MUSIQUE - Fameq · 2019. 4. 30. · partagés dans cinq salles pour une journée intensive de...

28

Transcript of MUSIQUE - Fameq · 2019. 4. 30. · partagés dans cinq salles pour une journée intensive de...

  • MUSIQUE PÉDAGOGIE&Éditeur

    Fédération des Associations de Musiciens Éducateurs du Québec

    Éditrice déléguée Daniela GiudiceProfesseure de piano et responsable de programme, Cégep de Saint-Laurent.

    [email protected]

    Coordination, administration et abonnement institutionnelMaryse ForandDirectrice générale de la FAMEQ.

    [email protected]

    Révision linguistiqueAmélie BoisProfesseure de clarinette et chef de l’Orchestre à vent du Cégep de Sainte-Foy.

    Assistant à la publication Vincent B.-Valentine, Ph.D.Professeur en pédagogie musicale, Département de musique, Université du Québec à Montréal.

    Comité scientifique•JonathanBolduc,Ph.D.Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en musique et apprentissages.

    Professeur agrégé en éducation musicale au préscolaire et au primaire, Faculté de musique, Université Laval.

    Directeur du laboratoire Mus-Alpha.

    •ThierryChamps,Ph.D. Professeur agrégé en pédagogie musicale, Département de musique, Université du

    Québec à Montréal.

    Directeur de l’unité des programmes de 1er cycle.

    •YvesdeChamplain,Ph.D. Professeur adjoint en éducation, Secteur Administration, Arts et Sciences humaines,

    Université de Moncton, Campus de Shippagan.

    •MurielDeltand,Ph.D.

    Enseignante chercheuse qualifiée en Art (section 18) et en Sciences Psychologiques et de l’éducation (section 70) – CNU (France).

    Chercheuse permanente du laboratoire CIREL, équipe Trigone (EA 4354), Université de Lille 1 (France).

    Titulaire du programme de formation en éducation musicale des futurs enseignants du primaire, Haute École de Bruxelles, département pédagogique (Belgique).

    Didacticienne des Arts et coréférence du pôle éveil, Haute École de Bruxelles, Département pédagogique (Belgique).

    Conférencière dans les Écoles Supérieures des Arts belges.

    Musique et pédagogie accepte la soumission de textes et de photos, selon les conditions énoncées sur le site www.fameq.org

    Les textes publiés présentent l’opinion de leurs auteurs et n’engagent pas la FAMEQ.

    Dépôt légal: ISSN 0841 9428

    Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 1

    sommaire Mot du président

    par Gaétan St-Laurent 2

    inForMAtion

    Bilan congrès 2015

    par Daniela Giudice 4

    portrAits

    CoOpéra de l’Opéra de Montréal : un projet de création

    par Pierre Vachon 6

    Jeunesses Musicales du Canada

    par Danièle Leblanc 8

    entretien

    Tutti!, la nouvelle collection pédagogique de Chenelière Éducation pour l’enseignement de la musique au secondaire : entrevue avec les auteurs Marie-Claude Mathieu et Benoit Bertholet.

    par Vincent Bouchard-Valentine 10

    ContriBution étudiAnte

    « C’est le début d’un temps nouveau » : une recherche empirique sur l’évolution des pratiques musicales dans la musique populaire des années 1960.

    par Hubert Léveillé Gauvin 14

    inForMAtion

    Mémoire présenté à la Commission de la culture et de l’éducation par la Fédération des Associations de Musiciens Éducateurs du Québec (FAMEQ). 16

    CHroniQue

    Pédagogie musicale et discours professionnels affichés : quand les représentations forgent la « place sociale » d’une discipline

    par Muriel Deltand 22

    1

    mailto:[email protected]:[email protected]

  • Mot du président

    Bonjour à tous,

    notre congrès annuel avait lieu en novembre dernier, à Québec. Il va sans dire que les congressistes furent bien servis avec l’édition 2015 « La musique… on en mange », par des ateliers qui ont su à la fois générer beaucoup d’enthousiasme et répondre aux attentes des participants. La conférence d’ouverture donnée par Monsieur Jonathan Bolduc a été sans l’ombre d’un doute une source de motivation pour chacun des enseignants présents dans leur travail quotidien et leur réalité. « Pour enseigner la musique, il faut y croire. Chaque jour, par des petits gestes, on réussit à capter l’attention d’élèves, à allumer des étincelles et à développer des passions. » D’ailleurs, dans le numéro de l’automne 2016 de la revue Musique et pédagogie, l’équipe de rédaction vous reviendra avec un compte rendu de la conférence de Monsieur Bolduc. Entretemps, n’oubliez pas de consulter les contenus d’ateliers remis par plusieurs animateurs. Vous les trouverez sous la rubrique publications exclusives de notre site web http://www.fameq.org/ateliers-congres-fameq-2015.

    Je lève mon chapeau à l’organisation du grand concert qui a su donner un souffle nouveau à l’harmonie FAMEQ. Bravo à toute l’organisation du congrès ainsi qu’aux nombreux bénévoles sans qui les congrès de la FAMEQ ne sauraient exister ni susciter un tel engouement, année après année.

    L’un des mandats de la FAMEQ est de soutenir ses associations; c’est donc avec un grand plaisir que nous avons appris que l’association de l’Estrie a de nouveau un conseil d’administration complet. Grâce au dynamisme et à la volonté de ses membres, l’association de cette région a retrouvé l’équilibre nécessaire pour progresser au sein de la FAMEQ. Nous en sommes tous très heureux.

    Pour terminer, en plus des différents dossiers que la FAMEQ doit gérer, elle travaille depuis quelques mois sur l’obtention d’un numéro d’organisme de charité. Le processus est long et ardu, mais il continue de progresser. Ce numéro permettra à la FAMEQ d’émettre des reçus pour dons de charité.

    N’oubliez pas notre page Facebook : elle a besoin des bons coups de votre région! Pour nous faire part de ce qui se passe dans votre coin de la province, il suffit simplement de communiquer par courriel au [email protected] avec Madame Maryse Forand qui assurera le suivi.

    Je vous souhaite une excellente fin d’année scolaire.

    « La musique mérite d’être la seconde langue obligatoire de toutes les écoles du monde. »

    — Paul Carvel.

    G a é t a n S T - L A U R E N T , président de la FAMEQ et enseignant de musique au primaire, Commission scolaire des Phares.

    Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 23

    mailto:[email protected]

  • BILAN CONGRÈS 2015

    I N F O R M AT I O N

    D A N I E L A G I U D I C E , professeure de piano et responsable de programme, Cégep de Saint-Laurent, éditrice déléguée de la revue Musique et pédagogie

    Le congrès annuel de la FAMEQ s’est tenu les 26, 27 et 28 novembre derniers au TRYP

    Québec Hôtel Pur. Sous le thème « La musique… on en mange ! », le comité organisateur

    et son équipe de bénévoles nous ont offert une variété de conférences, d’ateliers théoriques

    et pratiques, de tables de discussions et de prestations musicales plus dynamiques et

    enrichissantes les unes que les autres.

    La journés de stages du jeudi a accueilli près d’une centaine de participants partagés dans cinq salles pour une journée intensive de formation. Les thématiques présentées étaient aussi variées que l’enseignement des bois, les techniques de direction chorale la musique et le développement du langage, le mouvement, la posture, le mode d’emploi pour démarrer un orchestre d’harmonie; il y avait même une formation sur le logiciel NOTEBOOK.

    Le vendredi matin, Jonathan Bolduc a donné le coup d’envoi aux deux journées « officielles » du congrès en rassemblant toute la communauté avec sa conférence « La musique a fait ses preuves : des arguments justifiant sa place à l’école. » Un article de fond reprenant les éléments essentiels de cette conférence est présentement en rédaction ; Jonathan Bolduc nous le livrera dans le numéro d’automne de notre revue.

    45 ateliers ont été offerts, déclinés en plusieurs volets. Plus de 550 commentaires, tous plus élogieux les uns que les autres, ont été recueillis. La diversité des ateliers présentés ainsi que le professionnalisme et l’enthousiasme des animateurs figurent parmi les commentaires les plus nombreux. Source d’inspiration et de motivation, les ateliers ont connu un vif succès

    AsseMBLée générALe AnnueLLe

    La tradition veut que l’assemblée générale annuelle de la FAMEQ se tienne le jeudi soir. Réunissant près de trente membres, l’assemblée s’est déroulée rondement. Le canevas habituel a été respecté ; les administrateurs et les porteurs de dossier ont fait leur rapport. Le bilan financier de la fédération est positif. Les efforts des dernières années portent leurs fruits. Le resserrement des dépenses se poursuit afin de combler définitivement le déficit de la FAMEQ.

    Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 24

    fameq.org

  • I N F O R M AT I O N

    Cette assemblée générale a également salué le départ de Marc-André dubé, très impliqué dans l’association Québec-Chaudières-Appalaches et dans le conseil d’administration de la fédération depuis de nombreuses années

    ConCert FAMeQ

    Projet d’envergure du Congrès, le concert du vendredi soir 27 novembre a renouvelé sa formule. En effet, à l’initiative de Jean-François Laprise, coordonnateur de l’événement, c’est un « Concert-apéro » qui nous a été offert. Présenté dans l’ancienne église Notre-Dame-de-Jacques-Cartier maintenant appelée La Nef, ce concert a su ravir les nombreux auditeurs présents. La prestation de l’Harmonie FAMEQ que nous avons entendue étais le résultat d’un travail intensif sous la supervision de chefs de section recrutés parmi les enseignants de la région hôte, Québec–Chaudière-Appalaches. Cet orchestre, formé de musiciens venus des quatre coins de la province, a répondu avec enthousiasme et persévérance aux demandes des répétiteurs et des chefs, François dorion et Mathieu rivest. Pour compléter le programme, un orchestre à cordes sous la direction de Matin Lesage s’est produit; Louise-Marie desbiens a aussi dirigé la Chorale des Petits chanteurs de Beauport.

    CoCKtAiL de CLÔture et LAnCeMent du LiVre tutti !

    Avant de reprendre la route, quoi de plus sympathique qu’un petit cocktail pour se saluer et se dire « au prochain congrès! » ? L’occasion était rêvée pour faire le lancement de Tutti !, la nouvelle collection pédagogique de Chenelière Éducation pour l’enseignement de la musique au secondaire. Les auteurs, Marie-Claude Mathieu et Benoit Bertholet, se sont entretenus avec les personnes présentes dans un climat convivial et chaleureux. Une entrevue avec les deux auteurs a d’ailleurs été réalisée dans le présent numéro de la revue.

    Le comité organisateur du prochain congrès a pris en note les commentaires recueillis chez les participants afin d’améliorer l’offre et la tenue des ateliers. L’équipe de bénévoles a été très appréciée. La réussite d’un tel événement serait impossible sans de nombreux collaborateurs , merci à tous ceux que je ne saurais nommer sans en oublier !

    Nous espérons vous retrouver nombreux au prochain congrès qui aura lieu les 24, 25 et 26 novembre 2016, à l’Hôtel Plaza Valleyfield.

    Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 25

    Atelier Jonathan Bolduc Crédit photo : Claire Vézina

    Atelier Jonathan BolducCrédit photo : Claire Vézina

    Atelier Michel ViauCrédit photo : Claire Vézina

    Harmonie FAMEQ, Concert-ApéroCrédit photo : Mylène Bélanger

    fameq.org

  • CoOpéra de l’Opéra de Montréal : un projet de création

    P O R T R A I T S

    P I E R R E V A C H O N , directeur, Communication, communauté et éducation, Opéra de Montréal

    À la base de cette initiative, une idée simple : faire aimer l’opéra à des jeunes par le biais d’un projet participatif basé sur un opéra présenté à l’Opéra de Montréal. Chaque année depuis 2004, c’est une centaine de jeunes de 5e et 6e années du primaire, issus de quatre écoles défavorisées de Montréal qui créent leur propre opéra en réécrivant une histoire dans leurs propres mots, en apprenant des chansons et de la danse, en construisant les décors et accessoires.

    CoOpéra, c’est donc la découverte de l’opéra sous tous ses angles, visibles comme invisibles. Visibles en les initiant à cet art en tant que tel : le chant lyrique, la musique, l’histoire de cet art, toutes ses histoires portées à la scène, ses thèmes, etc. Invisibles en initiant les jeunes aux métiers nécessaires à sa réalisation : machinistes, concepteurs (décors, accessoires, costumes, éclairages), production, répétition pour ne nommer que ceux-là.

    LA déMArCHe

    Tout commence en septembre. Le musicologue de l’Opéra de Montréal visite les quatre classes du projet pour les initier à un art dont ils n’ont pour la plupart jamais entendu parler, l’opéra. C’est bien souvent le premier contact des jeunes avec cet art. Cette première rencontre sert aussi à présenter les œuvres à l’affiche au cours de la saison de l’OdM, car les jeunes devront devront choisir l’œuvre à partir de laquelle ils créeront leur propre spectacle. Puis, les jeunes s’attellent à la tâche, encadrés par leur enseignant, des formateurs (danse, construction décors et accessoires) et l’équipe de l’Opéra de Montréal. De septembre à décembre, ils se concentrent sur la réécriture de l’histoire et les enseignants assignent les rôles à chacun des élèves : soliste, acteur, danseur, choriste, régisseur, constructeur de décors et d’accessoires... Chaque élève a une tâche précise. C’est également pendant l’automne que le processus de composition de la musique est enclenché. La musique est conçue soit par de jeunes compositeurs professionnels, soit par de jeunes étudiants des cycles supérieurs en composition musicale dans l’une des facultés de musique de Montréal. Ils ont six chansons à composer et quelques accompagnements musicaux lors des scènes parlées.

    De janvier à mai, presque chaque semaine, tout le monde se réunit dans un centre de Montréal pour répéter les chansons, les danses, les textes parlés, mettre en scène et construire les décors et accessoires.

    Au cours de l’année, les jeunes participent aussi à différents ateliers et visites. Ainsi, ils parcourent les coulisses de l’Opéra de Montréal et parfois, l’atelier de costumes. Ils reçoivent la visite, dans leur école, de vrais chanteurs d’opéra venus donner un atelier interactif de chant : Qu’est-ce qu’un chanteur d’opéra? Quelle est sa formation, sa carrière?, avec en prime quelques exercices d’échauffement et de chant. Les jeunes suivent aussi des ateliers de maquillage et de perruquerie donnés par les artistes de l’Opéra de Montréal.

    Lorsque mai arrive, les répétitions s’intensifient, c’est l’entrée en salle, on monte les décors et, moment ultime, on présente le spectacle devant public à la salle Marie-Gérin-Lajoie de l’UQAM, à raison de 2 fois par jour pendant 2 jours pour les écoles, et le soir pour les parents et le public en général.

    retoMBées

    Du point de vue pédagogique, les enseignants intègrent l’opéra aux matières principales (français, mathématiques, géographie) par le biais de notions sur le compositeur, sur son pays d’origine, sur les époques de la musique, sur l’œuvre. Pour les jeunes, ce projet signifie apprendre à surmonter certaines difficultés d’apprentissage.

    Du point de vue du développement personnel, les élèves apprennent à travailler ensemble, découvrent l’esprit d’équipe et la fierté d’être allés au bout d’un long processus de création, mais avant tout, ils auront intégré certaines valeurs fondamentales comme la complicité, la discipline, le dépassement de soi, l’ouverture à l’autre, la soif de la découverte, l’acceptation des différences, l’amitié, la beauté de l’effort, la force de la collectivité et l’ancrage dans sa propre vie.

    L’année 2016-2017 sera la 13e saison de coOpéra. Pour l’Opéra de Montréal, c’est bientôt treize ans à donner aux jeunes des milieux défavorisés le goût de l’art et de la beauté, à les sensibiliser à ses

    Au départ, l’idée semblait utopique : des jeunes de 10 à 12 ans créant leur propre opéra. C’était il y a 13 ans. L’idée s’est incarnée et le projet

    CoOpéra est né.

    Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 26

    fameq.org

  • vertus et aux joies de la création et « à ses travaux jamais inutiles » (Marguerite Yourcenar). Treize ans à semer en entrouvrant des portes essentielles : la faculté de rêver que procurent l’art et la création artistique! Bientôt treize ans de coopération, voilà ce qu’est coOpéra.

    CodA

    Cette année, le spectacle coOpéra s’inspire de Madame Butterfly de Puccini et sera présenté les 19 et 20 mai à la salle Marie-Gérin-Lajoie de l’UQAM. Ce spectacle est gratuit et ouvert à tous.

    un doCuMentAire

    Le documentaire Les petits géants, réalisé par Anaïs Barbeau-Lavalette et Émile Proulx-Cloutier, explore sans fard la dimension humaine du projet à travers le cheminement de cinq jeunes élèves de coOpéra. Sacré « Meilleur documentaire – culture » au 25e Gala des prix Gémeaux en 2010, Les petits géants raconte l’épopée de cinq enfants de 5e et 6e années du primaire qui doivent accomplir une tâche colossale : interpréter l’opéra Le bal masqué de Verdi devant une immense salle pleine à craquer. Il y a Maxime, qui vit en foyer d’accueil et qui ne voit son papa que quelques minutes par jour. Il y a Partheepan, le meilleur de sa classe en français, alors que sa mère ne comprend que le tamoul. Il y a aussi Éric, timide et discret. Finalement, il y a Jimmy et Pierre-Christopher qui n’ont jamais touché à un piano de leur vie. Le compte à rebours commence. Le spectateur suit une à une les grandes étapes jouissives et éprouvantes de cette aventure parascolaire qui va transformer la vie de ces enfants.

    une trousse CoopérA

    Une trousse coOpéra est offerte pour permettre à tout enseignant d’expérimenter le projet. La trousse est gratuite et contient un guide pas-à-pas, des photos, le texte et les musiques. Pour information, veuillez vous adresser à monsieur Pierre Vachon, directeur Communication, communauté, éducation, Opéra de Montréal, à l’adresse suivante : [email protected]

    CoopérA rouyn-norAndA : HAnseLLo et greteLLA

    La chanteuse Isabelle Trottier, professeur de chant au Conservatoire de Val d’Or, a expérimenté le projet au cours de la saison 2014-2015 à l’école Notre-Dame-de-Grâce, à Rouyn-Noranda. Voici son résumé du projet.

