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Mutations de l’habitat et système d’assainissement au Nord-Cameroun : le cas de Ngaoundéré III ème DANIEL VALÉRIE BASKA TOUSSIA Département de Géographie, ENS-Université de Maroua, Cameroun, E-mail : [email protected] PAUL BASILE ELOUNDOU MESSI Département de Géographie, ENS-Université de Maroua, Cameroun, E-mail : [email protected] RÉSUMÉ Le disfonctionnement de l’habitat et du système d’assainissement médiocres ne sont pas des phénomè- nes récents au Cameroun. Ils se sont toujours posés avec acuité à Ngaoundéré III ème où le Cadre de vie très peu viabilisé ou peu pensé à l’avance comme l’exige toute politique d’aménagement. Ces phénomènes se sont aggravés dans cette localité sous la pression de l’immigration estudiantine. La demande en logement étant forte et sans cesse en croissance exponentielle, les propriétaires fonciers se sont lancés dans une cour- se effrénée à la construction sur l’espace non lotis avec une occupation dense et anarchique de l’espace. Ce travail montre que les principaux paramètres explicatifs des problèmes d’assainissement que sont la structure et typologie de l’habitat, les équipements relatifs à la viabilisation de l’habitat (voirie, réseau d’électricité, adduction en eau potable, le réseau téléphonique, le bon fonctionnement du système d’assainissement) montrent la nécessité de vivre dans un cadre sain, d’aménager l’espace sur lequel nous vivons ou envi- sageons de nous installer, fut-il avec le minimum de moyen disponible. Mots-clés : Ngaoundéré III ème , mutation de l’ha- bitat, confort, système d’assainissement. ABSTRACT The discomforts of housing and poor sanitation system are not recent phenomena in Cameroon. These are acute problems in the Ngaoundéré III district council where there is no proper planning or prior planning in accordance with any manage- ment policy. These two aspects are aggravated in this locality due to the pressure posed by incoming student population. With the high and ever increas- ing demand of housing, landlords have taken on the construction of houses on unplanned space which lead to disorder and anarchy of the space. This work however tries to demonstrate that the explanatory parameters of houses of sanitation problems which include structure and types of houses, equipment relative to the canalization of houses (roads, electricity network, water adduc- tion, telephone network, the good functioning of sanitation of system) prove the necessity to live in an acceptable environmental framework, manage the space in which we live or envisage to live with the use of every available means. Key words : Ngaoundéré III ème , mutation of habitat, confort, sanitation. INTRODUCTION La poussée démographique pose aujourd’hui un problème de maîtrise de l’aménagement de l’ espace dans les villes africaines. La localité de Ngaoundéré III ème , depuis l’arrêté présidentiel N o 433/ CAB/PR du 04 octobre 1982 portant création de l’Ecole Nationale Supérieur des Ingénieurs Agroalimentaires du Came- roun (ENSIAAC), puis l’implantation de l’Université de Ngaoundéré en 1993 n’échappe pas à cette croissance spectaculaire, vu l’immigration des étu- diants et des populations locales. Cette croissance démographique a un impact sur l’habitat. Ainsi, une observation du paysage de cette localité présente une expansion démesurée de l’occupation de l’es- pace habité. Vu la demande en logement sans cesse croissante à Ngaoundéré III ème et le flux important des étudiants, il ne serait pas superflu de constater que l’habitat a connu et continu de connaître un développement progressif, posant un réel problème

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Mutations de l’habitat et système d’assainissement au Nord-Cameroun : le cas de Ngaoundéré III ème

DANIEL VALÉRIE BASKA TOUSSIADépartement de Géographie, ENS-Université de Maroua, Cameroun, E-mail : [email protected]

PAUL BASILE ELOUNDOU MESSI Département de Géographie, ENS-Université de Maroua, Cameroun, E-mail : [email protected]

RÉSUMÉ

Le disfonctionnement de l’habitat et du système d’assainissement médiocres ne sont pas des phénomè-nes récents au Cameroun. Ils se sont toujours posés avec acuité à Ngaoundéré III ème où le Cadre de vie très peu viabilisé ou peu pensé à l’avance comme l’exige toute politique d’aménagement. Ces phénomènes se sont aggravés dans cette localité sous la pression de l’immigration estudiantine. La demande en logement étant forte et sans cesse en croissance exponentielle, les propriétaires fonciers se sont lancés dans une cour-se effrénée à la construction sur l’espace non lotis avec une occupation dense et anarchique de l’espace. Ce travail montre que les principaux paramètres explicatifs des problèmes d’assainissement que sont la structure et typologie de l’habitat, les équipements relatifs à la viabilisation de l’habitat (voirie, réseau d’électricité, adduction en eau potable, le réseau téléphonique, le bon fonctionnement du système d’assainissement) montrent la nécessité de vivre dans un cadre sain, d’aménager l’espace sur lequel nous vivons ou envi-sageons de nous installer, fut-il avec le minimum de moyen disponible.

Mots-clés : Ngaoundéré III ème, mutation de l’ha-bitat, confort, système d’assainissement.

