musiques d'aujourd'hui du 20 mars au 1 avril 2001 · 5 jeudi 29 mars salle ernest-ansermet anges...

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1 programme Préambule 20 mars - Piano là ! 21 mars - Phonola in my Head 21 mars - Desert Music 22 mars - Galina Oustvolskaïa 23 mars - Anches libres 24 mars - Ensemble Contemporain du Conservatoire 24 mars - Paroles d’Utopie 25 mars - Lame de bois, lame de fer 25 mars - Helmut Lachenmann 27 mars - Le retour de la Baleine 28 mars - George Crumb 28 mars - Michel Chion 29 mars - Anges noirs 30 mars - Piano prolongé 31 mars - Scardanelli 1 avril - Blind Autumn les adresses du festival location et renseignements bureau du festival partenaires et coproducteurs Espace 2 2 6 7 11 12 14 15 17 18 20 21 26 28 30 32 35 présentation informations pratiques 36 37 38 22 24 33 39 musiques d'aujourd'hui du 20 mars au 1 er avril 2001 w w w . a r c h i p e l . o r g

Transcript of musiques d'aujourd'hui du 20 mars au 1 avril 2001 · 5 jeudi 29 mars salle ernest-ansermet anges...

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programme

Préambule

20 mars - Piano là !

21 mars - Phonola in my Head

21 mars - Desert Music

22 mars - Galina Oustvolskaïa

23 mars - Anches libres

24 mars - Ensemble Contemporain du Conservatoire

24 mars - Paroles d’Utopie

25 mars - Lame de bois, lame de fer

25 mars - Helmut Lachenmann

27 mars - Le retour de la Baleine

28 mars - George Crumb

28 mars - Michel Chion

29 mars - Anges noirs

30 mars - Piano prolongé

31 mars - Scardanelli

1 avril - Blind Autumn

les adresses du festival

location et renseignements

bureau du festival

partenaires et coproducteurs

Espace 2

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30

32

35

présentation

informations pratiques 36

37

38

22

24

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musiques d'aujourd'hui

du 20 mars au 1er avril 2001

w w w . a r c h i p e l . o r g

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programmeMARDI 20 MARSSALLE ERNEST-ANSERMET

PPIIAANNOO LLÀÀ !!20 H[ CONLON NANCARROW ]_ETUDES POUR PIANO MECANIQUE N°1, 3A, 7, 13, 21 ET 29 1940-85_WOLFGANG HEISIG, PHONOLA (PIANOLA)

[ KARLHEINZ STOCKHAUSEN ] _KLAVIERSTÜCK IX 1954-61[ PASCAL DUSAPIN ] _ETUDES N°1, 2 ET 4 1998-99[ SALVATORE SCIARRINO ] _V SONATA 1994_IAN PACE, PIANO

[ LUIGI NONO ] _...SOFFERTE ONDE SENERE...POUR PIANO ET BANDE MAGNETIQUE 1976_MARKUS HINTERHÄUSER, PIANO_REGIE SON : ANDRE RICHARD

JOACHIM KÜHN PIANO SOLO

MERCREDI 21 MARSBFM

PPHHOONNOOLLAA IINN MMYY HHEEAADD19 H 15[ CONLON NANCARROW ]_ETUDES POUR PIANO MECANIQUE N° 17 ET 36 1940-85 [ TOM JOHNSON ] _CHORD CATALOGUE 1999 [ WOLFGANG HEISIG ] _HEISLVERTONUNGEN 1997 [ GAVIN BRYARS ] _OUT OF ZALESKI'S GAZEBO 1977-78_WOLFGANG HEISIG, PHONOLA (PIANOLA)

DDEESSEERRTT MMUUSSIICC20 H 30[ BRUNO GINER ] _DOUBLE QUINTETTE POUR VENTS ET PERCUSSIONS 2001[ RAINER BOESCH ] _...FERNER SCHNEE (2.THEIL) 2000[ STEVE REICH ] _THE DESERT MUSIC 1982-84_PERCUSSIONS-CLAVIERS DE LYON_RAINER BOESCH, PIANO_SOLISTES DE L'ENSEMBLE VOCAL SEQUENCE_L'ENSEMBLE-ORCHESTRE DE BASSE-NORMANDIE_DIRECTION : DOMINIQUE DEBART_REGIE : NICOLAS SORDET (INFORMATIQUE MUSICALE),THIERRY SIMONOT (SPATIALISATION) ET DIDIER LELIEVRE

_EN COPRODUCTION AVEC LE BFM

JEUDI 22 MARSSALLE ERNEST-ANSERMET

GGAALLIINNAA OOUUSSTTVVOOLLSSKKAAÏÏAA20 H 30[ GALINA OUSTVOLSKAÏA ] SONATES NOS 1 À 6 1947-1988_MARKUS HINTERHÄUSER, PIANO

AAUU CCIINNÉÉMMAACINEMA SPOUTNIK

22 H_SYMPHONIE N° 2UNE SYMPHONIE FANTASTIQUE DE CINÉMA ABSTRAIT AVEC DES COURTSMÉTRAGES DE OSKAR FISCHINGER, LEN LYE, HY HIRSCH, JORDAN BELSON, JAMESWHITNEY, JOHN WHITNEY, LARRY JORDAN, CHRISTIAN LEBRAT, JEAN-MICHELBOUHOURS, JOOST REKVELD.

_UNE PROGRAMMATION PROPOSÉE PAR LE CINÉMA SPOUTNIK

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VENDREDI 23 MARSSALLE ERNEST-ANSERMET

AANNCCHHEESS LLIIBBRREESS20 H 30 [ JACQUES REBOTIER ] _PEUT-ETRE 1993 _OUI-OUI 1993[ CLAUDE BALLIF ] _SOLFEGGIETTO POUR ACCORDEON OP. 17 1996[ ANDRE SERRE-MILAN ] _TROIS REVES 1999[ CAMILLE ROY ] _LA VOIX DE SON MAITRE POUR ACCORDEON ET PAULO LE CHIEN, CREATIONPASCAL CONTET ACCORDEON SOLO

RÜDIGER CARL ACCORDÉON SOLO

CESAR STROSCIO BANDONÉON SOLO

SAMEDI 24 MARSCONSERVATOIRE

16 H 00[ BRUNO MANTOVANI ] _D'UN RÊVE PARTI 2000[ HELMUT LACHENMANN ] _ALLEGRO SOSTENUTO 1986-88 _DAL NIENTE(INTÉRIEUR III) 1970 _PRESSION 1969 _WIEGENMUSIK 1963 _MOUVEMENT (-VORDER ERSTARRUNG) 1982-84 _INTÉRIEUR I 1966_FINGHIN COLLINS PIANO_LOÏC DEFAUX PERCUSSION_HELENA ANDRADA DE LA CALLA VIOLONCELLE_NINA HÖHN CLARINETTE_ENSEMBLE CONTEMPORAIN DU CONSERVATOIRE DE GENÈVE _MUSICIENS DE L'ACADÉMIE MUSICALE DE SALUZZO - ITALIE_DIRECTION JEAN-JACQUES BALET

_EN COPRODUCTION AVEC LE CONSERVATOIRE DE MUSIQUE DE GENÈVE

ALHAMBRA

PPAARROOLLEESS DD''UUTTOOPPIIEE

19 H 15[ KARLHEINZ STOCKHAUSEN ] _GESANG DER JÜNGLINGE 1953[ ALHAMBRA NICCOLÒ CASTIGLIONI ] _CANTUS PLANUS I 1990

20 H 30[ EMMANUEL NUNES ] _NACHTMUSIK I 1977-78[ NICCOLÒ CASTIGLIONI ] _CANTUS PLANUS II 1990-91[ LUIGI NONO ] _RISONANZE ERRANTI 1986_LUISA CASTELLANI, MAACHA DEUBNER SOPRANOS_SUSANNE OTTO MEZZO-SOPRANO_ENSEMBLE CONTRECHAMPS ET LES PERCUSSIONS DU CIP_DIRECTION JURJEN HEMPEL ET ANDRÉ RICHARD_RÉALISATION LIVE-ELECTRONICS EXPERIMENTALSTUDIO DER HEINRICH-STRO-BEL-STIFTUNG DES SWR, FREIBURG_RÉGIE IRCAM

_EN COPRODUCTION AVEC CONTRECHAMPS ET LE CIP

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DIMANCHE 25 MARSSALLE ERNEST-ANSERMET

LLAAMMEE DDEE BBOOIISS,, LLAAMMEE DDEE FFEERR11 H 00[ TORU TAKEMITSU ] _RAIN TREE 1981[ FRANCO DONATONI ] _MARI 2 1992[ GIORGIO BATISTELLI ] _ANIMA 1988[ STEVE REICH ] _ELECTRIC COUNTERPOINT 1987 (CREATION D'UNE TRANSPOSITION POUR 13 CLAVIERS)_EMMANUEL SÉJOURNÉ PERCUSSION_LA CLASSE DE PERCUSSION DU CONSERVATOIRE DE MUSIQUE DE GENÈVE _LES PERCUSSIONS DU CIP_DIRECTION EMMANUEL SÉJOURNÉ

_EN COPRODUCTION AVEC LE CIP ET LE CONSERVATOIRE DE MUSIQUE DE GENÈVE

HHEELLMMUUTT LLAACCHHEENNMMAANNNN18 H 00 RENCONTRE AVEC HELMUT LACHENMANN, AVEC LA PARTICIPATION DE JACQUES NICOLA

19 H 00 [ HELMUT LACHENMANN ] _EIN KINDERSPIEL 1980 _ALLEGRO SOSTENUTO 1986-88 _SERYNADE 1999_YUKIKO SUGAWARA PIANO_LUCAS FELS VIOLONCELLE_SHIZUYO OKA CLARINETTE

MARDI 27 MARSALHAMBRA

19 H 00_LA MISE EN SCENE DU SON CONFERENCE DE MICHEL CHION,PRECEDEE DE LA PROJECTION DE SON FILM _ÉPONINE 35MM, 13', 1984

LLEE RREETTOOUURR DDEE LLAA BBAALLEEIINNEE20 H 30 _LE RETOUR DE LA BALEINEREMIX LIVE DU FILM MOBY DICK DE JOHN HUSTON, 1956*GAËLLE ROUARD, CHRISTOPHE AUGER, XAVIER QUÉREL, ÉTIENNE CAIRE IMAGESVINCENT EPPLAY SON

* PROJECTION DU FILM ORIGNAL LE 25 MARS À 16H AU SPOUTNIK _EN COPRODUCTION AVEC LE CINÉMA SPOUTNIK

MERCREDI 28 MARSSALLE ERNEST-ANSERMET

GGEEOORRGGEE CCRRUUMMBB17 H 00[ GEORGE CRUMB ] _MAKROKOSMOS I ET II 1973 (EXTRAITS)_PETER DEGENHARDT PIANOCONCERT TOUS PUBLICS, COMMENTE PAR FRANCOIS CREUX. (8 ANS MINIMUM)

_EN COPRODUCTION AVEC LA FÉDÉRATION DES ÉCOLES GENEVOISES DE MUSIQUE

MMIICCHHEELL CCHHIIOONN20 H 30[ MICHEL CHION ] _LA RONDE 1982 _L'ISLE SONANTE ACTE 1 (EXTRAIT) 1998[ MICHELE BOKANOWSKI ] _TABOU 1983-84

_EN COPRODUCTION AVEC L’AMEG

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JEUDI 29 MARSSALLE ERNEST-ANSERMET

AANNGGEESS NNOOIIRRSS20 H 30[ DJANGO BATES ] _POND LIFE 1996[ GEORGE CRUMB ] _BLACK ANGELS 1970[ CONLON NANCARROW ] _STRING QUARTET N°1 1945[ STEVE REICH ] _DIFFERENT TRAINS 1988 _THE SMITH QUARTET

CINEMA SPOUTNIK

AAUU CCIINNÉÉMMAA22 H_SYMPHONIE N° 2 (REPRISE)

_UNE PROGRAMMATION PROPOSÉE PAR LE CINÉMA SPOUTNIK

VENDREDI 30 MARSSALLE ERNEST-ANSERMET

PPIIAANNOO PPRROOLLOONNGGEE20 H 30 PIERRE BERTHET _UN PIANO PROLONGE INSTALLATION-CONCERT

MATS GUSTAFSSON SAXOPHONE &THOMAS LEHN SYNTHÉTISEUR ANALOGIQUEIMPROVISATION

SAMEDI 31 MARSBFM

SSCCAARRDDAANNEELLLLII19 H 15PRESENTATION DE L'ŒUVRE PAR PHILIPPE ALBERA

20 H 30[ HEINZ HOLLIGER ] _SCARDANELLI-ZYKLUS 1975-91_FELIX RENGGLI FLÛTE_KAMERKOOR NIEUWE MUZIEK_COLLEGIUM NOVUM ZÜRICH_ENSEMBLE CONTRECHAMPS_DIRECTION HEINZ HOLLIGER

_EN COPRODUCTION AVEC CONTRECHAMPS, COLLEGIUM NOVUM ET LE BFM

DIMANCHE 1ER AVRILSALLE ERNEST-ANSERMET

BBLLIINNDD AAUUTTUUMMNN

19 H_MAGALIE SEES SOMEONE IN THE CROWD AND WAVESIMPROVISATION SUR UN FILM SANS IMAGESMARIE GOYETTE SAMPLERSMASSIMO SIMONINI PLATINES, CDS, BANDES, OBJETS,THEREMINOLIVIA BLOCK SAMPLERS, OBJETSMAURIZIO MARTUSCIELLO ÉLECTRONIQUERÉGIE ET SPATIALISATION THIERRY SIMONOT

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L'un fonde un alphabet musical unissant le son et le bruit avec une surprenante beauté, l'autre,sa vie durant, perfora à la main des rouleaux pour créer des enchevêtrements sonores d'uneahurissante complexité. Celle-là compose une musique indéfinissable, qui a été comparée aufaisceau lumineux d'un rayn laser, celui-ci jongle en permanence avec les éléments de l'imageet du son...

La genèse du programme de cette dixième édition du Festival Archipel trouve son origine dansnotre envie d'accueillir Helmut Lachenmann à Genève.

Assurément l'une des œuvres-clés dans le domaine de la composition d'aujourd'hui, la musiqued'Helmut Lachenmann possède deux propriétés particulières. Elle symbolise d'une façonmagistrale le besoin d'un artiste qui, cherchant sans cesse à débusquer les " artifices " dans les-quels s'enferment nos écoutes, s'invente un matériau d'expression novateur. Et quand elles'empare de l'instrument le plus reconnu de notre histoire, cette musique nous ouvre à une per-ception nouvelle du piano, semblant faire reculer les limites sonores de celui-ci.

Le Festival Archipel s'engage ainsi dans sa dixième édition avec le désir de proposer une sortede " festin de l'écoute " qui dessine, entre claviers et pratiques musicales liées à l'image, commeun mouvement de balancier, passant des compositeurs créateurs de leur propre matériau d'ex-pression (Galina Oustvolskaïa, Steve Reich, Conlon Nancarrow …), à ceux qui transcendent leslimites formelles et instrumentales traditionnelles (George Crumb, Luigi Nono, SalvatoreSciarrino, Heinz Holliger, …), des musiciens se situant souvent aux marges de la tradition(Pierre Berthet, Rüdiger Carl, Thomas Lehn, Olivia Block, Maurizio Martusciello, Marie Goyette…) à ceux qui, à l'instar de Michel Chion, pratiquent le jeu de l'alliance, du collage ou de laconfrontation entre le visuel et le sonore.

