Espaces de Sobolev et introduction aux équations aux dérivées ...
Mosqu e dans la Cit : r alit s et...
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Mosquée dans la CitéMosquée dans la CitéMosquée dans la CitéMosquée dans la Cité : : : : réalités et espoirsréalités et espoirsréalités et espoirsréalités et espoirs****
La Mosquée de mes rêves !
Mohamed LOUIZI
*Collection des trois derniers articles extraits de la série « Mosquée dans la Cité : réalités et espoirs ! » publiée sur le blog « Ecrire sans censures ! » entre avril 2007 et mars 2008
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Pour Sadek AlSadek AlSadek AlSadek Al----NayhoumNayhoumNayhoumNayhoum, Humaniste de cœur et de plume,
Vous qui étiez engagés pour la Liberté, Reposez en paix,
Votre combat je le porterai jusqu’à ma mort !
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Mosquée dans la Cité : réalités et espoirs (n°10)
Vers une mosquée Humaine !
Qu’est-ce qu’une «Mosquée » ?
En 1553, le vocable « mosquée » fait son apparition dans la langue française. Il est un
emprunt à l’italien « moscheta », par le truchement de l’espagnol « mezquita », venant lui
même de l’arabe « masjid : مسجد », lui-même emprunté à l’araméen « masged », mot
apparu au septième siècle signifiant au départ « stèle » ou « pilier sacré » . Ce même mot a
été trouvé plus tard dans la langue nabatéenne – qui est une modification locale de
l’araméen écrite depuis le 3ème
siècle en alphabet grec – avec la signification d’ « endroit de
culte ».
Le Coran utilise 92 fois les dérivées linguistiques de la racine arabe « سجد (s, j, d) » ; que ce
soit pour parler de l’acte de « se prosterner durant la prière », de « se mettre à genoux » et
de « se dévouer au culte de Dieu ». D’autres dérivées nominales sont utilisées pour désigner
un ou des endroits bien particuliers, là où on se prosterne « Masjid », « Massajid », « Al-
Masjid al-Haram » - désignant la « Mosquée sacrée » située à la Mecque. Le Coran utilise
aussi, une dizaine de fois, des termes comme « Baytou’llah= maison de Dieu », « Bouyoute =
maisons de Dieu » pour désigner ce que l’on nomme aujourd’hui « mosquée ».
Quant aux définitions de ce terme, elles sont assez nombreuses, voire très nuancées,
reflétant, de façon générale, les différents usages que l’on a fait de la mosquée depuis 14
siècles, un peu partout dans le monde. Certaines définitions désignent par le terme
« mosquée » : « lieu de culte ou de rassemblement des musulmans pour les prières
communes », « édifice servant au culte musulman », « lieu de culte mais aussi
d’apprentissage du Coran », « lieu où l’on adore Dieu », « lieu de recueillement », « lieu
essentiellement dédié à la dévotion mais il peut servir aussi à de multiple fonctions »...
D’autres dénombrent des fonctions d’ordre social, éducatif, culturel, juridique, politique,
militaire, …etc.
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En Europe, on utilise aussi « centre islamique » (markaz : مركز) pour désigner la
« mosquée », en fonction des activités nombreuses que propose l’édifice à ses fidèles :
Prière, veillées spirituelles, célébration des fêtes et des mariages, prière pour les défunts,
conférences-débats, école coranique, cours d’arabe, alphabétisation, rupture du jeûne,
préparation du pèlerinage, établissement scolaire privé, rayonnement sportif, collecte
d’argent pour le financement des projets communautaires, pour des activités caritatives
et/ou de solidarité politique,… Pour certains notoires, la mosquée est aussi le lieu où
« culte » et « affaires » peuvent faire bon ménage !
La mosquée, en Europe comme ailleurs, dépasse bien souvent sa fonction cultuelle primitive
pour accueillir d’autres fonctions/activités qui peuvent, à un moment donné et dans
certaines circonstances, parasiter son rôle et se révéler nuisibles pour sa mission première,
telle qu’elle est définit dans le texte fondateur de l’islam : le Coran !
De la Genèse
Les traditions religieuses, presque toutes, aménagent des espaces dédiés à l’exercice cultuel.
Le Coran considère égalitairement ces lieux comme étant des endroits où on évoque le nom
du Seigneur : « Si Dieu ne repoussait pas certains peuples par d’autres, des ermitages
auraient été démolis, ainsi que des synagogues, des oratoires et des mosquées où le nom
de Dieu est souvent invoqué » (sourate 22, 40). En effet, se rappeler de Dieu et invoquer
son Nom dans une démarche spirituelle et méditative représente la raison d’être première
de ces lieux, et ce, depuis qu’il y a eu un lieu de culte sur Terre.
Le Coran évoque l’histoire du premier lieu, appelé métaphoriquement maison de Dieu, qui a
été construit pour célébrer le Divin. A son sujet, il dit : « En vérité, le premier Bayt – maison
ou temple – qui ait été fondé à l’intention des humains est bien celui de la Mecque, qui est
à la fois une bénédiction et une bonne direction pour l’Univers » (Coran, 3, 96). Il s’agit,
dans ce signe coranique, de la Ka’ba située à la Mecque en Arabie Saoudite. Cette maison,
nous informe le Coran, a été construite par le prophète Abraham aidé par son fils
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Ismaël : «Et pendant qu’Abraham et Ismaël élevaient les assises de la Ka’ba, ils disaient :
Seigneur ! Daigne accepter de nous ces ouvrages ! Tu es l’Audient, Tu es l’Omniscient ! »
(Coran, 2, 127).
Elle était définie, dès lors, tel un lieu de dévotion cultuelle, de rassemblement et de paix :
«C’est alors que Nous fîmes du temple de la Ka’ba un lieu de retraite et un havre de paix
pour les humains, en leur recommandant de faire de la station d’Abraham un lieu de
prière » (Coran, 2, 125), « Terre de signes sacrés, c’est aussi l’Oratoire d’Abraham.
Quiconque y pénètre sera en sécurité. En faire le pèlerinage est un devoir envers Dieu pour
les humains qui en ont la possibilité » (Coran, 3, 97), « Dieu a érigé la Ka’ba en Maison
sacrée et en lieu de rassemblement pour les humains… » (Coran, 5, 97).
Le Coran exprime, à travers l’évocation de ce premier « prototype », la raison d’être de tout
lieu de culte et en explicite les fonctions principales. Ce prototype était dédié aux retraites
spirituelles ; à la prière et au rassemblement. Il était aussi, et surtout, un havre de paix et de
sécurité ouvert et offert à tous les humains, sans distinction aucune ! Il ne s’agissait pas d’un
endroit fermé, sectaire ou communautariste où seulement les abrahamiques, de l’époque,
pouvaient y accéder et les autres se voyaient y pourchasser ! La Ka’ba est, de ce point vue,
l’expression ancrée d’une ambition abrahamique ancestrale visant à : rapprocher ; pacifier ;
sécuriser et rassembler les humains, je dis bien les humains, les uns les autres, depuis plus
de 4000 ans.
Apartheid religieux ?
Force est de constater que ce même prototype cultuel, ne reflète plus, désormais, sous le
régime wahhabite sunnite et pétrodollar, ce qu’il devait refléter et garantir ; à savoir :
l’accueil des « humains » désireux de paix, de sérénité et de prière ensemble !
Seul les « musulmans », jugeaient ainsi selon des critères apparents annexés à la théorie
dogmatique dite « cinq piliers de l’islam », peuvent y accéder. Même si, certains parmi eux,
ne croient pas ou ne croient qu’à moitié à la paix entre humains ; paix comme synonyme et
vocation principale de l’islam au-delà de son formalisme cultuel et ostentatoire.
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Quant aux autres, jugeaient non-musulmans – juifs, chrétiens et adeptes d’autres traditions
religieuses – par les défenseurs de cette même théorie, ils ne peuvent – sauf quelques rares
exceptions – ni y accéder ni même espérer y accéder un jour tant que cette limitation,
insensée et infondée à mon sens, persiste, tel un sixième pilier de cet islam autoritaire,
identitaire, ségrégatif, renfermé sur lui-même et qui a perdu au fil des siècles, son ambition
pacifique universelle et sa vocation abrahamique unificatrice, et non uniformisatrice,
d’accueillir les humains au-delà de leur appartenances religieuses.
J’ose dire que s’il y a aujourd’hui un lieu où la discrimination sur la base d’appartenance
religieuse bat son record ça serait, malheureusement, la Mosquée de la Mecque et par
extrapolation la majorité des mosquées d’ici et d’ailleurs !
Une explication…
Ceci dit, l’interdiction des « non-musulmans » d’accéder à la Ka’ba et aussi à bien d’autres
mosquées à travers le monde, se fait au nom de l’interprétation idéologique d’un texte
coranique isolé, astucieusement, de son contexte linguistique et surtout déraciner de son
cadre historique d’il y a quatorze siècles, où il est stipulé, je cite : « Ô vous qui croyait ! Les
païens sont une véritable souillure. Interdisez-leur donc, à l’expiration de cette année –
visiblement l’an 8 de l’hégire – l’accès à la Mosquée sacrée – la Ka’ba ! » (Coran, 9, 28).
En effet, ce texte qui, dans l’apparence, peut être pris comme fondateur d’une règle
juridique générale, absolue et intemporelle – réactualisée politiquement et idéologiquement
par l’autorité religieuse sunnite alliée du régime saoudien pétrodollar – il l’est moins une fois
replacé dans son contexte linguistique et resitué dans son cadre historique. De toute
évidence, cela mérite une étude indépendante et approfondie.
Néanmoins, une simple relecture du chapitre 9 du Coran contenant ce texte permet, par-
delà le ton et le contenu incontestablement dur de ce chapitre, de découvrir qu’il s’agissait
d’une mesure purement militaire contre « des païens guerriers » de l’époque et non d’une
loi à caractère sacrale, capitale et discriminatoire contre les païens dans l’absolu !
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Cette mesure militaire survenant dans un contexte historique de guerre, deux à trois ans
avant la mort du prophète, était motivée justement par ce que ces « païens guerriers » ont
entrepris, durant des années auparavant, contre le prophète et contre ses compagnons et
ses alliés. Ils ont torturé, en effet, parfois jusqu’à la mort, celles et ceux qui ont répondu
librement à l’appel du Messager. Ils les ont privé de leur droit élémentaire de pratiquer et de
célébrer leur culte en toute liberté dans les voisinages de la Ka’ba. Ils les ont pourchassé
ailleurs, sans état d’âme, en les poussant à l’exil forcé : vers l’Abyssinie – chrétienne – en
Afrique dans un premier temps et vers Médine, dans un deuxième temps, de façon voulue
permanente et définitive. Et même en exil, ils ont tenté, à maintes reprises, de les récupérer
pour les anéantir définitivement et ont conduit plusieurs combats sanglants contre Médine
et contre ses alliés...etc. Et ce, jusqu’au retour de Mohammad vers sa tribu natale.
Ce retour, survenu après huit ans passés à l’exil, signifiait surtout le retour du calme et de la
paix au sein et aux alentours de la cité sacrée. Mohammad pardonna les païens qui ont
manifesté leur volonté de cesser toute altercation et tout complot contre lui et contre ses
compagnons malgré l’existence de preuves et de faits accablants qui pouvaient les
condamner à mort, au vu des mœurs et en application des lois de l’époque. Quant aux
autres « païens » - tortionnaires, guerriers, violents,… – qui restaient décidés et déterminés à
poursuivre une guerre sans merci contre le prophète, ceux-là se voyaient interdit, par cette
mesure, d’accès à la Mecque.
Il n’en était pas question, à travers cette mesure, de faire de la Mecque une zone
d’« apartheid religieux », séparant les humains selon leurs appartenances, leurs convictions
et leurs croyances. Mohammad se présentait tel un homme de noble caractère et de paix.
Son message, qui s’inscrivait dans la continuité de celui de Jésus, de Moïse et d’Abraham est
de nature à vouloir rétablir : la paix entre humains, le vivre ensemble, le respect de la
diversité,… en garantissant aux gens, quels qu’ils soient, la liberté de choix et la liberté de
l’expression de cette liberté en l’absence de toute contrainte physique ou morale. Cela est
aussi l’essence de ma religion.
Autre élément de réponse, c’est que dans le même chapitre en question, le Coran fait une
exception révélatrice et significative en disant : « Et il sera proclamé, d’ordre de Dieu et de
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son Messager, à l’adresse des humains, le jour du grand pèlerinage, que Dieu et son
Messager sont déliés de tout engagement vis-à-vis des païens… à l’exception des païens
avec lesquels vous avez conclu un pacte qu’ils ont toujours respecté, sans jamais soutenir
un mouvement dirigé contre vous » (Coran, 9, 3-4).
C’est pendant ce jour de pèlerinage rassemblant des humains – et non seulement des
« musulmans » – que cette décision militaire se fut proclamée ; en établissant une nette
distinction entre les « païens guerriers » et les autres ; et en évitant toutes amalgames et
toutes dérives potentielles menaçant les libertés fondamentales notamment celle de la
liberté de conscience dont le Coran s’en veut le garant : « Point de contrainte en religion »
(Coran, 2, 256).
Par ailleurs, il faut rappeler aussi qu’au sein même de la Mecque, des chrétiens vivaient
pendant des siècles avant l’avènement de Mohammad. Des biographes racontaient que le
cousin de Khadîdja – femme du prophète – était chrétien et c’est vers lui qu’elle est partie se
renseigner lorsque Mohammad reçu la première révélation. Cet homme qui s’appelait
Waraqa Ibn Nawfal avait prédit à Mohammad un futur proche rythmé par des preuves et
des souffrances, en se basant sur l’histoire des prophéties précédentes, et il disait au
prophète : « Il est certain qu’on te traitera de menteur, que tu seras maltraité, que l’on te
bannira, que l’on te fera la guerre. Si je vis encore ce jour-là, Dieu sait que je m’engagerai à
tes côtés pour la victoire de Sa cause ! ». Supposons que cet homme pacifique ait vécu
jusqu’au retour du prophète à la Mecque, pensez-vous que Mohammad allait le pourchasser
de sa cité natale, juste parce qu’il est « chrétien » ? Le faire, à mon sens, signifierait qu’il n’y
avait pas de différence éthique entre Mohammad et ceux, parmi les païens violents, qui l’ont
forcé, auparavant, à l’exil !
Une fois de plus, le message de Mohammad a été pris en otage par des interprétations
idéologiques et ségrégatives. Celles-ci, au lieu de faire de la Mecque, de sa Mosquée et de
l’ensemble des mosquées de la planète, des lieux exemplaires de métissage et de
retrouvaille entre humains, pour apprendre à vivre ensemble à travers la prière ensemble,
elles en ont fait des zones protégées et closes dont l’accessibilité est limitée exclusivement à
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ceux qui s’identifient dans la théorie des « cinq piliers de l’islam » même s’il sont violents,
tortionnaires et guerriers !