ABSTRACT

The discomforts of housing and poor sanitation system are not recent phenomena in Cameroon. These are acute problems in the Ngaoundéré III district council where there is no proper planning or prior planning in accordance with any manage-ment policy. These two aspects are aggravated in this locality due to the pressure posed by incoming student population. With the high and ever increas-ing demand of housing, landlords have taken on the construction of houses on unplanned space which lead to disorder and anarchy of the space. This work however tries to demonstrate that the explanatory parameters of houses of sanitation problems which include structure and types of houses, equipment relative to the canalization of houses (roads, electricity network, water adduc-tion, telephone network, the good functioning of sanitation of system) prove the necessity to live in an acceptable environmental framework, manage the space in which we live or envisage to live with the use of every available means.

Key words : Ngaoundéré III ème, mutation of habitat, confort, sanitation.

INTRODUCTION

La poussée démographique pose aujourd’hui un problème de maîtrise de l’aménagement de l’ espace dans les villes africaines. La localité de Ngaoundéré IIIème, depuis l’arrêté présidentiel No 433/ CAB/PR du 04 octobre 1982 portant création de l’Ecole Nationale Supérieur des Ingénieurs Agroalimentaires du Came-roun (ENSIAAC), puis l’implantation de l’Université de Ngaoundéré en 1993 n’échappe pas à cette

croissance spectaculaire, vu l’immigration des étu-diants et des populations locales. Cette croissance démographique a un impact sur l’habitat. Ainsi, une observation du paysage de cette localité présente une expansion démesurée de l’occupation de l’es-pace habité. Vu la demande en logement sans cesse croissante à Ngaoundéré IIIème et le fl ux important des étudiants, il ne serait pas superfl u de constater que l’habitat a connu et continu de connaître un développement progressif, posant un réel problème

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de confort et de système d’assainissement, sans en omettre tous ses corollaires (Mauvaises conditions d’hygiène, individuelle et publique, équipements ina-déquats, demeurent un sujet important de réfl exion. D’où la nécessité de réfl échir sur les mutations de l’habitat et du système d’assainissement au Nord-Cameroun : le cas de Ngaoundéré III ème.

OBJECTIF ET MÉTHODOLOGIE

Un regard synoptique sur les politiques d’amé-nagement, et l’analyses de quelques ouvrages nous laissent voir que le phénomène de confort et d’assai-nissement se sont toujours posés en Afrique. C’est d’ailleurs ce que R. Silas (1986) explique dans « Etat de la population mondiale » lorsqu’il affi rme que la pénurie de logement est effroyable. Les principaux matériaux utilisés sont les caisses d’emballage, les feuilles en matière plastique, les feuillages et la terre battue. Certes les habitations n’ont pas cette physionomie à Ngaoundéré IIIème.

Cette situation nous permet de constater que faute des techniques d’encadrements suffi sants et de moyens fi nanciers, l’Etat n’arrive pas à contrôler la croissance exponentielle des constructions. Ainsi, il tend à laisser l’habitat spontané, sans confort et insalubre se développer ; quitte à inciter plus tard les habitants à améliorer leur cadre de vie.

Chrispin Pettang (1998) montre que l’ineffi cacité des stratégies de production de l’habitat en qualité et en quantité suffi sante a poussé plus les populations à occuper des terrains de manière anarchique pour y bâtir des logements sommaires. Pour lui l’habitat spontané, l’absence du réseau viaire, d’équipement en réseau, d’eau potable et d’électricité caractérise certaines zones d’habitation. Il montre que la déva-luation du franc CFA en 1994 a entraîné une aug-mentation du coût de production de l’habitat de l’ordre de 30 à 40% et propose pour cela des logements en argile et en pierre dans les provinces septentrionales du Cameroun, des logements en « Poto-poto » ou en brique de terre dans les provinces du centre-sud à cause de l’abondance de la latérite et du Bois. Ce qui a entrainé des effets néfastes sur la qualité du cadre de vie de la population.

Gondolo (1978) fait état de l’évolution profonde de Ngaoundéré depuis une vingtaine d’années (1950-1976). Ainsi, il met l’accent sur les modifi cations de

la physionomie générale de la ville y compris les mutations architecturales au cours de ces années. Esse Ndjeng (1997) insiste sur la planifi cation de l’habitat selon les quartiers de la ville de Ngaoundéré, présente sa structure et ses équipements.

Dans l’ensemble, il importe de souligner que ces auteurs ont mis l’accent sur les formes architecturales qu’ont entraîné les diverses mutations en laissant de côté la qualité du cadre de vie, objet ce cette présente étude. Les problèmes d’assainissement posent une question capitale du management de l’espace de nos jours. C’est-à-dire un problème de gestion ordonnée et contrôlée de l’espace dans le cadre des lotissements garantissant un cadre de vie convenable. Cela suppose un système d’assainis-sement adéquat reposant sur un bon drainage des eaux usées, collecte facile des ordures ménagères, une bonne disposition des latrines loin des ruelles, facilité d’adduction d’eau potable, connections au réseau électrique. On se demande si les politiques en matière d’habitat prennent en compte la salubrité du cadre de vie, les conditions d’habitation et le niveau d’équipement. A ce titre quels sont les para-mètres explicatifs du confort et de l’assainissement à Ngaoundéré IIIème ?