    Les mois de janvier et février étaient les mois de création. Les enfants ont travaillé en équipes pour réécrire un argument de l’opéra. On a eu des versions allant du traditionnel à la science-fiction en passant par des influences frappantes des cultures Harry Potter, Hobbit et Chevaliers d’Émeraude. Les enseignantes ont conservé huit textes desquels nous avons extrait les éléments créatifs les plus intéressants pour former une œuvre cohérente. J’ai ensuite travaillé en petits groupes pour écrire tous les dialogues. Le nom et la formule magique de la sorcière ont été sélectionnés par vote démocratique.

    En musique, nous avons conservé trois numéros de l’opéra d’Humperdinck auxquels la spécialiste a ajouté trois numéros de son propre matériel, dont un folklore québécois pour faire écho au processus de composition original. Une grande création collective est en préparation pour la scène de la forêt. Je participerai aussi au décor musical dans le rôle de la Narratrice chantante en utilisant un mélange de thèmes de l’œuvre et de folklore. Les mois de mars, avril et mai sont les mois de production et de répétition.

    Le spectacle a été présenté devant 1 200 spectateurs, dont 300 jeunes de 5e année des autres écoles invitées pour une représentation spéciale avec période de questions à la fin. Le projet de Rouyn-Noranda s’est mérité deux récompenses importantes : le prix Partenariat école, famille et communauté de l’Association des commissions scolaires de l’Abitibi-Témiscamingue et la palme régionale des prix de reconnaissance Essor pour l’année 2014-2015.

    Pour en savoir plus sur coOpéra : www.operademontreal.com/ecoles/coopera

    Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 27

    Crédit photo : CoOpéra

    Hansello et GretellaCrédit photo : Ariane Ouellet

    Crédit photo : CoOpéra

    Crédit photo : CoOpéra

    http://www.operademontreal.com/ecoles/cooperahttp://www.operademontreal.com/ecoles/cooperafameq.org

  • JeunessesMusicalesduCanada

    P O R T R A I T S

    D A N I è L E L E B L A N C , directrice générale et artistique, avec l’aide deM A R I E - P H I L I P P E M E R C I E R L A M B E R T , coordonnatrice, concerts Jeune public – écoles et tournées, etC H R I S TO P H E M O N TO Y A , coordonnateur ateliers et séries Jeune public – en salle.

    Les Jeunesses Musicales du Canada (JMC) célèbrent cette année une 66e saison d’activités

    artistiques. 66 années à sillonner le Canada afin de rejoindre les publics et de les sensibiliser à

    la beauté et à l’universalité de la musique classique.

    Comment résumer en peu de mots une histoire aussi riche et diversifiée? Par la mission de l’organisme. Les JMC ont un double mandat : favoriser la diffusion de la musique classique, en particulier auprès des jeunes, et soutenir les jeunes instrumentistes, chanteurs et compositeurs professionnels dans le développement de leur carrière tant sur la scène nationale qu’internationale. Depuis leur création, la contribution des JMC à la scène musicale canadienne aura été immense. Grâce à un réseau de plusieurs centaines de bénévoles qui accueillent les tournées en salles de concert et dans les écoles, les JMC ont été parmi les premiers organismes à diffuser des concerts de calibre professionnel dans les régions éloignées des grands centres urbains. Ainsi, depuis leur fondation, elles ont présenté partout au pays des dizaines de milliers de concerts destinés au jeune public, à la famille ou au grand public. Aujourd’hui, une saison représente au-delà de 600 concerts et 600 ateliers donnés par plus de 120 artistes dans quelque 200 lieux de diffusion en Ontario, au Québec et dans les provinces maritimes. L’auditoire est évalué à 130 000 personnes, dont 103 000 enfants de 3 à 12 ans.

    À tout cela s’ajoute une liste impressionnante d’artistes qui ont débuté aux JMC pour ensuite faire de grandes carrières nationales et internationales : pensons aux chanteurs lyriques Joseph Rouleau, Louis Quilico et Maureen Forrester - et plus récemment à Marie-Nicole Lemieux et Marc Hervieux, - aux pianistes John Newmark, Charles Reiner et

    Charles Richard-Hamelin, ainsi qu’aux cordistes Denis Brott, Angèle Dubeau, James Ehnes, Andrew Wan et Stéphane Tétrault. Avec le recul, on peut facilement affirmer que les JMC sont un des diffuseurs de musique classique les plus importants de la scène canadienne.

    Comment tout ceci se concrétise-t-il auprès des enfants? Principalement auprès du public familial, scolaire et préscolaire qui profite chaque année d’une offre considérable de concerts et d’ateliers. Pour la saison 2015-2016, les JMC proposent 20 concerts et 19 ateliers pour les enfants de 3 à 12 ans : des activités qui se déplacent pour aller à la rencontre du jeune public chez les diffuseurs, dans les écoles, les CPE et les garderies, et parfois même lors de festivals et de grands évènements comme le Festival international de jazz de Montréal.

    Les JMC fournissent également un soutien pédagogique aux écoles et institutions qui reçoivent leurs concerts sous la forme d’un cahier conçu spécifiquement pour le concert. Ce cahier prévoit des activités de préparation en vue du concert, afin que les enfants possèdent tous les outils nécessaires pour vivre une expérience musicale des plus enrichissantes, incluant un aide-mémoire sur l’étiquette en salle de concert. Les enseignants peuvent également avoir recours au cahier pédagogique afin de poursuivre les apprentissages en classe et approfondir les notions musicales abordées pendant le concert, cristallisant ainsi les acquis. Des plus petits aux plus grands, les activités

    Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 2

    danièle LeBLAnC

    8

    Crédit photo : Jean-François Séguin

    fameq.org

  • d’apprentissage incluent des questionnaires, des propositions de bricolage, des lectures complémentaires et des projets de classe.

    Les enseignants et éducateurs désireux d’offrir une expérience encore plus interactive à leurs groupes peuvent aussi se tourner vers les ateliers des JMC qui se déclinent en trois variétés. Les ateliers d’éveil musical visent spécifiquement les enfants d’âge préscolaire et leur permettent, sur une période de six semaines, de s’initier à un aspect spécifique de la musique. Dans les ateliers de création musicale, les enfants trouvent de l’inspiration auprès de divers médiums, exploitent leur créativité et mettent la main à la pâte afin d’en arriver à une œuvre collective ou apprennent différentes formules rythmique par l’entremise d’un drum circle sur des instruments de percussion provenant des quatre coins du monde. Les ateliers « Brico-musique », quant à eux, invitent les jeunes à se familiariser avec l’anatomie et le fonctionnement d’un instrument en le construisant à partir de matériaux recyclés. Peu importe le type d’atelier choisi, les enfants explorent et expérimentent la musique dans le plaisir avec l’encadrement d’un animateur chevronné de l’équipe des JMC.

    Autant les JMC se déplacent auprès des institutions, autant elles accueillent les enfants dans leur propre salle, la salle

    Joseph-Rouleau, et présentent des concerts pour le milieu scolaire et préscolaire. Offrir une sortie culturelle comme expérience éducative au jeune public est un mandat que les JMC ont à cœur. Chaque année, plus de 10 000 enfants visitent notre salle pour découvrir la musique dans un endroit intimiste et chaleureux.

    Dans cette optique d’accompagnement, les JMC rendent disponible en ligne tout le matériel pédagogique et promotionnel offert aux enseignants. Cet investissement en amont de l’excursion culturelle est d’autant plus important qu’il permet d’impliquer directement les enfants dans l’appréciation de leur activité. Un atelier préparatoire ou un entretien musical, en lien avec le concert, peut également être offert afin de sensibiliser les enfants à la sortie qu’ils entreprendront. Évidemment, du soutien financier est possible, par le biais de programmes tels Une école montréalaise pour tous et les Mesures de soutien aux sorties scolaires en milieu culturel du Conseil des arts et des lettres du Québec. Toutes ces activités musicales variées, divertissantes et flexibles font des JMC un important partenaire et un allié de la médiation culturelle au Canada.

    N.B. : De façon générale, le masculin inclut le féminin; son usage a pour but d’alléger le texte.

    Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 29

    Mutique au corps Crédit photo : Antoine Saito

    Athlètes de la flûte à bec Crédit photo : Antoine Saito

    fameq.org

  • Tutti!, la nouvelle collection pédagogique de Chenelière Éducation pour l’enseignement de la musique au secondaire : entrevue avec les auteurs Marie-Claude Mathieu et Benoit Bertholet.