Humaniser nos mosquées !
Enfin, s’il y a une première mesure à prendre et d’en amorcer le début dès que possible, ça
serait, à mon avis, la redéfinition de ce qu’est un lieu de culte « musulman » dans l’espace
français, européen et même ailleurs.
J’entends par redéfinition, une réévaluation de toute la littérature encadrante des lieux de
cultes « musulmans » en fonction des variables de la Cité – et des cités – d’aujourd’hui et des
espoirs portés à demain. Il ne s’agit pas seulement de mener une réflexion purement
académique mais surtout, de faire participer tout le monde à redonner un sens humain cher
à la mosquée, partout où il y en a une.
Le prophète a fait cette réévaluation nécessaire à son époque, au moment même de son
arrivé à Médine – son exil. Il a donné à la mosquée qu’il a construit ce sens « humain » que
même la mosquée de la Mecque, malgré son ancienneté et sa sacralité, ne l’avait plus sous
l’oligarchie mecquoise. Et c’est ce sens là qu’il faut, peut être, redécouvrir une nouvelle fois.
Un sens qui s’opposera naturellement à toutes les tendances discriminatoires nourries, en
partie, par des théories idéologiques héritées et/ou importées d’ailleurs. Un sens que
certains lieux de culte semblent omettre ou perdre de vue en s’acharnant à imiter et à
reproduire à l’identique un modèle archaïque, discriminatoire et sans aucune valeur ajoutée
ni pour les humains qui s’y rendent habituellement ni pour les autres humains qui sont
privés de ce droit.
Enfin, si la mosquée a pour mission, au sein de la cité, de consolider « l’humain »
dans l’humain, elle ne pourra le faire qu’en étant elle-même « humaine » corps et âme !
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Mosquée dans la Cité : réalités et espoirs (n°11)
Animosités ; guerres ; intolérance ; violences ; …
Avarice ; commerce inéquitable ; exploitation ; usure ;…
Clanisme ; oligarchie ; ploutocratie ; tribalisme ; …
Discriminations ; inégalités ; injustices ; machisme ; …
Esclavage ; servitude ; subordination ; traite négrière ;…
Oppressions ; persécutions ; phallocratie ; supplices ; …
Ceux-ci étaient les traits distinctifs du visage pâle de la Mecque et de son voisinage à la veille
de l’avènement du message de Mohammad.
La ville « sacrée » semblait dénouer avec les vertus et valeurs humaines du temps
d’Abraham. La Ka’ba paraissait attristée et hantée, de fond en comble, par ces préjudices
moraux, intellectuels, sociaux, économiques et politiques.
Tout, ou presque tout, ne semblait pas se tenir correctement. Le marasme était généralisé
témoignant d’un déficit moral excédent touchant non seulement l’organisation sociale et
économique mais aussi, et surtout, la place et la valeur de l’être humain au sein de cette
organisation tribale qui était profondément narcissique et extrêmement hiérarchisée et
discriminatoire.
Humanité brisée
L’être humain, féminin ou masculin, et à l’exception de quelques favoris chanceux, ne
jouissait pas de ses droits et libertés fondamentales. La majorité des gens n’était ni écoutée,
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ni consultée, ni estimée. Dans ce contexte, le fait de jouir pleinement de ses droits et
libertés dépendait, essentiellement, de la « classe » socioéconomique à laquelle on
appartenait, de l’affiliation familiale et tribale, de l’éloquence linguistique, du talent
poétique, de l’aptitude et du génie militaire… et encore !
L’organisation tribale se faisait autour d’une personne charismatique – le Cheikh – assisté
d’une minorité oligarchique restreinte de seigneurs qui, en s’obstinant à sauvegarder leurs
privilèges socioéconomiques et politiques, ne se gênaient pas à imposer unilatéralement
leurs visions, à défendre leurs intérêts et à pérenniser, de génération en génération, leurs
prérogatives.
La religion a bien servi d’instrument fatal dans ce jeu d’asservissement forcé ou volontaire.
En effet, l’oligarchie s’est bel et bien montrée dévouée aux cultes des dieux statufiés au
parvis de la Ka’ba en incarnant ainsi et pour des raisons d’intérêts personnels, le rôle des
« marchands de la prière et du pèlerinage». Quoi de mieux alors pour garder sous contrôle la
masse et d’éterniser sa loyauté et son abrutissement !
Quant aux autres – femmes, hommes, esclaves, enfants, pauvres,… – qui ne faisaient pas
parti des rangs de l’oligarchie nantie, ils n’avaient pas grand-chose à dire, si ce n’était des
louanges exprimées inlassablement au Cheikh et à ses collaborateurs, des espérances voués
désespérément au ciel, et des gratitudes adressées, à contre cœur, aux seigneurs
tyranniques et ploutocratiques !
Les seigneurs décidaient de la guerre comme de la paix ; de la mort comme de la vie. Seuls
leurs mots comptaient. Seules leurs paroles pesaient. Les autres humains, qui ne pouvaient
pas – non par incapacité mais par asservissement – prétendre à de tel statut, n’avaient
qu’une existence accessoire, et de surcroît, ils « vivaient » dépendants, soumis et tributaires
des obligations cultuelles et des nécessités tribales et seigneuriales.
Renaissance de l’espoir
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La Ka’ba, prise en otage, par les intérêts des « marchands de la prière et du pèlerinage »
avait perdu de vue presque toutes les valeurs enseignées du temps d’Abraham. Le culte
mercantile a occupé tout l’espace cultuel, en faisant de la maison de Dieu un lieu de culte
certes, mais aux couleurs du profit. La mosquée était redevenue tel un hypermarché au
milieu du désert, sans foi ni loi, où seul le profit matériel comptait.
Dans ce contexte, qui était humainement désastreux, apparaissait Mohammad tel un souffle
d’espérance, pour rappeler une nouvelle fois, ce que professait Abraham dans cette même
terre, 2500 ans auparavant, à savoir : améliorer la condition humaine ; lutter pour la justice ;
faire redécouvrir le sens de la liberté ; faire connaître le chemin du salut ; inculquer la
solidarité ; prêcher l’humanisme ; éclairer les ténèbres des âmes ; abolir l’asservissement et
appeler les gens à se remettre à un Dieu qui croient en eux et non à se soumettre à des
dieux qui se servent d’eux.
Par conséquent, le contenu du message que professait Mohammad commençait, petit à
petit, à déranger sérieusement les « marchands de la prière et du pèlerinage ». Parce que,
me semble-t-il, la substance de ce message avait de quoi les inquiéter et non, comme le
prétend l’interprétation dogmatique traditionaliste qui elle, laisse entendre que la raison
essentielle de la gêne occasionnée, était due au fait que Mohammad prêchait simplement
« l’unicité de Dieu ».
Cette interprétation réduit à tort le message mohammadien dans son attestation de foi anti-
associationnisme. Elle le vide aussi de sa vocation à vouloir soulager l’être humain des divers
jougs (servitude, violences, clanisme, identitarisme, superstition,…) et des difficultés sociales
et économiques qui pèsent sur lui. Elle considère que la question majeure de l’époque était
exclusivement d’ordre théologique, métaphysique et cultuelle et du coup, il fallait un
nouveau prophète pour redire Dieu, l’Unique, le Grand et le Tout-Puissant et pour
apprendre aux gens le formalisme de la prière et les rites du pèlerinage, entre autres ! En
oubliant au passage qu’avant même l’avènement de Mohammad, il existait – sans parler des
autres religions monothéistes – des « monothéistes purs » (Al Ahnaf en arabe) qui vivaient
leur foi en un seul et unique Dieu depuis toujours, sans que cela puisse gênait qui que ce
soit !
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Il me paraît évident que la question théologique/cultuelle, malgré sa centralité dans le
message mohammadien, n’était pas la principale raison du conflit qu’opposé les
« marchands de la prière et du pèlerinage » à Mohammad et qu’il y avait d’autres raisons
substantielles d’ordre humain, moral, social, économique et politique qui justifiaient les
atrocités commises par l’oligarchie à l’égard de Mohammad et de ses compagnons.
Prophétie dérangeante
Mohammad gênait, à priori, par son discours, dépassant de loin la question théologique et
métaphysique, et aussi par son courage, sans équivoque, à s’opposer ouvertement aux
injustices subits par les uns et par les autres en rappelant avec obstination, ce que c’est que
l’humain et ce que doit être sa juste condition partout, et en particulier dans le contexte
déplorable de la Mecque et de l’Arabie à cette époque.
Mohammad rappelait que l’être humain est fondamentalement libre et qu’il doit pouvoir
savourer ses libertés comme il l’entend. L’oligarchie, quant à elle, se sentait menacée par ce
nouveau discours qui risque de soulever les « esclaves » contre les « maîtres » et de causer
des dérèglements dans l’organisation hiérarchique ségrégationniste des tribus.
Il rappelait que l’être humain a droit de vivre dignement. Ce qui posait la question du
partage équitable des richesses ; qui dénonçait, par la même, l’exploitation, l’avarice, la
cupidité, l’égoïsme et qui interpellait les consciences sur les dangers sociaux réels que
représente, pour toujours, des pratiques financières telle que l’usure et la logique du « tout
profit » profitant exclusivement à une poigné de nantis et appauvrissant davantage les
nombreux nécessiteux.
Il rappelait que les violences, de tout genre, doivent cesser ; que l’on doit mettre un terme
aux tortures, aux enterrements des filles vivantes, aux maltraitances des femmes et des
esclaves, aux guerres intertribales interminables.
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Il rappelait que derrière l’idée de l’humain il y a une autre idée, aussi belle et inoffensive,
celle du divin créateur et invisible à laquelle on peut, si on le souhaite, se remettre
volontairement en toute quiétude sans pour autant faire soumettre, sous une quelconque
contrainte, les autres à ce choix spirituel.
A bas la servitude !
Mais l’idée ingénieuse – à cette époque – et très dangereuse pour la survie de « l’ordre tribal
établit » était celle qu’a suggéré Mohammad avec énergie et conviction, déclarant que
chaque être humain –non seulement les Cheikhs, les maîtres et leurs collabos – est
responsable. Et qu’il en va de cette responsabilité le droit de chacun à pouvoir choisir, dire
librement ses choix, sans craindre pour sa vie, et participer effectivement aux prises de
décisions engageant la collectivité tribale, dans son entièreté, en temps de guerre comme en
temps de paix. De ce fait, l’oligarchie devait cesser de confisquer les droits des autres et
d’imposer ses décisions sur l’ensemble.
Il a fait découvrir à ces mecquois soumis qui ne faisaient pas parti de l’oligarchie du pouvoir
et qui n’étaient pas du nombre des seigneurs ou des « marchands de la prière et du
pèlerinage », qu’ils « sont ». Et qu’ils doivent justement « être » dans la dignité et non dans
l’abaissement ; dans l’affranchissement et non dans la servitude ; dans l’élévation de l’esprit
et non dans la stupidité de l’intellect.
Avec lui, ces mecquois, longtemps exploités, subordonnés et asservis à un « ordre » qu’ils
n’ont pas choisi, ont découvert qu’ils avaient leurs mots à dire et qu’il fallait justement, dès à
présent, un espace pour le faire entendre. Et ce, parce que, d’un côté, l’oligarchie ne leur
reconnaissait pas ce droit et de l’autre côté, elle ne prévoyait pas non plus
d’espace/institution pour la parole et le débat publique. L’expression de l’opinion publique
n’était pas à l’ordre du jour de cet « ordre » et seuls les opinions/décisions des Cheikhs des
tribus se faisaient exprimées et considérées que l’on soit pour ou contre.
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Prix de l’insoumission
Dans un premier temps, Mohammad – nous racontent les biographes – avait choisi la
discrétion comme stratégie d’action et de rassemblement. Et ce fut la maison du jeune Al
Arqam Ibn Abî Al-Arqam qui, pour des raisons de sécurité, était pendant quelques années le
lieu de rencontre du mouvement mohammadien et son espace, restreint soit-il, de
l’expression libérée.
Cependant, ce mouvement commençait progressivement à prendre de l’ampleur en
présageant la fin de la discrétion et le début des épreuves et des souffrances sur la place
publique, malgré que celle-ci fût totalement verrouillée et contrôlée par les « marchands de
la prière et du pèlerinage ». Par conséquent, ce mouvement se voyait privé d’un lieu de
rassemblement et interdit, que ce soit pour la prière ou pour toute autre chose, de se
rassembler dans le parvis de la Ka’ba – maison de Dieu.
Par ailleurs, les anciens « esclaves » ont pris conscience de leur liberté fondamentale et
commençaient à se défaire des chaînes de la servitude et à désobéir, sans aucune crainte, les
ordres des « maîtres ». Un élan de solidarité sociale s’est produit entre les nouveaux
convertis qui comptaient parmi eux certains notables et beaucoup plus de nécessiteux. Le
mouvement mohammadien paraissait endurant, résolu et uni. De quoi irriter l’oligarchie qui
semblait être déboussolée, désarmée et très embarrassée.
Celle-ci conjuguait à la fois négociation, répression, intimidation pour tenter de rétablir
« l’ordre » et pour contrecarrer éventuellement le mouvement grandissant. Aucune de ces
mesures ne semblait être efficace face à la détermination et au dévouement des nouveaux
convertis à la cause qui était la leur. L’oligarchie profitait de sa mainmise sur le lieu de culte,
surtout pendant la période du pèlerinage pour salir l’image de Mohammad auprès des
autres tribus de l’Arabie. Néanmoins celui-ci était, de son côté, infatigable. Il ne ménageait
aucun effort qui pouvait lui permettre de trouver une terre d’accueil où l’on peut vivre son
humanité pleinement, librement et dignement. Et ce fut l’émigration vers Médine, après 13
ans passée dans la lutte incessante et pacifique contre l’horrible cruauté mecquoise.
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Génie collectif
A peine arrivés à Médine, Mohammad et ses compagnons –autochtones et immigrés – se
sont mis et investis physiquement dans la construction d’une « mosquée/Al-Jami’i » au
cœur de la cité. Ce lieu servait notamment à la célébration de la prière – d’où la nomination
« mosquée » ou « masjid » en arabe – et il représentait en même temps l’espace de
rassemblement et de vie commune – d’où le qualificatif de « Al-Jami’i » en arabe.
Ce lieu favorisait la rencontre, la consolidation des liens sociales, l’intégration des nombreux
immigrés dans ce nouvel espace vital, la gestion des affaires de Médine (sociales,
économiques, judiciaires, militaires, politiques,…), l’accueil des autres communautés de foi
et des députations des autres tribus, l’alphabétisation des jeunes et des grands,… et bien sûr,
il servait aussi à la pratique cultuelle.