Ce travail vise à analyser et dégager les prin-cipaux paramètres explicatifs des problèmes d’as-sainissement et leurs impacts sur le cadre de vie et des populations de l’espace étudié. Il s’agit aussi montrer la nécessité de vivre dans un cadre sain et bien aménagé.

Pour mieux cerner les contours de ce sujet nous avons axé la démarche méthodologique sur deux types d’observations : L’observation préparée et l’observation armée.

L’observation préparée nous a permis de faire la recherche documentaire pour avoir des connaissan-ces approfondies sur les questions liées à l’habitat.

S’agissant de l’observation armée, nous avons effectué une descente sur le terrain dans le but d’ob-server directement le phénomène de confort et les problèmes d’assainissement de l’habitat. Ce qui nous a permis de voir l’état précaire de certains logements, les eaux usées qui serpentent les ruelles, les ordures ménagères jonchant les alentours des habitations, le problème d’adduction d’eau potable. L’état des logements participe à l’insalubrité tant individuelle

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que publique. Nous avons poursuivi cette observation en constituant un échantillon de 200 individus tirés au hasard regroupant aussi bien les propriétaires fonciers locaux et étrangers, les étudiants, ainsi que les autres locataires. Nous avons obtenu des infor-mations tant qualitatives que quantitatives illustrées par nos tableaux, fi gures et prises de vue auprès de tous ces acteurs.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

NGAOUNDÉRÉ III ÈME : ESPACE D’ÉTUDE ET ÉVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE

L’arrondissement de Ngaoundéré IIIème qui se situe sur la nationale No 1 en direction de la région Nord du Cameroun. Cette localité est limitée au Nord par Ma-lang, au Sud par le terroir de Mbi-Djoro, à l’Est par Bi-dou-Bini, et à l’Ouest par le lac Bini. Dang appartient au département de la Vina dans la région de l’Adamaoua qui s’étend entre le 6ème et le 8ème degré de latitude nord et les 11ème et 16ème degré de longitude est. Cette loca-lité doit son nom au lac Dang et sa création remonte à l’époque coloniale. Pendant la période post coloniale la population vivait en habitat dispersé dans les zones environnantes de l’actuel Ngaoundéré IIIème.

D’après le chef (Djaouro Ousmanou Iya), c’est l’administration coloniale française qui a contraint les premiers habitants de Ngaoundéré IIIème à venir s’installer dans les zones facilement accessibles, abandonnant ainsi leur ancien site. Cette installation s’est faite en trois vagues. La première sous la conduite du Djaouro Hamayadji en 1957 s’est implantée à Bidou-Bini près du lac Dang.

La deuxième vague suivra quelques mois plus tard sous la conduite du Djaouro Sambo en provenance de Mawi pour s’installer à l’actuelle Bini (Mawi2) et la dernière vague sous la direction du Djaouro Tafi da va s’implanter à Malang, constituant donc ainsi l’ensemble de la localité de Ngaoundéré IIIème. Au fur et à mesure que les années vont passer, la croissance tant démographique que spatiale de l’espace bâtis va croitre avec l’implantation de l’école nationale supérieure des ingénieurs agroalimentaire en 1982.

Cette augmentation de la population va s’activer en 1993 avec l’arrivée de l’institution universitaire de Ngaoundéré. Ainsi, on notera une croissance accélérée de la population dont la conséquence est la spéculation foncière sur l’espace constructible.

Source : Laboratoire de Géomatique, Université de N’Gaoundéré. Adaptation : Baska, Mars 2011Figure 1. Localisation de l’espace d’étude

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De manière générale, la population de Ngaoun-déré IIIème a connu une évolution croissante au cours du temps comme nous l’indique le tableau 1.Tableau 1. Evolution de la population locale de

Ngaoundéré IIIème de 1982 à 2008 selon les secteurs

Années

Secteur

Nombre d’habitants par année

1982 1996 1998 2002 2004 2006 2008

Mawi (Bini) 100 250 693 1203 1286 1340 1510

Dang 94 624 648 1634 1720 1732 1749

Malang / 101 144 194 240 268 342

Total 294 975 1485 3031 3246 3340 3601

Source : Service des recensements Mairie de Ngaoundéré IIIème

On note une cohabitation pacifi que entre les diver-ses ethnies venant de tous les horizons du Cameroun. A coté des camerounais, il existe les ressortissants d’autres pays, tels que les tchadiens (Ngambaye, Laka, Sara) et les centrafricains. La fi gure 2 nous présente à titre d’illustration une répartition ethnique de la popula-tion de Ngaoundéré IIIème d’après un échantillon tiré au hasard de 200 individus.

Figure 2. Répartition ethnique de la population de Ngaoundéré IIIème d’après un échantillon de 200 individus

C’est une population cosmopolite qui vit dans une atmosphère conviviale où règne la solidarité et l’entraide, bien-être entre les étudiants et les autoch-tones. Il n’est pas exclus que les divergences de point de vue, d’opinion qui font le quotidien des relations entre les hommes puissent se manifestés de temps à temps sans pour autant rompre la dynamique des relations non confl ictuelles entre ces populations.

LES TRANSFORMATIONS DE L’HABITAT À NGAOUNDÉRÉ III ÈME : STRUCTURE ET TYPOLOGIE

Deux étapes vont ponctuer cette partie. Il s’agit dans une première étape de faire une étude afférente aux matériaux de construction et dans la deuxième, analyser le confort des domiciles en faisant une typologie des logements.

