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BBF 2004 Paris, t. 49, n o 2 62 Les statistiques obtenues du système informatique de gestion ne permet- tent pas, cependant, de substituer à cette connaissance intuitive une me- sure exacte de certaines pratiques. Par exemple, la multifréquentation. En interrogeant le compte d’un lec- teur à un instant donné, on peut voir s’il a emprunté des documents dans plusieurs bibliothèques du réseau. Mais l’historique de ces emprunts n’étant pas exploitable, le système ne permet pas de savoir combien de lec- teurs inscrits utilisent simultanément ou successivement dans une année deux ou plusieurs bibliothèques. Pour l’estimer, seule une enquête est susceptible d’apporter les éléments nécessaires. Quant au terme de familiarité évoqué plus haut, il renvoie au rap- port que les usagers entretiennent avec « leur(s) » bibliothèque(s), qu’ils la (ou les) fréquentent ou non, d’ail- leurs. Mais la familiarité s’oppose ici d’abord à l’étrangeté, ou à l’igno- rance. À nouveau, le recours à l’en- quête apparaît comme la manière la plus sûre de mesurer le niveau de connaissance que le public peut avoir des bibliothèques qui lui sont propo- sées sur son territoire, précisément d’un bout à l’autre du spectre, de l’ignorance à la familiarité. Le réseau des bibliothèques de la ville de Paris a pu faire réaliser en 2003 une vaste enquête de public, dont les résultats apportent sur des questions comme celles posées ci- dessus des éléments d’appréciation particulièrement utiles. Mais il est bien d’autres aspects de l’activité des bibliothèques parisiennes, et de leurs perspectives de développement, que cette enquête éclaire. Dans la syn- thèse que nous en proposons ici, nous mettrons tout particulièrement l’accent sur deux points : la question de la distance, géographique mais aussi sociale et culturelle, et la par- ticularité du contexte culturel pa- risien. Ces deux axes, on le verra, conditionnent en profondeur toute réflexion sur la nature et l’évolution de l’offre de bibliothèque à Paris. Une familiarité distante Enquête sur le public des bibliothèques municipales parisiennes D ans le n o 6 de 2003 du BBF, Bertrand Calenge intitulait son compte rendu de l’enquête menée sur le public de la bibliothèque municipale de Lyon « Publics nomades, bibliothèque familière ». Le nomadisme des usagers est un phénomène qu’un réseau comme celui des bibliothèques municipales parisiennes, proche par beaucoup d’aspects de celui de Lyon, connaît bien. Les professionnels en ont depuis longtemps une perception intuitive, qu’il s’agisse d’un nomadisme purement géographique à l’intérieur du réseau parisien, ou du plus subtil vagabondage des lecteurs dans les collections comme dans les services. Yves Alix Service scientifique des bibliothèques de la Ville de Paris [email protected] Stéphane Wahnich SCP Communication [email protected] BIBLIOTHÈQUES ET PROXIMITÉ

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    Les statistiques obtenues du systèmeinformatique de gestion ne permet-tent pas, cependant, de substituer àcette connaissance intuitive une me-sure exacte de certaines pratiques.Par exemple, la multifréquentation.En interrogeant le compte d’un lec-teur à un instant donné, on peut voirs’il a emprunté des documents dansplusieurs bibliothèques du réseau.Mais l’historique de ces empruntsn’étant pas exploitable, le système nepermet pas de savoir combien de lec-teurs inscrits utilisent simultanémentou successivement dans une annéedeux ou plusieurs bibliothèques.Pour l’estimer, seule une enquête estsusceptible d’apporter les élémentsnécessaires.

    Quant au terme de familiaritéévoqué plus haut, il renvoie au rap-port que les usagers entretiennentavec « leur(s) » bibliothèque(s), qu’ilsla (ou les) fréquentent ou non, d’ail-leurs. Mais la familiarité s’oppose icid’abord à l’étrangeté, ou à l’igno-rance. À nouveau, le recours à l’en-quête apparaît comme la manière la

    plus sûre de mesurer le niveau deconnaissance que le public peut avoirdes bibliothèques qui lui sont propo-sées sur son territoire, précisémentd’un bout à l’autre du spectre, del’ignorance à la familiarité.

    Le réseau des bibliothèques de laville de Paris a pu faire réaliser en2003 une vaste enquête de public,dont les résultats apportent sur desquestions comme celles posées ci-dessus des éléments d’appréciationparticulièrement utiles. Mais il estbien d’autres aspects de l’activité desbibliothèques parisiennes,et de leursperspectives de développement, quecette enquête éclaire. Dans la syn-thèse que nous en proposons ici,nous mettrons tout particulièrementl’accent sur deux points : la questionde la distance, géographique maisaussi sociale et culturelle, et la par-ticularité du contexte culturel pa-risien. Ces deux axes, on le verra,conditionnent en profondeur touteréflexion sur la nature et l’évolutionde l’offre de bibliothèque à Paris.

    Une familiarité distanteEnquête sur le public des bibliothèques

    municipales parisiennes

    Dans le no 6 de 2003 du BBF, Bertrand Calenge intitulait son compte rendu de

    l’enquête menée sur le public de la bibliothèque municipale de Lyon « Publics

    nomades, bibliothèque familière ». Le nomadisme des usagers est un phénomène

    qu’un réseau comme celui des bibliothèques municipales parisiennes, proche par

    beaucoup d’aspects de celui de Lyon, connaît bien. Les professionnels en ont depuis

    longtemps une perception intuitive, qu’il s’agisse d’un nomadisme purement géographique à

    l’intérieur du réseau parisien, ou du plus subtil vagabondage des lecteurs dans les collections

    comme dans les services.

    Yves Alix

    Service scientifiquedes bibliothèquesde la Ville de Paris

    [email protected]

    Stéphane Wahnich

    SCP [email protected]

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    RENQUÊTE SUR LE PUBLIC DES BIBLIOTHÈQUES MUNICIPALES PARISIENNES

    Portrait des lecteurs,portrait des Parisiens ?

    La comparaison des résultats obte-nus sur la population parisienne etcelle des fréquentants fait apparaîtreplusieurs différences notables.• Un public jeune : la moyenned’âge des usagers est de 37,8 ans,contre 43,3 pour l’ensemble des Pari-siens. En fait, la forte présence parmiles usagers des tranches 15-18 ans et18-24 ans n’est pas équilibrée parcelle des plus de 60 ans, qui ne sontque 13 % à fréquenter pour 21 % de lapopulation ; le déficit de fréquenta-tion parmi les retraités et les per-sonnes âgées semble un trait plus accusé à Paris qu’ailleurs. Doit-on yvoir un des effets du caractère peu ac-cueillant des bibliothèques (bruyan-tes, trop petites, inconfortables), quidétournerait d’elles ce public, oucette désaffection est-elle liée à uneoffre culturelle abondante, musées,conférences, théâtre, etc., venant enconcurrence avec la bibliothèque ?• Sur le plan de l’équilibre homme/femme, on ne constate pas unegrande différence au niveau global(56 % des usagers sont des femmes,pour 54 % dans la population), maisdes disparités accusées dans latranche 15-18 ans (71 % des usagers :les jeunes lecteurs sont des lectrices,cela n’étonnera personne) et chez lesplus de 60 ans ; dans ce dernier cas,laproportion des femmes parmi les usa-gers se rapproche naturellement descourbes démographiques.