Sans " chapelle " esthétique ni frontière préalables autres que leur besoin de traduire le mondeavec intensité, le Festival Archipel est heureux d'accueillir des artistes qui invitent à partagerleurs écoutes.

préambule

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Piano là ! 20 mars 20h

Pour ouvrir son dixième festival, Archipel s'est mis en tête de faire la fête à l'instrument le plusencombrant de notre histoire musicale. Au programme, six compositeurs, soit autant de façonsoriginales de l'explorer à nouveau. Chacun a développé de nouvelles approches de compositionou dépassé des limites instrumentales admises afin de faire « sonner » ce fameux clavier autre-ment, jusqu'à débusquer en lui de nouveaux imaginaires sonores.Aux explorations mécaniques et vertigineuses de Conlon Nancarrow répliqueront le lyrisme etl'énergie de Joachim Kühn. Aux vitesses et aux articulations obsessives de Pascal Dusapinrépondra l'insistance, tournée vers l'intériorité, de Karlheinz Stockhausen. Enfin, à la musiqueintimiste, comme liée au souffle, de Salvatore Sciarrino correspondra celle si émouvante de LuigiNono, avec ses résonances qui se superposent, se confondent, « dans la tristesse d'un sourireinfini ».

Conlon Nancarrow est né le 27 octobre 1912 à Texarcana, Arkansas, Conlon Nancarrow a étudié la musique àCincinnati, et plus tard à Boston avec Nicolas Slonimsky et Walter Piston.Trompettiste dans des ensembles de jazz,il a Igor Stravinsky, mais aussi Louis Armstrong comme idole. En 1937 Nancarrow s'engage en Espagne où il luttecontre le gouvernement fasciste de Franco. Pendant deux ans, Conlon Nancarrow échappe plusieurs fois à la mort,survivant par miracle aux blessures et à la maladie. Cet engagement politique infléchit durablement sa vie, puisque àson retour aux États-Unis, en 1939, il eut des ennuis avec le gouvernement fédéral et fut privé de sa citoyenneté amé-ricaine. Il s'exila au Mexique en 1940, et habita jusqu'à sa mort à Mexico City, ne retournant aux États-Unis qu'en1982, pour y recevoir la bourse « MacArthur ». Jusqu'à cette date, il resta presque totalement inconnu, composantpour le seul « instrumentiste » qu'il ait eu sous la main : un piano pneumatique.C'est ainsi dans la banlieue de Mexico, que Conlon Nancarrow entreprit l'une des oeuvres les plus étonnantes de cesiècle composée pour le piano mécanique, non pas écrite, mais réalisée en perforant les cartons qui commandent l'ins-trument. En tout, une soixante de pièces, de une à dix minutes, les Studies for Player Piano : études effectivement,mais de rythme, de timbre et de vitesse.

d'après Marc Texier, Serveur © IRCAM - Centre Georges-Pompidou 1996-2000

••• Studies for Player Piano de Conlon Nancarrow, 1950-85

Comme l'écrit le compositeur américain James Tenney : « Qu'est-ce qui rend les Études pour piano mécanique siimportantes ? En premier lieu, elles sont les manifestations d'une incroyable investigation en profondeur et le recen-sement créatif d'un nombre incalculable de nouvelles possibilités dans les domaines du rythme, du tempo, de la tex-

Conlon Nancarrow. Photo: Susan Schwartzenberg

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ture, de la perception de la polyphonie et de la forme, qui constitueront un défi pour des décennies de compositeurs,théoriciens et auditeurs. Mais plus que cela, la qualité et la variété de ces investigations est proprement remarquable.D'un côté, il y a assez d'organisation systématique dans ces pièces pour satisfaire le plus mathématicien des «constructivistes ». De l'autre, il y a assez d'effusion lyrique, d'invention rhapsodique, de pure fantaisie pour réchauf-fer le cœur du plus outrageusement romantique des « intuitionniste ». Cette musique est parfois austère, sèche, froi-de comme la glace ; parfois chaude, passionnée, soudainement exubérante. Et ceci sans que ce soit un non-sens sty-listique, une incohérence esthétique. C'est plutôt que les Études explorent un très large domaine formel et expressif.

••• Les « Études pour piano » de Pascal Dusapin

Les Études pour piano font partie d'un cycle qui doit en comporter sept. Chacune porte le nom d'un jeu. Origami,Igra, Tangram, Mikado pour les quatre premières… Bien que chaque pièce possède un caractère technique spéci-fique, ces musiques ne sont pas des exercices de virtuosités digitales destinés à l'acquisition de la technique du piano,mais de véritables études de composition conçues l'une dans l'autre, comme des poupées russes dont les alluresseraient à chaque fois rendues différentes et complémentaires par un jeu de pliages mélodiques (Origami), dedépliages rythmiques (Igra), d'assemblages harmoniques ou édifiées par élimination musicaux antérieurs (Mikado).Longtemps, je n'ai pas écrit pour le piano… Cet instrument que j'abominais pour être l'origine et la cause de tantd'échecs privés ne semblait guère propice à mon imagination. Aujourd'hui, le piano est devenu pour moi une sourcede joie et de méditation infinie. De loin en loin, de temps en temps, je compose ces études depuis des années (mes pre-mières esquisses datent du début des années 90). Elles m'accompagnent partout. Ce sont des musiques de voyage…

Pascal Dusapin

••• Salvatore Sciarrino est né à Palerme en 1947, il étudie la musique d'abord en autodidacte puis auprès d'AntonioTitone et Turi Belfiore. Il complète ses études classiques à Rome puis à Milan. La première audition d'une de sesœuvres a lieu en 1962. Il considère toutefois ses œuvres écrites entre 1959 et 1965 comme appartenant à sa pério-de d'apprentissage.Il a enseigné dans les conservatoires de Milan, Pérouse et Florence, a dirigé de nombreuses masterclasses et a étédirecteur du Teatro Comunale de Bologne de 1987 à 1990.Il a été lauréat de nombreux prix, entre autres, le prix de la Société internationale de musique contemporaine (1971et 1974) et le prix Dallapiccola (1974).Le nom de Salvatore Sciarrino a été longtemps associé uniquement au concept de la nouvelle sonorité, par lesrecherches impressionnantes qu'il a menées dans ce domaine. Cependant, d'autres éléments ont émergés parallèle-ment, définissant un style hautement original. Premièrement, les signaux musicaux ont été organisés avec plus de clar-té et concision, dans une logique convertissant la séduction sensorielle en des organismes cohérents et significatifs.Deuxièmement, nous trouvons la place centrale accordée à la relation entre son et silence.Son imagination acoustique, qui autrefois visait une sorte de contextualisation cristalline des formes, est maintenantde plus en plus projetée vers de nouvelles perceptions du temps.Sa musique intimiste, raffinée, attachée au timbre est construite sur des principes de microvariations des structuressonores. Elle exige une écoute particulièrement attentive en raison de la raréfaction des événements sonores.

d'après le Serveur © IRCAM - Centre Georges-Pompidou 1996-2000

••• V Sonata Per pianoforte

Mes Sonates pour piano sont au nombre de cinq : 1976, 1983, 1987, 1992, 1994.Pour moi, cet instrument est le champ où les figures évoluent et se modifient, où le son se fusionne et se remodèle parla vitesse ou l'énergie percussive.Ces tendances ne sont pas absentes de la V Sonata. Elle est caractérisée vers la fin par un développement « enfenêtres » assez marqué, avec des blocs d'accords synthétiques changeants, des gammes infinies, et tout le reste. Ledébut est au contraire caractérisé par un développement recitativo.C'est donc le piano qui veut parler ; il sanglote, et peut-être rit ; on en sait pas exactement.Ce sont de petits ensembles de sons qui créent un timbre différent non seulement de la voix, mais également du pianotraditionnel.Celui-ci bougonne, parle comme le ferait une machine, au-dessous de l'humain ; Il semblera étrange ; c'est justement

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ce qui rend le piano plus expressif.Un écho toujours présent scelle par le vide chaque phrase. Sombres ou lumineuses, les résonances varient l'espace.La composition part d'une citation beethovénienne fragmentaire, tirée du finale de la Neuvième Symphonie : nichtdiese Töne.Plus de sons. Des voix.Il ne s'agit pas d'un hommage ou d'une trouvaille blasphématoire. Il est aujourd'hui nécessaire de renouer les fils quirelient nos origines, comprendre l'ancien avec le moderne et inversement ; nous ne voulons pas nous condamner à êtreincomplets. Je pense que Beethoven, à la lumière de l'ère informatique, peut encore nous apprendre quelque chose.Des récitatifs apparaissent souvent dans ses œuvres pianistiques, la musique se fait drame. Pour Beethoven, le chantlui-même était parole portée par les sons. Ainsi, l'instrument mécanique et inanimé, forcé à réciter, commence alorsà faire comprendre la merveille d'être hommes.Le besoin de dépassement de soi, se mesurer continuellement par rapport à ses propres limites, jusqu'à empiéter surl'impossible : il me semble cette partie de la conscience actuelle à laquelle nous donnons pour nom Beethoven estconstituée dans ce défi.Vous m'excuserez, si comme d'habitude je préfère fournir à l'auditeur une orientation conceptuelle plutôt que des indi-cations techniques. Je suis convaincu qu'en premier lieu viennent les données de l'expérience individuelle, et ensuite lesexplications pourront servir.La V Sonata, commandée par le Festival de Salzbourg à la demande de Maurizio Pollini, lui est affectueusementdédiée.

Salvatore Sciarrino

••• Ian Pace est né en Angleterre en 1968, il étudie à la Chetham's School of Music, au Queen's College d'Oxford et àla Juilliard School à New York. Il mène une carrière internationale à travers la Grande-Bretagne, l'Europe et lesÉtats-Unis où la musique d'aujourd'hui tient une place privilégiée. Dans ces seules quatre dernières années, il a crééplus d'une centaine de pièces pour piano. Ian Pace est l'invité de nombreux festivals et manifestations en Europe.Particulièrement proche du compositeur Michael Finnissy, il a donné en 1996 une série de concerts autour de sonœuvre complète pour piano. Il a présenté ensuite celles d'Howard Skempton et de Christopher Fox. Ces dernièresannées, il s'est beaucoup consacré à des compositeurs comme Morgan Hayes, Lukes Stoneham, Paul Rhys et AlwynnePritchard.Directeur artistique de l'ensemble Topologies, il joue régulièrement avec d'autres musiciens et d'autres formations,tout particulièrement le Quatuor Arditti. Par ailleurs, enseignant et musicologue, Ian Pace écrit régulièrement dansdiverses revues musicales et il a co-publié l'ouvrage intitulé Uncommon Ground : The Music of Michael Finnissy.

d'après le programme de Musica 2000

••• ...sofferte onde serene... Luigi Nono, 1976

Le compositeur explique lui-même que cette œuvre (1976) lui fut inspirée, d'une part par le jeu exceptionnel de sondédicataire et premier interprète Maurizio Pollini (en particulier par son sens unique de la sonorité), d'autre part parune série de deuils douloureux survenus soudain dans sa propre famille et dans celle du pianiste. Et il parle de la « tristesse du sourire infini » de ces … sereines ondes souffertes …Compositeur vénitien, Nono a toujours été attentif au milieu sonore très particulier de la cité lagunaire, notammentaux sons de cloches si variés qui en rythment la vie quotidienne, et qui, à travers la brume ou le soleil, parviennentjusqu'à sa maison de la Giudecca. Et Nono poursuit : « Ce sont des signes de vie sur la lagune, sur la mer. Des invi-tations au travail, à la méditation, des avertissements. Et la vie continue dans la nécessité subie et sereine de l' " équi-libre au fond de notre être ", comme dit Kafka.Il en résulte deux plans acoustiques qui souvent se confondent, annulant fréquemment de la sorte l'étrangeté méca-nique de la bande enregistrée. Entre ces deux plans ont été étudiés les rapports de formation du son, notamment l'uti-lisation des vibrations des coups de pédale, qui sont peut-être des résonances particulières " au fond de notre être ".Ce ne sont pas des " épisodes " qui s'épuisent dans la succession, mais des " mémoires "et " présences " qui se super-posent et qui, en tant que mémoires et présences, se confondent avec les " ondes sereines ". Il s'agit donc avant toutd'une analyse spectrale du potentiel sonore du piano, confronté à sa transformation et à sa décomposition par lemoyen de l'électroacoustique. »

d'après H. Halbreich, dans : Guide de la musique du piano, Fayard, 1987

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Markus Hinterhäuser est né en Italie, à La Spezia. Il a commencé ses études en 1975 au Conservatoire de Vienne,et a suivi, à partir de 1979, les cours de Peter Lang au Mozarteum de Salzbourg, ainsi que les masterclassesd'Elisabeth Leonskaya et Oleg Maisenberg. Il s'est produit en soliste avec l'orchestre Symphonique de Vienne etl'Orchestre Philharmonique Tchèque ; il a donné également des concerts de musique de chambre avec des membresdu Chamber Orchestra of Europe, avec le violoncelliste Thomas Demenga, le violoniste Thomas Zehetmair et leQuatuor Arditti. Se vouant ces dernières années à l'accompagnement de lieder, il travaille notamment avec BrigitteFassbaender et Jochen Kowalski. Il intensifie en même temps son engagement pour la musique du 20e siècle et descompositeurs tels que Luigi Nono, Karlheinz Stockhausen, Morton Feldman ou György Ligeti. En dehors de ses nom-breux disques et productions pour la radio et la télévision, il a enregistré en 1991 l'œuvre intégrale pour piano deSchoenberg, Berg et Webern, ainsi que des œuvres importantes de Feldman, Nono, Scelsi, Oustvolskaïa et Cage.Markus Hinterhäuser est confondateur du Festival « Zeitfluss », qui propose une série de concerts de musique nou-velle dans le cadre des Festspiele de Salzbourg.

Joachim Kühn est né à Leipzig en 1944. Il a étudié le piano classique et la composition auprès de Arthur Schmidt-Elsey. Influencé par son frère aîné, le clarinettiste Rolf Kühn, il a commencé en même temps à s'intéresser au jazz età jouer dans des formations traditionnelles ou mainstream.Dès lors, Joachim Kühn a travaillé avec des nombreux musiciens des styles divers, entre autres avec Gato Barbieri,Don Cherry, Karl Berger, Slide Hampton, Philly Joe Jones, Phil Woods et Michel Portal. Au début des années 70 ils'est orienté vers les claviers électroniques et est devenu un protagoniste de la scène rock-jazz européen. C'est à lamême époque qu'il crée aussi plusieurs trios acoustiques, notamment avec Jean-François Jenny-Clark et DanielHumair, qui ont depuis croisé son chemin maintes et maintes fois. Géographiquement autant que musicalement, Kühns'est éloigné de l'Europe dans la deuxième moitié des années 70, période passée en Californie, où il a rejoint la scènefusion de la Côte ouest. Des vedettes, comme Alphonse Mouson, Billy Cobham, Michael Brecker et Eddie Gomez ontalors participé à ses enregistrements.Dans les années 80, Joachim Kühn a enregistré différents disques, qui laissent apparaître une complexité grandissan-te et des préoccupations tournées toujours plus vers le langage musical classique et moderne. Après s'être installéprès de Paris dès 1985, il retrouve son « trio français » avec J.F. Jenny-Clark et Daniel Humair, qui devient un desmeilleurs trios acoustiques de la scène du jazz. En 1989, avec Walter Quintus, Kühn crée une musique pour un balletde la chorégraphe Carolyn Carlson.Ces dernières années, il a réalisé un vieux rêve, en se joignant à Ornette Coleman pour deux concerts lors de festivalsà Vérone et à Leipzig. Ceux-ci lui ont ouvert un chemin de collaboration avec le légendaire saxophoniste plein de pro-messes. Que les frontières changent, Joachim Kühn demeure toujours un éclaireur.

Markus Hinterhäuser. Photo: Ruthwalz

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En prélude au concert de 20h30, nous retrouvons Wolfgang Heisig (cf. concert d’ouverture), quinous propose un concert-découverte de musiques écrites sur rouleaux en papier perforés.Wolfgang Heisig interprétera avec son phonola (étrange « meuble » qui s’enchasse dans leclavier d’un piano ordinaire), outre deux études pour piano mécanique de Conlon Nancarrow etune de ses propres oeuvres, Out of Zaneski's Gazebo de Gavin Bryars, écrite originellementpour deux pianos à huit mains et The Chord Catalogue de Tom Johnson, pièce qui comprendl'intégralité des 8178 accords possibles à l'intérieur d'un octave, partant d'un simple accord àdeux sons pour aboutir au cluster.