Précisons qu’au niveau des matériaux de construction, il y a également des mutations profon-des. En effet, avant l’implantation de l’Université de Ngaoundéré, l’habitat était traditionnel. On trouvait beaucoup plus de cases occupées par les popula-tions autochtones. Les matériaux de construction étaient prélevés directement dans la nature : terre battue, briques de terre, perches et piquets, paille (liparenia diplandra). Les perches et piquets servaient à monter la charpente sur laquelle venait se reposer la paille (qui sert de toiture à la case).

La terre battue ou les briques de terre servaient à l’élévation des murs. Tous ces matériaux permet-taient d’avoir des cases d’une architecture originale, attirante et jolie pour le regard. Or, une habitation de ce type ne répondait pas aux populations im-migrantes composes pour la plupart des étudiants. Ces cases sont jolies et refl ètent la culture du milieu, mais il faudrait cependant noter que l’avènement de l’Université de Ngaoundéré, une mutation va s’opérer en entrainant une transformation de l’habitat pour répondre à l’attente des populations immigrantes, no-tamment celle des étudiants en quête de confort.

Ainsi, les propriétaires fonciers vont chercher à utiliser des matériaux appropriés pour répondre aux exigences des locataires. A ce titre, de nouveaux logements vont s’ajouter aux sarés1 traditionnels. Ces nouveaux logements sont construits en dur et semi-dur.

Ainsi, l’habitat va connaître une transformation très rapide avec l’émergence des mini-cités exigean-tes en espace constructible. Notre analyse n’a pris en compte que les principaux matériaux qui contribuent à l’élévation des murs et à la couverture des toitures. Il s’agit : des briques de terre, des parpaings, des tôles ondulées, du fer à béton, des carreaux, de la chaux, de la peinture, du ciment, des lattes, des chevrons et des planches.

1- Concession composée de plusieurs cases en langue locale peulh.

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A titre d’illustration, le ciment a pour but la com-pacité du sable et est nécessaire à l’élévation des murs, au dallage du sol, au crépissage des murs et au montage du béton. La chaux et la peinture servent à embellir les habitations.

De manière générale on note que la brique de terre est le matériau d’élévation des murs le plus utilisé parce que moins coûteux, tandis que la terre battue est complè-tement en recul et le parpaing d’une utilisation moyenne. Pour ce qui est des toitures, la tôle est utilisée en majorité et la paille en recul. Elle ne sert plus qu’à embellir les lieux de détente, des chefferies traditionnelles et des clôtures des Sarés périphériques qui résistent encore à la trans-formation architecturale. Le tableau 2 illustre la répartition de l’habitat en fonction des matériaux de construction pour un échantillon de 200 logements enquêtés.

Tableau 2. Répartition statistique des logements en fonction des matériaux de construction à Ngaoundéré IIIème

Nature des matériaux de construction

Nombre des habitations

Pourcentages (%)

Briques de terre et paille 24 12

Briques de terre crépis au ciment et tôles ondulées

120 60

Parpaings, tôles et bétons (bâtiments en hauteurs)

17 8,5

Parpaings et tôles 39 19,5

Total 200 100

Source : Enquête de terrain, avril 2010.

Le changement des matériaux de construction permet de comprendre le processus d’urbanisation entrepris dans la dite localité. Ces matériaux confè-rent à l’habitat de nouvelles formes architecturales avec un confort et un système d’assainissement plus ou moins approprié selon les types d’habitation.

S’agissant de la typologie de l’habitat (Tableau 3), on note que les matériaux de construction ont été à la base du dénombrement des logements. Ainsi trois groupes de domiciles ont été constitués : les logements en briques de terre battue au chapeau de paille qui sont en net recul (12%) ; les logements en briques de terre, crépis et couvert de tôles ondulées qui prédominent dans la dite localité (60%) et les logements en parpaings en nette croissance vu le

nombre élevé d’habitations en construction actuel-lement (19,5%) (Tableau 2).Tableau 3. Les types d’habitation à Ngaoundéré IIIème

Type de logement Mawi 2 (Bini) Dang Malang Total

Les mini-cités ou logements collectifs en fonction du nombre des chambres

2180 713 107 3000

Les logements en hauteur 3 3

Les logements traditionnels 124 253 42 419

Les logements unis familiaux modernes 85 111 13 209

Total 2392 1077 162 3631

Source : Enquête de terrain 2009 et Service des recensements Mairie de Ngaoundéré IIIème

En examinant ces types de logements, il apparaît une émergence des mini-cités avec 3000 chambres recensées par la Mairie, qui d’après son chef de service2 devrait prélever 2000 FCFA par chambre auprès des bailleurs des mini-cités pour assainir la localité. Ce phénomène de prédominance des mini-cités trouve son explication avec l’arrivée massive des étudiants estimés à 9000 environs (Direction des Œuvres Universitaires en 2008). Le secteur de Bini totalise 2180 chambres par rapport à Dang et Malang qui ont respectivement 713 et 107 chambres. Le nombre élevé de chambre à Bini est dû à la proximité de l’Université d’une part et l’éloignement d’autre part de l’Université avec Dang et Malang, fi ef de la plupart des autochtones et des travailleurs de petits métiers, justifi ent le faible nombre de chambre dans ces quartiers.