    • Un public relativement aisé : lesbibliothèques parisiennes ont beauêtre ouvertes à tous (accès et inscrip-tion au prêt des livres sont gratuits),les bibliothécaires pour la jeunessefaire un remarquable travail auprèsdes populations défavorisées, la réa-lité constatée ailleurs n’en est pas

    moins vraie ici : 30 % des usagers sontdes cadres supérieurs (21 % parmi lapopulation parisienne,ce qui est déjàélevé par rapport à la moyenne natio-nale),37 % sont des inactifs (21 % desParisiens). Les autres catégories sontsous-représentées : les ouvriers, quireprésentent 7 % des Parisiens, sont

    Auparavant directeur du projet de bibliothèquedu cinéma de la ville de Paris, Yves Alix est chef du service scientifique des bibliothèques dela ville de Paris. Il est auteur de Ouvrages deréférence sur la musique et les phonogrammes(Cercle de la librairie, 1982), a contribué àMusique en bibliothèques (Cercle de la librairie,1993) et a dirigé Le droit d’auteur et lesbibliothèques (Cercle de la librairie, 2000).

    Stéphane Wahnich, directeur de l’institutd’études et de sondages SCP Communication, est professeur associé à l’université de Paris XII. Il a coécrit Le Pen, les mots : analyse d’un discoursd’extrême droite (La Découverte, 1998) et La communication politique locale (Que sais-je ?,1995).

    Fiche technique

    Il nous paraît utile, pour replacer leschoses dans leur cadre, de dire un mot ducontexte dans lequel cette enquête s’estinscrite. À l’origine, deux facteurs conco-mitants : un rapport commandé en 2000à une chargée de mission sur l’état del’informatisation du réseau1, et un projetd’actualisation du schéma directeur d’im-plantation des bibliothèques, demandéau service scientifique et plus précisé-ment, au sein de celui-ci, à la mission Éva-luation et prospective. Dans les deux cas,le besoin de disposer d’une photogra-phie récente du public parisien et d’uneévaluation de ses attentes s’est manifestétrès tôt. En effet, la dernière enquêteproprement consacrée au public des bi-bliothèques municipales parisiennes re-montait à 1989 et n’était plus utilisable2 ;plus récente, l’enquête commandée en1997 par l’OPLPP (Observatoire perma-nent de la lecture publique à Paris) trai-tait de l’ensemble des bibliothèques pu-bliques sises sur le territoire parisien, etpas des seuls établissements de la ville3. Ilimportait donc qu’une nouvelle étudesoit menée, dont les résultats aideraient

    à fixer les orientations d’un nouveauschéma directeur et à définir au plus prèsdes besoins l’offre de services en matièreinformatique. Cependant, pour des raisons, disons,« administratives », le travail n’a pu êtreentrepris qu’au printemps 2003. Un co-mité de pilotage a été mis en place pourdéfinir le périmètre de l’enquête et ac-compagner ensuite sa réalisation. À l’is-sue d’un appel d’offres, c’est la sociétéSCP Communication qui a été retenue.L’enquête (constituée d’études qualita-tives et quantitatives auprès des Parisienset des fréquentants) a été menée en juinet les résultats présentés à partir de sep-tembre, la restitution se faisant successi-vement devant les professionnels puis lesélus, jusqu’en mars 2004.

    Le sondage de SCP Communication a étéréalisé sur deux échantillons distincts : • 822 personnes, représentatives par

    type de bibliothèque et par jour de fré-quentation, ont été interrogées enface à face à la sortie des bibliothèques(échantillon des « fréquentants »).

    • 1 006 personnes, résidant à Paris, ontété interrogées par téléphone (échan-tillon des « Parisiens », représentatifpar catégorie d’âge, de sexe, de pro-fession et par arrondissement de l’en-semble de la population, établi d’aprèsles statistiques de l’INSEE).

    Parallèlement au sondage, SCP a réalisédeux enquêtes qualitatives (entretienssemi-directifs, individuels, en face àface) : la première auprès d’un échan-tillon mixte composé de 30 Parisiens,30 fréquentants et 10 travailleurs pari-siens ne résidant pas à Paris, la secondeauprès de 12 « acteurs », c’est-à-dire dereprésentants de collectivités travaillantavec les bibliothèques (crèches, associa-tions, écoles, etc.).Les résultats détaillés de l’ensemble sontconsultables sur papier ou sur cédéromau Centre de documentation des métiersdu livre et des bibliothèquesBibliothèque Buffon, 15 bis rue Buffon75005 Paris, tél. 01 45 35 69 00.

    1. Le système intégré de gestion qui équipeles bibliothèques de prêt (à l’exception decinq petits établissements qui n’ont pas étéreliés) est PLUS de Geac. En 1998, pour desraisons complexes, le raccordement à ce système des bibliothèques spécialisées et patrimoniales, prévu dès le début de l’infor-matisation, a été reporté sine die. Dans lecadre du nouveau schéma directeur informa-tique de la ville, mis en place en 2002, le pro-cessus est relancé : informatisation des biblio-thèques spécialisées et remplacement dePLUS dans les bibliothèques de prêt sont pro-grammés pour la période 2004 -2006.2. « Définition d’une stratégie d’améliorationdes services et de développement de la clien-tèle des bibliothèques parisiennes », MV2Conseil, février 1990.3. Cette enquête riche de renseignements, enparticulier sur l’image des bibliothèques, lamultifréquentation et les pratiques du publicétudiant, a fait l’objet d’un compte rendudans le BBF : « Pratiques des bibliothèques à Paris : résultats d’une enquête de l’OPLPP »,par Aline Girard-Billon et Jean-FrançoisHersent, BBF, no 4, 1998.

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    2 % à fréquenter, les commerçants1 % (4 % de la population), les em-ployés 10 % (15 % des Parisiens).Plusspécifique à Paris, la faible présenceparmi les fréquentants des profes-sions intermédiaires : 9 % des usagers,pour 14 % de la population,alors queces catégories sont en général bienreprésentées en bibliothèque.• Un public instruit : la forte repré-sentation de ceux qui ont atteint le ni-veau des études secondaires ou supé-rieures dans la population (63 %),explicable par le nombre d’étudiantscomme par l’importance des profes-sions intellectuelles sur le territoireparisien, est encore plus fortementaccentuée en bibliothèque : 75 % desusagers. Inversement, les Parisiensayant un niveau d’études de find’école primaire, qui sont 9 % de lapopulation, ne sont que 3 % à fré-quenter les bibliothèques.

    Un dernier trait qui mérite d’êtresouligné ici permet de pointer unedes raisons, peut-être insoupçonnéejusque-là, expliquant pourquoi les bibliothèques parisiennes, dans uncontexte pourtant socialement et cul-turellement favorable, restent légè-rement en retard sur la moyenne na-tionale pour le taux d’inscrits parrapport à la population1 : la difficultéà fidéliser sur le long terme. Les nou-veaux habitants, qui le plus souventont une large habitude de fréquenta-tion antérieure (BM ou BU), commel’a confirmé d’ailleurs l’enquête quali-tative, sont de forts usagers des bi-bliothèques parisiennes. Mais plusleur résidence est longue, plus leurfréquentation diminue : la tranche depopulation où l’écart entre fréquen-tants et habitants est le plus impor-tant est celle des Parisiens habitant lacapitale depuis plus de vingt ans :38 % contre 46 %.Ceux qui voudrontaller tout de suite à une conclusiontrop évidente n’hésiteront pas : les bi-bliothèques parisiennes fabriquentdes déçus…

    Des pratiques culturellesfacilitées

    Les Parisiens bénéficient d’un tauxd’équipement élevé en matériel au-diovisuel et informatique : lecteursde disques compacts (82 %), micro-ordinateurs (72 %), magnétoscopes(80 %), lecteurs de DVD (55 % – cetaux est bien sûr celui qui progressele plus vite aujourd’hui),lecteurs MP3(22 %). Chez les fréquentants, cespourcentages varient sensiblementselon que le matériel donne accès àune consommation culturelle plus oumoins populaire : ainsi, 21 % des usa-gers ont un caméscope, contre 27 %des Parisiens. Mais l’écart est trèsfaible,en revanche,pour les micro-or-dinateurs, les lecteurs MP3 et lesaccès Internet.

