Mosqu e dans la Cit : r alit s et...

59
Mosquée dans la Cité Mosquée dans la Cité Mosquée dans la Cité Mosquée dans la Cité : : : : réalités et espoirs réalités et espoirs réalités et espoirs réalités et espoirs* La Mosquée de mes rêves ! Mohamed LOUIZI *Collection des trois derniers articles extraits de la série « Mosquée dans la Cité : réalités et espoirs ! » publiée sur le blog « Ecrire sans censures ! » entre avril 2007 et mars 2008

Transcript of Mosqu e dans la Cit : r alit s et...

Page 1: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

Mosquée dans la CitéMosquée dans la CitéMosquée dans la CitéMosquée dans la Cité : : : : réalités et espoirsréalités et espoirsréalités et espoirsréalités et espoirs****

La Mosquée de mes rêves !

Mohamed LOUIZI

*Collection des trois derniers articles extraits de la série « Mosquée dans la Cité : réalités et espoirs ! » publiée sur le blog « Ecrire sans censures ! » entre avril 2007 et mars 2008

Page 2: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

2

Pour Sadek AlSadek AlSadek AlSadek Al----NayhoumNayhoumNayhoumNayhoum, Humaniste de cœur et de plume,

Vous qui étiez engagés pour la Liberté, Reposez en paix,

Votre combat je le porterai jusqu’à ma mort !

Page 3: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

3

Mosquée dans la Cité : réalités et espoirs (n°10)

Vers une mosquée Humaine !

Qu’est-ce qu’une «Mosquée » ?

En 1553, le vocable « mosquée » fait son apparition dans la langue française. Il est un

emprunt à l’italien « moscheta », par le truchement de l’espagnol « mezquita », venant lui

même de l’arabe « masjid : مسجد », lui-même emprunté à l’araméen « masged », mot

apparu au septième siècle signifiant au départ « stèle » ou « pilier sacré » . Ce même mot a

été trouvé plus tard dans la langue nabatéenne – qui est une modification locale de

l’araméen écrite depuis le 3ème

siècle en alphabet grec – avec la signification d’ « endroit de

culte ».

Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine arabe « سجد (s, j, d) » ; que ce

soit pour parler de l’acte de « se prosterner durant la prière », de « se mettre à genoux » et

de « se dévouer au culte de Dieu ». D’autres dérivées nominales sont utilisées pour désigner

un ou des endroits bien particuliers, là où on se prosterne « Masjid », « Massajid », « Al-

Masjid al-Haram » - désignant la « Mosquée sacrée » située à la Mecque. Le Coran utilise

aussi, une dizaine de fois, des termes comme « Baytou’llah= maison de Dieu », « Bouyoute =

maisons de Dieu » pour désigner ce que l’on nomme aujourd’hui « mosquée ».

Quant aux définitions de ce terme, elles sont assez nombreuses, voire très nuancées,

reflétant, de façon générale, les différents usages que l’on a fait de la mosquée depuis 14

siècles, un peu partout dans le monde. Certaines définitions désignent par le terme

« mosquée » : « lieu de culte ou de rassemblement des musulmans pour les prières

communes », « édifice servant au culte musulman », « lieu de culte mais aussi

d’apprentissage du Coran », « lieu où l’on adore Dieu », « lieu de recueillement », « lieu

essentiellement dédié à la dévotion mais il peut servir aussi à de multiple fonctions »...

D’autres dénombrent des fonctions d’ordre social, éducatif, culturel, juridique, politique,

militaire, …etc.

Page 4: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

4

En Europe, on utilise aussi « centre islamique » (markaz : مركز) pour désigner la

« mosquée », en fonction des activités nombreuses que propose l’édifice à ses fidèles :

Prière, veillées spirituelles, célébration des fêtes et des mariages, prière pour les défunts,

conférences-débats, école coranique, cours d’arabe, alphabétisation, rupture du jeûne,

préparation du pèlerinage, établissement scolaire privé, rayonnement sportif, collecte

d’argent pour le financement des projets communautaires, pour des activités caritatives

et/ou de solidarité politique,… Pour certains notoires, la mosquée est aussi le lieu où

« culte » et « affaires » peuvent faire bon ménage !

La mosquée, en Europe comme ailleurs, dépasse bien souvent sa fonction cultuelle primitive

pour accueillir d’autres fonctions/activités qui peuvent, à un moment donné et dans

certaines circonstances, parasiter son rôle et se révéler nuisibles pour sa mission première,

telle qu’elle est définit dans le texte fondateur de l’islam : le Coran !

De la Genèse

Les traditions religieuses, presque toutes, aménagent des espaces dédiés à l’exercice cultuel.

Le Coran considère égalitairement ces lieux comme étant des endroits où on évoque le nom

du Seigneur : « Si Dieu ne repoussait pas certains peuples par d’autres, des ermitages

auraient été démolis, ainsi que des synagogues, des oratoires et des mosquées où le nom

de Dieu est souvent invoqué » (sourate 22, 40). En effet, se rappeler de Dieu et invoquer

son Nom dans une démarche spirituelle et méditative représente la raison d’être première

de ces lieux, et ce, depuis qu’il y a eu un lieu de culte sur Terre.

Le Coran évoque l’histoire du premier lieu, appelé métaphoriquement maison de Dieu, qui a

été construit pour célébrer le Divin. A son sujet, il dit : « En vérité, le premier Bayt – maison

ou temple – qui ait été fondé à l’intention des humains est bien celui de la Mecque, qui est

à la fois une bénédiction et une bonne direction pour l’Univers » (Coran, 3, 96). Il s’agit,

dans ce signe coranique, de la Ka’ba située à la Mecque en Arabie Saoudite. Cette maison,

nous informe le Coran, a été construite par le prophète Abraham aidé par son fils

Page 5: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

5

Ismaël : «Et pendant qu’Abraham et Ismaël élevaient les assises de la Ka’ba, ils disaient :

Seigneur ! Daigne accepter de nous ces ouvrages ! Tu es l’Audient, Tu es l’Omniscient ! »

(Coran, 2, 127).

Elle était définie, dès lors, tel un lieu de dévotion cultuelle, de rassemblement et de paix :

«C’est alors que Nous fîmes du temple de la Ka’ba un lieu de retraite et un havre de paix

pour les humains, en leur recommandant de faire de la station d’Abraham un lieu de

prière » (Coran, 2, 125), « Terre de signes sacrés, c’est aussi l’Oratoire d’Abraham.

Quiconque y pénètre sera en sécurité. En faire le pèlerinage est un devoir envers Dieu pour

les humains qui en ont la possibilité » (Coran, 3, 97), « Dieu a érigé la Ka’ba en Maison

sacrée et en lieu de rassemblement pour les humains… » (Coran, 5, 97).

Le Coran exprime, à travers l’évocation de ce premier « prototype », la raison d’être de tout

lieu de culte et en explicite les fonctions principales. Ce prototype était dédié aux retraites

spirituelles ; à la prière et au rassemblement. Il était aussi, et surtout, un havre de paix et de

sécurité ouvert et offert à tous les humains, sans distinction aucune ! Il ne s’agissait pas d’un

endroit fermé, sectaire ou communautariste où seulement les abrahamiques, de l’époque,

pouvaient y accéder et les autres se voyaient y pourchasser ! La Ka’ba est, de ce point vue,

l’expression ancrée d’une ambition abrahamique ancestrale visant à : rapprocher ; pacifier ;

sécuriser et rassembler les humains, je dis bien les humains, les uns les autres, depuis plus

de 4000 ans.

Apartheid religieux ?

Force est de constater que ce même prototype cultuel, ne reflète plus, désormais, sous le

régime wahhabite sunnite et pétrodollar, ce qu’il devait refléter et garantir ; à savoir :

l’accueil des « humains » désireux de paix, de sérénité et de prière ensemble !

Seul les « musulmans », jugeaient ainsi selon des critères apparents annexés à la théorie

dogmatique dite « cinq piliers de l’islam », peuvent y accéder. Même si, certains parmi eux,

ne croient pas ou ne croient qu’à moitié à la paix entre humains ; paix comme synonyme et

vocation principale de l’islam au-delà de son formalisme cultuel et ostentatoire.

Page 6: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

6

Quant aux autres, jugeaient non-musulmans – juifs, chrétiens et adeptes d’autres traditions

religieuses – par les défenseurs de cette même théorie, ils ne peuvent – sauf quelques rares

exceptions – ni y accéder ni même espérer y accéder un jour tant que cette limitation,

insensée et infondée à mon sens, persiste, tel un sixième pilier de cet islam autoritaire,

identitaire, ségrégatif, renfermé sur lui-même et qui a perdu au fil des siècles, son ambition

pacifique universelle et sa vocation abrahamique unificatrice, et non uniformisatrice,

d’accueillir les humains au-delà de leur appartenances religieuses.

J’ose dire que s’il y a aujourd’hui un lieu où la discrimination sur la base d’appartenance

religieuse bat son record ça serait, malheureusement, la Mosquée de la Mecque et par

extrapolation la majorité des mosquées d’ici et d’ailleurs !

Une explication…

Ceci dit, l’interdiction des « non-musulmans » d’accéder à la Ka’ba et aussi à bien d’autres

mosquées à travers le monde, se fait au nom de l’interprétation idéologique d’un texte

coranique isolé, astucieusement, de son contexte linguistique et surtout déraciner de son

cadre historique d’il y a quatorze siècles, où il est stipulé, je cite : « Ô vous qui croyait ! Les

païens sont une véritable souillure. Interdisez-leur donc, à l’expiration de cette année –

visiblement l’an 8 de l’hégire – l’accès à la Mosquée sacrée – la Ka’ba ! » (Coran, 9, 28).

En effet, ce texte qui, dans l’apparence, peut être pris comme fondateur d’une règle

juridique générale, absolue et intemporelle – réactualisée politiquement et idéologiquement

par l’autorité religieuse sunnite alliée du régime saoudien pétrodollar – il l’est moins une fois

replacé dans son contexte linguistique et resitué dans son cadre historique. De toute

évidence, cela mérite une étude indépendante et approfondie.

Néanmoins, une simple relecture du chapitre 9 du Coran contenant ce texte permet, par-

delà le ton et le contenu incontestablement dur de ce chapitre, de découvrir qu’il s’agissait

d’une mesure purement militaire contre « des païens guerriers » de l’époque et non d’une

loi à caractère sacrale, capitale et discriminatoire contre les païens dans l’absolu !

Page 7: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

7

Cette mesure militaire survenant dans un contexte historique de guerre, deux à trois ans

avant la mort du prophète, était motivée justement par ce que ces « païens guerriers » ont

entrepris, durant des années auparavant, contre le prophète et contre ses compagnons et

ses alliés. Ils ont torturé, en effet, parfois jusqu’à la mort, celles et ceux qui ont répondu

librement à l’appel du Messager. Ils les ont privé de leur droit élémentaire de pratiquer et de

célébrer leur culte en toute liberté dans les voisinages de la Ka’ba. Ils les ont pourchassé

ailleurs, sans état d’âme, en les poussant à l’exil forcé : vers l’Abyssinie – chrétienne – en

Afrique dans un premier temps et vers Médine, dans un deuxième temps, de façon voulue

permanente et définitive. Et même en exil, ils ont tenté, à maintes reprises, de les récupérer

pour les anéantir définitivement et ont conduit plusieurs combats sanglants contre Médine

et contre ses alliés...etc. Et ce, jusqu’au retour de Mohammad vers sa tribu natale.

Ce retour, survenu après huit ans passés à l’exil, signifiait surtout le retour du calme et de la

paix au sein et aux alentours de la cité sacrée. Mohammad pardonna les païens qui ont

manifesté leur volonté de cesser toute altercation et tout complot contre lui et contre ses

compagnons malgré l’existence de preuves et de faits accablants qui pouvaient les

condamner à mort, au vu des mœurs et en application des lois de l’époque. Quant aux

autres « païens » - tortionnaires, guerriers, violents,… – qui restaient décidés et déterminés à

poursuivre une guerre sans merci contre le prophète, ceux-là se voyaient interdit, par cette

mesure, d’accès à la Mecque.

Il n’en était pas question, à travers cette mesure, de faire de la Mecque une zone

d’« apartheid religieux », séparant les humains selon leurs appartenances, leurs convictions

et leurs croyances. Mohammad se présentait tel un homme de noble caractère et de paix.

Son message, qui s’inscrivait dans la continuité de celui de Jésus, de Moïse et d’Abraham est

de nature à vouloir rétablir : la paix entre humains, le vivre ensemble, le respect de la

diversité,… en garantissant aux gens, quels qu’ils soient, la liberté de choix et la liberté de

l’expression de cette liberté en l’absence de toute contrainte physique ou morale. Cela est

aussi l’essence de ma religion.

Autre élément de réponse, c’est que dans le même chapitre en question, le Coran fait une

exception révélatrice et significative en disant : « Et il sera proclamé, d’ordre de Dieu et de

Page 8: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

8

son Messager, à l’adresse des humains, le jour du grand pèlerinage, que Dieu et son

Messager sont déliés de tout engagement vis-à-vis des païens… à l’exception des païens

avec lesquels vous avez conclu un pacte qu’ils ont toujours respecté, sans jamais soutenir

un mouvement dirigé contre vous » (Coran, 9, 3-4).

C’est pendant ce jour de pèlerinage rassemblant des humains – et non seulement des

« musulmans » – que cette décision militaire se fut proclamée ; en établissant une nette

distinction entre les « païens guerriers » et les autres ; et en évitant toutes amalgames et

toutes dérives potentielles menaçant les libertés fondamentales notamment celle de la

liberté de conscience dont le Coran s’en veut le garant : « Point de contrainte en religion »

(Coran, 2, 256).

Par ailleurs, il faut rappeler aussi qu’au sein même de la Mecque, des chrétiens vivaient

pendant des siècles avant l’avènement de Mohammad. Des biographes racontaient que le

cousin de Khadîdja – femme du prophète – était chrétien et c’est vers lui qu’elle est partie se

renseigner lorsque Mohammad reçu la première révélation. Cet homme qui s’appelait

Waraqa Ibn Nawfal avait prédit à Mohammad un futur proche rythmé par des preuves et

des souffrances, en se basant sur l’histoire des prophéties précédentes, et il disait au

prophète : « Il est certain qu’on te traitera de menteur, que tu seras maltraité, que l’on te

bannira, que l’on te fera la guerre. Si je vis encore ce jour-là, Dieu sait que je m’engagerai à

tes côtés pour la victoire de Sa cause ! ». Supposons que cet homme pacifique ait vécu

jusqu’au retour du prophète à la Mecque, pensez-vous que Mohammad allait le pourchasser

de sa cité natale, juste parce qu’il est « chrétien » ? Le faire, à mon sens, signifierait qu’il n’y

avait pas de différence éthique entre Mohammad et ceux, parmi les païens violents, qui l’ont

forcé, auparavant, à l’exil !