Nous avons aussi une autre classification des habitations faites de parpaings. Ce sont les maisons modernes. On note aussi des cases abritant les populations et quelques étudiants. Ces cases sont entourées d’enclos subdivisés en espace ouvert aux visiteurs et en espace fermé. Les concessions modernes qui sont généralement des maisons avec des espaces pour la cour, les jardins, sont habitées par les prestataires des services, les religieux et quelques enseignants. Il existe aussi les maisons collectives qui sont les repères d’étudiants. Les cases traditionnelles, les logements modernes confèrent à ces populations, des fonctions d’habitation (Planche 1).

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BA

DC

E

La planche 1. Nous présente quelques types de lo-gement présents à Ngaoundéré IIIème. La photo A et B nous présente les logements de types traditionnels faits de toits en paille (quartier Malang). Ces cases sont en cours de disparition actuellement, laissant

place à la modernité avec des logements en hau-teur, des mini-cités ou logements collectifs et des logements unis familiaux modernes (photo C, D et E) à Bini-Dang.

Planche 1. Type de logement à Ngaoundéré IIIème

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QUELQUES ÉQUIPEMENTS RELATIFS À LA VIABILISATION DE L’HABITAT À NGAOUNDÉRÉ IIIÈME

Cette partie consacrée à l’étude des équipements nous permet de faire ressortir les mécanismes mis en jeu pour avoir un cadre de vie décent. Déjà Claude Cabanne (1984) désignait les équipements comme l’ensemble de tous les bâtiments et installations à gestion publique ou privée qui assurent les services à la population. Ici, les équipements dont il est question sont ceux qui permettent l’éclairage, le ravitaillement en eau potable des domiciles, la desserte de la localité.

La voirie de Ngaoundéré IIIème

Les voies de desserte ouvertes à Ngaoundéré IIIème ne relèvent pas des services de la municipalité. Elles ont été ouvertes suite à l’occupation anarchique de l’espace pour les constructions des logements par les propriétaires fonciers ; chacun réservant une infi me partie de son lot pour la circulation. C’est à ce titre qu’on observe quelques ruelles de desserte. Ces voies relient les domiciles à la route nationale N°1. A part ce tronçon qui traverse toute la localité, les autres ruelles serpentent les habitations et sont impraticables en saison de pluies. Certaines de ces ruelles sont carrossables et d’autres non. L’enclavement des quartiers constitue d’ailleurs un problème majeur pour les populations surtout estu-diantines qui se ruent vers les domiciles en bordure de la route nationale afi n d’éviter la boue et arriver le plutôt possible sur le campus universitaire. Or, en périphérie, on observe des servitudes boueuses et diffi cilement praticables, participant ainsi à l’inconfort du cadre de vie et à une occupation désordonnée de l’espace ainsi qu’à son organisation. Cette diffi culté est liée au manque de moyens matériels et fi nanciers pour désenclaver suffi -samment la localité. D’ailleurs, des travaux techniques ont été amorcés en 2006 et 2007 dans le sens du dé-senclavement par la municipalité et les travaux avancent cependant timidement jusqu’à ce jours.

Le réseau d’électricité, les points de ravitaillement en eau potable et le réseau téléphonique

Ngaoundéré IIIème est raccordée au réseau élec-trique d’AES-SONEL2 depuis 1982 et s’est intensi-fi é avec l’arrivée de la ligne de Lagdo en 1999. On

2- Société en charge de la production et de la distribution de l’électricité au Cameroun.

note à la date du 27 mai 2006, 807 branchements d’après le chef de service de la distribution, 691 abonnés seulement honorent leur engagement vis à vis d’AES-SONEL tandis que 116 branchements sont non fonctionnels. L’expansion des logements étant sans cesse en augmentation, cette société d’électricité n’arrive pas toujours à répondre à la demande d’abonnement des logements. Ainsi, ce réseau électrique n’ayant desservis qu’une partie de Dang, a engendré une division de la localité en deux zones : une zone centrale Bini, avec des concessions qui jonchent la route nationale directement alimentée par AES-SONEL ; et une zone périphérique où les domiciles sont éclairés grâce à des branchements in-termédiaires auprès de ceux ayant bénéfi cié des ins-tallations. Un surplus du prix du kilowatt est négocié entre ces propriétaires et les clients intermédiaires. L’électricité est une intégrante du confort de l’habitat et il n’est pas du tout aisé de vivre dans l’obscurité surtout à proximité d’une institution universitaire.

Ngaoundéré IIIème est raccordé au réseau de la société nationale des eaux du Cameroun SNEC. A ce niveau, c’est une gamme de privilégiés qui sont connectés à ce réseau. Sur 200 individus enquêtés, 19 logements sont connectés à ce réseau. Le reste des domiciles sont ravitaillés à travers des puits et forages. On dénombre 11 forages à Dang, œuvre des bailleurs de fonds et partenaires des pouvoirs publics pour une contribution de 10% des populations bénéfi ciaires. Ces eaux sont à usage domestique et buvable. La majorité de la population se ravitaille au niveau des forages. A coté de ceux-là, certains ménages utilisent de l’eau des puits stérilisés à l’eau de javelle ou non (Planche 2). C’est ce que récapitule le tableau 4 suivant pour un échantillon de 200 individus enquêtés.Tableau 4. Les points de ravitaillement en eau des

populations de Ngaoundéré IIIème

Point de ravitaillement des habitants en eau Effectifs Pourcentages

(%)

Branchement des habitations à la SNEC 19 9,5

Forages 120 60

Puits 61 30,5

Total 200 100

Source : Enquête de terrain, avril 2010.

