalité et projet éducatif .................................................................................................................... 178 V.3.1 Caractéristiques éducatives .......................................................................................................... 179 V.3.1.1 Répartition selon l’âge au baccalauréat .................................................................................... 179 V.3.1.2 Répartition selon la nature de baccalauréats ........................................................................... 179 V.3.1.3 Répartition selon l’année d’inscription ................................................................................... 180 V.3.1.4 Répartition de la population estudiantine selon la formation suivie ..................................... 181 V.3.2 Existe-t-il un lien entre établissement et motivation à la formation ? ........................................ 183 V.3.3 Durée des études envisagées ........................................................................................................ 186 V.3.4 Économie et subvention des études ............................................................................................ 187 V.3.5 Méritocratie scolaire et autoévaluation de la formation ............................................................. 188 V.4 La provenance géographique et sociale des étudiants .................................................................................. 189 V.4.1 Origines géographique des étudiants .......................................................................................... 189 V.4.2 Giron familial : migration, profil parental et progénitures ........................................................ 191 V.4.2.1 Catégorie socioprofessionnelle (CSP) des parents ................................................................... 191 V.4.2.2 Niveau d’instruction des parents .............................................................................................. 192 V.4.2.3 Taille de la fratrie ...................................................................................................................... 193 Conclusion ....................................................................................................................................................... 193 Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ............................................................... 195 VI.1 Motif de la recherche d’emploi ................................................................................................................. 195 VI.2 Insertion professionnelle ........................................................................................................................... 196 VI.2.1 Perception de la période de chômage ........................................................................................ 198 VI.2.1.1 Durée de chômage selon l’établissement ................................................................................ 199 VI.2.1.2 Durée moyenne de chômage selon les CSP des parents ........................................................ 201

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Table des matières

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VI.2.2 Perception du travail selon le salaire .......................................................................................... 202 VI.2.2.1 Salaire de réserve ..................................................................................................................... 203 VI.2.2.2 Salaire souhaité selon le sexe, secteur de travail et le type de la formation ........................... 204 VI.2.3 Déterminants du poste de travail ............................................................................................... 204 VI.2.4 Comment le marché de travail est-il segmenté aux yeux de ces jeunes ? .................................. 206 VI.2.5 Les obstacles à l’emploi............................................................................................................... 208 VI.2.6 Les clés de l’accès à l’emploi ....................................................................................................... 210 VI.2.6.1 Le concours, premier sésame pour l’emploi ........................................................................... 210 VI.2.6.2 Stages et insertion professionnels ........................................................................................... 212 VI.2.6.3 Le clientélisme et la corruption versus l’égalité de chances ! ................................................. 213 VI.3 Le travail des femmes ........................................................................................................................... 213 VI.3.1 Regards des étudiants vis-à-vis du travail des femmes ................................................................ 213 VI.3.2 Domaine d’activité des femmes.................................................................................................. 215 VI.4 Les pratiques discriminatoires aux yeux des étudiants ............................................................................... 216 VI.4.1 La discrimination dans l’accès au travail ................................................................................... 216 VI.4.2 Ségrégation au détriment des femmes ....................................................................................... 217 VI.5 Acteurs dans le choix professionnel des étudiants ...................................................................................... 218 VI.6 L’information sur le marché de travail est-elle transparente aux yeux des jeunes ? ..................................... 219 VI.7 Comment ces jeunes jugent-ils leur avenir professionnel ? .......................................................................... 221 VI.8 Articulation entre temporalités démographiques et professionnelles ........................................................... 222 Conclusion ....................................................................................................................................................... 224 Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale .................................... 227 VII.1 État matrimonial et nuptialité ............................................................................................................... 227 VII.1.1 Le choix du conjoint ................................................................................................................. 231 VII.1.2 Âge au mariage selon la perception des étudiants.................................................................... 233 VII.1.3 Vers quelle structure familiale ? ................................................................................................ 235 VII.2 Fécondité ................................................................................................................................................ 236 VII.2.1 Nombre d’enfants : entre souhaits et représentations sociales ................................................ 237 VII.2.2 Sexe de l’enfant ......................................................................................................................... 238 VII.2.3 Pour ou contre le congé parental ? ........................................................................................... 240 VII.2.4 Travail et enfants: duel ou duo ? ............................................................................................... 241 VII.2.5 Connaissance de la contraception ............................................................................................ 242 VII.3 Perception de la mobilité internationale par les étudiants enquêtés ......................................................... 243 VII.3.1 Mobilité selon les causes ........................................................................................................... 244 VII.3.2 L’établissement de formation détermine peu ou prou la mobilité .......................................... 246 VII.3.4 Les catégories socioprofessionnelles des parents et la mobilité ............................................... 248 VII.3.5 Perception de mobilité selon le lieu de résidence de la famille ............................................... 249 VII.3.6 Mobilité internationale pour les études ................................................................................... 249 VII.3.6.1 Partir, mais où ? ...................................................................................................................... 250 VII.3.6.2 Par quels moyens de subsistance ? ......................................................................................... 251 Conclusion ....................................................................................................................................................... 251 Conclusion Générale .................................................................................................................. 253 Bibliographie ................................................................................................................................. 262 Annexes ........................................................................................................................................ 274 Liste des tableaux ........................................................................................................................... 296 Liste des graphiques ........................................................................................................................ 301 Liste des cartes ............................................................................................................................... 304

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Introduction _________________________________________________________________________

11

Introduction

Des règles, des lois, des conventions et autres traités garantissent les droits des

individus et aident à la cohésion et au progrès social tant au plan national

qu’international.

La Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 stipule en son article

13 alinéas 1 et 2 « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa

résidence à l'intérieur d'un État. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y

compris le sien, et de revenir dans son pays ». Cet article reconnaît la possibilité pour les

individus de migrer selon leurs besoins ou impératifs du moment. Ce droit est

fondamental et ne peut être entravé. Aussi les citoyens peuvent-ils se déplacer à

l’intérieur de leurs propres pays ou en sortir. Malheureusement, aujourd’hui ce droit

connaît des difficultés quant à son effectivité.

Dans l’article 16 de la même déclaration aux alinéas 1 et 3 il est stipulé : « À

partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la

nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des

droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution. La

famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la

société et de l'État. » Ici, l’homme et la femme en s’unissant librement contribuent

naturellement à la formation de la famille et partant de la société. La famille, en tant

qu’élément de base, participe fondamentalement à la configuration sociale.

Pour subvenir à leurs besoins, les individus occupent des emplois en fonction de leurs

qualifications ou aptitudes et en tirent des revenus. La Déclaration universelle des droits

de l’homme stipule que : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son

travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le

chômage »1.

En Tunisie le droit à la libre circulation des citoyens est reconnu. Le pays de par

sa position géographique avancée au Nord du continent africain demeure une terre

d’émigration et de transit pour les migrants non tunisiens. La constitution dispose

“qu’aucun citoyen ne peut être banni du territoire ni empêché d’y retourner (article 11).

1 Ibid, article 23, alinéas 1.

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Introduction _________________________________________________________________________

12

Elle garantit la liberté pour tout citoyen de circuler à l’intérieur du territoire et d’en

sortir”2.

S’agissant du travail, la loi n°66 date du 5 juillet 1993 stipule qu’il ne peut y avoir

de discrimination entre homme et femme au regard de l’application des dispositions du

code de travail3.

Le droit à l’éducation, quant à lui, est garanti par la constitution tunisienne. Ce droit était

au départ arbitraire de la situation économique de la famille (c’est-à-dire l’accès à l’école

dépendait beaucoup de la situation financière de la famille de l’élève), puis ont été

instaurées l’obligation et la gratuité d’éducation des élèves à partir de l’âge de six ans et

jusqu'à l’âge de seize ans au minimum. En outre, une convention sur le droit à

l’éducation a été ratifiée pour encourager la promotion des différentes formes

d’enseignement secondaire et pour ouvrir l’enseignement supérieur à tous les élèves

tunisiens conformément au principe de démocratisation de l’enseignement4.

Ces mesures prises par l’État donnent divers résultats. Effectivement, et en ce qui

concerne l’éducation, on a enregistré une amélioration du niveau d’instruction et une

baisse du nombre des analphabètes (le taux d’alphabétisation des adultes avoisine les

77,6 %5 en 2008, alors que le taux net de scolarisation à l’école primaire est de 99 %6).

Cet investissement dans le domaine de l’éducation accroit le capital humain du pays et le

place parmi les meilleurs pays en la matière au Maghreb en particulier et en Afrique en

général.

L’économie tunisienne est à forte utilisation du facteur travail, contrairement aux pays

industrialisés et pétroliers. Or, depuis des décennies, ce capital humain qui est censé être

formé pour soutenir la croissance du pays connaît une mauvaise gestion. En effet, le

« malaise » que connaît la société tunisienne est caractérisé par un nombre important des

diplômés des instituts universitaires qui se retrouvent “ face au mur” (selon l’expression

de beaucoup de jeunes), car cette tranche d’âge est la plus touchée par le chômage.

Les difficultés d’insertion de ces jeunes sur le marché de l’emploi les poussent à

chercher d’autres alternatives comme la migration vers l’étranger, très remarquable ces

dernières années.

2 République tunisienne : Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 1993-1994 les droits de l’Hommes en Tunisie, p. 149. 3 Ibid., p. 61. 4 Ibid., p. 79. 5 Selon les statistiques de l’UNESCO. 6 Selon les statistiques du Ministère de l’Éducation et de la Formation.

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Introduction _________________________________________________________________________

13

En Tunisie, le nombre de diplômés du supérieur ne cesse d’augmenter d’une

année à une autre et leur intégration au marché de travail constitue une tâche lourde et

difficile à réaliser jusqu'à maintenant. En conséquence, leur chômage est devenu un des

faits marquants de la société tunisienne.

Si le droit au travail est bien reconnu pour chacun, il faut cependant reconnaître

que la situation économique n’est pas toujours favorable.

En effet, quoiqu’ayant un taux de croissance économique assez élevé, la Tunisie

enregistre un taux de chômage aussi élevé (14,1 % en 20077) car il n’y a pas

suffisamment d’emplois.

La Banque Mondiale souligne qu’entre 1994 et 2001, l’emploi non agricole a connu une

croissance de 2,6 % contre 4,4 % entre 1989 et 1994, tandis que dans le secteur agricole,

la main-d’œuvre a augmenté de 20 % 8 entre 1993 et 2002.

De 2001 à 2007 environ 532 400 emplois ont été créés (tous secteurs compris), soit une

création annuelle moyenne de 76 0009 emplois contre 59 000 emplois entre 1990 et

2000. Cependant cela ne suffit pas à endiguer le chômage puisque des nombres très

importants de nouveaux actifs arrivent sur le marché du travail tous les ans.

Encore faut-il noter qu’une des caractéristiques de ces nouveaux arrivants sur le

marché de l’emploi est leur niveau d’instruction élevé. En effet, chaque année des

milliers de nouveaux diplômés de l’enseignement supérieur représentent une charge

supplémentaire pour le marché de l’emploi qui souffre déjà d’un déséquilibre entre

l’offre et la demande.

Cette situation aggravée par le chômage des diplômés de l’enseignement supérieur

entraînera une mobilité des personnes actives du Sud, du Centre et du Nord-Ouest vers

les régions qui offrent davantage d’emplois, notamment le Nord et la région de la côte

Est, ou vers l’étranger. Les flux migratoires sont remarquables et sont de plus en plus

importants.

Aussi, pour fuir le chômage, les jeunes diplômés utilisent deux palliatifs:

- l’allongement des études universitaires en continuant leur scolarisation ou en

multipliant les cursus.

7 Taux de chômage en 2007, selon estimations de l’INS, enquête nationale population et emploi de 2007. 8 Institut de La Méditerranée. (Décembre 2005). Profil pays Tunisie. Coordinateurs Femise, p. 15. 9 Cf. ZAIBI, F. (18 février 2008). Evolution du marché de l’emploi en Tunisie. Direction Générale de l’Observatoire National de l'Emploi et des Qualifications: Ministère de l’Emploi et de l'Insertion Professionnelle des Jeunes, p. 6.

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Introduction _________________________________________________________________________

14

- l’émigration des étudiants avec motif initial et légal de poursuivre les études à

l’étranger. Ceci leur permet d’échapper au chômage. Une fois installés à l’étranger, ces

jeunes se trouvent (dans la plupart des cas) face à plusieurs difficultés, ce qui les pousse

à abandonner leurs études, à travailler et à séjourner illégalement à l’étranger. Ils

travaillent souvent dans des secteurs d’activités loin de leurs cursus universitaires. Ces

jeunes peuvent refuser un tel emploi en Tunisie pour plusieurs considérations, la plus

importante étant la représentation sociale. En effet, être diplômé du supérieur et travailler

comme agent de nettoyage ou autre métier ne demandant pas même un moindre niveau

d’instruction est mal vu par la société. Cependant, et comme à l’étranger les

représentations sociales ne sont pas les mêmes qu’en Tunisie, ces jeunes acceptent

d’occuper ce type d’emploi pour gagner leur vie.

L’allongement de la durée de scolarisation, qu’elle soit volontaire (avoir plus de

diplômes) ou non volontaire (refus de chômage), a un effet direct sur l’âge au mariage

(qui a augmenté aussi pour cette catégorie de population) et par conséquent sur la

fécondité. En Tunisie, les naissances en dehors du mariage étant prohibées, la baisse de

la durée de vie féconde chez les femmes aura des conséquences sur le nombre d’enfants

mis au monde.

Les projections démographiques10 faites par l'Institut national de la statistique en

2007 indiquent que la population tunisienne augmentera en 2024 d'environ 21,5 %11, et

vieillira en raison de l'augmentation de l'espérance de vie12. Ce vieillissement de la

population et le décollage des pyramides des âges (passage d’une pyramide des âges en

forme de parasol inversé13 vers une pyramide des âges en forme de pagode14) ne font que

mettre en cause les politiques de planification familiale et de protection sociale

entreprises par la Tunisie. Cette situation démographique entraîne des changements

profonds sur le marché de l'emploi et même sur les projets professionnels. En fait, la part

10 INS. (Juin 2007). Projections de la population tunisienne 2004-2034. Tunis: Institut National de Statistique. 11 Selon l’hypothèse moyenne Projections de la population tunisienne : baisse moyenne de fécondité, la population tunisienne était de 9932,4 milles habitants en 2004 et atteindra 12 074,6 habitants en 2024. P130. Soit un accroissement annuel moyen de 0,98 % sur cette période. 12 Selon l’hypothèse moyenne des projections de la population tunisienne : l’espérance de vie à la naissance passera de 73,4 ans en 2004 à 78,9 ans en 2024. 13 Ce type de pyramide à une base large ce qui signifie que la population y est très jeune, et le taux de natalité reste élevé. 14 Ce type de pyramide a une base moins large, ce qui signifie que le taux de natalité a commencé à baisser, et elle s’étire vers le haut, ce qui signifie que l’espérance de vie augmente.

Page 15: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Introduction _________________________________________________________________________

15

des seniors15 continue à augmenter plus rapidement que la population active16, et plus

leur part augmente, plus l’écart entre l’offre et la demande de l’emploi se creuse.

La situation actuelle et les perspectives démographiques de l'INS laissent penser

que des transformations doivent être apportées au marché du travail en Tunisie et que

des mesures et actions doivent être mises en œuvre en faveur des diplômés du supérieur

en particulier.

De lors, en fondant notre étude sur ces données, notre question centrale s’énonce comme

suit :

Quelles sont les interactions entre la transition démographique et l’emploi en

Tunisie et quel avenir professionnel y a-t-il pour les diplômés du supérieur?

De cette question découlent plusieurs questions secondaires :

La politique de l’emploi en Tunisie est-elle aussi efficace pour résoudre les écarts entre

l’offre et la demande d’emploi des diplômés du supérieur? Permet-elle une répartition

équitable de l’emploi dans les régions?

Comment s’expliquent les écarts entre l’activité masculine et l’activité féminine?

Les flux migratoires vers l’étranger jouent-ils toujours le rôle de soupape de sécurité

pour l’économie tunisienne?

Notre première hypothèse postule que : les difficultés de l’insertion

professionnelle des diplômés ajournent leur entrée en couple, entrainant des

conséquences sur la fécondité.

La deuxième hypothèse : En Tunisie, en l’absence de perspectives

professionnelles, la suréducation et la mobilité géographique (migration) restent des

alternatives possibles pour les jeunes diplômés afin de fuir le chômage.

Dans les paragraphes suivants, nous présenterons l'aspect méthodologique de la

recherche et la logique selon laquelle nous avons réalisé ce projet de recherche.

Méthode d’analyse

Pour ce qui concerne les méthodes adaptées et pour répondre aux questions de

notre recherche, nous allons opter pour une démarche qui combine l'approche

quantitative et l’approche qualitative en exploitant les données fournies par les sources

d'observation citées dans le premier chapitre. Nous nous appuierons en particulier sur les

15 Selon l’hypothèse moyenne des projections de la population tunisienne : la part de la population 60 ans et plus se doublera entre 2004 et 2034, passant de 9,5 % à 19,8 %, p. 24. 16 Selon l’hypothèse moyenne, la part de la population active passera de 63,8 % en 2004 à 66 % en 2014 date à laquelle elle commence baisser pour atteindre 62,3 % en 2034, p. 24

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Introduction _________________________________________________________________________

16

données de notre propre enquête effectuée auprès des étudiants du supérieur inscrits dans

une université de la région Sud-Est et traitante la perception de l’avenir des futurs

diplômés du supérieur. Ceci nous permettra de mieux comprendre l’interaction probable

entre l’emploi et les phénomènes démographiques.

Nos analyses empiriques se basent sur diverses techniques d’analyse statistique

aussi bien au niveau univarié, bivarié et multivarié.

L’analyse univariée permet la description de la distribution des variables prises

isolément. Nous utilisons la méthode tabulaire à ce stade de notre étude.

Cependant, afin d’approfondir notre étude, nous ferons des analyses bivariées et

multivariées selon les situations.

Dans l’analyse bivariée, les variables sont traitées deux à deux. Il s’agit de

mettre en rapport chaque variable dépendante (par exemple la motivation par

mobilité internationale) et chacune des variables démographiques (le sexe, la

formation suivie, la catégorie socioprofessionnelle des parents, etc.)

Le test du khi-deux de Pearson s'applique lorsqu'on souhaite démontrer

l'indépendance ou la dépendance de deux variables qualitatives. Nous concluons à

l’existence de relation ou d’association significative entre deux variables lorsque

la probabilité obtenue après application du test du khi-deux est inférieure à 5 %.

La principale insuffisance du khi-deux est qu’en cas d’existence de relation, ce

test ne permet pas de préciser le sens de la relation.

L’analyse multivariée nous permet de mettre en évidence un ensemble de

corrélations ou d’identifier les variables les plus importantes ou les plus

déterminantes dans l’occurrence du phénomène étudié. Elle consiste en la prise

en compte simultanée de plusieurs variables.

On distingue notamment l’analyse des correspondances multiples (ACM) et la régression

logistique. L’ACM est une technique factorielle d’analyse des données. La régression

logistique est une méthode qui permet de mesurer la force de l’association entre une

variable dépendante et des variables prédictives. Une variable dépendante Y

dichotomique est expliquée par un ensemble de variables qualitatives ou quantitatives

(X1, X2, X3,…, Xp).

Organisation de la thèse

La thèse sera structurée en neuf chapitres, regroupés en deux parties :

Page 17: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Introduction _________________________________________________________________________

17

Dans le chapitre préliminaire, et avant de développer la recherche, nous ferons un

rappel des différentes sources de données. Ainsi qu’une revue de littérature dans laquelle

nous exposons les études qui nous ont inspirées dans cette recherche.

- La première partie, composée de quatre chapitres : où nous exposons les défis

que posent les changements démographiques pour le marché de l'emploi. En outre, et sur

la base des données de l'Institut National de Statistique (INS), nous examinons les

tendances générales de l'évolution future de la main d'œuvre et son impact sur les

variables démographiques.

Ceci nous permet de voir dans un premier temps (chapitre 1) l’évolution des données

relatives à la nuptialité, fécondité et les structures familiales. Nous rappelons les

politiques démographiques appropriées notamment la promotion de la femme, la

planification familiale, etc.

Le chapitre 2 porte sur l’étude de la composante migratoire et de son interférence avec le

marché de l’emploi, avec une concentration sur la mobilité internationale des étudiants

du supérieur.

Dans le chapitre 3 et toujours dans une approche d’interaction avec le marché de

l’emploi, nous faisons le point sur le système éducatif en Tunisie : son évolution, son

efficacité…

Dans le dernier chapitre de cette partie (chapitre 4), nous esquissons les principaux

axes des politiques d’emploi et l’évolution de la population active et ces

composantes.

- La deuxième partie comporte trois chapitres, dans laquelle nous présentons

l’apport de notre recherche, sera constituée de trois chapitres. Ceci se fera à travers

l’exploitation des données de notre enquête de terrain qui aborde la perception de

l’avenir chez les futurs diplômés du supérieur dans la région du Sud-Est tunisien.

Dans un premier chapitre (chapitre 5), nous présentons l’enquête: son objectif,

son organisation, son déroulement les limites et les difficultés rencontrées.

Le sixième chapitre sera consacré à la présentation des résultats de l’enquête.

On parlera entre autres des caractéristiques sociodémographiques des enquêtés, leur

vie familiale, leurs cursus scolaires.

Page 18: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Introduction _________________________________________________________________________

18

Enfin dans le septième chapitre, nous évoquerons la perception des personnes

interrogées en matière d’emploi. Il s’agit d'évaluer les enjeux de l’avenir d’emploi

sur leurs comportements démographiques (entre autres l’entrée en couple, la

fécondité).

Finalement, nous espérons que ce travail enrichira l'action de l’État en matière

d’insertion des jeunes diplômés dans les prochains programmes sociaux et

contribuera à la résolution des problèmes du chômage.

Page 19: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

19

Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre

théorique de l’étude

Dans la première section de ce chapitre, nous présenterons les sources des

données utilisées pour l’étude et nous insisterons particulièrement sur la qualité des

données. Puis, dans la deuxième section, nous abordons la démarche théorique de

l’insertion professionnelle en Tunisie.

1 Sources de données

« Toute science repose sur l’observation, sur la collecte de données

nouvelles ou le rassemblement de données disponibles. La démographie

n’échappe pas à la règle : il n’est pas de démographie sans chiffres ni de

chiffres sans systèmes d’informations, sans sources de données ni méthodes

de collecte »17.

1.1 Présentation de différentes sources de données

Depuis l'indépendance, l'appareil statistique tunisien a connu un important

progrès. En effet, les efforts déployés par la Tunisie pour améliorer la qualité des

données statistiques, fournies par l'état civil et les enquêtes, ont permis au pays de se

positionner parmi les pays relativement développés dans ce domaine.

Comme dans la majorité des pays du monde, les sources de données

démographiques de base en Tunisie sont les registres de l'état civil, les recensements et

les enquêtes.

L’état civil : une source en nette amélioration, qui réussit à combler progressivement

les lacunes observées avant, et même quelques années après l’indépendance. Ces lacunes

étaient principalement liées aux sous-enregistrements. Aujourd’hui, on assiste à un taux

de couverture proche de 100 % et une exhaustivité totale à partir de 1975 de

l’enregistrement des naissances18.

17 TABUTIN, D. (2006). Les systèmes de collecte des données en démographie. Dans G. CASELLI, G. WUNSCH, & J. VALLIN, Observation, méthodes auxiliaires, enseignement et recherche (pp. 13-64). Paris: Institut national d'études démographiques, p. 13. 18 ITCEQ. (2011). Le profil démographique de la Tunisie. Tunis: République Tunisienne, Institut Tunisien de la Compétitivité et des Études Quantitatives, p. 10.

Page 20: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

20

Pour ce qui concerne les décès déclarés, leur taux de couverture en 2011 est autour de

85 %19. En effet, la déclaration des décès dans la société tunisienne reste encore

déficiente, notamment, quand il s’agit de la mortalité infantile et de celle du milieu rural.

Les recensements généraux de la population : ils représentent aussi un fournisseur

d’une grande partie des données.

« Le recensement est un diagnostic qui a pour objectif de

découvrir les maux dont souffre le corps social et de permettre à

l’État d’administrer les remèdes adéquats » le Président de la

République tunisienne, Bourguiba, le 2 mai 1966.20

La Tunisie connait son premier recensement en 1921. Ensuite depuis l'indépendance

(1956) jusqu'à nos jours, il y en a eu cinq autres, à savoir ceux de 1966, 1975, 1984,

1994 et 2004.

Au fil de ces différents recensements, les concepts démographiques utilisés par les

chargés de l’opération ont connu des changements, surtout ceux qui sont liés à la

population active.

L'enquête par sondage : c'est la troisième source d'observation en Tunisie. Elle occupe

une place de plus en plus importante dans l'appareil statistique du pays.

Les enquêtes sont principalement effectuées par l'Institut National de Statistique qui tient

le monopole statistique en Tunisie. Il organise régulièrement plusieurs enquêtes par

sondage telles que l'enquête sur la population et l'emploi réalisée depuis 1976 et plus

récemment celle d'avril 2011 qui a touché 43 000 ménages21.

Première en son genre, l’Enquête Tunisienne sur la Fécondité (ETF) a été

organisée en 1978 par l'Office National de Planning Familial et de la Population

(ONPFP), dans le cadre de l'Enquête mondiale sur la Fécondité (EMF).

Depuis lors, six autres enquêtes identiques ont été réalisées (1983,1988, 1994, 2001,

2006 et 2010).

Ces enquêtes ont permis d'avoir des données statistiques sur l’évolution des principaux

indicateurs démographiques : nuptialité, fécondité, mortalité infantile et sur la santé de la

mère et de l’enfant.

19 Ibid., p. 11. 20 Cf. GASTINEAU, B. (2001, mai). Thèse de Doctorat en démographie. La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement. Nanterre: Université Paris X Nanterre, p. 47. 21 INS, enquête population emploi 2011, décembre 2012, 43 000 ménages repartis sur 1700 îlots questionnés entre 8 avril et 30 juin 2011. 207p

Page 21: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

21

Il faut signaler qu’outre ces trois sources classiques, d'autres organismes à

caractère public permettent la collecte et la diffusion d’autres données statistiques. Ces

organismes fournissent des données moins importantes que les trois sources citées

précédemment, mais elles sont d’une richesse non négligeable. Il s’agit de :

- L’Agence Nationale de l’Emploi et du Travail Indépendant (ANETI)

(représentée par des bureaux de placement) : elle publie mensuellement les statistiques

du marché de travail et donne l'évolution de l'offre et de la demande de l'emploi.

- L’Observatoire National de l’Emploi et des Qualifications (ONEQ) : sa mission

est d'examiner le fonctionnement du marché de travail, d’évaluer les différents

programmes de la politique de l’emploi. Cet organisme se charge également de la

réalisation des enquêtes sectorielles trimestrielles, telle que l’Enquête trimestrielle dans

le secteur de l’hôtellerie et l’Enquête trimestrielle sur le secteur textile. Par ailleurs,

l’ONEQ a instauré un Système d’Information sur les diplômés de l’enseignement

supérieur.

- Le Répertoire National des Entreprises (RNE) : il occupe une place importante

dans le système statistique tunisien. Il s'agit d'un organisme de coopération qui permet

l'échange des données entre l’INS et la Direction Générale du Contrôle Fiscal (DGCF)

(pour tout ce qui concerne les entreprises) d’une part et d’autre part entre l’INS et la

Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) pour tout ce qui est relatif aux salariés.

- L'Office de Développement du Sud : c’est un établissement public fondé en

1994 et travaillant sous la tutelle du ministère du Développement et de la Coopération

internationale. Parmi ses missions, le recueil des informations utiles pour réaliser des

études permettant la définition des politiques de développement de chaque

gouvernorat22 .

- L'Institut des Régions Arides de Médenine (IRA) : créé en 1976, il est placé

sous la tutelle de la direction du ministère de l'Agriculture et de ressources hydrauliques.

Parmi les missions de cet organisme, il y a la réalisation d’études et de projets de

développement dans le Sud tunisien23.

- L'Office des Tunisiens à l'Étranger (OTE) : il fournit des données relatives à la

population tunisienne résidente à l’étranger.

22 Selon le Site Internet de l’Office de Développement du Sud : www.ods.nat.tn. 23 Selon le Site Internet de l’Institut des régions Arides de Médenine : www.ira.rnrt.tn

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

22

Pour conclure, l'appareil statistique tunisien a connu un progrès significatif. Au

début de sa mise en service, les réalisations étaient de mauvaise qualité en raison des

lacunes liées aux sous-enregistrements des événements de l'état civil, aux doubles

comptes et aux omissions. De plus, la couverture n’était pas exhaustive surtout dans le

milieu rural, sans oublier des erreurs dans les recensements et les enquêtes. Or, au fil des

années les performances sont améliorées.

L’INS fait des efforts pour s’adapter aux normes mondiales. En effet, il

entreprend depuis plusieurs années d’importants travaux pour réviser et améliorer ses

méthodes statistiques afin de suivre les évolutions et les mutations de l’économie et de la

société tunisienne. En outre, il adapte ses méthodes aux normes et standards

internationaux en matière statistique. D’ailleurs, les travaux de révision ont porté sur

plusieurs domaines, dont celui de la comptabilité nationale et les statistiques de

l’emploi24.

Depuis deux décennies, la Tunisie connaît un progrès remarquable en matière de sources

d'observations. La volonté politique sur ce plan s'est traduite par la fondation en avril

1999 du Système National de la Statistique (SNS) avec comme principal organe le

Conseil National de la Statistique (CNS). En 2001, le nombre de statisticiens opérant

dans cette structure était de 79725, ce qui ne correspond pas aux normes européennes26.

1.2 Évaluation de la qualité des données

Il est important de signaler que l’appareil statistique en Tunisie a fait l’objet de

plusieurs débats, principalement après la révolution de « jasmin »27. Celle-ci a révélé

plusieurs réalités et les secrets commencent à être dévoilés au compte-gouttes, y compris

sur le système statistique, de plus en plus critiqué.

En effet, après un saut considérable au début des années 2000 en matière de la

diversification de l’information statistique, le système statistique tunisien avait une

mainmise sur des informations que l’ancien régime considérait comme gênantes et

préoccupantes pour la population. Certains chercheurs parlent de « l’instrumentalisation

24 African Manager. (12 mars 2010). Tunisie : L'INS présente ses nouvelles méthodes et normes statistiques. http://www.turess.com/fr/africanmanagerfr/126892. 25 FERCHIOU, R. (octobre 2001). La Reforme Du Systeme Statistique Tunisien. Conseil National de La Statistique. 26 Selon la norme européenne 15 statisticiens pour 100 000 habitants, en Tunisie 8 statisticiens pour 100 000 habitants. 27 La révolution populaire de janvier 2011.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

23

des chiffres, de manipulation des données, d’occultation des réalités, dont le pays avait

été victime28».

Selon l’Institut arabe des chefs d’entreprise « Le pouvoir a toujours réfuté

catégoriquement l’idée d’une indépendance administrative de l’appareil statistique [vis-

à-vis] des instances ministérielles »29, une stratégie longtemps optée par le pouvoir

tunisien pour polir son image.

Encore, d’après d’autres critiques « Les statistiques nationales doivent authentifier les

discours de propagande officielle et non pas refléter la réalité en toute objectivité »30.

Pendant toute cette période, depuis l’aube de l’indépendance jusqu’à la veille de la

révolution, l’information statistique était politisée et perdait peu à peu sa crédibilité. En

conséquence, c’est qu’il y avait « Un système national de statistique souffrant de

problèmes de crédibilité et de fiabilité engendrés par les nombreuses années d’ingérence

politique et d’absence d’autonomie et de transparence de la part des institutions

nationales statiques »31.

Bien que la Tunisie dispose d’un appareil statistique qui suit les normes

internationales, il reste à signaler que les données sur l'activité économique et sociale

sont parfois soumises à des erreurs dépassant celles liées au double compte et à

l'omission. Ces erreurs sont souvent liées au mauvais traitement de l'information soit par

l'agent recenseur ou bien par la personne recensée en saisissant mal la question. D’autre

part, et d’une manière volontaire, par des pressions du pouvoir politique, l’information

statistique concernant les enquêtes sociales et économiques en Tunisie, surtout celles

évoquant le chômage, n’a cessé d’être secrète : elle a toujours été cachée pour la

population. Elle est considérée comme un sujet tabou. Les données sont stockées dans

les boites d’archives des autorités nationales et subissent des transformations parfois

radicales pour satisfaire le pouvoir politique, convaincre et calmer la population. La

révolution tunisienne a bouleversé cette pression exercée par le pouvoir politique sur

28 AYARI, C. (03 septembre 2011). Tunisie : Le développement régional et l'arnaque statistique sous Ben Ali. http://www.turess.com/fr/wmc/109835. 29 Iace Online. (11 Mars 2011). Tunisie. Information statistique et tentation de contrôle de l’Etat, Centre tunisien de veille et d’intelligence économique (Ctvié) dépendant de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (Iace)http://www.kapitalis.com/economie/3021-tunisie-information-statistique-et-tentation-de-controle-de-letat.html. 30 Ibid. 31 ZARGOUNI, H. (11 juillet 2011). L’indice du bonheur chez le Tunisien. http://www.kapitalis.com/tribune/4818-lindice-du-bonheur-chez-le-tunisien.html.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

24

l’appareil statistique et la censure n’a plus de place, les chiffres réels doivent être révélés

et rendus publics.

Dans ce sens, Hassen BOUBAKRI estime que les statistiques officielles tunisiennes (et

surtout celles de l’INS) sont extrêmement discrètes quant à l’information relative au

sous-emploi.

Il ajoute que « … les données officielles sur l’emploi et le chômage souffrent de

plusieurs zones d’ombre, d’imprécisions qui, malgré tout, n’arrivent pas à cacher les

faiblesses, la fragilité, voire la dégradation du marché de l’emploi tunisien »32. Il ajoute

qu’une bonne partie du chômage réel et du sous-emploi restent «invisibles», parlant de

chômage « déguisé », et que les politiques actives de l’emploi (PAE) peuvent aussi le

favoriser et le dissimuler.

Il met en évidence quatre facteurs pour expliquer cette situation (qualité de données

traitant le chômage).

(1) Les méthodes ou les bases de calcul, erronées ou inadaptées des créations

d’emploi.

(2) L’inadaptation et l’inadéquation des catégories de chômeurs adoptées par les

agences et les Organismes gouvernementaux (INS, ANETI, ONEQ) avec l’évolution des

catégories de l’emploi, du sous-emploi, du travail précaire et du chômage, pour le calcul

du nombre de chômeurs.

(3) Il existe d’autres difficultés liées à l’identification des différentes catégories

de chômeurs, et surtout à leur évolution dans le temps, selon l’âge, selon le contexte

institutionnel et socioéconomique, ou encore selon le niveau d’instruction.

(4) les organismes officiels tunisiens ne prennent pas en compte, donc n’intègrent

pas, dans leurs statistiques les différentes catégories de sous-emploi.

D’autre part, parler de sous-emploi, c’est évoquer le secteur informel, qui se

définit comme la “ partie du marché du travail des pays en développement qui absorbe

un nombre important de demandeurs d’emploi et de chômeurs, pour la plupart engagés

dans des activités indépendantes ou de très petites unités de production. Celles-ci

partagent un certain nombre de caractéristiques: capital modeste, peu de main-d’œuvre

qualifiée, accès limité aux marchés organisés et à la technologie; revenus faibles et

32 BOUBAKRI, H. (2010). Tunisie Migration, marché du travail et développement. Suisse: Organisation internationale du Travail (Institut international d'études sociales) Projet de Recherche : Faire des Migrations Un Facteur de Développement: Une Étude sur L'Afrique du Nord et L'Afrique de L'Ouest, p. 13.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

25

irréguliers, conditions de travail médiocres; elles échappent aux statistiques officielles

et aux réglementations publiques et sont, presque toujours, en marge des systèmes

officiels de protection sociale et de protection des travailleurs ” (BIT, 1991).33

Dans le cas de la Tunisie, le secteur informel est défini par les critères relatifs au

statut juridique de l’unité, à la taille de l’entreprise (nombre de salariés) et à la tenue

d’une comptabilité de l’entreprise. Ainsi, sont considérées comme des entreprises

informelles celles gérées par des personnes physiques ou employant moins de 6 salariés

ou encore celles n’ayant pas de comptabilité.

En Tunisie, les microentreprises du secteur informel34 agissent au vu et au su de tout le

monde. Il existe un secteur informel ou non structurel qui est loin d’être négligeable

puisqu’il représente 26,2 % du total des emplois (BOUBAKRI, 2010).

L’emploi dans ce secteur est considéré, d’une part comme une stratégie de survie pour

les plus vulnérables et les non qualifiés, en l'absence d'autres choix. D’autre part, comme

un remède à l'excédent de population active, en fournissant des biens et des services aux

groupes à faibles revenus ou aux populations qualifiées en chômage. Ce secteur joue

aussi un rôle d'insertion des migrants et un rôle d'accueil des agents économiques exclus

du secteur public (BENAROUS, 2001).

33 Bureau International Du Travail. (mars 2000). Emploi et protection sociale dans le secteur informel. Genève, p. 1. 34 DUCHENE, G., & SEGHIR, S. Le développement du secteur informel en Tunisie : Une politique de libéralisation en trompe-l’œil, p. 5. Dans cet article le secteur informel est défini comme : étant l'ensemble des activités irrégulières, dont l'exercice illégal, constitue une fuite devant les normes fiscales, la législation du travail et le droit commercial. Autrement dit, cela correspond à des activités interdites par la loi ou des activités légales en elles-mêmes, mais exercées par des personnes non autorisées à le faire. Il s'agit en définitive de produire des biens et services par des entités illégales. Cependant, il peut également s’agir d'activités légales assurées par des personnes autorisées à le faire, mais qui possèdent des caractéristiques permettant de les classer dans le secteur informel. Ces caractéristiques concernent: le non-paiement de l'impôt sur le revenu, de la TVA et des autres taxes et impôts, le non-versement des cotisations sociales, et la non-soumission à certaines procédures administratives.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

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L’analyse de l’information statistique relative à la population active en Tunisie n’est pas

aisée. D’une part, à cause de la qualité des données, puisque jusqu’à très récemment, les

données statistiques sur l’emploi en Tunisie ne pouvaient pas faire l’objet de critiques ou

de discussions, on ne peut pas les mettre en cause. Étant donné que l’accès aux données

brutes constituait un « délit » sous l’ancien régime. D’autre part, le manque de données

crédibles sur le fonctionnement du secteur informel nous oblige à traiter les données

avec prudence et beaucoup de réserve.

Dans notre travail, nous utilisons également d’autres sources de données. Il s’agit

en particulier de celles provenant des organisations mondiales telles que l’UNESCO,

pour faire des comparaisons avec d’autres pays.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

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2 Insertion professionnelle en Tunisie

« Le défi immédiat pour la Tunisie est de mettre sa

jeunesse au travail » (Jacques VALLIN, février 2008) 35.

En Tunisie, la pression démographique associée à une demande nettement supérieure

à l’offre de travail pousse de plus en plus les pouvoirs en place à décrypter la relation

complexe qui lie la population au développement. Dans ce sens, Hassen MZALI, estime que

« la situation du marché de l'emploi constitue la principale préoccupation du planificateur,

mais aussi, et de manière paradoxale, le principal échec de la stratégie du développement en

Tunisie36. »

La relation entre population et emploi dans le contexte tunisien a intéressé quelques

démographes, sociologues et économistes, qui lui ont consacré une place non négligeable

dans leurs recherches. Quelques travaux ont abordé ce sujet, en isolant à chaque fois les

différents phénomènes démographiques et en étudiant leur impact sur l’emploi.

Dans les paragraphes qui suivent, nous présentons la synthèse des principaux travaux en vue

d’en apprendre un peu plus sur le contexte tunisien.

Mongi BEN FERJANI et Ali BEN BRAHIM37 montrent qu’il est évident que les

afflux exceptionnels des demandeurs d’emploi durant les dernières décennies sont, en grande

partie, à l’origine du problème du chômage en Tunisie. Dans les différentes études

sociodémographiques, les chercheurs avaient toujours tendance à étudier la question de

l’emploi en rapport avec des facteurs susceptibles d’être déterminants, comme le genre, la

nuptialité, la fécondité, l’instruction et la migration.

Dans notre travail empirique, l’attention sera focalisée sur la population des futurs

diplômés de supérieur, dont le nombre ne cesse d’augmenter depuis quelques années, avec

des difficultés d’insertion sur le marché de l’emploi. Effectivement, en Tunisie « le chômage

reste un problème important parmi les nouveaux diplômés universitaires38 », ce qui

représente un défi pour les autorités du pays. La plupart des familles tunisiennes ayant

beaucoup investi dans l’instruction de leurs enfants, pour qu’ils aient un emploi décent, sont

35 Interrogé par H.J, http://www.gnet.tn/temps-fort/la-tunisie-doit-assurer-le-plein-emploi/id-menu-325.html. 36 MZALI, H. (1997). Marché du travail, migrations internes et internationales en Tunisie. Revue Région et Développement n° 6, p. 33. 37 BEN FERJANI , M., & BEN BRAHIM, A. (2001). Évolutions démographiques en Tunisie et impact sur le marché de l’emploi et les politiques des Ressources humaines. Tunis: Fédération méditerranéenne des Ressources humaines. 38 Ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes et la Banque mondiale.(2008) Dynamique de l’emploi et de la formation parmi les diplômés universitaires Volume1: Rapport sur l’insertion des diplômés de l’année 2004. 39p.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

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affectées par le chômage de ceux-ci. De plus un marché du travail cloisonné et complexe

(des taux de chômage de plus en plus importants, comme nous pouvons l’observer dans le

tableau 1), ne fait que réduire l’espoir de ces familles. Dans ce sens, HAFAÏEDH estime que

« le chômage des diplômés du supérieur n’est plus assimilable à quelques « ‘ratés’ de la

croissance ou un accident touchant exclusivement la périphérie », mais menace aujourd’hui

les régulations sociales, contribuant à déstabiliser des représentations bien établies

(l’ascension sociale par le diplôme) 39. »

Tableau 1: Évolution de taux de chômage des diplômés du supérieur40(en %)

1984 1994 1999 2004 2006 2008 2010 2011

Taux de chômage 2,3 3,8 8,6 10,2 17,5 21,6 22,9 29,2

Effectifs 1 600 6 300 21 100 40 700 71 200 113 800 139 000 202 300

Source : Recensement général de la population et de l’habitat (1984, 1994, 2004) / Enquête nationale sur l’Emploi (1999, 2006, 2008, 2010, 2011), INS.

2.1 Instruction et son effet sur le chômage

Dans la majorité des études traitant l’interaction entre emploi et niveau d’instruction,

on s’est focalisé plus sur le lien entre le chômage et l’éducation. Dans le paragraphe qui suit,

nous présentons quelques travaux sur ce sujet en général et par la suite nous mettons l’accent

sur la Tunisie.

Dans son article sur la théorie du capital humain, Véronique SIMONNET estime que

« l’éducation et la formation sont considérées comme des investissements que l’individu

effectue rationnellement afin de constituer un capital productif inséparable de sa personne,

les connaissances acquises procurent à l’individu une source durable de revenus lorsqu’elles

sont utilisées dans le cadre de ses activités professionnelles. L’acquisition du capital humain

contribue, en effet, à accroitre les compétences de l’individu et ainsi sa productivité

marginale41 ». Les travaux de LAING, PALIVOS, WANG (1995) et plus récemment BURDETT

et SMITH (2002) sont importants dans ce domaine. Ces auteurs ont mis l’accent sur

l’existence d’un « cercle vertueux entre éducation et emploi : tout d’abord, lorsque les

perspectives d’emploi des travailleurs sont favorables, cela encourage leur investissement

éducatif. En retour, la présence d’une main-d’œuvre fortement éduquée favorise les 39 HAFAÏEDH, A. (2000). Trajectoires de chômeurs diplômés en Tunisie: L'attente, l'ailleurs et la conversion. Dans V. GEISSER, Diplômés Magrébins d'ici d'ailleurs trajectoires sociales et itinéraires migratoires (pp. 122-136). Paris: CNRS ÉDITIONS, p. 122. 40 Le taux de chômage de 2011 montre une hausse d’environ sept points par rapport à 2010, cette grande évolution peut être expliquée aussi par le changement de la qualité des données fournies par l’INS suite à la libération de l’appareil statistique après la révolution du 14 janvier 2011. 41Cf. BOUSNINA, A. (2013). Le Chômage des diplômés en Tunisie. Paris: L'Harmattan, p. 132.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

29

créations d’emploi42 ». Olivier CHARLOT (2005) estime que l’éducation des travailleurs est

l’un des principaux facteurs déterminants de l’employabilité.

DEVINE et KIEFER démontrent l’existence d’un effet positif de l’éducation sur les taux de

sortie du chômage en supposant que l’éducation affecte le taux d’entrée au chômage43.

D’autres chercheurs montrent l’évidence d’un effet important de l’éducation sur le risque du

licenciement ou l’incidence des épisodes de chômage44. Pour GIVORD et MAURIN (2003),

« les travailleurs français les plus diplômés ont 2 à 3 fois moins de chance de perdre leur

emploi en comparaison avec des travailleurs qui se situent en bas de l’échelle des

diplômes45».

En l'occurrence, notre enquête s’intéresse aux diplômés du supérieur. À ce titre, nous ferons

un état des lieux du système scolaire en général et plus spécifiquement nous décrypterons le

monde universitaire. Nous essayerons de mieux comprendre si le chômage des étudiants du

supérieur provient d’une déficience dans le système d’enseignement, de la conjoncture

économique ou des deux à la fois.

2.1.1 Chômage des intellectuels

Le système scolaire en Tunisie a connu plusieurs mutations ces dernières décennies. Il

s’agit d’une part d’une volonté d’adaptation au contexte mondial. « La résorption de ces

dysfonctionnements et le souci de faire de l’enseignement un des facteurs clés de la réussite

de la mise à niveau de l’économie, rendue plus qu’impérative suite à la signature par la

Tunisie d’un accord de libre-échange avec l’Union européenne et son adhésion à

l’Organisation mondiale du Commerce, ont conduit à adopter une vaste réforme du système

éducatif46 ».

Il s’agit d’autre part de résoudre le problème d’insertion des diplômés du supérieur.

En effet, « la Tunisie a dépassé l’ère de pénurie de cadres qualifiés où tout produit de

l’université était inséré automatiquement dans le circuit économique. […] Le souci de

l’employabilité implique une nouvelle définition des objectifs et des moyens de la

42 CHARLOT, O. (2005). Éducation et chômage dans les modèles d’appariement : une revue de littérature. Dans Économie et prévision (pp. 73-103). La Documentation française. 43 Cf. Ibid. 44 Ibid,. Ainsi que les contributions de Nickell (1979) pour le Royaume-Uni, Ashenfelter et Ham (1979) ou Mincer (1991) pour les États-Unis, ou Givord et Maurin (2003) pour la France. 45 Ibid. 46 YOUZBACHI, M. (2001). Les politiques d'éducation. Dans J. VALLIN, & T. LOCOH, Population et développement en Tunisie, la métamorphose (pp. 367-378). Tunis: CERES Éditions.

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30

formation47. » Le ministre de l’Enseignement supérieur estime que l’employabilité doit

désormais constituer l’axe premier qui oriente tout travail de la réforme de l’enseignement

supérieur.

Aujourd’hui, la situation économique a beaucoup changé et « la nouvelle donne

nationale et mondiale agit aussi sur l’université qui est soumise comme l’ensemble de la

société à la logique de l’efficience48 ». De plus, le système scolaire connaît depuis quelques

années des problèmes qui le mettent en cause. En effet, l’arrivée des jeunes sur le marché de

l’emploi, sans beaucoup d’espoir de trouver un emploi et sans compétence concrète, nous

pousse à dire qu’il est temps de revoir le système éducatif dans son intégralité.

En Tunisie, l’absence d’une articulation entre l’enseignement général et la formation

professionnelle, associée à des considérations sociales défavorisant les étudiants qui suivent

une formation professionnelle par rapport à leurs collègues de l’enseignement général,

explique la réticence à la formation professionnelle. Pour remédier à cette situation, il est

impératif de « convaincre les étudiants de s’orienter suffisamment tôt vers la formation

professionnelle, [ce qui] revient à réduire le coût global de l’investissement en capital

humain, mais aussi le coût de fonctionnement du dispositif institutionnel qui lui est dédié ; de

quoi améliorer l’efficacité interne et externe du système national des ressources

humaines49. »

D’autre part l’enseignement en Tunisie est majoritairement public et gratuit, ce qui

représente des charges lourdes pour les autorités, surtout lorsque l’efficacité et le rendement

sont critiques. Dans ce sens YOUZBACHI Moncef affirme que « le système d’éducation a

continuellement souffert de sa faible efficacité surtout interne, il connaît des taux de

redoublement et d’abandon assez élevés qui se traduisent par la mobilisation de ressources

humaines et financières importantes et engendrent des surcoûts à financer50. »

Ces dernières décennies, la situation des diplômés en Tunisie s’oppose à l’idée selon

laquelle l'investissement dans l'éducation se justifie dans la théorie du capital humain par la

47 TARHOUNI, F. (2000). Le développement de l’éducation en Tunisie entre 1996-2000. Tunis: Republique Tunisienne, Ministère de l’Éducation, p. 80. 48 Ibid. 49 HALLEB, A., & BEN SEDRINE, S. (mars 2006). Caractéristiques du Marché du Travail en Tunisie, Politiques de Développement des Ressources Humaines et Politiques d’Emploi. Situation en 2005. Étude réalisée avec l’appui de GTZ (Coopération Technique Allemande), p. 78. 50 YOUZBACHI, M. (2001). Les politiques d'éducation. Dans J. VALLIN, & T. LOCOH, Population et développement en Tunisie, la métamorphose (pp. 367-378). Tunis: CERES Éditions.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

31

perception d'une prime salariale et/ou un risque de chômage plus faible51. En effet,

l’allongement de la durée de scolarisation des étudiants est en partie dû à une situation de

refus du chômage, et non pas seulement à l’espérance d’avoir une bonne rémunération par la

suite.

2.1.2 Insertion des diplômés du supérieur

Quelle est la place actuelle de la méritocratie scolaire

dans des sociétés qui ont tendance à reconnaître

beaucoup plus facilement les mérites d’un joueur de

football ou d’un chanteur que ceux d’un universitaire ou

d’un homme de sciences ? (TAHER Hani, 1997)52

En Tunisie, lorsqu’on parle du chômage et des niveaux d’instruction, on s’intéresse

particulièrement au chômage des diplômés du supérieur, car cette catégorie d’actifs a

considérablement augmenté ces dernières années. Également, l’évolution du taux de

chômage par niveau d’instruction montre que ce taux tend à baisser pour tous les niveaux à

l’exception du niveau supérieur, comme le confirme le tableau 2 :

Tableau 2: Évolution du taux de chômage selon le niveau d’instruction53

en (%) 1994 2004 2010 2011

Néant 17,6 13,8 5,7 8,0

Primaire 18,3 15,1 9,2 12,4

Secondaire 13,1 14,1 13,7 20,6

Supérieur 3,8 10,2 22,9 29,6

Total (en millier) 378,4 432,9 491,8 704,9

Source : Recensement général de la Population et de l’Habitat (1994, 2004) / Enquête nationale sur l’Emploi (2010,2011), INS.

Ce constat nous poussera, dans la partie empirique, à cibler cette population. Les efforts

déployés par la Tunisie pour augmenter le taux d’instruction de sa population ont eu des

51 BEN HALIMA, M., KOCOGLU, Y., & BEN HALIMA, B. (2012). Le problème de l'insertion professionnelle des diplômés universitaires en Tunisie: le rôle de l'accès aux emplois publics et privés. Dans P. LOROT, Maghreb-Machrek N° 211: Éducation et insertion professionnelle en Méditerranée (pp. 39-54). Paris: Choiseul. 52 Cf. HAFAÏEDH, A. (2000). Trajectoires de chômeurs diplômes en Tunisie: l'attente, l'ailleurs et la conversion. Dans V. GEISSER, Diplômé Magrébins d'ici D'ailleurs Trajectoires sociales et Itinéraires migratoires (pp. 122-136). Paris: CNRS ÉDITIONS. 53 Les chiffres de 2011 sont établis après la révolution, soit après la révision des statistiques tunisiennes, ce qui se traduit par une hausse de taux de chômage à tous les niveaux.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

32

conséquences très significatives sur le marché de l’emploi. Selon Françoise BENHAMOU

(2011) : « les données sur l’éducation attestent la singularité tunisienne. Paradoxalement,

c’est une source de conflits pour ceux qui bénéficient de l’infrastructure éducative, mais qui

ne peuvent valoriser le niveau de diplôme obtenu sur le marché de l’emploi54. »

Or, sur le terrain, les difficultés de l’insertion professionnelle et le chômage représentent un

fait qui embarrasse les autorités, les chercheurs et les familles. En outre, la politique

entreprise par la Tunisie pour réduire le taux de chômage n’a eu que des conséquences

dramatiques sur l’insertion des diplômés, en allongeant la durée de scolarisation des jeunes.

Cette tendance peut être expliquée « par le fait que la demande sur le marché du travail n’a

pas suivi systématiquement les changements structurels d’éducation, et par conséquent les

jeunes plus éduqués en sont les victimes directes55. » L’intervention de l’État pour résoudre

les problèmes de l’emploi en général (tous niveaux d’instruction confondus) n’a fait que

favoriser le chômage des diplômés.

À cet égard, l’INS estime que le nombre de chômeurs ayant un niveau supérieur a

enregistré une hausse très prononcée en passant de 40 700 en 2004 à 217 800 en 201156.

Alors que la demande additionnelle d’emploi pour ces derniers est passée de 39 242 en 2004

à 84 922 en 2011 (tableau 3). Le déphasage entre le nombre de diplômés chômeurs et la

demande additionnelle chez cette catégorie d’actifs confirme l’ampleur de ce problème.

Tableau 3: Évolution de la demande additionnelle pour les diplômés du supérieur

2001 2004 2007 2010 2011

Effectif 20 913 39 242 51 069 56 963 84 922

Source : ANETI.

En Tunisie, avant les années quatre-vingt, l’insertion des diplômés du supérieur était

très facile, voire même automatique, et le chômage des diplômés n’était pas un sujet

d’actualité. En outre, « le problème de l’emploi des diplômés du supérieur ne constituait pas

une préoccupation. Au contraire, on se plaignait davantage d’une pénurie de cadres57. » À

partir des années quatre-vingt, il y a eu un renversement de tendance et la capacité de

54 BENHAMOU, F. (janvier 2011). Beaucoup d'étudiants, peu d'emplois : en Tunisie, l'éducation est frustration. http://blogs.rue89.nouvelobs.com/en-pleine-culture/2011/01/17/beaucoup-detudiants-peu-demplois-en-tunisie-leducation-est-frustration-. 55 Banque mondiale. (Août 2006). Tunisie, note de politique sectorielle sur le financement de l’enseignement supérieur, p. 16. 56 INS, RGPH 2004 et enquête population et emploi 2007, 2010 et 2011. 57 BOUZAIENE, S. (2006-2007). Les problèmes d’insertion professionnelle des diplômés tunisiens de l’Enseignement supérieur : Diagnostics d’une exclusion. Université Lyon 2: Institut d’Études politiques de Lyon, p. 17.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

33

formation a commencé à dépasser celle d’embauche. Ainsi, plusieurs signes de ce

dysfonctionnement sont apparus :

D’une part, l’explosion du nombre des étudiants et la naissance d’un nouveau

phénomène connu sous le nom de « student boom », qui se caractérise par le passage d’une

université dite « université d’élite » à une « université de masse ». D’autre part, dans

l’approche de genre, la forte présence des femmes dans l’université tunisienne, laquelle a

transformé cette université d’un enseignement élitiste et essentiellement réservé aux hommes

à un enseignement mixte et de masse. Le « student boom » peut être expliqué, entre autres,

par l’allongement de la durée de la scolarisation, ainsi que par la prédominance de

l’enseignement supérieur, l’unique perspective proposée aux élèves du secondaire. En plus,

selon A. HALLEB, S. BEN SEDRINE et A. MAHJOUB, avec la quasi-inexistence d’une

articulation entre le niveau secondaire et la formation professionnelle, le système éducatif n’a

pas été adossé au système de formation professionnelle ou à un enseignement postsecondaire

professionnalisé58.

Ce « student boom » a engendré un nombre important de diplômés, qui « vivent

difficilement la transition entre l’école et le monde de travail59 » et qui viennent engorger

chaque année le marché de l’emploi. Cet état de choses favorise l’émergence d’un tout

nouveau champ de recherche et de réflexion, s’intéressant au chômage des diplômés.

Dans cette optique, Habib TOUHAMI, dans son article sur le problème du chômage des

diplômés du supérieur, mentionne que « pour un pays mieux doté naturellement en force de

travail qu’en capital, le niveau du gaspillage du capital humain atteint est devenu

difficilement acceptable. Des flots de diplômés de plus en plus nombreux sortent chaque

année des diverses institutions d’éducation et de formation sans métier véritable, sans

formation réelle et sans beaucoup d’espoir de trouver un emploi60 ».

Tahar LETAIEF AZAÏEZ montre qu’il existe une corrélation positive entre le niveau d’étude et

le taux de chômage. Dans ce sens « les recensements de 1975 et 1984 ont fait ressortir le

caractère de plus en plus jeune et le niveau d’instruction de plus en plus élevé des chômeurs

en Tunisie 61».

58 Cf. BEN SEDRINE, S. (2000). Gagnants et perdants de la transition libérale: L'insertion Professionnelle des diplômés en Tunisie. Dans V. GEISSER, Diplômes Maghrébins d'ici d'ailleurs trajectoires sociales et itinéraires migratoires (pp. 105-121). Paris: CNRS EDITIONS. 59 Zaafrane, H., & Ben Romdhane, H. (2007). Adolescents et jeunes en Tunisie : données et défis. Tunis: Nations Unies, p. 87. 60 TOUHAMI, H. (avril 2012). Le chômage des diplômés du supérieur. Constat, origines, perspectives, p. 1. http://www.etudier.com/dissertations/Chomage-Tunis/364715.html. 61 LETAIEF AZAÏEZ, T. (2000). Changements politiques et emploi (1956-1996)-Histoire et perspectives méditerranéennes. Paris: L'Harmattan, p. 268.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

34

2.1.2.1 Insertion des diplômés selon le sexe

Du point de vue du genre, Habib TOUHAMI parle d’une disparité entre femmes et

hommes diplômés du supérieur en matière d’accès à l’emploi. Il se demande « est-ce la

résultante de considérations familiales, sociales ou culturelles [qui] handicape plus

particulièrement les femmes?62». En Tunisie, on parle de plus en plus d’une population

active féminine plus instruite, mais confrontée à des problèmes d’insertion. Le centre de

recherches, d’études de documentation et d’information sur la femme (CREDIF) affirme que

« Les femmes actives affichent un niveau d’instruction supérieur à celui des hommes »63. En

effet, selon les données de l’INS64, en 2010, 28,9 % de la population active féminine avait un

niveau supérieur contre 14,3 % de la population active masculine. L’arrivée sur le marché de

l’emploi d’une population active féminine ayant un niveau d’instruction supérieur est sans

doute la conséquence d’une présence de plus en plus dominante dans les universités

tunisiennes d’étudiantes (en 2010, 61,2 %65 des étudiants du supérieur étaient des femmes).

L’insertion des diplômés de l’enseignement supérieur est devenue un défi pour le pouvoir

politique et un malaise social pour les familles. Certainement, le nombre de chômeurs du

supérieur ne cesse de croître d’une année à une autre, et leur proportion parmi l’ensemble des

chômeurs en 201066 représente 49 % pour les femmes et 24 % pour les hommes (c’est-à-dire

que la moitié des femmes ayant un niveau supérieur sont au chômage contre un quart pour

les hommes).

Des disparités selon le genre semblent donner une explication à cette situation. Cependant, il

ne faut pas oublier que l’âge, le type de formation et d’autres facteurs agissent sur ces écarts.

Selon NOUR EL HOUDA « avant 25 ans, hommes et femmes connaissent les mêmes difficultés

à se faire recruter […], mais, au-delà de cet âge, les hommes semblent plus privilégiés 67».

Contrairement aux hommes, les femmes ont tendance à accepter les emplois qui ne

correspondent pas à leurs ambitions, et elles ne possèdent pas beaucoup de marge pour leur

choix, car « Les emplois confiés aux diplômées universitaires sont d’un niveau inférieur à ce

62 TOUHAMI Habib, Le chômage des diplômés du supérieur Constat, origines, perspectives, op. cit, p. 4. 63 CRÉDIF. (2002). Femmes et emploi en Tunisie. Ministère des Affaires de la femme et de la famille. 64 La part des étudiants dans la population active totale est calculée à partir données de l’enquête nationale pour l’emploi de 2010. 65 Source : Ministère de l'Enseignement supérieur et de recherche scientifique en 2010/2011 61.2 % des effectifs, contre 38.3 % l’année scolaire 1999-2000 66 Source: INS Enquête nationale Population et emploi de 2010. 67 Cf. BOUZAIENE, S. (2006-2007). Les problèmes d’insertion professionnelle des diplômés tunisiens de l’Enseignement supérieur : Diagnostics d’une exclusion. Université Lyon 2: Institut d’Études politiques de Lyon., p. 24.

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35

à quoi elles aspirent 68». Selon les résultats de l’enquête de l’ONEQ « Si les femmes sont

nettement plus touchées par le chômage que les hommes, ce n’est pas seulement parce qu’à

diplôme égal elles s’insèrent moins bien sur le marché du travail, mais aussi en raison de

l’orientation, dans leur quasi-totalité, vers des diplômes moins demandés par les

entreprises »69. En effet, les femmes choisissent de s’orienter (après le Bac) vers des

spécialités à vocation sociale et ayant des liaisons avec le secteur public, lequel garantit une

certaine sécurité professionnelle recherchée en général par les femmes.

De plus, la manière de chercher du travail diffère entre hommes et femmes, et c’est

une raison de plus de disparités selon le sexe. « Les femmes utiliseraient plus que les hommes

les relations personnelles pour trouver un travail dans le secteur privé, alors que les hommes

recourraient à une démarche plus directe et volontaire (…) l’usage de l’agence tunisienne de

l’emploi serait plutôt l’apanage du sexe masculin ».70

Une autre variable censée expliquer la disparité de chômage entre les deux sexes est

liée à la discrimination à l’embauche. Les diplômées sont de plus en plus dans une position

de faiblesse relative et elles subissent certaines formes de ségrégation, ce qui joue en faveur

de leurs collègues de sexe masculin. Allant du premier contact avec l’employeur à la

négociation de salaire, l’objet de l’inégalité résulte de la nature du contrat, du type d’emploi,

du nombre d’heures de travail et de sa précarité. De plus, la représentation sociale joue un

rôle important dans cette inégalité entre hommes et femmes. « Les hommes jouiraient

d’autres ressources qui n’ont pas été mesurées, mais qui sont valorisées sur le marché 71 ».

Pour conclure, le sexe semble être un déterminant fort de l’employabilité des diplômés. Ce

phénomène sera vérifié dans notre enquête grâce à une multitude de questions ayant une

perspective de genre.

2.1.2.2 Insertion des diplômés selon la région de résidence

Le lieu de résidence est un autre élément explicatif de l’employabilité des diplômés. Habib

TOUHAMI montre que, pour trouver un emploi, il vaut mieux résider à Tunis (au Nord où le

taux de chômage est très proche de celui du niveau national) plutôt qu’à Kébili (au Sud où

68 Ibid, p. 24. 69 ONEQ. Analyse du chômage des diplômés de l’enseignement supérieur : Exploitation des résultats de l’enquête auprès des diplômés de 2004. Observatoire national de l’Emploi et des Qualifications: Ministère de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle des Jeunes, p. 9. 70 BOUZAIENE Sonia. Les problèmes d’insertion professionnelle des diplômés tunisiens de l’Enseignement supérieur : Diagnostics d’une exclusion, op. cit, p. 24. 71 Cf. Ibid, p. 24.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

36

plus du cinquième des chômeurs du Gouvernorat ont un diplôme du supérieur). Ceci est-il

valable pour toutes les régions ?

À l’inverse Sonia BOUZAIENE estime que « Les inégalités liées à l’origine

géographique sont néanmoins difficiles à mettre en lumière. Il semble que le critère

d’origine géographique ne soit pas très pertinent dans l’étude de l’insertion professionnelle

des diplômés, tant ceux-ci concentrent leur recherche d’emploi dans les grands bassins

d’activité économique et administrative, comme Tunis ou les grandes villes du Sahel » 72 et

que « les données comparatives manquent et ne permettent pas de déterminer si deux

individus aux qualifications égales, originaires de zones géographiques différentes, postulant

à un même poste ont oui ou non des chances inégales d’être embauchés73. »

Dans notre enquête nous répondrons à cette question, sous réserve de la qualité des

données recueillies, qui ne couvrent que le Sud-Est tunisien.

2.1.2.3 Insertion des diplômés selon leur milieu social

Le milieu social est un autre élément qui semble agir sur l’employabilité des jeunes, et

principalement l’appartenance sociale des parents. Michel CEZARD montre que « Les jeunes

sont très rarement chômeurs lorsque les parents sont tous les deux cadres ou profession

intermédiaire »74. De plus, « L’intervention des familles est un facteur de différenciation du

processus d’insertion dans un contexte où le niveau de chômage est élevé et où l’emploi rare

est l’objet d’une forte compétition sociale75 ».