Les fonctions de la « mosquée/Al-Jami’i » s’étendaient, de plus en plus, en corrélation avec
l’ampleur que prenait, jour après jour, la communauté naissante et aussi avec la
recrudescence des défis, intrinsèques et extrinsèques, qu’a posé l’émigration massive et
l’installation du mouvement mohammadien à Médine.
Mohammad créa ainsi un nouveau modèle contractuel d’organisation sociale, différent de
celui de la tribu, prenant de la « mosquée/AL-Jami’i », nouvellement construite, une base
centrale au sein de la cité de manière à ce que l’humain et le divin, l’éphémère et l’éternel,
le temporel et le spirituel, le séculier et le régulier, puissent s’alimenter réciproquement et
que l’un puisse donner du sens et de la place à l’autre.
Ce modèle hybride – qui ne recèle aucun caractère sacré – se justifiait, me paraît-il, par
l’absence à Médine, à cette époque ancienne, d’autres structures et institutions spécialisées
qui pouvaient soulager et désengorger la « mosquée/Al-Jami’i » des diverses fonctions
qu’elle assurait simultanément et qui pouvaient conduire ainsi à une séparation organique
du temporel/séculier au spirituel/régulier.
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A Cette époque, il n’y avait pas d’établissements scolaires, pas de partis politiques, pas
d’institutions économiques, pas de mass média, pas de centrales syndicales, pas de
fondations sociales, pas de structures judiciaires, pas de ministère de la défense,… et il n’y
avait pas non plus un lieu de rassemblement – hormis le souk des commerçants caravaniers
– permettant aux uns et aux autres – citoyens – de participer au débat public tels étaient
« l’agora » chez les grecques et le « forum » chez les romains.
De ce point de vue, la « mosquée/Al-Jami’i » avait permis la libération de l’expression de la
parole publique, surtout pendant le rassemblement du vendredi. La communauté naissante
a trouvé enfin un temps hebdomadaire et un espace où chacun, homme et femme et sans
discrimination aucune, pouvait exprimer son opinion sur les affaires temporelles et ses
questionnements et réflexions d’ordre spirituel. Point de censure au sein de la mosquée/Al-
Jami’i puisqu’il n’y avait plus de Cheikhs despotes ni de « marchands de la prière et du
pèlerinage » comme c’était le cas à la Mecque. Mohammad, le prophète, veillait au maintien
et au développement de cet état d’esprit émancipateur. Le peuple de Médine a trouvé donc
sa voix dans cette voie.
Expression libérée
Au sein de la « mosquée/Al-Jami’i », le peuple de Médine se consultait en permanence pour
mieux gérer sa vie collective. Aucune décision – de guerre comme de paix – n’était prise par
une minorité et imposée à la majorité. Le citoyen lambda pouvait prendre la parole, en toute
spontanéité et franchise, pour proposer et parfois même pour s’opposer à une proposition
qui ne le convenait pas. Mohammad était très attentif aux opinions exprimées, aux débats
contradictoires et il faisait en sorte que le consensus soit observé et recherché et que ses
propositions à lui ne soient pas prévalues comparées à celles des autres, juste parce qu’il
était prophète !
Par le biais de la « mosquée/Al-Jami’i », la communauté gérait, dans l’esprit de corps, la vie
au quotidien de la cité et se donnait un rendez-vous hebdomadaire, le vendredi, dont la
présence était obligatoire, pour faire le bilan et pour rappeler les principes auxquels il fallait
rester très attachés.
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En effet, ce rassemblement était l’occasion pour que chacun puisse savoir ce qui se passe
dans sa cité et l’état des menaces et des défis extérieurs qui pèsent sur elle. Par ce même
biais, la communauté surveillait le mouvement de l’argent (le capital) dans la cité,
réglementait les tarifs dans le marché, trouver des solutions à la pénurie de quelques biens
élémentaires, se consultait sur les choix défensifs à envisager, se partager les tâches,… et
enfin, achever la réunion publique par la prière comme contrat morale et comme gage de
bonne foi.
Paradoxe sunnite
Le rassemblement était tout sauf un spectacle d’exhortation, de prêches et de monologue,
tel que nous le connaissons aujourd’hui. Car si c’était le cas, on devait normalement
conserver le contenu exact de tous les sermons prophétiques comme on a conservé les soi-
disant « Hadiths authentiques » – citations présumées être prononcées par Mohammad.
D’ailleurs, si l’on fait un calcul simple, le nombre de sermons que Abou Hourayra devait
nous rapporter – puisqu’il est considéré par les sunnites comme la mémoire prodigieuse et
infaillible de ladite « sunna prophétique » – et que Al Boukhari devait authentifier s’élève à
environ 520 ou 530 sermons ! Car, dans une année, il y a bien 52 ou 53 semaines donc 52 ou
53 vendredis et d’après les biographes, on sait que Mohammad a vécu à Médine pendant 10
ans et par conséquent, il aurait célébré 520 ou 530 vendredis qui devraient correspondre à
520 ou 530 sermons !
Cependant, et bien que certains s’obstinent à croire davantage que le savoir prophétique a
été intégralement protégé et transcrits à la virgule près, sous forme de « Hadiths
authentiques », il est quasiment impossible aujourd’hui de mettre la main sur ces 520 ou
530 sermons de vendredi, auxquels il faut rajouter les 20 discours de fêtes (Khoutbah de
l’Aïd), que le prophète aurait prononcé de son vivant !
Les seuls discours que l’on trouve désormais à la lecture des livres de biographie de
Mohammad et des recueils des Hadiths sont, en effet, le discours prononcé lors de son
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« Pèlerinage de l’Adieu » et quelques très rares passages tirés d’autres discours mais qui ne
représentent en réalité que moins de 2 % de l’ensemble des Hadiths, soi-disant authentifiés !
Dès lors, deux suppositions me travaillent l’esprit laissant place à plusieurs interrogations.
Premièrement, soit Mohammad ne prononçait pas de discours d’exhortation – à la manière
de ce que fait l’imam de mon quartier tous les vendredis – et consacrait l’entièreté du temps
du rassemblement de vendredi au débat publique. Alors au nom de qui et au nom de quoi,
on persiste aujourd’hui à imposer au peuple des mosquées de supporter chaque vendredi et
pendant plus d’une heure, dans un mutisme imposé à coup de Hadiths, les nuisances
sonores et les bizarreries idéologiques de l’imam ? Cela pose aussi la question du rôle de
l’imam, du pourquoi de sa présence,…
Deuxièmement, soit Mohammad prononçait justement un sermon chaque vendredi alors
comment explique-t-on ce trou noir titanesque dont souffrent les sources et les recueils des
Hadiths, dits authentiques ? Où sont passés ces discours ? Pour quelles raisons n’ont-ils pas
été conservé ? Ces discours, n’étaient-ils pas des paroles/Hadiths à transcrire et à
transmettre ? Comment se fait-il que Abou Hourayra – par exemple – n’ait rapporté le
contenu intégral d’aucun discours hebdomadaire ? Ces discours ne méritaient-ils pas d’être
transmis aux générations futures au même titre que l’histoire de « la vache qui parle » ? Qui
a décidé que l’on ôte ou que l’on ne conserve pas, dans les recueils des Hadiths, cette
substance orale de sagesse que le prophète aurait laissé ? A qui profite ce trou noir, s’il y a
vraisemblablement un trou noir ?...
En attendant des explications que je souhaite, tout au moins, cohérentes et intelligibles, je
continuerai à penser que le rassemblement du vendredi à Médine, au temps de Mohammad,
était un temps imparti aux citoyens présents pour qu’ils puissent produire et exprimer leurs
propres réflexions sur l’organisation sociale de la cité et non de consommer et de se
soumettre stupidement à la seule et unique réflexion de Mohammad.
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La traversée du désert
Toutefois, après la mort de Mohammad, les choses commencèrent à se défigurer
foncièrement. D’abord, l’organisation sociale non étatique, qu’il a initiée de son vivant a pris
l’allure d’un Etat – le Califat – le lendemain de sa mort. Ce Califat était présidé par une
personne – le Calife – choisie par le peuple médinois selon des modalités critiquables certes,
mais qui restent, plus ou moins, démocratiques au vu de ce que c’étaient les us et coutumes
tribales de l’époque.
Les quatre premiers califes orthodoxes – malgré leur tendance à soulager la mosquée du
poids des fonctions qu’elle assurait auparavant et à créer des institutions parallèles
spécialisées pour ces fonctions – ont toujours préservé le rôle de consultation populaire que
la « mosquée/Al-Jami’i » assurait si bien. Il n’était pas question pour eux de faire volte-face
sur cet acquis démocratique majeur et révolutionnaire des habitudes tribales.
Le revirement significatif dans la conception du rôle de la « mosquée/Al-Jami’i » était
ressenti de façon sensible lorsque les Omeyyades, en la personne de leur pionnier
Mouawiyah Ibn Abî Soufiane, se sont emparés illégitimement de la gouvernance, en faisant
parler le cliquettement des sabres et non la voix du peuple. Et ce, après l’assassinat du
quatrième calife. Dès lors, ils ont déclaré, unilatéralement et de manière démentielle la
naissance de la dynastie royale Omeyyade à Damas, en substitution du Califat, relativement
légitime, installé depuis la mort de Mohammad à Médine.
La dynastie omeyyade n’était pas prête à entendre la voix du peuple. D’ailleurs, elle ne
représentait pas son choix, et encore moins, ses aspirations. Elle était l’expression
intempestive du sabre et du complot, en rupture fulgurante et catégorique avec l’héritage
récent de la prophétie car sa proclamation était survenue après environ trente années
seulement de la mort du prophète. Elle témoignait plutôt de l’effondrement hâtif de
presque toute l’organisation sociale, centrée sur l’être humain et sur sa valeur, qu’avait
initiée Mohammad à Médine. L’héritage récent de la prophétie s’est fait anéanti sous le
poids des traditions tribales et bédouines anciennes.
21
Il s’agissait bien évidemment d’un retour aux temps de la tribu, du Cheikh et des
« marchands de la prière et du pèlerinage ». Sauf que cette fois-ci, la tribu était caractérisée
par son immensité babylonienne et expansionniste ; le Cheikh/empereur Mouawiyah se
proclamait de Dieu – en dissimulant judicieusement son affiliation à Abou Soufiane, son père,
qui était depuis peu le Cheikh de la tribu omeyyade à la Mecque et qui a été déchu de ses
pouvoirs au moment de la reconquête pacifique de celle-ci par Mohammad. On dirait même
que Mouawiyah s’est vengé, trente ans plus tard, de la défaite de son père ! – et les
« marchands de la prière et du pèlerinage » étaient, sans conteste, des « théologiens
mercenaires » et des « religieux de service » qui prêtaient main-forte à la dynastie. A l’image
du fameux Abou Hourayra qui n’hésitait pas, malgré son allégeance franche et loyale aux
omeyyades, à s’approprier sans pudeur le patrimoine prophétique !
Depuis, toutes les mosquées de l’empire se sont vues standardisées selon les caprices et les
intérêts du palais sultanesque. Une nouvelle fois, la maison de Dieu était retombée hélas
entre les mains de l’oligarchie d’un côté, et des « marchands de la prière et du pèlerinage »
de l’autre.
Silence ! On vous abrutit !
A partir de ce moment précis, la « mosquée » a cessé d’être « Al-Jami’i ». Le divorce entre
les deux concepts était plus que consommé. Elle devait dire l’intérêt général, elle ne disait
plus que les désirs de sa majesté le monarque. Elle devait dire comment s’épanouir
collectivement dans la vie, elle ne disait plus que comment se préparer individuellement à la
rencontre de la mort. D’ailleurs, elle ne parlait de vie que lorsqu’il fallait prier le bon Dieu
pour accorder une heureuse et longue vie à sa majesté, et que le peuple aille en enfer. Elle
devait dire la justice mais elle ne faisait plus que justifier, au nom de l’obéissance et de
l’allégeance, les injustices du palais. Elle devait interpeller le pouvoir sur la pauvreté et sur la
détérioration des conditions de vie mais elle faisait la sourde oreille en acquiesçant la
tyrannie et en promettant aux sujets de sa majesté un monde meilleur – le paradis – après la
mort. Elle devait inciter les sujets à prendre conscience de leur condition et à demander
justice et réparation mais elle ne faisait que les encourager à perdre toute conscience et
attendre patiemment le jour du jugement dernier !
22
La mosquée est devenue la tribune hebdomadaire et exclusive du palais – qui a placé ses
serviteurs en fonction d’imams, de conteurs, d’anecdotiers, de moralisateurs presque
corrompus,… – et son outil fatal servant à anesthésier les esprits et à abrutir l’intelligence
collective. Depuis, et jusqu’à nos jours, il est plus question en son sein de traiter des
questions du paradis et de l’enfer, des supplices de la tombe et des signes de la fin du temps,
des menstrues et des ménorragies, du formalisme technique de la prière et du pèlerinage,
de la lapidation de Satan et des sacrifices des moutons,…
Les questions d’ordre sociétal et moral et les questionnements d’ordre philosophique et
métaphysique n’étaient pas, et ne sont pas toujours, les bienvenues en sein de la mosquée
parce qu’ils peuvent conduire, paraît-il, au réveil indésirable du raisonnement et de la
conscience collective. Ces questions n’y ont été abordées, débattues et traitées que lorsqu’il
y avait un intérêt politique certain qui a poussé le souverain à les tolérer momentanément
ou lorsque certains intellectuels et philosophes ont osé les aborder en public sans craindre la
colère du palais.
Généralement, pour le (ou les) palais, vaut mieux abrutir qu’éveiller. De ce fait, seules les
questions touchant les détails techniques des rites, du partage de l’héritage, du statut de la
femme,… y ont été abordé excessivement. Cela explique en partie, pourquoi par exemple, le
fiqh – la jurisprudence dite islamique relative à la pratique cultuelle entre autres – s’est
développé de manière tentaculaire alors que la pensée philosophique n’a pas réussi à
pousser ses ailes et à tirer son épingle du jeu.
Et à nous de constater désormais au sein du monde arabe, dit musulman, et même au sein
des dites communautés musulmanes orientales et occidentales, les conséquences
chaotiques et les dégâts d’un abrutissement collectif, millénaire et intensif administré au
nom des palais, depuis belle lurette, par des imams sous-ordres – Denis Diderot avait raison
de constater dans sa « lettre sur le commerce de la librairie », je cite : « La condition d’un
peuple abruti est pire que celle d’un peuple brute » !
23
Le peuple des mosquées d’antan a joué le jeu de l’abrutissement – peut être forcé et
contraint – en acceptant l’inacceptable, en tolérant l’intolérable et par-dessus tout, en
préférant l’apparence de la « mosquée » à l’essence de « Al-Jami’i ». Le peuple des
mosquées d’aujourd’hui a hérité de cette tradition qu’il considère comme sacrée et
irréprochable. Il est conditionné – peut être à son insu – à la conception omeyyade
despotique et directive de la « mosquée » et il est loin d’être initié et ouvert sur l’idée
inventive, humaine et révolutionnaire que fut jadis « Al-Jami’i ».