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A

B

C

D

La planche 2 nous fait état des points de ravitaille-ment des populations en eau. Nous avons des fora-ges qui viennent compléter l’insuffi sance du réseau de la camerounaise des eaux avec la présence des forages (photo A) et la forte présence des puits à Malang (Photo B, C et D).

Planche 2. Forage (photo A) et puits à ciel ouvert (photo B, C et D) comme points de ravitaillement en eau à Ngaoundéré IIIème

Le réseau de téléphonie fi xe est aussi une marque du confort de l’habitat parce qu’il facilite la communica-tion et les branchements parallèles tels que l’Internet. Il n’est cependant pas fourni car sur 26 connections téléphoniques, on dénombre 11 branchements pour les services publiques (Université de Ngaoundéré) et 15 branchement privés en 2000. Il n’en reste aujourd’hui que 07 lignes en état de fonctionnement (annuaire CAMTEL 2000 et 2009). La tendance est donc orientée vers le cellulaire plus pratique et accessible facilement.

Dans l’ensemble, malgré la transformation de ce milieu rural, l’habitat à Dang reste généralement peu confortable au vu des matériaux de construction. Les voies d’accès sont diffi cilement praticables. Toutefois, depuis 2008, les travaux d’extension du réseau d’ad-duction d’eau potable et du réseau d’électricité sont entrain d’émerger. Aussi les nombreux chantiers de construction sont faits de matériaux moyennement appropriés. Ces quelques éléments contribuent à améliorer le niveau de vie des populations. Cette consolidation de l’habitat de part son niveau de réseau viaire et son système d’assainissement nous permet-trons de mieux saisir l’ampleur de ce phénomène.

LES PRINCIPAUX PARAMÈTRES EXPLICATIFS DU CONFORT ET DES PROBLÈMES D’ASSAINISSEMENT À NGAOUNDÉRÉ IIIÈME

Nous voulons mettre en exergue les éléments qui nous permettent d’analyser le degré de confort de l’habitat, l’état des lieux du cadre de vie, de dégager les causes de l’inexistence ou de la défectuosité du système d’assainissement à Ngaoundéré IIIème, voire son impact sur l’espace et les populations.

Notre réfl exion portera sur les niveaux de confort de l’habitat en nous intéressant aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des logements.

Les niveaux de confort de l’habitat

L’aspect extérieur des habitations

L’attention a été portée sur les matériaux de construc-tion qui contribuent beaucoup plus à différencier les habi-tations les unes des autres. Il s’agit par exemple de la ma-tière utilisée pour la fermeture des ouvertures, de la taille de ces logements et de la forme de leurs toitures. Pour la fermeture des portes, l’usage du fer est utilisé et traduit par là le degré de sécurité et d’aisance contrairement à celui des logements fermés à l’aide du bois précaire.

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Cet aspect extérieur des habitations se maté-rialise aussi par la taille, la hauteur et l’emprise des investissements, des moyens mis en jeu pour monter l’édifi ce. A ce titre, une habitation spacieuse, vu de l’extérieur est signe d’aisance. S’agissant de la forme des toitures, son bardage est signe de protection et d’embellissement quoique plus consommateur en tôle. On décèle ainsi trois niveaux de confort : l’habitat confortable, l’habitat inconfortable et l’ha-bitat moyennement confortable ou intermédiaire. Cette catégorisation sera plus explicite en prenant en compte l’aspect intérieur.

L’aspect interne des maisons

Nous tenons à préciser qu’il n’était pas facile d’avoir accès à l’intérieur des logements car c’est le cadre in-time des individus. Celles que nous avons pu visiter sont peu nombreuses. Ainsi lors de nos observations, nous sommes parvenus à dégager une typologie des chambres pour montrer ce degré de confort selon la qualité des équipements sanitaires, l’esthétique, bureaux d’étude, cuisine, literie, adduction d’eau des chambres. Le tableau 5 nous fait état de la qualité des chambres pour 200 individus enquêtés.

Tableau 5. Types de chambres en fonction des qua-lités intérieures

Types de chambres Qualités intérieures Effectifs Pourcentages

(%)

Chambres de premier rang

Sans douche intérieure et peu spacieuse, sans branchement d’eau

47 23,5

Chambres de second rang

Sans douche interne mais avec bureau d’étude, sans branchement d’eau moyennement spacieuse, avec ou sans lit +penderie

105 52,5

Chambres de troisième rang

Douche interne + lit + bureau d’étude + penderie + spacieuse, sans cuisine + branchement d’eau

31 15,5

Chambres quatrième rang

Sol carrelé + douche interne + literie + bureau d’étude + penderie + cuisine et spacieuse

17 8,5

Total 200 100

Source : Enquête de terrain, avril 2009.