Une fois de plus, le message de Mohammad a été pris en otage par des interprétations

idéologiques et ségrégatives. Celles-ci, au lieu de faire de la Mecque, de sa Mosquée et de

l’ensemble des mosquées de la planète, des lieux exemplaires de métissage et de

retrouvaille entre humains, pour apprendre à vivre ensemble à travers la prière ensemble,

elles en ont fait des zones protégées et closes dont l’accessibilité est limitée exclusivement à

Page 9: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

9

ceux qui s’identifient dans la théorie des « cinq piliers de l’islam » même s’il sont violents,

tortionnaires et guerriers !

Humaniser nos mosquées !

Enfin, s’il y a une première mesure à prendre et d’en amorcer le début dès que possible, ça

serait, à mon avis, la redéfinition de ce qu’est un lieu de culte « musulman » dans l’espace

français, européen et même ailleurs.

J’entends par redéfinition, une réévaluation de toute la littérature encadrante des lieux de

cultes « musulmans » en fonction des variables de la Cité – et des cités – d’aujourd’hui et des

espoirs portés à demain. Il ne s’agit pas seulement de mener une réflexion purement

académique mais surtout, de faire participer tout le monde à redonner un sens humain cher

à la mosquée, partout où il y en a une.

Le prophète a fait cette réévaluation nécessaire à son époque, au moment même de son

arrivé à Médine – son exil. Il a donné à la mosquée qu’il a construit ce sens « humain » que

même la mosquée de la Mecque, malgré son ancienneté et sa sacralité, ne l’avait plus sous

l’oligarchie mecquoise. Et c’est ce sens là qu’il faut, peut être, redécouvrir une nouvelle fois.

Un sens qui s’opposera naturellement à toutes les tendances discriminatoires nourries, en

partie, par des théories idéologiques héritées et/ou importées d’ailleurs. Un sens que

certains lieux de culte semblent omettre ou perdre de vue en s’acharnant à imiter et à

reproduire à l’identique un modèle archaïque, discriminatoire et sans aucune valeur ajoutée

ni pour les humains qui s’y rendent habituellement ni pour les autres humains qui sont

privés de ce droit.

Enfin, si la mosquée a pour mission, au sein de la cité, de consolider « l’humain »

dans l’humain, elle ne pourra le faire qu’en étant elle-même « humaine » corps et âme !

Page 10: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

10

Mosquée dans la Cité : réalités et espoirs (n°11)

Animosités ; guerres ; intolérance ; violences ; …

Avarice ; commerce inéquitable ; exploitation ; usure ;…

Clanisme ; oligarchie ; ploutocratie ; tribalisme ; …

Discriminations ; inégalités ; injustices ; machisme ; …

Esclavage ; servitude ; subordination ; traite négrière ;…

Oppressions ; persécutions ; phallocratie ; supplices ; …

Ceux-ci étaient les traits distinctifs du visage pâle de la Mecque et de son voisinage à la veille

de l’avènement du message de Mohammad.

La ville « sacrée » semblait dénouer avec les vertus et valeurs humaines du temps

d’Abraham. La Ka’ba paraissait attristée et hantée, de fond en comble, par ces préjudices

moraux, intellectuels, sociaux, économiques et politiques.

Tout, ou presque tout, ne semblait pas se tenir correctement. Le marasme était généralisé

témoignant d’un déficit moral excédent touchant non seulement l’organisation sociale et

économique mais aussi, et surtout, la place et la valeur de l’être humain au sein de cette

organisation tribale qui était profondément narcissique et extrêmement hiérarchisée et

discriminatoire.

Humanité brisée

L’être humain, féminin ou masculin, et à l’exception de quelques favoris chanceux, ne

jouissait pas de ses droits et libertés fondamentales. La majorité des gens n’était ni écoutée,

Page 11: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

11

ni consultée, ni estimée. Dans ce contexte, le fait de jouir pleinement de ses droits et

libertés dépendait, essentiellement, de la « classe » socioéconomique à laquelle on

appartenait, de l’affiliation familiale et tribale, de l’éloquence linguistique, du talent

poétique, de l’aptitude et du génie militaire… et encore !

L’organisation tribale se faisait autour d’une personne charismatique – le Cheikh – assisté

d’une minorité oligarchique restreinte de seigneurs qui, en s’obstinant à sauvegarder leurs

privilèges socioéconomiques et politiques, ne se gênaient pas à imposer unilatéralement

leurs visions, à défendre leurs intérêts et à pérenniser, de génération en génération, leurs

prérogatives.

La religion a bien servi d’instrument fatal dans ce jeu d’asservissement forcé ou volontaire.

En effet, l’oligarchie s’est bel et bien montrée dévouée aux cultes des dieux statufiés au

parvis de la Ka’ba en incarnant ainsi et pour des raisons d’intérêts personnels, le rôle des

« marchands de la prière et du pèlerinage». Quoi de mieux alors pour garder sous contrôle la

masse et d’éterniser sa loyauté et son abrutissement !

Quant aux autres – femmes, hommes, esclaves, enfants, pauvres,… – qui ne faisaient pas

parti des rangs de l’oligarchie nantie, ils n’avaient pas grand-chose à dire, si ce n’était des

louanges exprimées inlassablement au Cheikh et à ses collaborateurs, des espérances voués

désespérément au ciel, et des gratitudes adressées, à contre cœur, aux seigneurs

tyranniques et ploutocratiques !

Les seigneurs décidaient de la guerre comme de la paix ; de la mort comme de la vie. Seuls

leurs mots comptaient. Seules leurs paroles pesaient. Les autres humains, qui ne pouvaient

pas – non par incapacité mais par asservissement – prétendre à de tel statut, n’avaient

qu’une existence accessoire, et de surcroît, ils « vivaient » dépendants, soumis et tributaires

des obligations cultuelles et des nécessités tribales et seigneuriales.

Renaissance de l’espoir

Page 12: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

12

La Ka’ba, prise en otage, par les intérêts des « marchands de la prière et du pèlerinage »

avait perdu de vue presque toutes les valeurs enseignées du temps d’Abraham. Le culte

mercantile a occupé tout l’espace cultuel, en faisant de la maison de Dieu un lieu de culte

certes, mais aux couleurs du profit. La mosquée était redevenue tel un hypermarché au

milieu du désert, sans foi ni loi, où seul le profit matériel comptait.

Dans ce contexte, qui était humainement désastreux, apparaissait Mohammad tel un souffle

d’espérance, pour rappeler une nouvelle fois, ce que professait Abraham dans cette même

terre, 2500 ans auparavant, à savoir : améliorer la condition humaine ; lutter pour la justice ;

faire redécouvrir le sens de la liberté ; faire connaître le chemin du salut ; inculquer la

solidarité ; prêcher l’humanisme ; éclairer les ténèbres des âmes ; abolir l’asservissement et

appeler les gens à se remettre à un Dieu qui croient en eux et non à se soumettre à des

dieux qui se servent d’eux.

Par conséquent, le contenu du message que professait Mohammad commençait, petit à

petit, à déranger sérieusement les « marchands de la prière et du pèlerinage ». Parce que,

me semble-t-il, la substance de ce message avait de quoi les inquiéter et non, comme le

prétend l’interprétation dogmatique traditionaliste qui elle, laisse entendre que la raison

essentielle de la gêne occasionnée, était due au fait que Mohammad prêchait simplement

« l’unicité de Dieu ».

Cette interprétation réduit à tort le message mohammadien dans son attestation de foi anti-

associationnisme. Elle le vide aussi de sa vocation à vouloir soulager l’être humain des divers

jougs (servitude, violences, clanisme, identitarisme, superstition,…) et des difficultés sociales

et économiques qui pèsent sur lui. Elle considère que la question majeure de l’époque était

exclusivement d’ordre théologique, métaphysique et cultuelle et du coup, il fallait un

nouveau prophète pour redire Dieu, l’Unique, le Grand et le Tout-Puissant et pour

apprendre aux gens le formalisme de la prière et les rites du pèlerinage, entre autres ! En

oubliant au passage qu’avant même l’avènement de Mohammad, il existait – sans parler des

autres religions monothéistes – des « monothéistes purs » (Al Ahnaf en arabe) qui vivaient

leur foi en un seul et unique Dieu depuis toujours, sans que cela puisse gênait qui que ce

soit !

Page 13: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

13

Il me paraît évident que la question théologique/cultuelle, malgré sa centralité dans le

message mohammadien, n’était pas la principale raison du conflit qu’opposé les

« marchands de la prière et du pèlerinage » à Mohammad et qu’il y avait d’autres raisons

substantielles d’ordre humain, moral, social, économique et politique qui justifiaient les

atrocités commises par l’oligarchie à l’égard de Mohammad et de ses compagnons.

Prophétie dérangeante

Mohammad gênait, à priori, par son discours, dépassant de loin la question théologique et

métaphysique, et aussi par son courage, sans équivoque, à s’opposer ouvertement aux

injustices subits par les uns et par les autres en rappelant avec obstination, ce que c’est que

l’humain et ce que doit être sa juste condition partout, et en particulier dans le contexte

déplorable de la Mecque et de l’Arabie à cette époque.

Mohammad rappelait que l’être humain est fondamentalement libre et qu’il doit pouvoir

savourer ses libertés comme il l’entend. L’oligarchie, quant à elle, se sentait menacée par ce

nouveau discours qui risque de soulever les « esclaves » contre les « maîtres » et de causer

des dérèglements dans l’organisation hiérarchique ségrégationniste des tribus.

Il rappelait que l’être humain a droit de vivre dignement. Ce qui posait la question du

partage équitable des richesses ; qui dénonçait, par la même, l’exploitation, l’avarice, la

cupidité, l’égoïsme et qui interpellait les consciences sur les dangers sociaux réels que

représente, pour toujours, des pratiques financières telle que l’usure et la logique du « tout

profit » profitant exclusivement à une poigné de nantis et appauvrissant davantage les

nombreux nécessiteux.

Il rappelait que les violences, de tout genre, doivent cesser ; que l’on doit mettre un terme

aux tortures, aux enterrements des filles vivantes, aux maltraitances des femmes et des

esclaves, aux guerres intertribales interminables.

Page 14: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

14

Il rappelait que derrière l’idée de l’humain il y a une autre idée, aussi belle et inoffensive,

celle du divin créateur et invisible à laquelle on peut, si on le souhaite, se remettre

volontairement en toute quiétude sans pour autant faire soumettre, sous une quelconque

contrainte, les autres à ce choix spirituel.

A bas la servitude !

Mais l’idée ingénieuse – à cette époque – et très dangereuse pour la survie de « l’ordre tribal

établit » était celle qu’a suggéré Mohammad avec énergie et conviction, déclarant que

chaque être humain –non seulement les Cheikhs, les maîtres et leurs collabos – est

responsable. Et qu’il en va de cette responsabilité le droit de chacun à pouvoir choisir, dire

librement ses choix, sans craindre pour sa vie, et participer effectivement aux prises de

décisions engageant la collectivité tribale, dans son entièreté, en temps de guerre comme en

temps de paix. De ce fait, l’oligarchie devait cesser de confisquer les droits des autres et

d’imposer ses décisions sur l’ensemble.

Il a fait découvrir à ces mecquois soumis qui ne faisaient pas parti de l’oligarchie du pouvoir

et qui n’étaient pas du nombre des seigneurs ou des « marchands de la prière et du

pèlerinage », qu’ils « sont ». Et qu’ils doivent justement « être » dans la dignité et non dans

l’abaissement ; dans l’affranchissement et non dans la servitude ; dans l’élévation de l’esprit

et non dans la stupidité de l’intellect.

Avec lui, ces mecquois, longtemps exploités, subordonnés et asservis à un « ordre » qu’ils

n’ont pas choisi, ont découvert qu’ils avaient leurs mots à dire et qu’il fallait justement, dès à

présent, un espace pour le faire entendre. Et ce, parce que, d’un côté, l’oligarchie ne leur

reconnaissait pas ce droit et de l’autre côté, elle ne prévoyait pas non plus

d’espace/institution pour la parole et le débat publique. L’expression de l’opinion publique

n’était pas à l’ordre du jour de cet « ordre » et seuls les opinions/décisions des Cheikhs des

tribus se faisaient exprimées et considérées que l’on soit pour ou contre.

Page 15: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

15

Prix de l’insoumission

Dans un premier temps, Mohammad – nous racontent les biographes – avait choisi la

discrétion comme stratégie d’action et de rassemblement. Et ce fut la maison du jeune Al

Arqam Ibn Abî Al-Arqam qui, pour des raisons de sécurité, était pendant quelques années le

lieu de rencontre du mouvement mohammadien et son espace, restreint soit-il, de

l’expression libérée.

Cependant, ce mouvement commençait progressivement à prendre de l’ampleur en

présageant la fin de la discrétion et le début des épreuves et des souffrances sur la place

publique, malgré que celle-ci fût totalement verrouillée et contrôlée par les « marchands de

la prière et du pèlerinage ». Par conséquent, ce mouvement se voyait privé d’un lieu de

rassemblement et interdit, que ce soit pour la prière ou pour toute autre chose, de se

rassembler dans le parvis de la Ka’ba – maison de Dieu.

Par ailleurs, les anciens « esclaves » ont pris conscience de leur liberté fondamentale et

commençaient à se défaire des chaînes de la servitude et à désobéir, sans aucune crainte, les

ordres des « maîtres ». Un élan de solidarité sociale s’est produit entre les nouveaux

convertis qui comptaient parmi eux certains notables et beaucoup plus de nécessiteux. Le

mouvement mohammadien paraissait endurant, résolu et uni. De quoi irriter l’oligarchie qui

semblait être déboussolée, désarmée et très embarrassée.

Celle-ci conjuguait à la fois négociation, répression, intimidation pour tenter de rétablir

« l’ordre » et pour contrecarrer éventuellement le mouvement grandissant. Aucune de ces

mesures ne semblait être efficace face à la détermination et au dévouement des nouveaux

convertis à la cause qui était la leur. L’oligarchie profitait de sa mainmise sur le lieu de culte,

surtout pendant la période du pèlerinage pour salir l’image de Mohammad auprès des

autres tribus de l’Arabie. Néanmoins celui-ci était, de son côté, infatigable. Il ne ménageait

aucun effort qui pouvait lui permettre de trouver une terre d’accueil où l’on peut vivre son

humanité pleinement, librement et dignement. Et ce fut l’émigration vers Médine, après 13

ans passée dans la lutte incessante et pacifique contre l’horrible cruauté mecquoise.

Page 16: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

16

Génie collectif

A peine arrivés à Médine, Mohammad et ses compagnons –autochtones et immigrés – se

sont mis et investis physiquement dans la construction d’une « mosquée/Al-Jami’i » au

cœur de la cité. Ce lieu servait notamment à la célébration de la prière – d’où la nomination

« mosquée » ou « masjid » en arabe – et il représentait en même temps l’espace de

rassemblement et de vie commune – d’où le qualificatif de « Al-Jami’i » en arabe.

Ce lieu favorisait la rencontre, la consolidation des liens sociales, l’intégration des nombreux

immigrés dans ce nouvel espace vital, la gestion des affaires de Médine (sociales,

économiques, judiciaires, militaires, politiques,…), l’accueil des autres communautés de foi

et des députations des autres tribus, l’alphabétisation des jeunes et des grands,… et bien sûr,

il servait aussi à la pratique cultuelle.

