Musicien ne : quelques réalités du métier...MUSICIEN.NE : QUELQUES RÉALITÉS DU MÉTIER — 5...

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2018 Quentin Anciaux, Pierre Bataille, Thomas Blondeel, Sébastien Bours, Louise de Brabandère, Solange De Mesmaeker, Carmelo Virone (dir.) Musicienne : quelques réalités du métier

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2018

QuentinAnciaux,PierreBataille,ThomasBlondeel,SébastienBours,LouisedeBrabandère,SolangeDeMesmaeker,CarmeloVirone(dir.)

Musicien�ne :quelquesréalitésdumétier

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MUSICIEN.NE:QUELQUESRÉALITÉSDUMÉTIER —2

Gravured’OlivierDeprez,collectionSMart.

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MUSICIEN.NE:QUELQUESRÉALITÉSDUMÉTIER —3

Tabledesmatières

INTRODUCTION(CarmeloVirone) P.4

1—GAGNERSAVIE P.6

Lesrémunérationsdesmusicien·ne·s:unbarèmesalarialminimum?(LouisedeBrabandère) P.7

LamusiquedeSMart(PierreBatailleetLouisedeBrabandère) P.19

Revenusdelamusique:desmilliardsoudescacahuètes?(QuentinAnciaux) P.38

Sourcesetressourcespartie1 P.45

2—S’EXPORTER P.48

Quandlamusiquetourne.Rencontreavecunprodelamob(B.MoisseetC.Virone) P.49

Lalutteadministrativedumusicienpourunemusiquesansfrontière(SébastienBours) P.52

S’exporterenmusique(PierreBataille) P.58

3—SEFÉDÉRER,SEDÉFENDRE P.62

LeFACIR,quandlesecteurdelamusiquesefédère(S.DeMesmaecker) P.63

GALM:lamusiquesepaie,commelepain(ThomasBlondeel) P.69

Sourcesetressourcespartie3 P.72

4—CONTACTER P.73

Adressesutiles P.74

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MUSICIEN.NE:QUELQUESRÉALITÉSDUMÉTIER —4

INTRODUCTION

Gagnersavie,séduirelepublichorsfrontière,conquérirsesdroitsCarmeloVirone

Lesmusiciensetinterprètesreprésententl’unedespremièresprofessionsquiaientjustifiélacréationdeSMart,en1998.Ilfallaitdessolutionspratiquespourlesaideràgérerleurscontratsetàdévelopperleurcarrière,àtrouverletempsderépéteroudecomposerplutôtquedeleperdreens’embrouillantdanslespaperasses.Aujourd’huiencore,ilsetellesreprésententunepartsignificativedenossociétaires,mêmesilapalettedenosmétierss’estconsidérablementélargie.Pourtantnousneleuravionspasencoreconsacréd’étudeuntantsoitpeudéveloppée.Lespagesquisuivententendentcomblercettelacune,aumoinspartiellement.

Lapremièrepartiedenotreétudeportesurlarémunérationdesmusicien·ne·s.Commentgagnent-ilsleurvie?Qu’est-cequidéterminelesmontantsqu’ilstouchentpourleurtravail?L’enquêtemenéeparlasociologueLouisedeBrabandèremontrequelescachetsnedépendentpastantpasdesbarèmesfixésparlesCommissionsparitaires,enpratiquetrèspeurespectés,quedesdeuxfacteursclésqu’ellemetenévidence:lasituationdejeu(plutôtorientée«commercial»ou«artistique»)etl’identitéprofessionnelledemusicien·ne.EncollaborationaveclamêmeLouisedeBrabandère,PierreBataille,sociologueluiaussi,nousproposepoursapartuneanalysedel’activitédesmusicien·ne·sfacturantleursprestationsviaSMart.Cefaisant,ilnousdonne«quelquesélémentsdecompréhensionsurcequevivredelamusiqueveutdiredanslecontextebelge».S’ilnefallaitretenirqu’unpointsaillantdanscequ’ilmetenévidence,c’est«ladépendancedel’activitédesmusicien·ne·sdeSMartàl’activitédessalles,cafésetautrelieuxdediffusionsréguliers»-constatquinousrappelle,sibesoinenétait,àquelpointlavieculturelleestliéeauxconditionsmatériellesdeproductionetdediffusiondesœuvres.Enfin,danssonarticlesurlemarchédelamusique,QuentinAnciauxs’intéresseàlamanièredontinternetachangéladonneenmatièredeconsommationmusicale.AumomentoùleParlementeuropéensepenchaitsurunenouvelleréglementationliéeauxdroitsd’auteursàl’heuredunumérique,ilétaitnécessairedemieuxcernerlesenjeuxdecetteévolution.

Lemarchébelgeestexiguet,pournerienarranger,lesfrontièreslinguistiquesnefacilitentpaslacirculationdesartistesentrelesdifférentesrégionsdupays.Ilestdèslorsnormalque,pourassurerledéveloppementdeleurcarrière,lesmusicienscherchentàseproduirehorsdenosfrontières.D’oùladeuxièmepartiedececahier,consacréeàlaproblématiquedudéveloppementdescarrièresdesmusicien·ne·sauplaninternational.

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BernardMoisseestunhommedeterrain.Ilnousexpliquedansunentretienquelsproblèmesrencontrent,enmatièredemobilitéinternationale,ceuxqui,commelui,exercentlemétierdetourneur.SébastienBoursexamineenjuristelesdifférentesdémarchesadministrativesàaccomplirsil’onveuttravailleràl’étranger.Sonvade-mecums’avéreraindispensableauxaspirantsvoyageurs.Enfin,nousavonscherchéàdéterminerdemanièrechiffréecequereprésentaientpournossociétairesleursactivitésmusicalesàl’étranger.LesdonnéesrelativesauxcontratsSMartpourlesprestationshorsdenosfrontièresontpermisàPierreBatailleetLouisedeBrabandèrededonnerunaperçu«deslogiquesstructurantl’exportationdelamusiqueproduiteenBelgique».

Lesmusicienssontdestravailleursintermittents,tropsouventprécairesetmalarméspourdéfendreleursintérêtslesplusélémentaires,quecesoitenmatièrederémunérationoudedroitssociaux.Ilenvapoureuxcommepourlaplupartdesautresartistes,etpourlestravailleursfreelancesengénéral:lesconditionsdanslesquellesilsetellessontamenésàexercerleurmétier,dansuncontexteoùlaconcurrenceestlarègle,nefavorisentpasl’actioncollective.Néanmoins,desinitiativesémergentçàetlà,quivisentàfaireentendreleursrevendications.Danslatroisièmepartiedecetteétude,SolangeDeMesmaekeretThomasBlondeelenépinglentdeux:FACIRetGALM.S’ilsconcernentdespublicsdifférents,cesgroupementsprofessionnelsontencommunlavolontédemisersurlasolidaritépourtenterdecréerunrapportdeforcequisoitplusfavorableàtousceuxetcellesquitentent,bonan,malan,devivredelamusique.

Notreexplorationdequelquesréalitésdumétierdemusiciens’achèvesurunrépertoired’adressesutiles:associationsprofessionnelles,sociétésd’auteurs,pouvoirspublics,associationsdiverses…Pourchacun·e,lanécessitéd’agirs’ajouteaubesoindecomprendre.Notresouhaitestquecenouveaucahierd’éducationpermanentepuisserépondreàlafoisàcesdeuximpératifs.

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1—GAGNERSAVIE

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Lesrémunérationsdesmusicien·ne·s:unbarèmesalarialminimum?LouisedeBrabandère

Parmilessystèmesimaginéspourpréserverlesdroitsdestravailleursfigurentlesbarèmessalariaux,quelesemployeurssontcensésrespecter.Unebonneidée,quidevraitgarantiràchacununerémunérationminimale,maisquinesembleguèrepraticableauxyeuxdesmusiciensetmusiciennes.Barème,moinonplus,commedisaitl’autre.Maissurquellebasealorssontfixéslespaiementsdesprestations?Enquêteencompagniedequelquespraticien·ne·s.

EnseréférantaunumérodeCommissionParitaireinscritsursafichedepaie,untravailleursalariépeutvérifiersilesalairebrutminimumauqueliladroitestrespecté.Cebarèmeestlerésultatd’unenégociationentrelesorganisationssyndicalesdespatronsetdestravailleurs

d’unsecteurd’activitéoud’uneentreprise.IlestensuiteinscritdansdesConventionsCollectivesdeTravail(CCT)sectorielleoud’entreprise(s).Chaqueemployeurliéàl’uneoul’autreCCT1esttenuderespecterlesconditionsdesalairesprévues,souspeinedesanctionpénale.

Lesconversationsavecplusieursmusicien·ne·s2montrentuneautreréalité.Aucun·edesmusicien·ne·srencontré·e·sn’arecoursauxbarèmes:«personnenesaitqueçaexiste,personnenesaitqueçadevraitêtrelanormedoncchacunnégocieunpeusoncachetaucas

parcas».Commentexpliquercettegrandedisparitédespratiquesetrevenusdesmusicien·ne·sbelges?

Nousproposonsdanscetarticlequelquespistesderéponse.Dansunpremiertemps,nousexposonslesélémentscontextuelsquirenseignentlaquestiondesrémunérations(élémentslégaux,contexteinstitutionnelbelge,statutssociauxetaménagementsprévuspourlesartistes).Dansundeuxièmetemps,nousrelevonsdeuxfacteursdéterminantlemontantdescachetschezlesmusicien·ne·srencontré·e·s:lasituationdejeu(plutôtorientée«commercial»ou«artistique»)etl’identitéprofessionnelledemusicien.Plusqu’unenormeunique,c’estl’ajustemententrecesdeuxélémentsquisembledéterminerlarémunérationqueleoulamusicienneoseraréclamer.Decefait,ilexisteunemultiplicitédefaçonsde«vivredelamusique»selonlasituationsocialeetprofessionnelledesindividus.

1 Soit parce qu’il ressortit de la Commission Paritaire concernée et du champ d’application de la CCT, soit parce qu’il l’a conclue ou y a adhéré individuellement (CCT d’entreprise(s)). 2 Un musicien et chanteur jeune public, une musicienne multi-instrumentaliste, un rapeur/beatmaker/hip-hop, un musicien animateur, un musicien indépendant. Nous ne transcrivons pas toute la diversité des profils de musiciens. Ceci dit, les différences observées entre ces musicien·ne·s soulignent déjà l’hétérogénéité de ce groupe professionnel.

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L’encadrement légal des rémunérations

Onretrouveledétaildessalairesminimauxpourlesmusicien·ne·ssurlapageduSPFconcertationsociale3.Deuxcasdefiguresontprévus:lepremierconcernelemusicienengagépourun«serviceconcert»quidoitenthéorie4êtrerémunéréaumoins108€90.Leservicerépétitiondoitquantàluiêtrerémunéré72€15.L’autrecasconcernelemusiciensalariéquidevraseréféreràunegrilledessalairesmensuelsévoluantselonsafonctionetsonancienneté.

Une vieille histoire

Ladéfensecollectivedesmusicienscommencedéjàen1893,aveclafondationduSyndicatdesArtistesMusiciensdeBruxelles.Lestractsetcarnetsportentlatraced’unedéfensedéterminéedesdroitsdestravailleurs,«aveclarecommandationenfindecarnet«ne

jamaisriensigneravantdelemontreràtonsecrétairesyndical».Etjemedis,onenétaitlà

àcemoment-là.Quandjemontreçaàdejeunesmusiciensilsn'encroientpasleursyeux!».

Carnetsd’affiliationausyndicatdesMusiciens,BruxellesetLiègeSources:ArchivesdelaCGSPCulture,RégionWallonne

Cettedéfenses’organiseautourdesmusiciensclassiques.En1909,lesmusiciensduThéâtreRoyaldelaMonnaiedénoncentlespratiquesduchefd’orchestrelestraitantde«biesse,triplebiesse,imbéciles,tasd’accessitsetdéchetsdeconservatoire»5.Ilsréclamentl’instaurationd’uncontratcollectif,lahaussedessalairesetlepaiementdesrépétitions.En1945,lesyndicatfondelaFédérationbelgeduSpectacleauxcôtésd’autresprofessions.En3 Voir : https://www.salairesminimums.be/document.html?jcId=cf2e07ee4d322a17014d7bbdd3aa44eb 4 Comme le notait comiquement (et assez justement !) Claude Semal, « Un jour, j’irai habiter en Théorie, parce qu’en théorie, tout va bien » 5 Cette citation est issue du travail d’Alexandre von Sivers, disponible en partie sur le site de l’Union des Artistes : « Chronique spectaculaire d’une convention collective ».

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1972,laFédérationjusqu’alorsindépendantesejointàlaCentraleGénéraledesServicesPublics:«notresecteurestconfrontéavecunproblèmedelimitationdunombredesesaffiliéscarilneconnaitpasdegrandesEntreprisescommec’estlecaspourlesCentralesdesMétallurgistes(…)»(Rapportmoraldusous-secteur«Spectacle»,CGSP).

Les conventions collectives

L’année1947marquel’installationdelaCommissionParitaireduSpectacle(CP304),l’actuellestructurededialoguesocialentrechambressyndicalesetpatronalesdesartsdelascène.Cesontdésormaisdesréalitésdetravaildifférentes-lethéâtre,lamusique,ladanse-qu’ilfautdéfendre.Desconventionsdedeuxtypessontnégociées,une«artsdelascène»etuneautrespécifiqueauxmusiciens.Lapremièreconventionsectoriellecontraignantedatede1999,elleconcernelesrémunérationsdesmusiciensetdeschanteurs.En2005,unenouvelleversiondecette«CCTMusique»estnégociée.CesdeuxversionssontrenduesobligatoiresparArrêtéroyal.Entre-temps,laBelgiqueestdevenueunEtatfédéral.Lacultureestunecompétencecommunautaire,c’estàl’échelledesCommunautésquesedéfinissentlesconditionsdesalaire.C’estplustard,en2016,quedesbarèmesspécifiquesàlazonenéerlandophone6sontprévus.Habituellement,lesbarèmessalariauxdépendentdusecteurd’activitédel’employeur,identifiéparlaCommissionParitairedontilrelève.Difficileàappliquerpourcertain·e·smusicien·ne·sdontletravail«parprojet»etmême«parprestation»lesmèneàchangerd’employeurfréquemment:unbar,uncentreculturel,unmariage,unepublicité,…Ainsi,lesbarèmesprévuspourlesmusicien·ne·sleursontdirectementliés,saufs’ilssontemployésparl’OpéraRoyaldeWallonie(quidisposed’uneCCTd’entreprisedepuis1994),pardesstructuressubventionnéesparlaCommunautéfrançaiseouquirelèventdelaconvention«artsdelascène»qu’ellesdoiventdèslorsrespecter.Aujourd’hui,desdispositionspropresauxmusicien·ne·ssontintégréesauxconventions«artsdelascène».Ellesconcernentlesentreprisesquisontexcluesduchampd’applicationdelaCCT«Musique»(principalementdesentreprisessubsidiéesd’artdramatique).

Complexité institutionnelle

Ladéfensedestravailleursdelacultureestdéforcéeparlacomplexitéinstitutionnellepropreàcesecteur.L’emploiestunecompétencefédéraletandisquelacultureestunecompétencecommunautaire.Ils’agitdoncd’arbitrerentreplusieursniveauxetentreplusieursinstancesfédérées,chaquecommunautéayantsapropregestionpolitiquedesaffairesculturelles.Cettecomplexitéinstitutionnellenefavorisepaslanégociationdesconditionsdesalairequiimpliquedèslorstroisacteurs:lesreprésentantspatronaux,

6 Voir http://www.emploi.belgique.be/CAO/304/304-1999-002973.pdf, http://www.emploi.belgique.be/CAO/304/304-2005-000630.pdf et http://www.emploi.belgique.be/CAO/304/304-2017-000293.pdf

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syndicauxetlesgouvernementsdesCommunautés7.Ceciautoriseunedéresponsabilisationdesparties,chacuneserenvoyantlaballe.Undirecteurdethéâtredéclarant«nousnesommespaslesvéritablespatrons,nousdépendonsdespouvoirspublic»8.Deplus,desépisodesdescissionauseindessyndicatsdestravailleurs–entreleSetcaCultureetlaCGSPCulture&Média–etdespatronsmorcellentencoreaujourd’huilepaysagesyndical.Enfin,lesecteurculturelcomprenddesprofessionsauxréalitésdetravailtropdifférentespourquedesmesuresnormativesuniquessoientefficaces.Ainsi,ilexisteplusieursCommissionsParitairesliéesàlaculture:la304pourlespectacle,la227pourl’audiovisueletla329pourlesocio-culturel.Ladiversificationdesactivitésrémunératricesdesartistesintensifiecetaspect:deplusenplusd’artistestravaillentaussidansdessecteurscommelapublicité.

Le « statut » d’artiste

Lesconditionsd’accèsau«statut»d’artistejouentégalementunrôledanslarémunérationdesmusicien·ne·s.Iln’existepasenBelgiquedestatutlégal9liéàuntravailparintermittence,auprèsd’employeursmultiplesetoccasionnels.Lesartistesduspectaclesontprésuméssalariés10:ilscotisentàcesystèmedesécuritésociale11etbénéficientdèslorsdelaprotectionsociale(chômage,péculedevacance,congéparental,etc.).Lecontrat1erbis(enréférenceàl’article1bisinsérédansl’ARdu28novembre1969)permetauxartistesd’êtresdes«salariésassimilés»sansêtresubordonnésàleuremployeuroccasionnel.Cescontrats«d’engagement»nesontpassoumisauxconventionscollectivesetdoncauxbarèmessalariauxqu’ellesprévoient.Cettesituation,entresalariatetindépendance,déchargecertainsemployeursdeleursobligationssocialesettraduitlemodederégulationoriginaldecesegmentdumarchédel’emploi.Denouvellesstructures–lesBureauxSociauxpourArtistes12(BSA)-répondirentàcettesituationd’entre-deuxenprenantenchargel’administrationcontreunpourcentagedesgainsdesartistes.Danscecadre,lesrelationsdetravailtriangulententrel’employeur(leBSA),letravailleur(l’artiste)etlecommanditaire.Enoutre,lesartistesquilesouhaitentpeuventêtreassujettisàlasécuritésocialedesindépendants,cequiestplussouventlecasenFlandrequ’enWallonie13.

7 C’est la Fédération Wallonie Bruxelles qui subventionne le secteur culturel francophone via des contrats programmes pour une durée de 5 ans. 8 Cette citation est également issue du travail d’Alexandre von Sivers. 9 Seuls les statuts de salarié, d’indépendant et de fonctionnaire de l’Etat existent au sein de la sécurité sociale belge. Cet article rédigé par la SMart apporte plus d’informations sur les différents statuts sociaux et les articles de lois relatifs au « statut » d’artiste. 10 Présomption de salariat avec l’article 3, 2° de l’arrêté royal du 28 novembre 1969 devenue réfragable avec l’article 170 de la loi-programme du 24 décembre 2002. 11 Plusieurs aménagements prenant compte des réalités du travail artistique sont prévus. Par exemple, la règle du cachet permet aux artistes engagés pour un service (comme c’est le cas des musiciens engagés pour des prestations ponctuelles) de convertir le montant du cachet perçu en un nombre de jours valorisables pour l’ouverture des droits au chômage. Lisa Cogniaux explique ces aménagements dans son article « Le statut d’artiste : clarification d’un débat qui dure ». 12 Voir notamment Alexandre Pintiaux, Les bureaux sociaux pour artistes en Belgique, Le Soir 2/05/2018. (https://www.lesoir.be/154397/article/2018-05-02/les-bureaux-sociaux-pour-artistes-en-belgique) 13 C’est ce que montrent les rapports d’activité de la (récente) Commission d’artistes, les travaux de Jean-Gilles Lowies et Christophe Levaux (« Salariat et chômage des artistes en Belgique » , annexe 2 page 33) et ceux de Filière de Gestion culturelle de l’ULB (page 28 à 35). Voir plus loin : sources et ressources.

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L’expression«statutd’artiste»,largementrépandue,désigneplusl’ouverturedesdroitsauxallocationsdechômagesansdégressivitéqu’unstatutsocialparticulier.Enoutre,ce«statut»estremisenquestionpardesréformeslégislatives(dernièreendate,celledelaréglementationchômagede2014)ainsiquepardespratiquesetinterprétationsadministratives(notesinterprétativesdel’ONEMen2017,blocagedupaiementdesallocationsenpériodeestivale).