En Tunisie, le favoritisme social en matière d’accès à l’emploi est l’un des moteurs de la

révolution de 14 janvier 2011. Certainement, la configuration sociale a favorisé des classes

au détriment d’autres, car si les jeunes issus des milieux pauvres et défavorisés pensent

« Que tu étudies où que tu n’étudies pas, de l’avenir, il n’y en a pas [slogan des

manifestations estudiantines en Tunisie]76 », leurs camarades issus des familles riches ne

possèdent pas la même vision. Pour ceux-ci, l’insertion sur le marché de l’emploi est quasi

automatique et ne nécessite pas le moindre effort de leur part. L’influence de leurs parents

intervient par l’utilisation de réseaux relationnels ou par la corruption. Le recours à la

72 Cf. Ibid., p. 23. 73 Ibid., p. 23. 74 CÉZARD, M. (Novembre-Décembre 1986). Famille, milieu social et risque de chômage. Dans Économie et statistique, N°193-194 (pp. 91-96). http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1986_num_193_1_2521. 75 Sonia BOUZAIENE, 2006-2007, Les problèmes d’insertion professionnelle des diplômés tunisiens de l’Enseignement supérieur : Diagnostics d’une exclusion, op. cit, p. 23. 76 LETAIEF AZAÏEZ, T. (2000). Changements politiques et emploi (1956-1996)-Histoire et perspectives méditerranéennes. Paris: L'Harmattan. p. 221.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

37

subornation est aussi utilisé par un grand public de classe moyenne qui paye des sommes très

importantes contre un poste dans le secteur public.

D’autres chercheurs estiment que le milieu social est moins discriminant que le sexe

et que les réseaux familiaux et personnels sont la plupart du temps au cœur du

fonctionnement du marché du travail, surtout dans des périodes de crise. « Ces réseaux

constitueraient aujourd’hui un ‘’matelas de sécurité’’ dans l’attente d’une amélioration de

leur situation socioprofessionnelle77 ».

L’étude de l’influence du milieu social sur l’insertion des diplômés sera incluse dans

plusieurs questions de notre enquête.

2.1.2.4 Insertion des diplômés selon le diplôme

L’analyse de l’insertion professionnelle selon le type de diplôme (diplômes de

maîtrise, de technicien supérieur, les diplômes d’ingénieur et les autres diplômes) montre le

poids très structurant du diplôme sur les parcours d’insertion des jeunes diplômés. Le risque

d’être au chômage est fortement corrélé au parcours scolaire et à la spécialité choisie. Habib

TOUHAMI confirme que les techniciens supérieurs et les maîtrisards constituent les

catégories les plus touchées par le chômage78. Ils représentent plus de 90 % de la population

des diplômés et leurs taux de chômage sont respectivement de l’ordre de 48 % et 50 %, selon

un rapport du ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle79.

Sur un autre plan, le taux de chômage varie sensiblement selon la spécialité d'étude.

En fait, une analyse économétrique montre que les différences sont plus marquées parmi les

maîtrisards. À titre d’exemple, si la filière « droit » est la plus atteinte par le chômage avec

un taux égal à 68 %, la filière « informatique » est moins touchée avec un taux de chômage

égal à 29 %80.

D’autre part, pour un même parcours, la valeur marchande d’un diplôme peut différer

d’un institut à un autre. Par exemple, « Les diplômés issus des ISET, qui représentent 39,7 %

du total des techniciens supérieurs, sont moins exposés au chômage que les autres provenant

des autres institutions d’enseignement supérieur »81. Et que « les chances d’accès à l’emploi

des jeunes passant par les ISET sont de 50 % supérieures à celle des jeunes ne passant pas

77 GOBE , É., & BEN SEDRINE , S. (2004). Les ingénieurs tunisiens : Dynamiques récentes d’un groupe professionnel. Paris: L’Harmattan, p. 235. 78 TOUHAMI, Habib, le chômage des diplômés du supérieur Constat, origines, perspectives, op.cit., p. 4. 79 Ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes et la Banque mondiale.(2008) Dynamique de l’emploi et de la formation parmi les diplômés universitaires Volume1: Rapport sur l’insertion des diplômés de l’année 2004. Ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes et la Banque mondiale. 80 Ibid., p. 36. 81 Ibid., p. 21.

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par les ISET »82. La différence selon la filière d’étude montre une grande difficulté pour les

techniciens en agriculture et agroalimentaire, avec un taux de chômage égal à 71 %, contre

40 % pour les techniciens en santé et services sociaux. Chez les ingénieurs « tantôt la

spécialité comme l’école font une différence », tandis que « les différences entre spécialités

sont à l’avantage des diplômés d’informatique-télécom et dans une moindre mesure des

diplômés de techniques d’ingénierie » 83.

En outre, selon le rapport cité précédemment, « Les diplômés en difficulté sont ceux dont les

débouchés correspondent aux activités les plus touchées par la privatisation et la réforme de

la fonction publique »84. Il peut s’agir des filières de faible employabilité. Les diplômés de

certaines spécialités, notamment en droit, et dans une moindre mesure en économie-gestion

et sciences humaines semblent fortement pénalisés sur le marché du travail85.

L’insertion des diplômés dans le milieu professionnel est un long processus qui prend

des formes très variées en parfaite corrélation avec le parcours, la spécialisation des diplômés

et l’expérience qui est de plus en plus demandée et très difficile à acquérir. Dans ce sens,

BEN SEDRINE pense que « le problème d’insertion devient un cercle vicieux : pour accéder à

l’emploi, il faut de l’expérience professionnelle ; mais pour la justifier, il est nécessaire de

décrocher un emploi. »86

Dans notre enquête, et toujours dans une approche de perception aux yeux des futurs

diplômés, nous tentons de vérifier cette hypothèse (sous réserve de la quantité et de la qualité

des données que nous aurons à notre possession).

2.1.3 L’attente des diplômés tunisiens

En Tunisie, les jeunes étudiants allongent de plus en plus la durée de leurs études en vue

d’obtenir un emploi stable dans le secteur public. À vrai dire, les diplômés en lettres, en

sciences humaines et en sciences fondamentales recherchent un emploi exclusivement dans

le secteur public, tandis que les économistes, les gestionnaires et les ingénieurs se dirigent à

la fois vers les deux secteurs, public et privé ( BEN SEDRINE, 2000).

82 Ibid., p. 36. 83 Ibid., p. 35. 84 BOUZAIENE Sonia, les problèmes d’insertion professionnelle des diplômés tunisiens de l’Enseignement supérieur : Diagnostics d’une exclusion, op.cit., p. 55. 85 Ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes et la Banque mondiale. (2008). Dynamique de l’emploi et de la formation parmi les diplômés universitaires Volume1: Rapport sur l’insertion des diplômés de l’année 2004, p. 36. 86 BEN SEDRINE, S. (2000). Gagnants et perdants de la transition libérale: L'insertion professionnelle des diplômés en Tunisie. Dans V. GEISSER, Diplômes maghrébins d'ici d'ailleurs trajectoires sociales et itinéraires migratoires (pp. 105-121). Paris: CNRS ÉDITIONS, p. 117.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

39

Parmi les autres attentes des diplômés, c’est le salaire qui devrait être supérieur au salaire de

réserve. Selon la théorie de « Job Search », le salaire de réserve correspond à la rémunération

minimum au-dessous duquel la personne refuse de travailler.

Développée par George STIGLER87 dans les années 1960, la théorie de recherche

d’emploi connue aussi par théorie du «Job Search» s’intéresse à la stratégie d'entrée dans la

vie active. Elle explique la période de chômage des individus par la coexistence de deux

périodes : l’une correspond au chômage volontaire (période consacrée à la recherche

d’emploi ou suite à une démission) d'abord, l’autre au chômage involontaire (période suite à

un licenciement et/ou fin de contrats) ensuite.

Cette théorie remet en cause l’hypothèse d’information parfaite de l’analyse

néoclassique. Ainsi, la théorie «Job Search» cherche une explication du chômage volontaire.

Elle précise que le demandeur d’emploi est en même temps le demandeur ou le chercheur

d'informations relatives aux emplois. Réellement, si l'individu n’est pas parfaitement informé

sur les différents emplois disponibles et leur rémunération, il procède à un calcul coût-

avantage lors de sa recherche d'emploi. Il peut être plus avantageux pour lui de prolonger sa

période de chômage, poursuivant ainsi sa recherche afin de se procurer le plus d'information

sur les postes disponibles. Il arbitre entre le coût (perte de revenus pendant qu'il est au

chômage, coûts de recherche, etc.) et le revenu du futur emploi.

Le demandeur d’emploi peut donc espérer obtenir un salaire plus élevé, il reste

volontairement au chômage pour trouver un emploi qui atteint au moins son salaire de

réservation88, correspondant au salaire au-dessous duquel tout emploi sera refusé.

Selon Perrot Anne le salaire de réservation désigne « le niveau de rémunération en dessous

duquel l’agent refuse l’emploi proposé. Le rejet d’un emploi, à un instant donné, a pour

conséquence de prolonger d’une période le chômage subi par l’agent : celui-ci est donc de

nature volontaire, mais il est lié au refus (rationnel) d’accepter un emploi associé à un

salaire trop faible, au regard des opportunités qui peuvent se présenter ultérieurement89.»

Ce salaire de réserve, qui se manifeste par un refus de travail et par la poursuite de

recherche d’emploi, conditionne en quelque sorte la durée du chômage qui va plutôt

dépendre du niveau des allocations chômage (ici, l’indemnité de chômage peut ne pas

87 L’article fondateur de la théorie : « Information in the Labor market ». 88 S. Lippman et J. Mac Call (1976) appellent salaire de réserve ou d'acceptation, le coût de recherche de l'emploi qui égalise les gains marginaux attendus. Il dépend de la distribution des salaires dans l'économie, du degré de stabilité des emplois proposés et de l'impatience de chaque demandeur d'emploi. Lorsque les salaires proposés sont inférieurs au salaire de réserve, les emplois offerts sont refusés, d'où un chômage. 89 PERROT, A. (1992). Les nouvelles théories du marché du travail. Paris: Éditions La Découverte.

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encourager les chômeurs à chercher un emploi ni à accepter le premier venu) et/ou de la

richesse personnelle (ici, aussi, le soutien financier par la famille peut avoir des

conséquences sur la période de recherche d’emploi). La durée de chômage est par

conséquent déterminée par la probabilité d’obtenir un emploi au taux de salaire de

réservation considéré. « Sur cette base, le chômage devient une véritable activité de

production ou un véritable investissement ayant son propre rendement! 90»

La théorie de recherche d’emploi a fait l’objet de plusieurs critiques. D’une part

l’allongement de la durée de chômage peut être considéré comme un handicap pour le

demandeur d’emploi. D’autre part, les recruteurs possédant l’information concernant la durée

de chômage de demandeur d’emploi, peuvent analyser une longue période de chômage

comme un signe de non-efficacité productive, car une longue durée du chômage tend à

éloigner le candidat de l’emploi plus que de le rapprocher !

La situation des diplômés sur le marché de travail tunisien montre que ces derniers,

selon cette théorie de «Job Search», peuvent renoncer à des postes en vue de trouver un

meilleur poste qui soit bien rémunéré. Et comme le chômage en Tunisie n’est pas

indemnisé91, c’est la famille qui, dans la plupart des cas, prend en charge financièrement ces

jeunes.

En effet, les jeunes diplômés formulent des exigences concernant leur futur salaire qui doit

être supérieur au SMIG92. Selon le résultat de l’enquête réalisée par BEN SEDRINE93, le

salaire moyen de réserve est supérieur au salaire de marché pour les deux sexes. En 1997, le

salaire du marché pour les diplômés est estimé à environ 1.8 fois le SMIG (pour le régime de

48 heures contre 2 fois pour le régime de 40 heures), alors que le salaire exigé par les

diplômés correspond à 2.3 fois le SMIG (contre 2.7 fois pour le régime de 40 heures).

Selon la même enquête, pour la cohorte 1993, le taux d’adéquation de la formation à

l’emploi est plus grand pour les disciplines des lettres et des sciences humaines (plus de

90 %) que pour les disciplines des sciences techniques par exemple (moins de 60 %).

D’autre part, sur le marché de l’emploi tunisien, la nature de diplôme conditionne l’écart de

salaire entre public et privé, qui « est quasi exclusivement lié aux caractéristiques de

90 GUILLEMIN, H., & MOULE, M. (1993). Le marché de travail : salaires et emploi dans les théories économiques. Paris:

Éditions Eyrolles, p. 113. 91 Jusqu’à 2011, un chômeur diplômé en Tunisie ne reçoit aucune allocation lui permettant de rechercher du travail. Après la révolution de 14 janvier 2011, les diplômés à la recherche d’emploi peuvent avoir une aide d’insertion d’une valeur de 250 dinars (environ 130 euros). 92 SMIG : Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti. 93 BEN SEDRINE, Said, Gagnants et perdants de la transition libérale: L'insertion professionnelle des diplômés en Tunisie, op. cit.

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l’insertion des maitrisards qui semble obéir à une logique binaire : emploi avec salaire

« élevé » lorsque le concours est réussi [secteur public] et emploi privé faiblement rémunéré

en cas d’échec. […] Pour les autres diplômes, la distribution des salaires moyens est

légèrement plus élevée dans le privé »94.

Ces différentes attentes des diplômés ainsi que d’autres vont être vérifiées dans notre

enquête.

2.2 Conséquences du chômage : Quel impact sur la démographie?

Pour la plupart des jeunes tunisiens, le chômage conditionne fortement le moment

d’entrée en couple. Par ailleurs, et comme les naissances sont interdites en dehors de

mariage, ce processus agit par conséquent sur les pratiques reproductives en retardant les

naissances. Enfin, le chômage peut entrainer, voire aggraver aussi la mobilité internationale.

2.2.1 Insertion professionnelle et fécondité

Dans les paragraphes qui suivent, nous nous intéressons spécifiquement à l’activité

féminine, car « Les bouleversements observés au niveau de la nuptialité tunisienne au

cours des dernières décennies ont été particulièrement plus marqués chez les femmes que

chez les hommes95 ».

2.2.1.1 Activité féminine en Tunisie

L’activité féminine a intrigué de nombreux chercheurs et leurs contributions à ce sujet

sont remarquables. Dans ce paragraphe, nous allons nous intéresser aux principaux travaux

en la matière. La présence féminine sur le marché de l’emploi est de plus en plus observée

dans la société tunisienne. Abdessalem GOUIDER, considère qu’en Tunisie « l’emploi de la

femme constitue un élément moteur dans l’approche globale de développement96.»

94 BEN HALIMA, M., KOCOGLU, Y., & BEN HALIMA, B. (2012). Le problème de l'insertion professionnelle des diplômés universitaires en Tunisie: le rôle de l'accès aux emplois publics et privés. Dans P. LOROT, Maghreb-Machrek N° 211: Éducation et insertion professionnellle en Méditerranée (pp. 39-54). Paris: Choiseul, p. 50. 95 BEN BRAHIM, A., & FOURATI, H. (2007). Les changements profonds dans le phénomène de mariage en Tunisie : causes et conséquences économiques , sociales et démographiques de la nuptialité en Tunisie. Tunis: ONFP, Journée mondiale de la population, p. 4. 96 GOUIDER , A. (2009). Déterminants de l’activité des femmes sur le marché du travail tunisien et discrimination salariale par genre, p. 2.

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Chapitre préliminaire: Posture de recherche et cadre théorique de l’étude ________________________________________________________________________

42

2.2.1.2 É ’a ’â

ZAÏBI Fakher97 estime de son côté que le marché de travail en Tunisie enregistre

depuis plusieurs années une hausse rapide du taux global d'activité féminine. Dans son étude,

il montre que ce taux est inversement proportionnel avec l’âge. Il voit que l’augmentation du

célibat a été significativement bénéfique pour l’activité économique féminine.

D’autre part, les taux d’activité des femmes âgées de 25 à 54 ans dépendent en premier lieu

de l’importante baisse de leur taux de fécondité, de l’augmentation du célibat et donc la

tendance à la hausse de l’âge au mariage, du développement du secteur de textile et du

progrès de l’éducation de la femme. En revanche, le comportement des femmes âgées de 15

à 24 ans en matière d'activité économique dépend de la conjoncture économique, de la

scolarisation et de leur état civil.

Sur un autre plan, l'état matrimonial de la femme a un effet sur son comportement

professionnel. En tant que mère elle doit veiller sur sa progéniture (éducation, tâches

domestiques, etc.,) ce qui a des répercussions négatives, presque inéluctables sur sa santé.

Outre la question d’âge, l’affaiblissement physique influe considérablement sa productivité

professionnelle (assiduité, concentration, etc.). Abdessalem DAMMAK et Ridha DAMAK98

vont dans ce sens en montrant que les taux d’activité féminine diminuent régulièrement avec

l’âge, car au fil du temps, les femmes dédient de plus en plus de leur temps et de leurs

disponibilités à leur activité de mère et de femme au foyer.

Pour le cas des étudiantes du supérieur, on assiste à la même tendance, mais avec quelques

années supplémentaires par rapport à la population féminine en général, car la période de

scolarisation s’allonge de plus en plus. Le progrès qu’a connu la société tunisienne en

matière de droit des femmes a progressivement favorisé leur présence sur le marché du

travail. Cette présence est de plus en plus justifiée par un niveau d’éducation en hausse et par

une situation culturelle et sociale favorable.

À propos de l’activité féminine, nous consacrerons une partie importante de notre

questionnaire à la vérification d’éventuelles interactions entre emploi et fécondité. Nous

tenterons de répondre à plusieurs questions, notamment : comment évolue la fécondité des

femmes ayant un niveau d’instruction supérieur ? Y aurait-il un changement des

comportements procréateurs ?

97 ZAÏBI , F. (2002). Hausse du taux d’activité féminin en Tunisie : Quelles sont les raisons ? Tunis: Republique Tunisienne Observatoire National De L’Emploi et des Qualifications, p. 2. 98 DAMMAK, A., & DAMAK, R. (2001). L'emploi et l'activité économique. Dans J. VALLIN, & T. LOCOH, Population et développement en Tunisie: La métamorphose (pp. 379-398). Tunis: Cérès Éditions.

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43

2.2.1.3 Nuptialité et fécondité

« Dans l’ensemble, de tous les changements vécus par

la population tunisienne, voire maghrébine, l’évolution de la

nuptialité est certainement l’une de plus importantes. C’est

l’un des signes les plus évidents de la transition matrimoniale

et de la transition démographique… » (BEN BRAHIM &

FOURATI, 2007)

Pour l’analyse de l’interaction entre fécondité et activité féminine, FARGUES, estime

que « le niveau d'instruction agit sur la fécondité au travers de trois déterminants proches :

l’âge au premier mariage, le recours à la contraception et la durée d'allaitement maternel.

Les deux premiers, qui augmentent avec le niveau d’instruction, l'emportent cependant sur le

troisième, qui a plutôt tendance à diminuer quand le niveau d’instruction s’élève99 ».

Cet auteur montre que l’allongement de la durée de la scolarité des filles, la maîtrise de la

fécondité et la mise en place d’un cadre législatif propice sont les principaux facteurs

favorisant l’intégration des femmes dans la sphère économique. Il ajoute que la proportion

des femmes sur le marché de l’emploi est stable, mais qu’on enregistre tout de même des

inégalités de salaire par rapport aux hommes, et qu’à compétences égales (éducation,

expérience…), les femmes sont encore victimes de discrimination salariale.

Dans le même sens, BEN BRAHIM (2002) parle d’une dépendance entre fécondité et activité

féminine, tout en considérant que la baisse de la fécondité s’explique par l’élévation de l’âge

au premier mariage des femmes et par l’usage de plus en plus important de la contraception.

Cela prouve que les causes profondes des changements des comportements en matière de

fécondité résident dans l’évolution socio-économique et culturelle de la Tunisie.

Plusieurs études et travaux s'appuyant sur le modèle de BONGAARTS « ont montré que le

relèvement de l'âge moyen au premier mariage, qui synthétise le calendrier de plus en plus

tardif, a été parmi les facteurs importants de la réduction de la descendance des femmes en

Tunisie100 ».

99 Cf. MGHARI, M. (1998). Accroissement et structure de la population Fécondité : Niveaux, tendances et déterminants. Dans Ministere De La Prevision économique et du plan, Population et développement (pp. 27-105). Centre D’Études et de Recherches démographiques, p. 37. 100 BEN BRAHIM, A., & FOURATI, H. (2007). Les changements profonds dans le phénomène de mariage en Tunisie : causes et conséquences économiques , sociales et démographiques de la nuptialité en Tunisie. Tunis: ONFP: Journée mondiale de la population, p. 22.

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2.2.2 Mobilité internationale

Pour remédier au chômage, les jeunes diplômés peuvent avoir recours à la migration

(pour acquérir plus d’expérience ou juste pour échapper au chômage) comme l’estime

l’économiste Véronique SIMONET : « les individus peuvent améliorer leur productivité par

des actes volontaires d’investissement dans l’éducation ou la santé, ou même encore en

migrant101 ». Cette idée nous conduit au paragraphe suivant qui analyse l’effet de la

migration sur l’emploi. L’émigration demeure-t-elle la seule « solution raisonnable », face à

une situation de désespérance et de frustration irrémédiable ?

Les études sur la mobilité internationale, qui s’intéressent aux personnes migrant vers

d’autres pays, pour des raisons économiques, académiques ou de sécurité ne cessent de se

développer. Les pays d’origine jouent un rôle très important dans le processus de mobilité

internationale, dans les cas où ils la considèrent comme une clef principale pour le progrès

économique de leurs pays, qu’il s’agit d’encourager.

L’une des formes de la mobilité internationale qui se développe de plus en plus ces dernières

décennies est la mobilité internationale des étudiants cherchant plus de connaissances et

d’opportunité professionnelle. Il s’agit du phénomène de la « fuite des cerveaux (matière

grise) » ou encore l’« exode de cerveaux ». Christian LOSSON (2007) expose l’ampleur de

ce phénomène, « ... l'exode des cerveaux se poursuit à un rythme effréné. Haïti, Cap-Vert,

Samoa, Gambie et Somalie ont vu ces dernières années plus de la moitié de leur élite

siphonnée par les pays riches .... « Un transfert inverse de technologie » ... si les plus

touchés restent Haïti (plus de 80 % d'exode) et les pays africains, les pays les moins avancés

asiatiques, avec moins de 5 % de départ, ont su conserver leur élite102».

2.2.2.1 Mobilité internationale des étudiants tunisiens

La mobilité internationale des étudiants tunisiens est un phénomène qui remonte à

l’indépendance. À cette époque, le pays souffrait d’un manque de compétences pour soutenir

la croissance. Le remède à ce problème a été de favoriser la mobilité internationale surtout

vers la France. Depuis lors, le nombre des étudiants tunisiens en mobilité internationale ne

cesse d’augmenter et l’objectif de la mobilité a aussi changé : si au départ cet objectif était la

quête de savoir, il est de plus en plus lié à une difficulté d’insertion sur le marché de l’emploi

101 SIMONNET, V. (2003). Le capital humain. Dans J. ALLOUCHE, Encyclopédie des ressources humaines (pp. 133-144). Paris: Vuibert, p. 133. 102 Cf. BEN CHEIKH, R. (2008). Vers une mobilité internationale enrichie au niveau universitaire: Le cas de la Tunisie et du Québec (mémoire présenté comme exigence partielle de la maîtrise en administration des affaires). Montréal: Université du Québec à Montréal, p. 17.

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tunisien. La volonté politique des autorités tunisiennes pour favoriser la mobilité

internationale des étudiants se concrétise par le dynamisme d’adaptation aux conventions

internationales en la matière et aussi par l’application des reformes touchant à

l’enseignement comme celles du système LMD : licence master doctorat.

Or, si au départ la mobilité internationale des étudiants tunisiens se réalisait pour des

raisons purement académiques, la poursuite d'études dans un autre pays, on assiste de plus en

plus à une situation où des étudiants désirent entamer ce processus de mobilité non pas pour

continuer leurs études, mais pour des raisons économiques. Autrement dit, la plupart de

ceux-ci désirent s’installer à l’étranger alors qu’ils possèdent déjà un diplôme d’études

supérieures et acceptent de suivre une formation sanctionnée par un diplôme égal ou

inférieur à celui déjà acquis.

À vrai dire, à cause d’une insertion trop difficile sur le marché de travail local, la

seule alternative pour ces derniers est « de chercher ailleurs ». Pour ce faire, le moyen le

plus sûr et le plus rapide pour pouvoir quitter le pays est de demander un visa mention

« étudiant » qui leur donne droit à un long séjour et leur garantit un certain nombre de

prestations et de droits. Cette nouvelle donnée sera objectivement traitée dans notre enquête.

Les étudiants universitaires tunisiens possèdent quatre possibilités pour étudier à l'étranger.

La première, et la plus répandue, est la mobilité d’une manière autonome : pour résider à

l’étranger, les étudiants comptent sur leurs propres moyens, ou s’inscrivent dans le cadre d'un

programme d'échange interuniversitaire auquel participent plusieurs universités de différents

pays. Par ailleurs, il existe trois types des programmes : les conventions-cadres, les cotutelles

de thèse prenant en considération les étudiants de 2e et 3e cycle, ou encore le programme

d'échange ERASMUS MUNDUS qui a donné naissance au projet Imageen (International,

Maghreb-Europe Education Network). Or, contrairement aux autres programmes, ce dernier

prend en compte tous les cycles d’études.

La Tunisie est un membre « actif » dans le domaine des échanges universitaires, mais son

action interne reste très limitée. Le nombre des étudiants qui bénéficient de ces programmes

est faible, faute d’informations mises à leur disposition. De plus, « la majorité des étudiants

ignorent l'existence de ces ententes de mobilité et partent plutôt en mobilité

autonome ».103D’autre part, le nombre d’étudiants possédant une bourse d’études octroyée

par l’État tunisien est très faible par rapport à ceux qui sont partis à l’étranger comptant sur

103 Ibid., p. 78.

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leurs propres moyens. Les recherches sur ce sujet (étudier la mobilité internationale des

étudiants tunisiens) sont très limitées en nombre et en contenu. La seule étude à notre

possession est celle de Rym BEN CHEIKH (2008).

Dans notre enquête, nous allons tenter d’élargir le champ de recherche et nous tentons

d’apporter des réponses aux questions suivantes :

- Quels sont les facteurs favorables et défavorables à la mobilité internationale des

étudiants ?

- La mobilité des étudiants est-elle la résultante d’une représentation sociale, d’une

quête de savoir ou d’un problème d’insertion sur le marché de travail local ?

- Qui sont les étudiants les plus motivés par la mobilité internationale ?

D’autres questions en découlent de cette dernière :

- Est-ce qu’il y a un lien entre la formation et la motivation de mobilité ?

- Le niveau scolaire et la catégorie socioprofessionnelle des parents sont-ils des

facteurs encourageant la mobilité internationale des étudiants ?

- La structure de la famille et la taille de la fratrie ont elles des répercussions sur

la motivation des étudiants à la mobilité ?

Pour toutes ces questions, nous nous efforcerons d’apporter des réponses lors de l’analyse de

notre enquête. Il faut signaler tout de même que les données sur la mobilité internationale des

étudiants tunisiens étaient très rares, et même lorsqu’elles existent, elles ne sont pas

suffisamment riches pour être exploitées académiquement. Ainsi, les études précédentes sur

le thème de l’emploi des diplômés de l’enseignement supérieur en Tunisie furent limitées

dans l’espace et dans le temps, car les données n’étaient pas toujours disponibles et parfaites,

en particulier dans notre région d’étude (Sud-Est).

Pour ces raisons, nous tenterons de répondre aux questions de notre recherche sous

réserve de la quantité et de la qualité des données et des informations recueillies pour cet

exercice.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons tenté de poser dans un premier temps le problème des

sources de données nécessaires à notre travail. La Tunisie possède un système statistique

relativement performant par rapport à d'autres pays du continent. Néanmoins, les données

collectées et diffusées n’ont pas toujours été le reflet de la réalité sociale et économique du

pays. L’influence du politique impacte négativement la qualité et la diffusion des données.

Depuis la révolution survenue en Tunisie en 2011, les autorités ont entrepris un vaste

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mouvement de redressement, de correction des données existantes et surtout d’amélioration

de la collecte des nouvelles données.

Le deuxième volet de ce chapitre est consacré à l’insertion professionnelle en Tunisie. Elle

nous a permis d’observer que la situation socio-économique est marquée par un chômage de

plus en plus important des diplômés de l’enseignement supérieur, notamment des titulaires

de la maîtrise. L’allongement de la durée d’étude, l’absence de mutations du marché de

l’emploi en fonction de celles survenues dans l’éducation et l’arrivée massive de jeunes

diplômés n’ayant pas les habiletés nécessaires pour exercer les emplois disponibles

contribuent aux difficultés et au retard dans l’insertion des jeunes. De plus, l’allongement de

la durée de la scolarité et le retard des premiers mariages et des naissances, les mutations

socioculturelles et la mise en place de textes législatifs pour favoriser l’éducation et

l’émancipation des femmes font augmenter le nombre de jeunes filles nanties de diplômes en

Tunisie. Mais elles doivent encore faire face aux barrières culturelles et à diverses

discriminations au moment d’accéder à l’emploi. Il est apparu l’existence d’une relation

positive entre l’âge des femmes et la baisse de leur taux d’activité. Plus leur âge augmente,

plus la baisse de leur taux d’activité économique s’accroît. Ceci s’expliquerait, selon les

tenants de cette thèse, par le fait que plus les mères gagnent en âge, plus elles auraient

tendance à s’investir dans la sphère domestique, privilégiant de fait les activités familiales au

détriment des activités économiques.

Qu’il s’agisse des femmes ou des hommes, on constate en Tunisie que plus le niveau

d’instruction s’accroît plus les risques de chômage sont importants. Les femmes sont

toutefois plus touchées que les hommes pour des compétences égales.

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PREMIÈRE PARTIE : ÉLÉMENTS DE

CONTEXTE SOCIO-DÉMOGRAPHIQUE

ET ÉCONOMIQUE

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

51

Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en

Tunisie

Introduction

Dans ce chapitre nous nous proposons d’étudier, au sein de la population tunisienne,

l’ensemble des changements des phénomènes démographiques et matrimoniaux, pour

comprendre par la suite leurs répercussions sur le marché d’emploi.

Au milieu des années 1960, la population tunisienne connait une forte croissance.

Celle-ci a favorisé une pression sur le marché du travail se traduisant par une croissance

considérable de la demande additionnelle annuelle moyenne d’emploi. Dans le souci de

maitriser cette croissance démographique, afin qu’elle ne vienne pas contrarier la

croissance économique, les autorités mettent en place différentes politiques de populations

que nous présenterons. La Tunisie bénéficie d’un bonus démographique incontestable, car

elle a désormais atteint la phase post-transitionnelle au plan démographique, et dispose

d’une main d’œuvre plus qualifiée et massive qu’auparavant.

Dans le contexte tunisien, l’évolution de la population active est due à

l’accroissement rapide de l’activité féminine. Cette situation trouve son explication dans

plusieurs facteurs comme l’augmentation des taux de célibat, car les femmes célibataires

sont dans l’obligation de se prendre en charge financièrement et donc leur présence sur le

marché de l’emploi est indispensable, surtout avec l’évolution des mentalités vis-à-vis au

travail des femmes.

L’analyse de ces transformations au niveau de la population tunisienne en général

nous permettra éventuellement de faire ressortir, dans l’analyse de notre enquête, certaines

caractéristiques spécifiques de la sous-population estudiantine. Nous pourrions apprécier

comment ce bonus démographique pourrait se transformer en dividende démographique et

avoir un impact positif à terme sur la croissance économique.

L’observation de ces différents mouvements démographiques dans ce chapitre est

donc intéressante et pertinente. Nous étudierons successivement la politique

démographique de la Tunisie, la structure et dynamique de la population tunisienne, les

caractéristiques matrimoniales de la population tunisienne, la transition de la fécondité en

Tunisie et l’évolution et les structures des ménages.

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

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I.1 Politiques démographiques en Tunisie

« Nous ne pouvons-nous défendre contre un sentiment d’appréhension

devant la marée humaine qui monte implacablement à une vitesse qui

dépasse de beaucoup celle de l’augmentation des subsistances, car à quoi

servirait l’accroissement de notre production agricole, de nos richesses

minières… si la population doit continuer à s’accroître d’une manière

anarchique et démentielle. Nous n’aurions rien fait, car nous risquons de

nous trouver ramenés malgré tous nos efforts à un niveau inférieur à celui

du point de départ. L’humanité qui par la raison a pu dominer la nature et

vaincre progressivement la maladie, qui a créé l’outil et transformé le

visage du monde, l’humanité est capable de se régenter elle-même et de

maîtriser le rythme devant la procréation ». Bourguiba, Allocution au 3éme

congrès de l’Union Nationale des femmes de Tunisie, 25 décembre 1962.

Depuis l’indépendance, les autorités politiques de la Tunisie prennent conscience de

l'importance de la maîtrise de la démographie dans le processus de développement

économique. La recherche d'un équilibre harmonieux entre les potentiels du pays et sa

masse démographique constitue l'un des objectifs centraux des plans de développement

économique et social en Tunisie. En effet, le pays a conçu une politique de population avec

comme objectif fondamental la maitrise de la croissance démographique, par

l'infléchissement du niveau global de la fécondité jusqu'à ce que la transition

démographique soit achevée. C’est-à-dire le passage d'une fécondité et mortalité élevée à

une fécondité et mortalité basse.

« Si la natalité devait prendre des proportions abusives et se développer

sans frein ni limite, la famille ne pourrait plus accomplir ses devoirs

premiers, les plus simples, c'est-à-dire élever, éduquer et former ses enfants

[...]. Le fait est que la science moderne a découvert le moyen de stériliser la

femme ou l’homme, tout en leur permettant de continuer à remplir leur

devoir conjugal. Car il faut bien faire la distinction entre la mère et

l’épouse. On peut arrêter la première sans porter atteinte à la

seconde ».Bourguiba, discours prononcé à l’occasion de la fête du

Mouled, 14 avril 1973.

Pendant longtemps, la Tunisie était considérée comme un pays pionnier en matière

de régulation des naissances. En adoptant un programme de planification familiale

progressiste, elle s’est vu hisser au premier rang du classement en Afrique et dans le monde

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

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arabe et depuis, les questions démographiques occupent une place de premier ordre dans la

politique économique et sociale du pays. Les progrès enregistrés dans le domaine de la

santé, de l'éducation, de l'emploi, de la couverture sociale et du développement régional en

témoignent.

Pour mieux comprendre l’évolution de la croissance démographique en Tunisie,

nous avons jugé judicieux d’esquisser l'histoire des politiques de population engagées par

l’État (depuis l’indépendance). L’instauration de programme national de planification

familiale en 1966 est considérée comme le fruit d’une volonté politique, qui cherche à

bloquer la croissance démographique et à réduire les disparités entre les milieux ruraux et

urbains.

La planification familiale, ou planning familial, est définie selon l'Office National de

la Famille et de la Population comme étant : « une mesure préventive volontaire prise par

un individu ou un couple pour planifier sa procréation en toute liberté et responsabilité. Il

peut ainsi choisir le moment de la grossesse, le nombre de naissances et les intervalles entre

elles en fonction de ses conditions sanitaires, sociales et économiques ».

Toutefois, l’application du programme de planning familial en Tunisie est passée par

plusieurs phases:

- Le programme expérimental : 1964-1965 : Le gouvernement tunisien signe en 1963 un

accord avec la fondation Ford104 en vue d’instaurer un programme expérimental de

planning familial de deux années, entre 1964 et 1965. Ce programme était confié au

secrétariat d’État de la santé publique. Il comprend des opérations de formation destinées à

fournir les cadres nécessaires, aptes à intervenir auprès de la population.

-Le programme national : 1966-1972 : L’objectif de ce programme national est de rendre

le taux de fécondité global en Tunisie, à la fin du siècle, égal à celui du monde occidental.

En effet, cette phase a inauguré l’ère de l’utilisation massive des méthodes contraceptives.

- Le renforcement du programme : 1973-1983 : cependant, les programmes de planning

familial ont connu certaines limites, se heurtant essentiellement à des obstacles d’ordre

administratif et organisationnel. Pour y remédier, le pouvoir public a opté pour des

solutions adéquates, en commençant par la création de l’Institut National de Planning

Familial et de la Protection Maternelle et Infantile (INPFPMI), en 1971, devenue en 1973

l’Office National du Planning Familial et de la Population (ONPFP).

104 La Fondation Ford a été créée en 1936 par Henri et Edsel FORD. Le but affiché dans les statuts de la fondation était de « recevoir et gérer des fonds pour des objectifs scientifiques, éducatifs et charitables pour le bien public ».

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- La santé maternelle et infantile: 1984-1991105 : Parmi les mesures prises pendant cette

période, on peut citer la tentative de faire reculer l’âge au mariage. Cela a eu un effet sur la

fécondité. En incitant également les mariés à limiter le nombre des naissances, par

l’adoption de la contraception, tous les efforts de planification vont se porter au sein du

couple. En fait, l’objectif majeur est de faire augmenter le taux de prévalence contraceptive

de 27,0 % en 1980 à 40,0 % en 1986.

- La Santé de la reproduction (à partir de 1991) : durant cette période, les priorités du

programme de planification familiale sont de suivre les recommandations internationales,

en adoptant le principe de la santé de la reproduction. Dans ce contexte l’ONPF a fixé

comme projet la promotion des méthodes de contraception et d’espacement (Gastineau,

2001).

Le bilan fait par l’ONPF, concernant l’impact du programme de planning familial

sur les secteurs sociaux, de l’emploi, de l’éducation, de la santé et de l’émancipation de la

femme, est jugé positif comme le montre le passage suivant.

“Nous voilà une trentaine d’années plus tard en 1996, année où l’on peut dire que

cette vision des choses s’est avérée juste et la voie choisie fructueuse : la fécondité

naguère élevée est ramenée à des niveaux non seulement compatibles avec les

moyens du pays, mais fort encourageants pour continuer avec succès la politique

d’émancipation de la femme et de la famille engagée dès l’indépendance. La

croissance de la population qui était jugée explosive par sa rapidité est maîtrisée.

[...] La taille réduite des ménages rencontrée de nos jours contribue grandement à

l’amélioration des conditions de vie de la famille” (ONFP)106.

Au plan juridique, l’État tunisien a mis en œuvre une série de mesures législatives,

servant d’appui pour la réalisation des objectifs envisagés par le programme de

planification familiale, tout en prenant en considération le respect des choix personnels des

individus. À titre d’exemple, les personnes ne sont pas contraintes à limiter le nombre de

naissances, mais elles doivent observer quelques règles impératives, à savoir l’interdiction

de la polygamie ou de donner naissance à des bébés hors de l’institution de mariage. Dans 105 À partir des années 1980, les mesures prises en matière de la population ciblaient la santé maternelle et

infantile. En 1984, l'Office National du Planning Familial et de la Population, placé au départ sous la tutelle du

Ministère de la Famille et de la promotion de la femme, s’est transformé en l'Office National de la Famille et de

la Population (ONFP), placé depuis 1987 sous la tutelle du Ministère de la Santé publique.

106 Cf. GASTINEAU , B., & SANDRON, F. (octobre 2000). La Politique De Planification Familiale En Tunisie (1964-2000). Paris: Centre Français sur La Population et Le Developpement (CEPED) N° 61, p. 31.

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

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les paragraphes suivants, nous essayons d’analyser les contenus et les étapes de l'expérience

tunisienne en matière des politiques démographiques. Faut-il rappeler peut-être que la

Tunisie est fortement influencée par une culture islamique, encourageant plus au moins une

forte fécondité ? De plus les indépendantistes étaient en faveur d’une politique pro nataliste

afin de disposer à terme de supplétifs pour la lutte armée.

Au lendemain de l’indépendance (1956), la Tunisie a instauré une série de lois et a

mené des réformes, particulièrement en faveur des femmes. En 1956, le père de la nation H.

Bourguiba a fixé l'âge minimum au mariage à 15 ans et 18 ans révolus pour la femme et

l'homme, il a interdit la polygamie. Un an plus tard, il a promulgué une loi réorganisant

l'état civil et instaurant l'obligation de la déclaration des événements démographiques. La

réforme de l'enseignement en 1958 a instauré, irrévocablement, le principe de la parité à

l’école, permettant ainsi l'accès à l'école aux garçons comme aux filles. La constitution de

1959 a renforcé l’égalité homme et femme dans les droits et les devoirs. À la charnière de

1960, le pouvoir politique a opté pour la limitation des naissances, en encourageant le

modèle de la famille à taille réduite107 par la suppression des allocations familiales au-delà

du quatrième enfant.

En 1961, une loi qui datait de la période coloniale française, interdisant les produits

contraceptifs, a été abrogée et ces moyens diffusés, ils sont ainsi devenus accessibles et

soumis au même règlement que les autres produits pharmaceutiques. La loi du 20 février

1964 a révisé l'âge minimum au mariage, en le fixant à 17 ans révolus pour la femme et à

20 ans pour l’homme. En juillet 1965, une loi « controversée » a vu le jour, autorisant

l'avortement dans les trois premiers mois de grossesse pour les femmes déjà mères de cinq

enfants.

Entre 1964 et 1965, l'utilisation de la contraception été faible. La proportion des

femmes ayant utilisé un moyen contraceptif était de l'ordre de 7,0 %108. Cette situation a

nécessité l'application des nouvelles mesures, facilitant un recours plus intensif et plus

simple aux méthodes de contraception. La création en mars 1973 de l'Office National du

Planning Familial et de la Population (ONPFP)109 a constitué la pierre angulaire de ce

programme. À partir de mois de septembre de la même année, l'interruption assistée de la

107 Pour réduire encore plus la fécondité, les allocations ont été limitées aux trois premiers enfants depuis 1988. 108 Source : ONFPF 109 Cet organisme est un établissement public sous tutelle du ministère de la Santé publique ayant pour mission l'exécution de la politique gouvernementale en matière de la population.

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grossesse au-delà du troisième mois est autorisée dans un établissement hospitalier ou dans

une clinique reconnue par un médecin conventionné.

Durant ces périodes, le système de l'état civil a connu des révisions et de

nombreuses enquêtes statistiques ont été menées, permettant de suivre l'efficacité des

mesures prises en vue de la réduction de l'accroissement démographique. Elles ont montré

aussi les conséquences de ces mesures, dont la baisse de la fécondité chez les femmes

citadines et instruites était l’un de ses résultats immédiats, même si elle demeure faible chez

les femmes rurales ou issues de milieux défavorisés.

On peut dire qu’en Tunisie les programmes de planification familiale sont au cœur d’une

politique d’État : « c’est véritablement une politique globale qui s’intéresse aux individus,

aux familles et à la population qui est mise en application »110. Ils ont permis de réduire de

façon drastique la mortalité infantile et maternelle ; ces progrès ont eu, entre autres, pour

conséquences : la baisse de la mortalité générale et l’augmentation de l’espérance de vie à

la naissance. Mais, faut-il rappeler peut-être que : « la réussite de la politique de population

ne peut se justifier qu’avec la consolidation du système de planification du développement

socioéconomique » 111.

110 GASTINEAU , B., & SANDRON, F. (octobre 2000). La Politique De Planification Familiale En Tunisie (1964-2000). Paris: Centre français sur La Population et Le Developpement (CEPED) N° 61, p. 10. 111 COSIO-ZAVALA, M.-E. (1994). Changements de fécondité au Mexique et politiques de population. Paris: L'Harmattan, p. 188.

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I. 2 Structure et dynamique de la population tunisienne

I. 2.1 Évolution de la population

La population tunisienne s’est multipliée par environ 5, entre les années trente et

aujourd’hui112. Pendant cette période, l’évolution a connu trois grandes phases, comme le

montre le graphique 1.

Graphique 1 : Évolution de la population tunisienne entre 1921 et 2011

Source: RGPH (1921, 1945, 1956, 1975, 1984, 1994 et 2004) et Enquête Population Emploi, 2009 et 2011

Première phase (1920-1956) : à cette époque la population a presque doublé. On

peut expliquer cette évolution par les changements qui ont affecté la société tunisienne

après la Deuxième Guerre mondiale. Le recul, voire la disparition définitive des épidémies

et l’amélioration progressive de conditions de vie ont contribué non seulement à la baisse

de la mortalité, mais aussi à la hausse de la natalité, le taux d’accroissement annuel était

aux alentours de 2,0 %113.

Deuxième période (1956-à la fin du régime de Bourguiba, début des années 80).En

ces temps, la population a doublé114, et les raisons principales sont: une natalité qui

demeure encore élevée, accompagnée d’une baisse de la mortalité, notamment de la

112 La population tunisienne est passée de 2 093 mille personnes en 1921 à10 434 mille en juillet 2009. (Données de recensement général de la population 1921 et estimations INS en juillet 2009). 113 INS : Recensement 1936 et 1946, durant cette période le taux d’accroissement annuel moyen était égal à 2,0 %. 114 La population tunisienne est passée de 3783 milles habitants en 1956 à 8 785 mille habitants en 1994.

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mortalité infantile. Celle-ci a connu une régression considérable, en passant de 100 ‰ en

1975 à 20,0 ‰ en 2004115, due en grande partie à l’amélioration des conditions sanitaires.

Durant la période allant de 1975 à 1980, le taux d’accroissement annuel était de l’ordre de

2,7 %, c’est le taux maximal qu’a connu la Tunisie. Cette hausse s’explique d’abord par le

progrès en matière de santé, puis par la baisse du nombre d’émigrés à la veille de la

fermeture inexorable des frontières européennes.

Troisième phase (1987, date de changement politique à nos jours). Cette période est

marquée par une baisse de taux d’accroissement, passé de 1.96 % en 1990 à 1.08 % en

2004, pour atteindre 1,01 %116 en 2006. Cette baisse est le résultat d’un programme de

planification familiale mis en place par l’État depuis la fin des années soixante.

I. 2.2 Structure de la population

I. 2.2.1 Structure par âge de la population

Jusqu’en 1994, la population de la Tunisie est considérée comme une population

jeune : 11,0 % de la population est âgée de moins de 5 ans et 45,5 % de moins de 20 ans.

Pourtant, la structure par âge de la population tunisienne a connu une légère transformation.

Ceci est dû en grande partie à la baisse des effectifs de naissances depuis les années quatre-

vingt-dix, ce qui explique le rétrécissement de la pyramide des âges au niveau de la tranche

d’âge 0-4 ans. Comme l’on peut observer sur le graphique 2, il y a une baisse des

proportions d’enfants aux bas âges face à une montée de celles des autres groupes d’âge.

Graphique 2 : Structure par âge de la population tunisienne entre 1966 et 2010

Source: RGPH (1966, 1984 et 2004) et Enquête Population Emploi 2010

115 Source : INS, Recensements de 1975 et 2004. 116 INS, enquête population et emploi 2007, p. 9.

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Ce graphique justifie l’évolution de la structure par âge qui a connu la Tunisie

durant toute cette période. On peut observer, de toute évidence, une montée de la proportion

des personnes adultes (en particulier celle de 15-59 ans, donc la population en âge

d’activité) et une réduction de la proportion des enfants, notamment ceux de moins de 5

ans.

L’évolution de la structure de la population peut être interprétée aussi par le calcul

de l’âge moyen et l’âge médian de la population. L’âge moyen de la population tunisienne

est passé de 24,6 ans à 28,0 ans, entre 1984 et 2004, soit une augmentation de 3,4 années.

Cette tendance s’explique par l’évolution de la structure d’âge de la population sous l’effet

de la baisse de la fécondité, qui a conduit à une réduction de la part des jeunes dans la

population totale. Également, sous l’effet de la baisse de la mortalité, elle a contribué à

l’augmentation de l’espérance de vie, passant de 65,2 ans en 1985 à 74,7ans en 2010117. De

même, l’âge médian est passé de 19,5 ans à 22,4 ans, sur la période 1984-1994 une

augmentation de 2,9 ans a été enregistrée, contre une augmentation supérieure à 3,0 ans

pendant la décennie suivante (1994-2004).

La répartition de la population selon les groupes d'âge, représentée dans les

pyramides des âges suivantes, vient confirmer ce qu'on a dit dans le paragraphe précédent.

Effectivement, on assiste à une baisse relative des effectifs en bas des pyramides contre une

légère hausse aux sommets; quant à la population en âge de travailler, elle reste en

constante augmentation en pourcentage.

L’évolution de la population par tranche d’âge, au cours des vingt dernières années

en Tunisie, illustre le phénomène d’inertie démographique. Les pyramides actuelles ont une

base encore relativement large, malgré le rétrécissement observé pour la tranche d’âge 0-15

ans. Mais la part des personnes âgées de moins de 15 ans ne cesse de diminuer, en passant

de 39,65 % en 1984 à 23,7 % en 2010118.

117 Source : INS, enquête population et emploi 2010. 118 Source : INS, enquête population et emploi 2010.

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Graphique 3: Évolution des pyramides des âges pour la population tunisienne entre 1966 et

2004 (effectifs en cent mille)

Source : RGPH : 1966, 1975,1994 et 2004.

L'allure des pyramides des âges pour la Tunisie, comme en témoigne le graphique 3,

a connu une transformation, en passant d'une pyramide de type « parasol », caractérisée par

une forte natalité, à une pyramide de type « pagode », caractérisée par une natalité faible.

C'est une caractéristique démographique, semblable à celle de plusieurs pays de monde qui

ont achevé leurs transitions démographiques.

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Cette transformation peut être expliquée par plusieurs facteurs, essentiellement la

baisse de la fécondité et le recul de la mortalité. Le premier facteur agit par le bas, en

rétrécissant la base de la pyramide par la diminution du nombre des jeunes. Le second

facteur agit au sommet, grâce aux gains de longévité (augmentation de l’espérance de vie à

la naissance) qui profitent de plus en plus aux personnes âgées.

I. 2.2.3 Évolution future de la structure par âge à l’horizon de 2029

D’après les projections de l’Institut National de Statistique (graphique 4), la

structure par âge de la population tunisienne restera marquée par une réduction du poids des

jeunes de moins de 15 ans (diminuant de 26,8 % à 19,7 % entre 2004 et 2029), alors que la

part de population des 60 ans et plus sera multipliée par 1,9 pendant la même période (il

s’agit du phénomène de « papy-boom»).On assistera ainsi à une baisse de plus en plus

importante du nombre d’enfants d’âge préscolaire et scolaire et à une augmentation du

pourcentage des adultes. L’augmentation de l’âge médian de la population, qui passera au

cours de la période de projection de 25,4 ans au début de la période à 34,5 ans à la fin de la

période, atteste que la Tunisie est réellement engagée sur la voie du vieillissement.

Graphique 4: Projection des pyramides des âges pour la population tunisienne à l’horizon de 2029 (effectifs en cent mille)

Source : Projection INS, 2007.

Selon les différents scénarios119 des projections, le vieillissement de la population

tunisienne est irréversible. La baisse de la fécondité entraîne une réduction de la base de la

pyramide. Ce qui pourrait alléger la charge démographique des jeunes qui pèse sur la

119 Trois scénarios selon l’INS (2007), le premier scénario : (baisse rapide de l’ISF de 0,9 point jusqu’à 2014, puis stabilisation à 1,20 jusqu’à 2029), le deuxième scénario : (baisse modérée de l’ISF de 0,6 point jusqu’à 2014, puis stabilisation à 1,50 jusqu’à 2029), et le Troisième scénario : (baisse lente de l’ISF de 0,3 point jusqu’à 2014, puis stabilisation à 1,80 jusqu’à 2029).

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population active. Cependant, les projections concernant la population mentionnent que le

phénomène du vieillissement va s’accentuer dans les prochaines décennies, comme nous

pouvons le voir dans le tableau 4.

Tableau 4: Évolution de la structure par âges de la population tunisienne à l’horizon de 2029 (en %)

Groupe d’âge 2004 2009 2014 2019 2024 2029

0-4 ans 8,2 8,1 8,0 7,6 6,8 6,0

5-14 ans 18,6 15,8 14,9 14,9 14,6 13,7

15-59 ans 63,7 66,3 66,0 64,5 63,3 62,6

60 ans et plus 9,5 9,8 11,1 13,0 15,3 17,7

Total 100 100 100 100 100 100

Source : INS, RGPH (2004) et Projection INS (2007) Scénario central.

Aussi, en adoptant l’hypothèse moyenne retenue pour le XIe Plan de

développement, entre 2004 et 2029 le taux de dépendance démographique des personnes

âgées augmentera de 15 % à 28 % (c’est-à-dire le nombre de retraités pour 100 actifs

passera de 15 en 2004 à 28 en 2029, comme le montre le graphique 5). Ceci aura des

conséquences sur le financement de la caisse de sécurité sociale. Nous présentons ici le taux

de dépendance démographique des personnes âgées 120 qui se définit comme le rapport

entre le nombre de personnes âgées de 60 ans ou plus par rapport aux autres adultes âgés de

15 à 59 ans. Dans le futur, l’augmentation du taux de dépendance démographique sera le

résultat de la progression du nombre de personnes âgées. Cependant, le nombre d’adultes

en âge de travail devrait rester à peu près stable, stagnant au tour de 63 %. Le taux de

dépendance démographique augmentera essentiellement en raison de la baisse de la

fécondité et de l’allongement de l’espérance de vie. La hausse signalée par cet indicateur a

été enregistrée durant une période économique difficile, caractérisée par la montée en

flèche de la courbe de chômage des jeunes. Un véritable fardeau pour l’État qui risque

d’accroitre le déficit des caisses de sécurité sociale.

120 Le taux de dépendance démographique peut être calculé comme le rapport des personnes de plus de 60 ans et plus à celles entre 15 et 59 ans, appelé aussi ratio de dépendance vieillesse.

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Graphique 5: Taux de dépendance démographique de la population âgée de 60ans et plus par rapport à celle entre 15 et 59ans

Source : RGPH : 1966, 1975, 1984,1994 et 2004 Projection INS (2007) Scénario central.

D’autre part, le ratio de dépendance démographique121 (nombre d’inactifs rapporté

au nombre d’actifs) a été de 1,08 en 1966, ce qui correspond à 108 inactifs pour 100

travailleurs (la production de ces derniers constitue donc le pouvoir d’achat de 208

individus). Cet indicateur était de l’ordre de 57 inactifs pour 100 travailleurs au cours du

recensement de 2004, et il connait depuis 2010 une tendance à la hausse, l’INS prévoit 65

inactifs pour 100 travailleurs en 2039 (tableau 5).

Tableau 5: Ratio de dépendance démographique en Tunisie entre 1966 et 2039

1966 1984 2004 2010 2019 2024 2029 2034 2039

Ratio de dépendance 1,08 0,87 0,57 0,51 0,55 0,58 0,60 0,63 0,65

Source : RGPH :(1966, 1984 et 2004) Projection INS (2007) Scénario central.

En Tunisie depuis 1984, la structure par âge de la population connait une supériorité

des actifs par rapport aux inactifs, ce qui est appelé «bonus démographique», ou « âge d’or

démographique», ou encore «dividende démographique». Or, cette donnée démographique

est à la fois un défi et une opportunité. L’opportunité est celle de bénéficier d’un taux de

dépendance (nombre d’inactifs pour un actif) relativement faible. Le défi est d’encourager

davantage la création d’emplois qui soit corrélée avec l’accroissement de capital humain

des jeunes à la recherche de leur premier emploi

121 Le ratio de dépendance démographique est fonction de la structure par âge de la population. C’est le rapport du nombre d’individus supposés « dépendre » des autres pour leur vie quotidienne – jeunes et personnes âgées – et le nombre d’individus capables d’assumer cette charge.

Page 64: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

64

I. 2.2.4 Structure par sexe de la population

Lors de recensement de 2004, la population de la Tunisie était estimée

à 9 910 872122 personnes, avec un faible sureffectif masculin, soit 50,5 %123 de la

population totale étant de sexe masculin. Le surplus d’hommes est en recul. Cette baisse

progressive continue d’être enregistrée d’un recensement à un autre (comme en témoigne le

tableau 6). La baisse de nombre des hommes par rapport aux femmes est liée

principalement à la migration masculine, essentiellement en quête de travail vers l’étranger.

Tableau 6 : Évolution de la Proportion des hommes entre 1966 et 2010 (en %)

1966 1975 1984 1994 2004 2010

Proportion d’hommes 51,1 50,8 50,9 50,6 50,1 49,9

Source : RGPH :(1966, 1975, 1984,1994 et 2004) et Enquête Population Emploi 2010.

La structure de la population par sexe peut être interprétée à travers le rapport de

masculinité, calculé en rapportant le nombre des hommes à cent femmes. Cet indicateur à la

naissance est naturellement proche de 105 garçons pour 100 filles. Pour les autres âges, il

dépend surtout de la migration et d’une surmortalité masculine ou féminine. En 1984, ce

rapport était de 103,7 hommes pour 100 femmes, alors qu’en 2004 on avait presque autant

d’hommes que de femmes, avec 100,4 hommes pour 100 femmes. À ce stade de la

recherche, nous pouvons poser la question suivante : la baisse de rapport de masculinité sur

la période de 1984 à 2004, la domination numérique progressive des femmes cachait-elle

une disparité entre les groupes d'âge?

Ainsi, le graphique 6 nous décrit l'évolution de rapport de masculinité par groupes d'âge

(nombre d'hommes de chaque groupe d’âge rapporté à 100 femmes du même groupe

d’âge). La répartition du rapport de masculinité selon l’âge montre que, pour la population

en âge d’activité, cet indicateur est inférieur ou égal à l’unité, ce qui peut être dû à

l’émigration masculine. Entre 1984 et 2004, le nombre d’hommes pour cent femmes âgées

de 55 ans et plus a connu une baisse remarquable. Elle peut être expliquée notamment par

l’élévation de l’espérance de vie féminine ou bien le non-retour des émigrés.

122 Source : RGPH 2004. 123 Idem.

Page 65: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

65

Graphique 6: Rapport de masculinité selon l’âge en Tunisie entre 1984 et 2004

Source : Rapport calculé à partir de données de l’INS.

I. 2.3 Transition démographique en Tunisie

Il faut mentionner que la Tunisie a entamé la dernière phase de la transition

démographique en moins de 50 ans, contrairement aux pays de l’Europe, où la transition a

duré deux siècles pour certains.

Graphique 7: Transition démographique en Tunisie

Source : Données INS.

Page 66: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

66

Le principe de transition démographique a été énoncé en 1945 par le démographe

anglais Franck NOTESTEIN. Il décrit quatre phases d'évolution dans la croissance

démographique.

La première phase correspond au régime démographique traditionnel, caractérisée par des

taux de natalité et de mortalité élevés, avec une mortalité en baisse. La deuxième phase

correspond à la première étape de la transition démographique, définie par une baisse de

taux de mortalité et de natalité. Lors de la troisième phase, qui correspond à la deuxième

étape de la transition démographique, le taux de natalité continue à baisser alors que le taux

de mortalité se stabilise, à partir des années 90 à environ 6 ‰. La dernière phase

correspond au régime démographique moderne, caractérisée par une natalité et une

mortalité faibles et une croissance faible ou négative.

En Tunisie, la transition démographique était classique parce que la baisse de la natalité a

été postérieure à la baisse de la mortalité et que le contrôle de la fécondité s’est fait en

amont par la nuptialité (comme dans la plupart des pays musulmans, les naissances hors

mariage ne sont pas permises), ensuite par l’utilisation des moyens de contraception.

En somme, la transition démographique en Tunisie a été accompagnée par une

amélioration des conditions de vie des autochtones. Commençant par une transition

épidémiologique sanitaire, avec l’éradication des maladies transmissibles, à savoir le

paludisme, le trachome, la tuberculose, la poliomyélite, le tétanos, la diphtérie, etc.

Authentiquement, « la baisse très rapide de la mortalité générale et infantile grâce au

développement du système de santé publique et de l’infrastructure sanitaire, le

développement économique et la mutation sociale et culturelle qu’a connus le pays durant

les trente années écoulées expliquent en grande partie cette mutation épidémiologique »124.

La transition sociale, économique et culturelle a aussi favorisé ce progrès dans le secteur de

la santé.

I. 2.4 Espérance de vie à la naissance en Tunisie

La mortalité infantile a largement régressé, atteignant 16,8 % en 2010 contre

184,0 ‰ en 1960125. Cette chute de taux de mortalité infantile a un impact direct sur la

mortalité en général. Le taux brut de mortalité a baissé de 19,0 ‰ en 1960 contre un taux

relativement stable 5,7 ‰ actuellement. Cette baisse de la mortalité a affecté directement

124 BEN BRAHIM, A. (2004). Transition des structures par âge et vieillissement en Tunisie.Paris: Seminaires du (CICRED) Committee for International Cooperation in National Research in Demography, p. 5. 125 Source : INS.

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

67

l’espérance de vie, qui est passée en cinquante ans (entre 1960 et 2010) de 48,3 à 74,7

ans126 (pour les deux sexes), en partie grâce à l’amélioration des prestations de santé. Par

ailleurs, la disparité entre hommes et femmes en matière d’espérance de vie reste

remarquable (comme nous pouvons l’observer sur le graphique 8). En effet, l’écart entre les

espérances de vie féminine et masculine stagne autour de 4 ans en 2009, contre un an avant

les années soixante-dix. Vraisemblablement, cette différence est liée à une surmortalité

masculine qui s’explique entre autres par les accidents de travail, de la route, et de la

consommation excessive de tabac ou d’alcool. Par contre, la diminution de la mortalité

féminine est due essentiellement à la baisse de la mortalité maternelle127.

Graphique 8 : Espérance de vie à la naissance en Tunisie depuis 1960

Source : INS

L’inégalité devant la mort est incontestablement le résultat synthétique des

inégalités sociales128. Ces inégalités sociales sont en grande partie induites par des

disparités régionales. Cependant, en Tunisie, les disparités de la mortalité par région sont de

plus en plus faibles.

En conclusion des changements démographiques de la population tunisienne, la

projection à l’horizon de 2029 effectuée par l’INS montre qu’au moins 3/5 de la population

seront en âge d’activité. Durant ces temps-là, la population tunisienne va connaitre un

126 Ibid,. 127 BEN BRAHIM, A. (2004). Transition des structures par âge et vieillissement en Tunisie. Paris: SEMINAIRES du (CICRED ) Committee for International Cooperation in National Research in Demography? p. 7. 128 Cf. Office National de la Famille et de La Population. (2009). Les Cercles de la Population et de la Santé de la Reproduction 8e session – 2009 4e table ronde « Projection et perspectives de la population : quel avenir pour la Tunisie ? ». Tunis: ONFP, p. 13.

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

68

accroissement du capital humain, et elle va faire face à un défi majeur, celui de la création

d’emplois adéquats, en particulier, pour les diplômés du supérieur.

I.3 Caractéristiques matrimoniales de la population tunisienne

La Tunisie confirme le rôle éminent que peut jouer

l’évolution des comportements matrimoniaux dans la baisse de la

fécondité dans une société où la procréation est inconcevable en

dehors du mariage129.

Parmi les indices qui peuvent confirmer par excellence le développement d’un pays

et montrer le degré de la modernisation de sa société, on peut citer deux indicateurs : le

recul de l’indice de fécondité et la maîtrise démographique. On peut signaler qu’en Tunisie

les réformes appliquées avec rigueur en la matière ont porté leurs fruits. Le pays enregistre

des résultats réjouissants, voire performants, et cela pour ne pas dire les meilleurs en

Maghreb et au Moyen-Orient. Nous l’avons déjà dit, la Tunisie s’est hissée au rang des

pays pionniers grâce à son programme de planning familial, mis en place en 1966. La

question démographique était urgente, elle occupait une place de premier plan dans la

politique de l’État. Le nombre d’enfants par femme est passé de 7,2 dans les années 1966 à

3,4 en 1990.Actuellement, il se situe autour de 2 (au niveau du seuil de remplacement des

générations de 2,05 enfants par femme130). Il devrait encore baisser à 1,75 en 2024, selon

les projections faites par l’INS131.

Dans les paragraphes suivants, nous pouvons procéder à l’étude de l’impact des

politiques familiales sur l’individu et la composition de la famille, de la manière suivante :

d’abord, dans un premier temps, nous essayerons de retracer l’évolution de la population à

l’échelle des individus afin d’évoquer la nuptialité et la fécondité. Puis, dans un deuxième

temps, nous essayerons de voir ce qui joue à l’échelle des ménages, à travers l’examen de

sa structure et sa taille.

129 GASTINEAU, B. (2011). Transition de la fécondité, développement et droits des femmes en Tunisie. Marseille: Laboratoire Population-Environnement-Développement, Unité mixte de Recherche IRD-Université de Provence 151, série Population-Santé Documents de recherche n° 21, p. 6. 130 Selon l’INSEE, le renouvellement des générations est assuré à la naissance si le nombre de filles dans la génération des enfants est égal au nombre de femmes dans la génération des parents. En l'absence de mortalité, 2,05 enfants par femme seraient suffisants pour assurer le remplacement d'une génération (2,05 et non 2, car il naît 105 garçons pour 100 filles). 131 Cf. Office National de La Famille et de La Population. (2009). Les Cercles de la Population et de la Santé de la Reproduction 8e session – 2009 4e table ronde « Projection et perspectives de la population : quel avenir pour la Tunisie ? ». Tunis: ONFP, p. 5.