Dix ans avant le début du 21e siècle, Wolfgang Heisig a eu pour la première fois la possibilité d'utiliser une Hupfeld-Meisterspiel-Phonola - l'un de ces instruments que la mode de mécanisation du jeu de piano a fait proliférer au débutdu siècle (partant de l'Angleterre et gagnant peu à peu toute l'Europe). C'était lors de la création d'une de ses pièces,Ringparabel. De cette rencontre a résulté une intense activité de concerts puis la réalisation de ses propres rouleauxmusicaux.Wolfgang Heisig est né à Zwickau en 1952. Il a étudié le piano et la composition à la Musikhochschule de Dresden.Puis, il a entamé un parcours polyvalent, comme employé de banque, comme chef de chœur, pianiste de bar, musico-thérapeute et enseignant. Depuis dix ans, il donne de nombreux concerts de phonola (pianola) dans plusieurs paysd'Europe.Pour Wolfgang Heisig, la fascination - encore bien vivante - pour la présentation de ce genre « plutôt minutieux » demusique pour piano est liée à la perception temporelle accrue que ce type d'écoute provoque. Il existe en effet un sen-timent particulier du temps qui passe lorsque l'on écoute jouer le phonola, car les frappes des touches du piano,déclenchées d'une façon pneumatique aux travers des trous des rouleaux de papier perforé, sont configurables à l'in-fini (dans leur synchronisme vertical et leur asynchronisme horizontale) et libèrent ainsi l'esprit pour l'écoute d'unemusique résolument complexe.

Phonola in my head 21 mars 19h15

Desert Music 21 mars 20h30

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Musique aux dimensions spectaculaires, Desert Music est née toutefois d'une réflexion intimede Steve Reich, inspirée par trois lieux désertiques hautement symboliques : le Sinaï, le Mojavede Californie et le Désert du Nouveau-Mexique. En résulte une œuvre essentielle de ce compo-siteur, qui a rassemblé en elle toutes les influences protéiformes qui l'ont nourri depuis sesdébuts : le piano, le jazz, les traditions musicales hébraïques, l'art des percussionnistes africainsou encore des musiciens balinais. … ferner Schnee s'offre comme une contemplation de la couronne de neige du Fuji. Son calme- ressenti - et son éruption - pressentie - ont inspiré à Rainer Boesch un jeu avec le piano quicompose en temps réel avec ses propres transformations sonores.Ce concert produit par L'ENSEMBLE - Orchestre de Basse-Normandie nous offre aussi une belleoccasion de découvrir à Genève, avec une œuvre en création, la musique toute de « fulguranceet de gravité » de Bruno Giner.

Steve Reich est né à New York en 1936. Il est considéré comme une des figures les plus représentatives du courantmusical américain que l'on nomme « minimal » ou « répétitif ». Enfant, il étudie le piano puis la percussion alors queses centres d'intérêts se portent surtout sur la musique populaire et les grands classiques. Il découvre peu à peu IgorStravinsky et J. S. Bach, Béla Bartók et Anton Webern puis, Charlie Parker et Miles Davis.Après avoir obtenu une licence de philosophie, il part à la Juillard School of Music étudier la composition dans lesclasses de William Bergsma et Vincent Persichetti. Dans le même temps, il étudie le piano et l'improvisation.En 1963, il obtient sa maîtrise de musique après avoir suivi les cours de Darius Milhaud et de Luciano Berio aveclequel il analyse les compositions de nombreux compositeurs européens de l'après-guerre. Celles-ci, même si elles sus-citent son intérêt, rencontrent chez Reich une résistance évidente parce qu'il les juge « trop complexes pour être per-çues par l'auditeur ».Il commence alors à fréquenter le San Francisco Tape Music Center dont les recherches principales se font autour dela musique dite concrète et électronique. Il y découvre le cinéma expérimental et plus particulièrement celui de RobertNelson avec qui il collabore.En 1964, il participe en tant que pianiste à la première de In C de Terry Riley en compagnie de musiciens tels queRamon Sander, Pauline Oliveros et Morton Subotnick. Par ailleurs, il effectue des travaux et des observations portantsur des procédures de déphasages graduels de boucles de bande magnétique comportant un même enregistrement deparoles. Ses recherches aboutiront à des oeuvres telles que It's Gonna Rain (1965) et Come Out (1966). Il se rendvite compte que la constitution d'un ensemble à géométrie variable et flexible, formé de musiciens qui soient disposésà interpréter ses œuvres, est une priorité : il fonde alors le Steve Reich and Musicians s'impliquant lui-même aux côtésde ces derniers au clavier et à la percussion.En 1970, il suit l'enseignement du maître tambourineur Gideon Alorworye à Accra, au Ghana. Il enregistre chaqueleçon qui est ensuite décryptée afin de transcrire les motifs récurrents mais complexes des instruments et leur com-binaison. Deux ans plus tard, il travaille la technique des gamelans balinais Semar Pegulingan et Gambang, à laSociété américaine des arts orientaux. Reich s'engage alors dans de nouvelles voies. Ainsi, Clapping Music (1972),Music for Pieces of Wood (1973) et Music for Mallet Instruments, Voices and Organ (1973), marquent la fin de sonrecours au processus de déphasage progressif.C'est en 1976, année de création de Music for 18 Musicians, qu'il rencontre et épouse la plasticienne et vidéaste Beryl

Steve Reich

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Korot. Cette rencontre va transformer profondément l'évolution ultérieure de son œuvre. A des recherches d'alliagesde timbres d'un grand raffinement va s'ajouter peu à peu une complexité structurelle grandissante. Tehillim (1981)et The Desert Music (1984) sur un poème de William Carlos Williams, représentent des œuvres majeures de cettenouvelle période où Steve Reich se passionne pour l'étude des formes traditionnelles de la cantilation des écritureshébraïques. D'autres oeuvres destinées à de grands effectifs d'orchestre leur succéderont : Three Movements (1986)et The Four Sections (1987).

En 1988, avec Different Trains pour quatuor à cordes et bande magnétique (cf. concert du 29 mars), un nouveaumode de composition apparaît, où les paroles et les textes préenregistrés génèrent le matériau musical des instru-mentistes. Il utilise dans cette pièce des extraits d'enregistrement de témoignages qu'il a recueillis ; la mélodie desintonations des paroles est immédiatement reprise par les instruments du quatuor en autant de « portraits musicaux »des personnes interrogées.Ce concept de travail se prolonge depuis et trouve son épanouissement dans The Cave (1993), spectacle multimédiasur le thème de la grotte d'Hébron, réalisé en collaboration avec Beryl Korot, puis dans son nouvel opéra-vidéo docu-mentaire Three Tales, dont l'intégralité devrait être créée en 2002. Chacune des trois parties de cette nouvelle col-laboration avec Beryl Korot illustre un événement qui a marqué le XXe siècle dans les domaines scientifiques ou tech-nologiques en s'appuyant sur des documents d'actualité cinématographiques.

•••Bruno Giner est né en 1960, Bruno Giner commence ses études musicales au Conservatoire National de RégionToulouse, puis de Perpignan, ainsi qu'à Barcelone. A Paris, il suit régulièrement les cours de Pierre Boulez au Collègede France, les stages et séminaires de l'IRCAM et travaille la composition (instrumentale et aussi électroacoustique)avec Luis De Pablo, Ivo Malec et Brian Ferneyhough. Aujourd'hui, ses œuvres font régulièrement l'objet de com-mandes et sont programmées dans la plupart des festivals français et internationaux.Sa musique, charnelle et souvent virtuose, tente d'associer la formalisation d'une écriture rigoureuse à un travail plusdirect, plus empirique sur les morphologies et les matières sonores.Parallèlement à ses activités compositionnelles, Bruno Giner collabore avec plusieurs revues musicales et encyclopé-dies (La Lettre du Musicien, Intemporel, Les cahiers du CIREM, Ars Sonora,The New Grove…) et a publié un Aidemémoire de la musique contemporaine dans la collection « Musique Pratique » ainsi qu'un court essai intitulé :Weimar 1933 : la musique aussi brûle en exil.Par ailleurs, six disques dont un monographique proposent à l'écoute un certain nombre d'œuvres de musique dechambre (Per tre, Contours, Von den drei Verwandlungen, Transerrance I, Schèmes, K, Adagietto).

•••…ferner Schnee (2.Theil) Rainer Boesch, 2000, pour piano, ordinateur et spatialisation.

Le titre « …ferner Schnee » (…neige lointaine) que je donne à cet ensemble de pièces fait allusion à la couronne deneige du Mont Fuji. La première partie, créée en 1999 par l'ensemble « Les Temps Modernes » au Festival d'Hiveret d'aujourd'hui à Annecy est un hommage à un ami Japonais, et à sa capacité admirable de pardonner.La deuxième partie décrit la vie du Fuji telle que je me l'imagine : le calme de cette montagne, ressenti chaque foisque j'ai le bonheur de la contempler est en contraste (absolu pour moi, l'Européen) avec la violence de son éruption(pressentie) - et correspond au caractère de l'être Japonais chez qui l'infinie gentillesse et la chaleur profonde peutpasser en un éclair de temps et sans raison apparente (sans prévenir l'Européen que je suis et qui, évidemment, n'ycomprend rien) à des colères ou une indifférence glaciale et insondable (celle-ci, en fait, serait-elle une douleur infi-nie ou une angoisse extrême ?). Et comme dans ces moments-là, la communication musicale continue à fonctionnersans entrave, c'est elle que je choisis pour parler de « mon » Fuji.Sur le plan technique, cette pièce est le résultat d'une longue et fructueuse collaboration avec Nicolas Sordet (qui enassure la partie électronique).Tous les sons entendus sont le résultat d'un traitement en temps réel à partir, exclusi-vement, des sons joués du piano. Ce traitement est de type multicouche et la technologie actuelle permet de garderces couches sonores séparées jusqu'à leur arrivée à un haut-parleur. Cela permet une spatialisation « composée » d'unraffinement que nous ne pouvions obtenir jusqu'à maintenant.La troisième partie sera écrite en 2001, comportera des images créées par Hervé Bailly- Basin et l'ensemble s'inté-grera dans un projet DVD de Collectif&Cie.

Rainer Boesch

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« Je prie tous ceux qui aiment véritablement ma musique de renoncer à une analyse théo-rique… ». L'œuvre de Galina Oustvolskaïa ne peut effectivement être rattachée à aucun des courants musi-caux qui auront traversé le XXe siècle. À l'écart de toute tradition, de toute influence, d'une ten-sion et d'une densité extrêmes, sa musique produit d'étonnantes constructions polyphoniqueset se nourrit d'une force rythmique inouïe. Bien que toujours conçue comme si elle était symphonique, la musique de la compositrice faitune large place au piano solo. Avec le concours de Markus Hinterhauser, voici une opportunitérare de s'immerger, à travers l'intégrale des six sonates, dans une musique indéfinissable quel'on compara un jour au « faisceau lumineux du rayon laser, qui est à même de pénétrer lemétal ».

Commencées en 1937 à l'École professionnelle de musique de Leningrad, puis au Conservatoire, les études musicalesde Galina Oustvolskaïa furent interrompues par la guerre. Après celle-ci, Oustvolskaïa suivit l'enseignement deChostakovitch chez qui elle suivit son cycle de perfectionnement. Sa première œuvre connue, un bref Concerto pourpiano, date de 1946.Le catalogue actuel de ses œuvres, publié en 1990, ne comporte que vingt et un numéros. […] Dans ce nouveau cata-logue, le piano occupe une place essentielle, non seulement là où sa présence est évidente comme dans les Sonates,les Préludes ou les Duos, mais également dans ses trois Compositions ou dans ses Symphonies. Celles-ci, à l'excep-tion de la première qui date de 1955, ont été écrites durant les deux dernières décennies (1970-1990) et portent destitres à caractère religieux. Enfin, le langage symphonique est totalement abandonné, l'orchestre n'est jamais com-plet et se limite même dans les dernières symphonies à quelques instruments. Musique de chambre donc ? Pas pourautant, affirme la compositrice : « Ma musique n'est en aucun cas de la musique de chambre, même lorsqu'il s'agitd'une sonate pour instrument solo. »L'ombre de Chostakovitch plane sur les premières partitions (Concerto pour piano, Trio, 1re Sonate, Octuor) maiscinq années suffirent à Oustvolskaïa pour inverser cette dépendance : « Ce n'est pas toi qui est influencée par moi,c'est moi qui le suis par toi », lui écrivit Chostakovitch et l'on a même retrouvé, dans son 5e Quatuor et dans une desmélodies de son cycle sur des poésies de Michel-Ange, des citations du Trio d'Oustvolskaïa.

Le destin de Galina Oustvolskaïa fut rude, ascétique et obstiné, comme sa musique. Les quinze premières années desa période créatrice (1946-1961) furent partagées entre des œuvres conventionnelles d'inspiration socialiste et despartitions plus personnelles, condamnées au silence des tiroirs par leur langage trop nouveau. Même des partitionsencore proches de Chostakovitch, comme celles citées plus haut, attendirent vingt ans avant d'être jouées. Vivant àl'écart de toute vie publique dans un minuscule appartement de la Perspective Gagarin à Saint-Pétersburg, GalinaOustvolskaïa refuse interviews et photographies, décline toute invitation, même à l'occasion de l'exécution de sesœuvres à l'étranger. Elle semble appartenir à un autre monde. […]

Une reconnaissance tardive

La musique de Galina Oustvolskaïa n'a été découverte en Occident qu'à la fin des années quatre-vingt. Le Grand Duofut probablement sa première œuvre jouée devant une grande audience internationale lors des Wiener Festwochen1986. […] Même à Leningrad, les exécutions de sa musique restèrent rares et espacées. Ce n'est qu'en avril 1991 queGalina Oustvolskaïa connut la consécration d'un concert d'auteur, comme on dit en Russie, c'est -à-dire entièrementcomposé de ses œuvres. Peu après, elle écrivit à deux des interprètes, Olga et Josef Rissin, pour les remercier : « Jeregrette de ne pas être toute puissante car alors je vous offrirais une île, un vieux château ou un moulin à vent… »Est-ce un hasard que ce soient des images d'isolement et de solitude qui se trouvent associées au plaisir suprêmequ'elle imagine leur offrir ?En 1992, l'Ensemble Saint-Pétersbourg dirigé par Oleg Malov, le plus fidèle de ses interprètes depuis plus de vingtans, organisa deux concerts de ses œuvres qui furent redonnés ensuite au festival de Hollande de la même année, tan-dis que l'Institut des femmes compositeurs de Heidelberg lui décernait son prix 1992 à l'occasion de son 8e festival,une distinction à laquelle elle se montra sensible, mais qui ne l'entraîna pas, pour l'occasion, à quitter même momen-tanément sa ville. […]

D'après « La musique du XXe siècle en Russie » de Frans C. Lemaire, Fayard, 1994

Galina Oustvolskaïa 22 mars20h30

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Place à deux instruments parmi les plus riches d'histoire contemporaine comme les plushabiles à servir autant la tradition, l'expérimentation que l'improvisation !Pascal Contet est non seulement le charpentier magnifique d'un nouveau répertoire, mais aussiun briseur de barrières entre les styles, toujours à la recherche d'une émancipation plus largepour son instrument.

César Stroscio, membre originel du mythique Cuarteto Cedron, est l'un des grands maîtresactuel du tango argentin et du bandonéon, ce lointain miroir latin de l'accordéon, à la puretésonore incomparable.

Rüdiger Carl, quant à lui, est un autodidacte par le jeu, qui se passionne depuis toujours pour lesmusiques improvisées ; son univers musical défie toutes les démarcations. À elle seule, sa pré-sence est capable de faire disparaître les préjugés les plus tenaces sur le sens de « folklorique ».