Un monde qui marche sur la tête
L’abrutissement intellectuel dont il est question, ne cesse de se décliner sous diverses
formes anecdotiques. En effet, que dire donc d’un peuple des mosquées qui, en assistant au
sermon assourdissant d’un imam tous les vendredis, a toujours peur que l’on lui dérobe ses
paires de chaussures – car les mosquées ne sont pas d’ailleurs des lieux surs ! – sans qu’il se
rende compte que l’imam en face de lui, lui a déjà volé, et depuis les omeyyades, sa liberté
d’expression, sa raison, son droit à dire « non »… et il ne lui a laissé que le devoir de dire
« Amen » !
Que dire donc d’un peuple des mosquées qui ne cesse, malgré les injustices subites à cause
du régime en place, de prier Dieu pour qu’Il puisse accorder sa grâce, sa miséricorde, sa
générosité et son salut à ce même régime qui n’est ni gracieux, ni miséricordieux, ni
généreux à l’égard de ses sujets !
Que dire d’un peuple des mosquées qui continu à croire sur parole l’imam qui prétend que la
pauvreté, la misère, l’illettrisme, le chômage dont souffre la majorité n’est qu’une épreuve
et un « heureux » destin céleste, auquel il faut témoigner soumission et bonne foi. Au
moment même où le pouvoir et ses hommes richissimes prospèrent dans la surabondance !
En constatant cela, je ne peux qu’être en accord, sans que je sois nécessairement marxiste,
avec ce qu’a écrit Karl Marx dans sa «Critique du Droit politique hégélien », je cite : « La
religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans coeur, comme elle est
l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple ». Je crois que
24
la religion professée par de nombreux imams est un opium à effet collectif et que la
mosquée – dont sa configuration omeyyade passée et présente – en est la seringue !
Devoir d’avenir
Il est temps désormais, de se dire, entre peuples des mosquées, les quatre vérités en face et
sans langue de bois. Au risque même d’offenser quelques sensibilités vulnérables, afin
d’opérer radicalement les modifications tant attendues en jetant dans la poubelle de
l’histoire ce qui doit être jeté, en réformant ce qui doit être réformé et éventuellement, en
inventant de toute pièce, un nouveau concept et une configuration moderne de la
« mosquée/Al-Jami’i » de France, d’Europe et d’ailleurs.
Un nouveau concept qui tiendra compte de la dynamique de l’Histoire, de l’évolution des
mœurs, des spécificités culturelles, de l’organisation sociale, des dispositions juridiques, de
l’imaginaire collectif, des défis sociétaux, des aspirations futures,…
Un nouveau concept qui se refusera, du moins pour le contexte français, aux arrangements
politiciens de forme auxquels on assiste et auxquels sont attachés d’un côté, les présents
« gardiens des mosquées », les actuels « marchands de la prière et du pèlerinage », leurs
références théologiquo-politiques et leurs commanditaires supranationaux et consulaires. Et
de l’autre côté, les services de la République qui, pour une bonne foi me paraît-il, veulent
traiter égalitairement au nom de la laïcité, toutes les religions, et c’est leur devoir après tout.
Cependant, ils approuvent, consciemment ou inconsciemment, les dérives, les atteintes et
les restrictions des libertés fondamentales dont témoignent de nombreuses mosquées en
France.
Un nouveau concept qui ne veut aucunement que la « mosquée/Al-Jami’i » de France et
d’Europe souhaitée soit identique – dans sa forme et ses fonctions,… – de ce que c’était
jadis, la « mosquée/Al-Jami’i » du prophète qui était marquée par la coexistence et par la
juxtaposition du temporel et du religieux. Cela serait une absurdité grotesque de ma part et
un contresens d’une stupidité monumentale.
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Il n’est pas question pour moi de faire l’apologie d’une structure qui se chargerait, à nouveau,
des affaires sociales, familiales, éducatives, économiques et politiques. La République laïque
a d’ailleurs ses innombrables structures et établissements publics qui gèrent au quotidien, et
séparément de la sphère religieuse et de ses institutions, la vie sociale, éducative,
économique, et politique. Et c’est un atout républicain formidable au demeurant, auquel je
souscris volontiers et sur lequel aussi, tout revirement de situation me paraît préjudiciable
au vivre ensemble et aux équilibres sociétaux.
En guise d’introduction…
Le concept/modèle que je compte promouvoir, avec humilité et franc-parler, dans le
prochain et dernier article de cette série, tente de revivifier l’esprit collectif – et non la
forme ou les détails fonctionnels – qui régnait autrefois au sein de la « mosquée/ Al-Jami’i »
de Médine.
Ce concept sauvegardera de ce modèle prophétique son « esprit libérateur » de l’expression
individuelle et collective et aussi son « essence éthique » visant à mieux gérer les
divergences d’idées et d’approches, engendrées naturellement par l’expression libérée.
Comme cela a été déjà mentionné auparavant, cette réflexion visant à repenser la
« mosquée/AL-Jami’i » se fait en tenant compte du contexte qui est le notre. A travers ce
travail, des idées qui me préoccupent seront exposées, des propositions concrètes d’ordre
pratique seront présentées pour qu’enfin, la mosquée de mon quartier, comme toutes les
mosquées de France et de Navarre, puisse retrouver son originalité et sa vivacité d’autrefois.
Des propositions qui toucheront à la fois, la raison d’être d’une structure nommée
« mosquée/Al-Jami’i » au sein de la cité ou comment faire de cette structure un cap spirituel
aux couleurs de la liberté et de l’épanouissement humain ; la gestion contractuelle et multi
associative de cette structure ou comment faire pour qu’elle ne soit plus pris en otage par
une seule association ou un courant idéologique dominant ; l’ouverture de celle-ci sur la cité
ou comment faire en sorte que « la journée portes ouvertes » soit célébrée pendant les 365
jours de l’année ; le rassemblement de vendredi ou comment libérer l’expression et rendre
26
la parole confisquée aux fidèles ; la formation des présumés imams ou comment délivrer
définitivement la structure des imams carriéristes et des recteurs autoproclamés ; le rôle du
CFCM ou comment sauver la structure d’une mainmise idéologique nationale et
supranationale et bien d’autres propositions.
Enfin, le moment est certes venu pour que le peuple des mosquées « en » France exprime sa
voix, libère sa parole et cesse d’être le sujet de l’abrutissement à outrance. Sans doute, cela
nous permettra un jour de nous débarrasser définitivement des entraves idéologiques
ancestrales empêchant la cité de France et d’ailleurs de concevoir sa propre « mosquée/Al-
Jami’i » qui contribuera à la pacification des esprits et à la renaissance de l’unité plurielle et
solidaire par sa spécificité spirituelle, par sa dimension humaine, par son esprit libérateur de
l’expression et par sa vocation de l’ouverture à qui le souhaitera.
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Mosquée dans la Cité : réalités et espoirs (fin)
Vers une mosquée réformée !
« Dieu ne modifie point l’état d’un peuple tant que
les humains qui le composent n’auront pas
modifié ce qui est en eux-mêmes »
Coran, 13, 11
« Ce que tu es capable d'imaginer peut exister.
Il n'y a rien qui soit impossible »
Fun-Chang
Avertissements aux lecteurs
Dans le présent article, j’utilise le néologisme « mosquée réformée » pour dire la même chose que
« mosquée/Al-Jami’i » – expression utilisée dans les précédents articles. Car il est important de rendre facile, à
ce stade, la prononciation du nom de cette structure souhaitée. En effet, dans « mosquée/Al-Jami’i », il y a le
terme « Al-Jami’i », emprunté de l’arabe et signifiant : lieu de rassemblement, dont la prononciation peut
s’avérer difficile pour le lecteur francophone.
Par ailleurs, l’usage de l’adjectif « réformée » sert d’outil de différenciation entre la « mosquée » classique
rivée au passé et l’autre modèle, « mosquée réformée », qui se définit comme dissidence consciente à ce
modèle « omeyyade » et comme alternative soutenable tournée vers l’avenir.
Le néologisme « mosquée réformée » ne fait aucune allusion à « L’Eglise réformée ». Même si, dans ma
démarche, j’ai été amené à étudier, sommairement, le mouvement protestant et la naissance de l’Eglise
Réformée de France.
Outre mon expérience personnelle au sein de la mosquée de Villeneuve d’Ascq, au sein de l’UOIF et lorsque
j’étais chargé de la planification des prêches de vendredi dans les salles de prière des résidences universitaires
de la cité scientifique de Lille 1, d’autres projets et expériences locales m’ont beaucoup inspiré dans la
conception de ce modèle :
Il s’agit, à titre non exhaustif, du concept et de l’organisation interne de la « Maison Régionale de
l’Environnement et des Solidarités » (MRES), située au 23, rue Gosselet à Lille.
Au même titre, Certaines idées de ma réflexion sont nées au sein de la « Maternité Jeanne de Flandre » qui est
attachée au centre hospitalier de Lille. Naissance qui a eu lieu, plus précisément, dans la petite « salle de
prière », située au sous-sol. Celle-ci, par son aménagement, interpelle silencieusement les consciences et
témoigne qu’une autre approche de la gestion des lieux de culte, basée sur le partage d’un même espace de
prière et de recueillement, est possible. D’ailleurs, dans moins de 10m², on a réussi à mettre côte à côte, la
Bible et le Coran ; l’étoile, la croix et le croissant ; une petite table de l’eucharistie, quelques chaises et un tapis
de prière dirigé vers la Mecque !
Après ces précisions, je vous souhaite une bonne lecture et n’hésitez surtout pas à laisser vos commentaires,
vos interrogations et vos critiques !
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Rêves d’adulte
J’ai un rêve (*)
qu’un jour la mosquée trouvera enfin son âme perdue et se mariera de
nouveau avec l’esprit humanisant de « Al-Jami’i ».
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée retrouvera le goût et les couleurs du respect de l’humain
et de son épanouissement inconditionnel.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée sera garante – à l’image de la Vème
République et de sa
Constitution – de la liberté de conscience, de la liberté de pensée, de la liberté d’expression
et qu’elle garantira le libre choix à tout un chacun sans restriction aucune.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée adoptera le principe de neutralité à l’égard du
politique et/ou du théologico-politique et ne sera ni de gauche ni de droite ; ni des blancs ni
des noirs ; ni des sunnites ni des chiites ; ni des magrébins ni des turcs ; ni des modérés ni
des extrémistes ; ni des progressistes ni des traditionalistes…
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée ne reconnaîtra, ne cautionnera et ne soutiendra aucun
politique de quelque formation que ce soit et qu’elle ne reconnaîtra, ne cautionnera ni
salariera aucun théologico-politique de quelque idéologie que ce soit.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée sera à l’évidence, synonyme d’humanité, de miséricorde,
de paix, d’amour, de fraternité, de non-violence, de tolérance, de dialogue, d’ouverture
d’esprit, d’accueil de l’autre, de pluralité et de gestion pacifique des différents.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée se refusera d’être le synonyme désolant de sectarisme,
de communautarisme, de fanatisme, de dogmatisme, de doctrinarisme, d’idéologisme, de
despotisme, de cléricalisme, d’abrutissement, d’endoctrinement, d’enfermement,
d’exclusion et d’intolérance.
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J’ai un rêve qu’un jour la mosquée pourra accueillir, sans complexe, sans tabous sans
protocoles et de la façon la plus égalitaire et la plus juste qu’elle soit, des humains de tout
horizon, de toute confession, de toute religion, de toute sensibilité intellectuelle, de tout
courant philosophique, de toute tendance spirituelle, de toute croyance et pourquoi pas de
toute non-croyance, de tout agnosticisme et de tout athéisme. Afin que les doutes des uns
puissent relativiser les certitudes des autres et que les vérités des uns puissent dialoguer
avec le scepticisme des autres.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée sera l’espace de l’expression libérée où tout un chacun –
femme ou homme, fille ou garçon, jeune ou adulte– puisse exprimer ses doutes, ses
questionnements et ses inquiétudes sans qu’il fera l’objet de fatwa ou de procès publics
d’inquisition ou qu’il sera contraint de supporter, bon gré malgré, le fardeau de l’exclusion et
les injures d’hérésie ou d’apostasie.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée ne sera plus prise en otage par la pensée unique ; par le(s)
discours unique (!) ; par l’association unique ; par le recteur unique ; par l’imam unique… et
qu’elle sera au contraire le théâtre de la pluralité d’idées, de discours, d’intervenants, de
personnes, d’associations et d’ambitions.
J’ai un rêve qu’un jour la mosquée sera délivrée in extenso de toute sorte de cléricalisation
héritée ou imitée ; importée d’ailleurs ou imposée à coup de pouvoir et qu’elle sera en
revanche, le lieu où personne, pas même l’imam, ne pourra prétendre impertinemment un
quelconque privilège, une quelconque prééminence ou une certaine entremise entre Dieu et
les gens.
Raison(s) d’être !
Ces rêves ne pourront se réaliser – et je suis bien conscient de la réalité complexe – sans
qu’une révolution intellectuelle profonde, pour ne pas dire radicale, ne soit opérée
massivement, de manière aussi bien orthodoxe qu’iconoclaste, à tous les niveaux et par tous
les moyens légitimes et pacifiques.
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Par ailleurs, il en est de la responsabilité de chacun de prendre conscience et de tenir
compte de la réalité des mosquées en France qui sont, pour le rappel, pensées, moulées et
élaborées de façon générale, en conformité avec la vison omeyyade et non en inspiration du
modèle mohammadien que fut autrefois la « mosquée/Al-Jami’i » de Médine.
Il en est, en priorité, de la mission du peuple des mosquées de ressusciter l’esprit
humanisant et libérateur de la « mosquée/Al-Jami’i » et d’en finir avec l’aberration
monumentale et millénaire qui continue hélas, de produire des effets néfastes menaçant, de
façon implicite ou explicite, l’intelligence collective, le métissage culturel et les libertés
fondamentales.
Je croîs qu’une revivification de ce concept et de cet état d’esprit au sein de la cité n’est pas
simplement souhaitable mais elle est plus que nécessaire. Et ceci, pour plusieurs raisons :
Premièrement, une telle revivification est nécessaire pour que la majorité soit souveraine et
reprenne le contrôle des lieux qui a été longtemps délaissé à la minorité au pouvoir exécutif
de ces mêmes lieux. En effet, de nombreuses mosquées dans l’hexagone, telle qu’elles se
présentent aujourd’hui, n’assurent pas uniquement des services cultuels de base aux fidèles
mais elles sont aussi des lieux où cette minorité pragmatique du pouvoir décide, sans
s’inquiéter, à la place de la majorité des fidèles ; où l’on diffuse des discours redoutables ; où
l’on oriente, avec préméditation, la collectivité vers une direction privilégiée ; et où l’on
alimente le sentiment communautaire, pour ne pas dire communautariste, qui peut se
révéler dangereux pour la stabilité de certaines cités, pour la paix sociale et pour le vivre
ensemble.