Les multiples manières de « vivre de son art »

Cecontextejuridiqueetinstitutionnelstructureunmarchédel’emploiartistiquequiest,parailleurs,particulièrementinégalitaireetconcurrentiel.Ensonseins’organisentdespratiquesmusicalespourlemoinshétérogènes.Lesrevenusdesmusicien·ne·speuventainsiprovenirdeprestations,del’enseignement,delaventedemerchandising,dedroitsd’auteursetdedroitsvoisins,desallocationsdechômageouencored’untravailnonmusical14.C’estparexemplelecasd’unmusicienévoluantprincipalementdanslascènehiphopbelgequi,pourvivredelamusiqueetsansallocationsdechômage,cumuleplusieursactivitésenrapportàlamusique:«Quandj'aichoisid'arrêterdetravailler,j'étaistrèsconscientquejenepouvaispasjustefairedurapetvivre.Làjevisdemonart,demesarts,parcequ'aufinaljesuisun

peutoucheàtout.Chaquemoisj'aidesconcerts,çameramèneducash,chaquemoisjefais

dugraphismej'aiquelquescontratspar-ci,par-làdontcertainsfixes.Jem'occupedefaireles

flyerspourcertainsbarsàBruxelles.EtpuisjesuisDJ,j'organisetroissoiréesparmois.Tout

çaréunifaitquejesurvis,tuvois,sansavoirbesoindebosserpourunpatron».

Les déterminants de la rémunération

Loindeselimiterauxbarèmes,larémunérationestlefruitd’unajustementpropreàchaquemusicien·ne,selonsasituationdetravail.Parmilesmultiplesmanièresde«vivredelamusique»,nousrelevonsdeuxfacteursprincipauxquidéterminentlarémunération:lavaleuraccordéeàlasituationdejeuetl’imagequel’onadesoientantquemusicien·ne.

La situation de jeu : entre valeur commerciale et valeur

artistique Lasituationdejeu–ou«dispositifdejeu»(Perrenoud,2006)–désignelaconfigurationdanslaquelleseproduitleoulamusicien·ne.Ellerenvoietantaulieu(miseenformedel’espace,attentessocialesconcernantcelieu)qu’autypedeprestationattendueetauxacteursimpliqués.

Dansunbar,unrestaurantouunévènementprivé–deslieuxpeudistinctifs,informels,nonrégulésetnebénéficiantpasdesubventions–larémunérationestdavantagedépendantedemécanismesdu«marché»:

14Pour une présentation en détail des sources de revenus générés par l’activité musicale, voir plus loin l’article de Quentin Anciaux.

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«Ilyabeaucoupd'offrespourpeudedemandes.Lesgenssortentpardizainedes

conservatoireschaqueannéeetpuisilyatouslesgensquinepassentmêmepas

parlesconservatoires,quisontautodidactes.Etducoupilyaénormément

d'offredemusique(…)Etc'estbien,moijesuispourquebeaucoupdegens

fassentdel'art,quecesoitthéâtremusiqueouautre.C'estjusteque,ducoup,le

rapportdeforceestdifficile.Quandondoitallernégocieravecuncachetplus

important,c'estsouventçaqu'ilsvontnousdire:"ouaisjenepeuxpastepayer

300eurospourlegroupeparcequed'habitudejepaie100"Etsioncontinueen

disant"bennonc'est300oupas"etbenc'estpas,onjouepas.C'estcommeje

disaistoutàl'heure,onperdl'expériencescénique,lavisibilité,leréseauqu'on

peutfaire,etc.»(membreduFACIR,laFédérationdesAuteurs,CompositeursetInterprètesRéunis).

Pourleoulamusicien·ne,ils’agitdevendreunservice,deseplierauxcontraintesdelaconcurrence,desbesoinsdesclients/consommateursetdeleursmoyens.Lescollectifsdetravailsontaménagésenfonctiondelademande,proposantdes«formules»différentesenfonctiondubudgetduclient.Danscecontexte,laprestationmusicalerépondàunevocationcommercialeplusqu’artistique.Unjeunemusicienexpliquequ’iln’interprètepassescompositionspersonnellesdanslesbarsetlesrestaurants:«letrucc’estquetuesdanscebarettudoisjouerpourlesgensetqu’enfaitilsenontrienàfoutreilsviennentjuste

manger.Ilsnesontpasvenusàunconcertpourécouter.Ducoup,allerdonnervraimentde

tapersonne…Jefaisaisunpeuletrucàmoitiéenmode«ahilsm’enterrentquoi»».Danslecontexte«marchand»,laprestationmusicaleestdavantagevécuecommeuntravailsalariéstandard,avecuncachetetunhorairefixeainsiqu’unerelationdedépendanceàlademandeduclient.

Cettesoumissionaumarchétendàs’étendreauxlieuxsubventionnés,amenantcertainessallesdeconcertàchercherlarentabilité:«Ilscommencentvraimentàseposerlaquestion

commeça,çafaitunpetittempsmaintenant.Engros,ilsévaluentlecachetenfaisantune

espècedesommeentrelesplacesqu'ilsvontvendreetcequeleurcoûtelasoiréeentermes

depromo,etc.LeBotaniqueaenviedefonctionnerpourcequiestdesconcertssurune

opérationblanche»(musicienetchanteurjeunepublic,41ans,diplômemasteruniversitaire).

Pourcertain·e·smusicien·ne·s,jouerdansdesdispositifsdejeuprincipalementtravaillépardeslogiques«commerciales»secantonneaudébutdecarrière,passageobligépourouvrirsesdroitsauxallocationsdechômage.Ceux-cisontparailleursdévaloriséscarilsnemettentpasenjeuunefiguredel’artistecréateur,singulier,habitéparlavocation,lapassion(etmatérialiséparlaséparationsymboliquequereprésentelascène).C’estcequesouligneunbatteurforméauConservatoireRoyaldeBruxelles:«touslescontratsqu'onfaisaitpourlesmariages,lestrucsd'animation...Cen'estpasdutoutletruclepluscréatifdumondehein.La

premièrechosequ'onvienttedirec'est"vouspouvezjouerunpeumoinsfort?"Cen'estpas

del'art,c'estdumeuble.C'estdeladécoration.Doncc'estunpeuparadoxal».Onpeut

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imaginerque,pourlesmusicien·ne·sseproduisantprincipalementdansceslieux,laprestationmusicalemetteenjeud’autresformesdevalorisation(assureruneambiancefestiveetlacohésiondegroupe).

Lespetitessallesundergroundetduréseaualternatif,nécessairesàlamajoritédesmusicien·ne·s«ordinaires»(Perrenoud,2007),sont,pourleurpart,souventvaloriséesparlesmusicien·ne·srencontré·e·s.Unmusicien-batteurmanifestesonempathieenverscesstructuresqu’ilqualifie,commelui,de«porteurdeprojets»:«Ilyabeaucoupdeprogrammateursqu'onpourraitaussiappelerporteursdeprojets.Ilsdéfendentunepetite

salleoùilssaventqu'iln'yapasunegrandecapacité,ilssaventqueleurpublicnevapas

dépenser35eurospouralleràunconcert,quifonctionneaveclebar.Ilsontenviedefaire

vivrecelieuetcelieuestimportantaussipournousmusiciensparceque,s’iln'existaitpas,

onauraitencoremoinsdepossibilitésdejouer».

Plusgénéralement,danslesdispositifsintégrantuneplusfortedimensionartistique,c’estl’opportunitédejouer,lesrelationsinterpersonnellesouencorelavaleursymboliqueaccordéeaulieuquiestprésentéecommeplusfondamentalequelemontantducachet:«Enfaitçam'arriveetçam'arriveraencoredefairedesconcertsoùjenesuismêmepas

payé.Jepaiemesmusiciensmaisc'estjusteparcequej'aienviedelefaire.Pourdeux

raisons,soitparcequejetrouveletrucvachementsympaoul'associationpourlaquelleon

joue.Soitparcequejemedisquec'estuneopportunité.Typiquementunechouettepremière

partie,DominiqueA,Jean-LouisMuratquijouentàtelendroit,ilyauneplaceenpremière

partie»(musicienetchanteurjeunepublic,41ans,diplômemasteruniversitaire).Lesrelationsdetravailsonticigénéralementprésentéesendehorsderapportsstrictementmarchands.Laquestiondesrémunérationss’inscritdansuneéconomiesymboliqueparticulièresdeséchanges,mettantaucentredelarelationdetravaillaconnivenceetl’informalité.C’estparexemplelecasd’unemusiciennemulti-instrumentistequiexplique:«Çanem'embêtepasdejoueravecdesgensaveclesquelsjenesuispassuperamiesialors

jesuisrelativementbienpayée.Etellecen'étaitpasçasontruc,sontrucc'étaitplutôtbenje

vouspaieunpetitsaunaetonfaitleconcert».Letypederétribution(symboliqueoumarchande)dépendainsidutypederapportsentrepartenairesdetravail,s’ilssechoisissentounesechoisissentpas.

Enfin,onpeutdistinguerlefestivalcommeundispositifdejeumêlantpropriétéscommercialesetartistiques.Ceuxdegrandeenvergure–une«autreplainedejeu»–légitimentlademanded’unemeilleurerémunération:«onsaitquepourdesfestivalsonpeutdemandervachementplusparcequ'ilsontdessubsides,ilsontdesaides».Toutefois,ils’agitd’unlieuoùsecôtoientdesartistesbénéficiantdecachetsdifférents:«lefestivaldeDour,ilst'appellent,ilspeuventpayerKendrickLamar300000eurospouruneexclusivité,

qu’ilnejouequedansleurfestivalcetété-là…Ilyaunmomentjepeuxtedemander2000

euros.Çava,jenesuispasleplusgrosdesenfoirés,jesuissansdouteundespluspetits!

C’estrien2000eurospoureux,c'estdespoussières»(musicien,37ans,CEB).Toutefois,cedispositifdejeupermetaussiàl’artisted’exprimersasingularité,sonprojetmusicaldevant

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unpublic«total».Onrejointicil’aspectartistico-symboliquejustifiant,pourlesartistesmoinsréputés,l’acceptationdecachetmoinsélevés:«lestêtesd'affichesdemandentdes

cachetsdeplusenplusgrosetfontjouerlaconcurrencepourfairemonterlesenchères.Un

deseffetsdirectsestévidemmentl'augmentationduprixdesentrées.Uneffetindirectest

qu'ilyamoinsdebudgetpourlesautresartistes.Onarrivedoncàunesortededisparitionde

laclassemoyennedesmusiciens:lesartistesàsuccèsgagnentbeaucouppourunconcert

(cachetsà5ou6chiffres),tandisqueles"petits"sebradentpourpouvoirjouer»(membreduFACIR).

Ainsi,larémunérationdemandéevarieselonletypededispositifdejeuauxlogiques(concurrencedumarché/subventionspubliques)etfinalités(commerciale/artistique,symbolique)différentes.

L’identité professionnelle du musicien Larémunérationévolueaussienfonctiondelareprésentationquesefaitlemusiciendesonactivitémusicale,decequ’ilosedemander.Notreenquêté,présentdepuis20anssurlascène«hip-hop»belge,soulignelanécessitédes’affirmeretfaitréférenceàsesannéesd’expérience:«Jet'avouequejesuisunpeumoinssurlespetitsbars,maisonsdejeunes,

petitscentresculturelsettout.Cen'estpasça,onl'afaitblindé.Franchement,j'aifait18fois

letourdelaBelgique,delamoindrebourgadeàlaplusgrosseville(…)Jefaispeut-être

moinsdeconcertsmaintenant,maisj'enfaisdesplus…j'ensorsgrandi,j'ensorscontent.Je

sélectionneunpeuplus».

Laconstructionetl’affirmationdecette«identité»dépendentduparcoursbiographiquedechacun·e,desesactivitéspersonnellesetprofessionnelles,desréseauxdanslesquelsilestinséréparcebiaismaisaussidesnormesgenréesquiontstructurésonexpériencepersonnelle.Danslesespacesprofessionnelslesmoinshiérarchisésetinstitutionnalisés,lafindeformationnemarquepasautomatiquementledébutdelacarrièreprofessionnelle.Unbatteurnousexpliquequ’«unefoisqu'onsortd'unconservatoireoumêmesionest

autodidacte,onatoutunréseauàconstruire,àréfléchiràcequ'onveutfairecommeprojet.

(…)Ondoitréapprendreunnouveaumétierquiestdefaireunréseau,porterunprojet,aller

demanderdessubsides,démarcherlesprogrammateurs».Affirmersonidentitédemusicien·ne,c’estdoncaussis’intégrerdansunréseauetdévelopperuneaisancesocialedanscemilieu.Cetteintégrationestfacilitéelorsquel’activitémusicaleconstituelemétierprincipal.C’estparexemplelecasd’unmusicienqui,grâceausuccèsdesondeuxièmegroupe,décided’arrêterdedonnerdescoursdefrançaislangueétrangèrepourseconsacrerpleinementàlamusique.Parailleurs,sonactivitémusicaledécolleréellementlorsqu’ilcommencesesprojetsmusicauxjeunepublic,unsecteurmusicalplusprospère:«Aunmoment,lejeunepublicafortabsorbépresquetoutemonactivitéparcequ'onjouait

tellement.Jedoisavouer,c'étaittrèsgratifiant,tuvois,parcequej'avaisplusoumoinsune

vie,enfin,sijemecompareàpleind'autresmusiciens,c'étaitquandmêmedéjàtrèsbien,

maisoùçan’avaitjamaisvraimentdécollé.Etlàj'étaisdansunprojetoùçaroulaittoutseul,

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jenedevaismêmepaschercher,situveux.Touttournaitsurbasede"onmedemandede

jouer"doncc'étaithypergratifiantetjemedisais"est-cequej'aiencoreenviedeme

confronteràladifficultéd'untrucquiestunpeuentre-deux"».

Pourcertain-e-s,ilestnécessairedeproclamercetteidentitéd’autantplusfortementfaceàlaprécaritéetàlanonreconnaissancedel’activitédemusiciencommetravail.Unemusiciennemulti-instrumentisterevientàplusieursreprisessurlelienentreplaisirettravail:«Parcequemoi,onvaconsidérerquecen'estpasuntravailparcequejem'amuse.

Maisc'estdutravail,jepassedutemps,jeréfléchis,j'efface,jerecommence,jemeprendsla

tête,jelis,jeconsulte.Ça,c'estpourtoutcequiestcréation.Etpuisquandjevaisfaireun

concert,ben,j'airépétéenamont,j'aimonmatériel,jesaiscequejeveuxtechniquement,je

proposeunspectacle.C'estdutravailmêmes’ilyaduplaisir.Maisj'aivraimenteudumalà

passerau-dessus,hein»;«Enfaitc'estimportantpourtoutlemonded'êtrebienpayéparce

queçanousdonneducrédit,çanouscadreaussi.C'estuntravail,onestpayéspournotre

travailet,bon,onabesoind'assurancepournotreconcert,onnepeutpastravailleraunoir

parcequesinononrisqued'êtreexclusduchômage».

Déclarer son travail, se déclarer musicien·ne

Lesallocationsdechômagesontunepartessentielledurevenudesmusicien·ne·s.Uneétudemontred’ailleurslacorrélationentreletravailartistiqueetlechômageartiste:«lorsqueletravailestexercésouslerégimedel’intermittence,plusl’emploiartistiqueaugmenteetpluslechômageartistiqueaugmente»(Levaux&Lowies,2014:p.30).Lediscoursdesmusicien·ne·stendàmontrerlanécessitédecesallocations,tantsurleplanéconomico-professionnelquesurleplansymbolique.

Lesallocationsdechômagesontunesécuritéfinancière,permettantdecomblerlemanqued’opportunitésd’emploi.D’autantpluslorsqu’ils’agitde«tourner»surceterritoirerelativementrestreintqu’estlaBelgique(nécessitéde«s’exporter»pour«percer»).Unesécuritéjouantdanslanégociationdelarémunération:onpeutrefuserdesconditionsdetravailetdesalaireabusivesenfonctiondumontantdenosallocationsdechômageparjour.C’estcequesoulignecechanteurdechansonfrançaise,dontlesuccèssurlascènejeunepublicinfluenceaussilanégociationd’uncachetrelativementélevéetstable(cemusicienserémunère,pourtouteprestation,lemêmecachetviason«ActivitéSMart):«Jetedisaismoi,j'aiunchômagecomplet,lemaximum,doncçarevientàplusoumoins50eurospar

jour.300eurosfacturés,çadevientensalairenetpochequelquechosecomme130euros.

Donc,voilàçamesembleunedifférencecorrecte.Sijejoueparexemplepour200euros,ça

vadonner90euros.Ladifférenceentrelechômageetcequejesuispayépourfaireun

concertdevientmoinsgrande».

Cesallocationssous-tendentaussiunesécuritéidentitaire,lastabilitéfinancièrepermettantd’osersedéclarermusicien·ne,ausenssocialementreconnu,légitimeetlégitimé:créatif,singulier,indépendant.«Sanslestatutd'artistejen'enseraispasàfaireautantdeprojets,trèsclairement.Parcequ'ici,danslesprojetsquejefais,ilyenaquisontendéveloppement,

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endevenir,quinerapportentpasd'argentimmédiatement.Jenepensepasquejeleferaissi

jen'avaispascettesécuritéfinancière;dujouroùjen'aipasuncontratd'artiste,benj'ai

quandmême44euros»(musicienne,40ans,étudessupérieurescyclecourt).Danslecascontraire,ilfaut«cachetonner»,faire«lesfoiresauboudin,lesmariages,tousles

remplacementsqu’onpeut»etêtredonctenuendehorsdessphèreslégitimesdel’espaceprofessionnelmusical.

Pourtant,lesmusicien·ne·sontunrapportambivalentauxallocationsdechômage.Enbénéficier,c’estaussipâtird’uneimageaujourd’huisocialementdévalorisée,celleduchômeuravantcelledel’artiste.Unemusicienneexpliquequesesallocationsdechômageluipermettentdecontinueràtravaillerdanshuitprojetsdontcertainsn’ontpasuneviabilitééconomiquestable.Cependant,ellepoursuit:«Onsesentfortcoupableenfait.Quandonauncontrôle,ilfautprouverqu'oncherchedutravaillesjoursoùonn'apasdecontrat.Alors

onabeauleurexpliquercommentçafonctionneetqu'onn'estpasdesgrosglandeurs,que

notrebutcen'estpasdevivresurleurscaissesmaisdevivredenotreart/artisanat…En

fonctiondelapersonnequel'onadevantnous,çapasseouçacasse.C'estuncôtéunpeu

infantilisant,c'estuncôtéaussivivreauxcrochetsdelasociété».Ainsi,mêmesilaréalitédutravailmusicallenécessite,plusieursmusicien·ne·ss’accommodentd’autressolutions(multioupluri-activité,abandond’unecarrièremusicale,menerunecarrièreselondesprincipespluscommerciaux,etc.):«J'enconnaisbeaucoupquiveulentabsolumentarrêterd'avoirce

statutpoursesentirjustementbeaucouppluslibres,beaucoupplusautonomes».

Lacomplexité(juridique,administrative)propreauxréalitésdutravailmusicalentraîneunelogiqueinégalitaire,renvoyantlesindividusàunepriseenchargeindividuelledeleursortprofessionnel.Eneffet,ellenécessitecertainescompétencesdontlesindividusnesontpaségalementpourvusselonleurscapitauxsocial,économiqueetculturel.Nombreusessontlesrèglesaveclesquellesilfautpouvoirjongler,comprendrecommentelless’appliquentàchacunedessituationsdetravail15.Faceàcettecomplexité,lesmusicien·ne·srencontré·e·ssoitsontàl’aiseaveccetaspectquifaitdésormaispartieintégrantedu«boulotdemusicien»,soits’entourentdepersonnesdisposantdecescompétencesspécifiques,soits’adressentàunBSA.Ledurcissementdesrèglesd’accèsau«statut»,notammenten2014,marqueunenouvellescissionvectriced’inégalitésentrelesmusicien·ne·sd’âgesdifférents.Pourunjeunemusicien,l’obtenirsembleêtredevenuimpossible:«J'aitoujoursplutôttrouvéuntaff,savoiroùjemetslespiedsplutôtque…Jenesaispas,lamanièredontlesgensm'enparlaient

çamestressaitdéjà,çam'avaitdéjàl'airinsurmontable,tuvois(…)C'estçaaussiletruc,je

pourraisgagner1000eurosenretournantau[nomd’unrestaurantorganisantdesconcertslesjeudis,vendredisetsamedissoirs]etendémarchantdanstouslesbarsetenfaisantjene

saispasquoi.Mais,descontratsdéclaréspourquejegagne10000balles,parcequejecrois

15 C’est par exemple le cas avec le type de contrat adopté pour telle ou telle prestation. Depuis 2014 et l’article 48bis, il est nécessaire d’y faire attention pour ne pas perdre de jour d’allocation de chômage. Les musiciens disposant du statut d’artiste préféreront un contrat à la journée tandis que ceux essayant d’ouvrir leurs droits aux allocations de chômage se verront obligés de faire des contrats à la tâche, leur permettant de convertir leur rémunération pour une prestation en un certain nombre de jours de travail.