Anches libres 23 mars 20h30

Pascal Contet étudie principalement en Allemagne et au Danemark auprès de E. Moser et M. Ellegaard. Lauréatdes prix et fondations Menuhin, Cziffra, Lavoisier, Daad, il reçoit en 1989 le prix de la Fondation Marcel Bleusteinpour la Vocation (promotion du Président de la République).Il s'attache à l'édification d'un nouveau répertoire et son désir de rompre les frontières artistiques l'incite à aborderles musiques théâtralisées et improvisées (Jacques Rebotier, Jean-Pierre Drouet, Andy Emler, Joëlle Léandre), à s'in-tégrer à des productions chorégraphiques (Loïc Touzé, Cie Fattoumi-Lamoureux, Angelin Preljocaj, Suzan Buirge), àcollaborer avec des plasticiens (Hata Satoshi), à imaginer un spectacle aux multiples facettes « Lumièresd'Accordéon ».Il créé des oeuvres de Luciano Berio (Opéra Outis, rôle du musicien-clown), Claude Ballif, Philippe Fénelon, BernardCavanna, Jean Françaix... (ce dernier lui dédie son Concerto pour accordéon).Il joue au sein du Trio Allers-Retours avec la violoniste Noëmi Schindler et le violoncelliste Christophe Roy, forme duoavec la contrebassiste Joëlle Léandre. On peut l'entendre aussi, avec les percussionnistes Jean-Pierre Drouet, JeanGeoffroy et Christian Hamouy.Il travaille sous la direction de chefs tels Pierre Boulez, Diego Masson, Philippe Nahon ou Pascal Verrot ainsi qu'avecla plupart des ensembles français dédiés à la musique contemporaine. Il est invité par l'Orchestre philharmonique deRadio France et, comme soliste, par l'Orchestre de Chambre de Lausanne, les Philharmonies de Lorraine, deGöttingen, de Podebrady ou de Timisoara. Il est présent dans les festivals et scènes d'Europe, des Etats-Unis et duJapon ; à Lisbonne Expo 1999 et Hanovre Expo 2000. Ses tournées reçoivent le soutien de l'Afaa - Ministère desAffaires étrangères.Il est associé à un travail de recherche de l'Ircam (banque de données) et reçoit au Salon de la Musique 2000 à Parisle prix danois Mogens Ellegaard pour l'ensemble de son travail.

En 2000 et 2001, parallèlement aux représentations de l'opéra de Bernard Cavanna Raphaël, reviens avec le TrioAllers-Retours, il participera à de nouvelles rencontres originales, développera ses collaborations avec les choré-graphes, notamment par la création musicale et l'interprétation scénique du nouveau spectacle de la CompagnieFattoumi-Lamoureux Des Souffles de Vie.Il approfondira son approche des compositeurs d'aujourd'hui par la préparation d'un disque de répertoire solo.

••• Né en 1944 à Goldap (Est de la Prussie), Rüdiger Carl est accordéoniste, saxophoniste, clarinettiste, arrangeur etcompositeur, et le plus souvent, tout à la fois.Tout d'abord essentiellement comme saxophoniste, il s'inscrit dans l'évo-lution de la musique dite d'« improvisation libre » en y tenant un rôle particulièrement créatif grâce à son langageexpressif, valentinesque, drôle et sans limites.Depuis cette époque, Rüdiger Carl a opéré le changement instrumental probablement le plus radical qui soit en aban-donnant le saxophone ténor - instrument fondamentalement lié aux pratiques de l'improvisation, pour l'accordéon quidemeure clairement associé à des expressions musicales fort différentes.Il a enregistré son premier disque en 1972 et a joué depuis avec des nombreux musiciens tels Arjen Forter, Makaya

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Ntshoko, Louis Moholo, Maarten van Regteren Altena,Tristan Honsinger, Johnny Dyani et Han Bennink.De 1973 à 1976, il a également été membre du Globe Unity Orchestra et, depuis la fin des années septante, il donnedes concerts en solo. Rüdiger Carl se joint régulièrement à différentes formations musicales, particulièrement en com-pagnie de Sven-Åke Johansson et Hans Reichel. Les trois musiciens ont fait partie du Bergisch-BrandenburgischesQuartett (avec Ernst-Ludwig Petrowsky), Carl et Johansson sont membres du Swing Dance Band (avec Alexandervon Schlippenbach et Jay Oliver), Carl et Reichel jouent dans le September Band et le trio Carl/Reichel/Johanssonlui-même existe depuis 1994.Parmi ses autres fructueuses explorations figurent son duo avec Hans Reichel, ses productions avec Joëlle Léandre etCarlos Zingaro ainsi que sa longue association en duo avec Irene Schweizer, commencée en 1973 déjà, et qui se pour-suit encore aujourd'hui. Cette dernière association se retrouve enfin dans le COWWS quintet (avec PhilippWachsmann) dans lequel les influences du chant et du folklore si présentes dans l'accordéon de Rüdiger Carl sont pri-mordiales.

« Sur scène, Carl donne l'impression d'un comte prussien qui, après quelques bouteilles de vin devient étrangementpensif. Une vision sonore surréaliste. »

d'après Andreas Kallfelz, dans www.margaretapeters.ch

Né en Argentine, César Stroscio étudie le bandonéon dans les conservatoires de quartier de Buenos Aires à partirde 1953, puis complète sa formation avec les maîtres du bandonéon classique : Alejandro Barleta et FranciscoRequena. En 1964, il participe à la fondation du Cuarteto Cedron où il est à la fois interprète, arrangeur et compo-siteur. Parti de la musique populaire argentine, le groupe trouve sa personnalité propre, tout en gardant les racines etles formes musicales du tango, de la valse et de la milonga d'Argentine. César Stroscio arrive en France avec cetteformation en 1975 et déploie une carrière internationale (tournées dans le monde entier et douze disques). Il joueavec des musiciens classiques (Miguel Ange Estrella, Orchestre National de Lille). En 1992, il crée le trio Esquina.Leur répertoire comprend des pièces de Rovira, Troilo, Piazzola, Stroscio, Enriquez... sur des rythmes variés du Riode la Plata: tango, milonga, candombe, valses... Le trio Esquina a reçu le Grand Prix de l'Académie Charles Cros en1996.César Stroscio a collaboré avec de nombreux musiciens : Paco Ibañez, Georges Moustaki, Quilapayun, Angel Parra,Collette Magny ou encore, plus récemment, Angélique Ionatos. Il se produit également en concert comme soliste ouavec de nombreuses formations symphoniques ou de chambre. César Stroscio a également composé des musiques defilm ou de scène. Il a pris en charge, depuis 1989, en collaboration avec Juan Jose Mosalini, la première chaire d'en-seignement du bandonéon créée en Europe, à l'École nationale de musique de Gennevilliers, qui a obtenu un succèsimmédiat.

Rüdiger Carl. Photo: Siegfried Martin

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La participation musicale de jeunes musiciens dans le Festival constitue toujours un des fonde-ments de notre programmation. Jean-Jacques Balet et les musiciens du Conservatoire s'asso-cient cette année à ceux de l'Académie de Musique de Saluzzo pour bénéficier ensemble de l'en-seignement d'un grand maître de la musique d'aujourd'hui. La venue d'Helmut Lachenmann àGenève permet ainsi une nouvelle fois au Conservatoire de Musique et à Archipel de collaboreractivement. Le compositeur enseigne par ailleurs également dans les classes de composition etd'orchestration du Conservatoire de Musique de Genève. Le programme proposé par l'EnsembleContemporain du Conservatoire allie plusieurs aspects de son œuvre de musique de chambre àla création suisse d'une pièce récente de Bruno Mantovani, compositeur français parmi les plusinspirés de sa (jeune) génération.

Né à Stuttgart en 1935, Helmut Lachenmann a fait ses premières études de musique au Conservatoirede Stuttgart (piano et contrepoint notamment). En 1957, il se rend à l'Académie d'été de Darmstadtoù il rencontre Luigi Nono. Il le suit à Venise pour étudier la composition avec lui (1958-60). Puis, de1963 à 1964, Helmut Lachenmann parfait sa formation en participant aux cours de musique nouvelleque Karlheinz Stockhausen donne à Cologne. Il s'approprie autant les conceptions politiques et socialesdu premier que l'attitude magistralement exploratoire du second. Très tôt en lutte permanente contre leshabitudes et les convenances de l'« écoute musicale », Helmut Lachenmann amorce dès ses premièresœuvres une exploration systématique des différents modes de jeu instrumentaux, ne laissant que trèsexceptionnellement apparaître les techniques de jeux traditionnelles.Helmut Lachenmann est le fondateur d'une musique qu'il définit lui-même comme « concrète instru-mentale ». Tout au long de ses œuvres : de Souvenir pour petit orchestre (1959) à temA (1968), deKontrakadenz (1970-71) à Tanzsuite mit Deutschlandlied (1980), de Mouvement (1984) à Allegro sos-tenuto (1988) ou encore, de ... Zwei Gefühle..., Musik mit Leonardo (1991-92) à Serynade (1999),Helmut Lachenmann à développé cette démarche unique qui aboutit aujourd'hui à un alphabet musicalapparaîssant aujourd'hui comme une véritable synthèse critique des techniques instrumentales et élec-troacoustiques développées depuis l'après-guerre.(autre texte p. 21).

•••Bruno Mantovani est né en 1974 à Châtillon-sous-Bagneux. Il entre au Conservatoire de Paris en1993, où il remporte les premiers prix d'analyse, d'esthétique, d'orchestration et de composition (troi-sième cycle dans la classe de Guy Reibel). Il y continue actuellement ses études en histoire de lamusique et en recherche en analyse. Parallèlement, il complète sa formation à la session de compositionde l'Abbaye de Royaumont en 1995 auprès de Brian Ferneyhough et de Michael Jarrell, à l'Universitéde Rouen (maîtrise de musicologie en 1996), et à l'Ircam (cursus de composition et d'informatiquemusicale en 1998-1999). Bruno Mantovani a reçu la bourse de composition de l'Académie des Beaux-Arts en 1997, et une bourse de la fondation Nadia et Lili Boulanger en 1999. Ses oeuvres, commandéespar le ministère de la Culture, Radio-France, ou d'autres organismes et festivals, ont été jouées par denombreux ensembles, notamment 2e2m, Court-circuit, Recherche, Arcema, TM+, dirigés par PeterEötvös, Pascal Rophé, Pierre-André Valade, Laurent Cuniot, Alain Louvier, Guy Reibel ou Peter Rundel.En outre, il a collaboré avec des solistes comme Jean Geoffroy, Claude Delangle, Jay Gottlieb... A l'in-vitation de Peter Eötvös, il réside entre août et décembre 1999 à la maison des artistes d'Edenkoben(Allemagne).Ses oeuvres sont publiées aux éditions Henry Lemoine depuis 1998.

d'après le serveur © IRCAM - Centre Georges-Pompidou 1996-2000

Ensemble contemporain du Conservatoire24 mars 16h

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Paroles d’utopie 24 mars 19h15 et 20h30

Le Festival est heureux de s'associer au dix-huitième concert du cycle « Musique d'un siècle »que produit Contrechamps autour d'un programme présentant quatre explorations embléma-tiques des techniques de transformation et de diffusion des sons qui se sont développées cesdernières décennies.

« Luigi Nono et Emmanuel Nunes ont créé des univers sonores tout à fait nouveaux où le champinstrumental se trouve considérablement élargi, transformé. Par son extrême simplicité et parsa pureté expressive, la musique de Castiglioni apporte un complet contraste : mais participed'une même exigence spirituelle et musicale qui relie, au-delà des esthétiques, les trois com-positeurs. Stockhausen avait déjà développé dès les années cinquante de telles idées, avec unsens élevé de la spéculation. Avec Gesang der Jünglinge, sa première pièce exclusivement élec-troacoustique, cet éclaireur mettait en jeu une forme novatrice de spatialisation et de mouve-ment des sonorités dans l'espace afin d'élargir la perception musicale. » Philippe Albèra

Luigi Nono. Photo: Guy Vivien

L'une des formes de l'utopie fut, après la Seconde Guerre, l'idée de reconstruire le langage musical à partir d'uneanalyse du son qui se placerait en deçà de toute considération esthétique, et sans référence aux formes léguées parle passé proche ou lointain. Dans ses premiers textes, Stockhausen parle d'un « ordre sonore entièrement déterminé »dans lequel tout ce qui est préformé a été éliminé. Les moyens électro-acoustiques offraient en ce sens un champ d'in-vestigation idéal. Au nom de cette maîtrise du matériau, et de l'unité désirée entre sa structure intime et la structu-re de la composition elle-même, Stockhausen s'orienta vers la musique purement électronique, rompant avec laconception d'une musique concrète manipulant des sons et des bruits existants, défendue par Pierre Schaeffer etPierre Henry. Chaque son était ainsi reconstruit à partir de l'onde sinusoïdale. Cette attitude radicale (et très labo-rieuse, avec les moyens de l'époque) avait son corollaire dans l'écriture instrumentale, à travers l'idée d'une sériali-sation généralisée fondée sur la dissociation des paramètres (hauteur, durée, dynamique, timbre). Si Boulez infléchitrapidement un style voué à de vastes calculs combinatoires, dénonçant l'impasse d'une pensée par trop abstraite,Stockhausen poursuivit ses investigations avec une ténacité et une richesse d'imagination remarquables, fusionnantles sources instrumentales ou vocales et électro-acoustiques, et débouchant sur de nouvelles conceptions du temps,de l'espace, et de la forme.Emmanuel Nunes étudia avec Stockhausen au début des années soixante et fut très marqué par ses idées (c'étaitl'époque de Momente) : on en retrouve trace dans sa propre esthétique, qui vise aussi la constitution d'un mondesonore original, homogène et autonome, dans lequel chaque élément trouve place à l'intérieur d'un ordre fortement

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déterminé au départ, et où la sonorité, en tant que telle, possède une signification structurelle. En se tournant vers lemodulateur en anneau pour sa pièce intitulée Nachtmusik, Nunes poursuivait les recherches de Stockhausen dansMantra (1970), mais d'une manière différente. Il reprendra plus tard l'idée d'une composition de l'espace que le com-positeur allemand avait inaugurée dans le registre électro-acoustique avec Gesang der Jünglinge, et dans le registreinstrumental avec Gruppen pour trois orchestres. De même, il approfondit le concept de fixité harmonique queStockhausen avait pratiquée dans Stimmung (un même accord travaillé de l'intérieur), mais sur une autre échelle.Luigi Nono avait été proche de Stockhausen dans la fameuse période de Darmstadt, avant de se désolidariser de sesoptions esthétiques influencées par Cage à la fin des années cinquante (il avait polémiqué avec lui au sujet de la rela-tion entre texte et musique, Stockhausen ne comprenant pas le travail de fragmentation phonétique réalisé par Nono).Lui aussi chercha dans le domaine électro-acoustique un moyen de franchir les limites du monde instrumental et vocaltraditionnel. Mais Nono se situe dans une esthétique réaliste, liée à un engagement social et politique; elle est fondée,contrairement à celle de Stockhausen, sur l'hétérogénéité du matériau. Durant les années soixante et soixante-dix, ilmultiplia les œuvres mêlant les moyens électro-acoustiques aux voix et aux instruments, où des techniques nouvellescroisent l'utilisation d'un matériau réaliste fait de bruits, de paroles, de discours, de slogans politiques, etc. C'est endécouvrant les possibilités du Studio de la Fondation Strobel à Fribourg que Nono s'orienta vers une nouvellerecherche: la transformation et la spatialisation du son grâce à l'interaction entre les voix ou les instruments et l'or-dinateur, capable de traiter en temps réel des informations très complexes (live-electronics). Il s'appuya pour cela surdes études poussées du son, soit directement avec certains interprètes, soit avec de nouveaux appareils d'analyse; ladémarche rappelle partiellement celle de l'après-guerre évoquée plus haut.L'idée d'un espace musical brisant le face-à-face entre la source et l'auditeur est une préoccupation constante descompositeurs qui ont travaillé avec les outils électroniques. Elle est liée à un langage musical qui, par sa complexitéintrinsèque, n'est plus univoque et directionnel, mais présente une structure ouverte, polyvalente. Le concept d'uneforme labyrinthique est en rapport étroit avec celle d'un espace non centré, dans lequel le son se déplace librement.L'expérience de l'œuvre ne se rapporte plus à l'idée d'un récit, à une dramaturgie linéaire, mais elle adopte une formede méditation, elle procède par tâtonnements, par analogies, avec ses moments de doute ou d'exaltation: la dimensionmystique, paradoxalement liée à une démarche de caractère scientifique, est sous-jacente dans les œuvres deStockhausen, Nunes et Nono, bien que sous des formes très différentes.Elle est aussi présente chez Castiglioni, dont la démarche, dans ce contexte, paraît a priori isolée. Pourtant, Castiglionireprend le modèle wébernien qui fut celui de l'avant-garde des années cinquante (à laquelle il participa d'ailleurscomme le benjamin de sa génération). Mais c'est moins, chez lui, le Webern constructiviste qui fait sens que le Webernlyrique - un lyrisme qui ne viendrait pas d'une extension des moyens, mais au contraire d'une réduction à l'essentiel,visant une sorte d'immanence sonore qui réfracte le mystère de la grâce. Sa recherche de la plus grande pureté joueainsi, dans l'économie du concert, le rôle d'un contrepoint révélateur aux sonorités plus complexes, et souvent inouïes,des autres compositeurs.