    67 % des Parisiens, 79 % des usa-gers utilisent aujourd’hui Internet.Ce taux élevé, de fait, ne trouve pas sa traduction en terme de servicedans les bibliothèques parisiennes :le nombre d’accès Internet offert aupublic est faible et le catalogue des bibliothèques de prêt n’est pas en-core en ligne. Nous reviendrons plusloin sur l’insatisfaction engendrée parcette faiblesse de l’offre.

    Outre ce taux enviable d’équipe-ment, les Parisiens bénéficient d’uneoffre culturelle surabondante.Les usa-gers des bibliothèques sont les pre-miers à profiter de cette offre (ta-bleau 1).

    Si la vie à Paris, qui concentrel’offre culturelle plus que partoutailleurs, et la sociologie de la capitalefavorisent une forte fréquentation, ilest clair que les fréquentants des bi-bliothèques,dont le profil d’ensemblea manifestement les traits du « privi-légié » culturel, capitalisent les pra-tiques multiculturelles.

    On ne peut pas dire que ces résul-tats viennent bouleverser le portraitdéjà brossé par d’autres enquêtes,qu’elles soient nationales ou locales.Cependant, un élément complémen-taire mérite d’être pris en compte :quand on demande aux Parisienscomme aux usagers de citer des lieuxculturels qu’ils ont fréquentés lesdouze derniers mois écoulés, ce sontles lieux les plus évidents qui sontcités en premier, dans une liste quipourrait être celle donnée par un tou-riste : le Louvre (34 %), le CentrePompidou, Orsay, La Villette, le GrandPalais, « des » expositions, « des » ci-némas, etc. Galeries d’art et centresculturels ne sont cités que par 2 %des interrogés. Même en tenantcompte du caractère neutre de cer-taines réponses (« je cite ce que toutun chacun aurait cité à ma place »),une telle hiérarchie révèle deuxchoses : l’absence d’ancrage local dela consommation culturelle (il n’y apas de lieux culturels de proximitéqui soient assez fédérateurs pour seretrouver en pourcentage significatifdans les réponses) et le caractère de

    Pratiquent très Ne pratiquentrégulièrement jamais

    Cinéma Parisiens 13 14Fréquentants des BM 19 7

    Location de vidéos Parisiens 9 58Fréquentants des BM 8 60

    Théâtre Parisiens 10 35Fréquentants des BM 15 23

    Concert Parisiens 10 39Fréquentants des BM 16 25

    Musées, expositions Parisiens 21 22Fréquentants des BM 34 9

    Tableau 1. Pratiques culturelles des Parisiens (en %)

    1. 15,7 % contre un peu moins de 18 %. Il y abien sûr d’autres raisons : certaines serontévoquées plus loin.

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    plus en plus massif, unificateur, despratiques culturelles dominantes.

    Pour les bibliothèques municipalesparisiennes, il y a en tout cas,dans ceconstat, un défi majeur à relever : re-donner aux bibliothèques de quartierune dimension d’action culturelle quisoit de nature à les faire appréhenderpar le public comme les lieux natu-rels,au niveau local,de l’activité et dupartage culturel. Du chemin à faire,quand on sait qu’il n’y a pratique-ment plus d’espaces pour l’animationdans les bibliothèques du réseau,toutce qui avait été aménagé dans les an-nées 1970 et 1980 ayant été récupéréà d’autres fins, parce qu’entre-tempsl’action culturelle était passée demode…

    Sur les lieux culturels les plus fré-quentés, on notera d’ailleurs que lesbibliothèques arrivent en queue deliste : BPI 3 %, BnF 3 %, « biblio-thèques » (sans précision) 2 %.Preuve,en dépit de la politique dynamiquedes deux institutions citées, qu’ellesne sont pas encore connotées majori-tairement comme des lieux culturels(c’est-à-dire où on consomme de l’évé-nement culturel ou du patrimoineculturel mis en scène),et restent dansl’esprit du public des lieux d’étude.

    56 % de non-usagersabsolus

    33 % des Parisiens interrogés dé-clarent être inscrits dans une biblio-thèque, 17 % en fréquenter une sansêtre forcément inscrits. (Pour mé-moire, les 333 170 inscrits des BM parisiennes en 2002 représentent15,7 % de la population parisienne,recensement de 1999). Si on pose laquestion d’une autre façon (car l’ad-dition des 33 et 17 % n’est pas opéra-toire),on obtient comme résultat que44 % des Parisiens interrogés disentavoir un rapport quelconque avecune bibliothèque. Il reste donc 56 %de non-fréquentants absolus. Quisont-ils ?

    S’ils sont un peu plus nombreuxparmi les employés,les ouvriers et les

    retraités, un peu moins nombreuxchez les inactifs (terme qui englobeles étudiants, ceci explique cela), lesdifférences ne sont pas spectacu-laires, celles relatives au sexe ou àl’âge non plus. Il faut donc se rendre à l’évidence : les non-usagers absolus,à l’exception des scolaires,public par-tiellement captif,sont « monsieur toutle monde » ; ils se répartissent unifor-mément sur l’ensemble des actifs.S’ils ne fréquentent pas, c’est doncpour d’autres raisons (tableau 2).

    Si le manque de temps est la raisonle plus souvent invoquée, le peu degoût (ou de facilité) pour la lecture,la préférence pour l’achat ou le sen-timent de posséder assez de livres interviennent aussi. Cependant, lesfaibles taux attribués aux autres rai-sons avancées semblent montrerqu’une bonne partie de ces non-usa-gers pourraient le devenir – ou le re-devenir : 67 % des sondés déclarentavoir déjà fréquenté une biblio-thèque auparavant 2 –, mais en sonttenus à distance soit par une imagefausse, soit par une méconnaissanceplus ou moins profonde du serviceoffert.

    De la distance géographique

    Paradoxe du réseau parisien :constitué comme un maillage d’équi-pements de quartier, à taille variable,en principe adapté à la population àdesservir, il est aujourd’hui plus vo-lontiers perçu par les professionnelscomme un ensemble centralisé, dontl’unité repose sur l’existence d’unecarte d’inscription unique et d’un ca-talogue commun.Dans la perspectiveinitiale de l’informatisation, cet en-semble devait intégrer aussi les bi-bliothèques spécialisées 3, au fur et àmesure de leur intégration dans le ca-talogue unique. Les événements enont décidé autrement, et plus encorela décision politique : depuis la loi du27 février 2002 renforçant la démo-cratie de proximité, les bibliothèquesde quartier relèvent de la compétencedes conseils d’arrondissement, tandisque les bibliothèques spécialiséessont restées dans le giron du Conseilde Paris. L’ancrage dans le quartierdes bibliothèques de prêt est donc ré-affirmé ; cependant le paradoxe necesse pas puisque le catalogue collec-tif et la carte unique valable partoutn’ont pas été remis en cause.