    E N T R E T I E N

    V I N C E N T B O U C H A R D - V A L E N T I N E , professeur, Département de musique de l’UQAM.

    Les enseignants de musique au secondaire sont toujours à l’affût de nouveautés adaptées au contexte scolaire actuel. C’est dans cet esprit que Chenelière Éducation a récemment dévoilé la collection Tutti! Élaborée par deux membres de la FAMEQ, Marie-Claude Mathieu et Benoit Bertholet, cette collection couvre d’une manière inédite le contenu indispensable au développement des trois compétences disciplinaires au premier cycle du secondaire. J’ai rencontré les deux auteurs afin qu’ils nous présentent l’ouvrage et qu’ils nous relatent le processus de rédaction qui les a mobilisés pendant plus d’un an.

    Vincent Bouchard-Valentine : tout d’abord, je tiens à vous féliciter pour cet ouvrage remarquable. Comment ce projet a-t-il débuté?

    Benoît Bertholet : Nous avons simplement répondu à une invitation. Chenelière Éducation souhaitait ajouter à sa gamme de ressources pédagogiques un outil sur l’enseignement de la musique au secondaire. Nous avons fait la rencontre de geneviève gagné, l’éditrice du projet, dans le cadre de leur étude de marché. C’est donc un heureux concours de circonstances pour Marie-Claude et moi qui avions le souhait de nous investir dans un tel projet afin de partager notre expertise en pédagogie musicale. Nos visions ont été complémentaires et la chimie a été efficace dès le départ!

    VBV : Comment s’est déroulé le processus de rédaction ?

    Marie-Claude Mathieu : Nous avons concrètement commencé à travailler sur la collection en juillet 2014 et le processus de rédaction s’est échelonné sur une année complète.

    Au départ, le plus difficile a été de nous retrouver devant une page blanche. Tout était à préciser : les angles d’approche, le contenu, la structure, etc. Heureusement, nous avons été bien encadrés par l’équipe de Chenelière Éducation tout au long du processus. Outre l’éditrice, il y avait deux chargées de projet, un conseiller en droit d’auteur, un compositeur et musicien chargé d’enregistrer des extraits sonores, une équipe de graphistes, une réviseure linguistique ainsi que d’autres personnes qui intervenaient ponctuellement sur des aspects spécifiques du projet.

    Nous avons également identifié des experts en éducation musicale pour alimenter notre réflexion et valider le contenu pédagogique de la collection. Je pense en particulier à Hélène Lévesque, conseillère pédagogique à la Commission scolaire de Montréal, à Valerie peters, professeure à l’Université Laval, à Méi-ra st-Laurent, doctorante en musicologie de l’Université Laval et à Roxanne Turcotte, compositrice et conceptrice sonore.

    Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 210

    fameq.org

  • musicaux dans leur contexte socioculturel. Il y a aussi des encadrés théoriques interactifs qui font entendre ce qu’on voit! C’est chouette pour les profs, ça!

    VBV : Quelles orientations avez-vous suivies pour la structuration du contenu ?

    BB : Un des objectifs de Chenelière Éducation était de produire une collection novatrice proposant une conception dynamique de l’enseignement musical, en phase avec la réalité des enseignants d’aujourd’hui : durée des périodes, types de configuration instrumentale, exigences du Programme de formation, etc. Comme la réalité de chaque école est différente, le contenu devait être adaptable, ne pas être figé dans un carcan trop précis. Je pense que la maison d’édition nous a sélectionnés parce que nos idées concordaient avec cette vision d’un produit dynamique qui allie la théorie et la pratique.

    Les consultations faites auprès des enseignants nous ont appris qu’ils souhaitaient un contenu théorique directement applicable à la pratique instrumentale. À cet effet, les capsules « Musico-pratique » permettent d’appliquer ce contenu théorique à différents instruments. La notion de liaison de prolongation, par exemple, est expliquée de différentes manières suivant le jeu aux vents, aux cordes ou aux percussions. De plus, les notions clés sont accompagnées de fiches instrumentales, d’activités et de partitions qui permettent à l’élève de s’approprier le contenu de différentes manières. Tout est lié dans un souci de cohérence et le contenu est sélectionné afin de correspondre au niveau moyen des élèves du premier cycle.

    Il ne faut surtout pas voir Tutti! comme une méthode. Le cahier est divisé selon les quatre paramètres du son (durée, hauteur, intensité et timbre) pour favoriser une approche globale de la pratique instrumentale. L’enseignant peut donc passer d’un paramètre à l’autre en fonction des besoins

    de ses élèves. Ce découpage correspond à la manière dont les musiciens travaillent leur instrument, en portant successivement leur attention sur chacun de ces paramètres.

    MCM : La première section du cahier, intitulée « Ouverture », précise les préalables attendus pour un élève qui entreprend un programme de formation à l’école secondaire. L’enseignant doit s’assurer que l’élève possède ces préalables avant de s’engager dans les activités que nous proposons. Cette section peut, par exemple,

    servir de point de départ à l’apprentissage d’un instrument.

    La dernière section du cahier est consacrée aux activités d’appréciation musicale. Nous y trouvons les repères historiques du Moyen-Âge à aujourd’hui. La plateforme électronique permet d’activer une ligne du temps interactive qui donne accès à un riche contenu : biographies, contexte socioculturel arrimé avec le contenu des programmes d’études en histoire ainsi qu’extraits musicaux supplémentaires pour diversifier

    E N T R E T I E N

    12 Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 2

    fameq.org

  • 13 Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 2

    les écoutes. Une des particularités de Tutti! est de mettre en valeur la contribution musicale des femmes à chaque époque. De plus, les musiciens québécois sont toujours représentés, soit comme interprètes, soit comme compositeurs.

    L’ensemble du cahier respecte les prescriptions du Programme de formation de l’école québécoise et la Progression des apprentissages proposée par le Ministère, et ce, pour les trois compétences disciplinaires. Il laisse toutefois à l’enseignant le choix des stratégies pédagogiques. Il n’impose pas, par exemple, un modèle à suivre pour les situations d’apprentissage et d’évaluation.

    Dans le guide-corrigé, nous avons plusieurs autres outils pertinents, que ce soit la fiche d’appropriation des partitions ou le journal

    de bord d’appréciation musicale. Nous sommes particulièrement fiers des grilles d’évaluation que nous avons construites pour les compétences Interpréter et Créer des œuvres musicales, avec des critères, des indicateurs et des échelons. C’était un besoin exprimé à maintes reprises par les enseignants. Ces grilles sont accessibles en formats WORD et PDF, ce qui permet aux enseignants de les adapter en fonction de leurs besoins.

    VBV : La compétence Créer est souvent la bête noire des enseignants de musique. Comment avez-vous abordé cette compétence?

    MCM : C’est un de mes domaines d’intérêt et d’expertise. J’ai toujours accordé une place importante à la création musicale dans mon

    enseignement et, au fil des ans, j’ai réalisé de nombreux projets avec mes élèves. La création musicale est pratiquement devenue ma signature pédagogique. Je suis moi-même auteure-compositrice-interprète et je suis toujours émue lorsque je vois mes élèves engagés dans une activité de création musicale. Je sais cependant que plusieurs enseignants de musique n’arrivent pas à susciter ce type de motivation chez leurs élèves.

    Dans Tutti!, nous avons spécialement pensé aux enseignants qui se sentent démunis sur le plan pédagogique lorsque vient le moment de planifier les séances de création musicale. Dans le guide-corrigé, nous avons conçu des parcours clé en main pour la création. Il y a des exercices et des activités reproductibles élaborés à partir de procédés de compositions simples, mais efficaces; toutes les activités ont d’ailleurs été expérimentées en milieu scolaire. Il y a aussi une banque d’idées pour aller plus loin et envisager des projets de plus grande envergure. Tout est pensé pour aider l’enseignant à développer graduellement une démarche pédagogique personnelle.

    VBV : Je vous remercie de nous avoir accordé cet entretien.

    ConCLusion

    Voilà donc une collection à découvrir et à explorer. Le contenu permet de soutenir le développement des trois compétences disciplinaires au premier cycle du secondaire et la plateforme numérique interactive laisse présager un gain de temps appréciable dans la planification des activités d’enseignement-apprentissage. Nous savons à quel point la préparation du matériel multimédia est chronophage. Ici, tout est prêt à l’emploi! Je soulignerai, en terminant, que la richesse du contenu assure aux enseignants plusieurs années d’utilisation avant d’avoir épuisé toutes les possibilités d’exploitation offertes par cette collection.

    fameq.org

  • « C’est le début d’un temps nouveau » : une recherche empirique sur l’évolution des pratiques musicales dans la musique populaire des années 1960.

    C O N T R I B U T I O N É T U D I A N T E

    H U B E R T L É V E I L L É G A U V I N , étudiant au doctorat en théorie musicale, École de musique, Université d’État de l’Ohio, lauréat du prix de vulgarisation scientifique 2015 de la SQRM (Société québécoise de recherche en musique).