On note que la plus grande concentration des étudiants s’observe dans les chambres de second rang, ceci à cause du coût élevé des chambres confortables. Ce qui nous pousse à affi rmer que les investisseurs dans la majorité des cas ont pour seul objectif l’intérêt comme nous l’indique la plupart des étudiants qui dit que « le souci de tout investisseur est de tirer le maximum de profi t de ses réalisations en moins de temps même si celles-ci ne garantis-sent pas toujours le confort souhaité exigible par les locataires ». Dans l’ensemble, nous observons aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur que :

- L’habitat confortable est composé des domiciles aux fermetures faites d’antivols, des persiennes entourées d’un bardage protecteur au niveau des toitures relativement hautes et assez grandes par rapport à leur emprise au sol. Elles sont constituées de chambres spacieuses avec un minimum d’équi-pements : douche interne, sol carrelé, eau potable, cuisine, bureau d’étude. Ce type de chambre est plus rencontré à Bini.

- L’habitat intermédiaire ou moyennement confor-table est constitué de logements qui ne réunissent pas tous les critères d’un domicile confortable. Lors-que ces logements sont bien élevés, ils sont parfois fermés précairement. Ce type est beaucoup plus rencontré à Dang.

- L’habitat inconfortable ou précaire, se caracté-rise par l’utilisation des fermetures précaires moins spacieuses. Les chambres sont sans minimum d’équipements, parfois entourés de broussaille.

ETAT DES LIEUX DU SYSTÈME D’ASSAINISSEMENT À NGAOUNDÉRÉ IIIÈME

La forte présence des déchets solides des ménages

On observe que les alentours des habitations sont débordés d’immondice de déchets solides de toute nature : détritus d’aliments, boite de conserves, bouteilles, papiers …Ces alentours sont de véritables décharges sauvages des ménages (planche 3).

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A

BSur ces deux photos, nous observons des décharges sauvages autour des concessions Malang (photo A) et autour de la résidence universitaire bloc C (photo B).

Planche 3. Décharges des ordures ménagères à Bini-Dang

Certains à défaut de jeter autour de leur domicile, les déchargent sur les ruelles. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas de bacs à ordures. Et lorsqu’il en existe, les habitants les laissent se remplir jusqu’à ce que ces ordures se versent par terre et deviennent des vecteurs de maladies.

Les eaux usées

Pour ce qui est des eaux usées issues des mé-nages et des latrines, elles serpentent les ruelles de Dang créant des bourbiers aux odeurs nauséa-bondes. Les eaux souillées des ménages (Eau de cuisine, des salles de bains, des nettoyages divers) constituent approximativement plus de 2/3

du volume des eaux usées domestiques qui renfer-ment des matières en suspension et des matières dissoutes organiques (Responsable Hysacam3). Elles affectent négativement ces eaux sur le milieu naturel et posent ainsi les problèmes fondamentaux de l’assainissement à Ngaoundéré IIIème. Il en est de même des eaux pluviales qui, n’ayant pas des drains d’évacuation, se fraient un passage dans la nature laissant des bourbiers favorables à l’éclosion des agents pathogènes vecteurs des maladies. Sur la planche 4, nous avons des exemples illustrant la situation de ces eaux à Dang.

A

B

Ces eaux souilées sont situées à proximité des concessions à Malang (Photo A et B).

Planche 4. La présence des eaux autour des conces-sions à Malang

Cet état des lieux nous laisse voir une situation d’in-salubrité très remarquable qui mérite d’être relevée.

Premièrement, nous avons les facteurs endo-gènes. Il s’agit de la pression démographique, de la forte compétition de l’occupation de l’espace et de

3- Société Hygiène et salubrité du Cameroun en charge de la collecte et du ramassage des ordures.

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l’incivisme des populations. La pression démogra-phique qu’on observe à Ngaoundéré est à l’origine de la pression, de l’extension continue et démesurée de cet espace. Le volume des ordures et des eaux souillées augmente proportionnellement avec l’éten-due de la localité et le nombre de ses habitants. Avec la poussée démographique, on observe de nom-breuses immondices à travers la ville. Cette situation peut aussi être imputée à la mentalité de certains habitants. L’augmentation de l’insalubrité est aussi liée en partie à la mentalité rétrograde d’une partie de la population. C’est le cas par exemple des étudiants qui au travers de leurs fenêtres jettent les ordures ménagères aux alentours de leurs concessions, alors qu’il y a des bacs de collecte des ordures. Il en est de même des habitants qui acceptent de vivre dans la broussaille sous prétexte de n’avoir pas de temps pour mettre la propreté autour de leur logement. Nous voyons donc que cette mentalité participe à l’amplifi cation de l’insalubrité.

Deuxièmement, nous avons les facteurs exogè-nes. Il s’agit du coût élevé d’une construction confor-table et de la défaillance institutionnelle. Le coût de construction d’une habitation descente est très élevé. Les acteurs expliquent cette situation par le fait que les matériaux de construction sont très coûteux et l’acquisition d’un lot est un véritable calvaire. Donc, une fois cette acquisition faite, il faudrait la mettre au maximum en profi t en construisant assez de cham-bres négligeant ainsi le volet assainissement.