Et lorsque les mosquées sont confiées à des personnes engagées idéologiquement dans des
projets, du moins que l’on puisse dire, obscurantistes, les conséquences et les impactes qui
en résultent sur la cité et sur la société tout entière ne peuvent être que dramatiques.
Par conséquent, une telle revivification rétablira à coup sûr la situation et remettra à
nouveau les clefs et le sort de la structure entre les mains de la majorité des fidèles avec sa
complexité, sa pluralité et surtout sa sagesse.
31
Deuxièmement, elle est nécessaire parce que la cité change, jour après jour, et donc tout
devra suivre quasiment la même dynamique, au risque de se voir dépassé, le cas contraire,
par les événements et de se voir cristalliser sur des modes et des modèles archaïques et
rétrogrades, importés des époques historiques révolues ou d’un autre monde, dont lequel,
des valeurs comme liberté, justice, humanisme et démocratie ne sont que des slogans
publicitaires à effet d’annonce mais sans effets remarquables dans la réalité de tous les jours.
La sagesse veut que l’on prévienne collectivement les risques, que l’on surmonte ensemble
les défis et que l’on privilégie le sens aux apparences trompeuses. Elle veut aussi que l’on ne
reproduise pas les mêmes erreurs du passé, que l’on apprenne de l’Histoire de l’humanité
toute entière, que l’on améliore nos conditions présentes et que l’on comprenne la nature et
les caractéristiques du vecteur directionnel de l’avenir.
Dans ce sens, la « mosquée réformée », par son calme et son hospitalité offerte à toutes et à
tous, offrira la sérénité nécessaire favorisant la méditation individuelle et le cadre
indispensable aux échanges collectifs qui serviront pour le repérage en commun du cap à
suivre, pour un avenir prospère et pacifique.
Troisièmement, elle est nécessaire pour que l’on finisse une fois pour toute avec le climat
d’abrutissement qui règne en maître depuis les omeyyades, dans presque toutes les
mosquées du monde, y compris celles implantées ici en France et en Europe.
L’abrutissement, en effet, dispense de penser et de cultiver l’esprit critique. Il favorise la
pérennisation de l’asservissement. Pis encore, il facilite la tâche des « néo-marchands de la
prière et du pèlerinage » et des recruteurs extrémistes qui s’activent, au nom de Dieu, pour
trouver « des proies », prêtes à servir la cause communautariste et motivés pour s’engager
dans le sentier de Dieu.
Quoi de pire que de produire à la chaîne – ou plutôt à la rangée – des individus sans faculté
de penser par eux-mêmes ? Même si l’abrutissement a à son actif quelques avantages
puisqu’il nous évite de supporter le chaos, à en croire Paulo Coélho qui affirme dans « le
32
Zahir », je cite : « Un monde sans abrutis, ce serait le chaos ! Au lieu des chômeurs comme
on a aujourd’hui, il y aurait du travail en trop et personne pour travailler » !
Seule une indispensable reconnaissance à tout un chacun de sa capacité à penser par lui-
même et de sa liberté de choix, pourra nuire à l’abrutissement par la voie religieuse et
pourra contrarier les projets de mécanisation des esprits conduits par des théologiens de
service, et qui profitent aux ennemis des libertés et de l’épanouissement humain.
Il faut donc en finir avec cette situation de crise intellectuelle profonde au sein des
mosquées en établissant le modèle de la « mosquée réformée » où l’abrutissement de la
masse sera prohibé et exclu à jamais du cahier des charges.
Quatrièmement, elle est nécessaire pour permettre au peuple des mosquées de se
prononcer au sujet de l’organisation de leur culte. Car on assiste, depuis bientôt deux
décennies, à une agitation inquiétante, de part et d’autre, quant à l’avenir de l’objet « islam
de France » et de sa ramification rituelle le « culte musulman ». La façon dont le pouvoir
politique en place et ses alliés religieux les conçoivent et les veulent, est doublement
préjudiciable, et au caractère laïc de l’Etat, et à l’approche « collectiviste » de la gestion de
celui-ci.
En effet, les acteurs de cette agitation, que ce soient les présumés « représentants du culte
musulman » ou les représentants de l’Etat, mènent leurs projets en dehors de la sphère des
mosquées. Et ce, en marginalisant, sciemment ou inconsciemment, les premiers concernés
qui sont d’abord celles et ceux qui s’y rendent habituellement et qui ne sont au courant de
rien, si ce n’est de quelques noms médiatisés et de quelques abréviations, par-ci et par-là.
D’ailleurs, l’expression de « représentants du culte » pose problème même si l’on assiste,
presque tous les trois ans à un semblant élections régionales et nationales. Reste à
examiner de prime abord, le pourquoi et le bien fondé d’une telle représentativité. Et savoir
par la suite si véritablement cette représentativité présumée est effectivement
représentative de l’ensemble des idées, des projets et des souhaits de ladite communauté
musulmane.
33
Une telle revivification permettra de rendre la parole confisquée à toutes les sensibilités qui
exprimeront au sein de la « mosquée réformée » leurs différences et leurs préférences. Elle
permettra aussi l’entente sur les règles de l’organisation interne et externe du culte, de la
gestion des lieux et de l’adhésion, ou non, dans un processus de représentativité voulu et/ou
imposé par l’Etat.
A ce stade, il faut rappeler que l’Etat n’a pas, au nom de la laïcité, à dicter les « règles
d’organisation générale du culte» ni à imposer un cadre représentatif sélectif, ni à désigner
ou coopter certaines figures qui passent mieux, politiquement et médiatiquement, ni à
cautionner les conditions et les tractations faisant parti d’un autre temps et d’un autre
monde dont lesquelles se déroulent les campagnes électorales et les soi-disant élections.
Cinquièmement, elle est nécessaire pour permettre aux uns et aux autres de revisiter le sens
et l’essence de l’objet « Islam ». Et de permettre aussi, à qui le souhaite bien sûr, la
possibilité d’assister à cette redécouverte. Non pas sous forme de cours de religion
dispensés de façon autoritaire et qui laissent s’installer d’un côté, des Cheikhs – comme
porteurs exclusifs de connaissances théologiques, comme donneurs de leçons de morale et
comme présumés détenteurs de certaines « vérités » absolues – et de l’autre côté des
disciples silencieux qui doivent se contenter d’approuver sans contester et d’apprendre par
cœur ce que l’on leur dicte sans réfléchir. Mais plutôt, sous forme d’interaction dégagée de
toute hiérarchie et de toute forme de domination par des connaissances appelées, à tort,
« sciences islamiques ».
Sixièmement, elle est nécessaire pour assurer au sein de la cité un cadre où l’on pourra
aborder toutes les questions de société et de religion qui fâchent, et qui sont traitées
timidement, dans des sphères trop imperméables de chercheurs, d’universitaires
spécialisées et trop en rupture avec la réalité des mosquées. Une réalité marquée par
l’omniprésence d’autre genre de questions, tout à fait compréhensibles dans l’état où l’on
est, mais qui ne s’éloignent pas de la sphère rituelle et formaliste, laissant de côté les sujets
fondamentaux aussi bien impérieux qu’occultes.
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« Mosquée réformée » comme espace de débats avant-gardistes
Il est clair que les sujets fondamentaux occultés sont très nombreux et ils n’attendent qu’à
être abordés, à l’aube de ce 21ème
siècle, avec le courage et l’honnêteté intellectuelle
indispensables.
Au sein de la cité, et à l’exception des mosquées et de quelques rares instituts académiques
à tendance plutôt conservatrice, il n’y a pas d’espace permanent et adapté qui puisse
rassembler le peuple des mosquées – les premiers concernés par ces questions – et où l’on
puisse oser parler de ce genre de sujets qui tracassent, en silence et de manière quasi
inavouée, la conscience collective.
L’université, bien qu’elle soit utile pour apporter des éclairages scientifiques, historiques,
anthropologiques, sociologiques, psychologiques et autres, n’est pas un lieu populaire
approprié où la collectivité puisse réfléchir, dans son hétérogénéité caractéristique, à ces
questions.
La structure et l’organisation interne de la mosquée, telle que nous la connaissons
aujourd’hui et qui reste largement prisonnière d’un lourd héritage ancestral contraignant et
d’une pesanteur institutionnelle qui est administrativement rédhibitoire et idéologiquement
réprobatrice, ne permet pas elle aussi à libérer le débat ni à encourager la réflexion
permettant d’élucider l’ensemble de ces questions.
Par conséquent, le seul lieu adapté et qui reste à réinventer et à restaurer de nouveau, est à
mon intime conviction, la « mosquée réformée ». Qui certainement, n’aura pas à se soucier
de la gestion des affaires sociales et économiques ou à s’ingérer dans les affaires politiques
de la cité. Même si elle peut se préserver le droit d’être un espace, parmi tant d’autres, où
l’on puisse échanger sur les impacts du social, de l’économique et du politique sur l’être
individuel et sur l’être collectif. Pour ces affaires, il y a bien des conseils de quartiers, des
conseils municipaux, des instances départementales, régionales et nationales qui s’en
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occupent tout en se démarquant totalement – malgré quelques exceptions déplorables ici
ou là – de la sphère religieuse. Et Dieu merci que ce soit ainsi !
La « mosquée réformée » servira, en plus de sa fonction cultuelle primitive, d’espace où
d’autres fonctions d’ordre intellectuel et culturel seront assurées conjointement. Là où l’on
pourra construire, en permanence, l’objet « islam de France » en collectivité, en évitant à ce
que cela ne soit pas à la charge du pouvoir politique ou d’une quelconque minorité attachée,
d’une manière ou d’une autre, à ce même pouvoir. Là où l’on osera, peut-être, penser
« l’impensé » communautaire, pénétrer dans les secrets des tabous et faire jaillir de la
lumière sur les innombrables zones d’ombres et les questionnements qui tourmentent les
esprits en quête de sens et ceux qui sont à la recherche d’humanisme aimant et pacifique.
Cela suppose une réforme structurelle, en amont, de la « mosquée » actuelle et nécessite la
combinaison de nombreux ingrédients, à juste dose, tels que la volonté collective ;
l’imagination inventive ; le courage intellectuel ; le travail d’équipe ; la synergie des
actions ;… et évidemment beaucoup plus de sagesse et de patience.
La « mosquée réformée » permettra, de ce point de vue, une totale démocratisation et
transparence quant à l’examen de ces questions cruciales. Cette structure conduira
effectivement à l’émergence d’une conscience collective sur l’ensemble de ces sujets tabous.
Elle mettra fin à une tradition qui, depuis des siècles, empêche toute réforme structurelle de
la jurisprudence et du droit dit « islamique » et qui n’a peut-être d’islamique que le nom !
Dans ce schéma, seule la collectivité est souveraine. Ni Cheikhs ni mollahs théologico-
politiques ne pourront, à partir de ce moment précis, dicter leurs humeurs ou les humeurs
de leurs saints prédécesseurs, en les déguisant soigneusement d’apparences religieuses.
36
Questions qui fâchent et revendications « coraniquement »
incorrectes !
Parmi ces questions nombreuses que l’on n’ose plus poser et traiter en collectivité, au sein
de la mosquée actuelle et qui pourront trouver toute leur place et alimenter les échanges au
sein de « la mosquée réformée » souhaitée, il y a, à titre d’exemple :
La question du sens même – statique ou dynamique – que l’on donne à l’objet « Islam », à
sa variante « islam de France », à sa ramification « culte musulman », à sa réglementation
« droit musulman », à son fidèle le « musulman », à son adversaire supposé le « non
musulman », à sa collectivité nationale la « communauté musulmane », à sa communauté
supranationale la « Oummah musulmane », à l’articulation recherchée entre ladite
« Oummah musulmane » et la République, au compromis entre le droit dit islamique et
le droit positif laïque,…
La question de savoir, si oui ou non, il doit y avoir au sein de chaque mosquée un imam –
islamiquement parlant et en observance de ce qu’a été la genèse organisationnelle de la
« mosquée réformée ». Un imam faisant de la célébration de la prière, de l’exhortation –
voire de l’exorcisme (!) – et de son aptitude à répondre aux questions des gens, une activité
rémunérée.
La question de savoir, si oui ou non, il doit y avoir, comme le souhaite le Président de la
République, lorsqu’il était encore ministre de l’intérieur, un Conseil des Imams – une sorte
d’autorité religieuse officielle et reconnue par l’Etat – qui aura pour mission : d’ « étudier
des questions d’ordre spirituel et moral » ; « rechercher des positions de compromis » ;
«construire un socle de repères communs sur les points essentiels de la foi musulmane » ;
« servir de vecteur à la modernisation de l’islam, au développement d’une approche plus
scientifique et moins littérale du Coran » et d’accélérer « la victoire des valeurs essentielles
et universelles de cette religion [l’islam] sur des conceptions rétrogrades héritées du passé
et de l’histoire ». (1)
37
Et sans juger, de bonne ou mauvaise, l’intention du Président de la République, et sans
rentrer non plus dans le vif du sujet, cette question méritera d’être débattue au sein de la
« mosquée réformée » et non pas dans d’autres sphères fermées, élitistes et cooptées.
Chose qui peut conduire éventuellement à la cléricalisation forcée de l’islam de France et à
une sorte d’hiérarchisation que le Président même juge étrangère à la culture musulmane.
A ce sujet, Nicolas Sarkozy écrit, je cite : « L’idée même d’une instance régulatrice du
contenu de la foi islamique est étrangère à la culture musulmane » (2)
. Le danger d’une
cléricalisation par le haut de l’objet « islam de France » n’est pas à sous-estimer, lorsque l’on
s’engage dans de pareil processus de représentativité. On voit actuellement, dans d’autres
pays et sans retracer l’histoire depuis les omeyyades, les conséquences graves de la
cléricalisation de l’islam, que ce soit l’islam chiite ou l’islam sunnite, même si les
protagonistes de ce dernier nient l’existence d’un quelconque clergé sunnite. Néanmoins, les
faits sont là. Et même certaines déclarations officielles des autoproclamés représentants du
culte le confirme. (3)
Que dire donc des fatwas limitatives des libertés individuelles et attentatoires aux droits
fondamentaux, y compris le droit à la vie, qui ont été émises par l’instance égyptienne
sunnite Al-Azhar à l’encontre de nombreux intellectuels qui ont eu le malheur de toucher à
des questions tabouisées ? Sans parler des instances chiites qui excellent dans l’art de la
censure et des fatwas meurtrières !