    Au cours de la dernière décennie, plusieurs musicologues se sont penchés sur les

    changements de paradigmes dans la musique populaire des années 1960. Ils ont ainsi

    noté que, durant cette période, les « musiciens rocks n’aspiraient plus à être de simples

    professionnels ou artisans, mais plutôt des artistes » (Covach, 2006, p. 38, traduction libre)

    et que « la fin des années 1960 avait apporté un respect sans précédent pour la musique

    populaire et l’expérimentation artistique complexe » (Wald, 2009, p. 246, traduction libre).

    Ces réflexions permettent d’éclairer, du moins en partie, cet intérêt encore vif pour cette musique qui, doit-on le rappeler, a été popularisée il y a près d’un demi-siècle! Mais qu’est-ce qui distingue cette musique de celle qui l’a précédée? En quoi semble-t-elle toujours actuelle, alors que la musique des décennies précédentes nous parait vieillie? S’agit-il de nostalgie d’une mémoire collective imaginaire ou y a-t-il des caractéristiques musicales distinctes qui caractérisent la musique des années 60? Afin de tenter de répondre à ces questions, j’ai mené une étude empirique sur l’évolution des pratiques musicales dans la musique populaire des années 60. Deux aspects particuliers de la musique ont été étudiés, soit le langage harmonique et la forme musicale.

    Qu’est-Ce Que Le LAngAge HArMoniQue? Qu’est-Ce Que LA ForMe MusiCALe?

    On entend par langage harmonique la succession d’accords utilisée pour créer des pièces musicales. À bien des égards, le langage harmonique est à la musique ce que la grammaire est à l’écriture, c’est-à-dire un système organisationnel permettant de lier plusieurs éléments ensemble. Dans le cas de

    la musique, ces éléments sont les accords.

    Si le langage harmonique est un système d’organisation des accords, la forme musicale constitue un système d’organisation des sections musicales (couplet, refrain, etc.). Dans l’étude menée ici, quatre types de forme musicale ont été analysées : la forme strophique, où un seul couplet est répété avec différentes paroles; la forme AABA, où les couplets sont interrompus par une section contrastante appelé un « pont »; et la forme couplet-refrain simple, où les couplets et les refrains sont construits à partir de la même succession d’accords, ou contrastante, où les couplets et les refrains sont construits à partir de successions différentes d’accords.

    CoMMent peut-on Mesurer de FAçon sCientiFiQue L’éVoLution des prAtiQues MusiCALes?

    L’étude fut menée à l’aide du Billboard DataSet (Burgoyne, et al., 2011), un nouveau corpus regroupant des transcriptions d’accords pour plus de 700 chansons. Cette base de données est constituée d’un échantillonnage aléatoire de toutes les chansons s’étant inscrites sur le palmarès hebdomadaire du « Billboard 100 » entre 1958 et 1991. L’équipe de transcriptions était constituée de

    14 Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 2

    fameq.org

  • C O N T R I B U T I O N É T U D I A N T E

    plus de deux douzaines d’étudiants universitaires spécialisés en jazz. Chaque chanson fut transcrite indépendamment par deux étudiants, puis leur travail fut revu par une troisième personne.

    Puisque l’objet de cette étude est l’évolution des pratiques musicales dans la musique populaire des années 60, la période étudiée va de 1958 à 1971. Ces 14 années constituent un sous-corpus de près de 300 chansons. Afin d’identifier des changements significatifs dans le langage harmonique et la forme musicale durant cette décennie, ces 14 années furent divisées en deux, soit le début des années 60 (1958-64) et la fin des années 60 (1965-71). On testa par la suite la fréquence de plusieurs accords durant cette période pour ensuite comparer les résultats entre le début et la fin de la décennie. De la même façon, la fréquence des différentes formes musicales fut testée.

    présentAtion des résuLtAts

    Commençons d’abord par l’évolution du langage harmonique. Après avoir compilé les résultats, on constate une différence significative entre le début et la fin des années 60, avec une croissance marquée pour certains types d’accords très spécifiques et certaines progressions d’accords très spécifiques. En analysant les résultats de plus près, on constate que ces accords semblent être associés à l’utilisation grandissante de la guitare à la fin des années 60. En effet, on constate la croissance en popularité de certaines progressions d’accords qui, bien qu’elles semblent être contraires à la grammaire musicale classique ou traditionnelle, sont particulièrement idiomatiques pour la guitare. Cette particularité vient du fait que l’anatomie de la guitare, contrairement à celle du piano par exemple, permet de changer d’accords en déplaçant sa main parallèlement au manche de l’instrument. Ainsi, certaines progressions d’accords qui étaient peu commodes sur le piano deviennent particulièrement naturelles pour la guitare.

    La deuxième partie de l’étude s’intéressait à quatre types de forme musicale. Encore une fois, les résultats montrent une différence marquée entre le début et la fin des années 60. Le cas le plus frappant est celui de la forme AABA, qui constituait 25 % du corpus

    entre 1958-64 et qui chute à un peu plus de 5 % entre 1965-71. Cette perte de popularité considérable de la forme AABA, une forme largement associée à la musique populaire de la première moitié du XXe siècle, se fait au profit de la forme couplet-refrain contrastante, qui passe d’un peu moins de 15 % au début des années 1960 à près de 45 % vers la fin de la décennie pour devenir de loin la forme musicale la plus populaire de cette époque. Notons que les deux autres formes, soit la forme strophique et la forme couplet-refrain simple, restent plus ou moins stables tout au long de la décennie.

    ConCLusion

    Alors, simple nostalgie cet intérêt sans cesse renouvelé pour les années 60? À la suite des résultats présentés ici, il semble qu’un réel changement marque la musique de la fin de cette décennie, changement qui semble introduire le début de la musique « rock » telle qu’on la comprend maintenant. En effet, les transformations notées dans la présente étude semblent avoir été des phénomènes fondateurs de ce genre musical omniprésent dans la deuxième moitié du XXe siècle, que ce soit par l’utilisation quasi-systématique de la guitare ou par la popularité de la forme couplet-refrain contrastante. Ces changements peuvent nous paraîtres mineurs ou anodins, mais ils ne représentent que la pointe de l’iceberg d’une métamorphose beaucoup plus profonde marquant la musique populaire au début des années 60. On doit se rappeler que, durant la première moitié du siècle, la musique populaire est largement considérée comme simple divertissement et dépourvue de toute valeur artistique. Le philosophe et sociologue allemand Theodor W. Adorno parle de musique « standardisée » et « prédigérée » (Adorno, 1941), faisant référence à l’utilisation de nombreuses formules préexistantes, notamment la forme AABA. C’est fort probablement l’utilisation de ces nombreux « clichés » qui font que la musique des années 1930, 1940 et 1950 nous apparaît aujourd’hui désuète. En tentant de s’éloigner de ce modèle, la musique des années 60 représente un réel désir de la part des musiciens d’élever leur travail au statut d’art avec un grand A. Ainsi, les musiciens de cette décennie ont non seulement jeté les bases d’un langage musical encore largement utilisé aujourd’hui, mais également d’un système de valeurs toujours présent.

    15 Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 2

    BiBLiogrApHie

    Adorno, Theodor W. (1941). On Popular Music, Studies in Philosophy and Social Sciences, Vol. 9, 17–48.

    Burgoyne, J.A., Wild, J., & Fujinaga, I. (2011). An Expert Ground-Truth Set for Audio Chord Recognition and Music Analysis. Dans Proceedings of the 12th International Conference on Music Information Retrieval (pp. 633-38). Miami, FL.

    de Clercq, T., & Temperley, D. (2011). A Corpus Analysis of Rock Harmony. Popular Music, Vol. 30, No. 1, 47–70.

    Covach, J. (2006). From ‘Craft’ to ‘Art’: Formal Structure in the Music of the Beatles. Dans K. Womack & T.F. Davis (dir.), Reading the Beatles: Cultural Studies, Literary Criticism, and the Fab Four (pp. 37-53). Albany: State University of New York Press.

    Everett, W. (2004). Making Sense of Rock’s Tonal Systems. Music Theory Online, Vol.10, No. 4.

    Wald, E. (2009). How the Beatles Destroyed Rock ‘n’ Roll: An Alternative History of American Popular Music. New York and Oxford: Oxford University Press.

    fameq.org

  • 16 Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 2

    Mémoire présenté à la Commission de la culture et de l’éducation par la Fédération des Associations de Musiciens Éducateurs du Québec (FAMEQ), dans le cadre de l’étude du projet de loi n° 48, Loi modernisant la gouvernance du Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec.

    Les consultations sur le projet de loi n° 48, loi modernisant la gouvernance des Conservatoires de musique et d’art dramatique du Québec, se sont déroulées le mardi 8 septembre à l’Assemblée nationale.

    Plusieurs organismes ont participé à ces consultations, dont la FAMEQ.