    C’est dans ce contexte très désta-bilisant pour les bibliothécaires (etpour leur administration centrale,d’ailleurs),que se pose la question dela proximité des bibliothèques pourle public. Question rien moins quenouvelle cependant, puisqu’elle étaitdéjà posée en 1975,quand fut adoptéle premier schéma directeur d’im-plantation des bibliothèques pari-siennes : en effet, une étude avaitalors montré qu’au-delà d’une dis-

    Raison %

    Pas le temps 31

    Pas intéressé, lit peu ou pas 23

    Dispose d’assez d’ouvrages 15

    Problème d’accès (transports…) 5

    Problème d’horaires, de jours d’ouverture 4

    Ne connaît pas 3

    Problème de cadre, de fonctionnement 2

    Autres 7

    NSP 15

    Tableau 2. Pourquoi n’êtes-vous pasinscrit ou ne fréquentez-vous pas

    une bibliothèque ? (question poséeà l’ensemble des Parisiens)

    2. Les bibliothèques initialement fréquentées parces non-usagers : BM en régions ou en banlieue,bibliothèques étrangères, BU, BPI…

    3. Pour mémoire, les établissements que l’ondénomme ainsi sont : la Bibliothèque historiquede la ville de Paris, la Bibliothèque administrativede la ville de Paris, la bibliothèque Forney, laBilipo (Bibliothèque des littératures policières), labibliothèque Marguerite Durand, la Bibliothèquedes arts graphiques, le fonds historique de labibliothèque de l’Heure joyeuse, la Bibliothèquedu cinéma actuellement à la bibliothèque AndréMalraux, la Médiathèque musicale de Paris poursa partie Archives sonores et Documentation, lefonds Tourisme et voyages à la bibliothèqueTrocadéro et le Centre de documentation sur lesmétiers du livre et des bibliothèques à labibliothèque Buffon.

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    Arr. Nom biblio. Total Paris Banlieue Province, Erreurs, Total Arr./total Paris/totalétranger inconnus (en %) (en %)

    La Fontaine 1 607 147 25 4 1 783 21,6 90,11 Louvre 725 174 21 3 923 50,7 78,5

    MMP 7 367 4 132 271 20 11 790 3,2 62,52 Vivienne 2 207 364 40 5 2 616 46,8 84,43 Temple 1 997 102 36 1 2 136 70,6 93,5

    4Baudoyer 3 046 383 46 3 3 478 54,3 87,6Personnel 411 521 49 1 982 1,9 41,9Buffon 6 261 1 772 189 23 8 245 31,5 75,9

    5Heure Joyeuse 1 969 315 23 4 2 311 46,5 85,2Mouffetard 9 733 1 089 122 21 10 965 56,0 88,8Port-Royal 5 244 716 70 14 6 044 30,3 86,8

    6 André Malraux 10 502 1 689 152 25 12 368 36,3 84,9

    7Amélie 3 388 244 43 1 3 676 69,3 92,2Saint-Simon 2 101 449 35 5 2 590 61,6 81,1

    8Courcelles 3 502 195 23 1 3 721 45,0 94,1Europe 1 866 352 23 2 2 243 58,4 83,2

    9Drouot 1 048 226 20 1 1 295 49,0 80,9Valeyre 7 046 364 41 10 7 461 64,2 94,4Château d’Eau 2 827 229 53 3 3 112 69,9 90,8

    10 François Villon 7 118 396 106 16 7 636 42,1 93,2Lancry 2 012 120 36 2 2 170 71,9 92,7

    11Faidherbe 12 418 756 73 14 13 261 65,2 93,6Parmentier 7 860 333 89 3 8 285 68,5 94,9

    12Picpus 13 496 1 363 193 6 15 058 66,2 89,6Saint-Éloi 4 380 372 88 6 4 846 74,5 90,4Glacière 5 187 261 37 23 5 508 60,8 94,2

    13 Italie 6 864 888 118 29 7 899 73,4 86,9J.-P. Melville 17 898 3 913 336 76 22 223 63,0 80,5Georges Brassens 7 895 358 76 8 8 337 89,0 94,7

    14 Plaisance 4 312 224 29 3 4 568 68,2 94,4Vandamme 6 172 626 89 7 6 894 62,4 89,5Beaugrenelle 12 406 735 130 11 13 282 77,3 93,4

    15 Gutenberg 3 555 79 12 1 3 647 90,9 97,5Vaugirard 7 971 258 92 2 8 323 90,3 95,8

    16 Trocadéro 11 315 1 069 155 65 12 604 73,7 89,8Batignolles 6 346 360 78 3 6 787 72,5 93,5

    17Brochant 1 562 55 8 1 1 626 84,6 96,1Edmond Rostand 8 954 871 85 6 9 916 75,8 90,3Plaine Monceau 1 034 70 5 1 109 84,6 93,2Clignancourt 19 969 925 120 11 21 025 81,4 95,0

    18Goutte d’Or 3 622 309 83 5 4 019 72,9 90,1Maurice Genevoix 2 200 77 13 1 2 291 88,2 96,0Porte Montmartre 1 260 194 12 1 466 78,0 85,9Benjamin Rabier 3 888 132 74 4 4 098 89,6 94,9Crimée 2 759 53 16 1 2 829 93,0 97,5

    19Fessart 3 037 50 12 3 099 74,0 98,0Flandre 3 715 328 93 2 4 138 75,6 89,8Hergé 2 745 192 48 5 2 990 63,7 91,8Place des Fêtes 4 693 197 28 4 918 76,5 95,4Couronnes 6 134 240 111 13 6 498 66,1 94,4

    20Saint-Blaise 4 886 162 72 1 5 121 90,2 95,4Saint-Fargeau 4 773 159 16 1 4 949 88,4 96,4Sorbier 2 271 33 7 2 2 313 93,3 98,2

    Total 287 554 29 621 3 822 475 321 472 – 89,4

    Source : Rapport d’activité des bibliothèques de la Ville de Paris, 2002, Service scientifique des bibliothèques, Mission évaluation et prospective.MMP : Médiathèque musicale de Paris (anciennement nommée « Discothèque des Halles »).

    Tableau 3. Arrondissement de résidence des inscrits en 2002 – bibliothèques informatisées : fréquentation

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    tance de 800 mètres, l’usage de la bi-bliothèque diminuait sensiblement ;c’était l’argument principal pour un maillage serré d’équipements dequartier,à réaliser alors presque com-plètement.

    Qu’en est-il aujourd’hui ? Ces don-nées sont plus que jamais d’actualité !Au-delà de 800 mètres de distance sé-parant la bibliothèque du domicile, lenombre d’inscrits diminue, passantde 33 % de déclaration à 25 %. Laconnaissance des bibliothèques dimi-nue avec la distance : si 74 % des Pari-siens en moyenne connaissent unebibliothèque municipale, ils ne sontplus que 64 % quand la bibliothèquela plus proche est éloignée de plus de800 mètres. L’éloignement de la bi-bliothèque semble même jouer unrôle non négligeable dans la construc-tion de l’image de la bibliothèque :57 % des Parisiens jugent que les bi-bliothèques de Paris s’adressent « toutà fait » à tous, mais ce pourcentagetombe à 47 % quand la bibliothèque laplus proche est à plus de 800 mètres.