A rappeler tout de même que le Président de la République, tout en niant tout caractère
régulateur du contenu de la foi islamique, a d’ailleurs sollicité Al-Azhar en décembre 2003
pour obtenir une fatwa « républicaine » ordonnant aux musulmanes de France de se
conformer à la loi française et d’accepter d’enlever le voile à l’école – même si le caractère
obligatoire du voile dit islamique reste sujet à controverse !
Sans parler aussi de l’autre fatwa « républicaine » offerte – sous commande paraît-il – à
Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’intérieur, par Dar Al-Fatwa de l’UOIF, le 6 novembre 2005,
demandant aux révoltés des banlieues d’observer, au nom d’Allah et de leur islamité
respective, la retenue et de cesser la révolte violente. Comme si les révoltes des banlieues
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étaient motivées par des revendications religieuses et comme si les révoltés étaient tous des
petits musulmans qui avaient oubliés les leçons de morale islamique et qu’il fallait que la
sainte UOIF intervienne pour rétablir l’ordre !
On peut légitimement, après ces ingérences réciproques, se demander si ce Conseil des
Imams, tant désiré par le Président de la République, ne sera pas simplement la traduction,
en français, de l’instance théologiquo-politique d’Al-Azhar ; qui incarnera, à coup sûr, non
seulement la régulation du contenu de la foi islamique mais aussi la régulation comminatoire
du contenu de la loi, des mœurs, des habitudes, des choix et même des assiettes !
Cela m’amène à soulever la question de la « formation des imams » qui occupe une place
centrale dans le projet que l’Etat mène avec les mouvements dits représentatifs du « culte
musulman ». Cette question en particulier mérite qu’elle soit examinée avec les premiers
concernés, le peuple des mosquées dans sa pluralité. Et ce, pour répondre au minimum à
deux interrogations :
Premièrement, de quel contenu de formation s’agit-il ? Et deuxièmement, pour quel statut
pratique et/ou symbolique au sein de la mosquée prépare-t-on les présumés imams de
demain ?
Bien que les intentions déclarées se veuillent bonnes et rassurantes, les réponses proposées
à ces deux grandes questions, ne présagent que la reproduction, à la française, des modèles
importés d’ailleurs. Et c’est la raison pour laquelle, j’attire l’attention sur la question du
contenu de la formation.
Autrement dit, et bien que certains projets de formation jouent la carte de la modernité en
intégrant des disciplines des sciences humaines et du droit français, le support fondamental
de la formation quant à lui, reste, en grande partie, composé des connaissances dites
« sciences islamiques » sélectionnées selon des critères assez souvent idéologiques et
théologiquo-politiques – sans que l’on examine le bien fondé de la scientificité et de
l’islamité supposées de ces connaissances – et qui ne prennent pas en compte l’ensemble de
l’héritage religieux, dans ses contradictions inhérentes.
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Le contenu de ces connaissances ne diffère guère du contenu que proposent des universités
en Egypte, au Maroc ou en Arabie Saoudite. D’ailleurs ceux qui se chargent de mettre en
place les programmes de formation – sans jugement de valeur – sont en majorité des ex-
diplômés de ces universités théologiques. Du coup, on peut imaginer d’ores et déjà, le
contenu des discours que ces imams, supposés formés par la République, vont diffuser en
langage français, aux seins des mosquées de l’Hexagone.
La deuxième question concerne le statut pratique et/ou symbolique qu’auront ces
présumés imams une fois formés (je ne parle pas du statut professionnel ou salarial puisque
la République n’a pas vocation à rémunérer les imams, laïcité oblige). En d’autres termes,
seront-ils des clercs représentants d’Allah dans la cité, comme c’est déjà le cas aujourd’hui
dans de nombreuses mosquées ? Ou bien seront-ils de simples bénévoles au service de la
bonne parole, mais sans aucune prétention sacrale ni statut salarial ?
En effet, je peux comprendre que la République veut rendre lisible, voire visible et
contrôlable cet islam « républicain », mais ce que je ne comprends toujours pas c’est
l’utilisation par l’Etat d’une grille de lecture qui, bien qu’elle soit convenable pour la lisibilité
de la hiérarchie ecclésiastique catholique ou juive, elle est inappropriée quant à la lecture de
l’objet « islam », qu’il soit républicain ou étranger. D’ailleurs, l’islam mohammadien tel qu’il
est expliqué dans le Coran, n’est pas de nature à admettre, en son sein, une quelconque
autorité religieuse et il n’approuve aucune salarisation des professionnels de l’exhortation.
Par ailleurs, d’autres revendications sont loin d’être consensuellement admises et
nécessitent donc une élucidation dans le débat contradictoire. Parmi lesquelles, on y trouve :
La question de l’abattage rituel et de la viande dite Halal. Ceci permettra, à mon avis, de
résoudre deux énigmes qui me paraissent problématiques et tabouisées :
La première énigme est d’ordre religieux et théologique. Il s’agit de revisiter, dans un
premier temps, l’expression «sacrifice rituel » et l’expression « abattage Halal » pour voir
qu’elle en est la part juste du « culte musulman » et qu’elle en est la part exagérée de
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la culture – ou des cultures – et de l’histoire. Et d’oser dans un deuxième temps, sans calculs
idéologiques, examiner en quoi la charcuterie – hormis le porc – que l’on vend chez le
boucher du coin et qui n’est pas labellisé Halal ne peut être comestible par les musulmans
riverains ?
La deuxième énigme est d’ordre financier. Je pense qu’il est du droit de ladite communauté
musulmane, dans son entièreté, de comprendre les rouages et les coulisses du marché Halal.
Il est nécessaire pour la transparence financière de lever enfin le voile sur la manne d’argent
qu’assure ce marché au profit de certains « marchands du culte musulman », que se soient
des personnes physiques ou des organisations de contrôleurs, affiliées en majorité aux
fédérations dites représentatives du « culte musulman ». Celles-ci perçoivent des taxes (!) et
font payer les abattoirs pour contrôler la bonne foi musulmane du sacrificateur et l’islamité
de l’abattage des bêtes.
En plus de cela, d’autres rémunérations généreuses sont perçues par certains contrôleurs
lorsqu’ils ont la chance de travailler avec des sociétés et des firmes transnationales de
l’agroalimentaire et de l’industrie pharmaceutique. Par exemple, le fait de contrôler la
provenance Halal de la gélatine – à destination alimentaire ou pharmaceutique – et de
s’assurer qu’il ne s’agit pas de gélatine porcine ou bovine non Halal, constitue une manne
d’argent pour ces contrôleurs qui s’enrichissent, ou qui enrichissent leur fédération-mère,
sur le dos du « culte musulman » ! L’objet « islam » fait gagner de l’argent paraît-il !
La revendication des « carrées musulmans » mérite elle aussi d’être réexaminée. Puisqu’il
n’y a aucun fondement coranique à cette revendication communautaire, qui se veut
légitime ! Le courage intellectuel veut lui, que l’on enquête davantage et que l’on dévoile les
origines ségrégationnistes, historiques, culturelles, politiques, voire militaires de cette
revendication.
Comment se fait-il que les musulmans de France revendiquent – et c’est le droit – une
citoyenneté française, émancipée et égalitaire au moment même où de nombreux
musulmans de France font le choix, ou d’autres le font à leur place, de se faire enterrer
ailleurs dans une autre terre considérée comme « terre de l’islam » ? La France n’est-elle pas
41
une « terre d’islam » pour ces français ? Pourquoi donc faire le choix de vivre ici quand on
désire mourir et se faire enterrer ailleurs ?...
Comment expliquer le fait que cette communauté accepte de se mélanger avec les désignés
« autres » dans les écoles, dans les centres commerciaux, dans les plages et dans les
quartiers résidentiels et qu’elle refuse en même temps de se mélanger avec ces mêmes
« autres » dans les cimetières ?
Comment se fait-il que la terre de la République ne soit désirée que pour profiter d’un cadre
de vie, relativement prospère, et qu’elle soit déconsidérée et dédaignée au moment de la
mort et de l’enterrement ?
Est-il raisonnable que certains mouvements dits représentatifs de « l’islam de France »
prônent manifestement le vivre ensemble au moment même où elles légitiment, au nom de
Dieu, la mort ghettoïsée et l’enterrement communautarisé ?
Cette idée des «carrées musulmans » ne cache-t-elle pas une autre idée, aussi bien
grotesque que xénophobe, celle du « peuple élu d’Allah » qui prétend être, par définition,
supérieur et meilleur que les « autres ». Et de ce fait, il ne doit pas se mélanger avec ces
« autres » considérés inférieurs car incrédules. Et s’il n’arrive pas à assumer cette préférence
et ce devoir pendant la vie, il devra se rattraper au moment de la mort et de
l’enterrement ?...
La question du mariage dit « mixte » ou « intercommunautaire », surtout lorsque l’on est
femme ! D’ailleurs, pour qu’elle(s) raison(s), par exemple, un homme musulman, au nom de
son islamité revendiquée, peut éventuellement se marier avec une femme chrétienne, ou
juive ou autre alors qu’une femme musulmane est toujours contrainte de se marier
exclusivement, au nom de la même islamité revendiquée, avec un homme musulman et avec
personne d’autre ? Faut-il encore chercher l’origine historique et l’interprétation du texte
qui, pour certains, légitiment ce mode de fonctionnement ? La communautarisation des
esprits n’est-elle pas une conséquence directe ou indirecte du refus et de la prohibition des
mariages mixtes ?
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La question de la circoncision des garçons musulmans mérite elle aussi d’être réexaminée.
Pour précision, je ne parle pas de l’excision des filles que le clergé sunnite considère comme
pratique étrangère au « culte musulman » et je ne peux d’ailleurs que m’en réjouir ! Je parle
bel et bien de la circoncision des garçons.
Dans le Coran – au contraire de la Torah juive – il n’y a aucun texte coranique qui prescrit
cette pratique. Et même dans lesdits Hadiths supposées prophétiques, il n’y a aucun texte, a
force de loi, qui stipule le caractère cultuel obligatoire de la circoncision des garçons. On ne
trouve que quelques textes, rapportées de façon redoutables, et des histoires épouvantables
comme celle qui raconte que le prophète Abraham s’est fait circoncis seul (!) dans le désert à
l’âge de 80 ans à coup de pioche (!) Pas la peine donc de réclamer des témoins oculaires !
Au-delà, des bienfaits médicaux supposées ou avérées de cette pratique sur la santé sexuelle,
en particulier, des questions persistent en l’absence d’un cadre de débat où toute la
communauté doit être associée :
Comment se fait-il que l’on insiste, lorsque l’on est parent musulman, à pérenniser cette
pratique qui est plutôt culturelle que cultuelle et plutôt d’origine pharaonique que d’origine
prophétique ?
Comment se fait-il que la circoncision soit observée tel un sixième pilier de l’islam ?
Comment se fait-il que l’on n’accepte pas l’excision des filles et que l’on ordonne la
circoncision des garçons ? Les deux pratiques ne sont-elles pas de la même nature ? Le
musulman a-t-il besoin d’être circoncis pour qu’il soit reconnu en tant que tel ? La
circoncision est-elle un acte de foi ?
La circoncision n’est-elle pas une marque de différenciation ethnico-religieuse et un signe
religieux non ostensible qui pourrait se révéler mortel lors des guerres civiles ? Comme
c’était le cas pendant la 2ème
guerre mondiale ou pendant la guerre des Balkans.
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En effet, l’armée de Slobodan Milosevic exécutaient systématiquement, tout homme
portant ce signe physique distinctif qui témoigne d’une certaine islamité par l’anatomie du
sexe. Et c’étaient aussi le cas des juifs, 50 ans auparavant – qui pratiquent eux aussi la
circoncision des garçons depuis toujours – lorsque les nazis du parti national-socialiste
allemand, à défaut de faire des tests ADN, différenciaient le juif du non-juif, à l’aide de cette
signature gravée sur leurs chairs et procédaient par la suite, à les éliminer de manière
barbare et affreuse.
D’autres questions pourront être aussi traitées et étudiées au sein de la « mosquée
réformée ». Il s’agit de jauger dans le débat contradictoire le bien-fondé de l’ensemble de
ces revendications communautaires, qui se veulent légitimes et qui forment le corpus des
requêtes des instances dites représentatives du « culte musulman » auprès du pouvoir
public.
« Mosquée réformée » : un concept à six piliers
La « mosquée réformée » est avant tout un concept qui demeure en construction
permanente. Il ne prétend pas être « La » Réponse à toutes les interrogations et les
critiques que j’ai pu formuler depuis le début de cette série. Néanmoins, il tente de
promouvoir des pistes de réflexions et d’initier des chantiers d’action, visant à réformer la
mosquée et à la libérer de la mainmise idéologique et théologiquo-politique qui pèse
lourdement sur elle, et qui l’empêche d’accomplir ses fonctions spirituelles et intellectuelles
au service de l’humain pacifique et de la cité plurielle.
La « mosquée réformée » se définit premièrement, tel un lieu où la spiritualité religieuse
mohammadienne pourra prospérer et s’exprimer pleinement. Elle sera de facto, le lieu où
cette spiritualité pourra inviter, rencontrer et vivre des moments d’interconnaissance, de
partage et d’échange avec d’autres spiritualités religieuses, chrétiennes, juives,
bouddhistes,… et pourra convier, accueillir et dialoguer, avec modestie et sans suprématie
prétentieuse, avec d’autres spiritualités non religieuses, agnostiques voire athées.
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Elle se définit deuxièmement, comme un lieu de recueillement, de prière et de méditation.
Un espace aménagé pour que les croyants mohammadiens puissent accomplir leur prière,
individuellement ou collectivement. Un lieu où les croyants d’autres religions et aussi les
non-croyants, qui désirent profiter d’un moment de prière, de calme, de méditation ou qui
veulent satisfaire un simple désir de découverte puissent y accéder à toute heure, sans qu’ils
soient obligés de demander l’autorisation d’accès à qui que ce soit. L’accès libre à cet édifice
doit être gravé sur son fronton.
Elle se définit troisièmement, tel un espace où les femmes ne seront pas reléguées dans les
derniers rangs ou confiner dans des salles isolées. Au contraire, elles auront le même statut ;
assureront les mêmes fonctions que les hommes ; s’exprimeront sur la même tribune, y
compris le jour du vendredi et occuperont tout l’espace de l’édifice, sans restriction
discriminatoire, dictée par des interprétations machistes et bédouines des textes religieux
ou motivée par des positions féministes déplorables ; car assujetties aux règles de bonne
conduite destinées aux femmes et qui sont définies par des théologiens hommes,
prisonniers des traditions misogynes des temps révolus.
Elle se définit quatrièmement tel un forum permanent, bouillonnant de perspectives et de
pensées. Un lieu où les carriéristes de l’exhortation seront remerciés mais sans indemnités
de départ. La parole redeviendra dès lors un droit sacré au profit de tout un chacun. Fini
alors la confiscation de cette parole par les présumés imams et par les
recteurs autoproclamés. Place donc aux libres initiatives et à l’imagination.