Les fonctions de la « mosquée/Al-Jami’i » s’étendaient, de plus en plus, en corrélation avec

l’ampleur que prenait, jour après jour, la communauté naissante et aussi avec la

recrudescence des défis, intrinsèques et extrinsèques, qu’a posé l’émigration massive et

l’installation du mouvement mohammadien à Médine.

Mohammad créa ainsi un nouveau modèle contractuel d’organisation sociale, différent de

celui de la tribu, prenant de la « mosquée/AL-Jami’i », nouvellement construite, une base

centrale au sein de la cité de manière à ce que l’humain et le divin, l’éphémère et l’éternel,

le temporel et le spirituel, le séculier et le régulier, puissent s’alimenter réciproquement et

que l’un puisse donner du sens et de la place à l’autre.

Ce modèle hybride – qui ne recèle aucun caractère sacré – se justifiait, me paraît-il, par

l’absence à Médine, à cette époque ancienne, d’autres structures et institutions spécialisées

qui pouvaient soulager et désengorger la « mosquée/Al-Jami’i » des diverses fonctions

qu’elle assurait simultanément et qui pouvaient conduire ainsi à une séparation organique

du temporel/séculier au spirituel/régulier.

Page 17: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

17

A Cette époque, il n’y avait pas d’établissements scolaires, pas de partis politiques, pas

d’institutions économiques, pas de mass média, pas de centrales syndicales, pas de

fondations sociales, pas de structures judiciaires, pas de ministère de la défense,… et il n’y

avait pas non plus un lieu de rassemblement – hormis le souk des commerçants caravaniers

– permettant aux uns et aux autres – citoyens – de participer au débat public tels étaient

« l’agora » chez les grecques et le « forum » chez les romains.

De ce point de vue, la « mosquée/Al-Jami’i » avait permis la libération de l’expression de la

parole publique, surtout pendant le rassemblement du vendredi. La communauté naissante

a trouvé enfin un temps hebdomadaire et un espace où chacun, homme et femme et sans

discrimination aucune, pouvait exprimer son opinion sur les affaires temporelles et ses

questionnements et réflexions d’ordre spirituel. Point de censure au sein de la mosquée/Al-

Jami’i puisqu’il n’y avait plus de Cheikhs despotes ni de « marchands de la prière et du

pèlerinage » comme c’était le cas à la Mecque. Mohammad, le prophète, veillait au maintien

et au développement de cet état d’esprit émancipateur. Le peuple de Médine a trouvé donc

sa voix dans cette voie.

Expression libérée

Au sein de la « mosquée/Al-Jami’i », le peuple de Médine se consultait en permanence pour

mieux gérer sa vie collective. Aucune décision – de guerre comme de paix – n’était prise par

une minorité et imposée à la majorité. Le citoyen lambda pouvait prendre la parole, en toute

spontanéité et franchise, pour proposer et parfois même pour s’opposer à une proposition

qui ne le convenait pas. Mohammad était très attentif aux opinions exprimées, aux débats

contradictoires et il faisait en sorte que le consensus soit observé et recherché et que ses

propositions à lui ne soient pas prévalues comparées à celles des autres, juste parce qu’il

était prophète !

Par le biais de la « mosquée/Al-Jami’i », la communauté gérait, dans l’esprit de corps, la vie

au quotidien de la cité et se donnait un rendez-vous hebdomadaire, le vendredi, dont la

présence était obligatoire, pour faire le bilan et pour rappeler les principes auxquels il fallait

rester très attachés.

Page 18: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

18

En effet, ce rassemblement était l’occasion pour que chacun puisse savoir ce qui se passe

dans sa cité et l’état des menaces et des défis extérieurs qui pèsent sur elle. Par ce même

biais, la communauté surveillait le mouvement de l’argent (le capital) dans la cité,

réglementait les tarifs dans le marché, trouver des solutions à la pénurie de quelques biens

élémentaires, se consultait sur les choix défensifs à envisager, se partager les tâches,… et

enfin, achever la réunion publique par la prière comme contrat morale et comme gage de

bonne foi.

Paradoxe sunnite

Le rassemblement était tout sauf un spectacle d’exhortation, de prêches et de monologue,

tel que nous le connaissons aujourd’hui. Car si c’était le cas, on devait normalement

conserver le contenu exact de tous les sermons prophétiques comme on a conservé les soi-

disant « Hadiths authentiques » – citations présumées être prononcées par Mohammad.

D’ailleurs, si l’on fait un calcul simple, le nombre de sermons que Abou Hourayra devait

nous rapporter – puisqu’il est considéré par les sunnites comme la mémoire prodigieuse et

infaillible de ladite « sunna prophétique » – et que Al Boukhari devait authentifier s’élève à

environ 520 ou 530 sermons ! Car, dans une année, il y a bien 52 ou 53 semaines donc 52 ou

53 vendredis et d’après les biographes, on sait que Mohammad a vécu à Médine pendant 10

ans et par conséquent, il aurait célébré 520 ou 530 vendredis qui devraient correspondre à

520 ou 530 sermons !

Cependant, et bien que certains s’obstinent à croire davantage que le savoir prophétique a

été intégralement protégé et transcrits à la virgule près, sous forme de « Hadiths

authentiques », il est quasiment impossible aujourd’hui de mettre la main sur ces 520 ou

530 sermons de vendredi, auxquels il faut rajouter les 20 discours de fêtes (Khoutbah de

l’Aïd), que le prophète aurait prononcé de son vivant !

Les seuls discours que l’on trouve désormais à la lecture des livres de biographie de

Mohammad et des recueils des Hadiths sont, en effet, le discours prononcé lors de son

Page 19: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

19

« Pèlerinage de l’Adieu » et quelques très rares passages tirés d’autres discours mais qui ne

représentent en réalité que moins de 2 % de l’ensemble des Hadiths, soi-disant authentifiés !

Dès lors, deux suppositions me travaillent l’esprit laissant place à plusieurs interrogations.

Premièrement, soit Mohammad ne prononçait pas de discours d’exhortation – à la manière

de ce que fait l’imam de mon quartier tous les vendredis – et consacrait l’entièreté du temps

du rassemblement de vendredi au débat publique. Alors au nom de qui et au nom de quoi,

on persiste aujourd’hui à imposer au peuple des mosquées de supporter chaque vendredi et

pendant plus d’une heure, dans un mutisme imposé à coup de Hadiths, les nuisances

sonores et les bizarreries idéologiques de l’imam ? Cela pose aussi la question du rôle de

l’imam, du pourquoi de sa présence,…

Deuxièmement, soit Mohammad prononçait justement un sermon chaque vendredi alors

comment explique-t-on ce trou noir titanesque dont souffrent les sources et les recueils des

Hadiths, dits authentiques ? Où sont passés ces discours ? Pour quelles raisons n’ont-ils pas

été conservé ? Ces discours, n’étaient-ils pas des paroles/Hadiths à transcrire et à

transmettre ? Comment se fait-il que Abou Hourayra – par exemple – n’ait rapporté le

contenu intégral d’aucun discours hebdomadaire ? Ces discours ne méritaient-ils pas d’être

transmis aux générations futures au même titre que l’histoire de « la vache qui parle » ? Qui

a décidé que l’on ôte ou que l’on ne conserve pas, dans les recueils des Hadiths, cette

substance orale de sagesse que le prophète aurait laissé ? A qui profite ce trou noir, s’il y a

vraisemblablement un trou noir ?...

En attendant des explications que je souhaite, tout au moins, cohérentes et intelligibles, je

continuerai à penser que le rassemblement du vendredi à Médine, au temps de Mohammad,

était un temps imparti aux citoyens présents pour qu’ils puissent produire et exprimer leurs

propres réflexions sur l’organisation sociale de la cité et non de consommer et de se

soumettre stupidement à la seule et unique réflexion de Mohammad.

Page 20: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

20

La traversée du désert

Toutefois, après la mort de Mohammad, les choses commencèrent à se défigurer

foncièrement. D’abord, l’organisation sociale non étatique, qu’il a initiée de son vivant a pris

l’allure d’un Etat – le Califat – le lendemain de sa mort. Ce Califat était présidé par une

personne – le Calife – choisie par le peuple médinois selon des modalités critiquables certes,

mais qui restent, plus ou moins, démocratiques au vu de ce que c’étaient les us et coutumes

tribales de l’époque.

Les quatre premiers califes orthodoxes – malgré leur tendance à soulager la mosquée du

poids des fonctions qu’elle assurait auparavant et à créer des institutions parallèles

spécialisées pour ces fonctions – ont toujours préservé le rôle de consultation populaire que

la « mosquée/Al-Jami’i » assurait si bien. Il n’était pas question pour eux de faire volte-face

sur cet acquis démocratique majeur et révolutionnaire des habitudes tribales.

Le revirement significatif dans la conception du rôle de la « mosquée/Al-Jami’i » était

ressenti de façon sensible lorsque les Omeyyades, en la personne de leur pionnier

Mouawiyah Ibn Abî Soufiane, se sont emparés illégitimement de la gouvernance, en faisant

parler le cliquettement des sabres et non la voix du peuple. Et ce, après l’assassinat du

quatrième calife. Dès lors, ils ont déclaré, unilatéralement et de manière démentielle la

naissance de la dynastie royale Omeyyade à Damas, en substitution du Califat, relativement

légitime, installé depuis la mort de Mohammad à Médine.

La dynastie omeyyade n’était pas prête à entendre la voix du peuple. D’ailleurs, elle ne

représentait pas son choix, et encore moins, ses aspirations. Elle était l’expression

intempestive du sabre et du complot, en rupture fulgurante et catégorique avec l’héritage

récent de la prophétie car sa proclamation était survenue après environ trente années

seulement de la mort du prophète. Elle témoignait plutôt de l’effondrement hâtif de

presque toute l’organisation sociale, centrée sur l’être humain et sur sa valeur, qu’avait

initiée Mohammad à Médine. L’héritage récent de la prophétie s’est fait anéanti sous le

poids des traditions tribales et bédouines anciennes.

Page 21: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

21

Il s’agissait bien évidemment d’un retour aux temps de la tribu, du Cheikh et des

« marchands de la prière et du pèlerinage ». Sauf que cette fois-ci, la tribu était caractérisée

par son immensité babylonienne et expansionniste ; le Cheikh/empereur Mouawiyah se

proclamait de Dieu – en dissimulant judicieusement son affiliation à Abou Soufiane, son père,

qui était depuis peu le Cheikh de la tribu omeyyade à la Mecque et qui a été déchu de ses

pouvoirs au moment de la reconquête pacifique de celle-ci par Mohammad. On dirait même

que Mouawiyah s’est vengé, trente ans plus tard, de la défaite de son père ! – et les

« marchands de la prière et du pèlerinage » étaient, sans conteste, des « théologiens

mercenaires » et des « religieux de service » qui prêtaient main-forte à la dynastie. A l’image

du fameux Abou Hourayra qui n’hésitait pas, malgré son allégeance franche et loyale aux

omeyyades, à s’approprier sans pudeur le patrimoine prophétique !

Depuis, toutes les mosquées de l’empire se sont vues standardisées selon les caprices et les

intérêts du palais sultanesque. Une nouvelle fois, la maison de Dieu était retombée hélas

entre les mains de l’oligarchie d’un côté, et des « marchands de la prière et du pèlerinage »

de l’autre.

Silence ! On vous abrutit !

A partir de ce moment précis, la « mosquée » a cessé d’être « Al-Jami’i ». Le divorce entre

les deux concepts était plus que consommé. Elle devait dire l’intérêt général, elle ne disait

plus que les désirs de sa majesté le monarque. Elle devait dire comment s’épanouir

collectivement dans la vie, elle ne disait plus que comment se préparer individuellement à la

rencontre de la mort. D’ailleurs, elle ne parlait de vie que lorsqu’il fallait prier le bon Dieu

pour accorder une heureuse et longue vie à sa majesté, et que le peuple aille en enfer. Elle

devait dire la justice mais elle ne faisait plus que justifier, au nom de l’obéissance et de

l’allégeance, les injustices du palais. Elle devait interpeller le pouvoir sur la pauvreté et sur la

détérioration des conditions de vie mais elle faisait la sourde oreille en acquiesçant la

tyrannie et en promettant aux sujets de sa majesté un monde meilleur – le paradis – après la

mort. Elle devait inciter les sujets à prendre conscience de leur condition et à demander

justice et réparation mais elle ne faisait que les encourager à perdre toute conscience et

attendre patiemment le jour du jugement dernier !

Page 22: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

22

La mosquée est devenue la tribune hebdomadaire et exclusive du palais – qui a placé ses

serviteurs en fonction d’imams, de conteurs, d’anecdotiers, de moralisateurs presque

corrompus,… – et son outil fatal servant à anesthésier les esprits et à abrutir l’intelligence

collective. Depuis, et jusqu’à nos jours, il est plus question en son sein de traiter des

questions du paradis et de l’enfer, des supplices de la tombe et des signes de la fin du temps,

des menstrues et des ménorragies, du formalisme technique de la prière et du pèlerinage,

de la lapidation de Satan et des sacrifices des moutons,…

Les questions d’ordre sociétal et moral et les questionnements d’ordre philosophique et

métaphysique n’étaient pas, et ne sont pas toujours, les bienvenues en sein de la mosquée

parce qu’ils peuvent conduire, paraît-il, au réveil indésirable du raisonnement et de la

conscience collective. Ces questions n’y ont été abordées, débattues et traitées que lorsqu’il

y avait un intérêt politique certain qui a poussé le souverain à les tolérer momentanément

ou lorsque certains intellectuels et philosophes ont osé les aborder en public sans craindre la

colère du palais.

Généralement, pour le (ou les) palais, vaut mieux abrutir qu’éveiller. De ce fait, seules les

questions touchant les détails techniques des rites, du partage de l’héritage, du statut de la

femme,… y ont été abordé excessivement. Cela explique en partie, pourquoi par exemple, le

fiqh – la jurisprudence dite islamique relative à la pratique cultuelle entre autres – s’est

développé de manière tentaculaire alors que la pensée philosophique n’a pas réussi à

pousser ses ailes et à tirer son épingle du jeu.

Et à nous de constater désormais au sein du monde arabe, dit musulman, et même au sein

des dites communautés musulmanes orientales et occidentales, les conséquences

chaotiques et les dégâts d’un abrutissement collectif, millénaire et intensif administré au

nom des palais, depuis belle lurette, par des imams sous-ordres – Denis Diderot avait raison

de constater dans sa « lettre sur le commerce de la librairie », je cite : « La condition d’un

peuple abruti est pire que celle d’un peuple brute » !