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quec'estquandmême10000quetudoisprouversurunanderevenus...Moijen'aiaucune

idéedecommentjetoucheraisça»(musicien,27ans,diplômeCESS).

Cedurcissementdesrèglestendàlimitercettemesurecollectiveetdesoutienauxartistesplusprivilégiés.C’estcequesouligneundenosenquêtés:«Ilyenaquil'ontparcequ'ilsontpercéetaufinalilss'enbattentlescouillesd'avoircestatutd'artiste.Parcequevoilà,

aujourd'hui,ilstouchentdel'argent.Çan'apasbeaucoupdesenscetruc,quandtuenas

besointunel'aspas,etquandtupeuxl'avoirbentun’enaspasbesoin».

L’idéerépanduedutravail«aublack»,del’optimisationfiscaleouencoredelagénérationdefraistendàmasquerlecontextestructurelquiexpliqueenpartiecesillégalités:«C'estundiscoursqu'onentendetc'estvraipourcertainespersonnes,parfoisceuxquiontdéjàle

statutvontplusfacilementfairedunoirparcequ’ilspeuventgarderleursallocationsetavoir

plusd'argentendirect.C'estuneminorité,entoutcas,dansceuxquejeconnais.J'enconnais

trèspeuquifontçaetpourtantc'estsouventçaqu'onmetenavant.Pourtapersurlestatut

deprivilégié»(batteur,35ans,étudessupérieurescyclelong).

Onvoitainsil’importancequerevêtcedispositiflégaldansl’organisationdutravailetdescarrièresdesmusicien·ne·s.Maldéfini,difficiled’accès,ilparticipeàl’individualisationdurapportautravailpropreàl’espaceprofessionnelmusical«chacundéfendantsonéglise»,saplacede«porteurdeprojet».Cecontexteimpactelescollectifsdetravail,quionttendanceàserestreindreàuneoudeuxmusicien·ne·s:«Jeparleplusdeprojetsquedegroupejustementparcequ'onlevoithein,ilyadeplusenplusdeprojetsquisontdesspin

offd'ungroupeavecd'autresmusiciens»(membreduFACIR).

Cettetensionentreindividuetcollectifestd’ailleurstoutl’enjeudesprofessionsartistiques:leurexerciceimpliqueuneactioncollective,alorsquevocation,singularitéetindividualitésontaucœurdumétier.Commentaffirmercesaspectsidentitairessansperdrelecollectifdevue?Cecivautmêmepourl’artistesolo:«Tuvoiscen'estpasungroupeàproprement

parlerparcequ’onn’apasunnom,onn’apasmachin…Mais[sonnomdescène]c'estpasunepersonne,aujourd'huicen'estplusunepersonnetuvois.Çaamis30anspourtrouver

desgensavecquionestsynchros,surlamêmelongueurd'onde,maisc’estfaisable».

Conclusion : Comment revaloriser le travail musical en

Belgique ?

Atraverslesrémunérations,nousavonsabordéunenjeucaractéristiquedel’espaceprofessionnelmusical:sagestioncollective(s’accordersurunbarèmesalarial)alorsmêmequ’ilestcaractériséparunehétérogénéitédepratiques.C’estencesensquenousparlonsd’espaceplusquedegroupeprofessionnel:ensonseincoexistentdessituationsd’emploidesplusclassiques(êtremusiciensalariéàl’OpéraRoyaldeWallonie)auxplusatypiques(parexemple,lecumuld’activitésmusicalesrémunéréesaucachet–quidiffèrentdèslorsd’unmoisàl’autre–avecuntravail«alimentaire»et«stable»deserveurdansunbar).Endécrivantlecontexteinstitutionneldanslequelsenégocientets’encadrentlégalementces

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rémunérations,nousavonspusoulignerlaparticularitéducasbelge(aménagementsauxstatutssociaux)etsacomplexité(acteurssyndicauxetpolitiquesàdesniveauxdepouvoirsdifférents).Ensuite,ennousintéressantauxpratiquesprofessionnelles,nousavonsidentifiédeuxfacteursprincipauxdéterminantlarémunérationdesmusiciens:lavaleuraccordéeaudispositifdejeuet«l’identitéprofessionnelle»demusicien(dontlaconstructionestfortementdépendantedel’originesociale,del’âgeouencoredugenre).

Laquestiondesrémunérations–etpluslargementdelaprécarisationdutravailartistique–nepose-t-ellepascelledel’organisationd’ungroupeprofessionneldansuncontexteparticulier?

Pour en débattre … «C'esttrèsfacilededire"ilfautrevaloriserlamusique"maisconcrètement,on

faitcomment?»

Cette(bonne)questionenentrained’autres.Faut-ilaugmenterlessubsidesdel’Etat?Définirdesdirectiveseuropéennespourdéfendrelesdroitsd’auteurfaceauxGAFAM?16Promouvoirlavisibilitédesmusicien·ne·sbelgesviadesquotasplusélevéspourlesradiospubliques(etprivées),commeleréclameleFACIR?17Encouragerlemécénat?«Conscientiser»leconsommateurhabituéàécouterdelamusiquegratuitement?

Lamanièredontonrépondàcesquestionsadesimplicationssurlesarticulations–etlesarbitrages–entreindividuetcollectif.Enabordantlesrémunérationsparlediscoursdesconcernés,onvoitleseffetsd’uncadrelégislatifquiparticipeàlarégulationouàladérégulationdespratiques.Aujourd’hui,certain·e·smusicien·ne·srecourentparexempleauxfinancementsparticipatifs.Est-cel’indiced’uneindividualisationdurapportautravailquitendraàserenforcer?

16 Voir Playrigth, Un droit voisin pour le streaming ?, 11 septembre 2018, http://playright.be/fr/un-droit-voisin-pour-le-streaming/ 17 Voir plus loin : « Le FACIR, quand le secteur de la musique se fédère ».

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LamusiquedeSMartPierreBataille&LouisedeBrabandère

Auxyeuxd’unpublicnon-averti,l’expression«vivredelamusique»peutsemblerlimpide:ils’agitdedésignerlefaitdetirersinonlatotalité–aumoinslagrandemajorité–desesrevenusmensuelsdesonactivitémusicale.Pourquis’intéressedeplusprèsàceque«vivredelamusique»veutdireou–plusencore–pourquiexpérimenteconcrètementaujourlejourcetteréalité,forceestdeconstaterquel’expressionperdenclartécequ’ellegagneencomplexité.

Dans ce chapitre, nous explorons certains aspects de cette réalité complexe. A partir desinformationssurlespersonnesdéclarantdesprestations«musicales»auprèsdeSMart,nousallons essayer de donner quelques éléments de compréhension sur ce que « vivre de lamusique»veutdiredanslecontextebelge,toutenpointantégalementlesusagessociauxdesoutilsdeSMartparlesmusicien·ne·squiyontrecours.

Quelle musique chez SMart? Créer, enseigner, jouer sur demande: trois manières « ordinaires » de

gagner sa vie avec la musique

Dèsquel’onanalysedeprèslescarrièresetstratégiesprofessionnellesdelamajeurepartiedespersonnesquiviventouessayentdevivredelamusique–lesmusicien·ne·s«ordinaires»,ni richesnicélèbres,quioccupent lesniveaux inférieursou intermédiairesde lahiérarchieprofessionnelle(Perrenoud2007)–ilapparaîtquelefaitdegagnersavieenayantuneactivitémusicale rémunérée renvoie à des réalités professionnelles, économiques et sociales trèsdisparates.Plusieursenquêtesrécentessur lesrémunérationsdesmusicien·ne·sordinaires(Throsby et Hollister 2003; Perrenoud 2007; DiCola 2013; Perrenoud et Bataille 2017a;Webster et al. 2018) montrent que l’on peut schématiquement distinguer trois grandesmanièresde«vivre»ordinairementdelamusiquedanslessociétésindustrialiséescapitalistescontemporaines.

Lamusiquepeuttoutd’abordêtreunvecteurdecréation.Danscecas,lesprincipalessourcesderevenussontlesdroitsd’auteur, laventesursupportsmatérielsoudigitaux, lacréationpour lespectaclevivantet l’audio-visuelouencore laproductionsurscènedesesproprescompositions.C’estpeut-êtrecetexemplequivientlepremierentêtepourlespersonneslesmoins familières dumétier, puisque ce sont en premier lieu lesmusiciens etmusiciennescréateurs et créatrices qui sontmis en avant dans lesmédias.Mais, selon les différentes

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étudesprécitées,lacréationmusicaleneconstituequetrèsrarementlaprincipalesourcederevenu.

C’estsurtoutlaproductiondemusiquesurdemandequiconstituelelotcommundenombresdemusicien·ne·s.Qu’ils’agissedeproposerunfondsonoreagréablepourunesoiréedansunrestaurant/barouencored’assurerl’animationmusicaled’unstandvantantlesbienfaitsdeteloutelproduitdanslesalléesd’unsupermarché,lessituationsoùlamusiqueconstitueun«supplémentd’âme»sontnombreuses.Cetensembledeconfigurationscouvreunespacedepratiquesprofessionnellesassezlarge–dugigsurlecarrelaged’uncaféàlaproductiondejinglesentrelessessionsd’uneremisedeprix–quipartagentnéanmoinsunecaractéristiquecommune: dans ces situations, la production de musique est mise au service d’un autreévènement (non-artistique et souvent marchand) dont le bon déroulement prime sur lapossiblevolontéd’expressionartistiquedesmusiciensetmusiciennes.

C’estàcetypedesituationsquesontaprioriconfronté·e·slesmusicien·ne·sordinairesdèslors qu’ils envisagent de jouer en public – les dispositifs de soutien et de diffusion de lamusiquedecréationétantrelativementraresetinégalementaccessibles.Laperformanceentantquemusicien·nestudiooudesidemanauseindubackingbandd’unevedetteplusconnue–situationau finalassezrareauregardde l’ensemblede lapopulation–constitueuncaslimite.Bienqu’ils’agisse,danscertainscas,dejouerdanslecadred’unecréationémanantd’un·eautremusicien·ne,cessituationsd’emploiconstituentégalementuneprestationdeservice dans la mesure où c’est également le fait de mettre ses savoir-faire musicaux àdispositiond’undonneurd’ordrequiconstituelatrameprincipaledelarelationdetravail.

Parmilesautressourcesderevenusmusicauxpluscourantes,l’enseignementdelamusiqueoccupeégalementuneplace importante.Sondéveloppementet sa structurationsont trèsdépendantsducontextesocio-politiquedanslequels’inscritl’activitémusicaleetdel’histoireparticulièredecetenseignementauseindel’espacegéographiqueoùils’inscrit.

Cestroismanièresde«gagnersavie»enmusiqueinduisentchacunel’adoptiondeposturessocio-professionnellesdifférentes,voiropposées.D’uncôté,envisagerlamusiquesousl’anglede la création nécessite d’endosser le costume de l’artiste créateur, pourvoyeur de«propositions»représentantautantd’expressionssupposéesirréductiblesdesonintériorité–aurisquedenepas intéresserassezdemondepourpouvoirvivre intégralementdesonactivité. A l’autre opposé, jouer la carte de la musique sur demande pour multiplier lesoccasionsde jouer contre rémunération, c’estaccepterden’être«qu’un»prestatairedeserviceetseplacerdansunerelationdesubordinationsymboliqueetéconomiqueavecsonemployeur.Lafigureprofessionnelleincarnéerelèveicibiensouventde«l’artisanatmusical»(Perrenoud2007).Êtreenseignant,enfin,c’estjouird’unecertainelibertédanslechoixdesessupportsdecoursetd’unerelativesécuritédel’emploiaurisquedes’écarterducœurdel’activitémusicaleprofessionnelle–laproductiondemusiqueenpublic.

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Le poids des contextes politico-économique nationaux sur le

déploiement de l’activité musicale: quelles spécificités de la Belgique?

Enfonctiondescontextespolitiquesdanslesquelss’inscritl’activitémusicale«ordinaire»–etdescadreslégauxparlesquelsilssematérialisent–,l’articulationentrecestroispôlesvariefortement.L’absenced’encadrementdel’emploiartistiquesembleparexemplefavoriseruneporositéentrecesdifférentsespacesdepratiquealorsquel’existenced’unrégimespécifiqueaux salariés intermittents du secteur artistique semble être davantage un facteur desegmentationmatérielleet symboliqueentreprofessionnels situésà l’unou l’autredecestroispôles(Umney2016;Perrenoud2007).

Al’instard’autrespays,laBelgiquesesingulariseparl’existenced’unevoied’accèsaurégimegénéral d’indemnisation des salarié·e·s censément aménagée pour les travailleurs ettravailleuses artistiques intermittent·e·s – règle du “cachet”, qui permet de convertir descachets en déclaration de jours travaillés. Dans le cas belge, cette règle se double d’unemodalitédecalculdesindemnitéschômagepropreàceuxetcelless’étantvureconnaîtrelaqualité“d’artiste”–règleditedela“neutralisation”,quimetenplaceunenon-dégressivitédesallocationschômagesau-delàdelapremièreannéedechômagesil’onfaitmontred’uneactivitéminimale dans le secteur artistique18.Même si de tels dispositifs restent hors deportéedenombreusespersonnestravaillantdanslesecteurculturel(d’autantplusqu’ilsnecessentd’êtreremisenquestion),onpeutsedemanderdansquellemesureilsparticipentàl’orientationdesstratégiesprofessionnellesetdescarrières.

Parailleurs,lecasbelgesesingulariseparunterritoirenationalrelativementpetitetdiviséenaires linguistico-culturelles relativement étanches les unes des autres. Comme cela a étéégalement analysé dans d’autres pays à cheval sur plusieurs aires linguistico-culturelles(Perrenoud et Bataille 2017b), on peut penser que cette partition oriente également lesstratégiesprofessionnellesdanslesensd’uneexportationnécessairedel’activitémusicaleau-delàdesfrontièresnationales,souventdanslespayslimitrophesaveclesquelsonpartagelamêmelangue19.

L’activité musicale belge au miroir de SMart

Dans le cadre de ce chapitre, nous travaillerons uniquement à partir des donnéesadministrativesdespersonnesadhérentesàSMart.L’aperçuqu’ellespermettentd’établirestdonccirconscritauxmusiciensetmusiciennesmembresdeSMartetauxseulesinformationsqu’ilsetellesdéclarentauprèsde lacoopérative.Aussi, lesdonnéesdeSMartrenseignentautant,sinonplus,surlaplacedelacoopérativedansl’espaceinstitutionneldelagestiondel’emploiatypiqueenBelgiqueousurlesusagessociauxduportagesalarialquesurlaréalitédutravailmusicaldanslecontextebelge.

18 Pour plus d’informations sur ces deux règles et leur évolution depuis les années 2000 à aujourd’hui, voir https://SMartbe.be/wp-content/uploads/2013/10/le_statut_social_de_l_artiste.pdf 19 Cette dimension géographique de l’activité musicale des membres de SMart est analysée en détail dans la deuxième partie de ce cahier.

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Néanmoins,ellesconstituentunesourced’informationd’unerarefinessesurlesconditionsconcrètesd’emploietdetravaildesmusicien·ne·speuoupasreconnu·e·s.Aussi,malgréleslimites d’interprétation et de généralisationqu’elles imposent, elles permettent d’avancerquelques premiers éléments d’analyse sur ce qu’être musicien.ne « veut dire » dans lecontextebelge.

Nosanalysesserontdonctravailléesparcesdeuxperspectives:

1/Qu’est-cequelestracesadministrativeslaisséesparcetteactiviténouspermettentdediresurletravailmusicaldanslecontextebelge?

2/Qu’est-cequel’activitémusicaletellequ’elleapparaîtdanslesactivitésdesmembresdeSMart nous dit du fonctionnement de la coopérative et de sa place dans le paysageinstitutionnelbelge?

Lesdonnéesmobiliséesdanslesanalysesquivontsuivresonttiréesdesinformationsrelativesàl’ensembledesprestationsdéclaréesviaSMartparlesmembresayantàleuractifaumoinsuneprestationdetype“musicale”aucoursd’uneannéederéférences (2013maissurtout2016).Pourchacunedesprestationsconcernées,nousdisposonsd’indicationsur lanature“musicale”oupasde laprestation, laduréede l’engagement, lemoisaucoursduquel ilacommencé,lemontantimposablefacturé,lepaysdefacturationet–pouràpeuprèslamoitiédescas– le(s) secteur(s)d’activitédans lesquelsévolue ledonneurd’ordre (DO)de laditeprestation.

Concernantlesmembresprestataires,nousdisposonsprincipalementdetroiséléments:leurvillederésidence,leurâgeetleursexe.Lesdeuxannéesderéférenceontétéchoisiescarellesse situent chronologiquement de part et d’autre de l’importante réforme des modalitésd’accèsdestravailleur·e·sartistiquesintermittent·e·saurégimegénéraldessalariésentréeenvigueur en 2014, qui a eu comme conséquence principale de durcir l’accès aux quelquesaménagementsmisenplacepourlespersonnestravaillantdanslesecteurartistique.Notreprincipalobjectifétantdedécrirelasituationactuelle,nousnousfocaliseronsenparticuliersurlesdonnéesdel’année2016–toutenproposantquelquescommentairessurlespossibleschangementsinduitsparlesréformesde2014.

Les musicien·ne·s de SMart Une population masculine et urbaine

Quelquesfiguresettableauxrécapitulatifstrèsgénérauxsurlesmembresidentifié·e·scommemusicien·ne·setleurprestationspermettentdesefaireunepremièreidéedescontoursdelapopulationétudiéeici.

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LaFigure1ci-dessous–quireprésentelapyramidedesâgesdesmusicien·ne·sdeSMarten2013eten2016–montreainsi trèsnettementque les chancesde s’établirdans l’espaceprofessionnelmusicalpourlesfemmessontmoindres.

Danscettefigure,lalongueurdechaquebarreestproportionnelleaunombredemembresdeSMartayantdéclaréuneprestation“musicale”en2013ouen2016dansl’uneoul’autredesclassesd’âgeidentifiées.Leshommessontreprésentésengrisetlesfemmesennoir.Onvoiticique,premièrement,quelaclassed’âgemajoritaire–quelquesoitlesexedesmembres–estcelledes30-35ans.Enéchoàd’autrestravaux(Coulangeon2004;PerrenoudetBataille2017b)cettepremièreobservationporteàpenserquelastabilisationsurlemarchédutravailmusicalintervientaprèslavingtaine,aprèsunepérioded’insertionetderenforcementdesréseauxprofessionnelsdeplusoumoinsdixannées.

En2013commeen2016,onvoitsurtouticiquelesfemmessontlargementminoritairesparmilesmusicien·ne·sdeSMart.Ceconstatestaujourd’hui largementdocumentédansnombred’études portant sur des contextes nationaux différents (Buscatto 2007; Ravet 2011;PerrenoudetChapuis2016;Reddington2016),quipointentnotammentlesdifficultésd’accèsauxressourcespermettantlastabilisationdurablesurl’espaceprofessionnelpournombredefemmes. Lesquelques élémentsdontnousdisposons concernant le vécudesmusiciennesdanslemilieumusicalbelge20confirmentengrandepartielavaliditédecettegrilledelecturedelasous-représentationféminineauseindenotrepopulation.

20 Un article récemment paru sur le site de la RTBF revient, à travers de nombreux témoignages de musicien.ne.s et de personnes en charge de la diffusion/promotion des musiques dites “actuelles” sur les possibles causes de la moindre féminisation de l’espace professionnel musical belge https://www.rtbf.be/info/societe/detail_musiques-alternatives-en-federation-wallonie-bruxelles-ou-sont-les-femmes?id=10033596. Sur ce même sujet, voir aussi: Adrien de Fraipont, Identité de genre et

Figure1:Pyramidedesâgesdesmusicien.ne.sdeSMart(2013et2016)

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Tableau1:Structuresexuéedel’échantillondemusicien·nes(en%colonnes)

2013 2016 Total(N)

Femmes 28% 30% 1896Hommes 72% 70% 4791Total(N) 3893 2794 6687

L’analysedescodespostauxdefacturationdesprestationspermetégalementdedessinerlagéographiedelapopulationdesmusicien·ne·sdeSMart(Figure2).

discriminations : la culture n’est pas épargnée,. En ligne Smart, 2016: https://smartbe.be/fr/comprendre/publications/education-permanente/identite-de-genre-et-discriminations-la-culture-nest-pas-epargnee/#.W9xB-uKNzcs.