Elle se définit cinquièmement, tel un espace où pourrait siéger, à côté de l’association
cultuelle qui se charge, exclusivement, d’assurer l’exercice public du culte, de sa gestion et
de l’entretien de l’édifice, toutes autres associations concernées par les questions d’ordre
humain, spirituel, intellectuel et aussi toute association oeuvrant sur le terrain des
solidarités, au sens le plus large du terme.
Elle se définit sixièmement, tel un espace fondamentalement apolitique et non-idéologique.
Elle ne sera pas le fief ou la réserve des voix d’une quelconque formation politique. Elle se
refusera à tout engagement partisan et à tout marchandage électoral. Elle ne sera pas le
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quartier général idéologique d’une quelconque confrérie théologico-politique. Cependant,
elle ne devra pas être muette sur les enjeux menaçant la dignité humaine et les questions
tracassant la cité des humains.
« Mosquée réformée » : Vers un amendement de la loi 1905
La loi concernant la séparation des Eglises et de l’Etat, du 9 décembre 1905, a définit le cadre
d’intervention des associations dites cultuelles. Dans son article 4, elle préconise que : « les
locaux religieux seront transférés aux associations qui en se conformant aux règles
d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice, se seront
légalement formées suivant les perspectives de l’article 19 ». En effet, cet article suppose,
dans l’absolu, qu’il y a des règles d’organisation générale propre à chaque culte. Et que les
associations qui se chargent de la gestion de l’exercice cultuel doivent s’y conformer.
Cela est vrai dans le cas de l’Eglise catholique romaine dont la hiérarchie est établit de fait,
et depuis des siècles, sous forme d’organigramme sacral allant du Pape jusqu’au prêtre et
diacre, tout en passant par les archevêques, les cardinaux et les évêques. Qui non seulement
sont considérés comme simples gestionnaires des lieux de culte mais qui exercent au-delà de
ça, un pouvoir moral et une mission sacrée au nom et par l’autorité religieuse de Jésus Christ
et de ses apôtres, reçue dans le cadre d’une ordination épiscopale, presbytérale ou
diaconale, pour le service du peuple de Dieu.
L’Eglise catholique a protégé, en se basant sur cet article et sur l’accord signé en 1924 entre
le Saint Siège et l’Etat Français, son identité, son organigramme interne et ses règles
d’organisation générale du culte. L’Etat quant à lui, a respecté cette structure hiérarchique
et n’a pas cherché à imposer le fonctionnement démocratique des associations, prévu par la
loi du 1901 qui stipule, entre autres, que lors des assemblées de votes et de délibérations, la
voix d’un membre, quel qu’il soit, vaut autant que la voix d’un autre.
Si cela est vrai dans le cadre d’association culturelle, il ne pouvait pas l’être dans les
associations cultuelles catholiques. Puisque celles-ci, connues sous le nom d’associations
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diocésaines, sont soumises chacune au pouvoir suprême de l’évêque de la circonscription
territoriale (ou diocèse) et non au pouvoir statutaire de l’assemblée générale, comme c’est
le cas des associations loi 1901. Dans une assemblée ecclésiastique, les voix ne se valent pas.
Le judaïsme rabbinique a lui aussi ses propres règles d’organisation générale du culte. Les
synagogues et temples juifs sont soumis à l’autorité rabbinique. Les missions sont
structurées et hiérarchisées. On y trouve : le Rabbin de la communauté – soumis lui aussi à
l’autorité du Grand Rabbin – reconnu compétant par un jury de pairs et chargé de répondre
aux questions à caractère légal qui se posent au sein de la communauté ; Le Dayan reconnu
expert de la législation juive, dirige le tribunal rabbinique et tranche dans les litiges
financiers, matrimoniaux et les questions de conversion ; Le Hazzan ou Shatz qui tient le rôle
de vocaliste, officiant et meneur de la prière ; le Mohel qui pratique la circoncision ; le
Shohet qui est chargé de l’abattage rituel ; le Sofer ou scribe qui est expert dans l’art de
l’écriture des textes sacrés (rouleaux de la Torah entre autres) ;… Là aussi on est bien en
présence de règles établis depuis des siècles régissant l’organisation générale du culte juif.
L’esprit de la loi 1905 reste observé.
Le problème se pose sérieusement lorsque l’on veut connaître exactement qu’elles sont les
règles de l’organisation générale du culte dit musulman, auxquelles doivent se conformer les
associations cultuelles qui s’en chargent ? Qui définit ces règles et au nom de qui et de
quoi ?...
Par conséquent, et en l’absence d’hiérarchie religieuse – surtout sunnite parce que les
chiites duodécimains sont soumis à l’hiérarchie des mollahs – reconnue, du moins de
manière officielle, les associations gestionnaires du « culte musulman » adoptent, en réalité,
l’un des deux scénarios suivants (ou même un mélange des deux) :
Le premier scénario consiste à reproduire à l’infini, dans un souci de fidélité à une certaine
tradition millénaire, les règles de contrôle mises en place, il y a des siècles, par des
théologiens omeyyades et non par le prophète. Ces règles sont devenues les règles
d’organisation générale du culte telles que nous les connaissons aujourd’hui. Elles
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établissent dans chaque mosquée, une sorte d’autorité religieuse de contrôle servant à la
domestication des sujets, au quadrillage de l’opinion publique et à la limitation des libertés.
Cette autorité religieuse est trop hiérarchisée, allant, si on commence par le bas de l’échelle,
de l’imam et de ses assistants jusqu’au grands Maîtres des écoles de jurisprudence et des
Hadiths, tout en passant par des Cheikhs intermédiaires, morts ou vivants. Dans ce même
schéma, l’imam est télécommandé du palais royal (ou présidentiel), par la voie d’une
hiérarchie religieuse officielle, centralisé à l’échelle nationale avec des délégations
régionales et locales. Ce qui explique le fait que dans la plupart des pays arabes, le Ministère
des Affaires Islamiques jouit d’une place centrale au sein du pouvoir exécutif et est
considéré un des principaux ministères de souveraineté !
Le deuxième scénario consiste à imiter, dans les détails et dans un esprit malveillant ou
simplement naïf, les pratiques associatives d’autres cultes. Sans se poser la question sur la
pertinence et la convenance d’une telle contrefaçon misérable. Puisque, si le judaïsme
rabbinique et le catholicisme se construisent, fondamentalement, autour d’autorités
religieuses hiérarchisées et largement admises au sein de leurs communautés respectives, le
culte mohammadien se refuse à toute hiérarchisation et à toute autorité.
Raison pour laquelle, je plaide pour une réforme pure et simple des mosquées afin d’y
définir, dans la concertation populaire, des règles simples et cohérentes avec l’esprit qui
régnait jadis au sein de la « mosquée/Al-Jami’i » de Mohammad où nulle ne prétendait, pas
même le prophète, un quelconque pouvoir sacral ou une quelconque entremise entre Dieu
et les gens.
Les lois en vigueur – en particulier la loi de 1905 et la loi relatives aux associations dite de
1901 – représentent à cet égard, un cadre juridique garantissant la légalité de la réforme
souhaitée. Ce cadre le sera encore davantage lorsque le législateur français reconnaîtrait,
dans un amendement apporté à la loi 1905 la spécificité organisationnelle des lieux de
cultes dits musulmans et mettrait la définition des fameuses règles d’organisation générale
du culte entre les mains de la collectivité plurielle qui fréquente les mosquées et non entre
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les mains d’une quelconque oligarchie religieuse autoproclamée, cooptée ou alliée aux pays
étrangers.
« Mosquée réformée » : Et si on essayait une gestion multi-
associative ?
Par ailleurs, si la question des règles d’organisation générale du culte est sujette à
controverse, la gestion des lieux du « culte musulman » qui est, juridiquement, conférée aux
associations cultuelles n’est pas remise en cause. Puisqu’il doit y avoir une structure qui
prendra en charge la gestion, la financiarisation et l’entretien au quotidien de ces lieux. Ceci
dit, rien n’empêche la domiciliation sociale et la cœxistence avec d’autres associations, loi
1901, au sein du même édifice à côté de l’association cultuelle.
En effet, les articles 18 et 19 de la loi de séparation stipulent que l’association cultuelle doit
avoir exclusivement pour objet l’exercice du culte. En d’autres termes, elle doit se charger
uniquement des tâches relevant de l’exercice cultuel, de sa subvention et de l’entretien de
son édifice.
Force est de constater aujourd’hui que de nombreuses associations, se définissant comme
cultuelles, enfreignent cette restriction réglementaire et élargissent maladroitement leurs
objets et champs d’actions. L’association cultuelle, en la personne de ses dirigeants,
s’occupe de tout ; contrôle tout ; monopolise tout ; organise tout ; exige un droit de regard
sur tout ;… Et lorsqu’elle veut jouer la carte de la diversité et de l’ouverture vis-à-vis de
l’extérieur, elle choisi l’ambiguïté du discours en se définissant tantôt comme association
cultuelle tantôt comme association à vocation culturelle ou socioculturelle. Et parfois, elle
crée d’autres associations-écrans, soi-disant spécialisées et à objet culturel en intronisant à
leurs têtes, des équipes inféodées, qui seront les gardiens des principes idéologiques que
l’association-mère défend.
Pour sortir de ce « guet-apens » associatif préjudiciable, une des solutions qui me paraît
efficace consiste à opérer deux changements capitaux :
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Premièrement, il faut que l’association cultuelle redevienne de nouveau cultuelle en se
chargeant exclusivement, et comme le préconise la loi, de l’exercice du culte, de sa
subvention et de l’entretien de son immobilier.
Et deuxièmement, il est indispensable de rendre accessible toute autre action associative au
sein de la structure. Il est temps que l’associatif de domination disparaisse et que
l’associatif de coopération naisse. Cela se traduit par l’établissement d’un système
favorisant la création et la domiciliation sociale d’autres associations au sein de l’édifice, à
condition de satisfaire nécessairement les trois conditions ci-après :
La première condition stipule que l’association candidate accepte de signer une charte (ou
un texte-cadre) reprenant, entre autres, les six piliers susmentionnés de la « mosquée
réformée » ; rappelant le fonctionnement multi-associatif et les fonctions de la structure ;
énumérant les droits et les devoirs de chacun et explicitant les responsabilités des
associations adhérentes.
La deuxième condition stipule que cette association accepte de signer les statuts et le
règlement intérieur de la structure. Tout en se préservant le droit de proposer lors des
assemblées générales, si besoin est, des modifications et des améliorations pour qu’ils
assurent au mieux le fonctionnement multi-associatif.
La troisième condition préconise que l’association s’engage à participer financièrement, de
manière périodique, aux frais de fonctionnement et de l’entretien des lieux. Cette
participation sera versée dans le compte de l’association cultuelle et sera rajoutée aux
cotisations et aux dons dont bénéficie celle-ci.
Une fois ces trois conditions sont et en plus réunies, toute association pourra bénéficier de la
domiciliation de son siège sociale au sein de la structure et de tout l’espace de celle-ci pour
les réunions et les activités. Aucune autre considération ne devra se rajouter à ses trois
conditions. L’association cultuelle n’a pas à autoriser ni à interdire, sur la base de
considérations idéologiques, théologico-politiques, ethniques, racistes ou autres, une
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association qui accomplit ces trois conditions. Elle ne doit pas non plus outrepasser son objet
cultuel ou s’ingérer dans les affaires internes des autres associations membres.
Chaque association adhérente gardera certes sa vision, sa personnalité, son projet et son
indépendance. Néanmoins, le cortège associatif devra trouver une, ou des, ère(s) d’entente
pour que la structure ne soit pas uniquement le théâtre d’une juxtaposition d’entités
indépendantes et égoïstes, mais au contraire, qu’elle soit l’espace où, à partir de la
multiplicité d’entités, d’approches et de projets où on réussira à en créer du sens et en
produire une synergie merveilleuse.
Les associations devront se parler, travailler ensemble, mutualiser les expériences et
s’entraider réciproquement. Les valeurs de la « mosquée réformée » devront voir leurs
empruntes sur la dynamique associative fleurissant en son sein. Elle devra favoriser
davantage et encourager les initiatives partenariales.
La « mosquée réformée » – voir l’organigramme ci-après – aura, juridiquement parlant, le
statut d’association loi 1901. Elle sera dirigée par un conseil d’administration représentatif
de toute la dynamique de la structure (associative et non associative). Ce conseil sera
composé de deux collèges élus à des proportions qui resteront à définir, selon la taille de la
structure, le nombre des adhérents et le nombre des associations. Il s’agit du collège des
associations adhérentes et le collège des personnes physiques indépendantes et qui
n’adhèrent pas forcément à la dynamique associative.
Organigramme de l’association « mosquée réformée »
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Dans le collège des associations, seule l’association cultuelle sera membre permanent du
conseil administratif de la structure « Mosquée reformée ». Car c’est bien elle qui s’occupera
du culte, de sa gestion et de l’entretien du bâtiment. Et de ce fait, sa présence permanente
au sein du conseil d’administration, va de soi.
Cependant, et à part ce privilège, elle n’aura pas d’autres prérogatives concernant le vote. La
même règle de délibérations s’appliquera de la même façon à tout le monde, selon un
principe démocratique très simple : un membre du conseil d’administration = une voix.
« Mosquée Réformée » (Loi 1901)
Assemblée Générale
Conseil d’administration
Directoire
Collège des associations Collège des personnes physiques indépendantes
Bureau exécutif
Association Cultuelle Loi 1905
Association B Loi 1901
Association C Loi 1901
Association D Loi 1901
Association A Loi 1901
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Quant aux autres associations, elles concourront, à travers leurs candidates et candidats aux
autres sièges à pourvoir selon des modalités qui seront prévues par les statuts et par le
règlement intérieur de la structure. Des membres physiques indépendants, qui ne seront pas
représentés par les associations-membres, auront un nombre de sièges à pourvoir
proportionnellement à leur nombre dans la structure. La parité homme/femme devra être
observée rigoureusement.
Le conseil d’administration sera élu pour un mandat lors d’une assemblée générale élective
qui se tiendra selon une périodicité à définir. Ce conseil élira un président-coordinateur (ou
une présidente-coordinatrice) parmi ces membres. Celui-ci (ou celle-ci) formera son bureau
et le fera valider par le conseil. Il (ou elle) ne devra pas avoir un deuxième mandat à la tête
d’une autre association membre. Il (ou elle) ne pourra pas non plus occuper ce poste
pendant deux mandats successifs. La « mosquée réformée » devra faire preuve d’alternance
démocratique et du non-cumul des mandats.