    La bibliothèque éloignée est unétablissement qu’on fréquente moinsvolontiers,et qu’on connaît donc malou même pas du tout : l’image de labibliothèque est dans ce cas, soitfausse, soit trop floue pour mériterqu’on la vérifie. Par ailleurs, pour unusage indifférencié (nous entendonspar là : pour ce qu’en font les lecteursmajoritairement, c’est-à-dire, pourschématiser, leur marché de produitsfrais culturels, et non pour une re-cherche spécifique, laquelle justifieraun plus long déplacement), les usa-gers vont à la bibliothèque de quar-tier régulièrement, parfois dans lecadre d’un parcours multiple,courses,démarches administratives, crèche,etc., et donc privilégient un déplace-ment simple – on va à la bibliothèqueen métro ou en autobus (30 %) oumieux encore à pied (58 %) –, et recherchent un déplacement peugourmand en temps : aller dans unebibliothèque éloignée est souvent sy-nonyme de complication (change-ment de ligne de métro ou de bus,franchissement d’obstacles naturels

    tels que boulevard à circulation auto-mobile intense, voies de chemin defer, fleuve, ensemble monumental,etc.), et donc de perte de temps. Letemps, ce qui manque le plus auParisien et ce qui l’empêche en pre-mier d’aller en bibliothèque… 31 %des fréquentants déclarent mettremoins de cinq minutes pour allerdans la bibliothèque où ils ont été in-terrogés.

    Cet ancrage dans l’arrondissement,et plus encore dans le quartier, n’estpourtant pas incompatible avec untaux élevé de déplacement, propred’ailleurs aux grandes agglomérationset singulièrement à la région pari-sienne. 26 % des Parisiens travaillenthors de la capitale, 22 % des fréquen-tants. Nous sommes des populationsde « commuters » urbains. Il n’est pasinintéressant de noter aussi, au pas-sage,que 12 % des fréquentants de bi-bliothèques municipales parisiennesrésident hors de Paris, jusque dans leVal-d’Oise (1 %) ou l’Essonne (1 %).

    À l’intérieur de Paris même,l’usagedes bibliothèques est bien plus sou-vent tributaire d’une proximité plusfondée sur la commodité et la duréedu déplacement que sur la distanceen mètres : c’est ainsi, comme lemontre le tableau 3 (en page 67) tirédu rapport d’activité 2002 des biblio-thèques, que la part des résidants del’arrondissement dans le total des ins-crits varie selon les bibliothèques de21 à 93 %4.Une bibliothèque commeFrançois Villon, par exemple, située àla limite du XIXe et du Xe arrondisse-ment mais située dans ce dernier, n’aque 42,1 % de ses inscrits habitantdans l’arrondissement. On se douteque les tenants d’un réseau centralisén’ont pas manqué d’utiliser ceschiffres pour faire valoir l’inanité durattachement des bibliothèques dequartier à leur arrondissement d’im-plantation.

    Si le maillage de la ville avait étécomplètement réalisé, ou tout au

    moins s’il était satisfaisant du point devue de la taille des établissements parrapport à la population desservie duquartier ou de l’arrondissement, onpeut penser que la répartition desusagers se ferait d’une manière régu-lière. Or, dans six arrondissements aumoins, on note un écart importantentre la population et le pourcentagede fréquentants (tableau 4).

    Dans le Ve, arrondissement intel-lectuel et par ailleurs très bien équipéen bibliothèques5, il y a surfréquenta-tion. Dans tous les autres, moins bienéquipés, c’est le contraire. Cepen-dant,dans le XIVe, le XVe ou même leXXe, l’écart est faible (2 points) ; enrevanche, il se creuse dans deux ar-rondissements où se conjuguent à lafois un niveau d’équipement insuffi-sant et une très forte mixité sociale,avec des zones parmi les plus pauvresde Paris. On se trouve alors en pré-sence d’une autre forme de distanceà la bibliothèque, sociale et culturellecette fois.

    De la distance sociale et culturelle

    On l’a vu plus haut, les biblio-thèques de la ville de Paris ne déro-gent pas à la règle constatée partoutailleurs : faible représentation des ou-vriers, des employés et des profes-sions intermédiaires,des retraités,desnon-diplômés. L’offre est « suruti-lisée » par des Parisiens déjà privilé-

    5. C’est le seul de la capitale qui dépasse lamoyenne nationale pour le nombre de mètrescarrés de bibliothèque par habitant…

    4. Les cas de la bibliothèque du personnel,réservée aux agents, et de la médiathèquemusicale, atypique à tous points de vue, étant àpart.

    Arr. % des résidants % des fréquentants /de l’arr. / pop. total des totale Paris fréquentants Paris

    Ve 3 6XIVe 6 4XVe 10 8XVIIIe 9 5XIXe 8 4XXe 9 7

    Tableau 4. Rapport entre habitantset fréquentants par arrondissement

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    giés et gros consommateurs cultu-rels, sous-utilisée, méconnue ou igno-rée par ceux pour qui l’accès est plusdifficile, et pas seulement d’un pointde vue géographique.À cet égard,onpeut remarquer par exemple quedans les quartiers délimités par laDélégation à la politique de la ville età l’intégration, et jugés comme dessecteurs d’intervention prioritaire, lafréquence d’utilisation de la biblio-thèque est toujours plus faible qu’ail-leurs (tableau 5).

    Il semblerait donc que, dans cesquartiers, les usagers assidus soientmoins nombreux qu’ailleurs. Plu-sieurs explications peuvent être don-nées : difficulté à trouver du temps,

    contraintes matérielles plus nom-breuses, ou encore désintérêt relatif,en tout cas ne justifiant pas un usageintensif du service de la bibliothèque.

    Une dernière explication vient na-turellement à l’esprit de qui connaîtun peu le réseau parisien : le faibleusage peut être la conséquence iné-vitable de la méconnaissance des bi-bliothèques par les habitants. Onaborde là un autre aspect de la dis-tance entre les usagers potentiels etles bibliothèques. C’est un des ensei-gnements les plus manifestes de l’en-quête : si les Parisiens ne fréquententpas leurs bibliothèques autant qu’ilsle pourraient… c’est qu’ils ne saventpas qu’elles existent, ou qu’ils igno-

    rent ce qu’elles leur proposent. Le tableau 6 permet d’illustrer ce phé-nomène.

    Même si une majorité de Parisiensn’entrent jamais dans une biblio-thèque municipale, ces dernièresn’en ont pas moins une image, pourles habitants qui en connaissentl’existence ; cette image correspondd’une certaine manière à la construc-tion de la représentation du servicepublic municipal par ceux à qui il estdestiné.

    On remarquera aussi que le tauxde non-réponses chez les Parisiensest à la fois élevé et stable. Une sortede noyau dur de 16 % qui n’a pasd’opinion sur les bibliothèques et nese soucie pas d’en avoir, parce que lesujet ne l’intéresse pas. Les troisquarts des Parisiens jugent leurs bi-bliothèques accueillantes et/ou pro-ches, mais respectivement 93 % et87 % des usagers : les bibliothèquessouffrent sans doute d’une (relative)mauvaise réputation chez ceux quine les fréquentent pas. Mais bien sûr,le résultat le plus frappant est que27 % des Parisiens, plus du quart de la population,estiment que les biblio-thèques municipales ne leur sont pasdestinées et ne peuvent leur êtred’aucune utilité.