    L’équipe de la revue Musique et pédagogie vous invite à suivre ce dossier de près en consultant le texte intégral de ce document, car c’est l’ensemble du milieu musical qui est concerné par ce projet de loi. La formation musicale en milieu scolaire (primaire et secondaire) fait partie de l’écosystème de la formation musicale au Québec et elle en est une composante FONDAMENTALE.

    Bravo et merci à Gaétan St-Laurent, président de la FAMEQ et à Maryse Forand, directrice générale, d’avoir pris la parole lors de ces consultations et d’y avoir fait entendre la voix des enseignants de musique qui œuvrent en milieu scolaire.

    Mémoire présenté à la Commission de la culture et de l’éducation par la Fédération des Associations de Musiciens Éducateurs du Québec (FAMEQ).

    I N F O R M AT I O N

    fameq.org

  • Mémoire présenté à la

    Commission de la culture et de l'éducation par la Fédération des Associations de Musiciens Éducateurs

    du Québec (FAMEQ), dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 48,

    Loi modernisant la gouvernance du Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec.

    55, rue Greenfield Longueuil, Québec, J4V 2J6

  • La Fédération des Associations de Musiciens Éducateurs du Québec (FAMEQ) est heureuse de l'occasion qui lui est offerte de participer à l'étude du projet de loi 48 et d'apporter une contribution qu'elle souhaite utile. Mais avant de soumettre nos commentaires et suggestions, il convient de rappeler le rôle de notre organisation brièvement. Quelques mots au sujet de la FAMEQ Créée en 1967, la Fédération des Associations de Musiciens Éducateurs du Québec regroupe et soutient les associations représentant les musiciens éducateurs de toutes les régions du Québec. Sa mission fondamentale est de promouvoir et de soutenir l'éducation musicale sous toutes ses formes comme un élément essentiel de culture et d'enrichissement individuel et collectif dans notre société. De manière plus précise, la FAMEQ s'est donné les mandats suivants:

    promouvoir et contribuer à enrichir l'enseignement de la musique dans notre système d'éducation;

    représenter les musiciens éducateurs auprès des instances gouvernementales concernées et défendre leurs intérêts auprès des organismes professionnels et syndicaux;

    soutenir le travail de ses associations régionales membres; développer des partenariats; organiser des activités de perfectionnement pour ses membres,

    notamment, par la tenue d'un congrès annuel et par la publication de la revue Musique & Pédagogie.

    Une appréciation globale du projet de loi La FAMEQ appuie sans réserve les objectifs poursuivis par le projet de loi ainsi que la plupart des moyens mis en œuvre pour les atteindre. Outre l'allégement des structures, la plus grande indépendance des instances décisionnelles et la mise en place de nouveaux mécanismes de gouvernance et de reddition de comptes, la FAMEQ applaudit les balises que fixe le projet de loi à la mission du Conservatoire.

  • Ainsi, le deuxième alinéa de l'article 4 rappelle l'obligation de tenir compte de la spécificité de chaque établissement dans la poursuite des objectifs généraux. Une telle mesure offre une protection souhaitée et nécessaire aux établissements contre l'éventualité d'une application uniforme et aveugle de solutions globales inadaptées à leur situation particulière. L'article 5, quant à lui, identifie un certain nombre d'orientations dans la réalisation de sa mission dont le Conservatoire ne saurait faire l'économie. Ainsi en est-il, notamment, des obligations suivantes:

    excellence dans la transmission du savoir; accessibilité sans égard à la situation géographique ou au statut

    économique des étudiants; prise en considération des retombées positives qu'apportent les divers

    établissements dans leurs milieux respectifs; recherche et établissement de collaborations avec d'autres institutions du

    milieu; liberté académique dans l'enseignement; adaptation à l'innovation, aux développements technologiques et à

    l'évolution des marchés.

    Ce sont là, de l'avis de la FAMEQ, des exigences incontournables pour l'avenir de l'enseignement de la musique et le développement optimal du talent musical des étudiants. Elle ne peut que se réjouir de leur inclusion explicite dans le projet de loi. Nous sommes aussi en accord avec la garantie d'une représentation régionale offerte par le deuxième alinéa de l'article 17. Une telle mesure nous semble essentielle aussi afin d'assurer que les besoins des régions soient adéquatement pris en compte. Enfin, le rôle donné au conseil d'orientation d'un établissement par le troisième alinéa de l'article 40.1 nous paraît très prometteur:

    "Le conseil peut également, de sa propre initiative, donner son avis au Conservatoire. Ses recommandations peuvent notamment porter sur :

  • 1. les objectifs à atteindre en matière de formation initiale dans le domaine de la musique;

    2. l’adéquation de la formation offerte compte tenu des perspectives d’intégration des diplômés au marché du travail, des besoins régionaux dans le domaine de la musique et de l’art dramatique, ainsi que la présence et la vitalité d’organismes essentiels au monde de la musique et de l’art dramatique;

    3. les mesures permettant d’améliorer les services dispensés par l’établissement;

    4. les moyens d’encourager et de mieux détecter, en collaboration avec les milieux scolaires, les élèves dotés de talents remarquables;

    5. les mesures visant à favoriser les actions philanthropiques au bénéfice de l’établissement, des élèves qui le fréquentent et de ceux qui en sont récemment diplômés. "

    La possibilité donnée à un conseil d'orientation d'intervenir sur ces questions est en effet susceptible de favoriser des collaborations nouvelles avec les milieux de l'enseignement primaire, secondaire, collégial et universitaire, qui sont ardemment souhaitées par notre milieu. Une inquiétude quant à la représentation du milieu de l'enseignement. La principale inquiétude de la FAMEQ à l'égard du projet de loi 48 concerne l'absence d'une garantie suffisante concernant la représentation du milieu de l'enseignement de la musique au primaire/secondaire sur le Conseil d'administration du Conservatoire. Afin de rendre intelligibles les motifs de cette inquiétude, nous rappelons ici certaines des conclusions d'une table ronde réalisée au congrès 2014 de la FAMEQ et présentées dans sa revue Musique & Pédagogie du printemps 2015. Le thème de cette table ronde était le suivant: "S’arrimer pour la musique! - Regards croisés sur la formation musicale au Québec". Ont participé à ce panel André Picard (directeur général de l’Association des doyens des études supérieures au Québec), Nathalie Fernando (vice-doyenne aux études théoriques et à la recherche à l’Université de Montréal), Thierry Champs ( directeur des programmes de 1er cycle et professeur au Département de

  • musique de l’Université du Québec à Montréal), Valerie Peters (professeure à l’Université Laval), Martin Le Sage (coordonnateur au Cégep de Sainte-Foy), Raymond St-Georges (enseignant de musique au secondaire à la Commission scolaire des Samares), Hélène Lévesque (conseillère pédagogique à la Commission scolaire de Montréal) et Sophie Lapierre (directrice de l’École des Jeunes de la Faculté de musique de l’Université de Montréal). Il ressort de cet exercice que la formation musicale au Québec traverse une période assez sombre de son histoire. Perte de clientèle dans les programmes avancés de musique, niveau de formation déficient des étudiants qui arrivent aux niveaux supérieurs, effondrement des programmes de formation musicale au niveau secondaire, grande précarité de ces programmes au niveau primaire, "saupoudrage" et temps d'enseignement insuffisant de même que disparités importantes entre régions et grands centres font partie de ces constats attristants. Il n'y a pas, bien sûr, de remède miracle et instantané à cette situation et on ne saurait confier à un projet de loi concernant le Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec la responsabilité de la corriger. Il demeure que les plus grandes collaboration, coordination et mobilisation possibles entre toutes les institutions œuvrant dans le domaine de la formation musicale, que la promotion de tous les instants de la richesse qu'apporte à une société la culture musicale et qu'un soutien prioritaire à l'enseignement de la musique aux niveaux primaire et secondaire seront absolument nécessaires. Pour ces raisons, nous sommes d'avis que l'article 15 du projet de loi devrait prévoir que siégeront au Conseil d'administration au moins deux représentants du milieu de l'éducation, dont un provenant du niveau primaire/secondaire. Nous souhaiterions aussi, bien que cela n'ait pas à être inscrit dans le projet de loi, cela va de soi, que la ministre n'oublie pas de considérer la FAMEQ comme représentative et de la consulter. En conclusion, nous tenons à redire que les orientations contenues dans ce projet de loi et que les moyens qu'il met en œuvre nous paraissent dans l'ensemble justifiés et prometteurs.

  • Pédagogie musicale et discours professionnels affichés : quand les représentations forgent la « place sociale » d’une discipline

    C H R O N I Q U E

    M U R I E L D E LTA N D , Titulaire du programme de formation en éducation musicale des futurs enseignants du primaire, Haute École de Bruxelles et chercheuse permanente au Laboratoire CIREL, équipe Trigone, Université de Lille 1.