Page 69: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

69

I. 3.1 Tradition et nuptialité

La situation sociale et culturelle de la Tunisie au XIX° siècle est largement favorable

à une forte fécondité. Les mariages sont précoces, généralisés et le choix des époux revient

aux parents. La conception traditionnelle est celle de l’alliance entre des familles, et non

entre des individus. Les conjointes dépendent fortement de leurs maris (financièrement et

juridiquement). Elles sont restées longtemps confinées dans l’espace privé, même si elles

participent néanmoins à quelques travaux agricoles de l’exploitation familiale. Par-delà les

tâches domestiques, les activités des femmes urbaines relèvent principalement de

l’artisanat : broderie, confection et tissage. Elles n’ont pas accès à l’espace économique,

leurs productions sont commercialisées par les hommes et elles ne disposent ni de revenus

ni de statut professionnel proprement dit. Dans cette organisation sociale, la famille et la

maternité tiennent une place importante dans la vie d’une femme. Une fois qu’elle a fait

preuve de sa fertilité, elle voit son statut social et familial s’améliorer surtout lorsqu’elle

met au monde un garçon, car, « traditionnellement en Tunisie, la préférence est donnée à la

descendance masculine »132. À l’époque, la stérilité est la principale cause de répudiation,

une famille nombreuse constitue en quelque sorte une source de prestige social. C’était une

ère où les familles nombreuses sont valorisées.

Le code du statut personnel, promulgué en 1956, revu et relu quelques années plus

tard, a bouleversé complètement les règles traditionnelles de mariage, en accordant plus de

droits aux femmes. Les unions coutumières « Orf » et les mariages traditionnels ont

progressivement disparu. Les évolutions ne sont pas les mêmes pour la nuptialité masculine

et féminine. En 1966, les hommes se mariaient en moyenne vers 27 ans, les femmes vers 21

ans. À partir de cette date, l’âge au premier mariage a augmenté moins rapidement pour les

hommes que pour celui des femmes. Ceci se confirme par une réduction de l’écart de l’âge

des époux au premier mariage, passant ainsi de 6,1 ans en 1966 à 3,6 ans en 1994. C’est

surtout après 1984, au lendemain de la crise économique, que l’âge au mariage des hommes

a augmenté, tandis que les changements dans le calendrier nuptial des femmes remontent à

1966.

Toutefois, l’ampleur de ces changements, intervenus depuis 1956, nous invite à les

mettre en exergue. Entre 1956 et 1966, une première phase a eu lieu pendant laquelle la

132 GASTINEAU, B. (2011). Transition de la fécondité, développement et droits des femmes en Tunisie. Marseille: Laboratoire Population-Environnement-Développement, Unité mixte de Recherche IRD-Université de Provence 151, série Population-Santé Documents de recherche n° 21, p. 10.

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

70

nuptialité des jeunes filles de 15 à19 ans recule fortement sous l’effet du code cité

précédemment. Puis entre 1966 et 1975, le pays a connu une seconde phase, caractérisée

par une baisse considérable de la nuptialité des jeunes entre 19 et 24 ans. Ensuite, entre

1975 et 1980, une autre phase est survenue avec des évolutions moins fortes. Elles sont

devenues signifiantes durant les années 1984-1994, chez les tranches d’âges entre 20 et 34

ans.

I. 3.2 Population selon l’état matrimonial et le milieu

L’évolution de la population selon l’état matrimonial et le sexe, entre 1966 et 2004,

montre une augmentation de poids des célibataires dans la société au détriment des mariés,

passant de 26,3 % à 42,6 %. Elle signifie aussi la transformation structurelle de l’état

matrimonial, plus marquée chez les femmes que chez les hommes. Pour la même période,

la proportion des femmes célibataires a doublé, passant de 18,6 % à 38,0 % ; pour les

hommes, célibataires elle a augmenté aussi, passant de 33,8 % à 47,1 %.

Tableau 7: Répartition selon l’état matrimonial et le sexe entre 1966 et 2004

Célibataire Marié Veuf Divorcé

1966 2004 1966 2004 1966 2004 1966 2004

Masculin (%) 33,8 47,1 63,3 51,4 2,3 1,0 0,6 0,5

Féminin (%) 18,6 38,0 67,6 52,0 12,3 8,5 1,5 1,5

Total

Effectifs

(en milliers) 2 738,5 3 086,1 1 591,6 3 757,1 175,4 349,7 26,2 75,0

% 26,3 42,6 65,4 51,8 7,2 4,8 1,1 0,8

Source : RGPH (1966 et 2004).

Irrévocablement, le comportement de la population vis-à-vis de la nuptialité varie

selon le milieu de résidence.

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

71

Tableau 8 : Population de 15 ans et plus selon l'état matrimonial et le milieu de résidence en 1994 (en %)

Célibataire Marié Veuf Divorcé Total

Milieu

communal

(urbain)

Masculin 45,3 53,2 1,0 0,5 100

Féminin 33,8 55,2 9,3 1,7 100

Ensemble 39,6 54,2 5,1 1,1 100

Milieu non

communal

(rural)

Masculin 44,4 54,0 1,3 0,3 100

Féminin 36,2 55,1 7,9 0,8 100

Ensemble 40,3 54,5 4,6 0,6 100

Source : RGPH 1994.

D’après le tableau 8, on peut constater, en 1994, que la proportion des femmes

célibataires en milieu non communal133 est plus élevée que celle du milieu communal (cette

tendance peut être expliquée par l’émigration à l’étranger des hommes en quête de travail).

Par ailleurs, le pourcentage des femmes mariées est pratiquement le même dans les deux

milieux, la proportion des femmes veuves et divorcées est plus importante en milieu

communal qu’en milieu non communal. En revanche, le pourcentage des hommes

célibataires en milieu communal est plus élevé qu’en milieu non communal, par rapport au

pourcentage des mariés. Par ailleurs, les pourcentages des hommes veufs ou divorcés dans

les deux milieux sont plus faibles que chez les femmes et leurs écarts entre milieux sont

négligeables.

I. 3.3 État matrimonial selon l’âge et le sexe

La comparaison de la situation matrimoniale par sexe et âge montre la différence

entre les deux sexes. Comme l’on peut le voir sur le graphique 9, la société tunisienne reste

néanmoins prisonnière de certains stéréotypes relatifs au statut de la femme, même après le

mariage. Car, souvent, une fois mariée, elle devient l’otage des plusieurs contraintes

sociales. En effet, la société ne tolère pas toujours le remariage de la femme suite au décès

de son conjoint ou à un divorce. Ceci explique bel et bien la persistance des proportions

élevées du veuvage et de divorce chez les femmes. Aussi l’espérance de vie chez les

133 Auparavant, on parlait de secteur rural et de secteur urbain, mais depuis l'enquête emploi de 1997, on parle de

milieu non communal (substituant le milieu rural) et de secteur communal (au lieu de milieu urbain). Le milieu

non communal, quant à lui, est l'ensemble des secteurs hors des périmètres communaux. Il englobe la population

vivant dans des agglomérations non érigées en communes et la population éparse vivant à l'état isolé

Page 72: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

72

femmes, plus élevée par rapport aux hommes, peut être considérée comme un facteur

incontournable dans l’explication de cette différence.

Graphique 9 : État matrimonial selon le sexe et l’âge en 2004

Source :RGPH 2004.

Page 73: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

73

I. 3.4 Évolution des taux de célibat

Depuis le milieu des années soixante, les proportions de célibataires (pour les deux

sexes) n’ont cessé d’augmenter, particulièrement pour les tranches d’âges 20-35 ans. C’est

ainsi que le pourcentage des célibataires, dans le groupe d’âge 30-34ans par exemple, est

passé de 9,9 % en 1966 à 24,6 % en 1994 et à 39 % en 2004, soit une augmentation de

293 % entre 1966 et 2004, comme on peut le voir sur le tableau 9.

Tableau 9: Évolution des taux de célibataires (en %) par groupe d’âge

Année Groupe

d’âge 1966 1975 1984 1994 2004

15 -19 ans 90,3 96,8 96,6 98,5 98.8

20 -24 ans 53,8 68,9 75,4 84,4 90,6

25 -29 ans 24,2 30,0 38,1 54,0 68,3

30 -34 ans 9,9 9,9 13,7 24,6 39,0

35 -39 ans 5,2 4,5 4,8 9,2 17,4

40 – 44 ans 3,5 2,9 2,7 4,7 8,8

45 – 49 ans 2,7 2,3 2,1 2,7 4,9

Ensemble 26,3 35,9 37,9 39,9 42,6

Source: RGPH (1966 à 2004).

L’étude des taux de célibataires selon le sexe, par comparaison des résultats des

recensements de la population, concernant le taux de célibat entre 1984 et 2004, le

Graphique 10 montre que c’est le calendrier de la nuptialité féminine qui a connu le plus de

bouleversements. À titre d’exemple, entre 25 et 29 ans, seulement 24,6 % des femmes en

1984 sont célibataires contre 52,7 % en 2004. Cela indique que les jeunes filles repoussent

aussi de plus en plus l’échéance de leur premier mariage, à tel point qu’en 2004, pour la

tranche d’âge de 30-34 ans, un peu moins du tiers, plus exactement 28,0 % des femmes,

sont encore célibataires. Nous constatons sur le graphique 10 également la montée

remarquable du taux de célibat dans les groupes d’âge 20-24 ans et 25-29 ans.

Page 74: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

74

Graphique 10 : Évolution de taux de célibataires (en %) par sexe et groupe d’âge

Source : INS, RGPH ( 1984,1994 et 2004).

Cette transformation du calendrier de la nuptialité suit la même tendance chez les

hommes que chez les femmes. D’autre part, quelles que soient la tranche d’âge et l’année,

les hommes célibataires sont toujours plus nombreux que les femmes. En outre, on a

remarqué qu’à tout âge, pour chacun de deux sexes, le taux est plus élevé en 1994 qu’en

1984, et en 2004 qu’en 1994 : c’est-à-dire que les personnes repoussent de plus en plus

l’échéance de leur premier mariage.

Le graphique 10 montre l’entrée de plus en plus tardive des femmes dans la vie

conjugale, surtout pour le groupe d’âge 20-29 ans, ce qui peut être le résultat de

l’accroissement du taux de célibat. Cet accroissement est plus important chez les femmes

que chez les hommes, surtout pour le groupe d’âge 20-24ans. Les femmes sont passées

d’un cycle de vie essentiellement consacré au mariage à un nouveau cycle, où l’âge adulte

commence par une période assez longue de célibat.

I. 3.5 Évolution de l’âge moyen de premier mariage

L’étude de la nuptialité nous indique que l’âge moyen au premier mariage pour les

hommes comme pour les femmes n’a cessé d’augmenter, notamment chez les femmes,

passant de 20,9 ans en 1966 à 29,2 ans en 2001.

Page 75: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

75

Tableau 10 : Évolution de l’âge moyen de premier mariage et l’écart d’âge entre époux

Année Hommes Femmes Écart d'âge

1966 27,0 20,9 6,1

1975 27,1 22,6 4,5

1984 28,1 24,3 3,8

1994 30,3 26,6 3,7

2001 32,9 29,2 3,7

Source : INS, RGPH 1966 à1994, ONFP (Enquête tunisienne sur la santé de la famille 2001).

L’écart d’âge entre les époux a connu également une transformation. Il a chuté de

6,1 ans en 1966 pour stagner à 3,7 ans en 2001, comme nous pouvons le voir dans le

tableau 10. Ceci est dû principalement à la hausse de l’âge moyen au premier mariage des

femmes. Dans le monde rural, le déséquilibre matrimonial, causé notamment par

l’émigration des hommes vers les villes et/ou vers l’étranger, explique également la forte

augmentation de l’âge au mariage de femmes.

D’après le tableau 11, l’âge moyen au premier mariage augmente pour les deux

sexes dans le milieu rural et urbain, mais l’écart d’âge baisse d’une manière plus importante

dans le milieu rural que dans le milieu urbain. Ceci est dû principalement comme l’on a

déjà évoqué au déséquilibre dans le marché matrimonial. Le contraste entre un monde

rural, où les femmes se mariaient très jeunes, et un monde urbain où les filles se mariaient

plus tardivement tend à disparaître (Ben Brahim & Fourati, 2007).

Tableau 11 : Évolution de l’âge moyen au premier mariage et de l’écart d’âge entre époux selon le milieu

Année Masculin Féminin Écart d'âge

Urbain Rural Urbain Rural Urbain Rural

1966 28,0 26,2 21,8 20,2 6,2 6,0

1975 28,6 27,0 23,5 22,4 5,1 4,6

1984 28,6 27,3 24,7 23,7 3,9 3,6

1994 30,7 29,3 26,6 26,5 4,1 2,8

2001 33,3 32,2 29,0 29,5 4,3 2,7

Source : INS, RGPH (1966 à1994), ONFP (Enquête tunisienne sur la santé de la famille 2001).

Page 76: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

76

I. 3.6 L’état matrimonial selon le niveau d’instruction

Le tableau 12 nous indique l’impact de la scolarisation sur la répartition de la

population selon l’état matrimonial. Il confirme que les changements provoqués par la

scolarisation massive, notamment celles des filles, ont joué un rôle très important dans la

transition matrimoniale en Tunisie. L’instruction et la prolongation de la durée des études

font apparaître de nouveaux espoirs et ouvrent la voie à un emploi. De ce fait, ces jeunes

filles retarderont leur entrée en mariage.

Selon l’enquête tunisienne sur la santé de la famille réalisée en 2001, plus des deux

tiers (67,1 %) des filles ayant le niveau secondaire et 58,2 % de celles ayant poursuivi des

études supérieures étaient célibataires au moment de l’enquête.

Tableau 12 : État matrimonial selon le niveau d’instruction et le sexe à l’âge de 15 ans et plus

Masculin Féminin

Célibataire Marié Veuf Divorcé Célibataire Marié Veuf Divorcé

Néant 6,9 86,4 6,2 0,5 13,0 63,8 2,6 1,6

Primaire 39,6 59,6 0,2 0,6 47,3 48,8 2,0 1,9

Secondaire 52,8 46,4 0,3 0,5 67,1 30,1 1,6 1,2

Supérieur 55,0 44,5 0,05 0,45 58,2 39,0 1,6 1,2

Source : Enquête tunisienne sur la santé de la famille 2001.

La prolongation de la durée des études n’est pas l’unique raison du recul de l’âge au

premier mariage. La même enquête de 2001 nous éclaire sur d’autres raisons, de nature

économique et sociodémographique, l’augmentation du coût des frais de mariage étant la

plus importante cause de recul de l’âge au mariage. Suivi en deuxième lieu par l’attente

d’un emploi. La poursuite des études constitue la troisième raison selon l’enquête.

Cependant, ce motif était beaucoup plus évoqué par les filles que chez les garçons.

GASTINEAU estime que « le déséquilibre du marché matrimonial »134(qui veut dire

que le nombre des femmes qui sont disponibles pour se marier est plus important que celui

des hommes à cause de l’émigration de ces derniers ou d’autres contraintes souvent d’ordre

financier) est un déterminant capital de la transition matrimoniale en Tunisie.

134 GASTINEAU, B. (2001, mai). La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement. Nanterre: Thèse pour Doctorat en Démographie, Université Paris X Nanterre, p. 142

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

77

Tableau 13 : Répartition des causes du recul de l’âge au mariage selon le sexe en %

Sexe féminin Sexe masculin

Augmentation des frais de mariage 30,9 33,9

Attente d’un emploi 18,7 21,1

Terminer ses études 17,5 13,3

Difficulté à trouver un logement 12,2 13,1

Difficulté à trouver le bon parti (conjoint) 5,8 5,4

La peur de la responsabilité du mariage 6,2 3,6

Autres causes 8,7 9,3

Source : Enquête tunisienne sur la santé de la famille 2001.

Dans son rapport en 2007135 l’ONFP a conclu que les déterminants du changement de la

nuptialité sont principalement :

Le développement de la scolarisation qui retient de plus en plus de femmes et les

soustrait du marché de la nuptialité ;

les mesures législatives issues du code du statut personnel, promulgué en août

1956, depuis revu, corrigé et consolidé ;

l’insertion de plus en plus importante notamment des jeunes filles sur le marché

du travail rémunéré ;

l’augmentation des coûts des cérémonies du mariage et de mise en place d'un

nouveau couple ;

l’émigration vers les grandes villes, en particulier vers l'étranger. Ce qui a

impliqué des déséquilibres d'effectifs de candidats au mariage ;

la montée de l'individualisme, la peur de l'échec de l'union, la peur d'assumer la

responsabilité familiale, etc. Tant de facteurs qui ont contribué à retarder l'entrée

en union des jeunes candidats au mariage.

Le même rapport estime que les conséquences de ces profonds changements de la

nuptialité sont d’ordre psychosocial et démographique.

135 Ben Brahim, A., & Fourati, H. (2007). Les changements profonds dans le phénomène de mariage en Tunisie : causes et conséquences économiques , sociales et démographiques de la nuptialité en Tunisie. Tunis: ONFP.

Page 78: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

78

L’évolution de l'âge moyen au premier mariage, synthétisée par un calendrier de

plus en plus tardif des femmes tunisiennes dans la vie conjugale et féconde, a

contribué d'une manière décisive au recul de la fécondité et à sa maîtrise.

L’influence du mariage sur la fécondité en Tunisie. Rappelons que cette

institution reste le seul cadre légitime et accepté socialement et culturellement.

En conclusion, en Tunisie, les changements de l’état matrimonial et le recul de l’âge

au mariage sont les résultats de plusieurs éléments ayant contribué à l’évolution du

calendrier de la nuptialité. Citons à titre d’exemple : les mesures législatives, la transition

entre scolarisation, formation et emploi, le chômage et l’émigration des jeunes. L’ensemble

de ces facteurs a eu un impact direct sur le retard de l’âge au premier mariage.

La situation matrimoniale en Tunisie a beaucoup évolué, conséquence de mutations

sociales profondes. On peut évoquer entre autres la scolarité et l’entrée des femmes dans la

sphère économique qui a aussi des effets sur la fécondité, ce que nous allons analyser dans

les paragraphes suivants.

I. 4 Transition de la fécondité en Tunisie

Il faut rappeler que la fécondité en Tunisie est fortement attachée à l’entrée en union. Dans

le même sens, Gastineau estime que « L’étude de nuptialité est indispensable pour l’étude

de fécondité en Tunisie »136. Dans les paragraphes qui suivent, nous allons analyser

l’évolution de la fécondité et ses déterminants.

I. 4.1 Taux brut de natalité

Le graphique 9 montre la baisse de taux brut de natalité, il est passé de 47,0 ‰ en

1967 à 16,8 ‰ en 2004 (cet indicateur est de l’ordre de 19,3 % selon l’INS). Cette baisse

du taux brut de natalité est le résultat de deux facteurs :

Le premier, que l’on peut qualifier de volontaire, se traduit par la politique officielle

conçue par l’État tunisien, visant à réduire le taux d’accroissement de la population par

l’application du planning familial. Ce programme veille à mettre en œuvre les législations

adoptées, telles que la limitation des allocations familiales aux quatre premiers enfants,

l’autorisation de la vente des contraceptifs et la libéralisation de l’avortement.

136 GASTINEAU, B. (2001, mai). La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement. Nanterre: Thèse pour Doctorat en Démographie, Université Paris X Nanterre, p. 214.

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

79

L’autre facteur est lié à la structure par âge et sexe de la population tunisienne.

Manifestement, l’arrivée de classes d’âges creuses, conséquence des épidémies de typhus et

de typhoïde qu’a connues la Tunisie auparavant (femmes à l’âge du mariage depuis les

années soixante-dix), a engendré proportionnellement moins de naissances137.

I. 4.2 Taux de fécondité selon l’âge

L’évolution de la structure par âge de la fécondité confirme bel et bien l’état

d’avancement de la transition de la fécondité. Le graphique 11 montre que la baisse de la

fécondité a touché toutes les classes d’âges, avec un décalage de calendriers de naissances

(le groupe d’âge modal tend à la hausse). En 2006, la structure de cette fécondité est

semblable à celle du modèle classique caractérisée par une faible fécondité dans la classe

d’âge de 15-19 ans (6 ‰), suivie par une croissance légèrement rapide pour atteindre un

maximum chez les femmes de 30 à 34 ans (126 ‰) et ensuite une baisse régulière au fur et

à mesure que l’âge de la femme avance.

Graphique 11: Évolution des taux de fécondité générale par groupe d’âge en Tunisie (1966-2006)

Source : INS.

137 SEKLANI, M. (1974). La population de la Tunisie. Tunis: Année mondiale de la population 1974, CICRED, p. 52.

Page 80: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

80

I. 4.3 Indice synthétique de fécondité

On assiste depuis les années soixante à une baisse remarquable de l’indice

synthétique de fécondité138. Cet indice est presque passé au tiers de sa valeur dans la

période allant du début des années soixante jusqu'à 2011(tableau 14).

Pendant le milieu des années 1960, l’indice synthétique de fécondité était de l’ordre

de 7 enfants par femme. Depuis cette date, on assiste à une baisse continue, la fécondité des

femmes tunisiennes venant d’atteindre son niveau le plus bas depuis l’indépendance, juste

au seuil de renouvellement des générations, avec 2 enfants par femme en 2002 (tout juste ce

qu’il faut pour qu’une mère soit, à la génération suivante, remplacée par une fille et une

seule en l’absence de mortalité).

Tableau 14: Évolution de l’indice synthétique de fécondité en Tunisie depuis 1966

Année 1966 1972 1985 1994 1997 2002 2004 2008 2011

Indice synthétique

de fécondité (ISF) 7,2 6,0 4,5 2,9 2,4 2,0 2,1 2,1 2,2

Source : RGPH (1966 à 2004) et Enquête Population Emploi (2008 et 2011).

L’évolution de l’indice synthétique de la fécondité depuis 1966 et jusqu’à 2011, a

connu une baisse remarquable dans toutes les régions. Cette baisse de l’ISF a affecté tous

les gouvernorats du pays, mais d’une manière moins importante les gouvernorats du

Centre-ouest. Ces régions connaissaient des valeurs supérieures à la moyenne nationale

(voir annexe 4). En Tunisie, les comportements féconds sont sur la voie de l’uniformisation

sur l’ensemble du territoire. En effet, avec les progrès de la société tunisienne, les

différentiels de fécondité entre les deux milieux ruraux et urbains se sont considérablement

réduits (SAJOUX BEN SEDDIK, 2002).

138 Appelé aussi indice conjoncturel de fécondité ou encore somme des naissances réduites. Cet indice se définit comme étant le nombre d’enfants mis au monde par une femme durant sa vie

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

81

I. 4.4 Liens entre l’éducation et la fécondité

« De nombreux gouvernements encouragent l’éducation des

femmes non seulement pour promouvoir le développement

économique, mais également pour encourager la limitation des

naissances, augmenter l’usage des moyens contraceptifs modernes et

améliorer la santé des enfants »139.

Bien qu’il n’existe actuellement aucun consensus dans la communauté scientifique

sur les processus exacts par lesquels l’éducation influence les taux de fécondité140, nous

pouvons dire que l’élévation du niveau d’instruction est parmi les facteurs traditionnels

expliquant la baisse de la fécondité. Les femmes instruites se marient plus tard et souhaitent

avoir un nombre limité d’enfants. En cela, elles sont les adeptes par excellence de

l’utilisation des moyens de contraception, beaucoup plus que celles qui ont eu une scolarité

courte et les analphabètes.

En Tunisie, l’Enquête démographique et de Santé de 1988 indique un indice

synthétique de fécondité égal à 5,1 enfants, pour les femmes sans instruction, 3,9 pour

celles ayant eu une éducation primaire et 2,4 pour les femmes ayant poursuivi des études

secondaires ou supérieures. L’influence de l’instruction des femmes se traduit par le retard

de l’âge au mariage pour permettre la poursuite des études. Elle a surtout un impact sur les

mentalités des femmes comme des hommes (SANDRON, 1989).

Restons dans le sillage de travaux de GASTINEAU. L’auteur résume l’effet de la

scolarité des femmes sur leur descendance à deux niveaux, à savoir141 :

- l’effet mécanique, en retardant l’âge d’entrée en union ;

- en modifiant les aspirations des femmes en la matière, les femmes éduquées

souhaiteraient moins d’enfants.

La femme éduquée appréhende mieux l’utilité de la contraception et elle est plus

disposée à l’utiliser d’une manière plus efficace que la femme sans instruction [BULATAO

(1984) et RAYLINN (1966)]142

139 MEASURE Communication. (mai 2000). L’Éducation est-elle le meilleur moyen de contraception ? Washington: Population Reference Bureau, p. 1. 140 Ibid., p. 2. 141 GASTINEAU, B. (2001, mai). La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement. Nanterre: Thèse pour Doctorat en Démographie, Université Paris X Nanterre, p. 90-91. 142 Cf. FRINI, O. (2010). Éducation-fécondité et croissance économique en Tunisie. Cergy-Pontoise: Thèse de doctorat en sciences économiques, p. 93.

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

82

En général, l’augmentation du niveau d’instruction justifie la baisse de la fécondité.

Cependant, d’autres facteurs socio-économiques peuvent aussi agir sur la descendance des

femmes. En cela« on ne peut ignorer que le recul de l’âge au mariage et la baisse de la

fécondité peuvent pour certaines femmes être le signe de certaines difficultés : chômage,

difficulté à accéder à un logement indépendant, etc. (BOUAZIZ, 2010)143

».

En conclusion, en Tunisie le processus de la baisse de la fécondité s’est produit en

majorité sous l’effet de facteurs tels que la scolarisation, la pratique contraceptive ou le

recul de l’âge au mariage (AYAD & JEMAI, 2001).

L’impact de la scolarité sur la fécondité fera l’objet d’un module dans notre étude de

cas. Ainsi nous aurons l’occasion de vérifier si le niveau d’instruction, notamment, pour les

étudiants du supérieur, aura des conséquences sur leur fécondité, et comment on peut le

justifier.

I. 5. Évolution et structure des ménages

« Les évolutions de la famille sont une clé intéressante pour

comprendre les évolutions de la nuptialité et de la fécondité. Ces évolutions

sont le résultat d’une double influence : le développement économique et

social (scolarisation, émancipation des femmes…) et la crise économique du

milieu des années 1980. »144

Le ménage est considéré comme l’unité statistique de base dans les opérations de

recensement, il comprend toutes les personnes qui vivent en commun. Le ménage, au sens

du recensement de la population, désigne l'ensemble des personnes qui partagent la même

résidence, sans que ces personnes soient nécessairement unies par des liens de parenté. Un

ménage peut être constitué d'une seule personne et au plus de six personnes vivantes sous

un même toit et qui mangent souvent les repas ensemble. Il peut comprendre zéro, une ou

plusieurs familles145. Dans la notion de ménage, il y a à la fois une notion de communauté

dans le budget et d’unicité d’habitation. Par contre, la notion de famille repose plutôt sur

des liens d’alliance entre parents et conjoints et sur le processus de reproduction qui en

143 GASTINEAU, B. (2011). Transition de la fécondité, développement et droits des femmes en Tunisie. Marseille: Laboratoire Population-Environnement-Développement, Unité mixte de Recherche IRD-Université de Provence 151, série Population-Santé Documents de recherche n° 21.p. 6. 144 GASTINEAU, B. (2001, mai). La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement. Nanterre: Thèse pour Doctorat en Démographie, Université Paris X Nanterre, p. 140. 145 Définition de l’INS.

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

83

découle. C’est donc plutôt un lien conjugal et filial. Une famille est la partie d'un ménage

comprenant au moins une personne.

Tableau 15 : Typologie des familles selon l’INS

1984 2004

Famille complète: il s'agit d'un couple vivant avec leurs enfants célibataires 63,5 % 59,9 %

Couple sans enfant célibataire: il s'agit d'un couple de jeunes mariés, ou un

couple qui a des enfants célibataires sans qu’ils habitent avec les parents, ou

couples avec enfants tous mariés, ou un couple qui n’a jamais eu d’enfants

9,5 % 9,1 %

Femme mariée avec des enfants: un cas de femme mariée habitant avec ses

enfants célibataires, dont le mari peut se trouver à l'étranger ou loin de la maison 2,7 % 2,2 %

Une femme veuve ou divorcée avec enfants célibataires 6,3 % 6,6 %

Un homme veuf ou divorcé avec enfants célibataires 0,9 % 0,7 %

Fratrie vivant ensemble sans père ni mère 1,1 % 1,7 %

Le noyau d'une famille composée d'une seule personne 16,0 % 18,4 %

D'autres cas non déterminés 0,0 % 1,4 %

Nombre des familles en milliers 1581,9 2644,9

Source : RGPH (1984 et 2044).

Il résulte de la comparaison entre 1984 et 2004 que le nombre des familles

complètes a baissé d’environ 4 points, contre la montée des familles composées d’une seule

personne passant de 16,0 % à 18,4 %, avec l’apparition de 1,4 % d’autres cas non

déterminés.

Dans les paragraphes qui suivent, on s’intéresse plus précisément aux ménages,

l’évolution du nombre de ménages est celle que montre le graphique 12 :

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Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

84

Graphique 12: Évolution du nombre et taille moyenne de ménages entre 1975 et 2008

Source : RGPH (1975, 1984, 1994 et 2004) et Enquête Population Emploi (2005 à 2008)

Le recensement de la population de 2004 a permis de dénombrer 2 185 839

ménages, contre 1 704 185 au recensement de 1994, soit un accroissement annuel moyen de

2,52 %. Cette augmentation de nombre de ménages entre les deux derniers recensements est

accompagnée d’une baisse remarquable de la taille de ménages, qui est de l’ordre de 4,5

personnes en 2004, contre 5,2 personnes en 1994. L’évolution du nombre des ménages est

plus remarquable en milieu urbain qu’en milieu rural. Entre les deux derniers recensements,

le taux d’accroissement annuel moyen est estimé à 3,1 % dans le milieu urbain, contre

1,3 % dans le milieu rural, cette évolution étant aussi plus remarquable sur les côtes et au

Nord-Est (voir annexe 5).

La forte concentration des familles sur les côtes du pays est due principalement à la

nature de ces régions, qui sont généralement des zones d’attraction pour la main-d’œuvre.

Cette même tendance dans les régions du Nord est due aux migrations des chefs de famille

à la quête d’un emploi. Une fois installés, ils peuvent faire venir leurs familles. Cette

situation est aussi remarquable dans la région de Kébili et Tozeur, où des mesures

d’aménagement et d’urbanisation ont été mises en œuvre pendant cette période (1994-

2004), qui touchent principalement la culture des palmiers.

Conclusion

Le chapitre 1 traite des mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie. Il

nous aide à comprendre leurs interactions avec le marché de l’emploi. L’évolution de la

population s’inscrit dans la droite ligne des différentes politiques de population mises en

Page 85: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 1: Mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie ________________________________________________________________________

85

place par les autorités depuis l’indépendance du pays afin de maîtriser la croissance

démographique.

La population tunisienne est relativement jeune, puisqu’en 2004 les jeunes de moins

de 20 ans représentent 27,7 % de la nation. Cependant la population est engagée sur la voie

du vieillissement. On observe en effet un rétrécissement de la base de la pyramide suite à la

baisse de naissances. L’âge moyen est en augmentation. Les projections de population à

l’horizon 2029 laissent entrevoir une baisse importante de la part des enfants de moins de

15 ans pendant que la part des personnes âgées de 60 ans et plus doublera. Conséquemment

le taux de dépendance démographique augmentera, pendant que le nombre d’adultes en âge

de travailler stagnera autour de 63 %. Le bonus démographique dont bénéficie le pays laisse

entrevoir de probables opportunités de croissance économique.

Sur le plan de la nuptialité, on observe une augmentation de l’âge au mariage aussi

bien chez les hommes que chez les femmes. Les différences de comportement matrimonial

entre le milieu rural et urbain tendent à disparaître. Ainsi l’âge moyen au mariage en milieu

rural s’allonge et avoisine celui du milieu urbain. À l’allongement de la durée des études

qui explique le recul de l’âge au premier mariage, il faut ajouter l’augmentation du coût du

mariage, l’attente d’un emploi ainsi que la poursuite des études pour les filles.

Le recul de l’âge au mariage, bien évidemment des femmes, aura des conséquences

directes sur la fécondité qui continue à baisser en avoisinant le seuil de renouvellement des

générations.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

87

Chapitre : Mouvements migratoires en Tunisie

Introduction

Par rapport aux autres phénomènes démographiques, l’étude de la migration est

sans doute la plus difficile en raison de son caractère renouvelable (DOMENACH &

PICOUET, 1995). Aujourd’hui, le phénomène migratoire a pris des dimensions diverses,

devenant un enjeu politique, économique et social majeur et un moyen de pression de

taille dans les relations entre les États nations. Par ailleurs, la désignation du phénomène,

tantôt par immigration, tantôt, par émigration, reflète l’extrême complexité du fait

migratoire, une migration étant perçue et désignée différemment, selon où on se situe

dans le pays. Véronique PETIT, définit comme « émigré tout individu qui quitte son pays

pour aller vivre dans un autre pays, dans ce nouveau pays il sera considéré comme un

immigré.146 » L’immigration internationale, qu’elle soit légale ou illégale (clandestine)

est devenue, au fil du temps, un élément primordial dans le développement de nombreux

pays. Les hétérogénéités économiques et sociales entre les deux hémisphères du globe

expliquent la direction des flux (PETIT,V. , 2002).

D'après l’approche économique, la migration internationale est pensée en tant

qu’une redistribution du travail. Les travaux de l’économiste classique Adam SMITH et

de certains autres économistes néoclassiques comme HARRIS et TODARO (1970) se sont

focalisés sur cette question, contribuant ainsi au développement de la théorie

néoclassique de la migration. Cette dernière postule que « les pays où le rapport

travail/capital est plus élevé tendent à l’équilibre vers un bas niveau de salaire alors que

les pays où ce rapport est réduit tendent vers des salaires élevés. La différence de salaire

qui en résulte incite les travailleurs des pays à faible salaire à émigrer vers les pays à

haut salaire. En conséquence, l’offre de travail décroit et les salaires montent dans les

pays de départ tandis que l’inverse se produit dans les pays d’arrivée, ce qui devrait

conduire à un nouvel équilibre où les différences de salaire entre pays ne refléteraient

146 PETIT, V. (2000). Les migrations internationales. Dans Y. CHARBIT, La population des pays en développement (pp. 99-129). Paris: Documentation Française.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

88

plus que le coût de la migration. À ce point les migrations internationales cesseraient » 147.

L’approche sociologique de la migration internationale rajoute que la migration

n’est pas toujours volontaire. Fondée par LEE Everett (1966), cette approche montre que

la migration internationale est gouvernée par des facteurs positifs, de nature attractive ou

de rétention (pull factor), et par d’autres, négatifs, de nature répulsive (push factor). Les

premiers sont considérés comme des facteurs d’appel, et les deuxièmes comme des

facteurs de départ148.

La migration internationale a des répercussions sur les structures

démographiques des populations des pays de départ et d’accueil. En effet, l’installation

des migrants internationaux contribue au rajeunissement des populations des pays

d’accueil et provoque en même temps un vieillissement dans le pays d’origine, étant

donné qu’en général l’immigration dans les pays d’accueil fait appel à une main-d’œuvre

jeune et masculine (PETIT.V., 2002). Les nouveaux profils de la migration internationale

sont donc liés aux transitions démographiques.(WIHTOL DE WENDEN, 2013).

La population mondiale compte sept milliards d’habitants. Environ un milliard

d’entre eux sont en situation de mobilité, dont environ les trois quarts (740 millions)

pour une migration interne et le reste (240 millions) pour des migrations internationales.

Le nombre de migrants qui ont traversé les frontières des États a triplé en quarante ans ;

il était de l’ordre de 75 millions au milieu des années 1970 (WIHTOL DE WENDEN, 2013,

p. 3). Cependant, la mobilité humaine s’accroît sans cesse et les inégalités économiques,

politiques, et sociales entre le Nord et le Sud persistent encore. D’un côté, ce sont les

conflits armés et les violations de droits humains, et surtout la situation de l’emploi, qui

continuent à pousser les individus à quitter leurs patries. D’un autre côté, le

développement prodigieux des moyens de transports et de communications a donné à ces

flux migratoires un puissant levier.

Dans notre travail, l’analyse des mouvements migratoires se justifie dans le fait

que, parmi les remèdes au problème d’insertion des jeunes diplômés, c’est l’expatriation

qui est privilégiée. Dans les paragraphes qui suivent, nous nous intéresserons aux deux

147 ZLOTNIK, H. (2003). Théories sur les migrations internationnales. Dans G. V. CASELLI, Les déterminants de la migration. (pp. 55-78). Paris: L'Institut National d'Études Démographiques, p. 56. 148 WIHTOL DE WENDEN, C. (2013). Les nouvelles migrations: Lieux, hommes, politiques. Paris: Ellipses, p. 15.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

89

dimensions, interne et externe de la situation migratoire en Tunisie en général, et à celle

des étudiants du supérieur en particulier.

II. 1 La migration interne

En Tunisie, depuis l’indépendance en 1956, la disparité régionale est une réalité

incontournable. Les populations des régions les plus défavorisées et les plus enclavées,

essentiellement le Sud, Nord-Ouest et du Centre-Ouest, ont été contraintes d’émigrer

vers les régions relativement prospères. C’est un mouvement d’exode rural de masse, qui

s’est dirigé principalement vers les régions du Sahel (la côte) et la capitale. Ces flux

migratoires internes ont modifié en profondeur le paysage socio-économique :

l’urbanisation massive et la destruction de la société rurale en sont les exemples les plus

probants.

Malgré la mise en place des politiques agricoles mutualistes au début des années

1970, visant à accroître l’exploitation agricole en freinant les déplacements des

populations locales, le pays continue de connaître des flux migratoires importants ; ils se

dirigent principalement vers les gouvernorats de Nabeul, Sousse Monastir, Sfax,

Médenine, Gabès et Tunis, villes qui constituent le nerf de l’économie tunisienne.

Ce phénomène s’explique essentiellement par la libéralisation de l’économie et par

les avantages accordés aux investisseurs privés qui se sont installés dans ces régions

littorales. Pendant la période intercensitaire 1994-2004, ces régions demeurent

attractives et enregistrent un solde migratoire positif. Cependant, les régions intérieures

du pays continuent à fournir l’essentiel des contingents, elles enregistrent des soldes

migratoires négatifs et cela depuis 1979 (tableau 16). En fait, ces populations fuient un

milieu contraignant: espace désertique, terre aride, pluviométrie faible.

Page 90: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

90

Tableau 16: Solde de migration interne entre 1979 et 2004

Solde de migration interne

(en mille) 1979-1984 1987-1994 1999-2004

Grand Tunis 45,5 44,8 57,3

Nord-Est -6,5 -0,2 3,4

Nord-Ouest -36,6 -35,9 -42,3

Centre-Est 8,9 18,6 47,7

Centre -Ouest -12,5 -23,9 -53,9

Sud-Est 1,5 -2,7 -2,1

Sud-Ouest 0,7 -3,6 -10,0

Source : Institut National de la Statistique (2008).

On peut parler aussi de l’existence d’une tradition migratoire bien ancrée dans

certaines régions de la Tunisie, notamment dans le Sud-Est149. Autrefois, les

autochtones, des bergers semi-nomades privés d’un espace pastoral, conduisaient leur

bétail vers les pâturages éloignés, voire par-delà la frontière la plus méridionale du pays,

en Tripolitaine, en Libye. Cette mobilité à travers l’espace est d’essence saisonnière, elle

est fortement liée à l’activité agricole. Or, depuis des décennies, l'aspect économique qui

caractérise cette région la plus méridionale du pays est en déclin constant (abolition de

grande transhumance, adoption de réformes agraires, etc.) et la population s’est

majoritairement sédentarisée. Durant la dernière période 1987-2004, cette région

enregistre un solde migratoire négatif, notamment pour les gouvernorats de Tataouine et

Gabès. Pourtant le gouvernorat de Médenine connaît un solde migratoire positif qui est

dû notamment au développement de l’activité touristique, dans les deux stations

balnéaires de Djerba et Zarzis.

II. 1.1 Migration interne selon le sexe

Durant la période allant de 1999 à 2004, la proportion de femmes parmi

l’ensemble des migrants est de l’ordre de 46,6 %150 contre 45,5 % pour la période de

1987 à 1994. Néanmoins, les statistiques fournies par l’INS, lors de l’enquête

nationale sur la population et l’emploi 2011-2012, montrent que 36,5 %151 des

149 Voir à ce propos l’ouvrage de MZABI, H. (1993). La Tunisie du Sud-Est, géographie d’une région fragile, marginale et dépendante. Tunis: Université de Tunis, Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis. 150 Source : Institut National de la Statistique (2008). 151 Cette proportion est fortement influencée par les évènements socio-économiques et surtout sécuritaires suite à la révolution de 14 janvier 2011.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

91

migrants sont des femmes, ces dernières se déplacent moins à cause de l'instabilité

politique et sécuritaire.

L’évolution du rapport de masculinité des migrants (rapport de nombre de migrants

hommes au nombre de migrants femmes) en Tunisie pendant les périodes 1969-1975 et

1999-2004 varie entre 1,24 et 1,15 (tableau 17).On peut avancer divers facteurs pour

expliquer ce quasi-équilibre migratoire entre les deux sexes. En effet, la promulgation du

code du statut personnel152, moment charnière de l’histoire contemporaine tunisienne, a

fait émerger la femme tunisienne comme acteur incontournable dans l’espace public.

Grâce à cette législation progressiste et unique dans le monde arabe, la femme tunisienne

se voit placée à l’égalité avec l’homme. Aussi, la poursuite des études et la recherche

d’un emploi ont augmenté la proportion de femmes dans les flux migratoires. Toutefois,

la migration féminine reste néanmoins involontaire, fortement cadrée par l’institution

familiale. Souvent, la femme quitte son lieu d’origine pour rejoindre son mari là où il est

installé. Il est donc difficile de considérer sa migration comme autonome, car elle

demeure incontestablement à charge d’un individu de sexe masculin.

Tableau 17 : Évolution du rapport de masculinité des migrants, depuis 1969

Période 1969-1975 1975-1980 1980-1984 1987-1994 1999-2004 20011-2012

Rapport

masculinité 1,24 1,12 1,09 1,06 1,15 1,74*

Source : Données de l’INS.

*La hausse de rapport de masculinité des migrants en 2011-2012 est due (comme nous

l’avons évoqué dans le paragraphe précédent) à un faible déplacement de femmes à cause

de l'instabilité politique et sécuritaire.

II. 1.2 Migration interne selon l’âge

Lors du recensement de 2004, l’âge moyen de la population migrante est estimé à

26,2 ans. Il est autour de 26,8 ans pour les hommes et de 25,6 ans pour les femmes. La

distribution par tranche d’âge de la population migrante montre l’importance de la

population âgée entre 15 ans et 39 ans. Cette première tranche d’âge représente 62,2 %

des migrants pendant la période 1999-2004, et demeure en constante augmentation pour

atteindre 69,9 % lors de l’enquête population et emploi de 2011. Les raisons de cette

152 Ce code est constitué de plusieurs lois promulguées en 1956, abolissant la polygamie et garantissant le droit de divorce, et la liberté d’entreprise et a promeut l’instruction, en rendant la scolarité obligatoire.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

92

migration restent principalement les mêmes : recherche de travail, poursuite des études

ou mariage. La deuxième catégorie est constituée par des jeunes de moins de quinze ans

se trouvant dans la contrainte de rejoindre leur famille et leur proportion chute de 38,8 %

à 22,3 % entre les deux périodes 1975-1980 et 1999-2004 ; cette baisse est

particulièrement expliquée par le fléchissement de la fécondité sur la même période. La

dernière catégorie est formée par les personnes âgées de 40 ans et plus, leur proportion

passe de 13,0 % à 15,5 % entre les deux périodes précédemment citées (tableau 18).

Cette répartition selon les groupes d’âge, lors de l’enquête sur la population et

l'emploi de 2011, est marquée par la baisse remarquable de personnes âgées de moins de

15 ans. Cette évolution est la conséquence d’une part d’une situation socio-économique

non favorable au déplacement des familles : instabilité politique et sécuritaire. D’autre

part, elle est due à la baisse du nombre de familles en mouvement. Le pourcentage des

migrants mariés (souvent en mouvement de famille) est de l’ordre de 13,3 % alors qu’il

était 46,3 % lors de la période entre 1999 et 2004.

Tableau 18 : Migration interne par tranche d’âge (en %)

1975-1980 1980-1984 1984-1989 1999-2004

moins de 15 ans 38,8 35,1 38,2 22,3

15-39 ans 48,2 51,8 47,5 62,2

40-59 ans 9,2 10,1 10,1 12,9

60 ans et plus 3,8 3,0 4,2 2,6

Total effectif 208 400 274 860 248 800 426 536

Source : Données de l’INS.

II. 1.3 Migration interne selon le niveau d’instruction

Habituellement, les migrations sont étudiées en termes de niveau d’instruction de la

population. Le tableau suivant confirme que le taux de sortie augmente fortement avec le

niveau d’instruction. Plus les individus ont un niveau d’études élevé, plus ils ont

tendance à migrer, en quête d’un emploi adéquat avec leurs formations. Dans ce sens,

MZALI Hassen estime que « l'acquisition d'un niveau d'instruction plus élevé, dans le

contexte de la valorisation du capital humain, pourrait augmenter sensiblement les

chances de trouver un emploi et pousserait en conséquence les individus à migrer. 153

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

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Tableau 19: Structures des migrants (10 ans et plus) selon le niveau d’instruction (en %)

Niveau

d’instruction 1984-1989 1999-2004

Néant 21,8 9,3

Primaire 34,9 25,8

Secondaire 33,0 36,4

Supérieur 10,3 28,5

Total 248 800 426 536

Source : INS.

Le tableau précédent montre la hausse du niveau d’instruction des migrants. La part

des migrants possédant un niveau d’instruction supérieur parmi tous les migrants, âgés

de plus de 10 ans, a presque triplé, passant de 10,3 % à 28,5 % entre les deux périodes de

1984-1989 et 1999-2004 (tableau 19).

II. 1.4 La migration interne selon la cause principale

La répartition de la population des migrants selon le motif de départ, comme nous

indique le graphique 13, montre que 42,6 % de ces mouvements sont subis (par exemple

un membre se trouve dans l’obligation de partir avec sa famille). La proportion de

personnes qui sont en déplacement à la recherche d’un travail représente 26,0 % de la

population en mobilité.

153 MZALI , H. (1997). Marché du travail, migrations internes et internationales en Tunisie . Tunis: Revue Région et Développement n° 6. p. 161.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

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Graphique 13 : Migration intérieure intergouvernorat selon la cause principale (1999-2004)

Sources : INS, RGPH 2004.

II. 2 L’émigration externe

La croissance démographique excessive qu’a connue la

Tunisie au milieu de XXe siècle est le déclencheur de l’émigration

tunisienne vers l’étranger. (RIMANI, 1988)

Jadis considérée comme un pays d’immigration, aujourd’hui la Tunisie s’est

transformée en terre d’émigration, voire de transit pour des migrants essentiellement

d’origines subsahariennes, en quête d’un moment propice pour rejoindre

clandestinement la Rive-Sud du Vieux Continent. En effet, la Tunisie est inscrite dans un

processus migratoire depuis la décennie de l’indépendance, il atteint son apogée à la fin

des années 60. Les Tunisiens vivant à l’étranger sont estimés, selon les statistiques du

ministère des Affaires étrangères à la fin de décembre 2006, à 973 140 ( SLIMANE &

KHLIF, 2009). Même si la migration tunisienne est la plus récente et la plus limitée dans

le temps par rapport à ses voisins maghrébins, notamment l’Algérie, jusqu’à récemment

grande pourvoyeuse de l’émigration, elle reste très importante.

Depuis longtemps, les pouvoirs publics donnent de plus en plus d’importance à la

population tunisienne à l’étranger par la création en 1988 de l'Office des Tunisiens à

l'Étranger154 (OTE). L’OTE a pour mission générale de fournir au gouvernement les

éléments et les données lui permettant de mettre en œuvre une politique d'encadrement et

d'assistance aux Tunisiens résidant à l’étranger. Il intervient socialement par l’écoute des 154 L'Office des Tunisiens à l'Étranger (OTE), créé en juin 1988 (Art.14 loi n° 60-88 du 2 juin 1988).

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

95

préoccupations des Tunisiens résidant à l'étranger ainsi qu’aux membres de leurs

familles restants en Tunisie. L’intervention économique de l’OTE consiste à inciter la

diaspora tunisienne à contribuer davantage au développement du pays, en leur

permettant de bénéficier d’un régime de taxation spécifique.

La Tunisie est aussi membre de l’Organisation Internationale du travail (OIT), depuis

1956. Pourtant, elle demeure, au moins jusqu’à l’avènement de la Révolution (janvier

2011), le seul pays du Maghreb qui n’a pas ratifié la Convention des Nations-Unies sur

les droits des travailleurs migrants. Bien qu’elle l’ait fait pour d’autres conventions, elle

s’est abstenue de ratifier leurs protocoles facultatifs aux droits de l’Homme, ou, dans les

meilleurs des cas, elle les applique avec restrictions. C’est ainsi que la Tunisie a

accumulé des retards dans la présentation périodique des rapports qu’elle est censée

établir et remettre à disposition des instances onusiennes concernées.

La migration tunisienne est en partie la conséquence d’une pression

démographique, survenue après une phase de transition de la population, dont les aspects

les plus saillants sont : l’accroissement accentué de son effectif, dû à un fort taux de

natalité et une chute spectaculaire de la mortalité. Souvent, l’émigration constitue pour

beaucoup de pays à l’instar de la Tunisie une soupape, allégeant considérablement le

taux élevé de chômage. Même si ce mouvement migratoire revêt au début de son

émergence un aspect fortement individuel, puisque cette main d’œuvre est venue

« volontairement » au secours d’une Europe en pleine construction au lendemain de la

Seconde Guerre mondiale, il devient de plus en plus l’affaire d’État (SMAÏN LAACHER,

2010). Pour mieux contrôler ces flux migratoires, la Tunisie a conclu beaucoup

d’accords avec les pays d’accueil. Une première convention est signée avec la France en

1963, d’autres accords ont été signés avec la République fédérale d’Allemagne en 1965,

la Belgique en 1969, l’Autriche en 1970, la Hollande et la Libye en 1971.

À la fin de l’année 2006, la diaspora tunisienne se concentre principalement en Europe,

qui accueille 83,5 % de l’ensemble de cette population155, dont plus de la moitié vit en

France, 58,5 %. L’Allemagne (8 %) cède sa deuxième place en tant que pays d’accueil

traditionnel de la main d’œuvre tunisienne au profit de l’Italie (13 %)156.

155 Estimé à 973 140 personnes selon l’OTE, environ 10 % de la population tunisienne. 156 SLIMANE , L., & KHLIF, W. (2009). Les compétences tunisiennes à l’étranger : peut-on parler d’une diaspora scientifique ? L’Année du Maghreb dans revues.org: CNRS Éditions, p. 4.

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Dans le monde arabe, le volume de la communauté tunisienne est estimé à 129 664157

personnes, dont 90 735 vivent dans les pays de l'Union du Maghreb arabe, en particulier

en Libye. Quant à la migration tunisienne dans les pays du Golfe, elle reste fortement

cadrée par les conventions de coopérations techniques et ne concerne que très peu les

travailleurs. Pour la migration outre-Atlantique, elle est en constante augmentation, plus

de 25 650 Tunisiens y résident.

Tableau 20: Répartition des migrants tunisiens selon les pays d’accueil en 2006

Europe

Monde

arabe

USA et

Canada Asie Afrique Total

Données

éducationnelles

Élèves 135 483 14 088 1 996 215 73 151 577

Étudiants 37 370 1 484 4 203 195 74 43 326

Données

économiques

Actifs 501 684 91 578 17 716 448 1 009 612 435

Dont cadres 27 197 16 112 2 851 221 228 46 609

Dont

Hommes

d’affaires

42 710 13 519 3 121 116 164 59 630

Données

démographiques

Masculin 519 838 85 083 16 969 749 1 068 623 708

Féminin 295 644 44 581 8 681 317 209 349 432

Total 815 483 129 664 25 650 1 066 1 277 973 140

Source: (BEL HAJ ZEKRI, OTE, 2007).

Le tableau 20 est révélateur de plusieurs changements et mutations de la migration

tunisienne. Outre la féminisation des flux migratoires par rapport au nombre de migrants

hommes, on peut signaler les résultats suivants : en dépit d’un départ provisoire et limité

dans le temps et l’espace, la communauté tunisienne en Europe a choisi une installation

définitive dans les pays d’immigration. En effet, les premiers arrivants, travailleurs seuls

et isolés au début, ont été accompagnés plus tard, par leurs familles et se sont

sédentarisés durablement dans les pays de résidence. Au demeurant, cette migration a

changé considérablement, distillant ses effets sur les attitudes et les comportements des

émigrés tunisiens, y compris leurs perceptions démographiques.

157 BEL HAJ ZEKRI, A. (2007). La migration de retour en Tunisie. Étude de cadre législatif, du contexte socioéconomique et des processus de réinsertion des migrants de retour. Italie: Institut universitaire européen, p. 2.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

97

Comme l’indiquent les statistiques déjà avancées, les facteurs culturels jouent un rôle

déterminant dans l’installation des migrants tunisiens en France, à savoir le rapport

historique entre les deux pays : ancien colonisateur, familiarité avec la langue, etc. Cette

main-d’œuvre souvent non qualifiée a occupé des postes subalternes dans l’industrie

(fonderie, mines, etc.,) en tant qu’« O.S.» (ouvrier spécialisé), figure incontournable de

la première ère de l’immigration maghrébine en France. À partir du milieu des années

70, date de la fermeture inexorable des frontières européennes, cette donnée migratoire a

changé radicalement, annonçant des temps nouveaux pour l’émigration maghrébine en

général, et tunisienne en particulier. Le profil type de l’émigré gagne en relief, désormais

instruit et qualifié, surtout avec les arrivées des étudiants qui cherchent à perfectionner

leurs connaissances en Europe.

II. 2.1 Migration internationale des Tunisiens selon l’âge

Faut-il rappeler peut-être que l'immigration tunisienne en Europe est devenue moins

massive et plus qualifiée par rapport à celle en provenance d'autres régions d'Afrique.

Aujourd’hui, on parle d’une « troisième génération de la migration tunisienne » en

France. C’est une diaspora qui se rajeunit. Selon les résultats tirés du RGPH de 2004,

pour la période allant de 1999 à 2004, 75 773 personnes ont quitté le pays dont un peu

plus de la moitié des migrants sont âgés de 15 à 29 ans (55,4 %), et plus du tiers ont

entre 30 et 44 ans (36,1 %), comme le montre le graphique 14.

Graphique 14: Réparation des émigrés tunisiens selon le groupe d’âge entre avril 1999 et avril 2004

Sources : RGPH 2004.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

98

II. 2.2 Migration internationale des Tunisiens selon le sexe

Le décalage entre l’arrivée des hommes et celle des

femmes est observable tout au long de l’histoire de

l’immigration en France[…] La faiblesse de

l’immigration féminine de travail tiendrait donc, d’abord,

à des raisons socioculturelles. (YOUSFI, 2013)

La grande majorité des personnes ayant quitté le territoire est constituée par des

hommes (84,5 %), pour la période (1999-2004), contre 65 % lors de l’enquête nationale

pour l’emploi de 2011. Cette baisse de la proportion d’hommes parmi l’ensemble des

migrants est la conséquence de la participation des femmes, qui se voient la plupart du

temps indirectement impliquées : elles sont invitées à rejoindre, le cas échéant, leurs

époux pour s’occuper exclusivement des tâches ménagères158. Ce changement dans le

profil des migrants, particulièrement pour ceux résidants en France, traduit le passage

d’une immigration de travail, essentiellement masculine, à une politique de

regroupement familial, qui entraîne une féminisation progressive de la population

immigrée (YOUSFI, 2013).

II. 2.3 Migration internationale des Tunisiens selon la raison principale

La Tunisie a fait de l’émigration une politique pour pallier certains problèmes

économiques et sociaux. En effet, l’émigration joue un rôle essentiel dans la régulation

du marché de travail (MZALI, 1997) et allège la pression exercée par les demandeurs

d’emploi. La proportion de migrants en quête de travail dépasse largement celles des

autres émigrés, elle dépasse le ¾ des émigrants (79 %) entre mai 2011 et mai 2012

(tableau 21).

158 YOUSFI, N. (2013). Des Tunisiens dans les Alpes-Maritimes: une histoire locale et nationale de la migration transméditerranéenne (1956-1984). Paris: L'Harmattan, p. 90.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

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Tableau 21: Répartition des émigrés tunisiens selon la raison principale d’émigration (en %)

Raison principale de l’émigration 1999-2004 2011-2012

Emploi 71,1 79,0

Études 18,0 6,7

Mariage 7,3 6,6

Rejoindre la famille 2,0 1,7

Autres raisons 1,6 6,0

Total 75 773 50 931

Sources : INS.

La seconde raison principale de la présence des Tunisiens à l’étranger est

scientifique (poursuite des études). L’émigration n’est plus exclusivement de travail :

aujourd’hui, cadres, universitaires et chercheurs se dirigent vers son portail. C’est ainsi

que le niveau d’instruction de la population migrante s’est élevé, comme l’on peut voir

dans le tableau 22.

Tableau 22: Réparation des émigrés tunisiens selon le niveau d’instruction (en %)

1987 2005

Néant 39,9 9,5

Primaire 44,9 24,5

Professionnel 5,0 12,3

Secondaire long 9,8 39,0

Supérieur 0,4 14,7

Source : Résultats des enquêtes OTE 1987 et 2005.

Les données publiées par l’INS, pour la période entre mai 2011 et mai 2012,

évaluent le nombre de migrants à 50 913 dont 16,5 % d’entre eux possèdent un niveau

d’instruction supérieur.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

100

II. 2.4 Mobilité internationale des étudiants du supérieur

« L’émigration n’est plus l’affaire de la seule main d’œuvre manuelle.

Elle devient, de plus en plus, l’affaire de cadres, médecins, universitaires et

chercheurs » (KOUIDRI ,2005)159

Dans le monde, le nombre de migrants qualifiés a augmenté de 70 % en dix ans,

contre 13 % pour les migrants non qualifiés160. Ceci est dû à l’augmentation du niveau

moyen de l’éducation dans les pays en voie de développement. Inéluctablement, le

niveau moyen d’éducation de la population migrante augmente aussi. Cependant, elle

demeure la plus intéressée par les politiques migratoires sélectives adoptées par plusieurs

pays d’accueil, ou encore la situation souvent désastreuse de l’emploi qualifié dans le

marché du travail de pays d’origine (GUBERT, 2009).

La mobilité internationale des étudiants signifie leur déplacement pour poursuivre

leurs études dans un pays étranger. Ce phénomène s’appelle « brain drain »161, il est

devenu très répandu dans le monde. En 2004, on estime leur nombre à 2,5 millions162.

En Tunisie, la mobilité internationale des étudiants découle d’une volonté politique

consistant à promouvoir le développement. À l’aube de l’indépendance, l’État nation est

en pénurie de cadres performants pour le développement de divers secteurs, notamment

le secteur éducatif. Dans cette perspective, un corps enseignant a été formé à l’étranger.

Le retour au pays de cette élite a contribué à ce qu’on appelle «tunisification» de

l’administration. Ce concept signifie la production massive de cadres supérieurs,

nécessaires pour le fonctionnement des institutions étatiques.

Aujourd’hui, cette donne tend à se renverser. Les mobilités des étudiants sont

devenues une quête d’un avenir professionnel meilleur à l’étranger. Ils sont de plus en

plus nombreux à mobiliser des ressources monétaires qui leur permettent de s’installer

dans le pays d’accueil. Cependant, cette mobilité peut revêtir deux formes : autonome ou

conventionnelle. Souvent, les étudiants s’expatrient et poursuivent leurs études par leurs

159 Cf. SLIMANE, L., & KHLIF, W. (2009). Les compétences tunisiennes à l’étranger : peut-on parler d’une diaspora scientifique ? L’Année du Maghreb dans revues.org: CNRS Éditions, p. 4. 160 GUBERT, F. (2009). Enjeux individuels et collectifs de la migration: Le point de vue des pays de départ. Dans A. CHEMIN, & J.-P. GÉLARD, Les migrants Craintes et espoirs (pp. 203-212). Rennes: Presses universitaires de Rennes. 161 La fuite de cerveaux. 162 Source : UNESCO, entre 1999 et 2004, le nombre d’étudiants mobiles dans le monde a progressé de 41 %, passant de 1,75 à 2,5 millions.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

101

propres moyens. Parfois, c’est l’État qui s’en charge, les programmes d’échanges

universitaires en témoignent163.

Quelle que soit la forme de ce mouvement migratoire, autonome ou

conventionnelle, la mobilité internationale des étudiants tunisiens est avant tout une

représentation sociale. Non seulement la poursuite des études dans une université

européenne est une source de prestige social par excellence, mais elle reste une

alternative au chômage endémique.

Évidemment, la migration des compétences tunisiennes trouve sa logique dans la

conjonction de plusieurs facteurs explicatifs, notamment:

- Un chômage des diplômés de l’enseignement supérieur en nette croissance, qui

atteint 29,2 % en 2011 ;

- L’inadéquation entre la politique de l’enseignement et la politique de l’emploi ;

- Le manque des mécanismes démocratiques assurant l’égalité des chances ;

- L’incapacité de l’économie nationale à répondre aux aspirations de ceux qui ont

acquis un haut niveau de qualification.

Les étudiants tunisiens se déploient à travers le monde, ils se répartissent de la

façon suivante : la France demeure leur destination préférée. Leur effectif est d’environ

15000 pour l’année universitaire 2011-2012, ce qui place la Tunisie au quatrième rang

des populations estudiantines étrangères en France164. L’Allemagne accueille aussi un

nombre croissant d’étudiants tunisiens, avec 2660 pour la même période. On estime leur

nombre en Roumanie à 1058 étudiants. L’Ukraine compte 616 étudiants, le Canada 583

étudiants et les États-Unis 301 étudiants.

L’engouement de la population estudiantine tunisienne pour la France s’explique

par les rapports historiques qui lient ce pays à la Tunisie. Le système universitaire est

très influencé par le modèle français : classes préparatoires, réforme LMD (licence,

master, doctorat) et la familiarité avec la langue française. Il offre aussi à ces étudiants

l’opportunité de poursuivre leurs parcours en France.

163 En 2008, trois universités tunisiennes ont participé au programme ERASMUS MUNDUS pour le projet Imageen (Internationale, Maghreb-Europe Education Network), qui permet de bénéficier d'une expérience internationale dans une université étrangère qui sera reconnue par le diplôme décerné par l'université d'attache tunisienne. Imageen vise à renforcer les échanges entre l'Europe et le Maghreb tant au niveau de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique, qu'au niveau de la culture et de l'économie. Ce programme permet aux étudiants y participant d'obtenir une bourse de mobilité pour une période bien déterminée. 164 BLAY, D. (Novembre 2011). Fiche Tunisie. Tunis: Ambassade de France, Institut français de Tunisie, p. 3.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

102

II. 2.5 Migration clandestine

L’émigration « clandestine » est une forme migratoire adoptée par les jeunes qui

cherchent à franchir illégalement la frontière, souvent au péril de leur vie. Dans un

ouvrage récent, N. Yousfi définit cette nouvelle figure migratoire ainsi : « L’émigré

clandestin est celui qui « ne recule ni devant la mort, ni devant l’arrestation ni devant

l’emprisonnement. Il se rétracte, cependant, devant un seul défi, celui de gagner sa vie

dans son propre pays »165.

On les appelle en Tunisie et partout au Maghreb les « harraga », au pluriel

comme au singulier, ce qui signifie littéralement « les brûleurs des frontières ». Le

phénomène de la « harraga », apparu au début des années 90, désigne essentiellement le

passage des jeunes des frontières maritimes à bord d’embarcations de fortune pour

rejoindre l’Europe. En dépit de la fermeture hermétique des frontières européennes et de

l’instauration tardive de visa d’entrée dans l’Union européenne, ce phénomène

d’émigration clandestine a pris de l’ampleur. À la veille de la Révolution tunisienne, il

atteint son apogée : plus de 20 000 Tunisiens166 profitent du chaos sécuritaire qui règne

dans le pays au lendemain de la fuite du dictateur et débarquent à Lampedusa, l’île

italienne proche des côtes tunisiennes.

On peut dire que cette forme d’émigration intéresse plutôt les jeunes de sexe

masculin. Même si la proportion de mineurs et de femmes est en constante

augmentation, il faut rappeler qu’elles sont encore rares à tenter l’aventure de

l’émigration clandestine. Donc cette migration clandestine féminine n’est pas

inexistante, mais rare (NASROUI, 2013).

En effet, ce type de voyage initiatique nécessite des compétences migratoires et des

capacités « circulatoires », pour emprunter le terme d’Alain TARRUIS. Mehdi

MABROUK, l’un des pionniers qui ont travaillé sur le sujet des harraga (les brûleurs

des frontières), évoque le sexe, l’âge, le niveau d’instruction et la région d’origine

comme déterminants majeurs de cette émigration167.

La tranche d’âge concernée par ce flux est comprise entre 20 ans et 40 ans, elle est la

plus touchée par le chômage. Selon l’enquête réalisée en 2010 par l’Observatoire 165 YOUSFI, N. (2013). Des Tunisiens dans les Aples-Maritimes: une histoire locale et nationale de la migration transméditerranéenne (1956-1984). Paris: L'Harmattan, p. 25. 166 Selon Libération, on parle de quelques 20.000 mille Tunisiens et 8.000 Libyens, « Europe, la tentation de la forteresse », http://www.liberation.fr/monde/2011/04/26/europe-la-tentation-de-la-forteresse_731479 167 MABROUK, M. (2010). Voiles et sel : culture, foyers et organisation de la migration clandestine en Tunisie. Tunis: Sahar, p. 120-122.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

103

national de la jeunesse sur un échantillon de 10 000 individus âgés de 18 à 29 ans, les

2/3 de ces jeunes ont l’intention de migrer. Parmi eux 13 %, envisagent la migration

clandestine (NASRAOUI, 2013). Le chômage constitue le motif principal de la migration

clandestine, selon cette même enquête, 45,6 % des jeunes impliqués dans ce type

d’émigration sont en situation de chômage168.