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La figure 2.A, quimet enparallèle la répartitiondesmusicien·ne·s de SMart (2016) sur leterritoire national avec celle la population belge dans son ensemble à la même période,permet de constater la sur-représentation de la population cible dans les grandes airesurbainesbelges–enparticulierauseindelarégiondeBruxelles-Capitale.Cetterépartitiongéographiquedesmusicien·ne·ss’expliqueenpartieparlagéographiedel’activitéartistiquequi, en Belgique comme ailleurs, se concentre essentiellement dans les centres urbains(Debroux 2010). Elle s’explique également par le fait que les travailleurs artistiques serecrutentgénéralementdanslesfractionsintellectuellesdesclassesmoyennesetsupérieures–elles-mêmessur-représentéesdanslescentresurbains.Enfin,l’implantationdeSMartdansces mêmes aires urbaines peut également favoriser cette répartition particulière de lapopulationétudiée.

Figure2:Localisationdesmusicien·ne·smembresdeSMart(2016)

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La figure 2.B apportedes éléments de compréhensionquant à la sous-représentationdesmusiciennes.Onvoiticiquecephénomènedeconcentrationsurlesprincipalesairesurbaines(et surtout Bruxelles-Capitale) est largement accru pour ces dernières. On peut fairel’hypothèseque ceci témoignedesdifficultésaccruesauxquelles font face les femmesquiveulents’inscriredurablementdansl’espaceprofessionnelmusical:cellesquiarriventàtirerquelquesrevenusdeleuractivitémusicaledoivent,plusencorequeleurscollèguesmasculins,cumulerdescapitauxdiversifiéset–notamment–uneinscriptiongéographiqueprochedesprincipauxpôlesd’attractiondel’activitémusicaleenBelgique.

Un ancrage au pôle “créatif” du marché du travail musical

Commeprécisé dans le Tableau2, ce sont en tout 54.202prestations (29.995 en2013et24.210en2016)quiontétédéclaréesauprèsdeSMartpardesmembresayantàleuractifaumoinsuneprestationdetype“musicale”aucoursdesdeuxannéesderéférence.

Tableau2:Typesdeprestations(en%colonnes)

2013 2016 Total(N)

Nonmusicales 15% 16% 8355

Musicales 85% 84% 45850

Total(N) 29995 24210 54205

Onvoittoutd’abordiciquelenombredeprestationsdéclaréesparlesmusicien·ne·satrèsnettementdiminué (-20%)entre lesdeuxdates,entraînantmécaniquementunebaissedunombredemembresmusicien·ne·srépertoriés(cf.Figure1).Si,enl’état,iln’estpaspossibled’imputeruniquementcettevariationaudurcissementdesconditionsd’accèsauxindemnitéschômagepourlestravailleursettravailleusesartistiquesintermittent.e.sopéréen2014,onpeutnéanmoinspenserquecechangementlégislatifn’estpascomplètementétrangeràcettebaissedel’activitémusicaledéclaréeauprèsdelacoopérative.Sicettepisteinterprétativeseconfirmait,celaimpliqueraitainsiquelesréformesde2014ontengendréuneaugmentationdutravailnon-déclarédans lesecteurmusical.C’estégalementcequesemblentenpartieindiquerlesentretiensmenésparL.deBrabandèreauprèsdesjeunesmusicien·ne·s(cf.articleprécédent).

Ensuite,même si les activités proprement «musicales » constituent le cœur de l’activitéprofessionnelle, il apparaît que 15% des prestations des membres identifié·e·s comme«musicien·ne·s»neconcernentpaslaproductiondemusiqueàproprementparler.

Pour cerner un peu plus en détail les espaces professionnels dans lesquels se situent cesprestationsnon-musicales,onpeutsebasersurlessecteursd’activitésdanslesquelsofficientlesdonneursd’ordre(DO)desprestationsenquestion(Figure3).Parcequenousdisposonsd’informationssurseulementlamoitiédesdonneursd’ordre,lestendancesquecettevariablepermetd’établirsontnéanmoinsàprendreaveclaplusgrandeprudence.

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Figure3:Secteursd’activitédesDOdesprestationsdéclaréesviaSMartpardesmusicien·ne·s

en2016

Toutd’abord,onvoiticiquelamajeurepartiedesprestationsmusicales(51%)sesituentdansle giron d’institutions culturelles soutenant la musique de création. Seulement 6% desdéclarations de travail ont été prestées auprès de DO ayant un pied dans le secteur del’enseignement ou de l’entertainment (i.e, des discothèques, des bars musicaux…). Ledeuxième secteur le plus courant pour les prestations de naturemusicale est celui de laproduction de film et de programmes audio-visuels, qui peut renvoyer à la fois à desprestationsrelativesàdelacréationmusicale(pourunfilm,pourundocumentaireradio…)ou à des prestations qui relèvent plus de la musique d’ameublement (faire un jingle depublicité,créerunlibdubpourunévènementparticulier…).

Malgré le caractère très parcellaire des informations sur lesquelles elle se base, cetterépartition des activitésmusicales laisse à penser que – par rapport aux trois pôles de lapratique musicale professionnelle que nous avons identifiés plus haut – les membresmusicien·ne·sdeSMartsemblentsepositionnerplussouventaupôledelacréation.Est-ceàdirequeSMartnerecrutequedanslesrangsdesmusicien·ne·scréateurs?Troisdifférentespistesinterprétativespeuventêtresuggéréespourmieuxéclairerlatendancerelevéeici.

Premièrement,cettesur-représentationdesprestationsrelevantdelacréationmusicale,peutêtrelefruitd’unbiaisdedéclaration.Eneffet,lesinstitutionsdesoutienàlacréationsontsouvent subsidiées et/ou constituent souvent des entités relativement visibles dans lepanoramainstitutionnel.Ellessontdecefaitobligéesdetenirunecomptabilitétrèsstrictedeleursrentrées/sortiesd’argent,souspeinedelourdesamendes.Ellessontdoncaprioriplusenclines à produire des factures gérées par l’intermédiaire de SMart qu’un employeur

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occasionnel, qui va louer les services d’un groupedebal pour la soirée de sonmariage –groupequirecevrasoncachetencash,sansnécessairementledéclarerdonc.Deuxièmement,unegrandepartiedesDOdontilnousestimpossibledeconnaîtrelesecteurd’activitésontceuxetcellesquiontétéfacturésvial’outil«Activité»deSMart.Onpeutainsipenserqueles prestations qui relèvent davantage de l’entertainement, que l’on imagine moinsimportantes en nombre d’heures facturées que des contrats passés avec un théâtre pourassurerlacréationmusicaled’unepièceparexemple,sontplussouventtraitéesgrâceàl’outil«Activité»pourêtretransforméesparlasuiteencachetsjournaliers.Troisièmement,uneraisonplussociologiquepeutégalementêtreévoquéepourexpliquerl’ancrageaupôledelamusiquedecréationdonttémoignelaFigure3.LacoopérativeSMartest,depuissacréation,plutôt investie par des travailleurs et travailleuses artistiques inscrivant leur activitéprioritairementdanslechampdelacréationartistiqueplutôtquedelaprestationdeservice–commeentémoignel’engagementdel’associationpuisdelacoopérativedanslesdébatsetles actions touchant au secteur culturel en Belgique depuis sa création21. Même si lacoopérative s’est largement ouverte à d’autres types d’activité – relevant pour le coupuniquementde laprestationdeservice, comme la livraisonàdomicileparexemple–etatoujourspermisà sesmembresdedéclarer leursprestations«artistiques»comme“non-artistiques”, on peut néanmoins penser qu’elle reste socialement plus ancrée au sein desespacesprofessionnelsdavantagetournésverslacréationmusicale.

Lorsque l’on compare les prestationsdenature«musicale » et celles relevantd’un autredomaine de pratique, on voit ici qu’une majeure partie des prestations non-musicaless’inscriventnéanmoinsdanslesecteurculturel.C’estd’autantplusvraisi l’oncomptabiliseaussilesprestationsrelativesàlaproductiondefilmetdeprogrammesdetélévision,situésaussipourpartiedansledomainedelacréationculturelle.Sachantqueletravailartistiqueest souvent morcelé en différents types d’activité, on peut essayer d’y voir plus clair endistinguant lefaitdetravaillerdansplusieurssecteursn’ayantrienàvoirentreeux(multi-activité)etlefaitdetravaillerdansunmêmeespacesocial–icilesecteurculturel–maisàdespostesdifférents (pluri-activité) (RannouetRoharik2006).Parmi les409membresquiontdéclaréen2016aumoinsuneprestationmusicaleetuneprestationnon-musicaleviaSMart,109(soitunpeuplusduquart)sontensituationde«pluri-activité».Malgréunéclatementrelatifdeleursdomainesd’activité,lesmembresdecepetitgroupedemusicien·ne·speuventaprioricomptersurunmulti-ancragedanslasphèreculturellepourrenforceretnourrirleuractivitémusicale,sansqu’ilyaitnécessairementconcurrenceentrelesdifférentsversantsdel’activité professionnelle individuelle. Pour les autres, plus « multi-actifs », on peut fairel’hypothèse que ce morcellement de l’activité est également source de tensions et deconcurrence, tant les investissements professionnels non-musicaux peuvent ici rentrer enconcurrenceavecl’activitémusicale.

21 L’historique de l’action de SMart présent sur le site de la coopérative illustre assez nettement cela, https://SMartbe.be/fr/a-propos/historique/

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Enfin,lerelativementfaiblenombredeprestationliéesàl’enseignementmusicalinterroge,tantlesactivitésd’enseignementpeuventconstituerunesourceimportantederevenupourdesmusicien·ne·sordinaires.Deuxhypothèsespeuventêtreévoquées,sansquenousn’ayonslesmoyensdelesvérifier.Toutd’abord,ilsepeutquelescontratssoientgérésdirectementavec les institutions qui délivrent les enseignements et donc ne passent pas par SMart.Ensuite,même si, sous certaines conditions, ces contrats d’enseignementpeuvent aider àaccumulerlenombredejourtravailléssuffisantpoursevoirreconnaîtrelesdroitsrelatifsaudit«statutd’artiste»,ilspeuventégalementnepasêtrereconnucommerelevantdutravailproprement«artistique»aumomentde la constitutiondudossierpourouvrir lesdroits,commenousl’ontindiquécertain.e.smusicien·ne·squenousavonsrencontré·e·s.Aussi,onpeutsedemandersi,àl’instarducasfrançais(Perrenoud2007),lesconditionsd’accèsdestravailleurs et travailleuses intermittents du secteur culturel aux indemnités chômages neparticipentpas,enBelgique,d’unesegmentationdugroupeprofessionnelentremusicien·ne·sseproduisantenpublicd’uncôtéetenseignant·e·sdemusiquedel’autre.

Les tempi de l’activité musicale Alorsqu’ellescontiennentunnombred’informationslimitésurleprofilsocialdesmembres,les données administratives de SMart sont très détaillées concernant les dimensionséconomiqueettemporelledel’activitémusicale.Apartirdecesinformations,nousallonsàprésentexplorerlesdynamiquesdel’activitémusicalesouscesdeuxaspectsetproposer,àpartirdecesanalyses,unetypologiedesprofilsprofessionnels.

Une activité fragmentée et inégalement rémunératrice

Le caractère très fragmentéde l’activité artistiqueestbien connu.Parmi les trois grandesdisciplines du spectacle vivant (théâtre, danse,musique), l’activité desmusicien·ne·s non-salarié·e·sestpeut-êtrenéanmoinslaplusdiscontinue.Eneffet,dèslorsquelesrépétitionsnesontquetrèsrarementpayées–hormisdanslescasdecollaborationaveclethéâtreouladanse–,laduréed’engagementseréduitgénéralementàladuréedelaprestation,etexcèdetrèsrarementlajournée.C’estentoutcascequiressortnettementdesrésultatsprésentésdanslaFigure4.

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Figure4:Dispersion(%)desduréesjournalièresdesprestationsdéclaréesviaSMartpardes

musicien·ne·sen2016

Il apparaît icique,dansunpeuplusde75%desprestationsmusicales, laduréede travailfacturée n’excède pas la journée. Et encore, nous n’avons ici accès qu’aux déclarationsofficielles.Ilyafortàparierque,pournombredesmembresconcernés,lesprestationscodéesici comme des prestations d’une journée soient déjà le regroupement de différentesprestations de quelques heures, afin de constituer un cachet déclarable auprès del’administration.

Pourlesprestationsnon-musicalesfacturéesauprèsd’unDOinscritdanslesecteurculturel,les engagements durent un peu plus souvent deux ou trois jours. Les engagements non-musicaux et ne relevantpasde la sphère culturelle à proprementparler suivent lamêmetendancequelesprestationsnon-musicalesrelevantdudomaineculturel.

Concernantlesrémunérations,onsaitquelesespacesdutravailartistiquessontmarquésparde très fortes inégalités. Dans ces économies modelées par le star system, le bas de lapyramidedesrevenusesttrèsdominantd’unpointdevuedémographiqueetseulementuntout petit groupe d’élu·e·s arrivent à se frayer un chemin vers les cimes. Les résultatsprésentésdanslaFigure5permettentdesefaireuneidéedel’étenduedesclassesderevenusau sein du groupe des musicien·ne·s de SMart et des variations de la répartition des

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prestationsdanschacunedecesclasses– i.ede ladispersiondes revenusgénéréspar lesprestations.

Figure5:Dispersion(%)desmontantsjournaliersdesprestationsdéclaréesviaSMartpardes

musicien·ne·sen2016

AlalecturedelaFigure5.A,c’estenpremierlieulaconcentrationdanslaclassederevenuslaplusbassedesprestationsauprèsdeDOenpartieoutotalementhors-secteurculturelquiestfrappante.Unpeuplusde40%decesprestationsnegénèrentpasplusdecinquanteeuros

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imposablesparjour.Lemontantjournalierdelamajoritédesprestationsmusicalessesitueautourde100euros.Unpetit nombred’entre-elles (10%) se sontmonnayéesàdes tarifssupérieurs à 200 euros par jour. Les prestations dans le milieu culturel mais pasnécessairementmusicalsuiventàpeuprèslamêmedistribution.

Cespremiersconstatsappellentdeuxremarquesprincipales.Toutd’abord,lefaiblerevenugénéréparlaplupartdesprestationsdansdessecteursnon-culturelslaisseàpenserquecesactivitéscomplémentairesautravailartistiquesontrelativementdégradéesou,entoutcas,peuprestigieuses–doncpotentiellementsourcedetensionsetdedésillusionfortepourceuxetcellesquisetrouventensituationdemulti-activité.Ilfauticirappelerquenousdisposonsuniquementd’informationssurlesprestationsdéclaréesviaSMart,cequilaisseunegrandepartiedel’activitépotentielledesmembreshorsdechampdevision.Aussi,laportéedelacomparaisonentre lesdifférents typesdeprestationsanalysée ici estnécessairement trèsmodeste.

L’analysedesdispersionsdesrevenusjournaliersgénérésparlesprestationsenfonctiondusecteurd’activitédel’employeuretdusexedesmembres(Figure5.B)permetdereleverquelerevenumédianimposableparjourprestéestde80eurospourcequiestdesprestationsmusicales des hommes et de 93 euros pour les prestations musicales déclarées par desfemmes. Ce léger avantage des femmes – qui est également repérable concernant lesprestationsculturellesnon-musicales–traduituneplusgrandeasymétriedeladistributiondesrevenusfémininset,aufinal,deplusgrandesinégalitésauseindugroupedesmusiciennesdeSMartqu’auseindeceluidesmusiciens.

Deux pics d’activité

Pour approfondir ces constats un peu généraux sur le caractère fragmenté de l’activitéprofessionnelledesmusicien·ne·s,onpeutanalyser,àl’échelled’uneannée(icil’année2016)larépartitiondesprestationsdesmusicien·ne·sdeSMart(Figure6).

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Pourlesprestationsmusicalescommepourlesprestationsnon-musicalesmaisdanslesecteurculturel,onobserveunpicd’activitéenmaietenseptembre,deuxmoispendantlesquelsseconcentrentprèsduquartdesprestationsdel’année.Pourcesdeuxtypesdeprestationonobserve également un creux durant la période estivale. Il reste difficile de déterminerabsolumentsilesvariationsrepéréesreflètentdesvariationsd’intensitédel’activitémusicaleetartistiqueousontunartefactreflétantlesstratégies/pratiquesdedéclarationdelapartdesmembres de SMart. On peut ainsi penser que le pic de septembre reflète moins uneintensification de l’activité musicale en début d’année scolaire que l’accumulation dedéclarationdetravailpourdesprestationsdurantlapériodeestivale–oùlesadministrationsfonctionnentauralenti.

Néanmoins, onpeut avancerque les pics d’activité auprintempset à l’automne reflètentégalementladépendancedel’activitédesmusicien·ne·sdeSMartàl’activitédessalles,cafésetautrelieuxdediffusionsréguliers(enoppositionauxfestivalsnotamment,dontl’activitédediffusionesttrèsconcentréeàl’échelled’uneannée,surtoutenjuin-juilletetaoûtpournombre d’entre eux), qui connaissent également une pause dans leur programmation surcette période d’été. Les variations relevées ici permettent également de penser que lesfestivalsd’été,bienquenombreuxetassezprisés,sontloindereprésenterlaprincipalesourcederémunérationpourlaplupartdesmusicien.ne.s.Cesvariationssemblentplutôtindiquerque, conformément à ce qu’onobservedans d’autres pays (Burke et Schmidt 2009; TitanMusic 2015;Webster et al. 2018), c’est la préservation d’un réseau de lieux de diffusionpérennes, où l’on peut écouter de la musique live une à plusieurs fois par semaine, quiconstituelameilleuresécuritédel’emploidesmusicien·ne·sordinaires.

Figure6:RythmedesprestationsmusicalesdéclaréesviaSMarten2016

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Les patterns de l’activité musicale chez SMart

Si la Figure 6 permet de donner un aperçu d’ensemble utile de l’évolution annuelle del’intensitéde l’activitédesmusicien·ne·sdeSMart,ellepasse sous silence les importantesvariationsinter-individuellesexistantesauseindecettepopulation.Ainsi,ilfautrappelerqueprès de 30% desmembres dont nous analysons les prestations ici n’ont déclaré en 2016qu’entre1et5joursdetravail.Al’opposé,30%d’entreeuxetellesontdéclaréplusdevingtjours de travail pour cette même année22. Aussi, pour donner à voir plus finement cesvariationsdetempidutravailmusical,nousavonsdoncanalysé,pourl’année2016,l’intensitédel’activitéparmoispourchaquemembreidentifié·ecommemusicien·ne.LaFigure7donneà voir un échantillon de quatre de ces séquences représentant les rythmes individuels detravailmusicalsurl’annéeenquestion.

L’activitémusicaledelapersonne1apparaîtainsiparticulièrementintensesurl’ensembledel’année,avecaumoinsquinzejoursprestésmensuellement.L’activitémusicaledelapersonne4estaucontrairetrèspeurégulière,etselimiteàquelquesjoursendécembre.Entrecesdeuxextrêmes,ontrouveunemultitudedeconfigurationsdeséquenced’activitémusicale,dontcellesdesmembres2et3constituentdesexemples.

Al’aidedesoutilsdel’analysedeséquence,23onpeutregroupercesséquencesindividuellesendifférentsgroupes(clusters)surlabasedeleursimilarité/dis-similaritérelative.LaFigure8représentecesdifférentsclustersdeséquence.Lapartitionenhuitgroupesestcellequiestlaplusefficiented’unpointdevuestatistiqueetlaplusparlanted’unpointdevuedescriptif24.

22 Ce nombre important de petit·e·s declarant·e·s renvoie en grande partie au fait que, dans le cas des musicien·ne·s non-salarié·e·s d’orchestre, le travail de préparation des prestations (et notamment les répétitions) n’est que très très rarement payé.

23 Pour une présentation en français de cette méthode d’analyse, voir l’article de L. Lesnard et T. de Saint Pol (2006) disponible en ligne à cette adresse: http://journals.openedition.org/bms/638 24 La même opération pour les séquences de l’année 2013 aboutit peu ou prou à la même partition et les mêmes huit types, confortant ainsi la robustesse des résultats présentés ici.

Figure7:Exempledequatreséquencesindividuellesd’activitémusicale

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Onpeutainsidistinguertroisgrandstypesdeprofilsici:

1. Lesmusicien·ne·sàpleintemps(clusters1,2et3),quicomposent25%desmembresquenousavonsidentifiéscommeayantuneactivitémusicale.Auseindecepremierprofil,unpetitgroupe(cluster1,3.7%)sedistinguenéanmoinsparl’intensitéhorsnormesdesonactivitémusicale,etdéclaranttrèsrégulièrement10joursouplusdetravailmusicalparmois.