Page 23: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

23

Le peuple des mosquées d’antan a joué le jeu de l’abrutissement – peut être forcé et

contraint – en acceptant l’inacceptable, en tolérant l’intolérable et par-dessus tout, en

préférant l’apparence de la « mosquée » à l’essence de « Al-Jami’i ». Le peuple des

mosquées d’aujourd’hui a hérité de cette tradition qu’il considère comme sacrée et

irréprochable. Il est conditionné – peut être à son insu – à la conception omeyyade

despotique et directive de la « mosquée » et il est loin d’être initié et ouvert sur l’idée

inventive, humaine et révolutionnaire que fut jadis « Al-Jami’i ».

Un monde qui marche sur la tête

L’abrutissement intellectuel dont il est question, ne cesse de se décliner sous diverses

formes anecdotiques. En effet, que dire donc d’un peuple des mosquées qui, en assistant au

sermon assourdissant d’un imam tous les vendredis, a toujours peur que l’on lui dérobe ses

paires de chaussures – car les mosquées ne sont pas d’ailleurs des lieux surs ! – sans qu’il se

rende compte que l’imam en face de lui, lui a déjà volé, et depuis les omeyyades, sa liberté

d’expression, sa raison, son droit à dire « non »… et il ne lui a laissé que le devoir de dire

« Amen » !

Que dire donc d’un peuple des mosquées qui ne cesse, malgré les injustices subites à cause

du régime en place, de prier Dieu pour qu’Il puisse accorder sa grâce, sa miséricorde, sa

générosité et son salut à ce même régime qui n’est ni gracieux, ni miséricordieux, ni

généreux à l’égard de ses sujets !

Que dire d’un peuple des mosquées qui continu à croire sur parole l’imam qui prétend que la

pauvreté, la misère, l’illettrisme, le chômage dont souffre la majorité n’est qu’une épreuve

et un « heureux » destin céleste, auquel il faut témoigner soumission et bonne foi. Au

moment même où le pouvoir et ses hommes richissimes prospèrent dans la surabondance !

En constatant cela, je ne peux qu’être en accord, sans que je sois nécessairement marxiste,

avec ce qu’a écrit Karl Marx dans sa «Critique du Droit politique hégélien », je cite : « La

religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans coeur, comme elle est

l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple ». Je crois que

Page 24: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

24

la religion professée par de nombreux imams est un opium à effet collectif et que la

mosquée – dont sa configuration omeyyade passée et présente – en est la seringue !

Devoir d’avenir

Il est temps désormais, de se dire, entre peuples des mosquées, les quatre vérités en face et

sans langue de bois. Au risque même d’offenser quelques sensibilités vulnérables, afin

d’opérer radicalement les modifications tant attendues en jetant dans la poubelle de

l’histoire ce qui doit être jeté, en réformant ce qui doit être réformé et éventuellement, en

inventant de toute pièce, un nouveau concept et une configuration moderne de la

« mosquée/Al-Jami’i » de France, d’Europe et d’ailleurs.

Un nouveau concept qui tiendra compte de la dynamique de l’Histoire, de l’évolution des

mœurs, des spécificités culturelles, de l’organisation sociale, des dispositions juridiques, de

l’imaginaire collectif, des défis sociétaux, des aspirations futures,…

Un nouveau concept qui se refusera, du moins pour le contexte français, aux arrangements

politiciens de forme auxquels on assiste et auxquels sont attachés d’un côté, les présents

« gardiens des mosquées », les actuels « marchands de la prière et du pèlerinage », leurs

références théologiquo-politiques et leurs commanditaires supranationaux et consulaires. Et

de l’autre côté, les services de la République qui, pour une bonne foi me paraît-il, veulent

traiter égalitairement au nom de la laïcité, toutes les religions, et c’est leur devoir après tout.

Cependant, ils approuvent, consciemment ou inconsciemment, les dérives, les atteintes et

les restrictions des libertés fondamentales dont témoignent de nombreuses mosquées en

France.

Un nouveau concept qui ne veut aucunement que la « mosquée/Al-Jami’i » de France et

d’Europe souhaitée soit identique – dans sa forme et ses fonctions,… – de ce que c’était

jadis, la « mosquée/Al-Jami’i » du prophète qui était marquée par la coexistence et par la

juxtaposition du temporel et du religieux. Cela serait une absurdité grotesque de ma part et

un contresens d’une stupidité monumentale.

Page 25: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

25

Il n’est pas question pour moi de faire l’apologie d’une structure qui se chargerait, à nouveau,

des affaires sociales, familiales, éducatives, économiques et politiques. La République laïque

a d’ailleurs ses innombrables structures et établissements publics qui gèrent au quotidien, et

séparément de la sphère religieuse et de ses institutions, la vie sociale, éducative,

économique, et politique. Et c’est un atout républicain formidable au demeurant, auquel je

souscris volontiers et sur lequel aussi, tout revirement de situation me paraît préjudiciable

au vivre ensemble et aux équilibres sociétaux.

En guise d’introduction…

Le concept/modèle que je compte promouvoir, avec humilité et franc-parler, dans le

prochain et dernier article de cette série, tente de revivifier l’esprit collectif – et non la

forme ou les détails fonctionnels – qui régnait autrefois au sein de la « mosquée/ Al-Jami’i »

de Médine.

Ce concept sauvegardera de ce modèle prophétique son « esprit libérateur » de l’expression

individuelle et collective et aussi son « essence éthique » visant à mieux gérer les

divergences d’idées et d’approches, engendrées naturellement par l’expression libérée.

Comme cela a été déjà mentionné auparavant, cette réflexion visant à repenser la

« mosquée/AL-Jami’i » se fait en tenant compte du contexte qui est le notre. A travers ce

travail, des idées qui me préoccupent seront exposées, des propositions concrètes d’ordre

pratique seront présentées pour qu’enfin, la mosquée de mon quartier, comme toutes les

mosquées de France et de Navarre, puisse retrouver son originalité et sa vivacité d’autrefois.

Des propositions qui toucheront à la fois, la raison d’être d’une structure nommée

« mosquée/Al-Jami’i » au sein de la cité ou comment faire de cette structure un cap spirituel

aux couleurs de la liberté et de l’épanouissement humain ; la gestion contractuelle et multi

associative de cette structure ou comment faire pour qu’elle ne soit plus pris en otage par

une seule association ou un courant idéologique dominant ; l’ouverture de celle-ci sur la cité

ou comment faire en sorte que « la journée portes ouvertes » soit célébrée pendant les 365

jours de l’année ; le rassemblement de vendredi ou comment libérer l’expression et rendre

Page 26: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

26

la parole confisquée aux fidèles ; la formation des présumés imams ou comment délivrer

définitivement la structure des imams carriéristes et des recteurs autoproclamés ; le rôle du

CFCM ou comment sauver la structure d’une mainmise idéologique nationale et

supranationale et bien d’autres propositions.

Enfin, le moment est certes venu pour que le peuple des mosquées « en » France exprime sa

voix, libère sa parole et cesse d’être le sujet de l’abrutissement à outrance. Sans doute, cela

nous permettra un jour de nous débarrasser définitivement des entraves idéologiques

ancestrales empêchant la cité de France et d’ailleurs de concevoir sa propre « mosquée/Al-

Jami’i » qui contribuera à la pacification des esprits et à la renaissance de l’unité plurielle et

solidaire par sa spécificité spirituelle, par sa dimension humaine, par son esprit libérateur de

l’expression et par sa vocation de l’ouverture à qui le souhaitera.

Page 27: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

27

Mosquée dans la Cité : réalités et espoirs (fin)

Vers une mosquée réformée !

« Dieu ne modifie point l’état d’un peuple tant que

les humains qui le composent n’auront pas

modifié ce qui est en eux-mêmes »

Coran, 13, 11

« Ce que tu es capable d'imaginer peut exister.

Il n'y a rien qui soit impossible »

Fun-Chang

Avertissements aux lecteurs

Dans le présent article, j’utilise le néologisme « mosquée réformée » pour dire la même chose que

« mosquée/Al-Jami’i » – expression utilisée dans les précédents articles. Car il est important de rendre facile, à

ce stade, la prononciation du nom de cette structure souhaitée. En effet, dans « mosquée/Al-Jami’i », il y a le

terme « Al-Jami’i », emprunté de l’arabe et signifiant : lieu de rassemblement, dont la prononciation peut

s’avérer difficile pour le lecteur francophone.

Par ailleurs, l’usage de l’adjectif « réformée » sert d’outil de différenciation entre la « mosquée » classique

rivée au passé et l’autre modèle, « mosquée réformée », qui se définit comme dissidence consciente à ce

modèle « omeyyade » et comme alternative soutenable tournée vers l’avenir.

Le néologisme « mosquée réformée » ne fait aucune allusion à « L’Eglise réformée ». Même si, dans ma

démarche, j’ai été amené à étudier, sommairement, le mouvement protestant et la naissance de l’Eglise

Réformée de France.

Outre mon expérience personnelle au sein de la mosquée de Villeneuve d’Ascq, au sein de l’UOIF et lorsque

j’étais chargé de la planification des prêches de vendredi dans les salles de prière des résidences universitaires

de la cité scientifique de Lille 1, d’autres projets et expériences locales m’ont beaucoup inspiré dans la

conception de ce modèle :

Il s’agit, à titre non exhaustif, du concept et de l’organisation interne de la « Maison Régionale de

l’Environnement et des Solidarités » (MRES), située au 23, rue Gosselet à Lille.

Au même titre, Certaines idées de ma réflexion sont nées au sein de la « Maternité Jeanne de Flandre » qui est

attachée au centre hospitalier de Lille. Naissance qui a eu lieu, plus précisément, dans la petite « salle de

prière », située au sous-sol. Celle-ci, par son aménagement, interpelle silencieusement les consciences et

témoigne qu’une autre approche de la gestion des lieux de culte, basée sur le partage d’un même espace de

prière et de recueillement, est possible. D’ailleurs, dans moins de 10m², on a réussi à mettre côte à côte, la

Bible et le Coran ; l’étoile, la croix et le croissant ; une petite table de l’eucharistie, quelques chaises et un tapis

de prière dirigé vers la Mecque !

Après ces précisions, je vous souhaite une bonne lecture et n’hésitez surtout pas à laisser vos commentaires,

vos interrogations et vos critiques !

Page 28: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

28

Rêves d’adulte

J’ai un rêve (*)

qu’un jour la mosquée trouvera enfin son âme perdue et se mariera de

nouveau avec l’esprit humanisant de « Al-Jami’i ».

J’ai un rêve qu’un jour la mosquée retrouvera le goût et les couleurs du respect de l’humain

et de son épanouissement inconditionnel.

J’ai un rêve qu’un jour la mosquée sera garante – à l’image de la Vème

République et de sa

Constitution – de la liberté de conscience, de la liberté de pensée, de la liberté d’expression

et qu’elle garantira le libre choix à tout un chacun sans restriction aucune.

J’ai un rêve qu’un jour la mosquée adoptera le principe de neutralité à l’égard du

politique et/ou du théologico-politique et ne sera ni de gauche ni de droite ; ni des blancs ni

des noirs ; ni des sunnites ni des chiites ; ni des magrébins ni des turcs ; ni des modérés ni

des extrémistes ; ni des progressistes ni des traditionalistes…

J’ai un rêve qu’un jour la mosquée ne reconnaîtra, ne cautionnera et ne soutiendra aucun

politique de quelque formation que ce soit et qu’elle ne reconnaîtra, ne cautionnera ni

salariera aucun théologico-politique de quelque idéologie que ce soit.

J’ai un rêve qu’un jour la mosquée sera à l’évidence, synonyme d’humanité, de miséricorde,

de paix, d’amour, de fraternité, de non-violence, de tolérance, de dialogue, d’ouverture

d’esprit, d’accueil de l’autre, de pluralité et de gestion pacifique des différents.

J’ai un rêve qu’un jour la mosquée se refusera d’être le synonyme désolant de sectarisme,

de communautarisme, de fanatisme, de dogmatisme, de doctrinarisme, d’idéologisme, de

despotisme, de cléricalisme, d’abrutissement, d’endoctrinement, d’enfermement,

d’exclusion et d’intolérance.

Page 29: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

29

J’ai un rêve qu’un jour la mosquée pourra accueillir, sans complexe, sans tabous sans

protocoles et de la façon la plus égalitaire et la plus juste qu’elle soit, des humains de tout

horizon, de toute confession, de toute religion, de toute sensibilité intellectuelle, de tout

courant philosophique, de toute tendance spirituelle, de toute croyance et pourquoi pas de

toute non-croyance, de tout agnosticisme et de tout athéisme. Afin que les doutes des uns

puissent relativiser les certitudes des autres et que les vérités des uns puissent dialoguer

avec le scepticisme des autres.

J’ai un rêve qu’un jour la mosquée sera l’espace de l’expression libérée où tout un chacun –

femme ou homme, fille ou garçon, jeune ou adulte– puisse exprimer ses doutes, ses

questionnements et ses inquiétudes sans qu’il fera l’objet de fatwa ou de procès publics

d’inquisition ou qu’il sera contraint de supporter, bon gré malgré, le fardeau de l’exclusion et

les injures d’hérésie ou d’apostasie.

J’ai un rêve qu’un jour la mosquée ne sera plus prise en otage par la pensée unique ; par le(s)

discours unique (!) ; par l’association unique ; par le recteur unique ; par l’imam unique… et

qu’elle sera au contraire le théâtre de la pluralité d’idées, de discours, d’intervenants, de

personnes, d’associations et d’ambitions.

J’ai un rêve qu’un jour la mosquée sera délivrée in extenso de toute sorte de cléricalisation

héritée ou imitée ; importée d’ailleurs ou imposée à coup de pouvoir et qu’elle sera en

revanche, le lieu où personne, pas même l’imam, ne pourra prétendre impertinemment un

quelconque privilège, une quelconque prééminence ou une certaine entremise entre Dieu et

les gens.

Raison(s) d’être !

Ces rêves ne pourront se réaliser – et je suis bien conscient de la réalité complexe – sans

qu’une révolution intellectuelle profonde, pour ne pas dire radicale, ne soit opérée

massivement, de manière aussi bien orthodoxe qu’iconoclaste, à tous les niveaux et par tous

les moyens légitimes et pacifiques.

Page 30: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

30

Par ailleurs, il en est de la responsabilité de chacun de prendre conscience et de tenir

compte de la réalité des mosquées en France qui sont, pour le rappel, pensées, moulées et

élaborées de façon générale, en conformité avec la vison omeyyade et non en inspiration du

modèle mohammadien que fut autrefois la « mosquée/Al-Jami’i » de Médine.

Il en est, en priorité, de la mission du peuple des mosquées de ressusciter l’esprit

humanisant et libérateur de la « mosquée/Al-Jami’i » et d’en finir avec l’aberration

monumentale et millénaire qui continue hélas, de produire des effets néfastes menaçant, de

façon implicite ou explicite, l’intelligence collective, le métissage culturel et les libertés

fondamentales.