    Chaque début d’année ressurgissent les mêmes questions à propos de la musique et de ses rapports avec l’éducation. Pourquoi travailler la musique auprès d’apprenants? Quelle place donne-t-on à la musique dans les apprentissages? Quelle est notre place de professionnel dans un monde éducatif? Quelles sont les fonctions de la musique dans nos pratiques? Quels sont les impacts de la musique sur le développement d’une personne? Quel que soit notre rôle professionnel, que nous touchions de près ou de loin à la pédagogie musicale1, nous avons toutes et tous été, au moins une fois, tenaillés par ces interrogations. Et c’est bien dans la logique des choses que de se poser de telles questions dans notre travail.

    Nous touchons ici au rapport intime que nous entretenons avec la musique, et qui guide, le plus souvent inconsciemment, nos pratiques et nos manières de répondre en situation éducative. Si ce rapport est fondateur dans nos pratiques, il est pourtant bien souvent difficile à exprimer de manière claire, précise et par un langage verbal univoque. Il est vrai que nous appartenons, en grande majorité, à des sociétés où travailler ce rapport se réalise dans le plus grand silence : un paradoxe me direz-vous pour des musiciens. On nous forme à « faire » de la pratique, mais mettre des mots sur celle-ci (la « dire ») est déjà bien plus complexe, parce que « dire » et « faire »

    se distinguent du point de vue de l’espace : « parler ou dire » sur sa pratique renvoie au linéaire, ne laissant que peu de traces visibles alors que « faire » de la musique produit un résultat (l’objet musical) qui est saisissable et concret supposant alors des savoirs et des procédures techniques. Comme le souligne Saillant-Caraud (1996, p. 26) « nos actes nous livrent, nous dévoilent, nous exposent et nous engagent » et les exprimer dans un langage précis reste encore fortement complexe à l’heure actuelle2.

    C’est pourtant ce que nous demande le niveau institutionnel auquel nous3 appartenons, avec pour injonction première de nous « concerter » en vue de « collaborer ». Il est vrai que nous faisons généralement partie d’une communauté éducative plurielle composée d’acteurs issus des disciplines les plus larges. Être en réunion de concertation et discuter ensemble des pratiques éducatives semblent banal pour certains et pourtant… Les réunions de concertation de ces dernières années, imposées et nombreuses, sont autant de lieux où la rencontre pluridisciplinaire devient la clé de voûte et où se joue aussi, souvent à notre insu, un certain nombre d’enjeux disciplinaires existentiels. Cela nous échappe le plus souvent et pourtant, c’est dans ces espaces de concertation que l’image des disciplines se façonne et s’élabore.

    22 Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 2

    1 Nous parlons ici des éducateurs, des enseignants, des formateurs, des inspecteurs et de toutes autres personnes qui interviennent de près ou de loin dans les questions d’apprentissage musical.

    2 Dans un article récent (2015, p. 215), nous nous étions penchés sur cette question de la « parole » dans le monde artistique et de son importance, tant pour le professionnel que pour le chercheur : « Si, pour le chercheur, la parole est un instrument permettant de clarifier l’activité et les contenus transmissifs en situation de travail, elle permet également au sujet de réaliser un acte par lequel il se situe, s’affirme et s’engage dans une relation de travail ».

    3 « Nous » renvoie ici à tout collectif de nature institutionnelle : équipes pédagogiques, équipes pluridisciplinaires, etc.

    fameq.org

  • Être en réunion de concertation, c’est faire partie d’un regroupement de professionnels venant de différentes disciplines dont les compétences sont certifiées et qui œuvrent à définir et à améliorer les interventions en s’accordant sur les pratiques et le sens que chacun y donne. Il s’agit d’ailleurs de la dynamique souhaitée le plus souvent par les pouvoirs organisateurs qui mettent le projet pédagogique institutionnel au centre des enjeux des discussions en vue de le faire évoluer.

    Être en concertation, c’est donc côtoyer et échanger ensemble un certain nombre de paramètres professionnels et sociaux qui sont inévitablement traversés par nos représentations, nos valeurs et le sens subjectif que nous attribuons sans trop le savoir aux disciplines. Ces moments collectifs sont des plus importants car ils permettent d’élaborer, de construire, de modifier et finalement de faire évoluer le sens et les fonctions de notre discipline musicale que nous affichons socialement : logique, car c’est là également que nous construisons nos propres représentations4 des autres disciplines et activités mises en place dans le programme institutionnel. L’un ne va pas sans l’autre.

    Nous sommes donc les maillons qui forgeont la « place sociale » que tiendra la musique au sein de notre collectif, mais également le sens qui y sera donné par l’ensemble des acteurs institutionnels de celle-ci, renvoyant alors à la « place éducative et développementale » que la musique occupe dans les questions éducatives de fond qui font évoluer, régresser ou disparaître des pratiques au sein de notre système d’enseignement et d’apprentissage.

    Une difficulté peut surgir si nous ne prenons pas conscience des discours et des postures que nous renvoyons au collectif. Sommes-nous toujours aussi clair et sans ambiguïté envers le collectif sur le sens, la nature et l’impact de notre discipline musicale auprès d’apprenants? Pas simple comme question, car nous sommes déjà tributaires de ce que le programme nous donne à faire et de ce que nous concevons comme être de la « bonne pratique », tout en sachant que notre champ disciplinaire est lui-même traversé par de nombreuses conceptions sur ces mêmes pratiques. Il n’y a rien de plus complexe que de réfléchir à l’ensemble de ces éléments et à l’impact social que nous véhiculons par nos discours professionnels.

    Pourtant, même si nous n’avons pas toujours la possibilité de formaliser ces échanges auprès de collègues, nos actes eux n’en font pas l’économie; bien au contraire, ceux-ci sont autant de « réponses » réelles et explicites qui forgent la représentation sociale de notre discipline et permettent aussi de mesurer et de comprendre combien il existe de manières de penser la musique dans le champ de l’éducation. Et cette pluralité de « réponses » complexifie encore un peu plus les représentations que la communauté enseignante au sens large se construit envers la musique.

    Les rApports À LA MusiQue et Le poids des disCours Que nous tenons

    Le rapport entre « musique et apprentissage » peut être compris au regard des travaux de Charlot, Bautier & Rochex (2000), à la fois comme un rapport interne à l’activité du professionnel, mais également comme un

    rapport externe, car il renvoie à cette même personne et à la société entière la place que celle-ci accorde à la discipline, tant dans ses actions éducatives de terrain que dans les discours qu’elle tient auprès de la communauté éducative. Dans ces conditions, réfléchir à notre rapport à la musique en qualité de professionnel nous permet de mieux situer et de mieux placer nos discours dans les échanges entre collègues au sein des espaces de concertation pédagogique.

    Voilà qui est bien vital à l’heure actuelle, car nos discours font écho aux représentations musicales et personnelles les plus profondes qui guident nos actes et nos manières de nous comporter en situation. Tout cela est lié, d’une part, à notre rapport à la musique (proche ou lointain)5 inscrit dans notre trajectoire personnelle, à notre fonction et à notre rôle6 attendus par l’institution, à la place et aux attentes que la musique possède dans les programmes et, plus largement, à la culture environnante dans laquelle nous baignons. Tout cela varie d’un continent à l’autre, d’un pays à l’autre et même d’une communauté à une autre. Dire que quand nous ne sommes qu’un, deux ou trois professionnel(s) de la musique parmi une multitude d’autres disciplines au sein d’un collectif de travail conséquent, nous multiplions les interventions sous différentes modalités !

    retour sur une étude ConsACrée AuX disCours éduCAtiFs AFFiCHés en ConCertAtion

    Dans le cadre d’une de nos dernières enquêtes7, nous nous sommes intéressés aux discours que les professionnels de la

    C H R O N I Q U E

    23 Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 2

    4 À titre d’exemple, combien d’entre nous n’ont pas découvert des disciplines dites très éloignées de la nôtre et ceci rien qu’en écoutant les collègues nous expliquer le sens et les pratiques qu’ils mettent en place? À les écouter, nous nous rendons compte combien parfois nous sommes proches ou éloignés de ces pratiques. Ce sont donc aussi ces discours en réunion qui forgent notre vision de ces disciplines, et plus le discours du collègue est limpide (et sans jargon spécifique), plus nous comprenons ce qui s’y passe. Comprendre permet alors d’interagir et de construire des « ponts » entre les disciplines pour dégager des collaborations éventuelles.

    5 Deltand, M. (2014). La construction de l’identité professionnelle à l’épreuve de la formation : le cas des étudiants belges se formant à enseigner l’éducation musicale. Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique, Canada, Volume 15, Numéro 1, pp. 37- 47.

    6 Selon si nous intervenons comme généraliste ou spécialiste : en référence à par la musique, de la musique, sur la musique et à la musique. Chaque manière de se situer par rapport à la musique implique des postures différentes.