Ces migrants sont généralement issus des régions côtières. On peut dire qu’il existe

quatre foyers de l’émigration clandestine : le Nord-Est, le Cap Bon, le sahel (la côte) et

Sud-Est). Le profil type de ces harraga a considérablement changé. Désormais, outre

ceux qui possèdent un niveau faible d’instruction, parfois, des diplômés, voire du

supérieur, se dirigent vers l’émigration clandestine. Cependant, ils restent très

minoritaires, seuls 5,1 %169 des jeunes diplômés du supérieur souhaitent migrer

clandestinement (NASRAOUI, 2013).

Conclusion

Ce deuxième chapitre traite des migrations. Deux composantes constituent ce

phénomène démographique : les migrations internes et les migrations internationales.

Sur le plan des migrations internes, on observe qu’elles ne sont pas nouvelles et

s’accroissent au fur et à mesure que les années passent. Les régions les plus attractives

en termes d’opportunités économiques engrangent des flux migratoires positifs au

détriment des régions économiquement défavorisées. Ainsi le grand Tunis, le Centre-Est

et le Nord-Ouest ont des flux positifs contrairement aux régions du Sud-Est, du

Sud-Ouest, du Centre-Ouest.

Les personnes de sexe masculin sont les plus nombreuses à se déplacer. Mais, avec

l’accroissement du niveau d’éducation des femmes du fait de la scolarisation accrue et

l’adoption de lois en faveur de la promotion des femmes et leur accès à l’emploi et à

l’autonomie, le profil du migrant interne se féminise de plus en plus.

D’une manière générale, les personnes les plus éduquées migrent plus souvent que les

autres. Sur le plan de l’âge, les personnes de la tranche d’âge 15-39 ans sont les plus

nombreuses.

168 NASRAOUI, M. (2013). Le migrant clandestin: Le paradoxe de l'être et de la société. Paris: L'harmattan, p. 154. 169 Ce faible pourcentage peut trouver l’explication dont l’existence d’autres types de migration pour cette catégorie des migrants, vu qu’ils ont plus des chances d’obtenir le visa, surtout pour les disciplines ou des métiers demandés à l’étranger.

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Chapitre 2 : Mouvements migratoires en Tunisie ________________________________________________________________________

104

Les migrations internationales sont la deuxième composante des migrations en Tunisie.

Ces migrations commencent dès la première décennie des indépendances et atteignent

leur apogée à la fin des années 1960. Elles s’expliquent en partie par la forte croissance

démographique du pays et les taux élevés de chômage qui frappent la population active.

L’Europe et surtout la France accueillent la majorité des migrants tunisiens. Les

personnes âgées de 15 à 29 ans (55,4 %), et de 30 et 44 ans (36,1 %) constituent les plus

importantes parts de la masse des migrants.

L’émigration est constituée, à l’écrasante majorité, par des migrants est de sexe masculin

et a pour cause des raisons socio-économiques. Il n’en demeure pas moins vrai que des

étudiants migrent également afin d’acquérir des compétences et dans l’espoir de

s’insérer plus facilement dans leurs lieux d’immigration.

Quelle que soit sa forme (interne ou externe, légale ou illégale), la mobilité des jeunes en

Tunisie est la résultante d’une situation économique peu favorable à l’emploi, conjuguée

à une expansion démographique caractérisée par l’arrivée massive sur le marché de

l’emploi des jeunes actifs, ainsi qu’aux inégalités économiques entre les pays et le

développement des réseaux migratoires.

Page 105: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

105

Chapitre : Système éducatif en Tunisie

« L’éducation est l’un des principaux catalyseurs du

développement humain. (…) doit être un moyen de donner aux

enfants comme aux adultes la possibilité de devenir participants

actifs de la transformation des sociétés dans lesquelles ils vivent.

[...] En 1960, l'UNESCO a adopté la convention concernant la

lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement,

qui reconnaissait le rôle crucial de l'éducation pour assurer

l'égalité des chances de tous les groupes raciaux, nationaux ou

ethniques 170 ».

III. 1 Le développement du système éducatif en Tunisie

Depuis l’Indépendance, la Tunisie alloue une part considérable de son budget au

secteur de l’éducation, de l’enseignement et de la formation, avec une enveloppe de 2,9

milliards de Dinars en 2009 pour le ministère de l'Éducation et de la Formation, soit

16,25 % de budget d’État pour la même année (15,28 % pour l’éducation et 0,97 % pour

la formation)171. Le budget consacré à la gestion de l’enseignement supérieur est passé

de 89,7 millions de dinars pour l’année scolaire 1987-1988 à 974,1 millions de dinars

pour 2007-2008172.

Depuis longtemps, de grandes réformes ont été engagées dans ce secteur pour

instruire une économie reposant sur la promotion de l’homme et le progrès social. Parmi

les priorités citées dans le rapport du ministère de l’Éducation, il y a d’abord celle

relative au souci d’égalité des chances, permettant à tous l’accès à l’éducation

fondamentale. Ensuite, il y a la volonté manifeste de voir se constituer, grâce à une

éducation et une formation de qualité, les ressources humaines qui doivent prendre en

charge les problèmes de développement économique et social. La justesse de ces 170 UNESCO. (2001). Conférence mondiale contre le racisme la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Afrique du Sud, p. 9. 171 Ministère de l'Éducation et de la Formation. (année scolaire 2008 – 2009). Statistiques de l’éducation et de la formation. Tunis, p. 11. 172 Ministère de l'Enseignement supérieur. ( avril 2008). Les principaux indicateurs depuis l’Independence (1987-2008). Tunis: Repulique tunisienne, p. 14. Sur la période de vingt ans, le montant alloué pour l’enseignement supérieur était multiplié par dix, soit un accroissement annuel moyen de 12,7 %.

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

106

priorités est attestée par le niveau remarquable des performances scolaires réalisées

depuis l’indépendance ainsi que par les indicateurs de développement humain atteints

durant cette dernière décennie173.

Ceci a permis d’étendre la carte scolaire à toutes les régions du pays et d’installer

les écoles dans toutes les régions, y compris les régions les plus reculées, dites « régions

d’ombres » (ce sont des régions où les habitants possèdent un niveau de vie très modeste

et dans lesquelles les infrastructures sont quasi inexistantes). L’impact direct de ces

réformes a été la réalisation en 2008-2009 d’un taux de scolarisation de 99,2 %174 des

enfants de 6 ans, aussi bien au niveau des garçons que des filles. Il faut noter que ce taux

est plus important chez les filles après 6 ans, par exemple, il est de 90,4 % pour les

garçons du groupe d’âge 6-16 ans contre 92,4 % pour les filles.

III. 2 Système scolaire en Tunisie

L’enseignement en Tunisie s’organise sur trois niveaux d’études, commençant

par l’enseignement de base pendant neuf ans (avant la réforme des années quatre-vingt-

dix il s’appelait éducation primaire d’une durée de 6 ans), puis secondaire (autrefois

d’une durée de 6 ans et uniquement quatre ans, après la réforme), et supérieur

correspondant aux études post baccalauréat.

L’évolution du nombre d’étudiants par cycle d’enseignement, représentée dans le

graphique 15, montre la massification qu’a connue l’enseignement supérieur à partir du

début de ce siècle. L’évolution dans l’enseignement secondaire est aussi spectaculaire,

alors que dans l’enseignement de base les effectifs d’élèves connaissent une baisse sur la

même période.

173 TARHOUNI, F. (2000). Le développement de l’éducation en Tunisie entre 1996-2000. Tunis: Republique Tunisienne, Ministère de l’Éducation, p. 5. 174 Ministère de l'Éducation et de la Formation. (année scolaire 2008–2009). Statistiques de l’éducation et de la formation. Tunis.Republique tunisienne, p. 6.

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

107

Graphique 15 : Évolution du nombre d’étudiants (en millier) par cycle d’études en Tunisie

Source : Selon les données de l’ITCEQ, 2011.

Cette massification des effectifs, scolarisés en secondaire et supérieur, aura certes

des incidences sur la qualité de formation des étudiants, comme le confirme le rapport de

la Banque africaine de développement « la politique du libre accès à l’éducation pour

tous a été promue au détriment de la qualité de l’enseignement »175.

III. 2.1 L’enseignement de base

L’enseignement de base, jadis appelé enseignement primaire, résulte de

l’innovation la plus importante de la réforme du système éducatif de 1991. C’est un

enseignement de 9 ans, obligatoire et gratuit. Il est couronné par un examen national

pour l’obtention du diplôme de fin d’études de l’enseignement de base. Cet

enseignement est organisé en deux cycles d’études complémentaires :

- Le premier cycle : d’une durée de six ans, a pour objectif de faire acquérir à l’élève les

instruments de la connaissance, les mécanismes fondamentaux de l’expression orale et

écrite, de la lecture et du calcul, ainsi que les fondements de son éducation religieuse et

civique176.

- Le second cycle : d’une durée de trois ans, il a pour objectif de consolider la formation

reçue par l’élève au premier cycle et de lui procurer, à travers les différentes matières

enseignées, une formation générale qui renforce ses capacités intellectuelles et

175 Banque africaine de développement. (2012). Tunisie: Défis Économiques et Sociaux post-révolution. Tunis, p. 31. 176 Ministère de l’Éducation. (2000). Le développement de l’éducation en Tunisie entre 1996-2000. Tunis: Republique tunisienne, p. 17.

Primaire

Secondaire

Supérieur

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

108

développe ses aptitudes pratiques afin de lui permettre de poursuivre sa scolarité ou de

s’insérer dans la vie professionnelle en tant que citoyen responsable.

Le graphique 16 montre la baisse du nombre d’élèves du premier cycle de

l’enseignement de base qui passe de 1 326 150 à 1 006 488 élèves entre 1988 à 2009,

soit un quart d’élèves en moins. Cette baisse est le résultat de la maîtrise de la fécondité

et la baisse de l’ISF en Tunisie (comme nous l’avons montré dans le chapitre 1). On note

toutefois une augmentation du nombre d’écoles passant de 3 676 à 4 513 écoles, ce qui

agit directement sur le nombre moyen d’élèves par classe qui baisse de 30,5 à 22,2

élèves177.

Graphique 16 : Évolution du nombre d’élèves et d’enseignants du premier cycle

Source : Ministère de l'Éducation et de la Formation (année scolaire 2008 – 2009).

Cette situation (baisse de nombre moyen d’élèves par classe) doit avoir

normalement des conséquences positives sur la qualité de formation des étudiants, mais

la réalité est loin de justifier une telle affirmation. Car d’après le rapport sur des

évaluations internationales (TIMSS, PISA) de Nations Unies178, la Tunisie montre un

positionnement modeste et une faible progression dans le temps. Une récente étude179

confirme le rang peu honorable de la Tunisie parmi 65 pays concernés par ces études.

177 Ministère de l'Éducation et de la Formation. (année scolaire 2008–2009). Statistiques d’éducation et de la formation. Tunis, p. 8. 178 Zaafrane, H., & Ben Romdhane, H. (2007). Adolescents et jeunes en Tunisie : données et défis. Tunis: Nations Unies, p. 35. 179 «Ce que les élèves de 15 ans savent et ce qu’ils peuvent faire avec ce qu’ils savent» (2012), ce rapport dans le cadre des évaluations internationales(PISA), auprès d’élèves dans 65 pays. Les résultats pour la Tunisie sont affligeants, classés à l’arrière du peloton dans presque toutes les matières. Par exemple pour la performance des élèves en sciences, la Tunisie est classée 61e sur 65. Pour la compréhension de l’écrit, la Tunisie est classée 56e sur 65

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

109

Travailler dans le secteur de l’éducation nationale est le métier préféré des

diplômés titulaires d’une maîtrise. Le nombre de ces derniers ne cesse d’augmenter alors

que le nombre d’élèves connaît une baisse considérable (due à la baisse de la fécondité et

à une croissance démographique bien maîtrisée). L’occurrence de ces deux événements

aggrave depuis quelques années la situation du chômage des jeunes diplômés et constitue

un véritable défi pour le gouvernement tunisien.

III. 2.2 L’enseignement secondaire

Avant les réformes de 1991 qu’a connues l’éducation nationale, l’enseignement

secondaire était ouvert aux élèves terminant la sixième année de l’éducation primaire

avec succès. Aujourd’hui, ce cycle d’enseignement est ouvert aux élèves titulaires du

« diplôme de fin d’études de l’enseignement de base ».

Actuellement, il comporte deux cycles :

Le premier cycle de deux ans commun à tous les élèves a pour objectif de dispenser aux

jeunes une formation générale équilibrée; il leur permet d’acquérir une culture générale.

Le second cycle les rend aptes à maîtriser l’une des branches du savoir. L’enseignement

secondaire est sanctionné par l’examen d’obtention du diplôme du baccalauréat.

Les statistiques de l’enseignement secondaire fournies par le ministère de l’Éducation et

de la Formation dénombrent 485 établissements secondaires pour l’année scolaire 1988-

1989 contre 1325 pour l’année 2008-2009. Le nombre des élèves de ce cycle a plus que

doublé, passant de 186 013 à 475 483 élèves. Ces changements sur la même période ont

affecté le nombre moyen d’élèves par classe qui passe de 32,3 à 26,9 élèves180.

Cette évolution est prometteuse d’une demande de main-d’œuvre pour les

diplômés de l’enseignement supérieur, mais l’inversion de tendance dans les années à

venir (baisse de nombre d’élèves dans ce cycle de formation) constituera un autre défi

pour le gouvernement. Le recrutement des enseignants dans ce secteur d’activité doit

être bien étudié par rapport à l’évolution démographique que connaît le pays.

pour les mathématiques 56e sur 65. http://www.kapitalis.com/societe/19500-education-classement-pisa-les-eleves-tunisiens-derniers-de-la-classe.html 180 Ministère de l'Éducation et de la Formation. (année scolaire 2008–2009). Statistiques d’éducation et de la formation. Tunis, p. 8.

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

110

Quel que soit le cycle d’enseignement (de base ou secondaire), la motivation des

jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, surtout chez les titulaires de diplômes en

lettres, en sciences humaines et en sciences fondamentales, est de chercher des postes

dans l’enseignement secondaire (BEN SEDRINE, 2000). Cette tendance est très répandue

dans la société tunisienne. En vérité, être instituteur ou professeur, c’est avant tout le

moyen le plus sûr pour intégrer la fonction publique, fortement privilégiée par les

diplômés. Si la fonction publique est surveillée de très près et fortement centralisée, les

domaines comme celui de l’éducation publique continuent de recruter prioritairement les

enseignants (BEN SEDRINE, 2009). D’autre part, les personnes qui travaillent dans ce

secteur se distinguent par la représentation sociale, que la société tunisienne leur

attribue. En plus, travailler dans l’éducation nationale c’est être « Mouadhaf 181» ce

qui permet d’avoir plus de garanties, de stabilité et aussi d’être mieux vu par son

entourage.

III. 2.3 Efficacité de l’enseignement primaire et secondaire

Avant la réforme de 1991, le système éducatif tunisien contribuait à la mise à

l’écart des jeunes élèves ne possédant pas de formation suffisante leur permettant

d’affronter le marché de l’emploi. L’objectif de la réforme est d’améliorer le

rendement interne de système éducatif. Depuis, les taux de redoublement ainsi que

les taux d’abandon ont baissé. Cette réforme permet aux jeunes de rester à l’école

jusqu’à l’âge de 15 ans minimum, alors qu’auparavant l’examen de fin de cycle

primaire était un barrage en éliminant beaucoup à partir de la sixième année. Toutes

choses étant égales par ailleurs, l’augmentation des effectifs d’élèves du primaire

continue d’avoir des répercussions directes sur les effectifs du secondaire, et entraîne la

massification de l’enseignement supérieur.

III. 2.4 Formation professionnelle

Le Ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi créé en 1990. La loi

d’orientation relative à la formation professionnelle, décrétée en 1993, a instauré les

bases d’un nouveau système en relation de complémentarité avec le système éducatif et

de partenariat avec le système de production.

181 Fonctionnaire dans la langue arabe.

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

111

La formation professionnelle est organisée essentiellement selon deux axes182 :

La formation professionnelle de base vise à dispenser une formation permettant

d’acquérir les compétences et les connaissances nécessaires à l’exercice d’un métier ou

d’une profession. Cette filière facilite l’intégration des jeunes candidats dans la vie

active, ou à l’accès à une formation dans le cadre du système éducatif.

La formation professionnelle continue a pour but de consolider les connaissances

générales et professionnelles des bénéficiaires, de manière à les adapter à l’évolution des

technologies et des professions, à leur faire acquérir de nouvelles compétences pour

l’exercice d’une nouvelle activité, et à assurer la promotion professionnelle et sociale des

agents.

L’objectif quantitatif de la formation professionnelle est de renforcer les capacités

du système de formation professionnelle, à répondre instantanément aux besoins du

marché de l’emploi, à s’adapter aux mutations que connaît le secteur et à anticiper les

besoins futurs du pays en compétences.

Le Ministère de la Formation professionnelle et de l'Emploi s’est engagé dans un

vaste programme de mise à niveau de la formation professionnelle et de l'emploi

(MANFORME), structuré autour de quatre axes suivants :

- Le renforcement de la participation des entreprises dans la définition de leurs

besoins en compétences ;

- Le renforcement de la qualité, l’adaptabilité de l'offre et ajustement de sa

dimension à la demande identifiée ;

- la mise en œuvre d’une gestion active du marché de l’emploi et de la formation

continue ;

- l'implantation d'une démarche qualité dans chaque phase du processus d'offre et

de demande de formation professionnelle.

En Tunisie, la formation professionnelle s’est développée marginalement. Malgré

les efforts déployés par l’État pour développer ce secteur, les jeunes fréquentant ce type

182 Ministère de l’Éducation. (2000). Le développement de l’éducation en Tunisie entre 1996-2000. Tunis: Republique tunisienne, p. 55.

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

112

d’établissement sont souvent porteurs d’une image défavorable qui émerge dès le début

de leur arrivée dans les institutions de la formation professionnelle. Le rapport de la

Banque africaine de développement affirme l’idée selon laquelle la formation

professionnelle s’inscrit dans la politique de l’emploi et de la lutte contre le chômage,

mais la grande majorité des élèves choisissent de poursuivre leur scolarité dans

l’enseignement général183. Cette situation sociale rend difficile le souhait de certains

jeunes d’intégrer les centres de formation. Souvent, ce choix reste pour eux l’ultime

solution pour échapper au désœuvrement. C’est ainsi que la Banque africaine de

développement a pu postuler dans son rapport que : « le choix de la formation

professionnelle est essentiellement dicté par l’échec dans le cursus scolaire

secondaire »184. Aujourd’hui, le regard de la société vis-à-vis de la formation

professionnelle a changé, de plus en plus de jeunes s’orientent volontairement vers des

filières de formation professionnelle.

Faut-il signaler que le système éducatif tunisien ne permet pas une alternance entre

l’enseignement de base et la formation professionnelle. À titre d’exemple, la réussite à

l’épreuve de la fin de cycle d’enseignement de base ne permet pas un accès à une filière

de la formation professionnelle. Cette dernière est réservée à ceux qui ont échoué à leur

examen.

III. 2.5 L’enseignement supérieur

L’enseignement supérieur est une tradition bien ancrée en Tunisie.

Longtemps, la mosquée de la Zaytouna a constitué un haut lieu de savoir. Les

« medersas»185 aussi ont joué un rôle déterminant dans un enseignement

principalement religieux. La première université tunisienne proprement dite a vu le

jour en 1960. Aujourd’hui, on compte 195186 instituts d’enseignement supérieur. La

résorption des dysfonctionnements et le souci de faire de l’enseignement un des

facteurs clés de la réussite de la mise à niveau de l’économie sont devenus des

objectifs plus qu’impératifs. La signature par la Tunisie d’un accord de libre-échange,

183 Banque africaine de Développement & Organisation de coopération et de développement économiques (2008). Tunisie. Dans Perspectives économiques en Afrique (pp. 635-650), p. 647 184 Ibid., p. 647. 185 Des écoles coraniques. 186 Selon le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique (2013), la Tunisie compte 195 établissements d'enseignement supérieur et de Recherche, dont 24 Instituts Supérieurs d'Eudes Technologiques (ISET).

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

113

avec l’Union européenne, et son adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce

ont conduit à adopter une vaste réforme du système éducatif187. Depuis,

l’enseignement supérieur a connu plusieurs réformes, on citera ici les plus

importantes.

III. 2.5.1 Politiques et réformes en matière de l’éducation supérieure en Tunisie

L’employabilité doit désormais constituer l’axe premier qui

oriente tout travail de la réforme de l’enseignement supérieur. La Tunisie

a dépassé l’ère de pénurie de cadres qualifiés où tout produit de

l’université était inséré automatiquement dans le circuit économique. La

nouvelle donne nationale et mondiale rejaillit aussi sur l’université qui

est soumise comme l’ensemble de la société à la logique de l’efficience,

le souci d’insertion sur le marché de l’emploi implique une nouvelle

définition des objectifs et des moyens de la formation188.

L’université tunisienne a adopté plusieurs réformes et plusieurs ont été

appliquées, apportant aux futurs diplômés une formation adéquate à l’exigence de

marché de travail et en harmonie avec les mutations économiques et sociales. Les

réformes pédagogiques consistent à moduler rapidement les formations aux besoins de

l’économie et de la société, par la flexibilité du système universitaire de manière à suivre

le développement rapide des connaissances et des technologies.

L’instauration des partenariats entreprise-université a pour objectif de mieux préparer les

futurs diplômés au monde du travail. L’établissement d’un véritable trait d’union entre

l’école et l’entreprise permet la création de « pépinières » d’entreprises, lieux de savoir

et de savoir-faire, propices à l’apprentissage de la vie professionnelle des demandeurs

d’emploi.

Dans cette perspective, d’autres initiatives dédiées au développement de secteur

universitaire ont été prises. Citons les plus importantes :

- L’implantation des pôles universitaires dans toutes les régions constitue l’une de

priorités majeures de la décentralisation du secteur d’enseignement supérieur ;

187 YOUZBACHI, M. (2001). Les politiques d'éducation. Dans J. VALLIN, & T. LOCOH, Population et développement en Tunisie, la métamorphose (pp. 367-378). Tunis: CERES Éditions. 188 TARHOUNI, F. (2000). Le développement de l’éducation en Tunisie entre 1996-2000. Tunis: Republique Tunisienne, Ministère de l’Éducation, p. 80.

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

114

- Le financement de programmes de recherche-développement, visant à

améliorer la compétitivité de l’économie tunisienne ;

- Le développement de l’informatique et des moyens modernes de

communication ;

- Le développement de système « d’apprentissage tout le long de la vie ».

III. 2.5.2 Évolution et caractéristiques de l’enseignement supérieur en Tunisie

Le système universitaire tunisien adopte une mission principalement

quantitative (SIINO, 2000). En effet, la Tunisie s’est investie massivement dans

ce secteur, et depuis, le nombre d’établissements supérieurs n’a cessé

d’augmenter, passant ainsi de 59 établissements pendant l’année scolaire 87-88, à

195 établissements en 2011-12. De même, le nombre d’étudiants pour la même

période est passé de 43 787 à 339 619 étudiants, soit une multiplication par huit

en vingt ans.

D’après les projections du Ministère de l’Enseignement supérieur pour l’année

2030189, l’effectif estudiantin a atteint son maximum en 2011 avec 492 560 et baissera à

331 820 en 2029.

Le nombre d’étudiants du supérieur pour cent mille habitants est passé de 573 en

1987 à 3 427 en 2008190. La comparaison mondiale de cette proportion, illustrée dans le

graphique 17, montre la place qu’occupe la Tunisie parmi les autres pays du monde.

Cette proportion est plus importante que celle en France, Italie, et Suisse.

189 Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de la Technologie, (2004). 50 indicateurs de l’enseignement supérieur, de la rechrche Scientifique et de la Technologie. Tunis. p. 6. 190 Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de la Technologie. (2008). Les principaux indicateurs depuis la transition (1987-2008). Tunis: Republique tunisienne, p. 8.

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

115

Graphique 17: Nombres d’étudiants du supérieur pour 100.000 habitants : comparaison internationale (2009)

Source : Données UNESCO

La part des universitaires parmi tous les étudiants en Tunisie ne cesse

d’augmenter d’une année à une autre : en 2010-2011 leur proportion avoisine 14,4 %

contre 2,4 % en 1987-1988191, comme on peut le voir sur le graphique 18.

Graphique 18 : Évolution du nombre d’étudiants du supérieur dans l’enseignement global entre 1987 et 2010

Source : Données du Ministère de l’Enseignement supérieur.

191 Ibid., p. 8. Le nombre d’étudiants du supérieur pour cent mille habitants est passé de 573 en 1987 à 3427 en 2008.

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

116

Comment expliquer cette massification ?

En Tunisie, la massification des effectifs dans l’enseignement supérieur peut trouver son

explication dans plusieurs facteurs tels que:

- La présence massive des filles sur les bancs d’Université.

- La gratuité de l’enseignement en Tunisie a joué un rôle déterminant dans la constitution

d’un effectif de jeunes scolarisés en constante augmentation. (BEN SEDRINE, 2009).

- L’enseignement supérieur demeure l’unique possibilité offerte aux élèves du

secondaire. Car, comme nous l’avons déjà dit, le système ne permet pas d’autre choix, en

l’occurrence, la formation professionnelle ou un enseignement post secondaire

professionnalisé (A. HALLEB, S. BEN SEDRINE et A. MAHJOUB, 1996). L’inefficacité du

rendement interne des facultés peut aussi expliquer l’accroissement des effectifs du

supérieur. Said Ben Sedrine estime que le redoublement dans les facultés a amplifié la

massification de l’enseignement supérieur192.

Quelles que soient les explications qu’on peut donner à ce phénomène, la massification

produit une incertitude sur la valeur des diplômes, les compétences qu’ils certifient,

sur le capital humain dont ils sont censés être la mesure193, ce qui aura, sans aucun

doute, des retombées sur l’insertion professionnelle des diplômés.

Dans les paragraphes suivants nous essayons de cerner les caractéristiques les plus

saillantes de la population estudiantine, notamment, sa répartition par sexe, selon les

régions et par branche d’études.

III. 2.5.2.1 Répartition des étudiants selon le sexe

Comme nous l’avons déjà relaté précédemment, l’effectif des étudiants de

l’enseignement supérieur a connu un accroissement significatif. On enregistre aussi une

augmentation importante du pourcentage de filles dans la population estudiantine. Elles

représentent environ 61 %194 des effectifs en 2010-2011, contre 38,3 % au cours de

192 BEN SEDRINE, S. (2009). La Tunisie. Dans B. LABAKI, Enseignement supérieur et marché de travail dans le monde arabe (pp. 83-117). Beyrouth: Institut français du Proche-Orient (IFOP). 193 FELOUZIS, G. (2008). Des mondes incertains : les universités, les diplômés et l’emploi. Regards croisés sur les relations formation-emploi: La documentation française,p. 144. 194 Pour l’année scolaire 2010-2011, le Ministère d’enseignement supérieur dénombre 346 876 étudiants, dont 212 133 filles.

Page 117: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

117

l’année scolaire 1999-2000, soit une multiplication de leur effectif par 2,33 en 11 ans,

passant de 90 694 à 212 133 étudiantes.

La comparaison mondiale de la part des étudiantes dans l’enseignement supérieur place

la Tunisie parmi les pays les plus avancés avec plus de filles que de garçons dans les

établissements supérieurs.

Graphique 19: Proportion d’étudiantes dans l’enseignement supérieur : comparaison internationale (2009)

Source : Données UNESCO

En Tunisie, la progression de la scolarité féminine, particulièrement celle des

universitaires, s’explique en partie par les efforts fournis par les pouvoirs publics pour

promouvoir l’enseignement. Les mutations des mentalités dans la société ont aussi

contribué à l’émergence des femmes dans l’espace universitaire. Progressivement,

l’aspect rétrograde de la société traditionnelle a disparu et les barrières érigées contre la

scolarisation de filles s’abolissent d’elles-mêmes. Auparavant, la plupart des familles

n’avaient pas suffisamment de moyens pour financer les études de leur progéniture, et se

trouvaient dans la contrainte de privilégier la scolarisation des garçons au détriment des

filles. Surtout que la société n’admet pas la sortie des filles en dehors du giron familial.

Dans certains milieux ruraux, on percevait d’un mauvais œil le déplacement de la femme

vers les mégapoles en vue de poursuivre ses études. La scolarisation des filles a eu une

influence très significative sur l’évolution des effectifs des étudiants dans les différents

cycles d’enseignement, surtout dans le supérieur.

Page 118: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

118

Vers une répartition spatiale équitable des établissements universitaires.

La répartition spatiale des établissements universitaires était jusqu’aux années

quatre-vingts, marquée par une disparité : elle tend à suivre le très ancien clivage

littoral-intérieur, entre une Tunisie côtière, urbanisée, alphabétisée et relativement

industrialisée (la Tunisie « utile » du Protectorat), et un arrière-pays à activité

dominante agricole plus déshérité195. Pour remédier à ce problème, l’État a essayé

d’établir un certain rééquilibre entre l’intérieur du pays et le littoral, ainsi la carte des

établissements universitaires s’est élargie.

III. 2.5.2.2 Répartition des étudiants a ’

Avant 1976, l’orientation des étudiants selon la discipline se faisait d’une manière

libre, de telle façon que chaque étudiant pouvait choisir les études qu’il voulait suivre. À

partir de 1997, cette possibilité de libre orientation universitaire est de moins en moins

possible en Tunisie, au moment où le nombre de bacheliers a augmenté. Parmi les

slogans en vogue à l’époque : « un banc à l’université pour chaque bachelier »196, une

promesse qui reste tributaire du bon vouloir de l’État et de sa politique en la matière (à

condition de suivre l’orientation de l’État). Désormais, l’orientation des bacheliers

s’effectue automatiquement et par rapport au nombre de places disponibles dans chaque

établissement, en utilisant « un système de répartition par ordinateur selon la règle de

classement au mérite » (BEN SEDRINE, 1998).

L’examen des données concernant la répartition des étudiants selon la filière

représentée dans le tableau 23 fait apparaître cinq disciplines essentielles de formation, à

savoir : les sciences fondamentales, les sciences humaines, les sciences sociales, les

sciences médicales et les sciences techniques. Une nette préférence pour les filières

sciences sociales et sciences humaines apparaît : la proportion d’étudiants inscrits dans

ces deux disciplines dépasse 55 % pour les années quatre-vingt-dix.

Le secteur des sciences médicales recrute de moins en moins d’étudiants : entre 1980 et

2005, la proportion passe de 16,3 % à 5,8 %. La part des étudiants en sciences

195 SIINO, F. (2000). La construction de système universitaire tunisien flux croisés et importation des

pratiques scientifiques. Dans V. Geisser, Diplômes maghrébins d'ici d'ailleurs trajectoires sociales et itinéraires migratoires (pp. 76-91). Paris: CNRS ÉDITIONS.

196 Un des mots d’ordre de la Tunisie (ministère d’Enseignement supérieur ,2002)

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

119

fondamentales est en relative régression : elle passe de 18,7 % à 11,2 % sur la même

période.

La branche sciences techniques, malgré une légère baisse sur la période de 1990 à 2000,

représente en 2005-2006 environ 27,7 % du total des étudiants contre 16,6 % en 1980-

1981. Cette évolution peut s’expliquer par le fait qu’auparavant le désintérêt pour les

sciences techniques tenait aux images véhiculées valorisant les disciplines classiques au

détriment des disciplines techniques, qui relèveraient plutôt de l’apprentissage (SIINO,

2000).

Tableau 23: Évolution des proportions d’étudiants selon la branche de formation

(en %) 1980-1981 1990-1991 1999-2000 2005-2006

Sciences fondamentales 18,7 13,6 14,7 11,2

Sciences humaines 21,2 34,2 27,9 21,3

Sciences médicales 16,3 10,9 6,5 5,8

Sciences sociales 27,2 28,5 36,0 34,1

Sciences techniques 16,6 12,8 14,8 27,7

Effectifs totaux 31 827 68 535 180 004 321 838

Source : Données du Ministère de l’Enseignement supérieur.

III. 2.5.3 Les diplômés du supérieur

L'augmentation du volume des diplômés repose

sur l’expansion des taux de scolarisation et l'allongement

des études qui additionnent leurs effets parce qu'ils sont

sociologiquement associés dans presque tous les pays197.

Le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur en Tunisie a décuplé sur la

période allant de 1981 à 2005, passant ainsi de 4 946 à 46 644 diplômés, comme en

témoignent les données du tableau 24.

197 PASSERON, J.-C. ( 1982). L'inflation des diplômes : Remarques sur l'usage de quelques concepts analogiques en sociologie. Dans Revue française de sociologie (pp. 551-584.).

Page 120: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

120

Tableau 24 : Répartition des diplômés de l’enseignement supérieur selon les cycles entre 1981 et 2005

(en %) 1981 1991 2001 2005

Filière courte 36 25 25 40

Filière moyenne 50 60 64 51

Filière longue 14 15 10 9

Effectifs totaux 4 946 5 536 24 543 46 644

Sources : Données de ministère de l’Enseignement supérieur (M.E.S).

L’évolution la plus importante concerne les filières courtes, celles développées

dans les Instituts Supérieurs d’Enseignement Technologique (ISET). Cet engouement

s’explique par la réputation sociale dont jouissent ces filières, considérées comme des

débouchés logiques pour l’emploi. Ce sont en effet des branches courtes de

l’enseignement supérieur qui contribuent à sa massification, tout en réduisant la durée

des études. Concernant le cycle moyen, malgré la baisse récente (2001-2005) la

proportion de diplômés reste majoritaire (51 % en 2005). D’autre part, l’instauration en

2005 de système « LMD » raccourcira la durée d’étude d’un bon nombre d’étudiants,

dans la mesure où il réduira d’une année la période d’étude de la maîtrise (4 ans) par la

licence (3 ans).

La diversification et l’intensification des filières dans l’enseignement supérieur se

sont bien développées ces dernières années en Tunisie, particulièrement dans les filières

courtes, or ce mouvement de diversification n’a pas été accompagné d’une approche qui

réponde aux besoins du marché de l’emploi. La démarche suivie pour l’élaboration des

programmes reste fondée sur une logique disciplinaire (BEN SEDRINE, 2000). Sur le plan

institutionnel, un lien formel est établi entre les établissements de formation et le marché

de l’emploi. Cependant, BEN SEDRINE198 estime que l’absence des liens structurels entre

les établissements d’enseignement supérieur et le marché du travail reste une

caractéristique importante du dysfonctionnement de l’enseignement supérieur, et que la

professionnalisation de l’enseignement supérieur en Tunisie est une mission à construire.

Comme nous l’avons déjà relaté, la massification de l’enseignement supérieur

engendre inéluctablement une expansion du nombre de diplômés, ce qui pourrait avoir

des répercussions négatives sur la valeur des diplômes : Car, l'inflation des diplômes,

198 BEN SEDRINE, S. (2009). La Tunisie. Dans B. Labaki, Enseignement supérieur et marché de travail dans le monde

arabe (pp. 83-117). Beyrouth: Institut français du Proche-Orient (IFOP).

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

121

comme toute inflation, tend à réduire leur valeur (DURU-BELLAT, 2006). Entre le boom

des diplômés et leur problème d’insertion professionnelle, l’Université devra accentuer

la rigueur des sélections afin de réduire les sentiments de frustration éprouvés par les

diplômés qui n’accèdent pas aux emplois qualifiés, ou faire accepter l’idée qu’elle est

dédiée à la vie de l’esprit et qu’elle ne délivre aucun passeport professionnel

(BIENAYME, 1986)199.

III. 3 Efficacité du système éducatif tunisien

Le système scolaire en Tunisie a connu au cours des dernières décennies des

mutations profondes, à la fois au niveau de la réorganisation spatiale et dans le contenu

des formations. Cependant, ses défis restent nombreux. Le rapport de la Banque

mondiale citera les plus importants200.

Encadré 1 : Les défis majeurs du système éducatif en Tunisie, selon le rapport de la

Banque mondiale.201

Faible niveau de compétence : le faible niveau de compétence des élèves du système éducatif

pré-universitaire est relevé à trois niveaux : (i) un nombre croissant de sortants du système sans

diplôme et sans qualification, (ii) un niveau insuffisant d’acquisition des compétences pour les élèves

progressant dans le système, et (iii) une amélioration de l’efficacité interne de l’enseignement

primaire ne relevant pas une réelle progression de la qualité de l’enseignement. Cela se manifeste par

une régression de l’efficacité dans les cycles préparatoires et secondaires. L’amélioration des

compétences des élèves et des performances du système passe par moins de rigidité, plus

d’adaptabilité et une plus grande prise en compte de la diversité des niveaux et des aptitudes des

élèves pour les différents niveaux d’études et de formation.

Articulation entre les différents niveaux d’enseignement : la régulation des flux d’élèves entre les

différents niveaux d’enseignement et de formation obéit à trois considérations majeures : i)

l’effectivité du principe de l’apprentissage tout au long de la vie en offrant des opportunités

d’apprentissage à toutes les tranches d’âge et aux différents niveaux d’éducation, ii) la nécessité de

passerelles entre les différents niveaux d’enseignement et de formation en introduisant des

motivations et en évitant les cursus à horizons fermés, iii) l’importance de la cohérence et des

199 Cf. BEN KAHLA, K. (2000). La « crise » de l'Université tunisienne au crible de la banque mondiale: Analyse critique d'une rhétorique opportuniste. Dans V. GEISSER, Diplômés maghrébins d'ici d'ailleurs: Trajectoires sociales et itinéraires migratoires (pp. 154-175). Paris: CNRS ÉDITIONS, p. 168. 200 ZAAFRANE, H., & BEN ROMDHANE, H. (2007). Adolescents et jeunes en Tunisie : données et défis. Tunis: Nations Unies, p. 40. 201 Texte polycopié, Ibid., pp. 40-41.

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

122

complémentarités entre les programmes des réformes et en matière d’options de développement des

différents niveaux d’éducation et de formation.

Efficacité externe: le système éducatif doit accompagner l’orientation stratégique d’intégration de la

Tunisie dans l’économie mondiale et de son ouverture sur son environnement international. Le choix

de promotion de la société de savoir passe par une amélioration de la compétitivité basée sur la

qualité des ressources humaines sortants des écoles, centres, facultés et instituts. L’employabilité des

diplômés de la formation professionnelle et des universités doit être assurée à travers un mécanisme

performant d’information, doté de facultés de réaction et d’adaptation par rapport aux besoins de

l’économie.

Enseignants et formateurs: les performances des enseignants et des formateurs sont tributaires de

leurs niveaux de formation et du degré de leur motivation. L’amélioration de ces facteurs nécessite

une intervention au niveau de la formation initiale et continue des enseignants et l’amélioration des

facteurs d’incitation et de motivation. Cela suppose le développement d’un système d’évaluation

mesurant les performances et les impacts et détectant les champs d’amélioration.

Gouvernance : la réussite du système éducatif est étroitement tributaire de la qualité de sa

gouvernance. Cela concerne quatre axes majeurs : i) l’adhésion des différents acteurs et bénéficiaires

du système éducatif est une condition essentielle de sa bonne gouvernance. Les priorités des

ménages et des parents et celles du système productif doivent pouvoir émerger et être prises en

compte dans les politiques du secteur. Cette participation des ménages et des agents économiques

doit revêtir un rôle actif et responsable à travers une plus grande implication dans les choix et dans le

suivi, ii) l’amélioration de la gestion des établissements d’enseignement et de formation et de leurs

facultés d’adaptation et de réactivité efficace par rapport aux évolutions de la demande et aux

mutations du marché de travail passe par une plus grande décentralisation et une meilleure

autonomie de gestion, iii) la recevabilité du système d’éducation et de formation envers la société et

envers ses bénéficiaires constitue un élément fondamental d’amélioration de ses performances, de

son impact et de sa gestion, iv) le système de gestion, de pilotage, de suivi et d’évaluation du secteur

de l’éducation et de la formation est le garant de la qualité de réalisation des programmes et de la

mise en place des politiques et des réformes.

Conclusion

En résumé, on peut dire que, ces dernières années, le système scolaire tunisien a

connu des mutations profondes et des défis majeurs qui le mettent parfois en cause.

L’arrivée massive de jeunes diplômés sur le marché de l’emploi, souvent sans aucun

antécédent professionnel et avec aucun espoir de trouver un emploi, nous invite à

repenser le système éducatif tunisien. À présent, ses symptômes anomiques se sont

manifestés au grand jour :

Page 123: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

123

Le système scolaire souffre de sa faible efficacité, surtout au niveau interne, où le

taux de redoublement et d’abandon sont assez élevés202.

Nous pouvons dire qu’inviter les élèves dès leur jeune âge à s’orienter davantage

vers la formation professionnelle permet de réduire non seulement le coût global de

l’investissement en capital humain, mais aussi le coût de fonctionnement du dispositif

institutionnel. Cela permet d’améliorer l’efficacité interne et externe du système national

des ressources humaines203.

Certes, le boom des étudiants du supérieur et l’explosion du nombre de diplômés204 ont

des répercussions sur l’insertion professionnelle. En Tunisie, d’ailleurs comme dans

plusieurs pays du monde, l’accroissement du nombre de diplômés du supérieur constitue

un défi primordial en matière d’emploi. L’INS estime que le taux de chômage des

diplômés du supérieur a grimpé de 3,8 % en 1994 à 19,3 % en 2007, pour atteindre

33,2 % au cours du dernier trimestre de 2011 (ce que nous exposerons en détail dans le

chapitre consacré à l’emploi). Cependant, cette situation reste fortement préoccupante

pour les étudiants, les familles et le pouvoir politique. C’est pourquoi l’efficacité externe

de l’Université et la qualité de l’enseignement et de la recherche doivent tenir compte de

tous les éléments qui constituent « l’environnement » universitaire205.

202 YOUZBACHI, M. (2001). Les politiques d'éducation. Dans J. VALLIN, & T. LOCOH, Population et développement en Tunisie, la métamorphose (pp. 367-378). Tunis: CERES Éditions. 203 HALLEB, A., & BEN SEDRINE, S. (mars 2006). Caractéristiques du Marché du Travail en Tunisie, Politiques de Développement des Ressources Humaines et Politiques d’Emploi.Situation en 2005. Étude réalisée avec l’appui de GTZ. 204 Le nombre des diplômés du supérieur passé de 4473 l’année 1987à 58 598 l’année 2007, les prévisions du Ministère d’enseignement supérieur estiment cet effectif à 100 000 pour l’année 2015. 205 BEN KAHLA, K. (2000). La « crise » de l'Université tunisienne au crible de la banque mondiale: Analyse critique d'une rhétorique opportuniste. Dans V. GEISSER, Diplômés maghrébins d'ici d'ailleurs: Trajectoires sociales et itinéraires migratoires (pp. 154-175). Paris: CNRS ÉDITIONS, p. 165.

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Chapitre 3: Système éducatif en Tunisie ________________________________________________________________________

124

Page 125: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

125

Chapitre : Caractéristiques et évolution de la

population active

Introduction

La Tunisie, à l’instar de plusieurs autres pays africains, ayant nouvellement acquis leur

indépendance politique, s’attèle à mettre en place les fondements d’une société

économiquement et socialement viable. L’objectif étant d’assurer aux populations un

mieux-être, en mettant chacun à contribution selon ses capacités. Pour ce faire, l’emploi

sera considéré comme l’un des principaux leviers de la politique sociale et économique

en Tunisie. Les autorités élaborent un cadre cohérent qui permet de baliser l’emploi en

Tunisie : la politique de l’emploi.

Dans ce chapitre consacré aux caractéristiques de la population active et son évolution,

nous étudierons dans un premier temps les différentes politiques de l’emploi. En effet, en

fonction de la conjoncture, les autorités revoient la politique de l’emploi afin qu’elle

puisse mieux prendre en compte les nouvelles réalités démographiques, économiques,

éducationnelles, sociales et politiques du pays. Nous mettrons également l’accent sur les

différents fondements de ces politiques, leurs acquis et leurs faiblesses.

Dans un deuxième temps, nous évoquerons les concepts et méthodologies utilisées dans

les différentes enquêtes relatives à l’emploi, ceux-ci évoluant régulièrement afin de

mieux rendre compte de la réalité conjoncturelle et aussi d’être en conformité avec les

normes internationales. Enfin nous analyserons la population active tunisienne au niveau

de sa structure et de ses évolutions passées, présentes et à venir, car la population active

est l’élément central de toute politique de l’emploi.

IV.1 Politiques de l’emploi en Tunisie

IV.1.1 Fondement des politiques de l’emploi

En Tunisie, le premier plan de développement économique et social remonte à

1962-1966. Parmi ses objectifs, nous pouvons citer entre autres la fourniture de

renseignements pratiques et indispensables pour les politiques en matière d'emploi.

Depuis les années soixante, le pays a connu une dizaine de plans (actuellement nous

sommes au 12e plan couvrant la période 2010-2014). Les programmes d’emploi sont des

Page 126: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

126

traitements du dysfonctionnement du marché de l’emploi206, se complètent et résolvent

les problèmes connus dans les programmes précédents.

On peut distinguer deux phases importantes des politiques d'emploi en Tunisie. La

première correspond aux années soixante, avec un taux de chômage élevé et une

population peu instruite. Les programmes associés à cette politique visaient le domaine

de l'infrastructure et de l'aménagement du territoire. La deuxième phase débute dans les

années soixante-dix, avec des diversifications dans les programmes et les politiques

d'emploi. Elle s’étale sur plusieurs périodes:

* La période couvrant les années soixante-dix et les années quatre-vingt,

marquée par l'élaboration en 1973 du Programme de Développement Rural (PDR),

remplacé en 1984 par le Programme de Développement Rural Intégré (PDRI). Le but de

ce programme était l'amélioration des conditions de vie des populations rurales et

l'accroissement de la production et du revenu. Le bénéficiaire de cet instrument doit être

âgé entre 20 et 55 ans, il doit justifier qu'il est originaire de la zone d'intervention, que

son revenu annuel ne dépasse pas 2500 dinars (environ 1250 euros) et qu'il n'a pas

bénéficié auparavant d’avantages similaires.

Cette période a vu la naissance en 1972 de l'Agence Tunisienne de Coopération

Technique (ATCT), sous la tutelle du ministère du Développement et de la coopération

internationale. Cette agence est équipée d'une structure organisationnelle extensible,

formée d'une direction générale et de services spécialisés d’appui en Tunisie, ainsi que

des représentations à l’étranger. Elle joue aussi un rôle important dans la gestion active

du marché de travail207.

En 1981 fut créé le Fonds national de promotion de l’artisanat et des petits

métiers (FONAPRA), qui a pour objet la promotion du travail indépendant et

l’encouragement à la création des microentreprises dans les domaines de l’artisanat.

Grâce à ce fonds, le promoteur justifiant des qualifications requises et s'engageant à

assumer la responsabilité de gestion de l'entreprise, dont l'investissement ne dépasse pas

50 000 dinars bénéficiera d’avantages tels que la prime d'investissement, allant de 6,0 %

206 HALLEB, A., & BEN SEDRINE, S. (mars 2006). Caractéristiques du Marché du Travail en Tunisie, Politiques de Développement des Ressources Humaines et Politiques d’Emploi.Situation en 2005. Étude réalisée avec l’appui de GTZ, p. 85. 207 Présentation d’ATCT selon le site de l’Agence Tunisienne de Coopération Technique www.tunisie-competences.nat.tn

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

127

à 30,0 % du coût total de l'investissement, l’exonération de la participation patronale au

régime de sécurité sociale durant les cinq premières années et d'autres avantages liés à la

fiscalité et à la TVA. Le crédit bancaire est à rembourser sur sept ans.

La même année est marquée par la fondation du "Contrat Emploi Formation"

(CEF). Il s'agit d'un stage pour les primo-demandeurs d'emploi, s'adressant aux jeunes

ayant abandonné l'enseignement secondaire. L'entreprise qui signe le contrat CEF reçoit

une indemnité de 300 dinars pendant la période de stage et une indemnité d'insertion de

200 dinars est offerte à toute entreprise qui recrute un stagiaire après la fin de son stage.

Les jeunes diplômés, ayant au minimum accompli avec succès le premier cycle

de l'enseignement supérieur, bénéficient depuis 1987 d'un stage d'initiation à la vie

professionnelle (SIVP1). Ce stage permet au bénéficiaire l'octroi d'une bourse, allant de

100 à 250 dinars selon le domaine de spécialité, sans aucune obligation de rémunération

pour l'employeur qui peut encourager le stagiaire par un complément.

La deuxième catégorie (SIVP2) fondée en 1988 s'adresse aux jeunes ayant terminé au

minimum l'enseignement secondaire de base sans qu'ils ne soient titulaires d'un diplôme

supérieur. Pendant le stage, le bénéficiaire perçoit une indemnité variant entre 60 et 80

dinars, dont le montant est fixé par le ministère de l'Emploi et de l'insertion

professionnelle des jeunes selon un barème qui tient en compte du niveau scolaire du

stagiaire. La création durant la même année du Fonds de Roulement de l'Office National

de l'Artisanat (FRONA) permet aux artisans figurant sur la liste établie par

l'administration de bénéficier d'un prêt en espèce d’une valeur maximale de 2 000 dinars,

destiné aux besoins en fonds de roulement et remboursable après quatre ans avec un taux

d'intérêt de 3,0 %.

* la période allant de 1990 à 1993, marquée par la création de nouveaux programmes

tels que:

Le Fonds d'Insertion et d'Adaptation Professionnelles (FIAP) : fondé en 1991, il

permet aux jeunes l'accès au travail par la prise en charge de l'État du coût de la

formation d'adaptation à des postes d'emploi définis par l’employeur, qui doit s'engager à

recruter la personne formée. Ce programme concerne tous les demandeurs d'emploi et

comprend sept instruments :

FIAP A: Cet instrument permet une formation à la carte d'ouvriers spécialisés,

qualifiés et hautement qualifiés au profit des entreprises qui ont un besoin de

main-d’œuvre spécialisée.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

128

FIAP B: Cet instrument vise à diffuser l’esprit d’entreprise et l’esprit de

l’initiative privé auprès des diplômés de l’enseignement supérieur.

FIAP C: Permet aux entreprises de financer le diagnostic de leurs ressources

humaines, par des formations prises en charge à 70,0 % par cet instrument.

FIAP D : Pour satisfaire leurs besoins urgents en qualification, cet instrument

s’adresse aux groupes d'entreprises ayant les mêmes besoins en main-d’œuvre qualifiée.

FIAP E : Il a pour objectif de faciliter la mobilité des demandeurs d’emploi entre

les régions. Cet instrument permet d’avoir une prime d’hébergement ne dépassant pas 15

dinars par jour et ne dépassant pas la période de 3 jours.

FIAP F : Cet instrument permet l’intégration des employés licenciés et ceux qui

ont perdu leur travail. Les bénéficiaires peuvent avoir une prime de formation (200

dinars pour les cadres et 160 dinars pour les autres catégories) pour une période ne

dépassant pas 6 mois.

FIAP G : Cet instrument vise à promouvoir les offres de formation de base dans

le secteur privé par la prise en charge des frais d’inscription dans les programmes de

formation.

Le Programme de Développement Urbain Intégré (PDUI). Créé en 1993, sa

mission est d’aider à la création ou à l'extension des microentreprises dans les quartiers

populaires en milieu urbain. L'action principale de ces programmes est l'amélioration des

conditions de vie de la population par la consolidation de l'infrastructure et des

équipements collectifs et la création d'emplois stables.

* la période couvrant les années 1993 à 1999 : elle se caractérise aussi par la promotion

des microentreprises par l’intermédiaire notamment de la Banque Tunisienne de

Solidarité (BTS), créée en 1997. Celle-ci permet l'accès à un financement dédié aux

promoteurs possédant une qualification, mais qui étaient privés des capitaux nécessaires,

n’ayant pas accès au crédit bancaire classique.

La fondation en 1993 de l’Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant

(ANETI), sous la tutelle du ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi,

dotée d'un site internet (www.emploi.nat.tn) en libre-service, a permis l'accès au système

d'information propre au fonctionnement du marché de l'emploi et de consulter les offres

d’emploi.

L’Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant est un établissement public

à caractère non administratif, doté de la personnalité civile et de l’autonomie

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

129

administrative et financière. Elle a pour principale mission la mise en œuvre de la

politique du gouvernement relative à la promotion de l’emploi

* La période jusqu'en 2005 : la création en 1999 du Fonds National de l'Emploi (FNE),

nommé Fonds 21-21. Il s’approvisionne des contributions volontaires des entreprises, en

proportion de leurs effectifs salariaux. Le programme est censé favoriser une insertion

durable des demandeurs d'emploi par le financement de toutes les opérations

susceptibles de développer la qualification de ces derniers et de favoriser les possibilités

d'emploi notamment par le biais :

• d'activités et de projets pour l'emploi indépendant et la création de petites

entreprises ;

• de programmes permettant l’insertion professionnelle des demandeurs

d'emploi sur le marché du travail au niveau national ou international ;

• d’assistance financière par l'octroi des microcrédits;

• de programmes de formation professionnelle, permettant l'intégration

professionnelle et sociale des demandeurs d'emploi issus des milieux

défavorisés ou peu qualifiés ou peu instruits.

En 2003, dans le cadre de l'encouragement à la création des entreprises, de nouveaux

projets (réalisés par des personnes titulaires de diplômes universitaires, de certificat

d'aptitude professionnelle ou par les diplômés des centres de formation professionnelle)

bénéficient des atouts suivants:

une prime d'investissement de valeur de 6,0 % de coût de l'investissement ;

ua prise en charge par l'État de la cotisation patronale au régime de la sécurité

sociale des salariés durant les trois premières années d'activité ;

exonération pendant les trois premières années d'activités de la Taxe de

Formation Professionnelle (TFP) et de la contribution au Fonds de Promotion du

Logement pour Salariés (FOPROLOS).

IV.1.2 Évolution de l'effectif des bénéficiaires de la politique active de

l'emploi

Le graphique 20 montre l’évolution du nombre de bénéficiaires de la politique

active de l'emploi selon le programme. Elle a plus d'ampleur pour les bénéficiaires du

Page 130: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

130

programme fond 21-21 que ceux des autres programmes. L'effectif de ces derniers a

triplé entre 2000 et 2005. Pour les bénéficiaires de SIVP1, l'évolution est plus visible

après 2003, tandis que les bénéficiaires des autres dispositifs voient leurs effectifs

stagner sans dépasser les 10 000 bénéficiaires en 2008.

Graphique 20: Nombre de bénéficiaires de la politique active de l’emploi selon le type de programme

Source: Ministère de l'Emploi et de l'insertion professionnelle des jeunes.

La politique active de l’emploi regroupe plusieurs sources financières

correspondant à deux types de fonds à savoir le fonds National de l'Emploi (Fonds

21-21), le fonds de Solidarité Nationale (Fonds 26-26) et les fonds d'emploi. Cette

politique a pu réaliser plusieurs objectifs, et ce malgré la petite enveloppe financière

allouée par l’État pour les programmes de soutien à l'emploi. En 2008, le montant affecté

à ces programmes était de l'ordre de 286 millions dinars tunisiens (soit un accroissement

de 6,7 % par rapport à 2007)208, mais elle reste quand même modeste ; elle ne

représentait que 0,6 % du produit intérieur brut en 2008.

Le tableau 25 montre l'évolution du budget du PAE et sa répartition sur les programmes

spécifiés.

208 Sources: Ministère du développement et de la coopération internationale et de l'emploi et de l'insertion professionnelle des jeunes, commissariat général au développement régional et BCT.

Page 131: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

131

Tableau 25: Évolution des programmes de PAE entre 2005 et 2008 (en million de dinars tunisiens)

2005 2006 2007 2008

Emploi conjoncturel dans le cadre des chantiers

(chantiers nationaux, PRD…) 82,8 81,3 102,6 120,4

Aide à la création et à la consolidation de l'emploi

(FNE, PRDI, FONAPRA… ) 96,3 94,6 119,0 114,9

Programmes d'insertion dans la vie active (SIVP,

FIAP, CEF…) 28,1 37,2 46,3 50,6

Total de PAE (en MDT) 207,2 213,1 267,9 285,9

PIB (en MDT) 37 766 41 408 45 628 50 325

%(PEA/PIB) 0,55 % 0,51 % 0,59 % 0,57 %

Sources: Ministère du développement et de la coopération internationale et de l'emploi et de l'insertion professionnelle des jeunes, commissariat général au développement régional et BCT.

IV.1.3 Les acquis des politiques de l'emploi en Tunisie

La Politique Active de L’Emploi (PAE)209 est un outil qui agit indirectement sur

les causes du chômage, en essayant de trouver une solution pour combler le manque

d'expérience des diplômés, notamment ceux de l'enseignement supérieur et de traiter en

aval le problème de l'employabilité des jeunes, c'est-à-dire la professionnalisation de

l'enseignement supérieur, qui permettrait aux demandeurs d'emploi d'acquérir

l’expérience nécessaire à une insertion réussite dans l'entreprise et l'accomplissement des

tâches demandées par l'employeur.

Elle a contribué à la mise en place d'un instrument d'information permettant au

demandeur d'emploi l'accès aux informations relatives au monde de travail. Cet

instrument expose toutes les potentialités et les contraintes que le candidat peut trouver

au moment de recrutement alors qu’il les ignorait auparavant. Ceci permet aussi au

recruteur de connaître son futur salarié et de minimiser le risque d’engager un diplômé

non productif.

Un acquis important à signaler est la réduction de coût de travail. En effet, les

instruments SIVP, CEF et les allocations salariales permettent de baisser le coût du

recrutement et encouragent ainsi les employeurs à créer des postes supplémentaires et de

209 La Tunisie ne possède pas de régime d’indemnisation du chômage ou de systèmes d’assurance chômage. Elle a plutôt favorisé le développement d’une politique active de l’emploi constituée d’un mélange de mesures structurelles et de mesures conjoncturelles.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

132

pourvoir les postes vacants. Un autre acquis atteint est l'instauration d'une discrimination

positive permettant une facilité d'accès aux personnes handicapées et aux femmes au

marché de travail.

IV.1.4 Les limites des politiques de l'emploi en Tunisie

En Tunisie, les programmes d’emploi ne sont pas soumis à des évaluations

régulières et rigoureuses (HALLEB & BEN SEDRINE, 2006, 85). Il est donc difficile

d’estimer leur impact sur le marché de l’emploi. Mais il y a une inadéquation entre les

créations d’emploi et la formation professionnelle offerte aux stagiaires. En effet, la

répartition de ces derniers entre les différentes catégories de formation est davantage

imposée par les capacités réelles de formation que par les besoins du marché de travail.

De ce fait, le système actuel de formation professionnelle ne peut pas satisfaire les

besoins de la main-d’œuvre additionnelle. Le nombre de stagiaires de l’ATFP (Agence

Tunisienne de la Formation Professionnelle) a plus que doublé durant la

période 1997-2001, passant de 13 113 en 1997 à 27 564 en 2001 (GHOBENTINI &

REDJEB, 2005, 17), et à 66 145 en 2008 (estimation de l’ATFP). La composante

politique « passive »210 de l’emploi reste marginale. Elle ne correspond pas aux besoins

des travailleurs, notamment ceux qui sont licenciés pour causes économiques

(GHOBENTINI & REDJEB, 2005, 16).

En Tunisie, le système d’aide à l’insertion professionnelle se caractérise par la

présence d’un grand nombre d’intermédiaires dont les missions sont parfois redondantes.

Par ailleurs, des incohérences institutionnelles se traduisent par une duplication des

mécanismes de soutien, voire des incitations contradictoires211.

La mauvaise répartition géographique des intermédiaires (organismes opérant

pour appliquer les différents programmes relatifs à l’insertion professionnelle) constitue

un handicap dans l’accès à l’information chez les jeunes demandeurs d’emploi,

notamment ceux des zones rurales. En effet, la plupart des intermédiaires sont concentrés

dans les zones urbaines alors que le taux de chômage est plus élevé dans les zones

rurales. Dans les régions de l’intérieur et du Sud, l’éloignement des bureaux d’emploi

210 Les politiques passives consistent en l’octroi d’une aide financière conjoncturelle. 211 MATHLOUTHI, Y., & MEZOUAGHI, M. (novembre 2006). L’impact des politiques actives d’emploi sur les diplômés de l’enseignement supérieur : les enseignements de l’expérience tunisienne. L’Association Mohamed Ali de la Culture ouvrière et le Réseau Euromed de Confrontation et d’Études prospectives sur Travail, Innovations et Droits sociaux en collaboration avec La Fondation Friedrich Ebert Et La Commission Europeenne.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

133

des lieux de résidences des demandeurs d’emploi réduit leurs déplacements vers ces

bureaux pour toute demande d’information. Environ 55 % des bureaux d’emploi et du

travail indépendant sont installés dans les gouvernorats du Sahel et du Nord, y compris

le district de Tunis (GHOBENTINI & REDJEB, 2005, 16).

L’interdiction de bureaux privés d’emplois constitue un handicap empêchant les

demandeurs d’emploi d’avoir d’autres organismes publiant des offres d’emploi. La

Tunisie n’a pas ratifié la convention internationale relative aux bureaux privés d’emploi

(GHOBENTINI & REDJEB, 2005, 16).

IV.2 Structure et évolution de la population active

La population active est constituée de toutes les personnes susceptibles de

contribuer à la production des biens et services. Elle est composée des personnes qui

travaillent ou se livrent à une quelconque activité économique (les actifs occupés) et de

ceux qui, au moment du recensement ou de l’enquête emploi, sont à la recherche d’un

emploi (les chômeurs). En Tunisie le profil et l’effectif de la population active sont en

mutation depuis ces deux dernières décennies.

IV.2.1 La population active

La population active (15 ans et plus) atteindrait 69 % de la population totale en

2014, soit 7,5 millions de personnes. Sa croissance annuelle est plus rapide que la

croissance de la population totale (2,18 % contre 1,06 % durant la période 2007-

2012)212.

L’accroissement de la population active peut être expliqué, notamment, par la

réactualisation des définitions relatives à la population active213 , une présence féminine

212 ONEQ. (Novembre 2013). Rapport annuel sur : Le marché du travail en Tunisie. Tunis: Observatoire National de l'Emploi et des Qualifications, p. 21. 213 Nous rappelons que L’Organisation Internationale du Travail (OIT) dicte les définitions relatives au

monde du travail. Or, de nombreux pays ne s’y conforment pas, et c’était le cas de la Tunisie jusqu’en 2004. À

l’occasion du Recensement Général de la Population et de l’Habitat de 2004 en Tunisie, l’INS a décidé de

réviser la méthodologie et les concepts utilisés dans l’enquête sur l’emploi afin d’assurer une meilleure

harmonie avec les méthodes et les concepts du Bureau International du Travail (BIT) en matière d’emploi et

du chômage. «Cette nouvelle méthodologie permet d’appréhender directement la population active occupée, puis la population au

chômage pour finir avec la population économiquement inactive. Quant à la population active totale, elle s’obtient tout simplement

par la somme de la population occupée et de la population au chômage. Par contre, l’ancienne méthodologie, conduite depuis le

milieu des années1970 et jusqu’à l’année 2003, consistait à effectuer une première identification de la population active totale à

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

134

sur le marché d’emploi de plus en plus importante et le fléchissement des migrations

vers l’étranger.

IV.2.1.1 Population active selon le sexe

Cette flambée des taux d’activité féminins n’a pas seulement

bouleversé le cours tranquille des extrapolations économiques, elle a

aussi démoli nos schémas d’analyses, nos concepts de base, nos cadres

habituels de réflexion. (MARUANI, 1985).214

L’évolution de cette population représentée dans le graphique 21 montre que la

population active se féminise. La proportion de femmes dans la population active est

passée de 20,3 % en 1984 à 26,8 % en 2010.

Graphique 21: Répartition de la population active selon le sexe

Source : RGPH (1984 à 2004) et Enquête nationale population et emploi, 1999,2008 et 2010.

Cette présence féminine dans la population active peut être expliquée par le changement

culturel et social qu’a subi la Tunisie. Autrefois responsables des tâches domestiques et

éducatives, les femmes tunisiennes sont de plus en plus présentes et effectives dans le

monde de travail.

travers des questions filtres, puis à définir la population occupée et la population non occupée et en déduire une délimitation

définitive de la population active». AMARI , S. (Décembre 2008). Statistiques de l'emploi 2008. www.info-emploi.tn:

Observatoire National de l’Emploi des Qualifications, p. 5.

214 Maruani, M. (1985). Mais qui a peur du travail des femmes. Paris: Syors , p. 23.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

135

IV.2.1.2 Taux brut d’activité

Le tableau 26 ci-après décrit l’évolution du taux brut d’activité, qui est défini par le

rapport de la population active à la population totale. Il était de l’ordre de 35,6 % en

2008 contre 29,1 % en 1975 pour les deux sexes. Même si ce taux est en nette évolution

chez les femmes (19,5 % en 2008 contre 11,0 % en 1975), il reste très loin de celui des

hommes (le taux d’activité de ces derniers était de 51,9 % en 2008).

Tableau 26 : Évolution du taux brut d’activité entre 1975 et 2008 (en %)

Sexe 1975 1984 1994 2004 2008

Masculin 46,6 48,6 47,7 46,5 51,9

Féminin 11,0 13,3 15,1 14,8 19,5

Ensemble 29,1 30,6 31,6 33,6 35,6

Source: RGPH (1975 ,1984 ,1994 et 2004) et l’Enquête population et emploi 2008.

Taux global d’activité

Le taux global d’activité, défini comme étant le rapport de la population active à la

population en âge d’activité (15 ans et plus), est passé de 47,6 % en 1984 à 46,3 % en

2008.