    Selon le sondage, 74 % des Pari-siens connaissent l’existence des bi-bliothèques municipales, 26 % disentl’ignorer. On ne peut pas dire que cesoit un très bon résultat,quand on saitque les bibliothèques, comme lescrèches, les écoles ou d’autres ser-vices publics, font partie de ces res-sources dont l’existence et la disponi-bilité sont régulièrement portées à laconnaissance du public (dans les bu-reaux d’accueil des mairies, les jour-naux d’information municipale, surles sites Internet de la ville et des mai-ries d’arrondissement, mais aussi parle biais du travail de sensibilisationfait par les bibliothécaires pour la jeu-nesse, etc.) Mais c’est un chiffre qui,somme toute, s’explique assez bien :les bibliothèques parisiennes sont lar-gement invisibles, pour beaucoup deraisons. La plus pénalisante est dans

    ENQUÊTE SUR LE PUBLIC DES BIBLIOTHÈQUES MUNICIPALES PARISIENNES

    Pour vous, les bibliothèques sont : Parisiens Usagers (fréquentants)

    Accueillantes – Tout à fait d’accord ou plutôt d’accord 74 93

    – Peu ou pas d’accord 9 5– Ne se prononce pas 17 2

    Ouvertes à tous – Tout à fait d’accordou plutôt d’accord 89 96

    – Peu ou pas d’accord 5 2– Ne se prononce pas 16 2

    Ne s’adressent pas à moi – Tout à fait d’accord

    ou plutôt d’accord 27 8– Peu ou pas d’accord 58 87– Ne se prononce pas 16 5

    Sont proches – Tout à fait d’accord ou plutôt d’accord 73 87

    – Peu ou pas d’accord 11 10– Ne se prononce pas 16 3

    Tableau 6. Connaissance des bibliothèques de la ville de Paris par les Parisiens

    Fréquence Total fréquentants Fréquentants quartierd’utilisation (en %) Politique de la ville de la biblio. (en %)

    2 fois par mois 28 26

    1 fois par semaine 20 17

    Plusieurs fois par semaine 13 4

    Tous les jours 2 1

    Tableau 5. Fréquentation dans les quartiersPolitique de la ville

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    bien des cas,précisément, la situationgéographique de la bibliothèque,malexposée, enclavée dans un bâtiment,située dans une rue écartée, dépour-vue d’identité architecturale,et on enpasse6…

    À cette invisibilité relative, quel’on connaissait mais que l’enquête(et en particulier l’enquête qualita-tive) a confirmée, il faut ajouter deuxtraits plus spécifiquement parisiens.D’une part, la difficulté pour la plusgrande partie du public à identifier le statut administratif des établisse-ments et à distinguer les tutelles. Si la Bibliothèque nationale de Franceéchappe sans doute à ce flou, il n’enest pas de même de la BPI, ni de laMédiathèque de la Cité des sciences.Inversement, des établissementscomme Forney, la Bilipo ou même laMédiathèque musicale peuvent nepas être associés naturellement parceux qui les citent à la ville de Paris.À ce sujet, une précision : pour desraisons de moyens, mais aussi pouréviter une surreprésentation deschercheurs et des étudiants dans l’enquête auprès des fréquentants,lesbibliothèques spécialisées ont étéécartées de l’échantillon. Elles n’ap-paraissent, le cas échéant, que dansles occurrences de bibliothèques ci-tées par les interrogés, Parisiens ouusagers,en réponse au questionnaire.De ce fait, on n’a pas pu mesurer defaçon chiffrée cette difficulté d’iden-tification. Elle n’en est pas moinsréelle et constatée tous les jours, enparticulier par les responsables decommunication.

    D’autre part, on note un rapportmanifeste entre la taille de la biblio-thèque et son usage, ou son image.Les 13 bibliothèques de plus de 1000m2 drainent 52 % des fréquentants,alors que les 23 bibliothèques com-prises entre 500 et 1 000 m2, ne re-présentent que 23 % de ces mêmesusagers. Au-delà de ce premier cons-tat, on peut voir que les pratiquesdans les bibliothèques de taille diffé-rente se caractérisent nettement : lapetite bibliothèque, souvent d’ail-leurs réservée à la jeunesse 7, jouitchez les lecteurs d’une identité claired’établissement de quartier où onpourvoit la famille en lectures de loi-sirs et d’actualité et en documentsmultimédias ; l’établissement de plusde 1 000 m2 – il semble bien qu’ils’agisse d’une taille critique en deçàde laquelle l’image se brouille irré-médiablement – est perçu commetrès intégrateur : il préserve l’anony-mat,sa capacité d’accueil est forte,sesservices sont perçus comme variés,enfin il offre de l’espace pour le sé-jour et la lecture.

    Même sur le plan des lectures,la différence se fait nettement : la

    grande bibliothèque est un lieu oùl’on emprunte ou lit plus de docu-mentaires et d’ouvrages techniques(23 % de citations parmi les fréquen-tants des grandes bibliothèques,contre 8 % parmi les fréquentants despetites), de livres d’art (19 % contre13), de quotidiens (51 % contre 37),de dictionnaires et encyclopédies(31 % contre 13),de guides pratiques(13 % contre 7), de notes de cours(25 % contre 12). Les grandes biblio-thèques ayant une offre de collectionplus large et un nombre de placespour travailler ou lire sur place plusimportant attirent un public en quêted’un usage plus professionnalisant ouplus savant. Il s’ensuit une répartitionpar âge, par sexe ou par catégorie socioprofessionnelle également diffé-rente de la moyenne (tableau 7).

    Pour synthétiser, on peut dire queles petites bibliothèques attirent lespersonnes qui cherchent une sociabi-lité sécurisée et personnalisée (trèsliée, on le devine, à l’image d’équipe-ment à l’échelle du quartier, commepeut l’être le petit commerce deproximité), mais peu ouvertes socia-lement. Ce rôle d’ouverture revientaux grands établissements, ceux quien somme se rapprochent du modèlede médiathèque publique développéen France ces vingt dernières années.

    Dans ce contexte, les vingt biblio-thèques, toutes ou presque multisec-tions (adultes et jeunesse ou adultes,jeunesse et discothèque), dont la

    Petites bibliothèques Grandes bibliothèques(< 550 m2) (> 1000 m2)

    Moins de 18 ans 26 718-24 ans 11 2425-39 ans 25 3540-59 ans 23 25Plus de 60 ans 15 9

    Hommes 30 49Femmes 70 51

    Inactifs (scolaires, étudiants, femmes au foyer) 44 39

    Cadres 24 31Professions intermédiaires 8 11

    Tableau 7. Petites et grandes bibliothèques (en %)

    6. Il y aura un livre (d’histoire) à écrire sur le sortqui frappe depuis plus d’un quart de siècle laconstruction des bibliothèques parisiennes,condamnées par la pression foncière, la convoitisedes autres services publics et la faible implicationdes élus parisiens dans le développement de lalecture publique, aux sous-sols d’HLM, auxderniers étages d’immeubles bourgeoisanonymes, aux fonds de cours, aux impasses, etc.Pour corriger cette consternante invisibilité, laDirection des affaires culturelles mène descampagnes d’information et a entrepris designaler tous les établissements par un panneaubleu, déclinant la charte graphique desbibliothèques, installé en drapeau sur les mursextérieurs (un « kakemono », dans le vocabulairenippo-communicant). La campagne d’installationdevrait s’achever en 2004.

    7. Le réseau parisien comprend 13 bibliothèques« spéciale jeunesse » (la plupart des autresbibliothèques étant par ailleurs multisections,donc avec un secteur jeunesse). Le modèle de labibliothèque enfantine est aujourd’hui volontiersremis en cause par les professionnels. Il n’en restepas moins très prégnant à Paris et séduitlargement les élus, qui en soulignent volontiers lerôle d’intégration sociale dans le quartier.

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    superficie tourne autour de 600 à700 m2 semblent avoir beaucoupplus de mal à se forger une identitéclaire.Trop petites pour pouvoir offrirune réelle polyvalence des fonctionset intégrer des publics aux usages va-riés, mais déjà trop grandes (ou tropfournies : les collections sont souventperçues comme trop importantes nu-mériquement par rapport à la taillede l’équipement) pour être encoreassimilables à la petite « boutique » de lecture publique, elles constituentbien le creux, le point flou de l’imagedans le réseau des bibliothèques mu-nicipales parisiennes.