2. Lesmusicien·ne·soccasionnel·le·s(clusters4et5),quinedéclarentqu’épisodiquementuneactivitémusicaleviaSMart,quireprésentent42%denotrepopulationcible.Ilfautcependantreleverquedanslecluster5,mêmesil’activitéesttrèspeuintense,elle

Figure8:Typologiedesséquencesindividuellesd’activitémusicale

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suffiraitnéanmoinsàjustifierlerenouvellementd’un«statut».Donc,onamalgamemalheureusementicidesmusicien·ne·speuoupasexpérimenté·e·setdesmusicien·ne·saguerri·e·smaispeuactifslorsdel’annéeétudiéeici.

3. Lesmusicien·ne·ssaisonnier·e·s(clusters6,7et8)quiontuneactivitéconcentréesurunepériodeprécisedel’année,etquiregroupent33%desmusicien·ne·sdeSMart.

Les croisements de cette typologie en huit clusters avec les autres variables disponiblesrévèlent différents éléments de polarisation professionnelle et sociale de l’espaceprofessionnel25:

-Lessecteursd’activitéssedifférencientnettementd’unclusteràl’autre.Lesmusicien·ne·sducluster1sontceuxquisontleplusactifsdanslemilieuculturel,alorsqueceuxetcellesdesclusters2et3ontplussouventunpieddansl’entertainmentetl’animation.

-Lesfemmessontsousreprésentéesparmicesclustersdemusicien·ne·strèsactifs(clusters1,2et3),corroborantl’hypothèsed’unemarginalisationdecesdernièresducœurdel’espaceprofessionnel.

-Enfinlesmusicien·ne·sdecestroispremiersclusterssontunpeuplusâgé·e·squelesautres,indiquantainsiuneprimeàl’insertiondurable(pendantplusdedixannées)pourdécrocherplusrégulièrementdesemploisaprioridemeilleurequalité(permettantdefacturerplusdejoursplusrégulièrement).

Conclusion Atraverscesquelquesanalyses,nousespéronsdoncavoirposéquelquespremiersélémentspourcomprendreàquoiressemble–dupointdevuedel’emploietdutravail–lamusiquedesmusicien·ne·sdeSMart.Troispointsnoussemblentimportantsàsoulever:

1-Leprofildesmusicien·ne·sdeSMartreflèteengrandepartielalocalisationdelacoopérativeaupôleleplus«créatif»del’espaceprofessionnel.

2-L’activitédesmusicien·ne·sdeSMartapparaîtconditionnée,tantdanssonrythmequedanssoncontenu,parlesmodalitésd’encadrementdel’emploiartistiqueenBelgique.Entémoigneparexemplelafaiblepartdeprestationsliéesàl’enseignement,quisonttrèscourantesdansd’autrescontextesnationauxcommelaGrande-Bretagne(Websteretal.2018)oulaSuisse(BatailleetPerrenoud2016),quisemblepluslefaitde«professeursdemusiques»salariésetquinepeuventpasprétendreàutiliserla«règledescachets».

3-Enfin,onretrouvenéanmoinsauseindelapopulationétudiéedestraitscommunàdespopulations de musicien·ne·s professionnel·le·s qui évoluent dans d’autres contextesnationaux,commeparexemple,lafaibleféminisation,laplacepluspériphériqueoccupéepar

25 Pour une analyse plus détaillée des profils socio-professionnels des musicien·ne·s de ces différents clusters, voir la version en ligne de ce chapitre.

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lesmusiciennesquisemaintiennentmalgrétoutetuneoppositionentremusicien·ne·splutôttournésverslacréationetceuxetcellesdontl’entertainementvoirl’animationconstitueplussouventlequotidiendel’activité.

Lamiseaujourdeceslignesdefragmentationauseindugroupeprofessionnelpointeencreuxla difficulté d’établir des réglementations communes, adaptées à chacune des modalitésd’exercicedessavoir-fairemusicauxencontexteprofessionnel.Mais,c’estparadoxalementen ayant une représentation aussi juste que possible de ces différences que des actionscollectives sont envisageables. Et gageons que les réflexions amorcées ici favorisent cettedynamique.

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Revenusdelamusique:desmilliardsoudescacahuètes?QuentinAnciaux

Internet a changé la donne pour la diffusion de lamusique. Le streaming à partir d’uncataloguegigantesqueestdevenuunmodemajeurdeconsommation. Lesœuvresyontgagnéenvisibilité,ellessontdésormaisaccessiblesàdavantagedemonde,maispourautantlesartistesnegagnentpasforcémentmieuxleurvie.Lepointsurlaquestion.

En1980,danssontitre«Videokilledtheradiostar»legroupeTheBugglesclamaitsurtouteslesondesqueletempsdelaradioétaitrévolu,laissantsaplaceàlapetitelucarne.Nonsansunecertaineformed’ironie,cetteprisedepositionsemblealorsteintéedeméfianceenversunmédiadontl’époquenecernepasencoretoutlepotentiel.Uneironied’autantplusfortequecetubeseralepremierclipdiffusésurlachaîneMTV,crééel’annéesuivante.Lasuite?Letitres’estclassénuméro1deschartsenAngleterreetlegroupevitconfortablementdesroyaltiesquecemorceaucontinuedeluirapporter.Audébutdesannées2000,avecl’arrivéed’Internet et du téléchargement illégal, on a un peu trop rapidement crié à la mortéconomique du secteur musical. Les années ont passé, les mœurs ont évolué et letéléchargementillégalarapidementcédésaplaceàunenouvelleformedeconsommationqui, en plus d’être légale et séduisante, est génératrice de revenus. Formidable outil dedémocratisation,Internetaurapermisauplusgrandnombredesefaireentendre.Ilauraaussipointétouteslesinégalitésd’unsecteurrongédel’intérieur.

Des chiffres et des pertes Les chiffres de l’industrie musicale mondiale en 2017

Après de nombreuses années en demi-teinte, la courbe de croissance des revenus del’industriede lamusiquedonneenfin l’impressionde s’être inversée. Loind’êtreanodine,cette croissance doit surtout ses chiffres impressionnants au moyen de consommationdésormais le plus répandu, le streaming. Ecrasant toutes les autres formesde revenus, lestreaming devient pour la première fois depuis qu’il existe, la source la plus rentable del’industriedelamusique.

Comme le confirment les rapports d’études de la Fédération internationale de l'industriephonographique(IFPI)26,2017n’afaitqueconfirmerlatendancedecesdernièresannées.Lesventes physiques sont en baisse et le streaming est roi. Et plus les années passent, plusl’évidences’impose,l'écartentreleschiffresdunumériqueetceuxduphysiquenecessedesecreuser.Selon l'édition2018duGlobalMusicReportannuelpubliépar l'IFPI, lemarchémondial de la musique enregistrée s'est de nouveau développé l'an dernier, avec une

26 https://www.ifpi.org/news/IFPI-GLOBAL-MUSIC-REPORT-2018

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croissancede8,1%pouratteindrelemontantvertigineuxde17,3milliards$derevenus.2017constituedonclatroisièmeannéeconsécutivedecroissancedel'industrieetfaitsuiteà15annéesdebaisse importantedesrevenus.Bienquerespectable,cetterécenteprogressionsemble dérisoire face aux 25,3€milliards générés en 1999. A la lueur de ces chiffres, oncomprendmieuxlestermes«d’industriedelamusique»,làoùlesmusiciensseconsidèrentplutôtcommedesartisans.Dansune interviewaccordéeau journalLibération,ChristopheDavy(fondateuretdirecteurd’uneboîtedeproduction-Radical)explique:«Jusqu’àlafindesannées 2000, le métier était très artisanal. Il était entre les mains de personnalités, desentrepreneursquiavaientmontéleurspropressociétés.Maisl’effondrementdel’industriedudisquebouleverseladonne.Lesventess’écroulant,lesartistesaccroissentleuractivitélivepourcompenser lachutede leursrevenus.Enparallèle, ledéveloppementd’Internetrendl’accèsà lamusiqueplus facileque jamaisetaiguise l’appétitdupublicpour les concerts.S’ensuituneruéesansprécédentvers le livedans lasecondemoitiédesannées2000.Cetaffluxmassifdupublicetledéveloppementdestournéesaugmententconsidérablementlechiffred’affaires.Commelesecteurs’estmisàgagnerbeaucoupplusd’argent,ilaattirédesgrossescompagniesetdesmultinationales(...).Al’imagedecequisepassedansbeaucoupdesecteurs,lemétiers’estindustrialisé.»27

En2017,lestreamingreprésentait38,4%desrevenusdel'industriemondialedelamusique,soit6,6milliardsdedollars,unnouveausommetpourceformat.Celanedoitévidemmentpasfaireoublierlesproblèmes-entreautres-deredistributionauxquelsSpotify,DeezerouAppleMusicsontconfrontésmaisonnepeutnierquelestreamingestpromisàunfutur(encoreplus)fructueux.

L'andernier, tous les chiffres liésauxplateformesdestreaming ontaugmenté, lenombred'abonnésétantleplusimportantdepuissesdébuts.Pasmoinsde64millionsdenouveauxabonnés se sont inscritspour sepayer leprivilègedu streaming. Cequiportedoncà176millionslenombretotald'abonnésparmilesnombreusesentreprisesenconcurrencepourlespartsdemarché.Onobserveégalementque lenombred’auditeursquiutilisent le servicegratuitement(etquisevoientdoncimposerdespublicitéspendantl’écoute)estluiaussienhausse.

Maisréduirelesecteurmusicalàsonaspectleplusrécentetleplusdématérialiséreviendraitàoublier les supportsqui l’ontpopularisépendantde longues années.Bienqu’elles aientlégèrementbaissé,lesventesphysiquesreprésententencore30%desrevenusetmêmesilevinylegagneenpuissance,ilenfaudrapluspouréclipserl’éternelcompactdisc.Aufinal,etmalgréses16%derevenus, legrandperdantdecetteruéevers l’orest letéléchargement

27 Olivier Richard, « Le concert à l’âge industriel », Libération, 16 novembre 2018

https://next.liberation.fr/musique/2018/11/16/le-concert-a-l-age-industriel_1692538?utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR1HajBzB-tPDBBacIhzZSA9oJjT0HFMNDhRvuHq7zwCw5zRhiYx3TPZNi8#Echobox=1542570486

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légal, qui accuse une diminution de 20,5%. S’ensuivent les 14% des revenus des droitsd’exécution,end’autresmots,touteslesformesd’exécutiond’unechansonàlaradiooudansunlieupublic.Pourterminer,lasynchronisationetses2%clôturentlebal.

Belgique et France

Ces tendances à la hausse se confirment aussi lorsqu’on étudie les chiffres révélés par laSabam(Belgique)etlaSacem(France).Autotal,laSabamaurafacturé163.692.334€en2017,soituneaugmentationde5%parrapportà201628.Alaloupe,onobserveque2.426.948€proviennentdesrevenusperçusonline(+10%).Enparallèle,etmêmes’ilsaccusentunebaissede 20%, les droits de reproduction mécanique occupent encore une part importante dumarchépuisqu’ilsrapportent7.655.229€àlasociétédeperceptionbelge.LaSacema,quantà elle, récupéré la somme de 969.800.000€ (2,1% de plus qu’en 2016)29. Comme pour laBelgique,lesrevenusonlineaugmententde7,9%pouratteindre83,8€millionsd’euros,alorsquelesdroitsdereproductionmécaniquedégringolentde7%etnereprésentent(plus)que80,8€millionsd’euros.

Mêmesileformatphysiqueestencorebienprésentsurlesdeuxpays,laconsommationonlinene cesse de croitre, inévitablement poussée par les chiffres du streaming. Alors que laBelgiquemanquecruellementd’étudesconcernantleshabitudesd’écoutes,leSNEP(SyndicatNationaldel’éditionPhonographique)révèlepourlaFranceque«lacroissancedustreamings’explique par l’adhésion populaire autour de cet usage : 42.5milliards de titres ont étéécoutéssur lesservicesdestreamingaudioen2017,c’est5 foisplusqu’en2013.Selon lebaromètreSNEP/GFKMusicUsages2017,42%desfrançaisdéclarentécouterleursartistessurlesplateformesdestreaming,etcen’estpasunepratiqueréservéeauxjeunes:unstreamersur quatre a plus de50 ans. Pour ceuxqui l’ont adoptée, c’estmêmedevenu le principalmoyend’écoutedemusique.»30

Defaçontrèsclaire,lesBelgesetlesFrançaiscommencentàadopterlestreaming,ilslefonttoutsimplementpluslentementqueleurshomologuesanglo-saxonsetscandinaveschezquicemodèles’estimposécommel’évidence.Sonformatpratiqueetsoncoûtrelativementpeuélevéontfaitdeluiunenouvellehabitudedeconsommation.Lacroissanceexponentielledumarché des smartphones sert aussi l’essor du streaming puisque 75% des utilisateurs deSpotifyetDeezerdéclarentconsommerlamusiqueàpartirdeleurtéléphone.31

28 https://www.sabam.be/sites/default/files/rapport_annuel_2017.pdf 29 https://societe.sacem.fr/actuimg/fr/live/v4/La-Sacem/Ressources_presse/Rapport_activite/Sacem_Rapport_annuel_2017_082018.pdf 30 http://www.snepmusique.com/wp-content/uploads/2018/07/07-2018-Guide-ECO-2018_Version-Web.pdf. 31 Alain Beuve-Méry, « Quand musique rime avec streaming », Le Monde, 13 septembre 2016

https://www.lemonde.fr/economie/article/2016/09/13/quand-musique-rime-avec-streaming_4996944_3234.htmlhttps://www.lemonde.fr/economie/article/2016/09/13/quand-musique-rime-avec-streaming_4996944_3234.html

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Une inéquitable redistribution Deschiffresqui laissentsuggérerque lemondede lamusiqueseportepour lemieux.Lessociétésdegestionsmultiplient lespartenariats afinde collecterunmaximumdedroits àtraverslemondeets’intéressentgrandementauxplateformesdestreamingafind’affinerlesystème de perception lié à ce nouveau mode de consommation. Si les rentrées sontdésormaisconnues,onpossèdeparcontre trèspeud’informationsquantauxrevenusdesartistes.Lahaussedelaperceptions’estassortied’unehaussedelaredistribution,c’estunfait.Maissicommeleveutl’adage,c’estàlafindubalqu’onpaiel’orchestre,ilsembleraitquelesplateformesdestreamingcontinuentànedonnerquedespiècesrouges.Commentl’expliquer?

Avantdedireque«c’étaitmieuxavant», ilest importantquederappelercommecelasepassaitnaguèrepourmieuxcomprendrecequisepassemaintenant.SteveAlbinireprésentepour une certaine frange du secteur musical indépendant, l’archétype du musicienundergrounddébrouillardetnéanmoinstalentueux.Véritablecouteausuisse,SteveAlbiniatouràtourétémusicien,programmateurradio,manager,gérantd’unlabel…souventletoutà la fois. Ilpossèdeaujourd’huiunstudiodans lequelontétéenregistrésquelquesalbumsmajeursdurockdesannées90.Souventinvitédansdescolloquesetconférences,SteveAlbinis’exprimaiten2014surl’èrepré-internetdel’industriemusicale:«Poursedonnerunrepèreéconomique,onpouvait–en1979–acheterun45tpourundollar,unnouvelalbumpour5,payerl’entréed’unconcertdansunclubpourundollar,dansunstadepour7(…).Notezaupassagelarelativeparitéentreleprixdesconcertsetdesdisques.Plustard,danslesannées90,l’inflationprogressivearendulesdisquespluschersàl’achat,alorsqu’ilsétaienttoujoursleprincipalmoyend’écouterdelamusique.Toutel’industriedépendaitalorsdecesventesqui, elles-mêmes, dépendaient de l’exposition. Les groupes signés sur de grossesmaisonstournaientafindepromouvoirleursdisques,tandisqueleslabelsleuroffraientunsupportlogistiqueetpromotionnelpourlesmaintenirsurlaroute,cequiimpliquaittoutunréseaud’agents,demanagers,deroadies,etdepromoteurs.Lesdépensesétaientconsidérables.»32Lenombred’intermédiairesétaitdémesuré, chacund’entreeuxdevait toucher sapartdugâteau,lesmusiciensétaientlesderniersdelafile.

Ladémocratisationd’Internet,l’immédiatetéquecetoutilpermettaitaégalementrendulamusique disponible sans limite, presque entièrement gratuite. « Les grosses maisons dedisquesn’ontpasconsidéré ladistributiondigitalecommeunbusinessrentabledoncellesl’ontignoréeetlaisséeauxhackerscommeaupublic.»33LespersonnesquipréféraientdéjàlecôtépratiqueduCDontencoreplusprivilégiéleformatdigitaletsesfichierscompressés«qu’ellespouvaienttélécharger,streamer,écoutersurYouTube,oupartagerenligneavec

32Matthieu Choquet « Steve Albini : le problème est résolu », Mowno (en ligne), 24 nov. 2014, https://www.mowno.com/articles/steve-albini-le-probleme-est-resolu/ 33 idem

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quelquesamis.Enunclaquementdedoigt,lamusiqueautrefoisrare,chère,etuniquementdisponiblesursupportphysique,estdevenuegratuiteetdisponiblepartout.»34

D’unpointdevuepromotionnel,l’impactétaiténormepuisqu’enunsimpleclicilétaitpossibledesefaireentendrepartoutdanslemonde,jusquedanslescoinslesplusreculés.Restequedansl’équationfinancière,jamaislesgroupesetlesmusiciensn’ontétéprisenconsidération.Cependant,leproblèmedelarépartitiondesrevenusn’estpasapparuavecl’inventiondesservicesdedistributionnumérique.Ilexistaitdéjàlargementpendantl’époquedegloiredusupport physique. Là où le bât blesse, c’est à partir du moment où les modes deconsommationontfondamentalementchangéetquelemodèlederedistributionacontinuéà fonctionner sur un système en total décalage avec une juste représentation de larémunération.Toutlemondes’accordesurlefaitquelestreaming,c’estbienmaisquesamonétisationnesatisfaitclairementpasl’économiedel’industriemusicale.En2015,leSNEPrévélaitquepourunabonnementSpotifyd’unmoisd’unevaleurde9,99€,4,57€allaientauxproducteurs,1,96€àlaplateforme,1europourlesdroitsd’auteur,1,99€deTVAet0,46auxinterprètesetautrescréateurs.End’autrestermes,9,99€pouravoiraccèsàuncataloguequejamaisuneseuleétagèreàdisquesnesauraitcontenir.Misboutàbout,ilfaudrait16millionsd’annéesàunepersonnepourécouterl’intégralitéducatalogueSpotifyen2018.Sionregardel’autre côté par contre, on s’aperçoit que lorsqu’on ventile tous les abonnements sur lenombred’artistesécoutés,unartistenetoucheque0,00397€parécoute35.

Spotifytiresesrevenusdesabonnementspayantsetdelapublicitédanssonoffregratuite.Pourtantlegéantsuédoislejure,ilreverse70%desesrevenusauxayantsdroit,c’est-à-direauxlabels,auxproducteurs,distributeurs,éditeurs…etpourfinirauxartistes.Leproblème,c’est que certains artistes sont liés par des contrats d’un autre temps à leursmaisons deproduction.Cequipeutameneràdessituationsouunartistenetoucheraque10%decequevatoucherlelabel,quinetoucheralui-mêmequ’unepartiedes70%redistribués…Malgrésonemprisesurlemarché(oùelleestsuiveiparAppleetDeezer),lacompagniesuédoisen’esttoujourspasrentable.Danscecasdefigure,etlorsqu’ilfautdistribuerdesdividendesàdesactionnaires,payer lessociétésdeperceptionset lesproducteurs, ilestdifficiled’imaginerquelavaleurdégagéepourlesartistestrouveuneplaceprépondérantedanscesystème.

Trou dans la couche d’argent

Endernier lieu, il resteàaborderceque l’industriede lamusiqueappelleactuellement le«ValueGap»crééparYoutube.SelonleschiffresduSNEPpour2017,85%desutilisateursdeYoutube s’en servent pour écouter de lamusique, soit 1,3milliards d’utilisateurs. Sur ungraphique uniquement consacré au streaming, la plateforme de vidéo gérée par Googlereprésente46%despartsdumarché.Maisnegénèreque12%desrevenus…D’oùvientce

34 idem 35 https://thetrichordist.com/2018/01/15/2017-streaming-price-bible-spotify-per-stream-rates-drop-9-apple-music-gains-marketshare-of-both-plays-and-overall-revenue/

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décalage?Youtubetireuneénormepartiedesesrevenusdelaconsommationvidéomaiscontrairementàdenombreusesplateformesdedistribution,Youtubeaffirmequ’iln’estpasresponsable de la musique distribuée sur son site. Bénéficiant d’interprétationscontradictoiresdes loissur laresponsabilitéenligne, laplateformes’estsoustraiteàtouteresponsabilitéenmatièredemiseàdispositiondelamusiqueaupublic36.Enexemplechiffré,pourunartistequigagnerait20€surSpotify,pourdesécouteséquivalentes,ilnegagneraitque1€surYoutube.