Philippe Albèra

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De tous les claviers, les deux plus « percussifs » : marimba et vibraphone. Pour les frapper, jus-qu'à vingt-six mains, peut-être davantage de baguettes. Et pourtant, et surtout, c'est un soncontinu qui se fait entendre, tournoyant dans son propre écho.C'est d'abord l'histoire sereine du Rain Tree. Dans l'imaginaire de Toru Takemitsu, il y a desnotes pour raconter l'humidité pesante mais jalousement gardée par l'arbre de pluie au lende-main de l'ondée, sa manière unique de s'épancher en une fine irisation.C'est aussi une histoire sans histoire rapportée par Steve Reich : ni vraiment de début, moinsencore de fin, et cependant chaque détail compte dans cet Electric counterpoint conçu à l'origi-ne pour une seule guitare et ses multiples amplifications. Pour en assurer la création dans uneversion à treize percussionnistes, pour opposer à l'arbre de pluie les ardeurs latines de FrancoDonatoni et Giorgio Battistelli, Emmanuel Séjourné, le Centre international de percussion et laclasse de percussion du Conservatoire supérieur de musique de Genève ont uni leurs forces. Unlong travail pédagogique supporte ce projet : à la clé, une seule sonorité. Jacques Nicola

Emmanuel Séjourné est considéré comme l'un des principaux percussionnistes spécialisés dans lesclaviers de percussion : vibraphone et marimba. En 1981, il fonde l'ensemble Noco Music, avec lequelil donne de nombreux concerts en France et à l'étranger. Responsable pédagogique du département per-cussion du Conservatoire de Strasbourg, il y enseigne particulièrement les claviers de percussion, créantainsi en France un cycle supérieur d'études consacré à cette spécialité. Auteur d'une méthode de vibra-phone (éditions Leduc), et de pièces pour percussion (éditions Fuzeau, Lemoine, Combre, Aug Zurfluh,Alfonce, Zimmermann), il est nommé conseiller pédagogique au Ministère de la Culture pour la prépa-ration 94/95 du certificat d'aptitude à la percussion.Ses master-classes remportent un grand succès dans tous les grands conservatoires d'Europe.Emmanuel Séjourné se produit en soliste en Europe et en Amérique du Nord, et participe à de nombreuxfestivals. Il joue régulièrement avec des ensembles de musique de chambre tel l'Accroche-Note. Il a créeplus de quarante œuvres dont les plus récentes sont de Georges Aperghis, James Dillon, FrancoDonatoni, Claude Lenners, Philippe Manoury et James Wood.Parallèlement à ces activités, il pratique le jazz et les musiques improvisées. Sollicité par les composi-teurs pour développer le répertoire du vibraphone et du marimba, Emmanuel Séjourné introduit dansson jeu la manipulation des six baguettes et l'utilisation du vibra-midi, ouvrant ainsi de nouvelles per-spectives instrumentales.

•••Les Percussions du CIP - Fondé par Pierre Métral en 1965, sous le nom d'Ensemble à Percussions deGenève, ce groupe fut d'abord formé des percussionnistes de l'Orchestre de la Suisse Romande. L'idéed'un tel ensemble, alors très novatrice, fut accueillie avec enthousiasme par le public genevois, et parles compositeurs suisses romands auquels l'EPG a offert de nombreuses commandes et créations.L'EPG a donné de très nombreux concerts et s'est produit dans des festivals importants (Lausanne,Besançon, Montreux, Paris).Ensemble à géométrie variable (de deux à quinze musiciens), l'EPG a connu une collaborationfructueuse avec les Dioramas de la musique contemporaine pendant plus de dix ans.Depuis quelques années, enrichi des meilleurs percussionnistes de la région genevoise, l'Ensemble desPercussions du CIP a élargi ses champs d'activités. En plus de ses propres concerts, il collaborerégulièrement avec l'Orchestre de Chambre de Genève, l'Ensemble Contrechamps et participe aux festi-vals de La Bâtie, Extasis, puis Archipel dès 1993. Depuis quelques temps il s'efforce de créer des liensavec des musiciens de la Suisse allemande et s'est produit récemment en compagnie de membres du «Gnom » dans le cadre des Tage für Neue Musik à Zürich. Des enregistrements pour la radio et le disqueviennent régulièrement ponctuer son travail. Les principaux choeurs de Suisse romande font appel à sesservices pour interpréter le répertoire pour choeur et percussions comme, par exemple, les Noces ouCarmina Burana. Il donne aussi des concerts dans les écoles.

Lame de bois, lame de fer 25 mars 11h

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C'est l'étonnante histoire d'un homme qui rêve d'une musique « qui soit l'expression d'unecuriosité prête à tout interroger ». Tout au long de son oeuvre, Helmut Lachenmann a créé unnouvel alphabet musical en effectuant une exploration systématique des modes de jeux instru-mentaux et des différents bruits que ces jeux peuvent engendrer.Le musicien que nous invitons aujourd'hui figure parmi les compositeurs marquants de notretemps, parce qu'il écrit une musique sans concession d'une surprenante beauté sonore. Unemusique qui est certainement parmi les plus propices à nous faire dé-couvrir des espaces nonencore protégés de notre perception, de notre écoute. Dans ses œuvres pour piano en particulier, Helmut Lachenmann réussit à transformer l'hérita-ge sonore d'un instrument des plus familiers en une interrogation continue sur notre perceptiondes résonances, des formes et des ombres mêmes de la tradition. Ce concert-portrait sera précédé, à 18h, d'une rencontre publique avec le compositeur, animéepar Jacques Nicola.

La musique de Helmut Lachenmann met en crise les conventions et les habitudes d'écoute avec uneradicalité sans précédent. Rien, chez lui, ne va de soi. L'œuvre est à la fois une analyse implacable detout ce qui s'est sédimenté dans le matériau et dans la pratique musicale, et une expérience inouïe, àtravers laquelle plus rien ne peut être comme avant. Elle n'est pourtant pas liée à un programme: toutse joue à l'intérieur du phénomène sonore lui-même. Les structures traditionnelles, qu'il s'agisse d'uneforme de danse ou d'une série d'enchaînements harmoniques, d'une référence à une oeuvre du répertoireou d'un geste archétypique, sont placées sous la lumière crue d'un processus de déconstruction. Apparaîtalors à la surface ce qui était caché ou refoulé: un monde sonore d'une extraordinaire richesse, qui sedéploie à partir des éléments premiers. La musique échappe à toute schématisation - elle est avant toutun faire, et paraît s'inventer dans l'instant. Elle est aussi la critique impitoyable des apparences, du «beau son », des a priori, des références qui n'ont pas été réfléchies. Elle nous ouvre ainsi des horizonsinsoupçonnés, qui étaient au-delà, ou en deçà de notre champ d'audition.

Il y a dans cette démarche une grande exigence de pureté et d'absolu, mais aussi une sensibilitéd'homme blessé. L'œuvre fait coexister la souffrance et l'utopie à l'intérieur de chaque moment. C'estun déchirement que l'œuvre voudrait déchiffrer et en même temps dépasser. Elle a entériné la brisuredu sujet, refusant la fanfare héroïque d'un moi que l'histoire n'aurait pas marqué au fer rouge,renonçant à l'accord parfait, mais défraîchi, du consensus social. En rejetant les formes convention-nelles de beauté et une signification musicale abâtardie, Lachenmann en dénonce la réification.Pourtant, sa musique comporte aussi ses moments de merveilleux, et cette « faible force messianique»dont parlait Walter Benjamin.

Lachenmann est à la fois une conscience critique et un visionnaire. C'est une mauvaise herbe dans lejardin de la musique contemporaine (et plus particulièrement de la musique allemande). Ses oeuvres,comme ses écrits, font toujours l'effet d'un choc salutaire. Avec lui, on ne peut pas tricher. Sa musiquen'est pas refermée sur elle-même, mais elle n'adopte pas non plus le ton de la prophétie. Elle suscite unerésistance. Et c'est en surmontant cette résistance que l'on prend conscience de ses propres catégoriesd'écoute, de leur transformation possible, et d'une perception nouvelle, plus aiguë, plus ouverte, plusriche. Paradoxalement, cette recherche fragile, inquiète et pourtant déterminée, s'exprime à traversl'ample appareil orchestral. Et elle exige souvent des durées importantes. On peut penser qu'en allantvers la structure problématique et figée de l'orchestre, Lachenmann veut non seulement se jeter dans lagueule du lion, mais rechercher la plus grande différenciation sonore possible et des significations riche-ment articulées. C'est en éprouvant à la fois intellectuellement et sensuellement ces nuances infinies del'imaginaire musical lachenmannien que l'on atteint à la vérité des oeuvres. « Que l'homme éprouvetoute chose, écrivait Hölderlin, et sache qu'il est libre d'aller au but qu'il s'est choisi ».

Philippe Albèra (dans: « Helmut Lachenmann »,livret-programme du Festival d'Automne, Paris,1993)

note biographique: cf page 17

Helmut Lachenmann 25 mars 18h et 19h

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Des artistes s'emparent d'une histoire, par ré-appropriation, par détournement, par jeu. Une foisle film éprouvé, tiraillé, découpé, étiré même, l'histoire du combat contre la baleine demeurecependant toujours bien présente.À l'ère de la pratique généralisée du « sampling », la collaboration avec le Cinéma Spoutnik nousoffre une belle occasion de proposer un cinéma élargi, qui prenne place dans les arts de lascène. Un cinéma dont l'ultime transformation ne se loge pas définitivement sur la pellicule,mais qui connaîtrait encore de nombreuses vies, où chaque représentation serait différente dela précédente. Pour ce cinéma perpétuel, Christophe Auger et Xavier Quérel (Métamkine) rejoignent ÉtienneCaire et Gaëlle Rouard (Ateliers MTK) et travaillent de connivence avec le musicien plasticienVincent Epplay pour tenter un outrageux hommage à un grand classique. Ainsi, vous pourrezaussi bien assister à une projection traditionnelle du mémorable mastodonte qu'à une investi-gation expérimentale du même objet.

N.B. le 25 mars, à 16h, au Cinéma Spoutnik: projection du film Moby Dick dans sa version origi-nale. Réalisation: John Huston / Scénario: J.H. et Ray Bradbury d'après Herman Melville.Avec Gregory Peck, Richard Basehart, Leo Glen, Orson Welles, ... (USA, 1956, 115') VO s/t Fr.)

« Plus de lumière / et l'ombre de cette lumière.Plus d'ombre / et la lumière de cette ombre. »Herman Melville

C'est avec cette injonction en tête que le Cinéma Spoutnik et le Festival Archipel vous convient àl'Alhambra, pour assister à la création de la commande qu'ils ont passée à quatre cinéastes et un musi-cien : réaliser une performance (événement unique, donc ! ) à partir d'un matériau donné, pariant ainsique se croiseront des pratiques différentes l’« expanded cinema » et le « found footage », mis en regardavec le récit narratif.Le cinéma dit expérimental (ou d'avant-garde, ou souterrain) a souvent hésité entre deux tendances :d'une part, une recherche - formaliste - des moyens d'expression et des lois élémentaires qui fondent laspécificité de son langage (cf. le cinéma « pur » ou le cinéma « même », telles les « symphonies visuelles» inaugurées dans les années vingt ou les « films structurels » des années septante) ; d'autre part, unevolonté - iconoclaste - de faire éclater les limites, les bornes du film et de passer outre toute assigna-tion du cinéma à un champ circonscrit (cf. les différentes tentatives d'élargissement du dispositif fil-mique dans les années vingt, relancées par les « lettristes » dans les années cinquante, puis par lesapports des arts de la scène, de la performance, et culminant enfin dans le cinéma « élargi » anglais).Une commande, donc. A quelques cinéastes grenoblois, qui gravitent autour d'un laboratoire de déve-loppement indépendant, la structure collective de l'Atelier MTK dont sont issus un certain nombre deprojets comme les multi-projections de la cellule d'intervention « Metamkine » ou « Le Cube » : ce ciné-ma de l'effet-roi, et parfois de l'effroi, où le montage des photogrammes est démultiplié par la prolifé-ration des espaces-réceptacles de projections. Régulièrement accueillies par le Cinéma Spoutnik, cesperformances motivent en partie cette commande, car il s'agit bien de confronter un tel déferlement deformes, pour la plupart abstraites, à des clichés figuratifs.La gageure, enfin : relancer ce travail sur la matière même de la pellicule, sur la multiplication descadres et les perturbations du défilement des images (ralentis-accélérés), par l'imposition d'un schémanarratif et d'une structure linéaire. Le « found footage » (copier/coller), remis au goût du jour à tra-vers la pratique de l'échantillonnage, représente un tel cadre de travail, pour autant que l'on retienneune source unique comme point de départ. Et, malgré certaines idées reçues, le meilleur matériau reste,avec les moyens du bord, le cinéma hollywoodien. Et que l'on ne s'y trompe pas ! Il n'y a pas pour nousde divorce consommé; on ne peut pas opposer la ghettoïsation de l'expérimental à l'insipidité de l'in-dustrie du divertissement culturel. Derrière cet outrage certain, il y a un hommage, non pas à un film,mais à une industrie qui accueillit en son sein quelques-uns des plus grands créateurs (d'histoirescomme de formes) du cinéma.Pour cette fois, ce sera Moby Dick, de John Huston. Un film narratif, avec ses stars (Gregory Peck,

Le retour de la Baleine 27 mars 20h30

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entre autres), ses décors de studio, ses couleurs en technicolor, sa mise en scène (quoique ici un peulaborieuse, mais passons...). Et un livre comme prétexte (Melville donc. Quand même : « I would prefernot to...»). Irrésistiblement, une boucle se reforme : l'appel à la mise à mort, ritualisée, d'un monstremarin... pour que resurgisse, déconstruit/reconstruit, un nouvel ovni filmique.Gaëlle Rouard est née le 5 avril 1971. Cinéaste. Membre de l'atelier MTK. Membre de l'associationArt Toung ! qui programme du cinéma expérimental au 102, rue d'Alembert à Grenoble. Diplôme de l'É-cole Supérieure d'Art Visuel de Genève, section cinéma-vidéo (1997). Stage de technique de laboratoi-re cinéma au CTP, Kodak. Depuis 1992, Gaëlle Rouard réalise des films, des installations et participe àdes performances film/musique (avec LLOG, Métamkine, Massimo Groupo…).

Xavier Quérel est né le 7 décembre 1966. Vit à Grenoble. Diplôme Sciences Économiques et Sociales,Université Grenoble, 1988. Cinéaste, formation autodidacte. Réalise des films expérimentaux (super 8et 16mm) depuis 1990. Membre de la Cellule d'Intervention Métamkine depuis 1990 (groupe qui pré-sente des performances où musique et film sont travaillés en direct). Membre de Art Toung! depuis1990 (programmation de cinéma expérimental au 102, rue d'Alembert à Grenoble). Cofondateur en1992 des Ateliers MTK, laboratoire cinématographique artisanal à Grenoble: développement, tirage ettrucage de films S8 et 16mm. Concepteur et animateur de divers ateliers cinéma menés en milieu sco-laire (école primaire, collège ou lycée). Participe en tant qu'intervenant à divers workshops, universitésd'été ou stages de formation cinéma pour adultes ou étudiants. Travaux cinéma/lumière pour le spec-tacle vivant, notamment, depuis 1995 avec le groupe Ici-Même : regroupement d'artistes aux activitésdiverses qui propose des recherches où scénographie, son, geste, mouvement, image et lumière sont tra-vaillés conjointement, la plupart du temps dans des lieux particuliers (friche industrielle, champs, par-king, rue, cour intérieure ).