Je croîs qu’une revivification de ce concept et de cet état d’esprit au sein de la cité n’est pas

simplement souhaitable mais elle est plus que nécessaire. Et ceci, pour plusieurs raisons :

Premièrement, une telle revivification est nécessaire pour que la majorité soit souveraine et

reprenne le contrôle des lieux qui a été longtemps délaissé à la minorité au pouvoir exécutif

de ces mêmes lieux. En effet, de nombreuses mosquées dans l’hexagone, telle qu’elles se

présentent aujourd’hui, n’assurent pas uniquement des services cultuels de base aux fidèles

mais elles sont aussi des lieux où cette minorité pragmatique du pouvoir décide, sans

s’inquiéter, à la place de la majorité des fidèles ; où l’on diffuse des discours redoutables ; où

l’on oriente, avec préméditation, la collectivité vers une direction privilégiée ; et où l’on

alimente le sentiment communautaire, pour ne pas dire communautariste, qui peut se

révéler dangereux pour la stabilité de certaines cités, pour la paix sociale et pour le vivre

ensemble.

Et lorsque les mosquées sont confiées à des personnes engagées idéologiquement dans des

projets, du moins que l’on puisse dire, obscurantistes, les conséquences et les impactes qui

en résultent sur la cité et sur la société tout entière ne peuvent être que dramatiques.

Par conséquent, une telle revivification rétablira à coup sûr la situation et remettra à

nouveau les clefs et le sort de la structure entre les mains de la majorité des fidèles avec sa

complexité, sa pluralité et surtout sa sagesse.

Page 31: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

31

Deuxièmement, elle est nécessaire parce que la cité change, jour après jour, et donc tout

devra suivre quasiment la même dynamique, au risque de se voir dépassé, le cas contraire,

par les événements et de se voir cristalliser sur des modes et des modèles archaïques et

rétrogrades, importés des époques historiques révolues ou d’un autre monde, dont lequel,

des valeurs comme liberté, justice, humanisme et démocratie ne sont que des slogans

publicitaires à effet d’annonce mais sans effets remarquables dans la réalité de tous les jours.

La sagesse veut que l’on prévienne collectivement les risques, que l’on surmonte ensemble

les défis et que l’on privilégie le sens aux apparences trompeuses. Elle veut aussi que l’on ne

reproduise pas les mêmes erreurs du passé, que l’on apprenne de l’Histoire de l’humanité

toute entière, que l’on améliore nos conditions présentes et que l’on comprenne la nature et

les caractéristiques du vecteur directionnel de l’avenir.

Dans ce sens, la « mosquée réformée », par son calme et son hospitalité offerte à toutes et à

tous, offrira la sérénité nécessaire favorisant la méditation individuelle et le cadre

indispensable aux échanges collectifs qui serviront pour le repérage en commun du cap à

suivre, pour un avenir prospère et pacifique.

Troisièmement, elle est nécessaire pour que l’on finisse une fois pour toute avec le climat

d’abrutissement qui règne en maître depuis les omeyyades, dans presque toutes les

mosquées du monde, y compris celles implantées ici en France et en Europe.

L’abrutissement, en effet, dispense de penser et de cultiver l’esprit critique. Il favorise la

pérennisation de l’asservissement. Pis encore, il facilite la tâche des « néo-marchands de la

prière et du pèlerinage » et des recruteurs extrémistes qui s’activent, au nom de Dieu, pour

trouver « des proies », prêtes à servir la cause communautariste et motivés pour s’engager

dans le sentier de Dieu.

Quoi de pire que de produire à la chaîne – ou plutôt à la rangée – des individus sans faculté

de penser par eux-mêmes ? Même si l’abrutissement a à son actif quelques avantages

puisqu’il nous évite de supporter le chaos, à en croire Paulo Coélho qui affirme dans « le

Page 32: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

32

Zahir », je cite : « Un monde sans abrutis, ce serait le chaos ! Au lieu des chômeurs comme

on a aujourd’hui, il y aurait du travail en trop et personne pour travailler » !

Seule une indispensable reconnaissance à tout un chacun de sa capacité à penser par lui-

même et de sa liberté de choix, pourra nuire à l’abrutissement par la voie religieuse et

pourra contrarier les projets de mécanisation des esprits conduits par des théologiens de

service, et qui profitent aux ennemis des libertés et de l’épanouissement humain.

Il faut donc en finir avec cette situation de crise intellectuelle profonde au sein des

mosquées en établissant le modèle de la « mosquée réformée » où l’abrutissement de la

masse sera prohibé et exclu à jamais du cahier des charges.

Quatrièmement, elle est nécessaire pour permettre au peuple des mosquées de se

prononcer au sujet de l’organisation de leur culte. Car on assiste, depuis bientôt deux

décennies, à une agitation inquiétante, de part et d’autre, quant à l’avenir de l’objet « islam

de France » et de sa ramification rituelle le « culte musulman ». La façon dont le pouvoir

politique en place et ses alliés religieux les conçoivent et les veulent, est doublement

préjudiciable, et au caractère laïc de l’Etat, et à l’approche « collectiviste » de la gestion de

celui-ci.

En effet, les acteurs de cette agitation, que ce soient les présumés « représentants du culte

musulman » ou les représentants de l’Etat, mènent leurs projets en dehors de la sphère des

mosquées. Et ce, en marginalisant, sciemment ou inconsciemment, les premiers concernés

qui sont d’abord celles et ceux qui s’y rendent habituellement et qui ne sont au courant de

rien, si ce n’est de quelques noms médiatisés et de quelques abréviations, par-ci et par-là.

D’ailleurs, l’expression de « représentants du culte » pose problème même si l’on assiste,

presque tous les trois ans à un semblant élections régionales et nationales. Reste à

examiner de prime abord, le pourquoi et le bien fondé d’une telle représentativité. Et savoir

par la suite si véritablement cette représentativité présumée est effectivement

représentative de l’ensemble des idées, des projets et des souhaits de ladite communauté

musulmane.

Page 33: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

33

Une telle revivification permettra de rendre la parole confisquée à toutes les sensibilités qui

exprimeront au sein de la « mosquée réformée » leurs différences et leurs préférences. Elle

permettra aussi l’entente sur les règles de l’organisation interne et externe du culte, de la

gestion des lieux et de l’adhésion, ou non, dans un processus de représentativité voulu et/ou

imposé par l’Etat.

A ce stade, il faut rappeler que l’Etat n’a pas, au nom de la laïcité, à dicter les « règles

d’organisation générale du culte» ni à imposer un cadre représentatif sélectif, ni à désigner

ou coopter certaines figures qui passent mieux, politiquement et médiatiquement, ni à

cautionner les conditions et les tractations faisant parti d’un autre temps et d’un autre

monde dont lesquelles se déroulent les campagnes électorales et les soi-disant élections.

Cinquièmement, elle est nécessaire pour permettre aux uns et aux autres de revisiter le sens

et l’essence de l’objet « Islam ». Et de permettre aussi, à qui le souhaite bien sûr, la

possibilité d’assister à cette redécouverte. Non pas sous forme de cours de religion

dispensés de façon autoritaire et qui laissent s’installer d’un côté, des Cheikhs – comme

porteurs exclusifs de connaissances théologiques, comme donneurs de leçons de morale et

comme présumés détenteurs de certaines « vérités » absolues – et de l’autre côté des

disciples silencieux qui doivent se contenter d’approuver sans contester et d’apprendre par

cœur ce que l’on leur dicte sans réfléchir. Mais plutôt, sous forme d’interaction dégagée de

toute hiérarchie et de toute forme de domination par des connaissances appelées, à tort,

« sciences islamiques ».

Sixièmement, elle est nécessaire pour assurer au sein de la cité un cadre où l’on pourra

aborder toutes les questions de société et de religion qui fâchent, et qui sont traitées

timidement, dans des sphères trop imperméables de chercheurs, d’universitaires

spécialisées et trop en rupture avec la réalité des mosquées. Une réalité marquée par

l’omniprésence d’autre genre de questions, tout à fait compréhensibles dans l’état où l’on

est, mais qui ne s’éloignent pas de la sphère rituelle et formaliste, laissant de côté les sujets

fondamentaux aussi bien impérieux qu’occultes.

Page 34: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

34

« Mosquée réformée » comme espace de débats avant-gardistes

Il est clair que les sujets fondamentaux occultés sont très nombreux et ils n’attendent qu’à

être abordés, à l’aube de ce 21ème

siècle, avec le courage et l’honnêteté intellectuelle

indispensables.

Au sein de la cité, et à l’exception des mosquées et de quelques rares instituts académiques

à tendance plutôt conservatrice, il n’y a pas d’espace permanent et adapté qui puisse

rassembler le peuple des mosquées – les premiers concernés par ces questions – et où l’on

puisse oser parler de ce genre de sujets qui tracassent, en silence et de manière quasi

inavouée, la conscience collective.

L’université, bien qu’elle soit utile pour apporter des éclairages scientifiques, historiques,

anthropologiques, sociologiques, psychologiques et autres, n’est pas un lieu populaire

approprié où la collectivité puisse réfléchir, dans son hétérogénéité caractéristique, à ces

questions.

La structure et l’organisation interne de la mosquée, telle que nous la connaissons

aujourd’hui et qui reste largement prisonnière d’un lourd héritage ancestral contraignant et

d’une pesanteur institutionnelle qui est administrativement rédhibitoire et idéologiquement

réprobatrice, ne permet pas elle aussi à libérer le débat ni à encourager la réflexion

permettant d’élucider l’ensemble de ces questions.

Par conséquent, le seul lieu adapté et qui reste à réinventer et à restaurer de nouveau, est à

mon intime conviction, la « mosquée réformée ». Qui certainement, n’aura pas à se soucier

de la gestion des affaires sociales et économiques ou à s’ingérer dans les affaires politiques

de la cité. Même si elle peut se préserver le droit d’être un espace, parmi tant d’autres, où

l’on puisse échanger sur les impacts du social, de l’économique et du politique sur l’être

individuel et sur l’être collectif. Pour ces affaires, il y a bien des conseils de quartiers, des

conseils municipaux, des instances départementales, régionales et nationales qui s’en

Page 35: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

35

occupent tout en se démarquant totalement – malgré quelques exceptions déplorables ici

ou là – de la sphère religieuse. Et Dieu merci que ce soit ainsi !

La « mosquée réformée » servira, en plus de sa fonction cultuelle primitive, d’espace où

d’autres fonctions d’ordre intellectuel et culturel seront assurées conjointement. Là où l’on

pourra construire, en permanence, l’objet « islam de France » en collectivité, en évitant à ce

que cela ne soit pas à la charge du pouvoir politique ou d’une quelconque minorité attachée,

d’une manière ou d’une autre, à ce même pouvoir. Là où l’on osera, peut-être, penser

« l’impensé » communautaire, pénétrer dans les secrets des tabous et faire jaillir de la

lumière sur les innombrables zones d’ombres et les questionnements qui tourmentent les

esprits en quête de sens et ceux qui sont à la recherche d’humanisme aimant et pacifique.

Cela suppose une réforme structurelle, en amont, de la « mosquée » actuelle et nécessite la

combinaison de nombreux ingrédients, à juste dose, tels que la volonté collective ;

l’imagination inventive ; le courage intellectuel ; le travail d’équipe ; la synergie des

actions ;… et évidemment beaucoup plus de sagesse et de patience.

La « mosquée réformée » permettra, de ce point de vue, une totale démocratisation et

transparence quant à l’examen de ces questions cruciales. Cette structure conduira

effectivement à l’émergence d’une conscience collective sur l’ensemble de ces sujets tabous.

Elle mettra fin à une tradition qui, depuis des siècles, empêche toute réforme structurelle de

la jurisprudence et du droit dit « islamique » et qui n’a peut-être d’islamique que le nom !

Dans ce schéma, seule la collectivité est souveraine. Ni Cheikhs ni mollahs théologico-

politiques ne pourront, à partir de ce moment précis, dicter leurs humeurs ou les humeurs

de leurs saints prédécesseurs, en les déguisant soigneusement d’apparences religieuses.

Page 36: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

36

Questions qui fâchent et revendications « coraniquement »

incorrectes !

Parmi ces questions nombreuses que l’on n’ose plus poser et traiter en collectivité, au sein

de la mosquée actuelle et qui pourront trouver toute leur place et alimenter les échanges au

sein de « la mosquée réformée » souhaitée, il y a, à titre d’exemple :

La question du sens même – statique ou dynamique – que l’on donne à l’objet « Islam », à

sa variante « islam de France », à sa ramification « culte musulman », à sa réglementation

« droit musulman », à son fidèle le « musulman », à son adversaire supposé le « non

musulman », à sa collectivité nationale la « communauté musulmane », à sa communauté

supranationale la « Oummah musulmane », à l’articulation recherchée entre ladite

« Oummah musulmane » et la République, au compromis entre le droit dit islamique et

le droit positif laïque,…

La question de savoir, si oui ou non, il doit y avoir au sein de chaque mosquée un imam –

islamiquement parlant et en observance de ce qu’a été la genèse organisationnelle de la

« mosquée réformée ». Un imam faisant de la célébration de la prière, de l’exhortation –

voire de l’exorcisme (!) – et de son aptitude à répondre aux questions des gens, une activité

rémunérée.

La question de savoir, si oui ou non, il doit y avoir, comme le souhaite le Président de la

République, lorsqu’il était encore ministre de l’intérieur, un Conseil des Imams – une sorte

d’autorité religieuse officielle et reconnue par l’Etat – qui aura pour mission : d’ « étudier

des questions d’ordre spirituel et moral » ; « rechercher des positions de compromis » ;

«construire un socle de repères communs sur les points essentiels de la foi musulmane » ;

« servir de vecteur à la modernisation de l’islam, au développement d’une approche plus

scientifique et moins littérale du Coran » et d’accélérer « la victoire des valeurs essentielles

et universelles de cette religion [l’islam] sur des conceptions rétrogrades héritées du passé

et de l’histoire ». (1)

Page 37: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

37

Et sans juger, de bonne ou mauvaise, l’intention du Président de la République, et sans

rentrer non plus dans le vif du sujet, cette question méritera d’être débattue au sein de la

« mosquée réformée » et non pas dans d’autres sphères fermées, élitistes et cooptées.

Chose qui peut conduire éventuellement à la cléricalisation forcée de l’islam de France et à

une sorte d’hiérarchisation que le Président même juge étrangère à la culture musulmane.

A ce sujet, Nicolas Sarkozy écrit, je cite : « L’idée même d’une instance régulatrice du

contenu de la foi islamique est étrangère à la culture musulmane » (2)

. Le danger d’une

cléricalisation par le haut de l’objet « islam de France » n’est pas à sous-estimer, lorsque l’on

s’engage dans de pareil processus de représentativité. On voit actuellement, dans d’autres

pays et sans retracer l’histoire depuis les omeyyades, les conséquences graves de la

cléricalisation de l’islam, que ce soit l’islam chiite ou l’islam sunnite, même si les

protagonistes de ce dernier nient l’existence d’un quelconque clergé sunnite. Néanmoins, les

faits sont là. Et même certaines déclarations officielles des autoproclamés représentants du

culte le confirme. (3)

Que dire donc des fatwas limitatives des libertés individuelles et attentatoires aux droits

fondamentaux, y compris le droit à la vie, qui ont été émises par l’instance égyptienne

sunnite Al-Azhar à l’encontre de nombreux intellectuels qui ont eu le malheur de toucher à

des questions tabouisées ? Sans parler des instances chiites qui excellent dans l’art de la

censure et des fatwas meurtrières !