Lestreamingn’apastuélamusique,àl’inverse,iln’yajamaiseuautantdemusiquequ’aujourd’aujourd’huietaccuserlesplateformesreviendraitàs’enprendreàlamauvaisepersonne.Lasolutionuniquen’existepas.Ellerésulted’unensembled’actionsdonttrèspeusontdanslesmainsdesmusiciensenréalité.Payermoinspouravoirplussembledevenirunedoctrineactuelle.Danscetteoptique,ilestimpossibledecréerununiversfavorableàundéveloppementsainpourunsecteurdontlesprincipauxacteurssontfinalementceuxqu’onentendlemoinsàlatabledesdiscussions.Malgrésonomniprésence,ilnefautpasoublierquelastreamingn’enestqu’àunephasedeson«adolescence»etcontinuedesedévelopper.Lesmargesderevenusnecessentdecroîtreet,silesintentionsrestentlesmêmes,onpeutespérerunfuturmeilleurpourlesmusiciens.Quiplusest,deplusenplusdeplateformessedirigentversunmodèleenpairtopair(Bandcamp)oùlesintermédiairesn’interviennentquasiplusetoùlesartistessontlesdécideurs.Acôtédecela,onauraitpresquetendanceàl’oublier,lamusiqueexisteencoresurscène,làoùelleestpalpable,làoùlarencontresefait.Bienentendu,iln’estpasinterditd’écouterdelamusiqueenligne,toutnousencourageàlefairemaislamusiquen’estpasnéeavecladistributiononlineetc’estenlivequ’ellecontinuedevivre.Economiquementaussi…

DirectiveCopyrightenEurope:ledroitd’auteuràl’heuredunumérique

Le12septembre2018,leParlementeuropéens’estpenchésurunenouvelleréglementationliéeauxdroitsd’auteursà l’heuredunumérique.L’objectif?Permettre aux auteurs et éditeurs de contenus de jouir d’une meilleuremaîtrisedeleurproductionunefoisqu’ellessontdiffuséesenligne.Lesarticles11 et 13 de cette réglementation ont particulièrement attiré l’attention.Menaçantdemettreenpérill’organisationde«l’internetlibre»telquenousleconnaissonsactuellement,cesdeuxarticlespourraientsurtoutrenforcerlamainmise du GAFA (acronyme de Google, Apple, Facebook, Amazon) et defacto,ajouterunecouchesupplémentaireàlacentralisationduweb.

Expliquons-nous.L’article11réfèreaudroitdecitationsetseraitunevéritableentraveàl’alimentationd’encyclopédiesnumériquestellesquelecélèbresite

36 http://www.snepmusique.com/wp-content/uploads/2018/07/07-2018-Guide-ECO-2018_Version-Web.pdf

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Wikipédia. L’article 13, quant à lui, pose question dans la mesure où il nesembleréfléchiquepouruneminoritéd’acteursquidétiennentcependantlesplusgrandespartsdemarchéd’Internet.Enthéorie,lebutdel’articleesttoutàfaitnoble,puisqu’ilinviteles«groshébergeurs»àpasserdesaccordsavec« les ayants droit desœuvres qu’ils diffusent, afin de définir lesmodes derépartition des revenus (publicitaires ou d’abonnement) avec ceux-ci ou deprendredesmesurespourempêcherladiffusiondecontenussignalésparcesderniers.»[1]Entreleslignes,cepassagefaitclairementréférenceaulogiciel«intelligent»misenplaceparYoutubeafindedétecterautomatiquementlescontenuset lessoumettreà l’approbationounondeleursayantsdroitpourdiffusion.Seulementvoilà,l’utilisationdecegenredelogiciellargementvantéparGoogleouFacebookn‘estpasinfaillible.Utilisantunelogiqueinformatiqueparfois mal calibrée, soumis à des bugs techniques réguliers et ignorantcomplètement le comportement humain, ces logiciels sont loin d’être unesolutionmiracle.«LadirectiveCopyrightnedoitpaslégitimeretgénéralisercesolutionnismetechnologique,automatisantnosrelationssocialesettraitantleshumainscommedequelconquesmachineslaisséesauxmainsdequelquesdelimiterlerecoursqu’enfontlesgéantsduWebetdecontesterl’emprisequ’ilsexercentsurnotremonde.»[2]

Dur de savoir si ce pari portera ses fruits puisque, si le texte a jusqu’àmaintenantétéadopté,ildevraencoreêtrediscutéavecleconseildel’UnionEuropéenneet la commissionEuropéennepourensuiteêtre transposédanschaquepays.Uncheminencorelongquipousseleprofesseuretspécialisteduweb Fabrice Ebelpoin à dire que « Entre-temps, la technologie aura déjàévolué(…). Le droit est par essence plus long que la technique.Mais notredéfensefaceauxGAFAadéjàduretard.Celui-cineferaques'aggraveravecletemps».[3]

[1]www.laquadrature.net/2018/06/12/copyright_plateforme/[2]www.laquadrature.net/2018/06/12/copyright_plateforme/[3]www.marianne.net/societe/directive-europeenne-sur-les-droits-d-auteur-une-victoire-et-beaucoup-de-questions

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Sourcesetressourcespartie1Les rémunérations des musicien·ne·s : un barème salarial minimum ? Avanttout,lesmusicien·ne·s,lesacteurssyndicauxetleFACIR.LouisedeBrabandèrelesremerciesincèrementpourleurconfiance,lepartagedeleursconnaissancesetleurtemps!Ensuite:COGNIAUX,Lisa,2018,Lestatutd’artiste:clarificationd’undébatquidure,inRevueKaroo.me#4(http://www.revues.be/karoo/281-karoo-le-mensuel-4/715-le-statut-d-artiste-clarification-d-un-debat-qui-dure)

COMMISSIONARTISTES,Rapportsannuels2016et2017(https://socialsecurity.belgium.be/fr/publications/rapport-annuel-commission-artistes)

FÉDÉRATIONWALLONIEBRUXELLES,Contrats-programmesartsdelascène2018–2022.http://greoli.cfwb.be/files/Documents/171123%20Tableau%20contrats-programme.pdf

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MUSICIEN.NE:QUELQUESRÉALITÉSDUMÉTIER —46

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MUSICIEN.NE:QUELQUESRÉALITÉSDUMÉTIER —47

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2—S’EXPORTER

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Quandlamusiquetourne.RencontreavecunprodelamobEntretien:CarmeloVirone

BernardMoisseesttourneur,spécialisédanslascènepop-rock.Iltravailleauseindel’asblIntersection37etvendlesspectaclesd’artistesbelgesessentiellementfrancophonesoud’artistesétrangersqu’ilfaittournerenBelgique.Unetrentainedegroupesfigurentàsoncatalogue,maistousnetournentpasenmêmetemps.Ilnousexpliqueenquoilesquestionsdemobilitéleconcernentprofessionnellement.

Enquoipouvoirêtremobileest-ilimportantpourledéveloppementd’unecarrièrede

musicien?

Ensoi,lamobilité,çaneveutpasdiregrand-chose.Cequiimporte,pourunartiste,cesontlespossibilitésquis’offrentàluipoursefaireconnaîtreàl’étranger,pourrayonnerinternationalement.Celaimpliquequ’ilsurmonteuncertainnombrededifficultésadministrativesetqu’ilréussisseàétablirdescontactsdansd’autrespaysquelesien,àtoucherdenouveauxpublics,às’inscriredansunmarchéinternational.

Comment t’organises-tu pour programmer les tournées ? Onsuitforcémentl’actualitédechaqueartiste.Ainsi,dèsqu’onannoncelasortied’unsingleoud’unCD,(c’estuntravailquisefaitenamont,sixmoisavantlasortie),ilfautqu’ontrouvedesdates.Cesontlesagentsoulesmanagementsdesgroupesàl’étrangerquimedonnentcesinformations-là,surlesquellesjedoismecaler,jen’aipaslechoix.

Donclamobilitépourtoi,celacomportedeuxaspects,unorientéversl’étranger,etunversla

Belgique,oùtufaistournerlesgroupesessentiellementenWallonieetàBruxelles,sijene

m’abuse.

Effectivement,j’opèreparfoisquelquespetitesincursionsenFlandre,maisc’estbeaucouppluscompliqué,entoutcaspourmoi.D’autrestourneursnerencontrentpeut-êtrepaslesmêmesdifficultés,maispourmoiquiaiuncataloguetrèsvasteenartistesfrancophones,etmêmesibeaucoupd’entreeuxchantentenanglais,c’esttrèsdifficiledepercerenFlandre.Donc,jemeconcentresurtoutsurBruxellesetlaWallonie,quecesoitpourdespetitslieux,desfestivalsoudescentresculturels.

Sibienqu’encequimeconcerne,lesquestionsdemobilitéseposentprincipalementpourlesartistesétrangersquejefaisvenirenBelgique.Dansl’autresens,c’estmoinsévident,parcequelesgroupesbelgesdontjem’occupesontpourlaplupartdesartistesémergents,pasdesgroupesinstallés.J’aimebienaccueillirunartistedèsledépartetfaireunboutde

37 Cf. www.intersection.be/fr

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routeaveclui.J’aimedéveloppercetaspect-làdumétier:guiderunpeulesartistes,voiraveceuxàquellepériodeilvautmieuxsortirunsingle,quandilfautsortirsonalbum,cequ’ilfautfaireenpromotionentermesderéseauxsociaux,entermesd’image….Ducoup,lesexporterestpluscompliqué.Ilestplusdifficileaveceuxdesortirdesdisquesàl’étranger,detrouverdesattachésdepresse…Ilyadesagencesàl’étrangeraveclesquellesjetravaillebeaucoup,maissurtoutpourfairevenirdesartistesenBelgique,puisquepourlesartistesbelges,jefaisbeaucoupdedéveloppement.

Tu t’occupes donc de l’administration, pour ces artistes étrangers ? PourlesartistesétrangersquitournentenBelgique,qu’ilssoientfrançais,anglais,américainsouautres,jenesersqued’intermédiaire.Lesconcertssonttoujourscontractualisésaveclepromoteurlocal.J’intervienscommeintermédiaireavecmespartenairesétrangers(lesagences,donc)quicontractualisentaveclesorganisateurs/promoteursenmefournissantlesdocumentsadministratifsnécessairesaudétachement(Kbis38,attestationderésidencefiscale,A139),afind’éviterlaretenuedeprécompteprofessionnel,toutcequ’ilfautpourqueleursmusicienssoientdétachéssurladatepouruneprestationenBelgique.Maiscesartistessontsalariésouengagésparlaboîteétrangère.Quandcesontlesgroupesbelgesdontjem’occupequiseproduisentàl’étranger,c’estmoiquilessalarie.Jedoisdoncpréparertouslesformulairesutiles,soitenpassantparSMart,soitviad’autresstructurescommeAmplo,unbureausocialpourartistes.Enrevanches’ilssontindépendants,ilsémettentunefacture.

Crois-tu que certaines structures collectives pourraient faciliter cette mobilité ? Lesseulesaidesqu’onpourraitallercherchersontdessubsidesqu’ontrouvechezWallonie-BruxellesInternational,pourlesartistesfrancophones.Celapeutêtreutile,maiscen’estpas,loins’enfaut,lasolutionàtouslesproblèmes.

Tu t’en es servi ? Jetentedem’enservir,quandças’yprête.J’aiunartistequiestallérécemmentauCanada,ons’estservidesappuisdeWallonie-BruxellesInternational40.LaFédérationWallonie-Bruxellesasignédesaccordsavecdifférentspayset,àl’intérieurdecespays,avecdifférentsfestivals.Donclesfestivalsàl’étrangernepermettentpasforcémenttousdebénéficierd’unesubvention.

Endehorsdetoncaspersonnel,onconnaîtdesgensquis’exportentdefaçonextraordinaire.

IlsuffitdeciterlenomdeStromae…

38 L'extrait Kbis est un document officiel attestant de l'existence d'une entreprise en et regroupant des informations à jour la concernant. Il fait ainsi figure de « carte d'identité » de l'entreprise concernée. 39 Formulaire relatif à la sécurité sociale du travailleur. Voir plus loin, « La lutte administrative du musicien pour une musique sans frontière ». 40 Voir notamment Guide ULYSSE - Comment financer ses études, ses recherches, son projet professionnel à l'étranger ? édité par WBI http://www.wbi.be/fr/guideulysse#.XAeoweKNzct

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Ouceluid’Angèle.MaisStromaen’ariendemandéàpersonne.S’ilestallépartout,c’estparcequ’ilasortiunputaind’album,c’estparcequec’estunartistecomplet.LamêmechoseavecAngèlepourlemoment:sesclipssontléchés,sessinglessonttop,sonalbumestmonstrueux.Aaucunmoment,iln’yaeuunestructurequelconquequisoitvenuel’aider.

Donclapremièreconditionpouraideràl’exportation,c’estlaqualitédel’artiste?

L’artiste,etsonentourageaussi:samaisondedisque,sonmanagement,toutcequifaitseschoixdecarrière…Frapperàlabonneporte,travailleravectelgarsquiest,commeparhasard,lemanagerdePuggyquis’estluiaussibienexporté.Jenesuispascertainqu’Angèleauraiteulamêmecarrière.avecquelqu’und’autre,quetelgroupeinternationalauraitpercédelamêmemanières’ilavaiteuunmanagerdifférentàunmomentdonné…C’estunproduitcultureldanssonentierqu’ilfautvendre.

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LalutteadministrativedumusicienpourunemusiquesansfrontièreSébastienBours-ServicejuridiquedeSmart

Sil’adagenesauraitmentirsurlafaçondontlamusiquepeuttraverserlescœurssansdistinctiondecouleursoud’origine,ilexistenéanmoinsdesobstaclesàfranchirpourtoutmusicienquisouhaitefairerésonnersesaccordsau-delàdupaysoùilréside.Certainspeuventcomptersurunmanagerquigèrelesaspectsnonartistiquesdeleurcarrière,maislaplupartdoiventveillereux-mêmesàcetaspectdeleurvieprofessionnelle,d’oùl’intérêtpoureuxdeconnaîtrequelquesrègles.Afindefaciliterlevoyagephysiquedelamusique,lemusiciennedoitpasuniquementveilleràsoninstrumentouàsontravailmaiségalementseposercettequestionpratique:quellessontlesdémarchesadministrativesàréaliserpourquelesfrontièress’ouvrent?Unequestionquiappelledesréponsesdifférentesselonl’étapeduvoyage.Petittourd’horizon...enchansons.

«Startspreadingthenews,Iamleavingtoday,

Iwanttobeapartofit,NewYork,NewYork»F.Sinatra

Lapremièreétapeestcelledudépart.Pourserendredansunpays,lapremièrerègleestdesavoirsil’onabesoind’undocumentappelé«visa»ousil’onsetrouvedansunesituationquipermetd’enêtreexempté.

Lesressortissantsbelgesoufrançaisnedoiventpassemunird’unvisapourserendredansunautrepaysdel’EspaceEconomiqueEuropéen(EEE)41.

Pourlesautresdestinations,ilestnécessaired’endemanderunàl’ambassadedupaysconcerné.Ceprocessusadministratifpeutêtrelongetdélicat.Ilvautdoncmieuxs’yprendrebienàl’avance.Chaquepaysasespropresprocédures,mêmesi,auniveaueuropéen,lesdémarchessontrelativementharmonisées:ilfautpouvoirjustifiersonvoyage,disposerdemoyensdesubsistancesuffisants,avoiruntitred’identitévalable...

«Paname,Paname,onarrive

Moi,magueuleetmonsacàdosPaname,Paname,onarrive

Moi,mesrêvesetmeschansons»r

Slimane

41 L’EEE regroupe tous les pays de l’Union ainsi que l’Islande, la Norvège et le Lichtenstein, la Suisse et Monaco.

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Secondeétape:unefoisarrivédanslepays,quellesrèglesfaut-ilobserverpourpouvoirs’yinstallertemporairement?Onparleicidudroitàunséjourprolongé,pasd’unpassaged’unjour,pourlequelaucuneformalitén’estrequise.Ledroitauséjourestunematièreparticulièrementcomplexe.Lestextesdeloisontnombreuxetlespratiquesadministrativesnesuiventpastoujoursleprescritlégal.

Lesprocéduresdiffèrentenfonctiondeladuréeduséjour.Anouveau,chaquepaysasaproprelégislationmaisenEurope,ledroitdeséjourestharmoniséenfonctiondeladuréeduséjour:plusoumoinsdetroismois.Ilexistecependantdesexceptions.Atitred’exemple,dansl’UnionEuropéenne,siunepersonnelogeàl'hôtel,encamping,dansuneaubergedejeunesseoulorsqu’ellesetrouveàl'hôpitalouenprison,elleestdispenséedecetteobligationdeprésentationpourunséjourdemoinsdetroismois.Pourévitertoutproblème,ilesttoujoursutiledeserendreleplusrapidementpossibleauprèsdel'autoritélocaleafindeprendreconnaissancedesdémarchesrequises.

«Letthemusicplayon...

JustuntilIfeelthismiseryisgone»

BarryWhite

Lamusiquedanslatête,l’instrumentdanslesac,êtrelàoùl’ondoitêtre,prêtàjouersamusique.C'estàcemomentqueseposelaquestiondecommentpouvoirtravaillerdansunpaysquin’estpaslesien,sansrisquerdedevoirlefuircommeunsaltimbanque.

Ilfautd’abordenavoirl’autorisationautraversd’unpermisdetravaildontladélivrancedépenddelalégislationdechaquepays.Pourobtenirlesinformationssurlesconditionsàremplir,s’adresseràl’ambassadeouauministèredutravaillocal.

Lesressortissantsdel'EEEn'ontcependantpasbesoindepermisdetravailnidecarteprofessionnellepoureffectueruneactivitésalariéeouindépendantedansunautreÉtatmembre.LesSuissessontégalementdispensés.

Ilestànoterquemalgrél’exemptiondepermisdetravail,certainspays(exemple:Suisse,France,Allemagne)exigent,unedéclarationd’arrivéeoudetravail.Ilvautmieuxserenseigneravant

Parfois,ilexistedesdispensespourunmusicienquisouhaiteraitjouersansdevoirpasserparlacase«permisdetravail».Ainsi,enBelgique,lesartistesdespectaclederéputationinternationaleetleursaccompagnateurssontdispensés,sileurséjoursurleterritoirenedépassepastroismois.Cettedispositionn’estpasrare:onlaretrouvedansdespayscommeleCanada,l’Australie,l’Inde,…

Pourlespersonnesnondispensées,lesprocéduresdiffèrentselonlespays,enfonctiondutypedeprestationetdustatutparticulierdumusicien(indépendant,salarié,

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fonctionnaire,…).Ilesttrèsrisquédetravaillersanspermiscar,encasdecontrôle,lemusiciens’exposeàdespeinesallantdel’expulsionetl’interdictionderevenirsurleterritoire,jusqu’àlaprison,enpassantpardesamendestrèslourdespourluietpoursonemployeuroulesmusiciensquijouentaveclui.

«Quevoyahacer,jenesaispas.

Quevoyahacer,jenesaisplus.

Quevoyahacer,jesuisperdu»

ManuChao

Nousvoilàarrivésaumomentoùtoutestenplacepourpouvoirenfinjouernotremusique.Pourévitertoutfauxaccord,ilresteunautreaspectadministratifimportantàrégler.

Ils’agitavanttoutdesignersoncontratmaisaussideréfléchirauxconséquencesindirectesdesaprestationsurdifférentsaspects.Mêmesilemilieumusicalestunmondeoùprévalentlebouche-à-oreillesetlesaccordsoraux,ilestvraimentpréférabledemettresurpapierles«accords»passés.Celapermettraaubesoindesebasersurunécritpouréviterquetoutletravaileffectuénesetermineenmodemineur.

Auniveaudelasécuritésociale,ilestimportantd’êtreassuréenmatièredesoinsdesantéetdoncd’êtreenpossessiondelacarteeuropéenned’assurancemaladiepermettantdebénéficierdesoinsàl’étrangersanspourautantdevoiravancerdessommesd’argentparfoisvertigineuses.Lamiseenplaced’unconcertpeutparaitredénuéederisquemaisdansl’excitationdumoment,l’accidentestvitearrivé…Ilestdoncnécessairedeprendrecontactavecsamutuelleousacaissed’assurancemaladiepourindépendants.