Cette évolution résulte principalement de l’arrivée massive des femmes sur le marché du

travail. Le taux d’activité de celles-ci est passé de 19,5 % en 1984 à 25,4 % en 2008,

alors que l’activité masculine baisse de 75,0 % à 68,9 % sur la même période.

Tableau 27 : Évolution des taux globaux d’activité (en %)

1984 1994 2004 2005 2008

Hommes 75,0 69,1 67,8 68,6 68,9

Femmes 19,5 24,1 24,2 24,4 25,4

TOTAL 47,6 45,3 45,8 46,3 46,2

Source: RGPH (1984,1994 et 2004) et Enquête population et emploi (2005 et 2008).

IV.2.1.3 Population active selon l’âge

L’activité d’une population est fortement corrélée à l’âge. L’évolution du taux d’activité

par âge entre 1984 et 2008, représentée par le graphique 22, montre bien que les taux

d’activité féminine sur cette période ont nettement augmenté à tous les âges, mais ils

restent tout de même inférieurs aux taux masculins.

Page 136: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

136

Graphique 22: Évolution des taux d’activité par âge selon le sexe entre 1984 et 2008

Incontestablement et d’après le graphique précédent, on peut relever les trois

tranches d’âge suivantes:

Entre 15 et 30 ans, le taux d’activité féminine est en baisse au fil des

années, au même titre que celui des hommes. Il en résulte qu’en 2008, on

a moins de femmes et d’hommes actifs qu’en 1994 et 1984. Ceci peut être

expliqué par une scolarisation de plus en plus longue.

Entre 30 et 60 ans, on a plus de femmes en activité en 2008 qu’en 1984,

mais l’écart entre les différentes courbes se rétrécit au fur et à mesure

qu’on s’approche de la fin de la vie active. Ce qui n’est pas valable pour

les hommes qui connaissent un taux d’activité stable sur cette tranche

d’âge.

Enfin, au-delà de 60 ans, on constate une stagnation des taux d’activité des

femmes, au même moment que ces mêmes taux régressent chez les

hommes au fil des années.

Pour la première tranche d’âge, on constate que le taux d’activité pour les deux sexes

monte jusqu'à l’âge de 30 ans. Ce taux en 2008 est plus bas que celui de 1984 et de 1994.

Ceci est probablement dû à deux raisons:

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

137

L’une relative au changement de la terminologie et de la classification statistique des

actifs et des chômeurs. L’autre est l’augmentation de la durée des études, ce qui retarde

leur rentrée en vie active.

Pour ce qui concerne les personnes âgées de 30 à 60 ans, le taux d’activité des femmes

augmente au fil des années même s’il est en baisse avec l’avancement de l’âge. Or, les

courbes sont superposées chez les hommes, donc on peut affirmer une amélioration de

l’activité féminine en Tunisie face à une stabilité du phénomène chez les hommes.

Pour la dernière tranche d’âge, les taux d’activité des femmes sont quasiment nuls, pour

la simple raison que presque toutes les femmes sont inactives à partir de cet âge. Chez

les hommes, ces taux sont en baisse en raison de modifications apportées au système de

retraite depuis quelques années. Ceci simplifie le départ en retraite anticipée, ce qui

entraîne une augmentation de la proportion d’inactifs à partir de 60 ans, et donc une

baisse de taux d’activité.

Dans le paragraphe qui suit, nous allons nous intéresser à l’évolution de la

population active selon le niveau d’instruction pour observer l’impact du développement

scolaire sur la composition de la population active.

IV.2.1.4 Population active selon le niveau d’instruction

En l’espace de 24 ans, l’évolution du nombre d’actifs selon le niveau

d’instruction a connu un changement considérable comme le montre le graphique 23 ci-

dessous. Effectivement, entre 1984 et 2011 on a constaté que la population active

possédant un niveau supérieur d’études est passée de 3,6 % à 19,5 %. Pour les actifs

analphabètes, leur proportion a baissé (41,8 % en 1984 contre 9,5 % en 2011).

La proportion de personnes ayant un niveau d’instruction primaire a connu une légère

baisse pour atteindre environ 33,1 % en 2011. Les actifs ayant un niveau secondaire ont

vu leur proportion presque doubler, entre 1984 et 2011 : elle est passée de 20,1 % à

37,9 %. Cette évolution en fonction du niveau d’instruction est le fruit des politiques

engagées par l’État depuis l’indépendance, en favorisant l’éducation à travers des

mesures telles que l’obligation de scolarisation des garçons et des filles à partir de l’âge

de 6 ans, et la fixation d’un âge minimum pour quitter l’école à 16 ans.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

138

Graphique 23: Répartition des actifs selon le niveau d’instruction entre 1984 et 20 011

Source : RGPH 1984,1994 et 2004, Enquête nationale population et emploi 2008 et 2011.

En Tunisie, on voit l’émergence d’une population active de plus en plus instruite,

puisqu’en 2011, environ 57,3 % de la population active totale avait un niveau

d’éducation supérieur ou égal au secondaire. Cette proportion est plus importante chez

les femmes que chez les hommes, elle atteint 66,5 % pour celles-ci. La répartition de la

population active selon le niveau d’instruction vient confirmer non seulement le progrès

qu’a connu le pays en matière de l’éducation, mais aussi le développement de la société

tunisienne qui favorise de plus en plus l’intégration des femmes dans la sphère

économique.

IV.2.2 Population active occupée

IV.2.2.1 Évolution de la population active occupée

La définition de la population active occupée est assez explicite215. Celle-ci a fait

l’objet de plusieurs modifications depuis le recensement 2004 traduisant la volonté de

215 Selon l’INS, la population occupée est constituée des individus des deux sexes âgés de 15 ans et plus et qui

ont travaillé au moins un jour, ne serait-ce qu’une heure, durant les sept jours qui précèdent la date de

l’enquête, des militaires du contingent (sous les drapeaux) et des personnes qui n’ont pas travaillé au cours de

la semaine pour des raisons de congé de repos ou de maladie ou d’intempéries notamment pour les personnes

s’adonnant à des activités agricoles ou pour des raisons d’arrêt momentané du travail. Avant 2004, la

population occupée comprend les personnes actives qui ont travaillé au moins une journée au cours de la

semaine de référence précédant le jour de l’enquête. Les journées non travaillées pour cause de congé, de

maladie et d’intempéries sont considérées comme des journées travaillées.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

139

l’INS à suivre les recommandations du BIT en matière la comptabilisation de la

population active et ses composantes.

IV.2.2.2 Population active occupée par sexe

Le tableau 28 présente l’évolution de la population active occupée selon le sexe entre

1984 et 2011. La part des femmes dans l’emploi total demeure faible; elle est de 23,7 %

en 2011 et de 20,7 % en 1984.

Tableau 28 : Évolution de la population des occupés selon le genre

1984 1994 1999 2004 2008 2011

Hommes (en milliers) 1327,5 1681,8 1869,2 2121,4 2336,8 2394,1

Femmes (en milliers) 345,6 504,6 614,7 733,3 818,6 745,7

Femmes (en %) 20,7 23,1 24,7 25,7 25,9 23,7

Source : RGPH (1984, 1994 et 2004) et Enquête nationale population et emploi (1999, 2008 et 2011).

On remarque aussi que la population active occupée représentait 83,6 % de la

population active totale en 1984 contre 81,7 % en 2011. Cette baisse est induite

notamment par la réduction de la proportion des femmes occupées (en 2011, 72,6% des

femmes actives sont au travail, contre 84,1 % en 2008). Les femmes opèrent

principalement dans l’agriculture, les industries manufacturières et les services trouvent

plus des difficultés pour s’insérer sur le marché d’emploi. Les aléas climatiques et

économiques ont bien évidemment des répercussions directes sur l’emploi en particulier

sur l’emploi féminin.

IV.2.2.3 Population active occupée par âge

La composition de la population active occupée par groupes d’âge progresse de la même

façon que la population active totale. Réellement, la part des personnes du groupe d’âge

25-59 ans progresse au détriment des groupes d’âge de moins de 25 ans et de 60 ans et

plus. La baisse remarquable de l’employabilité pour le groupe d’âge de moins de 25 ans

est probablement due à l’allongement de la durée de scolarisation, car les jeunes

consacrent plus de temps aux études ou, notamment, pour échapper au chômage. Pour le

groupe d’âge de 60 ans et plus, la tendance à la baisse peut être expliquée par

l’amélioration des conditions de vie des personnes âgées, ce qui accélère leur départ

précoce en retraite, quittant ainsi le monde du travail.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

140

Graphique 24 : Évolution de la proportion des occupés selon les groupes d’âge (en %)

Source : RGPH (1984 et 1994) et Enquête nationale population et emploi (2005 et 2008).

IV.2.2.4 Population active occupée selon le niveau d’instruction

L’évolution de la population active occupée selon le niveau d’instruction est semblable à

celle de la population active totale. D’après le tableau 29, on constate :

- Un recul spectaculaire de la proportion des analphabètes occupés : elle passe de

42,5 % en 1984 à 11,9 % en 2008.

- Pour les occupés ayant un niveau primaire, la proportion n’a pas beaucoup

changé : elle atteint un pic de 40,7 % en 1999 pour enregistrer par la suite une

légère baisse.

- La proportion des employés avec un niveau secondaire a presque doublé.

- La proportion des employés ayant un niveau d’études supérieur s’est presque

multipliée par quatre entre 1984 et 2008.

Tableau 29 : Évolution de la proportion des occupés selon le niveau d’instruction

1984 1994 1999 2004 2010

Supérieur 4,2 7,4 9,1 12,7 16,2

Secondaire 21,3 30,0 31,1 34,9 37,2

Primaire 32,0 39,4 40,7 37,9 35,6

Néant 42,5 23,2 19,1 14,5 11,1

Sources : RGPH (1984, 1994 et 2004) et Enquête nationale population et emploi (1999 et 2010).

Le tableau 29 montre que depuis quelques années une amélioration des taux

d’occupation en faveur de la population instruite. Malgré le fait que la proportion des

personnes ayant un niveau primaire ou sans niveau a baissé (74,5 % en 1984 à 48,5 % en

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

141

2008), leur présence sur le marché de l’emploi constitue sans aucun doute un handicap

majeur pour les entreprises utilisant la nouvelle technologie, ce qui nécessite des efforts

de remise à niveau et d’adaptation, et donc des coûts supplémentaires pour les

entreprises.

IV.2.2.5 Population active occupée selon la branche d’activité

Dans le paragraphe suivant, nous examinons l’évolution de la population active occupée

par secteur d’activité. De ce fait, nous allons utiliser la nomenclature employée par l’INS

qui distingue les branches de l’agriculture (pêche et forêts), des industries

manufacturières, des bâtiments et travaux publics, des mines et énergies et enfin des

services. En effectifs absolus, les différentes branches d’activité, à l’exception de celle

des mines et des énergies, ont enregistré une hausse des emplois durant la

période 1984-2008, comme on peut le remarquer sur le graphique 25. C’est dans la

branche des services que cette augmentation est plus importante, puisque l’effectif des

emplois a presque triplé en passant de 588 100 à 1 533 100 emplois.

Graphique 25: Évolution du nombre d’occupés par branche d’activité entre 1984 et 2008(en milliers)

Sources : RGPH (1984, 1994 et 2004) et Enquête nationale population et emploi (1999 et 2008).

L’évolution de la participation de chaque secteur d’activité (le tableau 30) montre

que l’emploi agricole ne cesse de baisser (27,3 % de l’emploi total en 1984 contre

17,7 % en 2008). Cette décroissance s’explique par l’amélioration des techniques de

culture et la hausse de la productivité. Le secteur des services quant à lui emploie plus de

personnes : 48,6 % en 2008 contre 35,2 % en 1984. Pour les autres secteurs, leurs

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

142

évolutions sont nettement moins significatives, on ne dépasse guère un point en valeur

relative.

Tableau 30: Répartition des emplois selon la branche d’emploi

En % 1984 1994 1999 2004 2008

Agriculture et pêche 27,3 21,2 20,1 16,2 17,7

Industries manufacturières 19,7 19,6 19,4 19,4 19,1

Mines et Énergies 2,3 1,6 1,3 1,2 1,1

B.T.P 13,5 12 13,8 13,3 12,6

Services 35,2 43,9 45 48,9 48,6

Non déclarés 2 1,6 0,4 1 0,9

Total 1 673,1 2 186,4 2 483,9 2 854,7 3 155,4

Sources : RGPH (1984, 1994, 2004) et Enquête nationale population et emploi (1999, 2008).

La domination continue du secteur des services, qui employait une personne sur

deux en 2008, traduit les changements opérés dans l’économie libérale où l’initiative

privée est encouragée, et elle confirme le rapprochement de l’économie tunisienne du

modèle européen, dans lequel l’emploi se base essentiellement sur les services.

L’analyse du taux d’occupation selon la branche d’activité en Tunisie, dans une

perspective du genre, montre une disparité selon le sexe : chez les hommes, la répartition

des occupés selon le secteur d’activité est restée similaire entre 1984 et 2004 alors que

cette répartition a été bouleversée chez les femmes (graphique 26). En effet, au départ le

secteur offrant plus d’emplois aux femmes était l’industrie manufacturière suivie par

l’agriculture. Ces deux secteurs perdant peu à peu leur essor, un transfert de main-

d’œuvre féminine s’est effectué vers le secteur de l’administration avec 32,7 % en 2004

contre 14,4 % en 1984 et vers le secteur des services avec 14,2 % contre 4,4 %216.

L’administration, surtout dans le secteur public, est de plus en plus la branche d’activité

préférée des Tunisiennes qui sont attirées par l’emploi protégé et ne prennent pas le

risque de se lancer dans le secteur privé. Pour les hommes, l’évolution est moins

importante dans la même période et le transfert se fait du secteur agricole vers celui des

services, qui voit sa part doubler (passant de 14,7 % à 29,0 %).

216 Source : les données sont issues de l’INS.

Page 143: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

143

Graphique 26 : Répartition des occupés selon la branche d’activité et le sexe entre 1984 et 2004

Sources : RGPH 1984 et 2004.

IV.2.2.6 Population active occupée selon le statut dans la profession

Entre 1984 et 2008, la part des salariés en Tunisie a toujours été supérieure à

66,0 % des actifs occupés, celle des chefs d’entreprise et des indépendants à environ

25,0 %, tandis que les aides familiales n’ont jamais dépassé le seuil des 8,0 %. La

répartition de la population occupée selon le statut dans l’emploi montre que, malgré une

tendance soutenue vers le libéralisme économique, le salariat, avec la recherche de la

stabilité dans l’emploi, est plus privilégié que le travail indépendant qui nécessite des

moyens financiers et la prise de risque217.

217 M’BAREK, E. (2005). Évolution de l'emploi en Tunisie. Université de Tunis, p. 31.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

144

Graphique 27: Structure de la population active occupée selon le statut dans la profession

Source : INS.

D’autre part, et dans une perspective du genre, la structure de l’emploi selon le

statut dans la profession est assez stable pour les hommes contrairement aux femmes

(graphique 28). C’est pourquoi le salariat s’est développé pour connaître un saut entre

1984 et 2004 passant de 43,0 % à 79,0 %218, faisant du salariat féminin le statut type des

travailleuses en Tunisie. La libéralisation et la mise en place des nouvelles

réglementations du travail ont fait apparaître un nouveau statut de salariées, divergeant

du salariat traditionnel par sa précarité.

218 Source : INS.

Page 145: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

145

Graphique 28 : Structure de la population active occupée selon le sexe et le statut dans la profession

Sources : INS, RGP 1984 et 2004.

Pour les hommes, l’évolution de la structure selon le statut professionnel est

relativement stable. Le salariat est le profil dominant avec une très légère évolution sur

la même période. Ensuite viennent les indépendants qui voient leur part baisser de

22,0 % à 17,0 %. Enfin, la part des employeurs a doublé, passant de 2,7 % à 6,5 %. Pour

les femmes salariées, leur proportion a augmenté pour passer de 44,0 % à 79,0 %, au

détriment des autres statuts professionnels.

IV.2.3 Évolution de la demande d'emploi

Pour comprendre l’évolution de la demande d’emploi en Tunisie, nous avons eu

recours aux données de l’INS comme on peut le voir sur le graphique 29.

Lors de la première période (1962-1971), la demande additionnelle annuelle moyenne a

atteint 21 700 contre 37 200 pour la seconde période (1972-1981) ; 59 500 pour celle de

1989-1994 ; 71 800 pour la période 1994-1999. C’est seulement entre 2014 et 2019 que

la demande additionnelle commence à baisser pour se situer à 81 800 en moyenne

Page 146: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

146

annuelle (selon l’hypothèse moyenne de la projection de la population active faite par

l’INS en 2007) et à 62 600 entre 2019 et 2024 selon cette même hypothèse.

Graphique 29: Évolution de la demande additionnelle moyenne annuelle

Source : INS, données selon hypothèse moyenne de projection de la population active.

Cette demande se caractérise par une présence féminine de plus en plus

importante d’une part, et par un niveau d’instruction plus élevé d’autre part. En effet, la

demande féminine d’emploi s’est accrue au fil du temps, pour dépasser la demande

masculine, pour la première fois dans l’histoire du pays, à partir de la période 2009-2014

(selon les projections de l’INS), comme on peut l’observer sur le tableau 31.

Tableau 31 : Évolution de la demande additionnelle moyenne annuelle selon le sexe

2004-2009 2009-2014 2014-2019 2019-2024

Demande masculine 47 700 39 600 27 700 18 600

Demande féminine 40 200 47 800 54 100 44 000

Ensemble 87 900 87 400 81 800 62 600

Source : INS (Hypothèse moyenne de la projection de la population active).

Concernant les caractéristiques éducatives de la demande additionnelle d’emploi,

son évolution au cours des dix dernières années montre une hausse prononcée de la part

de la demande additionnelle de niveau supérieur, qui est passée de 23,1 % en 2001 à

55,2 % en 2007. En 2004 et pour la première fois, les effectifs de demandeurs ayant le

niveau supérieur (34 500) ont dépassé ceux des autres niveaux (32 500), comme nous

pouvons l’observer dans le tableau 32.

Page 147: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

147

Tableau 32: Évolution de la demande additionnelle (15 ans et plus) selon le niveau d’instruction

(en milliers) 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Néant, Primaire et Secondaire 57,0 53,6 45,6 32,5 39,6 48,1 39,0

Supérieur 17,1 25,9 34,6 34,5 46,7 43,1 48,1

Ensemble 74,1 79,5 80,2 67,0 86,3 91,2 87,1

Source : INS.

En Tunisie, le nombre moyen de demandeurs d’emploi pour une offre disponible

était environ de 3 en 2004 et de 4 en 2008. Ce nombre diffère en fonction des régions ;

par exemple, pour la région du Sud-Est, on enregistre des valeurs supérieures à la

moyenne nationale, dépassant 10 demandeurs d’emploi pour une offre disponible dans

région de Tataouine.

IV.2.4 Évolution des créations d'emploi

Les créations nettes d’emploi constituent la différence entre créations brutes et

destructions d’emplois. Leurs cumuls enregistrés durant la période (2001-2007) ont

atteint 532 400, soit une moyenne de 76 057 emplois par an. Les créations nettes

d’emplois pour les jeunes ayant un niveau équivalent à celui du supérieur ont

atteint 179 200 (33,6 % de l’ensemble des emplois créés durant la période 2001-2007),

soit une moyenne de 25 600 emplois par an.

Tableau 33 : Évolution des créations nettes d’emploi selon le niveau d'instruction

(en milliers) 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 Cumul

2001-07

Moyenne

annuelle

Au plus Secondaire 63 44 62 30 53 53 48 353 50,5

Supérieur 17 19 30 37 21 23 32 179 25,6

Total 80 63 92 67 74 76 80 532 76,1

Source : INS.

Par rapport au niveau d’instruction, l’offre d’emploi pour les jeunes diplômés du

supérieur est nettement inférieure à la demande additionnelle. L’écart entre la demande

additionnelle et les créations nettes d’emplois s’est creusé comme on peut l’observer sur

le graphique 30. Cette situation est due aux flux des diplômés du supérieur arrivant

chaque année sur le marché du travail.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

148

Graphique 30: Évolution des créations nettes d’emploi et des demandes additionnelles d’emploi de diplômés du supérieur (en milliers)

Sources : Données de l’INS.

La répartition de créations nettes d’emploi par branche d’activité montre que la

branche service crée de plus en plus d’emplois et que cette tendance se confirme et se

renforce d’une année à l’autre. Le nombre d’emplois créés pendant la période

intercensitaire 1994-2004 est estimé à 53 400 emplois dont 45 600 dans la branche

service et 18 600 dans l’industrie, alors que dans l’agriculture il y a eu 4 800

suppressions d’emplois (HALLEB & BEN SEDRINE, mars 2006).

IV.2.5 Population active non occupée

Il est important de rappeler qu’en Tunisie, comme dans plusieurs pays du monde,

le chômage est non indemnisé et que les politiques actives de l’emploi constituent le

principal instrument d’intervention de l’État pour venir en aide aux chômeurs, afin de

permettre leur insertion sur le marché de travail. Depuis la révolution de 2011, une prime

symbolique a été accordée aux chômeurs diplômés219.

219 En 2011, le Ministère de la Formation Professionnelle et de l'emploi annonce une prime de 200 dinars ( environ 90 euros) accordée aux chômeurs diplômés du supérieur , outre la déclaration d'une autre subvention attribuée au profit des jeunes qui ont des cas sociaux particuliers et les diplômés des familles nécessiteuses.

Page 149: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

149

IV.2.5.1 Population au chômage

« Le marché de l’emploi ressemble alors à un jeu de chaises

musicales. Il y a plus de danseurs sur la piste. Quand la musique

s’arrête, certains ne trouvent pas des chaises. Nous ne savons pas qui

seront ces infortunés danseurs, mais il est clair qu’un certain nombre

d’entre eux seront mis à l’écart et devront s’arrêter de danser contre leur

gré. De même, quand le nombre d’emplois est inférieur au nombre de

demandeurs d’emploi, certains ne trouvent pas de travail. » 220

Après le recensement de la population et de l’habitat de 2004, la méthodologie de

détermination du nombre de chômeurs a changé pour tenir compte de l’ensemble de la

population âgée de 15 ans et plus au lieu de celle de 18 à 59 ans avant ce recensement.

L’évolution du nombre de chômeurs depuis 1966, comme le décrit le tableau 33, montre

que le chômage ne cesse d’augmenter et que les femmes possèdent de plus en plus de

poids dans cette population de chômeurs. Leur proportion parmi l’ensemble des

chômeurs passe de 5,4 % à 39,9 % entre 1966 et 2011.

Sur le tableau 34, on remarque une grande variation du nombre total de chômeurs entre

2008 et 2011, qui peut être expliquée encore une fois par la problématique de la

crédibilité des données statistiques avant la révolution du 14 janvier 2011.

Tableau 34: Évolution du nombre de chômeurs par sexe, en milliers

1966 1975 1984 1994 2004 2008 2011

Hommes 158,0 147,0 200,0 280,0 292,4 293,2 423,8

Femmes 9,0 25,0 45,0 99,0 140,5 155,2 281,1

Ensemble 167,0 172,0 245,0 379,0 432,9 448,4 704,9

% des femmes 5,4 % 14,5 % 18,4 % 26,1 % 32,6 % 34,6 % 39,9 %

Source : INS, RGPH (1966 à, 2004) et Enquête nationale population et emploi 2008 et 2011.

D’autre part, le taux de chômage par région en Tunisie, entre 2004 et 2008, a

connu une baisse surtout sur la Côte, où il n’a pas dépassé 12,0 % en 2004 à

220 AKERLOF, G., & SHILLER, R. (2009). Les esprits animaux comment les forces psychologiques mènent la finance et l'économie. Paris: Pearson Education France , p. 135.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

150

l’exception du golfe de Gabès. Sur le Nord-Ouest, la baisse est plus modérée, avec un

taux de chômage qui reste supérieur à celui de la moyenne nationale.

Carte 1: Taux de chômage par gouvernorat entre 2004 et 2008

Source : INS, RGPH 2004 et Enquête nationale population et emploi 2008.

IV.2.5.1.1 Taux chômage par sexe

L’évolution du taux de chômage par sexe (tableau 35) montre une forte tendance

à la hausse chez les femmes pour atteindre 18,9 % en 2010 (soit une femme au chômage

parmi cinq actives) contre une stagnation autour de 11 % pour les hommes. Pour

l’ensemble de la population, l’évolution est fortement la résultante du chômage des

femmes. Cette tendance est la conséquence, d’une part, de la mise en place d’un

programme d’ajustement structurel (dans les années quatre-vingt-dix) permettant aux

femmes d’occuper une place non négligeable sur le marché de travail et d’autre part, de

la scolarisation et l’amélioration des conditions de vie et de santé des mères et des

enfants.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

151

Tableau 35: Évolution du taux de chômage par sexe entre 1975 et 2011

en (%) 1975 1984 1994 2004 2008 2010 2011

Hommes 13,4 13,7 15 12,9 11,2 10,9 15,0

Femmes 10,6 11,0 17,2 16,7 15,9 18,9 27,4

Ensemble 12,9 13,1 15,6 13,9 13,4 13,0 18,3

Source : INS, RGPH (1975 à 2004) et Enquête nationale population et emploi 2008 et 2011.

L’analyse spatiale du taux de chômage (carte 2) nous permet d’observer une

stabilité, voire même une tendance à la baisse, chez les hommes dans toutes les régions

contre une tendance à la hausse chez les femmes dans ces régions.

Carte 2: Taux de chômage masculin par gouvernorat entre 2004 et 2008

Source : INS, RGPH 2004 et Enquête nationale population et emploi 2008.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

152

Carte 3: Taux de chômage féminin par gouvernorat entre 2004 et 2008

Source : INS, RGPH 2004 et Enquête nationale population et emploi 2008.

IV.2.5.1.2 É a x ô a ’â

« Le chômage est une fonction fortement inverse

de l’âge. En d’autres termes, le problème du chômage est

essentiellement un problème de jeunes, puisque tout le

monde finissant par trouver du travail après un certain

temps »221.

Le chômage qui touche les jeunes de moins de 25 ans ne cesse d’augmenter pour

passer de 26,3 % en 1975 à 28,4 % en 2008. Pour l’année 2011, on compte 42,3 % des

jeunes de moins de 25 ans au chômage, comme le montre le graphique 31. Cette

situation peut être expliquée notamment par l’incapacité de l’économie tunisienne à

absorber le surplus de jeunes quittant le système éducatif ; et l’inadéquation entre l’offre

(caractéristiques des diplômés et leur formation initiale) et la demande (besoins réels des

entreprises).

221 G. PSACHAROPOULOS, B. C.SANYAL (1982). Enseignement supérieur et emploi: l'expérience de l'IIPE dans cinq pays en developpement. Paris: UNESCO: Institut international de planification de l'éducation, p. 43.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

153

Graphique 31: Taux de chômage selon les groupes d’âge

Source : INS.

Cette tendance peut être expliquée en premier lieu par un effet de structure,

comme nous l’avons vu dans la première partie (structure de la population), ce qui a un

effet direct sur le nombre de chômeurs pour cette tranche d’âge. D’autre part,

l’augmentation du niveau d’instruction fait que les personnes consacrent plus de temps

pour étudier, ce qui engendre une difficulté à trouver un emploi. Cette situation entraîne

une augmentation de l’âge de ces étudiants au moment de l’accès à l’emploi. Un autre

handicap est la réticence des entreprises à recruter des jeunes, notamment les personnes

hautement diplômées. En Tunisie, le chômage frappe de plus en plus une main d’œuvre

jeune manquant d’expérience professionnelle. Il est principalement lié à un problème

d’insertion au premier emploi plus qu’au phénomène de licenciement.

IV.2.5.1.3 C ô a a ’

La population tunisienne au chômage a connu au cours des trois dernières

décennies des changements de ses caractéristiques éducatives. La proportion de

chômeurs selon le niveau d’instruction, comme la montre le tableau 36, ne cesse

d’augmenter pour les personnes ayant un niveau supérieur, passant ainsi de moins de

0,2 % en 1975 à 30,9 % en 2011. En effet, les effectifs de cette catégorie de chômeurs

ont explosé durant les trois dernières décennies, passant de 630 chômeurs en 1975 à

202 300 en 2011, soit une multiplication par 321.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

154

Tableau 36: Répartition des chômeurs selon leurs niveaux d’instruction

(en %) 1975 1984 1994 2004 2008 2011

Néant 41,5 34,4 24,4 12,1 3,6 4,2

Primaire 47,8 45,7 47,8 41,6 30,3 22,4

Secondaire 10,5 19,2 26,2 36,9 40,1 42,5

Supérieur 0,2 0,7 1,6 9,4 26,0 30,9

Source : RGPH (1975, 1984, 1994, 2004) et Enquête nationale population et emploi 2008 et 2011.

L’évolution du taux de chômage par niveau d’instruction montre que la tendance

générale de ce taux est en baisse pour les différents niveaux, sauf pour les niveaux

secondaire et supérieur (graphique 32). En effet, le taux de chômage des jeunes ayant un

niveau supérieur a augmenté d’environ 26 points, passant de 3,8 % en 1994 à 29,2 % en

2011. À partir de 2006, on enregistre une hausse du taux de chômage des personnes

possédant un niveau d’instruction supérieur ou égal au secondaire, due à la transition

démographique d’une part et à la politique d’allongement de la durée de scolarisation

des enfants jusqu’à16 ans (ce qui équivalent à l’âge au secondaire) d’autre part.

Graphique 32: Évolution du taux de chômage selon le niveau d’instruction

Source : RGPH (1984, 1994 et 2004) et Enquête nationale population et emploi 2008 et 2011.

En d’autres termes, les risques de se retrouver au chômage augmentent avec

l’amélioration du niveau d’instruction.

IV.2.5.1.4 Chômage selon la région de résidence

La représentation spatiale du taux de chômage selon le niveau d’instruction

permet de distinguer deux types de régions. D’une part, les régions du Nord-Ouest et

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

155

Centre-Ouest et d’autre part les autres régions du pays. En effet, les régions Nord-Ouest

et Centre-Ouest sont caractérisées par une activité agricole qui ne nécessite pas un

niveau d’instruction élevé. C’est pourquoi les personnes qui sont peu éduquées

s’installent dans ces régions en vue d’obtenir un emploi agricole. On remarque aussi

dans les régions du Nord-Ouest que le taux de chômage est important pour les individus

ayant un niveau d’instruction élevé.

Dans les régions du Sud-Est, du Nord-Est et celles du Sahel, qui sont des régions

industrialisées et touristiques, le type d’emploi nécessite un niveau d’instruction plus

élevé. De ce fait, les personnes qui ont un niveau d’instruction moyen (éducation de base

et secondaire) viennent s’y installer pour travailler.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

156

Carte 4: Taux de chômage selon le sexe et niveau d’instruction (au plus primaire)

Source : enquête population et emploi 2008, INS.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

157

Carte 5: Taux de chômage selon le sexe le et niveau d’instruction (secondaire et supérieur)

Source : enquête population et emploi 2008, INS.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

158

Les résultats de l’enquête population et emploi 2011 confirment l’ampleur du

chômage des personnes ayant un niveau équivalent à celui de l’enseignement

supérieur. L’analyse selon les régions de résidence montre que le taux de chômage de

cette catégorie d’actifs est plus important que celui de la population totale, pour toutes

les régions sans exception.

Ce taux de chômage dépasse le niveau national pour toutes les régions, à l’exception

de la région du Centre-Est et le district de Tunis (21,4 % et 20,7 % contre 29,2 % en

national).

La même tendance est enregistrée pour le taux de chômage des femmes ayant un

niveau d’instruction supérieur, il dépasse 50,0 % dans les régions du Nord-Ouest,

Sud-Ouest, Centre-Ouest et Sud-Est (graphique 33).

Graphique 33: Taux de chômage selon la région

Source : INS, enquête population et emploi 2011.

IV.2.5.1.5 Durée de chômage

Lors de l’enquête population et emploi réalisée par l’INS en 2008, six

personnes sur dix étaient au chômage depuis moins d’un an. Pour cette catégorie, il

s’agit des primo-demandeurs d’emploi, notamment les diplômés du supérieur qui

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

159

arrivent sur le marché de l’emploi et attendent leur insertion. Un quart des chômeurs

attend entre un an et deux ans avant de trouver un emploi tandis que pour près d’un

cinquième des chômeurs le temps d’attente est d’au moins 2 ans. Pour ces deux

catégories, ce sont les signes d’un chômage chronique reflétant la difficulté

d’insertion professionnelle.

Graphique 34: Répartition de la durée de chômage en 2008

Source : Enquête nationale population et emploi 2008, INS.

En Tunisie, la proportion des chômeurs et la durée de chômage entretiennent

une relation inverse. L’arrivée massive des jeunes diplômés du supérieur sur le

marché du travail et la difficulté d’insertion de ces derniers peuvent expliquer la

proportion des personnes au chômage de moins d’un an. D’autre part, l’allongement

de la durée du chômage après l’obtention du diplôme est une situation épouvantable

pour les diplômés du supérieur, et les occasions d’insertion professionnelle se

réduisent à mesure que s’allonge la durée du chômage.

Page 160: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

160

IV.2.5.2 Chômage des diplômés du supérieur

En Tunisie, on observe une distorsion entre la conjoncture économique

défavorable et le nombre de diplômés des universités qui arrivent sur le marché de

l’emploi. Ceux-ci viennent saturer le marché de l’emploi. Ce boom des chômeurs

s’explique par l’insuffisance des créations d’entreprises depuis la fin du siècle

précédent. L’INS estime le taux de chômage des diplômés à 33,6 % en mai 2011.

L’évolution du nombre de diplômés au chômage est plus importante durant la

dernière décennie, grimpant de 40 700 à 202 300 chômeurs diplômés entre 2004 et

2011, soit une croissance de plus de 497 % dans une période de sept ans (tableau 37).

Tableau 37: Évolution du nombre de diplômés au chômage

1975 1984 1994 2004 2006 2008 2011

Effectifs des diplômés en

chômage 630 1 600 6 300 40 700 71 200 113 800 202 300

Source : INS.

Cette situation de chômage est sans doute la résultante de plusieurs facteurs,

notamment :

- La transition démographique marquée par l’arrivée massive des jeunes comme

nous l’avons évoqué précédemment. Les personnes âgées de 15 à 59 ans

représentaient 66,3 % de population en 2010 ;

- la gratuité de l’enseignement supérieur et sa généralisation à toutes les couches

sociales ;

- la facilité de réussite au bac : la moyenne générale de la 4e année de

l’enseignement secondaire compte pour 25,0 % dans le calcul de la moyenne

finale du bac.

La disparité entre les deux sexes au plan du chômage des diplômés du supérieur est

nette : il est de l’ordre de 15,8 % pour les hommes contre 32,9 %222 pour les femmes,

soit deux chômeuses pour un chômeur ayant un diplôme du supérieur.

222 Source : INS, enquête Population Emploi mai 2011.

Page 161: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

161

IV.2.5.2.1 Évolution du taux de chômage des diplômés selon le sexe

« Il est largement vérifié qu’un niveau de

diplôme élevé ne représente pas pour les femmes le

même atout de bon positionnement professionnel que

pour les hommes.»223

Depuis quelques décennies, un nombre très important d’étudiantes diplômées arrive

sur le marché de l’emploi sans beaucoup d’espoir de trouver un travail correspondant

à leur qualification. Cette situation s’explique notamment par la nature de l’emploi

offert. En Tunisie, les femmes diplômées du supérieur sont plus touchées par le

chômage que les hommes. Cette disparité dans le chômage entre les sexes est la

résultante, dans un premier temps, d’un aspect socioculturel de la société tunisienne

vis-à-vis de la participation des femmes dans la sphère économique. L’insertion des

filles dans certaines spécialités est également plus difficile : par exemple dans le

domaine technologique et dans d’autres spécialités considérées spécialement de la

compétence masculine. Le recrutement connaît bel et bien une discrimination par

sexe.

223 Cf. Flahault, E. (2006). L'insertion professionnelle des femmes entre contraintes et stratégies d'adaptation. Rennes: Pur Editions, p. 33.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

162

Graphique 35: Chômage des diplômés du supérieur selon le sexe

Source : INS.

Un autre argument qui peut expliquer cette différence entre les deux sexes : les

femmes sont le plus souvent intéressées par les emplois dans le secteur public, qui est

de loin le principal générateur d’emplois permettant l’absorption de ce flux de

demandeurs d’emploi. Même si on continue de recruter dans ce secteur, ces

embauches auront sans doute des conséquences sur la productivité. À terme, il y a un

risque de gaspillage du capital humain et un engorgement de l’administration

tunisienne.

IV.2.5.2.2 Chômage selon le diplôme

La nature du diplôme est un autre déterminant du chômage, tout

particulièrement pour les diplômés du supérieur. En effet, être diplômé technicien

supérieur est bien diffèrent de l’être comme ingénieur. Les données issues des

enquêtes emplois réalisées par l’INS en 2007 et 2011 montrent la répartition des

chômeurs selon les diplômes:

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

163

Tableau38: Répartition des chômeurs selon les diplômes (en %)

2006 2011

Technicien supérieur et équivalent 35,5 43,1

Licence en sciences humaines 17,4 15,8

Licence en droit, économie et gestion 24,6 15,2

Licence en sciences exactes 15,7 18,2

Autres diplômes 6,8 7,7

Effectifs 71 200 202 300

Source : Enquête nationale population et emploi 2011.

Les techniciens supérieurs sont les plus confrontés au chômage. L’étude

réalisée par le ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi en

collaboration avec la Banque mondiale sur l’insertion professionnelle des diplômés de

l’enseignement supérieur de 2004 montre que la filière «santé et services sociaux» est

la mieux employable : les diplômés de cette filière obtiennent un emploi 18 mois

après de l'obtention du diplôme. Cette filière a enregistré un taux de chômage de

39,7 % contre 71,3 % pour la filière « Agriculture et industrie agro-alimentaire ».

D’un autre côté, les techniciens ayant poursuivi leurs études dans les Institutions

Supérieurs des Études Technologiques (ISET) sont moins touchés par le chômage que

les techniciens qui viennent d’autres institutions de formation avec des taux respectifs

de 45,3 % et 53,3 %.

Pour le cas des titulaires de la maîtrise, le taux de chômage varie aussi

sensiblement selon la spécialité d'études. Il est de l’ordre de 48,7 % selon les résultats

de l’enquête d’étude sur l’insertion professionnelle des diplômés du supérieur de

2004. D’autre part, la filière du droit est la plus touchée par le chômage. Alors que la

spécialité informatique est la moins exposée au chômage. Pour les ingénieurs le taux

de chômage est inférieur à 10,0 %, il est plus important dans les domaines liés à

l’agriculture. Par contre les moins affectés par le chômage sont les ingénieurs en

informatique.

L’écart significatif entre le taux de chômage des titulaires de la maîtrise et

celui des techniciens supérieurs peut être analysé de la façon suivante : après

l’obtention du diplôme, les techniciens supérieurs n’ont pas beaucoup de choix à part

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

164

celui de rentrer dans la vie active. Par contre les titulaires d’une maîtrise ont une autre

alternative, celle de la poursuite des études. D’autres parts, les recrutements dans le

secteur public, ne permettant pas d’absorber une main-d’œuvre de plus en plus

importante provenant de ce type de formation (celle des techniciens supérieurs).

IV.2.5.2.3 Causes du chômage des diplômés en Tunisie

Pour les diplômés du supérieur, le chômage en Tunisie est à la fois structurel224

et frictionnel225. Le premier s’explique par une croissance économique incapable de

créer assez d’emplois hautement qualifiés. Le second s’explique par un manque

d’information, ce qui fait que les diplômés formulent des exigences incompatibles

avec la réalité du marché de l’emploi (BEN SEDRINE, 2009).

Pour expliquer le chômage des diplômés, il faut prendre en compte notamment

des considérations d’ordre économique, social, politique (institutionnel) et

démographique. Dans les paragraphes qui suivent, nous allons voir ces différents

éléments.

Les interprétations économiques :

En science économique, le chômage est interprété comme la résultante d'un

déséquilibre entre l'offre et la demande sur le marché du travail, et la création

d’emplois est le résultat de l’activité économique. En d’autres termes, l’accroissement 224 Le chômage structurel: il découle de l'inadéquation qualitative entre l'offre et la demande de travail et il

est lié aux déséquilibres structurels de l'économie (inadaptation des qualifications, déséquilibres régionaux,

etc.). Le problème d’insertion des diplômés du supérieur est un bon exemple de ce type de chômage. En

effet, les difficultés que rencontrent ces jeunes sur le marché de travail sont notamment dues à une

déqualification par suite d’une inadéquation entre leur formation et l’emploi proposé. 225 Chômage frictionnel, appelé aussi le chômage de mobilité, de prospection ou d’appariement. C’est un chômage

lié au temps moyen normalement nécessaire pour passer d'un emploi à un autre. Il y a toujours un

chômage frictionnel, même en période de plein emploi. Car à tout moment, des individus peuvent quitter

leur emploi pour changer d'entreprise, de poste ou de conditions de travail. Cela peut être d’une manière

volontaire (chômage de ceux qui refusent les emplois offerts, car ils préfèrent chercher un emploi qui leur

convient le mieux) ou involontaire (chômage suite à un licenciement). Ce type de chômage peut être dû

aussi à une mobilité géographique ou à la mobilité entre activité et inactivité (par exemple, pour les

diplômés qui arrivent sur le marché de travail et cherchant un premier emploi, ils ont tendance à accepter

uniquement les postes qui correspondent à leurs ambitions).

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

165

économique est censé favoriser la création d’emplois. En Tunisie cette situation est

difficile, et elle est également influencée par un environnement local et international :

aux retombées de la crise mondiale s’ajoute une croissance tunisienne qui ne permet

pas d’absorber la demande additionnelle226. En effet, la création d’emploi a des

répercussions sur les perspectives économiques futures et le marché de l’emploi,

notamment sur l’insertion professionnelle. Pour les diplômés tunisiens, le problème

de chômage est dû d’une part à l’incapacité de l’économie nationale à créer

suffisamment de travail pour absorber les flux de demandeurs d’emploi. D’autre part,

le changement du rôle de l’État vis-à-vis de l’organisation du marché de travail, suite

à l’application des programmes d’ajustement structurel, favoriserait la persistance du

chômage. En effet, jusqu’à ces dernières décennies l’État jouait le rôle de régulateur

sur le marché du travail. Les changements institutionnels introduits par la

libéralisation économique (envisagés par les programmes d’ajustement structurel) ont

entraîné une stagnation, voire un recul, de l’activité dans le secteur public qui est le

débouché préféré des diplômés, car il leur offre un emploi stable et assure la

promotion sociale.

Le secteur privé quant à lui est composé essentiellement des microentreprises

recrutant une main-d’œuvre qui n’est pas hautement instruite et possédant un

minimum d’expérience pour accomplir des tâches basiques. Les diplômés ne sont pas

toujours les bienvenus dans ces entreprises, car ils ne possèdent pas d’expérience.

La baisse des effectifs dans le secteur public et la réticence de recrutement des

diplômés dans le secteur privé peuvent notamment donner des éléments d’explication

économique du chômage de cette catégorie de personnes.

Les interprétations démographiques :

Le développement du système d’éducation en Tunisie (éducation gratuite et

obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans) a permis la hausse du nombre de diplômés au

226 ITCEQ. (2012)." Le Chômage des jeunes : déterminants et caractéristiques. Tunis: Quantitatives, Institut Tunisien de la Compétitivité et des Études. Selon ce rapport : « Le paradoxe de l’économie tunisienne est, qu’en dépit d’un taux de croissance soutenue (5 %) durant plus d’une décennie, le taux de croissance de l’emploi n’a pas dépassé 2 % et la création annuelle d’emploi s’est limitée seulement à 50 milles emplois, dont seulement une très faible proportion est réservée aux diplômés du supérieur ».

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

166

cours de ces dernières décennies. Le problème d’insertion de ces jeunes dans la

sphère économique peut être expliqué par des éléments d’ordre démographique :

Le chômage des jeunes diplômés est principalement dû à l’augmentation

rapide et massive de leur nombre, toutes choses étant égales par ailleurs. En

effet, le nombre de jeunes arrivants sur le marché du travail chaque année est

beaucoup plus important que la demande additionnelle d’emplois pour cette

catégorie d’actifs ;

la mobilité géographique peut expliquer le problème d’insertion des diplômés.

En effet, le risque de mobilité (régional ou international) est plus important si

la région de résidence est touchée par des taux de chômage élevés. Les jeunes

sont attirés par les régions qui offrent plus d’opportunités de travail, ce qui

aura, sans doute, des conséquences sur la stabilité du marché de l’emploi dans

les régions d’accueil ;

la hausse de l’activité féminine durant ces dernières décennies permet

d’expliquer aussi le problème de chômage en Tunisie, et notamment celui des

diplômés. Le recul de l’âge au mariage et la recherche de l’autonomie

financière peuvent expliquer l’augmentation du nombre des femmes

travailleuses.

Les interprétations socioculturelles :

Depuis plusieurs décennies on assiste en Tunisie à la course au diplôme. En

effet, les changements socioculturels poussent les familles à investir dans la formation

de leurs enfants. Car les représentations sociales des diplômés leur permettent d’avoir

des atouts qu’on ne trouve pas chez les non-diplômés. Mais la réalité est beaucoup

plus contradictoire, car « la « scolarisation de masse » s'est en effet accompagnée

d'une baisse de la valeur sociale des diplômés »227. Cette dévalorisation sociale du

diplôme est induite par le chômage de ses détenteurs.

D’ailleurs, la hausse de l’activité féminine confirme bel et bien l’évolution des

mentalités dans la société tunisienne, suite à l’émancipation des femmes. En effet, le

227 PASSERON, J.-C. ( 1982). L'inflation des diplômes Remarques sur l'usage de quelques concepts analogiques en sociologie. Dans Revue française de sociologie (pp. 551-584.)

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

167

travail des femmes n’est plus considéré comme un sujet tabou et la femme peut

vendre sa force de travail pour venir soutenir son mari.

Les interprétations institutionnelles:

Pour expliquer les causes du chômage des diplômés, les chercheurs ont tendance à

mettre en cause les décalages entre niveaux de formation et niveaux de qualification

requis par les entreprises. Car d’après l’ONU (2001), la Tunisie serait le pays du

continent dans lequel les formations de cycles supérieurs seraient les plus inadaptées

aux besoins des entreprises.

D’autre part, un rapport de l’Institut Tunisien de la Compétitivité et des Études

Quantitatives confirme aussi ce décalage entre le système de formation et le marché

de l’emploi, car « Le chômage des diplômés en Tunisie concerne toutes les filières, les

disciplines et les domaines d’éducation sans exception. Alors que le pays forme de

plus en plus de jeunes, les entreprises évoquent régulièrement le manque de

compétences adéquates des candidats comme frein aux recrutements; c’est parmi les

plus diplômés que le chômage est le plus élevé, ce qui indiquerait que le système

éducatif produit des diplômés qui n’ont pas les compétences requises sur le marché

du travail »228. En effet, la structure de l’économie et sa croissance sont en

contradiction avec l’offre universitaire et les choix éducatifs des jeunes tunisiens, ces

derniers précipitent vers les sciences sociales au lieu de se concentrer sur les

formations technologiques, lesquelles ne connaissent pas la crise.

Conclusion

Le chapitre 4 nous révèle que les autorités tunisiennes ont mis en place diverses

politiques de l’emploi en fonction des réalités et situations économiques,

démographiques, éducationnelles, sociales et politiques du pays. Si la première politique

de l’emploi est élaborée au début des années 1960, c’est davantage dans les années 1970

et surtout à partir des années 1980 que le plan de développement rural intégré sera mis en

place avec pour objectif l’amélioration des conditions de vie des populations en milieu

rural, l’accroissement de la production et du revenu. La politique active de l’emploi

228 ITCEQ. (2012). Le Chômage des jeunes : déterminants et caractéristiques. Tunis: Institut Tunisien de la Compétitivité et des Études Quantitatives, p. 12.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

168

engagée depuis les années 1990 a pu réaliser plusieurs objectifs en agissant

indirectement sur les causes du chômage. Elle permet aux jeunes diplômés de

l’enseignement supérieur d’avoir une première expérience et d’être opérationnels.

La politique de l’emploi présente des limites notamment en ce qui concerne

l’inadéquation entre la formation reçue et les opportunités de travail des entreprises. À

cela s’ajoute la multiplicité redondante d’intermédiaires dans les dispositifs

d’insertion, des incohérences et même des contradictions institutionnelles. La

mauvaise répartition des dispositifs d’insertion ne permet pas une bonne couverture

du territoire.

La population active représente environ 70 % de la population totale, avec une

croissance annuelle supérieure à celle de la population totale. Cette population active

enregistre une poussée féminine (20,3 % en 1984 à 26,8 % en 2010). Elle s’améliore

en termes qualitatifs, puisque la population active de niveau supérieur passe de 3,6 %

à 17 %.

La demande additionnelle annuelle moyenne, après avoir connu une phase de

croissance à partir des années 1960, commence à baisser à partir de 2014. Cette

tendance se poursuivra jusqu’en 2024 selon les projections de l’INS. Cette demande

se féminise davantage et acquiert un niveau d’instruction plus élevé.

L’analyse de la population au chômage montre qu’elle est en croissance significative

puisqu’elle passe de 167 000 à 704 900 entre 1966 et 2011. La proportion de femmes

parmi l’ensemble des chômeurs passe de 5,4 % à 39,9 % sur la même période.

Dans une perspective spatiale, la région côtière enregistre une baisse du chômage

alors qu’au Nord-Ouest la baisse est plus modérée.

En bref, le chômage en Tunisie est d’origine structurelle et frictionnelle. Ainsi des

causes économiques, démographiques, socioculturelles et institutionnelles contribuent

à la situation de chômage dans le pays.

Le chômage en Tunisie touche de plus en plus de jeunes. Il est lié à un problème

d’accès au premier emploi plus qu’à un licenciement. Comme le confirme le rapport

de l’ITCEQ qui estime que « la hausse du chômage, constatée aujourd’hui en

Tunisie, ne semble pas être due essentiellement à une augmentation du nombre de

personnes qui entrent dans le chômage – par exemple, en perdant leur emploi- mais

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

169

plutôt à une difficulté accrue de trouver du travail lorsqu’on est chômeur »229. Ainsi,

pour les diplômés du supérieur, l’allongement de la durée du chômage est un

handicap redoutable, car les opportunités d’emploi se réduisent au fur et à mesure que

la durée du chômage s’allonge (généralement, les entreprises préfèrent recruter les

demandeurs récemment diplômés).

Un chômage féminisé : le chômage des femmes est beaucoup plus important que celui

des hommes.

Un chômage des diplômés : la proportion de diplômés parmi la population en

chômage est très importante (39 % en 2011). Le même rapport explique que le

problème d’insertion des diplômés est principalement dû à l’existence d’une vraie

inadéquation entre les compétences des jeunes et celles que cherchent les entreprises.

229 Ibid., p. 11.

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Chapitre 4: Caractéristiques et évolution de la population active ________________________________________________________________________

171

DEUXIÈME PARTIE : ÉTUDE EMPIRIQUE, PERCEPTIONS

D’AVENIR PROFESSIONNEL CHEZ LES ÉTUDIANTS DU SUPÉRIEUR DU SUD-EST TUNISIEN

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

173

Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population

enquêtée

V.1 L’enquête : présentation du travail

Notre enquête traite de la perception de l’avenir chez les jeunes étudiants du

supérieur, inscrits dans un établissement situé dans la région Sud-Est tunisienne. Le choix

de cette localité, pour la présente étude, est lié à plusieurs considérations, dont la plus

importante concerne la difficulté de faire un tel travail dans l’ensemble du pays pour des

raisons logistiques.

Par ailleurs, la région du Sud-Est est considérée comme exportatrice de main

d’œuvre vers le reste du pays et vers l’étranger, en raison de son explosion démographique

et un faible potentiel d’emploi. Les flux migratoires au départ de cette zone résultent d’un

chômage structurel pour un grand nombre des diplômés, notamment ces dernières années.

Un autre élément justifiant notre choix est lié à l’aspect traditionnel des liens familiaux

dans cette région. En fait, le caractère conservateur des familles, ajouté à une nuptialité

traditionnelle, les différencient du reste du pays. Souvent, ces spécificités peuvent être une

contrainte pour le travail et le statut des femmes, en particulier pour les futures diplômées,

qui se voient parfois obligées de renoncer à leur statut de femme employée au profit de

celui de mère de famille.

V.1.1 Préfiguration de l’échantillon :

Pour notre enquête, nous avons opté pour la méthode de sondage probabiliste, où

tous les étudiants des établissements du rectorat de Gabès, ciblés par l’enquête, ont la même

probabilité d’être tirés. Ce choix de méthode d’échantillonnage est lié principalement aux

insuffisances des moyens mis à notre disposition, ce qui nous a permis de réduire le coût de

cette opération et de couvrir le maximum de la population mère (les étudiants inscrits dans

l’un des établissements supérieurs de la région du Sud-Est).

L’échantillon sélectionné pour mener cette étude se compose de 387 individus, dont 307

sont originaires du Sud-Est alors que les autres sont des étudiants venant d’autres régions.

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

174

Les individus de la population enquêtée sont inscrits dans 11 instituts supérieurs parmi les

19 localisés dans cette région. Nous avons interrogé 151 étudiants et 236 étudiantes, soit

une représentation féminine de l’ordre de 61 %, ce qui correspond à la moyenne

nationale, alors qu’au niveau du rectorat de Gabès les filles représentent 68 % de

l’ensemble des étudiants230.La répartition par sexe et par établissement de la population

enquêtée est comme suit :

Tableau 39 : Répartition des personnes interrogées selon l’institut et le sexe

Institut Sexe Total

Masculin Féminin

École Nationale d’Ingénieurs de Gabès 15 12 27

Faculté des Sciences de Gabès 30 32 62

Institut Supérieur de Gestion de Gabès 14 31 45

Institut Supérieur des Études appliquées en Humanités de

Médenine

13 28 41

Institut Supérieur des Études juridiques de Gabès 4 11 15

Institut Supérieur des Sciences appliquées et de la Technologie de

Gabès

16 34 50

Institut Supérieur des Sciences et Techniques des eaux de Gabès 11 26 37

Institut Supérieur des Sciences infirmières de Gabès 12 12 24

Institut Supérieur d’Informatique et de Multimédia de Gabès 6 21 27

Institut Supérieur d’Informatique de Médenine 11 11 22

Institut Supérieur des Études technologiques de Djerba 19 18 37

Total 151 236 387

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

V.1.2 Méthode d’investigation : l’opportunité du recours au questionnaire

Le questionnaire utilisé pour faire notre enquête se divise en deux parties.

Dans la première, nous employons la fiche AGEVEN231 (Âge à l’événement, voir annexe 1)

230 Selon les statistiques de rectorat de Gabès, le nombre des étudiants inscrits en 2010-2011 est de l’ordre de 22 472, dont 15 321 étudiantes, soit 68 % des étudiants. 231 Source : D’après Géraldine VIVIER (INED), la fiche Ageven (Âge-événement) combine deux dimensions du recueil rétrospectif de données à savoir : les « événements « (au sens démographique du terme) qui sont advenus

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

175

pour enquêter sur le passé de l’individu. Ceci nous permet de recueillir des informations

relatives au parcours scolaire, aux événements démographiques, à la manière avec laquelle

les étudiants subviennent à leurs besoins et à la mobilité géographiques jusqu’en 2011.

La seconde partie correspond à un questionnaire (voir annexe 2) avec un peu plus de 90

questions et 220 variables réparties sur quatre modules. Ces modules touchent l’avenir

professionnel et son interaction avec les indicateurs démographiques de ces jeunes.

Le premier module enquête sur le projet de formation de ces jeunes. À ce stade, il s’agit de

savoir le degré d’attachement des jeunes aux études qu’ils mènent. Le deuxième module

cherche à connaître l’environnement familial et ses caractéristiques. Le troisième module

porte sur la perception de l’avenir des jeunes interviewés, et durant la période précédant

l’obtention du diplôme. Il s’agit ici de :

- S’interroger sur le projet professionnel des étudiants et voir son interaction avec les

événements démographiques ;

- évaluer l’accessibilité à un futur emploi, car on demande à l’étudiant une auto-évaluation

des formations suivies et une estimation de sa chance à trouver un emploi ;

- chercher à comprendre quels types d’obstacles à l’accès à l’emploi pourraient rencontrer

les futurs jeunes diplômés. Il sera question d’évaluer leurs connaissances du milieu

professionnel, des offres d’emploi, des salaires, de la discrimination salariale, etc. ;

- évoquer le travail des femmes ou comment ces étudiants (de deux sexes) perçoivent la

présence féminine sur le marché de l’emploi et dans quel domaine ;

- aborder l’interaction entre la vie professionnelle et la vie familiale. Il sera question de voir

comment les jeunes perçoivent la relation entre leur future activité et la vie familiale.

- définir la relation entre l’avenir professionnel et la nuptialité (l’âge d’entrée en couple,

choix de conjoint, etc.) ou encore la fécondité (nombre d’enfants désirés, contraception,

etc.).

Toutefois, avant la passation définitive des questionnaires à notre échantillon, nous

avons tenu à les tester auprès d'une dizaine d'étudiants hors échantillon, afin de voir les

réactions et d’apporter des rectifications si nécessaire. La phase du test s'est bien déroulée

et nous avons jugé bon de ne pas apporter de modifications radicales et importantes aux

dans les différents domaines biographiques (mariage, mise en couple, naissance, décès, déménagements, niveaux d’études, emplois…) et les « âges « (ou tout autre repère temporel) auxquels ces événements se sont produits.

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

176

questionnaires, car les répondants ont bien compris le sujet et les questions qui leur ont été

posées.

L’enquête a été réalisée pendant la période allant du 19 avril au 4 mai 2011. Les interviews

ont été réalisées principalement dans les halls ou à l’extérieur des établissements et, dans

certains cas, dans les foyers universitaires. L’entretien s’est déroulé en face à face, avec un

temps moyen de remplissage du questionnaire de dix-sept minutes, bien qu’il paraissait

assez long.

V.1.3 Le terrain d’enquête : difficultés et avantages

Au moment de la passation du questionnaire, nous avons rencontré plusieurs

obstacles qui se sont majoritairement débloqués par la suite de la révolution du 14 janvier

2011232. Ceux-ci étaient d’ordre administratif, contraignant l’avancement de procédure de

collecte.

Comme on l’a évoqué précédemment, enquêter sur l’avenir des jeunes diplômés est un sujet

sensible pour les pouvoirs politiques. Ainsi, la demande d’autorisation administrative pour

réaliser l’enquête était quasi-impossible, car les formalités administratives sont

compliquées (il fallait faire une demande et observer un délai d’attente indéterminable).

Après la révolution de 2011, ce problème n’était plus de la même ampleur et la demande de

l’autorisation et la réponse furent plus rapides.

Il faut signaler que si nous avions eu l’occasion de faire le terrain avant le 14 janvier 2011,

les réponses avancées par les personnes enquêtées n’auraient pas été les mêmes que celles

que nous avons collectées, car les étudiants répondants évoquaient souvent la notion avant

ou après la révolution. Sur le terrain, nous avons ressenti le changement, et la liberté

d’opinion est désormais garantie, car nombreux étaient les étudiants qui ont spontanément

demandé à participer à l’enquête.

En conséquence, le nombre de personnes ayant refusé de répondre au questionnaire était

négligeable: moins de 4 % de la population enquêtée (7 questionnaires ont été refusés et 6

partiellement remplis) dont la cause de refus était principalement due au manque de temps.

232 La révolution tunisienne, du 14 janvier 2011, connue aussi sous le nom « Révolution de la dignité » ou encore « révolution de jasmin » est la première dans le monde arabe. Elle correspond à une révolution démocratique et sociale, née suite à l’explosion de taux de chômage, notamment celui des diplômés.

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

177

Dans la suite du texte, nous allons décrire les caractéristiques de la population

interrogée. Cela implique une étude selon l’âge, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle

des parents et d’autres éléments typiques de la famille.

V.2 Aspects démographiques

V.2.1 Répartition des étudiants enquêtés selon le sexe

L’étude de la répartition par sexe des étudiants montre une nette dominance de la

population féminine. Sa proportion est de l’ordre de 60,9 % (cette tendance est quasi-

générale pour tout le pays, puisqu’en 2011 les filles représentaient 61,1 % de la population

estudiantine).

La prédominance de la population de sexe féminin parmi les étudiants peut

s’expliquer par le fait que les filles sont plus nombreuses parmi les bacheliers233 et qu’elles

réussissent mieux dans leurs études. De plus, aujourd’hui les parents acceptent davantage

d’envoyer leurs filles à l’école et à l’université.

Certes, au cours des deux premières décennies qui ont suivi l’indépendance, les autorités

tunisiennes ont accordé aux femmes un statut favorable par le biais d’une reconnaissance de

la plupart de ses droits. L’attribution du droit à l’éducation des femmes a porté ses fruits,

car la normalisation d’une scolarisation souvent avancée des filles est désormais bien

ancrée dans les pratiques familiales.

V.2.2 Répartition des enquêtés selon l’âge

Dans notre échantillon, plus des quatre cinquièmes (88,6 %) des étudiants de la

population interrogée étaient âgés de 20-24 ans, moins d’un dixième (8,8 %) avait 25 ans

ou plus, et seulement moins de trois pour cent (3 %) avaient moins de 19 ans.

L’âge moyen de la population est de 22,1 ans, avec un écart par sexe de l’ordre de 0,5 an,

soit 22,4 ans pour les garçons contre 21,9 ans pour les filles. L’âge médian, qui divise la

population en deux parties égales, est de 22 ans pour les étudiants contre 21ans pour les

étudiantes. Cependant, l’âge modal est de 22 ans chez les étudiants contre 21 ans chez les

étudiantes.

233 Le taux de réussite à la session principale du baccalauréat, juin 2011, est de 52,33 %, soit 65 045 candidats (60,68 % filles et 39,32 % garçons).

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

178

Nous avons pu constater également que, parmi les deux sexes, les étudiantes sont plus

nombreuses à suivre les études que les étudiants avant l’âge 25 ans. En revanche, elles le

sont moins au-delà de cet âge, comme le montre le tableau 40 :

Tableau 40 : Répartition des enquêtées selon le groupe d’âge et le sexe

Étudiants Étudiantes Total

Moins de 20 ans 0,5 % 5,0 % 13

[20 ans; 24 ans] 85,5 % 89,0 % 339

25 ans et plus 14,0 % 6,0 % 35

Total 151 236 387

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

D’autre part, la pyramide des âges de la population montre que les filles sont relativement

plus jeunes que les garçons. En outre, elles sont plus nombreuses à suivre des études entre

20 et 23 ans.

Graphique 36: Pyramide des âges de la population enquêtée234

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Généralement, l’accès à l’université est requis par l’obtention du baccalauréat, c’est

pourquoi l’analyse de l’âge à ce niveau scolaire peut nous être utile.

V.3 Temporalité et projet éducatif 234 Note: Nous signalons que les chiffres entre parenthèses correspondent aux nombres de répondants(n), et ceci dans tous les graphiques qui suivent.

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

179

V.3.1 Caractéristiques éducatives

V.3.1.1 Répartition selon l’âge au baccalauréat

Dans notre population, la plupart des interviewés ont obtenu leur baccalauréat à l’âge de 19

ans. La comparaison entre les deux sexes montre qu’avant cet âge, la proportion des

étudiantes est plus importante que celle des étudiants alors qu’au-delà, ce sont les étudiants

qui sont les plus représentés, comme on peut le remarquer sur le graphique 37. Deux

raisons probables pourraient expliquer ce constat :

La première raison pouvant expliquer cette différence entre les deux sexes est le fait que les

filles dans certaines familles sont contraintes de quitter l’école pour s’occuper du travail

domestique, surtout en cas de redoublement de leur classe. En conséquence, celles-ci

pourraient perdre une partie de leur autonomie (leur marge de liberté serait restreinte et

elles ne pourraient plus, désormais, sortir seules). La seconde raison est qu’entre 20 et

23ans le nombre des filles qui se marient est supérieur à celui des garçons, ce qui explique

leur sous-représentation dans la population totale.

Graphique 37: Proportion d’étudiants selon le sexe et l’âge au baccalauréat

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

V.3.1.2 Répartition selon la nature de baccalauréats

Parmi les 387 étudiants, le graphique 38 montre qu’un peu plus de la moitié ont

obtenu un baccalauréat en sciences ou mathématiques (52 %), suivis des littéraires (15 %),

alors que les proportions des étudiants des quatre autres sections sont comprises entre 10 et

12 %.

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

180

Graphique 38 : Proportion des personnes enquêtés selon la section du baccalauréat

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Comparées à leurs homologues masculins (tableau 41), les étudiantes sont le plus

souvent issues de classes de Sciences (34 %), Mathématiques et Lettres (18 % et 17 %). A

contrario, les étudiants sont le plus souvent issus de la filière Mathématiques (32 %),

Science et Technique (20 % et 15 %). Pour les spécialités Informatique, Économie et

gestion, on a la même tendance pour les deux sexes.

Tableau 41: Répartition des personnes enquêtées selon la section du baccalauréat et le sexe

Étudiantes Étudiants

Économie et Gestion 10 % 10 %

Informatique 11 % 12 %

Lettres 17 % 11 %

Mathématiques 18 % 32 %

Sciences 34 % 20 %

Technique 10 % 15 %

Effectifs 236 151

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

V.3.1.3 Répartition selon l’année d’inscription

La répartition de la population par année d’inscription montre une dominance

relative des étudiants de première année (au moins un tiers des étudiants sont inscrits en

première année). Ceci concerne principalement les nouveaux bacheliers qui viennent de

rejoindre l’université (c’est une tendance générale pour tout le pays).