    7 Cette enquête fera l’objet d’une publication ultérieure.

    fameq.org

  • musique affichent lors des moments de concertation pédagogique en essayant de comprendre l’image et la place sociale de la discipline dans ces échanges. Quels sont les discours professionnels de la musique qui sont renvoyés dans ces discussions? Quelle place donne-ton à la musique dans nos espaces de travail et que renvoie-t-on au grand collectif8 sur celle-ci? Quelle image sociale ont nos collègues « non-musiciens » de notre discipline et quelles sont les fonctions de la discipline qu’ils « pensent » déceler dans ces échanges?

    Près d’une soixantaine de professionnels et de futurs enseignants ont été rencontrés pour brosser une photographie illustrative des réponses à ces questions. Globalement, l’enquête a permis de déceler trois types de discours de professionnels de la musique ayant trait à la « musique en éducation ». À la lecture des données, nous avons remarqué d’emblée que ces discours dépassaient largement les trois grandes orientations conventionnelles9 mises souvent en avant dans ces moments et qui concernent le triangle pédagogique : apprenant-contenu-enseignant. Nous y avons trouvé presqu’à chaque fois des discours disciplinaires commençant par :

    La musique favorise…

    La musique contribue…

    La musique développe…

    La musique possède…

    Par ces formules déjà bien connues, nous avons pu comprendre que ces discours

    contractent d’une part la représentation subjective forgée par une histoire personnelle (parentale, scolaire, relationnelle, communautaire...) et, d’autre part, leur présence dans les programmes nationaux d’enseignement (sens disciplinaire et institutionnel). Au final, parmi la soixantaine de personnes interrogées au cours de l’enquête et quels que soient leurs rôles institutionnels (généralistes ou spécialistes de la musique), nous avons pu identifier trois types de discours sur les pratiques. Nous trouvons ainsi :

    Dans le premier type de discours, la musique est renvoyée socialement comme un outil contribuant à faciliter

    l’apprentissage de disciplines prévues dans un programme. La place accordée à la musique est alors un moyen d’accès à des compétences dites fondamentales (savoir lire, savoir écrire et savoir compter principalement). Ces discours se retrouvent le plus fortement auprès des généralistes de la musique travaillant au sein des écoles fondamentales (primaire et maternelle)10. Ces professionnels ont un programme institutionnel de base précis à élaborer et pour y parvenir, ils font preuve de beaucoup de créativité. Les échanges entre les personnes mettent en avant la promotion de liens transcurriculaires forts et indéniables entre la pratique musicale et les autres disciplines prévues du programme. À titre d’exemple, un certain nombre de chercheurs ont effectivement démontré que l’apprentissage musical et celui de la lecture et des mathématiques sont en lien direct, sans oublier les autres connexions présentes avec les disciplines comme les langues étrangères, l’histoire et la géographie pour ne citer que celles-là. Tout l’intérêt de ces échanges entre collègues revient à indiquer que la musique peut soutenir, favoriser et développer des apprentissages en rapport à d’autres disciplines prévues institutionnellement, l’apport communautaire étant tourné au maximum vers la création d’un certain décloisonnement des disciplines pour susciter du sens et de la motivation au travail. La musique permet largement d’y parvenir et dénote les potentialités transversales de la musique dans le champ éducatif.

    C H R O N I Q U E

    24 Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 2

    8 Nous entendons par « grand collectif » l’équipe élargie d’une institution qui comprend l’ensemble des enseignants, des dirigeants, des administrateurs, etc.

    9 Nous identifions les trois grandes orientations suivantes : le fait qu’on centre ses pratiques sur les connaissances musicales, les contenus et le dépositaire de ceux-ci (« celui qui sait »), la concentration de l’activité sur celui qui apprend et ses manières d’apprendre (« celui qui apprend »), et enfin, une vision valorisant la relation pédagogique comme ciment de l’apprentissage entre celui qui sait et celui qui apprend (« ce lien qui me fait apprendre »).

    10 Dans la plupart des pays européens, les généralistes de la musique sont des enseignants ayant la charge d’un ensemble de matières dont celles relevant des arts plastiques et de l’éducation musicale. Il s’agit pour la plupart des enseignants du primaire et de la maternelle. Ces enseignants généralistes sont habituellement formés à des matières artistiques dans le cadre de leur formation professionnelle et interviennent par ou à travers la musique. Par contre, les spécialistes de la musique sont le plus souvent des acteurs ayant une solide formation musicale. Nous trouvons plusieurs disciplines musicales liées : musicologie, musicien enseignant dans les académies.

    1

    1Musique comme soutien aux autres disciplines de base =

    un outil

    2Musique comme développement et

    épanouissement de l’apprenant =

    développement

    3Musique comme discipline à part entière et sur un pied d’égalité

    sociale au même titre que les autres disciplines =

    apports artistiques spécifiques et uniques

    fameq.org

  • C H R O N I Q U E

    27 Musique et pédagogie |fameq.org | Volume 30 | numéro 2

    ConCLusion

    En parcourant les différents témoignages présents dans l’enquête et extraits de celle-ci, nous prenons conscience à la fois que notre rapport à la musique est loin d’être neutre et combien notre manière de « parler de la discipline » traduit notre vision de celle-ci et le rôle que nous lui accordons dans nos pratiques. Chacun de ces discours institue socialement la musique dans un statut, une fonction, un rôle et une position partagés ou non au sein d’un collectif. Le moment de concertation est donc un espace rendant visible notre discipline musicale, souvent considérée comme mystérieuse ou hermétique pour les non-initiés. Exprimer et échanger clairement en toute connaissance de cause permet de faire mieux comprendre aux collègues les fonctions de la discipline musicale et l’importance de celle-ci dans l’éducation.

    Néanmoins, soyons vigilants sur les termes que nous employons comme « favoriser », « contribuer » ou « développer », souvent présents dans les programmes et qui restent la plupart du temps dans des fonctions utilitaristes de la musique. Employer et définir la musique au sens premier de la discipline en utilisant par exemple le terme « posséder » relève plus de propriétés disciplinaires intrinsèques et propres à celle-ci. C’est donc dans une vision complémentaire et cohérente que nous devrions engager nos échanges professionnels en vue d’implémenter l’ensemble des pensées musicales et de leurs fonctions dans le monde éducatif qui est le nôtre. Les trois types de discours apparus dans l’enquête sont finalement cumulatifs et s’accordent pleinement dans la plupart des cas, toujours bien sûr selon le lieu et la fonction que nous occupons, et en toute cohérence avec le rapport que nous entretenons avec la musique.

    Dès lors, que nous soyons généralistes ou spécialistes de la musique et que nous entretenions un rapport lointain ou proche avec la pratique musicale au sein de nos fonctions institutionnelles, nous devrions être attentifs à l’impact de nos interventions, dans la mesure où nous considérons certaines pratiques comme étant parfois un outil ou un substitut temporaire à des apprentissages de disciplines dites de base, mais en sachant très bien (et nous insistons lourdement ici pour que les professionnels l’expriment) que la musique œuvre aussi à un développement musical spécifique, esthétique et artistique propre à sa nature. Nous sommes d’avis que le danger le plus important viendrait d’une cristallisation des discours de type « utilitariste » qui renverrait alors un signal fonctionnel de la musique ne reflétant pas totalement ce qu’elle est intrinsèquement : un art, un langage, une discipline, des effets… propres à sa nature disciplinaire.

    BiBLiogrApHie

    Bautier E., Charlot B., et Rochex JY., (2000). Entre apprentissages et métier d’élève : le rapport au savoir, in Van Zanten A. (dir), « L’école, l’état des savoirs » éditions La Découverte.

    Batian, H.G. (1998). L’influence de l’éducation musicale sur le développement des enfants, trad. Gunter Kreutz. Berlin : Université GH Paderbon

    Deltand, M. (2014). La construction de l’identité professionnelle à l’épreuve de la formation : le cas des étudiants belges se formant à enseigner l’éducation musicale. Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique, Canada, Volume 15, Numéro 1, pp. 37- 47.

    Deltand, M. (2015). Paroles sur soi et complexité des formes de biographisation. Education permanente, France, n° 203, pp. 205-218

    Kokotsaki, D. & Hallam, S. (2007). Higher education music students’ perceptions of the benefits of participative music making. Music Education Research, 9(1), 93-109.

    Saillant-Caraud Françoise, Démailler le tricot de nos pratiques quotidiennes, Cahiers Pédagogiques, n°346, septembre 1996, pp.26-28.

    pour en sAVoir pLus

    Meirieu, P. (1995). « La pédagogie entre le dire et le faire : Le courage des commencements », Paris, ESF.

    Dufour D. R. (1988). L’apport de certaines sciences du langage aux sciences de l’éducation. Revue française de pédagogie, volume 84, pp. 57-65.

    Cislaru, G. & Pugnière-Saavedra, F. & Sitri, F. (2008). « Analyse de discours et demande sociale: le cas des écrits de signalement », Centre de Recherche sur les Discours Ordinaires et Spécialisés, Presses Sorbonne Nouvelle.

    Chiss, J-L & Filliolet, J. (1987). La typologie des discours. Langue française, Larousse, n°74.

    fameq.org