De ce fait, il n’y a plus d’espace pour drainer les eaux souillées. S’agissant de la défaillance institu-tionnelle, il faut noter que les problèmes d’assainis-sement incombent a priori à la municipalité qui doit s’occuper de la politique d’équipements à mettre en œuvre pour avoir un milieu confortable et salubre à travers les installations de décharge des canaux appropriés de drainage. Or à Ngaoundéré IIIème, ce service est non fonctionnel. La mairie se contente des taches essentiellement administratives à savoir gérer les actes d’état civil, reléguant à l’arrière plan le coté assainissement. Il ya des actions anodines de temps en temps avec l’arrivée de Hysacam qui s’attèle à mettre de la propreté, mais généralement le long de la Nationale N°1. Cette faiblesse des autorités municipales à assurer la sensibilisation des populations dans le but d’assainir leur cadre de vie est très notoire et contribue ainsi à rendre inconfor-table les habitations.

Impact de la défectuosité et de l’inexistence d’un Système d’assainissement adéquat sur l’espace et le cadre de vie des habitants

Il s’agit de l’insalubrité et tous ces corollaires sans oublier les problèmes environnementaux.

La principale conséquence de l’inexistence d’un système d’assainissement est l’insalubrité. Cette insalubrité a pour corollaire les mauvaises odeurs, la prolifération des insectes et des maladies. Mouhama-dou Toulouse en service au centre socio médical de l’Université de Ngaoundéré affi rme que la négligence dans la gestion des poubelles, les eaux périphériques et stagnantes, la petite broussaille négligée autour des habitations sont des repères des agents patho-gènes vecteurs de plusieurs maladies (Paludisme, fi èvre typhoïde, problèmes pulmonaires, verminoses, les infections dermatologiques (fi gure 3).

Source : Laboratoire Centre Socio Médical de l’Uni-versité de Ngaoundéré (2009) de Ngaoundéré IIIème

Figure 3. Répartition statistique des maladies récurren-tes liées à l’insalubrité à Ngaoundéré IIIème

Les ordures et les usées domestiques s’accom-pagnent généralement des problèmes environne-mentaux. Les eaux usées domestiques renferment essentiellement les produits organiques biodégrada-bles caractérisés par des taux d’azote ammoniacal élevés. La présence de ces micro-organismes permet d’entamer un processus de dégradation anaérobie affectant le sol. Ngaoundéré IIIème n’échappe pas à

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cette réalité. Tchotsoua (1998) affi rme que le biogaz qui se forme à l’intérieur des tas des déchets ménagers engendrent des nuisances sanitaires et contribuent à la détérioration des ressources naturelles. La nature même de certains de ces déchets très dangereux pour le sol. Il s’agit des plastics d’emballage diffi cilement re-cyclable. Ces exemples montrent comment ces ordures que nous négligeons autour des habitations sont très nocives pour notre environnement. Tous ces éléments mis en exergue nous amène à faire des propositions de solution en matière de confort de l’habitat et des problèmes d’assainissements.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Après avoir fait l’état des lieux de l’habitat tant sur le plan du confort que du système d’assainissement, on retient que les eaux usées qui serpentent les ruelles, les ordures ménagères qui jonchent les alentours des habitations, le diffi cile problème d’accès aux domiciles, les problèmes d’adduction en eau potable et la précarité de certains matériaux de construction participent du ca-dre de vie à Ngaoundéré IIIème. En outre, la physionomie désorganisée de l’espace constructible résultant de la forte compétition de l’occupation de l’espace est une cause d’inconfort et des problèmes d’assainissement à Ngaoundéré IIIème. A ce titre, pour améliorer le cadre de vie, les propriétaires fonciers gagneraient à construire quel que soient les matériaux utilisés avec beaucoup plus de précautions. Ils doivent surtout s’adresser aux techniciens du génie civil, aux architectes qui ont été formé pour les questions de logements. Ils doivent évi-ter de bâtir leur édifi ce sur les spéculations incertaines des « petits bricoleurs du coin ». Ainsi leurs habitations respecteront au moins un minimum de confort.

De manière collective, s’agissant des eaux usées domestiques, il importe simplement de construire des égouts capables de recevoir les eaux usées de toutes les habitations. Une autre recommandation consiste à désinfecter les eaux usées qui stagnent près des habitations, détruisant les larves et œufs des insectes vecteurs de maladies ou encore à monter des stations d’épuration qui selon l’avis des experts en la matière permet d’épurer les eaux souillées par les plantes appropriées. Aussi, la Municipalité doit se doter d’une cellule chargée de la gestion des ordures ménagères.

Outre cela, une sensibilisation des habitants sur la nécessité de jeter les ordures dans les décharges est d’un apport très indicatif. La collectivité locale doit

adopter une approche participative en impliquant dans la gestion des ordures les populations locales. Il ressort aussi qu’à Ngaoundéré IIIème, la municipalité ne dispose pas des données récentes sur l’étude de l’habitat. C’est la raison pour laquelle cette étude vise la sensibilité des populations concernées et des décideurs (municipalité, administration de tutelle) afi n qu’ils en fassent une priorité dans leur plan d’action à cours terme car, toute procédure d’amélioration du cadre de vie des populations sera plus complexe et onéreuse ultérieurement.

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