Effectivement, depuis la mise en œuvre de la nouvelle méthode de calcul de la moyenne au

baccalauréat, qui tient compte de la moyenne annuelle235 du candidat à hauteur de 25 %, le

235 La décision de comptabilisation de la moyenne annuelle dans le calcul de la moyenne du baccalauréat avait été prise en 2001, afin d'obtenir des taux de réussite comparables à ceux de l'étranger et de montrer que la politique éducative du pays est un succès. Le système des 25 % a permis d’élever le taux de réussite au baccalauréat qui passe de 52 % en 2000 à 74,2 % en 2003.

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

181

nombre des bacheliers entrant à l’université tunisienne ne cesse d’augmenter depuis 2001.

D’autre part, les problèmes d’orientation inadéquate, parmi d’autres raisons, peuvent

expliquer le taux de redoublement élevé et donc la forte proportion des inscrits en première

année.

V.3.1.4 Répartition de la population estudiantine selon la formation suivie

L’étape la plus délicate pour le bachelier demeure l’orientation universitaire, qui

dépend de plusieurs critères, notamment la moyenne générale, les notes obtenues, le

nombre de places disponibles et les contraintes géographiques liées à des considérations

économiques et sociales. Certains bacheliers se voient orientés vers d’autres filières contre

leur gré, comme en témoignent les propos de l’étudiant El Hadi :

« Avant d’obtenir mon bac, j’ai rêvé d’être ingénieur en informatique, mais juste après

l’obtention de mon baccalauréat j’ai vu mes rêves s’évaporer, car mon score ne m’a pas

permis d’accéder à cette filière ».

En réalité, nombreux sont les étudiants qui ont été contraints à suivre une formation

ou à rejoindre des établissements qui ne répondent pas à leurs attentes ou à celles de leurs

parents, à l’instar d’Israa « Mes parents ont toujours rêvé que leur fille soit professeur

d’anglais, ils souhaitaient en fait que je ressemble à mon oncle Imad, en suivant son

parcours et exercer le même métier que lui : enseignant au secondaire. J’ai suivi cette

formation pour réaliser ce rêve et pour satisfaire à mes parents, qui m’ont beaucoup

soutenue, même si au fond de moi-même je n’étais pas assez convaincue de cette filière, car

j’aurais préféré être inscrite dans une filière scientifique ».

Ces propos montrent que le choix de la filière d’études ou de l’établissement n’est

pas toujours celui des bacheliers, ce qui pourrait avoir des conséquences sur leur cursus

universitaire et sur leur avenir professionnel. La répartition de la population selon la

formation suivie et la section de baccalauréat montre que la formation qui correspond le

plus au type de baccalauréat est celle des lettres. En effet, ce sont plus de 90 % des

étudiants ayant obtenu un bac lettres qui continuent dans la même orientation après le bac,

car leur formation est moins flexible et ne permet pas d’avoir beaucoup de choix à

l’orientation. En revanche, les étudiants ayant eu le baccalauréat série Mathématiques ou

Sciences expérimentales, ne rencontrent pas beaucoup de difficultés d’orientation et c’est

pourquoi on les trouve présents dans toutes les formations.

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

182

Tableau 42 : Répartition des formations suivies par les enquêtés selon la série du baccalauréat

Type de baccalauréat Sciences Mathématiques Lettres Informatique

Économie

et Gestion Technique

Formation supérieure

Mathématiques et

Sciences 28 % 38 % 2 % 22 % 14 % 15 %

Lettres 2 % 2 % 91 % 2 % 3 % 0 %

Technique 50 % 49 % 2 % 28 % 20 % 55 %

Informatique 10 % 8 % 0 % 44 % 0 % 19 %

Économie et gestion 10 % 2 % 5 % 4 % 63 % 11 %

Ensemble 108 93 58 43 39 46

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

La répartition ci-dessus (tableau 42) correspond-elle toujours aux attentes des

étudiants ou bien s’agit-il d’un problème d’orientation ? C’est ce que nous allons essayer de

vérifier dans les paragraphes qui suivent.

Pour ce faire nous avons choisi d’interroger les bacheliers sur leurs intentions, en posant la

question suivante : Avant d’obtenir votre baccalauréat, aviez- vous envisagé de faire des

études autres que celles que vous poursuivez actuellement ?

Les réponses à cette question révèlent que 59 % des étudiants (226 sur 387) ont envisagé de

se spécialiser dans des études différentes, avec un écart selon le sexe : 64 % pour les

femmes, 52 % pour les hommes. Sur ces 226 étudiants qui voulaient bénéficier d’une autre

formation, 219 (97 %) avaient un autre choix bien précis. À titre d’exemple, 7 % de ces

étudiants ont voulu poursuivre des formations liées directement aux lettres, alors qu’ils sont

aujourd’hui inscrits dans d’autres disciplines.

Les propos d’Iman (étudiante à l’École nationale d’Ingénieurs de Gabès) vont dans ce

sens :

« Au départ j’avais l’intention de faire mes études supérieures en Biologie, mais pour faire

plaisir à mes parents, j’ai accepté de m’orienter vers l’École Nationale d’Ingénieurs ».

Quant à Nizar, il préfère parler plutôt « d’une erreur de remplissage de formulaire

administratif » :

« Je me suis fait piéger en remplissant le formulaire d’orientation, car j’ai coché en

premier lieu la filière incompatible avec mon score, trop juste pour l’avoir. J’aurai dû

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

183

choisir une autre filière qui soit au niveau de mon score, mais je n’ai pas bien compris le

guide de l’orientation ! »

Ce n’est pas le cas de Mohamed, qui a été contraint de suivre une formation contre son gré :

« Mon score ne m’a pas permis d’intégrer la formation d’architecte, c’est pourquoi j’ai

choisi une autre formation.

Pour certains, comme Hajer, leurs choix ont été difficiles :

« J’étais complètement désemparée face à cette multitude de filières : plus que 600 ! Le

choix était trop difficile ! Et le creuset entre le score, les notes obtenues et le souhait

d’intégrer telle ou telle filière est énorme ! Pour cela, j’ai décidé d’imiter mes amis, en

cochant la même case de choix !

D’autres étudiants, comme Ayman par exemple, ont bien réfléchi avant de faire le bon

choix :

« En consultant le guide d’orientation, j’ai ressenti une confusion extrême entre ce

que je désirais et ce que je pourrais suivre comme filière ! Le score, le taux de réussite dans

une telle ou telle filière et les opportunités d’embauche sont au centre de mes réflexions.

Mais grâce au soutien de mon frère, j’ai pu échapper à une mauvaise orientation, même si

ce n’est pas exactement la formation que j’ai souhaité faire à cause de mon score ».

Un autre cas pour conclure, Ridha, qui garde un mauvais souvenir avec ces histoires de

choix, nous a avoué : « Je suis victime d’orientation, car je n’étais pas rationnel dans mon

choix, c’est-à-dire que je n’ai pas pu relativiser mon choix entre ambition et aptitude, faute

d’une information suffisante sur les métiers et les opportunités d’embauche, j’ai ne pas pu

envisager avec lucidité mon avenir professionnel.»

V.3.2 Existe-t-il un lien entre établissement et motivation à la formation ?

L’analyse de degré d’attachement des étudiants aux formations suivies selon l’institut nous

permet de dégager l’ampleur de cette question dans l’univers universitaire en Tunisie.

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

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Tableau 43 : Répartition selon le sexe et l’institut de formation des étudiants victimes d’une mauvaise orientation

Institut Masculin Féminin

% Total % Total

École Nationale d’Ingénieurs de Gabès 47 % 15 77 % 12

Faculté des Sciences de Gabès 60 % 30 44 % 32

Institut Supérieur de Gestion de Gabès 79 % 14 65 % 31

Institut Supérieur des Études appliquées en Humanités de Médenine 38 % 13 44 % 28

Institut Supérieur des Études juridiques de Gabès 50 % 4 73 % 11

Institut Supérieur des Sciences appliquées et de la Technologie de Gabès 63 % 16 79 % 34

Institut Supérieur des Sciences et Techniques des eaux de Gabès 55 % 11 67 % 26

Institut Supérieur des Sciences infirmières de Gabès 42 % 12 75 % 12

Institut Supérieur d’Informatique et de Multimédia de Gabès 75 % 6 85 % 21

Institut Supérieur d’Informatique de Médenine 36 % 11 60 % 11

Institut Supérieur des Études technologiques de Djerba 42 % 19 44 % 18

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Le test du khi-deux nous permet de confirmer l’existence d’une dépendance (avec

un risque d’erreur inférieur à 1 %) entre l’institut et le degré de rattachement à la formation

suivie. Les filles se montrent moins motivées que les garçons par les formations qui suivent

(à l’exception des celles qui sont inscrites à la faculté des Sciences et l’institut supérieur de

gestion de Gabès). D’un autre côté, les étudiants de l’institut supérieur des Études

appliquées en Humanités de Médenine sont les plus attachés à leurs formations puisque la

majorité d’entre eux ont choisi cette formation et ils sont issus majoritairement de la

branche lettres, par contre ceux qui sont inscrits à l’institut Supérieur d’informatique et de

multimédia de Gabès sont les moins intéressés par leur formation puisqu’ils n’ont pas

forcement choisi cette formation.

Les réponses à la question : Avez-vous des difficultés à comprendre les objectifs de votre

branche d’enseignement ? montrent que chez les deux sexes, un peu plus de la moitié des

étudiants (56 %) déclarent avoir des difficultés pour comprendre les finalités de leurs cursus

universitaires et son efficacité professionnelle (graphique 39). Cette proportion est plus

importante chez les garçons que chez les filles (77 % contre 68 %).

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

185

Graphique 39: Difficulté à comprendre les objectifs de la formation suivie selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Dans ce sens Olfa, étudiante à la faculté de sciences de Gabès, nous dit : « Je ne

comprends pas pourquoi on nous enseigne des matières qui n’ont pas de rapport avec notre

formation !? Je sens qu’on est trop loin de la réalité professionnelle : c’est trop

théorique ! »

Le discours de Salwa va dans le même sens «J’étais surprise par le contenu de ma

formation ! Ce n’était pas du tout ce que j’ai pensé trouver! Je sens une divergence avec

l’opportunité professionnelle. Je suis vraiment déçue et j’ai des inquiétudes pour mon

avenir professionnel ».

En croisant les réponses à la question (avez-vous des difficultés à comprendre les objectifs

de votre branche d’enseignement?) avec la question précédente (avant d’obtenir votre

baccalauréat, aviez- vous envisagé de faire des études autres que celles que vous

poursuivez actuellement ?), dans le graphique 40 on remarque l’effet de la formation suivie

(souvent imposée) sur l’avenir professionnel des étudiants qui estiment ne pas bien

comprendre l’objectif d’une telle formation. La proportion des étudiants qui n’ont pas

choisi la formation effectivement suivie et qui avouent avoir des difficultés pour

comprendre les objectifs de leurs formations est légèrement plus importante par rapport à

l’ensemble des étudiants enquêtés. Ces chiffres sont de l’ordre de 85 % chez les garçons et

81 % pour les filles.

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

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Graphique 40 : Difficultés à comprendre les objectifs de leur formation par les étudiants déçus suite à une mauvaise orientation, selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Cette question nous a permis de mesurer l’effet d’une mauvaise orientation sur

l’avenir professionnel de ces jeunes. Le croisement de cette question avec la question :

« votre avenir professionnel, ça vous préoccupe ? » révèle que 89 % des étudiants qui

déclarent être préoccupés par leur avenir professionnel sont des victimes d’une orientation

contre leur gré. D’autre part, 64 % d’entre eux se disent inquiets pour leur avenir

professionnel.

V.3.3 Durée des études envisagées

La durée moyenne des études envisagées après le bac ne diffère pas beaucoup entre les

filles et les garçons : respectivement elles sont de l’ordre de 4,8 et 4,5 ans. Sans aucun

doute, l’établissement de formation est un déterminant de la durée d’études envisagées par

les étudiants, mais d’autres variables comme le sexe peuvent aussi être déterminantes. Le

test d’indépendance entre le sexe et le nombre d’années d’études envisagées est rejeté avec

un risque d’erreur inférieur à 1 %, d’où la relation de dépendance entre ces deux variables.

Effectivement, l’exploitation des données de l’enquête montre que les filles sont plus

nombreuses à être motivées pour continuer les études en troisième cycle (graphique 41). Le

test d’indépendance du khi-deux confirme le lien entre le sexe et la motivation de continuer

les études en troisième cycle, avec un risque d’erreur de l’ordre de 2,3 %. Chez une bonne

partie des étudiantes, on entend fréquemment l’expression : « J’arrête les études

uniquement si je me marie ou si je trouve un travail ».

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

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Graphique 41 : Poursuite des études en troisième cycle selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

V.3.4 Économie et subvention des études

Lors de notre enquête, nous avons demandé aux étudiants comment ils font pour

financer leurs études. Le graphique 42 nous donne une idée sur les moyens de financements

des études pour l’année de l’enquête (2010-2011) :

Graphique 42 : Types de financement des études selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Nous pouvons remarquer ici une forte dépendance financière de ces jeunes vis-à-vis

leurs familles (il s’agit d’un peu plus de la moitié de ces étudiants). Les bourses

universitaires représentent la deuxième ressource pour les étudiants. Il s’agit des étudiants

issus de familles ayant des revenus modestes (pour notre population, 75 % des étudiants ont

des parents appartenant au mieux à la catégorie socioprofessionnelle des ouvriers).

L'aspect le plus attirant du graphique ci-dessus est le pourcentage des étudiants qui

travaillent : 11 % des garçons et 3 % des filles exercent une activité pour financer leurs

études. Si nous cherchons à comprendre les facteurs déterminant ces résultats, on trouve

que, d’après notre enquête, la famille reste le recours par excellence pour le financement

des études des personnes. Cette situation de dépendance envers la famille est souvent un

choix privilégié par les parents qui refusent le travail de leurs enfants, car d’après eux il

n’est pas possible de concilier le travail et les études. Dans ce sens, nous avons eu des

paroles quasiment unanimes chez plusieurs jeunes enquêtés, à titre d’exemple : « Mon père

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

188

refuse que je travaille, chaque fois il me dit : « termine tes études avant, puis on parlera.

On ne peut pas faire les deux en même temps » ».

D’autres justifient leur réticence envers le travail par le fait qu’ils ne trouvent pas

d’opportunités d’emploi correspondantes à leur motivation, surtout par rapport à leur

disponibilité.

Nizar (cité précédemment) déclare : « Je veux bien travailler pour financer mes études,

mais les offres sont souvent dans le domaine du bâtiment « mrama, en dialecte tunisien »,

un travail pénible qui nécessite beaucoup d’efforts et de temps. Il est impossible de

continuer ses études avec un travail pareil ! En plus, ça empêche la conciliation entre le

travail et les études ».

En outre, le résultat de notre enquête montre que plus de 25 % des étudiants, dont la grande

majorité sont des hommes (52 % contre seulement un peu moins d’un pour cent [0,9 %]

pour les filles) avaient déjà travaillé. Cette situation peut avoir des conséquences sur le

processus d’insertion des futurs cadres. En effet, le non-engagement et la quasi-inexistence

de motivation pour la recherche d’un emploi chez les étudiants, ajoutés à une situation

économique difficile engendrant peu d’opportunités d’emploi, sont des facteurs qui agissent

sur l’insertion et sur les perspectives professionnelles de ces derniers.

V.3.5 Méritocratie scolaire et autoévaluation de la formation

Lorsque nous avons demandé une autoévaluation de l’employabilité de ces

étudiants, ces derniers estiment que les formations suivies leur permettront d’être productifs

sur le marché de l’emploi. À peu près 43 % des étudiants estiment qu’ils sont moyennement

formés contre 30 % qui se disent bien formés. La disparité entre les deux sexes est non

significative et l’hypothèse d’indépendance entre le sexe et l’évaluation de la formation est

acceptée, car le risque d’erreur est de l’ordre de 20 %.

Plusieurs étudiants ont montré une certaine ambiguïté quant à l’évaluation de leur

formation en se demandant comment ils peuvent s’en servir sur le marché de l’emploi. Ali

souligne dans ce sens : « Je ne peux pas donner une évaluation de ma formation, celle-ci ne

vaut rien sans une expérience pratique ! »

D’autres disent que même s’ils se sentent bien formés, ils ont du mal à faire le lien entre

leur cursus universitaire et le marché du travail. Loubna, étudiante en technique des eaux,

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189

confirme : « C’est de l’ironie ! Même si je considère que je suis bien formée, je ne vois pas

quel travail je pourrai exercer après avoir obtenu mon diplôme !? »

Pour mieux comprendre ce phénomène, nous avons formulé deux questions

(Questions P9bis et P9ter), permettant aux étudiants de se prononcer sur l’utilité des

diplômes. Nous avons commencé par leur demander si en Tunisie le diplôme est

indispensable pour réussir sa vie professionnelle. Puis, nous nous sommes interrogés :

« Est-ce que le diplôme est une condition nécessaire et suffisante pour l’insertion

professionnelle ? »

Pour les étudiants, le diplôme est une clé et une condition de base pour la réussite, comme

le montrent les réponses à la première question. Sans surprise, environ 67 % des étudiants

interrogés pensent que le diplôme est indispensable pour la réussite professionnelle.

Pourtant, les réponses à la deuxième question montrent qu’aux yeux des étudiants, le

diplôme est nécessaire, mais insuffisant pour intégrer le monde du travail. 72 % d’entre eux

estiment que le diplôme ne constitue plus une garantie pour le travail.

Sonia (citée précédemment) pense que « La possession d’un diplôme peut augmenter la

chance d’être recruté, car les recruteurs sélectionnent les candidats sur leurs diplômes.

Mais, être diplômé de nos jours n’est plus un gage pour le travail ! Regarde, tu peux

trouver des gens qui n’ont pas des diplômes supérieurs et malgré ça ils occupent des postes

considérables ! C’est le monde à l’envers ! N’est- ce pas ?».

V.4 La provenance géographique et sociale des étudiants

« On ne peut comprendre l’insertion professionnelle d’un

jeune et son cheminement professionnel, sans tenir compte de son

milieu d’origine, ce qui amène à s’interroger sur les phénomènes

de transmission du statut social d’une génération à l’autre »

(DURU-BELLAT et HENRIOT-VAN ZANTEN, 1992)

V.4.1 Origines géographique des étudiants

Généralement, le rendement universitaire des étudiants ainsi que leur avenir

professionnel sont en grande partie définis par leur situation socioéconomique: la classe

sociale des parents, la composition de leurs familles, etc.

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

190

Les étudiants enquêtés inscrits dans un établissement universitaire du Sud-Est sont à 79 %

(307 étudiants) issus de cette région dont 40 % (156 étudiants) venant de Gabès, 30 % (116

étudiants) de Médenine et 9 % (35 étudiants) de Tataouine. Le reste des étudiants viennent

de 12 autres régions du pays, la majorité est originaire de la région de Kébili.

Il reste à vérifier si la tendance de dominance des étudiants locaux, voire régionaux, est due

à un choix de l’étudiant ou aux exigences de système d’orientation sélectif. Pour répondre à

cette question, nous soulignons que de nombreux étudiants ont déclaré être victimes d’une

mauvaise orientation faute de place dans les autres établissements, comme en témoignent

certains étudiants interrogés au cours de cette enquête.

Dans cette perspective, les propos d’Ali ne sont pas tendres, il a usé d’un langage un peu

« cru » : « Je me suis inscrit dans une faculté « poubelle » elle n’a rien à voir avec les

autres universités du pays, nous sommes utilisés comme « des bouche-trous » ».

Dans un autre entretien, Wafa (21 ans) estime qu’« à l’Institut Supérieur des Eudes

Appliquées en Humanités de Médenine, les études et les cours diffèrent beaucoup de ceux

qui sont suivis dans d’autres établissements de la même spécialité. Ici on se sent comme

délaissés, la qualité d’enseignement est médiocre … »

D’autres interviewés évoquent des arguments liés plus à des raisons familiales et

financières. C’est le cas de Zohra (22 ans) étudiante à l’École Nationale d’Ingénieurs de

Gabès : « En fait, j’avais les résultats qui me permettent de poursuivre mes études à Tunis.

Mais vu la situation de mon père (travailleur occasionnel), j’ai jugé judicieux de rester sur

place et de poursuivre mes études à Gabès ».

Pour Sonia (21 ans), étudiante à l’Institut supérieur d’Informatique de Médenine, sa

situation économique était déterminante dans son choix d’orientation :

« …Malheureusement, l’économie de la famille ne me laisse pas le choix ! J’ai été dans

l’obligation de continuer mes études à Médenine. Les faire ailleurs, cela veut dire pour

moi : au revoir les études ».

La taille de la fratrie, souvent conjuguée à une situation économique exsangue, rend aussi

cette mobilité régionale impossible. Ce qui nous montre l’exemple de Halima (23

ans), étudiante à l’Institut Supérieur des Études appliquées en Humanités « Nous sommes

six enfants, dont cinq font des études. Mon père travaille occasionnellement et notre

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

191

situation économique est très difficile. . Quant à moi, la bourse qui m’est attribuée ne me

suffit pas pour vivre ailleurs. . C’est pourquoi j’ai décidé de terminer mes études ici ».

Ces discours, que nous avons pu recueillir lors de notre enquête, témoignent d’un vécu

ordinaire très difficile pour ces étudiants.

V.4.2 Giron familial : migration, profil parental et progénitures

Parmi les 380 répondants à la question : Est-ce que vos parents résident à

l’étranger ? 91 % ont déclaré avoir les parents vivant en Tunisie, contre seulement 9 % des

personnes enquêtées qui ont au moins un des parents résidant à l’étranger.

Ce résultat ne correspond pas du tout à notre hypothèse de départ, dans laquelle nous avons

estimé que notre région d’étude (Sud-Est) est considérée comme un foyer d’émigration,

mais il peut être expliqué par l’aspect hétérogène de notre échantillon. Effectivement,

depuis les années quatre-vingt, les procédures de regroupement familial des immigrés en

France ont favorisé les migrations des familles dont les enfants sont en âge de scolarisation.

En conséquence, l’inscription de ces étudiants dans une université tunisienne peut

probablement nous renseigner sur la sédentarité de leurs parents.

V.4.2.1 Catégorie socioprofessionnelle des parents

À ce stade, nous envisageons de connaître l’environnement familial de l’enquête par

l’étude de quelques caractéristiques de la famille, et plus précisément celle des parents. Au

départ, il faut souligner que les pères des personnes enquêtées sont âgés en moyenne

d’environ 55 ans et les mères de 49 ans (soit un écart d’âge moyen de 6 ans).

Concernant la catégorie socioprofessionnelle des pères, les ouvriers constituent la CSP

dominante (44 %), suivis des cadres (16 %) et des chefs d’entreprise (14 %)

(graphique 43).En ce qui concerne les mères, 89 % d’entre elles sont sans activité, ce qui

confirme le progrès en matière d’activité féminine entre la génération étudiée et celle des

mères.

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

192

Graphique 43: Répartition des étudiants enquêtés selon le sexe et la CSP des parents

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

V.4.2.2 Niveau d’instruction des parents

Le graphique 44 représente la répartition des enquêtés selon le niveau d’instruction

de leurs parents. 61 % des pères des étudiants ont un niveau d’instruction secondaire et

plus, contre 36 % pour les mères. Autrefois, l’éducation des jeunes femmes était très

restreinte et dépendait fortement des choix de la famille, ce qui explique l’importance de

l’analphabétisme chez les plus âgées (22 % pour les femmes contre 12 % pour les

hommes). D’autre part, même si les femmes intégraient l’école, leur scolarisation se

terminait généralement au niveau primaire (42 % des mères des jeunes enquêtés ont un

niveau d’éducation primaire).

Graphique 44 : Répartition des étudiants enquêtés selon le sexe et le niveau d’instruction des parents

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

La divergence entre les mères et les pères en matière de scolarisation est

principalement la conséquence des coutumes de la société tunisienne, qui favorisait la

scolarité des garçons au détriment de celle des filles. Ces dernières avaient le droit à un

minimum d’instruction leur permettant de savoir lire et écrire, puisque le but de

l’instruction des femmes n’était pas de les encourager à travailler après la fin des études,

mais plutôt de les préparer à aider leurs futurs enfants à faire leurs devoirs.

Pour les nouvelles générations, la situation est différente en matière d’instruction, car les

femmes bénéficient dorénavant d’une longue scolarité. La transition du statut de la femme

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

193

tunisienne est le fruit des politiques entreprises par l’État à travers l’obligation et la gratuité

de la scolarisation des filles, au même titre que les garçons, et ce jusqu’à l’âge de 16 ans.

V.4.2.3 Taille de la fratrie

Comme nous l’avons signalé précédemment (Chapitre 3), les femmes tunisiennes

sont de plus en plus instruites. Ainsi, elles entrent en couple plus tardivement et elles sont

plus susceptibles d’avoir recours aux moyens de contraception que les femmes peu ou non

instruites.

Le test du khi-deux appliqué à notre échantillon montre l’existence d’une relation de

dépendance entre le nombre d’enfants des mères des personnes enquêtés et le niveau

scolaire de celles-ci. De manière générale, les femmes les plus instruites ont moins

d’enfants, car l’encouragement de l’éducation des femmes en Tunisie, comme ailleurs, est

en mesure de favoriser la maîtrise de la fécondité et d’accroître l’usage des moyens de

contraception.

L’analyse de la taille de fratrie pourrait nous être utile pour comprendre la structure

familiale et nous informer sur le calendrier et l’intensité de fécondité des mères. En effet,

pour les familles des personnes qui ont répondu à notre enquête, le nombre d’enfants mis au

monde est en moyenne égal à 5 enfants (soient des familles de taille moyenne égale à 7, en

rajoutant les parents). L’intervalle de temps entre l’enfant aîné et le cadet (le plus jeune) est

en moyenne de l’ordre de 12 ans tandis que l’étendue de la fratrie est comprise entre 1 et 13

personnes.

La descendance finale des mères et la durée de leurs vies fécondes vont nous permettre de

faire des comparaisons avec la nouvelle génération, représentée par les jeunes enquêtées,

dans une approche de perception de leur vie familiale.

Conclusion

Les chances de trouver un emploi sont inégales d’un individu à un autre. L’insertion

professionnelle des diplômés du supérieur dépend non seulement de la possession ou non

d’un diplôme, mais également de leurs caractéristiques personnelles (sexe, origine sociale,

etc.).

Les parents des étudiants sont à 44 % des ouvriers, tandis que 16 % sont des cadres et 14 %

des chefs d’entreprises. 61 % des pères des étudiants ont un niveau d’instruction secondaire

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Chapitre 5 : Propriétés biographiques de la population enquêtée ________________________________________________________________________

194

et plus, contre 36 % pour les mères. L’étude du lien entre l’institut d’étude et le degré de

rattachement à la formation suivie montre l’existence d’une dépendance entre ces deux

variables. En ce qui concerne l’évaluation de leur formation, 43 % des étudiants estiment

être moyennement formés contre 30 % qui pensent être bien formés. D’autre part, parmi les

étudiants victimes d’une orientation contre leur gré, 89 % se disent préoccupés par leur

avenir professionnel et 64 % d’entre eux se disent inquiets pour leur avenir professionnel.

Les résultats de l’enquête révèlent que le sexe est un déterminant du nombre d’années

d’études envisagé ; les filles allongent plus leurs durées d’étude. Elles sont plus nombreuses

à être motivées pour poursuivre des études de 3e cycle.

Un autre élément qui nous permet de comprendre le problème d’insertion des jeunes

diplômés est le non-engagement dans la recherche d’emploi. La famille constitue le

principal soutien pour les étudiants (52 % des étudiants), car la plupart des parents refusent

que leurs enfants travaillent pour financer leurs études. La bourse vient en deuxième

position. Quelques étudiants - 11 % de garçons et 3 % de filles - travaillent néanmoins pour

financer leurs études. Toutefois 25 % des étudiants ont déjà travaillé.

L’étude des propriétés biographiques de la population enquêtée nous aidera donc dans l’analyse de l’insertion professionnelle, ce qui fera l’objet du chapitre 6.

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

195

Chapitre : Perception de la situation professionnelle

VI.1 Motif de la recherche d’emploi

Dans le paragraphe suivant, nous tentons de comprendre pourquoi ces jeunes

voudraient travailler. Le test d’indépendance entre le sexe et les réponses à la question

« Que pensez-vous faire après avoir fini vos études » est rejeté, car le risque d’erreur est

très faible. Donc, pour notre population enquêtée, le sexe joue un rôle déterminant du

motif du travail.

Quant à la raison la plus avancée, par les garçons comme par les filles, elle est de nature

pécuniaire, donc le besoin matériel (60 % contre 51 % respectivement). En second lieu,

les hommes se montrent plus engagés dans la constitution d’une famille en évoquant la

recherche d’emploi (61 % contre 39 % pour les femmes), alors que pour celles-ci, le

travail est un moyen pour sortir et être connues dans la société (26 % contre 18 %). Elles

estiment le travail comme une source d’épanouissement social et d’émancipation.

Les femmes estiment également que travailler est bon pour le moral (50 % contre 24 %

pour les hommes). Dans ce sens, Salwa pense que « le travail permet à la femme d’avoir

son poids dans la société, ce qui aura des conséquences sur sa personnalité ».

Graphique 45: Motifs de la recherche d’emploi selon la perception des étudiants et leur sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Pour mieux comprendre ces résultats, nous avons demandé si ces jeunes

considèrent le travail comme une obligation ou comme un besoin. Ainsi, les résultats

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

196

représentés sur le graphique 46 montrent qu’un quart (25 %) des filles ont tendance à

considérer le travail comme un besoin contre 9 % des garçons.

Pour la modalité « obligation », nous assistons à un renversement des tendances : un peu

plus du quart (28 %) des garçons considèrent qu’ils sont obligés de travailler contre

17 % pour les filles.

Le reste des interrogés considèrent le travail comme étant un besoin et une obligation en

même temps (63 % pour les garçons contre 58 % pour les filles). Le test du khi-deux

confirme l’existence d’une dépendance entre cette variable et le sexe, avec un risque

d’erreur très faible (inférieur à 1 %).

Graphique 46: Perception du travail entre obligation et besoin selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

VI.2 Insertion professionnelle

Après avoir enquêté sur leurs provenances sociales et leurs études, nous essayons

d’observer la perception de l’avenir professionnel chez les personnes interrogées en

posant plusieurs questions. Nous avons commencé par interroger ces jeunes sur leur

projet après la fin des études. La réponse à cette question montre que pour les deux

sexes, l’objectif primordial est d’intégrer le milieu professionnel.

Au deuxième rang, l’objectif cité est celui du mariage pour les filles, de l'émigration

pour les garçons.

De plus, le test d’indépendance entre le sexe et le projet (post études) de ces jeunes est

rejeté, car le risque d’erreur est très faible (inférieur à 1 %). Nous pouvons conclure donc

que le sexe est un déterminant pour le projet des futurs jeunes diplômés du supérieur.

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

197

Graphique 47 : Projet des étudiants après les études selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Nous avons par la suite demandé aux étudiants comment ils estiment leur

insertion sur le marché de l’emploi. Ici, nous remarquons qu’un peu plus de la moitié

(56 %) des étudiants estiment affronter des difficultés d’insertion dans le milieu

professionnel. Sur ce plan, la différence entre les filles et les garçons est négligeable

(58 % contre 55 %). Ces résultats confirment bel et bien la difficulté d’insertion des

diplômés des universités tunisiennes, aussi bien pour les filles que pour les garçons, étant

donné qu’au moins un étudiant sur deux montre son inquiétude.

Plusieurs étudiants, comme Ali, estiment qu’il est impossible d’embaucher tous les

diplômés « Il faut accepter la réalité ! L’économie tunisienne ne permet pas d’absorber

ces flux de diplômés qui viennent engorger le marché de l’emploi ».

Les garçons se montrent légèrement plus optimistes que les filles, car un tiers d’entre

eux (33 %) estime qu’il est facile de s’insérer dans le monde professionnel, contre plus

d’un quart (29 %) pour les filles (graphique 48). L’autre résultat qui a attiré notre

attention est qu’environ un sur huit étudiants, ignore son potentiel d’emploi.

Graphique 48: Évaluation d’insertion selon les étudiants selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

En termes de pourcentages, la réponse à la question « quelles sont vos chances de

trouver un emploi ? » confirme cette tendance d’optimisme chez les étudiants qui

estiment avoir plus de chances de s’intégrer que les étudiantes. Mais comme pour la

plupart d’autres questions, les étudiants et les étudiantes se réfèrent à la révolution du 14

janvier 2011. Ainsi, au moment de l’enquête, ils demandent à chaque fois si c’est

d’« avant ou après la révolution» que nous parlons. À cet égard, l’objectivité des

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

198

réponses montre que les étudiants sont conscients de la situation économique du pays et

du faible potentiel d’emploi, car au moins un étudiant sur deux estime qu’il est difficile

de trouver un emploi.

VI.2.1 Perception de la période de chômage

La période d’insertion apparaît de moins en moins comme

un sas entre l’école et l’emploi, car, d’une part les frontières

entre emplois, chômage, formation, etc. se brouillent et d’autre

part la période tend à se structurer (Canals, Michel ,1995)

Dans le questionnaire de l’enquête, nous avons demandé une estimation de la

durée de chômage de ces jeunes une fois qu’ils auraient obtenu leurs diplômes. Il s’agit

de répondre à la question suivante : « D’après vous, combien de temps il vous faut pour

trouver un emploi, une fois vos études terminées ?

Les réponses à cette question, illustrées dans le tableau 44, montrent qu’en fonction du

sexe, les étudiants sont un peu plus nombreux que les étudiantes à estimer une durée de

chômage inférieure à un an (48 % contre 43 % pour les étudiantes). Pour la durée

estimée entre 2 et 5 ans, la tendance se renverse puisque 38 % des filles s’y

reconnaissent contre 33 % des garçons d’où leur pessimisme. Nous remarquons

également que cette question reste floue pour une grande partie des étudiants, puisque

14 % d’entre eux ne peuvent pas prévoir cette durée.

Tableau 44 : Perception de la durée de chômage selon le sexe

Étudiants Étudiantes

Au plus un an 48% 43 %

De 2 à 5 ans 33 % 38 %

Plus de 5 ans 5 % 5 %

Ne sait pas 14 % 14 %

Total 130 201

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

La durée moyenne d’attente avant de décrocher un emploi selon la perception de

ces étudiants est de l’ordre de 2,1 ans (1,9 an pour les étudiants contre 2,2 ans pour les

étudiantes). Cette durée moyenne parait moins courte que la durée réellement observée

chez les anciens diplômés, bien que plusieurs d’entre eux attendent toujours leur

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

199

insertion. En effet, selon l’étude de Stampini et Verdier-Chouchane236 , les diplômés en

Tunisie sont au chômage pendant 28 mois en moyenne.

Concernant ce point, nous pensons que la révolution du 14 janvier 2011 a bouleversé la

situation de telle façon que les étudiants sont plus optimistes, en estimant qu’un jour il y

aura un changement radical vis-à-vis du chômage (facteur déclencheur de cette

révolution).

Les propos de Fakher, étudiant à L’ISET de Djerba, peuvent appuyer cette vision: « Je

suis insoucieux quant à la durée de chômage. La révolution est faite, maintenant les

prochains dirigeants doivent veiller à résoudre le problème du chômage et à trouver

pour nous des emplois qui correspondent à nos ambitions »

VI.2.1.1 Durée de chômage selon l’établissement

La durée de chômage estimée par ces étudiants diffère selon l’établissement (ici,

nous parlons de type de formation: ingénieurs, maitrisards ou autres)237. En effet, 78 %

des étudiants inscrits à l’École Nationale d’Ingénieurs de Gabès pensent attendre moins

d’un an avant de décrocher un premier emploi. Cette proportion est beaucoup plus faible

chez les filles (69 %) que chez les garçons (87 %).Pour les étudiants de l’Institut

supérieur de Gestion de Gabès, ce chiffre est de l’ordre de 28 %. D’autre part, 38 % des

étudiants de cet institut sont dans la confusion et ne savent pas combien de temps il leur

faudrait pour avoir un premier emploi. Cette tendance est semblable à celle des étudiants

de l’ISET de Djerba, où 37 % des étudiants n’ont pas pu estimer combien de temps il

leur faudrait pour s’insérer dans le marché de l’emploi.

236236 Cf. Banque africaine de développement. (2011). Comment lutter contre le chômage des jeunes au Maghreb? Tunis, p. 6. 237 Le rapport sur l’insertion des diplômés de l’année 2004 (Document conjoint du Ministère de l’Emploi et de l'Insertion Professionnelle des Jeunes et de la Banque mondiale) montre que les ingénieurs et les architectes continuent de bénéficier d’une situation plus favorable face au chômage, tandis que chez les maîtrisards et les techniciens supérieurs, la durée moyenne de chômage est de trois ans et demi après l’obtention du diplôme.

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

200

Graphique 49 : Perception de la durée de chômage selon le sexe et l’établissement

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Pour d’autres établissements offrant des formations universitaires à caractère non

scientifique, la durée nécessaire pour s’insérer est plus importante selon les estimations

des étudiants. Effectivement, 60 % de ceux-ci prévoient entre 2 et 5 ans de chômage

avant de trouver un emploi (60 % pour les étudiants de l’Institut des Études Juridiques

de Gabès et 59 % pour ceux de l’Institut des Études Appliquées en Humanité de

Médenine).

Le graphique 50 montre que la durée moyenne pour trouver un emploi après la fin

des études dépend, entre autres, de deux facteurs principaux à savoir le sexe et

l’établissement (type et lieu de formation).

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

201

Graphique 50: Perception de la durée moyenne de chômage selon le sexe et l’établissement

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

L’étude de l’effet de la région de résidence sur la durée nécessaire pour accéder à

un premier emploi montre qu’il n’existe pas de dépendance et que le risque de se

tromper est de l’ordre de 38 %. Ici, encore, l’analyse d’une telle relation est délicate à

cause de l’hétérogénéité géographique de notre population (lieu de provenance des

étudiants).

VI.2.1.2 Durée moyenne de chômage selon les CSP des parents

L’évolution de la durée moyenne de chômage estimée par ces étudiants en

fonction de la CSP des parents, représentée dans le tableau 45, montre que la CSP de

la mère a un impact plus remarquable sur l’estimation de la durée de chômage. En

effet, nous pouvons constater que chez les étudiants dont la mère est cadre, la durée

d’attente est de 1,3 an contre 2,3 ans pour ceux dont les mères sont sans activité, soit

une année de plus. Ces résultats nous permettent d’affirmer que la durée moyenne de

chômage évolue de manière négative avec la CSP des parents, car plus les parents ont

une CSP élevée, moins la durée moyenne avant de trouver un emploi est longue.

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

202

Tableau 45 : Perception de la durée moyenne de chômage selon la CSP des parents

CSP Père CSP Mère

Patron 1,9 an 1,3 an

Cadre 1,9 an 1,7 an

Ouvrier 2,2 ans 2,0 ans

Sans activité 2,3 ans 2,3 ans

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

En conséquence, si la durée moyenne de chômage estimée par ces étudiants est

moins longue quand les parents sont des cadres ou patrons, c’est probablement en

raison de l’intervention des parents dans le processus d’insertion de leurs enfants.

Ceci peut se manifester notamment par une bonne assistance et dans certains cas, par

la mise à contribution du réseau relationnel. Pour la catégorie socioprofessionnelle

des parents, le test du khi-deux confirme une relation de dépendance entre la durée de

chômage et la CSP du père, avec un risque d’erreur de l’ordre de 1 %. En revanche,

pour les mères, le risque est beaucoup plus important (10 %).

VI.2.2 Perception du travail selon le salaire

Dans le paragraphe suivant, nous allons voir si le salaire est un déterminant

conditionnel dans le futur emploi. Pour cela, nous avons posé aux étudiants la

question suivante « Acceptez-vous de travailler même si le salaire ne correspond pas

à vos ambitions ?».41 % des étudiants déclarent accepter de travailler même si le

salaire ne correspond pas à leurs ambitions.

Sur ce plan, la tendance entre les deux sexes est presque la même : 40 % pour les

étudiants contre 42,5 % pour les étudiantes. Le test du khi-deux élimine toute relation

de dépendance entre le sexe et l’acceptation de travailler même si le travail éventuel

ne correspond pas leurs ambitions, car le risque de commettre une erreur est énorme

(66 %).

Nous avons demandé aux étudiants pourquoi, en dépit d’un salaire faible, ils

accepteraient de travailler quand même. Dans la plupart des cas, ils répondent de la

même façon qu’Ahmed (étudiant, à L’ISG de Gabès) « Je n’ai pas beaucoup de

choix. Soit je travaille, soit la place est cédée à des milliers de candidats qui

attendent ».

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

203

En conséquence, on voit que le spectre du chômage menace ces jeunes et les

pousse à accepter de travailler. En vérité, comme le chômage en Tunisie n’est pas

indemnisé, les jeunes se montrent ouverts à n’importe quelle occasion de

recrutement, même si le travail ne coïncide pas avec leurs ambitions.

L’étude de cette décision (accepter le premier travail quelle que soit sa nature) selon

la CSP des parents montre l’inexistence de dépendance entre ces deux variables, car

le risque d’erreur est important.

VI.2.2.1 Salaire de réserve

Par la suite, nous avons demandé aux étudiants une estimation d’un salaire

minimum au-dessous duquel ils n’accepteraient pas de travailler. La question posée

était « Quel est le salaire minimum au-dessous duquel vous refuseriez de

travailler ? », en d’autres termes, quel est le salaire de réserve de ceux-ci?

Le salaire moyen minimum, calculé à partir des données de notre enquête, est de 530

dinars (soit environ 270 euros) pour les deux sexes. Il est chiffré à 624 dinars pour les

hommes et 452 dinars pour les femmes.

D’autre part, la proportion des garçons estimant avoir un salaire minimum

supérieur à 500 dinars, comme nous le voyons sur le graphique 51, est plus

importante que celle des filles (53 % contre 23 %). Inversement, la proportion des

filles qui estiment avoir un salaire minimum inférieur à 500 dinars est de l’ordre de

77 % contre 47 % des garçons. Le test du khi-deux confirme la dépendance entre le

sexe et la perception du salaire de réserve avec un risque d’erreur inférieur à 1 %.

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

204

Graphique 51: Perception du salaire réserve selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

VI.2.2.2 Salaire souhaité selon le sexe, secteur de travail et le type de la formation

Nous avons ensuite intégré une autre question afin de connaître le salaire que ces

étudiants estiment gagner : « quel salaire estimez-vous avoir ? ». Ici, notre but est de

savoir si c’est le salaire qui compte le plus ou c’est plutôt le fait d’occuper un travail. Les

femmes n’ont pas beaucoup d’exigence quant au salaire : elles sont dans la plupart des

cas, les moins payées. Leur salaire moyen est estimé à 467 dinars contre 682 dinars pour

les garçons.

Aux yeux de ces jeunes étudiants, le secteur public paie le mieux : la répartition

des salaires selon le secteur d’emploi montre que dans le public, les salaires sont

remarquablement plus élevés que ceux dans privé. Nous avons enregistré en moyenne

614 dinars pour le secteur public contre 447 dinars pour le privé.

Les salaires varient suivant le niveau de diplôme : selon la perception de nos

interviewés, dans les deux secteurs, les ingénieurs sont nettement mieux rémunérés que

les maîtrisards. À leur tour, ces derniers sont mieux rémunérés que les techniciens

supérieurs. Leurs salaires moyens sont de l’ordre de 805 dinars pour les ingénieurs, 472

dinars pour les maitrisards et 407 dinars pour les techniciens supérieurs.

VI.2.3 Déterminants du poste de travail

Pour mieux comprendre ce passage, nous avons inclus dans le questionnaire,

la question suivante : « Quels sont les critères déterminants pour vos choix du futur

poste ? » D’après les réponses de nos interviewés, représentées sur le graphique 52

qui suit, les critères les plus déterminants dans le choix du futur poste semblent être

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

205

le salaire et la correspondance avec la formation suivie.

Pour ce qui concerne le salaire, c’est un comportement matérialiste si l’on croit à la

théorie du capital humain. Manifestement, la plupart des étudiants cherchent à

décrocher un travail qui paie bien vu qu’ils ont suivi une longue scolarité.

La difficulté de la correspondance de l’emploi avec la formation suivie nous

permet d’imaginer la complexité de l’insertion des étudiants dans le marché de

l’emploi en Tunisie. Effectivement, ces derniers cherchent plutôt des postes qui sont

en grand rapport avec la formation qu’ils ont suivie, ce qui semble un enjeu de taille,

surtout dans un pays marqué par les écarts entre les offres et les demandes d’emploi.

Graphique 52 : Perception des déterminants de l’emploi selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

L’étude des déterminants du poste de travail selon l’institut d’études révèle

que les étudiants suivant des formations demandées sur le marché avancent le salaire

comme premier déterminant de leur futur emploi.

Dans le graphique 53, à titre d’exemple, environ 80 % des futurs ingénieurs pensent

que le salaire est le critère le plus important, alors que pour les autres c’est la

correspondance avec la formation qui compte le plus.

Hajer étudiante en ingénierie informatique rapporte « pour moi, vu la nature

laborieuse de ma formation, le salaire compte beaucoup dans le choix de mon futur

travail ». Le test du khi-deux entre les déterminants de poste travail et l’institut

d’études montre la dépendance entre ces deux variables avec un risque d’erreur faible

(2 % pour la correspondance avec la formation contre 0.3 % pour le salaire).

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

206

Graphique 53 : Déterminants de l’emploi selon l’institut d’étude

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

En revanche, l’étude des déterminants du futur emploi selon la CSP des

parents exclut toute relation de dépendance entre ces deux variables.

VI.2.4 Comment le marché de travail est-il segmenté aux yeux de ces

jeunes ?

La proportion des étudiants qui sont motivés pour travailler dans le secteur

public est de l’ordre de 60 %, les femmes se montrent les plus motivées (67 % contre

48 % pour les hommes). En outre, 19 % des étudiants se disent motivés pour

travailler dans le secteur privé (22 % pour les hommes contre 18 % pour les femmes).

À la base de ces résultats, nous pouvons saisir un autre élément pouvant expliquer le

chômage des étudiantes issues du supérieur. En fait, celles-ci préfèrent travailler dans

le secteur public qui offre de moins en moins d’opportunités de travail (deux filles

sur trois préfèrent y travailler contre presque la moitié des garçons). Ces derniers,

quant à eux, sont plus motivés par la création d’entreprises : plus d’un quart des

étudiants (27 %) veulent prendre cette initiative contre seulement un dixième des

filles (11 %). Donc, à partir du ressenti de ces étudiants, on peut considérer

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

207

« l’entrepreneuriat comme débouché de la scolarisation : palliatif à la crise du

diplôme.238 »

Graphique 54: Perception du futur poste selon le secteur d’emploi et le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Toujours selon notre enquête, après l’obtention de leurs diplômes et s’ils ne

trouvent pas d’emploi, 51 % des étudiants sont pour l’idée de la création de leurs

propres entreprises. Parmi les deux sexes, les garçons sont les plus séduits par cette

piste, avec une proportion de 58 % contre 45 % pour les filles.

Graphique 55 : Proportion des étudiants motivés par la création d’entreprises selon le sexe

Source : Données d'enquête personnelle, 2011.

Pour vérifier si « la création d’entreprises ne constitue pas forcément

l’exemple de volonté et d’autonomie, librement consenties »239, nous avons demandé

aux étudiants quels types d’obstacles risqueraient de les empêcher de créer leurs

propres entreprises ? D’après les résultats, nous pouvons observer (graphique 56) que

les étudiants trouvent que l’insuffisance des moyens financiers est la plus redoutable

entrave à la création d’entreprises, avec un chiffre de 61 %, suivie en second lieu par

la crainte de la concurrence, avec 21 % (ici la proportion des filles est le double de

celle des garçons : 13% contre 26%) ou encore le manque des compétences, avec

17%.

238 DENIEUIL, p. (2005). Femmes et entreprises en Tunisie essai sur les cultures du travail féminin. Paris : L'Harmattan, p. 63. 239 Ibid.

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208

Graphique 56 : Perception des obstacles à la création d’entreprises selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

VI.2.5 Les obstacles à l’emploi

Nous avons voulu savoir quels sont les obstacles qui empêcheraient ces

étudiants d’être insérés rapidement sur le marché de l’emploi. Les résultats montrent

que 48 % des étudiants mettent l’expérience en premier rang, suivie dans un

deuxième temps du manque d’information concernant les offres.

Graphique 57 : Perception des obstacles à l’accès à l’emploi selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

D’après ces étudiants, les obstacles qu’ils peuvent rencontrer quant à l’accès au

premier emploi peuvent être multiples. D’abord, il peut s’agir du manque d’expérience,

selon un étudiant sur deux. Nora, l'une de nos interviewées souligne qu’« au début, je

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

209

pense que nous allons trouver beaucoup de difficultés pour nous insérer dans le marché

de travail, car il nous manque l’expérience. Elle est de plus en plus exigée par

l’employeur alors que nous ne l’avons pas du tout accumulée pendant nos formations

universitaires».

En deuxième lieu, le manque d’information concernant le marché et les offres d’emploi

correspondantes. Selon les propos de la plupart des interrogés, « L’information

concernant le marché et les offres d’emploi est presque indisponible. Pour les concours

de recrutement, par exemple, cette information arrive souvent après la date limite pour

déposer sa candidature ».

D’autres interrogés, en particulier les filles, considèrent l’éloignement du lieu de travail

du lieu de la résidence de la famille comme un vrai obstacle. À cet égard, Naïma

(étudiante à l’ISET de Djerba) rapporte : « … je ne suis pas en mesure de travailler dans

une autre ville, car d’une part mes parents n’accepteraient pas que je sois loin d’eux et

d’autre part ce n’est pas du tout rentable financièrement. Il faudra payer le loyer et le

transport et d’autres frais que je ne pourrais pas assumer ».

La famille peut être aussi un vrai frein pour les jeunes diplômées à travers sa vision

envers certains types d’emplois, considérés peu convenables aux filles. Sur ce plan, le

témoignage de Sonia est expressif : « … mes frères seront contre mon travail dans le

domaine de l’hôtellerie. Ils estiment que ce métier est de caractère masculin. D’autre

part, notre société est très conservatrice, car les femmes doivent respecter certaines

règles. À titre d’exemple, elles doivent retourner à la maison avant le coucher du soleil».

D’autres obstacles à l’insertion de ces jeunes ont été évoqués le jour de notre enquête,

tels que l’existence des rapports relationnels appelés dans la société tunisienne

« laktef »240 ou « piston ». Cela peut rendre difficile l’insertion de ces jeunes, puisqu’on

est à l’égard d’un marché de l’emploi avec des inégalités de chances.

Issam (cité précédemment) affirme que « … les concours sont formels et la liste des

candidats admis est fixée avant le jour de l’examen. Seuls ceux qui ont de “grands

pistons” seront acceptés. Ni la moyenne, ni la mention, ni l’âge ne seront pris en compte

dans l’évaluation, mais plutôt le rapport relationnel et le recours à la corruption

“rachwa”».

240 Terme arabe qui veut dire « les épaules », renvoyant au terme de clientélisme.

Page 210: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

210

VI.2.6 Les clés de l’accès à l’emploi

Nous avons posé ensuite la question suivante : « d’après vous, comment peut-on

décrocher un emploi ? ». Les réponses, comme nous pouvons voir sur le graphique 58,

montrent que les étudiants comptent beaucoup sur les concours (deux tiers des

étudiants). En second lieu, ils considèrent le recours aux réseaux relationnels ainsi que

les stages comme des moyens de grande importance. Ensuite, environ 22% des étudiants

estiment que le recours à l’Agence Nationale d’emploi (l’ANETI) peut être très utile

pour décrocher un poste de travail. Quant aux médias, les étudiants n’ont pas beaucoup

de recours à ces moyens pour obtenir un emploi.

Graphique 58 : Réponses à la question : Comment décrocher un emploi ? Selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

VI.2.6.1 Le concours, premier sésame pour l’emploi

Comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent, la majorité des étudiants

estiment que le fait de trouver un emploi se fait par le biais des concours. Mais cela

suppose d’avoir les informations nécessaires. Pour vérifier à quel niveau ces

informations sont bénéfiques pour ces jeunes, nous avons posé d’autres questions. Nous

avons demandé en premier lieu si ces jeunes ont déjà participé à un concours de

recrutement. En réponse, les étudiants l’ont essayé plus que les étudiantes

(graphique 59).

Page 211: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

211

Graphique 59: Proportion de participants au concours de recrutement selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Effectivement, 29 % des étudiants ont participé à un concours de recrutement,

alors que 47 % des étudiants n’ont pas eu d’informations sur les circonstances des

concours et sur leurs contenus. Cela nous laisse supposer que la plupart des jeunes

préfèrent attendre l’obtention de diplôme avant de participer à un concours de

recrutement, comme le résume Salwa : « je n’ai pas participé à des concours parce que

je ne pense pas avoir beaucoup de chances avant d’avoir obtenu mon diplôme, surtout

lorsqu’on sait que le marché de l’emploi est engorgé par beaucoup de diplômés ».

En Tunisie, la fonction publique est un secteur qui séduit la majorité des jeunes

diplômés. Pour accéder à ce type d’emploi, le passage par un concours est généralement

obligatoire. Dans les paragraphes qui suivent, nous essayons de savoir si les étudiants

ont l’information nécessaire concernant les concours proposés par la fonction publique.

Nous avons choisi d’interroger les étudiants sur l’accessibilité des concours, autrement

dit pour savoir si les concours sont à la portée de tout le monde. Ici, il s’agit de

l’information relative aux concours, c’est-à-dire la publication, l’affichage, la date et le

lieu de l’examen. Environ deux tiers des étudiants (65%) estiment que les concours sont

difficilement accessibles, que la publication concernant les concours arrive souvent

tardivement et parfois même après la date de l’examen.

Par la suite, nous avons voulu savoir comment les étudiants estiment le degré de

difficulté des concours. À cet égard, 52 % des filles répondent par : « Ne sait pas »

contre 38 % pour les garçons. Ces derniers estiment que les concours sont difficiles

(13 % contre 19 % pour les filles).

Graphique 60 : Perception du degré de difficulté des concours selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Page 212: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

212

VI.2.6.2 Stages et insertion professionnels

Nous avons tenté par la suite de voir l’implication des étudiants dans les stages et

de comprendre leur degré d’utilité dans le cursus professionnel. Ainsi, la première

question était de savoir quels sont les objectifs visés par ces étudiants quant aux stages

(graphique 61). À cet égard, plusieurs étudiants ont avancé comme réponse : découvrir le

milieu professionnel (76 %), suivie de la réponse « valider le diplôme » (37 %) puis par

décrocher un emploi (28 %). Du point de vue du genre, la réponse à cette question

montre que les femmes sont plus nombreuses à dire que les stages servent à valider le

diplôme.

Graphique 61 : Utilité du stage selon les étudiants selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Dans ce sens, Sonia (citée précédemment) confie « Les stages sont, dans la

plupart du temps, formels et leur but est souvent la validation du diplôme. Donc, la

majorité des étudiants acceptent n’importe quelle occasion pour passer leur stage, faute

de temps et sous la pression administrative, rien que pour la validation de leur cursus

universitaire ».

Par la suite, nous avons demandé si ces jeunes veulent faire un stage

(graphique 62). Les réponses montrent que la plupart d’entre eux sont motivés par un

objectif principal de «validation du diplôme » conjuguée à « la découverte du milieu

professionnel ».

Page 213: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

213

Graphique 62 : L’importance du stage pour les étudiants selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

VI.2.6.3 Le clientélisme et la corruption versus l’égalité de chances !

« Pour faciliter le contact avec le milieu

professionnel il faut mobiliser des réseaux sociaux

familiaux, car, le capital humain ne joue pas

indépendamment d’un certain “capital social”241».

Pour justifier la difficulté d’accès à l’emploi, la plupart des étudiants ont évoqué

une représentation sociale qu’ils peuvent résumer par la propagation de la corruption et

le recours aux réseaux relationnels. Ces pratiques qui touchent le monde du recrutement

sont également fortement présentes dans le processus de sélection et d’admission des

candidats. Iman, étudiante à la faculté des sciences de Gabès, témoigne : « je connais des

diplômés, qui, malgré leur bagage scientifique, ne trouvent pas un travail décent!

Aujourd’hui, ils vendent des fruits et des légumes, car ils n’ont pas la chance de trouver

un emploi, et plus précisément ils n’ont pas donné une commission “Rachwa” pour

avoir un poste ou parce qu’ils n’ont pas de rapport relationnel. Du coup ils n’ont rien

eu ! »

VI.3 Le travail des femmes

Dans la section suivante, nous allons observer l’opinion des étudiants comme

celle des étudiantes, vis-à-vis du travail des femmes.

VI.3.1 Regards des étudiants vis-à-vis du travail des femmes

Les données collectées du travail de terrain montrent qu’environ un quart des

personnes enquêtées (24 %) se déclarent contre le travail des femmes, dont 44 % du sexe

masculin contre 11 % de sexe féminin. Nous avons essayé de comprendre les raisons de

241 DURU-BELLAT, M. (2006). L'inflation scolaire: les désillusions de la méritocratie. Condé-sur-Noireau: Seuil et la République des Idées, p. 32.

Page 214: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

214

ce refus. Parmi ces étudiants qui sont contre le travail des femmes, 55 % estiment que

« la femme doit rester à la maison » avec un léger écart en faveur des hommes (56 %

contre 52 % pour les femmes).

Ici, il s’agit d’un élément de la société du Sud-Est tunisien, où la sortie de la

femme n’est pas toujours bien vue. Les autres motifs du refus de travail des femmes sont

moins évoqués. Ainsi, pour le motif selon lequel le travail des femmes à l’extérieur de la

maison « est un interdit religieux », les femmes sont plus nombreuses que les hommes à

l’avancer (22 % contre 18 %). Pour le motif « refus de la famille », nous avons retenu un

chiffre de 11 %, avec une légère sous-représentation chez les femmes.

Le motif « financièrement, je n’en ai pas besoin » est présent dans les réponses de 26%

des étudiants qui sont contre le travail des femmes (28 % chez les hommes contre 22 %

chez les femmes). Pour le motif « c’est refusé par la société », ce sont uniquement des

hommes qui avancent ce motif. Pour le motif « autre », les étudiants estiment que le rôle

primordial de la femme est de rester à la maison afin de s’occuper de ses enfants.

Dans ce sens Salah, étudiant à l’ISG de Gabès, estime que « le rôle fondamental

de la femme, dans un couple, est de s’occuper de sa maison. Cette tâche est dans la

plupart des cas difficile à réaliser si elle sort pour travailler. Donc, je pense que, pour la

stabilisation dans le couple, la femme a intérêt à ne pas travailler ».

Graphique 63 : Motif de refus du travail de la femme selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Page 215: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

215

D’autres répondants considèrent le travail des femmes comme une cause parmi

d’autres du chômage des hommes. Cette opinion a été formulée par plusieurs étudiants,

dont Issam (étudiant à la faculté de sciences de Gabès) : « La difficulté d’insertion des

diplômés sur le marché de l’emploi est due en premier lieu à l’arrivée massive de

nouveaux diplômés majoritairement de sexe féminin. Donc, je pense que parmi les

causes du chômage des diplômés (de sexe masculin), c’est l’abondance d’une main-

d’œuvre féminine acceptant de travailler même contre une faible rémunération ».

L’étude de l’effet probable de la région de résidence sur cette question montre

l’existence d’une relation de dépendance avec un risque d’erreur de l’ordre de 5 %.

Cependant, la CSP des parents ne nous permet pas de confirmer une relation probable,

car le risque d’erreur est énorme (27 %).

VI.3.2 Domaine d’activité des femmes

Ici, nous allons vérifier si « les femmes restent toujours cantonnées dans des

branches, des métiers, des emplois dits féminins242 ». Quand nous avons posé la question

(P30), « dans quel domaine la femme pourrait-elle travailler ? », les réponses

concernaient le plus souvent les domaines administratifs et éducatifs. Cette tendance est

générale en Tunisie car, d’après l’enquête d’insertion, la proportion des femmes

employées dans ces domaines est respectivement de 28 % et 62 %243.

L’analyse de la perception du domaine d’activité de la femme selon le sexe

montre que les étudiantes, comparées aux étudiants, revendiquent plus de participation,

et c’est pratiquement pour tous les domaines (comme l’on voit sur le graphique 64).

Elles estiment que la vie a beaucoup changé et que la femme peut travailler dans tous les

domaines, comme le souligne Salwa (cité précédemment) : « la femme est capable

d’occuper n’importe quel emploi. Elle est devenue une concurrente de taille, causant de

plus en plus de pression pour l’homme ».

En revanche, les étudiants interrogés (de sexe masculin) estiment qu’il existe des métiers

spécifiques aux femmes, tels que secrétaire, sage-femme ou auxiliaire

familiale « khidima ».

242 MARUANI, M. (1985). Mais qui a peur du travail des femmes? Paris: Syors. 243 (2008). Dynamique de l’emploi et de la formation parmi les diplômés universitaires Volume1: Rapport sur l’insertion des diplômés de l’année 2004. Ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes et la Banque mondiale, p17.

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

216

Graphique 64 : Perception du domaine d’activité de la femme selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

VI.4 Les pratiques discriminatoires aux yeux des étudiants

« La ségrégation professionnelle est la tendance des

hommes et des femmes à être employés dans différentes

occupations. C’est un phénomène que l’on trouve partout

dans le monde, dans les pays en voie de développement

comme dans les pays industrialisés.244»

VI.4.1 La discrimination dans l’accès au travail

Pour traiter ce thème, nous avons commencé par la question : « selon vous existe-

t-il des discriminations quant à l’accès à l’emploi ? ». Environ trois quarts (72 %) des

étudiants confirment l’existence de discriminations pour accéder au marché de l’emploi

tunisien. Selon eux, cette discrimination est plus liée aux questions de sexe et de la

région d’appartenance.

244 Perez, S., & Strobel, O. (2000). Éducation et travail: Divorce ou entente cordiale? Paris: L'Harmattan, p. 253.

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

217

Graphique 65 : Type de discrimination à l’accès à l’emploi selon la perception des étudiants et le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Pour la discrimination selon le salaire, le pourcentage est de 28 %, mais elle est

indirectement citée par les étudiants lorsqu’ils évoquent la discrimination selon le sexe

(car ils estiment que les filles sont les moins payées). Sur un autre plan et par rapport à

leurs perceptions du salaire, nous pouvons dire que les femmes jouent un rôle important

dans la discrimination salariale à leurs encontre. Plusieurs d’entre elles acceptent de

travailler même si le salaire est inférieur à celui des hommes, ce qui incite l’employeur à

faire appel à la main-d’œuvre féminine.

Pour conclure, les pratiques discriminatoires ne sont pas présentes seulement lors

de l’embauche, elles persistent tout au long de la carrière professionnelle, un processus

dans lequel les femmes sont les plus atteintes.

VI.4.2 Ségrégation au détriment des femmes

À cet égard, nous avons posé la question : « pensez-vous qu’il existe des

discriminations envers les femmes ? ». Deux tiers des étudiants estiment qu’il existe une

discrimination envers les femmes sur le marché de l’emploi. Également, les hommes

pensent qu’il existe une discrimination plutôt positive, car d’après eux, les filles sont

souvent les plus recrutées du fait, d’une part, d’une meilleure présentation et d’une plus

grande attractivité, et, d’autre part, d’exigences salariales plus faibles que les garçons.

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%Sexe

Région

AgeSalaire

Autres

Ensemble (278) Etudiants (105) Etudiantes (173)

Page 218: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

218

Imad (cité précédemment) souligne dans ce sens « …Moi aussi si j’étais employeur, pour

le même poste je privilégierais une jolie fille par rapport à un garçon, car la présence de

la femme sur le marché de l’emploi n’est plus la mode, mais plutôt une pression exercée

par la concurrence. De plus, les filles acceptent de travailler même avec une faible

rémunération ».

De leur côté, les étudiantes estiment que la ségrégation au détriment des femmes

n’est pas une discrimination salariale, car il y a aussi une ségrégation dans la hiérarchie

(parité), c’est-à-dire que les femmes n’exercent pas dans leur travail autant d’autorité

que leurs homologues de sexe masculin. Sarah, étudiante en économie et gestion, affirme

que « c’est normal que la paie des hommes soit plus importante que celle des femmes,

car ça a toujours été le cas même dans les pays les plus développés, puisque les hommes

ont souvent plus d’autorité et de responsabilité! ».

En conclusion, la plupart des interrogés pensent que les hommes ont d’autres

atouts en leur faveur sur le marché de l’emploi. À propos de cette thématique, les

chercheurs BELHARETH Mustapha et HERGLI Moncef estiment que « les hommes

disposeraient d’autres ressources qui n’ont pas été mesurées, mais qui sont valorisées

sur le marché »245.

VI.5 Acteurs dans le choix professionnel des étudiants

Répondre à cette question « Qui peut vous influencer dans votre choix d’emploi ?», c’est essayer

de savoir si ces jeunes sont libres dans le choix de leur travail ou bien s’il y a des

personnes qui pourraient intervenir et influencer leur décision. Le graphique 66 montre,

d’une part, qu’au moins un tiers d’étudiants (35 %) ne font pas appel à d’autres

personnes dans le choix de leur futur emploi et que d’autre part, les hommes ont

tendance à être plus autonomes que les femmes dans de telles situations (41 % contre

31 %).

Dans cette logique, Issam rapporte : « il n’y a que moi qui décide de mon futur

professionnel, car personne ne peut deviner mes compétences professionnelles. Donc, le

choix du poste, ça concerne moi-même, personne ne doit y intervenir ».