A rappeler tout de même que le Président de la République, tout en niant tout caractère

régulateur du contenu de la foi islamique, a d’ailleurs sollicité Al-Azhar en décembre 2003

pour obtenir une fatwa « républicaine » ordonnant aux musulmanes de France de se

conformer à la loi française et d’accepter d’enlever le voile à l’école – même si le caractère

obligatoire du voile dit islamique reste sujet à controverse !

Sans parler aussi de l’autre fatwa « républicaine » offerte – sous commande paraît-il – à

Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’intérieur, par Dar Al-Fatwa de l’UOIF, le 6 novembre 2005,

demandant aux révoltés des banlieues d’observer, au nom d’Allah et de leur islamité

respective, la retenue et de cesser la révolte violente. Comme si les révoltes des banlieues

Page 38: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

38

étaient motivées par des revendications religieuses et comme si les révoltés étaient tous des

petits musulmans qui avaient oubliés les leçons de morale islamique et qu’il fallait que la

sainte UOIF intervienne pour rétablir l’ordre !

On peut légitimement, après ces ingérences réciproques, se demander si ce Conseil des

Imams, tant désiré par le Président de la République, ne sera pas simplement la traduction,

en français, de l’instance théologiquo-politique d’Al-Azhar ; qui incarnera, à coup sûr, non

seulement la régulation du contenu de la foi islamique mais aussi la régulation comminatoire

du contenu de la loi, des mœurs, des habitudes, des choix et même des assiettes !

Cela m’amène à soulever la question de la « formation des imams » qui occupe une place

centrale dans le projet que l’Etat mène avec les mouvements dits représentatifs du « culte

musulman ». Cette question en particulier mérite qu’elle soit examinée avec les premiers

concernés, le peuple des mosquées dans sa pluralité. Et ce, pour répondre au minimum à

deux interrogations :

Premièrement, de quel contenu de formation s’agit-il ? Et deuxièmement, pour quel statut

pratique et/ou symbolique au sein de la mosquée prépare-t-on les présumés imams de

demain ?

Bien que les intentions déclarées se veuillent bonnes et rassurantes, les réponses proposées

à ces deux grandes questions, ne présagent que la reproduction, à la française, des modèles

importés d’ailleurs. Et c’est la raison pour laquelle, j’attire l’attention sur la question du

contenu de la formation.

Autrement dit, et bien que certains projets de formation jouent la carte de la modernité en

intégrant des disciplines des sciences humaines et du droit français, le support fondamental

de la formation quant à lui, reste, en grande partie, composé des connaissances dites

« sciences islamiques » sélectionnées selon des critères assez souvent idéologiques et

théologiquo-politiques – sans que l’on examine le bien fondé de la scientificité et de

l’islamité supposées de ces connaissances – et qui ne prennent pas en compte l’ensemble de

l’héritage religieux, dans ses contradictions inhérentes.

Page 39: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

39

Le contenu de ces connaissances ne diffère guère du contenu que proposent des universités

en Egypte, au Maroc ou en Arabie Saoudite. D’ailleurs ceux qui se chargent de mettre en

place les programmes de formation – sans jugement de valeur – sont en majorité des ex-

diplômés de ces universités théologiques. Du coup, on peut imaginer d’ores et déjà, le

contenu des discours que ces imams, supposés formés par la République, vont diffuser en

langage français, aux seins des mosquées de l’Hexagone.

La deuxième question concerne le statut pratique et/ou symbolique qu’auront ces

présumés imams une fois formés (je ne parle pas du statut professionnel ou salarial puisque

la République n’a pas vocation à rémunérer les imams, laïcité oblige). En d’autres termes,

seront-ils des clercs représentants d’Allah dans la cité, comme c’est déjà le cas aujourd’hui

dans de nombreuses mosquées ? Ou bien seront-ils de simples bénévoles au service de la

bonne parole, mais sans aucune prétention sacrale ni statut salarial ?

En effet, je peux comprendre que la République veut rendre lisible, voire visible et

contrôlable cet islam « républicain », mais ce que je ne comprends toujours pas c’est

l’utilisation par l’Etat d’une grille de lecture qui, bien qu’elle soit convenable pour la lisibilité

de la hiérarchie ecclésiastique catholique ou juive, elle est inappropriée quant à la lecture de

l’objet « islam », qu’il soit républicain ou étranger. D’ailleurs, l’islam mohammadien tel qu’il

est expliqué dans le Coran, n’est pas de nature à admettre, en son sein, une quelconque

autorité religieuse et il n’approuve aucune salarisation des professionnels de l’exhortation.

Par ailleurs, d’autres revendications sont loin d’être consensuellement admises et

nécessitent donc une élucidation dans le débat contradictoire. Parmi lesquelles, on y trouve :

La question de l’abattage rituel et de la viande dite Halal. Ceci permettra, à mon avis, de

résoudre deux énigmes qui me paraissent problématiques et tabouisées :

La première énigme est d’ordre religieux et théologique. Il s’agit de revisiter, dans un

premier temps, l’expression «sacrifice rituel » et l’expression « abattage Halal » pour voir

qu’elle en est la part juste du « culte musulman » et qu’elle en est la part exagérée de

Page 40: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

40

la culture – ou des cultures – et de l’histoire. Et d’oser dans un deuxième temps, sans calculs

idéologiques, examiner en quoi la charcuterie – hormis le porc – que l’on vend chez le

boucher du coin et qui n’est pas labellisé Halal ne peut être comestible par les musulmans

riverains ?

La deuxième énigme est d’ordre financier. Je pense qu’il est du droit de ladite communauté

musulmane, dans son entièreté, de comprendre les rouages et les coulisses du marché Halal.

Il est nécessaire pour la transparence financière de lever enfin le voile sur la manne d’argent

qu’assure ce marché au profit de certains « marchands du culte musulman », que se soient

des personnes physiques ou des organisations de contrôleurs, affiliées en majorité aux

fédérations dites représentatives du « culte musulman ». Celles-ci perçoivent des taxes (!) et

font payer les abattoirs pour contrôler la bonne foi musulmane du sacrificateur et l’islamité

de l’abattage des bêtes.

En plus de cela, d’autres rémunérations généreuses sont perçues par certains contrôleurs

lorsqu’ils ont la chance de travailler avec des sociétés et des firmes transnationales de

l’agroalimentaire et de l’industrie pharmaceutique. Par exemple, le fait de contrôler la

provenance Halal de la gélatine – à destination alimentaire ou pharmaceutique – et de

s’assurer qu’il ne s’agit pas de gélatine porcine ou bovine non Halal, constitue une manne

d’argent pour ces contrôleurs qui s’enrichissent, ou qui enrichissent leur fédération-mère,

sur le dos du « culte musulman » ! L’objet « islam » fait gagner de l’argent paraît-il !

La revendication des « carrées musulmans » mérite elle aussi d’être réexaminée. Puisqu’il

n’y a aucun fondement coranique à cette revendication communautaire, qui se veut

légitime ! Le courage intellectuel veut lui, que l’on enquête davantage et que l’on dévoile les

origines ségrégationnistes, historiques, culturelles, politiques, voire militaires de cette

revendication.

Comment se fait-il que les musulmans de France revendiquent – et c’est le droit – une

citoyenneté française, émancipée et égalitaire au moment même où de nombreux

musulmans de France font le choix, ou d’autres le font à leur place, de se faire enterrer

ailleurs dans une autre terre considérée comme « terre de l’islam » ? La France n’est-elle pas

Page 41: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

41

une « terre d’islam » pour ces français ? Pourquoi donc faire le choix de vivre ici quand on

désire mourir et se faire enterrer ailleurs ?...

Comment expliquer le fait que cette communauté accepte de se mélanger avec les désignés

« autres » dans les écoles, dans les centres commerciaux, dans les plages et dans les

quartiers résidentiels et qu’elle refuse en même temps de se mélanger avec ces mêmes

« autres » dans les cimetières ?

Comment se fait-il que la terre de la République ne soit désirée que pour profiter d’un cadre

de vie, relativement prospère, et qu’elle soit déconsidérée et dédaignée au moment de la

mort et de l’enterrement ?

Est-il raisonnable que certains mouvements dits représentatifs de « l’islam de France »

prônent manifestement le vivre ensemble au moment même où elles légitiment, au nom de

Dieu, la mort ghettoïsée et l’enterrement communautarisé ?

Cette idée des «carrées musulmans » ne cache-t-elle pas une autre idée, aussi bien

grotesque que xénophobe, celle du « peuple élu d’Allah » qui prétend être, par définition,

supérieur et meilleur que les « autres ». Et de ce fait, il ne doit pas se mélanger avec ces

« autres » considérés inférieurs car incrédules. Et s’il n’arrive pas à assumer cette préférence

et ce devoir pendant la vie, il devra se rattraper au moment de la mort et de

l’enterrement ?...

La question du mariage dit « mixte » ou « intercommunautaire », surtout lorsque l’on est

femme ! D’ailleurs, pour qu’elle(s) raison(s), par exemple, un homme musulman, au nom de

son islamité revendiquée, peut éventuellement se marier avec une femme chrétienne, ou

juive ou autre alors qu’une femme musulmane est toujours contrainte de se marier

exclusivement, au nom de la même islamité revendiquée, avec un homme musulman et avec

personne d’autre ? Faut-il encore chercher l’origine historique et l’interprétation du texte

qui, pour certains, légitiment ce mode de fonctionnement ? La communautarisation des

esprits n’est-elle pas une conséquence directe ou indirecte du refus et de la prohibition des

mariages mixtes ?

Page 42: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

42

La question de la circoncision des garçons musulmans mérite elle aussi d’être réexaminée.

Pour précision, je ne parle pas de l’excision des filles que le clergé sunnite considère comme

pratique étrangère au « culte musulman » et je ne peux d’ailleurs que m’en réjouir ! Je parle

bel et bien de la circoncision des garçons.

Dans le Coran – au contraire de la Torah juive – il n’y a aucun texte coranique qui prescrit

cette pratique. Et même dans lesdits Hadiths supposées prophétiques, il n’y a aucun texte, a

force de loi, qui stipule le caractère cultuel obligatoire de la circoncision des garçons. On ne

trouve que quelques textes, rapportées de façon redoutables, et des histoires épouvantables

comme celle qui raconte que le prophète Abraham s’est fait circoncis seul (!) dans le désert à

l’âge de 80 ans à coup de pioche (!) Pas la peine donc de réclamer des témoins oculaires !

Au-delà, des bienfaits médicaux supposées ou avérées de cette pratique sur la santé sexuelle,

en particulier, des questions persistent en l’absence d’un cadre de débat où toute la

communauté doit être associée :

Comment se fait-il que l’on insiste, lorsque l’on est parent musulman, à pérenniser cette

pratique qui est plutôt culturelle que cultuelle et plutôt d’origine pharaonique que d’origine

prophétique ?

Comment se fait-il que la circoncision soit observée tel un sixième pilier de l’islam ?

Comment se fait-il que l’on n’accepte pas l’excision des filles et que l’on ordonne la

circoncision des garçons ? Les deux pratiques ne sont-elles pas de la même nature ? Le

musulman a-t-il besoin d’être circoncis pour qu’il soit reconnu en tant que tel ? La

circoncision est-elle un acte de foi ?

La circoncision n’est-elle pas une marque de différenciation ethnico-religieuse et un signe

religieux non ostensible qui pourrait se révéler mortel lors des guerres civiles ? Comme

c’était le cas pendant la 2ème

guerre mondiale ou pendant la guerre des Balkans.

Page 43: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

43

En effet, l’armée de Slobodan Milosevic exécutaient systématiquement, tout homme

portant ce signe physique distinctif qui témoigne d’une certaine islamité par l’anatomie du

sexe. Et c’étaient aussi le cas des juifs, 50 ans auparavant – qui pratiquent eux aussi la

circoncision des garçons depuis toujours – lorsque les nazis du parti national-socialiste

allemand, à défaut de faire des tests ADN, différenciaient le juif du non-juif, à l’aide de cette

signature gravée sur leurs chairs et procédaient par la suite, à les éliminer de manière

barbare et affreuse.

D’autres questions pourront être aussi traitées et étudiées au sein de la « mosquée

réformée ». Il s’agit de jauger dans le débat contradictoire le bien-fondé de l’ensemble de

ces revendications communautaires, qui se veulent légitimes et qui forment le corpus des

requêtes des instances dites représentatives du « culte musulman » auprès du pouvoir

public.

« Mosquée réformée » : un concept à six piliers

La « mosquée réformée » est avant tout un concept qui demeure en construction

permanente. Il ne prétend pas être « La » Réponse à toutes les interrogations et les

critiques que j’ai pu formuler depuis le début de cette série. Néanmoins, il tente de

promouvoir des pistes de réflexions et d’initier des chantiers d’action, visant à réformer la

mosquée et à la libérer de la mainmise idéologique et théologiquo-politique qui pèse

lourdement sur elle, et qui l’empêche d’accomplir ses fonctions spirituelles et intellectuelles

au service de l’humain pacifique et de la cité plurielle.

La « mosquée réformée » se définit premièrement, tel un lieu où la spiritualité religieuse

mohammadienne pourra prospérer et s’exprimer pleinement. Elle sera de facto, le lieu où

cette spiritualité pourra inviter, rencontrer et vivre des moments d’interconnaissance, de

partage et d’échange avec d’autres spiritualités religieuses, chrétiennes, juives,

bouddhistes,… et pourra convier, accueillir et dialoguer, avec modestie et sans suprématie

prétentieuse, avec d’autres spiritualités non religieuses, agnostiques voire athées.

Page 44: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

44

Elle se définit deuxièmement, comme un lieu de recueillement, de prière et de méditation.

Un espace aménagé pour que les croyants mohammadiens puissent accomplir leur prière,

individuellement ou collectivement. Un lieu où les croyants d’autres religions et aussi les

non-croyants, qui désirent profiter d’un moment de prière, de calme, de méditation ou qui

veulent satisfaire un simple désir de découverte puissent y accéder à toute heure, sans qu’ils

soient obligés de demander l’autorisation d’accès à qui que ce soit. L’accès libre à cet édifice

doit être gravé sur son fronton.

Elle se définit troisièmement, tel un espace où les femmes ne seront pas reléguées dans les

derniers rangs ou confiner dans des salles isolées. Au contraire, elles auront le même statut ;

assureront les mêmes fonctions que les hommes ; s’exprimeront sur la même tribune, y

compris le jour du vendredi et occuperont tout l’espace de l’édifice, sans restriction

discriminatoire, dictée par des interprétations machistes et bédouines des textes religieux

ou motivée par des positions féministes déplorables ; car assujetties aux règles de bonne

conduite destinées aux femmes et qui sont définies par des théologiens hommes,

prisonniers des traditions misogynes des temps révolus.