Etienne Caire. 33 ans, antécinéaste. Membre de l'Atelier MTK, un laboratoire cinématographique, créépar un collectif de cinéastes expérimentaux en 1991, qui permet principalement le développement et letirage de films super 8 et 16mm et autorise toutes les libertés en matière de manipulation d'images.Membre du groupe LLOG, avec Manu Holterbach (guitare préparée, acousmotopographe), duo qui mani-pule sons et images.

Christophe Auger est né le 13 avril 1966. Membre fondateur de la Cellule d'Intervention Métamkine.Études de lettres de 1986 à 1988. Technicien-opérateur dans un laboratoire photographique profes-sionnel de 1989 à 1995. Photographie expérimentale depuis 1986, formation autodidacte: affiches,pochettes de disques, press-book et expositions. Membre de Art Toung! (programmation de cinémaexpérimental au 102, rue d'Alembert à Grenoble) de 1990 à 1995. Depuis 1988, cinéaste, formationautodidacte. Réalise des films expérimentaux (super 8 et 16mm) depuis 1988. Participe à divers work-shops ou stage de formation cinéma pour adultes ou étudiants. Cofondateur en 1992 des Ateliers MTK,laboratoire cinématographique artisanal à Grenoble.

•••Vincent Epplay, artiste plasticien, concepteur et réalisateur d'environnements sonores, élabore unerecherche multiforme mettant en jeu la matérialité du son et ses modes de diffusion.Créateur d'environnements et de dispositifs sonores utilisant les technologies numériques, la collabora-tion et la rencontre avec différents artistes sont des constantes de son travail.A partir de dispositifs sonores, il questionne les rapports entre le son et l'image, le contexte de la dif-fusion (durée, lieu) et le rapport à l'audio-spectateur. Ces dispositifs revêtent différentes formes : objetssonores sur le web, CD ROM de musique générative, installations et environnements sonores dans lecadre d'expositions ; ils peuvent par ailleurs être réinvestis sous la forme de mix en live en associantd'autres intervenants (chanteuse, musiciens, vidéaste…).« Les live sont des moments privilégiés de collaboration avec différents artistes : plasticiens, musiciens,interprètes ... Le live crée une structure de dialogue et d'échange, comme peuvent le pratiquer les musi-ciens liés aux musiques expérimentales ou improvisées. Les interventions live créent des environnementssonores éphémères, s'inscrivant dans des espaces d'écoute à investir par l'audio-spectateur. »Les interventions ont déjà pris place dans de nombreuses villes : Beyrouth ; Paris , Centre GeorgesPompidou, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris ; Phonotaktik, Vienne ; Laboratoiresd'Aubervilliers ; Gothaer Kunstforum, Cologne ; en collaboration avec Vreni Spieser et Pierre Giner,Zürich, entre autres.

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Désirant « contempler les choses éternelles », George Crumb a travaillé en profondeur sur l'ex-tension des possibilités expressives du piano, en élaborant de nouvelles techniques d'exécutionet en faisant appel à de nombreux instruments de musiques populaires et traditionnelles. Lamusique des Makrokosmos, pour piano amplifié, est un reflet idéal de cette exploration poétiqueet spirituelle des timbres qui ne dissocie jamais la tradition de l'exploration. Pour inaugurer une première collaboration avec la Fédération des Écoles Genevoises deMusique, nous avons choisi d'inviter Peter Degenhardt, interprète privilégié de ce « Clavier bientempéré » moderne. Le pianiste conduit à cette occasion également un atelier dans les écolesde la Fédération. Pour ce concert commenté, qui s'adresse autant aux jeunes qu'aux plusgrands (âge conseillé : 8 ans minimum), Peter Degenhardt jouera diverses parties desMakrokosmos I et II et les commentaires de François Creux offriront au public quelques éclai-rages passionnés sur le piano de George Crumb.

Figure de proue de la musique américaine dans la lignée des Charles Ives et Henry Cowell, GeorgeCrumb naît en 1929 à Charleston (West Virginia). Élevé dans une famille de musiciens, il fait sesétudes à l'Université du Michigan, puis à Berlin où il suit l'enseignement de Boris Blacher et découvrel'École de Vienne, mais aussi Debussy et Bartók. Enseignant à l'Université de Pennsylvanie depuis 1965,il reçoit le prix Pulitzer pour son œuvre orchestrale Echoes of Time and the River (1967), et crée dèslors un langage personnel, sans aucun tabou esthétique. Militant écologique, très marqué par son enfan-ce dans les Appalaches, il consacre ses plus belles partitions vocales (Madrigals, 1965-1969, NightMusic, 1963) à la poésie de Federico Garcia Lorca. Embrassant tous les genres musicaux, son œuvreemploie surtout des instruments traditionnels, élaborant de nouvelles techniques d'exécution, notam-ment pour le piano. De subtils effets de timbres sont la marque de ce musicien désireux de « contem-pler les choses éternelles », qui se refuse à dissocier tradition classique et recherches d'une avant-gardedont il est, avec son contemporain John Cage, un des plus singuliers représentants.

George Crumb 28 mars 17h

Peter Degenhardt est né en Kassel, Allemagne. Depuis des années 60 il apparaît comme soliste etcomme musicien dans des orchestres de chambre dans des divers ensembles dans nombreux pays dumonde. Ses récitals sont diffusés par des nombreux stations de radio et sont sorties en disque et en CD.Il a fait ses études auprès de Georg Rothlauf à l'Academie de la Musique à Kassel, d'Andor Foldes auMusikhochschule de Saarbrücken, d'Aloys Kontarsky au Musikhochschule de Cologne, ainsi qu'avec lescompositeurs George Crumb, György Ligeti, Pàl Kadosa et Earle Brown.Depuis 1976 il est également professeur au Musikhochschule de Cologne. Actuellement il se concentresur son travail de duo avec Hugo Read (saxophone), de duo avec Fuat Kent (piano) et sa carrière desoliste. De plus, il accompagne la soprano Sylvia Koke et le baritone Nicholas Isherwood. Il estconseiller artistique pour le New Art Ensemble.

Peter Degenhardt

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Makrokosmos Vingt-quatre pièces fantastiques d’après le Zodiaque 1972-73Le titre et le format de mon Makrokosmos reflètent mon admiration pour deux grands compositeurs dupiano du XXe siècle - Béla Bartók et Claude Debussy. J'ai pensé, évidemment, au Mikrokosmos deBartók et aux 24 Préludes de Debussy. Toutefois, ce ne sont que des associations purement externes, etje suppose que « l'impulsion spirituelle » de ma musique est plus apparentée au côté plus sombre deChopin, ou même à l'imagination enfantine du jeune Schumann. George Crumb

« Makrokosmos, Volume II, comme son prédécesseur, Volume I, est composé de douze pièces regrou-pées en trois unités par quatre morceaux. Je conçois l'œuvre entier comme une très lente intensificationen tempo et dynamique jusqu'à la huitième pièce paroxysmique (« A Prophecy of Nostradamus ») et,par la suite, comme une prolongation jusqu'à la conclusion merveilleusement soutenue et presque hyp-notique de Dona Nobis Pacem. Évidemment, chaque pièce a sa propre tonalité et son ambiance carac-téristique, et leur durée est minutieusement calculée, pour que musicien et public deviennent totalementimpliqués et absorbés par leur portée expressive. Néanmoins, je perçois très fortement l'architecturelarge et l'évolution continue de l'œuvre en tant qu'entité et je veux projeter cela dans mon jeu. »

Robert Miller, pianiste

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Et si les artisans de la musique sur support, étaient en définitive les créateurs d'un véritable «Cinéma du Son » ?Éminent pionnier de la musique « concrète » et compagnon successif de Pierre Schaeffer, PierreHenry et François Bayle, Michel Chion occupe encore aujourd'hui une place incomparable dansl'évolution de cet univers, tant il a su développer une activité multiple de chercheur, de théori-cien, de critique, de réalisateur et, bien sûr, de compositeur. À ce titre, il est l'auteur d'un œuvreà la force tranchante où se retrouvent autant le dépouillement le plus pur que les combinaisonssonores les plus expressives. L'AMEG et Archipel se rejoignent pour accueillir un compositeur qui tente en permanenced'élargir la musique vers « un cinéma imaginaire qu'il serait impossible de visualiser » et choi-sit d'associer au concert d'aujourd'hui la musique d'une autre prospectrice dans l'art des sonsfixés, Michèle Bokanovski.

Le Mardi 27 mars (à 19h, à l'Alhambra), Michel Chion donnera une conférence « La mise enscène du son ». Il évoquera son œuvre personnelle et la réflexion qu'il conduit sur le son consi-déré pour lui-même et dans ses rapports avec l'image. La conférence sera précédée de la pro-jection de son film Eponine.

Michel Chion 28 mars 20h30

Compositeur, écrivain, réalisateur cinéma et vidéo, chercheur, enseignant, Michel Chion, né en 1947 à Creil, a fait desétudes musicales aux Conservatoires de Versailles et Paris et littéraires à la Faculté de Paris-Nanterre. Il a fait par-tie de 1971 à 1976 du Groupe de Recherches Musicales, comme responsable des programmes radio et des publica-tions du Groupe. Il a fondé en 1990, avec Anne-Marie Marsaguet, la société de production et d'édition Sono-Concept.Depuis 1993, il est professeur associé à mi-temps à Paris III (département IRCAV, cinéma).

Comme compositeur, Michel Chion se consacre depuis 1971 presque exclusivement à la musique électroacoustiquesur bande, forme d'expression pour laquelle il a remis en honneur, à partir de 1988, le terme de « musique concrète». Mais à l'intérieur de ce cadre, il a produit un œuvre variée : mélodrames (Le Prisonnier du Son, 1972 ; Tu, 1977-1996 ; Nuit noire, 1985; La Tentation de saint Antoine, d'après Flaubert, 1984), recueils et suites de pièces brèvesdans la tradition romantique (On n'arrête pas le regret, 1975 ; La Ronde, 1982 ; Vingt-quatre Préludes à la vie,1990), recherches techniques et formelles de « graphisme sonore » (Dix études de musique concrète, 1988 ;Variations, 1989 ; Crayonnés ferroviaires, 1992 ; Dix-sept minutes, 2000), et musique religieuse (Requiem, 1973 ;Credo, 1992 ; Gloria, 1994 ; Perpetuum Kyrie, 1997 ; Missa obscura, 2000). Il a créé à Vandoeuvre-les-Nancy (fes-tival Musique Action) une fresque collective composée en collaboration avec Lionel Marchetti et Jérôme Noetinger,Les 120 jours. Son Requiem a obtenu en 1978 le Grand Prix du Disque de l'Académie du Disque Français.

Comme réalisateur, Michel Chion a dirigé aussi bien des courts-métrages de cinéma (Le Grand Nettoyage, 1975 ;Eponine, 1984) que des documentaires vidéos, jusqu'à son œuvre la plus importante dans ce domaine, La Messe deterre, 1996, qui sur deux-heures et demie associe l'image-vidéo à la musique concrète, et a été distinguée par le GrandPrix de la Ville de Locarno.Le court-métrage Eponine a également reçu plusieurs prix, dont le Grand Prix du Festival de Clermont-Ferrand, etle Prix Jean-Vigo 1985.

Comme écrivain et essayiste, il a publié une vingtaine d'ouvrages, dont La musique au cinéma, qui a obtenu le Prixdu Meilleur Livre de Cinéma 1995 décerné par le Syndicat français de la Critique. Plus de la moitié de ces ouvrages,est consacrée au son, seul ou dans la relation audio-visuelle, constituant déjà, avec plusieurs centaines d'articles, leplus important ensemble théorique jamais consacré à l'étude de la perception et de la création sonore.Sur ce point, Michel Chion est à la fois un disciple de Pierre Schaeffer (dont il a synthétisé et transmis les recherchesdans son Guide des Objets Sonores, 1982), et un chercheur suivant ses propres voies : L'Art des sons fixés (1990),Le Promeneur écoutant (1993), Le Son (1998), sont quelques volets d'un vaste ensemble consacré à la disciplinequ'il vise à refonder et à réunifier sous le nom d'acoulogie - science de l'objet sonore entendu.

Michel Chion a été aussi le principal historien et musicographe de la musique électroacoustique, avec plusieursouvrages. Il a contribué à partir de la fin des années 80 à relancer non seulement le terme et la notion de « musique

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concrète », mais aussi le débat sur ce genre, participant notamment à la création du Prix Noroit, à des initiatives depublication et des rencontres, entre autres.

Comme journaliste et critique, il a également écrit dans des revues et publications comme les Cahiers du Cinéma,Positif, Le Monde de la Musique, Libération, L'Âne, Nouvelle Revue Française, L'Image-Vidéo, Bref, Lien, Revue &Corrigée, et de nombreuses revues non-francophones.Enseignant et conférencier, professeur régulier à l'ESEC, à l'École Cantonale d'Art de Lausanne, à Paris III, entreautres, Michel Chion intervient dans plusieurs pays d'Europe et d'Amérique du Nord et du Sud, notamment sur lecinéma et la musique concrète. Plusieurs de ses ouvrages et articles ont été traduits dans une douzaine de langues.

•••La Rondesuite concrète en 10 mouvements, 1982

1. Pensées du matin, 2. Ariette, 3. L'été, 4. Playtime, 5. La vierge folle, 6. Les mots, 7. Pour Lucienne, 8. Jardins, 9.Prière, 10. Pensées du soir

Une personne, femme ou homme, « au milieu du chemin de la vie », pense, rêve, ressent, se souvient. Elle pense aussià une femme d'une génération plus ancienne, qui pourrait être une parente. Cette œuvre est la ronde de ses sentimentset de ses sensations, parfois amers, mélangés, obscurs, parfois clairs et chauds, d'autres fois plus froids, mais toujourscomme en rumination et en gestation de quelque chose.

D'un mouvement à l'autre, j'ai cherché à faire varier plus ou moins la texture, la granulation, la définition, l'éclairageet le format de l'image sonore, un peu comme dans un album qui fait voisiner de vieilles photos sépia avec des pola-roïds récents. Mais ces images - au sens général du mot, non spécifiquement visuel - ne doivent presque rien au repor-tage brut : elles sont reconstituées et recomposées, voire fabriquées de toutes pièces.

Michel Chion

•••L'Isle sonante 1998

L'invention de la musique concrète est couramment associée à la trouvaille du « sillon fermé ». Ce thème éminem-ment symbolique du sillon hantait certainement Schaeffer puisque dans son premier Journal de la musique concrètepublié par la revue Polyphonie, 1950, on trouve, datées de février 1948 et données comme l'intuition d'une musiquequi ne sera inventée et baptisée que dans les mois suivantes, la musique concrète, ces lignes d'un « skieur écoutant »:« Sur le plateau que dévaste la bise, tout en haut du remonte-pente, les crochets de fer tournent autour de la roueaprès avoir raclé la neige gelée. Le tourniquet de cette mécanique offense le cristal du gel. Ce sont pourtant deschoses qui s'accordent. »Sans aucunement penser à ce texte, j'avais créé par frottements sur des plateaux tournants de machines toute unefamille de sons nouveaux, ceux qui m'ont inspiré l'Isle sonante : des sons qui évoquent en même temps à la fois unsur-place et un voyage, et qui ont quelque chose de ce raclement décrit par Schaeffer.Paradoxe, peut-être, pour une œuvre en principe maritime, qui s'inspire des récits de navigation de Lucien (Histoirevéritable), Rabelais, Melville (Mardi, Moby Dick), Edgar Poe ( Les aventures d'Arthur Gordon Pym), Jules Verne(Voyage au centre de la terre), et d'autres, en quête d'Eldorado divers…Une « Isle sonante » existe chez Rabelais et Alfred Jarry, mais j'ai pris la liberté d'utiliser ce nom, pour désigner uneîle mystérieuse très différente de ce qu'elle est chez ces auteurs, et dont on ne découvre la nature utopique que versle terme du voyage.Après Le Prisonnier du son, Tu, Diktat, La tentation de saint Antoine, et Nuit noire, L'isle sonante est mon sixièmemélodrame. J'ai voulu renouveler la formule, en faisant appel cette fois-ci à un personnage de lectrice, baptisé Axelle,en référence à Jules Verne, et qu'interprète Florence Chion-Mourier. Imaginons-la dans quelque grenier, plongée dansdes livres un peu poussiéreux, illustrés ou non, prêtant sa voix à différents auteurs et personnages, voyageant à tra-vers des pages tantôt didactiques et tantôt narratives, et naviguant à l'infini.L'œuvre dans sa version intégrale, prévue pour être créée fin 2001, s'étendra sur environ deux heures et demie. Unepremière partie a été créée en 1998, et c'est de cette première version que je détache l'épisode qu'on entendra.