L’intervention des parents dans le choix du futur poste a aussi sa part d’influence pour

les deux sexes. Ainsi, un tiers des étudiants estiment que les parents peuvent aider dans

le choix du futur poste. En effet, plusieurs interrogés pensent comme Imen, étudiante (21

245 Cf. BOUZAIENE Sonia, les problèmes d’insertion professionnelle des diplômés tunisiens de l’Enseignement supérieur : Diagnostics d’une exclusion, op. cit, p. 25.

Page 219: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

219

ans) : « j’ai toujours eu recours à mon père comme conseiller et je le ferai pour le choix

de mon travail ».

Graphique 66 : Les acteurs dans le choix professionnel des jeunes selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

VI.6 L’information sur le marché de travail est-elle transparente

aux yeux des jeunes ?

Dans le processus de l’insertion professionnelle par le biais de la création

d’entreprises, les personnes en question devraient être informées des outils mis en place

par l’État pour encourager ce type d’initiative. Dans notre échantillon, 30 % des

étudiants connaissent au minimum un instrument mis en œuvre par l’État dans cette

stratégie d’emploi. Du point de vue du genre, les hommes semblent être plus informés

que les femmes (34 % contre 28 %).

L’outil le plus connu des interrogés (56%) est le fonds 21-21246. Le moins connu est le

PCP247 (Prise en charge par l’État de la contribution patronale), avec 4 %.

Entre les deux sexes, les proportions sont identiques comme le montre le graphique

suivant :

246 Le Fonds 21-21 est un mécanisme basé sur la solidarité nationale visant à faciliter l’insertion des jeunes et plus généralement tous les demandeurs d’emploi, quels que soient leur âge, leur niveau d’instruction ou leur lieu d’origine et qui trouvent des difficultés à s’insérer dans le marché du travail. 247 Pour tout nouveau recrutement d’un jeune diplômé de l’enseignement supérieur, l’État assume les charges patronales au régime légal de la sécurité sociale pour les salaires versés à ce titre pour une durée de sept ans.

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

220

Graphique 67 : Connaissance d’instruments facilitant l’insertion des jeunes selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Par rapport au fonctionnement du marché de travail, nous avons pu relever qu’un

quart des étudiants déclare connaître le montant du salaire minimum, avec un

pourcentage supérieur chez les garçons, mieux informés que les filles (35 % contre

18 %). À cet égard, le manque d’information concernant le salaire minimum peut

aggraver la discrimination salariale par sexe. Comme les femmes sont peu informées,

lors de la négociation du salaire, elles ne sont pas en mesure de « mener la bataille ». De

plus, le test de dépendance du khi-deux confirme l’existence d’un lien entre le sexe et les

réponses sur le salaire minimum (P25).

Ensuite, nous avons demandé aux étudiants s’ils connaissent le nombre d’heures

légales de travail. En réponse à cette question, les étudiants se montrent assez informés

quant à la durée du travail, car environ la moitié des étudiants (48 %) déclarent avoir pris

connaissance de cette norme. Les hommes sont plus informés que les femmes, avec

64 % contre 37 %.

Par la suite, nous avons demandé l’âge maximum d’entrée dans la fonction

publique. Les réponses obtenues montrent qu’un tiers des étudiants connaît l’âge

maximum d’entrée dans la fonction publique, avec toujours des écarts entre les deux

sexes. Effectivement, les hommes sont mieux informés que les femmes (40 % contre

30 %).

Par ailleurs, 54% des étudiants (44% des hommes et 60% des femmes) ignorent où ils

pourraient trouver des offres d’emploi. En outre, seulement 25% des étudiants se sont

Page 221: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

221

rendus aux bureaux de l’Agence Nationale pour l’emploi, avec une certaine motivation

des hommes par rapport aux femmes (36% contre 19%).

En somme, si la non-transparence et l’insuffisance des informations sur les offres

d’emploi sont les deux difficultés majeures pour les étudiants interrogés, ceux-ci se

montrent un peu négligents (ne prennent pas l’initiative) quant à la recherche d’emploi.

VI.7 Comment ces jeunes jugent-ils leur avenir professionnel ?

En réponse à cette question maîtresse de notre recherche, la majorité des étudiants

(87%) se disent préoccupés par l’avenir. D’ailleurs, un peu plus de la moitié des

étudiants (54 %), estiment que leur avenir professionnel est leur souci principal. En

fonction du sexe, les garçons semblent être plus préoccupés par leur avenir professionnel

que les filles, avec des proportions de 62 % et 50 %.

Graphique 68 : Préoccupation sur l’avenir professionnel selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Environ deux étudiants sur trois (63 %) sont optimistes quant à leur avenir

professionnel. Mieux encore, à cette réponse, les étudiants prétendent que grâce à la

révolution du 14 janvier 2011, ils sont beaucoup plus optimistes.

Graphique 69 : Sentiments vis-à-vis de l’avenir professionnel selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Sur un autre plan, les parents sont considérés comme les plus proches et les plus

privilégiés par les interrogés eux-mêmes quand il s’agit de discussion sur l’avenir

professionnel. Effectivement, 66 % des étudiants préfèrent discuter avec leurs parents,

les amis viennent en second lieu avec 46 %. Puis, les enseignants en troisième rang. La

fratrie est beaucoup moins sollicitée par nos interviewés. Nous rappelons aussi que chez

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

222

les deux sexes, nous avons observé pratiquement la même tendance quand il s’agit de

consulter un confident (graphique 70).

Graphique 70 : Discussion sur l’avenir professionnel selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

VI.8 Articulation entre temporalités démographiques et

professionnelles

L’engagement de couple ne s’articule pas de la même

manière à l’engagement professionnel chez les jeunes hommes et

chez les jeunes femmes, sans qu’on puisse déduire nécessairement

un effet unilatéral du familial sur le professionnel. (Flahault, 2006)

Dans les paragraphes qui suivent, nous tentons de dévoiler l’impact de la vie

professionnelle sur la vie familiale, en demandant aux interviewés d’estimer l’interaction

entre les deux univers. En d’autres termes, il s’agit d’apporter des nouveaux éléments à

la problématique : Famille et travail: duel ou duo ?248

En réponse à cette question, nous avons pu relever qu’environ 43 % des étudiants

estiment qu’on peut concilier travail et vie de famille. La question de la conciliation des

sphères familiale et professionnelle se pose de plus en plus. FUSULIER estime que

« l’articulation de la vie professionnelle avec la vie familiale (APF), dont la réalisation

concrète repose majoritairement encore sur les femmes, est devenue aujourd’hui une

préoccupation des politiques publiques, familiales notamment (…), et que la

248 FUSULIER, B. (2011). Articuler vie professionnelle et vie familiale. Etude de trois groupes professionnels : les infirmières, les policiers et les assistants sociaux IX. Louvain-la-Neuve: Presses Universitaires de Louvain, p. 209.

Page 223: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

223

problématique de l’APF se décline de façons différentes selon les caractéristiques

sociales des individus (genre, revenu, génération, cycle de vie, niveau d’éducation,

situation familiale, valeurs…) 249 ».

Dans notre enquête, nous avons interrogé les étudiants sur cette thématique. En réponse

à cette question, nous avons retenu que les garçons ne s’expriment pas de la même

manière que les filles. À vrai dire, 44,7 % d’entre eux estiment qu’il est difficile pour

une femme de faire l’articulation entre le professionnel et le familial, alors que cette

proportion est beaucoup plus faible chez les filles (18,5 %). L’hypothèse d’indépendance

entre le sexe et cette question est rejetée, car le risque d’erreur est très faible. Les avis

des hommes et des femmes sont différents quant à cette question. Ali (cité

précédemment) nous explique les raisons pour lesquelles il est difficile pour la femme

d’assurer ses fonctions productives et reproductives à la fois : « Qu’une femme sorte

pour travailler, je suis d’accord, mais une femme qui travaille et qui ne donne pas le

temps nécessaire pour son mari et ses enfants peut avoir tôt ou tard des effets sur la

famille, sa stabilité et surtout l’éducation des enfants, car personne ne peut prendre la

place de la mère ».

Les filles estiment qu’elles pourraient trouver un compromis entre le travail et la famille,

par des arrangements avec l’employeur. Sonia (l’une de nos interviewées) estime que

« la femme qui veut travailler sans compromettre sa vie familiale doit être d’accord avec

son employeur pour travailler à mi-temps. Je pense que si le couple a la volonté dans

certains cas, la femme peut concilier entre sa vie familiale et professionnelle ».

Pour comprendre l’interaction entre le professionnel et le familial, nous avons complété

notre investigation par quelques questions supplémentaires, comprises dans le tableau

suivant.

249 Ibid., p. 13-16.

Page 224: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

224

Tableau 46 : Opinions sur l’interaction entre vie professionnelle et familiale selon le sexe

Question Sexe

Pas de

tout

d'accord

Plutôt

d'accord

Tout à fait

d'accord Effectifs

Pour la femme, est-il difficile de concilier

vie familiale et vie professionnelle ?

Garçons 22,7 % 32,7 % 44,7 % 149

Filles 43,3 % 38,2 % 18,5 % 235

La vie professionnelle a-t-elle un effet sur

votre famille ?

Garçons 20,1 % 32,9 % 47,0 % 150

Filles 31,1 % 34,5 % 34,5 % 235

Est-ce qu’une vie familiale heureuse vous

aide dans votre profession ?

Garçons 7,3 % 32,7 % 60,0 % 150

Filles 6,0 % 37,0 % 57,0 % 234

Ne pas travailler pèse sur la famille ?

Garçons 24,0 % 32,7 % 43,3 % 150

Filles 42,3 % 31,6 % 26,1 % 234

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

En réponse à ces questions, environ la moitié des interrogées pensent qu’il est

possible de concilier la vie professionnelle et la vie familiale. D’autre part, environ 60 %

des interrogés pensent que la vie familiale est un facteur d’épanouissement de la vie

professionnelle.

Conclusion

Le sexe se révèle être un déterminant essentiel du projet post études des futurs

diplômés du supérieur. La raison essentielle évoquée est d’ordre pécuniaire quel que soit

le sexe. Les garçons évoquent en second lieu le désir de fonder une famille (61 %) quant

aux jeunes filles, elles trouvent dans l’obtention d’un emploi un moyen de pouvoir sortir

du giron familial (26 %). Pour elles, travailler est bon pour le moral (50 %).

Ces futurs diplômés estiment variablement la durée du chômage qui les guette. Pour une

durée inférieure à un an, nous avons 48 % de garçons et 43 % de filles ; quand la durée

de chômage se situe entre 2 ans et 5 ans, les pourcentages sont de 33 % chez les

étudiants et 38 % pour les étudiantes.

Page 225: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

225

Cette durée d’attente dépend néanmoins de l’établissement de formation. 78 % des

étudiants de l’école d’ingénieurs de Gabès pensent obtenir un emploi avant un an. Par

contre seuls 28 % des apprenants de l’institut de gestion estiment avoir un emploi avant

un an. Pour les étudiants issus d’établissements offrant une formation universitaire non

scientifique, la durée de chômage estimée avant d’obtenir un emploi varie entre 2 et 5

ans pour 60 % des étudiants.

Les parents des étudiants ayant une bonne CSP (cadre supérieur, patron) ont une

influence sur la perception de durée de chômage, qui devient bien moindre que celle des

autres. Surtout la CSP des mères qui est un déterminant important de l’estimation de la

durée de chômage.

41 % des étudiants sont prêts à travailler même si les conditions salariales ne

correspondent pas à leurs prétentions pécuniaires afin d’éviter un chômage presque

certain.

Le manque d’expérience est la principale barrière qui peut limiter l’accès des étudiants à

l’emploi, viennent ensuite le manque d’information, puis la formation suivie. Les

étudiants comptent sur les concours pour accéder à un premier emploi. L’agence

nationale pour l’emploi se positionne en deuxième rang.

Avec l’arrivée de plus en plus nombreuse des femmes sur le marché de l’emploi, nous

avons voulu savoir si les femmes occupent toujours des emplois dits féminins. Les

résultats obtenus montrent que les emplois éducatifs, ceux de la santé et de

l’administration sont les plus convoités. Cette tendance est conforme à celle de la

population en général.

La majorité des étudiants interrogés (78 %) évoquent des pratiques discriminatoires dans

l’accès à l’emploi. Il s’agit de discriminations liées au sexe et à la région. Et que ces

discriminations persistent tout au long de la vie professionnelle.

Nos résultats indiquent qu’un peu plus d’un étudiant sur trois (35 %) prend de manière

tout à fait autonome sa décision de poste de travail. Par contre un autre tiers des

étudiants a recours à un parent dans le choix du poste de travail.

Les hommes sont plus informés que les femmes en ce qui concerne le niveau de salaire

minimum, la durée de travail, l’âge maximum d’entrée à la fonction publique et les

instruments qui aident à l’insertion professionnelle.

La majorité des étudiants (87 %) se disent préoccupés par l’avenir. D’ailleurs, un

peu plus de la moitié d’entre eux (54 %) estiment que leur avenir professionnel est leur

souci principal. Cette préoccupation est plus accentuée chez les hommes. Toutefois,

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Chapitre 6 : Perception de la situation professionnelle ________________________________________________________________________

226

deux étudiants sur trois (63 %) sont optimistes quant à leur avenir professionnel. Le

passage de la révolution explique en partie cet optimisme.

Dans l’analyse de l’articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale,

43 % des étudiants estiment que cette articulation est possible. Nos résultats indiquent

que 44,8 % des hommes pensent qu’il est difficile pour une femme de réussir une telle

coordination. Seules 18,5 % des femmes partagent ce point de vue.

Chez les étudiants du supérieur, ce sont les jeunes filles qui connaissent de mauvaises

conditions d’insertion professionnelle. Ce sont encore elles qui perçoivent le plus mal la

répercussion de la vie professionnelle sur les perspectives temporelles de leur vie de

famille. Pour mieux comprendre l’interaction entre les aspects professionnels et la vie

familiale, nous tenterons, dans le chapitre suivant, d’analyser comment les jeunes

perçoivent leur avenir professionnel tout en tenant compte de son interaction avec les

phénomènes démographiques.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

227

Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et

matrimoniale

Au cours de ce chapitre, nous tentons de savoir, à travers les réponses des

étudiants, comment ces deniers prévoient leur avenir du point de vue du comportement

familial (nuptialité, fécondité) et de la mobilité internationale.

VII.1 État matrimonial et nuptialité

« Pour les hommes, le mariage est un atout

contre le chômage, pour les femmes c’est un

handicap » (MARUANI, 1985)

Dans notre questionnaire, nous avons formulé des questions sur la perception de

l’avenir professionnel et son interaction avec l’état matrimonial de ces étudiants. Pour ce

faire, comme dans les deux chapitres précédents, nous avons opté pour une perspective

de genre dans l’étude de la nuptialité. Cela nous permettra, comme l’estime COSIO-

ZAVALA, de prendre en considération «des nouvelles dimensions importantes: les

rapports hommes/femmes dans la vie familiale, les inégalités entre les sexes et entre les

générations, le processus de prise de décisions, d’accès et de contrôle des ressources

économiques, les négociations ou la contrainte, le degré d’autonomie des femmes et des

hommes, les représentations de la féminité et de la masculinité et, par conséquent, de la

maternité et de la paternité, la socialisation pendant l’enfance et la jeunesse, le climat

familial, le respect mutuel, l’entente ou le conflit, le statut des femmes dans la famille et

dans la société.250

Au départ, il faut signaler que, dans la tradition tunisienne, le mariage succède

toujours à des fiançailles « khotba »251. Celles-ci correspondent à une période

promariage dans laquelle les deux futurs mariés et leurs familles se rapprochent et se

connaissent réciproquement. Dans notre population, le nombre de personnes qui sont

250 COSIO-ZAVALA, M. (2009). Analyser la fécondité selon une prespective de genre? L'exemple de l'Amérique latine et du Mexique. Dans J. VALLIN, Du genre et de l'Afrique homage à Thérèse LOCOH (pp. 205-223). Paris: INED, p. 212. 251 Terme arabe signifiant une promesse de mariage. Elle n'engage aucun des deux partenaires tant qu'il n'y a pas eu de signature du contrat légal devant une autorité qui le consigne.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

228

fiancées est de 26 (7 % des interviewés), dont la majorité est des femmes : 24 filles

contre 2 garçons.

Les réponses à la question « quelle est la durée estimée de vos fiançailles ?» nous

ont permis de comprendre la différence entre les deux sexes. Le graphique 74 montre

que les filles sont plus patientes que les garçons !

Graphique 71 : Durée de fiançailles prévue par sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Effectivement, il est important chez les filles d’observer une période d’au moins

un an entre le début des fiançailles et le mariage. Chez les garçons, cette période ne doit

pas dépasser un an pour certains et ce sont même plus de 1/5 (21 %) qui préfèrent se

marier au plus tard 3 mois après leurs fiançailles. Pour mieux comprendre la durée

d’attente avant le mariage chez les personnes enquêtées, nous avons posé une autre

question pour saisir l’importance de la connaissance entre futurs marié(e)s. Les résultats

montrent que les garçons sont plus fermes quant à la connaissance de leur future femme

alors que les filles sont plus ouvertes (graphique 72).

Graphique 72 : L’importance de connaître sa ou son futur conjoint(e)

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Nous avons aussi investigué sur le moment préféré pour le mariage en posant la

question suivante : « Quand désirez-vous vous marier ? ». La proportion la plus

importante est celle des garçons qui choisissent la modalité : « dès que j’aurai trouvé un

emploi ». Ce chiffre est de 53 % contre 23 % des filles. Ces chiffres montrent que la

conjugalité est requise par l’insertion professionnelle chez les garçons. Chez les filles

c’est la fin des études qui détermine le plus le changement de leur situation

matrimoniale ( 32 % contre 7 % pour les garçons). En outre, elles sont très nombreuses à

Page 229: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

229

dire qu’elles ne savent pas à quel moment elles se mettront en couple ( 15 % contre 7 %

pour leurs homologues de sexe masculin). Pour la modalité « dès que l’occasion se

présente » ( c’est-à-dire dès qu’on aura trouvé la personne qui nous convient), il n’y a

pas beaucoup de différence entre les deux sexes : 30 % pour les filles contre 33 % pour

les garçons. Asma, 20 ans, étudiante à l’institut des humanités de Médenine, se trouve

dans ce rang d’impatients : « Je me marierai dès que « le cavalier de mes rêves » se

présente, je m’en fous des études, car tout le monde est au chômage ».

Quant à Ali, 23 ans étudiant à L’ISET de Djerba, il avoue : « Je compte me marier une

fois que j’aurai senti que je suis capable de subvenir aux besoins de ma famille,

toutefois, cela n’est possible qu‘avec l’obtention d’un emploi stable ». Dans le même

sens, Anis, 25 ans, étudiant à l’institut d’informatique de Médenine, partage la même

conviction. Pour lui « le mariage est « la moitié de la religion [en se référant à un

fameux hadith (parole) du prophète de l’Islam]252, je me marierai le jour où j’aurai

trouvé un emploi stable qui me permette de vivre correctement en famille ».

Graphique 73 : Moment de mariage selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Dans le paragraphe qui suit, nous allons essayer de savoir si les personnes

enquêtées pensent avoir des difficultés financières pour se marier, et si c’est le cas, à qui

ils auront recours. « Pour analyser la nuptialité dans une perspective de genre, on peut

considérer le niveau d’autonomie/pouvoir et/ou les inégalités entre les hommes et les

femmes concernant l’entrée en union, la vie familiale et la dissolution des unions »253.

252 Le Prophète, « qu’Allah le bénisse et lui accorde le salut », dit : « Celui qui se marie, aura la moitié de la religion, alors qu'il craigne Allah pour l'autre moitié. » 253 COSIO-ZAVALA, M. (2009). Analyser la fécondité selon une prespective de genre? L'exemple de l'Amérique latine et du Mexique. Dans J. VALLIN, Du genre et de l'Afrique homage à Thérèse LOCOH (pp. 205-223). Paris: INED, p. 211.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

230

Graphique 74 : Autonomie vis-à-vis des frais de mariage (pourriez-vous supporter seul les coûts du mariage ?) selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Notre but, lors de cette enquête, était de savoir si ces étudiants seront en mesure

d’assumer seuls les coûts de leur mariage. 65 % des personnes déclarent ne pas avoir la

possibilité de contracter leur mariage par leurs propres moyens. En outre, entre les deux

sexes, comme nous pouvons voir sur le graphique 74 ci-dessus, quatre filles sur cinq

déclarent ne pas avoir d’autonomie quant aux frais du mariage, contre un peu moins d’un

garçon sur deux.

Parmi les personnes interrogées, plusieurs d’entre elles avouent pouvoir compter

sur leurs propres moyens pour financer leur mariage, même si elles sont conscientes que

cela retarderait l’âge d’entrée en couple. C’est le cas d’Ali (cité précédemment) qui

estime que « Les frais de mariage sont très chers. Si je dois faire comme les autres, je ne

pense pas pouvoir me marier avant l’âge de 45 ans. En plus, mon père est invalide, ma

mère est sans travail, j’ai trois frères à l’école ! Donc, je ne compterai que sur Dieu et

sur moi-même si je décide de me marier ».

Les filles se montrent moins soucieuses quant aux frais du mariage comme Hajer

(citée précédemment). Pour elle, « ce qui compte le plus, ce n’est pas les frais du

mariage. Le plus important, c’est d’être heureux après le mariage. Bref, les frais du

mariage ne me posent pas de problème, je m’en sortirai ». En définitive, ce sont les

garçons qui se voient plus autonomes, plus capables et plus impliqués que les filles à

pouvoir couvrir les frais d’un éventuel mariage.

Par la suite, pour les personnes qui déclarent avoir des difficultés financières pour

se marier, nous leur avons posé une question complémentaire pour connaitre les moyens

de recours pour financer leurs mariages chez les deux sexes ( graphique 75). Les parents

sont les plus sollicités. En second lieu, ce seraient les autres membres de la famille, et

puis le/la fiancé(e) si sa situation financière le permettait.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

231

Graphique 75 : Moyens de recours pour la couverture des frais du mariage selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

VII.1.1 Le choix du conjoint

Le choix du conjoint repose sur un jeu de contraintes

morphologiques, de dispositions inconscientes et de visées stratégiques.

La société, par sa morphologie et la création de sous-ensembles sociaux,

crée déjà une présélection des individus que l’on est amené à côtoyer

selon son origine sociale. Sans pour autant parler d’absence de liberté, il

semble donc que le choix d’un conjoint est endigué socialement, aussi

bien au niveau individuel qu’au niveau collectif (BOZON, 1991).

À ce stade, nous essayerons d’identifier les critères de choix du futur(e) époux

(se) chez nos interviewés. Comme le montre le graphique 76, pour les filles, la

profession et le niveau d’étude sont les critères les plus déterminants quant au choix du

futur mari. Alors que, pour les garçons, la famille de la future conjointe est très

déterminante. La modalité « autres » est également très représentée chez les garçons.

Celle-ci peut renvoyer à certains critères tels que la moralité, la pudeur de la future

épouse ainsi que le respect du couple et de la belle-famille.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

232

Graphique 76 : Critères de choix de futur(e) époux(se) selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Il nous semble que l’expression d'Alain Girard : « N'importe qui n'épouse pas

n'importe qui »254, s’applique bien pour le cas des étudiantes tunisiennes. À vrai dire,

dans la société tunisienne, le mariage d’une femme avec un homme dont le niveau

d’instruction est inférieur au sien, est mal vu, il est considéré comme « Hchouma »255 la

plupart de temps. Alors que l’inverse (un niveau d’instruction de l’épouse inférieur à

celui de son mari) passe inaperçu.

Cela est bien expliqué par Mariam, l’une de nos interviewées « Il est préférable que la

femme se marie avec quelqu’un qui a au moins le même niveau d’instruction qu’elle.

Sinon, elle fera l’objet d’humiliation par son entourage. Prenant l’exemple d’une

institutrice qui épouse « Mramaji » 256, je ne pense pas qu’elle trouve son bonheur. Par

contre, un professeur peut se marier avec une femme « gaada fi dar »257 sans aucune

contrainte sociale ».

Ainsi, le recul de l’âge au mariage des filles, notamment celles possédant un haut

niveau d’instruction, peut aussi s’expliquer par des exigences concernant les critères de

choix du futur conjoint, qui dépendent des plusieurs considérations dictées par la société.

254 Cf. BOZON, M., & HÉRAN , F. (1988). La découverte du conjoint. II. Les scènes de rencontre dans l'espace social. In: Population, 43e année, n°1, pp. 121-150: http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1988_num_43_1_17014. 255 Ce n’est pas bien ou c'est honteux en dialecte tunisien, la honte 256 Mot d’origine turque qui veut dire : ouvrier du bâtiment. 257 Ne travaille pas ou femme au foyer.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

233

VII.1.2 Âge au mariage selon la perception des étudiants

Lors de notre enquête, nous avons demandé aux étudiants à quel âge ils comptent

se marier. Le taux de réponse était de 95 % (20 étudiants n’ont pas répondu dont une

majorité du sexe masculin : 14 étudiants contre 6 étudiantes). Les indécis (ceux/celles

qui n’ont pas encore fixé un âge approximatif pour se marier) se justifient par le fait que

c’est très difficile d’envisager l’âge précis pour le mariage. Selon eux, cet âge dépendra

essentiellement de la situation économique, comme le déclare Nizar (cité

précédemment) : « Pour moi, je ne pourrai pas vous donner un âge exact, durant lequel

je puisse me marier. Je préfère parler plutôt de moment propice pour le mariage, c’est-

à-dire, le jour où je trouverais une « khidma »258 et la femme qui me conviendrait et qui

correspondrait à mes critères, là je pourrai me marier. Donc la question d’âge ne se

pose pas pour moi. Mon mariage, s’il a lieu, sera après l’embauche, même si c’est à

l’âge de 40 ans. Je ne suis pas trop pressé ».

Comparées aux garçons, les filles se montrent plus pressées à cause du

déséquilibre du marché matrimonial, et elles fixent un âge maximal à ne pas dépasser.

Imen (l’une de nos interviewées) déclare : « Je n’ai pas de réponse exacte, mais il faut

que je me marie au plus tard à 30 ans, car après cet âge je ne suis pas sûre de trouver

un homme. Ce dernier aurait tendance à préférer les jeunes filles. C’est pourquoi je

pense que la question d’âge est plus sensible pour nous les femmes. Au contraire, pour

les hommes l’âge au mariage ne compte pas beaucoup ».

L’âge désiré pour le mariage diffère entre filles et garçons. Pour les filles, cet âge

est compris entre 20 et 30 ans alors que pour les garçons, c’est entre 23 et 40 ans. L’âge

moyen est de 25 ans pour les filles contre 29 ans pour les garçons, soit un écart de 4 ans.

D’autre part, comme nous pouvons l’observer sur le graphique 77, les filles sont plus

nombreuses à envisager leur mariage avant 25 ans (63 % d’entre elles) alors que chez les

garçons, c’est plutôt après cet âge (89 % d’entre eux, dont presque la moitié, après 30

ans).

258 Mot arabe signifie le travail. Du dialecte tunisien, expression populaire qui désigne le travail

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

234

Graphique 77 : Âge désiré au mariage selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Dans les paragraphes qui suivent, nous essayerons de voir le lien entre l’âge

d’entrée en couple et d’autres indicateurs sociodémographiques, notamment le sexe, le

l’âge de l’enquêté, le niveau d’instruction, la CSP des parents, etc. Le test du khi-deux

confirme l’existence d’une relation de dépendance entre le sexe et l’âge au mariage

désiré, avec un risque d’erreur très faible : moins de 1 %. L’analyse de la relation entre

l’âge de l’enquêté et l’âge au mariage désiré confirme l’existence d’une relation de

dépendance, avec un risque d’erreur faible ne dépassant pas le 1 %.

Ces résultats confirment bel et bien le recul de l’âge au mariage et la diminution

de l’écart de cet indicateur entre les deux sexes. Pour notre population, le modèle

matrimonial perçu par ces jeunes étudiants, converge plus vers le modèle occidental,

marqué par un mariage tardif et une réduction de l’écart d’âge entre époux. Nous

pensons que les contraintes liées en premier lieu à la situation économique délicate de

ces étudiants (un accès à l’emploi de plus en plus long et difficile pour les filles comme

pour les garçons), compliquent et ajournent leur entrée en couple.

Il reste à signaler que, dans plusieurs cas, les filles sont touchées d’une manière

indirecte par les difficultés d’embauche des garçons, car, pour elles, on ne peut pas

s’engager avec un conjoint ne possédant pas un travail et des ressources. Les propos de

Noura (l’une de nos interviewées) approuvent ce constat : « je suis fiancée depuis 2008,

mais mon futur mari n’a pas trouvé jusqu’à aujourd’hui un emploi. Nous pensons

contracter notre mariage une fois qu’il aura trouvé un emploi pour pouvoir vivre

dignement. Ce qui compte pour moi, c’est le travail de mon mari. Pour moi, le travail

n’est pas très important: si je trouvais un emploi, je pourrais aider mon mari sinon je

m’occuperais de ma maison et de mes futurs enfants ».

Nous avons par la suite essayé de voir si l’environnement familial peut avoir une

influence sur l’âge d’entrée en couple. L’hypothèse d’indépendance entre l’âge au

mariage et le niveau d’instruction du père est rejetée, ce qui confirme une dépendance

entre la perception de l’âge au mariage et le niveau d’instruction du père, avec un risque

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

235

d’erreur de 2 %. En revanche, concernant le lien entre l’instruction des mères et l’âge au

mariage, le test d’indépendance est accepté, car le risque d’erreur est de l’ordre de 14 %.

Pour les filles, la catégorie socioprofessionnelle de la mère semble être

dépendante de l’âge au mariage avec un risque d’erreur de l’ordre de 3%. Par contre, on

ne peut pas confirmer l’existence d’une relation de dépendance entre l’âge au mariage et

la catégorie socioprofessionnelle du père, car le risque d’erreur est très élevé (32 %).

D’autre part, le lien entre la taille de fratrie et l’âge au mariage désiré par nos

interviewés montre que la dépendance entre ces deux variables peut être maintenue pour

les garçons avec un risque de 9 %, alors que pour les filles, ce risque est de 52 %. Donc,

la taille de la famille peut être considérée comme un déterminant plus ou moins

important de l’âge au mariage pour les garçons.

VII.1.3 Vers quelle structure familiale ?

Le but de la question posée sur l’impact possible de la nuptialité sur la famille

élargie était de savoir si ces jeunes interrogés restent ou quittent la belle-famille après le

mariage? Dans notre population, 61 % des répondants excluent l’idée de cohabiter avec

les parents ou les beaux-parents après le mariage, avec un faible écart entre les deux

sexes (63 % pour hommes contre 59 % pour femmes).

Ainsi, dans plusieurs cas, les filles pensent que c’est le futur mari qui décidera.

Les propos de Sonia (citée précédemment) vont dans ce sens : « Je ne suis pas contre le

fait d’habiter avec la famille de mon mari à condition qu’elle ne se mêle pas à notre vie

privée. Ses parents ont aussi besoin de lui, c’est grâce à leur sacrifice qu’il est devenu

« Rajel »259. Ce qui est sûr et certain, c’est que je ne l’obligerai jamais à quitter ses

parents et aller habiter loin d’eux, sauf dans des cas majeurs qui peuvent mettre en péril

la vie de notre couple ».

Graphique 78 : Cohabitation avec les parents après le mariage selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

259 C’est l'homme qui possède un ensemble de critères et de qualités valorisés par la société.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

236

Le croisement de cette question avec la question de couverture des frais de

mariage montre que 54 % des étudiants (29 parmi 54) estiment vivre avec les parents ou

beaux-parents à cause de moyens financiers. Pour les étudiantes, cette proportion est de

l’ordre de 25 %.

Cette différence entre les deux sexes peut être expliquée par la tradition de la

société tunisienne selon laquelle, après le mariage, les femmes dépendent leurs maris et

non pas l’inverse. D’autre part, l’étude de la décision de cohabiter ou non avec la famille

du mari par rapport à la taille de la fratrie exclut aussi toute relation de dépendance entre

ces deux variables. Par ailleurs, la CSP des parents ou l’appartenance sociale s’avère

aussi non dépendante d’une telle décision.

Pour nos interviewés, la cohabitation n’est pas totalement exclue. Ce qui rejoint

l’idée jugeant qu’ « il n’est pas possible de parler d’une disparition de toutes les formes

de cohabitation, ni des liens qui unissent les membres de la famille élargie, la

cohabitation s’est accommodée de l’évolution sociale en prenant des formes nouvelles

peu contraignantes »260

VII.2 Fécondité

« Un certain niveau d’instruction implique pour une femme une

autre attitude par rapport au travail et a aussi une conséquence directe

sur sa fécondité, par l’intermédiaire des ambitions qu’elle place dans son

enfant, de la relation qu’elle veut avoir avec lui, et du coût que cela

représentera en termes de temps et d’argent » (Oppong et Abu, 1987).261

Nous allons essayer de savoir combien d’enfants ces jeunes estiment avoir

pendant leur vie en couple, ainsi que leurs préférences pour le sexe de l’enfant, car « il

est important de souligner la diversité en termes de descendance des différentes zones.

Ces différences peuvent être appréhendées avec deux indicateurs : le nombre idéal

d’enfants et la préférence pour un sexe »262.

260 NASRAOUI, M. (2003). La vieillesse de la société tunisienne. Paris: L'Harmattan, p. 125. 261 Cf. BEGUY, D. (2007). Emploi féminin et Fécondité en milieu urbain en Afrique Dakar (Sénégal) et Lomé (Togo). Thèse de Doctorat. Nanterre, p. 43. 262 GASTINEAU, B. (2001). La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement. Thèse pour Doctorat en démographie. Nanterre. p228.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

237

VII.2.1 Nombre d’enfants : entre souhaits et représentations sociales

« Les employeurs considèrent en effet qu’une femme mariée

ayant de surcroît des enfants est moins productive du fait de son

absentéisme élevé et de son instabilité (ANKER, 1997) »263

La première question était : « combien d’enfants aimeriez-vous avoir ? ». 365

personnes ont répondu à cette question et 20 d’autres ont répondu « ne sait pas ». Le

nombre moyen d’enfants qu’estiment avoir ces jeunes est de l’ordre de 2,6 enfants pour

les étudiants contre 2,9 enfants pour les étudiantes. Les femmes veulent donc avoir plus

d’enfants que les hommes.

Nous avons par la suite posé la question : « d’après vous, quel est le nombre

d’enfants idéal pour un couple ? ». Ceci nous a permis de voir si les réponses à la

question précédente résultent d’une représentation sociale ou non. L’examen du

graphique 82 sur les réponses aux deux questions nous montre la même tendance (entre

la première réponse et la seconde), ce qui confirme l’influence de la société face à une

telle vision (le nombre d’enfants désiré avoisine le nombre idéal d’enfants). Cependant

le nombre idéal est-il supérieur au nombre souhaité (mettre les moyennes selon le sexe) ?

Graphique 79 : Perception du nombre d’enfants entre souhait et représentation sociale

Source : Données d’enquête personnelle, 2011. 263 Cf. BEGUY, D. (2007). Emploi féminin et Fécondité en milieu urbain en Afrique Dakar (Sénégal) et Lomé (Togo). Thèse de Doctorat. Nanterre, p. 35.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

238

Dans le même contexte, on a choisi d’ajouter une autre question : « Comment

justifiez-vous le nombre idéal d’enfants ? »(graphique 80). Nous avons suggéré trois

modalités de réponses liées à: la santé de la mère, les raisons économiques ou encore les

deux raisons en même temps. Pour les femmes comme pour les hommes, la réponse

majoritaire est que ce sont les deux causes qui agissent mutuellement.

Graphique 80 : Déterminants du nombre d’enfants selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

A ce propos, Sonia (citée précédemment) estime que « Le nombre d’enfants dans

un couple est plus lié à sa situation économique. Moi, personnellement, je pense qu’il ne

faut pas négliger cet aspect, néanmoins la santé de la mère, les conditions de logement,

etc. jouent aussi un rôle déterminant ».

Le discours de Nozha (25 ans), étudiante à l’institut de Gestion de Gabès, va dans le

même sens, elle pense que : « Le nombre d’enfants qu’un couple peut avoir est imposé

par la société et c’est en fonction de la conjoncture économique. Donc, c’est plutôt

l’aspect économique qui peut avoir d’incidence sur la descendance d’un couple ».

VII.2.2 Sexe de l’enfant

Nous allons vérifier si les personnes enquêtés favorisent, comme leurs aînés, les

garçons par rapport aux filles.

Le premier résultat du graphique 81 est que les hommes sont le plus souvent indifférents

quant au sexe du bébé et que les femmes sont plus déterminées face à ce sujet. Le

deuxième résultat, lorsque la préférence pour un sexe de l’enfant est énoncée, est que

nous avons la même tendance pour les étudiantes comme pour les étudiants, puisqu’ils

préfèrent plutôt un garçon qu’une fille pour le premier et le troisième enfant. Quant au

sexe du deuxième enfant, la préférence va pour les filles (36% des étudiantes préfèrent

que le nouveau-né soit de sexe féminin, contre 25% qui le souhaitent de sexe masculin).

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239

Graphique 81 : Préférence de sexe de l’enfant selon le sexe de l’enquêté

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Donc, du point de vue social, la mentalité n’a pas beaucoup changé puisque les

garçons sont davantage préférés par les hommes et les femmes. Comme nous l’avons

déjà vu dans le chapitre concernant l’évolution de l’état matrimonial et celle du statut des

femmes, ces dernières devraient justifier leur fertilité et la confirmer en mettant au

monde un garçon.

Qui décide le nombre d’enfants ?

« Les femmes occupent une place dans la société qui se définit

par rapport à celle des hommes en termes d’opposition et de

complémentarité et il existe des relations de pouvoir entre les sexes, ainsi

qu’un partage des rôles économiques, sociaux, familiaux et politiques

entre les hommes et les femmes. Dans la cellule conjugale, ces relations

et ce partage ont une influence directe sur la fécondité»264.

Par la suite, nous avons voulu savoir à travers les réponses à une autre question

sur qui déciderait le nombre d’enfants. 47 % des étudiants interrogés déclarent que cette

décision est mutuelle entre les deux partenaires du couple. Or, selon le sexe des

264 COSIO-ZAVALA, M. (1999). Fécondité et statut des femmes dans la famille. Dans D. TABUTIN , C. GOURBIN, G. MASUY-STROOBANT, & B. SCHOUMAKER, Théories, paradigmes et courants explicatifs en démographie (pp. 359-380). Louvin-la-neuve: Academia-Bruylant L'Harmattan, p. 360.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

240

personnes enquêtées, on relève une réalité favorisant l’homme par rapport à la femme

dans les décisions relatives à la question de descendance (graphique 85).

Graphique 82 : Décision concernant le nombre d’enfants selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

La réponse à cette question a révélé une mentalité montrant la dominance

masculine dans le processus décisionnel au sein du couple. Nous pouvons supposer que

les femmes sont relativement marginalisées et peu consultées sur les questions de

fécondité, car elles sont un peu moins de 2 femmes sur dix (18 %) qui pensent avoir le

monopole de décider sur le nombre futur d’enfants contre un peu plus de 4 hommes sur

dix (44 %).

VII.2.3 Pour ou contre le congé parental ?

Le déroulement de la vie active des femmes est conditionné et

rythmé par le déroulement de leur vie familiale. Le moment où interviennent les

événements démographiques : mariage, naissance des enfants, ainsi que les

caractéristiques familiales qu’ils génèrent, le nombre d’enfants ou leur âge

influent sur la continuité de l’activité »265

Nous avons demandé si les enquêtés envisageraient d’arrêter le travail pour

s’occuper des enfants. En réponse à cette question, les femmes se montrent prêtes à être

impliquées dans cette mission plus que les hommes (graphique 83): elles sont 82 % à ne

pas exclure cette alternative contre 56 % pour les hommes qui préfèrent garder cette

alternative pour des causes majeures comme le divorce ou des problèmes de santé de la

conjointe.

265 Barthez, A. (1982). Famille, Travail et Agriculture. Paris: Economica, p. 17.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

241

Graphique 83 : Interruption du travail pour s’occuper des enfants selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

VII.2.4 Travail et enfants: duel ou duo ?

« Pour les femmes, le modèle dominant n’est plus celui du

choix (travailler ou faire des enfants), ni celui de l’alternance

(travailler/ s’arrêter/ travailler), mais celui de cumul : travailler

et même temps avoir des enfants, s’insérer professionnellement et

en même temps avoir une famille. » (MARUANI, 1985)

En réponse à la question, « qui s’occupe des enfants de ces futurs diplômés? », les

filles ont répondu que c’est la famille qui pourrait être probablement sollicitée pour

garder les enfants au cas où les deux parents travailleraient, alors que les garçons ont

répondu que ce sont les conjointes qui seront sollicitées pour garder les enfants (leur

proportion étant de 22 %). D’après nos investigations, les hommes ne se montrent pas

impliqués pour s’occuper des enfants (graphique 87).

Graphique 84 : Points de vue des interrogés sur la garde de leurs futurs enfants selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

242

VII.2.5 Connaissance de la contraception

L’étude de la connaissance contraceptive se justifie par son importance, car en

Tunisie « La fécondité a diminué tout d’abord sous l’effet du recul de la nuptialité puis

sous l’effet de la généralisation des pratiques contraceptives »266. Dans notre enquête,

nous avons essayé de nous intéresser aux moyens de contraception. Pour ce faire, nous

avons formulé trois questions :

Dans la première nous avons demandé aux interrogés : « connaissez-vous les moyens de

contraception ? ».

Le nombre de réponses à cette question était de 381 sur 387 personnes interrogées (soit

un taux de réponse égale à 97 %). Les six personnes qui n’ont pas donné de réponse à

cette question sont de sexe féminin. Nous signalons que, sur le terrain, nous avons

remarqué qu’évoquer ce type de sujet est parfois gênant surtout pour les étudiantes.

Tableau 47 : Connaissance des moyens de contraception selon le sexe

Étudiants Étudiantes

Non 23 % 22 %

Oui 72 % 76 %

Ne sait pas 5 % 2 %

Effectifs 150 231

Source : Données d’enquête personnelle, 2011

Du point de vue du genre, il y a une très grande similitude entre les réponses. En

outre, pour les deux sexes, environ 3 sur 4 interrogés déclarent connaître des moyens de

contraception sans que ce soit un sujet tabou. Cela confirme la transition que connaît la

société tunisienne en matière de connaissance des moyens contraceptifs.

Cependant, ce sujet reste quand même lié à des considérations religieuses, car au

moins un tiers des étudiants estiment que l’utilisation des moyens contraceptifs est

illicite (48 % des étudiants contre 34 % des étudiantes, graphique 88). Ces regards

s’opposent à la vision selon laquelle « l’éducation réduit le fatalisme et l’aliénation

relative à une religion, aux normes et aux traditions, transformant les esprits et les

266 GASTINEAU, B. (2001). La transition de la fécondité en Tunisie, la question de la baisse de la fécondité dans le cadre des relations population-développement-environnement, op. cit, p121.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

243

comportements en faveur de la maîtrise de la fécondité [Inkeles (1983) et Appleton

(1996)]267

Graphique 85 : Contraception et religion selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Sur un autre plan, en réponse à la question concernant la cause de l’utilisation des

moyens de contraception, sept étudiantes n’ont pas donné de réponse, ce qui confirme la

sensibilité d’un tel sujet dans la société féminine, mais aussi l’aspect conservateur de

notre société qui n’apprécie pas les relations sexuelles en dehors du mariage. D’autre

part, la proportion des réponses de ceux/celles qui pensent que « l’utilisation des moyens

de contraception a pour but d’éviter d’avoir des enfants » est importante. Enfin, les

hommes sont plus nombreux à avancer le motif « pour éviter les MST », ce qui prouve la

conscience des jeunes tunisiens face à ces sujets.

VII.3 Perception de la mobilité internationale par les étudiants

enquêtés

Depuis l’indépendance, la société tunisienne favorise la migration en général, et

celle des étudiants en particulier. À vrai dire, auparavant la migration avait pour objectif

de continuer les études à l’étranger (suivre souvent des formations qui n’existaient pas

ou étaient inaccessibles en Tunisie). Si cet acte était bien perçu par la société, la

tendance a beaucoup changé, ces dernières décennies et les motifs de la migration des

étudiants convergent plus vers un refus de la réalité nationale, caractérisée par un taux de

chômage très élevé.

Dans les paragraphes qui suivent, nous analysons les résultats de notre enquête

afin de répondre à de nombreuses questions. Qui sont les étudiants qui désirent migrer ?

Quelles sont leurs origines sociales ? Pourquoi projettent-ils de migrer ? Quelle est la

destination la plus privilégiée ? La motivation de migrer chez les femmes est-elle la

même chez les hommes ?

267 Cf. FRINI, O. (2010). Éducation-fécondité et croissance économique en Tunisie. Cergy-Pontoise: Thèse de doctorat en sciences économiques. p. 93.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

244

L’investigation sur le projet de migration auprès des personnes enquêtées a fait l’objet

des trois questions dans notre enquête : Deux questions sont directes : « voulez-vous

partir à l’étranger ? » Et « avez-vous eu l’intention de poursuivre vos études supérieures

à l’étranger ? ». Une autre indirecte : « Que voulez-vous faire après avoir fini les

études ? »

383 sur 387 étudiants ont accepté de répondre à la question : « voulez-vous partir à

l’étranger ? » (soit un taux de réponse égal à 99 %). Cela montre l’importance du sujet

de la migration, qui est devenue un souhait de plus en plus apparent chez les étudiants.

La proportion d’étudiants qui envisagent d'entamer un processus de mobilité

internationale est de l’ordre de 78 % (un peu plus de trois quarts des étudiants projettent

migrer). Cette proportion est plus importante chez les garçons (82 %) que chez les filles

(75 %). Chez les filles, la motivation pour migrer est essentiellement la résultante des

mutations profondes de la société tunisienne et particulièrement de l’émancipation des

femmes. Salwa (étudiante à l’ISG de Gabès) disait à ce propos : « je ne vois plus de

différence entre filles et garçons, la société a beaucoup changé. Les filles ont aussi le

droit de partir à l’étranger »

384 sur 387 étudiants ont répondu à la deuxième question (Avez-vous eu

l’intention de poursuivre des études supérieures à l’étranger ?). Parmi eux, 284 étudiants

(soit 74 %) ont exprimé leur souhait de poursuivre des études à étranger.

Enfin, concernant les projets après la fin des études, seulement 7 % des personnes

enquêtées envisagent de partir à l’étranger. Cela montre que la plupart des interrogés

souhaitent aujourd’hui aller à l’étranger, mais si un jour ils avaient leurs diplômes, ils

n’auraient peut-être plus cette envie de quitter leur pays.

VII.3.1 Mobilité selon les causes

Les étudiants interrogés se déclarent être motivés par la mobilité pour maintes

raisons. En effet, 68 % des étudiants préfèrent migrer pour continuer leurs études, contre

30 % qui estiment que la mobilité internationale leur permettrait d’échapper à un

chômage imminent.

L’analyse de la migration selon l’objectif visé, représentée dans le graphique 89, montre

que la première cause avancée par les étudiants (des deux sexes) est de continuer leurs

études. Cette proportion très importante (68 %) montre que ces étudiants estiment que la

migration avec un tel statut est beaucoup plus facile que les autres types de migrations.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

245

Effectivement, pour s’installer à l’étranger, il vaut mieux demander un visa portant

mention « étudiant » qu’un autre type de visas.

Ali (cité précédemment) estime que « … Partir à l’étranger, c’est plus facile lorsqu’on

est étudiant. Dans ce type de situation, les chances d’avoir le visa sont plus élevées que

dans d’autres cas. Le pire, c’est lorsqu’on n’a pas de ressources ou un métier « Battal » ,

car là, la possibilité d’avoir le visa est très faible. Donc, je pense que si on était motivé

par la mobilité internationale, il faudrait l’envisager avant la fin des études sinon c’est

très difficile, et surtout lorsqu’on ne travaille pas ».

Sur le terrain, les entretiens montrent une certaine ambiguïté, car plusieurs interrogés

prononcent des expressions telles que « J’ai envie de fuir », « Mon premier objectif est

de sortir, après je m’adapte ». Cela dit, répondre par « Continuer les études» en premier

lieu est une réponse et un objectif, mais pas le vrai motif, car il peut cacher un autre but

ultime qui est de quitter le pays. Cette ambition de partir est favorisée par une

représentation sociale, selon laquelle les étudiants installés à l’étranger vivent mieux que

ceux qui demeurent dans le pays.

Salim, étudiant en économie et gestion à Gabès, justifie son ambition de partir par le fait

qu’ « …être étudiants dans une université française, c’est avant tout un prestige social.

Je connais des personnes qui ont obtenu leurs diplômes de maîtrise en Tunisie et ils ont

accepté de s’inscrire dans des niveaux plus bas dans des universités françaises, pour

avoir en fin de compte le même type de diplôme qu’ils avaient déjà obtenu. Or, dans la

majorité des cas, ils abandonnent les études et cherchent à travailler ».

D’autre part, même s’ils ne l’avouent pas, la raison dissimulée dans la poursuite des

études à l’étranger est aussi « la fuite du chômage », comme le reconnaît, Ali :

« Sérieusement, je ne pense pas continuer les études, mais plutôt travailler. Je suis prêt à

exercer tout type d’emploi, même laver les assiettes ».

Pour le deuxième motif expliquant la migration « échapper au chômage », 36 % des

étudiants estiment que la mobilité internationale leur permettrait d’éviter le chômage,

contre 25 % pour les étudiantes. En troisième lieu, les étudiants sont plus nombreux que

les étudiantes à évoquer la réponse « plus d’opportunités » (la raison la moins choisie

parmi celles-ci) alors que chez les femmes, la réponse la plus fréquente est « rejoindre la

famille » (un motif qui vient en cinquième lieu pour les étudiants).

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

246

Enfin, pour les étudiantes, c’est la représentation sociale qui compte et leur choix

est désigné par la réponse « faire comme les autres », tandis que cette dernière raison est

la moins prononcée pour les étudiants (graphique 86).

Graphique 86 : Perception de la mobilité selon les objectifs et le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

VII.3.2 L’établissement de formation détermine peu ou prou la mobilité

L’analyse de la perception de migration selon l’établissement fréquenté montre

que la proportion des étudiants qui déclarent être motivés par l’émigration est de l’ordre

de 66 % chez ceux de l’Institut supérieur de Gestion de Gabès et 91 % chez leurs

camarades de l’Institut supérieur d’Informatique de Médenine. Il s’avère que le lieu et la

nature de l’enseignement universitaire jouent un rôle non négligeable dans la perception

de l’avenir par l’étudiant et de sa mobilité. Effectivement, le graphique 87 nous révèle

que les étudiants des filières techniques sont les plus motivés par l’émigration alors que

ceux des autres branches le sont moins.

En revanche, et comme nous l’avons montré dans la partie consacrée au chômage des

étudiants du supérieur (chapitre 4), la formation suivie est déterminante de l’insertion

professionnelle, car les plus touchés par le chômage sont les étudiants des filières non

techniques. Nous pouvons deviner que ces inégalités d’insertion selon la formation sont

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

247

liées au fait que les étudiants les moins touchés par le chômage ont probablement

échappé aux enquêtes antérieures de l’emploi de l’INS à cause de leur mobilité.

Graphique 87 : Perception de la mobilité selon l’établissement fréquenté selon le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

L’analyse de la motivation de la mobilité selon l’institut fréquenté et le sexe

montre que la plupart des étudiantes des filières techniques, notamment celles inscrites à

l’École Nationale d’Ingénieurs de Gabès et l’Institut Supérieur d’Informatique de

Médenine, montrent une plus grande volonté pour émigrer, ce qu’on peut sans doute

expliquer par la difficulté de leur insertion professionnelle. Cependant, le test du khi-

deux ne confirme pas l’existence d’une relation de dépendance entre la formation et

l’intention d’émigrer chez les filles et si nous croyons à l’existence d’une relation de

dépendance, le risque de commettre d’erreur est de l’ordre de 11 %.

Chez les étudiants de sexe masculin, le test d’indépendance montre l’existence d’une

relation entre la formation et la motivation à la mobilité, avec un risque d’erreur de 5 %.

Pour les étudiants qui ont répondu positivement à cette question, ils sont majoritairement

inscrits à l’Institut des Études Technologiques de Djerba et l’Institut Supérieur

d’Informatique et Multimédia de Gabès. Ces résultats confirment une motivation à la

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

248

mobilité plus importante chez certains étudiants que chez d’autres et peuvent aussi être

expliqués par une possibilité d’intégration plus importante pour les filières techniques

que celle des autres filières, notamment celles de droit et des langues. En outre, le taux

de chômage de ces derniers est important (50 %), comme le prouve le rapport sur

l’insertion des diplômés de l’année 2004268.

Le test d’indépendance du Khi-deux entre la motivation de migrer et la région de

résidence nous révèle une probabilité d’erreur de l’ordre de 98 %, ce qui rend cette

analyse très délicate. Cela est probablement dû à une sous-représentation dans notre

échantillon d’étudiants issus de certaines régions. Pour ces raisons nous n’avons pas

voulu développer davantage ce passage.

VII.3.4 Les catégories socioprofessionnelles des parents et la mobilité

L’analyse de la mobilité en fonction de la catégorie socioprofessionnelle des

parents révèle que les étudiants les plus motivés par la migration sont ceux qui ont une

situation économique moyenne, voire modeste, donc les enfants de pères ouvriers et des

mères sans activité. En revanche, les étudiants dont les pères sont des entrepreneurs, des

cadres ou sans activité, sont moins motivés par la mobilité.

Tableau 48 : Perception de mobilité selon la catégorie socioprofessionnelle et le sexe des parents

Père Mère

Cadre 16% 4%

Patron 15% 2%

Ouvrier 42% 5%

En retraite 8% 1%

Sans activité 9% 81%

Autres 10% 7%

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Le test d’indépendance est loin de confirmer l’existence d’une relation entre la

catégorie socioprofessionnelle de la mère et la motivation à la migration, car le risque

d’erreur est supérieur à 50 %, alors que ce risque est de l’ordre de 5 % pour les pères.

Pour conclure et d’après notre enquête, la motivation à la mobilité dépend plus de la

catégorie socioprofessionnelle du père que de celle de la mère. À cet égard, nous 268 (2008). Dynamique de l’emploi et de la formation parmi les diplômés universitaires Volume1: Rapport sur l’insertion des diplômés de l’année 2004. Ministère de l’Emploi et de l’insertion professionnelle des jeunes et la Banque mondiale, p. 41.

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

249

pouvons voir aussi que les raisons économiques ont plus de poids sur la décision de

mobilité de ces jeunes, car le fait d’appartenir à une famille n’ayant pas des ressources

suffisantes peut favoriser l’intention d’émigration.

Par contre, l’étude de la motivation à la mobilité en fonction du niveau

d’instruction des parents montre un impact puissant du niveau d’instruction de mères. En

effet, le risque d’erreur est inférieur à 1 % quand il s’agit de ces dernières alors qu’il est

de 19 % quand il s’agit des pères.

VII.3.5 Perception de mobilité selon le lieu de résidence de la famille

Dans cette section, nous voulons savoir si la composition de la famille,

notamment la taille de la fratrie, joue un rôle dans la motivation à la migration. Or,

l’hypothèse d’existence d’une relation entre la taille de la famille et la motivation de

migration est rejetée, car le risque d’erreur est de l’ordre de 24 %.

Dans la région du Sud-Est tunisien, la motivation à la migration est souvent

attachée à la résidence des parents. Mais cette tendance pour les étudiants du supérieur

est loin d’être justifiée puisque seulement 8 % des étudiants motivés par la mobilité ont

au moins un parent résidant à l’étranger. De ce fait, il n’est pas évident de dégager une

dépendance entre la résidence des parents et la motivation à la mobilité des étudiants

puisque le risque d’erreur est énorme (64 % de chance de se tromper).

En revanche, la motivation pour la mobilité est vérifiable par la présence à l’étranger

d’un membre de la fratrie, car c’est environ le cas d’un étudiant sur quatre (23 %) qui

désire partir à l’étranger. Admettre une telle relation de dépendance entre l’existence

d’un membre de la fratrie à l’étranger et la motivation de migration, c’est accepter un

risque d’erreur de l’ordre de 7 %. Donc, si nous croyons à une relation entre la

motivation de mobilité et le lieu de résidence familiale, nous devrons la définir par la

présence à l’étranger d’un frère ou d’une sœur plutôt que l’un ou de deux parents.

VII.3.6 Mobilité internationale pour les études

Pour ce qui est de la mobilité pour les études, le nombre des étudiants qui ont

répondu à la question (avez-vous eu l’intention de poursuivre des études supérieures à

l’étranger ?) est de 384 soit (99 % de notre échantillon). Ce taux de réponse reflète

l’importance de ce sujet auprès des étudiants. Un autre enseignement que nous avons pu

tirer est que 73 % des étudiants ont l’intention de poursuivre des études à l’étranger avec

une différence entre les deux sexes (80 % des étudiants et 70 % des étudiantes). D’autre

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

250

part le test du khi-deux affirme l’existence d’une dépendance entre le sexe et la

motivation de continuer les études à l’étranger (un risque d’erreur faible de l’ordre de

2,6 %).

VII.3.6.1 Partir, mais où ?

La France reste la destination préférée pour les étudiants (les deux sexes

confondus) qui souhaitent poursuivre leurs études à l’étranger, suivie en deuxième lieu

des autres pays européens et des États-Unis (graphique 89). Les pays arabes ne sont pas

une destination notable, mais ils attirent tout de même plus d’étudiantes que d’étudiants

tunisiens.

Le choix de la France est sans doute lié à la bonne connaissance de la langue et de la

culture française, à la proximité géographique, et aux liens historiques, mais aussi à la

ressemblance dans l’organisation des études notamment, avec les réformes L.M.D

(Licence Master Doctorat).

Graphique 88 : Perception de la mobilité selon le pays d’accueil et le sexe

Source : Données d’enquête personnelle, 2011.

Le test d’indépendance du Khi-deux montre l’absence d’une liaison entre le sexe

et le pays de destination pour les étudiants désirant étudier à l’étranger. Le risque

France 69%

Pays Arabe

3%

Autres pays

occidentaux

20%

Autres 8%

France 71%

Pays Arabe

6%

Autres pays

occidentaux

19%

Autres 4%

Etudiants 120

Etudiantes 162

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

251

d’erreur étant égal à 33 %, ce qui signifie un rejet d’hypothèse de dépendance entre les

deux variables. Il y a en effet une grande similitude dans les préférences du pays

d’accueil chez les étudiantes et les étudiants.

VII.3.6.2 Par quels moyens de subsistance ?

Pour subvenir à leurs besoins, les étudiants envisageant une mobilité

internationale comptent sur plusieurs moyens pour financer leur séjour à l’étranger. En

réponse à la question « Comment comptez-vous financer vos études à l’étranger?», le

sexe semble être déterminant avec un risque d’erreur très faible (moins de 1 %). Pour ce

financement, les étudiants de sexe masculin compteront en premier lieu travailler à

temps partiel. En deuxième lieu, ils pensent qu’ils peuvent avoir une bourse d’études

octroyée par le gouvernement tunisien ou encore un versement de la part de la famille.

Les étudiantes, quant à elles, elles compteront plus sur le versement familial au premier

rang, puis le travail à temps partiel, suivi des bourses du gouvernement tunisien. D’autre

part, le test de dépendance entre la capacité d’autonomie et le pays d’accueil dans notre

échantillon ne nous permet pas de confirmer qu’il existe une relation entre ces deux

variables.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons étudié comment les étudiants prévoient leur avenir

du point de vue démographique : nuptialité, fécondité et mobilité internationale.

Pour les filles, la fin des études et le choix du partenaire adéquat sont les facteurs qui

conditionnent le changement de statut matrimonial. La profession et le niveau d’étude

sont les critères les plus déterminants dans le choix du futur mari. Pour les garçons, c’est

l’emploi qui conditionne l’entrée en couple, la famille de la future conjointe et la

moralité sont également déterminantes.

La relation de dépendance entre l’âge au mariage et la capacité financière pour se marier

n’est pas confirmée pour la population enquêtée quel que soit le sexe.

Les résultats de notre enquête confirment l’existence d’une relation de dépendance entre

le sexe et l’âge au mariage désiré. Ils nous indiquent aussi un lien de dépendance entre la

perception de l’âge au mariage et le niveau d’instruction du père.

Nous remarquons que 61 % des personnes interrogées ne veulent pas cohabiter avec les

parents ou les beaux-parents. Ceci aura des répercussions sur la structure et la

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Chapitre 7 : Perception de la situation démographique et matrimoniale ________________________________________________________________________

252

composition des familles, par conséquent la famille tunisienne connaîtra aussi des

transitions.

La fécondité a également été prise en compte dans notre étude. Les jeunes filles veulent

avoir en moyenne 2,9 enfants contre 2,6 pour les garçons. Le sexe de l’enfant ne

constitue pas une véritable préoccupation pour le futur père, conformément aux futures

mères. Toutefois, la naissance d’au moins un garçon est plus appréciée.

3 étudiants sur 4 (74 %) envisagent de partir pour l’étranger. Naguère, ces migrations

internationales avaient pour motifs les études, mais aujourd’hui c’est plus un moyen de

fuir le chômage ambiant. Les étudiants des filières techniques sont plus motivés à migrer

que les autres. Chez les jeunes filles, contrairement aux hommes, il n’y a pas de relation

de dépendance entre la formation et l’intention d’émigrer. Les étudiants dont les parents

sont de conditions moyennes ou modestes sont plus enclins à migrer. La motivation à la

mobilité dépend plus de la catégorie socioprofessionnelle du père que de celle de la

mère. La présence à l’étranger d’un membre de la fratrie est aussi un élément qui motive

à la migration. La France reste la destination privilégiée des étudiants. Les étudiants

envisagent de financer leurs études en travaillant à mi-temps principalement et,

éventuellement, avec une bourse. Les filles comptent davantage sur le soutien familial et

le travail à mi-temps en seconde option.

Page 253: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Conclusion générale ________________________________________________________________________

253

Conclusion générale

La problématique de notre recherche a été la suivante : Quelles sont les

interactions entre la transition démographique et l’emploi en Tunisie et quel avenir

professionnel y a-t-il pour les diplômés du supérieur? L’hypothèse centrale que nous

avons déterminée comme réponse à notre problématique et que nous pensons avoir, au

moins partiellement, validée à travers cette recherche est la suivante : les difficultés de

l’insertion professionnelle des diplômés ajournent leur entrée en couple, entrainant

des conséquences sur la fécondité. La suréducation et la mobilité géographique

(migration) restent des alternatives possibles pour les jeunes diplômés afin de fuir le

chômage.

Nous avons commencé dans la première partie de notre travail par traiter le

contexte socioéconomique et démographique de la Tunisie selon quatre axes d’analyses :

Nous avons dans un premier temps abordé les questions relatives aux

mutations démographiques et matrimoniales en Tunisie. Il est apparu que la population

tunisienne a connu diverses phases évolutives avec des périodes de croissance. Après la

Seconde Guerre mondiale, la lutte contre les épidémies entraîne une relative baisse de la

mortalité. Concomitamment, les progrès sensibles enregistrés dans la baisse de la

mortalité infantile entraînent une remontée importante de la natalité. Les autorités

comprennent la nécessité de maîtriser cette forte croissance démographique qui risque de

contrarier dangereusement la croissance économique et le bien-être des populations. Des

efforts sont déployés pour contenir la croissance démographique à travers des

programmes de population fondés sur la maîtrise de la fécondité.

Le recours au planning familial dans les années 1970 et l’édiction de mesures au niveau

de l’augmentation de la durée minimale de scolarisation et de l’âge minimum au premier

mariage entraînent une baisse de la nuptialité et par ricochet la réduction de la natalité.

La base de la pyramide des âges commence à se rétrécir, tandis que l’espérance de vie

continue d’augmenter. À partir des années 2000, la fécondité a beaucoup baissé et l’ISF

est pratiquement égal à celui permettant le renouvellement des générations.

Des mutations sociodémographiques entraînent des changements au niveau

matrimonial : les femmes étant plus éduquées, plus présentes dans la sphère du travail et

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Conclusion générale ________________________________________________________________________

254

plus autonomes retardent ainsi leur mise en couple. De plus, l’augmentation des frais du

mariage et le chômage poussent les jeunes à repousser la date de leurs mariages.

Dans un deuxième temps, nous avons abordé les questions relatives aux

migrations en Tunisie. Elles sont en général résultantes des conditions socioéconomiques

difficiles. Les populations du Sud, Centre-Est et du Centre-Ouest se déplacent souvent

vers le grand Tunis et les régions côtières afin de trouver un emploi. Avec l’explosion

des effectifs scolaires et estudiantins et l’allongement de la durée minimale de

scolarisation, le profil du migrant se féminise et rajeunit davantage, même si les hommes

restent les plus nombreux à migrer. La migration internationale n’échappe pas à ces

mutations. La plupart des migrants sont de sexe masculin et pour cause des raisons

socio-économiques. Il n’en demeure pas moins vrai que des étudiants migrent également

afin d’acquérir des compétences et dans l’espoir de s’insérer plus facilement.