Unautrepointauquelilfautpenserrapidement,sionveutpouvoirenvivreestlareconnaissanceadministrativedutravaileffectué.

Lesprestationsàl’étrangerpeuventêtrecomptabiliséespourl’ouverturedesesdroitsenBelgique.Pourcela,ilfautaupréalablefairelademandeduformulaireeuropéenU1(relevédespériodesd'assuranceàprendreencomptedanslecalculdesallocationsdechômage).

Ceformulairementionnelespériodesd’assuranceetd’emploisalariéouindépendantdansunautrepaysdel’EEEquisontprisesencomptepourlecalculdesindemnitésdechômage.IlpermetdecomptabilisertouteslesprestationseffectuéespourdesemployeurseuropéensouétablisenEuropeafind’ouvrirsesdroitsauchômage.Ilestdoncutilelorsquesesuccèdentdespériodesdetravailetd’activitéprofessionnelledansplusieursÉtatsmembres.

Sileprojetprofessionnelimpliqueundéménagementtotaldanslelieudeprestationetqu’onsouhaitefairerapatriersesallocationsdechômage,ilfaututiliserparcontreleformulaireU2.Ilfautenfairelademandeauprèsduservicenationalpourl’Emploidupaysoùlapersonneestdevenuechômeuse.Ilfautensuitelesoumettreauservicenationalpourl’emploidupaysdanslequellapersonnesouhaitechercherunemploi.

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Lescitoyensdel’Unionquirépondentàcesconditionsmaintiennentleursdroitsauxprestationssocialespendanttroismoismaximumdanslepaysoùilssouhaitents’implanter.S’ilsnetrouventpasuneactivitéprofessionnellesuffisammentrémunératrice,ilsdoiventretournerdansleurpaysd’origineetseréinscrireavantl'expirationdecedélaidetroismoispournepasperdreleurdroitàl'indemnisation.

Travailleràl’étrangerpourunsalariéetunindépendanttoutencotisantdanssonpaysd’origineestpossiblepourdesprestationsdecourtedurée.Pourcefaire,ilfautaupréalable(avantlaprestation)fairelademanded’unformulaireA1(pourl’Unioneuropéenne)oud’unCertificateofCoverage(horsUnion,pourlesEtatsaveclesquelsaétéconclueuneconventionbilatéraledesécuritésociale).

CesformulairessontàdemanderauprèsdelaSécuritésocialedesonpays.Cetteattestationénoncelalégislationapplicableàuntravailleurquin'estpasaffiliédanslepaysoùiltravaille.Utilepourprouverquevousversezdescotisationssocialesdansvotrepaysd'origine,sivousêtestravailleurdétachéoutravaillezdansplusieurspaysàlafois,parexemple.

Cesdémarchessemblentcomplexes,maisellespermettentdevéritablementcapitalisernosconcertsàl’étrangeretd’éviterlestracasseriesadministrativessurplaceouparlasuite.Lesmeilleuressourcesd’informationàcesujetsontlesorganismesquis’occupentdelasituationsocialedumusicien(mutuelle,caissed’allocations,…)etleministèredelaSécuritésocialedulieuderésidence.

«Là-bas,fautducœuretfautducourage

Maistoutestpossibleàmonâge.

Situaslaforceetlafoi

L'orestàportéedetesdoigts»

J.J.Goldman

Lemusiciennepeutpasvivrequedenotesetd’eaufraiche.Ilarriveunmomentoùlaquestionfinancièredoitêtreégalementréglée.S’ilestpayépoursontravail,illuifaudraaussis’acquitterd’unimpôtsurlerevenu.Maisildevraprendregardeànepassefairetaxerdeuxfois:d’aborddanslepaysoùils’estproduitpuisdanssonpaysd’origine.

Eneffet,lesrèglesvarientàtraverslemonde.Certainspaysappliquentleprincipedel’impositionsurlerevenu,quelquesoitl’endroitoùlarémunérationaétéperçue(principedel’Etatdelarésidence:lepaysoùl’onvitaledroitdetaxertoutcequel’ongagne)alorsqued’autresappliquentleprincipedeterritorialité(principedel’Etatdelasource:unpaysaledroitdetaxertouteprestationquialieusursonsol).

Pouréviterunedoubleimposition,ilconvientdoncd’interrogersonclientoul’organisateurdesonconcert.Sicelui-ciavancequ’ildevrapréleverunetaxeprofessionnellesurlecachetnégocié,ilfauttrouverlemoyenpouréviteroulimiterladoubleimposition.Cars’ildoitrécupéreraposteriorilesimpôtsindumentpayés,lemusicienseverraconfrontéaux

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procéduresjuridiquesenapplicationdanslepaysoùilapresté.Cequinécessiterauneassistancejuridiquelocale,uneconnaissancepointuedelalanguedupays,etc.

Commentsavoirsijedoispayerdestaxessurplaceouuniquementdansmonpaysderésidence?Lamajoritédespaysontconcluentreeuxdesconventionsfiscalesappeléesconventionspréventivesdedoubleimposition(CPDI).Cestraitéspermettentdedéterminerquelpaysaledroitdetaxeretdansquelle(s)situation(s).

Généralement,pourchaquecatégoriederevenus,laCPDInousditdansquelscasunrevenutrouvesasourcedansunEtatcontractantetdansquellemesureunEtatcontractantpeutimposerunrevenuquiasasourcesursonterritoire.

Entantquemusicienilfautdistinguerlesdeuxtypesderevenussuivants:ceuxissusdesprestationsetconcerts,etceuxissusdudroitd’auteur.

Pourledroitd’auteur,généralementl’article12desconventionstraitedesdroitsd’auteursousletermede«Redevances»etdéterminequec’estlelieuderésidencequipeuttaxercesrevenus.

Concernantlesprestationsmusicales,généralementl’article17desCPDItraitedesartistessousl’intituléde«Artistesetsportifs»etc’estlaplupartdutempslelieudeprestationquipeuttaxer.Attentioncependantauxpiègesdecetarticle17:parfoisiln’existepas(commeenFrance),parfoisilnes’appliquequ’auxindépendants(parexempleenAllemagne).Sil’articleneconcernequel’artisteindépendantetquelemusicienestsalarié,illuifaudraseréféreràl’article15decesmêmesCPDI:généralement,c’estl’Etatoùaeulieulaprestationquipeuttaxer,saufsileséjourdanslepaysconcernénedépassepassixmoisetquelesalairedumusicienestsupportéparunemployeurquisesituedansl’Etatderésidencedumusicienenquestion.

Lebutestd’éviterl’impositionàlasource(l’Etatdanslequellaprestationaeulieu)despériodesdetravaildecourtedurée.Etainsi,defaciliterlaviedesemployeursquinesontpasforcémentfamiliarisésaveclesystèmed’impositiondel’Etatdelasource.Cetteexception,permetdoncaumusiciend’êtretaxédansl’Etatoùilréside.

Lorsquelaconventionindiquequec’estlepaysderésidencequialedroitdetaxer,denombreuxEtatsimposentàl’artistedecompléterunesériedeformulairess’ilveutéviterd’êtretaxédeuxfois.

Leconseilleplusjudicieuxpournepasperdredel’argentestdoncdeserenseignerauprèsdesonclientsurlataxationducachetnégocié,voiredeprendrecontactavecleministèrelocaldesFinances.

«Tolivewithoutmymusic

wouldbeimpossibletodo.

Inthisworldoftroubles

mymusicpullsmethrough»

JohnMiles

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MUSICIEN.NE:QUELQUESRÉALITÉSDUMÉTIER —57

Déplacementàl’étranger,formalitésd’entréeetdeséjour,autorisationdeprester,règlementdelacouverturesocialeetlieudetaxation,…Unensembledesituationsauxquelleslemusiciendoitsemontrerattentif.

Ilestévidentquelacomplexitédelamatièrepeutrebuter,fairepeur,interroger.Maisc’estjustementdansl’interrogationetdanslacapacitéàposerlesbonnesquestions,àchercherlesbonnesréponsesauxbonsendroits,quelemusicientrouveralajustenotequiluipermettrad’aidersamusiqueàtraverserlesfrontières,enfaisanttomberlesbarrièresphysiques...sansrisquerlesilenced’unarrêtforcé,d’untempsperdu,oud’unepassionéteinteparlescontraintesmatérielles.

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MUSICIEN.NE:QUELQUESRÉALITÉSDUMÉTIER —58

S’exporterenmusiquePierreBataille&LouisedeBrabandère

Lesfacturesadresséesàdesdonneursd’ordreinstallésàl’étrangerpermettentdecernerl’activitéhorsdenosfrontièresdesmusicienstravaillantviaSMart.Petittourdumondeendeuxcartesetquelqueschiffres.

PourlesmusiciensetmusiciennestravaillantenBelgiqueetespérantvivredeleurmusiqueenjouantsurscènenotamment,larelativeexiguïtéduterritoirenationalrendquasimentobligatoirelarecherchede«plans»àl’étranger.Etlapartitiondel’espacenationalentredifférentescommunautéslinguistiquesrendcetteexportationd’autantplusnécessairequ’ilestparfoisplusfacile,pourlesmusicien·ne·swallon·ne·souflamand·e·s,detrouverdesdatesdanslespaysvoisinsaveclesquelsilsetellespartagentlamêmelangueetpeuouproulamêmeculturequedanslesrégionsdeleurpaysrattachéesauxautrescommunautéslinguistiques.GrâceauxdonnéessurlesprestationsSMart,onpeutanalyserlescirculationsinternationalesdesmusicien·ne·sdelacoopérative–et,partant,donnerunaperçudeslogiquesstructurantl’exportationdelamusiqueproduiteenBelgique.LaFigure1représenteainsilespaysd’Europe(A)etdumonde(B)danslesquelslesmembresontfacturéindividuellementaumoinsuneprestation.

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Onvoitdonc(figure1.B)quelespaysoùsontamenésàtravaillerleplussouventlesmembresdelacoopérativesontsituésenEuropeet–secondairement–enAmériqueduNord.Quelquespaysd’Asie(Chine,Inde,Japon)oud’AmériqueduSud(Brésil,Argentine)apparaissentégalementrégulièrementdanslesdonnéessurlesprestations.Lesfacturationsdanslespaysd’Afriquesont,deleurcôté,trèsrares.

L’analysedesfacturationsdanslesseulspaysd’Europefigure1.A)permetdedégagerdeuxprincipesdestructurationdesmobilitésdesmusicien·ne·sdeSMartdanslecadredeleurs

Figure1:Répartitiondesprestationsselonlespaysdefacturation(2016)

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activitésprofessionnelles.Lepremierestlaproximitégéographique:lespayslimitrophesdelaBelgique(France,Luxembourg,Pays-Bas,Allemagnenotamment)sontlesespacesnationauxauseindesquelslesmembresayantfacturéaumoinsuneprestationmusicaleen2016onteuleplusfréquemmentdesrelationsdetravail.Undeuxièmeprincipeapparaîtégalementici,celuidelalangue–etenparticulierdufrançais.OnvoitensuitequelesmembresdeSMartentretiennentdesliensétroitsaveclesautresespacesnationauxtotalementoupartiellementfrancophones(laFranceetleCanadanotamment).

Ensuite,onpeutsedemanderenquoilamobilitédesmembresmusicien·ne·sdiffèredecelledesautresmembresdeSMart.Lafigure2,comparelarépartitionduchiffred’affairesglobaldeSMartetlarépartitionduchiffred’affairesgénéréparlesprestationsmusicalesuniquementenfonctiondespaysdefacturation.

Figure2:Chiffred’affairesetpaysdefacturation(2016-2017)–horsBelgique

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Onvoiticiquelesprestationsmusicalessedistinguenttrèspeudel’ensembledesprestationsSMartencequiconcerneleurancragegéographique.Danslesdeuxcas,leprincipalespacenationaldefacturationhorsBelgiqueestl’espacefrançais,suividesPays-Bas,del’AllemagneetduLuxembourg.Onpeutainsipenserqu’enmatièred’exportation,lesprestationsmusicalessuiventlesmêmestendancesquel’ensembledesprestationsliéesautravailcréatif,quicomposentlagrandemajoritédesprestationsdéclaréesviaSMartparlesmembresdelacoopérative.Uneanalyseplusapprofondieseraiticinécessairepourexplorerplusavantcettedimension.

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3—SEFÉDÉRER

SEDÉFENDRE

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LeFACIR,quandlesecteurdelamusiquesefédèreSolangeDeMESMAEKER

On connaît les unions professionnelles de comédiens, par contre, les regroupementssectorielsdanslesecteurdelamusiquesontraresenBelgiquefrancophone.LaFédérationdesAuteursCompositeursetInterprètesRéunis(FACIR)faitexception.

LeFACIR,cesontplusde900auteurs,compositeursetinterprètesdemusiquenon-classiqueconstituantlapremièrefédérationdesmusiciensdelapartiefrancophonedupays.Fin2012,lesmembresduFACIRsesontassociéspourêtre“mieuxreprésentés,mieuxécoutés[et]mieux

entendus par les politiques et les partenaires culturels42”, s’élevant notamment contre les

coupes dans les subventions. En juin 2013, la nouvelle fédération organisait les « ÉtatsGénérEux de la Musique43 » . Le but de cet événement, qui a rassemblé quelque 250personnes : ouvrir le débat autour de la situation du secteur et organiser une réactioncollective.Entermesdemoyensd’action,leFACIRpeutcomptersurlesoutiendelaSABAM44,delaFédérationWallonie-Bruxelles(FW-B)etdePlayright-structuredegestioncollectivedesdroits voisins des artistes-interprètes ou exécutants45 -, qui a notamment permisl’engagementd’uncoordinateuràmi-temps,posteoccupéparFabianHidalgo.

Porte-voix du secteur FabianHidalgon’étaitpas làà la créationdumouvementmais l’a rapidement rejoint:«Àl’époque, l’existence au niveau du théâtre de mouvements organisés comme l’Union des

Artistes46adonnéenvieàdesmusiciensdelanceruneinitiativeparallèledansnotresecteur.

CesontvéritablementlesEtatsGénéreuxquiontconstituél’actefondateur,permettantàde

nombreuxnouveauxmembresdenousrejoindre.»Lebutprincipaldespremiersmembres:constituerunefédérationprofessionnelleetreprésentative.«Onserendaitbiencomptequ’il

fallait être une délégation claire pour être visible. Quand les politiques ou les décideurs

organisentdesconcertations,ilscherchentàinviterunseulinterlocuteurreprésentatif,pasdes

dizainesdepersonnes.»

42 http://facir.be/qui-sommes-nous/ 43 http://facir.be/etats-genereux/ 44 https://www.sabam.be/fr 45 http://playright.be/ 46 http://uniondesartistes.be/

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Aujourd’hui,FabianHidalgoestimequelecombatenlégitimitéparrapportauxinstitutionsest«gagné»pourleFACIR.«Maintenant,quanddescommissionssectoriellessontcréées

pourdiscuter d’unprojet de réforme, nous sommes les seuls à être invités dans le secteur

musical.»Considéréparlesinstancesdécisionnairescommel’interlocuteurderéférencepourtouteslesdécisionsconcernantlamusiquenon-classique,leFACIRaenplusété«reconnu,depuis2016,entantqu’“organisationreprésentatived'utilisateursagréée»(ORUA),àl’instardel’UniondesArtistes47.

Parrapportauxautressecteursartistiques,lesecteurmusicalamisdutempsàsefédérer.FabianHidalgo:«Onn’estpaslesmoinsbienlotis,danslesartsplastiquesiln’yamêmepas

defédération!Mais,deparlapratiquetrèssolitairedesauteurs,compositeursetinterprètes,

l’émergence d’une fédération a pris davantage de temps dans notre secteur que dans le

théâtre, par exemple. Le combat collectif n’intéresse pas beaucoup demusiciens, ça nous

dessert…»

Des revendications de longue date Lestroisrevendicationspharesdumouvementsontconsultablessurleursite48:

● «Uneréelle revalorisationdescréateursenFW-B.Celapasse inévitablementpar la

refontedustatutd’artiste,véritablehold-upsocialdepuisl’instaurationdelaréforme

désastreuse de décembre 2013. » Parmi les points critiqués par le FACIR dans laréformedustatutd’artiste49:ladifficultéd’accèsàcestatut-leseuilayantétérelevéà18.000€brutssur21moisaulieudes12.000€brutsprécédemmentd’application-et l’application de l’article 48bis dit « de non-indemnisation » qui, selon le FACIR«pénalise fortement lesmusiciens et les plasticiens qui travaillent “à la tâche” en

comparaisondeleurscollèguesquitravaillentdansuncadreinstitutionnelprotégé»,

ayantpourconséquenceunepertederevenus«de20à40%»50.● «UnevéritableréflexionsurlapolitiqueculturelleenBelgique.Quiddeladiversitédans

lesmédiasaujourd’hui?QuiddelaRTBF,etladisparitiondesesmissionsdeservice

public?Quiddel’éducationmusicaleàl’école?Quiddel’aideàlacréation?Quiddu

financementetdessubventionsd’événementsmusicaux?Ilyena,desquestions,et

lesréponsessontdesleviersderévolution.»

● « L’adaptation de quotas en radio et télé. Le pourcentage obligatoire d’œuvres

autochtonesdiffuséesenradioettélévisionestde25%enFlandre,de40à60%en

France,maisseulementde4,5%à10%enFW-B(quotasqueStromae,àluiseul,fait

exploser). Sachant que nous écoutons vingt foismoins nos propres artistes que les

47 http://uniondesartistes.be/h2themes_document/comment-remplir-les-conditions-pour-devenir-orua/ 48 http://facir.be/qui-sommes-nous/ 49 http://facir.be/statut/ 50 Ibid.

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AméricainsetlesJaponais,dixfoismoinsquelesFrançais,lesItaliensetlesSuédois,et

quatrefoismoinsquelesBelgesnéerlandophones,ilyadequoisesecouer!»

Ces revendications n’ont pas beaucoup évolué depuis la création du FACIR.«Malheureusement,nousn’avonspasencoreobtenusatisfaction.Nouspoursuivonsdoncnos

combats.Evidemment,çadevientdeplusenplusdifficileà“vendre”,notammentauxmédias!

Denotrecôtéaussi,onaparfoistendanceàs’essouffler…C’estcompliquéderestermotivés

sansréellementvoird’amélioration»,confieFabianHidalgo.

Agir et rester visible En quelques années, le FACIR a tout demême réussi à se faire (re)connaître en tant quefédération, à faire passer des messages à des personnalités politiques et a co-créerl’International Artists Organisation (IAO)51, une fédération sectorielle et internationalerassemblantleurshomologuesbritanniques,norvégiens,français,allemandsetaméricains,.Parmilesmembresdel’IAO:Radiohead,Indochine,AxelBauer,PinkFloyd…Dequoiassurerune visibilité aumouvement! Leur lobby se concentre directement sur les parlementaireseuropéens,avecpourcombatsprincipauxlaredistributiondesdroitsd’auteuretlaréductionduvaluegap52,cetécartentrelesrevenustrèsfaiblesgénérésvialesplateformespourtanttrès populaires commeYouTube et les revenus beaucoup plus importants dégagés via lesabonnementspayantsàdesplateformesdestreamingaudiocommeSpotifyouDeezer.

Par contre, il n’estpas toujours facilede rendre visible leur travail quotidien,qui consistesurtout à décortiquer et analyser des décrets pour proposer d’éventuelles modificationsfavorisantlesecteurmusical.«Aujourle jour,onfaitvraimentuntravailensous-marin»,expliqueFabianHidalgo.Maispassansreconnaissance:«commeonestlaseulefédération,

on est attendus au tournant. La bonne nouvelle, c’est que le travail qu’on fait est pris en

compte!»D’autantqu’entermesd’impactmédiatique,leFACIRaquelquepeuchangésonfusil d’épaule depuis sa création. « On est de moins en moins dans la réaction, on est

davantagedanslaproposition.Avant,desactionstrèsmédiatiquescomme“FuckTheVoice53”

oudes choses commeça. Evidemment, çanousdonnaitbeaucoupde visibilité,mais çane

correspondplusàl’imagequ’onveutrenvoyer.»