Les membres du conseil d’administration ne devront être ni salariés ni rémunérés de leur
fonction d’administrateurs. Ils devront siéger alors à titre bénévole. Ce conseil
d’administration, en partenariat avec l’association cultuelle, pourra, si besoin est, recruter
un directoire ou un nombre du personnels salariés (Directeur ou directrice, secrétaire(s),
comptable, conseiller juridique,…) pour assurer le bon fonctionnement interne de la
structure. Le directoire pourrait participer, à titre consultatif sans qu’il puisse voter, aux
assemblées générales, aux réunions du conseil d’administration et aux réunions du bureau
de l’association.
Le conseil d’administration de la « mosquée réformée » étudiera les demandes de création,
de renouvellement ou de domiciliation de nouvelles associations au sein de la structure. Il
validera les plannings et les emplois d’occupation des lieux. Il sera aussi l’espace où des
initiatives partenariales, entre associations-membres, pourront naître et s’accentuer.
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Quel(s) rôle(s) resteraient-ils à l’association cultuelle ?
Dans ce schéma, l’association cultuelle gérera uniquement la partie qui lui revient de
droit/devoir. Elle assurera les bonnes conditions de célébration de la prière. En rapport avec
cette mission, la direction de la prière collective devra être repensée avec l’ensemble des
fidèles afin de prendre une décision concernant le maintien ou non, de la fonction de l’imam
rémunéré – qui coûte parfois plus de 20.000 € à la communauté des fidèles ce qui veut dire
plus de 50 % du montant de la cotisation mensuelle que ceux-ci doivent payer à
l’association !
Toutes les idées doivent être prise en considération, y compris, celle qui considère qu’il ne
doit pas y avoir un imam rémunéré pour guider les prières. D’ailleurs, nombreux sont ceux et
celles, parmi les fidèles bénévoles et volontaires, qui peuvent diriger et célébrer la prière
sans aucune contrepartie financière ! L’association pourra mettre en place une liste des
imams bénévoles et un planning hebdomadaire organisant cette fonction.
Si toutefois, pour une raison X ou Y, l’association cultuelle ferait le choix du maintien du
caractère salariale de la fonction d’imam, elle devra subvenir aux frais qui en résulteraient,
par les cotisations de ses propres adhérents. Les associations-membres de la « mosquée
réformée » ne devront pas être concernées par cette charge cultuelle.
Par ailleurs, l’association garantira aux hôtes de la maison de Dieu, quels qu’ils soient,
l’hospitalité et le bien-être. Elle s’occupera de l’entretien de l’édifice et de sa propreté. Elle
subviendra aux charges de fonctionnement et de l’entretien. Et pour cela, elle devra mettre
en place un budget annuel qui sera financé par les cotisations, les dons et par tout ce que
permet la loi. Les autres associations qui siègent au sein de la « mosquée réformée »,
contribueront aux charges liées à l’occupation des lieux (Electricité, Eau, Chauffage,
Téléphonie, Fax, Internet,…).
Aussi, l’association cultuelle pourra, en conformité avec les articles 20, 21 et 22 de la loi
1905, constituer des unions (locales, régionales,…) avec d’autres associations cultuelles
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d’autres « mosquées réformées ». Ces unions, ainsi constituées, remplaceront le CFCM et
ces institutions régionales. Elles pourraient faciliter la mutualisation, en priorité, de leurs
ressources financières et mettre en place des fonds de réserves, selon les modalités et les
restrictions prévues par la loi en vigueur. Et ce, dans un souci de prise en charge collective et
mutualiste des édifices de culte. Mais, en aucun cas, ces unions ne devront se transformer
en une sorte d’autorité religieuse régulatrice du contenu de la foi ou émettrice de fatwa.
Rassemblement du vendredi : Quatre principes et une déontologie
Le rassemblement du vendredi devra lui aussi retrouver sa fraîcheur et son esprit d’antan.
Autrement dit, il devra cesser d’être un spectacle d’exhortation où l’imam-prêcheur y fait
hebdomadairement son one man show idéologique et théologico-politique, dans le mutisme
des fidèles, qui sont réduits en spectateurs et consommateurs de la parole moralisante.
Pour cela, et pour l’ensemble des raisons évoquées dans les articles précédents, la fonction
d’imam-prêcheur devra disparaître purement et simplement. Le rassemblement devra
gagner en pluralisme.
Le rassemblement de vendredi, dans le cadre d’une gestion multi-associative de la
« mosquée reformée », deviendrait une sorte d’assemblée générale hebdomadaire et
informelle. Pendant laquelle, les associations qui y siègent, pourraient à tour de rôle, où
lorsqu’il y aurait nécessité, prendre la parole devant le public présent pour l’informer des
raisons de la tenue d’une activité, lui expliquer un projet, lui demander son avis, solliciter
son aide,… Le conseil d’administration de l’association « mosquée reformée » établira un
calendrier des interventions associatives.
Ce rassemblement pourrait servir aussi de moment d’échange et de réflexion collective sur
l’ensemble des questions susmentionnées et sur bien d’autres. A ce niveau, le conseil
d’administration de la « mosquée réformée » assurera la bonne tenue de ce rassemblement
en observant, autant que cela sera possible, les quatre principes suivants :
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Faire parler la diversité : L’atout majeur de la « mosquée reformée » sera sa diversité et son
pluralisme. Les intervenants lors du rassemblement devront refléter ce pluralisme. Il est
temps que toutes les tendances, toutes les écoles, tous les courants de pensée, puissent
s’exprimer librement et que la pensée unique disparaisse pour toujours.
Encourager le volontariat : La tribune de vendredi devra cesser d’être pris en otage par les
salariés de l’exhortation. Le respect de la tradition prophétique veut que ceux et celles qui
font le choix de guider les autres dans le droit chemin, doivent le faire à titre gracieux.
Bizarre quand même de lire, dans le Coran par exemple, que les prophètes travaillaient
comme tout le monde et refusaient de recevoir un quelconque salaire, en contrepartie de
leur missions de prophètes. Et de voir aujourd’hui des imams ou plutôt des salariés
présumés de Dieu courrant derrière des hauts salaires, des plans de carrière au sein des
associations cultuelles et refusent par la même d’aller travailler comme tout le monde ! Le
conseil d’administration devra faire appel à contribution et mettre en place un planning
périodique aux noms des intervenants (es).
Oser briser les tabous : Tous les sujets devront être traités avec sagesse mais sans
complaisance. Il est temps de risquer l’impensée collective en garantissant la liberté
d’expression !
Mieux répartir le temps de parole entre l’intervenant et le public : Monopoliser la parole
est contraire à l’esprit du rassemblement. De ce fait, une répartition équitable des temps de
parole, entre l’intervenant(e) et le public, devra être de rigueur.
En plus de ces quatre principes, le conseil de la « mosquée réformée » devra mettre en place
une charte déontologique qu’il fera signer par les différents (es) intervenants (es) pour
s’assurer de la bonne tenue du rassemblement de vendredi et des différentes réunions, se
tenant au sein de l’édifice. Des règles simples d’ordre éthique devront être rappelées. Par
exemple : Le respect de la dignité humaine ; l’acceptation de la diversité ; la protection des
libertés et notamment la liberté de conscience, de pensée et d’expression ; la non violation
des droits humains fondamentaux ; l’éthique du dialogue ;…
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Dans la même charte déontologique d’autres règles et articles de lois devront être
mentionnées. Par exemple :
« Les réunions pour la célébration d’un culte tenues dans les locaux appartenant à une
association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques… » (Art. 25 – loi 1905)
« Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à
l’exercice d’un culte » (Art. 26 – loi 1905)
« Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un
emprisonnement de six jours à dix mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui,
soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre
de perdre son emploi ou d’exposer un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune,
l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser
de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux
frais d’un culte » (Art. 31 – Loi 1905)
« Tout ministre d’un culte, dans les lieux où s’exerce ce culte, aura publiquement par des
discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées,
outragé ou diffamé un citoyen chargé d’un service public, sera puni d’une amende de
25.000 F et d’un emprisonnement d’un an, ou de l’une de ces deux peines seulement […] »
(Art.34 – loi 1905)
« Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où
s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux
actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des
citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un
emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans
le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile » (Art.35 –
loi 1905)…
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La « mosquée reformée » sera l’expression d’une diversité assumée et l’incarnation d’une
éthique de liberté, de dialogue et d’ouverture. Le rassemblement du vendredi en sera
l’ultime occasion et en sera aussi l’extraordinaire représentation. En son sein, l’éloge de tout
ce qui est humanisant, apaisant et modernisant sera mis à l’honneur. La célébration du divin
nourrira l’apologie de la modeste grandeur de l’humain qui, en s’accrochant bec et ongles à
ses libertés et à ses droits, se confirme davantage dans ces devoirs envers la cité des
Humains, envers la nature et se tourne confiant vers un avenir meilleur et pacifique.
Enfin…
Un an est déjà passé, depuis la publication du premier article « Mosquée dans la cité :
réalités et espoirs ! ». Et me voilà enfin, entrain de m’apprêter à mettre un point final à
cette aventure d’introspection et de prospective. Une aventure qui m’a permis, en
contrepartie d’un prix que je paye toujours, de revisiter mon passé récent associatif et d’en
témoigner avec franchise et sans complaisance. Cette aventure m’a déjà coûté des êtres qui
m’étaient chers : certains « amis » ou plutôt certains « frères » !
Cependant, elle m’a ouvert les yeux, Dieu merci, sur des facettes cruelles de la réalité : la
notre et celle dans laquelle sombre, depuis plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, de
nombreuses mosquées, ici comme ailleurs. Au fil des mois, une question me tracassait
l’esprit et me causait des insomnies chroniques :
Cette réalité tragique, serait-elle une fatalité inéluctable à laquelle, les mosquées ne
pourraient y échapper un jour ? Ou serait-elle simplement, l’expression d’une altération
ininterrompue, résultante d’un processus malintentionné, conduite par une minorité de
gens chevronnés, sans foi ni loi, qui se sont servis des mosquées afin d’asseoir leurs autorités,
d’accroître leurs richesses, d’élargir leurs cercles d’influence au prix d’abrutir, de pervertir,
d’asservir, au nom de Dieu, des générations successives et de sacrifier l’intelligence
collective et la paix, chère aux humains, sur l’autel de vils intérêts personnels ?
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Aujourd’hui, ma réponse s’est exprimée à travers cette série de témoignages et d’articles. Il
s’agit vraisemblablement d’une altération profonde dont les prémices se sont manifestées,
quelques dizaines d’années après la mort de Mohammad. Au moment où les Omeyyades ont
réussi à reconquérir, aidés par des théologiens mercenaires, les pouvoirs qu’ils avaient perdu
du vivant du prophète. Ils avaient mis la main sur la « mosquée/Al-Jami’i » qui représentait
le centre de gravité et aussi la pierre angulaire de la construction sociale que Mohammad
avait initié autour des valeurs de la fraternité, de la solidarité et du vivre ensemble.
Au-delà de ce constat amer, je crois profondément qu’il y a des antidotes à cette altération,
donc il y’a de l’espoir. J’ai proposé quelques pistes de réflexions et aussi quelques chantiers
d’action. Et bien que je sois conscient que, peut-être, ces propositions resteraient inaudibles
pour longtemps car les mosquées sont tellement verrouillées par les héritiers théologico-
politiques des Omeyyades, je crois en notre capacité collective et en la capacité des
générations futures à restaurer la version originale de la « mosquée/Al-Jami’i » sous une
forme tout à fait contemporaine et adaptée que l’on pourrait baptisée : la « mosquée
reformée ».
Dans l’attente, qui durera, un an … dix ans … un siècle … voire dix siècles ou plus, je me suis
attelé à construire ma propre « mosquée reformée » dans l’intimité de mon cœur !
Je l’ai construit sans murs, donc sans portes … ouverte sur les quatre directions
géographiques … prenant de là où je mets mon pied, un sol … prenant de l’horizon que
peuvent atteindre mes yeux, un toit … une mosquée plutôt dynamique car elle
m’accompagne là où je vais … et même lorsque je me résigne à marcher, elle m’emmène là
où je n’ai jamais rêver auparavant voyager … Un coup, elle me fait visiter l’histoire pour me
raconter la tragédie terrible de son arrière grand-mère la « mosquée/Al-Jami’i » que la
sagesse prophétique avait bâtie et que malheureusement, l’alliance théologico-politique
avait anéantie … Un coup à travers notre époque pour me montrer la condition calamiteuse
dont laquelle se trouvent ses soi-disant semblables … Et un coup vers l’avenir pour me faire
partager son souhait le plus profond : voir un jour fleurir, dans ce monde, là quelque part, ne
serait-ce qu’une « mosquée réformée » affranchie de tout joug et proclamant son
appartenance à l’humanité toute entière…
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Ma mosquée intime reste toujours éveillée en moi, même lorsque je réussis à somnoler en
son sein … elle me procure de la joie pendant mes instants de tristesse … elle ne met aucun
obstacle devant les gens qui souhaitent simplement s’asseoir en son calme, le temps d’une
prière, ou pendant quelques minutes de méditation … elle n’exclut personne car elle se
refuse à toute exclusion …
Ma « mosquée reformée » me dit lève-toi, marche et avance car le chemin de ton humanité,
tu ne pourras l’emprunter en reculant … marche et avance car la paix à laquelle tu aspires, tu
ne pourras l’atteindre en faisant du surplace … marche et avance car le Dieu auquel tu crois,
te dis : « Ô humain, qui t’efforces de rencontrer ton Seigneur, sache que, en persévérant,
sûrement tu le rencontreras »…
Un jour elle s’est confiée à moi, en me disant : « Dis à ton prochain, si par nostalgie ou par
amour, tu souhaites me restaurer une nouvelle fois à l’image de l’esprit de mon arrière
grand-mère, construit-moi, d’abord dans ton cœurs ! Le reste coulera de source ».
Notes :
(*) J’ai emprunté l’expression du discours que Martin Luther King avait prononcé sur les marches de Lincoln
Memorial le 28 août 1963. Le combat pour la liberté ne connaît pas, et ne connaîtra peut-être jamais de répit.
(1) Nicolas Sarkozy, La République, les religions, l’espérance, éditions du Cerf, Paris, 2004, p. 83-84
(2) Ibid., p. 83
(3) Une récente déclaration du recteur de la mosquée de Lille-Sud, dans une interview accordée à
Saphirnews.com, confirme expressément cette idée. En effet, le recteur, en rependant à une question de la
journaliste, a dit, je cite : « Je ne faisais personnellement pas partie du débat parce qu’en tant qu’autorité
religieuse, je dois respecter mes limites… ». Personnellement, je n’ai pas compris ce qu’il a voulu dire d’abord
par « autorité religieuse » ? Je n’ai pas non plus saisi ce sur quoi, il se base pour la proclamer et pour l’exercer
royalement, depuis presque 30 ans !