Elle se définit quatrièmement tel un forum permanent, bouillonnant de perspectives et de

pensées. Un lieu où les carriéristes de l’exhortation seront remerciés mais sans indemnités

de départ. La parole redeviendra dès lors un droit sacré au profit de tout un chacun. Fini

alors la confiscation de cette parole par les présumés imams et par les

recteurs autoproclamés. Place donc aux libres initiatives et à l’imagination.

Elle se définit cinquièmement, tel un espace où pourrait siéger, à côté de l’association

cultuelle qui se charge, exclusivement, d’assurer l’exercice public du culte, de sa gestion et

de l’entretien de l’édifice, toutes autres associations concernées par les questions d’ordre

humain, spirituel, intellectuel et aussi toute association oeuvrant sur le terrain des

solidarités, au sens le plus large du terme.

Elle se définit sixièmement, tel un espace fondamentalement apolitique et non-idéologique.

Elle ne sera pas le fief ou la réserve des voix d’une quelconque formation politique. Elle se

refusera à tout engagement partisan et à tout marchandage électoral. Elle ne sera pas le

Page 45: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

45

quartier général idéologique d’une quelconque confrérie théologico-politique. Cependant,

elle ne devra pas être muette sur les enjeux menaçant la dignité humaine et les questions

tracassant la cité des humains.

« Mosquée réformée » : Vers un amendement de la loi 1905

La loi concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, du 9 décembre 1905, a définit le cadre

d’intervention des associations dites cultuelles. Dans son article 4, elle préconise que : « les

locaux religieux seront transférés aux associations qui en se conformant aux règles

d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice, se seront

légalement formées suivant les perspectives de l’article 19 ». En effet, cet article suppose,

dans l’absolu, qu’il y a des règles d’organisation générale propre à chaque culte. Et que les

associations qui se chargent de la gestion de l’exercice cultuel doivent s’y conformer.

Cela est vrai dans le cas de l’Eglise catholique romaine dont la hiérarchie est établit de fait,

et depuis des siècles, sous forme d’organigramme sacral allant du Pape jusqu’au prêtre et

diacre, tout en passant par les archevêques, les cardinaux et les évêques. Qui non seulement

sont considérés comme simples gestionnaires des lieux de culte mais qui exercent au-delà de

ça, un pouvoir moral et une mission sacrée au nom et par l’autorité religieuse de Jésus Christ

et de ses apôtres, reçue dans le cadre d’une ordination épiscopale, presbytérale ou

diaconale, pour le service du peuple de Dieu.

L’Eglise catholique a protégé, en se basant sur cet article et sur l’accord signé en 1924 entre

le Saint Siège et l’Etat Français, son identité, son organigramme interne et ses règles

d’organisation générale du culte. L’Etat quant à lui, a respecté cette structure hiérarchique

et n’a pas cherché à imposer le fonctionnement démocratique des associations, prévu par la

loi du 1901 qui stipule, entre autres, que lors des assemblées de votes et de délibérations, la

voix d’un membre, quel qu’il soit, vaut autant que la voix d’un autre.

Si cela est vrai dans le cadre d’association culturelle, il ne pouvait pas l’être dans les

associations cultuelles catholiques. Puisque celles-ci, connues sous le nom d’associations

Page 46: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

46

diocésaines, sont soumises chacune au pouvoir suprême de l’évêque de la circonscription

territoriale (ou diocèse) et non au pouvoir statutaire de l’assemblée générale, comme c’est

le cas des associations loi 1901. Dans une assemblée ecclésiastique, les voix ne se valent pas.

Le judaïsme rabbinique a lui aussi ses propres règles d’organisation générale du culte. Les

synagogues et temples juifs sont soumis à l’autorité rabbinique. Les missions sont

structurées et hiérarchisées. On y trouve : le Rabbin de la communauté – soumis lui aussi à

l’autorité du Grand Rabbin – reconnu compétant par un jury de pairs et chargé de répondre

aux questions à caractère légal qui se posent au sein de la communauté ; Le Dayan reconnu

expert de la législation juive, dirige le tribunal rabbinique et tranche dans les litiges

financiers, matrimoniaux et les questions de conversion ; Le Hazzan ou Shatz qui tient le rôle

de vocaliste, officiant et meneur de la prière ; le Mohel qui pratique la circoncision ; le

Shohet qui est chargé de l’abattage rituel ; le Sofer ou scribe qui est expert dans l’art de

l’écriture des textes sacrés (rouleaux de la Torah entre autres) ;… Là aussi on est bien en

présence de règles établis depuis des siècles régissant l’organisation générale du culte juif.

L’esprit de la loi 1905 reste observé.

Le problème se pose sérieusement lorsque l’on veut connaître exactement qu’elles sont les

règles de l’organisation générale du culte dit musulman, auxquelles doivent se conformer les

associations cultuelles qui s’en chargent ? Qui définit ces règles et au nom de qui et de

quoi ?...

Par conséquent, et en l’absence d’hiérarchie religieuse – surtout sunnite parce que les

chiites duodécimains sont soumis à l’hiérarchie des mollahs – reconnue, du moins de

manière officielle, les associations gestionnaires du « culte musulman » adoptent, en réalité,

l’un des deux scénarios suivants (ou même un mélange des deux) :

Le premier scénario consiste à reproduire à l’infini, dans un souci de fidélité à une certaine

tradition millénaire, les règles de contrôle mises en place, il y a des siècles, par des

théologiens omeyyades et non par le prophète. Ces règles sont devenues les règles

d’organisation générale du culte telles que nous les connaissons aujourd’hui. Elles

Page 47: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

47

établissent dans chaque mosquée, une sorte d’autorité religieuse de contrôle servant à la

domestication des sujets, au quadrillage de l’opinion publique et à la limitation des libertés.

Cette autorité religieuse est trop hiérarchisée, allant, si on commence par le bas de l’échelle,

de l’imam et de ses assistants jusqu’au grands Maîtres des écoles de jurisprudence et des

Hadiths, tout en passant par des Cheikhs intermédiaires, morts ou vivants. Dans ce même

schéma, l’imam est télécommandé du palais royal (ou présidentiel), par la voie d’une

hiérarchie religieuse officielle, centralisé à l’échelle nationale avec des délégations

régionales et locales. Ce qui explique le fait que dans la plupart des pays arabes, le Ministère

des Affaires Islamiques jouit d’une place centrale au sein du pouvoir exécutif et est

considéré un des principaux ministères de souveraineté !

Le deuxième scénario consiste à imiter, dans les détails et dans un esprit malveillant ou

simplement naïf, les pratiques associatives d’autres cultes. Sans se poser la question sur la

pertinence et la convenance d’une telle contrefaçon misérable. Puisque, si le judaïsme

rabbinique et le catholicisme se construisent, fondamentalement, autour d’autorités

religieuses hiérarchisées et largement admises au sein de leurs communautés respectives, le

culte mohammadien se refuse à toute hiérarchisation et à toute autorité.

Raison pour laquelle, je plaide pour une réforme pure et simple des mosquées afin d’y

définir, dans la concertation populaire, des règles simples et cohérentes avec l’esprit qui

régnait jadis au sein de la « mosquée/Al-Jami’i » de Mohammad où nulle ne prétendait, pas

même le prophète, un quelconque pouvoir sacral ou une quelconque entremise entre Dieu

et les gens.

Les lois en vigueur – en particulier la loi de 1905 et la loi relatives aux associations dite de

1901 – représentent à cet égard, un cadre juridique garantissant la légalité de la réforme

souhaitée. Ce cadre le sera encore davantage lorsque le législateur français reconnaîtrait,

dans un amendement apporté à la loi 1905 la spécificité organisationnelle des lieux de

cultes dits musulmans et mettrait la définition des fameuses règles d’organisation générale

du culte entre les mains de la collectivité plurielle qui fréquente les mosquées et non entre

Page 48: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

48

les mains d’une quelconque oligarchie religieuse autoproclamée, cooptée ou alliée aux pays

étrangers.

« Mosquée réformée » : Et si on essayait une gestion multi-

associative ?

Par ailleurs, si la question des règles d’organisation générale du culte est sujette à

controverse, la gestion des lieux du « culte musulman » qui est, juridiquement, conférée aux

associations cultuelles n’est pas remise en cause. Puisqu’il doit y avoir une structure qui

prendra en charge la gestion, la financiarisation et l’entretien au quotidien de ces lieux. Ceci

dit, rien n’empêche la domiciliation sociale et la cœxistence avec d’autres associations, loi

1901, au sein du même édifice à côté de l’association cultuelle.

En effet, les articles 18 et 19 de la loi de séparation stipulent que l’association cultuelle doit

avoir exclusivement pour objet l’exercice du culte. En d’autres termes, elle doit se charger

uniquement des tâches relevant de l’exercice cultuel, de sa subvention et de l’entretien de

son édifice.

Force est de constater aujourd’hui que de nombreuses associations, se définissant comme

cultuelles, enfreignent cette restriction réglementaire et élargissent maladroitement leurs

objets et champs d’actions. L’association cultuelle, en la personne de ses dirigeants,

s’occupe de tout ; contrôle tout ; monopolise tout ; organise tout ; exige un droit de regard

sur tout ;… Et lorsqu’elle veut jouer la carte de la diversité et de l’ouverture vis-à-vis de

l’extérieur, elle choisi l’ambiguïté du discours en se définissant tantôt comme association

cultuelle tantôt comme association à vocation culturelle ou socioculturelle. Et parfois, elle

crée d’autres associations-écrans, soi-disant spécialisées et à objet culturel en intronisant à

leurs têtes, des équipes inféodées, qui seront les gardiens des principes idéologiques que

l’association-mère défend.

Pour sortir de ce « guet-apens » associatif préjudiciable, une des solutions qui me paraît

efficace consiste à opérer deux changements capitaux :

Page 49: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

49

Premièrement, il faut que l’association cultuelle redevienne de nouveau cultuelle en se

chargeant exclusivement, et comme le préconise la loi, de l’exercice du culte, de sa

subvention et de l’entretien de son immobilier.

Et deuxièmement, il est indispensable de rendre accessible toute autre action associative au

sein de la structure. Il est temps que l’associatif de domination disparaisse et que

l’associatif de coopération naisse. Cela se traduit par l’établissement d’un système

favorisant la création et la domiciliation sociale d’autres associations au sein de l’édifice, à

condition de satisfaire nécessairement les trois conditions ci-après :

La première condition stipule que l’association candidate accepte de signer une charte (ou

un texte-cadre) reprenant, entre autres, les six piliers susmentionnés de la « mosquée

réformée » ; rappelant le fonctionnement multi-associatif et les fonctions de la structure ;

énumérant les droits et les devoirs de chacun et explicitant les responsabilités des

associations adhérentes.

La deuxième condition stipule que cette association accepte de signer les statuts et le

règlement intérieur de la structure. Tout en se préservant le droit de proposer lors des

assemblées générales, si besoin est, des modifications et des améliorations pour qu’ils

assurent au mieux le fonctionnement multi-associatif.

La troisième condition préconise que l’association s’engage à participer financièrement, de

manière périodique, aux frais de fonctionnement et de l’entretien des lieux. Cette

participation sera versée dans le compte de l’association cultuelle et sera rajoutée aux

cotisations et aux dons dont bénéficie celle-ci.

Une fois ces trois conditions sont et en plus réunies, toute association pourra bénéficier de la

domiciliation de son siège sociale au sein de la structure et de tout l’espace de celle-ci pour

les réunions et les activités. Aucune autre considération ne devra se rajouter à ses trois

conditions. L’association cultuelle n’a pas à autoriser ni à interdire, sur la base de

considérations idéologiques, théologico-politiques, ethniques, racistes ou autres, une

Page 50: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

50

association qui accomplit ces trois conditions. Elle ne doit pas non plus outrepasser son objet

cultuel ou s’ingérer dans les affaires internes des autres associations membres.

Chaque association adhérente gardera certes sa vision, sa personnalité, son projet et son

indépendance. Néanmoins, le cortège associatif devra trouver une, ou des, ère(s) d’entente

pour que la structure ne soit pas uniquement le théâtre d’une juxtaposition d’entités

indépendantes et égoïstes, mais au contraire, qu’elle soit l’espace où, à partir de la

multiplicité d’entités, d’approches et de projets où on réussira à en créer du sens et en

produire une synergie merveilleuse.

Les associations devront se parler, travailler ensemble, mutualiser les expériences et

s’entraider réciproquement. Les valeurs de la « mosquée réformée » devront voir leurs

empruntes sur la dynamique associative fleurissant en son sein. Elle devra favoriser

davantage et encourager les initiatives partenariales.

La « mosquée réformée » – voir l’organigramme ci-après – aura, juridiquement parlant, le

statut d’association loi 1901. Elle sera dirigée par un conseil d’administration représentatif

de toute la dynamique de la structure (associative et non associative). Ce conseil sera

composé de deux collèges élus à des proportions qui resteront à définir, selon la taille de la

structure, le nombre des adhérents et le nombre des associations. Il s’agit du collège des

associations adhérentes et le collège des personnes physiques indépendantes et qui

n’adhèrent pas forcément à la dynamique associative.

Organigramme de l’association « mosquée réformée »

Page 51: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

51

Dans le collège des associations, seule l’association cultuelle sera membre permanent du

conseil administratif de la structure « Mosquée reformée ». Car c’est bien elle qui s’occupera

du culte, de sa gestion et de l’entretien du bâtiment. Et de ce fait, sa présence permanente

au sein du conseil d’administration, va de soi.

Cependant, et à part ce privilège, elle n’aura pas d’autres prérogatives concernant le vote. La

même règle de délibérations s’appliquera de la même façon à tout le monde, selon un

principe démocratique très simple : un membre du conseil d’administration = une voix.

« Mosquée Réformée » (Loi 1901)

Assemblée Générale

Conseil d’administration

Directoire

Collège des associations Collège des personnes physiques indépendantes

Bureau exécutif

Association Cultuelle Loi 1905

Association B Loi 1901

Association C Loi 1901

Association D Loi 1901

Association A Loi 1901

Page 52: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

52

Quant aux autres associations, elles concourront, à travers leurs candidates et candidats aux

autres sièges à pourvoir selon des modalités qui seront prévues par les statuts et par le

règlement intérieur de la structure. Des membres physiques indépendants, qui ne seront pas

représentés par les associations-membres, auront un nombre de sièges à pourvoir

proportionnellement à leur nombre dans la structure. La parité homme/femme devra être

observée rigoureusement.

Le conseil d’administration sera élu pour un mandat lors d’une assemblée générale élective

qui se tiendra selon une périodicité à définir. Ce conseil élira un président-coordinateur (ou

une présidente-coordinatrice) parmi ces membres. Celui-ci (ou celle-ci) formera son bureau

et le fera valider par le conseil. Il (ou elle) ne devra pas avoir un deuxième mandat à la tête

d’une autre association membre. Il (ou elle) ne pourra pas non plus occuper ce poste

pendant deux mandats successifs. La « mosquée réformée » devra faire preuve d’alternance

démocratique et du non-cumul des mandats.