Dans un troisième temps, nous avons analysé le système éducatif tunisien,

mis en place depuis la colonisation. Les autorités tunisiennes ont rapidement eu le souci

de doter le pays d’un système éducatif qui reflète les valeurs nationales et qui fournisse

une main-d’œuvre qualifiée, capable de faire fonctionner l’économie et contribuer au

bien-être des populations. Les premières ambitions du système éducatif tunisien étaient

modestes. L’explosion démographique, la gratuité de l’école, l’évolution des mœurs et

les ambitions de croissance économique font rapidement exploser les effectifs d’élèves

puis d’étudiants. Cette augmentation des effectifs dans l’enseignement produit l’arrivée

de nombreuses populations de diplômés sur le marché. L’inadéquation entre les

compétences acquises et les besoins des entreprises explique le nombre de plus en plus

grand des jeunes n’ayant pas d’emploi. Il s’agit davantage de ceux du sexe féminin. Les

mesures prises en vue de réduire le chômage des jeunes primo-arrivants sur le marché de

l’emploi ne portent pas leurs fruits. Les formations suivies ne procurent pas

d’opportunités d’emploi. Le chômage continue d’augmenter. Même si le système

éducatif tunisien a connu des réformes, son efficacité interne et externe reste sujette à

caution.

Dans un quatrième temps, nous avons étudié l’emploi et la politique de

lutte contre le chômage en Tunisie. L’emploi en Tunisie fait l’objet de nombreuses et

diverses politiques et de mise en place dispositifs variés. La croissance démographique

soutenue et les efforts de vulgarisation de la scolarisation vont progressivement

contribuer à la forte augmentation de la demande d’emploi. La conséquence en sera le

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Conclusion générale ________________________________________________________________________

255

déséquilibre entre l’offre et la demande d’emploi. Très rapidement, le déficit qui apparaît

devient structurel. Le chômage s’installe désormais de manière quasi permanente. Des

tentatives de résorption de ce chômage sont menées. La multiplication des mesures, des

organismes, des dispositifs d’aide à l’insertion professionnelle n’arrivent pas à faire

baisser la tendance du chômage. Des chevauchements et même des visions parfois

contradictoires des politiques de l’emploi entraînent l’inefficacité des démarches

institutionnelles. La courbe du chômage est à la hausse. Les projections de l’INS

confirment cette tendance à l’horizon 2029. Davantage de personnes jeunes et bien

formées, le plus souvent de sexe féminin, sont au chômage. Il s’agit de primo-arrivants

sur le marché de l’emploi. Ils développent des stratégies de contournement de la

situation du chômage en essayant par exemple de poursuivre leurs études ou de migrer.

Dans la deuxième partie, nous avons présenté les principaux résultats de notre

enquête. En tout premier lieu, nos résultats de recherche confirment, de manière

évidente, la difficulté de l’insertion professionnelle que subissent les diplômés du

supérieur, ainsi que leurs inquiétudes et leurs craintes de l’avenir.

L’analyse de l’insertion professionnelle des étudiants du supérieur montre

l’existence de plusieurs distorsions, qui trouvent leurs causes en amont, par la qualité de

la formation universitaire et en aval, par la situation du marché de l’emploi tunisien.

Au premier plan, le système scolaire en Tunisie connaît une baisse de la qualité des

formations des étudiants et une augmentation de leurs nombres qui, toutes choses étant

égales par ailleurs, génère un accroissement du nombre de diplômés arrivant chaque

année sur le marché de l’emploi. La massification et la démocratisation relative à l’accès

à l’université produisent des qualifications trop générales et théoriques, inadaptées aux

besoins des secteurs productifs.

À la lumière des constats avancés, nous avons tenté de regarder de plus près ce qu’il en

est de la population enquêtée. Nous avons proposé, dans un premier temps, d’apprécier

la qualité de l’enseignement universitaire. Les réponses collectées sur le terrain ont

montré l’existence d’un problème d’orientation universitaire, aggravant davantage la

situation de chômage de ces jeunes. D’après les entretiens, les étudiants ont manifesté

leur réticence envers leurs formations, en s’interrogeant à travers une autoévaluation de

l’utilité de poursuivre leurs parcours universitaires. Ils ont évoqué que le système

éducatif souffre d’un déséquilibre béant entre la formation proposée et celle demandée

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Conclusion générale ________________________________________________________________________

256

par le marché de travail. Pour eux le diplôme est la clé de voûte pour l’avenir

professionnel, mais ne constitue plus un précieux sésame pour l’emploi.

Au deuxième plan (situation du marché de l’emploi), l’économie tunisienne ne crée pas

suffisamment d’emplois, pour absorber une main-d’œuvre jeune, et de plus en plus

instruite. La perception de ces étudiants envers leur insertion professionnelle semble être

pessimiste, car ils s’attendent à une période de chômage relativement longue. Des

inégalités liées au sexe, à la formation et à l’origine sociale peuvent expliquer le

problème du chômage. Les filles se montrent moins employables que les garçons, elles

estiment être victimes de discriminations, et vice versa, les garçons les accusant d’être à

l’origine du chômage. Quant aux ingénieurs, ils ont le sentiment d’avoir plus de chance

par rapport aux autres diplômés, notamment issus des branches dites « classiques », pour

décrocher un emploi.

La segmentation peu étudiée du marché du travail, entre secteur public et privé,

peut donner une explication au problème d’insertion de ces jeunes. D’une part, les futurs

diplômés sont plus attirés par le secteur public, lequel offre de moins en moins d’emplois

suite à l’application en 1986 du programme d’ajustement structurel qui a engagé la

Tunisie dans un processus de libéralisation économique. D’autre part, le secteur privé,

dont les besoins ne nécessitent pas une main-d’œuvre hautement qualifiée, n’offre pas

suffisamment d’emplois à cette catégorie d’actifs. Ces futurs diplômés prévoient des

difficultés d’insertion, car leurs formations ne correspondent pas à la demande des

employeurs privés. Ces derniers privilégient le recrutement des jeunes peu formés et

moins onéreux. L’engouement vers le secteur public se justifie par le salaire, souvent

plus élevé, la stabilité, ainsi que la possibilité d’évoluer. Il présente beaucoup

d’avantages, quasi inexistants dans le secteur privé. Les étudiants évoquent aussi

l’existence d’obstacles érigés contre les tentatives de création d’entreprises, les étudiants

disent se heurter à de terribles difficultés, essentiellement financières et avec aucune

perspective d’amélioration à l’horizon. En outre, le manque d’informations fiables et

exhaustives concernant le marché du travail contribue à l’allongement de la période de

recherche d’emploi chez les jeunes. Par ailleurs, le problème d’insertion professionnelle

est dû à d’autres facteurs, à savoir la pratique de la corruption et du clientélisme à grande

échelle dans l’administration tunisienne. Ce fléau persistant dans le pays constitue un

handicap majeur pour les jeunes dans leur ascension sociale, aggravant ainsi non

seulement le sentiment de marginalisation au niveau de travail, mais aussi l’exclusion

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Conclusion générale ________________________________________________________________________

257

des projets matrimoniaux et démographiques. Ce que nous présentons dans les

paragraphes suivants :

Souvent, émigrer constitue la seule solution raisonnable offerte aux étudiants de

sexe masculin pour échapper au chômage. À leurs yeux, les opportunités d’emploi sont

plus importantes. De plus, il existe un prestige social accordé volontairement par la

société d’origine à toute personne résidant à l’étranger. Les filles aussi manifestent un

désir de partir sous le prétexte de poursuivre leurs études. Signalons que, d’après

l’enquête, derrière ce motif de la poursuite des études se dissimule le souhait d’émigrer.

D’ailleurs, le visa d’étude est relativement facile à obtenir, ce qui représente en soi une

opportunité. La France reste la destination préférée pour ces jeunes, et cela pour

plusieurs raisons. D’abord, la proximité et la familiarité avec la langue et la culture

française demeurent un facteur déterminant dans cette prise de décision. Puis la

similitude entre les deux systèmes éducatifs, français et tunisien, facilite l’intégration de

cette population dans les institutions universitaires du pays d’accueil. Enfin, l’existence

d’une communauté d’origine (voisinage, fratrie, etc.) installée en France de manière

permanente motive aussi ce choix.

Les résultats de notre enquête montrent aussi l’impact de la difficulté d’insertion

professionnelle sur l’état matrimonial. La perception de l’âge au mariage et du nombre

d’enfants pour un couple dépend de la situation professionnelle de ces jeunes.

Pour les garçons, le moment du mariage est frottement conditionné par l’obtention d’un

emploi, la famille et la moralité sont déterminantes dans le choix de la future conjointe.

Pour les filles, la fin des études et le choix du partenaire adéquat sont les facteurs qui

conditionnent le changement de statut matrimonial, la profession et le niveau d’étude

sont les critères les plus déterminants dans le choix du futur mari.

Les jeunes filles veulent avoir en moyenne 2,9 enfants contre 2,6 pour les garçons. Le

sexe de l’enfant ne constitue pas une véritable préoccupation, toutefois la naissance d’au

moins un garçon est plus appréciée chez les femmes. La structure et la composition de la

famille tunisienne connaîtront aussi des transitions. En effet, 61% des personnes

interrogées ne veulent pas cohabiter avec les parents ou les beaux-parents.

Comme nous l’avons signalé dans les paragraphes précédents, en Tunisie

l’origine du chômage des diplômés réside essentiellement dans le déphasage entre les

formations (investissement en capital humain) et les besoins des entreprises

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Conclusion générale ________________________________________________________________________

258

(l’investissement en matière d’emploi). Ces quelques résultats nous amènent d’une

part, à présenter les apports et les limites de notre recherche, d’autre part à proposer

quelques préconisations pratiques.

Apports de la recherche : théoriques et méthodologiques

Cette thèse constitue un premier apport à travers les réponses aux questions de

recherche et un deuxième qui s’articule autour des contributions théorique et

méthodologique. Par rapport au premier niveau théorique, nous plaçons, d’une part,

l’interdisciplinarité nécessaire à l’étude de l’interaction entre l’insertion professionnelle

et les événements démographiques, qui donne une certaine originalité à notre recherche,

d’autre part, les résultats enrichissant les recherches antérieures, qui furent

quasi-inexistantes. Nous considérons également, comme apport, la définition du lien

entre l’insertion professionnelle et les événements démographiques en Tunisie, aussi

bien au niveau théorique qu’empirique.

Les conclusions que nous exposons seront soumises aux limites que nous

développons dans les paragraphes qui suivent.

Limites théoriques et pratiques de la recherche

À l’instar de tout travail de recherche, et malgré les précautions prises, a priori,

pour en assurer la validité, des limites peuvent être mises en évidence.

D’un point de vue pratique, nous pouvons souligner plusieurs limites. La

première concerne l’échantillon et la manière avec laquelle nous avons procédé, ce qui

rend difficile la généralisation des résultats à l’ensemble des étudiants tunisiens, nos

conclusions restent donc limitées à ceux de la région de Sud-Est.

La deuxième limite est liée à l’étude de la perception. Les résultats concernant

l’étude de l’interaction entre le professionnel et les phénomènes démographiques restent

abstraits, car les données collectées ne reflètent pas toujours la réalité.

D’autres limites peuvent être formulées :

* la liberté d’opinion suite à la révolution du 14 janvier a influencé la qualité des

données collectées, car avant la révolution la recherche sur la question de chômage des

diplômés n’était pas permise ainsi que l’accès aux données brutes était impossible;

* certaines informations pouvant être légèrement biaisées à cause de la traduction

entre l’arabe et le français ;

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Conclusion générale ________________________________________________________________________

259

* Une autre limite est due au fait qu’il existe très peu d’études concernant ce sujet

et qu’il n’a donc pas été facile de confronter nos résultats à des études déjà existantes ;

* d’autres limites d’ordre méthodologiques concernant l’utilisation de la fiche

Ageven. En effet, nous n’avons pas pu exploiter au maximum les données recueillies

pour réaliser des analyses purement biographiques. Nous nous sommes limités à

l’utiliser à des fins descriptives, par exemple pour le calcul de l’âge moyen au

baccalauréat, etc. ;

* nous n’avons pas pu concrétiser les résultats de l’analyse multidimensionnelle,

car les données que nous avons collectées n’ont pas permis, pour le moment, de réaliser

des régressions, car la significativité du modèle est trop faible (voir annexe 6). Cela

demandera plus de réflexions et fera l’objet d’éventuelles études ultérieures.

Nous sommes tout à fait conscients de ces limites, ce travail n’est pas

parfaitement achevé, il peut faire l’objet d’autres études corollaires.

Perspectives de la recherche

Il serait envisageable de prolonger notre recherche en travaillant sur plusieurs

voies qui consistent, soit à approfondir la problématique sur l’interaction entre l’insertion

professionnelle et les phénomènes démographiques, soit à rebondir sur de nouvelles

problématiques dérivées du sujet de la présente recherche, en étudiant par exemple le

coût social du chômage que subissent les diplômés du supérieur.

La première perspective consiste à poursuivre ce travail en réalisant des études

sur des échantillons qui sont en situation de chômage (diplômés et non étudiants), et

dans d’autres secteurs géographiques, afin de vérifier et d’approfondir certaines

questions évoquées lors de notre recherche et dans le but, notamment, de parvenir à

généraliser nos résultats.

Nous estimons aussi qu’en réalisant une étude sur des échantillons plus vastes,

nous parviendrons à montrer l’impact du développement de système éducatif sur

l’insertion professionnelle.

Recommandations

Il ressort des conclusions de l’enquête et des différentes investigations menées dans

ce travail qu’il faut commencer par résoudre le problème de chômage des diplômés, ce

qui aura des répercussions sur les comportements démographiques et matrimoniaux:

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Conclusion générale ________________________________________________________________________

260

réduction de l’âge d’entrée en couple, baisse de coûts liés à la suréducation, réduire la

fuite de cerveaux, etc.

Pour faciliter la transition de l'école à l'emploi, l’intervention sur le chômage de

diplômés nécessite :

L’urgence d’entreprendre des réformes fondamentales de l’enseignement pour une

meilleure adéquation de la formation à l’emploi, ceci peut être mené notamment

par la professionnalisation des formations ; et la maîtrise des effectifs en revoyant,

par exemple, la méthode de calcul de la moyenne du baccalauréat ;

amélioration de la qualité de l’enseignement supérieur à travers le réaménagement

des filières de formation et l’instauration d’une politique de régulation des flux de

diplômés pour rendre impérative l’efficacité interne et externe du système

éducatif ;

étudier la possibilité d’introduire une unité d’enseignement des classes terminales

portant sur les techniques de recherche d’emploi et accorder des coefficients élevés

aux matières les plus demandées sur le marché de travail ;

revoir le système d’orientation universitaire de telle façon que les recrutements se

fassent par rapport aux besoins des entreprises et non uniquement par rapport aux

places disponibles dans les établissements supérieurs ;

sensibiliser les étudiants sur le potentiel et la capacité de l’économie tunisienne, en

mettant à leur disposition l’information sur les créneaux porteurs ;

ne pas laisser l’université comme l’unique alternative offerte aux bacheliers et

encourager les étudiants à s’orienter assez tôt vers les branches professionnelles ;

valoriser les formations professionnelles (dans les différents cycles

d’enseignement) et sensibiliser à leur importance ;

développer chez les futurs diplômés l’esprit d’initiative et promouvoir l’auto

emploi en développant des unités sur la création d’entreprises ;

intensifier et valoriser les stages tout le long de la période de formation en créant

des partenariats avec les entreprises ;

veiller à la transparence et l’accessibilité aux concours de recrutement en

supprimant les barrières qui empêchent la circulation de l’information ;

lutter contre les pratiques qui annihilent l’égalité des chances. En agissant sur la

corruption et le clientélisme ;

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Conclusion générale ________________________________________________________________________

261

renforcer l’action du bureau de l’ANETI en instaurant un système de suivi

personnel des diplômés au chômage ;

impliquer les entreprises (des deux secteurs public et privé) dans la définition et le

suivi-évaluation du programme de formation et d’orientation.

* *

*

Page 262: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

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Page 273: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

________________________________________________________________________

273

Annexes

Page 274: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 1 : Fiche AGENEN ________________________________________________________________________

274

Annexe : Fiche AGENEN

Fiche AGENEN le. /..…/2011(Enquêteur : ....................) ID : . / . . / . .

Sexe 1 Homme 2 Femme Région: 1 Gabès 2 Médenine 3 TatOuine 9 Autre ( )

Age Année

Evénements

Démographique

et/ou Matrimonial

Evénements

scolaire

Activités et

Ressources

Lieux de

résidence

Autres

événement

2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 1988 1987 1986 1985 1984 1983 1982 1981 1980 1979 1978 1977 1976 1975

Page 275: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________

275

Annexe : Questionnaire

S1- Avant d’obtenir votre baccalauréat, avez-vous envisagé de faire des études autres

que celles que vous poursuivez actuellement ? 0 Non 1 Oui

Si Oui, quelles études aviez-vous envisagé de suivre ? ……………… 9 Ne sait pas

S2- Quel est le nombre d’années d’études que vous souhaiterez atteindre après le baccalauréat ? …..an(s) (1 à 8) 9 Ne Sais pas

S3- Avez-vous des difficultés à comprendre les objectifs de vos enseignements?

0 Jamais 1 Oui 2 Parfois

S4- Voulez-vous partir à l’étranger ? 0 Non 1 Oui

Si Oui pourquoi ?

1 Terminer les études 2 Echapper au chômage

3 Rejoindre la famille 4 Tenter votre chance comme les autres

5 plus d’opportunités 8 Autres …………

S5- Avez-vous eu l’intention de poursuivre des études supérieures à l’étranger ?

0 Non 1 Oui Si Oui, dans quel pays ?

1 France 2 Pays Arabe 3 Autre pays européen 8 Autre……….

Si Oui, Comment comptez-vous financer vos études à l’étranger ?

1 Versement régulier de la famille

2 Travail à temps partiel

3 Prise en charge par des proches à l’étranger.

4 Épargne bancaire

5 Bourse d’étude du gouvernement tunisien

8 Autres……………….

F1- Quelle est l’année de naissance de vos parents ? Père 19 . . Mère 19 .

F2- Est-ce que vos parents résident à l’étranger ?

0 Non 1 Père uniquement

2 Mère uniquement 3 Les deux

F3- Quel est le niveau d’instruction de vos parents ?

Père Mère

1 Néant 1

2 Primaire 2

3 Secondaire 3

4 Supérieur 4

9 Ne sait pas 9

Page 276: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________

276

F4- Quelle est la catégorie socioprofessionnelle de vos parents ?

Père Mère

1 Cadre 1

2 Patron 2

3 Ouvrier 3

4 Aide familiale 4

5 A la retraite 5

6 Sans activité 6

9 Ne sait pas 9

F5-Avez-vous des frères et/ou des sœurs ? 0 Non 1 Oui

Si Oui, combien de frères et sœurs avez-vous ? …..frères et ……sœurs.

Quels âges ont l’aîné et le cadet ? Aîné…..ans cadet…..ans

F6- Quelle est leur situation matrimoniale ? (Selon l’âge : de l’aîné au plus jeune)

1 2 3 4 5 6

1 Célibataire

2 Marié

3 Divorcé

4 Veuf

9 Ne sait pas

F7- Quel est le niveau d’instruction de vos frères/sœurs ? 1 2 3 4 5 6

1 Néant

2 Primaire

3 Secondaire

4 Supérieur

9 Ne sait pas

F8- Quelle est la catégorie socioprofessionnelle de vos frères/sœurs ? 1 2 3 4 5 6

1 Cadre

2 Patron

3 Ouvrier

4 Aide familial

5 Etudiant

6 Sans activité

9 Ne sait pas

Page 277: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________

277

F9- Certains de vos frères/sœurs résident-ils à l’étranger ? 0 Non 1 Oui

Si Oui, lequel/laquelle et pour quel motif ?

1 2 3 4 5 6

1 Études

2 Vie familiale

3 Travail

9 Ne sait pas

P1- Que pensez-vous faire après avoir fini vos études ?

1 Travailler 2 Migrer 3 Se marier 4 Ne rien faire

8 Autres……… 9 Ne sait pas

P2- Est-ce que vous avez l’intention de poursuivre vos études en troisième cycle ?

0 Non 1 Oui 3 Peut-être 9 Ne sait pas

P3- Pensez-vous que lorsque vous chercherez du travail, vous en trouverez :

1 Très facilement 2 Assez facilement

3 Très difficilement 4 Difficilement 9 Ne sait pas

P4- D’après vous, quelles sont vos chances de trouver un emploi ?

1 Moins de 10% 2 10 à 50%

3 50 à 80% 4 plus de 80% 9 Ne sait pas

P5- D’après vous, combien de temps vous faut-il pour trouver un emploi, une fois vos

études terminées? 1 1 mois 2 1 an

3 2 à 5 ans 4 plus de 5 ans 9 Ne sait pas

P6- Pourquoi chercherez-vous un emploi ?

1 Besoin d’argent pour vivre 2 Fonder une famille

3 Pour être connu et avoir des relations

4 Épanouissement moral 9 Ne sait pas

P7- Le travail est-il pour vous ?

1 Une obligation 2 Un besoin

3 Obligation et besoin 9 Ne sait pas

P8- Pour intégrer le monde du travail, vous vous sentez :

1 Pas de tout formé 2 Moyennement formé

3 Bien formé 4 Très bien formé 9 Ne sait pas

P9- Acceptez-vous de travailler même si le salaire ne correspond pas à vos ambitions ?0

Non 1 Oui

P9bis- Est-ce qu’on peut réussir son avenir professionnel sans diplôme ?

0 Non 1 Oui

Page 278: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________

278

P9ter- Pour l’insertion professionnelle, le diplôme est :

0 Nécessaire et satisfaisant 1 Nécessaire et non satisfaisant

P10- Quel est le salaire minimum au-dessous duquel vous refuseriez de travailler ? ….DT

P11- D’après vous, quels sont les obstacles pour trouver un emploi ?

1 Manque d’information concernant les offres

2 Formation 3 Expérience 4 Famille

5 Proximité spatiale 8 autres:…………. 9 Ne sait pas.

P12- Savez-vous où sont diffusées les offres d’emploi ?

0 Non 1 Oui

P13- Avez-vous visité un bureau de l’Agence Nationale pour l’Emploi et le Travail Indépendant ANETI ? 0 Non 1 Oui

Si Oui, combien de fois ?....................

P14- D’après vous, comment peut-on décrocher un emploi ?

1 Relations 2 Concours

3 Après un stage 4 Par le biais de l’ANETI

5 Médias 6 De bouche-à-oreille

8 Autre …… 9 Ne sait pas

P15- Avez-vous l’intention de faire un stage ?

0 Non 1 Oui 7 Peut-être 9 Ne sait pas

P16- D’après vous, à quoi servent les stages ?

1 Pour valider le diplôme 8 Autre……..

2 Pour découvrir le milieu professionnel

3 Pour décrocher un emploi 9 Ne sait pas

P17- Selon vous, les concours de recrutement sont facilement accessibles à tout le

monde ?

0 Non 1 Oui 9 Ne sait pas

P18- Avez-vous participé à un concours de recrutement ?

0 Non 1 Oui

P19- Comment estimez-vous le niveau de ces concours ?

1 Facile 2 Moyen 3 Difficile 9 Ne sait pas

P20- Si vous trouvez un travail, acceptez-vous d’arrêter les études avant l’obtention votre diplôme ? 0 Non 1 Oui 7 Peut-être 9 Ne sait pas

P21- Qui peut vous influencer dans votre choix d’emploi ?

0 Personne 1 Conjoint 2 Parents 3 Amis

4 Famille 8 Autre ….………… 9 Ne sait pas

Page 279: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________

279

P22- Quels sont les critères déterminant du choix de votre futur poste ?

1 Correspondance avec la formation 2 Salaire

3 Proximité 8 Autre ……… 9 Ne sait pas

P23- D’après vous, combien de temps allez-vous passer dans votre premier poste ?

1 Quelques jours 2 Quelques mois

3 Quelques années 4 En permanence 9 Ne sait pas

P24- Quel salaire mensuel estimez-vous avoir ?

1 Moins de 300 Dinars 2 Entre 300 et 500 Dinars

3 Entre 500 et 800 Dinars 4 Plus de 800 Dinars

9 Ne sait pas

P25- Connaissez-vous le montant du salaire minimum (SMIG) actuel ?

0 Non 1 Oui

P26- Connaissez-vous le nombre d’heures légales de travail ?

0 Non 1 Oui

P27- Connaissez-vous l’âge maximum d’entrée dans la fonction publique ?

0 Non 1 Oui

P28– Quel sont vos préférences pour votre futur emploi ?

1 Secteur public 2 Secteur privé 3 Création d’entreprise

8 Autres………….

P28bis– Existe-il des discriminations quant à l’accès à l’emploi ? 0 Non 1 Oui si Oui, à quel niveau ?

1 Sexe 2 Région 3 Age 4 Salaire 8 Autres………

P29- Que pensez-vous du travail des femmes ?

1 Je suis pour le travail des femmes 2 Je suis contre

Si contre, pourquoi ?

1 La femme doit rester à la maison 2 C’est un interdit religieux

3 Refus de la famille 4 Financièrement, je n’en ai pas besoin

5 C’est rejeté par la société 8 Autre ………9 Ne sait pas

P30- D’après vous, dans quel domaine la femme pourrait-elle travailler ?

1 Partout 2 Industrie 3 Agriculture

4 Administration 5 Enseignement 6 Hôtellerie

8 Autre……… 9 Ne sait pas

P30bis- Existe-il des métiers spéciaux aux femmes ?

0 Non 1 Oui

Si Oui, lesquels ? ............../……………./………….

Page 280: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________

280

P30ter- Pensez-vous qu’il existe des discriminations envers les femmes ?

0 Non 1 Oui

Si Oui, quel type de discriminations ?

1 salariale 2 âge 8 autre………9 Ne sait pas

P31- Accepterez-vous de travailler avec votre femme/mari dans le même

établissement ?

0 Non 1 Oui

P32- Si votre femme/mari trouve avant vous un emploi, accepterez-vous d’accomplir les tâches domestiques ? 0 Non 1 Oui

P33- Accepterez-vous de déménager si votre femme/mari trouve un emploi dans une

autre ville ? 0 Non 1 Oui

P34- Accepterez-vous que votre femme/mari parte à l’étranger pour travailler ?

0 Non 1 Oui

Si Non, pourquoi ?

1 Vous ne pouvez pas rester seul(e)

2 Ce n’est pas bon pour les enfants

3 Vous ne pouvez pas assumer la responsabilité

8 Autre………… 9 Ne sait pas

P35- Au cas où vous ne trouviez pas un emploi, auriez-vous l’idée de créer une entreprise ?

0 Non 1 Oui 7 Peut-être 9 Ne sait pas

P36- Quels sont les obstacles qui, d’après vous, peuvent empêcher la création d’une entreprise ?

1 Contraintes financières 2 Contraintes familiales

3 Le manque de compétences 4 La peur de la concurrence

8 Autre ………. 9 Ne sait pas

P37- Connaissez-vous les outils mis en place par l’Etat pour favoriser l’insertion professionnelle ? 0 Non 1 Oui Si Oui, le(s)quel(s) ?

1 CEF 2 SIVP 1 3 SIVP 2 4 PCP

5 Fonds 21- 21 8 Autres………… 9 Ne sait pas

P38- Dans quelle branche d’activité désiriez-vous travailler ?

1 Peu importe 2 Industrie

3 Agriculture 4 Administration

5 Enseignement 8 Autre…………….

9 Ne sait pas

Page 281: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________

281

P39- Votre avenir professionnel, ça vous préoccupe ?

0 Non 1 Oui, un peu 2 Oui, beaucoup 9 Ne sait pas

P40- Pour votre avenir professionnel, êtes-vous ?

0 Plutôt inquiet 1 Plutôt optimiste 9 Ne sait pas

P41- Avec qui parlez-vous de votre avenir professionnel ?

1 Enseignants 2 Parents 3 Amis

4 Proches 5 Fratrie 8 Autre …………..

P42- Pour une femme qui travaille, il est difficile de concilier vie professionnelle et vie

familiale. Qu’en pensez-vous ?

1 Pas du tout d’accord 2 Plutôt d’accord 3 Tout à fait d’accord

P43- Un bon travail et un bon salaire font de vous une personne comblée dans votre

famille. Etes-vous :

1 Pas de tout d’accord 2 Plutôt d’accord 3 Tout à fait d’accord

P44- Une vie familiale heureuse vous aide à avoir une vie professionnelle équilibrée.

Etes-vous :

1 Pas de tout d’accord 2 Plutôt D’accord 3 Tout à fait d’accord

P45- Ne pas travailler pèse sur votre famille. Que diriez-vous ?

1 Pas de tout d’accord 2 Plutôt d’accord 3 tout A fait d’accord

P46- Votre famille vous soutien dans une situation de chômage. Comment trouvez-vous

cette situation ?

1 Inappréciable 2 Gênante 3 Acceptable

P47- A quel âge pensez-vous vous marier ?.......ans.

P48- Quand désiriez-vous vous marier ?

1 Dès que l’occasion se présente

2 Dés que j’ai trouver un emploi

3 Immédiatement après la fin des études

9 Ne sait pas

P49- Bien connaître votre futur mari, pour vous ?

1 C’est préférable 2 C’est important 3 Pas important

P50- Pourriez-vous supporter seul les coûts du mariage ? 0 Non 1 Oui

Si Non, à qui auriez-vous recours?

1 Parent 3 Conjoint

2 Famille 4 Prêt 8 Autres

Page 282: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________

282

P51- Quels sont les critères déterminants du choix de votre conjoint ?

1 Niveau d’étude 2 Profession 3 Famille

4 Région 5 Elégance 6 Travaille à l’étranger

8 Autres………

P52- Quelle est la durée estimée de vos fiançailles ?

1 Moins de 3mois 2 Un an

3 De 1 et 3 ans 4 Plus de 3 ans

P53- Une fois marié(é), accepterez-vous de rester avec les parents ?

0 Non 1 Oui

P54- Combien d’enfants aimeriez-vous avoir ?

0 Pas d’enfant 1 Un 2 Deux 3 Trois

4 Quatre 5 Cinq ou plus 9 Ne sait pas

P56- D’après vous, quel est le nombre d’enfants idéal pour un couple ?…enfants. P56bis- Comment justifier-vous le nombre idéal d’enfants ?

1 Par la santé de mère 2 Par des raisons économiques

3 Le deux 8 Autres………… 9 Ne sait pas

P57- Qui décide le nombre d’enfants ?

1 Vous 2 Conjoint(e) 3 Le couple4 Mère

5 Père 6 Famille 9 Ne sait pas

P58- Avez-vous des préférences pour les garçons ou pour les filles ?

(1er enfant)1 Indifférent2 Garçon3 Fille

(2eme enfant)1 Indifférent2 Garçon3 Fille

(3eme enfant1 Indifférent2 Garçon3 Fille

P 59- Qui gardera vos enfants ?

1 Vous 2 Conjoint(e) 3 Famille

4 Crèche 5 Nounou 8 Autres……… 9 Ne sait pas

P60- Arrêterez-vous le travail pour vous occuper de vos enfants ?

0 Non 2 Oui totalement 3 Oui temporairement 9 Ne sait pas

P60bis- Arrêterez-vous le travail pendant la maternité de vos enfants?

(1er enfant) 0 Non 1 Oui

(2eme enfant) 0 Non 1 Oui

(3eme enfant) 0 Non 1 Oui

P61 - Connaissez-vous les moyens de contraception ?

0 Non 1 Oui 9 Ne sait pas

Page 283: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 2 : Questionnaire ________________________________________________________________________

P62- D’après vous, pourquoi les gens utilisent les moyens de contraception ?

1 Éviter les MST 2 Pour ne pas avoir d’enfant

8 Autres ………… 9 Ne sait pas

P63- D’après vous, la contraception est : 1 Illicite 2 Licite 9 Ne sait pas

Informations supplémentaires

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

…………………………………………………………………………………………………

Fin de questionnaire, merci d’avoir répondu à notre enquête.

Page 284: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________

Annexe : Présentation de la région du Sud-Est

tunisien

Découpage administratif de la région Sud-Est :

La région couverte par notre étude (Sud-Est) comporte trois gouvernorats, à savoir

Gabès, Médenine et Tataouine.

Le gouvernorat de Gabès occupe une position stratégique en se plaçant aux portes du

grand Sud avec une superficie de 7175 Km² et une côte méditerranéenne s'étendant à 80 km

à L'Est. C’est une zone économiquement très importante comme toute ville donnant sur le

Méditerranéen. Elle se compose de dix délégations et abrite une population de 342 630

habitants en 2004 selon l'institut national de statistique (INS).

Gabès est une ville industrielle très connue par son gisement pétrolier. Elle occupe

une place importante dans le marché d'exportation de produits chimiques. C’est aussi un

pôle artisanal très réputé. Parmi les villes du gouvernorat de Gabès on site Gannouch qui

occupe l'oasis maritime. Elle compte1400 hectares de terres agricoles exploitées tout au long

des quatre saisons et elle est classée parmi les villes les plus urbanisées.

Carte 6 : Découpage administratif du gouvernorat de Gabès

Le gouvernorat de Médenine se situe dans le Jeffara avec une superficie de 8588

Km². Elle est constituée de neuf délégations et avec une population de 447 300 habitants

selon les estimations de l'INS en 2008. Médenine se caractérise par une population nomade

et semi-nomade constituant un foyer d'émigration massif. L'agriculture y représente le

Page 285: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________

secteur qui absorbe le plus de main-d'œuvre suivie de l'industrie-manufacture et du secteur

tertiaire.

Carte 7: Découpage administratif du gouvernorat de Médenine

La ville de Tataouine, chef-lieu du troisième gouvernorat, a été fondée en 1912 pour

accueillir les troupes françaises qui avaient pour mission d'assurer la surveillance de tribus

rebelles de cette région. Elle est devenue gouvernorat en début des années quatre-vingt après

avoir été sous la délégation du gouvernorat de Médenine.

Le gouvernorat de Tataouine, délimité par les frontières libyennes à l'Est et les frontières

algériennes à l'Ouest, était connu sous le nom "pays de ksour". Ceux-ci sont des cellules qui

étaient à la base construites côte à côte en plusieurs étages et servant à la fois à l'habitat et le

stockage des céréales. Peu à peu et depuis l'indépendance, ils ont perdu leurs rôles initiaux

pour se transformer à des lieux de réunions et de commerce.

À Tataouine, les maisons sont formées de plusieurs pièces suffisamment éloignées

les unes des autres pour respecter l'intimité familiale. L’élargissement des maisons ne

survient qu’en cas de changement de la situation familiale des occupants, c'est-à-dire qu'une

fois qu’un enfant veut se marier. Dans ce cas, on lui construit une pièce supplémentaire sans

qu’elle soit séparée de la maison des parents.

Actuellement ce paysage commence à perdre progressivement cette particularité sous l'effet

de l'urbanisation moderne qu’a connue ce gouvernorat.

Page 286: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________

Carte 8: Découpage administratif du gouvernorat de Tataouine

Densité et répartition spatiale de la population.

La densité d'une population mesure le degré de concentration d'une population par

laquelle elle est déterminée et elle est exprimée par habitant par kilomètre carré (h/km²).

La répartition spatiale de la population tunisienne montre des inégalités entre les différentes

régions : on trouve des villes plus denses que d’autres. Ces inégalités sont en rapport étroit

avec les conditions naturelles et les potentialités économiques de chaque région. En effet, les

régions du Sahel et du Nord-Est sont les plus peuplées en raison des conditions naturelles

favorables ainsi que l’existence d’infrastructures économiques et sociales relativement

développées par rapport aux autres régions. Ces deux régions regroupent la majorité de la

population du pays sur une superficie qui ne représente qu’un sixième (1/6) du territoire

national. En revanche, la partie intérieure du pays est plus désavantagée: bénéficiant de

moins d’investissements et avec des conditions naturelles moins favorables à cause de

l’influence saharienne.

Comparée à l’ensemble du pays, la région du Sud-Est se caractérise par une faible

densité de population même si celle-ci est en léger accroissement (entre les différents

recensements) comme le montre le tableau qui suit.

Page 287: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________

Tableau 49: Densité de la population entre 1984 et 2004

Densité

(h/km²) 1984 1994 2004

Gabès 33 43 48

Médenine 32 42 47

Tataouine 3 3 4

Tunisie 45 57 64

Source : INS

Dans cette région, la densité a évolué (en hausse) d'un recensement à un autre, dans

tous les gouvernorats. Si Médenine et Gabès ont une densité pas très loin de la moyenne,

Tataouine reste très loin de la densité au niveau national, avec la moyenne de 4 h/km² en

2004.

L'évolution inadéquate de la densité de la population intergouvernorats au Sud-Est

peut cacher une grande disparité à l’intérieur de ceux-ci. Comme partout, les milieux urbains

sont souvent les plus attractifs. Aussi l’existence des pôles administratifs rend ces milieux de

plus en plus peuplés.

La disparité intragouvernorat est nette puisque les grandes villes et surtout les chefs-

lieux des gouvernorats dits les "wilayas", assurant la majorité des services administratifs,

sont les endroits les plus denses.

La densité de la population de gouvernorat de Gabès a connu une modification entre 1984 et

2004. Avec une superficie de 7175 km² et une densité de population de 48 h/km² en 2004, le

nombre d'habitants par kilomètre carré varie d’une ville à une autre au sein du gouvernorat.

La ville de Gannouch fait exception avec une densité de 1194 h/km², elle se distingue de

toutes les autres villes de Gabès et même celles du Sud-Est qui n'ont guère dépassé le seuil

de 500 h/km². Cette densité spectaculaire est forcément due à la petite superficie de cette

ville: 19 km², qui abrite le grand pôle industriel.de la région. Les localités de Gabès-ouest et

Gabès-est viennent en deuxième position avec 336 h/km², ceci est en raison de l’existence de

plusieurs pôles industriels, administratifs et universitaires.

Dans les autres villes, la densité de la population a connu un accroissement à

l'exception de la ville de Matmata où la variation est négative : 17 h/km² en 1984 contre 5

h/km² en 2004. Les habitants quittent cette ville pour s’installer dans d’autres régions leurs

assurant les moyens de subsistance et un meilleur cadre de vie.

Page 288: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________

Carte 9 : Densité de la population de Gabès entre 1984 et 2004.

Le gouvernorat de Médenine, comme on l’a mentionné précédemment, comporte

neuf délégations. La densité de population de Médenine est marquée par une variation moins

importante que celle du gouvernorat de Gabès. En effet, la ville de Djerba avec une

superficie de 494 km², par une densité de 186 h/km² en 1984 et 292 h/km² en 2004, se

distingue par une forte concentration de population notamment dans la délégation de 'Houmt

Essouk'. Au sein de celle-ci, on trouve l'aéroport de 'Djerba Zarzis' et une zone touristique

attirant un nombre de 'Jerbiens' des autres villes qui viennent s'installer pour maximiser

leurs chances de trouver un emploi.

En deuxième place vient la ville de Zarzis, avec une densité assez forte: d’environ 90 h/km²

en 2004. Cette presqu'île se caractérise par des activités agricoles, la pêche et un tourisme en

expansion.

La ville de Médenine qui abrite le siège administratif du gouvernorat se caractérise par une

concentration moyenne de population, tandis que la délégation de Béni Khedach, zone

montagneuse et rurale, se classe parmi les villes de faible densité de population (21h/km²).

En dernier lieu, on trouve la ville de Ben Guerdane qui s’étend sur 60% de la superficie du

gouvernorat avec une densité inférieure à 15 h/km² en 2004.

Page 289: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________

Carte 10 : Densité de la population de Médenine entre 1984 et 2004.

Dans le gouvernorat de Tataouine la variation de la densité de population entre 1984

et 2004 est significative uniquement pour l'agglomération de Tataouine où s’est implanté le

siège administratif de la wilaya. Sa densité est passée de 9 h/km² en 1984 à 15 h/km² en

2004.

Pour les autres villes, cette variation est peu significative. Par exemple dans la délégation de

Ghomrassen, région montagneuse et rurale, le nombre d'habitants par kilomètre carré stagne

autour de 28 h/km². Encore dans la délégation de Remada, zone saharienne rurale, l'aspect

rural confirme la très faible densité de population de 0,4 habitant par kilomètre carré en

2004.

Carte 11 : Densité de la population de Tataouine entre 1984 et 2004.

Page 290: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________

Répartition spatiale de la population.

Pour l’ensemble de notre région d’étude qui compte au total 909 648 habitants en

2004, la population urbaine est de 643 921 individus soit 70,8 % de la population totale. Ce

qui la place parmi les régions les plus urbanisées du pays, le taux de population urbaine pour

l’ensemble de la Tunisie étant de 64,9% (graphique 89).

Graphique 89 : Évolution de taux d’urbanisation entre 1984 et 2004

Source: RGPH 1984, 1994 et 2004

Cependant, cette proportion élevée de citadins pour la totalité de la région cache de

grandes disparités d’une délégation à l’autre. Comme le montre le graphique 90, les citadins

représentent 100% de la population totale pour les trois délégations de Djerba( à Médenine),

la délégation de Ghannouch( à Gabès) et Dhiba( à Tataouine) ; alors que pour les

délégations de Sidi Makhlouf( à Médenine), Menzel Hbib( à Gabès) et Elsmar( à Tataouine)

la proportion des citadins ne dépasse pas 10%.

Carte 12 : Répartition de taux d’urbanisation selon les délégations en 2004.

Source : RGPH 2004.

Page 291: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________

Évolution de la population du Sud-Est tunisien.

La région du Sud-Est qui abrite environ 10% de la population du pays en 2004 a vu sa

population accroître, mais tout de même le rythme de l’évolution reste faible.

En matière de répartition spatiale, on trouve au gouvernorat de Médenine et depuis 1984 une

grande partie de la population du Sud-Est tunisien. Lors du dernier recensement de 2004, ce

gouvernorat abritait au moins 47% des habitants, suivie du gouvernorat de Gabès pour

environ 37% et enfin Tataouine où se concentre 16% de la population.

Pour ce qui concerne la croissance de la population, l'examen du tableau 50, illustrant

la variation de la population du Sud-Est tunisien et ses composantes, montre que cette

évolution a le même rythme dans les trois gouvernorats entre 1984 et 2004. Pour la période

intercensitaire (1994-2004) le gouvernorat de Tataouine connaît le plus faible taux

d’accroissement (0,6 % entre 1994 et 2004).

Cette situation peut s’interpréter par le fait que Tataouine est une zone saharienne et avec

moins de chances de trouver un emploi, ce qui pousse ses habitants à quitter la région pour

s'installer dans les grandes villes. On peut constater facilement que ce taux reste élevé

seulement dans les villes littorales des trois gouvernorats alors qu’il est en baisse dans les

autres villes : plus on s’approche du littoral, plus le taux augmente. Ceci peut montrer que

les villes côtières sont des villes plus attractives si on parle de la migration interne et leurs

populations sont plus fécondes si on parle de natalité.

Tableau 50 : Évolution de la population du Sud-Est et ses composantes de 1984 à 2004.

1984 TAAM 84/94

1994 TAAM 94/04

2004 TAAM 84/04

Gabès 243 630 2,45% 310 272 1,00% 342 630 1,72%

Médenine 300 560 2,52% 385 596 1,15% 432 503 1,84%

Tataouine 100 730 2,99% 135 184 0,60% 143 524 1,79%

Sud-Est 644 920 2,57% 831 052 1,01% 918 657 1,78%

Source : INS, RGPH 1984,1994 et 2004.

Les cartes ci-dessous montrent une disparité de ce taux entre les trois gouvernorats et

les villes du même gouvernorat. On peut constater que ce taux reste élevé seulement

dans les villes littorales des trois gouvernorats alors qu’il est en baisse dans les autres

villes. Plus on s’approche du littoral, plus le taux augmente.

Page 292: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________

Carte 13 : Évolution de taux d’accroissement de la population de Gabès.

Carte 14 : Évolution de taux d’accroissement de la population de Médenine.

Carte 15 : Évolution de taux d’accroissement de la population de Tataouine.

Page 293: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 3 : Présentation de la région du Sud-Est tunisien ________________________________________________________________________

Rapport de masculinité

Au niveau des gouvernorats du Sud-Est, le rapport de masculinité est en légère baisse

depuis 1994. Exception faite pour le gouvernorat de Tataouine où ce rapport est en baisse

continue et atteint même la barre de 88 hommes pour 100 femmes, selon les estimations de

l’INS en 2008. À partir du recensement de la population de 1994, dans la région du Sud-Est,

les femmes sont plus présentes que les hommes qui la quittent vers d’autres espaces.

Le graphique ci-après, présentant le rapport de masculinité par âge en 2004, montre un lien

fort entre cet indicateur et l'âge. Assurément, et dans les trois gouvernorats, le nombre

d’hommes pour 100 femmes entre vingt et soixante ans est inférieur à 100. Ces tranches

d'âges correspondent à la population d'âge actif. En outre, celle-ci est touchée par la

migration.

Graphique 90: Rapport de masculinité selon l’âge en Tunisie et au Sud-Est en 2004

Source : RGPH 2004.

L'autre constat concerne la tranche d'âge de 60 ans et plus. Pour cette catégorie, cet

indicateur dépasse largement 100%, ce qui peut être interprété -à notre avis- par le

phénomène de la migration de retour observée dans la région Sud-Est comparée à

l’ensemble de pays (voir le même graphique). Jadis, pour cette tranche d'âge, les migrations

sont souvent individuelles. C’est-à-dire, autrefois, lorsque l’homme quitte sa ville, il part

sans que sa femme l'accompagne, puis il retourne à la fin de sa vie active, ce qui explique ce

surplus masculin à ces âges.

60

80

100

120

0--4

5--9

10--1

4

15-19

20-24

25-29

30-34

35-39

40-44

45-49

50-54

55-59

60-64

65-69

70-74

75-79

80 +

Gabès Medenine Tataouine Tunisie

Page 294: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 4: Répartition spatiale de l’indice synthétique de fécondité entre 1966 et 2004 ________________________________________________________________________

Annexe : Répartition spatiale de l’indice synthétique

de fécondité entre 9 et

Page 295: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Annexe 5 : Accroissement annuel moyen du nombre des ménages entre 1994 et 2004 ________________________________________________________________________

Annexe : Accroissement annuel moyen du nombre des

ménages entre 99 et

Page 296: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

296

Annexe : Régression logistique

Dans cet exemple nous avons pris comme variable dépendante P40 (Pour votre avenir professionnel vous êtes :0=Plutôt inquiet 1= Plutôt optimiste) ; pour expliquer cette variable nous avons choisis les variable suivantes : S1 : Problème d’orientation (0=non 1=oui). S3 : difficulté de comprendre l’objectif de la formation (0=non 1=oui). S4 : Motivé par la migration (0=non 1=oui). S5 : Finir les études à l’étranger (0=non 1=oui). P1 : Insertion professionnelle (0=Facile 1=difficile). P39 : Préoccupé par l’avenir professionnel (0=non 1=oui). P42 : Pour une femme qui travaille, il est difficile de concilier vie professionnelle et vie familiale (0=pas d’accord 1=d’accord). P43 : Un bon travail et un bon salaire font de vous une personne comblée dans votre famille (0=pas d’accord 1=d’accord). P44 : Une vie familiale heureuse vous aide à avoir une vie professionnelle équilibrée (0=pas d’accord 1=d’accord). P45 Ne pas travailler pèse sur votre famille (0=pas d’accord 1=d’accord). P46 Votre famille vous soutien dans une situation de chômage. Comment trouvez-vous cette situation (0=Gênante1=acceptable). P47 : âge au mariage (0= avant 25ans 1= à partir de 25ans). P48 : Moment du mariage (0 =Trouver un emploi 1=autre ). La mise en œuvre de la régression nous permet d’avoir les résultats suivantes qui sont très faiblement significative pour confirmer la relation entre la variable à expliquer et les variables explicatives.

Récapitulatif de traitement des observations

Observations non pondéréesa N Pourcentage

Observations sélectionnées

Inclus dans l'analyse 359 92,8

Observations manquantes 28 7,2

Total 387 100,0

Observations exclues 0 ,0

Total 387 100,0

a. Si la pondération est activée, reportez-vous au tableau de classement pour connaître

le nombre total d'observations.

Codage de variables dépendantes

Valeur d'origine Valeur interne

0 0

1 1

Page 297: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

297

Bloc 0 : bloc de départ

Tableau de classementa,b

Observations Prévisions

P40 Pourcentage

correct 0 1

Etape 0 P40

0 355 0 100,0

1 4 0 ,0

Pourcentage global 98,9

a. La constante est incluse dans le modèle.

b. La valeur de césure est ,500

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 0 Constante -4,486 ,503 79,594 1 ,000 ,011

Variables hors de l'équation

Score ddl Sig.

Etape 0 Variables

P39 ,610 1 ,435

P42 ,561 1 ,454

P43 1,498 1 ,221

P44 ,290 1 ,590

P45 2,296 1 ,130

P46 ,606 1 ,436

P47 3,243 1 ,072

P48 2,023 1 ,155

P3 1,092 1 ,296

S1 ,137 1 ,711

S3 ,065 1 ,799

Statistiques globales 9,718 11 ,556

Block 1 : Méthode = Entrée

Tests de spécification du modèle

Khi-Chi-deux ddl Sig.

Etape 1

Etape 15,287 11 ,170

Bloc 15,287 11 ,170

Modèle 15,287 11 ,170

Page 298: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

298

Récapitulatif des modèles

Etape -2log-

vraisemblance

R-deux de Cox

& Snell

R-deux de

Nagelkerke

1 28,644a ,042 ,362

a. L'estimation a été interrompue au numéro d'itération 20

parce que le nombre maximal d'itérations a été atteint. Solution

finale introuvable.

Tableau de classementa

Observations Prévisions

P40 Pourcentage

correct 0 1

Etape 1 P40

0 355 0 100,0

1 4 0 ,0

Pourcentage global 98,9

a. La valeur de césure est ,500

Variables dans l'équation

A E.S. Wald ddl Sig. Exp(B)

Etape 1a

P39 ,572 1,242 ,212 1 ,645 1,771

P42 ,262 1,255 ,044 1 ,835 1,299

P43 16,652 3038,206 ,000 1 ,996 17056837,485

P44 16,293 5956,162 ,000 1 ,998 11905669,577

P45 16,522 2732,349 ,000 1 ,995 14970247,796

P46 -,407 1,150 ,126 1 ,723 ,665

P47 8,499 1272,781 ,000 1 ,995 4909,607

P48 -1,591 1,171 1,846 1 ,174 ,204

P3 -,598 ,596 1,008 1 ,315 ,550

S1 ,572 1,193 ,230 1 ,632 1,771

S3 -,729 1,215 ,360 1 ,549 ,482

Constante -66,892 7658,471 ,000 1 ,993 ,000

a. Variable(s) entrées à l'étape 1 : P39, P42, P43, P44, P45, P46, P47, P48, P3, S1, S3.

Page 299: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

299

Liste des tableaux

Tableau 1: Évolution de taux de chômage des diplômés du supérieur(en %) .......................................... 28

Tableau 2: Évolution du taux de chômage selon le niveau d’instruction ................................................ 31

Tableau 3: Évolution de la demande additionnelle pour les diplômés du supérieur ................................ 32

Tableau 4: Évolution de la structure par âges de la population tunisienne à l’horizon de 2029 ........... 62

Tableau 5: Ratio de dépendance démographique en Tunisie entre 1966 et 2039 ................................. 63

Tableau 6 : Évolution de la Proportion des hommes entre 1966 et 2010 (en %) .................................. 64

Tableau 7: Répartition selon l’état matrimonial et le sexe entre 1966 et 2004 ..................................... 70

Tableau 8 : Population de 15 ans et plus selon l'état matrimonial et le milieu de résidence en 1994 .... 71

Tableau 9: Évolution des taux de célibataires (en %) par groupe d’âge .................................................. 73

Tableau 10 : Évolution de l’âge moyen de premier mariage et l’écart d’âge entre époux ......................... 75

Tableau 11 : Évolution de l’âge moyen au premier mariage et de l’écart d’âge entre époux selon le milieu .....75

Tableau 12 : État matrimonial selon le niveau d’instruction et le sexe à l’âge de 15 ans et plus ........... 76

Tableau 13 : Répartition des causes du recul de l’âge au mariage selon le sexe en % ............................. 77

Tableau 14: Évolution de l’indice synthétique de fécondité en Tunisie depuis 1966 ............................. 80

Tableau 15 : Typologie des familles selon l’INS .................................................................................... 83

Tableau 16: Solde de migration interne entre 1979 et 2004 ................................................................ 90

Tableau 17 : Évolution du rapport de masculinité des migrants, depuis 1969 ..................................... 91

Tableau 18 : Migration interne par tranche d’âge (en %) .................................................................... 92

Tableau 19: Structures des migrants (10 ans et plus) selon le niveau d’instruction (en %)..................... 93

Tableau 20: Répartition des migrants tunisiens selon les pays d’accueil en 2006 .................................. 96

Tableau 21: Répartition des émigrés tunisiens selon la raison principale d’émigration (en %) ............... 99

Tableau 22: Réparation des émigrés tunisiens selon le niveau d’instruction (en %) ............................... 99

Tableau 23: Évolution des proportions d’étudiants selon la branche de formation .............................. 119

Tableau 24 : Répartition des diplômés de l’enseignement supérieur selon les cycles entre 1981 et 2005 .. 120

Tableau 25: Évolution des programmes de PAE entre 2005 et 2008 (en million de dinars tunisiens) 131

Tableau 26 : Évolution du taux brut d’activité entre 1975 et 2008 (en %) ...................................... 135

Tableau 27 : Évolution des taux globaux d’activité (en %) ................................................................ 135

Tableau 28 : Évolution de la population des occupés selon le genre ................................................... 139

Tableau 29 : Évolution de la proportion des occupés selon le niveau d’instruction ............................. 140

Tableau 30: Répartition des emplois selon la branche d’emploi .......................................................... 142

Tableau 31 : Évolution de la demande additionnelle moyenne annuelle selon le sexe ......................... 146

Tableau 32: Évolution de la demande additionnelle (15 ans et plus) selon le niveau d’instruction ..... 147

Tableau 33 : Évolution des créations nettes d’emploi selon le niveau d'instruction ............................. 147

Page 300: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

300

Tableau 34: Évolution du nombre de chômeurs par sexe, en milliers .................................................. 149

Tableau 35: Évolution du taux de chômage par sexe entre 1975 et 2011 ......................................... 151

Tableau 36: Répartition des chômeurs selon leurs niveaux d’instruction............................................. 154

Tableau 37: Évolution du nombre de diplômés au chômage ............................................................... 160

Tableau38: Répartition des chômeurs selon les diplômes (en %) ......................................................... 163

Tableau 39 : Répartition des personnes interrogées selon l’institut et le sexe ....................................... 174

Tableau 40 : Répartition des enquêtées selon le groupe d’âge et le sexe ............................................... 178

Tableau 41: Répartition des personnes enquêtées selon la section du baccalauréat et le sexe .............. 180

Tableau 42 : Répartition des formations suivies par les enquêtés selon la série du baccalauréat ......... 182

Tableau 43 : Répartition selon le sexe et l’institut de formation des étudiants victimes d’une mauvaise orientation ......................................................................................................................................... 184

Tableau 44 : Perception de la durée de chômage selon le sexe............................................................. 198

Tableau 45 : Perception de la durée moyenne de chômage selon la CSP des parents ........................... 202

Tableau 46 : Opinions sur l’interaction entre vie professionnelle et familiale selon le sexe .................. 224

Tableau 47 : Connaissance des moyens de contraception selon le sexe ................................................ 242

Tableau 48 : Perception de mobilité selon la catégorie socioprofessionnelle et le sexe des parents ........ 248

Tableau 49: Densité de la population entre 1984 et 2004 ............................................................... 287

Tableau 50 : Évolution de la population du Sud-Est et ses composantes de 1984 à 2004. ................ 291

Page 301: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Liste des graphiques

301

Liste des graphiques

Graphique 1 : Évolution de la population tunisienne entre 1921 et 2011 ___________________ 57

Graphique 2 : Structure par âge de la population tunisienne entre 1966 et 2010 ______________ 58

Graphique 3: Évolution des pyramides des âges pour la population tunisienne entre 1966 et 2004 _ 60

Graphique 4: Projection des pyramides des âges pour la population tunisienne à l’horizon de 2029) _ 61

Graphique 5: Taux de dépendance démographique de la population 60ans et plus à celle 15 et 59ans __ 63

Graphique 6: Rapport de masculinité selon l’âge en Tunisie entre 1984 et 2004 ______________ 65

Graphique 7: Transition démographique en Tunisie ___________________________________ 65

Graphique 8 : Espérance de vie à la naissance en Tunisie depuis 1960 _____________________ 67

Graphique 9 : État matrimonial selon le sexe et l’âge en 2004 ___________________________ 72

Graphique 10 : Évolution de taux de célibataires (en %) par sexe et groupe d’âge ______________ 74

Graphique 11: Évolution des taux de fécondité générale par groupe d’âge en Tunisie (1966-2006) __ 79

Graphique 12: Évolution du nombre et taille moyenne de ménages entre 1975 et 2008 __________ 84

Graphique 13 : Migration intérieure intergouvernorat selon la cause principale (1999-2004) ______ 94

Graphique 14: Réparation des émigrés tunisiens selon le groupe d’âge entre avril 1999 et avril 2004 97

Graphique 15 : Évolution du nombre d’étudiants (en millier) par cycle d’études en Tunisie ______ 107

Graphique 16 : Évolution du nombre d’élèves et d’enseignants du premier cycle _______________ 108

Graphique 17: Nombres d’étudiants du supérieur pour 100.000 habitants__________________ 115

Graphique 18 : Évolution du nombre d’étudiants du supérieur dans l’enseignement global _______ 115

Graphique 19: Proportion d’étudiantes dans l’enseignement supérieur: comparaison internationale _ 117

Graphique 20: Nombre de bénéficiaires de la politique active de l’emploi selon le type de programme 130

Graphique 21: Répartition de la population active selon le sexe __________________________ 134

Graphique 22: Évolution des taux d’activité par âge selon le sexe entre 1984 et 2008 __________ 136

Graphique 23: Répartition des actifs selon le niveau d’instruction entre 1984 et 20 011 ________ 138

Graphique 24 : Évolution de la proportion des occupés selon les groupes d’âge (en %) __________ 140

Graphique 25: Évolution du nombre d’occupés par branche d’activité entre 1984 et 2008 ______ 141

Graphique 26 : Répartition des occupés selon la branche d’activité et le sexe entre 1984 et 2004 __ 143

Graphique 27: Structure de la population active occupée selon le statut dans la profession _______ 144

Graphique 28 : Structure de la population active occupée selon le sexe et le statut dans la profession 145

Graphique 29: Évolution de la demande additionnelle moyenne annuelle ___________________ 146

Graphique 30: Évolution des créations nettes d’emploi et des demandes additionnelles d’emploi de diplômés ________________________________________________________________ 148

Graphique 31: Taux de chômage selon les groupes d’âge _______________________________ 153

Graphique 32: Évolution du taux de chômage selon le niveau d’instruction _________________ 154

Graphique 33: Taux de chômage selon la région ____________________________________ 158

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Liste des graphiques

302

Graphique 34: Répartition de la durée de chômage en 2008 ____________________________ 159

Graphique 35: Chômage des diplômés du supérieur selon le sexe _________________________ 162

Graphique 36: Pyramide des âges de la population enquêtée ____________________________ 178

Graphique 37: Proportion d’étudiants selon le sexe et l’âge au baccalauréat _________________ 179

Graphique 38 : Proportion des personnes enquêtés selon la section du baccalauréat ____________ 180

Graphique 39: Difficulté à comprendre les objectifs de la formation suivie selon le sexe _________ 185

Graphique 40 : Difficultés à comprendre les objectifs de leur formation par les étudiants déçus suite à une mauvaise orientation, selon le sexe ___________________________________________ 186

Graphique 41 : Poursuite des études en troisième cycle selon le sexe _______________________ 187

Graphique 42 : Types de financement des études selon le sexe ___________________________ 187

Graphique 43: Répartition des étudiants enquêtés selon le sexe et la CSP des parents___________ 192

Graphique 44 : Répartition des étudiants enquêtés selon le sexe et le niveau d’instruction des parents 192

Graphique 45: Motifs de la recherche d’emploi selon la perception des étudiants et leur sexe ______ 195

Graphique 46: Perception du travail entre obligation et besoin selon le sexe _________________ 196

Graphique 47 : Projet des étudiants après les études selon le sexe _________________________ 197

Graphique 48: Évaluation d’insertion selon les étudiants selon le sexe _____________________ 197

Graphique 49 : Perception de la durée de chômage selon le sexe et l’établissement _____________ 200

Graphique 50: Perception de la durée moyenne de chômage selon le sexe et l’établissement _______ 201

Graphique 51: Perception du salaire réserve selon le sexe ______________________________ 204

Graphique 52 : Perception des déterminants de l’emploi selon le sexe ______________________ 205

Graphique 53 : Déterminants de l’emploi selon l’institut d’étude _________________________ 206

Graphique 54: Perception du futur poste selon le secteur d’emploi et le sexe _________________ 207

Graphique 55 : Proportion des étudiants motivés par la création d’entreprises selon le sexe _______ 207

Graphique 56 : Perception des obstacles à la création d’entreprises selon le sexe _______________ 208

Graphique 57 : Perception des obstacles à l’accès à l’emploi selon le sexe ___________________ 208

Graphique 58 : Réponses à la question : Comment décrocher un emploi ? Selon le sexe _________ 210

Graphique 59: Proportion de participants au concours de recrutement selon le sexe ____________ 211

Graphique 60 : Perception du degré de difficulté des concours selon le sexe __________________ 211

Graphique 61 : Utilité du stage selon les étudiants selon le sexe __________________________ 212

Graphique 62 : L’importance du stage pour les étudiants selon le sexe _____________________ 213

Graphique 63 : Motif de refus du travail de la femme selon le sexe _______________________ 214

Graphique 64 : Perception du domaine d’activité de la femme selon le sexe __________________ 216

Graphique 65 : Type de discrimination à l’accès à l’emploi selon les étudiants et le sexe _________ 217

Graphique 66 : Les acteurs dans le choix professionnel des jeunes selon le sexe ________________ 219

Graphique 67 : Connaissance d’instruments facilitant l’insertion des jeunes selon le sexe ________ 220

Graphique 68 : Préoccupation sur l’avenir professionnel selon le sexe ______________________ 221

Page 303: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Liste des graphiques

303

Graphique 69 : Sentiments vis-à-vis de l’avenir professionnel selon le sexe ___________________ 221

Graphique 70 : Discussion sur l’avenir professionnel selon le sexe_________________________ 222

Graphique 71 : Durée de fiançailles prévue par sexe__________________________________ 228

Graphique 72 : L’importance de connaître sa ou son futur conjoint(e) _____________________ 228

Graphique 73 : Moment de mariage selon le sexe ____________________________________ 229

Graphique 74 : Autonomie vis-à-vis des frais de mariage selon le sexe ______________________ 230

Graphique 75 : Moyens de recours pour la couverture des frais du mariage selon le sexe _________ 231

Graphique 76 : Critères de choix de futur(e) époux(se) selon le sexe _______________________ 232

Graphique 77 : Âge désiré au mariage selon le sexe __________________________________ 234

Graphique 78 : Cohabitation avec les parents après le mariage selon le sexe _________________ 235

Graphique 79 : Perception du nombre d’enfants entre souhait et représentation sociale _________ 237

Graphique 80 : Déterminants du nombre d’enfants selon le sexe _________________________ 238

Graphique 81 : Préférence de sexe de l’enfant selon le sexe de l’enquêté _____________________ 239

Graphique 82 : Décision concernant le nombre d’enfants selon le sexe _____________________ 240

Graphique 83 : Interruption du travail pour s’occuper des enfants selon le sexe _______________ 241

Graphique 84 : Points de vue des interrogés sur la garde de leurs futurs enfants selon le sexe ______ 241

Graphique 85 : Contraception et religion selon le sexe ________________________________ 243

Graphique 86 : Perception de la mobilité selon les objectifs et le sexe ______________________ 246

Graphique 87 : Perception de la mobilité selon l’établissement fréquenté selon le sexe ___________ 247

Graphique 88 : Perception de la mobilité selon le pays d’accueil et le sexe ___________________ 250

Graphique 89 : Évolution de taux d’urbanisation entre 1984 et 2004_____________________ 290

Graphique 90: Rapport de masculinité selon l’âge en Tunisie et au Sud-Est en 2004 ___________ 293

Page 304: Mutations démographiques et emploi : le cas des étudiants ...

Liste des cartes

304

Liste des cartes

Carte 1: Taux de chômage par gouvernorat entre 2004 et 2008 ....................................................... 150

Carte 2: Taux de chômage masculin par gouvernorat entre 2004 et 2008 ........................................ 151

Carte 3: Taux de chômage féminin par gouvernorat entre 2004 et 2008 .......................................... 152

Carte 3: Taux de chômage selon le sexe et niveau d’instruction (au plus primaire) ............................. 156

Carte 4: Taux de chômage selon le sexe le et niveau d’instruction (secondaire et supérieur) ................ 157

Carte 5 : Découpage administratif du gouvernorat de Gabès ............................................................. 284

Carte 6: Découpage administratif du gouvernorat de Médenine ......................................................... 285

Carte 7: Découpage administratif du gouvernorat de Tataouine ........................................................ 286

Carte 9 : Densité de la population de Gabès entre 1984 et 2004. ................................................... 288

Carte 10 : Densité de la population de Médenine entre 1984 et 2004. ............................................. 289

Carte 11 : Densité de la population de Tataouine entre 1984 et 2004. ............................................ 289

Carte 12 : Répartition de taux d’urbanisation selon les délégations en 2004. .................................... 290

Carte 13 : Évolution de taux d’accroissement de la population de Gabès. .......................................... 292

Carte 14 : Évolution de taux d’accroissement de la population de Médenine. .................................... 292

Carte 15 : Évolution de taux d’accroissement de la population de Tataouine. ................................... 292