Michel Chion

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The Smith QuartetIan Humphries (violon) Charles Mutter (violon) Nic Pendlebury (alto) Sophie Harris (violoncelle)

Depuis sa formation en 1990, le Smith Quartet s’est établi une réputation internationale par son approche dynamiqueet originale de la musique contemporaine. S'étendant de l'avant-garde au jazz et au rock, son répertoire comprend lesoeuvres de compositeurs parmi les plus passionnants du monde. Michael Nyman, Django Bates, Steven Montague,Eleanor Firsova, Michael Daugherty, Steven Mackey, Howard Skempton et Michael Torke ont tous composé pour lequartet qui a collaboré, entre autres, avec le saxophoniste Andy Sheppard, les chanteurs Thomas Lang et SarahLeonard et les guitaristes David Tannenbaum et Tim Brady.

L'approche unique que le Smith Quartet a de l'amplification et du live-électronic, associée à la volonté de défier lesconventions, l’ont aidé à conquérir de nouveaux publics.

Récemment, ils ont joué en création anglaise Hindenburg de Steve Reich au Festival de Musique Contemporaine deHuddersfield. Lors de la saison en cours, le quartet a commandité auprès de Django Bates des pièces pour quatuor àcordes et ensemble (avec l’ensemble Quiet Nights). Ce projet de collaboration a connu une tournée européenne qui aété saluée unanimenent par la critique. Cette année, le Smith Quartet jouera, entre autres, à la Biennale de Venise, auMusikhalle de Hambourg, au Festival de Warwick et Leamington. Enfin, il présentera en création anglaise la nouvel-le pièce pour quatuor de Steve Reich Triple Quartet au Festival de Cheltenham en juillet prochain.

•••String Quartet nº 1 Conlon Nancarrow

Ce quatuor de jeunesse de Nancarrow, composé au début de l'exil à Mexico qu'il s'imposa lui-même, s'inscrit nette-ment dans la filiation de la tradition européenne du quatuor à cordes, avec notamment une structure en trois mouve-ments comprenant un mouvement lent lyrique au centre et un finale Prestissimo, le tout suivant des principes deconduite des voix conventionnelle. Mais la complexité rythmique caractéristique de Nancarrow est également pré-sente, avec par exemple, vers la fin du troisième mouvement, un empilement de rythmes contradictoires se superpo-sant à un motif descendant du violoncelle.

•••Black AngelsTreize images de la terre obscure, (Images I) George Crumb

Les choses ont été bouleversées. Il y avait des choses terrifiantes dans l'air … ils ont trouvé leur chemin dans BlackAngels. - George Crumb, 1990

Black Angels est une pièce extravagante et ténébreuse que la guerre du Viêt-nam a inspirée àGeorge Crumb. Avec une grande liberté créatrice, le compositeur y développe jusqu'au paroxys-me trois des formants constants de sa musique - le rituel, le rêve et la transcendance.Le Smith Quartet multiplie depuis sa création les explorations, passant des classiques du XXe

siècle au courant minimaliste, des créations de jeunes compositeurs à celles d'artistes tels queJohn Zorn ou Elliott Sharp. Pour nous, ils associent George Crumb, Conlon Nancarrow et DjangoBates à une œuvre prépondérante de Steve Reich.Considérée souvent comme une de ses réalisations les plus émouvantes, Different Trains a étéconçue par le compositeur comme une réminiscence de son enfance. Cette œuvre sans équiva-lence à ce jour intègre dans son déroulement des archives sonores des années trente et qua-rante ainsi que certains témoignages enregistrés, provenant de proches du compositeur et desurvivants de l'Holocauste.

Anges noirs 29 mars 20h30

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Black Angels est probablement le seul quatuor inspiré par la guerre de Viêt-nam. L'œuvre se dessine et prend formeà partir d'un arsenal des sons : des cris, des chants, des sifflements, des chuchotements, des gongs, des maracas et desverres en cristal. La partition porte deux annotations : in tempore belli (en temps de guerre) et Fini le vendredi trei-ze mars, 1970.Black Angels a été conçu comme une sorte de parabole de notre monde contemporain troublé. Les nombreuses allu-sions quasi programmatiques de l'œuvre sont donc symboliques mais, toutefois, la polarité essentielle - Dieu contrele Diable - implique plus qu'une réalité purement métaphysique. L'image de « l'ange noir » était un emblème tradi-tionnel utilisé par les peintres médiévaux pour symboliser l'ange déchu.Il y a plusieurs allusions à la musique tonale dans Black Angels : une citation du quatuor de Schubert « La jeune filleet la mort » (dans Pavana Lachrymae et également, en léger écho, à la toute fin de l'œuvre) ; une Sarabanda origi-nale, d'un style synthétique ; la tonalité de si majeur soutenue de God-Music ainsi que plusieurs références à la phra-se latine Dies Irae. L'œuvre abonde en symbolismes musicaux traditionnels, tels que le Diabolus in Musica (l'inter-valle de triton) et le Trillo Di Diavolo deTartini.

George Crumb

•••Different Trains Steve Reich

J'utilise dans Different Trains, une nouvelle manière de composer qui a ses origines dans mes compositions anté-rieures pour bandes magnétiques : It's Gonna Rain (1965) et Come Out (1966). L'idée générale est d'utiliser desenregistrements de conversations comme matériau musical.L'idée de cette composition vient de mon enfance. Lorsque j'avais un an, mes parents se séparèrent. Ma mère s'ins-talla à Los Angeles et mon père resta à New York. Comme ils me gardaient à tour de rôle, de 1939 à 1942 je faisaisrégulièrement la navette en train entre New York et Los Angeles, accompagné de ma gouvernante. Bien qu'à l'époqueces voyages fussent excitants et romantiques, je songe maintenant qu'étant juif, si j'avais été en Europe pendant cettepériode, j'aurais sans doute pris des trains bien différents. En pensant à cela, j'ai voulu écrire une oeuvre qui exprimeavec précision cette situation. Voilà ce que j'ai fait pour préparer la bande magnétique :

1. J'ai enregistré ma gouvernante Virginia, maintenant âgée de plus de soixante-dix ans, qui évoque nos voyages en train.

2. J'ai enregistré un ancien employé des wagons-lits sur la ligne New York-Los Angeles, maintenant à la retraite et âgé de plus de quatre-vingt ans : M. Lawrence Davis, qui raconte sa vie.

3. J'ai rassemblé des enregistrements de survivants de l'Holocauste : Rachella, Paul et Rachel, tous à peu prèsde mon âge et vivant aujourd'hui en Amérique, qui parlent de leurs expériences.

4. J'ai rassemblé des sons enregistrés de trains américains et européens des années 1930, 1940.

Pour combiner les conversations sur bande magnétique et les instruments à cordes, j'ai sélectionné des exemples brefsde discours, aux différences de ton plus ou moins marquées, et je les ai transcrits aussi précisément que possible ennotation musicale.Ensuite, les instruments à cordes imitent littéralement la mélodie du discours. Les exemples de conversation et lesbruits de trains ont été transférés sur bande magnétique à l'aide d'un échantillonnage de claviers, les sampling key-boards, et d'un ordinateur. Trois quatuors à cordes séparés ont aussi été ajoutés à la bande magnétique préenregis-trée et le quatuor final, joué par des musiciens, vient s'ajouter lors du concert.Different Trains comprend trois mouvements - mouvement étant pris ici au sens large du terme car les tempi chan-gent fréquemment dans chaque mouvement :

· L'Amérique - Avant la guerre.· L'Europe - Pendant la guerre.· Après la guerre.

Cette composition a donc une réalité à la fois sur le plan documentaire et sur le plan musical et ouvre une nouvelledirection. C'est une direction qui conduira sous peu, je l'espère, à une nouvelle sorte de théâtre multimédia combinantdocumentaire, musique et vidéo.

Steve Reich(Traduit de l'américain par Laurent Feneyrou).

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Depuis qu'il cherche à surprendre et à tromper ses propres oreilles, Pierre Berthet porte touteson écoute sur de curieux dispositifs. Chez lui, l'expérience du son devient autant celle du dépla-cement et du mouvement, des bidons métalliques et des champs magnétiques que des moteursélectriques. Naviguant toujours entre le visuel et le sonore, Pierre Berthet fait « retentir » lecorps de son piano dans des chants magiques et envoûtants.

Mats Gustafsson et Thomas Lehn sont deux musiciens qui se nourrissent d'un vaste éventaild'univers musicaux. L'un associe la spontanéité et une maîtrise prodigieuse de ses instrumentsà son besoin absolu d'élargir encore les champs sonores qu'il explore. L'autre, virtuose de« vieux » synthétiseurs analogiques, agit et réagit instinctivement, toujours en contact avec latension, l'espace et la structure dans la musique qui se crée. Ensemble, ils vont se nourrir dudoute et du moment pour nous faire partager, entre silences et attaques extrêmes, une explora-tion musicale des plus physiques.

Piano prolongé 30 mars 20h30

Pierre Berthet

Quand on entend un son, c'est rare que ce n'en soit qu'un. Quand on a le temps de l'écouter, on se rend compte qu'ilest formé d'une multitude de sons moirés plus ou moins mouvants. S'ajoutent à ceux-ci tous ceux qu'on entend sansplus ou moins s'en rendre compte mais dont la présence plus ou moins perçue donne au son les qualités qui le fontreconnaître.En jouant avec les sons pour explorer les applications pratiques de ce principe, j'ai été amené à construire divers dis-positifs pour surprendre et même tromper mes oreilles. En les étonnant, diverses questions viennent à se poser : ceque j'écoute est-il bien là ou est-ce moi qui l'invente ? Pourquoi est-ce que j'entends ce son maintenant et pas avant? Est-ce qu'il a était là avant ? Et quand mon attention aura été attiré vers d'autres sons serait-il encore là ? Puis-je y revenir de temps en temps ou bien a-t-il complètement disparu ? Ou bien suis-je tant captivé par les autres sonsque je ne l'entends plus ? Est-ce que je me souviens assez pour le reconnaître ? Est-ce le son qui change ou la maniè-re de l'écouter ? Ou les deux ? Y-a-t-il une limite entre le monde intérieur et le monde extérieur et comment l'unnourrit-il l'autre ?Il y a quelques années, j'ai étudié la percussion au conservatoire de Bruxelles avec A. Van Belle et G. E. Octors.Parallèlement, pendant deux ans, j'ai passé beaucoup de temps dans un clocher à jouer du carillon et à écouter lesbruits de l'environnement. En écoutant diverses musiques, en fréquentant au Conservatoire de liège les cours d'im-provisation de G. List et les cours de composition de F. Rzewsky, j'ai retrouvé la pente naturelle sur laquelle je glis-sais depuis mon plus jeune âge consistant à frapper, frotter, secouer ou lancer des objets hétéroclites pour entendreles sons pouvant s'en échapper. Puis je me suis progressivement orienté vers la prolongation d'objets ou d'instrumentspar des fils aboutissant à des bidons. Des traces enregistrés de certaines de ces installations ont été éditées sur CD :« Berthet - Le Junter », label Vand'œuvre (en collaboration avec Frédéric Le Junter), « un cadre de piano prolongé» label Sonoris et « 2 continuum pieces » label subrosa.

Pierre Berthet

•••A partir du début des années 80, Thomas Lehn travaille comme artiste, interprète, compositeur et improvisateur dansla musique contemporaine. Après ses études d'ingénieur de son à la Hochschule für Musik à Detmold, il étudie le piano- classique et jazz - à Cologne.En tant qu'interprète il donne des concerts depuis 1982 - il joue à la fois des œuvres contemporaines, notamment desnombreuses créations, et des musiques traditionnelles de la période romantique et classique. En 1989, il fonde le TrioDario et, quatre ans plus tard, le Mengano Quartett. Il joue également dans le Nova Ensemble Wuppertal qui seconcentre sur l'avant-garde contemporaine.Parallèlement à son travail de pianiste,Thomas Lehn se consacre à la composition et l'interprétation. Partant de sonexpérience d'interprète et d'improvisateur dans divers domaines, il a développé son langage individuel dans la musiqueélectronique live. Son équipement électronique se compose des synthétiseurs analogiques de la fin des années soixan-te. Les moyens de ces instruments - notamment la possibilité de modifier le son électrique d'une manière directe, etde combiner et contrôler plusieurs paramètres à la fois - permettent à Thomas Lehn d'agir spontanément et de réagir

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en étroit contact avec le processus de tension, espace et structure de la musique, pendant qu'il la joue.Actuellement il collabore avec Gerry Hemingway, Marcus Schmickler, Dr Eugène Chadbourne, Paul Lovens et MatsGustaffson. Il a également joué avec John Butcher, Axel Dörner,Tim Hodgkinson, Radu Malfatti, Roger Turner, et EvanParker, entre autres. Enfin, Thomas Lehn participe au MIMEO, le Music in Mouvement Electronic Orchestra, quiregroupe douze représentants de la musique contemporaine électronique de sept nations européennes.