Al’échellebelge,leFACIRn’ajamaismenédecampagnedepublicitémettantenscènesesmembres. « Les premiers porte-parole du mouvement, Claude Semal et Toine Thys, ont

durablement influencé l’image du FACIR, explique Fabian Hidalgo. Aujourd’hui encore, jerencontredenombreuxmusiciensquisontpersuadésquenousnereprésentonsquelesecteur

delachansonfrançaiseoudujazz!Orlaplupartdenosmembresactuelssontdavantageissus

dupop-rock...»Afindefaireévoluersonimage,leFACIRorganisedepuis2017àl’Atelier210

51 https://www.iaomusic.org/ 52 http://www.snepmusique.com/actualites-du-snep/comprendre-le-value-gap-ce-transfert-de-valeur-inequitable-entre-plateformes-de-streaming-video-et-les-ayants-droit-de-la-musique/ 53 http://memoire.entreleslignes.be/photo/jfh-reportages/1325-les-memen-en-action-devant-la-rtbf.html

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àBruxellesLaNuitdesClous54,unesoiréeàlaprogrammation100%belgequiapourbutde«sort[ir][leur]scombatsdessallesderéunionsetdescabinetsministérielspourlesamenerau

concert».

Les quotas, (encore et) toujours les quotas Récemment,leFACIRafaitparlerdeluiavecunepétition55visantl’augmentationdesquotasdediffusiond’artistesdelaFWBsurlescanauxaudiovisuelspublics.Qualifiéede«monstreduLochNess»parJean-ClaudeMarcourt,ministredel’Enseignementsupérieur,desMédiasetdelaRecherchescientifique,dansuneinterventiondevantleParlementdelaFWBenmars2017,cetterevendicationestdefait l’undestroischevauxdebatailleduFACIR.«Danscecombat,onestsoutenuspartrèspeudepersonnalitéspolitiques»,expliqueFabianHidalgo.« Seul Charles Gardier, députéMR de la FWB, également échevin spadois - et également

organisateur des Francofolies, ceci expliquant probablement cela -, s’est emparé de la

question.Pournous,c’estunpeuétrangedevoirl’unedenosrevendicationsdéfendueparla

droite!»

Focussurlesquotasdediffusion

EnFWB,lesradiospubliquescommelaRTBFsontcontraintesdediffuseruncertainpourcentaged’œuvreseuropéennesetnationales56.LaRTBFestainsicontraintedediffuser10%demusiqueproduitepardesartistesissusdelaFWB.L’objectif:soutenirlesartistesémergentsdelaFédérationet,partant,fairedécouvrirdenouveauxtitresaupublic.Ducôtédesradiosprivées,unquotade4,5%demusiqueproduiteenFWBestd’application.

Cesdeuxpourcentagessontlargementinférieursauxpourcentagesappliquésailleurs,notammentenFlandre,où25%delamusiquediffuséeparlesradiospubliques est produite en Flandre. En juillet 2015, le CSA a émis unerecommandation57visantàaugmenter lesquotasactuellementappliquésenFWB.LeFACIRs’estalignésurcetterecommandation,enproposanten201758lamiseenplaced’unquotade25%dediffusiondeproductions issuesde laFWBsurlesradiospubliquesenFWB.

54 https://www.atelier210.be/agenda/2018-03-29/ 55 http://facir.be/quotas-monstre-loch-ness/ 56 http://rtbf2018.csa.be/pages/286/ 57 http://www.csa.be/system/documents_files/2494/original/CAC_20150702_RECOMMANDATION_Diffusion%20Musicale%20en%20Radio%20(quotas)%20site.doc.pdf?1443102585 58 http://facir.be/wp-content/uploads/2017/08/RTBF-et-quotas.pdf

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Cettevolontédefaireaugmenterlesquotasdediffusionseconstruitégalementenmiroiràlasituationducôtéflamand.«Ducôtéfrancophone,iln’yaaucunevolontépolitiquededéfendrenosartistesenobligeantleschaînespubliquesàlesprogrammer.OnnousrépondqueJacques

Brefn’apaseubesoind’aide!LaFlandre,elle,aeuunevéritablepolitiquevolontariste!Chez

eux,leMuziekoverleg59réunitrégulièrementtoutlesecteur-producteurs,labels,musiciens,

festivalsmaisaussipolitiquesetmédias-pourdiscuterbusiness.Etçafonctionne!»

RiendesimilairenesedessineenFWB,selonFabian:«Personnen’avraimentvouluprendre

leleadlà-dessus,ducoupilnesepasserien.»Pourexpliquercettesituation,lecoordinateurduFACIRpointedudoigtladésuniondusecteur.«Pourorganisercegenrederencontresducôtéfrancophone,ilfautinviterleslabels,leslabelsindépendants,lesdirigeantsdetousles

festivals…»La récentepétitionpour l’établissementdequotasaété l’occasion - rare -deréunirtoutlesecteurfrancophoneautourd’uneaction.«Onestcontentsparcequetouslessignatairesdonnentdupoidsautexte,maisrassemblertoutescessignaturesdemandeune

bonnedosed'énergie.»

De nouveaux défis et un amer regret Parmi les nouveaux défis du FACIR: la gestion de la législation liée au streaming. « Lalégislationn’estplusdutoutenaccordavecl’actualité»,expliqueainsiFabianHidalgo.C’estnotamment pour ce genre de problématiques que la mise en place de l’IAO a été utile.«Discuteravecdespartenaireseuropéensnouspermetd'avoirplusd’oreillesetdesgensplus

spécialisés.Enplusd'uneorganisationreprésentative,onpeutparlerd'unvéritablethinktankavecdechouettesinterlocuteurs.»

Al'échellebelge,laréalitéestpluscontrastée:plusieursparticipantsauxréunionsde«BougerlesLignes»60-uneopérationdeconcertationdetoutlesecteurculturelinitiéeen2015parJoëlleMilquet (alors ministre de la Culture de la FWB) avec pour objectif de définir unenouvelleoffreculturellepourleXXIesiècle-onttoutdemêmemisenplaceleRassemblementdesIntermittentsduSecteurdesArts61(RISA),unlieutranssectorield’échangesd’informationsetdebonnespratiques.«Onréfléchitbeaucoupàlaquestiondustatutetc'esttrèsintéressantd'avoirplusieursréalitésautourdelatable.Parexemple,pournouslesmusiciensilestassez

aiséderéunirles3contratsannuelsnécessairespourconserverledroitàuneallocationquine

diminuepasfortementaufildesmois,parcontreunauteurdeBDvatravaillersurdubeaucoup

pluslongterme.»

«Cequ’onregretteencoreamèrement,c’estladisparitiond’uneinstanceregroupanttoutes

les informationsnécessairesàdestinationdesmusiciens fraîchementdiplômésoude toute

personneà larecherched’informationssur lesecteur.LeGuichetdesArts62devait jouerce

rôle-là, mais il a malheureusement disparu… Aujourd’hui, les musiciens qui sortent du

59 http://muziekcentrum.kunsten.be/organisation.php?ID=16108 60 http://www.tracernospolitiquesculturelles.be/ 61 http://lerisa.be/ 62 http://uniondesartistes.be/le-gda/

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Conservatoiresaventqu’ilspeuvents’adresseràSMartpourobtenirdesinfossurleurstatut,

lamanièredefacturer,etc.C’estsuper,maispourquoiaucuneinstancepubliquenepropose-

t-ellecegenredeserviced’information?»

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GALM:lamusiquesepaie,commelepainThomasBlondeel

UnenouvelleassociationprofessionnelleavulejourenFlandrepourdéfendrelesintérêtsdesauteursdemusiquelégère.Unbreffocussursesactionsetsesenjeux.

Lesecteurdelamusiqueregroupedenombreuxacteursauxenjeuxtrèsdifférents.Lacatégoriedeprofessionnelsàlaquelleonpenseenpremier,cesontlesmusiciensinterprètes:cesonteuxquiretiennentleplusl’attentionparleursprestationssurscèneouleurprésencedanslesmédias.Maisàleurscôtésserencontrentdenombreusesautresprofessionsetfonctions,allantdesbookersauxorganisateursdeconcertsjusqu'auxblogueursetautresprescripteurs,enpassantparlesresponsablesdetournéesoulepersonneltechnique.

Lesgroupesd'intérêtreprésentatifssonttoutaussinombreux.Rienqu’ennaviguantsurlapageduCultuurloket(guichetflamanddelaculture),ontrouve11organisationsémanantdusecteurdelamusique,chacunereprésentantsonproprepublic.Onpeutciternotammentl'IFPI(pourlesproducteursdemusiquebelges),BEA(BelgianEntertainmentAssociation),quiœuvreàlapromotiondesproducteursdemusiqueetestégalementactivedanslesecteurdufilm,delavidéoetdesjeux)ouencoreBIMA(BelgianIndipendentMusicAssociation).

Pour les auteurs aussi Depuisquelquesannées,ilfautcompterégalementenFlandreavecla«GenootschapAuteursLichteMuziek”(GALM),SociétédesAuteursdeMusiqueLégèrequireprésentelescompositeursactifsdanslesgenrescommelapop,lerockoulejazz.Ils’agitd’uneassociationprofessionnellequientendreprésentersesmembresdansledébatpublic,etnonpasd’unorganismederecouvrementetdepaiementdesdroitsd’auteurcommelaSABAM,ouPlayright(quialemêmerôledecollecteetdistributionquelaSABAM,maispourlesdroitsdesartistesinterprètes),ouencoreSIMIM(sociétédegestionpourlesproducteursdeclipsvidéo).

GALMaétécrééofficiellementenjanvier2016.Jusqu'àcettedate,lesauteursdemusiquelégèren’étaientpassuffisammentprisencomptelorsdesconsultationssectorielles.Ens’unissant,ilssontdésormaismieuxenmesurededéfendreleursintérêts.

Lesauteurs-compositeursconstituentungroupeprofessionnelimportant.Ilspeuventécriredelamusiquepoureux-mêmesoupourd’autresmusiciens,surcommandeounon.Dansquelquescas,lesauteurscombinentleurrôledeparolieroudecompositeuravecuneactivitépluspubliqued’interprète.Ilsnesontpastoujourssouslesfeuxdelarampe,cependant,leurrôleestessentiel:ilfautbienquelachansonsoitécriteparquelqu’un.Pour

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palierleurmanquedevisibilitéetpeserdavantage,ilétaitprimordialpourcesacteursdel’ombredefaireconnaîtreleursrevendicationslebiaisd'uncollectif.

Leurorganisationleurpermetenoutre,d’entrerencontactlesunsaveclesautreslorsdedediversévénementsetderenforcerainsileurréseauenstimulantleséchanges.

Se faire entendre UnedespremièresmissionsqueGALMs’estassignéeestdereprésenterlescompositeursenmusiquelégèrelorsdeconsultationssectoriellesouauseind’organisationsactivesdanslesecteurdelamusique.C’estainsiquesonprésident,TomKestens,s’estportécandidatauconseild'administrationdelaSABAMlorsdeladernièreassembléegénérale.Ilaétééluetespère,parsonengagement,pouvoirmodernisercettesociétépourenfaire,selonsesdires,«unemaisonouverte,plusprocheaussibiendesclientsquedesauteursetdesayants-droit».

GALMtentedeconférerunemeilleurevisibilitéauxauteursetcompositeursenfaisantentendreleurvoixdanslapresse.DansunecarteblancheadresséeauMorgen

63,Tom

Kestensanotammentdénoncélesrémunérations,injustesselonlui,desmusiciens.Ill'afaitàl’occasiondeladisparitiondePrince,dépeintparKestenscommeunactivistedudroitd'auteurqui,saviedurant,aconstammentcombattulesgrandsacteursdel'internetquipubliaientsonœuvresansluiendemanderl’autorisationoulalaissaientpublierparleursutilisateurs-lesquels,notons-le,étaientsouventsespropresfans.Kestensarépétéàplusieursrepriseslemêmeargument:«lesboulangersnefontpasdepaingratuit»,«Letalentaaussibesoindenourriture»et«Iln'yapasderepasgratuit»…

L'évolutiontechnologiqueesttellementrapidequelamusiqueestconsomméeaujourd'huitrèsdifféremmentdecequ'elleétaitilyaquelquesannéesàpeine.Lesrémunérationsdesauteursnesontplusajustéesàlaconsommationdeleursproductionsvialestreaming,lestéléchargementsetlestockagedanslecloud.Parunelettreouverte,GALMavouluattirerl’attentionduministrefédéralKrisPeeterscompétentenmatièred’emploietd'économie,maiségalementdepropriétéintellectuellesurcetteréalitéetlemanqueàgagnerqu’ellereprésente,enréclamantunecompensationéquitableetl’établissementd’unetaxesurlescopiesàdomicile.Danslemêmecourrier,ilattiraitl’attentionduministresurlaréalitééconomiquedessociétésdegestionquis’avèredéfavorableauxauteursàplusd’untitre:longsdélaisentrel’encaissementdesdroitsd’auteursetleurredistributionauxayantsdroit,retenuestropimportantes,répartitioninéquitable,audétrimentdesauteurséconomiquementlesmoinsimportants.

Plusrécemment,enseptembre2018,Galms’estassociéaudébatsuscitéparlevoteauParlementeuropéend’une«directivesurledroitd'auteur».64L’associationn’apasparticipé

63 Tom Kerstens, De Morgen, 26 avril 2016. 64 Voir plus haut l’article de Quentin Anciaux.

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directementauxdiscussionspréparatoires,maisyétaitreprésentéeparlebiaisdel'Organisationinternationaledesartistes.

Cetteassociationsembleencoretropjeuneettroppeuvisiblepourpeserdemanièredécisivesurlesecteurmusical.Lesauteursontcependantbeaucoupàgagneràsefédérerautourd’uneorganisationquipuisseporterefficacementleursrevendications.

PouradhérerauGALMGALMs'adresseauxauteursdemusiquelégère,cequisignifiequ'aumoins60%devotretravaildoitapparteniràcettecatégorie.Vousdevezparailleursdéjàêtreaffiliéàunesociétédegestionbelge(SABAMouPlayright).Moyennantlerespectdecesconditions,devenirmembredeGALMestassezsimple:vousversez25€surlecomptedel’association,vousserezensuiteinformédesespositionsviadesnewsletterspendantuneannéecivileetvousserezinvitéauxévénementsqu’elleorganise.http://galm.be/

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Sourcesetressourcespartie3

Le FACIR, quand le secteur de la musique se fédère InterviewavecFabianHidalgo,lundi15octobre2018SitewebduFACIR:http://facir.be/SitewebdelaGuildedesArtistesMusiciens:http://lagam.org/

GALM : la musique se paie, comme le pain SiteWebdeGALM:http://galm.be/

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4—CONTACTER

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AdressesutilesPouvoirs publics ServicegénéraldelaCréationartistique

LeServicegénéraldelacréationartistiquemetenœuvreunepolitiquedesoutien,d’encouragementetdepromotiondelacréationartistique.Enmatièremusicale,ilrépartitsesinterventionsselondeuxtypes:lamusiqueclassiqueetcontemporaine;lesmusiquesnonclassiques,«secteurquicouvrelachansonfrançaise,lerock,lapop,l’électro,lesmusiquesurbaines,lejazz,lefolk,leblues,lesmusiquesdumonde,lachansonjeunepublicetlesmusiquesdescène(danseetthéâtre).»http://www.creationartistique.cfwb.be/index.php?id=artsscene_accueilWallonie-BruxellesInternationalWallonie-BruxellesInternational(WBI)estl’agencechargéedesrelationsinternationalesWallonie-Bruxelles.Elleestl'instrumentdelapolitiqueinternationalemenéeparlaWallonie,laFédérationWallonie-BruxellesetlaCommissioncommunautairefrançaisedelaRégiondeBruxelles-Capitale.http://www.wbi.be/fr

Wallonie-BruxellesMusiquesWallonie-BruxellesMusiques(wbm)estuneagencepubliquespécialiséedanslesoutienàl’exportationdusecteurmusicaldelafédérationWallonie-Bruxelles.L’agenceassurelapromotiondesmusicien·ne·sissu·e·sdeWallonieetdeBruxellesauprèsdespublicsprofessionnelsétrangers.https://www.wbmusiques.be/

Groupements professionnels Fédérationinternationaledesmusiciens

«LaFédérationInternationaledesMusiciens,fondéeen1948,représenteauniveaumondiallessyndicatsdemusiciensetleursorganisationsreprésentativeséquivalentes.Àcejour,ellecompteenviron70membresdans60pays.»https://www.fim-musicians.org/frFACIR

«LaFédérationdesAuteursCompositeursetInterprètesRéunis,cesontplusde800membres,tousstylesdemusiquesconfondus,quis’associentpourêtremieuxreprésentés,mieuxécoutés,mieuxentendusparlespolitiquesetlespartenairesculturels.»http://facir.be/

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GALM(UnitingArtistsInMusic)

«GALMreprésentelesintérêtsprofessionnels,juridiques,matérielsetcréatifsdesauteurs,compositeursetinterprètes»dansledomainedelamusiquelégère.http://galm.be

Sociétés d’auteurs SABAM

LaSabamapourobjetlaperception,larépartition,l'administrationetlagestiondetouslesdroitsd'auteurenBelgiqueetdanslesautrespaysoùsontconclusdescontratsderéciprocité.Par le biais d’aides financières, Sabam For Culture soutient ses membres dans ledéveloppementdeleurcarrièreartistique,enBelgiqueetàl’étranger.https://www.sabam.be/frSACD

LaSACDgèrelesdroitsd’auteurpourlamusiquedescène.Elleexerceaussiuneactiondesoutienauxcréateurspardesboursesetdiversesformulesd’accompagnement.https://www.sacd.be/fr/Playright

PlayRightestlasociétébelgequisechargedelagestioncollectivedesdroitsvoisinsdesartistes-interprètesouexécutants.www.playright.be/fr/

Associations diverses ConseildelaMusiqueCrééen1981,leConseildelaMusiqueestuneasblquiapourobjectifd’informer,deconseilleretdepromouvoirlesecteurmusicalenFédérationWallonie-Bruxelles,qu’ilreprésentesurlascèneinternationaleauprèsduConseilInternationaldelaMusiquedel'UNESCOetauprèsduConseilEuropéendelaMusique.IlestégalementmembreduréseaueuropéenELMA,TheEuropeanLiveMusicAssociation.www.conseildelamusique.be

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MaisondesMusiquesDepuis1999,leConseildelaMusiquegèreàBruxelleslaMaisondesMusiques,lieud'accueildedifférentesinstitutionsmusicalesdelaFédérationWallonie-Bruxelles.RueLebeau,39-1000BruxellesT.+32(0)25501320info@conseildelamusique.beCourt-CircuitCourt-Circuitestuneassociationd’opérateurs,diffuseursetorganisateursdeconcertsoeuvrantàlaprofessionnalisationdesmusiquesactuellesenFédérationWallonie-Bruxelles.Cecentrederessourcess’estdonnépourmissiondeconseilleretinformerlesmusiciens,accompagneretpromouvoirlesartistes,faciliterlamiseenréseaudesprofessionnelshttps://www.court-circuit.be/

LézartsUrbainsLézartsUrbainsestuneassociationactivedanslechampsocio-artistiquedesculturesurbaineset,enparticulierduhiphop,enFédérationWallonie-Bruxelles.Ellemèneuneactiondiversifiéed’accompagnementetdesoutiendeprojetsartistiques,d'organisationd’évènements,deréflexion,ainsiquedeformation,etd’animationenateliers.http://lezarts-urbains.be/

LesLundisd'HortenseasblUneassociationdemusiciensœuvrantpourladiffusionetlapromotiondanslesecteurcultureldujazzbelge.Organisationdeconcerts,coordinationdestournées«JazzTour»serviced'informationssurlejazzbelgevialesiteinternetJazzinBelgium,éditiond’unjournaltrimestrielLeJazzd'Hortense.L’associationestconsidéréeenBelgiquecommeuninterlocuteurprivilégiédespouvoirspublics.http://www.leslundisdhortense.be/https://www.jazzinbelgium.com/

Du côté flamand Poppunt est le centre d’information, de conseil et de promotion du secteur musical enCommunauté flamande. Poppunt met à la disposition des musiciens différents types deressources et publications, comme un magazine trimestriel et des guides spécifiques auparcoursmusical,ainsiqu’uneplateformedestinéeàtoutessortesd’appelsàcandidaturesenligne(tremplins,festivals,capsulesvidéo…).http://poppunt.be/

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Remerciements MerciauxcollèguesdeSMartquiontrenducetteétudepossible.

RogerBURTONetGiuliettaVICENZIpourlapréparationdesdonnéesfourniesàPierreBATAILLEetLouisedeBRABANDÈRE.

Martin COLLET, Barbara KLEPMAN, Joseph MEERSSEMAN, Bernard MOISSE et ClaudeONGENApourleursconseilsetlesinformationsquiontnourrilesommairedecetteétude.

CetteétudebénéficiedusoutiendelaFédérationWallonie-Bruxelles.ServiceEducationpermanente.