    Un service satisfaisant ?

    La mesure quantitative de la satis-faction faite dans le cadre de l’en-quête montre que, dans l’ensemble,les usagers sont plutôt satisfaits duservice offert. Le résultat global, avecune note de 7,47 sur 10, peut mêmeêtre considéré comme bon. Cepen-dant, si les bonnes satisfactions (plusde 74 % de satisfaits et au-delà) sontnombreuses, deux points font mani-festement problème et, par ailleurs,un certain nombre de services sontinsuffisamment connus pour que letaux de satisfaction reste significatif(tableau 8).

    Le taux de « très satisfaits », le plusrévélateur ici nous semble-t-il, est re-lativement faible pour l’ambiance, lesjours d’ouverture (l’ouverture le lundi,voire le dimanche, est certainementun objectif de service prioritaire), levolume des collections et les condi-tions de consultation (le manque deplaces assises, rançon du manqued’espace en général, est patent etd’autant plus signalé qu’une bonnepart des places est occupée par lesétudiants et les scolaires). Il est mé-diocre en ce qui concerne le choixdes livres (la politique documentaireest un des grands chantiers des an-nées en cours), la disponibilité desouvrages (phénomène aggravé au-jourd’hui par l’impossibilité de réser-ver à distance) et les horaires d’ou-

    verture (nous fermons trop tôt en soi-rée et nos horaires sont trop compli-qués : ceux de la bibliothèque cen-trale du XVIIIe arrondissementprennent sept lignes sur le dépliantd’information…).

    Du côté des insatisfactions, si laquestion de la possibilité de travaillersur place est,bien sûr, liée au manquede places assises, déjà pointée, lemanque d’ergonomie du catalogueinformatique (sans doute un des der-niers OPAC à s’afficher encore enmode texte…) apparaît de plus enplus pénalisant pour les usagers.

    Enfin, du côté des services quenous avons classés comme insuffi-samment connus,on remarquera quefigurent en bonne place le conseildes bibliothécaires (est-ce parce qu’onn’ose pas assez les solliciter, ou bienl’accueil et la disponibilité,y comprisintellectuelle,sont-ils aussi en cause ?)et les animations, en dépit d’une pro-grammation abondante et très diver-sifiée.Mais l’action culturelle,dans lesbibliothèques de quartier, est aujour-d’hui doublement pénalisée : par lemanque d’espaces dédiés ou leur ina-

    daptation, d’une part, et par la fai-blesse de la communication et de lamédiatisation autour de cette pro-grammation, d’autre part, et cela endépit des efforts de l’association ParisBibliothèques, productrice et coordi-natrice des animations, pour les fairemieux connaître.

    S’agissant des supports audiovi-suels et multimédias, il est clair quel’image des bibliothèques munici-pales de Paris reste encore largementcelle de bibliothèques classiquesvouées d’abord au livre et à l’im-primé : périodiques, supports musi-caux et vidéos restent largementignorés. Pour la vidéo, la faiblesse del’offre, présente dans moins de dixétablissements, explique largementce résultat.

    N’apparaissent pas dans le tableauquelques nuances qui méritent pour-tant une mention,au sujet des jours etheures d’ouverture d’abord,du choixdes livres ensuite. Pour les horaires,l’insatisfaction (relative) quant auxheures d’ouverture est plus fortechez les inactifs, les étudiants et les lycéens (on suppose qu’ils souhaite-

    ENQUÊTE SUR LE PUBLIC DES BIBLIOTHÈQUES MUNICIPALES PARISIENNES

    Satisfaits Dont très NSP

    • Les bonnes satisfactionsAccueil 90 52Ambiance 88 39Conditions d’emprunt des livres 85 54Jours d’ouverture 85 40Nombre de livres et de doc. proposés 85 37Choix des livres 83 35Conditions de consultation 81 41Disponibilité des ouvrages 80 30Horaires de fermeture 78 36Horaires d’ouverture 74 32

    • Les satisfactions insuffisantesRecherche par catalogue informatique 56 28 25Possibilité de travailler 53 22 26

    • Les services insuffisamment connusChoix des quotidiens 62 29 32Conseil des bibliothécaires 53 25 39Coût d’inscription pour CD et vidéo 37 18 57Conditions d’emprunt des CD 37 23 60Choix des CD 35 16 59Choix des vidéos et DVD 18 8 78Animations et rencontres 19 9 76Conditions d’emprunt des vidéos et DVD 16 10 79

    Tableau 8. Les satisfactions (en %)

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    raient une ouverture plus large) ;l’heure de fermeture satisfait moinsque la moyenne les étudiants et les ly-céens (mais convient aux autres inac-tifs,c’est-à-dire aux femmes au foyer),mais aussi les professions intermé-diaires,sans doute pénalisées par unefermeture pas assez tardive, inadap-tée à leurs horaires de travail.

    Le choix des livres satisfait, certes,dans l’ensemble. Mais on remarqueraquand même que le taux de « très sa-tisfaits », qui atteint 57 % chez lesmoins de 18 ans, descend à 33 % àpartir de 25 ans et jusqu’à 31 % pourles 60 ans et plus. C’est dans cettetranche d’âge que la demande de lec-ture de loisirs est la plus forte et l’at-trait des littératures « grand public » leplus manifeste. Deux secteurs où lesbibliothécaires continuent manifeste-ment d’avoir à lutter avec eux-mêmespour aller dans le sens de la demandedu public… Pour terminer sur ce cha-pitre, on relèvera que si 9 % des fré-quentants se déclarent peu ou pas dutout satisfaits du choix des livres, cetaux monte à 14 % sur l’ensemble desParisiens ; et pour les périodiques, lespourcentages sont respectivementde 6 et 10 %. Il y a donc manifeste-ment des lecteurs potentiels et desanciens lecteurs qui rejettent les bi-bliothèques municipales en raison deleurs choix documentaires.Voilà bienune question à creuser un jour pro-chain.

    Où vont les nomades ?

    Pour en revenir au début de cet ar-ticle,posons à nouveau la question dela mono ou de la multifréquentation.Dans un contexte comme celui deParis,où l’offre documentaire est sur-abondante et la place du réseau mu-nicipal d’autant plus difficile à définir,comme les spécialistes l’ont souligné

    maintes fois 8, les usagers des biblio-thèques de la ville de Paris sont-ils demultifréquentants ? À cette question,l’enquête de l’OPLPP sur les pratiquesdes usagers des bibliothèques pari-siennes (toutes catégories confon-dues) répondait largement par l’affir-mative, en avançant un taux de 70 %de multifréquentants. Mais il faut serappeler que dans cette enquête faiteen 1997 par SCP Communication,71 % des personnes interrogées étaientétudiants ou lycéens. Ces catégoriesd’usagers sont certes surreprésentéesparmi les inscrits du réseau parisien,mais elles ne représentent au totalqu’un peu moins du quart des usa-gers.

    La carte unique donne la possibi-lité d’utiliser dès l’inscription l’en-semble des bibliothèques ; dès lors,

    beaucoup d’usagers déploient spon-tanément des stratégies d’utilisation,individuelles ou familiales, qui peu-vent à tout moment changer,selon lesévénements de la vie ou les hasardsde besoins particuliers : telle famillequi fréquentait à la fois une biblio-thèque enfantine et une bibliothèqueadultes sans section jeunesse,devien-dra cliente après un changement dedomicile, d’une unique bibliothèquemultisection ; tel lecteur emprunteraà la fois près de son travail et près deson domicile ; telle amatrice de mu-sique fréquentera à la fois sa biblio-thèque de quartier pour les livres et la Médiathèque musicale pour lesdisques et les partitions,etc.L’éventaildes configurations est large, et il estsurtout évolutif.