Les membres du conseil d’administration ne devront être ni salariés ni rémunérés de leur

fonction d’administrateurs. Ils devront siéger alors à titre bénévole. Ce conseil

d’administration, en partenariat avec l’association cultuelle, pourra, si besoin est, recruter

un directoire ou un nombre du personnels salariés (Directeur ou directrice, secrétaire(s),

comptable, conseiller juridique,…) pour assurer le bon fonctionnement interne de la

structure. Le directoire pourrait participer, à titre consultatif sans qu’il puisse voter, aux

assemblées générales, aux réunions du conseil d’administration et aux réunions du bureau

de l’association.

Le conseil d’administration de la « mosquée réformée » étudiera les demandes de création,

de renouvellement ou de domiciliation de nouvelles associations au sein de la structure. Il

validera les plannings et les emplois d’occupation des lieux. Il sera aussi l’espace où des

initiatives partenariales, entre associations-membres, pourront naître et s’accentuer.

Page 53: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

53

Quel(s) rôle(s) resteraient-ils à l’association cultuelle ?

Dans ce schéma, l’association cultuelle gérera uniquement la partie qui lui revient de

droit/devoir. Elle assurera les bonnes conditions de célébration de la prière. En rapport avec

cette mission, la direction de la prière collective devra être repensée avec l’ensemble des

fidèles afin de prendre une décision concernant le maintien ou non, de la fonction de l’imam

rémunéré – qui coûte parfois plus de 20.000 € à la communauté des fidèles ce qui veut dire

plus de 50 % du montant de la cotisation mensuelle que ceux-ci doivent payer à

l’association !

Toutes les idées doivent être prise en considération, y compris, celle qui considère qu’il ne

doit pas y avoir un imam rémunéré pour guider les prières. D’ailleurs, nombreux sont ceux et

celles, parmi les fidèles bénévoles et volontaires, qui peuvent diriger et célébrer la prière

sans aucune contrepartie financière ! L’association pourra mettre en place une liste des

imams bénévoles et un planning hebdomadaire organisant cette fonction.

Si toutefois, pour une raison X ou Y, l’association cultuelle ferait le choix du maintien du

caractère salariale de la fonction d’imam, elle devra subvenir aux frais qui en résulteraient,

par les cotisations de ses propres adhérents. Les associations-membres de la « mosquée

réformée » ne devront pas être concernées par cette charge cultuelle.

Par ailleurs, l’association garantira aux hôtes de la maison de Dieu, quels qu’ils soient,

l’hospitalité et le bien-être. Elle s’occupera de l’entretien de l’édifice et de sa propreté. Elle

subviendra aux charges de fonctionnement et de l’entretien. Et pour cela, elle devra mettre

en place un budget annuel qui sera financé par les cotisations, les dons et par tout ce que

permet la loi. Les autres associations qui siègent au sein de la « mosquée réformée »,

contribueront aux charges liées à l’occupation des lieux (Electricité, Eau, Chauffage,

Téléphonie, Fax, Internet,…).

Aussi, l’association cultuelle pourra, en conformité avec les articles 20, 21 et 22 de la loi

1905, constituer des unions (locales, régionales,…) avec d’autres associations cultuelles

Page 54: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

54

d’autres « mosquées réformées ». Ces unions, ainsi constituées, remplaceront le CFCM et

ces institutions régionales. Elles pourraient faciliter la mutualisation, en priorité, de leurs

ressources financières et mettre en place des fonds de réserves, selon les modalités et les

restrictions prévues par la loi en vigueur. Et ce, dans un souci de prise en charge collective et

mutualiste des édifices de culte. Mais, en aucun cas, ces unions ne devront se transformer

en une sorte d’autorité religieuse régulatrice du contenu de la foi ou émettrice de fatwa.

Rassemblement du vendredi : Quatre principes et une déontologie

Le rassemblement du vendredi devra lui aussi retrouver sa fraîcheur et son esprit d’antan.

Autrement dit, il devra cesser d’être un spectacle d’exhortation où l’imam-prêcheur y fait

hebdomadairement son one man show idéologique et théologico-politique, dans le mutisme

des fidèles, qui sont réduits en spectateurs et consommateurs de la parole moralisante.

Pour cela, et pour l’ensemble des raisons évoquées dans les articles précédents, la fonction

d’imam-prêcheur devra disparaître purement et simplement. Le rassemblement devra

gagner en pluralisme.

Le rassemblement de vendredi, dans le cadre d’une gestion multi-associative de la

« mosquée reformée », deviendrait une sorte d’assemblée générale hebdomadaire et

informelle. Pendant laquelle, les associations qui y siègent, pourraient à tour de rôle, où

lorsqu’il y aurait nécessité, prendre la parole devant le public présent pour l’informer des

raisons de la tenue d’une activité, lui expliquer un projet, lui demander son avis, solliciter

son aide,… Le conseil d’administration de l’association « mosquée reformée » établira un

calendrier des interventions associatives.

Ce rassemblement pourrait servir aussi de moment d’échange et de réflexion collective sur

l’ensemble des questions susmentionnées et sur bien d’autres. A ce niveau, le conseil

d’administration de la « mosquée réformée » assurera la bonne tenue de ce rassemblement

en observant, autant que cela sera possible, les quatre principes suivants :

Page 55: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

55

Faire parler la diversité : L’atout majeur de la « mosquée reformée » sera sa diversité et son

pluralisme. Les intervenants lors du rassemblement devront refléter ce pluralisme. Il est

temps que toutes les tendances, toutes les écoles, tous les courants de pensée, puissent

s’exprimer librement et que la pensée unique disparaisse pour toujours.

Encourager le volontariat : La tribune de vendredi devra cesser d’être pris en otage par les

salariés de l’exhortation. Le respect de la tradition prophétique veut que ceux et celles qui

font le choix de guider les autres dans le droit chemin, doivent le faire à titre gracieux.

Bizarre quand même de lire, dans le Coran par exemple, que les prophètes travaillaient

comme tout le monde et refusaient de recevoir un quelconque salaire, en contrepartie de

leur missions de prophètes. Et de voir aujourd’hui des imams ou plutôt des salariés

présumés de Dieu courrant derrière des hauts salaires, des plans de carrière au sein des

associations cultuelles et refusent par la même d’aller travailler comme tout le monde ! Le

conseil d’administration devra faire appel à contribution et mettre en place un planning

périodique aux noms des intervenants (es).

Oser briser les tabous : Tous les sujets devront être traités avec sagesse mais sans

complaisance. Il est temps de risquer l’impensée collective en garantissant la liberté

d’expression !

Mieux répartir le temps de parole entre l’intervenant et le public : Monopoliser la parole

est contraire à l’esprit du rassemblement. De ce fait, une répartition équitable des temps de

parole, entre l’intervenant(e) et le public, devra être de rigueur.

En plus de ces quatre principes, le conseil de la « mosquée réformée » devra mettre en place

une charte déontologique qu’il fera signer par les différents (es) intervenants (es) pour

s’assurer de la bonne tenue du rassemblement de vendredi et des différentes réunions, se

tenant au sein de l’édifice. Des règles simples d’ordre éthique devront être rappelées. Par

exemple : Le respect de la dignité humaine ; l’acceptation de la diversité ; la protection des

libertés et notamment la liberté de conscience, de pensée et d’expression ; la non violation

des droits humains fondamentaux ; l’éthique du dialogue ;…

Page 56: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

56

Dans la même charte déontologique d’autres règles et articles de lois devront être

mentionnées. Par exemple :

« Les réunions pour la célébration d’un culte tenues dans les locaux appartenant à une

association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques… » (Art. 25 – loi 1905)

« Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à

l’exercice d’un culte » (Art. 26 – loi 1905)

« Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un

emprisonnement de six jours à dix mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui,

soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre

de perdre son emploi ou d’exposer un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune,

l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser

de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux

frais d’un culte » (Art. 31 – Loi 1905)

« Tout ministre d’un culte, dans les lieux où s’exerce ce culte, aura publiquement par des

discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées,

outragé ou diffamé un citoyen chargé d’un service public, sera puni d’une amende de

25.000 F et d’un emprisonnement d’un an, ou de l’une de ces deux peines seulement […] »

(Art.34 – loi 1905)

« Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où

s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux

actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des

citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un

emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans

le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile » (Art.35 –

loi 1905)…

Page 57: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

57

La « mosquée reformée » sera l’expression d’une diversité assumée et l’incarnation d’une

éthique de liberté, de dialogue et d’ouverture. Le rassemblement du vendredi en sera

l’ultime occasion et en sera aussi l’extraordinaire représentation. En son sein, l’éloge de tout

ce qui est humanisant, apaisant et modernisant sera mis à l’honneur. La célébration du divin

nourrira l’apologie de la modeste grandeur de l’humain qui, en s’accrochant bec et ongles à

ses libertés et à ses droits, se confirme davantage dans ces devoirs envers la cité des

Humains, envers la nature et se tourne confiant vers un avenir meilleur et pacifique.

Enfin…

Un an est déjà passé, depuis la publication du premier article « Mosquée dans la cité :

réalités et espoirs ! ». Et me voilà enfin, entrain de m’apprêter à mettre un point final à

cette aventure d’introspection et de prospective. Une aventure qui m’a permis, en

contrepartie d’un prix que je paye toujours, de revisiter mon passé récent associatif et d’en

témoigner avec franchise et sans complaisance. Cette aventure m’a déjà coûté des êtres qui

m’étaient chers : certains « amis » ou plutôt certains « frères » !

Cependant, elle m’a ouvert les yeux, Dieu merci, sur des facettes cruelles de la réalité : la

notre et celle dans laquelle sombre, depuis plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, de

nombreuses mosquées, ici comme ailleurs. Au fil des mois, une question me tracassait

l’esprit et me causait des insomnies chroniques :

Cette réalité tragique, serait-elle une fatalité inéluctable à laquelle, les mosquées ne

pourraient y échapper un jour ? Ou serait-elle simplement, l’expression d’une altération

ininterrompue, résultante d’un processus malintentionné, conduite par une minorité de

gens chevronnés, sans foi ni loi, qui se sont servis des mosquées afin d’asseoir leurs autorités,

d’accroître leurs richesses, d’élargir leurs cercles d’influence au prix d’abrutir, de pervertir,

d’asservir, au nom de Dieu, des générations successives et de sacrifier l’intelligence

collective et la paix, chère aux humains, sur l’autel de vils intérêts personnels ?

Page 58: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

58

Aujourd’hui, ma réponse s’est exprimée à travers cette série de témoignages et d’articles. Il

s’agit vraisemblablement d’une altération profonde dont les prémices se sont manifestées,

quelques dizaines d’années après la mort de Mohammad. Au moment où les Omeyyades ont

réussi à reconquérir, aidés par des théologiens mercenaires, les pouvoirs qu’ils avaient perdu

du vivant du prophète. Ils avaient mis la main sur la « mosquée/Al-Jami’i » qui représentait

le centre de gravité et aussi la pierre angulaire de la construction sociale que Mohammad

avait initié autour des valeurs de la fraternité, de la solidarité et du vivre ensemble.

Au-delà de ce constat amer, je crois profondément qu’il y a des antidotes à cette altération,

donc il y’a de l’espoir. J’ai proposé quelques pistes de réflexions et aussi quelques chantiers

d’action. Et bien que je sois conscient que, peut-être, ces propositions resteraient inaudibles

pour longtemps car les mosquées sont tellement verrouillées par les héritiers théologico-

politiques des Omeyyades, je crois en notre capacité collective et en la capacité des

générations futures à restaurer la version originale de la « mosquée/Al-Jami’i » sous une

forme tout à fait contemporaine et adaptée que l’on pourrait baptisée : la « mosquée

reformée ».

Dans l’attente, qui durera, un an … dix ans … un siècle … voire dix siècles ou plus, je me suis

attelé à construire ma propre « mosquée reformée » dans l’intimité de mon cœur !

Je l’ai construit sans murs, donc sans portes … ouverte sur les quatre directions

géographiques … prenant de là où je mets mon pied, un sol … prenant de l’horizon que

peuvent atteindre mes yeux, un toit … une mosquée plutôt dynamique car elle

m’accompagne là où je vais … et même lorsque je me résigne à marcher, elle m’emmène là

où je n’ai jamais rêver auparavant voyager … Un coup, elle me fait visiter l’histoire pour me

raconter la tragédie terrible de son arrière grand-mère la « mosquée/Al-Jami’i » que la

sagesse prophétique avait bâtie et que malheureusement, l’alliance théologico-politique

avait anéantie … Un coup à travers notre époque pour me montrer la condition calamiteuse

dont laquelle se trouvent ses soi-disant semblables … Et un coup vers l’avenir pour me faire

partager son souhait le plus profond : voir un jour fleurir, dans ce monde, là quelque part, ne

serait-ce qu’une « mosquée réformée » affranchie de tout joug et proclamant son

appartenance à l’humanité toute entière…

Page 59: Mosqu e dans la Cit : r alit s et espoirsmlouizi.l.m.f.unblog.fr/files/2009/07/mosquedanslacitralitsetespo... · Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine

59

Ma mosquée intime reste toujours éveillée en moi, même lorsque je réussis à somnoler en

son sein … elle me procure de la joie pendant mes instants de tristesse … elle ne met aucun

obstacle devant les gens qui souhaitent simplement s’asseoir en son calme, le temps d’une

prière, ou pendant quelques minutes de méditation … elle n’exclut personne car elle se

refuse à toute exclusion …

Ma « mosquée reformée » me dit lève-toi, marche et avance car le chemin de ton humanité,

tu ne pourras l’emprunter en reculant … marche et avance car la paix à laquelle tu aspires, tu

ne pourras l’atteindre en faisant du surplace … marche et avance car le Dieu auquel tu crois,

te dis : « Ô humain, qui t’efforces de rencontrer ton Seigneur, sache que, en persévérant,

sûrement tu le rencontreras »…

Un jour elle s’est confiée à moi, en me disant : « Dis à ton prochain, si par nostalgie ou par

amour, tu souhaites me restaurer une nouvelle fois à l’image de l’esprit de mon arrière

grand-mère, construit-moi, d’abord dans ton cœurs ! Le reste coulera de source ».

Notes :

(*) J’ai emprunté l’expression du discours que Martin Luther King avait prononcé sur les marches de Lincoln

Memorial le 28 août 1963. Le combat pour la liberté ne connaît pas, et ne connaîtra peut-être jamais de répit.

(1) Nicolas Sarkozy, La République, les religions, l’espérance, éditions du Cerf, Paris, 2004, p. 83-84

(2) Ibid., p. 83

(3) Une récente déclaration du recteur de la mosquée de Lille-Sud, dans une interview accordée à

Saphirnews.com, confirme expressément cette idée. En effet, le recteur, en rependant à une question de la

journaliste, a dit, je cite : « Je ne faisais personnellement pas partie du débat parce qu’en tant qu’autorité

religieuse, je dois respecter mes limites… ». Personnellement, je n’ai pas compris ce qu’il a voulu dire d’abord

par « autorité religieuse » ? Je n’ai pas non plus saisi ce sur quoi, il se base pour la proclamer et pour l’exercer

royalement, depuis presque 30 ans !