Né à Umeå, loin au Nord de Stockholm, sur le côte ouest de golfe de Bothnie, Mats Gustafsson grandit en étudiantla flûte et en imitant des groups de progressive rock et de jazz-rock fusion, tel que King Crimson ou le MahavishnuOrchestra. La découverte de la musique de Peter Brötzmann et en particulier son disque Machine Gun change radi-calement la vision que Mats Gustafsson a de la musique improvisée en le catapultant dans un environnement entiè-rement nouveau. Jusqu'à la fin des années quatre-vingt, il joue avec ses compatriotes Sten Sandell et Raymond Strid,plus tard Peter Janson et Kjell Nordeson le joignent pour former le trio Aaly.En 1990, Gustafsson cherche des défis en dehors de la Suède : il travaille avec Derek Bailey et Barry Guy puis il partà Chicago où il se découvre de fortes affinités musicales avec la scène émergeante de la musique improvisée. Il trou-ve là-bas des musiciens passionnés et entreprenants, qui voyagent bien au-delà des frontières stylistiques et généra-tionnelles habituelles. Parmi ceux-là, Hamid Drake et Michael Zerang, Thurston Moore ou Lee Ranaldo de SonicYouth, représentent autant de rencontres, sources de créations imprévisibles.Selon lui, il est nécessaire de voyager et de rencontrer d'autres artistes, mais aussi de se ressourcer. Il trouve l'inspi-ration nécessaire au Nord, dans son Lapland natal ou sur la scène musicale de Stockholm et de la Scandinavie engénérale.Quel que soit le style, c'est la spontanéité qui nourrit la musique de Mats Gustafsson. « Parfois on est vraiment sur-pris par la direction vers laquelle la musique peut nous emporter. C'est le moment qui règne ! »Virtuose de nombreux instruments à anche, Mats Gustafsson est un improvisateur très sensible au contexte. Il pos-sède la volonté d'étendre la capacité de ses instruments à produire des sons au-delà des normes convenues, vers unezone où le son détermine la musique dans ses divers paramètres.La collection impressionnante d'instruments que Mats Gustafsson utilise (comprenant les saxophones soprano, alto,ténor et baryton, la clarinette aussi bien que la clarinette basse, ainsi que la flûte et le fluteophone, sorte de flûtehybride utilisant une embouchure de saxe) met à sa disposition une vaste palette de couleurs sonores qui ajoute à sacapacité de se fondre ou de s'affirmer dans les contextes musicaux les plus différents.« La technique musicale que l'on possède doit être vraiment extrême, afin de pouvoir choisir spontanément, sans réflé-chir. C'est la situation idéale pour l'improvisation, pour que les choses viennent naturellement, selon ce qui se passedans la musique.C'est la manière que j'utilise pour bâtir " ma " bibliothèque des sons que je peux emporter partout avec moi. »

Thomas Lehn. Photo: Dagmar Gebers

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« Musique d'un siècle » touche à sa conclusion après avoir permis à un très large public d'en-treprendre un somptueux voyage dans quelques-unes des œuvres fondatrices de la musique duXXe siècle. Dans le dix-neuvième concert de ce cycle, le Festival s'associe à Contrechamps et auCollegium Novum pour une musique essentielle de Heinz Holliger. « Scardanelli-Zyklus est l'une de ces œuvres "monumentales" (elle dure plus de deux heures)qui marquent leur époque. S'inspirant de la figure tragique du dernier Hölderlin, Holliger alter-ne les pièces instrumentales et vocales en une forme de quasi-rituel. Dans un temps suspendu,la musique traverse le réel pour atteindre aux couches les plus profondes de l'expérience et dela mémoire, dans un miroitement sonore inouï. Cette œuvre témoigne tout à la fois d'un moibrisé, de la douleur et de la fragilité du présent, et d'une volonté farouche de dépassement, derébellion et d'élévation. En cela, Scardanelli-Zyklus résume les contradictions d'un siècle fait decontrastes, de déchirements, de tragédies et de percées visionnaires. » Extrait du texte de pré-sentation de Philippe Albèra

Au lycée déjà, je m'étais proposé de mettre en musique les derniers poèmes de Hölderlin. Mais cette miseen musique entamée avec un élan juvénile avait rapidement tourné court.Plus on se rapproche de ces strophes qui, avec leur extrême simplicité apparente, ressemblent presqueà des chansons (elles comportent des iambes à cinq et six pieds, et les rimes féminines n'ont de puretéque par l'orthographe), plus elles dévoilent l'interdiction qu'elles recèlent: «Noli me tangere.»Une paroi de verre semble séparer l'observateur de la nature idyllique, au repos, ainsi que des êtreshumains qui s'y déplacent. Rien du « bruissement de l'air doux » ne la traverse pour atteindre l'espaceacoustiquement mort. L'« éclat de la nature » devient un rayon éblouissant et douloureux qui heurte laparoi, laquelle agit comme un verre ardent. L'« homme qui contemple paisiblement » est exclu (unexpulsé?). Pour lui, le « calme de la nature » devient la rigidité cadavérique de la nature, le silence, unsilence de mort: une scène idyllique figée et contrainte au mutisme - une véritable « nature morte ».Ces poèmes sobres, dont la paix respire un tel équilibre, ces poèmes contemplatifs, que Hölderlin rédi-geait toujours « à la demande » de ses visiteurs « contre une pipe de tabac », sont en réalité desmasques verbaux derrière lesquels le poète, « battu par Apollon », profondément atteint, tente de s'abri-ter. Il demeure caché, avec une telle opiniâtreté qu'il se débarrasse aussi de son propre nom et donne àses poèmes des millésimes qui placent le lecteur dans une complète confusion. La datation de cespoèmes, écrits entre 1833 et 1843, va du « 3 mars 1648 » au « 9 mars 1840 »! Ils sont le plus sou-vent signés du nom de Scardanelli qui était, avec Buonarotte et Rosetti, l'un des pseudonymes derrièrelesquels Hölderlin cherchait à se cacher.Bien des années après avoir abandonné définitivement mon projet de composition, je fus de nouveausaisi, même si ce fut de manière inconsciente, par la force d'attraction des poèmes de Scardanelli.Avec mon Psaume, le Quatuor à cordes et, surtout, avec Atembogen pour orchestre, je me suis rappro-ché d'une musique dont la forme sonore apparente n'avait à mes yeux qu'une importance secondaireface à la nécessité de rendre sensibles et même visibles les conditions physiques extrêmes dans les-quelles étaient nées ces sonorités.Durant l'été de 1975, je travaillais à une œuvre pour cordes, exclusivement composée d'harmoniquesnaturelles. Les intervalles non tempérés et les sonorités dépourvues de fondamentale y créaient une har-monie totalement dépourvue de tension, pratiquement gelée, et une expressivité figée.Sans avoir auparavant le moins du monde songé à une création chorale ou aux poèmes de Hölderlin, cetravail m'a mené à l'univers de Scardanelli. L'œuvre pour cordes est restée en l'état. J'ai composé, àintervalles réguliers, les chants du Printemps, de l'Eté et de l'Automne. Deux chants de l'Hiver ont étéécrits à la fin de l'année 1975.

Heinz HolligerTraduit de l'allemand par Olivier Mannoni

Scardanelli 31 mars 19h15 et 20h30

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Marie Goyette est une artiste pluridisciplinaire qui connaît jusqu'aux bouts de ses doigts l'art dese mouvoir entre le piano et le sampler, entre la performance, le théâtre et le jeu radiophonique.Histoire de donner quelques contraintes à la pratique vertigineuse de l'improvisation, la propo-sition de départ du Festival a été de lui confier la conception du scénario d'un film sans images.Celui-ci se réalise depuis en compagnie de trois improvisateurs habiles dans l'utilisation du col-lage, des sons concrets, électroniques ou environnementaux.Olivia Block à Chicago, Maurizio Mastrusciello à Rome et Massimo Simonini à Bologne se sontainsi associés à distance à Marie Goyette (Berlin) pour développer cette réalisation.Pour clore ce dixième festival, les quatre musiciens nous offrent une création-surprise, en pro-cédant en direct à l'assemblage des images musicales que chacun d'eux aura élaborées sépa-rément.

Marie Goyette

Blind Autumn 1er avril 19h

Canadienne francophone de naissance, Marie Goyette fait ses études et travaille comme pianiste à Montréal et àLondres. Elle s'installe à Berlin en 1989. Inspirée par la scène artistique vivace et peu orthodoxe de la ville, elle ycommence une deuxième carrière. S'éloignant du travail de concert traditionnel elle dirige ses activités musicales versla performance et l'art radiophonique. Entre 1991 et 1993, elle passe plusieurs mois au Studio S.T.E.I.M. àAmsterdam, expérimentant des dispositifs digitaux interactifs. Elle crée des pièces radiophoniques (seule ou avecFrieder Butzmann), collabore à des productions théâtrales (avec Heiner Goebbels et Lindy Annis, entre autres). Ellecommence également à monter et à présenter ses propres compositions. En 1997, elle compose un cycle des chan-sons (A Scientific Dream and a French Kiss) qu'elle présente avec Dagmar Krause en tournée, en Europe et au Japon.Elle travaille avec des artistes aussi diverses que Christian Boltanski, Gerhard Bohner, Joan Jonas. En 1997 égale-ment, le festival Angelica de Bologne présente un portrait complet de son œuvre comprenant de nouvelles commandesde l'Orchestre de Théâtre de Bologne. Toujours en mouvement entre samplers et pianos, Marie Goyette choisit desfragments du répertoire et en fait des compilations en temps réel lors de concerts, avec une indépendance d'espritvivifiante et avec une oreille particulière pour le timbre, l'intonation et le mouvement interne dans la musique.En 2000, elle participe en tant que comédienne à une production théâtrale française aux côtés de Chris Cutler, StevanKovacs-Stickmayer et Éric Houzelot. La même année, elle figure dans la nouvelle pièce de théâtre de Heiner Goebbels,Hasnirigaki, créée au Théâtre de Vidy-Lausanne et en tournée durant 2001 et 2002.

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Maurizio Martusciello est né à Naples en 1961. Étudie la percussion à partir de 1980. Une fois arrivé à Rome, ils'intéresse de plus en plus aux musiques improvisées et expérimentales. En 1992, il participe aux groupes de Jean-Marc Montera et Tony Oxley. Il participe également à différents projets avec musique, danse, vidéo, théâtre et per-formance. En 1995, il crée le duo Martusciello, avec Elio Martusciello, et le groupe Ossatura. Il a joué avec des musi-ciens comme Michiko Hrayama, Wolfgang Fuchs, Fernando Grillo, MEV (Musica Elettronica Viva), Dagmar Krause,Tim Hodgkinson, Chris Cutler, Otomo Yoshihide. Il a composé pour la radio nationale italienne et participé auxJournées Électro/Radio Days (Canada). En 1997, il crée, avec Filippo Paolini, le duo Metaxu, réalisant plusieurs pro-jets avec le groupe de cinéastes expérimentaux Cane Capovolto. Il a participé au Festival Synthèse de Bourges en1995 et de 1996.

•••Actuellement résidante à Chicago, Olivia Block est une compositrice qui combine les enregistrements « sur le terrain», des segments de partition pour instruments acoustiques et sons électroniques. Ses méthodes de compositionempruntent les chemins de la musique électroacoustique, de la musique concrète autant que de musique contempo-raine. Ses œuvres enregistrées cherchent à introduire, à mettre en jeu et, finalement, à réconcilier la nature et l'arti-fice dans le domaine de la musique et du son. Son travail procède par manipulations de sons « organiques » qu'elletraite et digitalise subtilement et de sons « inorganiques » qui puissent devenir auto-reproducteurs et « animés ». Lesparties instrumentales sont utilisées à la manière du chœur dans la tragédie grecque qui se lamente et ramène leconflit à sa pureté élémentaire et harmonique. Olivia Block compose sa musique sur de longues périodes et souvent,en plusieurs étapes. En concert, elle introduit encore d'autres éléments de tension additionnels en s'associant à desmusiciens improvisateurs pour interagir avec les dispositifs et installations sonores qu'elle a préétablis. Travaillantrégulièrement sur des projets radiophoniques, Olivia Block a enregistré avec des artistes tels que Jim O'Rourke et JebBishop et elle a joué notamment avec Pauline Oliveros et Fred Lonberg-Holm.

•••Très jeune, Massimo Simonini se passionne pour la musique et débute par des 'expériences' sur des instruments etdes technologies domestiques tels que tourne-disques, radios et autres. Il commence à jouer dans un contexte diffé-rent avec Il Popoli Dalpane Ensemble, une formation traditionnelle interprétant un répertoire néoclassique en luiassociant des éléments 'étrangers' avec des instruments 'invisibles', destinés à re-caractériser le son. Il crée le trio AltoSound Design dont l'activité consiste à sonoriser des parcs et d'autres environnements avec des performances endirect. En parallèle, il travaille pour deux radios indépendantes de Bologne, produisant pendant plus de dix ans deuxde leurs émissions.Avec Gianni Gebbia, il forme le quatuor Outland, le duo Bachstage et le trio All'improviso. Il crée égalementN.O.R.M.A., un ensemble exécutant des musiques composées à l'origine pour le cinéma par Bernard Herrmann, ErikSatie et arrangées (ou recomposées) pour qu'elles puissent " migrer " de la toile à la scène musicale... N.O.R.M.A. adonné plusieurs concerts dans toute l'Europe, avec Phil Minton et Chris Cutler, entre autres. En 1991, MassimoSimonini crée, avec Mario Zanzani, le festival Angelica (qui vivra sa 11e édition en mai 2001) ainsi que le label dis-cographique i dischi di.En tant que producteur, il réalise divers masters pour des labels comme New Albion, Col Legno, ReR Megacorp, tra-vaillant avec des musiciens comme Stefano Scodanibbio et Fred Frith.Il travaille actuellement avec Bellezza Fiammeggiante, un quintette d'improvisation, il joue en duo avec Chris Cutler,avec Francesca Valente et Abi (Fabrizio Rota) ou encore Riccardo Pittau. Seul, il organise des stages sur des ins-truments 'inventés et domestiques', ouverts aux musiciens et non-musiciens.La photographie, l'invention d'objets, le dessin et la peinture sont des constantes cycliques qui accompagnent sa vie.Ses derniers travaux comptent des dessins réalisés selon une technique très particulière qu'il a inventée et des photo-graphies ayant pour thème la lumière, Giochi di Luce e Ombre Domestiche (Jeux de Lumière et Ombres domestiques).Dans ce type de travaux, il s'intéresse à ces aspects 'naturalistes' et à la représentation, en tant qu'absence du temps.

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Salle Ernest-AnsermetMaison de la Radio66, boulevard Carl-Vogt(entrée par le passage de la Radio)

Conservatoire Supérieur de Musique de GenèvePlace Neuve

BFM2, place des Volontaires

Alhambra10, rue de la Rôtisserie

les adresses du festival

Disques et livresDurant le Festival, des disques et des livres sont mis en ventependant les concerts.

wwwwww..aarrcchhiippeell..oorrgg

Sur notre siteLe programme, les biographies et les notices d’œuvres sont consutablessur le site d’Archipel.

location et renseignements

Ils sont également en vente à:

Arcade d’information municipalePont de la Machine 1T 022 311 99 70

Très Classic16, rue du DioramaT 022 781 57 60

Plain Chant & La Contrebasse40, rue du StandT 022 329 54 44

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À partir du 1 mars 2001réservations au bureau du Festival

Festival ArchipelT 022 329 24 22F 022 329 68 68

Les billets sont en vente à l’entrée une heure avant les spectacles

lundi 12h00-18h00mardi au vendredi 9h00-18h00samedi 10h00-17h00

lundi 13h30-18h30mardi au vendredi 9h30-12h00 / 13h30-18h30samedi 10h00-17h00

lundi au vendredi10h30-12h30 / 13h30-19hsamedi 10h30-17h

Tarifs

Abonnement généralPlein tarif Fr. 90.-Étudiants, AVS, AI, Chômeurs Fr. 55.-

Carte «Trois Concerts au choix»Plein tarif Fr. 37.-Étudiants, AVS, AI, Chômeurs Fr. 26.-

Les abonnements sont transmissibles et donnent droit à l’accès à toutes les manifestations du Festival, dans la limite des places disponibles.

Concert du 24 mars à 16hTarif unique Fr. 5.-

Concert du 28 mars à 17hTarif unique Fr. 13.-

Tous les autres concertsPlein tarif Fr. 18.-Étudiants, AVS, Chômeurs Fr. 13.-

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Organisation

Direction artistique Jean PrévostAssociée à la production,communication Marie JeansonAdministration Michael SeumDocumentation et accueil Àgi FöldhàziRégies Michel Guibentif, Thierry Simonot, Alain Richina, Signalétique et décoration Katharina Kreil, Eva RittmeyerGraphisme Eva RittmeyerBilletterie Jean-Élie BattistaRéalisation des programmes du jour Farid EmamCatering Karine DécorneDiffusion des programmes Antonio ProvenzanoImpression Médecine & Hygiène

Président de l’association Jacques Ménétrey

Festival Archipel8, rue de la CoulouvrenièreCH - 1204 Genève

T 022 329 24 22 F 022 329 68 68

[email protected]

www.archipel.org

bureau du festival

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AMEG - Association pour la Musique Électroacoustique - Genève

BFM - Bâtiment des Forces Motrices

Cinéma Spoutnik

CIP - Centre International de Percussion

Collegium Novum

Conservatoire de Musique de Genève

Contrechamps

Fédération des Écoles Genevoises de Musique

Le Courrier

Radio Suisse Romande / Espace 2

Nous remercions pour leur soutien

Ville de Genève - Département des affaires culturelles

Département de l’Instruction Publique de l’État de Genève

Loterie de la Suisse romande

Pro Helvetia, Fondation Suisse pour la culture

Fondation SUISA pour la musique

La division culturelle de la SACEM

Fondation Heinrich-Strobel du Südwestrundfunk

Activités culturelles de l’Université de Genève

Remerciements particuliers à :

Jean Nicole, Dominique Petitgand, Denis Chevalier, Jérôme Noetinger, Fernando

Sixto, Géraldine Schenkel, Claire Peverelli, Danièle Greub, Jacques Nicola, Jean-

Marie Bergère, l’Hôtel Cornavin et l’Hôtel Bel’Espérance.

partenaires et coproducteurs

Bâtiment Des Forces Motrices

Hôtel Cornavin ****Hôtel Cristal ***