    D’après l’enquête auprès des fré-quentants, 46 % d’entre eux ne fré-quenteraient qu’une bibliothèque,34 % deux bibliothèques,et 20 % troisbibliothèques (ou plus).

    Cependant, les 54 % d’usagers desbibliothèques municipales parisiennesqui fréquentent deux bibliothèquesou plus ne sont pas pour autant tousdes multifréquentants du réseau mu-nicipal. En effet, les bibliothèques ci-tées par les usagers interrogés sur lepérimètre de leur multifréquentationsont aussi bien des BM que des éta-blissements nationaux ou universi-taires – car,bien entendu,les étudiantssont pris en compte (tableau 9).

    Chez les Parisiens, la BnF et la BPIarrivent en tête : fréquentation réelleou simple connaissance, permettantune citation valorisante ? La surprisevient ensuite, avec les bibliothèquesd’entreprise, et un peu plus loin lesbibliothèques associatives, manifeste-ment connues et pratiquées. Les cita-tions de BU et de Sainte Genevièvepeuvent être attribuées plus sûre-ment que celles de la BnF et de la BPIà de vrais fréquentants, les étudiants.On remarquera que la première bi-bliothèque spécialisée de la ville deParis citée, Forney, n’apparaît qu’enfin de liste.

    BnFBPIBibliothèque d’entrepriseClignancourtBU ParisMelvilleFaidherbeBU Sainte GenevièveBibliothèque d’associationTrocadéroCouronnesParmentierMalrauxPicpusVillonBeaugrenelleBU SorbonneLa VilletteBuffonItalieBrassensCDI/CIOVaugirardAméliePlaisanceGoutte d’OrSaint-ÉloiForneyFlandreBM banlieue

    Tableau 9. Bibliothèques citées(dans l’ordre décroissantdu nombre de citations)

    La question posée était : « Si vous êtes inscrit ou si vous fréquentez,

    dans quelles bibliothèques ? » (les bibliothèques du réseaumunicipal sont en italique)

    8. De Michel Melot (colloque inaugural del’OPLPP, auditorium Saint-Germain, Paris, 1995) àDominique Arot (« Les collections desbibliothèques à Paris : mieux les connaître, mieuxles partager », colloque de l’OPLPP, Bibliothèquenationale de France, 6 décembre 2001).

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    Une approche qualitative

    La triple enquête qualitative menéeauprès des Parisiens, des usagers etdes acteurs (partenaires institution-nels et associatifs des bibliothèques)permet d’ajouter à la synthèse quanti-tative que nous venons de présenterune dimension plus subjective, et deretrouver au fil de parcours individuelsdes thématiques et des constantesmesurées par ailleurs, sous un éclai-rage un peu différent. C’est avec unbref relevé de ces thématiques quenous conclurons cette présentation,dont chacun devine bien par ailleursce qu’elle peut avoir de partiel, voirede schématique.

    Les Parisiens sont des pratiquantsculturels très actifs. Dans un paysageoù la pratique multiple et régulière serévèle très coûteuse, la bibliothèque,gratuite ou peu s’en faut, apparaîtcomme un élément indispensable :les bibliothèques sont clairement inté-grées aux parcours culturels des usa-gers, mais essentiellement dans unedémarche de lecture et de consom-mation de médias culturels,bien plusque d’animation ou de découvertecollective.

    Les usagers grands lecteurs, à l’ex-ception d’une minorité marginale,sont aussi de grands acheteurs : ceuxqui passent de l’achat à l’empruntcomme mode unique d’approvision-nement le font souvent par manqued’espace (capacité de stockage limi-tée).Par ailleurs,la bibliothèque appa-raît pour les nouveaux fréquentantscomme un filtre positif permettantl’ouverture à d’autres lectures et àd’autres univers.

    L’insuffisance des bibliothèquesparisiennes en matière d’accès à In-ternet apparaît d’autant plus crianteque 88 % des sondés affirment se servir d’Internet pour la recherchedocumentaire. Le rôle de médiation

    des bibliothèques n’étant pas mis enœuvre, celles-ci courent rapidementle risque d’être court-circuitées.

    Le rapport des Parisiens à leurs bi-bliothèques est marqué par une mé-connaissance relative du réseau et deson offre, largement due à l’invisibi-lité des bibliothèques, presque tou-jours éloignées des positionnementsstratégiques et des meilleurs par-cours. Cependant, les Parisiens mon-trent,faute d’une connaissance exacte,une bonne capacité de déduction relative à ce réseau (les sondés sup-posent qu’il y a des bibliothèquesdans tous les quartiers, et ne se trom-pent guère sur leur nombre global).Cependant, cette méconnaissance,conséquence d’une mauvaise implan-tation mais aussi de l’absence d’unepolitique vigoureuse de communica-tion et de valorisation, nuit à l’usage,pèse sur le niveau de fréquentation ettient à l’écart une part non négli-geable du public potentiel.

    Si le niveau des collections offertesest clairement perçu, beaucoup deservices restent méconnus et l’usage,là aussi, pâtit de cette méconnais-sance. Cependant, les bibliothèquesmunicipales ne sont pratiquement ja-mais considérées pour ce qu’elles nesont pas : des bibliothèques d’étude.Étudiants et lycéens jouent les squat-teurs de places assises par pure né-cessité.

    Les fréquentants, qui apprécientles services offerts et affichent un tauxde satisfaction relativement élevé, nes’en montrent pas moins singuliè-rement lucides sur les faiblesses in-trinsèques du réseau parisien : ils enrelèvent le caractère inégal et peu co-hérent, la médiocrité des conditionsmatérielles (places assises,espace,dé-coration, confort, entretien des lo-caux, mobilier, etc.) et le manque dedisponibilité et de sens de l’accueildu personnel, débordé et manifeste-

    ment peu formé à l’accueil. Ils poin-tent les éléments du service à mo-derniser d’urgence (informatique), àadapter (horaires),à simplifier et libé-raliser (conditions et durée d’em-prunt). Enfin, leurs témoignages etleurs réactions dessinent en filigranela bibliothèque « idéale » qu’ils sou-haiteraient voir à leur disposition :des espaces agréables et conviviaux,clairement identifiés, des cafétérias,du multimédia, de la médiation, desactivités culturelles accessibles, liéesà la vie de quartier.

    Pour conclure, on peut reprendreles qualificatifs empruntés à une autreenquête et cités en tête de cet article.Le questionnement des Parisiens etdes usagers sur leur connaissance etleur pratique des établissements mu-nicipaux révèle une familiarité en-core faible, en tout cas susceptibled’être renforcée. Perçues comme despoints d’approvisionnement en pre-mier lieu, et non comme des centresde ressources offrant des servicesmultiples, les bibliothèques pari-siennes sont des lieux d’usage à rela-tion faible. L’absence de centralité etle manque de visibilité des établisse-ments accentuent encore cet effet dedistance dans la relation à la biblio-thèque ; on a de la difficulté à y en-trer,on n’est pas encouragé à y rester.Par ailleurs, dans la mesure où ellesremplissent d’une façon globalementsatisfaisante leur fonction premièred’emprunt, même leurs insuffisancesne suffisent pas à générer un « besoinde bibliothèque » manifeste car, dansle cas de Paris, c’est l’offre qui créerala demande. Employons le mot unedernière fois : il n’y a pas de carence,seulement de la distance.

    Janvier 2004

    ENQUÊTE SUR LE PUBLIC DES BIBLIOTHÈQUES MUNICIPALES PARISIENNES

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